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N° 1021

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

en conclusion des travaux d’une mission d’information sur
l’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie,

 

Président
M. Olivier FALORNI
 

Rapporteurs
Mme Caroline FIAT et M. Didier MARTIN

 

——

 

 

 

 

La mission d’évaluation est composée de :

 

M. Olivier Falorni, président ; Mmes Laurence Cristol, Justine Gruet et Joëlle Mélin, vice-présidentes ; Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs ; MM. Thibault Bazin, Hadrien Clouet, Pierre Dharréville, Mmes Sandrine DogorSuch, Nicole Dubré-Chirat, MM. Jérôme Guedj, Serge Muller, Laurent Panifous, Mmes Astrid Panosyan-Bouvet, Sandrine Rousseau, MM. Jean-François Rousset, Frédéric Valletoux et Philippe Vigier.

 


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SOMMAIRE

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synthèse du rapport

Les recommandations

Avant-propos de M. Olivier FALORNI, président de la mission d’ÉVALUATION

Introduction

I. La loi Claeys-Leonetti constitue une composante importante de l’édifice législatif encadrant la fin de vie

A. La fin de vie a été encadrée par plusieurs lois successives

B. La loi Claeys-Leonetti consolide le cadre législatif relatif à la fin de vie

1. Une loi porteuse de nombreuses avancées pour les droits des patients

2. Les pouvoirs publics ont cherché à accompagner la loi d’une impulsion nouvelle

II. Une évaluation menée dans un contexte singulier

A. Une mise en œuvre de la loi difficile à évaluer quantitativement

B. Un débat autour de la question de la fin de vie très prégnant dans l’actualité

Partie I – UN ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS INSATISFAISANT

A. Une offre de soins palliatifs insuffisante

1. Le développement progressif d’une offre palliative graduée

a. Une offre palliative graduée

b. Une offre palliative en progression

c. Des besoins croissants qui demeurent difficiles à évaluer

2. Une offre palliative à renforcer

a. Des disparités territoriales persistantes

b. Un manque criant de personnels soignants

c. Une offre ambulatoire à renforcer en priorité

3. Des modalités de financement peu adaptées à une prise en charge palliative optimale

B. Une culture palliative qui peine À se diffuser

1. Une formation insuffisante des professionnels de santé aux soins palliatifs et, plus globalement, aux questions liées à la fin de vie et à la mort

a. Une discipline universitaire insuffisamment valorisée

b. Un accent très faible porté sur la question de la fin de vie dans les études médicales et paramédicales

2. Des soignants formés à guérir plutôt qu’à soigner

a. Une fin de vie envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique…

b. ... ce qui affecte la qualité de la prise en charge palliative

Partie II – Les directives anticipées et la personne de confiance, des avancÉes limitÉes dans les faits

A. Des dispositifs garantissant le respect de la volontÉ des malades

1. Les dispositions prévues par la loi Claeys-Leonetti

a. La place renforcée des directives anticipées et de la personne de confiance

i. Des directives anticipées rénovées

ii. La précision du statut du témoignage de la personne de confiance

b. Le refus de l’obstination déraisonnable

2. La mise en œuvre des dispositions législatives

B. Des dispositifs qui demeurent mÉconnus et imparfaits

1. Les directives anticipées et la personne de confiance, des dispositifs peu connus

a. Les directives anticipées, un outil peu utilisé

b. La personne de confiance, une notion de mieux en mieux appréhendée

2. Des dispositifs parfois inadaptés

a. Des directives anticipées souvent peu traçables et parfois inapplicables

b. Les limites des dispositions relatives à la personne de confiance

3. La persistance d’une conflictualité source de contentieux

C. Renforcer l’effectivitÉ et la traçabilitÉ des directives anticipÉes et de la personne de confiance

1. Des dispositifs qui constituent des avancées pour les droits des patients

a. Maintenir le cadre juridique des directives anticipées et favoriser son application en laissant à chacun la liberté d’exprimer sa volonté

b. Appréhender la personne de confiance comme un dispositif complémentaire aux directives anticipées

2. La nécessité de mieux faire connaître ces dispositifs

a. Communiquer largement

b. Vers une meilleure traçabilité des directives anticipées et de la personne de confiance

3. Renforcer l’accompagnement de la fin de vie

a. Associer largement les professionnels de santé à la mission d’information sur la fin de vie

b. Intégrer les directives anticipées dans une discussion anticipée sur la fin de vie

c. Soutenir l’action des associations

Partie III – LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU’AU DÉCÈS, UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE essentielle MAIS TRÈS PEU UTILISÉe

A. Une avancée importante de la loi CLaeys-leonetti

1. L’instauration d’un nouveau droit strictement défini

a. L’inscription dans la loi d’un droit nouveau

b. Une procédure très encadrée

i. Un usage réservé à des situations précises

ii. Une procédure encadrée et réglementée

2. Une inscription dans la loi qui a permis de sécuriser juridiquement les professionnels de santé

B. Un recours très limité dans les faits

1. Une mise en œuvre rare et hétérogène de la SPCJD

a. Une absence de traçabilité

b. Un recours à la SPCJD restreint et hétérogène

i. Une procédure peu utilisée…

ii. …et dont les modalités de mise en œuvre sont variables

2. Une procédure très difficile à mettre en œuvre hors de l’hôpital

a. Un accès aux médicaments longtemps entravé

b. Un besoin de présence et de surveillance particulièrement soutenues

c. Garantir le droit à la sédation profonde et continue hors de l’hôpital

C. Une procédure qui interroge

1. La sédation profonde et continue chez l’enfant, une procédure particulièrement délicate

2. L’intentionnalité de la SPCJD en question

a. La question de l’intention, au cœur de la SPCJD

b. Dans les faits, la persistance d’une confusion autour de cette pratique

3. Un questionnement éthique autour de certains aspects de la SPCJD

a. Une procédure incertaine

b. L’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation en question

c. L’absurdité d’une situation où le malade « n’en finit pas de mourir »

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

contributions DES MEMBRES DE LA MISSION

I. Contribution de M. Thibault Bazin

II. Contribution de M. Pierre dharréville

III. Contribution de MMe Justine Gruet

Annexe N° 1 : Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 crÉant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

Article 1er

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Article 6

Article 7

Article 8

Article 9

Article 10

Article 11

Article 12

Article 13

Article 14

Annexe N° 2 : Mesures réglementaires D’application de la loi

ANNEXE  3 : L’évolution de l’encadrement de la fin de vie en France ()

ANNEXE  4 : Les modèles de directives anticipées proposés par le ministère de la santé (extraits) ()

ANNEXE  5 : Liste des sigles utilisÉs

ANNEXE  6 : Liste des personnes auditionnÉes

Annexe n°7 : Liste des déplacements DU PRÉSIDENT ET DES RAPPORTEURS

 


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synthèse du rapport

La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, loi dite « Claeys-Leonetti » du nom de ses co-auteurs et co-rapporteurs, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, est venue consolider l’édifice législatif encadrant la fin de vie en France, onze ans après l’adoption de la loi dite « Leonetti ».

Composée de quatorze articles, elle garantit notamment de nouveaux droits pour les patients en consacrant le caractère contraignant des directives anticipées, le renforcement du rôle de la personne de confiance et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCJD). Elle réaffirme par ailleurs le refus de l’obstination déraisonnable, le droit à une fin de vie digne ou encore l’accès aux soins palliatifs pour tous.

Sept ans après la promulgation de la loi, la mission d’évaluation dresse le bilan de l’application de la loi afin d’alimenter et d’éclairer le débat public actuel sur la question de la fin de vie. Force est de constater que les dispositions de la loi restent largement méconnues des patients mais aussi des soignants.

● La mission a tout d’abord pu relever que l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant.

Apparus dans les années 1980 en France, les soins palliatifs ont été développés dans le cadre de cinq plans nationaux dont le dernier a été lancé en 2021. Consacré par le législateur en 1999, le droit d’accéder aux soins palliatifs a été réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti : selon son article 1er, les malades ont le droit d’avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Fin 2021, la France disposait de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs, dont 1 980 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) répartis dans 171 unités de soins palliatifs (USP) et 5 566 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) situés dans 904 établissements. On comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).

La cartographie des soins palliatifs est cependant marquée par des disparités territoriales (vingt et un départements ne disposaient pas d’unités de soins palliatifs fin 2021). Ce constat questionne donc l’effectivité de l’accès aux soins palliatifs. Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès. En l’absence de données robustes, la mission n’a pas été en mesure d’évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs.

En revanche, il est certain que, compte tenu de l’évolution de la démographie française, il est indispensable de continuer à développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout en France.

Cela suppose de rendre plus attractive cette filière qui est affectée par la pénurie de soignants. Il manque aujourd’hui plus de cent médecins dans les structures de soins palliatifs existantes.

Cette situation complique l’accès aux soins palliatifs à domicile tout particulièrement, y compris en établissement médico-social, dans un contexte d’évolution de l’offre (disparition des réseaux de soins palliatifs). Bien que plébiscité par les Français, le maintien à domicile peut s’avérer délicat au regard des implications d’une prise en charge palliative, en particulier pour les aidants.

Les modalités de financement du système de santé apparaissent peu adaptées à l’amélioration de la prise en charge palliative, que ce soit en ville ou à l’hôpital. Ainsi, la tarification à l’activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. Pire, la T2A peut favoriser des pratiques conduisant à de l’obstination déraisonnable dans les services de spécialité, alors même que les soins palliatifs apporteraient une meilleure réponse aux besoins des malades.

Par ailleurs, les professionnels de santé sont toujours davantage formés à guérir qu’à soigner. La mort est souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort alors même que les prises en charges curative et palliative doivent être menées conjointement.

Une forte étanchéité perdure en effet entre les soins curatifs et les soins palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs. Il est donc essentiel de mieux sensibiliser les soignants aux soins palliatifs et de rendre obligatoires les formations, initiales et continues, en soins palliatifs, en particulier pour les médecins.

● La mission a constaté que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées dont la portée est limitée dans les faits.

La loi Claeys-Leonetti a rénové le cadre juridique des directives anticipées en élargissant leur champ, en renforçant leur statut et en les rendant plus accessibles aux professionnels de santé. Elle a renforcé significativement leur portée juridique en les rendant contraignantes pour le médecin, sauf exceptions.

Le rôle de la personne de confiance a également été renforcé. Elle témoigne désormais, et son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.

Le recours aux directives anticipées demeure très insuffisant à ce jour. Même lorsqu’elles connaissent ce dispositif, rares sont les personnes qui rédigent leurs directives anticipées. Ainsi, selon une enquête d’octobre 2022 pilotée par le Conseil national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), seuls 18 % des répondants connaissant les directives anticipées (33 % pour les plus de 65 ans), soit moins de 8 % de l’ensemble des répondants, ont rédigé leurs directives anticipées.

La notion de personne de confiance semble mieux connue que celle de directives anticipées, même si une confusion existe parfois sur le rôle de cette personne, trop souvent comprise comme étant la personne de contact.

Les travaux de la mission montrent que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées pour les droits des patients qu’il ne faut pas remettre en cause, bien que l’application de ces dispositifs soit perfectible.

Il importe de conserver la plus grande liberté dans la rédaction des directives anticipées, tout en tenant à disposition de chacun toutes les ressources pouvant faciliter leur rédaction.

L’enjeu serait plutôt d’informer et de sensibiliser pour mieux faire connaître et appliquer la loi Claeys-Leonetti auprès de tous nos concitoyens, patients ou non, professionnels ou accompagnants. Enfin, il apparaît nécessaire de renforcer la présence et les échanges autour de la fin de vie afin de mettre en œuvre un véritable travail d’appropriation et de compréhension de la fin de vie, facilitant la réflexion de chacun. Des « discussions anticipées » avec les professionnels de santé pourraient ainsi être mises en œuvre à cette fin.

● Si la sédation profonde et continue jusqu’au décès s’avère une évolution législative essentielle, elle est en réalité très peu utilisée.

La SPCJD, associée à une analgésie, constitue la principale innovation de la loi Claeys-Leonetti. Son inscription dans la loi contribue au renforcement des droits des patients et notamment celui de ne pas souffrir et de ne pas subir d’obstination déraisonnable.

Si la SPCJD figurait déjà, avant 2016, parmi les pratiques médicales exercées pour les patients arrivés en phase terminale d’une maladie, la loi Claeys-Leonetti a permis d’y apporter un cadre. Il s’agit d’une pratique très règlementée, réservée aux patients dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Le principal constat qu’a pu faire la mission est celui d’un recours très rare à la pratique de la SPCJD. La prévalence de cette dernière est en effet estimée à 0,9 % selon une étude récente (étude PREVAL-S2P).

Très limité, le recours à la SPCJD est par ailleurs variable selon le lieu de prise en charge. Le type de structure apparaît plus déterminant que la spécialité pour expliquer les différences de recours à la SPCJD. Ainsi, la prévalence des sédations profondes est croissante avec le renforcement de l’équipe pluridisciplinaire (elle est davantage mise en œuvre en USP qu’en LISP).

La loi Claeys-Leonetti précise que la SPCJD doit pouvoir être accessible à toute personne qui le demande et qui en remplit les conditions, y compris à domicile. Or, cette pratique apparaît difficile, voire quasiment impossible à mettre en œuvre en dehors de l’hôpital. D’une part, l’accès aux médicaments et aux produits n’est pas toujours possible en ville et, d’autre part, cette pratique requiert des conditions de présence et de surveillance particulièrement exigeantes.

Dans la pratique, semble persister une confusion autour du sens de la SPCJD et de l’intention qui la sous-tend. Certains dénoncent en effet une forme d’hypocrisie autour de cette pratique.

Au-delà de l’enjeu de l’intention, plusieurs questions éthiques se posent, s’agissant notamment du bon moment où enclencher cette sédation et du risque de réveils, du ressenti du patient ou encore, de la situation dans laquelle la sédation s’étend sur un temps considéré comme déraisonnable.

Le moment opportun où enclencher la SPCJD, qui ne peut intervenir que lorsque le pronostic vital du patient est engagé « à court terme », n’est pas facile à évaluer.

La SPCJD suscite une forme de réticence chez certains soignants qui pourrait expliquer le faible recours à cette pratique. Une enquête, menée pour le compte du CNSPFV en 2021, a ainsi montré la crainte très forte d’outrepasser le cadre de la loi Claeys-Leonetti, la frontière entre la SPCJD et l’euthanasie étant perçue comme relativement floue.

● En conclusion, les travaux de la mission montrent que le cadre juridique institué par la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des situations de fin de vie et que, dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir lorsqu’ils sont pris en charge et accompagnés de manière adéquate.

Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, tel que l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique dans son avis n° 139, en septembre 2022. Dans le contexte du débat public actuel, la question de l’aide active à mourir a souvent été longuement et spontanément évoquée par les personnes auditionnées, alors qu’elle n’était pas l’objet de la mission d’évaluation.

Bien que minoritaires, ces situations méritent sans doute notre attention. Il est crucial que le législateur, à la suite de la Convention citoyenne, débatte et se positionne prochainement sur cette question.


   Les recommandations

I- AMÉLIORER LES CONNAISSANCES SUR L’APPLICATION DE LA LOI ET PLUS LARGEMENT SUR LA FIN DE VIE

1 – Renforcer les moyens alloués au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie et garantir sa pérennité.

2 – Développer la collecte de données et les travaux de recherche sur la fin de vie, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades et de leurs proches.

3 – Modifier l’article 14 de la loi pour prévoir la remise tous les deux ans, et non plus chaque année, d’un rapport au Parlement évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.

II- GARANTIR L’ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS

4 – Poursuivre le développement de l’offre palliative dans les établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi qu’à domicile afin de garantir l’accès aux soins palliatifs à tous les malades.

5 – Élaborer des indicateurs pour mesurer précisément l’adéquation de l’offre de soins aux besoins en soins palliatifs.

6 – Lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur des soins palliatifs.

7 – Revoir le modèle de financement des soins palliatifs :

– Remettre en cause le modèle actuel de la tarification à l’activité et faire évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l’activité ;

– Assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers ;

– Élargir la prise en charge des consultations à domicile dans le cadre de soins palliatifs (consultations longues, ergothérapeutes, psychologues, etc.).

8 – Généraliser les formations à la fin de vie et à l’approche palliative pendant les études des professionnels de santé et pendant leur carrière, en associant cultures palliative et curative.

9 – Développer la filière palliative comme discipline autonome :

– Créer un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative ;

– Explorer la possibilité de créer une spécialité d’infirmier en soins palliatifs.

10 – Favoriser le travail et les échanges interprofessionnels afin de favoriser une prise en charge palliative plus en amont dans le parcours de soins.

III- MIEUX FAIRE CONNAÎTRE LES DIRECTIVES ANTICIPÉES ET LA PERSONNE DE CONFIANCE

11 – Préserver les dispositions de la loi concernant les directives anticipées et la personne de confiance, dont la modification n’apporterait pas d’améliorations significatives ni sur le plan juridique ni dans le traitement de la fin de vie de l’enfant.

12 – Simplifier les formulaires relatifs aux directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, en prévoyant notamment une version facile à lire et à comprendre (Falc), et les diffuser largement.

13 – Établir un guide à destination des personnes désignées personne de confiance, pour leur permettre de bien comprendre cette fonction.

14 – Harmoniser les définitions de la personne de confiance données par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles.

15 – Communiquer largement sur l’intérêt des directives anticipées et de la personne de confiance, par une campagne nationale et par des campagnes ciblées.

16 – Encourager les professionnels de santé à informer et accompagner les patients dans la rédaction de leurs directives anticipées et la désignation de leur personne de confiance.

17 – Développer les discussions anticipées, en amont de la rédaction des directives anticipées, dans le cadre de consultations dédiées, prises en charge par l’assurance maladie.

18 – Lancer une campagne de communication nationale afin de sensibiliser les Français à la question de l’accompagnement des malades et dynamiser l’action de bénévoles aux côtés des professionnels de santé.

IV- RENDRE EFFECTIF LE DROIT À LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU’AU DÉCÈS

19 – Créer un codage spécifique de l’information de sédation profonde et continue au sein du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram) afin de garantir la traçabilité de ce dispositif.

20 – Inclure obligatoirement l’équipe pluridisciplinaire dans la procédure collégiale pour enclencher une sédation.

21 – Assurer l’accès en ambulatoire des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD :

– Recenser l’ensemble des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD et assurer leur accès en ville afin de faciliter la mise en œuvre de la SPCJD à domicile ;

– Communiquer à grande échelle auprès des professionnels de santé sur la disponibilité de ces produits.

22 – Assurer l’accès permanent aux équipes mobiles de soins palliatifs et à l’hospitalisation à domicile pour la mise en œuvre de la SPCJD à domicile en renforçant considérablement les moyens dédiés à ces structures et en généralisant les astreintes téléphoniques d’assistance à la SPCJD.

23 – Mettre le médecin traitant volontaire au cœur de la procédure du SPCJD à domicile et lui donner les moyens d’assurer ce rôle.

24 – Favoriser l’accès à des auxiliaires de vie à domicile pour assurer la présence continue d’un tiers pendant la durée de la SPCJD.

25 – Préciser dans la loi que le refus de l’obstination déraisonnable s’applique aux mineurs.

26 – Établir des recommandations ciblées pour la mise en place de la SPCJD chez l’enfant non capable de discernement.

27 – Permettre aux personnels soignants ayant participé à la procédure collégiale précédant la mise en place d’une SPCJD de se réunir à nouveau s’ils considèrent que la SPCJD dure un temps déraisonnable, afin de se positionner sur l’adaptation des soins à apporter au patient.

 

 


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   Avant-propos de M. Olivier FALORNI,
président de la mission d’ÉVALUATION

La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, loi dite « Claeys-Leonetti », du nom de ses deux auteurs, a désormais sept ans. Si des évaluations ont été réalisées, dès 2018, par l’Inspection générale des affaires sociales ([1]) ou encore par le Conseil d’État ([2]) dans le cadre de la préparation de la révision de la loi de bioéthique, aucune évaluation parlementaire n’avait été effectuée jusqu’à présent. Il était donc temps que la présente mission soit lancée !

Pendant un peu plus de deux mois, la mission d’évaluation a entendu une grande diversité d’acteurs – quatre-vingt-dix au total au cours de trente-et-une auditions organisées à l’Assemblée nationale –, ayant souvent des approches différentes du sujet, afin d’acquérir une vision globale de l’application de la loi. Ont ainsi été auditionnés, entre autres : les co-auteurs et co-rapporteurs de la loi, des représentants de plusieurs catégories de professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants), des représentants d’institutions ou d’organisations ayant travaillé sur la mise en œuvre ou l’évaluation de la loi, des représentants du ministère de la santé, des représentants des sociétés savantes, des associations actives sur le sujet de la fin de vie ou des associations de bénévoles accompagnant les malades, des fédérations d’établissements ou d’hospitalisation à domicile, des professeures de droit, des philosophes, des écrivains, des représentants des cultes monothéistes ou encore des obédiences maçonniques. Parallèlement à ces auditions, qui ont toutes fait l’objet d’une retransmission sur le site de l’Assemblée nationale et qu’il est possible de retrouver sur le portail vidéo, les membres de la mission ont pu aller à la rencontre des patients et de leurs proches ainsi que des professionnels de santé, dont il faut saluer le dévouement.

*

Les travaux de la mission ont rapidement montré que, même sept ans après sa promulgation, l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti ne constitue pas un exercice aisé.

Tout d’abord, les dispositions de la loi demeurent largement méconnues des patients, mais aussi des soignants. Alors que la loi, en rendant contraignantes les directives anticipées et en réaffirmant le rôle de la personne de confiance, est porteuse d’avancées majeures, ces dispositifs restent trop peu mobilisés. De toute évidence, il nous faut préserver ces droits des patients et il est indispensable que les pouvoirs publics, via le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie notamment, les fassent mieux connaître. La rédaction des directives anticipées devrait faire l’objet d’un accompagnement, si possible par des professionnels de santé, dans le cadre de consultations dédiées.

Ensuite, il est aujourd’hui difficile d’effectuer une évaluation quantitative de l’application de la loi en l’absence de données robustes, notamment sur la pratique des différents types de sédations. Ceci est particulièrement regrettable. S’agissant de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui est manifestement pratiquée de manière exceptionnelle, les témoignages recueillis ont démontré qu’il s’agit d’un droit inconnu de la plupart des malades et d’un acte médical délicat qui implique une surveillance très régulière, si bien que l’on peut s’interroger sur son effectivité en dehors des établissements hospitaliers.

Par ailleurs, en dépit d’une offre qui progresse, l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant alors même qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour la qualité de la prise en charge de la fin de vie et le respect des droits des malades. S’il est impossible à ce jour de mesurer précisément les besoins en soins palliatifs, les auditions ont mis en lumière les carences de notre système de santé, que ce soit à l’hôpital, dans les établissements médico-sociaux, pour personnes âgées ou personnes en situation de handicap, et à domicile. Ces faiblesses sont étroitement liées à la pénurie croissante de soignants, mais aussi aux défauts du modèle de financement, en particulier dans les établissements de santé : la tarification à l’activité apparaît peu adaptée, en l’état actuel, face à la nécessaire amélioration de la prise en charge palliative. Pire, celle-ci peut favoriser des pratiques conduisant à de l’obstination déraisonnable, alors même que les soins palliatifs pourraient apporter une meilleure réponse aux besoins des malades.

De façon plus générale, il ressort des travaux de la mission que la diffusion de la culture palliative s’avère prioritaire. Cela passe par l’intégration des soins palliatifs dans la formation obligatoire des professionnels de santé, à commencer par les médecins, quelle que soit leur spécialité, l’essor d’une filière universitaire dédiée, une plus grande sensibilisation des soignants et du grand public aux soins palliatifs qui ne doivent pas être perçus comme des échecs thérapeutiques. Il convient de relever à cet égard que persiste un malentendu : les soins palliatifs peuvent constituer une étape intermédiaire, et non pas nécessairement une étape finale, dans un parcours de soin. Ce changement de regard doit permettre de sortir du cloisonnement entre les soins curatifs et les soins palliatifs et s’accompagner d’un développement au long cours de l’offre palliative en France.

Force toutefois est de constater que la mort reste un sujet tabou dans notre société, un sujet qui a encore trop souvent du mal à être verbalisé par les malades, leurs proches et les soignants. Le rapport à la mort est très marqué par des conceptions religieuses ou philosophiques alors qu’il évolue dans une société française de plus en plus sécularisée.

*

Tandis qu’un consensus s’est dégagé sur la nécessité de consolider les acquis du corpus législatif actuel, il a aussi été longuement question d’une possible légalisation d’une aide active à mourir, très souvent à l’initiative des personnes auditionnées elles-mêmes. Même s’il ne s’agissait pas de l’objet de cette mission d’évaluation, de tels échanges n’ont pas surpris les membres de la mission compte tenu de l’actualité du débat public sur ce sujet.

En effet, le 13 septembre dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis important qui a été présenté à la mission par ses deux co-rapporteurs ([3]). Dans cet avis, le CCNE relève que, si « le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme, en revanche, certaines personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, mais à moyen terme, ne rencontrent pas de solution toujours adaptée à leur détresse dans le champ des dispositions législatives (...) ». Au regard de ces éléments, le CCNE considère que, si le législateur venait à s’emparer de ce sujet, « il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ».

Par ailleurs, la mise en place en décembre dernier d’une Convention citoyenne, à la demande du Président de la République, a permis à cent quatre-vingt-cinq personnes tirées au sort, sur la base de critères représentatifs de la société française, de s’emparer pleinement de ce sujet. La Convention a été réunie au cours de neuf sessions de travail afin de répondre à la question posée par la Première ministre : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations individuelles rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Les conclusions de ces travaux, menés sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et dont la qualité doit être soulignée, permettront sans nul doute d’éclairer et de guider le législateur sur le chemin à suivre pour proposer le meilleur accompagnement possible à nos concitoyens en fin de vie et répondre à leurs aspirations.

 


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   Introduction

« Alors que la souffrance devrait être interdite en fin de vie, […] 12 % des gens hurlent encore de douleur en fin de vie dans les hôpitaux parisiens. C’est scandaleux. »

Ces propos de M. Jean Leonetti, tenus lors de son audition par la mission d’évaluation, mettent en lumière les enjeux qui entourent la fin de vie dans notre pays, mais aussi les passions qu’ils suscitent, tout comme la difficulté pour le législateur de les évaluer et de les encadrer.

La fin de vie devient, de manière croissante, une préoccupation majeure, alors que le vieillissement et la croissance démographique de la population française se poursuivent. Elle se caractérise par l’évolution et la diversité des parcours, qui supposent de la part des pouvoirs publics une adaptation permanente afin de faire évoluer l’offre en soins de la fin de vie et de garantir les droits des patients. Tel était l’objet de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti » ([4]).

I.   La loi Claeys-Leonetti constitue une composante importante de l’édifice législatif encadrant la fin de vie

A.   La fin de vie a été encadrée par plusieurs lois successives

La loi Claeys-Leonetti poursuit l’œuvre relative à la fin de vie qu’a commencée le législateur il y a près de trente ans ([5]). Dès la loi « Évin » du 31 juillet 1991 ([6]), il inscrivait les soins palliatifs parmi les missions du service public hospitalier, en les distinguant des soins curatifs. Plusieurs lois marquantes ont, ensuite, défini le cadre de la fin de vie en France.

● La loi du 9 juin 1999 ([7]) constitue le premier jalon posé par le législateur en la matière, trouvant son origine dans la « circulaire Laroque » du 26 août 1986 ([8]) et faisant suite à plusieurs avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Elle dispose que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement » et apporte une définition aux soins palliatifs. Pour traduire ce droit en actes, elle prévoit notamment la définition de schémas régionaux d’organisation sanitaire et la mise en place d’un congé de solidarité familiale afin d’accompagner un proche en fin de vie.

● La loi du 4 mars 2002 ([9]), dite « loi Kouchner », est la première loi à consacrer un droit, pour toute personne, d’être informée sur son état de santé ainsi qu’un droit, pour le malade, au consentement à la décision médicale le concernant. Ce faisant, elle esquisse un droit au refus de l’acharnement thérapeutique, crée la personne de confiance et reconnaît à chacun le droit de disposer de tous les moyens destinés à lui assurer une vie digne jusqu’à la mort.

● La loi du 22 avril 2005 ([10]), dite « loi Leonetti », est porteuse de nombreuses évolutions du cadre législatif sur la fin de vie. Cette loi, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale puis sans modification par le Sénat :

– affirme les droits et l’autonomie de la personne en fin de vie, comprenant notamment le droit d’interrompre ou de refuser un traitement. Elle interdit ainsi l’obstination déraisonnable, nouveau nom de l’acharnement thérapeutique, aux équipes soignantes ;

– permet au patient de rédiger des directives anticipées, indicatives et valables trois ans, afin de faire connaître aux médecins sa volonté ;

– précise que l’avis de la personne de confiance prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions médicales concernant une personne malade en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ;

– instaure une procédure collégiale pour les procédures de limitation et d’arrêt des traitements ;

– réaffirme le droit d’accéder aux soins palliatifs dans l’ensemble des services hospitaliers.

B.   La loi Claeys-Leonetti consolide le cadre législatif relatif à la fin de vie

La loi Claeys-Leonetti s’inscrit dans la lignée des lois précitées, dont elle précise et consolide la portée en poursuivant l’objectif d’une fin de vie digne et apaisée.

Aussi concise que complexe, cette loi a fait l’objet, comme le rappelle l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport d’évaluation rédigé en 2018 ([11]), de longs travaux préparatoires. Elle est l’aboutissement d’un processus commencé par une promesse de campagne présidentielle du candidat François Hollande ([12]), poursuivi avec la mise en place d’une commission de réflexion sur la fin de vie présidée par Didier Sicard, laquelle a remis son rapport en décembre 2012, puis avec un avis du CCNE ([13]) et une conférence citoyenne en 2013. Cette démarche a continué à l’Assemblée nationale, une mission étant confiée en juin 2014 à deux députés – l’un issu de la majorité, M. Alain Claeys, et l’autre de l’opposition, M. Jean Leonetti – qui ont remis un rapport ([14]) et déposé une proposition de loi en janvier 2015 ([15]).

1.   Une loi porteuse de nombreuses avancées pour les droits des patients

● La loi Claeys-Leonetti consacre les soins palliatifs comme une priorité de santé publique et renforce le droit d’accès aux soins palliatifs proclamé dans la loi du 9 juin 1999. La garantie de leur accès sur l’ensemble du territoire est inscrite dans la loi, qui prévoit aussi une formation spécifique obligatoire pour les professionnels de santé.

● La loi crée de nouveaux droits en faveur des patients et renforce les mesures visant à permettre une fin de vie dans la dignité.

Les directives anticipées deviennent contraignantes et s’imposent désormais aux médecins, sauf cas d’urgence vitale et lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Elles deviennent l’expression privilégiée de la volonté du patient hors d’état de faire connaître ses choix. Leur validité n’est plus soumise à une condition de durée. Le rôle de la personne de confiance est lui aussi renforcé, sa parole prévalant sur toute autre, réputée incarner la volonté du patient et non un simple avis.

La loi ouvre pour le patient l’accès à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, provoquant une altération de la conscience et associée à une analgésie ainsi qu’à l’arrêt des traitements. Sa mise en œuvre doit être décidée par procédure collégiale et reste limitée à certains cas : elle concerne le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et présentant une souffrance réfractaire aux traitements, ou le cas où l’arrêt d’un traitement est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

La loi garantit par ailleurs le droit à une fin de vie digne et le droit de refuser tout traitement. Elle clarifie les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en précisant que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements susceptibles d’être arrêtés ([16]).

2.   Les pouvoirs publics ont cherché à accompagner la loi d’une impulsion nouvelle

Constatant la large méconnaissance de la loi Leonetti du 22 avril 2005, alors même que celle-ci était reconnue porteuse d’avancées, les pouvoirs publics ont cherché depuis 2016 à accompagner la mise en œuvre loi Claeys-Leonetti.

Des actions de sensibilisation et des campagnes d’information ont ainsi été impulsées par le ministère de la santé, la Haute Autorité de santé (HAS) et le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV).

● Le CNSPFV a été créé en janvier 2016 par la fusion de l’Observatoire national de la fin de vie et du Centre national de ressources soin palliatif ([17]). Ses missions, initialement centrées sur le pilotage de la recherche, le suivi des politiques publiques et l’information du grand public, ont été redéfinies et élargies en janvier 2022, alors que son activité était prolongée de cinq ans ([18]). Le CNSPFV contribue désormais :

– à une meilleure connaissance des soins palliatifs et des conditions de la fin de vie. En qualité de centre de ressources, il recueille, exploite et rend publiques des ressources statistiques, épidémiologiques et documentaires. En qualité d’observatoire, il produit des expertises indépendantes et étayées par les données scientifiques ;

– à la diffusion des dispositifs relatifs aux directives anticipées et à la désignation des personnes de confiance, à la démarche palliative et aux pratiques d’accompagnement. En qualité de centre de référence, il informe et communique sur ces dispositifs, démarches et pratiques en direction du grand public, des professionnels des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie et des représentants de la société civile. En qualité de centre de dialogue et d’espace de débat, il contribue à l’animation du débat sociétal et éthique et à la réflexion sur l’intégration des soins palliatifs dans les parcours de santé et l’intégration de la fin de vie dans les parcours de vie.

Malgré cette redéfinition, les rapporteurs observent que ce centre demeure trop peu connu et insuffisamment doté pour mener à bien ses missions, notamment concernant ses objectifs scientifiques et informationnels. Ils appellent à pérenniser et développer cette structure.

Recommandation n° 1 : Renforcer les moyens alloués au CNSPFV et garantir sa pérennité.

● Le déploiement de la loi Claeys-Leonetti s’inscrit en parallèle des plans nationaux successifs qui soutiennent le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie.

Le plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie (SPFV) était doté de 190 millions d’euros et comportait quatre axes, quatorze mesures et quarante actions. Dans son rapport précité, l’Igas constate que ce plan « a joué un rôle positif pour l’appropriation et la mise en œuvre » de la loi Claeys-Leonetti.

Le plan national SPFV 2021-2024 dispose pour sa part d’un financement de 171 millions d’euros. Il se décline selon trois axes stratégiques autour desquels se structurent quinze actions à conduire :

 axe 1 : Favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie ;

 axe 2 : Conforter l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche ;

 axe 3 : Définir des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine de ville et en garantissant l’accès à l’expertise.

II.   Une évaluation menée dans un contexte singulier

La mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti », s’est déroulée dans un contexte singulier.

A.   Une mise en œuvre de la loi difficile à évaluer quantitativement

● La mission a pu mener à bien son travail d’évaluation qualitative de la loi. Ce dernier a été rendu possible par les nombreuses auditions organisées, à l’Assemblée nationale ou au cours de déplacements, par des recherches ou encore par le travail de chacun des membres dans sa circonscription. Les rapporteurs ont également pu nourrir leurs travaux des ressources, nombreuses mais éparses, publiées depuis 2016.

Alors que la loi prévoit que les procédures qu’elle mentionne sont retracées dans le dossier médical des patients, les rapporteurs indiquent ne pas avoir procédé au contrôle de ces dossiers médicaux – couverts, par nature, par le secret médical.

 Il en va différemment du travail d’évaluation quantitative de la loi, pour lequel la mission a rencontré des difficultés que les rapporteurs souhaitent souligner. Ce faisant, ils réitèrent le constat déjà formulé par l’Igas en 2018.

Le manque d’indicateurs sur la mise en œuvre de la loi Claeys-Leonetti et, plus globalement, sur la fin de vie en France, est aujourd’hui d’une évidence criante. Les données relatives aux directives anticipées restent par exemple incertaines, tandis que l’on ne sait pas dénombrer précisément les sédations profondes et continues administrées chaque année, ni même les demandes à cet effet, pas plus que les procédures collégiales organisées. Les données publiées sont rares et parfois anciennes ou issues d’un échantillon peu représentatif. De plus, les données collectées sont muettes sur le parcours et l’expérience de la personne en fin de vie, dont les besoins sont mal évalués. Cette absence de retour d’expérience, certes délicat à recueillir auprès de personnes vulnérables, limite la capacité à évaluer l’effectivité concrète des droits des patients.

Les travaux de recherche sont, eux aussi, largement manquants. Malgré la création, en 2018, d’une plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie, ayant pour but de contribuer à la structuration, au développement et à la valorisation de la recherche française dans le domaine de la fin de vie et des soins palliatifs, les travaux de recherche ne sont pas à la mesure de l’importance de l’enjeu que constitue la fin de vie aujourd’hui.

Panorama de la recherche sur la fin de vie

Le CNSPFV recense, en 2022, 384 chercheurs et cliniciens travaillant dans le domaine de la fin de vie et des soins palliatifs en France, 56 projets de recherche et 90 thèses étant en cours ([19]).

– 56 spécialités sont mobilisées, dont 54 % appartiennent aux sciences médicales, paramédicales et sciences de la vie, la discipline des soins palliatifs représentant plus d’un tiers des chercheurs, et 46 % aux sciences humaines et sociales.

– Les principales thématiques d’études sont les lieux de fin de vie, l’éthique et la bioéthique, les vécus et perceptions et l’accompagnement des patients.

Dans ce contexte, il apparaît souhaitable de mieux codifier les actes d’accompagnement et de soins de fin de vie prodigués et d’intensifier l’effort de développement de travaux de recherche, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades en fin de vie et de leurs proches.

Recommandation  2 : Développer la collecte de données et les travaux de recherche sur la fin de vie, en dotant ceux-ci d’un volet sur les attentes des malades et de leurs proches.

● Enfin, la mission a mis en lumière l’absence de rapport annuel évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs, dont la remise par le Gouvernement au Parlement est pourtant prévue à l’article 14 de la loi Claeys-Leonetti ([20]). Si le rapport d’activité du CNSPFV ou l’Atlas qu’il publie constituent des outils précieux, ils ne sauraient pallier cette absence ni combler le déficit de données qui caractérise la fin de vie en France.

Recommandation  3 : Modifier l’article 14 de la loi pour prévoir la remise tous les deux ans, et non plus chaque année, d’un rapport au Parlement évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.

B.   Un débat autour de la question de la fin de vie très prégnant dans l’actualité

Les travaux de la mission ont pris place dans un contexte singulier, marqué par un débat public particulièrement dynamique sur la fin de vie, dans la presse et au sein de plusieurs instances ayant été invitées à travailler sur ce sujet.

Ainsi les travaux de la mission se sont-ils déroulés en même temps que ceux de la Convention citoyenne ouverte en décembre 2022 par le Conseil économique, social et environnemental, sur demande de la Première ministre Élisabeth Borne, et en parallèle des groupes de travail constitués au niveau ministériel.

Dans ce contexte, les rapporteurs relèvent un paradoxe : alors même que la fin de vie demeure un sujet tabou pour nombre de nos concitoyens, le débat public semble focalisé sur un seul de ses enjeux, l’aide active à mourir.

Tel n’était pas l’objet de la présente mission, créée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale afin d’évaluer la loi Claeys-Leonetti. En cela, les rapporteurs ont estimé qu’il ne leur appartenait pas de se prononcer ici sur l’opportunité de légaliser, ou non, une aide active à mourir et, le cas échéant, à quelles conditions, bien que cette question ait souvent été abordée, spontanément et parfois longuement, par les personnes auditionnées ([21]). Ils espèrent toutefois que ce document permettra d’alimenter utilement le débat en cours sur les questions relatives à la fin de vie.

   Partie I – UN ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS INSATISFAISANT

La loi Claeys-Leonetti prévoit pour les malades le droit d’avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance » ([22]), et une responsabilité pour les professionnels de santé de « mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ». Ce droit implique, prévoit l’article 4 de la loi, de pouvoir « recevoir des traitements et des soins destinés à soulager [la] souffrance », y compris, dans certains cas, au risque d’abréger la vie du malade ([23]). L’accès aux soins palliatifs et la diffusion d’une culture palliative, qui ont souvent été au cœur des échanges lors des auditions et des déplacements des rapporteurs, constituent donc les conditions indispensables au respect de ce droit des malades.

A.   Une offre de soins palliatifs insuffisante

● Apparus au cours des années 1980 en France ([24]), les soins palliatifs ont été reconnus par le législateur dans les années 1990. La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, dite « loi Évin », a inscrit les soins palliatifs dans les missions du service public hospitalier, en les distinguant des soins curatifs. Le droit d’accès aux soins palliatifs a été institué par la loi précitée du 9 juin 1999, qui prévoit que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Elle définit les soins palliatifs comme « les soins actifs et continus en institution ou à domicile, qui visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».

Dans le sillage de cette loi, cinq plans nationaux de développement des soins palliatifs ont été mis en œuvre afin de renforcer de manière opérationnelle l’offre de prise en charge palliative et d’assurer une égale répartition sur le territoire. Le cinquième plan a été lancé en 2021 pour une durée de trois ans, jusqu’en 2024.

1.   Le développement progressif d’une offre palliative graduée

Depuis la loi du 9 juin 1999 précitée, tout patient le nécessitant doit pouvoir accéder à une offre de soins palliatifs, susceptible d’intervenir quel que soit son lieu de vie (article L. 1110-10 du code de la santé publique), que ce soit au domicile, ce qui inclut les structures d’accueil pour les personnes âgées dépendantes, ou à l’hôpital.

a.   Une offre palliative graduée

La prise en charge palliative est organisée de manière graduée dans les établissements hospitaliers en fonction de l’état de santé du patient, conformément à la circulaire DHOS/O2/2008/99 du 25 mars 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs. Ce texte doit faire l’objet d’une révision au printemps 2023 sous la forme d’une instruction qui précisera également les modalités de gradation de soins en ambulatoire. Il s’agira alors de construire une filière palliative intégrée.

● Actuellement, à domicile, une personne malade est suivie par les professionnels de proximité (médecin traitant, infirmier, pharmacien, auxiliaire de vie, etc.), qui peuvent bénéficier de l’appui d’une équipe mobile en soins palliatifs (EMSP). Si l’état de santé est stable ou n’est pas complexe, les soins palliatifs sont délivrés par les professionnels de santé habituels. Le médecin traitant assure le suivi médical, en lien avec les autres professionnels de santé intervenant à domicile ou prenant en charge le malade habituellement.

Quand l’état de santé se complique, les professionnels de santé habituels peuvent faire appel aux EMSP ou, selon l’âge du malade, aux équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP). Dans des cas complexes nécessitant des soins plus avancés, plus fréquents ou continus, une hospitalisation à domicile (HAD) peut être décidée. Il peut également être envisagé de recourir à l’hospitalisation de jour qui permet à des malades continuant de vivre à domicile de recevoir des soins palliatifs techniques et des soins de confort tout en offrant aux proches aidants des temps de répit.

● Il est toutefois possible qu’une hospitalisation soit nécessaire lorsque l’état de santé de la personne malade le nécessite ou si son environnement de vie ne permet pas le maintien au domicile.

Quand l’état de santé est stable ou non complexe, les soins palliatifs peuvent être délivrés par le service hospitalier qui prend habituellement en charge le malade (oncologie, cardiologie, pneumologie, néphrologie, neurologie, gériatrie, médecine générale, etc.). Ces services peuvent faire appel à une EMSP ou à une ERRSPP pour obtenir un appui ou des conseils spécialisés.

Si l’état de santé nécessite des soins palliatifs renforcés, la personne malade peut être orientée vers un lit identifié de soins palliatifs (LISP). Enfin, si l’état de santé est complexe ou nécessite une plus grande expertise, elle peut être transférée dans une unité de soins palliatifs (USP).

Selon les données figurant dans la troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, édité par le CNSPFV, 330 439 personnes sont décédées à l’hôpital en 2019, soit 53 % de l’ensemble des décès ([25]).

Parmi elles, 40 % auraient reçu des soins palliatifs au cours de l’année précédant leur décès puisqu’un codage « soins palliatifs » a été enregistré ([26]). 23 % des patients décédés en milieu hospitalier sont morts dans un lit disposé dans une unité de soins palliatifs (LUSP, pour un tiers) ou dans un LISP (pour les deux tiers), soit 76 000 personnes.

D’une part, 43 157 séjours, d’une durée moyenne de 17,4 jours, ont été effectués en USP, dont 13 % en soins de suite et de réadaptation (SSR). 37 189 patients, âgés de 72,7 ans en moyenne, ont été pris en charge. Quatre patients sur cinq sont décédés au cours d’un séjour en USP. D’autre part, 138 227 séjours, d’une durée moyenne de 14,7 jours, ont été effectués en LISP, dont 11 % en SSR. Au total, 114 231 patients ont été pris en charge dont 45 % sont décédés au cours d’un séjour en LISP. Qu’il s’agisse des LUSP ou des LISP, la moyenne d’âge des patients s’élève autour de 72 ans et 10 à 15 % des patients ont fait plusieurs séjours.

b.   Une offre palliative en progression

Face à l’augmentation des besoins liée au vieillissement de la population, à l’augmentation des pathologies chroniques et des décès, l’offre en soins palliatifs s’est développée sur l’ensemble du territoire français au cours des dernières années, soutenue par les plans nationaux successifs. Ainsi, excepté Mayotte, l’ensemble des départements est doté de lits hospitaliers spécialisés dans la prise en charge palliative (LUSP ou LISP), et tous les départements possèdent des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) ([27]).

● Fin 2021, la France comptait 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs. Les trois quarts d’entre eux sont des LISP, le quart restant des LUSP. Cela représente 11,1 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants (respectivement 2,9 LUSP et 8,2 LISP).

On dénombrait alors 171 unités de soins palliatifs (USP) totalisant 1 980 LUSP. Les 5 566 lits restants étaient des LISP répartis dans 904 établissements. Il convient de noter que, dans les territoires sans USP, l’offre en accompagnement palliatif existe par l’intermédiaire des LISP dont la densité est généralement supérieure à la moyenne nationale.

Sur la période 2017-2021, le nombre d’USP a augmenté de 8,9 %, passant de 157 à 171 ; elles étaient moins de 100 en 2006. Plus de 200 lits ont été créés dans les USP sur cette même période (+ 11,5 %), passant de 1 765 à 1 980 lits.

Dans le même temps, le nombre de LISP a cru de 7,2 %, passant de 5 189 à 5 561 lits, soit 372 lits supplémentaires.

Les structures de soins palliatifs et les structures d’appui en expertise palliative

Les structures de soins palliatifs sont des structures ou dispositifs hospitaliers en capacité d’accomplir une démarche palliative adaptée au niveau de complexité requis et en articulation avec l’ensemble des intervenants composant l’équipe interdisciplinaire et pluriprofessionnelle.

On distingue :

– l’hospitalisation à domicile (HAD), hospitalisation à temps complet au cours de laquelle les soins sont effectués au domicile de la personne, que ce soit chez elle ou dans un établissement social ou médico-social ;

les lits identifiés de soins palliatifs (LISP) : ils offrent une prise en charge spécialisée en soins palliatifs, dans un service d’hospitalisation fréquemment confronté à des fins de vie mais dont l’activité n’est pas exclusivement consacrée aux soins palliatifs. Les soins médicaux et d’accompagnement sont en général prodigués par les équipes ayant pris en charge les soins liés à la maladie initiale ;

les unités de soins palliatifs (USP), unités spécialisées dont l’activité est exclusivement dévolue à la médecine palliative et la prise en charge de la douleur. Elles accueillent de façon temporaire ou permanente des personnes atteintes de maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, lorsque la prise en charge nécessite l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire.

Il existe également des structures d’appui en expertise palliative :

les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) : composées de médecins, d’infirmiers, de psychologues, etc., elles apportent un soutien et une expertise auprès des équipes soignantes et des professionnels qui font appel à elles pour prendre en charge des personnes malades en soins palliatifs ou en situation de fin de vie ;

les équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) : ce sont des équipes multidisciplinaires et interprofessionnelles qui ont un rôle de conseil et de soutien auprès des équipes et des professionnels de soins, à qui elles apportent leur expertise en matière de prise en charge palliative des nouveau-nés, des enfants, des adolescents et de leurs proches, ainsi qu’en matière de gestion des symptômes ;

les appuis territoriaux de soins palliatifs, qui sont accessibles à l’ensemble des professionnels de santé prenant en charge des personnes relevant d’une démarche palliative à domicile. Ils s’appuient sur les ressources territoriales existantes (EMSP, HAD, USP, médecins formés en soins palliatifs, etc.) et offrant une permanence d’appui et d’expertise téléphonique en semaine voire le soir, la nuit et les week-ends.

Source : CNSPFV, op. cit.

Évolution du nombre d’USP et de LUSP entre 2006 et 2021

Évolution du nombre de LISP et
d’établissements disposant de LISP 2006 et 2021

Champ : France métropolitaine et départements et régions d’outre-mer.

NB : l’enquête SAE a connu une refonte en 2013.

Sources : CNSPFV, op. cit., à partir des données Drees, SAE.


● La France comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) fin 2021, contre 288 en 2006. Il convient de noter que 17 % des interventions des EMSP sont réalisées en dehors de l’hôpital (domicile, Ehpad, etc.), soit 8 % de plus depuis 2013. L’offre domiciliaire s’est renforcée avec la montée en puissance de l’hospitalisation à domicile (HAD). En 2019, près d’un tiers de l’activité totale réalisée en HAD concernait une prise en charge palliative. La prise en charge à domicile s’est accrue ces dernières années : 45 378 patients ont bénéficié de soins palliatifs en HAD en 2019, soit une hausse de 60 % depuis 2013. Cette tendance a été accélérée en 2020 par la crise sanitaire. Le nombre de séjours de soins palliatifs en HAD a ainsi progressé de 32 % sur la période 2018-2021.

S’agissant des équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP), leur nombre (23) a été maintenu au même niveau ces dernières années. En revanche, le nombre de LISP dans les services pédiatriques a doublé : on comptabilisait 51 lits en 2021.

Enfin, la prise en charge s’est améliorée dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), même si la situation n’est toujours pas pleinement satisfaisante. Deux tiers des 7 400 Ehpad que comptait la France fin 2019, qui accueillaient près de 600 000 personnes, ont signé une convention avec une EMSP, contre la moitié en 2011. Près de 9 000 résidents ont bénéficié d’une prise en charge palliative au moment de leur décès, soit 5,7 % des résidents décédés cette année-là.

Évolution du nombre de sejours avec soins palliatifs et de patients pris en charge en soins palliatifs en had entre 2013 et 2021

Champ : France métropolitaine et départements et régions d’outre-mer hors Mayotte.

Sources : CNSPFV, op. cit., à partir des données ATIH, PMSI.

Malgré des progrès notables, les personnes auditionnées par la mission d’évaluation s’accordent sur l’insuffisance de l’offre palliative au regard des besoins qui ne cesseront de croître dans les années à venir.

Recommandation  4 : Poursuivre le développement de l’offre palliative dans les établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi qu’à domicile afin de garantir l’accès aux soins palliatifs à tous les malades.

c.   Des besoins croissants qui demeurent difficiles à évaluer

Les besoins sont actuellement évalués par les agences régionales de santé (ARS). Sous leur égide se sont structurées des organisations territoriales en capacité de garantir un accès aux différents niveaux de soins palliatifs. Dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation du nombre de décès chaque année, il paraît important d’évaluer l’adéquation de l’offre aux besoins.

● Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), seuls 100 000 patients par an bénéficient d’une prise en charge palliative pour une demande estimée à 320 000 personnes par an ([28]). Autrement dit, moins d’un tiers des malades nécessitant des soins palliatifs y auraient accès. Ce ratio a régulièrement été cité lors des auditions de la mission.

Selon les éléments figurant dans la présentation du plan national développement des soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie (SPFV) 2021‑2024, il semblerait qu’il existe des variations très importantes en fonction des pathologies dans l’accès aux soins palliatifs : « S’il convient d’être prudent sur les données disponibles et leur interprétation, près de 59 % des personnes atteintes de cancer ont reçu des soins palliatifs l’année précédant leur décès (+7 points sur la période 2013-2015). Elles sont 24 % à avoir bénéficié de soins palliatifs en situation d’AVC aigu, 17 % en situation d’insuffisance cardiaque, 23 % en situation de sclérose en plaque, 17 % en situation de démence. »

Toutefois, le ministère de la santé et de la prévention demeure prudent et n’avance aucun chiffrage en l’absence de données robustes permettant d’évaluer précisément les besoins de soins palliatifs. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard, ont indiqué à la mission que des travaux étaient en cours pour affiner la production et l’analyse des données, ce qui permettrait d’ajuster au mieux l’offre aux besoins en soins palliatifs.

Recommandation  5 : Élaborer des indicateurs pour mesurer précisément l’adéquation de l’offre de soins aux besoins en soins palliatifs.

● Il ressort des auditions de la mission que l’accès aux soins palliatifs est encore loin d’être garanti à tous les Français partout sur le territoire national, en dépit des progrès enregistrés depuis trente ans. Ce constat est corroboré par les résultats d’une enquête menée par le Quotidien du médecin en novembre 2022 auprès de 596 praticiens ([29]). La majorité des répondants déplore l’insuffisance des moyens pour accompagner les patients en fin de vie (58 %) et le fait que l’offre en soins palliatifs soit défaillante sur leur territoire (60 %) tandis que plus de 55 % des répondants rencontrent toujours ou souvent des obstacles lorsqu’ils cherchent à hospitaliser un patient en soins palliatifs, y compris à domicile ([30]).

Surtout, la situation actuelle ne doit pas occulter les besoins croissants à venir. Alors que la France a déploré 657 000 décès en 2021, 100 000 décès supplémentaires sont attendus chaque année d’ici vingt ans. Face à ce défi démographique et médical, il est impératif de poursuivre les efforts pour étoffer l’offre palliative et diffuser la culture palliative chez les soignants afin d’améliorer la prise en charge à tous les niveaux.

2.   Une offre palliative à renforcer

a.   Des disparités territoriales persistantes

Malgré son augmentation significative depuis la fin des années 1990 et sa structuration à l’échelle des territoires, l’offre palliative reste marquée par de fortes disparités territoriales.

C’est en particulier le cas des LUSP et des LISP, dont la répartition est hétérogène au niveau national comme au niveau local. À titre d’exemples, pour un nombre de décès comparable en 2019 ([31]), la région Grand Est disposait de 120 LUSP dans 12 USP, 583 LISP et 35 EMSP, tandis que la région Hauts-de-France était dotée de 330 LUSP dans 31 USP, 491 LISP et 40 EMSP. Outre-mer, Mayotte et la Guyane sont les départements les moins bien dotés. Mayotte, qui a enregistré 777 décès en 2019, disposait seulement d’une EMSP et d’aucun LUSP ni LISP. La Guyane, pour 1 020 décès en 2019, comptait uniquement 9 LISP et 1 EMSP.

Il a régulièrement été rappelé lors des travaux de la mission que, si l’ensemble des départements français dispose de structures hospitalières dédiées à la prise en charge palliative, à l’exception de Mayotte, 21 d’entre eux étaient dépourvus d’USP fin 2021 ([32]). Certes, le nombre de départements sans USP ne cesse de diminuer ([33]). Par ailleurs, tous les départements n’ont peut-être pas vocation à abriter une USP dès lors que l’offre palliative est satisfaisante. L’objectif reste de proposer une offre complète et intégrée qui puisse répondre au mieux aux besoins des malades.

Bien que les départements sous-dotés en LUSP sont souvent mieux dotés en LISP, il convient d’analyser finement l’offre existante. Les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard, pilotes du plan national SPFV 2021-2024, soulignent ainsi que « les LISP sont parfois considérés comme suffisants pour couvrir les besoins hospitaliers alors que le service rendu LISP/LUSP n’est pas le même. Ainsi la création de LUSP n’a pas été jugé nécessaire pas certaines ARS sur des territoires qui pourtant le nécessitaient. » Ils relèvent également une certaine hétérogénéité dans le service effectivement assuré en soins palliatifs, que ce soit en établissement ou en ville. Le niveau des compétences des équipes mobiles ou de HAD peut être assez variable d’une structure à une autre. Enfin, les hôpitaux de proximité, notamment en zone rurale, permettent d’apporter une réponse aux disparités observées dans les territoires ([34]).

Le développement des soins palliatifs doit donc être appréhendé de manière globale par l’essor d’une offre hospitalière et ambulatoire sur plusieurs niveaux au plus près des besoins dans l’ensemble du territoire national.

Nombre de lits de soins palliatifs (LUSP + LISP) pour 100 000 habitants en 2021

Source : CNSPFV, op. cit.

Taux d’équipement en HAD pour 100 000 habitants en 2021

Source : CNSPFV, op. cit.

nombre d’equipes mobiles de soins palliatifs par departement fin 2021

Source : CNSPFV, op. cit.

Le plan national de développement de soins palliatifs
et accompagnement de la fin de vie 2021-2024

Le cinquième plan national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie (2021-2024) vise à garantir à tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire et dans tous les lieux de vie, l’accès aux soins palliatifs et à une prise en soin graduée, adaptée et de proximité. Doté de 171 millions d’euros sur trois ans, il est structuré autour de trois axes.

L’axe 1 favorise l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie. Le plan prévoit de poursuivre la production et la diffusion d’une information claire, fiable et objective à destination de l’ensemble des citoyens. À cet effet, plusieurs actions sont prévues : réaliser des campagnes nationales d’information, renouveler et mieux faire connaître le CNSPFV, développer des dispositifs et des outils au service d’une appropriation anticipée des droits, accompagner les aidants des personnes en fin de vie et conforter l’intervention des bénévoles.

L’axe 2 a pour objectif de conforter l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche. Il s’agit d’étoffer l’offre de formation, à la fois des professionnels et des aidants, et de soutenir la recherche afin de garantir que chacun soit pris en charge, sur tous les territoires, par des professionnels formés, des médecins et paramédicaux soutenus si besoin par des équipes expertes. Sont prévues les actions suivantes : structurer la filière universitaire médicale pour former les futurs enseignants en soins palliatifs, développer la formation initiale et continue dans toutes les filières de santé ; proposer des formations spécialisées en soins palliatifs, accompagner les professionnels souhaitant s’engager dans une reconversion, mobiliser la recherche et partager ses enseignements.

L’axe 3 tend à définir des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine et en garantissant l’accès à l’expertise. L’objectif est de permettre à chacun d’être soigné sur son lieu de vie, selon ses souhaits tout en tenant compte de ses besoins dans le cadre d’une prise en soin coordonnée et adaptée. Les actions suivantes sont déployées : renforcer l’offre hospitalière de soins palliatifs, structurer la coordination des parcours de soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie (développement de cellules d’animation régionales et d’équipes territoriales en articulation avec les dispositifs d’appui à la coordination – DAC), renforcer les équipes expertes et faciliter leur accès par les acteurs du domicile, donner de nouvelles marges de manoeuvre aux acteurs, à domicile et en Ehpad, et clarifier leur articulation, répondre aux besoins spécifiques des populations en s’appuyant sur des pratiques professionnelles adaptées et partagées.

Sources : Ministère de la santé et de la prévention, CNSPFV.

b.   Un manque criant de personnels soignants

La structuration de l’offre palliative est étroitement liée à la présence et à la disponibilité de professionnels de santé sur le territoire. Or, le développement des soins palliatifs n’est pas épargné par la pénurie, désormais généralisée, de soignants.

Selon les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, il manque actuellement plus de 100 médecins dans les structures de soins palliatifs. De plus, il faudrait former au moins 300 médecins en soins palliatifs dans les quatre années à -venir pour renouveler les équipes actuelles puisqu’un cinquième des praticiens en poste devraient prendre leur retraite d’ici cinq ans. Il y a urgence ! Ce problème n’est malheureusement pas nouveau. À titre d’exemple, la mission a pu constater qu’à l’USP de Juvisy-sur-Orge (Groupe hospitalier Nord-Essonne), qui dispose de dix lits, un des deux postes de praticien hospitalier est vacant depuis 2018. De surcroît, le seul médecin présent y exerce à temps partiel !

La pénurie de médecins ne doit toutefois pas masquer l’ampleur des manques puisque c’est bien l’ensemble du système de santé qui est actuellement sous tension. S’agissant des Ehpad, seuls 12 % des établissements disposaient d’au moins un infirmier présent 24h/24 et 7j/7 fin 2019 ([35]). La plupart des Ehpad et des autres établissements médico-sociaux ne disposent pas d’un infirmier diplômé d’État de nuit, ce qui limite les capacités de prise en charge et de maintien des résidents en établissement jusqu’à leur décès. Dans ces conditions, la formation de l’ensemble des soignants apparaît un enjeu fondamental pour améliorer la qualité de la prise en charge palliative.

Recommandation  6: Lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur des soins palliatifs.

c.   Une offre ambulatoire à renforcer en priorité

Le maintien à domicile se heurte à différents obstacles.

● L’absence de professionnels de santé disponibles et notamment d’équipes mobiles de soins palliatifs peut contraindre certains malades, vivant chez eux ou dans un établissement médico-social, à demander une hospitalisation. C’est également vrai pour les mineurs puisqu’il demeure d’importantes disparités territoriales pour la prise en charge pédiatrique alors que 210 mineurs étaient soignés à domicile en 2021, selon les représentants de la Société française de soins palliatifs pédiatriques (2SPP) et de la Société française de pédiatrie (SFP).

Il est également plus difficile d’obtenir la prise en charge d’une consultation à domicile de certains professionnels, comme les ergothérapeutes ou les psychologues. De même, les aides matérielles et les aides humaines (auxiliaires de vie) ne sont pas toujours prises en charge, surtout pour les nuits et l’accompagnement sur de longues périodes.

En outre, le maintien à domicile implique une présence régulière, voire continue, d’un ou plusieurs aidants, ce qui n’est pas toujours possible, surtout si la situation se prolonge. Conscients des implications d’un maintien à domicile, certains malades privilégient une hospitalisation afin de soulager leurs proches et en particulier leur conjoint. C’est également un moyen d’entrer plus facilement en contact avec des bénévoles qui, d’une manière générale, sont davantage présents en établissement, même si les associations essaient désormais d’orienter une partie de leurs interventions vers le domicile.

● En outre, l’offre ambulatoire semble avoir été fragilisée par la disparition des réseaux de soins palliatifs au profit des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) ([36]). Selon les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, « les réseaux de soins palliatifs avaient en charge l’expertise en soins palliatifs à domicile et, selon les territoires, en Ehpad. Ils permettaient l’accès à ces types de professionnels (par des procédures dérogatoires). Leur disparition et la création parallèle des DAC a été envisagée différemment selon les territoires. Certains DAC déclarent maintenir une expertise en soins palliatifs alors que d’autres ne concentrent leur activité que sur les missions de coordination (ce qui paraît être leur mission première). Dans d’autres DAC, l’expertise en soins palliatifs se dilue dans les autres activités. » ([37]) En outre, les financements du fonds d’intervention régional (FIR) destinés aux réseaux de soins palliatifs ont été transférés vers les DAC pour financer leur mission de coordination générale des situations complexes, ce qui a induit une diminution des moyens fléchés vers les soins palliatifs. Dans ce contexte de transformation, les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard insistent sur la nécessité de respecter les organisations actuelles qui, malgré leurs disparités, sont bien souvent adaptées aux caractéristiques des territoires.

De son côté, le CNSPFV souligne que les dotations allouées aux EMSP sur les crédits du FIR « apparaissent insuffisantes pour répondre aux sollicitations croissantes en dehors de l’hôpital ». Il recommande de procéder à un contrôle de ces allocations de crédits par les ARS et à un recensement précis des moyens effectivement dédiés aux EMSP (et aux ERRSPP) en lien avec leur activité réelle afin de s’assurer de l’adéquation entre, d’une part, l’enveloppe financière dédiée et, d’autre part, leurs besoins liés à la taille de leurs équipes et au nombre de patients effectivement pris en charge.

● Malgré ces difficultés rencontrées par le secteur, des initiatives locales paraissent prometteuses et laissent entrevoir des solutions intéressantes pour renforcer le maillage des soins palliatifs. Ainsi, lors de son audition, la présidente de la Sfap Claire Fourcade a évoqué l’expérimentation du dispositif Pallidom à Paris et dans les Hauts-de-Seine depuis septembre 2021. Ce dispositif permet d’apporter des soins palliatifs à domicile dans un délai court à des patients qui ne sont pas préalablement intégrés dans une filière de soins palliatifs à domicile (réseau, EMSP ou HAD). Cette expérimentation s’appuie sur un binôme infirmier‑médecin qui intervient au domicile dans les heures qui suivent la demande, y compris en Ehpad, en lien avec les professionnels de santé qui suivent le patient. Les rapporteurs suggèrent de dresser un premier bilan de cette expérimentation dès que possible et d’envisager, le cas échéant, sa généralisation au niveau national ([38]).

3.   Des modalités de financement peu adaptées à une prise en charge palliative optimale

Les personnes auditionnées par la mission ont rappelé que le financement actuel du système de santé n’est pas adapté aux spécificités des soins palliatifs. Plusieurs critiques ont émergé lors des auditions.

● Dans les établissements de santé, la tarification à l’activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. « Complexe, lourde, chronophage, la prise en charge palliative ne s’inscrit pas au rang des activités "rentables" pour les établissements de santé. La T2A, plutôt axée sur la technicité des soins, valorise mal une prise en charge qui s’inscrit dans la durée » selon les rapporteures de la mission d’information du Sénat sur les soins palliatifs ([39]).

Pire, l’application de la T2A produit de nombreux effets pervers qui conduisent insidieusement à négliger la qualité de la prise en charge palliative. Les copilotes du plan national SPFV 2021-2024 mettent ainsi en avant qu’en encourageant la poursuite des soins dits « actifs » comme les chimiothérapies, la T2A retarde la transition vers les soins palliatifs moins rémunérateurs pour les établissements, au risque de générer davantage d’effets indésirable pour les malades. Selon eux, « l’obstination déraisonnable est favorisée par la T2A dans les services de spécialité » ([40]).

De plus, la T2A peut inciter certaines structures à ne prendre en charge que des patients en toute fin de vie afin de limiter les longs séjours, ce qui contribue là aussi à retarder une prise en charge qui devrait pourtant avoir lieu le plus en amont possible. Partant, ce mode de financement apparaît intrinsèquement incompatible avec l’amélioration de la prise en charge palliative.

Par ailleurs, la T2A peut constituer un frein à la prise en charge palliative à domicile en ce qu’elle limite les possibilités d’un retour ponctuel des malades à l’hôpital, qui peut être nécessaire à tout moment lorsque la situation se dégrade. Selon le professeur Jean-Hugues Dalle, président du conseil scientifique de la Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE), chef du service d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert Debré, la T2A incite les établissements à optimiser leurs moyens et donc à réduire leurs marges de manœuvre pour prendre en charge ponctuellement des enfants soignés à domicile. Or, il peut arriver, en cas de complication ou si la situation devient trop difficile pour la famille, qu’une hospitalisation soit indispensable. C’est la raison pour laquelle les services avaient pour habitude de conserver auparavant au moins un lit disponible pour faire face à ces demandes.

● Les travaux de la mission d’évaluation ont également permis de mettre en lumière des difficultés tenant à la fongibilité des crédits alloués aux établissements sous forme de dotations. Il semblerait que les USP ne reçoivent pas toujours les financements qui leur sont dédiés initialement, certains directeurs d’établissements privilégiant d’autres services. « Les dotations données aux hôpitaux en difficulté ne vont jamais aux soins palliatifs », selon l’auteur de la loi, Jean Leonetti. De tels choix peuvent s’expliquer par le manque de professionnels de santé dans ces unités, ce qui conduit à fermer des lits de soins palliatifs, mais aussi par la plus grande valorisation des services jugés les plus « rentables » au regard du fonctionnement de la T2A.

Des évolutions sont toutefois en cours. Le plan national SPFV 2021-2024 délègue aux établissements qui créent de nouvelles USP des crédits dits « d’amorçage », sur une base forfaitaire de 360 000 euros par USP, qui viennent en complément de la T2A induite par leur activité. Les réflexions sur la réforme du financement de l’hôpital, annoncée par le Président de la République en janvier dernier lors de ses vœux aux soignants, pourraient aboutir à un financement mixte comportant une part forfaitaire et une part de financement à l’activité afin de valoriser la qualité de la prise en charge et de l’accompagnement des malades, plus difficilement quantifiable.

● En ville, la création d’une consultation longue et complexe réalisée au domicile d’un patient en soins palliatifs a permis de faciliter la prise en charge par les médecins traitants ([41]). Au cours de cette consultation, le médecin traitant peut réaliser l’évaluation médicale, organiser et coordonner la prise en charge des soins en lien avec l’équipe pluridisciplinaire. Cette visite, valorisée 70 euros, est facturable quatre fois par an – une visite classique de 35 euros est facturée au-delà.

Toutefois, ce plafond de quatre consultations longues prises en charge par l’assurance-maladie semble constituer un frein à la qualité de la prise en charge à domicile, comme ont pu le constater les rapporteurs lors de leur échange avec les professionnels de santé de l’association SPES en Essonne. Compte tenu du virage ambulatoire, il apparaît indispensable que la prochaine convention médicale prenne en compte ce temps nécessaire à la prise en charge palliative, la complexité des soins et la formation spécifique qu’elle implique. Cette problématique n’est toutefois pas spécifique aux médecins et concerne également les infirmiers libéraux. Par ailleurs, une prise en charge financière des interventions d’autres professionnels, notamment des psychologues et des ergothérapeutes, devrait pouvoir être proposée.

À l’hôpital comme en ville, il conviendrait enfin de valoriser davantage les temps de concertation et d’échange dans le cadre de la prise de décision collégiale, en particulier pour les professionnels libéraux. Cela permettrait sans doute aux médecins traitants de mieux suivre leurs patients pendant leur parcours de soins.

L’accompagnement des détenus en fin de vie

Les rapporteurs se sont intéressés à la question de la fin de vie dans les lieux de privation de liberté, dans un contexte où les pathologies associées au vieillissement de la population carcérale augmentent. En 2021, 262 décès, dont 3 homicides et 175 suicides, ont été dénombrés au sein des établissements pénitentiaires français ([42]).

La loi précitée du 4 mars 2002, dite « loi Kouchner », dispose qu’une peine, quelle que soit sa nature ou sa durée, peut être suspendue pour une durée indéterminée pour « les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention ». Or, cette procédure est longue et complexe. Les demandes de suspension de peine et de libération conditionnelle interviennent généralement suite à une alerte d’un professionnel de santé lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, les détenus ayant rarement connaissance de leurs droits. Les délais d’examen judiciaire, de quatre à six mois, sont inadaptés ([43]). Certains détenus meurent avant le traitement de leur demande.

Diverses dispositions existent pour garantir l’accès aux soins des personnes écrouées sans aménagement de peine. En 2000, des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) ont été créées. Ces huit structures, sécurisées par l’administration pénitentiaire, prennent en charge les hospitalisations à temps complet d’une durée supérieure à 48 heures. Elles disposent de 170 lits. Si les droits des détenus hospitalisés en UHSI sont en principe garantis (information du patient sur son état de santé, consentement et refus de soin, désignation d’une personne de confiance et rédaction des directives anticipées), ils demeurent largement méconnus des intéressés, comme l’a souligné Mme Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

En outre, les UHSI n’ont pas vocation à accompagner les détenus jusqu’au décès dans une approche palliative. Cette situation conduit à privilégier la libération des personnes en fin de vie ([44]), bien que ce ne soit pas toujours la réponse la plus appropriée à la situation et à la volonté des détenus qui peuvent souhaiter finir leur vie en prison dès lors que la plupart de leurs liens avec l’extérieur ont été rompus.

Au regard des moyens mis en œuvre, le système actuel demeure inadapté et insatisfaisant pour garantir les droits des détenus reconnus par les lois sur la fin de vie.

Recommandation  7: Revoir le modèle de financement des soins palliatifs.

– Remettre en cause le modèle actuel de la tarification à l’activité et faire évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l’activité.

 Assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers.

 Élargir la prise en charge des consultations à domicile dans le cadre de soins palliatifs (consultations longues, ergothérapeutes, psychologues, etc.)

B.   Une culture palliative qui peine À se diffuser

Le renforcement de la formation des professionnels de santé à la prise en charge de la fin de vie constitue un objectif important de la loi Claeys-Leonetti. Celle-ci dispose dès son article 1er que « la formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs ». Dans le rapport de présentation de la proposition de loi remis en 2014 au Président de la République, les auteurs et rapporteurs du texte, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, appelaient à « l’engagement d’un effort massif dans le développement de la formation initiale et continue des médecins, (…) levier essentiel de l’amélioration des pratiques en France face aux situations de fin de vie » ([45]).

Sept ans après l’adoption de la loi, le constat dressé par l’ensemble des acteurs auditionnés est celui d’une faible diffusion de la culture palliative au sein de notre système de soins, qui n’est pas sans conséquences sur la qualité de la prise en charge et de l’accompagnement proposés aux patients.

1.   Une formation insuffisante des professionnels de santé aux soins palliatifs et, plus globalement, aux questions liées à la fin de vie et à la mort

a.   Une discipline universitaire insuffisamment valorisée

La faible portée de l’approche palliative au sein du système de soins français résulte d’abord d’une spécialisation universitaire en soins palliatifs insuffisamment valorisée.

Pour mémoire, c’est en 2016 que le diplôme de formation spécialisée transversale (FST) de soins palliatifs s’est substitué au diplôme d’étude spécialisée complémentaire de soins palliatifs. Ouvert à des étudiants de différentes filières, le diplôme de FST avait été critiqué par l’Igas dans son rapport précité, en raison de la faible durée de la formation, dispensée sur une année alors qu’elle s’étalait auparavant sur deux ans.

Cette FST en médecine palliative n’a néanmoins pas, selon les copilotes du plan national SPFV 2021‑2024, le même statut qu’une spécialité à proprement parler. Cette FST n’est d’ailleurs pas suffisamment connue. Elle comptait 29 inscrits en 2019, 49 en 2020, 54 en 2021 et 60 en 2022. Enfin, elle n’a pas pour finalité de former des médecins destinés à cet exercice exclusif et ne permet donc pas de préparer de manière adéquate à l’exercice de la discipline dans une structure de soins palliatifs.

S’agissant de la structuration d’une filière universitaire dédiée aux soins palliatifs, qui figurait parmi les priorités du plan 2015-2018, cet objectif est loin d’être atteint. La reconnaissance de la discipline des soins palliatifs en 2017, avec la création d’une sous-section « épistémologie clinique » renommée « médecine palliative » en 2019, constitue certes un indéniable progrès. Cette filière peine néanmoins à se structurer et le nombre de professeurs reste très limité. Il a ainsi fallu attendre l’année 2019 pour que 12 professeurs associés soient nommés.

La structuration de cette filière et le déploiement d’une activité de recherche conséquente sont pourtant essentiels tant pour améliorer les connaissances dans le domaine de la prise en charge palliative que pour élargir l’attractivité de cette discipline et le potentiel de recrutement de spécialistes.

Les rapporteurs insistent sur la nécessité d’augmenter significativement les efforts consacrés au déploiement de la filière universitaire dédiée aux soins palliatifs, notamment en augmentant le nombre d’enseignants hospitalo-universitaires titulaires de médecine palliative.

b.   Un accent très faible porté sur la question de la fin de vie dans les études médicales et paramédicales

Au-delà de la montée en charge des soins palliatifs comme discipline autonome, se pose la question de la place des enseignements sur la fin de vie dans la formation proposée aux étudiants en santé, quelle que soit leur spécialité.

Selon la direction générale de l’offre de soins (DGOS), tous les étudiants en médecine suivent une formation sur la fin de vie au cours de leur cursus universitaire, des connaissances théoriques étant prévues dans les maquettes de formation – et notamment le programme de connaissance du 2ème cycle des études de médecine ([46]). Les principales thématiques abordées portent par exemple sur l’être humain devant la souffrance et la mort, les relations entre soignants et soignés, l’introduction à l’éthique médicale et à la mort. S’agissant de la formation des professionnels paramédicaux, une unité d’enseignement spécifique en troisième année est dédiée aux soins palliatifs et à la fin de vie dans la formation des infirmiers. Ces thèmes sont également abordés dans la formation des auxiliaires de puériculture, des aides-soignants, des masseurs-kinésithérapeutes et des ambulanciers.

S’agissant des professionnels déjà en exercice, une formation complémentaire est également possible en formation continue. Ainsi, 20 universités proposent aujourd’hui des diplômes universitaires (DU) en soins palliatifs et 25 universités, des diplômes interuniversitaires (DIU).

Une forte incertitude demeure pourtant quant aux modalités précises des formations proposées aux futurs ou actuels professionnels de santé, qu’il s’agisse du nombre d’heures prévues ou du type d’enseignements dispensés. La DGOS reconnaît en effet « qu’il n’existe aucune donnée permettant d’évaluer la réalité et l’évolution du niveau de formation de l’ensemble des professionnels », constat que partagent plusieurs acteurs, à l’instar de M. Patrick Chamboredon, président du Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI), qui indiquait lors de son audition : « On ne parvient pas à savoir qui se forme à quoi et comment, ni en hôpital, ni en médecine de ville. Sur 160 000 infirmiers et infirmières libéraux, seuls 40 000 se forment en continu chaque année, ce qui est peu et ce sont souvent les mêmes chaque année. » Le président de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas), M. Guillaume Gontard, a déclaré quant à lui : « À propos de la formation et de la sensibilisation aux soins palliatifs, ça dépend surtout de la sensibilité des formateurs ; il n’y a pas de module spécifique. »

S’il est donc difficile à mesurer, le niveau de formation à la prise en charge de la fin de vie apparaît très hétérogène selon les établissements et les territoires, qu’il s’agisse de la durée d’enseignement proposée, variant de deux à plus de vingt heures, ou du contenu de la formation qui comporte une approche parfois davantage philosophique ou juridique. Le constat d’une formation insuffisante des personnels soignants est unanime, ce que confirment les résultats d’une enquête réalisée par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) auprès des conseils départementaux, qui indique que 89 % de ces derniers considèrent que les médecins connaissent mal les dispositions prévues par la loi Claeys-Leonetti.

2.   Des soignants formés à guérir plutôt qu’à soigner

a.   Une fin de vie envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique…

● Dans ce contexte de sensibilisation insuffisante à la prise en charge de la fin de vie, l’approche palliative n’est pas parvenue à trouver sa place dans la pratique de la médecine au quotidien. Comme l’indiquait Mme Stéphanie Fillon, membre de l’Igas, lors de son audition, un médecin se perçoit historiquement davantage comme quelqu’un qui dispense des soins, et non comme une personne qui accompagne au décès. Pour M. Jean Leonetti, « la France valorise encore très peu la médecine qui accompagne et soulage par rapport à la médecine qui sauve ».

Cette perception soulève la question plus générale du tabou de la mort qui demeure parmi les soignants. Selon Mme Elsa Walter, bénévole dans un service d’oncologie auprès de patients en fin de vie et auteure du livre À vous je peux le dire, ce tabou fait que les fins de vie sont généralement vécues dans les services curatifs sous le prisme d’un échec thérapeutique, ce qui empêche souvent de bien verbaliser ces situations. L’absence de formation systématique à la communication et à la relation médecin-malade renforce la difficulté à aborder ce sujet. L’auteure décrit des annonces de fin de vie très tardives, parfois quand le patient n’est plus conscient, souvent lorsqu’un transfert en service de soins palliatifs n’est plus envisageable, mais aussi l’usage d’un langage médical complexe qui laisse les patients dans l’incertitude quant à leur situation. Les soignants apparaissent souvent mal à l’aise et démunis lorsqu’ils sont confrontés à la fin de vie et à la mort.

Malgré les évolutions législatives intervenues ces dernières années dans le domaine de l’accompagnement de la fin de vie, il persiste une dichotomie entre, d’un côté, une « médecine performante » et, de l’autre côté, une « médecine de l’humain » basée sur la temporalité et l’écoute, comme le souligne le professeur Jacques Bringer, président du comité d’éthique de l’Académie de médecine. De surcroît, la survalorisation des innovations thérapeutiques et un discours sociétal prônant le recul des limites de la médecine, notamment dans des domaines tels que la cancérologie, « réduisent la capacité des professionnels de négocier avec les perspectives réelles du patient comme de prendre en compte ses valeurs et ses projets quand ils n’ont pas trait au recul de ces limites » ([47]).

Une telle dichotomie se retrouve entre les services curatifs, dont la vocation supposée est de guérir, et les services de soins palliatifs, vouées à prendre soin.

b.   ... ce qui affecte la qualité de la prise en charge palliative

L’étanchéité constatée entre les services curatifs et palliatifs n’est pas sans conséquence sur la prise en charge des patients en fin de vie envoyés en services de soins palliatifs à un stade très avancé de leur maladie. De manière générale, les professionnels de santé sont davantage formés à guérir qu’à soigner. Les soins palliatifs apparaissent par ailleurs relégués à la gestion de la mort alors qu’ils devraient être intégrés aux protocoles de soins.

Les personnels soignants rencontrés lors du déplacement à l’unité de soins palliatifs de Juvisy déplorent en effet que les malades soient souvent transférés « trop tard » en soins palliatifs, dans un état parfois inconscient. Le docteur Hanan Al Sayadi, cheffe du service, a indiqué que la pratique « d’envoyer mourir les gens en soins palliatifs » était relativement courante, évoquant plusieurs cas dans lesquels les patients meurent dans les heures qui suivent leur arrivée dans le service.

L’absence ou le caractère très tardif de la prise en charge palliative est particulièrement dommageable pour les malades qui meurent dans un environnement très médicalisé et ne bénéficient que trop peu souvent de l’accompagnement que permettent les soins palliatifs. En 2019, seuls 23 % des patients décédés en milieu hospitalier finissaient leur vie dans une unité de soins palliatifs ou dans un lit identifié soins palliatifs ([48]). La prise en charge palliative dans les derniers moments de la vie n’est pas mieux appréhendée en Ehpad, comme l’a rappelé M. Marc Bourquin, conseiller stratégie à la Fédération hospitalière de France (FHF). Pire, l’absence de prise en charge adaptée des fins de vie conduit, selon le professeur Régis Aubry, à ce que 1 500 résidents d’Ehpad sont transférés à l’hôpital chaque année et meurent dans un délai de deux heures suivant leur arrivée !

● Le principal enjeu est aujourd’hui d’adapter la formation des personnels soignants en généralisant les formations initiales et continues en soins palliatifs pour tous les professionnels. Il s’agit de normaliser la prise en charge de la fin de vie et l’approche palliative dans la formation obligatoire de tous les professionnels de santé dans l’objectif de ne plus opposer les prises en charge palliative et curative. Un accent particulièrement fort doit être mis sur les soins d’accompagnement, l’attention portée aux familles et la verbalisation des situations de fin de vie.

Recommandation  8 : Généraliser les formations à la fin de vie et à l’approche palliative pendant les études des professionnels de santé et pendant leur carrière, en associant cultures palliative et curative.

● En parallèle, la formation des professionnels qui souhaitent se spécialiser en soins palliatifs doit être valorisée. Cela pourrait passer, comme le préconisent les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, par la création d’un diplôme d’études spécialisés (DES) de médecine palliative, reconnu par l’ordre des médecins, et par la formation des infirmiers spécialisés en soins palliatifs pour proposer des évolutions de carrière stimulantes et fidéliser les professionnels.

Il s’agit par ailleurs d’encourager la recherche sur la fin de vie en soutenant davantage la plateforme nationale dédiée dont la mission est de contribuer à la structuration, au développement et à la valorisation de la recherche française dans ce domaine et dans celui des soins palliatifs.

Recommandation  9 : Développer la filière palliative comme discipline autonome.

– Créer un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative.

 Explorer la possibilité de créer une spécialité d’infirmier en soins palliatifs.

Enfin, comme cela a été préconisé par les soignants entendus lors du déplacement à l’hôpital Delafontaine, il est important de développer la culture des « soins palliatifs précoces » en proposant un accompagnement palliatif au patient dès le début de sa prise en charge. Il s’agit pour cela de favoriser le travail interprofessionnel et entre spécialités pour lever le cloisonnement qui existe aujourd’hui entre la ville et l’hôpital d’une part et, d’autre part, entre les services curatifs et palliatifs. Ce travail interprofessionnel peut être valorisé pendant les stages obligatoires des études médicales et paramédicales. Il peut aussi passer par la tenue de réunions régulières, dans les établissements ou au sein des territoires, pour échanger sur les différentes pratiques professionnelles relatives à la prise en charge de la fin de vie.

Recommandation  10 : Favoriser le travail et les échanges interprofessionnels afin de favoriser une prise en charge palliative plus en amont dans le parcours de soins.

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   Partie II – Les directives anticipées et la personne de confiance, des avancÉes limitÉes dans les faits

Afin de garantir le respect de la volonté des malades, la loi Claeys-Leonetti rénove les dispositions législatives relatives aux directives anticipées, à la personne de confiance ou encore à l’obstination déraisonnable. Indéniablement porteuses d’avancées, ces évolutions demeurent imparfaites et gagneraient à être rendues plus effectives.

A.   Des dispositifs garantissant le respect de la volontÉ des malades

1.   Les dispositions prévues par la loi Claeys-Leonetti

a.   La place renforcée des directives anticipées et de la personne de confiance

i.   Des directives anticipées rénovées

 La loi Claeys-Leonetti rénove en profondeur la portée des directives anticipées en élargissant leur champ, en renforçant leur statut et en les rendant plus accessibles aux professionnels de santé. Ces directives permettent à toute personne majeure d’exprimer ses volontés, notamment sur la fin de vie, afin de les faire valoir dans le cas où elle ne serait plus en capacité de s’exprimer.

● La rédaction de directives anticipées est un droit garanti par le législateur depuis la loi « Leonetti » qui dispose que « toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté » ([49]). La loi précise que ces directives « indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement », et sont révocables à tout moment. Ces dispositions figurent à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique.

Si le décret du 6 février 2006 instaure une obligation pour le médecin, lorsqu’il envisage de prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement, de s’enquérir de l’existence éventuelle de directives anticipées, celles-ci n’étaient alors revêtues d’aucune valeur contraignante ([50]). En effet, aux termes de la loi Leonetti, le médecin « tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement » des directives anticipées d’une personne, à condition que celles-ci aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience. Autrement dit, ces directives n’étaient alors rédigées qu’à titre indicatif et ne s’imposaient pas aux médecins.

● L’article 8 de la loi Claeys-Leonetti précise l’objectif poursuivi par ces directives, qui « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’actes médicaux ». Ainsi les patients n’indiquent-ils plus un « souhait » mais bien une « volonté ».

Les directives anticipées sont désormais valables indéfiniment, tant qu’elles n’ont pas été modifiées par le patient lui-même. Elles sont toutefois « révisables et révocables » à tout moment et par tout moyen, peuvent mentionner non seulement les conditions de limitation et d’arrêt de traitement mais aussi les conditions de prolongation des traitements.

● La loi Claeys-Leonetti renforce significativement la portée juridique des directives anticipées en les rendant contraignantes pour le médecin. Elle dispose que ces directives « s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement ». Cette disposition concerne les directives de nature médicale, les éventuels souhaits et croyances de nature non médicale précisés pour aider le médecin à prendre sa décision n’étant pas considérés comme des directives.

Le législateur prévoit néanmoins deux exceptions au caractère contraignant des directives anticipées, les privant d’un caractère opposable :

– en cas d’urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ;

– lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées et non conformes à la situation médicale, à l’issue de la procédure collégiale définie par voie réglementaire.

Dans ces cas, le médecin qui décide de ne pas appliquer les directives anticipées doit solliciter un avis collégial. La décision collégiale s’impose ; elle est inscrite dans le dossier médical et portée à la connaissance de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches.

● Il est par ailleurs précisé que ces directives prennent la forme d’un document écrit, daté et signé, comportant les noms, prénoms, date et lieu de naissance ([51]).

L’article 8 dispose que les directives anticipées peuvent être rédigées conformément à un modèle, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État après avis de la Haute Autorité de santé, qui prévoit la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige ([52]).

● La loi renforce en outre la traçabilité et la conservation des directives anticipées, qui sont conservées dans un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé.

Les conditions d’information des patients et celles de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées sont définies par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ([53]).

Le médecin de ville demeure en capacité de converser ces directives, qu’il s’agisse du médecin traitant ou d’un autre médecin choisi par l’intéressé, par un établissement social ou médico-social (ESMS) ou encore par la personne de confiance, un membre de la famille ou un proche.

● Enfin, la loi confie au médecin traitant un rôle d’information de ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction des directives anticipées.

ii.   La précision du statut du témoignage de la personne de confiance

● L’article 9 de la loi Claeys-Leonetti modifie l’article L. 1111-6 du code de la santé publique pour renforcer le statut du témoignage de la personne de confiance et encourager le recours à ce dispositif.

La désignation d’une personne de confiance est un droit garanti par le législateur depuis la loi dite « Kouchner » du 4 mars 2002 ([54]). Cette dernière dispose que « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ». La loi Leonetti du 22 avril 2005 renforce son rôle et indique que l’avis de cette personne, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement prises par le médecin.

● La loi Claeys-Leonetti dispose que la personne de confiance émet désormais non plus un « avis » mais un « témoignage ». Ainsi, elle ne délivre plus sa propre appréciation de la situation ou ses propres choix quant à l’éventualité d’un arrêt ou d’une limitation d’un traitement ; elle témoigne de la volonté du malade hors d’état de l’exprimer lui-même. La position exprimée par la personne de confiance est par conséquent réputée celle du patient lui-même.

La loi précise en outre que la désignation est faite par écrit et doit désormais être cosignée par la personne désignée, renforçant l’engagement qu’une telle désignation implique. Ce choix reste révocable et révisable à tout moment. Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.

 Il est précisé que le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre. Dans le cas d’un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable hors d’état d’exprimer sa volonté, l’article 10 de la loi Claeys-Leonetti ordonne que le médecin s’enquière de la volonté du patient dans l’ordre suivant : « en l’absence de directives anticipées, le médecin recueille, dans cet ordre, le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ». Ce témoignage demeure donc noncontraignant, contrairement aux directives anticipées, et la personne de confiance n’a pas la responsabilité de prendre des décisions sur les traitements.

Enfin, la personne de confiance est informée de la mise en place de traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale (article 4) et de la décision de refus d’application des directives anticipées (article 8).

● Deux dispositions visent à développer le recours à ce dispositif :

– le médecin traitant se voit attribuer un rôle central d’information concernant la personne de confiance. L’article 9 dispose qu’il s’assure que le patient, dans le cadre de son suivi, est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance, et qu’il l’invite le cas échéant à y procéder ;

– de plus, il doit être proposé au patient, lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, de désigner une personne de confiance pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient n’en décide autrement.

b.   Le refus de l’obstination déraisonnable

La loi Claeys-Leonetti précise et renforce les dispositions relatives à l’obstination déraisonnable.

● Ces dispositions sont issues d’évolutions réglementaires et législatives successives, qui ont reconnu au patient le droit de refuser des traitements et de s’opposer à toute investigation ou thérapeutique au nom du refus de l’acharnement thérapeutique ([55]). En 2005, la loi Leonetti a introduit la notion « d’obstination déraisonnable » issue de l’article 37 du code de déontologie médicale, et affirmé que les actes du médecin « ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable ». Le médecin peut suspendre un traitement ou renoncer à un acte lorsque celui-ci apparaît « inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel en vie ». L’arrêt des traitements entraîne l’obligation pour le médecin de sauvegarder la dignité du mourant et d’assurer la qualité de sa vie en dispensant des soins palliatifs.

● L’article 2 de la loi Claeys-Leonetti précise ces dispositions en les rassemblant dans un nouvel article L. 1110-5-1 du code de la santé publique. Il dispose que les actes « ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable ». Les soins peuvent, lorsqu’ils apparaissent « inutiles, disproportionnés, ou lorsqu’ils n’ont aucun autre effet que le seul maintien artificiel de la vie », être suspendus ou ne pas être entrepris.

La conformité de la décision à la volonté du patient est réaffirmée, tout comme la collégialité de la procédure si celui-ci n’est pas en état d’exprimer sa volonté. Cet article précise en outre que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements et peuvent donc être arrêtées au titre du refus de traitement ou de l’obstination déraisonnable

Enfin, l’article 7 consacre expressément le droit des patients à refuser un traitement en modifiant l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique ([56]).

2.   La mise en œuvre des dispositions législatives

Les rapporteurs constatent que la volonté du législateur a pu trouver une traduction grâce aux campagnes d’information et aux actions de sensibilisation menées par le ministère de la santé, la Haute Autorité de santé (HAS) et le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV).

● Alors que l’Igas recommandait en 2018 de diversifier les supports de communication pour diffuser de la manière la plus large possible les messages sur la fin de vie ([57]), quel que soit l’âge ou le profil des destinataires, et au-delà du champ de la santé, plusieurs actions ont été mises en œuvre en ce sens. Une première campagne pilotée par le ministère de la santé a été lancée fin 2016, afin d’apporter aux professionnels de santé des outils de dialogue avec leurs patients ([58]). Une seconde campagne, à destination du grand public et dirigée par le CNSPFV, l’a suivie en début d’année 2017 ([59]).

Des informations et des ressources sur la fin de vie sont désormais disponibles sur les sites internet du CNSPFV, du ministère de la santé et de la prévention ou encore de l’assurance maladie.

D’autres actions visant des publics spécifiques ont également été menées. La direction générale de la santé (DGS) finance par exemple une action de l’Union nationale des associations pour le développement de soins palliatifs qui consiste à mettre à disposition des directives anticipées en braille. La Sfap a mis en place en janvier 2021 un portail proposant des ressources visant à aider les parents, le monde éducatif et la médecine scolaire à aborder les questions de fin de vie, de mort et de deuil avec enfants et adolescents ([60]).

● Plusieurs formulaires et modèles relatifs aux directives anticipées ont été définis et proposés à l’attention des citoyens et des professionnels de santé. En octobre 2016, la HAS a publié un guide pour le grand public accompagné d’un modèle de formulaire ([61]). Depuis un arrêté du 3 août 2016, le ministère chargé de la santé propose quant à lui deux modèles, conformément à la distinction établie par la loi, respectivement pour les personnes en fin de vie ou atteintes d’une maladie grave et pour les personnes en bonne santé ou n’ayant pas de maladie grave ([62]). Ces modèles peuvent être remplis en ligne dans Mon Espace Santé. Selon les chiffres transmis par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), près de 8 millions de Français ont d’ores et déjà activé leur profil et 98 000 personnes ont renseigné leurs directives anticipées. Enfin, l’Igas relève dans son rapport d’évaluation qu’existent d’autres formulaires spécifiques, tel qu’un formulaire Unicancer ou des formulaires proposés par les Ehpad et les établissements de santé privés ([63]).

● Les modes de conservation sont aujourd’hui multiples, conformément au décret d’application du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées, qui modifie l’article R. 1111-19 du code de la santé publique dans le sens d’une diversification des modes de conservation des directives anticipées.

Les directives anticipées peuvent désormais être déposées numériquement par leur auteur et conservées dans son dossier médical partagé (DMP), ce dépôt équivalant à l’inscription au registre national mentionnée à l’article L. 1111-11 du code de santé publique modifié par la loi Claeys-Leonetti. Le document déposé peut contenir les directives en elles-mêmes ou simplement faire état de leur existence avec une indication du lieu où elles se trouvent. Lorsque les directives sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.

Les directives anticipées peuvent par ailleurs être confiées à une personne de confiance désignée comme telle, à un membre de la famille ou à un proche. La mention de l’existence de cette personne avec ses coordonnées doit être accessible, par exemple en l’inscrivant dans le dossier médical ou le DMP préalablement ouvert. Les directives anticipées peuvent également être confiées au médecin traitant et aux équipes hospitalières dans le dossier hospitalier ou dans le dossier de soins en établissement médico-social.

Les associations jouent un rôle dans la conservation des données, à l’image de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui a recueilli 46 675 directives anticipées dans le cadre de son fichier dédié.

B.   Des dispositifs qui demeurent mÉconnus et imparfaits

Si la mission constate que l’impulsion apportée par la loi Claeys-Leonetti est réelle, il apparaît que l’application de la volonté du législateur reste imparfaite.

1.   Les directives anticipées et la personne de confiance, des dispositifs peu connus

a.   Les directives anticipées, un outil peu utilisé

Le déploiement des directives anticipées, bien qu’en progression, demeure très insuffisant à ce jour, comme l’ont souligné de nombreuses auditions effectuées par la mission.

● Le droit de rédiger des directives anticipées est peu utilisé en France, notamment parce que ce dispositif demeure méconnu par la majorité de nos concitoyens. L’enquête BVA d’octobre 2022, pilotée par le CNSPFV à la demande du ministère de la santé et de la prévention, montre que 57 % des répondants ne connaissent pas le terme de « directives anticipées », cette proportion atteignant 72 % chez les moins de 35 ans et 67 % chez les ouvriers ([64]).

Bien plus, seuls 24 % des répondants disent savoir précisément ce que sont les directives anticipées tandis que, parmi les 43 % des répondants disant connaître ce terme de façon précise ou imprécise, 41 % lui attribuent un objectif qui n’est pas celui fixé par la loi. En somme, un quart au plus des répondants connaît les directives anticipées et l’objectif qui leur est assigné par la loi. De même, peu de répondants (26 %) connaissant le terme de directives anticipées savent que le médecin doit tenir compte de celles-ci lorsque le patient ne peut plus s’exprimer, à de rares exception près.

● Par ailleurs, même lorsqu’elles connaissent ce dispositif, rares sont les personnes qui rédigent leurs directives anticipées. Selon la même étude, la plupart des personnes connaissant le terme de « directives anticipées » n’en ont pas rédigé, et plus d’un tiers d’entre elles ne souhaitent pas le faire.

Ainsi, seuls 18 % des répondants connaissant les directives anticipées (33 % pour les plus de 65 ans), soit moins de 8 % de tous les répondants, ont rédigé leurs directives anticipées. Selon la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), auditionnée par la mission, ce chiffre serait même largement surévalué et discordant avec les observations effectuées.

● Les causes de cette mauvaise connaissance de la loi sont multiples et leur part respective demeure difficile à évaluer.

Alors que le déficit de communication semble manifeste, les rapporteurs relèvent que l’information sur la fin de vie se heurte parfois à des problèmes d’accessibilité soulignés par les associations auditionnées. En effet, elle vise des personnes souvent non familières du numérique et encore moins du concept de directives anticipées. Ce déficit informationnel semble tenir aussi de la mauvaise intégration de certains professionnels de santé dans le processus d’information des droits des patients, comme a pu le signaler la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas) concernant sa profession.

Les auditions effectuées par la mission pointent également l’existence de freins culturels à l’origine de la faible rédaction des directives anticipées : le sujet de la fin de vie est mis à distance quand il n’est pas un repoussoir, voire un tabou. Ce constat est également celui de l’enquête BVA précitée, qui montre que moins d’un Français sur deux déclare avoir réfléchi à ses préférences pour sa fin de vie (45 %). Éloignés de ce sujet, les Français sont logiquement peu nombreux à l’anticiper et à l’évoquer autour d’eux, y compris auprès de professionnels de santé (13 %). En découle une tendance à retarder la discussion sur la fin de vie avec un médecin : moins d’un Français sur cinq préférerait avoir cette discussion en amont avant d’être réellement confronté au sujet.

b.   La personne de confiance, une notion de mieux en mieux appréhendée

La notion de personne de confiance semble mieux connue de nos citoyens que celle de directives anticipées.

● Selon l’enquête BVA précitée, la notion personne de confiance est connue de 65 % des répondants, et 42 % des répondants disent savoir précisément ce dont il s’agit ([65]). Si, comme pour les directives anticipées, la connaissance de ce dispositif est imprécise, celle-ci est toutefois plus satisfaisante : une large majorité des répondants (77 %) qui déclare connaître cette notion la définit correctement tandis qu’un cinquième (22 %) fait une confusion.

D’une manière générale, le processus de désignation d’une personne de confiance semble poser moins de difficultés au regard de la nature de l’exercice de ce droit, moins tabou et moins complexe que la rédaction de directives anticipées. La fondation Korian établissait que, dans 66 % des Ehpad sondés, la moitié des résidents avait désigné une personne de confiance, selon une enquête citée par l’Igas dans son rapport d’évaluation de 2018 ([66]).

● Les rapporteurs relèvent toutefois une confusion persistante entre la personne de confiance et la personne de contact à prévenir en cas d’urgence ([67]). Cette confusion est d’autant plus dommageable qu’il ne s’agit pas nécessairement de la même personne et qu’elle trouve des prolongements en droit. L’Igas comme le rapporteur de l’avis d’avril 2018 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ([68]), M. Pierre-Antoine Gailly, soulèvent la confusion faite entre la personne de confiance relevant du code de santé publique et celle relevant du code de l’action sociale et des familles. La première, qui intervient pour rendre compte des volontés du patient dans le cadre de la fin de vie, coexiste avec les référents familiaux, la personne à prévenir en cas d’urgence, le tuteur, l’aidant et avec la personne de confiance spécifique qui figure au code de l’action sociale et des familles ([69]). Cette dernière est sollicitée quand le résident rencontre des difficultés de compréhension de ses droits, sans qu’il ne lui soit assigné aucun rôle en matière de fin de vie.

2.   Des dispositifs parfois inadaptés

a.   Des directives anticipées souvent peu traçables et parfois inapplicables

En plus d’être largement méconnues, les directives anticipées souffrent d’une mise en œuvre qui porte à relativiser leur renforcement opéré par le législateur en 2016.

● L’enjeu de conservation, de traçabilité, d’accès et d’actualisation des directives anticipées demeure déterminant pour leur application effective. Les auditions font état des réelles difficultés auxquelles les professionnels de santé sont confrontés pour conserver, tracer et accéder à ces documents. À ce titre, si les démarches visant à faciliter et encourager le dépôt de celles-ci dans le DMP semblent pertinentes, ce dernier reste à ce jour peu utilisé. L’enquête BVA montre que très peu de personnes (7 % des répondants) souhaitent consigner leurs directives anticipées dans une base de données numérique et sécurisée, une majorité relative (47 %) préférant les conserver chez eux. En conséquence, les directives anticipées sont, d’une manière générale, difficilement accessibles.

● Les directives anticipées peuvent s’avérer inapplicables du fait de leur imprécision, comme le souligne M. Pierre-Antoine Gailly. En se limitant au refus d’acharnement thérapeutique ou à des mentions du même ordre, elles prennent le risque de rendre leur mise en œuvre par leur médecin impossible.

b.   Les limites des dispositions relatives à la personne de confiance

Les limites pratiques que connaît le dispositif de la personne de confiance sont en partie similaires à celle rencontrées dans la mise en œuvre des directives anticipées.

● L’existence et l’identité de la personne de confiance, à l’instar des directives anticipées, font l’objet de difficultés de traçabilité et d’accessibilité. Leur suivi reste très inégal selon les établissements. En outre, si la possibilité de renseigner la personne de confiance, comme pour les directives anticipées, est effective sur Mon Espace Santé, l’existence de cette personne avec ses coordonnées est dans les faits rarement mentionnée dans le DMP.

● Dans son évaluation de 2018, l’Igas faisait état de l’accomplissement lacunaire de certaines formalités introduites par la loi Claeys-Leonetti, telles que la co‑signature du formulaire par la personne de confiance. Dans la mesure où cette co‑signature implique de numériser le document avant de l’enregistrer dans les dossiers dématérialisés, cette étape n’est souvent pas accomplie et la co‑signature, lorsque les formulaires sont effectivement co-signés, reste parfois conservée au format papier.

L’actualisation de la personne de confiance sur le DMP, comme celle des directives anticipées, reste un enjeu majeur concernant à la fois le patient et la personne de confiance qui doit, le cas échéant, être informée de l’annulation de la désignation.

● Enfin, il s’agit de ne pas nier la difficulté à recourir à une unique personne de confiance. L’Igas avait d’ailleurs constaté que si, en droit, le témoignage de la personne de confiance prime, les personnels de santé dialoguent, en pratique, avec l’ensemble de l’entourage, considérant délicat d’appliquer une décision médicale soutenue par la seule personne de confiance.

Les rapporteurs observent en outre que, comme l’ont montré l’audition de la Sfap et les visites de la mission dans des établissements, notamment à l’hôpital Delafontaine, la désignation d’une unique personne peut s’opposer à certaines approches plus communautaires, par exemple dans des familles considérant que les choix relatifs à la fin de vie relèvent d’une décision collective.

3.   La persistance d’une conflictualité source de contentieux

● Les membres de la mission observent que la rénovation du cadre législatif par la loi Claeys-Leonetti n’a pas permis de mettre un terme à toute conflictualité relative à la fin de vie. Si cette conflictualité persistante procède logiquement de l’importance de l’enjeu que constitue la fin de vie, et vraisemblablement d’un déploiement insuffisant des moyens et dispositifs prévus par la loi, certaines auditions l’attribuent également à des difficultés intrinsèques à la fin de vie et à son encadrement.

Dans son rapport précité, l’Igas souligne la singulière complexité qui caractérise la détection des situations d’obstination déraisonnable. Cette qualification tient en partie à des critères subjectifs qui laissent une marge d’interprétation ou d’incertitude en fonction des situations. Au cours de son audition, l’ADMD a dénoncé la persistance d’une forme d’acharnement en prenant pour exemple les chimiothérapies, dont 50 % seraient proposées dans les quinze derniers jours de la vie du patient.

Dans ce contexte, des interrogations persistent quant au respect des directives anticipées et de la volonté du patient, que la loi Claeys-Leonetti entendait renforcer. L’association Le Choix – Citoyens pour une mort choisie souligne ainsi la primauté que revêt encore la décision du médecin sur la volonté du patient, d’autant que le cadre légal expose le médecin à un dilemme entre le refus d’obstination déraisonnable et la non-assistance à personne en danger. L’ADMD témoigne pour sa part avoir reçu des patients dont les choix n’ont pas été respectés par le corps médical, notamment en ce qui concerne les volontés exprimées dans les directives anticipées.

● Malgré les précautions prises par le législateur, la conflictualité relative à la fin de vie trouve un prolongement sur le terrain juridique. Généralement liée à l’existence de divergences entre l’équipe médicale et la famille, notamment concernant le respect de la volonté du patient, elle donne lieu à un contentieux devant le juge, offrant à ce dernier la possibilité de rappeler la volonté du législateur et d’apporter des précisions quant à l’application de la loi.

Outre la médiatique affaire Vincent Lambert ([70]), la Fondation Jérôme Lejeune a évoqué, au cours de son audition, l’affaire Marwa Bouchenafa. Le médecin, jugeant les troubles neurologiques de cette jeune enfant sévères et irréversibles, avait mis en place, contre l’avis des parents, une procédure collégiale d’arrêt des soins. Le juge des référés du Conseil d’État, statuant en urgence, a toutefois estimé la situation d’obstination déraisonnable non caractérisée et ordonné la reprise des soins ([71]). Ce faisant, il a précisé l’application de la loi Claeys-Leonetti quant à la caractérisation de l’obstination déraisonnable : « la seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie […] ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ».

Plus récemment, une décision du Conseil constitutionnel du 10 novembre 2022 a vu le juge se prononcer sur le cadre issu de la loi Claeys-Leonetti, en ce qui concerne le refus du médecin d’appliquer des directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient ([72]). Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité alors qu’une équipe médicale jugeait la situation d’un patient désespérée et souhaitait interrompre les soins à l’encontre de la volonté exprimée dans ses directives anticipées, le juge constitutionnel a estimé qu’en « permettant au médecin d’écarter des directives anticipées, le législateur a estimé que ces dernières ne pouvaient s’imposer en toutes circonstances ». Le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 1111-11 du code de la santé publique prévoyant que le médecin peut écarter les directives anticipées si elles sont « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » du patient, jugeant ces dispositions « ni imprécises ni ambiguës ». Il a enfin rappelé que le médecin ne peut prendre sa décision qu’à l’issue d’une procédure collégiale. Le Conseil d’État, à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel, a fait application de cette interprétation ([73]).

C.   Renforcer l’effectivitÉ et la traçabilitÉ des directives anticipÉes et de la personne de confiance

Les travaux de la mission montrent que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées pour les droits des patients qu’il ne faut pas remettre en cause, bien que l’application de ces dispositifs soit perfectible. Dans cette perspective, il s’agit de mieux faire connaître et appliquer les dispositifs prévus par le législateur en renforçant l’accompagnement des patients et la traçabilité des volontés exprimées.

1.   Des dispositifs qui constituent des avancées pour les droits des patients

a.   Maintenir le cadre juridique des directives anticipées et favoriser son application en laissant à chacun la liberté d’exprimer sa volonté

● Malgré la conflictualité à laquelle les directives anticipées peuvent parfois donner lieu, les auditions n’ont pas révélé de difficulté juridique majeure quant à l’application des dispositions de la loi Claeys-Leonetti.

● Ce constat s’applique également en ce qui concerne l’appréciation du caractère « manifestement inapproprié » ou « non-conforme à la situation médicale » des directives anticipées. Le temps montre que ces deux exceptions à l’opposabilité des directives, prévues par la loi Claeys-Leonetti et que l’Igas, dans son rapport de 2018 précité, estimait « exprimées dans des termes assez vagues et imprécis », ne sont que rarement soulevées et demeurent assorties de solides garanties.

La procédure collégiale reste ainsi obligatoire, tout comme la consultation de la personne de confiance, ou à défaut de la famille ou des proches, lorsque le médecin entend écarter l’application des directives anticipées. En dernier lieu, la décision du médecin est soumise le cas échéant au contrôle du juge. Une étude précise permettant d’apprécier l’impact réel du caractère contraignant des directives anticipées et leur utilisation effective par les médecins, souhaitée par l’Igas, pourrait néanmoins être utilement conduite pour évaluer l’opportunité d’une évolution du droit sur ce point.

Ce constat s’impose toutefois avec prudence. L’appréciation de l’effectivité du caractère contraignant des directives anticipées nécessite en effet de recueillir des données, quantitatives et qualitatives, décrivant l’utilisation actuelle des directives anticipées par les professionnels, avec leurs éventuels freins et leviers. Ces données ne sont actuellement pas collectées et sont donc difficiles à recueillir.

● Les auditions suggèrent qu’il n’est pas non plus pertinent de faire évoluer le corpus législatif en matière d’âge, alors que les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance sont aujourd’hui réservées à la personne majeure. La Société française de soins palliatifs pédiatriques estime ainsi que si, en complémentarité de l’autorité parentale, la possibilité de désigner une personne de confiance pourrait aller dans le sens de l’autonomie de l’enfant, faire évoluer la loi n’apporterait pas d’amélioration significative dans le traitement de la fin de vie de l’enfant.

Recommandation  11 : Préserver les dispositions de la loi concernant les directives anticipées et la personne de confiance, dont la modification n’apporterait d’amélioration significative ni sur le plan juridique ni dans le traitement de la fin de vie de l’enfant.

● S’il est déterminant de limiter toute imprécision pouvant donner lieu à des conflits d’interprétation, plusieurs auditions soulignent la nécessité de laisser à chacun la liberté d’exprimer sa volonté le plus librement possible. Dès lors, il n’apparaît pas souhaitable de rendre trop rigide la forme des directives anticipées et les rapporteurs préconisent, plutôt que de changer le cadre législatif, d’en améliorer l’application en pratique.

Dans cette perspective, comme le suggère le rapporteur de l’avis précité du Conseil économique, sociale et environnemental ([74]), un mode d’emploi concernant les directives anticipées apparaît plus souhaitable qu’un modèle-type. Comme le soulignait déjà l’Igas, aucun formulaire ne fait consensus et la très grande majorité des directives anticipées sont rédigées sur papier libre, révélant que les Français souhaitent avoir la pleine maîtrise de ce qu’ils écrivent et ne pas être encadrés par des items administratifs ou médicaux.

Il importe ainsi de conserver la plus grande liberté dans la rédaction des directives anticipées, tout en tenant à disposition de chacun toutes les ressources facilitant la rédaction des directives anticipées. En ce sens, les rapporteurs appellent à améliorer la simplicité des formulaires et de leur accès. La possibilité de rédiger des directives anticipées dans Mon Espace Santé permet d’œuvrer en ce sens et doit être garantie.

Recommandation  12 : Simplifier les formulaires relatifs aux directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, en prévoyant notamment une version facile à lire et à comprendre (Falc), et les diffuser largement.

● Il semble dès lors que les travaux doivent porter davantage sur les outils et moyens permettant la bonne application de la loi. Dans le cadre de l’action 3 du plan national soins palliatifs fin de vie (SPFV) 2021-2024, qui a pour objectif de développer les instruments au service d’une appropriation anticipée des droits sur la fin de vie, le CNSPFV mène un travail de recensement des outils d’aide à la rédaction des directives anticipées. Cette base de données en cours de constitution permettra aux professionnels et au public d’identifier les outils à leur disposition notamment dans des situations ou pour des populations spécifiques ([75]). Elle permettra aussi de repérer les instruments manquants pour des professionnels comme les travailleurs sociaux ou les psychologues cliniciens afin de leur apporter des éléments facilitant les discussions avec leur public.

b.   Appréhender la personne de confiance comme un dispositif complémentaire aux directives anticipées

● Les travaux de la mission montrent la pertinence du dispositif de la personne de confiance, dont l’utilité fait consensus. Cette personne est aujourd’hui considérée comme un interlocuteur important dans les situations de fin de vie lorsque le patient ne peut plus s’exprimer, quel que soit l’acteur rencontré (médecins, infirmiers, aides-soignants, psychologues…).

● Il convient de souligner, comme le faisait déjà l’Igas dans son rapport précité, que les notions de directives anticipées et de personne de confiance sont, dans la pratique, largement complémentaires et qu’elles gagneraient à être davantage considérées telles. En effet, un patient peut choisir de désigner une personne de confiance sans rédiger de directives anticipées, et le cas échéant s’en remettre à elle pour rendre compte de ses volontés ou, inversement, choisir de rédiger des directives mais ne pas désigner de personne de confiance. En outre, l’exercice de ces deux droits peut s’articuler et la personne de confiance jouer un rôle d’aide à la rédaction des directives anticipées, notamment lorsque le patient est dans l’impossibilité d’écrire.

● Il ressort par ailleurs des auditions que la personne de confiance, bien qu’aujourd’hui plus facilement appréhendée par les patients et les professionnels, gagnerait à être considérée davantage comme un intermédiaire essentiel.

Dans ce contexte, plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur la nécessité de mieux définir le rôle pratique de la personne de confiance, afin d’adapter sa place auprès du personnel soignant mais aussi auprès du patient, que ce dernier soit ou non en capacité d’exprimer sa volonté. L’ADMD suggère notamment, pour ce faire, de mieux distinguer cette personne de la famille.

Il s’agit en outre de renforcer la compréhension du dispositif par les hommes et les femmes désignés personnes de confiance. Comme l’ont révélé les auditions, tous n’ont pas toujours connaissance de ce dispositif, ni de ses implications. À cette fin, un guide pourrait être établi et remis à ces personnes à leur désignation.

Recommandation  13 : Établir un guide à destination des personnes désignées personne de confiance, pour leur permettre de bien comprendre cette fonction.

 Enfin, l’harmonisation du régime légal de la personne de confiance, dans le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles, devrait contribuer à la meilleure appréhension de la notion. Dans cette optique, l’Igas préconise de leur attribuer une définition et des missions identiques, quel que soit le lieu de prise en charge. Ce point emporterait également l’harmonisation, par voie législative, de la durée de désignation de la personne de confiance pour lever toute limitation de durée.

Recommandation  14 : Harmoniser les définitions de la personne de confiance données par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles.

● Ces constats doivent amener à une réflexion plus globale sur la sémantique de la fin de vie, comme le suggère M. Olivier de Margerie, président de la Fédération Jusqu’à la mort accompagner la vie (Jalmalv). À cet égard, un groupe d’experts a été réuni en décembre 2022 sous la direction d’Erik Orsenna par Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, afin de rédiger un glossaire des mots de la fin de vie. Ce groupe constitue une chance de rendre plus clair le cadre de la fin de vie : derrière les mots se cachent le sens que chacun veut donner à sa fin de vie ainsi que sa représentation dans la société.

2.   La nécessité de mieux faire connaître ces dispositifs

a.   Communiquer largement

Favoriser l’appropriation des droits des personnes malades et en fin de vie constitue le premier axe défini par le cinquième plan national SPFV 2021-2024. Cela suppose d’informer et de sensibiliser pour mieux faire connaître et appliquer la loi Claeys-Leonetti aux patients, professionnels et accompagnants. Cette dimension apparaît majeure tant pour le déploiement des directives anticipée que pour celui de la personne de confiance.

● Dans cette perspective, de nombreuses auditions ont souligné la pertinence et la nécessite d’une nouvelle campagne de communication à l’échelle nationale afin de diffuser largement l’information sur la fin de vie et les dispositifs législatifs existants, parmi lesquels les directives anticipées et la personne de confiance.

Une telle campagne, pilotée par le CNSPFV, est prévue en 2023, à la suite d’un précédent report en raison des travaux de la Convention citoyenne. À partir des besoins identifiés dans l’enquête BVA précitée, elle viserait le grand public, les professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux, et les non-spécialistes de soins palliatifs, au moyen d’outils plus ciblés pour répondre aux besoins de populations vulnérables ou aux besoins spécifiques. Le montant alloué à cette campagne, estimé à seulement un million d’euros sur deux ans, soit un budget identique à celui de la campagne de 2017, interroge toutefois. Les copilotes du plan national SPFV ont eux-mêmes admis cette somme sans doute insuffisante.

● Des campagnes ciblées pourraient compléter utilement cette communication. Plusieurs auditions, parmi lesquelles celles de l’Académie de médecine et de l’Igas, soulignent l’importance de sensibiliser les jeunes adultes aux questions de la fin de vie. Alors que la loi ouvre des droits pour « toute personne majeure », la possibilité de rédiger des directives anticipées chez les jeunes adultes reste trop peu employée malgré l’intérêt d’une telle démarche dans le cas des accidents de la route notamment. Une prise de conscience de la question de la fin de vie passera nécessairement, selon l’Académie de médecine, par la levée des freins psychologiques en sensibilisant dès le plus jeune âge, par exemple au moyen de l’éducation civique.

Dans cette perspective est prévue, dans le cadre du cinquième plan SPFV, la diffusion d’outils pédagogiques élaborés par le CNSPFV afin de faciliter la rédaction et les discussions autour des dispositifs des directives anticipées et de la personne de confiance. Ces supports et outils didactiques – guides pratiques, infographies, tutoriels animés, vidéos – sont censés répondre aux besoins de tous les citoyens et permettre aux professionnels de santé et du secteur médico-social d’accompagner différents types de publics – résidents d’Ehpad, personnes en situation d’isolement ou de précarité, en situation de handicap, etc.

Recommandation  15 : Communiquer largement sur l’intérêt des directives anticipées et de la personne de confiance, par une campagne nationale et par des campagnes ciblées.

b.   Vers une meilleure traçabilité des directives anticipées et de la personne de confiance

● Une information accrue sur les directives anticipées et la personne de confiance suppose par ailleurs une meilleure traçabilité des déclarations dès lors qu’elles existent.

● Si le registre national prévu par la loi Claeys-Leonetti constitue une avancée indéniable, les déclarations pouvant désormais être insérées dans le dossier médical partagé, des progrès supplémentaires peuvent être réalisés. Ils supposent de poursuivre le déploiement du DMP et d’encourager l’intégration des déclarations dans celui-ci, ainsi que le suggèrent le Conseil national de l’ordre des infirmiers et l’Académie de médecine.

Malgré un renseignement croissant des directives anticipées dans le DMP, 53 900 usagers l’ayant fait en 2022 contre 9 800 en 2021, la marge de progression demeure massive. En effet, près de 65,7 millions de nos citoyens disposent aujourd’hui d’un compte sur Mon espace santé. Parmi eux, 51,3 millions de majeurs ont la possibilité de renseigner leurs directives anticipées après avoir activé leur profil ([76]).

informations renseignÉes dans mon espace santÉ

 

2021

2022

Total depuis le démarrage du DMP

Part des usagers majeurs ayant un Mon espace santé (base : 51,3 millions de comptes)

Part des usagers ayant créé un compte d’accès à Mon espace santé (base : 8 millions de comptes)

Directives anticipées

9 800

53 900

98 000

0,2 %

1,2 %

Volonté et droits du patient dont personne de confiance

19 300

489 000

603 000

1,2 %

7,5 %

Source : Cnam

L’enjeu d’amélioration du dispositif se situe donc majoritairement dans l’incitation et l’accompagnement au renseignement des directives anticipées par les usagers. Les fonctionnalités proposées par Mon espace santé permettent de répondre pour partie à cet enjeu : accompagnement grâce au formulaire de saisie ou au téléchargement d’un document libre selon les souhaits de l’usager, et mise à disposition simultanée pour les professionnels de santé habilités.

Pour compléter le dispositif, la feuille de route d’évolution de Mon espace santé prévoit à terme la possibilité pour les usagers de mentionner l’existence de directives anticipées disponibles hors Mon espace santé, permettant par exemple de faire connaître celles qui seraient déposées chez un tiers de confiance.

● Des alternatives complémentaires au DMP sont également envisagées. Le CNSPFV a proposé, au cours de son audition, la création d’une banque des directives anticipées, c’est-à-dire une base de données alimentée par le patient lui-même ou par les professionnels de santé.

Les services du ministère de la santé et de la prévention ont indiqué aux membres de la mission que cet axe sera approfondi dans le cadre de la nouvelle feuille de route du plan national afin de développer des solutions alternatives au renseignement, au stockage et à la consultation des données, comprenant notamment la traçabilité dans le dossier médical d’urgence, le dossier de liaison d’urgence, et avec un accès 24h/24h.

● Par ailleurs, une traçabilité accrue suppose de renforcer la coordination des professionnels de santé et l’accessibilité des informations pour ces derniers.

L’acculturation des professionnels aux outils mis en œuvre constitue un premier levier d’amélioration. Alors que les documents sont directement accessibles aux professionnels de santé via leur logiciel compatible DMP, leur consultation des directives anticipées demeure à ce stade anecdotique. Selon les chiffres transmis par la Cnam, seulement 350 professionnels de santé auraient consulté les directives anticipées renseignées dans Mon Espace Santé en 2022, en croissance néanmoins de 44% par rapport à l’année précédente. Ce chiffre devrait croître progressivement avec le déploiement en cours des logiciels référencés SEGUR qui facilitent l’accès au DMP des patients.

Le Comité national consultatif d’éthique, dans son avis publié en septembre 2022, pointe enfin la nécessité de simplifier l’accès à la consultation des directives anticipées par les professionnels de santé et propose que leur existence soit inscrite sur la carte Vitale du patient, sauf en cas d’opposition de l’assuré ([77]).

3.   Renforcer l’accompagnement de la fin de vie

Les travaux menés par la mission mettent en lumière la nécessité de renforcer l’accompagnement des Français, tant dans leur réflexion sur la fin de vie que dans la rédaction de leurs directives anticipées.

● Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer la présence et les échanges autour de la fin de vie afin d’engager un véritable travail d’appropriation et de compréhension facilitant la réflexion de chacun. Il ressort en effet des auditions de la mission que les directives anticipées sont fondamentales pour la construction du parcours de fin de vie et constituent un support d’échanges précieux pour les professionnels de soins. Pourtant, la majeure partie de la population rencontre des difficultés à discuter de l’hypothèse de la fin de vie et partant à rédiger leurs directives ou à identifier une personne de confiance.

Cette nécessité d’accompagner tient par ailleurs à l’importance persistante de l’oralité dans les échanges relatifs à la fin de vie, ce qui a été rappelé par la ministre Agnès Firmin Le Bodo lors de son audition. L’enquête BVA réalisée pour le CNSPFV confirme cette préférence : 48 % des répondants préfèreraient transmettre oralement leurs préférences concernant leur fin de vie, que ce soit à leurs proches, à un médecin ou à l’équipe soignante. Cette préférence pour l’oralité gagnerait à se traduire plus souvent par la désignation d’une personne de confiance, avec qui des discussions pourraient être tenues et restituées par écrit.

a.   Associer largement les professionnels de santé à la mission d’information sur la fin de vie

La diffusion de l’information sur la fin de vie nécessite l’implication de l’ensemble des professionnels de santé qui participent à sa bonne mise en œuvre.

● Le médecin traitant, qui se voit attribuer un rôle d’information du patient par la loi Claeys-Leonetti, trouverait bien sûr toute sa place dans un tel dispositif, comme le souligne la Cnam dans ses réponses adressées aux rapporteurs. Les auditions menées par la mission mettent effectivement en avant le rôle central du médecin dans la communication sur les directives anticipées.

Celui-ci est toutefois loin d’être effectif, notamment par manque de temps ou encore par manque de connaissance du sujet. Dans cette perspective, l’Igas souligne la nécessité de renforcer l’information des médecins traitants sur leur rôle dans la communication autour de ce dispositif.

Une enquête menée par le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) auprès des conseils départementaux de l’ordre souligne que la majorité des médecins souhaitent pouvoir davantage accompagner leurs patients en fin de vie. Mme Elsa Walter propose à cet égard de rendre obligatoire la présentation du dispositif de directives anticipées par le médecin. Une telle prise en charge nécessiterait l’instauration d’une tarification spécifique pour les médecins libéraux, souvent contraints par le temps, ainsi qu’une formation dédiée.

● Comme l’a souligné Mme Agnès Firmin Le Bodo au cours de son audition, tous les professionnels en contact régulier avec le patient peuvent utilement contribuer à son information, à sa réflexion sur sa fin de vie et à la rédaction de ses directives anticipées. Les infirmières, en pratique avancée ou non, les aides-soignantes et même les aides à domicile ont toute leur place dans cette mission. Cela suppose également, comme le souligne le CCNE, une meilleure maîtrise de la conduite méthodologique du recueil de l’expression des directives anticipées par les personnels de santé, et des formations dans chacune de ces professions.

Par ailleurs, l’Igas préconise l’intégration d’autres acteurs déjà parties prenantes des politiques publiques de santé qui pourraient devenir des vecteurs supplémentaires d’information, comme :

– la Cnam, à travers le portail Ameli et Mon Espace Santé sur lesquels des informations sont déjà présentes ;

 Santé Publique France, au titre des missions reconnues à l’article L. 1422‑1 et suivants du code de la santé publique ;

– les têtes de réseaux des établissements sanitaires et médico-sociaux (FHF, Fehap, FHP, Fnehad, Fnadepa, Synerpa…) ;

– les sociétés savantes, les ordres (médecins, pharmaciens) et les organisations professionnelles des différentes professions de santé ;

– le réseau associatif, par le biais d’action sur le terrain en proximité et par le dialogue.

Recommandation  16 : Encourager les professionnels de santé à informer et accompagner les patients dans la rédaction de leurs directives anticipées et la désignation de leur personne de confiance.

b.   Intégrer les directives anticipées dans une discussion anticipée sur la fin de vie

● Au-delà de leur rôle informationnel et d’accompagnement, les rapporteurs soulignent l’intérêt de travailler à de véritables « discussions anticipées » avec les professionnels de santé, en amont de la rédaction de directives anticipées ([78]).

Le CCNE, dans son avis précité, jugeait souhaitable que les directives anticipées « s’intègrent dans un processus d’aide au cheminement de la personne malade » ([79]). Il s’agit notamment d’éviter qu’elles ne soient rédigées de manière solitaire, pour « qu’elles soient le fruit d’une réflexion engagée avec un ou plusieurs membres du personnel soignant qui peuvent aider à la clarté et la pertinence des mots choisis ».

Dans ce schéma global, les discussions anticipées précèderaient la rédaction des directives, perçues comme l’aboutissement de la réflexion, tout en s’inscrivant dans un cadre évolutif tout au long du parcours de fin de vie.

● Plus concrètement, ces discussions anticipées pourraient prendre la forme de consultations dédiées à la réflexion avec le patient sur ses droits et volontés en matière de fin de vie. Il s’agit de ménager des temps et lieux dédiés à ces discussions pour conforter les patients dans la confiance qu’ils accordent aux professionnels de santé, et leur assurer que leurs volontés seront respectées lors des processus délibératifs décisionnels. Pour garantir le bon déroulement de telles consultations, Mme Valérie Depadt suggère de prévoir leur prise en charge par l’assurance maladie.

Le plan national SPFV 2021-2024 prévoit de développer des discussions anticipées comme support de dialogue médecins-patients et d’expérimenter des consultations dédiées à l’écriture des directives anticipées, avec la création d’un acte de type « entretien sur les directives anticipées » pour les professionnels de santé (médecin ou infirmier diplômé d’État). Une généralisation pourrait être utilement envisagée une fois cette expérimentation diligentée et évaluée.

Recommandation  17 : Développer les discussions anticipées, en amont de la rédaction des directives anticipées, dans le cadre de consultations dédiées, prises en charge par l’assurance maladie.

c.   Soutenir l’action des associations

La mission tient à souligner le rôle majeur joué par les associations, particulièrement auprès des personnes en fin de vie les plus vulnérables.

● Les associations restent peu connues du grand public mais aussi des soignants, alors qu’elles permettent d’accompagner la rédaction de directives anticipées par le biais d’actions de terrain et par le dialogue. Elles contribuent à diffuser l’information sur la fin de vie : l’ADMD, à l’occasion de sa tournée estivale, distribue plus de 10 000 formulaires de directives anticipées ; l’association Petits frères des pauvres a organisé des « apéros de la mort » pour des échanges sur la fin de vie. Ces structures, par leur approche et leurs actions, constituent en outre des foyers de créativité au service d’une meilleure fin de vie, à l’image de la fédération Jalmalv qui a développé des ateliers d’écriture dans les Ehpad ou le jeu de cartes À vos souhaits afin d’aider à la réflexion sur la fin de vie.

Les associations auditionnées ont fait état d’un soutien insuffisant de la part des pouvoirs publics et d’un « burnout des bénévoles » s’ajoutant au déficit de recrutement. Trois centres de la fédération Jalmalv ont dû fermer faute de moyens et de personnels.

L’action de ces associations demeure particulièrement délicate à domicile, et souffre d’un manque de visibilité et de reconnaissance. En effet, la loi ne leur permet pas de signer des conventions d’accompagnement avec la famille ou le médecin traitant de ville. Plus qu’ailleurs, les bénévoles doivent être identifiés et se coordonner avec les soignants du périmètre, ce qui est coûteux socialement et difficile à accomplir en pratique.

● Il apparaît aujourd’hui déterminant de soutenir l’action des associations alors que celles-ci peinent à recruter des bénévoles, particulièrement depuis la crise de la covid‑19. Les financements publiés attribués aux actions d’associations au cours du précédent plan entre 2015 et 2021, qui s’élèvent à 322 726 euros, sont notoirement insuffisants.

Les associations se disent prêtes à ouvrir et à tenir, en partenariat avec des médecins à la retraite et des bénévoles, des tiers lieux au sein desquels la fin de vie, la loi et ses dispositifs seraient abordés. L’association Jalmalv cherche à créer un « numéro d’appel » ou une plateforme téléphonique sur la fin de vie de façon à assurer une écoute ou une conversation par voie électronique.

Ces actions gagneraient à être soutenues par une campagne nationale pour faire connaître le bénévolat et par la création de tiers lieux.

Recommandation  18 : Lancer une campagne de communication nationale afin de sensibiliser les Français à la question de l’accompagnement des malades et dynamiser l’action de bénévoles aux côtés des professionnels de santé.

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*     *

   Partie III – LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU’AU DÉCÈS, UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE essentielle MAIS TRÈS PEU UTILISÉe

Alors que les notions d’obstination déraisonnable, de directives anticipées et de personne de confiance existaient avant 2016, la sédation profonde, continue et maintenue jusqu’au décès (SPCJD), associée à une analgésie, constitue l’innovation majeure de la loi Claeys-Leonetti.

Le faible recours à ce dispositif, considéré comme une réelle avancée lors de l’adoption de la loi, ne peut que questionner. Difficile à mettre en œuvre, en particulier hors de l’hôpital, la SPCJD suscite une forme de réticence de la part des professionnels de santé, qui hésitent parfois à en parler lorsqu’ils sont interrogés.

A.   Une avancée importante de la loi CLaeys-leonetti

1.   L’instauration d’un nouveau droit strictement défini

a.   L’inscription dans la loi d’un droit nouveau

L’une des principales mesures de la loi Claeys-Leonetti est la consécration à l’article 3 d’un droit du patient à bénéficier d’une analgésie et d’une sédation provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès (SPCJD). Les modalités et conditions d’usage ont été précisées par décret ([80]). Un guide d’application publié par la Haute Autorité de santé (HAS) en février 2018 et actualisé en janvier 2020 a déterminé les conditions de mise en œuvre opérationnelle ([81]).

● Prévue à l’article L. 1110-5-2 du code de la santé publique, la SPCJD provoque une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, y compris la nutrition et l’hydratation artificielles. Cette sédation comporte trois caractéristiques :

– elle est profonde car elle doit garantir l’altération totale de la conscience ;

– elle est également continue jusqu’au décès afin de ne pas réveiller le patient pour lui demander de réitérer son choix ;

– elle comprend une dimension antalgique afin d’éviter la douleur.

● La loi Claeys-Leonetti avait pour ambition de renforcer les droits du patient et son autonomie face à sa fin de vie. La SPCJD s’inscrit pleinement dans ce droit, et notamment celui de ne pas souffrir et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. En effet, le législateur a souhaité prendre en compte les situations dans lesquelles les soins palliatifs apparaissent impuissants face aux souffrances que peuvent entraîner l’arrêt des traitements curatifs inutiles ou la décision de ne pas les entreprendre.

Avec la mise en place de la SPCJD est consacré le droit de « dormir avant de mourir pour ne pas souffrir » selon les mots de M. Jean Leonetti. L’objectif est, selon la définition proposée par la Sfap, de « diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les autres moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre le soulagement escompté ».

Le droit à la SPCJD constitue une véritable exception et traduit un changement de paradigme. Ce changement est bien décrit par M. Jean Leonetti qui, dans la présentation de la proposition de loi, évoquait l’impératif de « passer d’un devoir des médecins à un droit qui est comme son miroir, le droit des malades ».

Il s’agit du seul cas en droit français dans lequel le patient impose au médecin un traitement ou une pratique médicale. Au plan international, la France est par ailleurs, comme le rappelle l’Igas dans son rapport précité, le seul pays à prévoir, d’une part, un statut légal spécifique de la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès et, d’autre part, le droit du patient à y recourir.

b.   Une procédure très encadrée

i.   Un usage réservé à des situations précises

La SPCJD ne peut être mise en œuvre que dans des situations strictement définies. La loi Claeys-Leonetti, précisée par un décret du 3 août 2016 ([82]), distingue trois circonstances dans lesquelles le recours à la sédation, associé à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, peut être exercé.

D’une part, la SPCJD peut être mise en œuvre à la demande du patient :

– s’il présente une souffrance réfractaire aux traitements alors qu’il est atteint d’une affection grave et incurable et que son pronostic vital est engagé à court terme ;

– si, atteint d’une affection grave et incurable, il décide d’arrêter un traitement et que cette décision, qui engage son pronostic vital à court terme, est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

D’autre part, la loi prévoit la possibilité d’un recours à la SPCJD dans le cas où le patient n’est pas capable d’exprimer sa volonté, au nom du refus de l’obstination déraisonnable. Le médecin qui arrête, à ce titre, le traitement de maintien en vie d’un patient dans l’incapacité d’exprimer sa volonté a l’obligation de mettre en œuvre une sédation profonde et continue, sauf si le patient s’y est opposé antérieurement dans ses directives anticipées, ou à défaut via le témoignage de la personne de confiance ou de ses proches.

Il est prévu que la sédation profonde et continue puisse, à la demande du patient, être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou en établissement ou service social ou médico-social (ESMS).

ii.   Une procédure encadrée et réglementée

Les modalités de mise en œuvre de la SPCJD, précisées par le décret du 3 août 2016 précité, répondent à des règles précises.

La SPCJD ne peut d’abord être mise en œuvre que dans le cadre d’une procédure collégiale qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions de son application sont remplies. La procédure collégiale impose au médecin de consulter « les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe et celui d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n’existe aucun lien de nature hiérarchique ». Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative ou, de manière obligatoire, à la demande de « la personne de confiance ou à défaut de la famille ou de l’un des proches ».

La décision résultant de cette procédure, notamment lorsqu’elle s’éloigne des directives anticipées, est soumise à une obligation de motivation et de traçabilité. Le dossier médical du patient est dûment complété et doit comporter les « témoignages et avis ainsi que les motifs de la décision ». « La personne de confiance, ou à, défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement ».

2.   Une inscription dans la loi qui a permis de sécuriser juridiquement les professionnels de santé

Cette pratique a été qualifiée de « véritable révolution » par la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) lors de son audition.

Pourtant, la SPCJD figurait déjà, avant 2016, parmi les pratiques médicales exercées pour les patients arrivés en phase terminale d’une maladie. Stade ultime des procédés sédatifs, elle est apparue dès les années 1990 et a progressivement été reconnue au plan international comme une procédure légitime mais exceptionnellement indiquée, pour les patients parvenus à la phase terminale de leur maladie. En France, le code de déontologie médicale précise dès 2008 que, lorsqu’un médecin met fin à un traitement de survie ([83]), il a l’obligation d’administrer au patient un traitement antalgique et sédatif jusqu’au décès.

La loi Claeys-Leonetti a donné un cadre à ce procédé. Dans leur rapport précité de présentation de la proposition de loi, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti déploraient d’ailleurs la persistance de pratiques discutables, consistant par exemple à réveiller le malade afin qu’il réitère son choix au nom du principe d’autonomie.

Inscrire la SPCJD dans le code de la santé publique a en outre permis « d’enlever un poids » aux personnels soignants. Le soulagement qu’a constitué, pour les soignants, la reconnaissance de la SPCJD a été confirmé lors de l’échange avec les professionnels de santé de l’hôpital Delafontaine à Saint‑Denis. Le docteur Pascal Bolot, chef du service de néonatologie, a indiqué notamment que « la loi Claeys-Leonetti [les] a beaucoup aidé[s] (…) et a permis de [les] conforter dans l’idée d’avoir recours à cette pratique ».

Enfin, les équipes soignantes rencontrées ont souligné l’utilité de cette procédure qui enrichit la relation de confiance et oblige à s’engager jusqu’au terme de la vie du patient.

B.   Un recours très limité dans les faits

Principale innovation de la loi Claeys-Leonetti, la SPCJD est dans les faits rarement pratiquée. La mise en œuvre de cette procédure semble par ailleurs particulièrement complexe hors de l’hôpital alors même que le droit de bénéficier d’une SPCJD à domicile ou en ESMS est inscrit dans la loi.

1.   Une mise en œuvre rare et hétérogène de la SPCJD

a.   Une absence de traçabilité

Les travaux de la mission n’ont pas permis d’obtenir de données consolidées sur le nombre de SPCJD pratiquées chaque année depuis la promulgation de la loi Claeys-Leonetti. Comme l’a confirmé le CNSPFV, aucun codage spécifique ni aucun système de traçabilité systématique n’existe pour les SPCJD dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Les codes disponibles ne permettent pas d’individualiser le type de sédation pratiqué et de différencier les sédations proportionnées des sédations profondes et continues.

Cette absence de traçabilité est problématique et ne permet pas d’évaluer l’effectivité ou les modalités de mise en œuvre. Comme l’a indiqué lors de son audition la présidente du CNSPFV, Mme Sarah Dauchy, « la difficulté dans l’acte de la sédation profonde et continue est que l’on a créé un acte médical impossible à suivre ».

Différence entre sédations proportionnées et sédations profondes et continues (définitions de la Haute Autorité de santé)

On distingue deux types de pratiques sédatives à visée palliative en fin de vie :

– d’une part, la sédation dite « proportionnée » à l’intensité des symptômes qui permet au patient de garder une vie relationnelle ; elle peut être transitoire, intermittente, potentiellement réversible. Le médecin se doit de la proposer au patient en phase avancée ou terminale pour répondre à une souffrance réfractaire ;

– d’autre part, la sédation profonde et continue qui se caractérise par la suspension de la conscience poursuivie jusqu’au décès.

Pour les rapporteurs, il est indispensable, comme l’avait déjà recommandé l’Igas en 2018, de coder l’information de sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le PMSI pour pouvoir enfin évaluer ce dispositif. Les rapporteurs rejoignent également la recommandation du rapport précité du Sénat en faveur d’un codage spécifique pour l’administration de SPCJD en ville au sein du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram).

Recommandation  19 : Créer un codage spécifique de l’information de sédation profonde et continue au sein du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram) afin de garantir la traçabilité de ce dispositif.

b.   Un recours à la SPCJD restreint et hétérogène

Malgré l’absence de données consolidées, la mission est parvenue, au travers de ses nombreuses auditions et de ses trois déplacements, à un certain nombre de conclusions sur la pratique actuelle de la SPCJD.

i.   Une procédure peu utilisée…

● Le principal constat qu’a pu établir la mission est celui d’un recours à la SPCJD indéniablement rare.

Une des premières enquêtes réalisées sur le sujet, menée par le CNSPFV et portant sur 8 500 patients pris en charge en USP ou par des EMSP en Auvergne- Rhône-Alpes et décédés entre août 2016 et août 2017, a montré que les SPCJD ne représenteraient que 0,5 % des pratiques sédatives palliatives ([84]).

Une étude plus récente visant à évaluer la prévalence des sédations profondes en phase palliative terminale dans les structures de soins palliatifs en France en 2022, dite étude PREVAL-S2P, a abouti à des résultats similaires ([85]). Cette étude montre que la prévalence des sédations profondes – proportionnées ou continues jusqu’au décès et toutes structures palliatives confondues – est estimée à 2,7 % sur un échantillon de 5 714 malades en phase terminale. La prévalence de la SPCJD est estimée à 0,9 % sur le même échantillon de patients (soit 51 sur 5714).

Ces résultats de recherche ont été confortés lors des déplacements de la mission. Les personnels de l’unité de soins palliatifs de Juvisy ont confirmé que la SPCJD constituait une pratique exceptionnelle, qui n’avait par exemple été utilisée que deux ou trois fois en 2022 dans une unité comportant dix lits et recevant environ 200 patients par an.

● Très limité, le recours à la SPCJD est par ailleurs variable selon le lieu de prise en charge. Cette pratique est aussi plus ou moins courante selon la spécialité concernée.

La pratique de la SPCJD ne semble par exemple pas poser de difficulté dans les services de réanimation où elle apparaît en quelque sorte comme un prolongement logique des limitations ou arrêts de traitement (LAT) très courants dans ces services. Dans sa contribution écrite, la Sfar présente ainsi les résultats d’une étude qui indique que, pour 343 arrêts de traitements réalisés dans 57 structures de prise en charge, la SPCJD a été utilisée dans 61 % des cas.

Cette pratique est à l’inverse très exceptionnelle dans certaines spécialités comme l’onco-hématologie pédiatrique, comme l’a indiqué Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE), qui précise dans sa contribution que « le décès survient en médiane dans les 48h suivant le début de la sédation proportionnée (limites 0-20 jours), ce qui sous-tend que le besoin d’une sédation profonde jusqu’au décès n’est pas une nécessité dans cette spécialité pour laquelle la sédation proportionnée s’avère suffisante et adaptée ».

La SPCJD n’est pas pour autant réservée à un service particulier, comme le montre une enquête du CNSPFV menée auprès de 14 établissements hospitaliers en avril 2019 ([86]). Si la majorité des sédations effectuées lors de l’étude ont été dispensées en services de réanimation (19 sur 36 SPCJD étudiées), 8 l’ont été en service d’urgence, et 6 en services de gériatrie.

Le type de structure de prise en charge apparaît plus déterminant que la spécialité pour expliquer les différences de recours à la SPCJD. S’agissant des structures palliatives, l’étude PREVAL-S2P précitée met en lumière une prévalence des sédations profondes croissante avec le renforcement de l’équipe pluridisciplinaire, et ce, pour tout type de sédation. Les sédations profondes sont ainsi bien plus courantes en USP et en LISP que dans le cadre de la prise en charge par une EMSP intra-hospitalière et à domicile ([87]).

PRÉVALENCE DES PRATIQUES SÉDATIVES PROFONDES SUR UN éCHANTILLON DE 5714 PATIENTS EN PHASE PALLIATIVE TERMINALE, PAR TYPE DE STRUCTURE

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Source : Étude PREVAL S2P op cit.

Pour interpréter ces différences, les auteurs de l’étude évoquent deux hypothèses. Ces variations pourraient d’abord s’expliquer par le type de patients pris en charge. On peut en effet supposer que les patients qui requièrent les sédations profondes sont les plus complexes, souvent accueillis dans les structures de pointe. L’autre hypothèse, complémentaire, porte sur le type de soin prodigué. La sédation profonde est une pratique complexe, qui nécessité une offre de soin élevée et ne peut être pratiquée que dans les structures les mieux dotées en personnel et équipement médical.

ii.   …et dont les modalités de mise en œuvre sont variables

Les travaux de recherche portant sur la SPCJD mettent aussi en lumière le fait que les pratiques de sédation profonde peuvent être mises en œuvre selon différentes modalités, qui ne sont pas toujours prévues par la loi Claeys-Leonetti.

Alors que cette dernière prévoit trois cas de recours à la SPCJD, dont deux à la demande du patient, les études montrent que, dans la grande majorité des situations, les SPCJD ont lieu sur proposition médicale. S’agissant de l’étude conduite en avril 2019 par le CNSPFV, sur les 36 SPCJD pratiquées, 30 l’ont été après proposition du corps médical, en accompagnement d’une décision de LAT chez des patients dans l’incapacité de s’exprimer. Ce constat est aussi celui de l’étude PREVAL S2P qui montre que, sur l’ensemble des SPCJD recensées, 21,6 % seulement l’ont été à la suite de demandes spontanées du patient.

La procédure collégiale semble beaucoup varier dans ses modalités. Dans un grand nombre de structures comme à l’USP de Juvisy, cette procédure associe systématiquement l’ensemble de l’équipe – médecins et paramédicaux –, parfois même dans la chambre du patient, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans certains cas, la personne de confiance ou un membre de la famille peut participer à la discussion, sans que cette pratique soit généralisée. Un médecin extérieur peut également être associé : c’est le cas dans 41 % des cas pour les procédures collégiales préalables à la mise en place d’une sédation profonde, selon l’étude PREVAL-S2P.

La procédure collégiale, bien qu’obligatoire pour enclencher une SPCJD, apparaît dès lors très peu formalisée. Elle n’est d’ailleurs pas systématiquement respectée : selon l’étude PREVAL S2P, elle est absente dans 20 % des cas.

Les rapporteurs considèrent indispensable que la procédure collégiale associe systématiquement l’ensemble des professionnels qui participent à la prise en charge du patient.

Recommandation  20 : Inclure obligatoirement l’équipe pluridisciplinaire dans la procédure collégiale pour enclencher une sédation.

2.   Une procédure très difficile à mettre en œuvre hors de l’hôpital

La loi Claeys-Leonetti précise que la SPCJD doit être accessible à toute personne qui la demande et qui en remplit les conditions, y compris à domicile. Or, cette pratique apparaît difficile, voire quasiment impossible hors de l’hôpital. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer la complexité de cette mise en œuvre au domicile.

a.   Un accès aux médicaments longtemps entravé

La mise en œuvre d’une SPCJD associée à une analgésie hors de l’hôpital nécessite que l’accès aux médicaments nécessaires soit envisageable en ambulatoire. Or, le recours au midazolam, que la HAS a recommandé d’utiliser en première intention dans le cadre d’une SPCJD au domicile du patient, a longtemps été très difficile hors de l’hôpital, ne pouvant être délivré en ville que par rétrocession des pharmacies à usage intérieur (PUI).

Recommandée en janvier 2020 par la HAS ([88]), la prescription du midazolam en ville en situation palliative n’a été possible que très récemment. En février 2020, la ministre de la santé Agnès Buzyn s’était engagée à une mise à disposition du médicament au plus tard à la fin du premier semestre de l’année. Cette perspective, qui n’a pu être tenue en raison de la crise de la covid‑19, a été réitérée par le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran, qui a annoncé le 11 mars 2021 la disponibilité de ce produit pour la prise en charge en ambulatoire pour la fin de l’année 2021.

L’accès au midazolam en ville a finalement été autorisé par la publication de deux arrêtés du 15 décembre 2021 ([89]) et du 9 février 2022 ([90]), inscrivant sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités et divers services publics (liste ville) deux spécialités à base de midazolam injectable, et un arrêté du 15 décembre 2021 inscrivant ces spécialités sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux. Selon les informations communiquées par la DGOS, il n’est néanmoins effectif que depuis mars 2022 ([91]).

Le lent processus de mise à disposition du midazolam en ville

La mise à disposition effective du midazolam en ville s’est faite en plusieurs étapes, rappelées par la DGOS et la DGS dans leur réponse aux questionnaires des rapporteurs :

– La modification des autorisations de mise sur le marché (AMM). L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’est rapprochée des laboratoires commercialisant en France des spécialités à base de midazolam injectable disposant d’une AMM nationale (laboratoires Mylan, Accord et Aguettant) pour les inviter à déposer une demande de modification d’autorisation pour élargir leurs indications à la sédation en soins palliatifs et de modifier leurs conditions de prescription et de délivrance. Ces modifications ont été introduites par arrêté du 21 juillet 2021 avec entrée en vigueur le 18 décembre 2021 ;

– Le remboursement des spécialités à base de midazolam injectable et la fixation de leurs prix en ville. Sollicités par la DGS, les laboratoires Accord et Mylan, qui représentent près de 90 % du marché, ont accepté de déposer une demande de prise en charge auprès de la Commission de la Transparence, puis de fixation du prix auprès du Comité économique des produits de santé (CEPS). Un accord a été trouvé entre ce dernier et les laboratoires pour la fixation d’un prix « ville » pour ces spécialités ;

– La mise en place de mesures visant à sécuriser l’utilisation de ce produit en ambulatoire. Un arrêté du 14 juin 2021 a ainsi rendu applicable aux spécialités à base de modazolam injectable une partie de la règlementation des stupéfiants ([92]). Un vademecum rédigé par la Sfap et validé par son conseil scientifique a été diffusé le 17 décembre 2021 ([93]). Un communiqué de la fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) relatif à l’extension d’indication du midazolam et sa mise à disposition en ville a par ailleurs été envoyé à ses adhérents le 21 décembre 2021.

La disponibilité du midazolam en ville, si elle a été particulièrement tardive, ne constitue pas moins une réelle avancée, comme l’a confirmé l’association SPES lors de sa rencontre avec les rapporteurs et le président de la mission. Les difficultés d’accès aux traitements adaptés continuent néanmoins de faire obstacle à l’accompagnement des personnes en fin de vie par une SPCJD hors de l’hôpital. L’association SPES a ainsi évoqué l’indisponibilité d’environ 200 médicaments nécessaires à la prise en charge palliative à domicile. Les médicaments manquants sont parfois des produits simples, à l’instar du Perfalgan. Plusieurs membres de l’association ont indiqué à cette occasion se voir demander « de faire des soins palliatifs comme à l’hôpital mais sans les moyens de l’hôpital ».

b.   Un besoin de présence et de surveillance particulièrement soutenues

La SPCJD est une procédure complexe dont l’application à domicile est particulièrement délicate. Ses conditions d’organisation et de mise en œuvre nécessitent le plus souvent d’avoir recours à l’hospitalisation à domicile, le cas échéant avec le soutien d’une équipe experte en soins palliatifs.

Dans chacune de ses étapes, la SPCJD requiert en effet des conditions de présence et de surveillance exigeantes.

Pour envisager une SPCJD, une procédure collégiale est d’abord nécessaire, qu’il n’est pas toujours facile de garantir. Cette procédure requiert en effet la participation d’un médecin extérieur, particulièrement difficile dans les territoires moins dotés. S’agissant ensuite de délivrer la SPCJD, le médecin référent et responsable de la décision ne peut rédiger la prescription qu’après conseil auprès du médecin spécialisé en soins palliatifs. Il est ensuite nécessaire de surveiller le patient jusqu’à ce qu’il soit stabilisé, ce qui peut prendre plusieurs heures.

Une fois la SPCJD amorcée, elle suppose une surveillance soutenue avec le passage d’un infirmier au moins deux fois par jour en domicile et au moins trois fois par jour en Ehpad, ainsi qu’une évaluation quotidienne du médecin. La HAS impose qu’un médecin et une infirmière soient joignables 24h/24 et que l’infirmière puisse se déplacer.

La mise en place d’une HAD exige quant à elle un relai continu de l’entourage de la personne, qu’il s’agisse de proches, de bénévoles ou d’auxiliaires de vie, pouvant alerter à tout moment le personnel de santé de l’évolution de la situation. La mobilisation à temps plein d’un aidant est essentielle mais constitue un obstacle majeur pour un grand nombre de personnes qui ne disposent pas d’un entourage familial ou amical suffisant.

c.   Garantir le droit à la sédation profonde et continue hors de l’hôpital

Au vu des conditions requises pour une SPCJD, on ne peut que s’interroger sur l’applicabilité de cette procédure au domicile du patient. Qu’il s’agisse des besoins en médicaments, des obligations de surveillance des professionnels de santé et de la bonne coordination entre eux, ou encore des règles de procédure obligatoires, nombreux sont les obstacles qui s’opposent au recours à cette pratique hors de l’hôpital. D’après l’étude PREVAL-S2P, seules 8 % des sédations profondes étudiées ont eu lieu au domicile privé de la personne et 3 % en Ehpad.

Selon le Dr Matthieu Frasca ([94]) et le Pr Benoît Burocoa ([95]), l’un des principaux enseignements des études sur la SPCJD, et notamment de l’étude PREVAL-S2P, est le constat que la SPCJD est une procédure complexe qui requiert un niveau de soins important. Il persiste dès lors une forme de contradiction entre ce qu’a voulu le législateur en 2016, soit la possibilité pour chacun de bénéficier d’une SPCJD, même à domicile, et les conditions concrètes d’application de la loi. Comme l’indique l’étude précitée du CNSPFV sur la mise en œuvre de la SPCJD en 2018, « il est difficile en effet, à la fois de demander qu’une expertise en soins palliatifs précède toute délibération pré- SPCJD et accompagne toute mise en œuvre de SPCJD, tout en souhaitant que cette SPCJD soit accessible à domicile, sauf à développer un maillage intense du territoire en HAD et/ou réseaux à domicile de soins palliatifs ».

Aussi, afin de permettre le recours à la SPCJD à domicile, il convient de déployer des moyens. Plusieurs leviers doivent être mobilisés.

S’agissant de l’accès aux médicaments, il est urgent de recenser précisément l’ensemble des spécialités nécessaires pour assurer la mise en œuvre adéquate de la SPCJD afin de garantir leur disponibilité hors de l’hôpital. À l’occasion de son audition, la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professionnels de santé, Mme Agnès Firmin Le Bodo, soulignait l’enjeu d’informer les professionnels de santé, en particulier les pharmaciens d’officine, qui ne sont souvent pas au courant de la possibilité de se procurer du midazolam en ville.

Recommandation  21 : Assurer l’accès en ambulatoire des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD.

 Recenser l’ensemble des produits et médicaments nécessaires à la SPCJD et assurer leur accès en ville afin de faciliter la mise en œuvre de la SPCJD à domicile.

 Communiquer à grande échelle auprès des professionnels de santé sur la disponibilité de ces produits.

 Il est nécessaire de garantir aux professionnels de santé la possibilité de se faire aider par des équipes expertes en soins palliatifs et de solliciter le soutien des équipes d’HAD. Cet objectif passe par un renforcement ambitieux des moyens consacrés au développement des soins palliatifs et à la formation des professionnels à la prise en charge de la fin de vie, mais aussi par la généralisation de bonnes pratiques comme des astreintes téléphoniques dédiées à l’assistance à la SPCJD.

 

Recommandation  22 : Assurer l’accès permanent aux équipes mobiles de soins palliatifs et à l’hospitalisation à domicile pour la mise en œuvre de la SPCJD à domicile en renforçant considérablement les moyens dédiés à ces structures et en généralisant les astreintes téléphoniques d’assistance à la SPCJD.

Si l’on estime que le médecin de famille est la personne qui connaît le mieux la personne en fin de vie, son entourage ainsi que ses conditions de vie, il est nécessaire de lui donner les moyens d’assumer cette responsabilité. À cet effet, il convient de s’interroger sur la possibilité d’alléger la procédure de délibération collégiale lorsqu’elle a lieu au domicile, tout en maintenant son principe, crucial pour que le médecin généraliste ne soit pas seul à prendre la décision.

Recommandation  23 : Mettre le médecin traitant volontaire au cœur de la procédure du SPCJD à domicile et lui donner les moyens d’assurer ce rôle.

Une SPCJD requiert enfin de favoriser l’accompagnement non médical du patient en fin de vie dans l’objectif d’entourer la personne et ses proches. Il apparaît indispensable de favoriser l’accès aux auxiliaires de vie afin de permettre la présence continue d’un tiers dans les heures ou jours que durera la sédation.

Recommandation  24 : Favoriser l’accès à des auxiliaires de vie à domicile pour assurer la présence continue d’un tiers pendant la durée de la SPCJD.

C.   Une procédure qui interroge

Présentée comme une solution d’équilibre qui permet de soulager et d’endormir le patient dans les derniers instants de sa vie, la SPCJD suscite une forme de réticence chez certains soignants qui pourrait expliquer le faible recours à cette pratique. Cette pratique pose en effet un certain nombre de questionnements éthiques qu’il convient de rappeler.

1.   La sédation profonde et continue chez l’enfant, une procédure particulièrement délicate

Les rapporteurs ont souhaité évoquer cette question particulièrement sensible. Il était essentiel de s’interroger sur la mise en œuvre de la sédation profonde et continue chez l’enfant.

Le droit à la SPCJD n’est pas soumis à une condition d’âge. Il s’applique aux adultes comme aux mineurs. Dans son guide pratique relatif aux modalités d’application de la SPCJD, la HAS indique en effet que la demande d’un patient mineur en fin de vie « sera écoutée de la même façon que celle d’un adulte ».

La HAS définit un cadre spécifique pour la mise en place de la SPCJD chez le mineur, mais celui-ci ne concerne que les enfants ayant une maturité et une capacité de discernement suffisantes.

Les spécificités de la procédure de SPCJD chez l’enfant capable de discernement selon la HAS

Selon la HAS, cette situation exceptionnelle nécessite :

– une démarche triangulaire de réflexion et de dialogue entre la personne mineure, les parents et les professionnels (équipe qui prend en charge la personne mineure, pédiatre, pédopsychiatre, psychologue, etc.) ;

– un accompagnement qui doit être global, de l’enfant, de ses proches et de l’équipe soignante.

Outre les éléments d’analyse décrits pour l’adulte :

 – la maturité de la personne mineure, son niveau de compréhension de la situation clinique, sa capacité de discernement et son degré d’autonomie dans sa demande doivent être évalués en équipe par le(s) professionnel(s) en qui l’enfant a confiance avec, le cas échéant, l’aide d’un pédopsychiatre ou d’un psychologue clinicien ;

– la perception des parents de la souffrance de leur enfant sera recueillie ;

– la communication parents/mineur apparaît particulièrement importante dans ce contexte et devrait être facilitée si besoin par la présence d’un tiers professionnel. L’accompagnement des parents est essentiel.

Selon le docteur Daniel Orbach, responsable du service clinique de la pédiatrie –adolescents – jeunes adulte de l’Institut Curie, la SPCJD est rare en pédiatrie, assez fréquente en réanimation et quasi inexistante en hémato-oncologie.

En réanimation, la sédation correspond à une pratique à la fois fréquente et ancienne, pratiquée bien avant l’instauration du droit à la SPCJD. Selon une étude de l’Observatoire de la fin de vie, 60 % des enfants qui décèdent d’un cancer ou d’une leucémie meurent d’une sédation proportionnée ([96]).

Si la SPCJD appliquée à l’enfant ne change rien dans la pratique, elle constitue toujours une décision plus douloureuse. Pour les professionnels et les parents, elle implique un renoncement aux chances de survie de l’enfant. Pour le docteur Matthias Shell, oncologue pédiatre au sein de l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, les chances de survie de l’enfant, relativement élevées comparées à celles de l’adulte – 4 enfants sur 5 survivent à leurs cancers ou à leurs leucémies –, posent la question du « juste niveau de traitement ». Le professionnel est dès lors pris en étau entre l’écueil de l’obstination déraisonnable et le risque que la décision médicale fasse perdre cette dernière chance de survie. La situation est d’autant plus complexe lorsque les deux parents expriment des volontés contraires.

La décision de recourir à la sédation est généralement exprimée par les parents lorsque l’enfant ne sait pas encore ou n’est pas en situation de s’exprimer. Ainsi les cas de SPCJD pratiquées à la demande du mineur demeurent-ils marginaux. Selon l’étude rétrospective menée par le 2SPP pour les années 2017 à 2019, six patients pris en charge dans le cadre des soins palliatifs pédiatriques ont émis une demande de SPCJD, et deux seulement parmi eux étaient mineurs.

Les professionnels de santé spécialisés dans la prise en charge des mineurs en fin de vie indiquent unanimement que le cadre juridique de la loi Claeys-Leonetti répond à la plupart des situations. La demande d’obstination déraisonnable, plus fréquente dans les services pédiatriques, constitue la principale difficulté soulignée par les acteurs rencontrés. Il apparaît nécessaire dans ce contexte de préciser dans la loi que le concept d’obstination déraisonnable s’applique également aux mineurs, quelle que soit la demande parentale.

Recommandation  25 : Préciser dans la loi que le refus de l’obstination déraisonnable s’applique aux mineurs.

Il conviendrait également que la HAS établisse des recommandations spécifiques pour les cas de SPCJD chez l’enfant, lorsque celui-ci n’est pas pleinement capable de discernement et que la demande émane des parents.

Recommandation  26 : Établir des recommandations ciblées pour la mise en place de la SPCJD chez l’enfant non capable de discernement.

2.   L’intentionnalité de la SPCJD en question

a.   La question de l’intention, au cœur de la SPCJD

La consécration du droit à la SPCJD a été présentée, lors de l’adoption de la loi Claeys-Leonetti, comme une solution équilibrée pour soulager les malades souffrant de douleurs réfractaires et dont le pronostic vital est engagé à court terme, sans pour autant provoquer la mort. Dans son analyse de la loi Claeys-Leonetti, Mme Valérie Depadt, professeure de droit et conseillère de l’espace éthique Île‑de‑France, considère que la SPCJD est apparue comme le moyen de ménager dans leurs opinions les « pour » et les « contre » le suicide assisté ou l’euthanasie.

Alors que la question a été soulevée dès le début de l’examen de la proposition de loi au Parlement, le rapprochement de cette pratique avec l’euthanasie a pourtant été écarté d’emblée en raison de l’intention qui sous-tend la mise en place de la SPCJD. L’intention du personnel médical est bien de soulager la personne et non de provoquer la mort, même si l’administration de traitements peut avoir pour effet d’accélérer la mort : c’est le principe du double effet.

Dans le guide du parcours de soin publié en février 2018, la HAS a entendu lever toute ambigüité entre la pratique de la SPCJD et l’euthanasie en présentant six différences entre ces deux procédés.

Différences entre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès et l’euthanasie selon la HAS

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Source : Haute Autorité de santé, Guide du parcours de soins. Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ?, février 2018, actualisé en janvier 2020.ru crois qu’elle

La question de l’intention, comme celle du double effet, sont donc centrales pour la mise en œuvre d’une SPCJD dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, la DGOS en a rappelé les principaux fondements :

– l’intention doit être bonne ou tout au moins neutre car l’effet direct et volontaire est de soulager le patient, par exemple par l’administration d’un médicament ou l’abstention d’une thérapeutique ;

– l’effet secondaire doit être prévisible mais non-intentionnel, ainsi le décès du patient suite à l’administration d’un sédatif, s’il est considèré comme un risque potentiel, n’est-il pas recherché.

– l’effet secondaire ne constitue pas le moyen d’obtenir l’effet recherché, le décès du patient n’étant pas le moyen d’obtenir son soulagement, c’est l’administration d’un antalgique ou d’un sédatif qui l’est.

– l’effet recherché doit l’emporter sur l’effet secondaire, involontaire. Ce dernier critère implique la notion de proportionnalité́ : soulager la souffrance, la détresse du patient est prioritaire par rapport au risque de précipiter la survenue de sa mort.

b.   Dans les faits, la persistance d’une confusion autour de cette pratique

Présentée fondamentalement distincte de tout acte euthanasique, la SPCJD semble pourtant source de confusion pour de nombreux professionnels qui s’interrogent sur la nature de cette pratique. Cette confusion pourrait expliquer en partie le faible recours au dispositif.

Une enquête menée pour le compte du CNSPFV a cherché à évaluer la perception qu’ont, sur le terrain, les professionnels de santé de la SPCJD. Cette enquête montre la crainte très forte d’outrepasser le cadre de la loi Claeys-Leonetti, la frontière entre la SPCJD et l’euthanasie étant perçue comme relativement floue. Ce franchissement constitue, selon cette enquête, « un interdit fort qui influe considérablement sur leur pratique » ([97]).

Certains dénoncent une forme d’hypocrisie autour de la SPCJD, à l’instar de M. Pierre-Antoine Gailly, rapporteur de l’avis précité du CESE sur la fin de vie, qui évoque l’existence d’une « zone grise » autour de cette pratique ([98]). Certes, le personnel de santé qui administre la SPCJD n’a pas l’intention de donner la mort, mais de soulager. Pourtant, certains professionnels administrent une dose de sédation suffisante pour entraîner la mort comme le confirme la synthèse des travaux du CNSPFV de novembre 2018 qui cite les propos d’un médecin en réanimation selon lequel « si c’est trop long, les doses sont augmentées » ([99]). Il y aurait là une hypocrisie entre la sédation et la mort active puisque la nuance ne porterait que sur le dosage de l’administration.

Sans être assimilée à une pratique euthanasique, la SPCJD est malgré tout parfois considérée comme une pratique « trop active ». Pour certains, la mort ne doit survenir que de manière naturelle, résultant de la maladie ou de l’épuisement du corps. Pour d’autres, en procédant à la mise en place d’une sédation irréversible, la SPCJD entrave le lien entre le malade et son entourage et le personnel soignant, au cœur de l’approche palliative.

3.   Un questionnement éthique autour de certains aspects de la SPCJD

Au-delà de l’enjeu de l’intention, nombreuses sont les questions éthiques résiduelles autour de la SPCJD et ses modalités d’application.

a.   Une procédure incertaine

Le caractère imprévisible de la SPCJD rend sa mise en œuvre particulièrement délicate pour les professionnels. Cette imprévisibilité a trait à la temporalité de la procédure, au caractère profond de la sédation et au ressenti du patient.

L’évaluation du moment opportun où enclencher la SPCJD constitue une première difficulté. Selon la loi Claeys-Leonetti, le recours à cette pratique n’est possible que lorsque le pronostic vital du patient est « engagé à court terme ». Si la HAS a défini dans son guide précité cette notion comme une situation dans laquelle « le décès est proche, attendu dans les quelques heures ou quelques jours », cette temporalité est particulièrement difficile à appréhender en pratique. Pour certains, l’interprétation par la HAS de la notion de court terme est par ailleurs très restrictive. Pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), restreindre la sédation profonde à la période agonique constitue un net recul par rapport à la règlementation antérieure, qui ne fixait pas d’échéance à la survenue de la mort ([100]).

La mise en place d’une sédation profonde n’est en outre pas aisée à garantir et expose à un risque de réveil, comme l’a rappelé la professeure Martine Lombard. La SPCJD avait notamment été envisagée comme une procédure irréversible pour en finir avec la pratique consistant à réveiller le patient pour lui demander de réitérer son choix d’arrêter les traitements. Pourtant, il est difficile d’assurer au patient qu’il ne va pas se réveiller avec les protocoles thérapeutiques utilisés et notamment le midazolam, molécule dont l’effet peut varier assez significativement d’une personne à l’autre. De fait, les réveils, s’ils sont rares, peuvent se produire et sont, selon Martine Lombard, particulièrement durs à supporter pour le patient et ses proches. Comme le rappelle le CCNE, la situation où le patient présente des signes de réveil est problématique car il n’est parfois possible d’y remédier « qu’en milieu hospitalier spécialisé » (…) mais « cela n’est pas envisageable dans tous les cadres de vie, en particulier à domicile » ([101]).

Une troisième incertitude concerne le ressenti réel des patients durant la sédation et la persistance ou non de la douleur. S’agissant de la douleur physique, les échelles de la douleur utilisées par les professionnels de santé semblent permettre de prendre en charge la souffrance de manière adéquate, mais cela requiert une surveillance continue pour adapter, le cas échéant, les posologies. Une plus grande incertitude persiste quant au ressenti psychique des patients lors de la sédation, qui est difficile à subir pour les proches et les personnels soignants.

b.   L’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation en question

La mise en place d’une SPCJD s’accompagne d’un arrêt de l’ensemble des traitements et nécessairement de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles.

En qualifiant la nutrition et l’alimentation artificielle de traitements, l’article 2 de la loi Claeys-Leonetti a codifié la jurisprudence du Conseil d’État qui dans un arrêt d’assemblée avait jugé que leur maintien pouvait participer d’une obstination déraisonnable ([102]). Le Conseil d’État indiquait ainsi « qu’il résulte des dispositions des articles L. 1110-5 et L. 1111-4 du code de la santé publique, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 22 avril 2005, que le législateur a entendu inclure au nombre des traitements susceptibles d’être limités ou arrêtés, au motif d’une obstination déraisonnable, l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient ; que l’alimentation et l’hydratation artificielles relèvent de ces actes et sont, par suite, susceptibles d’être arrêtées lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable ».

Or, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle (AHA) est mal ressenti en raison de la dimension symbolique que revêt l’alimentation. Selon l’enquête précitée relative aux difficultés de terrain dans la mise en place de la SPCJD réalisée par le CNSPFV, les symptômes qui accompagnent ou risquent d’accompagner l’AHA sont souvent perçus comme synonymes d’indignité, de déchéance et d’abandon.

La décision d’arrêter l’AHA peut être particulièrement éprouvante dans certaines situations, notamment s’agissant des personnes en situation de handicap, pour lesquelles l’alimentation artificielle est courante et constitue un soin de prévention et de compensation des troubles de la déglutition inhérents à leur déficience motrice. À l’occasion de son audition, Mme Marie-Christine Tezenas du Montcel, présidente du groupe Polyhandicap France, membre du Collectif handicap, a alerté sur cette question en indiquant que, pour les proches de personnes ayant eu recours toute leur vie à l’alimentation et l’hydratation artificielle, l’interruption de ces traitements constituait un véritable traumatisme.

La décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielle est en outre très douloureuse lorsqu’elle s’applique aux nourrissons et aux nouveau-nés. Le fait de nourrir son enfant est en effet le premier devoir du parent et l’un des principaux liens tissés avec lui dans les premiers instants de la vie. Les rapporteurs ont été marqués par l’expérience relatée par le docteur Pascal Bolot, chef du service de néonatologie de l’hôpital Delafontaine, qui a évoqué la décision d’une SPCJD associée à un AHA pour un nourrisson en période néonatale.

c.   L’absurdité d’une situation où le malade « n’en finit pas de mourir »

La question de la durée de l’agonie, qui s’étend parfois sur plusieurs jours, constitue un dernier enjeu central autour de la SPCJD qui rend son application particulièrement sensible.

Dans la mesure où la HAS ne recommande d’y recourir que lorsque le décès est prévu à court terme, la SPCJD est envisagée comme une procédure brève, supposée ne durer que de quelques heures à quelques jours. La démarche étant par nature imprévisible et soumise à de nombreux aléas, il arrive néanmoins que l’agonie soit plus longue que prévu.

L’enquête du CNSPFV précitée de juin 2020 met ainsi en lumière le caractère très variable des SPCJD pratiquées. Certes, la durée moyenne des sédations étudiées s’établit à 33,5 heures. Mais elles peuvent être beaucoup plus longues, en particulier lorsqu’elles consistent en un arrêt de nutrition et d’hydratation, pouvant aller jusqu’à 144 heures soit six jours.

MISE EN ŒUVRE DES SPCJD CHEZ DES PATIENTS DANS L’INCAPACITÉ DE S’EXPRIMER

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Source : enquête du CNSPFV sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à 3 ans de la loi Claeys-Leonetti (op. cit).

Une telle problématique avait déjà été soulignée par le Conseil d’État dans une étude dans laquelle il indiquait qu’en cas de SDPJD, le patient décède au terme d’un délai indéterminé « qui s’avère parfois déraisonnable » ([103]). Cette situation est particulièrement insupportable pour les proches qui, toujours selon le Conseil d’État, « assistent à une longue agonie, certes inconsciente, mais susceptible de dégrader l’état physique du malade », mais aussi pour les patients qui souhaitent le plus souvent épargner à leurs proches une longue période pendant laquelle » la vie est déjà loin et la mort n’en finit pas d’advenir ».

Pour les rapporteurs, ces situations éprouvantes pourraient être mieux prises en compte en précisant l’intention du législateur et la portée du cadre juridique entourant la SPCJD dans la loi Claeys-Leonetti. À cet effet, ils recommandent de modifier l’article 3 de la loi afin de signifier que, si les membres de l’équipe soignante ayant participé à la procédure collégiale considèrent que la procédure de SPCJD dure un temps considéré déraisonnable, ils se réunissent à nouveau afin de prendre position sur l’adaptation des soins à apporter au patient.

Recommandation  27 : Permettre aux personnels soignants ayant participé à la procédure collégiale précédant la mise en place d’une SPCJD de se réunir à nouveau s’ils considèrent que la SPCJD dure un temps déraisonnable, afin de se positionner sur l’adaptation des soins à apporter au patient.

*

*     *


   Conclusion

Aux termes de trois mois de travaux, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a permis de mettre en lumière un certain nombre de constats relatifs à la réception, l’application et l’appropriation du cadre juridique établi en 2016.

● La loi Claeys-Leonetti a constitué un indéniable progrès. Elle a consolidé et précisé le cadre législatif relatif au refus de l’obstination déraisonnable et au droit du patient de refuser tout traitement, que semblent s’approprier de mieux en mieux les professionnels de santé.

La volonté du patient semble mieux prise en compte au travers du caractère contraignant des directives anticipées et de la place renforcée de la personne de confiance. Mesure phare de la loi Claeys-Leonetti, le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui permet d’endormir profondément un patient pour prévenir la souffrance, « y compris celle de se voir mourir » ([104]), constitue une véritable avancée.

● S’il est salué par un grand nombre d’acteurs, ce cadre législatif, qualifié par certains de « trésor national » ([105]), est pourtant très peu connu. Il s’agit là d’un constat dressé par la quasi-totalité des personnes auditionnées. À de rares exceptions, les patients ne se sont effectivement pas appropriés les nouveaux droits prévus par la loi parce qu’ils ignorent leur existence ou ne souhaitent pas réfléchir à la fin de vie avant d’y être pleinement confrontés. Il est frappant que sept ans après la loi, seuls 43 % des Français connaissent l’existence des directives anticipées et que moins de 8 % d’entre eux les aient renseignées. L’information des citoyens de leurs droits et la communication autour de la fin de vie sont aujourd’hui insuffisantes, et pourtant si cruciales.

La fin de vie et la mort constituent toujours un tabou très fort dans notre société. Ce tabou n’épargne pas le monde soignant où la culture palliative peine réellement à trouver sa place. Si les lois Leonetti et Claeys-Leonetti ont permis d’amorcer un changement, les situations de fin de vie sont encore souvent perçues dans le monde médical comme des échecs thérapeutiques et les soins palliatifs, relégués à la gestion de la mort. Or, il est urgent d’en finir avec la frontière étanche qui se dessine souvent entre la prise en charge curative d’un côté et, de l’autre, l’accompagnement palliatif. Les deux prises en charge doivent être menées de front, dans l’intérêt du patient et de ses proches. Cet objectif implique de revoir en profondeur la formation des professionnels soignants, que l’on prépare à guérir plutôt qu’à soigner. Un accent fort doit être porté, dans leur formation, sur les soins d’accompagnement et la verbalisation des situations de fin de vie.

● Des nombreux échanges organisés dans le cadre de la mission, il ressort que la principale difficulté n’est pas celle du cadre juridique instauré par la loi Claeys-Leonetti, mais celle des moyens mobilisés pour assurer la garantie des droits nouvellement créés. Les rapporteurs ont relevé une très grande lassitude face au constat réitéré d’une offre de soins palliative largement insuffisante et de la pénurie croissante de professionnels de santé. Tant que le développement des soins palliatifs ne constituera pas une véritable priorité et que les moyens qui y sont consacrés n’auront pas été considérablement augmentés, les droits consacrés par les différentes lois sur la fin de vie ne pourront pas être pleinement effectifs.

● Parmi les principaux points soulevés lors des auditions, l’utilisation très restreinte de la sédation profonde et continue jusqu’au décès ne peut qu’interroger. S’agissant du droit à cette sédation, on ne peut en particulier que constater, comme le souligne la professeure Martine Lombard, l’incongruité de l’avant-dernier alinéa de l’article 3 de la loi du 2 février 2016, censé ouvrir ce droit en Ehpad et même à domicile. Il n’est pas possible aujourd’hui de répondre à la demande d’une grande majorité des Français de mourir à domicile.

La complexité de cette pratique et le fait qu’elle ne s’impose que dans des cas exceptionnels explique sans doute en partie le faible recours à ce dispositif. La SPCJD semble néanmoins susciter des réticences chez les professionnels de santé qui s’interrogent sur son sens. Il est nécessaire d’entendre ces réticences, de clarifier les modalités d’application de ce dispositif, notamment pour les patients les plus vulnérables, et d’accompagner au mieux les professionnels de santé dans sa mise en œuvre.

● Alors que la mission s’achève, il apparaît difficile de ne pas mentionner la question de l’aide active à mourir, longuement et spontanément évoquée par les personnes auditionnées.

Il ressort des travaux de la mission que le cadre juridique actuel institué par la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des situations et que, dans la plupart des cas, les personnes en fin de vie ne demandent plus à mourir lorsqu’elles sont prises en charge et accompagnées de manière adéquate.

Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Bien que minoritaires, ces situations méritent sans doute notre attention et il est crucial que le législateur, à la suite de la Convention citoyenne, débatte et se positionne prochainement sur cette question.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Lors de sa réunion du mercredi 29 mars 2023, la commission des affaires sociales procède à l’examen du rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ([106]) .

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’ordre du jour appelle l’examen du rapport de la mission d’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Notre commission se doit d’être au rendez‑vous de ce grand débat de société, qui interroge nos convictions les plus intimes.

Nous allons tenter d’objectiver notre approche, ce qui passe par une évaluation de la loi « Claeys-Leonetti ». Avant de savoir s’il faut à nouveau légiférer sur le sujet, évaluer la législation en vigueur s’impose. J’ajoute que nous recevrons prochainement les travaux demandés à la Cour des comptes sur la question cruciale des soins palliatifs.

La commission avait confié à la mission d’évaluation un objectif précis : mener à bien ses travaux d’ici la fin du mois de mars, au regard de la progression parallèle de la convention citoyenne. Je veux remercier vivement le président, les rapporteurs et les membres de la mission, qui se sont parfaitement acquittés de leur tâche, non seulement en respectant le calendrier imposé, mais également en procédant à une analyse approfondie, fondée sur de nombreuses auditions et déplacements.

Les conclusions comportent une partie prospective, avec de nombreuses recommandations. Chacun, en conscience, pourra y adhérer ou non. C’est pourquoi, à titre exceptionnel, chaque membre de la mission pourra, s’il le souhaite, présenter une contribution écrite qui sera jointe au rapport de la mission.

M. Olivier Falorni, président de la mission d’évaluation. Je tiens à faire part de mon grand plaisir à travailler sur ce sujet passionnant, qui intéresse tous les Français. Cette mission réunissait dix-neuf collègues des dix groupes parlementaires représentés à l’Assemblée nationale. Nous avons su travailler dans un climat serein, respectueux et apaisé – chose particulièrement appréciable compte tenu du tumulte qui, en parallèle, saisissait l’hémicycle. Il était agréable de trouver alors ces moments de réflexion de fond.

Nous avons essayé, avec mes collègues rapporteurs, d’adopter une vision la plus large possible de l’accompagnement de la fin de vie. Ce sujet de société recoupe de nombreux domaines : il s’agit évidemment d’un sujet médical mais aussi, et avant tout peut-être, d’une question philosophique, éthique et juridique – puisqu’il s’agissait d’évaluer la loi.

J’ai eu l’occasion de présider de nombreuses commissions d’enquête qui ont duré six mois. Compte tenu des délais imposés à notre mission, en moins de trois mois, nous avons mené trente et une auditions et rencontré une grande diversité d’acteurs. Nous avons effectué de nombreux déplacements ; nous aurions souhaité en accomplir davantage, mais le contexte nous en a empêchés. Heureusement, des députés ont pu communiquer des retours de terrain auprès de la mission. Nous nous sommes rendus dans de nombreux établissements médicaux, qu’il s’agisse d’unités de soins palliatifs (USP) ou de structures hospitalières. Nous avons rencontré des soignants, des patients, des familles. Ces échanges furent particulièrement forts.

Vous le savez, le contexte actuel fait de la fin de vie un véritable sujet de débat public. Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) s’est prononcé en septembre dernier et nous avons travaillé parallèlement à la convention citoyenne, qui doit rendre son avis dimanche prochain. Je suis heureux que le texte ait été adopté hier à l’unanimité par les membres de la mission, qui ont accompli une œuvre remarquable dans les délais impartis. Je pense que le rapport que nous vous proposons est riche et complet. La loi, promulguée il y a sept ans, n’avait jamais été évaluée par le Parlement, ce qui n’est pas normal. Par ailleurs, nous avons été confrontés à des difficultés pour obtenir des données quantitatives sur un certain nombre d’aspects.

Le premier des principes portés par la loi est le droit à une fin de vie digne. Le deuxième concerne le refus de l’obstination déraisonnable et le troisième l’accès aux soins palliatifs pour tous. Nous avons également évalué les trois notions fondamentales associées à ces principes : le renforcement du caractère contraignant des directives anticipées ; le renforcement du rôle de la personne de confiance ; la mise en place de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

Globalement, la situation des soins palliatifs n’est pas satisfaisante car l’offre de soins est insuffisante. Les droits des patients ont connu de réelles avancées à travers la directive anticipée et la personne de confiance. Néanmoins, elles demeurent limitées dans les faits. Enfin, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès constituait une évolution législative importante, mais elle est très peu utilisée.

Notre rapport ne prend pas position sur l’aide active à mourir car ce n’était pas l’objet de la mission d’évaluation. Je dois néanmoins indiquer que tous nos interlocuteurs en ont parlé spontanément, quels que soient leurs avis sur le sujet.

En conclusion, nous vous proposons aujourd’hui une évaluation de la loi Claeys‑Leonetti qui contribuera, je l’espère, au débat public. Dimanche prochain, la convention citoyenne se prononcera et elle sera reçue par le Président de la République le lendemain.

M. Didier Martin, rapporteur de la mission d’évaluation. À mon tour, je souhaite adresser mes remerciements au président de la mission, qui s’est beaucoup impliqué dans nos travaux. Je remercie également tous les collègues de la mission, les personnes auditionnées et les administrateurs. Ce rapport n’est qu’une étape, qui mérite d’être discutée ce matin. Il y aura une suite, qu’il s’agisse des soins palliatifs ou des situations de toute fin de vie, en particulier lorsque le patient est inconscient et qu’il faut tenir compte de ses directives anticipées, discuter avec la personne de confiance et prendre une décision collégiale pour la sédation.

En introduction, je vous encourage à relire les cinq premiers articles de la loi, qui sont fondamentaux. On y aborde des principes forts : la volonté du patient, la dignité, l’apaisement de toutes les souffrances et le rôle des soins palliatifs. Ceux‑ci sont également évoqués à l’article 8 sur les directives anticipées, à l’article 9 sur la personne de confiance et à l’article 10 sur la volonté du patient.

Nous avons été confrontés, dans nos travaux, à différentes limites, notamment le temps. Nous serions désireux d’effectuer de nouveaux déplacements pour rencontre les acteurs, tant les témoignages recueillis sur le terrain sont essentiels. Une autre limite a trait aux éléments consignés dans les dossiers médicaux des patients : l’accès nous y est impossible. Nous formulons une recommandation sur le sujet, afin qu’une lecture anonymisée et statistique de ce qui se fait dans les unités puisse être autorisée sous l’angle législatif et administratif.

Nous avons également été confrontés à des dilemmes : en tant que législateurs, nous avons dû porter un regard sur le travail d’autres législateurs, et non des moindres. Caroline Fiat et moi-même avons également abordé ce sujet avec un regard de soignants, qui se mettent à la place de ceux qui sont au chevet des patients, prennent les décisions et les mettent en œuvre.

Mme Caroline Fiat, rapporteure de la mission d’évaluation. Le rapport que nous vous proposons est composé de trois grandes parties : l’accès aux soins palliatifs ; les directives anticipées et la personne de confiance ; la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

Je concentrerai mon propos sur l’accès aux soins palliatifs qui est au cœur de la loi Claeys‑Leonetti et, de façon plus générale, des lois sur la fin de vie. Les soins palliatifs sont apparus en France dans les années 1980 et ont été développés dans le cadre de cinq plans nationaux dont le dernier a été lancé en 2021. Consacré par le législateur en 1999, le droit d’accéder aux soins palliatifs a été réaffirmé par la loi Claeys-Leonetti : selon son article premier, les malades ont le droit d’avoir une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Fin 2021, la France disposait de 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs, dont 1 980 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) répartis dans 171 USP et 5 566 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) situés dans 904 établissements. On comptait 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).

La cartographie des soins palliatifs est marquée par des disparités territoriales : vingt et un départements ne disposaient pas d’USP fin 2021. Ce constat questionne l’effectivité de l’accès aux soins palliatifs. Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès. En l’absence de données robustes, la mission n’a pas été en mesure d’évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins. Nous recommandons de mesurer précisément ces besoins afin d’objectiver la situation.

En revanche, compte tenu de l’évolution de la démographie française, il est indispensable de continuer à développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout sur le territoire national. Cela suppose de rendre plus attractive cette filière, affectée par la pénurie de soignants. Il manque aujourd’hui plus de cent médecins dans les structures existantes et il faudrait former au moins trois cents médecins en soins palliatifs dans les quatre années à venir pour renouveler les équipes actuelles, puisqu’un cinquième des praticiens en poste devraient prendre leur retraite d’ici cinq ans. Il y a urgence.

À titre d’exemple, à l’USP de Juvisy, qui dispose de dix lits, un des deux postes de praticien hospitalier est vacant depuis 2018. La seule médecin présente exerce à temps partiel. Nous proposons de lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur. La pénurie de médecins ne doit pas masquer l’ampleur des manques, puisque c’est bien l’ensemble du système de santé qui est actuellement sous tension. Mais je crois que je ne vous apprends rien ici.

Cette situation complique l’accès aux soins palliatifs à domicile tout particulièrement, y compris en établissement médico-social, dans un contexte d’évolution de l’offre avec la disparition des réseaux de soins palliatifs. Bien que plébiscité par les Français, le maintien à domicile peut s’avérer compliqué au regard des implications d’une prise en charge palliative, en particulier pour les proches aidants. Dans les Ehpad, les équipes ne sont pas toujours en mesure de faire face aux situations de fin de vie. Lors de son audition, le professeur Régis Aubry nous a ainsi indiqué que 1 500 résidents d’Ehpad sont transférés à l’hôpital chaque année et meurent dans un délai de deux heures suivant leur arrivée.

Il est aussi apparu que les modalités de financement du système de santé sont peu adaptées à la qualité de la prise en charge palliative, que ce soit en ville ou à l’hôpital. La tarification à l’activité (T2A) valorise mal les soins palliatifs, qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain. Pire, la T2A peut favoriser des pratiques conduisant à de l’obstination déraisonnable dans les services curatifs alors même que les soins palliatifs apporteraient une meilleure réponse aux besoins des malades. Il faut revoir le modèle de financement en remettant en cause le modèle de la T2A et en faisant évoluer le financement des soins palliatifs hospitaliers vers un modèle mixte alliant une part forfaitaire et une part liée à l’activité. Il faut également assurer la traçabilité des moyens financiers alloués aux soins palliatifs au sein des établissements hospitaliers et élargir la prise en charge des consultations à domicile pour faciliter les consultations longues d’accompagnement palliatif, et permettre à des professionnels comme les ergothérapeutes ou les psychologues d’intervenir facilement à domicile.

Par ailleurs, la mort est souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort, alors que les prises en charge curative et palliative doivent être menées conjointement. Une forte étanchéité perdure entre soins curatifs et palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs.

Il est essentiel de sensibiliser les soignants aux soins palliatifs. Nous souhaitons que soient généralisées les formations à la fin de vie et à l’approche palliative pendant les études et pendant la carrière. Il conviendrait également de développer la filière palliative comme discipline autonome en créant un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative et en explorant la possibilité d’une spécialité d’infirmier en soins palliatifs. En définitive, c’est toute la culture médicale qui doit évoluer et intégrer la dimension palliative au cours du parcours de soins du malade, sans attendre nécessairement la fin de vie.

Voilà ce que je pouvais dire sur les principaux constats que nous avons établis s’agissant de l’accès aux soins palliatifs.

M. Didier Martin, rapporteur de la mission d’évaluation. Un bon nombre des recommandations du rapport portent sur les soins palliatifs, dont il existe une définition internationale. Par conséquent, il n’existe aucune imprécision sur l’objet et l’objectif de ces soins.

La question des unités mobiles de soins palliatifs (UMSP) doit être mentionnée. Lors de notre visite dans une UMSP du sud de l’Essonne, il est apparu que le travail de ces unités s’effectuait dans de nombreux lieux, parce que les soins palliatifs concernent tous les âges et toutes les situations sociales. Ces UMSP peuvent intervenir au domicile des patients, au sein d’Ehpad, de maisons d’accueil spécialisées (MAS), de foyers d’accueil médicalisés (FAM), d’instituts médico‑éducatifs (IME), de centres provisoires d’hébergement (CPH), de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et même chez des gens du voyage. Parce que tous sont confrontés un jour à une situation de fin de vie, les UMSP doivent s’inscrire dans cette démarche « d’aller vers ». Cela pose quelques difficultés pour assurer la coordination et la disponibilité des professionnels, qui doivent être rémunérés pour ce faire. Je pense notamment aux infirmières diplômées d’État (IDE), quotidiennement au chevet de ces patients. Ce sont elles qui recueillent les renseignements pour orienter la prise en charge des soins palliatifs.

La deuxième partie du rapport concerne les directives anticipées, la personne de confiance et la sédation. La loi parle de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, c’est-à-dire un acte définitif d’endormissement du patient avec analgésie et arrêt de tous les traitements, y compris l’hydratation et l’alimentation. Or, il existe d’autres formes de sédation – légères, proportionnées, temporaires.

Nous avons constaté que très peu de Français ont consigné des directives anticipées, par voie écrite ou orale. La bonne idée du législateur est ainsi difficile à mettre en œuvre. Lorsque l’on est bien portant, on ne pense pas à rédiger ses directives. On n’y pense pas non plus quand on commence à être malade et à se battre contre la maladie. Il existe donc une résistance naturelle à exercer ce droit. La Haute Autorité de santé (HAS) a rédigé des formulaires et il existe des aides à la rédaction, tout ceci est malheureusement peu connu.

La question de la personne de confiance est également ardue. Le choix est difficile à effectuer et il est également délicat d’accepter d’être désigné personne de confiance. Que décider le jour où le mourant ne sera plus en état d’exprimer sa volonté ? En fonction de quoi ? Certains auditionnés nous ont avoué être fort gênés de se retrouver en situation de personne de confiance. Il faut être formé et un peu guidé. À ce titre, nous avons rédigé une recommandation pour faciliter cette tâche.

Très peu des directives anticipées, bien qu’elles soient devenues contraignantes – et non opposables –, sont d’actualité au moment où la question se pose. En réalité, tout se rediscute au dernier moment. Elles sont utiles lorsqu’elles existent mais il faut savoir les interpréter par rapport à l’urgence vitale et la situation du malade. Il y a donc une limite. Nous recommandons une information sur la possibilité de rédiger ces directives et le choix de la personne de confiance, mais nous savons que les Français ne seront pas tous en situation de procéder à ces formalités. Par conséquent, il ne faut pas surinvestir cette possibilité, utile mais finalement rare, et qui ne correspond pas à toutes les situations. Il paraît donc important de nuancer cet aspect.

Je souhaite également insister sur la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Cette disposition est particulièrement utile. La pratique de la sédation terminale existait bien avant la loi, on parlait notamment de cocktail lytique. Désormais, la situation est clarifiée par la loi : cette sédation peut être décidée à la demande du patient conscient, qui exprime sa volonté, laquelle doit correspondre à un pronostic vital engagé à très court terme et à un état de souffrance que l’on ne peut pas calmer. Parfois, le patient est inconscient et l’on adapte le traitement pour que le décès survienne, sans intention de donner la mort. La loi est formelle : au moment de la mise en place de la sédation, il n’y a pas d’intention de donner la mort mais bien de soulager.

Cependant, il existe aussi des moments où la situation dure et où les équipes sont au contact d’un patient qui n’en finit pas de mourir et dont la famille souffre. C’est particulièrement éprouvant en situation néonatale : la sédation dure longtemps, jusqu’à huit jours, pour un nouveau-né que l’on n’alimente et n’hydrate plus. Notre mission a émis une recommandation : la sédation doit être adaptée aux circonstances et à la manière dont le patient réagit. De fait, tous les organismes ne répondent pas de la même manière aux médicaments et, comme l’indique Jean Leonetti, les équipes finissent par adapter la sédation.

En résumé, nous avons rédigé ensemble ce rapport, dans un esprit collaboratif, pour trouver les meilleures formulations. Les mots que nous avons choisis pourront irriter certains. Mais il est important de comprendre l’intention globale de nos recommandations.

Mme Caroline Fiat, rapporteure de la mission d’évaluation. Je tiens à remercier à mon tour le président et mon collègue rapporteur ainsi que les administrateurs. Les travaux de la mission montrent que le cadre juridique issu de la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des hypothèses de fin de vie. Dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir une fois pris en charge et accompagnés de manière adéquate.

Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponse à toutes les situations, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, comme l’a souligné le CCNE en septembre 2022. Dans le contexte actuel, la question de l’aide active à mourir a souvent été longuement et spontanément évoquée par les personnes auditionnées, alors qu’elle n’était pas l’objet de la mission d’évaluation. Bien que minoritaires, ces situations méritent toute notre attention. Il est important que le législateur, à la suite de la convention citoyenne, débatte et prenne position prochainement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je cède à présent la parole aux orateurs des groupes parlementaires.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Je salue la qualité du travail effectué et le climat constructif qui a prévalu. La question d’une fin de vie digne constitue une préoccupation majeure de notre société. Chacun des députés est régulièrement interpellé par nos concitoyens, souvent à la suite d’une douloureuse expérience pour l’un de leurs proches. La fin de vie a fait l’objet de nombreux travaux parlementaires et je salue au passage l’engagement de notre ancien collègue Jean-Louis Touraine. Elle est aussi l’objet d’une convention citoyenne réunie par le Président de la République, qui doit prochainement rendre ses conclusions.

Vous avez conduit l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, qui ouvre en particulier l’accès à une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Que pouvez-vous dire de ce droit ? Est-il connu des patients et de leurs proches ? Dans quelles circonstances particulières est-il requis et par quels types de patients ? Pouvez-vous évoquer la typologie des patients qui recourent à ce droit dans de bonnes conditions ? À l’inverse, dans quelles circonstances avez-vous pu constater qu’il était inaccessible, ignoré ou insuffisamment adapté ?

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). De la grande majorité des trente et une auditions effectuées par cette mission dont j’étais membre, il ressort que la loi Claeys-Leonetti est utile bien qu’insuffisamment connue des patients et des soignants, et insuffisamment appliquée. Pourquoi dès lors conclure le rapport en jugeant crucial que le législateur débatte et prenne positionne sur l’aide active à mourir ?

De l’aveu même du rapport, il est indispensable de développer massivement les soins palliatifs afin que les droits des malades soient pleinement garantis partout en France. Cependant, vos recommandations ne tendent pas vers ce développement massif. Vingt et un départements sont encore dépourvus d’USP. Avant d’envisager une quelconque évolution, ne faut-il pas d’abord appliquer correctement la loi ? On peut s’interroger en comparant les 10,1 millions d’euros alloués par an par le cinquième plan de développement des soins palliatifs aux 800 millions d’euros annuels que la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) estime nécessaires.

Bien sûr, le rapport énonce quelques recommandations pour garantir l’accès aux soins palliatifs. Mais il n’en fait pas une priorité, et je le regrette. Plusieurs témoignages recueillis lors des auditions relèvent que les demandes de fin de vie active sont moindres dès lors qu’est anticipée la prise en charge en soins palliatifs. Il est donc essentiel de remédier à ces disparités d’offres sur le territoire national. Même les membres de la convention citoyenne, qui rendra ses conclusions dimanche, reprochent l’absence de discussions sur les soins palliatifs. S’adressant au comité de gouvernance de la convention, un certain nombre de personnes ont estimé les délibérations et les débats orientés vers un changement de la loi à tout prix, malgré les discussions sur l’amélioration de la loi actuelle et leur intérêt pour les soins palliatifs.

Mme Élisa Martin (LFI - NUPES). Je tiens à vous remercier pour le travail fourni et les conclusions rendues. Ce sujet compliqué relève de questions philosophiques et éthiques, mais également du choix de chacun, qui n’est pas discutable en ces matières. Vous avez raison d’insister sur la notion de droit : ces décisions relèvent du droit de chacun à choisir sa mort, même si j’hésite à utiliser cette formulation car je ne suis pas certaine que l’on choisisse sa mort à proprement parler. En revanche, dans un pays comme le nôtre, c’est le chemin qui relève du choix. Ce chemin doit être balisé et garanti pour chacun.

Il s’agit donc d’une traduction juridique d’enjeux philosophiques et éthiques qui ont trait à des aspects particulièrement intimes. Il faut bien mesurer le degré de complexité quand la loi s’invite dans ces choix. Au-delà de la réflexion, il faudra consentir des engagements financiers et mener un travail de conviction auprès des soignants en posant la question des moyens.

M. Thibault Bazin (LR). Les travaux instructifs de la mission d’évaluation se concluent. Il nous appartient désormais d’éclairer nos compatriotes sur l’état d’application concrète de la loi, en étant des relais fidèles des témoignages reçus. Quelle évaluation en faisons-nous ?

D’abord, notre pays souffre d’un maillage lacunaire en services de soins palliatifs. Les carences constatées durent depuis des décennies sans qu’une action publique adéquate vienne les combler. Ensuite, il existe toujours dans certains établissements des difficultés d’accès aux soins palliatifs et le droit des Français à en bénéficier à domicile demeure largement théorique. Enfin, la faible appropriation des dispositions perdure chez les soignants comme chez les patients. En somme, le déploiement de la loi Claeys-Leonetti reste encore largement à faire. Ce n’est pas une fatalité : des solutions concrètes existent, comme le prouvent les recommandations de nos rapporteurs, auxquelles je voudrais m’associer. Lors de ces auditions, la philosophie, les principes et l’équilibre éthique de la loi ont été salués. Le docteur Fourcade en a parlé comme d’un « trésor national », à la fois sécurisant pour les soignants et promettant aux patients qu’ils seront accompagnés.

Je conclus en nous appelant collectivement à garder le cap. Comme l’a rappelé notre collègue Pierre Dharréville dernièrement, cette loi constitue « un message d’espoir de toute la société, dont les soignants sont les porteurs. Nous n’abandonnerons pas, nous ne vous abandonnerons pas. Nous comptons les uns sur les autres et les uns pour les autres. » Cette mission nous a appris que beaucoup reste à faire pour concrétiser ce message d’espoir. N’y renonçons pas, préservons notre culture de fraternité et ne cédons pas à la culture de la mort qui serait une pente funeste pour nos concitoyens en situation de vulnérabilité et de fragilité ! Déployons une culture palliative partout et pour tous ; ce sera l’honneur de la France de porter une telle ambition, avec une profonde reconnaissance pour nos soignants qui prennent en charge les malades et les accompagnent.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est des moments où le Parlement s’honore. Il s’honore par la qualité du travail accompli par la mission d’évaluation. Ces propos prennent une résonance particulière quand on les compare à d’autres moments que nous avons pu connaître récemment. Cela montre bien que, lorsqu’il s’agit de sujets graves qui concernent chacun d’entre nous, de cet ultime rendez-vous que nous aurons tous, nous savons faire preuve d’une intelligence collective et d’un respect mutuel. Votre travail s’inscrit dans le prolongement de ce qui a été réalisé sur ces questions douloureuses.

La rencontre des travaux de la mission d’évaluation et de la convention citoyenne représente, selon moi, l’élément fondateur pour construire sur les bases mentionnées par Didier Martin et Caroline Fiat et qui demeurent insuffisantes à ce jour. Ces travaux nous engagent pour la suite. On ne peut pas déplorer d’une part l’absence de certains maillages en soins palliatifs et d’autre part les négliger lorsque nous examinerons des textes budgétaires à la rentrée. On ne peut pas considérer la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès mal appliquée parce que méconnue, mais ensuite la laisser de côté. On ne peut pas non plus se contenter d’informations lacunaires sur les directives anticipées et le tiers de confiance, alors que tous les moyens sont disponibles. Soyons audacieux, dans la droite ligne de vos travaux !

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Votre rapport montre bien qu’une suite doit être donnée à la loi Claeys-Leonetti, notamment pour l’accès aux soins palliatifs. On peut d’ailleurs s’alarmer de vos conclusions, qui confirment ce que nous avons constaté il y a deux ans à l’occasion des débats sur la proposition de loi déposée par Olivier Falorni : l’offre de soins palliatifs est insuffisante. Vingt et un départements ne disposent pas d’USP et deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y ont pas accès. La pénurie de soignants ne fait qu’aggraver cette situation et la question des soins à domicile constitue un enjeu capital, notamment dans les zones où la proximité des centres hospitaliers fait défaut.

Je vous remercie de vos recommandations concernant la garantie de l’accès aux soins palliatifs, l’amélioration de la connaissance sur la fin de vie et la nécessité d’une information relative aux directives anticipées et à la personne de confiance. Surtout, il importe de rendre effectif le droit à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. En revanche, j’exprime ma crainte que ces conclusions aillent uniquement dans la consolidation de l’existant alors que l’aide active à mourir doit être débattue. Je souhaite savoir si, après l’ensemble de ces auditions, vous êtes convaincus qu’il est nécessaire d’aller plus loin en garantissant à chaque être humain une fin de vie libre et choisie, grâce à l’accès aux soins palliatifs et à l’assistance médicale active à mourir.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je remercie à mon tour le président et les rapporteurs de la mission pour leur travail subtil et nourri sur une loi qui avait marqué une rupture en son temps en offrant une véritable avancée pour les patients et les soignants. Vous avez illustré les limites et les progrès nécessaires pour développer un peu plus la loi Claeys-Leonetti, notamment à travers les disparités territoriales dans la répartition des USP ou la nécessité d’adapter les formations. Vous avez également souligné ne pas avoir eu le temps d’apprécier l’adéquation entre les besoins et l’offre. Ce travail devra néanmoins être conduit.

À titre personnel, je pense que la mise en œuvre de la loi a pu être gênée par la confusion éthique entre son contenu et les débats sur l’euthanasie et l’aide active à mourir, qui ont pu poser un certain nombre de questions chez les patients et les soignants. Au terme de cette évaluation, quels seraient pour vous les moyens de mieux faire connaître les apports de cette loi aux patients et aux équipes soignantes ? Comment surmonter le handicap fondamental relatif à la bonne appropriation de ces connaissances et dispositifs par les uns et les autres ?

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Ce rapport permet un constat : l’article 1er de la loi Claeys-Leonetti, qui pose le droit à une fin de vie digne, n’a pas toujours accompli sa promesse. Si l’accès à une aide active à mourir n’est toujours pas une réalité, l’accompagnement de tous les patients en proie à des souffrances insupportables ne l’est pas non plus. Le rapport le reconnaît : les deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y ont pas accès car le secteur n’échappe pas au contexte de pénurie chronique des personnels soignants.

Le droit à une fin de vie digne passe d’abord par le droit de chacun à ne pas vivre ses derniers moments dans la souffrance. À ce sujet, l’État a failli à sa promesse. La T2A renforce cet abandon : alors que la préservation de la dignité du patient devrait être au cœur des soins, la T2A contribue à une déshumanisation, parfois jusqu’à l’obstination déraisonnable.

Le rapport juge que le cadre juridique issu de la loi répond à la majorité des situations de fin de vie. Il reconnaît également un défaut de réponse aux besoins de certains patients. Les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir n’ont pas à être opposés. Il faudrait prendre conscience de la diversité des manières d’envisager la mort et le chemin vers elle. En ce sens, le groupe écologiste rappelle que nous siégeons pour l’ensemble de nos concitoyens. Il est inhumain de laisser une partie des patients dans un état de souffrance continue. Respecter la dignité de tous consiste aussi à respecter la liberté de chacun de partir comme il le souhaite. Alors que l’accès aux soins palliatifs est inégalement réparti sur le territoire et que certains peuvent déjà accéder à l’aide active à l’étranger, nous retenons qu’aux inégalités de vie s’ajoutent celles face à la mort.

Nous devons sortir du déni face à l’impossibilité de soigner des douleurs insurmontables. Laisser un patient dans une lente agonie alors qu’il souhaite mourir dignement n’est pas une preuve de bonté. Il s’agit d’un abandon pur et simple, auquel nous devons remédier sans attendre.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ce rapport est utile pour nourrir le débat et l’action publique sur l’enjeu des soins palliatifs. On parle trop souvent de cette grande loi tout en méconnaissant ses possibilités, son application et les défauts de son application. Il ne faudrait pas que le contenu éclairant de votre rapport soit absorbé par votre conclusion sur l’aide active à mourir. Vos constats peuvent alimenter le débat actuel. En dépit de données lacunaires, le rapport relève le manque criant des moyens alloués aux soins palliatifs et les effets pervers de la T2A, d’autant plus que la prise en charge revêt avant tout une dimension humaine.

J’y vois un défaut majeur dont le risque avait été mis en exergue dès la première loi Leonetti. Cette réalité aboutit à des inégalités d’accès, dont des inégalités territoriales indéfendables. Or, pour soigner, il existe une obligation de moyens. Face à la fin de la vie, il s’agit d’une obligation absolue pour l’État. Lorsqu’une personne se trouve face à la mort, face à l’épreuve ultime d’une vie, la communauté humaine n’a pas le droit de ne pas être au rendez‑vous. Cette exigence de moyens est fondamentalement une exigence éthique, sans quoi on nourrit l’angoisse individuelle et collective face à la mort. Vous soulignez d’ailleurs la nécessité de faire progresser une culture palliative pour qu’elle puisse intervenir au bon moment.

Vous soulevez un certain nombre de questions autour de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, à propos de laquelle il faut réfuter les procès relativistes en hypocrisie, car il est indispensable que les gestes aient un sens. Vous évoquez le succès relatif des directives anticipées, dispositif sans doute méconnu mais qui doit demeurer une possibilité offerte à chacun. Ces constats appellent des actes concrets de la puissance publique. Je vous remercie vivement pour votre travail.

M. Laurent Panifous (LIOT). Le rapport met en lumière la relation difficile de notre société à la mort, souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique, et les soins palliatifs comme une forme de gestion exceptionnelle de ce qui constitue encore un tabou. Sept ans après la promulgation de la loi, la mission a pu révéler plusieurs points marquants. En premier lieu, les dispositifs sont largement méconnus des patients, mais aussi des soignants. Alors que la loi donne valeur contraignante aux directives anticipées, mais précise aussi le rôle de la personne de confiance, ces dispositifs restent remarquablement peu mobilisés.

L’absence de données sur la pratique des différents types de sédation constitue une autre difficulté. La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, délivrée de manière exceptionnelle, constitue une avancée majeure dans les soins palliatifs. Elle est cependant un droit inconnu de la plupart des malades et un acte médical pratiqué de manière très inégale.

L’accès aux soins palliatifs et les différents outils de la loi s’avèrent donc globalement insatisfaisants, à la ville comme en établissement. Ces faiblesses sont multifactorielles, liées à la pénurie de soignants, à un modèle de financement défavorable et surtout à une faible diffusion de la culture palliative en France. Formation de tous les professionnels de santé, information des Français, moyens matériels et humains constituent autant d’objectifs indispensables à l’application pleine et entière de la loi. Ce rapport le démontre : cette loi pleinement appliquée répondrait à ces objectifs.

Enfin, certaines situations de fin de vie ont régulièrement été abordées qui échappent au cadre de cette loi. L’aide active à mourir devra faire l’objet d’un travail spécifique.

Mme Caroline Fiat, rapporteure de la mission d’évaluation. Les patients qui peuvent accéder aux soins palliatifs vont du nourrisson au centenaire ; il n’y a pas d’âge pour mourir.

La loi demeure méconnue des soignants comme des usagers. Le législateur devra donc faire en sorte que tout le monde puisse se l’approprier. À titre personnel, je considère toujours difficile de parler de la mort au sein de la société française. Dès lors, il est compliqué de diffuser de telles informations.

S’agissant des remarques sur la fin du rapport, il serait malhonnête de ne pas évoquer l’aide active à mourir alors que ce sujet fut abordé spontanément dans toutes nos auditions. Nous n’en avons pas fait une préconisation car cela n’était pas notre mission. Nous avons indiqué que le législateur devrait s’emparer du sujet, sans nous prononcer.

Concernant les moyens de faire connaître la loi Claeys-Leonetti, nous devons tous œuvrer pour favoriser sa communication. Je n’oserais pas demander qui, dans cette salle, a rédigé ses directives anticipées. Si le législateur ne s’y emploie pas, vous imaginez aisément que l’appropriation du sujet par les citoyens n’est pas meilleure. Naturellement, il ne s’agit pas d’une obligation. Mais les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance restent largement méconnues de nos compatriotes.

Enfin, il ne faut pas opposer les soins palliatifs à une éventuelle législation sur l’aide active à mourir. Comme le formule simplement Didier Martin, la loi sur les soins palliatifs est destinée à ceux qui vont mourir tandis que l’aide active à mourir concernerait ceux qui veulent mourir.

M. Didier Martin, rapporteur de la mission d’évaluation. Je répondrai tout d’abord à Charlotte Parmentier-Lecocq en précisant que la loi est globalement méconnue du public mais aussi des soignants, hormis ceux qui travaillent dans les services de réanimation, en gériatrie ou en USP. Bien que la formation des aides-soignants, des infirmiers et des médecins inclue des modules de soins palliatifs, il est nécessaire d’améliorer l’information des personnels soignants concernant leurs droits mais aussi leurs obligations, notamment celle de soulager les douleurs. En effet, certains soignants seront amenés un jour à prendre des décisions sur la fin de vie, en particulier dans le cadre de la discussion collégiale.

Ensuite, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès n’est pas mal appliquée. Il faut néanmoins rappeler que notre capacité d’analyse en la matière est limitée puisque les résultats des décisions collégiales sont consignés dans les dossiers médicaux, auxquels nous ne pouvons pas accéder.

Sandrine Dogor-Such et d’autres commissaires ont évoqué les sujets financiers. Il est important de comprendre qu’en matière de soins palliatifs, les moyens humains sont cruciaux. En effet, il s’agit d’une médecine au chevet des patients, à qui il faut consacrer du temps pour les écouter, recueillir leurs volontés, s’assurer de leur bien-être et de leur confort afin de proposer des solutions adaptées. Cette médecine, moins performante en termes de progrès techniques, repose sur l’accompagnement et le service. Elle s’oppose au temps rapide et à la tarification à l’acte telle que la T2A l’a mise en place. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’adapter cette T2A et de tracer, dans les budgets hospitaliers, les moyens financiers dédiés au niveau national aux soins palliatifs afin qu’ils soient bel et bien affectés aux USP.

À Thibault Bazin, je répète que la loi Claeys-Leonetti a été conçue pour ceux qui vont mourir dans les jours à venir et dont la souffrance ne peut être apaisée alors que leur maladie est incurable. La question de l’aide active à mourir se posera pour ceux qui veulent mourir, ceux pour lesquels le pronostic va au-delà de quelques jours. Je rappelle que certains pays nous envient le trésor national qu’est cette loi, y compris ceux ayant mis en place l’euthanasie.

Je souligne l’importance d’une culture palliative, qui doit intervenir en amont au moment de la prise en charge des maladies. Ce n’est pas lorsque l’on arrive à la fin du traitement que l’on passe le relais aux soins palliatifs. Par ailleurs, les lacunes de l’offre des soins palliatifs dans de nombreux territoires sont en contradiction avec les premières lignes de l’article 1er de la loi. Nous devons nous attacher à couvrir l’ensemble du territoire.

Frédéric Valletoux a évoqué avec justesse la question de l’évaluation. Lorsque la loi initiale ne prévoit pas d’indicateurs précis, il est difficile de procéder ensuite. Si nous voulons évaluer le rapport entre l’offre et la demande, il faut intégrer ces indicateurs dans la loi ou dans des décrets. Comme le président Olivier Falorni l’a souligné dans son intervention liminaire, aucune évaluation n’était intervenue sept ans après la promulgation de la loi alors même que son article 14 prévoyait un rapport annuel.

De notre côté, nous avons été raisonnables : nous avons considéré un rapport tous les deux ans suffisant. Mais ce travail doit impérativement être fait. De plus, il importe de déterminer les indicateurs retenus. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait émis des recommandations en ce sens, que nous pourrions étudier. Par ailleurs, les questions financières et la notion d’égalité territoriale sont essentielles.

Enfin, certains ont évoqué l’accompagnement éthique face à la mort. Mais nous ne sommes pas là pour parler de la mort dans sa dimension métaphysique. En revanche, il faut parler de la vie, en soins palliatifs ou dans nos travaux de législateurs. Je pense que l’entrée en soins palliatifs peut être abordée comme une nouvelle étape de la vie, quand bien même il s’agit de la dernière.

M. Olivier Falorni, président de la mission d’évaluation. Un grand nombre des interventions ont évoqué la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. C’est fort logique dans la mesure où elle constitue la grande nouveauté de la loi. En réalité, la loi Leonetti de 2005 avait déjà intégré les directives anticipées et la personne de confiance. Elle avait aussi affirmé le refus de l’obstination déraisonnable et l’accès aux soins palliatifs pour tous.

La nouveauté de 2016 correspondait à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, qui pouvait être parfois pratiquée en complément des sédations proportionnées. Cette question est au cœur des enjeux car la procédure est source d’interrogations. Nous n’avons pas accès à certains chiffres. En effet, nous sommes incapables de déterminer combien de sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès sont pratiquées parce que cet acte n’est pas codifié. Nous travaillons sur la base d’éléments déclaratifs qui dessinent une tendance : cette sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès serait très peu répandue. Deux raisons ont été fournies pour l’expliquer. Elles recouvrent en partie les deux analyses de la loi : il s’agirait d’un « trésor national » selon le docteur Claire Fourcade ; le professeur Martine Lombard estime la loi inappliquée car inapplicable.

Pour certains soignants, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès n’est pas forcément utile car les sédations proportionnées suffisent dans la majorité des cas. Je rappelle néanmoins que Jean Leonetti avait indiqué que « 12 % des malades hurlaient de douleur dans les hôpitaux parisiens ». Nous avons d’ailleurs repris cette formule dans le rapport.

Pour d’autres, la sédation n’est pas utilisée car elle pose un certain nombre de problèmes, dont celui de l’intentionnalité, c’est-à-dire cette limite ténue entre l’aide active à mourir et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Comme son nom l’indique, elle a vocation à être irréversible : le patient sédaté ne doit pas se réveiller. Or, c’est parfois arrivé selon les témoignages de soignants.

En outre, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès est quasiment impossible à domicile alors même que ce droit est inscrit dans la loi Claeys-Leonetti. La question de la maîtrise du temps est également source d’inquiétude pour les soignants : lorsque l’on plonge un patient dans la sédation profonde et continue, on ignore combien de temps cela va durer. Nous avons recueilli le témoignage d’un réanimateur en néonatalogie qui avait plongé un nourrisson en sédation profonde et continue... Celle-ci avait duré plus longtemps qu’il ne l’avait prévu.

Par ailleurs, la loi elle-même impose une limitation de l’accès à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès : elle ne doit intervenir que si le pronostic est engagé à court terme, c’est-à-dire après quelques heures ou quelques jours. Deux évaluations – qui n’étaient pas le fait de parlementaires – ont été conduites en 2018, de manière trop précoce. L’Igas prônait la codification de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, qui n’est toujours pas advenue. Le Conseil d’État, qui n’a pas l’habitude d’exprimer un jugement éthique, avait évoqué « ce malade qui n’en finit pas de mourir ».

Nous nous interrogeons sur le non-recours à ce dispositif, qui peut être interprété de deux manières. Nous ne nous positionnons pas. Mais j’ai un avis personnel sur la question.

Mme Fanta Berete (RE). Ce rapport arrive à un moment où le débat sur la fin de vie ne fait que commencer. Nous sommes interpellés par un certain nombre de Français à ce sujet. Par ailleurs, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera examinée dans quelques jours en commission. Votre rapport aborde la nécessité de mieux faire connaître les directives anticipées et le dispositif de la personne de confiance.

En effet, tout citoyen peut désigner une personne de confiance qui sera consultée au cas où lui-même ne serait pas en état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Les pouvoirs publics ont tenté de faciliter cette désignation en impliquant davantage le médecin traitant qui est, en pratique, l’interlocuteur médical le plus proche du patient. La loi du 2 février 2016 dispose : « dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation ». Comment accompagner les médecins traitants pour qu’ils se saisissent de cette prérogative ? Pourrait-elle être élargie à l’information sur les directives anticipées ?

Mme Joëlle Mélin (RN). En tant que membre de la mission, je remercie chaleureusement le président et les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Concernant l’évaluation, la loi Claeys-Leonetti a permis de valider des principes, qu’il s’agisse de la fin de l’obstination déraisonnable, des directives anticipées, de la personne de confiance ou de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. En revanche, son application laisse à désirer qu’il s’agisse de l’information des patients – mais ont-ils envie de s’occuper de leur mort ? – ou des professionnels, ce qui est plus gênant. Il demeure également une ambiguïté sur la rédaction des directives anticipées et la désignation de la personne de confiance. Enfin, les manques de moyens logistiques, financiers et humains entraînent une perte de chance pour les patients et une gêne pour les soignants. Ils conditionnent largement la perception de la loi et suscitent même une certaine confusion.

Le point central de la sédation pourrait se résumer aux questions du qui, du quand et du comment. En l’occurrence, le véritable triptyque est plutôt quand, qui et comment. Pour le « quand », dans les délais brefs où de telles situations surviennent, ce sont les soignants qui accompagnent leurs patients dans la continuité compassionnelle. Le « comment » concerne la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il faudra qu’elle soit précisée dans les décrets, pour être la moins longue possible et pour faire sortir l’alimentation et l’hydratation de la notion de soins.

Si elle intervient dans des délais retardés comme c’est parfois le cas pour certaines maladies neurologiques ou oncologiques, il est nécessaire de souligner l’existence d’enjeux sociétaux ainsi qu’un risque de pénalisation d’acteurs qui sont précisément dépénalisés par la loi Claeys-Leonetti. Il faut impérativement conserver cette loi en l’état et ouvrir un texte totalement différent à la discussion.

Mme Justine Gruet (LR). J’adresse mes remerciements à tous les membres de cette mission à laquelle j’ai participé. Nous en sommes au cinquième plan sur les soins palliatifs. J’aimerais que nous évitions de reproduire certaines erreurs. Nous sommes également dans l’attente d’une loi grand âge efficace pour accompagner dignement nos seniors. Je crois que cela peut être complémentaire.

La culture palliative doit être développée dans l’ensemble des cursus de soignants, afin qu’elle devienne aussi naturelle que les traitements curatifs. La culture palliative doit être présente à toutes les étapes des traitements et dans une approche complémentaire aux traitements curatifs. Je ne reviendrai pas sur la rémunération de la T2A dans les établissements, puisque d’autres l’ont déjà évoquée. Je m’interroge sur le développement, dans les contrats locaux de santé (CLS) et dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), de fiches action de coordination des soins palliatifs au plus près des territoires.

Il faudrait également réfléchir à la simplification administrative dans le processus d’évaluation du groupe iso-ressources (Gir) d’une personne en fin de vie. Les auditions ont mis en évidence certaines situations où une équipe médico-sociale évalue le Gir d’une personne en fin de vie alors que cette démarche est à la fois difficile à vivre pour les proches et totalement inutile dans le parcours de soins. Nous médicalisons beaucoup la naissance ; il faut veiller à ne pas hypermédicaliser la mort pour mieux la maîtriser.

Enfin, il serait important de parler des directives anticipées et de la personne de confiance avec les proches et les soignants, pour une fin de vie la plus digne possible. Cette loi mérite d’être mieux connue.

Mme Monique Iborra (RE). En préambule, je souhaite rappeler que la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, dont je compte parmi les auteurs, n’a rien à voir avec la fin de vie. C’est tout le contraire ! Les soins palliatifs peuvent bénéficier à des personnes jeunes.

Nous avons constaté que les directives anticipées étaient rarissimes en pratique pour les raisons évoquées par Didier Martin. Nous aurions pu anticiper cet écueil dès 2016. Par ailleurs, je ne vois pas comment la volonté du patient s’exprime aujourd’hui dans les possibilités de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. J’ai entendu qu’elle était peu mobilisée et surtout que cette pratique n’était pas répertoriée, ce qui pose une difficulté pour l’évaluation.

Je m’adresse à présent aux médecins : existe-t-il une grande différence au niveau des produits utilisés entre la sédation médicamenteuse légère et temporaire et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? S’agit-il des mêmes produits à des dosages différents ? Si tel était le cas, la question de l’ajustement du curseur se poserait et j’imagine que cette adaptation dépendrait essentiellement du médecin. Or, un malade en sédation légère et temporaire est déjà en sédation. Dès lors, comment pourrait-il faire valoir sa volonté d’être plongé en sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? La législation actuelle ne permet pas de répondre à ce cas de figure et il convient d’apporter une réponse.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La loi Claeys-Leonetti, adoptée à l’unanimité des votants, est le fruit d’un très large consensus. Votre rapport établit trois constats. En premier lieu, l’accès aux soins palliatifs est insatisfaisant, notamment dans les Ehpad. Les disparités sont fortes : deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y ont pas accès, ce qui est inacceptable. En outre, les dispositifs des directives anticipées et de désignation d’une personne de confiance sont peu utilisés. Enfin, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès est également très peu utilisée et difficile à mettre en place par manque de moyens.

La loi Claeys-Leonetti a indéniablement constitué une avancée forte pour les patients et les soignants, en améliorant les conditions de prise en charge en fin de vie. Malheureusement, elle est insuffisamment déployée. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale doit en faire une priorité, et notre commission des affaires sociales au premier rang. Nous devons prendre des engagements pour que les prochaines lois de financement de la sécurité sociale dotent toutes les structures des moyens nécessaires pour appliquer ce droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je me permets d’indiquer que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comprenait une enveloppe de 500 millions d’euros pour améliorer les soins palliatifs, même si je suis consciente que nous devons aller plus loin.

M. Didier Le Gac (RE). Je salue à mon tour le travail accompli par la mission d’évaluation. Je m’interroge sur l’acceptabilité de la décision que nous serons conduits à prendre sur un sujet si clivant. Que pensez-vous de l’exercice de démocratie participative mené par la convention citoyenne sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental ? Avez-vous pris connaissance de leurs soixante-sept propositions ? Rejoignent-elles les vôtres ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Je remercie à mon tour les rapporteurs et je suis fière d’avoir participé aux travaux de cette mission. L’enveloppe de 500 millions d’euros a effectivement été votée comme l’indiquait à l’instant la présidente de la commission, mais Jean Leonetti avait fait remarquer que, bien souvent, malgré ces fléchages, les soins palliatifs devaient s’effacer devant d’autres priorités, notamment celles accordées aux urgences et aux soins pédiatriques. Il est nécessaire d’améliorer les instructions du ministre aux agences régionales de santé sur l’allocation de ces enveloppes.

Une des recommandations concerne la sédation adaptée en fonction de la situation des patients. Vous avez posé la difficile question de l’intentionnalité qui constitue parfois un obstacle pour les soignants. À cet égard, faut-il, dans le cadre de la loi, renforcer les protections juridiques des soignants pour les conforter sur cette question et leur donner la capacité d’adapter la sédation en fonction du patient dans le but d’éviter des situations difficiles pour tout le monde ?

M. Éric Alauzet (RE). Je tiens également à remercier nos collègues, qui ont posé les bases de la réflexion qui nous attend désormais. Ma question a trait aux soins palliatifs. Nous savons que nous devons aborder ce débat sur la fin de vie et l’aide active à mourir avec de grandes précautions et dans le respect mutuel, compte tenu de la sensibilité du sujet et des convictions de chacun. Ce sujet fait appel à des considérations morales, éthiques ou religieuses. Toutefois, cette approche précautionneuse ne doit pas nous conduire à opposer les soins palliatifs, objet de votre rapport, et l’aide active à mourir, sur laquelle nous devons nous pencher. Pouvez-vous nous donner votre appréciation sur le lien entre ces deux objectifs ? Plus précisément, l’insuffisance de soins palliatifs pourrait-elle motiver un recours à l’aide à mourir ? Il s’agit d’une critique fréquente. À l’inverse, l’aide active à mourir ne serait-elle pas un levier du développement des soins palliatifs, ne serait-ce que pour éviter d’installer l’idée que cette aide active viendrait suppléer la supposée insuffisance de soins palliatifs ? Les exemples étrangers peuvent-ils nous éclairer ?

Enfin, une des limites de la loi Claeys-Leonetti tient aux maladies dont l’issue est fatale non à court terme mais à moyen terme. Je pense notamment aux maladies neurologiques. Il faut avant tout nous mettre à la place du patient.

M. Matthieu Marchio (RN). Je tiens à saluer le travail de la mission d’évaluation, dont le rapport contribue à la qualité du débat. Nous sommes probablement plusieurs à avoir expérimenté la loi Claeys-Leonetti dans notre vie familiale. Ce fut mon cas et je suis donc particulièrement intéressé par le volet concernant les soins palliatifs. Vendredi dernier, j’ai visité une unité à Lille et j’en retire deux points que je soumets à la commission. D’une part, la qualité des soins et de la prise en charge s’est visiblement accrue. D’autre part, le traitement à domicile bénéficie de quelques avancées, toutefois insuffisantes.

Ces dispositifs sont encore largement sous-dimensionnés par rapport aux besoins et méconnus de nos concitoyens. Il me semble prioritaire de développer cette offre et de mieux diffuser l’information. L’Assemblée nationale doit se fonder sur vos travaux pour permettre le recrutement de médecins et revoir les financements. Ces efforts sont prioritaires : renforçons l’existant et donnons-nous les moyens d’appliquer la loi Claeys-Leonetti, qui est à la fois équilibrée et novatrice. Mourir dans la dignité consiste à être accompagné jusqu’au bout, avec attention et respect. Si une société aussi riche que la nôtre n’est pas capable de l’assurer à ses membres, alors tous nos principes seront vains.

À titre personnel, je refuse que des Français mal informés et expérimentant des situations dramatiques autour d’eux déclarent préférer une mort médicalisée par crainte de devenir une charge pour leurs proches, voire d’être abandonnés. Cette remarque d’un citoyen de ma circonscription m’a bouleversé et je nous pense nombreux à l’avoir entendue.

M. Jean-François Rousset (RE). Je remercie les rapporteurs pour la sincérité de leur rapport. À mon avis, il ne faut pas isoler les soins palliatifs des autres soins. Au contraire, ils sont reliés par un continuum. Par ailleurs, il faut être conscient du fait que, dès que l’on abordera le sujet d’un point de vue législatif, des tensions apparaîtront. Quand nous devrons prendre des décisions, il ne faudra jamais oublier qu’elles concerneront une femme ou un homme qui va mourir et que nous devons aider à mourir dans la dignité, en respectant ses volontés ou les choix de la personne de confiance désignée.

J’ai rencontré des soignants qui m’ont évidemment fait part de leurs difficultés et de leurs besoins en formation. Certains ont exprimé leur volonté d’accompagner jusqu’aux derniers soins les personnes en fin de vie dont elles avaient eu la charge pendant longtemps. Enfin, il faudra prendre en charge les familles, trop souvent écartées des décisions, d’où l’intérêt de faire travailler toutes les parties prenantes en collégialité.

M. Paul Christophe (HOR). À mon tour, je salue le travail des rapporteurs et je rends hommage aux soignants qui exercent dans les services de soins palliatifs. Je pense en particulier aux personnels de l’hôpital maritime de Zuydcoote, ma commune de résidence.

Paradoxalement, les soignants et les familles témoignent parfois d’un retour à la vie lorsqu’ils accompagnent un patient en fin de vie. Je me souviens avoir célébré un mariage dans une USP, qui avait suscité une émotion sincère et rare.

Nous sommes d’accord sur les constats : l’accès est insuffisant et l’information manque sur les directives anticipées et la personne de confiance. Malheureusement, la question de la bonne information et de l’accès aux droits est souvent cruciale. Quelle est la bonne méthode pour que nos concitoyens soient mieux au fait de leurs droits et donc mieux guidés dans leurs choix ?

M. Didier Martin, rapporteur de la mission d’évaluation. En premier lieu, je tiens à revenir sur la déclaration rapportée de Jean Leonetti selon laquelle 12 % des malades hurleraient de douleur. Pour ma part, j’ai travaillé en centre hospitalier périphérique, en centre hospitalier universitaire, en radiologie et en centre de lutte contre le cancer. Je n’ai jamais entendu des patients hurler de douleur. Si tel était le cas, nous devrions nous poser de graves questions. J’apprécie cette citation de Jean Leonetti, que nous avons reprise comme une manchette de tabloïd au début de notre rapport, mais elle ne correspond heureusement pas à une réalité. Les cris des patients sont entendus par les soignants et des évaluations de la douleur sont diligentées par l’ensemble du personnel hospitalier. Il convient également d’évoquer d’autres types de douleurs – psychique, morale voire sociétale – qui peuvent elles aussi être traitées par un accompagnement. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas travaillé dans les hôpitaux que décrit cette formule de Jean Leonetti.

Je suis d’accord avec Fanta Berete et d’autres collègues pour souligner le rôle du médecin traitant dans l’élaboration des directives anticipées. Malheureusement, les soignants manquent de temps. Il semble donc important de créer cet espace de verbalisation bienveillante et un mode de communication en parallèle du combat contre la maladie. Ce climat permet de recueillir les directives anticipées par voie orale ou écrite et de se forger une conviction par rapport aux volontés des patients.

Je confirme à Joëlle Mélin que la loi Claeys-Leonetti devrait être conservée en l’état, mais nous y suggérons deux amendements : la rédaction d’un rapport tous les deux ans et l’adaptation de la sédation en fonction des circonstances.

Je partage les propos de Justine Gruet au sujet de la coordination, qui nécessite également du temps et de la bonne volonté. Globalement, les soins palliatifs sont trop hospitalocentrés. Il faut en sortir.

S’agissant de la question de Monique Iborra, je confirme que seule la dose distingue la sédation légère de la sédation profonde. Certes, les effets de certains produits anesthésiques sont radicaux, notamment le Propofol et les curares, dont les injections sont létales. Cependant, les drogues sédatives adaptées comme le Midazolam voient leurs effets différer selon les quantités. L’allègement des doses permet d’évaluer le niveau de douleur et l’état de conscience du patient. Il s’agit d’une pratique délicate mais, une fois encore, il existe plusieurs types de sédation.

Je suis d’accord avec Didier Le Gac au sujet de la démocratie participative. Comme l’a indiqué Agnès Firmin Le Bodo, en matière de fin de vie, il faut allier humilité et humanité. Il importe de mener ce débat sociétal de manière démocratique car il nous oriente sur la reconnaissance de certaines libertés et volontés individuelles, mais également sur notre devoir de solidarité – un des grands principes de notre système de santé.

Je me suis déjà exprimé sur les moyens financiers et je considère qu’une enveloppe de 500 millions d’euros n’est pas négligeable.

Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur la question de l’intentionnalité. C’est la raison pour laquelle ma proposition d’amendement porte seulement sur la sédation profonde, continue et adaptée. Il me semble important que la loi comporte des creux ou des vides. Il faut laisser la place à l’adaptation et à la décision collégiale sans préciser l’intentionnalité de donner la mort, qui relève d’un registre plus juridique.

Éric Alauzet a évoqué les maladies neurologiques et la question de la temporalité à court et moyen terme. Je suis assez affirmatif en la matière : la loi Claeys-Leonetti concerne les outils, les moyens et les obligations pour le court et le très court terme. À mon sens, les maladies dont l’issue est fatale à trois ou six mois n’entrent pas dans le champ de la loi. Enfin, l’insuffisance en matière de soins palliatifs ne doit pas conduire à proposer un texte sur l’aide active à mourir. Il faut absolument renforcer les moyens attribués aux soins palliatifs.

Pour répondre à Matthieu Marchio, les défauts des campagnes d’information à destination du grand public sont connus : elles coûtent cher et leurs effets sont temporaires. Pour ma part, je mise sur la relation de proximité avec le médecin traitant et l’infirmier, dont il faut valoriser le temps au chevet des patients. Lorsque nous avons interrogé Hermann Mbongo, infirmier libéral dans le sud de l’Essonne, il nous a clairement indiqué que le temps « soignant » devait être pris en compte et rémunéré plus justement, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un paiement à l’acte. Il faudra prévoir une cotation adaptée et sortir des schémas actuels.

Je remercie Jean-François Rousset d’avoir évoqué la famille et le continuum entre la démarche curative et la démarche palliative. J’ai également apprécié les propos de Paul Christophe lorsqu’il a évoqué la célébration d’un mariage dans une USP puisque j’ai moi-même fait cette expérience. Il est très difficile de parler de la mort mais il est possible de parler de la vie, et donc de l’amour et de la tendresse, même deux jours avant un décès.

Mme Caroline Fiat, rapporteure de la mission d’évaluation. De nombreuses questions ont porté sur l’investissement des médecins traitants dans le choix de la personne de confiance et dans les discussions anticipées. Malheureusement, ils expliquent devoir refuser la nouvelle patientèle : leur temps de consultation est de plus en plus contraint, ce qui les empêche d’agir toujours comme ils le souhaiteraient.

Ensuite, je dirais à Joëlle Mélin qu’il est impossible de considérer une sédation moins longue compte tenu des incertitudes sur la survenue exacte de la mort. Chacun espère que ce moment sera le plus court possible, mais certains corps résistent plus que d’autres.

Justine Gruet a évoqué la nécessité d’établir une culture palliative complémentaire à la culture curative. Le jour où les médecins seront formés à soigner, et non plus à guérir, nous aurons franchi un grand pas. En effet, la mort n’est pas un échec. Nous mourrons tous un jour, mais autant que ce soit dans les meilleures conditions.

Je remercie Monique Iborra d’avoir distingué la question du grand âge et celle de la mort. On meurt à tout âge. Pour ma part, j’ai été traumatisée par le témoignage d’un réanimateur sur le cas d’un nourrisson. Je ne peux que suggérer à chacun de ne pas attendre d’être malade pour engager la rédaction de ses directives anticipées, d’autant qu’elles peuvent être modifiées à l’envi. J’ajoute que la demande d’une sédation temporaire émane parfois des patients eux-mêmes, qui souhaitent être conscients lorsque leurs proches arriveront.

Concernant la remarque de Didier Le Gac sur les propositions de la convention citoyenne, j’espère que les législateurs les reprendront à leur compte. Dans le cas contraire, nous risquerions de créer une défiance dans la population analogue à celle qui avait suivi la convention citoyenne pour le climat, dont la plupart des propositions n’avaient pas été retenues. Nous lirons avec attention les conclusions de la convention.

Pour répondre à Éric Alauzet, je ne pense pas que l’insuffisance de soins palliatifs motivera un recours à l’aide active à mourir. Il ne faut pas opposer un texte qui traite des personnes qui vont mourir dans quelques heures à un texte qui s’intéresserait aux personnes qui expriment la volonté de mourir.

Enfin, pour répondre à Paul Christophe, la définition d’une méthode efficace pour communiquer auprès des citoyens procède d’une responsabilité collective : retroussons-nous les manches et changeons la vision de la société vis-à-vis de la mort.

M. Olivier Falorni, président de la mission d’évaluation. En guise de conclusion, je reviendrai sur quatre points. Tout d’abord, il n’est pas normal de confondre fin de vie et grand âge : la vieillesse n’est pas une maladie et malheureusement, on peut être malade à tout âge. Pour notre part, nous parlons de gens malades, dont le pronostic est irréversible.

Ensuite, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès pose un problème juridique sur lequel le Conseil constitutionnel s’est prononcé. En effet, la loi énonce le caractère contraignant des directives anticipées. Cependant, elles ne sont pas opposables : des médecins peuvent estimer ces directives inappropriées, dans un sens comme dans l’autre. Certains peuvent estimer nécessaire la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès alors que le malade a indiqué dans ses directives anticipées qu’il voulait vivre jusqu’au bout. Cette situation s’est déjà produite, le collège médical considérant que ne pas plonger le patient dans une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès constituait une obstination déraisonnable. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a confirmé la décision des médecins malgré la demande du malade.

Quand le Président de la République a annoncé la tenue d’une convention citoyenne sur la fin de vie, j’étais sceptique. En effet, une convention oblige, et plus encore dans le contexte actuel où les Français expriment la volonté d’être écoutés. Mais je dois avouer que mon scepticisme s’est totalement dissipé, non pas sur les résultats – puisqu’ils ne seront connus que dimanche, – mais sur la manière dont les travaux ont été conduits. Ils ont été remarquables. Contrairement à ce que je pensais, cette convention citoyenne est particulièrement utile. À titre personnel, j’espère que le Président de la République l’entendra. La Première ministre avait posé une question claire et nous aurons la réponse dimanche. Je pense que ces travaux représentent une occasion bienvenue d’articuler la démocratie participative et la démocratie parlementaire.

Enfin, Éric Alauzet a évoqué une opposition potentielle entre les soins palliatifs et l’aide active à mourir. Vous connaissez ma position : selon moi, cette opposition n’a pas lieu d’être. Mais je ne souhaite pas en parler davantage car il ne s’agit pas de l’objet de notre réunion. En revanche, je tiens à vous faire part du constat établi par la ministre Agnès Firmin Le Bodo en audition. Elle s’est déplacée dans de nombreux pays et elle a pu constater que, nulle part où l’aide active à mourir avait été instaurée, une baisse du nombre de lits en soins palliatifs n’avait été mesurée. Au contraire, c’est l’inverse qui s’est produit. Il s’agit d’un constat chiffré, quantitatif et incontestable. Chacun en tirera ses conclusions.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il me reste à féliciter les rapporteurs, le président ainsi que les membres de la mission. Je salue également la sérénité avec laquelle nos débats se sont déroulés.

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En application des dispositions de l’article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise le dépôt du rapport de la mission d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.


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   contributions DES MEMBRES DE LA MISSION

I.   Contribution de M. Thibault Bazin

« La loi de 2016 reposait avant tout et en toile de fond sur le développement des soins palliatifs. Six ans après, il y a encore, sur ce sujet, un énorme travail à faire ». Telle fut la première remarque d’Alain CLAEYS devant notre mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie dite « CLAEYS-LEONETTI ».

Cette remarque préfigurait en réalité le jugement que nous devions par la suite entendre de la très grande majorité des personnes auditionnées : celui d’une loi qualifiée d’équilibrée et largement plébiscitée mais aux effets concrets limités du fait d’un déploiement demeuré embryonnaire.

En ce sens, le premier enseignement de cette mission d’évaluation réside sans doute dans le constat d’un maillage encore très lacunaire en services de soins palliatifs dans notre pays. Lors de son audition, M. CLAEYS l’a constaté en ces termes : « je pense que c’est un préalable à tout, 21 départements se trouvent sans unité de soins palliatifs, je ne parle [même] pas des EHPAD et des soins à domicile ». L’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) dénombre lui 26 départements dépourvus d’unité de soins palliatifs.

Un deuxième enseignement de nos auditions est la permanence des carences en unités de soins palliatifs. Régis AUBRY, responsable du département douleur-soins palliatifs au CHU de Besançon, a formulé ce constat par ces mots : « On en est au 5ème plan de développement des soins palliatifs ce qui, en soit, doit interroger. Pourquoi ? On est encore au [même] constat, lors de ce 5ème plan, que [celui que] l’on pouvait faire lors des plans précédents. Je me souviens de ces plans que j’avais coordonnés entre 2008 et 2012, où nous nous plaignions [déjà] d’un accès aux soins palliatifs encore totalement insuffisant ». Or, cette absence de soins palliatifs, extrêmement grave en elle-même et créatrice d’une fracture territoriale, l’est d’autant plus à la lumière des témoignages concordants de M. AUBRY et de M. LEONETTI faisant respectivement état de « certains établissements qui ont bien reçu des ARS les financements [mais] ne les ont pas utilisés à cela » et de responsables de l’assistance publique de Marseille déclarant à propos d’une enveloppe dédiée aux soins palliatifs : « vous savez, on est désolé, mais on l’a utilisée à autre chose ».

Nos travaux montrent clairement que ces carences sont aujourd’hui à l’origine de difficultés d’accès aux soins palliatifs. Pourtant la loi CLAEYS-LEONETTI entendait rendre effectif le droit d’accès pour tous au soulagement de la douleur et à des soins palliatifs en fin de vie tel qu’introduit par la loi du 9 juin 1999. Le docteur Sophie MOULLAS, coordonnatrice du groupe Éthique et Droits de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) a elle témoigné de l’existence en France de cliniques « où les soins palliatifs sont interdits » et où lorsque « les patients ne vont pas bien, on les envoie aux urgences ou dans des EHPAD en fonction de l’âge du sujet pour qu’ils aillent mourir ailleurs ».

En parallèle, le droit des Français à bénéficier de soins palliatifs chez eux (à domicile ou en EHPAD) demeure largement théorique. Selon l’enquête d’octobre 2022 du CNSPFV, 60% des Français choisiraient leur domicile pour y ‘‘finir leurs jours’’. Le docteur Jean-Marcel MOURGUES, Vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), s’est alarmé d’un décalage entre ce souhait et le constat que 85% des médecins qualifiés en soins palliatifs soient des médecins hospitaliers. Alain CLAEYS a, dans le même esprit, constaté que « la sédation profonde et continue n’est pas appliquée dans les EHPAD » de même qu’elle n’est « pas appliquée à domicile ».

Le déploiement de la loi CLAEYS-LEONETTI reste donc largement « à faire ». Selon une enquête du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) réalisée auprès de 96% des conseils départementaux et régionaux de l’Ordre, 89% d’entre eux jugeaient que les moyens humains et financiers déployés pour permettre l’application de cette loi étaient insuffisants. De plus, 89% affirmaient que la loi CLAEYS-LEONETTI était insuffisamment appliquée. Ce constat semble être largement partagé à travers les différentes professions médicales. Ainsi, le Professeur Pierre François PERRIGAULT, Président du comité d’éthique de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) nous a indiqué qu’une étude réalisée sur 343 arrêts de traitement par ledit comité révélait :

‑ Une absence de procédure collégiale dans 17% des cas ;

‑ Une absence d’appel à un médecin extérieur (contrairement aux dispositions légales) dans le cadre des procédures collégiales dans 30% des cas.

Ces données sont révélatrices d’une trop faible appropriation des dispositions de la loi CLAEYS-LEONETTI par les soignants, ce qu’ils sont les premiers à regretter. Lors de nos auditions, le docteur Ségolène PERRUCHIO, Vice-présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), jugeant inadéquat que les médecins n’aient que 10 heures de formation à la culture palliative sur 10 années d’études, a ainsi déclaré : « les médecins sont encore formés à guérir et pas à accompagner, ce n’est pas encore dans leurs ADN. Il y a là un énorme champ qui s’ouvre devant nous et sur lequel on a trop peu progressé sur les 20 dernières années ». Le professeur AUBRY a lui rapporté que l’« insuffisance de formation de l’ensemble des acteurs de santé » et « le défaut important dans l’environnement universitaire d’une absence de recherche pour appréhender ces questions » étaient dénoncés depuis quinze ans. L’étude du CNOM a confirmé empiriquement ces témoignages (89% des conseils constatant une insuffisance de la connaissance de cette loi par les médecins). Le docteur MOURGUES a ainsi conclu à un « trait commun à l’ensemble des médecins » : « la volonté d’être mieux formés et mieux accompagnés ».

À cette faible appropriation par les soignants répond une faible connaissance de la loi CLAEYS-LEONETTI par les Français. Claire FOURCADE, Présidente de la SFAP, l’a rapportée en ces termes : « L’expérience que je vis au quotidien c’est que les patients connaissent très peu leurs droits y compris sur le droit d’arrêter un traitement. Je suis toujours surprise quand en consultation une personne me dit ‘‘je n’en peux plus de cette chimiothérapie’’, c’est une vraie découverte pour elle quand on lui dit qu’elle n’est pas obligée de suivre le traitement que le médecin a proposé ». Les études susmentionnées du CNOM et de la CNFVSP confirment cette faible connaissance. D’une part, 100% des conseils départementaux et régionaux de l’ordre des médecins ont estimé que les Français méconnaissaient les dispositions de la loi CLAEYS-LEONETTI. Évaluation plus grave encore, ils faisaient à 93% ce même constat pour les malades avec un diagnostic vital engagé. D’autre part, le CNFVSP a remarqué un « décalage (…) entre l[e] sentiment de connaissance et l[a] connaissance réelle sur les dispositifs législatifs encadrant la fin de vie ».

En définitive, le Professeur Pierre ALBALADEJO, Président de la SFAR, a synthétisé ces considérations en déclarant qu’« on doit pouvoir, et ce n’est pas nouveau, toutes les évaluations qui ont été faites de la loi Claeys-Leonetti le disent, mettre des moyens sur les soins palliatifs et sur l’information du public et la formation des soignants ».

Il semble important de noter qu’au cours de ces auditions, la philosophie, les principes et l’équilibre éthique de la Loi CLAEYS-LEONETTI ont été salués. Par exemple, le Docteur FOURCADE en a parlé comme d’« un trésor national qui est à la fois sécurisant pour les soignants et qui nous permet de dire aux patients « on va vous accompagner » » et comme d’« une vraie loi du quotidien ».

Dès lors, au moment où, comme l’a souligné Régis AUBRY, « se développe dans notre société, et particulièrement chez les personnes âgées, et particulièrement chez les personnes âgées en situation de dépendance (…), ce que l’on nomme un sentiment d’indignité », une évolution législative vers l’euthanasie ou le suicide assisté constituerait une solution délétère. L’urgence est en réalité à une application concrète de la loi CLAEYS-LEONETTI partout sur le territoire.

Ainsi, Annabel DESGRÉES DU LOÛ, membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et pourtant initialement partisane d’un changement de la loi, a rapporté qu’une évolution législative qui interviendrait sans « que les dispositifs législatifs qui existent en France aujourd’hui soient connus, (…) appliqués et évalués (…) », sans « que toute personne en France ait aujourd’hui accès à des soins palliatifs de qualité » et sans « que des recherches soient produites sur l’origine des demandes d’aide active à mourir et [sur leurs] effets dans les pays où elle est mise en place (sur la société, sur les familles, sur les soignants) » conduirait à ce que l’aide active à mourir soit demandée par défaut d’accès à un accompagnement de qualité, « recours par défaut qui touchera principalement les plus pauvres ». Pour elle, une telle évolution enverrait également aux personnes malades, fragiles ou handicapées, le message qu’il pourrait y avoir des vies qui ne mériteraient pas d’être vécues.

Alors que certaines personnes parmi les plus fragiles, notamment nos aînés, se considèrent parfois comme un poids pour leurs proches, comme une charge pour la société, déciderons-nous de leur ‘‘tendre la main’’ pour leur dire qu’ils ont du prix à nos yeux ou préfèrerons-nous nous abriter derrière leur « liberté de choisir le moment de leurs morts » pour mieux nous défausser de notre devoir d’accompagnement ?

La réponse apportée par Annabel DESGRÉES DU LOÛ aux promoteurs d’un « en même temps bioéthique », consistant à proposer simultanément un développement des soins palliatifs et une ouverture de l’euthanasie et / ou au suicide assisté sous les termes « aide active à mourir » semble également digne d’intérêt. Pour elle, « faire avancer vraiment l’accompagnement de la fin de vie, pour tout le monde et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs, va prendre énormément de temps, d’argent, de volonté… etc. (…) Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix ».

Soyons réalistes, la légalisation demandée par certains de l’euthanasie ou du suicide assisté ne pourront d’ailleurs pas être cantonnées durablement à la fin de vie. Si demain nous venions à autoriser une personne en fin de vie à y avoir accès, pourquoi et comment le refuserions nous après-demain à des personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé ? Acterons-nous alors dans la loi que certaines vies valent plus que d’autres ? Qu’il faudrait refuser le suicide à un enfant ou à un adulte dépressif mais que cela serait permis pour une personne âgée ou pour un malade ? Que dirions-nous alors de notre conception de la valeur d’une vie humaine ?

Confrontés à une personne voulant sauter d’un pont, il ne nous viendrait pas à l’esprit de lui dire ‘‘exercez votre liberté si vous le souhaitez’’, la fraternité et la compassion nous conduiraient naturellement à prendre soin d’elle et à lui rappeler la dignité de sa vie malgré les épreuves douloureuses l’accablant.

Ainsi, avant d’envisager une grave rupture anthropologique en capacité de saper la « fraternité » inscrite au frontispice des principes républicains, il serait bon d’écarter la tentation de la tabula rasa et de faire appliquer la loi déjà votée qui est un préalable inconditionnel. En le faisant, nous prendrions pour nous cette adresse du Cardinal de Richelieu : « faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre » tout en nous souvenant que ce qu’entendait « interdire » la loi CLAEYS-LEONETTI, c’était bel et bien la souffrance en fin de vie.

Nous l’avons par ailleurs constaté, les difficultés que nous devrons résoudre pour permettre une pleine effectivité de la loi CLAEYS-LEONETTI sont nombreuses et résonnent comme autant de questions. Comment permettre un développement rapide des soins palliatifs dans tous les territoires ? Comment créer une réelle culture palliative chez les soignants ? Comment permettre aux Français de connaître leurs droits et de les exercer ? Quel modèle de financement adopter alors que la tarification à l’activité valorise insuffisamment les actes d’écoute et d’accompagnement au cœur de la prise en charge palliative ?

Je voudrais conclure cette contribution en insistant sur la nécessité de ne pas se tromper de réponse aux besoins d’accompagner mieux la fin de vie en France.

Certains voudraient réduire les questionnements sur la fin de vie au fait d’être « pour » ou « contre » l’euthanasie et/ou le suicide assiste (« l’aide active à mourir »). Ce serait une erreur car ces deux modalités techniques découlent d’une question préalable beaucoup plus fondamentale : devons-nous renoncer, dans certains cas, au principe d’inviolabilité de la vie humaine ? Autrement-dit, peut-on admettre, et le cas échéant pour quelles raisons, que la vie de certaines personnes n’est pas ou plus inviolable ? Et quelles seraient les conséquences pour les personnes fragiles vulnérables, en situation de handicap, d’un tel glissement ?

Mais, n’est-ce pas au nom de ce principe d’inviolabilité de la vie humaine que Victor Hugo demanda à l’Assemblée constituante en 1848 d’abolir la peine de mort ? Au nom de ce principe que le meurtre est interdit ? Au nom de ce principe toujours qu’il est parfois possible de dépasser la volonté d’une personne pour la protéger contre elle-même (cas d’une personne suicidaire ou d’une personne âgée ayant perdu la raison) ?


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II.   Contribution de M. Pierre dharréville

Un droit cardinal à garantir pour de bon

 

Les soins palliatifs sont dans l’ombre. Ils sont pourtant la marque d’une société qui accompagne les siens tout au long de la vie. La loi Leonetti, et dans son sillage la loi Claeys-Leonetti, sont deux grandes lois. Et l’on parle trop souvent sans connaître ni la loi ni ses possibilités, ni son application, ni les défauts de son application. Cherchant la bonne ligne de crête, ces deux textes élaborés dans un large arc de forces républicaines ont tracé une voie nouvelle pour l’accompagnement des personnes en fin de vie. Chaque jour s’applique cette loi : chaque jour des femmes et des hommes en notre nom manifestent par leurs gestes, leur accompagnement et leurs choix la présence et la force de notre humanité commune. Il faut rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui accomplissent ce métier beau et difficile. La loi permet aux milliers de personnes qui meurent tous les jours à la maison ou plus souvent à l’hôpital d’être soulagées et accompagnées parce que c’est l’honneur d’une société civilisée de veiller sur les plus fragiles et les plus vulnérables d’entre nous. Elle envoie un message fort à chaque personne : « Je ne t’abandonnerai pas, je ne te laisserai pas souffrir, je ne prolongerai pas anormalement ta vie. » La loi Claeys-Leonetti a introduit et organisé le recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Et le patient est clairement identifié comme le décideur, directement ou par le biais d’une personne de confiance, c’est l’une des nouveautés de cette loi. Il peut décider d’interrompre ou de ne pas débuter un traitement, étant informé des conséquences de ses choix ; l’acharnement thérapeutique est proscrit. La souffrance est au coeur des enjeux du soin palliatif : il s’agit de la soulager même si cela doit raccourcir la vie ou obscurcir la conscience. Jusque dans sa fin, aucune vie n’est identique à une autre et c’est la promesse de cet accompagnement de chacune et de chacun que la loi a souhaité permettre.

Il était grand temps de se pencher sur l’application de la loi et de dresser un état des lieux des soins palliatifs. Malgré le manque de données, ce rapport montre clairement l’insuffisance des moyens alloués aux soins palliatifs et les effets pervers de la tarification à l’activité qui plus est pour une prise en charge qui requiert avant tout de l’humain, bien au-delà des gestes codifiés et protocolisés.

La crise générale de l’hôpital ne rend pas plus acceptable le déploiement insuffisant des soins palliatifs. Vingt-deux départements ne possèdent pas d’unités de soins palliatifs. Le rapport de l’IGAS sur le plan national 2015-2018 préconise de multiplier de façon urgente les équipes mobiles de soins palliatifs pour des interventions à domicile ou en structure. Si les moyens n’ont pas été suffisamment mis dans le développement des structures dédiées, ils n’ont pas été mis non plus dans le développement de la culture palliative qui doit dépasser le simple cadre des personnels concernés à titre principal. Il faut développer une culture palliative pour tous les soignants afin de permettre le tissage du curatif et du palliatif dans les meilleures conditions.

L’insuffisance de moyens est un défaut majeur dont le risque avait été pointé dès la première loi Leonetti, en particulier par Michel Vaxès, député des Bouches‑du-Rhône, au nom de notre groupe. Cette réalité débouche sur des inégalités d’accès, notamment mais pas seulement territoriales, qui sont indéfendables. Pour soigner, il y a une obligation de moyens. Et face à la fin de vie, c’est pour l’État une obligation absolue : quand une personne humaine se trouve face à la mort, face à l’épreuve ultime d’une vie, face à la souffrance qui peut accompagner la fin de vie, la communauté humaine n’a pas le droit de ne pas être au rendez-vous. Cette exigence de moyens est fondamentalement une exigence éthique. Sans quoi on se dérobe à reconnaitre chaque patient dans son humanité et sa dignité. Sans quoi on nourrit l’angoisse face à la souffrance et à la fin de vie. Que vaut une loi sans les moyens qui permettent de la faire vivre ? Cette carence de moyens humains et financiers a altéré l’empreinte, la portée et l’ambition de la loi Leonetti et de la loi Claeys-Leonetti.

Le rapport met en lumière le faible recours aux directives anticipées et à la personne de confiance. Ces dispositions, imaginées comme des facteurs de maîtrise par la personne et d’anticipation utiles aux proches et aux soignants, doivent sans doute être mieux appropriées. Les témoignages montrent cependant que l’approche peut beaucoup évoluer entre le moment où l’on imagine la situation et celui où elle est vécue. Et la pratique nous révèle que tout le monde n’a pas envie de se confronter à cette question. Il faut conserver ces dispositifs et les faire mieux connaître, mais nul n’est besoin de se fixer en la matière des objectifs de performance et d’installer à ce propos une pression sociale déplacée.

Enfin, concernant la sédation profonde et continue jusqu’au décès, le rapport pointe un recours très limité dans les faits et indique des freins à sa mise en œuvre qui doivent être levés. Des témoignages indiquent également que le nombre restreint de recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès révèle aussi le faible nombre de cas où elle apparaît être la solution adaptée, sans pour autant remettre en cause sa pertinence dans l’éventail des possibilités offertes aux patients et à leurs soignants. En effet, il convient de ne pas alimenter le procès relativiste en hypocrisie de cette pratique au sens où elle serait une forme d’aide active à mourir qui ne s’assume pas. Le sens des gestes et des décisions qui sont prises ne doit jamais être escamoté ; a fortiori dans ces moments décisifs de l’existence, il convient au contraire de l’établir, de le nourrir, et de le conforter pour qu’il s’inscrive dans une démarche éthique.

Insuffisance de moyens, recours modérés aux directives anticipées ou à la sédation profonde et continue jusqu’au décès… Faut-il conclure à l’échec ? Faut-il conclure que la loi n’était pas adaptée ? Faut-il conclure qu’elle était inapplicable ? Et qu’il faudrait dès lors en venir à des solutions plus radicales, d’une autre nature ?

Il ne faudrait pas passer par pertes et profits un constat fondamental : les soins palliatifs avec toute la palette que leur ont donnée les lois Leonetti et Claeys-Leonetti, répondent au quotidien à des besoins humains incontournables. La qualité de l’accompagnement humain et médical constitue un bienfait essentiel largement reconnu par celles et ceux qui ont pu être concernés dans leur entourage. L’existence de ces pratiques et de ces équipes a profondément changé la donne autour de la fin de vie et du rapport aux souffrances qui peuvent l’accompagner.

Ces constats appellent d’abord, et à vrai dire plutôt, la puissance publique à être enfin au rendez-vous de sa juste promesse, celle de prendre soin, de soulager et d’accompagner jusqu’au bout, celle de permettre à chacune et chacun de vivre sa fin dans la confiance et l’apaisement. Ce rapport éclairant, dont la qualité doit être soulignée, appelle des actes prenant en compte les questions soulevées pour un droit plein et entier aux soins palliatifs dans notre pays. Face aux attentes et aux besoins de soin et d’accompagnement pour la fin de vie, il faut une réponse puissante.

 


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III.   Contribution de MMe Justine Gruet

Je remercie tout particulièrement l’ensemble des personnes rencontrées en audition, ou lors de temps informels, ayant permis de nourrir mes réflexions qui, je l’espère, contribueront de manière constructive au rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti.

« La vie nous donne toujours une autre chance, elle s’appelle demain. »

La société médicalise de plus en plus la naissance, de la césarienne de convenance au déclenchement de l’accouchement ; tout comme la mort, avec une hospitalisation de plus en plus systématique à l’approche de la fin de vie. Avec cette volonté peut être inconsciente de vouloir tout maîtriser, pour mieux sécuriser, contrôler… Mais la richesse de la vie réside justement dans le fait que nous ne maîtrisons pas le moment d’arrivée et le moment de départ de ce monde.

La science et la médecine dans leurs progrès, permettent de maintenir les patients en vie, ce qui augmente par voie de conséquence les situations de vulnérabilité ; alors que dans le même temps, la société ne donne pas forcément les moyens aux patients et à nos soignants d’une prise en charge humaine et financière de qualité.

Dans un premier temps, je vous propose de redéfinir quelques notions sur les outils présents dans le texte ; dans un second temps, de dresser le constat de leur application ; et enfin d’aborder les pistes de réflexion que nous pourrions travailler pour améliorer la connaissance et la considération de cette loi, vis-à-vis des soignants, des malades et de leurs proches.

Bien souvent, les notions de directives anticipées et de personne de confiance sont méconnues, alors qu’elles étaient déjà présentes dans le texte de 2005.

Ainsi, la personne de confiance n’est pas celle à prévenir en cas d’urgence mais celle qui doit témoigner de la volonté du malade, et qui peut prendre une responsabilité au niveau de la décision médicale. Les directives anticipées ne sont pas un testament mais un projet thérapeutique médical.

Pour ces deux notions, le temps d’échanges est donc primordial. Il faut expliquer, prendre le temps de la pédagogie, de la concertation, avec le patient et la famille.

Ce sont de réels outils de dialogue, des médiateurs de discussion, des marqueurs de volonté à un instant T, émis par le patient qui aura toujours la possibilité de les faire évoluer et de les modifier selon les circonstances.

La notion des soins palliatifs fait peur : aux patients, à leur entourage et aux personnels soignants. Ils peuvent appréhender le moment d’en parler.

Comment avoir envie de recourir à quelque chose que l’on redoute ? Quel est le moment opportun ? Comment accompagner ? Avec quels mots ? Par qui ?

Cette notion de bon moment est essentielle. La confiance portée par le médecin traitant semble être un levier intéressant pour évoquer le sens donné à l’accompagnement de la fin de vie, il peut être d’ailleurs décorrélé d’une fin de vie proche. L’accueil par les équipes hospitalières est essentiel pour créer ce nouveau lien de confiance.

Cette mission d’évaluation m’a permis de découvrir la notion de « patient remarquable » qui prévoit l’arrêt de tout acharnement thérapeutique, en cas de maladie grave, évoluée et évolutive, quand les traitements curatifs ne sont plus appropriés.

Les soins palliatifs sont une ressource, une aide pour vivre le temps de la maladie grave ; ils sont complémentaires des soins curatifs, ils ne sont pas une condamnation et ne s’opposent pas l’un à l’autre. L’accompagnement de la personne malade est un acte de solidarité qui nous concerne tous, aidant, proche, monde associatif, soignant.

Ainsi, il semble essentiel que la notion de transversalité associée à la culture palliative soit incluse dans la formation initiale et continue des médecins et des professionnels paramédicaux, tout au long de leur cursus et dans leur pratique professionnelle, de manière complémentaire. Pour que la médecine palliative devienne naturelle.

Le choix pris dans une situation de fin de vie repose sur trois étapes essentielles à respecter. La première, c’est l’écoute des soignants quant au choix du patient au travers des directives anticipées, ou de manière moins formalisée son ressenti, son état d’esprit, sur son projet médical ; d’où l’importance de la notion d’information et d’accompagnement. La deuxième concerne la procédure collégiale qui doit être engagée par les professionnels de santé avec le médecin pour les choix thérapeutiques mis en place dans le parcours du malade. La troisième consiste à échanger sur l’équilibre des décisions prises, justifiées et accompagnées avec le patient si cela est possible, sinon avec sa personne de confiance et à défaut avec ses proches.

Dans la loi Claeys-Leonetti, les gens n’ont souvent entendu que le droit à la sédation, principal point d’évolution par rapport à 2005.

Or, la sédation profonde et continue prolongée jusqu’au décès peut apparaître comme quelque chose d’hypocrite vis-à-vis d’une aide active à mourir mais, là encore, il est nécessaire d’expliquer la différence d’intention et le rôle du soignant.

Avant la mise en place d’une sédation, il faut que le personnel médical ait proposé des traitements symptomatiques qui seront considérés comme du soin et non du traitement thérapeutique, et qui n’auront pour finalité que le soulagement, sans objectif de guérison.

Dans la pratique en soins palliatifs, on relève une bonne efficacité des traitements symptomatiques, le décès intervenant souvent par l’évolution naturelle de la maladie, sans avoir forcément recours à la sédation.

Le traitement est nécessairement donné par un professionnel de santé tandis que le soin est prodigué par un soignant mais peut également l’être par la famille ou les proches.

L’arrêt de l’hydratation peut être vécue comme une forme de maltraitance (représentation sociétale ou désinformation de la famille). Étant considérée comme un traitement elle peut être arrêtée. Son maintien semble plus délétère avec un risque d’encombrement bronchique, son arrêt n’entraînant pas d’inconfort ; en revanche, les soins de bouche deviennent essentiels. Il faut rester dans la notion de qualité de vie, de qualité de soin.

La question n’est pas de savoir si le patient est ou non « en soins palliatifs », la question est de savoir de quels soins il a besoin.

La souffrance sous toutes ses formes, physique comme psychologique, doit être prise en considération. La différence entre la sédation profonde et continue et l’aide active à mourir réside en partie dans le produit utilisé, la posologie et la temporalité ; et bien évidemment dans l’intention du soignant.

On devra alors s’interroger en cas de légalisation d’une aide active à mourir du danger qu’une même personne puisse soigner et délivrer la mort avec la notion de confiance dans les traitements indiqués que cela implique.

L’hyperautonomisation du patient quant à sa liberté de choix interroge sur les fantasmes d’une mort maîtrisée et contrôlée, sans souffrance. La notion de bénéfice-risque reste au cœur de chaque décision médicale.

Le principe d’autonomie peut faire barrière à la prise en charge des soignants et ne doit se résoudre à de l’individualisme ; quand bien même en cas de situation de vulnérabilité nous avons besoin d’autrui, de faire société.

D’un point de vue plus éthique et moral, il sera essentiel de mettre au cœur des cursus de formation le côté humaniste des médecins qui ne peut être dissocié de l’aspect technique de la profession. Dans le serment d’Hippocrate originel, figure la phrase suivante : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion. » Une déclaration à inscrire dans le contexte de l’époque, alors que le poison était un recours répandu pour les suicides ou les meurtres. À l’époque contemporaine, cette phrase est devenue : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». Derrière, vous lisez l’interdit de l’euthanasie et du suicide assisté.

La notion de croyance et de religion, du rapport à la Mort, de la condition humaine, sont des éléments qui entrent en compte dans le jugement que nous pouvons porter à l’accompagnement des personnes dans la fin de leur existence.

Si le sujet de l’aide active à mourir était posé, il serait essentiel de dissocier deux formes d’aide active à mourir : l’euthanasie et le suicide assisté.

L’ouverture de la discussion sur l’euthanasie amène la notion de jugement par autrui de la valeur d’une vie. Le suicide assisté met en avant une souffrance verbalisée et donc la possibilité de proposer un accompagnement adéquat. Parfois persiste la volonté réelle de mourir, même si cela reste rare.

La demande de suicide assisté assure le libre choix du malade.

Ainsi, en Suisse, on observe qu’un tiers des personnes demandant le suicide assisté ne va pas chercher le produit létal et qu’un tiers n’absorbe pas le produit une fois qu’il l’a en sa possession.

Se pose alors la question du sens du soin donné par le soignant dans cette aide active à mourir. Cet acte permet de respecter les choix du patient, sans pour autant faire peser la charge de cette décision sur le soignant, et permet d’accompagner au mieux les proches dans les deuils compliqués pouvant survenir après le suicide d’un être cher.

La clause de conscience du soignant doit être prise en compte dans le cadre de l’exercice de son métier et nous devons lui donner les moyens de travailler en équipe et de proposer une prise en charge médicale la plus juste et la plus discutée possible avec le patient. Cette clause de conscience doit permettre au soignant de pouvoir refuser d’accompagner un suicide assisté.

La bonne application du texte de 2016 doit être posée avant d’ouvrir ce débat de l’aide active à mourir et il est de notre rôle de législateur d’être force de propositions concrètes.

Un constat s’impose : les moyens humains sont insuffisants dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux pour la bonne mise en œuvre de la loi Claeys-Leonetti. Donc la première piste pour solutionner le problème serait de renforcer les effectifs.

Par ailleurs, la rémunération à l’acte peut être un frein à ces temps d’échanges précieux en amont de décisions, d’accompagnement et de considération apportée aux patients, à leur famille et entre professionnels. À cet effet, la fin de la T2A pourrait redonner du sens et du temps de soin nécessaire. En plus des moyens humains, il apparaît primordial de redonner de l’humanité à notre système de soin. Il faut souligner que les proches des malades se disent souvent confrontés à un système hermétique, plus difficile à gérer parfois que de s’occuper de la personne malade, déplorant les nombreuses lourdeurs administratives, complexes et chronophages auxquelles elles sont confrontées.

Par ailleurs, il faut se pencher sur la formation des soignants.

Celle-ci a bien évolué avec l’entrée de la médecine palliative dans le cursus, alors qu’elle était taboue il y a encore une décennie.

Elle reste pourtant la pierre angulaire de la meilleure considération et connaissance de l’accompagnement possible de la fin de vie par nos concitoyens, tout comme les directives anticipées qui, lorsqu’elles existent, permettent une application sans crainte de la loi.

Actuellement, la mise en place des soins palliatifs dans un établissement nécessite la présence d’une infirmière de manière continue. Cette continuité de traitement pourrait être assurée par une aide-soignante et cette prise en charge est possible, notamment en EHPAD, avec l’accord de la direction de l’établissement.

Dans le cas de la mise en place d’une Hospitalisation A Domicile, si le médecin traitant n’a pas conventionné avec l’organisme, la mise en place de l’HAD peut prendre des délais considérables par manque de médecin et par lourdeur administrative. Nous pouvons également nous interroger sur le bien-fondé des questionnaires récurrents destinés à vérifier le niveau de dépendance des malades alors que l’on sait pertinemment, dans le cas de certaines pathologies, que leur état n’ira jamais en s’améliorant.

L’objectif des politiques publiques devrait être dans l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité, pour faire société. Les progrès de la médecine et l’augmentation de l’espérance de vie s’accompagnent d’un vieillissement de la population et, par voie de conséquence, sa prise en charge. Cet état de fait peut susciter un sentiment de perte de dignité chez la personne vieillissante/dépendante et l’impression de devenir une charge pour autrui.

Le politique doit proposer un accompagnement du Grand Age et plus largement des vulnérabilités. Quant au grand plan Soins Palliatifs, nous en sommes au 5ème, et si nous n’allons pas vers une meilleure formation, une meilleure considération et une meilleure reconnaissance financière des professionnels dans leur travail d’accompagnement pour que leur prise en charge fasse sens, nous reproduirons les mêmes erreurs.

La proposition thérapeutique, le processus d’information, l’aide à l’évaluation, la visée pédagogique, l’intervention pluridisciplinaire sont la force du travail en équipe.

La transmission et l’accompagnement font partie de l’ADN des équipes mobiles de soins palliatifs. Il faut leur donner les moyens de venir en appui des professionnels hospitaliers et extra-hospitaliers, aider à la réflexion du projet de soin notamment lors de la procédure collégiale, afin que la médecine palliative soit présente dans tous les services, dans tous les territoires et qu’elle soit accessible à tous.

Dans les Contrats Locaux de Santé ou dans le projet des CPTS ne préfigure pas encore suffisamment et de manière prioritaire la notion de déploiement d’un accès aux soins palliatifs pour toute personne en ayant besoin. À mon sens, il faut que les ARS assurent les professionnels d’un meilleur maillage territorial.

Un sujet différent, mais qui pour autant touche à la fin de vie, c’est celui du don d’organe. N’est-ce pas là l’occasion de l’évoquer de manière rationnelle et apaisée, concomitamment aux directives anticipées ou dans le cadre de la relation de confiance existant entre le médecin généraliste et son patient ?

Il faut plus de moyens humains et financiers, plus de pédagogie, plus de communication. Il faut souligner l’importance des directives anticipées qui permettent aux soignants d’agir et d’intervenir sans crainte d’être hors du cadre légal de ce qui est permis. Avoir à l’esprit que la mort fait partie de la vie et que l’anticiper ne fait pas mourir plus vite.

Il faut diffuser les connaissances et les pratiques palliatives, aller plus loin dans la compréhension et la connaissance du texte. L’apprivoiser, se l’approprier pour mieux l’appliquer.

Je forme le vœu que la culture palliative fasse partie de notre système de valeurs et devienne si naturelle que chacun puisse fermer la parenthèse de sa vie dans le respect de ses volontés, dans la sérénité et avec l’amour des siens, en conscience et en toute dignité.

 

***

 

Mes sincères remerciements au médecin coordinateur d’un EHPAD du Jura, à l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs de Dole et au Professeur Régis Aubry pour ces échanges précieux en toute bienveillance mais surtout pour la qualité de leur travail au quotidien.

Merci à Valérie, Denis et Luc pour la confiance qu’ils m’ont accordée lors de leurs témoignages.

 

 


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   Annexe N° 1 :
Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 crÉant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie


JORF n°0028 du 3 février 2016

 

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article 1er

I. – L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– après le mot : « recevoir », sont insérés les mots : «, sur l’ensemble du territoire, les traitements et » ;

– après le mot : « sanitaire », sont insérés les mots : « et le meilleur apaisement possible de la souffrance » ;

b) À la seconde phrase, après les mots : « d’investigation ou », sont insérés les mots : « de traitements et » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice ni de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé ni de l’application du titre II du présent livre. » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »

II. – La formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs.

Article 2

Après l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. – Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

« La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article.

« Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10. »

Article 3

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-2. – A la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :

« 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;

« 2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

« Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie.

« La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

« À la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.

« L’ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient. »

Article 4

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-3. – Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.

« Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade, sans préjudice du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

« Toute personne est informée par les professionnels de santé de la possibilité d’être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet. »

Article 5

I. – L’article L. 1111-4 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médicaL. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110‑10. » ;

3° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »

II. – A la première phrase du V de l’article L. 2131-1 du même code, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

Article 6

L’article L. 1111-10 du même code est abrogé.

Article 7

À l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du même code, après le mot : « volonté », sont insérés les mots : « des malades refusant un traitement et ».

Article 8

L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. – Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux.

« À tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige.

« Les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

« La décision de refus d’application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions d’information des patients et les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Lorsqu’elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.

« Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées.

« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion. »

Article 9

L’article L. 1111-6 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-6. – Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.

« Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.

« Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient n’en dispose autrement.

« Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation.

« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer. »

Article 10

L’article L. 1111-12 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12. – Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches. »

Article 11

L’article L. 1111-13 du même code est abrogé.

Article 12

L’article L. 1412-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’avis des commissions compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques inclut une appréciation sur l’opportunité, pour le Gouvernement, de mobiliser, dans les conditions prévues à l’article L. 121-10 du code de l’environnement, le concours de la Commission nationale du débat public. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, en faisant ressortir les éléments scientifiques indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la réforme envisagée ».

Article 13

I. – Les articles 1er à 11 de la présente loi sont applicables à Wallis et Futuna, sous réserve de l’adaptation suivante :

Au II de l’article 1er, les mots : «, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens » sont supprimés.

II. – Après le 2° de l’article L. 1521-1 du code de la santé publique, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 1110-5 est ainsi rédigée :

« “Ces dispositions s’appliquent sans préjudice de l’article L. 1521-5” ; ».

III. – Les articles 1er à 11 de la présente loi, à l’exception du II de l’article 1er, sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

IV. – L’article L. 1541-2 du code de la santé publique est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Pour leur application dans ces deux collectivités :

« a) La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 1110-5 est ainsi rédigée : “Ces dispositions s’appliquent sans préjudice de l’article L. 1541-4.” ;

« b) L’avant-dernier alinéa de l’article L. 1110-5-2 est ainsi rédigé :

« “À la demande du patient et après consultation du médecin, la sédation profonde et continue associée à une analgésie, prévue au présent article, peut être mise en œuvre à son domicile ou dans un lieu prévu à cet effet par les autorités locales compétentes en matière sanitaire et sociale.” »

V. – L’article L. 1541-3 du même code est ainsi modifié :

1° Au II, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Le troisième alinéa de l’article L. 1111-6 est supprimé ; »

2° Sont ajoutés des IV et V ainsi rédigés :

« IV. – Le dernier alinéa de l’article L. 1111-6 n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie.

« V. – L’article L. 1111-11 est applicable dans ces deux collectivités, sous réserve des adaptations suivantes :

« 1° À la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : “pris après avis de la Haute Autorité de santé” sont supprimés ;

« 2° Le dernier alinéa n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie. »

Article 14

I. – À l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d’application de la présente loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs dans les établissements de santé, les établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et à domicile.

II. – L’article 15 de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie est abrogé.

 

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.

Fait à Paris, le 2 février 2016.

François Hollande

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Manuel Valls

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Jean-Jacques Urvoas

La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes,

Marisol Touraine

La ministre des outre-mer,

George Pau-Langevin

La secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie,

Laurence Rossignol

 

Travaux préparatoires

Assemblée nationale :

Proposition de loi n° 2512 ;

Rapport de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, au nom de la commission des affaires sociales, n° 2585 ;

Discussion les 10 et 11 mars 2015 et adoption le 17 mars 2015 (TA n° 486).

Sénat :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, n° 348 (2014-2015) ;

Rapport de MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, n° 467 (2014-2015) ;

Avis de M. François Pillet, au nom de la commission des lois, n° 506 (2014-2015) ;

Texte de la commission n° 468 (2014-2015) ;

Discussion les 16, 17 et 23 juin 2015 et rejet le 23 juin 2015 (TA n° 116, 2014-2015).

Assemblée nationale :

Proposition de loi, rejetée par le Sénat, n° 2887 ;

Rapport de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, au nom de la commission des affaires sociales, n° 3091 ;

Discussion les 5 et 6 octobre 2015 et adoption le 6 octobre 2015 (TA n° 592).

Sénat :

Proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, n° 12 (2015-2016) ;

Rapport de MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, n° 103 (2015-2016) ;

Avis de M. François Pillet, au nom de la commission des lois, n° 106 (2015-2016) ;

Texte de la commission n° 104 (2015-2016) ;

Discussion et adoption le 29 octobre 2015 (TA n° 30, 2015-2016).

Assemblée nationale :

Proposition de loi, modifiée par le Sénat en deuxième lecture, n° 3187 ;

Rapport de M. Alain Claeys, au nom de la commission mixte paritaire, n° 3402 ;

Discussion et adoption le 27 janvier 2016 (TA n° 665).

Sénat :

Rapport de M. Gérard Dériot, au nom de la commission mixte paritaire, n° 306 (2015-2016) ;

Texte de la commission n° 307 (2015-2016) ;

Discussion et adoption le 27 janvier 2016 (TA n° 72, 2015-2016).

 


—  1  —

   Annexe N° 2 :
Mesures réglementaires D’application de la loi

Articles de la loi

Objets des dispositifs

Textes publiés

Articles 2, 3 et 8

Définition des procédures collégiales et modalités de recours à la SPCJD

Décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 modifiant le code de déontologie médicale et relatif aux procédures collégiales et au recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès prévus par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

Le décret précise l’organisation de la procédure collégiale encadrant les décisions, d’une part, d’arrêt et de limitation de traitement en cas d’obstination déraisonnable lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté et, d’autre part, de recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Il fixe également les conditions dans lesquelles le médecin peut refuser l’application des directives anticipées du patient, lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

Article 8

Définition d’un modèle de directives anticipées, comportant deux versions

Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique

Cet arrêté établit un modèle de directives anticipées. Il comporte deux versions prévoyant deux situations : celle des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie au moment où elles rédigent leurs directives anticipées et celle des personnes qui pensent être en bonne santé au moment où elles les rédigent.

Article 8

Définition des conditions d’information des patients et des conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées

Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Le décret précise les modalités de rédaction, de révision et de révocation des directives anticipées, rédigées dans l’hypothèse où les personnes seraient hors d’état d’exprimer leur volonté. Il explicite également les modalités selon lesquelles ces directives anticipées sont conservées.

Articles 1er à 14

Application des dispositions relatives aux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie à Wallis-et-Futuna

Décret n° 2017-499 du 6 avril 2017 portant application de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna et modifiant les décrets n° 2016-1066 et n° 2016-1067 du 3 août 2016

Le décret rend applicable à Wallis-et-Futuna les dispositions relatives aux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Il étend notamment à ce territoire les dispositions relatives aux directives anticipées ainsi qu’aux modalités de la procédure collégiale et de la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Il procède également à l’ajustement rédactionnel de certaines dispositions des décrets n°2016-1066 et n°2016-1067 du 3 août 2016 relatifs aux droits des malades et de personnes en fin de vie en métropole, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.


—  1  —

 ANNEXE  3 :
L’évolution de l’encadrement de la fin de vie en France (
[107])

ANNEXE  4 :
Les modèles de directives anticipées proposés par le ministère de la santé (extraits) (
[108])

 

 


—  1  —

ANNEXE  5 :
Liste des sigles utilisÉs

ADMD

Association pour le droit de mourir dans la dignité

AMM

Autorisation de mise sur le marché 

ANSM

Agence nationale de sécurité du médicament

AP-HP

Assistance publique-Hôpitaux de Paris

ARS

Agence régionale de santé

CCNE

Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé

CE

Conseil d’État

CEPS

Comité économique des produits de santé

CNOI

Conseil national de l’ordre des infirmiers

Cnom

Conseil national de l’ordre des médecins

CNSPFV

Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Cnam

Caisse nationale d’assurance maladie

CSP

Code de la santé publique

CASF

Code de l’action sociale et des familles

CESE

Conseil économique, social et environnemental

DAC

Dispositifs d’appui à la coordination

DES

Diplôme d’études spécialisés

DGS

Direction générale de la santé

DGOS

Direction générale de l’offre de soins

DMP

Dossier médical partagé

Ehpad

Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

EMSP

Équipe mobile de soins palliatifs

ERRSPP

Équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques

ESMS

Établissement ou service social ou médico-social

Falc

Facile à lire et à comprendre

Fehap

Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs

FHF

Fédération hospitalière de France

FHP

Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France

FIR

Fonds d’intervention régional

Fnehad

Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile

FST

Formation spécialisée transversale

HAD

Hospitalisation à domicile

HAS

Haute Autorité de santé

IDE

Infirmier diplômé d’État

Igas

Inspection générale des affaires sociales

Jalmalv

Fédération Jusqu’à la mort accompagner la vie

LISP

Lits identifiés de soins palliatifs

LUSP

Lits disposés dans des unités de soins palliatifs

PMSI

Programme de médicalisation des systèmes d’information

Sfap

Société française d’accompagnement et de soins palliatifs

SFCE

Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent

SFP

Société française de pédiatrie

Sniiram

Système national d’information interrégimes de l’assurance maladie

SPCJD

Sédation profonde et continue jusqu’au décès

SSR

Soins de suite et de réadaptation

T2A

Tarification à l’activité

UHSI

Unité hospitalière sécurisée interrégionale

USP

Unité de soins palliatifs

2SPP

Société française de soins palliatifs pédiatriques

 

 


—  1  —

ANNEXE  6 :
Liste des personnes auditionnÉes

(Par ordre chronologique)

     M. Jean Leonetti, maire d’Antibes, ancien député, co‑auteur et co‑rapporteur de la loi dite « Claeys-Leonetti »

     Mme Stéphanie Fillion et M. Louis Charles Viossat, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), auteurs d’un rapport d’évaluation de l’application de la loi Claeys-Leonetti (avril 2018)

     M. Jean-Louis Touraine, ancien député, président du groupe d’études sur la fin de vie de l’Assemblée nationale sous la XVe législature

     M. Pierre-Antoine Gailly, rapporteur de l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) « Fin de vie : la France à l’heure des choix » (avril 2018)

     Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) – Mme Sarah Dauchy, présidente, et Mme Giovanna Marsico, directrice

     M. Alain Claeys, ancien député, co-auteur et co-rapporteur de la loi dite « Claeys-Leonetti », et M. Régis Aubry, tous les deux co-rapporteurs de l’avis n° 139 du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) : « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », ainsi que Mme Annabel Desgrées du Loû, membre du CCNE

      Table ronde avec :

 Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) * – Dr Claire Fourcade, présidente, Dr Ségolène Perruchio, vice‑présidente, et Mme Sara Piazza, psychologue dans l’équipe de soins palliatifs de Saint-Denis (Seine‑Saint‑Denis)

 Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) – Pr Pierre Albaladejo, président, et Pr PierreFrançois Perrigault, président du comité d’éthique

 Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG)  Dr Sophie Moulias, coordonnatrice du groupe Éthique et Droits

     Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI) – M. Patrick Chamboredon, président

     Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) *  Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section Éthique et Déontologie, et Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président

     Académie nationale de médecine  Pr Jacques Bringer, président du comité d’éthique, et Pr Claudine Esper, vice-présidente

      Audition conjointe :

 Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) * –M. Jonathan Denis, président

 Le Choix  Dr Denis Labayle, président d’honneur

      Audition conjointe :

 Alliance Vita  Dr Olivier Trédan, chef du département de cancérologie médicale du centre anticancéreux Léon Bérard à Lyon et conseiller médical, et M. Tugdual Derville, porte-parole

 La Fondation Jérôme Lejeune  M. Jean-Marie Le Méné, président, et Mme Lucie Pacherie, juriste

      Table ronde réunissant les loges maçonniques

 Grand orient de France – M. Georges Serignac, Grand Maître

– Grande loge de France – M. Michel Hannoun, membre la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et M. Alain Rapady, membre de la commission Fin de vie

– Grande loge féminine de France – Mme Catherine Lyautey, Grande Maîtresse, et Mme Frédérique Moati, présidente de la commission Éthique-Bioéthique

– Fédération française du Droit humain – Mme Amande Pichegru, président de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International le Droit humain, Grand Maître National, et Mme Christiane Coudrier, membre expert

      Table ronde réunissant les cultes monothéistes

– L’Église Catholique en France – Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes

– Fédération protestante de France – Dr Jean-Gustave Hentz, président de la commission Éthique et société

– Fondation de l’islam de France  M. Ghaleb Bencheikh, président

– Grand Rabbinat de France  M. Haïm Korsia, Grand Rabbin de France

      Table ronde sur les enjeux juridiques de la loi

– Mme Aline Cheynet de Beaupré, professeure de droit privé

– Mme Valérie Depadt, maître de conférences en droit privé

– Mme Martine Lombard, professeure émérite en droit public

      Table ronde sur les enjeux éthiques de la loi

– Mme Véronique Fournier, fondatrice du centre d’éthique clinique de l’assistance publique-hôpitaux de Paris et ancienne présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV)

– Mme Marie de Hennezel, psychologue clinicienne

– M. Emmanuel Hirsch, professeur émérite d’éthique médicale

      Table ronde avec les administrations du ministère de la santé et de la prévention :

– Direction générale de l’offre de soins (DGOS)  Mme Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice, Mme Pauline Boillet, adjointe au bureau prises en charge post aigües, pathologies chroniques et santé mentale, et Mme Pauline Emo, chargée de mission au bureau usagers de l’offre de soins

– Direction générale de la santé (DGS)  Dr Grégory Emery, directeur général adjoint de la santé, Mme Stéphanie Sahuc-Depeigne, adjointe au chef de bureau bioéthique, éléments et produits du corps humain, et M. Baptiste Messmer, référent « fin de vie », sujets émergents à dimension éthique, coordination des sujets européens

     Fédération nationale des associations d’aides-soignants (FNAAS) –M. Guillaume Gontard, président

        Table ronde avec des auteurs ayant recueilli des témoignages de personnes en fin de vie :

 M. Erwan Le Morhedec, auteur du livre Fin de vie en République, Avant d’éteindre la lumière (2022)

 Mme Catherine Vincent, auteure du livre La mort à vivre, Quatorze récits intimes (2022)

 Mme Elsa Walter, auteure du livre À vous je peux le dire (2022)

       Table ronde réunissant des représentants d’associations de bénévoles accompagnant des personnes en fin de vie

– Être-là  Mme Françoise Desvaux, secrétaire générale d’Être‑là (du Grand Paris et au niveau national), et M. Thierry Praud, administrateur et délégué régional d’Être‑là Grand Est

– Jusqu’à la mort accompagner la vie (Jalmalv)  M. Olivier de Margerie, président

– Petits frères des Pauvres *  M. Yann Lasnier, délégué général, et M. Boris Venon, coordinateur des instances et du contrôle interne

       Table ronde sur les enjeux philosophiques de la loi

 M. Raphaël Enthoven, écrivain et professeur de philosophie

 M. Damien Le Guay, philosophe

– M. Jacques Ricot, agrégé et docteur en philosophie

 M. Frédéric Worms, philosophe et directeur de l’École Normale Supérieure (ENS – PSL)

       Le Contrôleur général des lieux de privation de libertéMme Dominique Simonnot, contrôleure générale

       Table ronde sur les enjeux pédiatriques de la loi

 Société française de soins palliatifs pédiatriques (2SPP) – Dr Matthias Schell, président, et Dr Sandra Frache, présidente de la commission scientifique

 Société française de pédiatrie (SFP) Dr Laure de Saint Blanquat et Dr Robin Cremer

 Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE)  Pr Jean-Hugues Dalle, président du conseil scientifique, chef du service d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert Debré, et Dr Daniel Orbach, membre de la SFCE, chef de service clinique de SIREDO de l’Institut Curie

     Conseil d’État - Mme Martine de Boisdeffre, présidente de la section des rapports et des études, et M Clément Malverti, maître des requêtes, rapporteur adjoint de l’étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » (juin 2018)

       Haute Autorité de santé (HAS) – Pr Dominique Le Guludec, présidente, et Dr Pierre Gabach, chef du service Bonnes pratiques

       Table ronde avec les fédérations d’établissements

 Fédération hospitalière de France (FHF) *  Pr Bertrand Guidet, président du comité éthique, chef de service de médecine intensive réanimation à l’Hôpital Saint-Antoine, et M. Marc Bourquin, conseiller en stratégie

– Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP) * –Mme Christine Schibler, déléguée générale, et Mme Béatrice Noellec, directrice des relations institutionnelles

 Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap) * – Mme Maryse de Wever, directrice de la communication et des affaires publiques, et M. Nicolas Villenet, conseiller médical

       Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – Mme Anne Caron-Déglise et M. Étienne Petitmengin, co-rapporteurs de l’avis du 17 février 2023 intitulé « Mieux accompagner la fin de la vie à la lumière des enseignements de la crise sanitaire »

       Dr Olivier Mermet et Dr Bruno Richard, pilotes du plan national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie 2021-2024

       Collectif Handicaps *  Mme Marie-Christine Tezenas du Montcel, présidente du groupe Polyhandicap France et membre du comité exécutif du Collectif Handicaps, et Mme Axelle Rousseau, chargée de plaidoyer

       Table ronde avec les fédérations :

 Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) *  Dr Élisabeth Hubert, présidente, et M. Mathurin Laurin, délégué national

 Fédération hospitalière des centres de lutte contre le cancer (Unicancer) * – M. Michael Canovas, directeur de cabinet, et Mme Sophie Beaupère, déléguée générale

       Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


—  1  —

   Annexe n°7 :
Liste des déplacements
DU PRÉSIDENT ET DES RAPPORTEURS

1.   Mercredi 1er mars 2023

– Unité de soins palliatifs de Juvisy (Groupe Hospitalier Nord Essonne - Site Juvisy-sur-Orge) – Dr Hanan Al Sayadi, chef de service, Mme Patricia Dufeigneux, cadre de santé, Mme Cassandre Delmas, infirmière, et Mme Awa Ba, aide-soignante

– Association SPES (Équipe mobile territoriale de soins palliatifs et DAC Essonne-sud), Le CoudrayMontceaux – Mme Françoise Ellien, directrice, Dr Alain Jacob, président, Dr Élisabeth Fournel, médecin généraliste, et médecin en soins palliatifs, Mme Lisenn Kroviarski, infirmière, M. Cédric Fath, infirmier, Mme Morgann Le Pit, infirmière, Mme Muriel Bourgeois, infirmière, Mme Virginie Nguyen, infirmière, Mme Élodie Hesse, travailleur social, et M. Hermann Mbongo, infirmier libéral, président de la CPTS Centre Essonne.

2.   Mardi 7 mars 2023

– Centre hospitalier Delafontaine à Saint-Denis – Dr François Lhote, chef du service de médecine interne (président de la commission médicale d’établissement de 2012 à 2022), Dr Justine Robert, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs, Dr Isabelle Marin, ancienne responsable de l’unité de soins palliatifs et à l’origine de la création de l’équipe mobile, Dr Séverine Morea, responsable de l’unité de soins palliatifs et l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital Casanova, Dr Daniel Da Silva, chef du service réanimation, Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte, chef du service pneumologie et infectiologie, Dr Caroline de Kerguenec, cheffe de service de gastroentérologie, Dr Anais Jenvrin, gastroentérologue, Dr Guillaume Baille, neurologue, Dr Pascal Bolot, président de la commission médicale d’établissement (CME) et chef de service de néonatologie, Dr Nicolas Gambier, chef d’unité de médecine interne, Mme Sara Piazza, psychologue à l’unité mobile de soins palliatifs et au service réanimation, présidente du comité local d’éthique, Mme Paola Clémente, cadre de santé de l’hôpital de jour de médecine, Mme Pascale Bladt, cadre de santé du service de médecine infectieuse et respiratoire, Mme Khalida Métri, cadre de santé de la médecine interne, Mme Lalia Benabou, cadre de santé de l’unité d’aval des urgences, Mme Léa Viossat, directrice de la performance et du parcours patient du GHT Plaine de France, et M. Romain Eskenazi, directeur de la communication du GHT Plaine de France


([1]) Igas, rapport d’évaluation de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, avril 2018.

([2]) Conseil d’État, « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », 28 juin 2018.

([3]) Comité consultatif national d’éthique, « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », avis n° 139 rapporté par le Pr Régis Aubry et M. Alain Claeys, 13 septembre 2022.

([4]) Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

([5]) Une frise chronologique présentant les principales évolutions du cadre de la fin de vie figure en annexe du présent rapport.

([6]) Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.

([7]) Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.

([8]) Circulaire du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale.

([9]) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

([10]) Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

([11]) Igas, rapport d’évaluation de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, avril 2018.

([12]) Engagement n° 21 : « que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

([13]) CCNE, avis n° 121, « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir », juin 2013.

([14]) Rapport, n° 2585, au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de la créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2015.

([15]) Proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, n° 2512, déposée le 21 janvier 2015.

([16]) Ce faisant, elle confirme la qualification retenue par la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014, dans l’affaire Vincent Lambert.

([17]) Décret n° 2016-5 du 5 janvier 2016 portant création du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

([18]) Décret n° 2022-87 du 28 janvier 2022 relatif au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

([19]) CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, troisième édition, 2023.

([20]) « À l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d’application de la présente loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs dans les établissements de santé, les établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et à domicile. »

([21]) Il est possible de retrouver ces échanges, sur cette page et sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale, l’ensemble des auditions ayant fait l’objet d’un enregistrement.

([22]) Article 1er de la loi précitée. Cette notion de souffrance se substitue à celle de douleur introduite par la loi du 4 mars 2002 afin de recouvrir, outre les aspects physiques, une dimension morale.

([23]) Article L. 5110-5-3 du code de la santé publique.

([24]) La première unité de soins palliatifs a été créée en 1987 à l’Hôpital de la Cité universitaire (Paris) tandis que la première équipe mobile de soins palliatifs a été celle créée en 1989 à l’Hôtel‑Dieu de l’AP-HP (Paris).

([25]) CNSPFV, op. cit.

([26]) Ce chiffre est toutefois à prendre avec précaution. Comme le rappellent les copilotes du plan national SPFV 2021-2024, cités par un rapport du Sénat, les cotations enregistrées dans le cadre de la tarification hospitalière « correspondent à des situations sans préjuger d’une réelle prise en charge palliative ; d’autre part, des soins palliatifs sont pratiqués à des patients dont la cotation du séjour n’est pas celle en soins palliatifs, moins intéressante pour l’établissement de santé en termes de facturation du séjour » (rapport d’information sur les soins palliatifs de Mmes Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, n° 866 (2020-2021), 29 septembre 2021, p. 35).

([27]) Les données sont issues de la troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France (2023) édité par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

([28]) Voir notamment le communiqué de presse de la SFAP du 14 mars 2022.

([29]) Le Quotidien du médecin, « Fin de vie : les médecins partagés », 13 janvier 2023.

([30]) Ibid.

([31]) Respectivement 53 323 décès dans la région Grand Est contre 55 643 décès dans les Hauts-de-France.

([32]) Il s’agit des départements suivants : Ardennes, Cher, Corrèze, Creuse, Eure-et-Loir, Gers, Indre, Jura, Lot, Lozère, Haute-Marne, Mayenne, Meuse, Orne, Pyrénées-Orientales, Haute-Saône, Sarthe, Tarn-et-Garonne, Vosges, Guyane, Mayotte.

([33]) En 2022 a été financée la création de huit nouvelles USP.

([34]) Réponses écrites au questionnaire des rapporteurs.

([35]) CNSPFV, op. cit.

([36]) Décret n° 2021-295 du 18 mars 2021 relatif aux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes et aux dispositifs spécifiques régionaux, sur la base de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([37]) Réponses écrites au questionnaire des rapporteurs.

([38]) « En Île-de-France, ces médecins qui accompagnent en urgence la fin de la vie à la maison », Le Monde, 12 février 2023.

([39]) Rapport d’information de Mmes Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier, op.cit.

([40]) Réponses écrites au questionnaire des rapporteurs.

([41]) Avenant 6 à la convention médicale, février 2019.

([42]) Conseil de l’Europe, statistiques pénales annuelles – Rapports SPACE I et II « Probation and Prisons in Europe 2021 », 2021.

([43]) A. Chassagne, A. Godard-Marceau et R. Aubry, « La fin de vie des patients détenus », Anthropologie & Santé, 15, 2017.

([44]) Ibid.

([45])  Rapport de présentation et texte de la proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, décembre 2014.

([46]) Réponses écrites adressées aux rapporteurs.

([47]) Réponses écrites adressées aux rapporteurs.

([48]) CNSPFV, op. cit.

([49]) Article 7 de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

([50]) Article 1er du décret n° 2006-119 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2005‑370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et modifiant le code de la santé publique.

([51]) Article R. 1111-17 du code de la santé publique.

([52])  Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, précisé par l’arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique.

([53]) Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

([54]) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

([55]) Modification réglementaire du code de déontologie en 1995 puis par ajustements législatifs successifs, tels que la loi du 4 mars 2002 qui fixe un principe de proportionnalité des soins.

([56]) L’intitulé ainsi adopté est « expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie ».

([57]) Igas, rapport d’évaluation de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, avril 2018.

([58]) Campagne « Parlons-en avant », pour un budget de 245 000 euros.

([59]) Campagne « La fin de vie, et si on en parlait ?», pour un budget d’un million d’euros.

([60]) Portail « La vie, la mort… On en parle ? ».

([61]) HAS, Les directives anticipées concernant les situations de fin de vie, modèle de formulaire, octobre 2016.

([62]) Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique. Ces modèles peuvent être retrouvés en annexe à ce rapport et sur le site du ministère de la santé.

([63]) Igas, op. cit.

([64]) CNSPFV, Les Français et la fin de vie, octobre 2022. Ce sondage a été effectué par BVA Group auprès de 1003 Français âgés de 18 ans et plus, représentatifs de la population française.

([65]) CNSPFV, op. cit.

([66]) Igas, op. cit..

([67]) Cette confusion avait déjà été soulignée par le rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie, dit « rapport Sicard », en 2012.

([68]) CESE, avis « Fin de vie : la France à l’heure des choix », avril 2018.

([69]) Créée à l’article L.311-5-1 du code de l’action sociale et des familles par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([70]) Le cas de M. Vincent Lambert, hospitalisé et plongé dans un coma végétatif à la suite d’un accident de la route en 2008, a donné lieu à un long contentieux aux niveaux national et européen dès l’engagement par l’équipe médicale, en 2013, d’un protocole d’arrêt des traitements. Il s’est conclu par le décès de celui-ci en 2019, à la suite d’un ultime arrêt des traitements.

([71]) Conseil d’État, ordonnance n° 408146, 8 mars 2017.

([72]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1022 QPC du 10 novembre 2022, Mme Zohra M. et autres.

([73])  Conseil d’État, ordonnance n° 466082, 29 novembre 2022.

([74]) CESE, avis « Fin de vie : la France à l’heure des choix », avril 2018.

([75]) Par exemple, les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

([76]) Source : Cnam.

([77]) CCNE, avis n° 139 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », septembre 2022.

([78]) Leur pertinence a notamment été soulignée par la professeure Aline Cheynet de Beaupré, l’association Être-là, la psychologue Marie de Hennezel ou encore la cardiologue Véronique Fournier.

([79]) CCNE, avis n° 139 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », septembre 2022.

([80]) Décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 modifiant le code de déontologie médicale et relatif aux procédures collégiales et au recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

([81]) Haute Autorité de santé, Guide du parcours de soins, Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ?, publié en février 2018 et actualisé en janvier 2020.

([82]) Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

 

([83]) Loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé.

([84])  Serey A, Tricou C, Phan-Hoang N, Legenne M, Perceau-Chambard É, Filbet M. Deep continuous patient-requested sedation until death: a multicentric study. BMJ Support Palliat Care. 2023 Mar;13(1):70-76. doi: 10.1136/bmjspcare-2018-001712. Epub 2019 Apr 20. PMID: 31005881.

([85]) Frasca M, Jonveaux T, Lhuaire Q, Bidegain-Sabas A, Chanteclair A, Francis-Oliviero F, Burucoa B. Nationwide point-prevalence analysis of deep sedation in palliative-care services: low prevalence, dependent on expected duration and level of care. BMJ Supportive and Palliative Care, under review : https://congres.sfap.org/sites/default/files/Paris2019/FRASCA_Matthieu.pdf

([86]) Enquête du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD) à 3 ans de la loi Claeys-Leonetti, publiée dans la presse médicale, juin 2020.

([87]) La question de la SPCJ à domicile fait l’objet d’un traitement spécifique, au 2.

([88]) Haute Autorité de santé, Guide du parcours de soins. Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, janvier 2020.

([89]) Arrêté du 15 décembre 2021 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et arrêté du 15 décembre 2021 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics.

([90]) Arrêté du 9 février 2022 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics.

([91]) Les données de remboursement de l’assurance maladie disponibles en novembre 2022 confirment la mise à disposition effective du midazolam en ville à partir du mois de mars 2022 ainsi que la cinétique croissante des ventes avec 350 boîtes remboursées en mars 2022 et 1 094 en juillet 2022.

([92]) Arrêté du 14 juin 2021 portant application d’une partie de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à usage humain composés de midazolam, administrés par voie injectable.

([93]) Le vadémécum de l’utilisation du midazolam à visée sédative – novembre 2021 – document SFAP.

([94])  Praticien hospitalier du service de médecine palliative du CHU de Bordeaux.

([95])  Pr associé de médecine palliative, CHU, Université de Bordeaux.

([96]) [End-of-life in specialized medical pediatrics department: A French national survey]. Ravanello A, Desguerre I, Frache S, Hubert P, Orbach D, Aubry R. Arch Pediatr. 2017 Jan 25.

([97]) S. Bretonnière, V. Fournier et S. Pierre, La sédation profonde et continue jusqu’au décès : une enquête qualitative pour mieux comprendre les difficultés ressenties sur le terrain, 2021.

([98]) Conseil économique, social et environnemental, « Fin de vie : la France à l’heure des choix », avis présenté par M. Pierre-Antoine Gailly, rapporteur au nom de la commission temporaire « Fin de vie ».

([99]) CNSPFV, La sédation profonde et continue jusqu’au décès en France, deux ans après l’adoption de la loi Claeys- Leonetti, novembre 2018.

([100]) Encadrée par le décret n° 2010-107 du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en œuvre des décisions de limitation ou d’arrêt de traitement

([101]) Avis 139 : questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité, juin 2022.

([102]) Conseil d’État, Assemblée, 14 février 2014, n° 375081.

([103])  Conseil d’État, section du rapport et des études, « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », 28 juin 2018, p. 122 et suivantes, disponible sur le site du Conseil d’État.

([104])  Rapport de présentation de la proposition de loi de Jean Leonetti et d’Alain Claeys précédemment cité.

([105]) Audition de la SFAP.

([106]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13170019_6423e5eb2f897.commission-des-affaires-sociales--mission-d-evaluation-de-la-loi-dite-clayes-leonetti-creant-de-n-29-mars-2023

 

([107]) Source : Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, troisième édition, 2023.

([108]) Le document complet peut être retrouvé sur le site du ministère.