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N° 1069

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur la grippe aviaire et son impact sur les élevages

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Philippe BOLO et Charles FOURNIER

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du cO-rapporteur M. Philippe bolo

Avant-propos du co-rapporteur M. Charles Fournier

SynthÈse

Introduction

I. un virus en constante mutation, des Épisodes ÉpidÉmiques qui tendent À devenir plus frÉquents, plus durables et d’une plus vaste ampleur

A. Qu’est-ce que l’influenza aviaire ?

1. Un virus doté d’une très grande capacité de mutation et de réassortiment

2. Un virus identifié en 1997 à Hong-Kong et qui n’a cessé de circuler depuis, sous différentes formes et dans le monde entier

3. Un risque de zoonose contenu jusqu’à présent, mais qui constitue une réelle menace

B. Une succession d’Épisodes Épidémiques de plus en plus frÉquents et graves qui dÉboucheNT sur des crises d’une ampleur inÉdite en 2021-2022 et 2022-2023

1. Une dynamique qui tend à s’accélérer depuis les années 2000

2. 2021-2023 : des épidémies mondiales d’influenza aviaire d’une ampleur inédite

a. Une expansion internationale du virus

b. Une ampleur et une diffusion géographique sans précédent pour la France

i. La diversité de l’aviculture française : une richesse mais aussi une fragilité face au virus

ii. 1 378 foyers épidémiques en 2021-2022 et plus 21 millions de volailles tuées ou abattues préventivement

iii. Un virus qui frappe durement et durablement l’avifaune sauvage, ce qui laisse craindre une endémisation de l’épizootie

3. Comment expliquer l’emballement des épizooties d’influenza aviaire ? Une origine incertaine mais plusieurs pistes avancées

II. uNE POLITIQUE de lutte contre l’Influenza aviaire stricte, qui n’a pas empÊchÉ un emballement de l’ÉpidéMie et une catastrophe sanitaire traumatisante pour les Éleveurs, fragilisant l’ensemble des filiÈres avicoles

A. La politique sanitaire française conduite pour faire face À l’ÉpidÉmie

1. Un cadre réglementaire en droit national qui découle d’exigences en matière de santé animale fixées par le droit européen

a. Le cadre européen

b. Un cadre européen décliné au niveau national

2. Un dispositif de sécurité sanitaire qui repose sur l’évaluation du niveau de risque

3. Des mesures de prévention récemment durcies, qui varient en fonction de la zone concernée, du niveau de risque identifié, des activités visées et des espèces animales

a. Les mesures de prévention applicables à tous, quel que soit le niveau de risque

b. Les règles supplémentaires applicables en cas d’élévation du niveau de risque

i. La fin de la dérogation accordée en 2016

ii. Les règles applicables depuis 2021

c. Les mesures spécifiques en zones à risque de diffusion (ZRD)

d. Synthèse des principales règles applicables en cas de risque élevé en fonction des espèces animales

4. Les mesures de crise en cas de foyer : les zones réglementées

B. malgrÉ une mobilisation forte, des services submergÉs et des mesures peu acceptÉes par les filiÈres plein air et indÉpendantes

1. Des services de l’État et des filières pleinement mobilisés mais submergés par l’ampleur de la crise

a. Des équipes mobilisées mais débordées

b. Des difficultés associées aux opérations de dépeuplement

i. Les méthodes de mise à mort utilisées

ii. Des méthodes contestées du point de vue de la biosécurité, du bien-être animal et du traumatisme pour les éleveurs

c. Un système d’équarrissage dépassé par l’ampleur de la crise, conduisant à des pratiques d’enfouissement et de stockage de cadavres, qui posent de nombreuses difficultés

2. Des protocoles de biosécurité mal adaptés aux spécificités du plein air, du bio et des petites exploitations

a. Des contestations nombreuses au sein des filières plein air et des élevages indépendants quant aux règles de mise à l’abri imposées

i. Un impact psychologique et économique pour les éleveurs concernés

ii. Des mesures problématiques du point de vue du bien-être animal

iii. Une information du consommateur insuffisante

b. D’autres mesures de biosécurité remises en cause

3. Des disparités dans l’application des règles et les capacités de réaction en fonction des territoires

C. Les Éleveurs en premiÈre ligne : Une grave dÉtresse psychologique et morale

D. Des consÉquences Économiques majeures pour l’ensemble de la filiÈre qui font peser un risque sur la souverainetÉ alimentaire et le renouvellement des gÉnÉrations, malgrÉ un systÈme d’indemnisation globalement saluÉ

1. Des conséquences économiques importantes au niveau européen

2. Des conséquences économiques particulièrement fortes en France, pour l’ensemble des filières

a. De lourdes conséquences économiques pour les filières avicoles

b. Des filières aval touchées par des conséquences « en cascade » de l’épizootie

3. Des tensions délétères entre les filières

4. Des mesures d’accompagnement socio-économiques jugées globalement efficaces, mais non exemptes d’angles morts

a. Un dispositif d’indemnisation qui conjugue indemnisations sanitaires et économiques

i. L’indemnisation sanitaire

ii. Les dispositifs d’indemnisation économique

iii. Des lettres de confort du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

iv. Les dispositifs de droit commun

v. La mobilisation du Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE)

vi. Le rôle complémentaire des collectivités territoriales

b. Des mesures globalement efficaces mais non exemptes d’angles morts

III. Apprendre À « vivre avec » l’influenza aviaire : une stratÉgie À bÂtir pour des filiÈres rÉsilientes et durables

A. À court terme, les mesures de gestion des ÉpidÉmies de grippe aviaire doivent Être ajustÉes

1. Garantir les moyens de l’État et construire une culture de gestion de crise sanitaire

2. Améliorer la surveillance, la détection et la prévention

a. L’enjeu de la meilleure maîtrise des données relatives aux élevages et aux contaminations par les pouvoirs publics

b. Des pistes d’amélioration concernant la surveillance et la détection

c. Des évolutions souhaitables pour une application plus fine et plus efficace des protocoles de biosécurité

i. La question de l’évaluation du niveau de risque et du zonage

ii. Les enjeux de formation et de sensibilisation

iii. Développer les stations de biosécurité

iv. Déployer des méthodes de dédensification préventive

3. Adapter les protocoles de biosécurité pour mieux prendre en compte les spécificités du plein air et des circuits courts

a. Des assouplissements concernant la mise à l’abri sont souhaitables

i. Des recherches supplémentaires nécessaires

ii. Un besoin d’expérimentation

b. En complément, des marges d’amélioration pour mieux adapter les protocoles sanitaires aux spécificités du plein air

4. Améliorer l’accompagnement des éleveurs

a. Garantir le versement rapide et la pérennisation des niveaux d’indemnisation

b. Systématiser et renforcer l’accompagnement psychologique

5. Repenser les outils de dépeuplement et de gestion des cadavres de volailles pour éviter le traumatisme des éleveurs, minimiser les risques de biosécurité et garantir le bien-être animal

6. Qu’attendre du vaccin contre l’influenza aviaire et quelle stratégie vaccinale retenir ?

a. Si la vaccination ne doit pas être considérée comme une solution miraculeuse, elle paraît indispensable pour envisager l’avenir des filières avicoles

b. Quelle stratégie vaccinale mettre en œuvre en France ?

c. Exporter des volailles vaccinées : l’enjeu d’une « diplomatie sanitaire » efficace pour appuyer la stratégie vaccinale

d. Un coût de la vaccination qui ne doit pas peser sur les éleveurs

e. Des moyens humains qui doivent être à la hauteur de la stratégie vaccinale adoptée

f. Un vaccin qui doit être conditionné de manière à être accessible à tous les types d’élevage

B. À long terme : bÂtir des stratÉgies de filiÈres pour garantir la sécuritÉ sanitaire, la souverainetÉ alimentaire et la durabilitÉ de notre modÈle d’Élevage

1. La démarche « One Health » : un guide pour penser les enjeux et la gestion des épizooties

2. Se prémunir de la contradiction entre les attentes sociétales et les politiques de biosécurité

a. Garantir la cohérence des politiques publiques

b. Éclairer au mieux le consommateur, pour préserver sa confiance dans les filières avicoles françaises

3. Promouvoir un modèle avicole durable en accélérant la transition agroécologique

a. Réduire les flux entre élevages et encourager les modèles autarciques

b. Encourager des modèles d’élevage plus durable, notamment à travers la réduction de la densité au sein des élevages

c. Varier les souches génétiques

4. Financer la recherche et l’innovation et favoriser l’investissement vers des solutions permettant de conjuguer sécurité sanitaire et durabilité du modèle

5. Demain, des filières plus résilientes grâce à une meilleure répartition géographique

conclusion

liste des propositions

glossaire

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes

Personnes entendues lors des dÉplacements  de la mission

personnes rencontrÉes dans le cadre des sollicitations individuelles reçues par vos rapporteurs

contributions Écrites

 

 


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Avant-propos du cO-rapporteur M. Philippe bolo

 

L’aviculture française est touchée depuis plusieurs années par des épizooties de grippe aviaire. Deux vagues virales, d’une ampleur inégalée, ont lourdement impacté les filières depuis 2021, provoquant d’importantes pertes économiques et une souffrance morale pour les éleveurs. Dans ce contexte, le bureau de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a jugé pertinent de se pencher sur le sujet et a décidé, en octobre 2022, de lui consacrer une mission d’information, sur proposition du groupe Écologiste.

Je remercie la commission des affaires économiques de m’avoir désigné comme co-rapporteur de cette mission, aux côtés de mon collègue Charles Fournier, député de Tours. Le travail que nous avons mené ensemble durant cinq mois a été l’occasion d’examiner cette crise sanitaire en croisant nos regards et nos sensibilités. L’exercice s’avère particulièrement pertinent et utile pour s’extraire de schémas de pensée monolithiques dans lesquels la pratique politique a malheureusement tendance à nous enfermer. Cette manière de travailler contribue à l’élargissement des points de vue ; j’ai ainsi apprécié d’avoir été sensibilisé par Charles Fournier sur le respect du bien-être animal lors de l’abattage des volailles victimes de l’influenza aviaire hautement pathogène.

Le rapport que nous remettons au terme de nos travaux se veut le plus exhaustif possible. Il est le résultat de nombreuses heures d’écoute des femmes et des hommes qui ont vécu la crise de l’intérieur. Je les remercie de nous avoir consacré du temps pour répondre à nos questions et pour leurs précieux témoignages, souvent empreints d’émotion de par l’intensité des situations qu’ils ont eu à affronter. Ce rapport a été construit selon une démarche rigoureuse. Les éléments que nous avons jugé importants de retenir sont tous factuels et documentés. C’était une condition importante à nos yeux pour produire un travail honnête et utile.

Je retiens de ce travail l’intensité de l’épizootie de 2021-2022, la violence avec laquelle l’influenza aviaire s’est propagée et a impacté les éleveurs de nombreux territoires. Les procédures et les moyens de la gestion de crise ont été débordés. La propagation du virus l’a emporté sur la faculté de nos organisations à l’endiguer. C’est une leçon d’humilité, qui doit nous obliger à agir préventivement pour réduire les crises et leurs conséquences imprévisibles. Les circonstances exceptionnelles, comme la nécessité d’agir face à la crise, ont révélé d’indiscutables capacités humaines et collectives. Nos auditions soulignent que tout n’a pas été parfait mais elles indiquent cependant que les acteurs concernés ont su se mettre autour de la table pour unir leurs efforts. Cette dynamique collective doit donc se prolonger au-delà de la crise.

Il s’agit désormais de réfléchir à demain en tenant compte de l’expérience vécue. Bien qu’elle paraisse douloureuse à bien des égards, elle ne doit pas être oubliée car elle porte des interrogations dont les réponses doivent orienter l’avenir des filières avicoles. Les recommandations que nous formulons visent ce même objectif d’un avenir de l’aviculture française qui doit conjuguer résilience face à l’influenza aviaire, diversité de ses produits et de ses modèles de production, capacité à contribuer à la souveraineté agricole française, reconnaissance du travail de ceux qui en vivent, rayonnement à l’international de la génétique avicole française et réponse aux attentes des consommateurs.

 

Philippe Bolo, député de la 7ème circonscription de Maine-et-Loire

 


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Avant-propos du co-rapporteur M. Charles Fournier

Je souhaite d’abord remercier mon co-rapporteur Philippe Bolo, avec lequel nous avons fonctionné en binôme efficace et qui a pu me faire bénéficier de son expérience de ce type d’exercice. Le visage de l’Assemblée nationale est aussi celui‑ci, celui de ces regards de parlementaires qui s’enrichissent et dont les différences de sensibilités constituent une valeur ajoutée et non un frein. En m’engageant dans cette mission, proposée par mon groupe, j’étais loin de m’imaginer l’ampleur du sujet, ses multiples incidences et les parallèles (même si comparaison n’est pas raison) avec la crise de la Covid 19, dont nous sommes à peine sortie. Je me suis surpris à parler du « Covid des animaux », même si cela n’est pas juste du point de vue scientifique, ces parallèles ont été troublants : ampleur de la crise, modalité de gestion, mesure de biosécurité et gestes barrières, l’enjeu et les stratégies de vaccination, la question de notre capacité à vivre avec le virus, les incidences sur l’activité économique, les indemnisations versées par l’État, etc.

Bien que la comparaison trouve rapidement des limites, il me semble utile de la partager tant les enseignements que nous pouvons tirer d’une crise sanitaire peuvent nourrir ceux d’une autre crise. Et certaines de nos préconisations sont sans doute inspirées de ce que nous avons vécu au travers de la Covid. Disons également que ce qui nous a surpris à ce stade, c’est que cette ampleur est totalement connue et prise en compte par les acteurs professionnels concernés mais qu’elle est à ce jour, assez largement ignorée du côté des consommateurs et du grand public. C’est peut-être une bonne chose pour ne pas entraîner des réactions négatives mais c’est aussi une source d’interrogation, tant cette crise a d’ores et déjà des conséquences directes sur les consommateurs : augmentation des produits importés, inflation des prix, questionnement autour des signes de qualité… Si le risque de zoonose ne semble pas affirmé, il existe bel et bien et invite à la plus grande prudence, non quant à la consommation, mais dans l’ensemble de la chaîne des acteurs, susceptibles de participer involontairement à la diffusion de ce virus très volatile et aux éventuelles recombinaisons avec d’autres virus. Notre rapport constitue en ce sens un « porter à connaissance », qui pourra utilement compléter les différentes études et rapports préexistants.

Disons-le aussi dans ce propos liminaire, les filières d’élevage concernées sont en grande difficulté, les détresses humaines sont nombreuses et au-delà des réponses d’urgence, ce sont bel et bien des questions de modèle qui sont posées, tout comme la capacité à faire face à des risques sanitaires amenés à se multiplier. Au rang des pratiques les plus touchées, se trouvent celle des élevages de plein-air, qui, du fait, de l’exposition aux contacts avec la faune sauvage et du confinement obligatoire, se trouve remise en cause. Le risque de voir disparaitre ce type d’élevage est réel et nous souhaitions que ce rapport soit l’occasion d’une forte alerte en la matière.

Pour finir ces mots d’introduction plus personnalisés, il me semble nécessaire que ce rapport ne soit pas une fin en soi mais qu’il se poursuive sous des formes à définir. Face au risque de conflits implicites et explicites, face à la multiplicité des parties prenantes et parce que nous ne devons pas considérer l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) comme une crise passagère, c’est bien l’intelligence collective qu’il faut faire vivre pour trouver des solutions durables.

 

Charles Fournier, député de la 1ère circonscription d’Indre-et-Loire

 


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   SynthÈse

I.   L’influenza aviaire : un virus en constante mutation, des Épisodes ÉpidÉmiques qui tendent À devenir plus frÉquents, plus durables et d’une plus vaste ampleur

A.   Qu’est-ce que l’influenza aviaire ?

Le virus de l’influenza aviaire a pour hôtes naturels les oiseaux, tant sauvages que domestiques. Deux catégories de virus sont distinguées selon leur virulence pour les oiseaux : les virus faiblement pathogènes (IAFP) et les virus hautement pathogènes (IAHP), appartenant tous aux sous-types H5 ou H7, qui ont provoqué les épizooties décrites dans le présent rapport.

Doté d’une très grande capacité de mutation et de réassortiment, le virus H5N1 hautement pathogène (HP) pour les volailles de la lignée Gs/Gd/1/96 a été identifié en 1997 à Hong-Kong. Cette souche est aujourd’hui considérée, du point de vue phylogénétique, comme le précurseur connu de tous les virus H5N1 HP actuels. Il n’a cessé de circuler, sous différentes formes, d’abord en Asie continentale, puis à partir de 2003, dans le monde entier. La France est touchée par l’épizootie à compter de 2006.

Les modalités de transmission de la maladie sont diverses : contacts rapprochés entre individus ou par aérosol (sécrétions respiratoires), par les fientes, les œufs et tout vecteur passif (matériels, personnels, véhicules, etc.) contaminé. Le virus pénètre dans l’organisme des volailles le plus souvent par la voie respiratoire mais également par la voie digestive. Le virus H5N1 est très résistant dans l’environnement. Il peut demeurer présent dans les fientes pendant 7 jours à une température de 20 °C, 35 jours à une température de 4°C et jusqu’à 105 jours dans l’eau.

Les symptômes chez les oiseaux atteints par la maladie varient selon les espèces et les individus : troubles nerveux (paralysie, convulsions, perte d’équilibre), troubles respiratoires, troubles digestifs, œdème de la tête, baisse du nombre d’œufs pondus et mortalité, qui dans les cas les plus graves peut apparaître presque sans symptômes préalables. La maladie peut également, pour certaines espèces, être asymptomatique et seulement détectable par des analyses en laboratoire ou se manifester par des symptômes modérés – diminution de l’appétit, baisse de ponte, signes respiratoires plus ou moins discrets.

La sensibilité des oiseaux vis-à-vis du virus circulant diffère selon les espèces :

–  les palmipèdes sont plus réceptifs et excrètent davantage que les autres espèces. Leurs symptômes sont plus légers et leur mortalité moindre ;

–  les dindes sont également une espèce très réceptive aux virus d’influenza aviaire, avec un niveau d’excrétion plus faible. En cas de contamination, la mortalité est très rapide et très forte ;

–  les autres galliformes sont moins réceptifs au virus mais, en cas d’infection, connaissent des symptômes plus manifestes et une mortalité plus élevée que les palmipèdes.

Un risque de zoonose contenu jusqu’à présent, mais qui constitue
une réelle menace

L’influenza aviaire a donné lieu, par le passé, à des zoonoses (transmission du virus à des humains).

Les caractéristiques actuelles des virus et leur circulation planétaire rendent crédible le risque d’une évolution zoonotique des épizooties. L’Anses rappelle ainsi que « la lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène n’est pas seulement un enjeu de santé animale et de production avicole, mais également un enjeu de santé publique ».

La représentante de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), Mme Montserrat Arroyo Kuribrena, a rendu compte, lors de son audition, d’une « augmentation du nombre de cas détectés chez les mammifères, et les groupes de mammifères infectés », appelant à la plus grande vigilance. Entre octobre 2021 et mars 2023, 150 foyers représentant 638 cas ont été notifié à l’OMSA chez vingt-trois espèces de mammifères.

Mme Van Der Warf (Institut Pasteur) souligne également le risque de réassortiment avec des virus de la grippe humaine saisonnière ou encore à la faveur d’une introduction de virus influenza aviaire dans les élevages porcins, précisant que « les virus porcins ont été à l’origine des précédentes pandémies de grippe »

B.   Une succession d’Épisodes Épizootiques de plus en plus frÉquents et graves qui dÉbouchent sur des crises d’une ampleur inÉdite en 2021-2022 et 2022-2023

Les épizooties d’influenza aviaire tendent, depuis les années 2000, à s’accélérer et à s’amplifier. Elles sont à la fois plus fréquentes, plus longues, de plus grande ampleur géographique et touchent davantage d’espèces, avec de plus nombreux foyers tant dans la faune sauvage que domestique.

Au cours de la période 2021-2023, deux épisodes épizootiques d’une ampleur inédite sont survenus. Au total, d’octobre 2021 à fin février 2023, 86 pays ont notifié la présence sur leur territoire de l’influenza aviaire hautement pathogène. Environ 5 000 élevages de volailles (pour 46 millions de cas) ont été atteints à travers le monde et près de 5 900 foyers ont été notifiés pour les oiseaux autres que la volaille, dont les oiseaux sauvages (418 000 cas). 245 millions de volailles ont été mises à mort dans les élevages atteints ou préventivement.

La France, qui se caractérise par la grande diversité de ses élevages avicoles, a été particulièrement touchée : entre août 2021 et juin 2022, 1378 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène en élevage ont été déclarés officiellement par la France, ainsi que 51 cas dans la faune sauvage et 35 cas en basse-cours. Environ 22 millions de volailles ont été tuées ou abattues préventivement.

Pour la période actuelle, le nombre de foyers détectés en France en élevage s’élève à 313 foyers entre août 2022 et mars 2023 dont plus des trois quarts concentrés dans la région Pays de la Loire dans une zone à risque de diffusion (ZRD) à forte densité de volailles (notamment en Vendée et dans le Maine-et-Loire).

Enfin, depuis le premier trimestre 2022, le virus frappe durement et durablement l’avifaune sauvage. Ce phénomène est extrêmement préoccupant et constitue un tournant dans le déroulement des épizooties, laissant craindre que l’influenza aviaire ne devienne endémique.

Les causes de cette intensification des épizooties d’influenza aviaire sont encore incertaines mais plusieurs pistes peuvent être avancées :

–  les particularités physiopathologiques des virus peuvent expliquer la virulence des différents épisodes épizootiques ;

–  vos rapporteurs considèrent également que la croissante industrialisation des conditions de l’élevage aviaire dans le monde est susceptible de favoriser la survenue et l’emballement des épizooties (le confinement, la spécialisation des différents lieux d’élevage et la standardisation des animaux accentuant le risque de survenue et de transmission de la maladie).

 

 

 

 

 

 

 

 

II.   uNE POLITIQUE de lutte contre l’Influenza aviaire stricte, qui n’a pas empÊchÉ un emballement de l’ÉpidÉMie et une catastrophe sanitaire traumatisante pour les Éleveurs, fragilisant l’ensemble des filiÈres avicoles

A.   La politique sanitaire française conduite pour faire face À l’ÉpidÉmie

En matière de lutte contre les épizooties, le droit français est établi en cohérence avec les règles fixées au sein de l’Union européenne. Celles-ci sont prévues par le règlement (UE) 2016/429, dit « législation sur la santé animale » (LSA).

Ainsi, la France, comme l’ensemble des États membres de l’Union européenne, précise les règles applicables telles qu’elles découlent du droit européen dans un corpus de textes réglementaires (arrêtés et instructions techniques principalement), régulièrement actualisés pour adapter les meures en fonction des retours d’expérience des crises précédentes et des spécificités de chaque épizootie. Ces règles forment un ensemble complexe, en vertu duquel les modalités de prévention et de gestion applicables varient en fonction :

 du niveau de risque : négligeable, modéré, élevé, apprécié en fonction du contexte épidémiologique dans l’avifaune ;

 de la zone géographique : sont définies par arrêté des zones à risque particuliers (ZRP), qui sont les zones humides situées sous les couloirs de migration, ainsi que des zones à risques de diffusion (ZRD) qui sont les zones à risque de propagation particulièrement élevé, du fait des modes de production pratiqués et des espèces prédominantes ;

 des activités visées : élevage, mais aussi, oiseaux d’ornements, parc zoologiques, chasses, etc.) ;

 des espèces animales concernées : palmipèdes ou gallus.

Depuis le 8 novembre 2022, le niveau de risque est considéré comme élevé sur l’ensemble du territoire national : les mesures de prévention et de biosécurité sont donc généralisées. Celles-ci ont été durcies dans le cadre des nouvelles orientations décidées par la feuille de route arrêtée par le Gouvernement à l’été 2021 en matière de lutte contre l’épizootie.

Outre les mesures de biosécurité qui s’appliquent à tous, quel que soit le niveau de risque (établissement d’un plan de biosécurité, règles de nettoyages, de dépistages pour les palmipèdes, d’entrées et de sortie des zones d’élevage, etc.), des mesures spécifiques s’appliquent en cas de risque élevé.

En particulier, la feuille de route de l’été 2021 a acté la fin de la dérogation qui prévalait autrefois pour le plein air, qui permettait sous certaines conditions de garantir l’accès au plein air des volailles y compris en cas d’épidémie d’IAHP avec un niveau de risque élevé.  Le principe général est désormais celui de la mise à l’abri en bâtiment fermé pour toutes espèces et modes de production ([1]), avec des atténuations autorisées sous forme de mise à l’abri allégée qui sont très encadrées et jugées très insuffisantes par un certain nombre d’acteurs du plein air.

En cas de foyer suspecté ou détecté, une zone dite réglementée est mise en place. Les zones réglementées se déclinent elles-mêmes en plusieurs emprises, formant ainsi des cercles concentriques autour du foyer : les zones de protection sont établies dans un rayon de 3 km autour du foyer, les zones de surveillance, dans un rayon entre 3 et 10 km. Des zones réglementées supplémentaires peuvent également être définies ([2]), entre 10 et 20 km.

Au sein des zones réglementées sont appliquées des restrictions de mouvement de certains animaux ou produits ainsi que des mesures d’abattages de foyers et d’abattages préventifs (ces derniers représentant 30 % du total des volailles abattues).

B.   malgrÉ une mobilisation forte, des services submergÉs et des mesures peu acceptÉes par les filiÈres plein air et indÉpendantes

Malgré les protocoles de biosécurité de plus en plus stricts et les mesures d’urgence prises, le dispositif n’a pas permis d’enrayer l’emballement de la crise. Si la mobilisation des services et des filières a été sans précédent et mérite d’être saluée, des défaillances importantes sont à déplorer, en particulier concernant les conditions de mise à mort et le traitement des cadavres. Vos rapporteurs ont entendu de nombreux témoignages traduisant, le débordement des équipes concernées, le traumatisme des éleveurs et les failles de biosécurité, face à une crise épizootique d’une ampleur sans précédent.

Les méthodes de mise à mort utilisées font l’objet de fortes critiques :

  du point de vue de la biosécurité, de nombreux acteurs au premier rang desquels l’Anses ont souligné les problématiques liées aux opérations de mise à mort basées sur des protocoles nécessitant que les animaux infectés soient sortis des bâtiments d’élevage, ces opérations pouvant conduire à favoriser la diffusion du virus ;

  elles ont représenté un traumatisme très lourd pour les éleveurs : dans un certain nombre de cas, les éleveurs ont eu à procéder eux‑mêmes à l’euthanasie de leurs animaux, avec toute l’ampleur du choc psychologique que cela implique ;

–  certaines des méthodes de mise à mort utilisées sont vivement décriées par les associations de bien-être animal entendues par vos rapporteurs, en particulier celles par arrêt de la ventilation et/ou de l’alimentation.

Concernant l’équarrissage, ses capacités ont été largement dépassées. La FNSEA estime qu’un tiers de la gestion des cadavres s’est fait par l’équarrissage, un autre tiers a fait l’objet d’enfouissement dans des centres spécifiques et enfin le dernier tiers a été enfoui directement sur les exploitations. Plusieurs acteurs ont souligné le risque sanitaire attenant aux transports de cadavres, avec des exemples de faillites importantes des systèmes de sécurité (cadavres tombés du véhicule de transport sur un axe routier notamment). La question de la gestion des cadavres reste un vrai traumatisme pour l’ensemble des éleveurs concernés. Les délais de récupération des cadavres ont pu aggraver encore les situations.

Ces circonstances ont provoqué de l’épuisement pour tous les opérateurs, mais également des situations incompatibles avec le respect de bien-être animal, et sources de mal-être et de traumatisme pour les éleveurs. Des questions se posent concernant les impacts sanitaires, environnementaux et sur la faune sauvage résultant du stockage des cadavres et des pratiques d’enfouissement sur site.

Pour de nombreux éleveurs plein air et indépendants, la fin de la dérogation sur le plein air actée dans le cadre de la feuille de route 2021 est perçue comme une mesure inadaptée et disproportionnée, en contradiction avec les efforts fournis ces dernières années par les différentes parties prenantes.

La mise à l’abri des volailles plein air engendre des difficultés économiques et psychologiques pour les éleveurs, à l’origine d’une défiance forte et grandissante, qui se traduit de plus en plus par le refus d’obéir aux règles fixées par l’administration. L’impact sur les éleveurs est d’abord moral, avec une perte de sens et un sentiment de découragement. Il est aussi économique, avec une surmortalité importante et un temps de travail accru. Ces mesures sont également très contestées sur le plan du bien-être animal : la claustration est à l’origine d’un stress accru pour les volailles, qui engendre des comportements dangereux (piquage) et peut accroître leur fragilité immunitaire. Les données transmises par le Synalaf à l’Anses montrent ainsi une augmentation du taux de mortalité de l’ordre de 6 % pour les lots mis à l’abri l’été, contre 2 % pour des lots élevés classiquement en plein air.

La claustration des volailles pose également question du point de vue du consommateur. Des dérogations aux cahiers des charges des différents labels plein air ont été autorisées par l’administration afin de permettre aux éleveurs et aux producteurs de continuer à produire sous label de qualité. Des produits étiquetés « plein air » peuvent être issus d’animaux élevés en claustration toute leur vie.

C.   Les Éleveurs en premiÈre ligne : Une grave dÉtresse psychologique et morale

Les rapporteurs souhaitent insister sur les très lourdes conséquences psychologiques et morales des épisodes épizootiques pour les éleveurs. Les travaux de la mission ont été l’occasion de nombreuses rencontres au cours desquelles une véritable détresse s’est exprimée.

La détresse morale et psychologique induite par la crise des deux dernières années s’inscrit dans le cadre plus large d’un mal-être de la profession agricole, sur lequel les autorités sont alertées depuis de nombreuses années. Le contexte économique particulier de 2021-2022 a renforcé cette fragilisation des éleveurs.

C’est dans ce contexte dégradé que surviennent les épisodes d’influenza aviaire de 2021-2022 et 2022-2023.

L’abattage en cas de contamination, de l’ensemble de son cheptel constitue un traumatisme pour les éleveurs. Il se double d’un sentiment d’absurde et de gâchis lorsqu’il survient, par mesure de prévention, sur des volailles saines. Les défaillances dans la gestion de crise ont accentué cette souffrance, lorsque les éleveurs n’ont eu d’autre choix que d’effectuer eux-mêmes, dans des conditions désastreuses, la mise à mort et l’enfouissement de leurs animaux ou le maintien d’animaux malades et en souffrance dans les bâtiments pendant plusieurs jours.

Les éleveurs en plein air ont eu le sentiment de renoncer à la spécificité de leur métier, souvent décrit comme une vocation, en mettant leurs volailles à l’abri.

La situation des plus jeunes, récemment installés, est également difficile : certains n’ont pas pu installer de volailles dans leur bâtiment et se trouvent dans une situation financière difficile.

Les éleveurs touchés deux années de suite par les mesures sanitaires dans les zones réglementées ou par l’influenza aviaire au sein de leurs élevages, sont particulièrement atteints moralement. La crainte de voir repartir la maladie est omniprésente.

En outre, les difficultés de trésorerie auxquelles se trouvent confrontés les éleveurs, du fait des délais de paiement des indemnisations et de l’incertitude sur les taux d’indemnisations économiques pour la période 2022 2023, ont nourri une forte angoisse et des difficultés à se « projeter dans l’avenir ».

Cette situation morale est désastreuse en elle-même mais également pour l’avenir de la filière. Elle pèse lourdement sur la délicate question du renouvellement des générations, contribuant à rendre la profession peu attractive. Elle accélère, en outre, son abandon par les plus âgés et ceux qui disposent de ressources diversifiées : la FNSEA estime ainsi qu’en Vendée, près de 15 % des éleveurs de volailles auraient arrêté leur activité.

D.   Des consÉquences Économiques majeures pour l’ensemble de la filiÈre qui font peser un risque sur la souverainetÉ alimentaire et le renouvellement des gÉnÉrations, malgrÉ un systÈme d’indemnisation globalement saluÉ

Les conséquences économiques de la crise sont extrêmement lourdes : au total, le montant des pertes économiques pour l’ensemble des filières est estimé à 1,1 milliard d’euros environ pour la période 2021-2022, ce qui correspond au montant des indemnisations sanitaires et économiques mises en œuvre par l’État.  Les conséquences de l’épizootie pèsent non seulement sur les élevages avicoles mais aussi sur l’ensemble de la filière – amont et aval – et des activités économiques connexes. De nombreuses activités, exercées par des prestataires auxquels font appel les acteurs de la filière avicole, sont ainsi affectées : les ramasseurs de volailles, les transporteurs (œufs, poussins, volailles, aliments, gaz), les fournisseurs de matériel avicole et d’aliments, les services de remplacement agricole, les abattoirs et l’ensemble des entreprises de l’agroalimentaire assurant la transformation des animaux ou produits de l’élevage.

Le dispositif d’indemnisation, jugé globalement efficace, même s’il n’est pas exempt d’angles morts, comprend des indemnisations sanitaires et économiques :

–  Les pertes résultant de la destruction de la production contaminée par le virus, de la destruction préventive ou de la réforme anticipée de la production non contaminée pour prévenir le risque de diffusion du virus autour des foyers sont intégralement prises en charge dans le cadre des indemnisations sanitaires ;

  Les pertes de chiffre d’affaires pour l’ensemble des opérateurs des filières avicoles (sélectionneur-accouveur, éleveurs, entreprises de l’aval et de services spécialisées) sont également compensées au travers de plusieurs dispositifs :

Au total, l’épizootie 2021-2022 a nécessité la mobilisation de moyens financiers prévisionnels sans précédent avec près d’un milliard d’euros d’indemnisations dont 245 M€ pour le volet sanitaire (y compris 90 M€ de cofinancement européen).

Bilan des indemnisations étatiques déployées au cours des épisodes d’influenza aviaire
(en euros), hors soutien à l’activité partielle

 

Sanitaire DGAL (M€)

Économique – DGPE (M€)

M€

M€

Année (hiver)

sanitaire

sélection-accouvage

amont (élevage)

aval et services spécialisés (dont ATR)

Total économique

Total

dont part UE

2015-2016

25

20 

59,8

21,5

101,3

126,3

30

2016-2017

72

22,9

70,7

15,4

109

181

51

2020-2021

47

13,5

68

31,2

112,7

159,7

31,3

2021-2022*

245 

120

528

150

798

1 043

90

2022-2023**

50 

 

 

 

 

 

 

Total (en M€)

439

176, 4

726,5

218,1

1 121 

1 510

202

*Le déploiement des dispositifs économique et sanitaire étant en cours, les montants présentés correspondent aux enveloppes ouvertes.

** estimation crise en cours.

ATR : apport de trésorerie remboursable. Source : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Entre outre, des lettres de confort ont été mis à la disposition des éleveurs par le ministère afin de faciliter leurs démarches auprès des banques. Par ailleurs, les dispositifs de droit commun, tel que l’activité partielle (AP) ou l’activité partielle de longue durée (APLD) pouvaient être mis en œuvre.

Enfin, le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE), auquel contribuent les agriculteurs au travers de leur cotisation à la Mutualité sociale agricole (MSA) a déployé un programme d’indemnisation des coûts et pertes résultant en 2020/2021 des mesures de lutte obligatoire contre l’IAHP pour les élevages situés dans la zone indemne et les élevages nouvellement installés, afin de répondre à certaines limites auxquelles se heurtent les dispositifs d’aide d’État.

Si l’ensemble du dispositif est jugé efficace par les acteurs, plusieurs limites ont néanmoins été identifiées par vos rapporteurs :

–  les critiques concernent essentiellement les délais de versement des indemnisations économiques, trop longs, qui mettent en péril l’équilibre des trésoreries ;

–  l’incertitude concernant les taux d’indemnisation économique pour la période de 2022-2023, pour lesquels le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, a annoncé une réduction, crée chez les éleveurs et les entreprises concernées une très grande inquiétude ;

–  malgré la mobilisation du FMSE, certains cas, non couverts par les aides d’État, ont posé des difficultés et ce fonds n’est mobilisable, pour le moment, que pour les pertes survenues durant la période courant entre le 1er décembre 2020 et le 30 novembre 2021;

–  concernant les dispositifs destinés aux entreprises de l’aval, ils ont été jugés complexes et difficiles à mettre en œuvre par les plus petites entreprises, qui ont parfois renoncé à en faire la demande.

III.   Apprendre À « vivre avec » l’influenza aviaire : une stratÉgie À bÂtir pour des filiÈres rÉsilientes et durables

A.   À court terme, les mesures de gestion des ÉpidÉmies de grippe aviaire doivent Être ajustÉes

1.   Garantir les moyens de l’État et construire une culture de gestion de crise sanitaire

Le constat dressé dans le présent rapport montre que les pouvoirs publics peuvent améliorer la capacité de gestion de crise des services de l’État en cas de récidives d’une épidémie d’IAHP. Des leçons doivent être tirées, pour disposer des moyens appropriés lors de prochaines crises relatives à la santé animale.

Les travaux des rapporteurs ont mis en avant un certain nombre de controverses scientifiques et d’incompréhensions des parties prenantes face à certaines mesures de biosécurité arrêtées. Si le Gouvernement mène un travail important de concertation qu’il faut saluer, des améliorations restent nécessaires. En particulier, vos rapporteurs considèrent qu’il est souhaitable d’associer l’ensemble des parties prenantes aux instances de concertation (proposition n° 1) permettant d’élaborer les retours d’expérience ou précédant les prises de décision publiques. Outre les acteurs des filières longues et les représentants des syndicats agricoles, il est aussi nécessaire de s’assurer de la bonne représentation des acteurs des filières courtes et indépendantes. En outre, vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’également associer aux concertations les associations de bien-être animal, de même que les associations des consommateurs. Enfin, vos rapporteurs considèrent qu’il pourrait être pertinent de systématiser, en cas de crise épizootique, la mise en place d’un conseil scientifique permanent en matière de santé animale, permettant d’éclairer au mieux les décideurs publics (proposition n° 1).

Face au dépassement des services déconcentrés lors des pics épizootiques, vos rapporteurs recommandent en outre la nomination de référents préfectoraux coordinateurs par principales zones géographiques de contamination, afin d’assurer la cohérence des actions menées ainsi que la capacité à faire remonter rapidement à l’administration centrale les difficultés de terrain rencontrées (proposition n° 2).

2.   Améliorer la surveillance, la détection et la prévention

La question des données disponibles est un enjeu central en matière de surveillance et de suivi de l’épizootie. Le présent rapport montre que les marges d’amélioration en la matière sont encore très nombreuses.

Malgré les obligations existantes les données disponibles sont trop parcellaires. Certains acteurs déplorent le fait que les bases de données soient gérées directement par les interprofessions, ce qui est à l’origine d’une certaine méfiance de la part des indépendants et peut conduire à des sous déclarations. Cette méthode de gestion est également susceptible de poser des difficultés techniques aux services déconcentrés.

Le Gouvernement travaille actuellement à l’amélioration des bases de données existantes. Vos rapporteurs appellent à accélérer ces travaux et à mettre rapidement en place un fichier unique et fiable permettant une information rapide des propriétaires d’oiseaux en cas d’alerte épidémique, un suivi précis par l’administration et le renforcement des capacités d’analyse épidémiologique. Vos rapporteurs considèrent qu’une gestion publique de ces données doit être privilégiée (proposition n° 3).

En matière de surveillance épidémiologique, une attention plus forte doit être portée aux enjeux de surveillance et de suivi des filières non commerciales (oiseaux d’ornement, basse-cours) et des activités cynégétiques (proposition n° 4). Vos rapporteurs soulignent la nécessité de garantir les moyens de l’Office français de la biodiversité, pour qu’il puisse conduire dans de bonnes conditions ses missions de surveillance épidémiologique. Une réflexion pourrait également être menée pour associer de façon plus systématique les associations de protection de l’environnement aux opérations de surveillance de la faune sauvage (proposition n° 5).

Concernant la détection précoce, vos rapporteurs s’associent aux recommandations de l’Anses relayées par les interprofessions, concernant l’élaboration d’un test de détection simple, rapide, fiable et validé, utilisable directement en élevage permettant d’émettre précocement une suspicion d’IAHP, même en l’absence de signes cliniques (proposition n° 6).

En outre, il paraît également pertinent de suivre les recommandations de l’Anses relatives aux évolutions nécessaires des critères d’identification du niveau de risque et la cartographie des zones à risque particulier (ZRP), pour les adapter aux nouvelles caractéristiques de l’épizootie (proposition n° 7).

Concernant la biosécurité et les mesures de prévention :

 les efforts en matière de sensibilisation et de formation doivent être maintenus et accentués et ne pas laisser de côté les éleveurs indépendants, ce qui va de pair avec l’enjeu d’acceptabilité des mesures prises (proposition n° 8) ;

 il est nécessaire de développer la mise en place de stations de lavage, nettoyage et désinfection sur l’ensemble du territoire (proposition n° 9).

Il est enfin essentiel de favoriser les mesures préventives pour éviter les dépeuplements massifs et les traumatismes à la fois psychologiques et financiers qu’ils entrainent. Vos rapporteurs invitent à évaluer le plan ADOUR et à poursuivre les logiques de dédensification préventive (organisation de vides sanitaires), qui permettent d’adapter en amont la gestion de la production (proposition n° 10).

3.   Adapter les protocoles de biosécurité pour mieux prendre en compte les spécificités du plein air et des circuits courts

Des mesures d’assouplissements sur la mise à l’abri doivent être envisagées, en cohérence avec les effets attendus de la stratégie vaccinale et du renforcement des mesures de biosécurité. Ces assouplissements doivent reposer sur une analyse fine des risques, en fonction des types d’élevage et des territoires concernés. S’il convient d’agir prudemment sur ce volet dans un contexte où le virus est très présent dans la faune sauvage. Ces assouplissements sont nécessaires, au vu des grandes difficultés qui découlent aujourd’hui de la mise à l’abri des volailles plein air. Ils doivent permettre de concilier l’objectif sanitaire de lutte contre la diffusion de l’épidémie, mais aussi d’autres objectifs de politiques publiques essentiels, relatifs au soutien apporté aux filières plein air, au bien-être animal et à la qualité de l’alimentation. En ce sens, il est a minima urgent de suivre la recommandation de l’Anses et autoriser les sorties sur parcours réduit dès 8 semaines pour les poulets de chair et plus globalement l’ensemble des galliformes, à l’exception des dindes et poules pondeuses (proposition n° 11). Dans la perspective du lancement de la stratégie de vaccination et en complément du renforcement des mesures de prévention, des pistes supplémentaires visant à assouplir les règles de mise à l’abri doivent être recherchées, notamment en fonction du zonage, du niveau de risque et du type d’élevage (proposition n° 12).

En outre, face aux controverses et aux incertitudes actuelles, vos rapporteurs appellent également à financer des programmes de recherche spécifiques pour évaluer l’efficacité des mesures de mise à l’abri sur la propagation du virus (proposition n° 13).

Il est aussi nécessaire d’associer l’ensemble des acteurs du plein air à l’expérimentation déployée par la direction générale de l’alimentation visant à mieux prendre en compte la spécificité de l’élevage plein air et d’évaluer dans ce cadre les dispositifs alternatifs de mise à l’abri (proposition n° 14).

En complément, d’autres leviers doivent être actionnés pour mieux adapter les protocoles de biosécurité aux spécificités du plein air, avec la modification des protocoles de tests avant abattages, qui sont aujourd’hui inadaptés aux petites structures indépendantes et engendrent des surcoûts importants (proposition n° 15) ainsi que l’élaboration d’un modèle spécifique d’audits de biosécurité adapté aux petites structures (proposition n° 16).

4.   Améliorer l’accompagnement des éleveurs

Afin de répondre aux difficultés de trésorerie des exploitations et des entreprises il semble nécessaire mensualiser le versement des indemnisations économiques (proposition n° 17).

En outre, les récentes annonces du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant les indemnisations économiques pour la période 2022-2023 suscitent un véritable désarroi chez les professionnels concernés. Abaisser les niveaux d’indemnisation à 90 % pour la période de restriction sanitaire dite I1 et à 50 % pour la période post-restriction dite I2 n’est pas acceptable, dans le contexte actuel, alors même que la campagne de vaccination n’a pas été lancée. Vos rapporteurs plaident pour le maintien des niveaux d’indemnisation économique en 2022-2023 identiques à ceux définis pour 2021-2022 (proposition n° 18).

Par ailleurs, le soutien aux éleveurs en zone indemne et aux nouveaux installés ne pouvant prétendre aux aides d’État doit être assuré pour les périodes 2021-2022 et 2022-2023 comme il l’a été par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) pour la période 2020-2021 (proposition n° 19).

L’accompagnement psychologique des éleveurs est une priorité absolue aux yeux de vos rapporteurs. Pour l’heure, cet accompagnement se développe essentiellement dans le cadre du plan de prévention du mal-être en agriculture dont la feuille de route a été présentée le 23 novembre 2021 et la circulaire d’application publiée le 31 janvier 2022. Vos rapporteurs estiment que les crises résultant de l’influenza aviaire sont très spécifiques et nécessiteraient le renforcement des moyens humains et financiers consacrés au plan de prévention du mal-être agricole afin de garantir une meilleure prise en charge des éleveurs confrontés à ces épizooties (proposition n° 20).

5.   Repenser les outils de dépeuplement et de gestion des cadavres de volailles pour éviter le traumatisme des éleveurs, minimiser les risques de biosécurité et garantir le bien-être animal

Concernant les opérations de mise à mort des animaux, les méthodes utilisées doivent évoluer avec pour objectif un renforcement de leur efficacité et de leur acceptabilité, tant du point de vue de l’éleveur que de celui du bienêtre animal. Il est ainsi nécessaire d’assurer la transparence des méthodes employées, de privilégier les mises à mort par gazage progressif à l’intérieur du bâtiment et d’éviter l’euthanasie directe par l’éleveur (proposition n° 21).

Il est essentiel d’améliorer la gestion des cadavres, en identifiant en amont les moyens alternatifs à l’équarrissage au niveau local. À moyen terme, la mise en place de programmes de recherche sur les enjeux de compostage des cadavres paraît pertinente (proposition n° 22).

Il importe aussi d’être particulièrement vigilant quant aux conséquences de moyen et long terme des décisions d’enfouissement et de stockage qui ont été prises au cœur de la crise. Un suivi attentif des potentielles conséquences sanitaires et environnementales des décisions d’enfouissement sur les exploitations et dans les sites de stockages spécifiques doit être mis en place (proposition n° 23).

Enfin, dans la perspective de la vaccination et du recours accru au mécanisme de dédensification préventive, vos rapporteurs considèrent souhaitable d’envisager une nouvelle doctrine sur les abattages préventifs, afin de limiter le plus possible le recours à ces méthodes (proposition n° 24).

6.   Vaccination

Le vaccin ne constitue pas une solution « miracle » face à l’épidémie mais devrait permettre une diminution des symptômes et une réduction de l’excrétion du virus qui contribueront à la maîtrise de l’épizootie et en limiteront les risques d’emballement. La position des différents acteurs sur cette question a évolué et il existe aujourd’hui un quasi-consensus sur la nécessité de mettre en œuvre de toute urgence une stratégie vaccinale. Celle-ci ne doit pas occulter la nécessité de mener une réflexion large sur l’avenir du modèle avicole français.

Cinq États membres de l’Union européenne contribuent actuellement à évaluer l’efficacité des approches vaccinales envisageables pour différences espèces aviaires : la France (canards), les Pays-Bas (poulets), la Hongrie (oies), l’Italie (dindes) et la République tchèque (oies).

Concernant la France, vos rapporteurs préconisent la mise en place dans les délais les plus brefs d’une stratégie vaccinale ciblant les palmipèdes et les reproducteurs, quitte à élargir dans un second temps le spectre des espèces ciblées (proposition n° 25). Les délais entre la commande des vaccins et leur livraison étant compris entre six et huit mois, le déploiement d’une vaccination en septembre 2023 nécessite une prise de décision gouvernementale dès à présent.

Cette stratégie vaccinale doit s’accompagner d’une poursuite des efforts en matière de diplomatie sanitaire vis-à-vis des pays tiers importateurs de volailles françaises afin de garantir que ces débouchés seront préservés en cas de vaccination des animaux concernés (proposition n° 26) et d’une assurance que le coût de la vaccination ne pèse pas trop lourdement sur les éleveurs et soit en partie acquitté par l’État et par les filières (proposition n° 27). Il est, en outre, essentiel de s’assurer que les conditions matérielles de mise en œuvre de la vaccination sont réunies, en prévoyant le cas échéant la possibilité pour d’autres acteurs que les seuls vétérinaires de procéder aux injections et en garantissant les moyens de surveillance des élevages conformes aux exigences européennes (proposition n° 28). Il est, enfin, impératif de garantir l’accessibilité du vaccin aux petits éleveurs, y compris en s’assurant d’un conditionnement des doses de vaccin adapté aux plus petites exploitations et aux basses-cours (proposition n° 29).

B.   À long terme : bÂtir des stratÉgies de filiÈres pour garantir la sécuritÉ sanitaire, la souverainetÉ alimentaire et la durabilitÉ de notre modÈle d’Élevage

1.   One health

Le concept « One Health » ou « Une seule santé » en français, mis en avant depuis le début des années 2000 notamment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), repose sur la conscience des liens étroits existant entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global de la planète. Il vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires.

Il peut être appliqué avec profit à la gestion des épizooties d’influenza aviaire : penser la gestion à long terme de l’épizootie doit amener à conjuguer une réflexion sur le risque de zoonose et sur le modèle d’élevage souhaitable à long terme.

Le risque de zoonose invite à renforcer les moyens matériels et humains permettant la mise en œuvre de la surveillance active du risque de transmission à l’homme du virus de l’influenza aviaire et associer les collectivités territoriales à la définition de la stratégie de surveillance active (proposition  30).

2.   Se prémunir de la contradiction entre les attentes sociétales et les politiques de biosécurité

Les décisions prises face aux risques d’épizootie doivent bien sûr reposer sur des critères d’analyse tenant au risque sanitaire, mais doivent également prendre en compte les autres objectifs de politiques publiques poursuivis. La question sanitaire est primordiale, et l’avenir des filières avicoles en dépend. Néanmoins, les politiques de santé animale doivent également prendre en compte d’autres enjeux de politiques publiques définies par l’État comme par les collectivités territoriales, qui plus est dans un contexte d’endémisation probable du virus, qui tend à faire s’installer dans la durée des mesures initialement conçues pour être temporaires (proposition n° 31).

Vos rapporteurs considèrent que la situation actuelle rend nécessaire une meilleure information du consommateur. Ils appellent ainsi à garantir la sincérité de l’information transmise au consommateur, au moyen éventuellement d’un affichage directement sur le produit indiquant les conditions d’élevage des animaux résultant de la gestion de l’influenza aviaire et l’absence de risque de transmission du virus via la consommation de produits avicoles (proposition n° 32).

3.   Promouvoir un modèle avicole durable en accélérant la transition agroécologique

Vos rapporteurs invitent globalement les pouvoirs publics à promouvoir un modèle de production avicole différent du modèle intensif, qui comporte des risques importants en matière de biosécurité et contredit les aspirations citoyennes pour une agriculture plus durable et ancrée dans les territoires.

Vos rapporteurs considèrent que la réduction des temps de transport doit être intégrée à la palette des outils de lutte contre l’IAHP (proposition n° 33). Vos rapporteurs soulignent, en outre, que le modèle autarcique constitue un modèle pour l’avenir qu’il convient de développer : vertueux sur le plan de la biosécurité car il limite les mouvements d’animaux et de personnes, il répond également aux attentes citoyennes en matière de circuit court et du respect du bien-être animal (proposition n° 34).

Vos rapporteurs appellent à une stratégie à l’échelle des filières ambitieuse pour réduire la densité au sein des élevages. Cette réduction pose des défis importants en matière de compétitivité, mais elle s’inscrit clairement dans la stratégie de la montée en gamme de la Ferme France, de la reconquête des marchés nationaux et dans la promotion d’un modèle durable pour l’agriculture de demain. C’est pourquoi vos rapporteurs considèrent que les pouvoirs publics doivent accompagner les acteurs dans cette voie et porter ces questions de dédensification des élevages de volailles au niveau européen, pour construire une vision européenne commune du modèle d’élevage et limiter les risques de distorsions de concurrence (proposition n° 35). En parallèle, les études visant à établir le lien entre densité au sein des élevages et diffusion du virus doivent se poursuivre (proposition n° 36). Un travail doit être conduit, en partenariat avec l’Anses, pour identifier des souches plus résistantes et varier davantage les souches utilisées (proposition n° 37).

En complément, il est aussi souhaitable d’accompagner financièrement les éleveurs pour investir dans des solutions qui permettent de concilier la durabilité du modèle et la biosécurité. Vos rapporteurs préconisent en ce sens de soutenir financièrement la mise en place de jardins d’hiver dans les élevages plein air et standards (proposition n° 38).

4.   Demain, des filières plus résilientes grâce à une meilleure répartition géographique

Vos rapporteurs préconisent, enfin, à court terme, de mettre en œuvre une stratégie de repeuplement des élevages prudente, pour éviter un nouvel emballement épizootique et, à long terme, pour la filière et l’État, d’engager un grand plan de renouvellement des générations favorisant une répartition des élevages sur l’ensemble du territoire national, en accord avec les capacités de transformation en aval, afin de réduire le risque de transmission d’élevage à élevage des épizooties et d’éviter la concentration du patrimoine génétique dans une même zone.

En conclusion : ouvrir les horizons, nourrir le dialogue

Enfin, les travaux de vos rapporteurs ont montré qu’il était essentiel de davantage croiser les regards sur la politique publique de lutte contre l’IAHP. C’est pourquoi ils proposent l’organisation de journées d’étude, en présence du ministre chargé de l’agriculture, pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions collectives, à partir des propositions formulées dans le présent rapport (proposition n° 40).

 


—  1  —

   Introduction

22 millions de volailles abattues – dont 30 % préventivement –, un coût économique colossal estimé à 1,1 milliard d’euros, des éleveurs exsangues et meurtris moralement, une filière entière, de l’amont à l’aval, mise à mal : les conséquences de l’épisode 2021-2022 d’influenza aviaire sont particulièrement catastrophiques. Cette épizootie d’influenza aviaire n’est cependant pas isolée : les crises se succèdent en France et dans le monde avec une intensité croissante et à un rythme qui ne cesse de s’accélérer. Extrêmement traumatisante pour la filière, cette catastrophe sanitaire « hors norme » et ses conséquences en cascade n’ont, au grand étonnement de vos rapporteurs, trouvé qu’un faible écho dans le grand public.

Nommés par la commission des affaires économiques le 26 octobre 2022, MM. Philippe Bolo (député de la 7ème circonscription du Maine-et-Loire) et Charles Fournier (député de la 1ère circonscription d’Indre-et-Loire) ont été chargés de dresser un bilan de la situation, d’évaluer les effets des mesures mises en place par les pouvoirs publics, d’identifier les solutions pour les filières et de formuler des préconisations relatives aux politiques publiques mises en place en la matière.

Il faut préciser d’emblée ce qu’est l’influenza aviaire et souligner que la maladie ne constitue en rien un phénomène nouveau : le virus, tel que nous le connaissons, est apparu en Chine en 1996 et n’a cessé, depuis de circuler dans les élevages et l’avifaune sauvage du monde entier. L’influenza aviaire est une maladie animale extrêmement contagieuse causée par des virus influenza de type A, qui peut toucher de très nombreuses espèces d’oiseaux sauvages, de compagnie et abritées dans les parcs zoologiques. Plusieurs espèces de mammifères ont également été contaminées et le risque de zoonose est considéré comme sérieux par les scientifiques.

Face à un tel sujet, qui mêle des enjeux économiques, sanitaires, environnementaux, mais aussi moraux et psychologiques pour les hommes et les femmes confrontés à l’abattage de leur cheptel ou au chômage partiel en résultant, vos rapporteurs ont fondé leur démarche sur la volonté de se mettre à l’écoute des différents acteurs – en premier lieu les éleveurs et les professionnels directement affectés par la crise, mais aussi les scientifiques, les services administratifs, les chercheurs en sciences humaines. C’est avec beaucoup d’humilité et une volonté sincère de comprendre ce qui avait été vécu que vos rapporteurs ont mené de nombreuses auditions à Paris. Il leur est rapidement apparu que le sujet nécessitait de se rendre au plus près des acteurs affectés, dans les territoires et dans les exploitations agricoles touchées par l’épizootie. Les rencontres lors de ces déplacements, les échanges à bâtons rompus dans les bâtiments d’élevage – vides – leur ont permis de prendre la mesure de la détresse et des conséquences multiples vécues par les éleveurs et l’ensemble des hommes et des femmes de la filière avicole. Vos rapporteurs regrettent de n’avoir pu se déplacer davantage, notamment dans les Landes et le Gers, du fait de nombreuses contraintes liées à l’actualité législative et politique.

Ils considèrent néanmoins ce rapport non comme une fin, mais comme le premier élément d’une démarche de dialogue et de recherche collective de solution qu’ils souhaitent poursuivre. Ils espèrent ainsi venir présenter ce rapport après sa publication dans les différents départements touchés par l’influenza aviaire et poursuivre le dialogue engagé au cours des travaux de la mission avec l’ensemble des parties prenantes. Ils ont également, afin de mieux rendre compte des témoignages entendus, choisi d’être suivis dans leur déplacement par un vidéaste indépendant, qui mettra en image leurs travaux, en complément de ce rapport.

Si leurs travaux ne portent que sur l’influenza aviaire, les questions que soulèvent la mission et certaines de ses conclusions pourraient s’appliquer à d’autres épizooties. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de demeurer vigilants et, pour les filières comme pour les pouvoirs publics, d’anticiper et de prévenir l’émergence et la transmission d’autres maladies animales, comme la peste porcine africaine, qui pourrait avoir de redoutables conséquences sur la filière porcine. Afin d’éviter la faillite des services d’abattage et d’équarrissage qui a caractérisé les épisodes récents d’influenza aviaire, il est essentiel d’anticiper dès à présent et de penser des organisations résilientes et adaptables, capables de faire face à ces crises sanitaires. Dans la même logique, vos rapporteurs alertent sur l’insuffisance du maillage territorial vétérinaire, qui rend plus difficile des campagnes larges de vaccination et un suivi adéquat en cas de flambée épizootique.

Ce rapport doit donc être lu comme un bilan des derniers épisodes d’influenza aviaire (2021-2022 et 2022-2023), un témoignage de la situation économique mais aussi morale des hommes et des femmes de la filière, une tentative de rassembler et de confronter des analyses parfois éparses des politiques publiques mises en œuvre et une proposition de pistes permettant d’envisager, sur le long terme, dans un contexte incertain, la gestion de l’épizootie.

L’enjeu, en effet, doit être appréhendé en distinguant plusieurs temporalités : jusqu’à présent, les filières et les pouvoirs publics ont été placés dans une situation de crise, particulièrement violente, et n’ont pas pu prendre de recul sur les politiques sanitaires mises en œuvre. Il s’agissait, avec des moyens parfois insuffisants ou inadaptés, de faire face à des emballements épizootiques. Désormais, les crises se succédant et s’amplifiant, l’enjeu est de parvenir à tirer de ces « retours d’expérience » des conclusions permettant d’envisager l’avenir de la filière et une « normalisation » des moyens de gestion de l’influenza aviaire.

Pour apprendre à « vivre avec » le virus de l’influenza aviaire et redonner des perspectives à la filière, vos rapporteurs considèrent qu’il faut adapter à court‑terme certaines procédures. La mise en œuvre, à brève échéance, d’une stratégie vaccinale, si elle ne constitue pas une « solution miracle », devrait également sécuriser la filière et éviter les flambées épidémiques que nous avons connues.

Ces solutions de court terme ne doivent pas occulter les enjeux de long terme. Dans un contexte où la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine ont, plus que jamais, rappelé l’importance de tendre vers la souveraineté alimentaire, la filière avicole apparaît essentielle. La crise qu’elle traverse est néanmoins une occasion de s’interroger sur le modèle d’élevage souhaitable pour demain : vos rapporteurs plaident pour un modèle qui demeure familial, à taille humaine, caractérisé par la diversité des élevages – le modèle plein air devant absolument être préservé –, moins dense, plus autarcique et mieux réparti à travers le territoire – ce qui permettra, tout à la fois, de répondre aux attentes des consommateurs et de garantir une plus grande résilience en cas de crise épizootique.

Vos rapporteurs rappellent, en effet, que les modèles industriels dominant dans certains pays étrangers ont sans doute contribué à la diffusion internationale du virus – quand ces modèles n’en sont pas à l’origine, tout simplement. Comme le soulignaient les chercheurs en sciences humaines rencontrés dans le cadre des auditions, les épizooties majeures ont eu tendance – en Chine, par exemple, dans le cas de la peste porcine africaine – à entraîner la disparition des plus petits élevages ou des élevages en plein air, au profit d’élevages gigantesques, plus propices à la mise en œuvre d’une biosécurité renforcée. En aucun cas nous ne devons laisser ce phénomène survenir en France, alors même que les cahiers des charges de certains élevages – agriculture biologique, par exemple – constituent à eux seuls des garanties contre la maladie, avec une diversité génétique qui renforce la résistance des animaux au virus, une moindre densité, une plus grande autarcie, des déplacements moins fréquents.

La gestion de l’influenza aviaire constitue une illustration de la nécessité de mettre en œuvre la démarche « One Heath »  Une seule santé ») pour définir les politiques publiques : santé humaine, santé animale et santé environnementale sont intimement liées, dans un contexte global, et doivent faire l’objet d’une réflexion qui tienne compte, sur le court et le long terme, de ces trois dimensions.

 

 


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I.   un virus en constante mutation, des Épisodes ÉpidÉmiques qui tendent À devenir plus frÉquents, plus durables et d’une plus vaste ampleur

A.   Qu’est-ce que l’influenza aviaire ?

1.   Un virus doté d’une très grande capacité de mutation et de réassortiment

Les virus influenza de type A sont des virus enveloppés appartenant à la famille des Orthomyxoviridae. Ils sont dotés d’un génome constitué de 8 segments d’acide ribonucléique (ARN).

L’influenza aviaire a pour hôtes naturels les oiseaux, tant sauvages que domestiques.

Les virus de l’influenza aviaire (IA) sont classés selon les caractéristiques de deux des protéines de l’enveloppe virale ([3]) qui sont déterminantes pour les réponses immunitaires des oiseaux infectés :

– le « H » renvoie à l’hémagglutinine : 16 sous-types numérotés de H1 à H16 circulent chez les oiseaux ;

– le « N » renvoie à la neuraminidase : 9 sous-types numérotés de N1 à N9 circulent chez les oiseaux.

Toutes les combinaisons sont possibles entre les différents sous-types de protéines. La combinaison H et N définit le sous-type viral (c’est, par exemple, une souche virale de sous-type H5N1 qui a été responsable des épisodes épidémiques de 2021-2022 et 2022-2023 dans les élevages français).

Deux catégories de virus sont distinguées selon leurs caractéristiques de virulence pour les oiseaux :

– les virus faiblement pathogènes (IAFP) ;

– les virus hautement pathogènes (IAHP), appartenant tous aux sous-types H5 ou H7.

 

Structure et organisation d’une particule de virus influenza de type A

Source : Anses, Rapport sur l’influenza aviaire hautement pathogène à virus H5N1 d’origine asiatique, février 2008, d’après Murphy et Webster, 2003

Le sous-type H5 des virus de l’influenza aviaire peut-être décliné en souslignées dites « clades » (de 0 à 9) et sous-clades devenues phylogénétiquement distinctes par dérive et glissement génétiques (voir infra).

Sous sa forme hautement pathogène, la maladie se propage très rapidement chez les oiseaux et peut entraîner des conséquences importantes tant dans les élevages que dans la faune sauvage.

Selon les modalités d’exposition et la virulence de la souche virale, la période d’incubation de la maladie peut varier de 1 à 3 jours et s’étendre jusqu’à 14 jours au niveau d’un troupeau de volailles. La sensibilité au virus est variable d’une espèce à l’autre (voir infra).

Les modalités de transmission sont diverses : contacts rapprochés entre individus ou par aérosol (sécrétions respiratoires), par les fientes, les œufs et tout vecteur passif (matériels, personnels, véhicules, etc.) contaminé. Le virus pénètre dans l’organisme des volailles le plus souvent par la voie respiratoire mais également par la voie digestive ([4]). Le virus H5N1 est très résistant dans l’environnement. Il peut demeurer présent dans les fientes pendant 7 jours à une température de 20 °C, 35 jours à une température de 4°C et jusqu’à 105 jours dans l’eau ([5]).

Les symptômes chez les oiseaux atteints par la maladie sont divers : troubles nerveux (paralysie, convulsions, perte d’équilibre), troubles respiratoires, troubles digestifs, œdème de la tête, baisse du nombre d’œufs pondus et mortalité, qui dans les cas les plus graves peut apparaître presque sans symptômes préalables.

La maladie peut également, sur certaines espèces, être asymptomatique et seulement détectable par des analyses en laboratoire ou se manifester par des symptômes modérés – diminution de l’appétit, baisse de ponte, signes respiratoires plus ou moins discrets.

Une sensibilité très variable au virus en fonction des espèces aviaires

La sensibilité des oiseaux vis-à-vis d’un même virus d’influenza aviaire est variable en fonction des espèces et, dans une moindre mesure, de l’âge des animaux.

Cette variabilité dans l’intensité des symptômes et la mortalité doit être prise en compte car elle a une incidence sur le temps de détection d’une contamination dans un élevage donné. La quantité de virus infectieux excrétée par les oiseaux infectés varie également d’une espèce à l’autre.

Pour les souches virales circulant actuellement, il peut être indiqué schématiquement que :

– les palmipèdes sont plus réceptifs et excrètent davantage que les autres espèces. Leurs symptômes sont plus légers et leur mortalité moindre. Cette espèce tend ainsi à favoriser la circulation du virus du fait d’une excrétion préclinique pendant une période pouvant durer jusqu’à sept jours ou du fait d’animaux infectés pouvant demeurer asymptomatiques ;

– les dindes sont également une espèce très réceptive aux virus d’influenza aviaire , avec néanmoins un niveau d’excrétion estimé par les experts moindre en comparaison des élevages de canards ([6]). Les dindes sont fréquemment décrites comme une « espèce sentinelle », dont la mortalité très forte et très rapide permet d’identifier presque instantanément la contamination d’un élevage ;

– les autres galliformes sont moins réceptifs au virus mais, en cas d’infection, connaissent des symptômes plus manifestes et une mortalité plus élevée que les palmipèdes.

La France se caractérisant par la multiplicité des espèces élevées et, dans certaines régions, la densité de ces élevages, la stratégie de lutte contre l’influenza aviaire doit tenir compte de la sensibilité de chaque espèce aux virus ainsi que de la répartition des élevages sur le territoire.

2.   Un virus identifié en 1997 à Hong-Kong et qui n’a cessé de circuler depuis, sous différentes formes et dans le monde entier

Faut-il parler de grippe aviaire ou d’influenza aviaire ?

Dans le domaine médical et vétérinaire, le terme de « grippe » est réservé aux mammifères. On parle ainsi de grippe humaine, équine ou porcine. Les épizooties provoquées par les virus de type A étaient désignées par le terme « peste aviaire » avant la décision, en 1981, de remplacer cette désignation par celle d’« influenza aviaire », reprenant un terme italien utilisé dès la Renaissance.

Le premier virus influenza A aviaire a été isolé en 1955. Il est donc difficile de retracer avec certitude l’histoire de ces épizooties pour une période antérieure à cette date.

Le tableau ci-dessous retrace les principales épizooties d’influenza aviaire hautement pathogène entre 1959 et 1997 :

Source : Anses, Rapport sur l’influenza aviaire hautement pathogène à virus H5N1 d’origine asiatique, février 2008

Le virus H5N1 hautement pathogène (HP) pour les volailles de la lignée Gs/Gd/1/96 a été identifié en 1997 à Hong-Kong. Cette souche est aujourd’hui considérée, du point de vue phylogénétique, comme le précurseur connu de tous les virus H5N1 HP actuels ([7]). Il infecta 5000 volailles et 18 personnes, dont 6 décédèrent. L’abattage, en novembre 1997, de plus d’un million et demi de volailles permit d’endiguer provisoirement l’épidémie. Le virus continua néanmoins à circuler en Chine continentale.

Ce virus H1N1 HP a connu une diffusion internationale à compter de 2003, via la contamination d’oiseaux migrateurs. L’épizootie se répand d’abord à l’échelle régionale en Asie du Sud-Est, puis à l’échelle intercontinentale en 2005 et 2006, après qu’un des dérivés du virus initial (dénommé par la suite « clade 2.2 ») a causé un épisode de mortalité massive chez des oiseaux migrateurs sur le lac Qinghai, dans le Nord-Ouest de la Chine, en avril 2005. Ces virus ont ainsi connu, à compter de 2006, une diffusion hors de l’Asie du Sud-Est via la Mongolie, et de la Russie vers l’Europe de l’Ouest, y compris en France ([8]) avec infection d’un élevage de dindonneaux à Versailleux et via la Turquie vers l’Afrique (Égypte, Nigéria). Ils ont fait l’objet de réassortiments et se sont diversifiés en de nouveaux sous-types H5Nx hautement pathogènes (HP) et ont également évolué par mutations avec une diversification du gène H5 en différents clades et sous-clades avec notamment l’émergence en 2016 du sous-clade 2.3.4.4b (voir figure 1 ci-dessous).

Clades et sous-clades du virus H5N1 depuis 1996

Source : Cary/Science, cité par ITAVI

3.   Un risque de zoonose contenu jusqu’à présent, mais qui constitue une réelle menace

Les caractéristiques de ces virus et leur circulation planétaire rendent crédible le risque d’une évolution zoonotique des épidémies. L’Anses rappelle ainsi que « la lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène n’est pas seulement un enjeu de santé animale et de production avicole, mais également un enjeu de santé publique » ([9]).

Mme Van Der Warf, chercheuse et directrice du Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur, auditionnée par vos rapporteurs, a insisté sur ce point, soulignant que « le risque zoonotique est à prendre très au sérieux compte tenu de la capacité du virus à infecter différentes espèces de mammifères et également occasionnellement l’homme ».

La représentante de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), Mme Montserrat Arroyo Kuribrena, a rendu compte, lors de son audition, d’une « augmentation du nombre de cas détectés chez les mammifères, et les groupes de mammifères infectés », appelant à la plus grande vigilance. Entre octobre 2021 et mars 2023, 150 foyers représentant 638 cas ont été notifié à l’OMSA chez vingt‑trois espèces de mammifères dont les plus touchées sont les suivantes :

– le vison d’Amérique (409 cas dans un élevage en Espagne) ;

– le renard roux (102 cas au Canada, en Estonie, aux États-Unis d’Amérique, au Japon et au Royaume-Uni) ;

– le phoque commun (40 cas au Canada, aux États-Unis d’Amérique et au Royaume-Uni) ;

– la moufette rayée (38 cas au Canada et aux États-Unis d’Amérique).

En France, l’infection d’un chat par le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 a été confirmée par l’Anses fin décembre 2023 dans les Deux‑Sèvres ([10]).

Le rapport de l’Anses précité conforte les analyses d’un risque zoonotique : « Le nombre élevé d’évènements de franchissement de la barrière d’espèce des oiseaux aux mammifères constaté au niveau international durant cette année est un facteur indiquant la sélection de souches de virus IA possédant une virulence et une capacité de transmission accrues chez les mammifères. Ces évènements sont d’autant plus fréquents que les foyers IAHP se multiplient, occasionnant une multiplication des occasions de mutations et réassortiments, ainsi qu’une multiplication des occasions d’exposition des humains, ou d’autres espèces réceptives comme le porc (d’autant plus si elles se manifestent dans des zones à forte production animale). Ainsi la situation actuelle en lien avec la circulation accrue de ces virus IAHP doit inciter à la plus grande vigilance quant au risque zoonotique potentiel que ces virus représentent et justifie la nécessité d’une surveillance renforcée à l’interface homme-animal dans le cadre de la gestion de ces épizooties » ([11]).

Les risques de transmission du virus d’influenza aviaire entre espèces

Source : ITAVI

Mme Van Der Warf (Institut Pasteur) souligne également le risque de réassortiment avec des virus de la grippe humaine saisonnière ou encore à la faveur d’une introduction de virus influenza aviaire dans les élevages porcins, précisant que « les virus porcins ont été à l’origine des précédentes pandémies de grippe » (voir encadré ci-dessous).

Le porc : un hôte intermédiaire particulièrement sensible, susceptible de participer à une évolution zoonotique de l’épizootie

Le porc peut être infecté par des virus influenza porcins mais également par des virus influenza humains ou aviaires. Il peut donc devenir un hôte intermédiaire pour la transmission de virus influenza aviaires à l’homme, mais aussi servir de « creuset », où, à la faveur des co-infections, de nouveaux virus dits « réassortants » peuvent émerger (les virus réassortants possèdent des gènes issus de virus influenza de différentes origines). Ainsi, un grand nombre de souches différentes a été isolé au fil des ans via la surveillance effectuée dans les élevages de porcs. Globalement, des virus de trois sous‑types (H1N1, H3N2 et H1N2) circulent dans la population porcine, mais de nombreuses lignées génétiques (ou génotypes) se distinguent au sein de chacun de ces sous-types, selon l’origine de chacun des gènes viraux.

Source : Anses

B.   Une succession d’Épisodes Épidémiques de plus en plus frÉquents et graves qui dÉboucheNT sur des crises d’une ampleur inÉdite en 2021-2022 et 2022-2023

1.   Une dynamique qui tend à s’accélérer depuis les années 2000

Les épizooties tendent, depuis les années 2000, à s’accélérer et à s’amplifier. Elles sont à la fois plus fréquentes, plus longues, de plus grande ampleur géographique et touchent davantage d’espèces, avec de plus nombreux foyers tant dans la faune sauvage que domestique.

La France subit la première introduction du virus de la lignée A/goose/ Guangdong (Gs/Gd) d’IAHP H5N1 (clade 2.2) en 2006. Vingt-et-un pays d’Europe sont alors infectés. L’épidémie dure de novembre 2006 à avril 2007, avec une reprise en juillet. En France, 49 cas sont identifiés chez sept espèces sauvages. Un seul élevage de dindes est touché, dans l’Ain.

Depuis 2008, de nouveaux virus dérivés de virus H5N1 sont apparus par réassortiments avec des virus aviaires faiblement pathogènes aboutissant à des virus hautement pathogènes pour les oiseaux H5Nx (N2, N3, N5, N6, N8). En 2008, une première description de la sous-lignée 2.3.4.4 est établie en Chine. De 2013 à 2015 se diffusent plusieurs virus H5 de cette sous-lignée 2.3.4.4a : un virus H5N6 en Asie, un virus H5N8 qui entraîne une première vague épidémique en Europe et un virus H5N8 en Amérique du Nord, où il évolue en H5N2 et H5N1. La France est touchée par des virus H5N2 et H5N9 entre novembre 2015 et avril 2016. 77 élevages sont concernés, en particulier des élevages de canards. 50 % des élevages de canards gras sont infectés dans le Sud-Ouest ([12]).

Diffusion mondiale du virus de clade 2.3.4.4

Source : Dong-Hun, Lee & Bertran, Kateri & Kwon, Jung-Hoon & Swayne, David. (2017). Evolution, global spread, and pathogenicity of highly pathogenic avian influenza H5Nx clade 2.3.4.4. Journal of Veterinary Science. 18. P. 269-280

En 2016 survient une deuxième vague épizootique de virus H5N8 appartenant au clade 2.3.4.4b, identifié d’abord dans la faune sauvage en Russie avant de se répandre au travers des couloirs de migration vers l’Europe, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Inde notamment. Au fil des réassortiments, le virus évolue en H5N5 et H5N6.

Une nouvelle introduction de H5N8 est constatée en Europe centrale et orientale avec une circulation du virus entre décembre 2019 et juillet 2020.

Une résurgence du virus, sous la forme H5N1, survient en 2020-2021, puis 2021-2022, entraînant l’épisode épizootique le plus meurtrier en France avec 1378 foyers déclarés en élevage entre août 2021 et juin 2022 ([13]).

En France, un emballement des épisodes épizootiques, qui touchent de plus en plus de foyers domestiques

En France, le nombre de foyers domestiques a connu, au fil des épizooties, une augmentation forte et rapide : de 82 en 2016-2017, le nombre de foyers domestiques est passé à 492 en 2020-2021 pour atteindre le nombre historique de 1 378 foyers en 2021-2022. Si les cas en faune sauvage sont moins nombreux, ils suivent néanmoins la même courbe d’augmentation (voir infra).

2.   2021-2023 : des épidémies mondiales d’influenza aviaire d’une ampleur inédite

a.   Une expansion internationale du virus

L’Europe et le nord de l’Amérique ont connu, entre 2021 et 2023, le plus sévère épisode d’influenza aviaire de leur histoire. D’après les informations transmises à vos rapporteurs par l’OMSA, d’octobre 2021 à fin février 2023, 86 pays ont notifié ([14])  la présence de l’influenza aviaire hautement pathogène à l’OMSA. Ces pays sont majoritairement atteints par le sous-type H5N1 de clade 2.3.4.4B. Environ 5 000 élevages de volailles (pour 46 millions de cas) ont été atteints à travers le monde et près de 5 900 foyers ont été notifiés pour les oiseaux autres que la volaille, dont les oiseaux sauvages (418 000 cas). 245 millions de volailles ont été mises à mort dans les élevages atteints ou préventivement.

 

 

 

 

Répartition géographique des cas d’influenza aviaire répertorié dans le monde en 2022

Source : Food and Agriculture Organization of the United States (FAO)

Au sein de l’Union européenne, du 1er octobre 2022 au 7 février 2023, 609 foyers au total ont été détectés dans 18 États membres. La plupart de ces foyers étaient situés en France (45,5 %), en Hongrie (15,1 %), en Pologne (12,2 %) et en Allemagne (9 %) (voir tableau ci-après).

Répartition des foyers et des animaux atteints par l’influenza aviaire au sein de l’Union européenne du 1er octobre 2022 au 7 février 2023 ([15])

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Source : Commission européenne.

D’une ampleur géographique et d’une virulence croissantes, ces épizooties dont la fréquence s’accélère connaissent également un allongement de leur durée. Alors que les saisons 2015-2016 et 2016-2017 se caractérisaient par une circulation du virus limitée à la saison hivernale, la détection des premiers foyers a été plus tardive pour les épisodes les plus récents : début avril pour la saison 2020-2021 et mi-mai pour la saison 2021-2022. Les derniers épisodes d’IAHP ne se déroulent donc plus seulement en hiver mais également au printemps. La circulation du virus n’a pas connu de « trêve » estivale, contrairement aux périodes précédentes : des cas dans la faune sauvage ont été observés tout au long de la période, bien qu’aucun foyer domestique n’ait été identifié après la mi-mai (voir encadré infra).

b.   Une ampleur et une diffusion géographique sans précédent pour la France

i.   La diversité de l’aviculture française : une richesse mais aussi une fragilité face au virus

La filière avicole française se caractérise par une grande diversité d’espèces et de mode de production, ce qui constitue une exception au niveau international. La filière française élève ainsi des poulets (66 %), des dindes (19 %), des canards (13 %), des pintades, des pigeons et des cailles (2 %) (voir diagramme ci-dessous).

Source : ITAVI, site internet d’ANVOL

La filière se structure, schématiquement, autour de deux secteurs, qui diffèrent du fait de la nature de leurs produits finis et des outils de production associés : la filière volaille de chair (figure 2.), d’une part, et la filière œufs, d’autre part (figure 3).

Figure 2. Source : ITAVI

La France était le deuxième producteur de volailles de chair dans l’Union européenne en 2021, après la Pologne, avec 1,84 million de tonnes de volailles produites annuellement. 30 % de la production française sont exportés (volailles vivantes, viandes et préparations) et l’exportation en 2021, hors génétique, a représenté un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros à l’exportation en 2021. Mais, du fait notamment des conséquences de l’influenza aviaire ([16]) la France devrait reculer, en 2022, et n’être que le quatrième producteur de volailles de chair dans l’Union européenne.

Figure 3. Source : ITAVI. NB : TEOC signifie « tonne équivalent oeuf coquille » ([17])

La France était, en 2021, le premier producteur d’œufs dans l’Union européenne, avec une production de 15,7 milliards d’œufs (972 000 tonnes), représentant 15 % de la production européenne. L’Allemagne et l’Espagne suivaient de près, avec une production représentant 14 % de la production européenne. L’influenza aviaire devrait avoir de lourdes conséquences : la profession anticipait une baisse de la production de 9 % en 2022 ([18]).

Les régions Bretagne et Pays de la Loire constituent un bassin de production majeur de volailles de chair en France. Elles rassemblent plus de la moitié de la production de poulet, 60 % de celle de dinde et 80 % de celle de canard à rôtir. Les bassins de production secondaires sont les régions Nouvelle-Aquitaine et l’Auvergne-Rhône-Alpes pour le poulet (avec chacune un peu moins de 10 % de la production) et le Centre-Val de Loire pour la dinde (avec un peu moins de 15 % de la production) et la Nouvelle-Aquitaine pour le canard à rôtir (avec un peu moins de 10 % de la production) ([19]).

Cette diversité des espèces et leur concentration géographique tendent à favoriser la circulation du virus de l’influenza aviaire et l’emballement de l’épizootie.

La vulnérabilité de certaines filières de sélection mise en évidence
par la crise de 2021-2022

L’Anses souligne, dans son rapport d’appui scientifique de 2022 ([20]), que « l’épizootie survenue dans le Grand-Ouest a mis en exergue la fragilité de certaines filières de sélection qui, rassemblées en grande partie dans une zone très dense en élevages de volailles de tous types, se sont trouvées " prises dans la nasse " de cette épizootie, non seulement en termes de limitation des mouvements en zone réglementée, mais aussi en termes d’infection, plusieurs élevages de grands parentaux se retrouvant eux-mêmes touchés par l’IAHP (H5N1) (…) Une question à plus long terme [se pose] sur l’installation des élevages grands parentaux dans des zones les plus isolées possibles des élevages de production et de toutes les activités afférentes, ainsi que des zones humides. L’idéal serait un éloignement de ces élevages des zones à risque particulier (ZRP) et des zones à risque de diffusion (ZRD) ([21]). Inversement, il apparaît aujourd’hui nécessaire d’envisager une réglementation qui permette d’interdire l’installation de certains élevages à proximité des sites sensibles déjà implantés ».

En ce qui concerne la filière du foie gras, 100 % de la génétique mondiale se trouve concentrée dans la région Pays de la Loire, ce qui constitue une vulnérabilité en cas d’épizootie. 65 % du potentiel de production de mulards mâles ont été abattus au cours de la crise de 2021-2022 (source : CIFOG).

ii.   1 378 foyers épidémiques en 2021-2022 et plus 21 millions de volailles tuées ou abattues préventivement

En France, l’épizootie 2021-2022 constitue un évènement « hors norme ». Historiquement concentrée dans les départements du Sud-Ouest de la France (saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2020-2021), l’épizootie 2021-2022 a touché majoritairement la zone Grand-Ouest de la France, jusqu’ici épargnée. Un premier foyer d’influenza aviaire hautement pathogène a été détecté le 26 novembre 2021 dans un élevage commercial de poules pondeuses dans le département du Nord. Plusieurs départements du Sud-Ouest ont ensuite été touchés avec de nombreux cas dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, notamment. Alors que la situation commençait à se stabiliser dans le Sud-Ouest, les foyers d’IAHP ont fortement augmenté dans le Grand-Ouest à la fin du mois de février 2022. Deux départements (Vendée et Loire-Atlantique) ont connu une diffusion rapide du virus d’IAHP et la région Pays de la Loire a enregistré un nombre de foyers équivalent à plus du double de celui du Sud-Ouest. Entre août 2021 et juin 2022, 1378 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène en élevage ont été déclarés officiellement par la France, ainsi que 51 cas dans la faune sauvage et 35 cas en basse-cours ([22]).

Nombre cumulé de foyers en élevage au cours de l’épizootie 2021-2022
(d’août 2021 au 10 juin 2022)

Source : rapport de l’Anses 2022 précité

La synthèse des travaux effectués par l’Anses ([23]) souligne la diversité génétiques des virus IAHP A (H5N1) ayant contribué aux épizooties, qui témoigne du caractère multifactoriel des introductions du virus sur le territoire national : « Le sous-type A(H5N1) est le seul observé depuis novembre 2021 en France. Toutefois, les analyses phylogénétiques basées sur les génomes complets indiquent une très grande diversité génétique des virus IAHP A(H5N1) en France. Au niveau des génotypes (résultant de multiples réassortiments), au moins 8 génotypes ont été détectés depuis novembre 2021 (nommés arbitrairement FR1 à FR8), impliquant des introductions distinctes. De plus au sein d’un même génotype, les variations génétiques détectées entre certains virus impliquent également différentes introductions. En conclusion, la variabilité génétique constatée indique de multiples introductions au niveau national voire même local. En particulier, les deux épizooties qui ont sévi cet hiver dans le Sud-Ouest de la France puis dans le Grand-Ouest ont été provoquées toutes les deux par des virus IAHP A(H5N1) mais appartenant à deux génotypes différents (FR1 pour le Sud-Ouest et FR2 dans le Grand-Ouest) ».

Si les deux flambées épizootiques dans le Sud-Ouest et dans le Grand-Ouest sont d’origines différentes, leur schéma épidémiologique est similaire : introduction en élevage depuis l’avifaune sauvage et diffusion au sein des élevages de palmipèdes gras, puis diffusion multiple inter-élevages et inter-filières. L’Anses conclut que les facteurs qui ont contribué à cette diffusion hors de contrôle pour ces deux épisodes sont essentiellement :

– l’excrétion pré-clinique des virus par les palmipèdes infectés pendant plusieurs jours, ainsi qu’une manifestation très fruste de l’infection chez des galliformes, mettant en défaut la surveillance événementielle, la surveillance programmée n’ayant qu’incomplètement renforcé le dispositif. Cela a conduit à gérer des élevages infectés sans le savoir (sortie du virus par les activités quotidiennes, avec diffusion de proche en proche) et à déplacer des animaux asymptomatiques mais infectés, avec diffusion à plus grande distance ;

– la densité des élevages de palmipèdes dans le Sud-ouest et la grande diversité des espèces de volailles produites sur une même zone dans le GrandOuest, avec le croisement de l’ensemble des activités d’élevages, des intervenants et des mouvements de tous les maillons de ces filières ;

– même si des progrès importants ont été constatés en matière de biosécurité dans tous les maillons, et en dépit des efforts accomplis par les éleveurs (mise à l’abri des oiseaux notamment), des failles dans l’application des mesures de biosécurité quotidiennes et systématiques ont pu être constatées avec, notamment, une grande difficulté à appliquer les règles de biosécurité dans les exploitations avec de multiples petits bâtiments (Sud-Ouest) et une compréhension imparfaite des concepts de la biosécurité et de leur application (voir infra, partie II – B) ;

– l’insuffisance d’adaptation des mesures de biosécurité à l’organisation en élevage induite par la mise à l’abri des oiseaux (qui en elle-même n’a pas été une vaine mesure) ;

– la voie aéroportée à faible distance (notamment lors d’opérations générant beaucoup de poussières contaminées, d’autant plus si la densité de foyers est importante), qui ne peut être négligée, même si elle n’est pas prépondérante ;

– le maintien en activité d’élevages de palmipèdes reproducteurs infectés pour sauvegarder la génétique (grands parentaux) a pu contribuer à la diffusion du virus, le principe de « biosécurité inversée » (empêcher la sortie des virus de l’élevage) n’ayant pas été correctement intégré par les opérateurs (voir infra, partie II – B) ;

– le débordement des capacités d’euthanasie et d’élimination des cadavres, a contribué à la diffusion de l’infection, en maintenant des animaux infectés sur pied, avec des niveaux d’excrétion de virus très élevés.

La plupart de ces facteurs ont contribué à l’amplification exponentielle de la pression virale dans l’environnement des élevages, tous les vecteurs mécaniques biotiques et abiotiques, contribuant alors à la propagation de l’infection.

Pour la saison 2022-2023, le nombre de foyers détectés en élevage s’élèvent à 313 foyers entre août 2022 et mars 2023 ([24]) dont plus des trois quarts concentrés dans la région Pays de la Loire dans une zone à risque de diffusion (ZRD) à forte densité de volailles (notamment en Vendée et dans le Maine-et-Loire).

iii.   Un virus qui frappe durement et durablement l’avifaune sauvage, ce qui laisse craindre une endémisation de l’épizootie

L’influenza aviaire frappe durement l’avifaune sauvage, avec une ampleur inédite depuis le premier trimestre 2022. Ce phénomène est extrêmement préoccupant et constitue un tournant dans le déroulement des épizooties.

L’Office français de la biodiversité (OFB), qui s’appuie sur le réseau SAGIR ([25]) pour observer la mortalité dans la faune sauvage, souligne que cette évolution est liée à des changements épidémiologiques caractérisés par trois faits nouveaux importants :

1) l’apparition de clusters de cas en grand nombre ;

2) le maintien de la circulation virale malgré la montée des températures au printemps et à l’été, ce qui conduit à la contamination d’oiseaux très jeunes et très vulnérables ;

3) un spectre d’espèces fortement touchées différent de ce qui avait été observé jusqu’alors. Sur ce dernier point, les représentants de l’Anses ont souligné des mortalités importantes chez des espèces peu touchées lors des précédents épisodes épizootiques, notamment des sulidés, des laridées et des vautours en France et en Espagne.

Le début de l’année 2022 a été marqué par un épisode épizootique hivernal similaire à celui des années précédentes sur le plan épidémiologique. Les espèces touchées sont les anatidés essentiellement (cygne tuberculé, oie cendrée, tadorne de Belon et des canards souchet, siffleur et colvert) mais également des échassiers et oiseaux d’eau (spatule blanche, héron cendré, aigrettes, grèbe huppé, chevalier cul-blanc et bécasseaux).

À partir de mi-mars, en parallèle de la fin de l’épizootie hivernale, un nouvel épisode épizootique a été détecté avec la majorité des cas concentrés dans le Centre-Ouest sur la façade atlantique (Loire Atlantique et Vendée, puis Charente-Maritime).

Un nouvel épisode épizootique s’ouvre ensuite le 11 mai avec les premiers goélands morts détectés positifs dans la Somme (parc du Marquenterre). Une dispersion des cas vers le Nord et le Sud est ensuite observée, avec une souche de génotype FR91 particulièrement adaptée aux laridés : Goélands (argentés, marins et bruns) mais aussi mouettes rieuses et mélanocéphales, ou encore des sternes caugek avec des milliers individus observés morts sur le Platier d’Oye.

Indépendamment des autres épisodes, le 12 mai un premier vautour fauve est détecté positif dans le parc des Cévennes. Un génotype unique et spécifique est identifié, différent de ceux qui circulent encore en élevage, mais proche de celui des vautours en Espagne.

Un autre épisode commence le 3 juin dans la Somme avec des mortalités importantes sur les fous de Bassan, liées à un virus de génotype FR12. Le phénomène s’étend ensuite vers les départements voisins, à commencer par le Calvados avant de se poursuivre et s’intensifier au cours de l’été.

Influenza aviaire : le cas de la contamination des fous de Bassan de la réserve des Sept-Îles (été 2022)

Le cas des fous de Bassan de la réserve naturelle nationale des Sept-Îles, gérée par la LPO depuis 1912, constitue un exemple particulièrement frappant des conséquences graves de l’influenza aviaire sur l’avifaune sauvage. 19 000 couples de fous de Bassan, représentant 4 % de la population mondiale, y constituait l’unique colonie française. Des cas d’influenza aviaire sont apparus en juillet 2022, entraînant en trois mois la mortalité de milliers d’individus et un taux d’échec de la reproduction qui s’élève à 90 %.

https://www.lpo.fr/var/site/storage/images/_aliases/reference/8/9/1/0/340198-1-fre-FR/FcttnPQXEAE2beV.jpg

Source : LPO. Photos de la présence des fous de Bassan à l’île Rouzic. La première photo est prise le 2 août 2022 avant la survenue de l’épizootie (la présence des oiseaux est estimée à 718 individus), la deuxième est prise le 23 août soit 10 jours après l’observation du premier cas (la population des fous de Bassan est estimée à 249 individus) et la troisième photo date du 15 septembte, soit trente jours après l’identification du premier cas (il reste 49 fous dans l’île).

 

Ces vagues épizootiques soulèvent des inquiétudes réelles pour la faune sauvage. Par ailleurs, elles invitent à s’interroger sur l’endémisation ([26]) de la maladie et le changement de stratégie que cela imposerait.

3.   Comment expliquer l’emballement des épizooties d’influenza aviaire ? Une origine incertaine mais plusieurs pistes avancées

Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) a indiqué à vos rapporteurs que les causes de l’aggravation constante de ces épizooties d’IAHP, au niveau mondial comme français, n’étaient pas connues avec certitude à ce stade et faisaient actuellement l’objet d’investigations de la direction générale de l’alimentation (DGAL) en collaboration avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Les premiers éléments de réponse issus des travaux menés par le ministère et l’Anses semblent néanmoins mettre en exergue les particularités physiopathologiques des virus. Les trois dernières épizooties ont, en effet, été provoquées par des virus de même clade 2.3.4.4.b. La persistance de ce clade au niveau mondial au cours des dernières années et sa circulation désormais ininterrompue au sein de l’avifaune sauvage migratrice suggèrent un changement dans le profil épidémiologique de cette infection qui pourrait désormais se manifester par des réintroductions à l’origine d’épizooties récurrentes, voire à une endémisation du risque du fait d’une implantation virale au sein de l’avifaune locale sédentaire. En outre, le ministère souligne que l’excrétion pré-clinique du virus par les palmipèdes infectés pendant plusieurs jours (parfois sept jours) ainsi que l’expression clinique très frustre de la maladie chez les galliformes favorisent la diffusion du virus entre les élevages par l’intermédiaire de mouvements de volailles infectées mais asymptomatiques (voir supra).

D’autres pistes, plus systémiques, avancées par des chercheurs entendus par vos rapporteurs dans le cadre de leurs auditions et partiellement confirmées par l’Anses dans ses réponses écrites au questionnaire (voir encadré), méritent d’être prises au sérieux.

Mme Jocelyne Porcher ([27]) et MM. Charles Stépanoff ([28]) et Frédéric Keck ([29]), auditionnés par vos rapporteurs, ont ainsi établi un lien entre l’évolution du modèle d’élevage aviaire au niveau international et l’accélération des épizooties : « L’apparition et la transmission de virus hautement pathogènes (HPAI) sont favorisées par un contexte de production avicole très industrialisée. La volaille est la première viande produite et consommée dans le monde. L’industrialisation de l’aviculture a été opérée à partir des années 1960 (poules pondeuses en batterie, production dans des ateliers spécialisés puis intégration des producteurs dans des filières contrôlant l’amont et l’aval de la production). Le nombre d’élevage de poules a diminué de près de 90 % entre 1988 et 2010. 70 % des poules pondeuses se trouvent dans 12 % des exploitations ».

Cette croissante industrialisation des conditions de l’élevage aviaire est susceptible de favoriser la survenue et l’emballement des épizooties. Mme Lucile Leclair, journaliste et auteur de Pandémies, une production industrielle ([30]) indiquait ainsi, lors de son audition, que trois conditions d’élevage caractéristiques d’un modèle pouvant être qualifié d’ « industriel » constituent des facteurs de risque susceptibles de favoriser les épizooties et les zoonoses, voire les pandémies :

– le confinement, c’est-à-dire l’élevage dans des bâtiments fermés avec de fortes densités d’oiseaux ;

– la spécialisation, c’est-à-dire le fait que les animaux soient élevés sur différents sites de production en fonction de leur stade de développement, ce qui entraîne de nombreux déplacements de lots ainsi que des interventions multiples de personnes différentes, susceptibles de favoriser l’entrée du virus au sein de l’élevage. Les canards de la filière foie gras dans le Sud-Ouest naissent ainsi dans une première ferme, sont élevés dans une deuxième, gavés dans un troisième site et, enfin, abattus dans un quatrième. Ces déplacements démultiplient le risque de diffusion d’un agent pathogène ;

– la standardisation des animaux, c’est-à-dire la spécialisation des fermes qui n’élèvent qu’une espèce et une race, alors même que la diversité génétique contribue à la résistance des individus.

Contrepoint : l’analyse de l’Anses sur les fragilités et les forces du modèle intensif du point de vue des risques épizootiques IAHP

« Lorsque les contaminations par l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) se développent au sein des élevages intensifs, il faut noter que ceux-ci présentent à la fois des caractéristiques qui sont des facteurs de fragilité, et d’autres qui sont des facteurs de protection.

« Parmi les facteurs de fragilité, on peut noter la présence au même endroit d’un nombre élevé d’animaux qui sont potentiellement sensibles – en tous cas en l’absence de stratégie vaccinale, une grande homogénéité génétique des animaux mis en place qui peut contribuer à la large présence d’un génotype ou d’une espèce particulièrement sensible, le renouvellement très régulier des générations d’animaux au sein de l’élevage avec, toujours en l’absence de stratégie vaccinale, la mise en place régulière d’animaux sensibles, une organisation territoriale potentiellement optimisée, concentrant sur une même zone un certain nombre de facteurs de production (production d’aliment, bâtiments d’élevages, couvoirs, abattoirs, entreprises de collecte d’œufs ou d’animaux, centres de conditionnement), le cas échéant contribuant à des productions avicoles différentes, le tout induisant des flux importants de personnels, de matériels et d’animaux qui sont susceptibles de favoriser la diffusion de certaines souches virales pouvant être transmises d’un élevage à un autre.

« À l’inverse, le même type d’élevage présente également un certain nombre de caractéristiques favorables au contrôle de la maladie, à savoir un élevage souvent en bâtiment fermé ou sous abri, limitant les contacts avec l’avifaune sauvage et les risques d’introduction – en tous cas lorsque les autres aspects de la biosécurité (maîtrise des flux) sont également maîtrisés, une séparation physique fréquente avec le milieu extérieur qui favorise la mise en œuvre de la biosécurité (sas d’entrée, changements de tenue, restriction d’accès), un élevage pour les volailles de chair qui peut être basé sur une organisation " all in – all out " (livraison des poussins en une fois, départ vers l’abattoir en une fois, par opposition à un flux continu d’animaux destiné à organiser une production continue), qui limite le nombre d’allées et venues et d’intervenants susceptibles d’introduire le virus au sein de l’élevage, une rationalisation des pratiques sanitaires (harmonisation des pratiques, vaccination de masse y compris au couvoir, culture de la biosécurité en lien avec la prévention d’autres affections telles que les salmonelloses, effectif suffisant pour supporter le coût de surveillance) ».

Source : réponses écrites des chercheurs de l’Anses auditionnés par vos rapporteurs

L’évolution des couloirs migratoires, résultant du changement climatique, constitue également une piste qui doit être approfondie pour mieux comprendre et anticiper les évolutions et la récurrence des épizooties. Mme Van Der Warf (Institut Pasteur) soulignait ainsi, lors de son audition, les possibles effets de la désorganisation des migrations des oiseaux sur la diffusion du virus.

Quelles politiques publiques mettre en place face à une crise qui tend à se pérenniser et à une épizootie devenue endémique ? Quel bilan dresser des mesures de gestion de crise mises en œuvre jusqu’à présent et comment les adapter aux nouvelles caractéristiques de l’épizootie, tout en en assurant l’acceptabilité sociale tant pour les éleveurs et les acteurs de la filière que pour les consommateurs ?

 


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II.   uNE POLITIQUE de lutte contre l’Influenza aviaire stricte, qui n’a pas empÊchÉ un emballement de l’ÉpidéMie et une catastrophe sanitaire traumatisante pour les Éleveurs, fragilisant l’ensemble des filiÈres avicoles

A.   La politique sanitaire française conduite pour faire face À l’ÉpidÉmie

1.   Un cadre réglementaire en droit national qui découle d’exigences en matière de santé animale fixées par le droit européen

a.   Le cadre européen

En matière de lutte contre les épizooties, le droit français est établi en cohérence avec les règles fixées au sein de l’Union européenne. Celles-ci sont prévues par le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale, dit « législation sur la santé animale » (LSA), entré en application le 21 avril 2021. Ce corpus réglementaire définit les outils et moyens de lutte contre les maladies épizootiques majeures. L’influenza aviaire hautement pathogène fait partie des maladies de catégorie A visées par cette réglementation. La LSA fixe un certain nombre de grands principes et de règles, relatifs à la détection et surveillance des maladies, aux mesures de lutte prévues, aux règles applicables en matière de transport et de traçabilité ainsi qu’aux mesures d’urgence à adopter.

Comme l’indique l’article 1er du règlement 2016/429, le législateur européen entend garantir à travers la LSA :

– une meilleure santé animale à l’appui d’une production agricole et aquacole durable dans l’Union ;

– le fonctionnement efficace du marché intérieur ;

– une réduction des effets néfastes sur la santé animale, la santé publique et l’environnement, des maladies et des mesures prises pour prévenir ces maladies.

Ces mesures doivent tenir compte des rapports entre la santé animale et la santé publique, de l’environnement, y compris la biodiversité et les ressources génétiques de haute valeur, ainsi que les effets du changement climatique, de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, du bien‑être des animaux, de la sécurité alimentaire ainsi que des conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales découlant de l’application de mesures de lutte contre les maladies et de prévention.

Les règles concernant spécifiquement l’influenza aviaire sont précisées dans le règlement délégué (UE) 2020/687 de la Commission du 17 décembre 2019 complétant le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les règles relatives à la prévention de certaines maladies répertoriées et à la lutte contre celles-ci. Ce règlement comporte les règles à suivre en cas d’apparition d’une maladie de catégorie A (règles de biosécurité, surveillance, établissement de zonages, etc.). Elles sont ensuite déclinées par les États membres, qui disposent de certaines marges de manœuvre dans la définition de leur application.

Vos rapporteurs notent que l’uniformisation des règles applicables à l’échelle européenne peut parfois poser question. Entendus en audition, les représentants de la Commission européenne (direction générale de la santé et direction générale de l’agriculture) ont rappelé que la santé animale constitue l’un des piliers du marché intérieur et fait donc l’objet d’une harmonisation très poussée.  Si cela se justifie en effet au vu des règles du marché unique et de libre circulation, cette uniformisation conduit parfois à appliquer des règles similaires à des modèles différents, sans que cela ne s’avère toujours adapté. Vos rapporteurs regrettent également que les outils de parangonnage permettant de comparer les politiques de lutte contre l’influenza aviaire entre différents pays, y compris en dehors de l’Union européenne, ne soient pas suffisamment développés, malgré le rôle important joué par l’OMSA en matière de surveillance internationale.

b.   Un cadre européen décliné au niveau national

En droit national, la partie du code rural et de la pêche maritime relative aux mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers zoosanitaires a été refondue par l’ordonnance n° 2021-1370 du 20 octobre 2021, relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles.

L’article L. 221-1-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit ainsi que l’autorité administrative prend toutes mesures destinées à prévenir l’apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l’extinction des maladies animales, en conformité avec le règlement européen 2016/429 LSA précité. Des mesures supplémentaires peuvent également être prises ([31]).

Ainsi, la France, comme l’ensemble des États membres de l’Union européenne, précise les règles applicables telles qu’elles découlent du droit européen dans un corpus de textes réglementaires (arrêtés et instructions techniques principalement), régulièrement actualisés pour adapter les meures en fonction des retours d’expérience des crises précédentes et des spécificités de chaque épizootie. Ces règles forment un ensemble complexe, en vertu duquel les modalités de prévention et de gestion applicables varient en fonction du niveau de risque, de la zone géographique, des activités visées et des espèces animales concernées.

2.   Un dispositif de sécurité sanitaire qui repose sur l’évaluation du niveau de risque

Le dispositif sanitaire de lutte contre l’IAHP repose sur un indicateur de niveau de risque, en fonction duquel les mesures sanitaires applicables varient. Cet indicateur se fonde sur une évaluation du contexte épidémiologique de l’infection de l’avifaune par un virus de l’IAHP. L’arrêté du 16 mars 2016 relatif aux niveaux du risque épizootique en raison de l’infection de l’avifaune par un virus de l’influenza aviaire hautement pathogène et aux dispositifs associés de surveillance et de prévention chez les volailles et autres oiseaux captifs établit les règles applicables pour calculer le niveau du risque épizootique ainsi que les mesures de surveillance et de prévention applicables pour chacun de ces niveaux dans les exploitations du territoire national.

Trois niveaux de risque épizootique sont fixés par cet arrêté :

– négligeable ;

– modéré ;

– élevé.

Cette gradation est réalisée en fonction du nombre de cas d’IAHP dans l’avifaune sauvage et de leur répartition dans le temps et dans l’espace, du regroupement des cas sur le territoire national et dans les couloirs migratoires des oiseaux sauvages et de la distance du territoire national par rapport aux cas constatés dans les pays voisins. Le niveau de risque peut être régionalisé.

Les mesures de biosécurité applicables varient en fonction du niveau de risque et des zones concernées :

– dans les parties du territoire où le niveau de risque est négligeable, les mesures générales de biosécurité définies par arrêté du ministre en charge de l’agriculture s’appliquent ;

– dans les parties du territoire où le niveau de risque est modéré, des mesures renforcées de biosécurité définies par arrêté du ministre chargé de l’agriculture s’appliquent dans les zones à risque particulier (ZRP) et dans les zones à risque de diffusion (ZRD) ;

– dans les parties du territoire métropolitain où le niveau de risque est élevé, les mesures renforcées de biosécurité prévues par arrêté du ministre chargé de l’agriculture s’appliquent, y compris hors des zones à risque particulier et des zones à risque de diffusion.

Depuis le 8 novembre 2022, le niveau de risque est considéré comme élevé sur l’ensemble du territoire national : les mesures de prévention et de biosécurité sont donc généralisées.

Les zones à risque particulier et les zones à risque de diffusion

Les zones à risques particuliers ainsi que les zones à risque de diffusion sont des zones où, en raison des risques identifiés, des mesures spécifiques de biosécurité peuvent s’appliquer.

La liste de communes situées dans les « zones à risque particulier » (ZRP) ([32]) est annexée à l’arrêté du 16 mars 2016 précité. Il s’agit des zones humides situées sous les principaux couloirs de migration empruntés par des espèces identifiées comme ayant un rôle prépondérant dans la transmission des virus IAHP, où la probabilité d’introduction de ces virus depuis le compartiment sauvage est supérieure au reste du territoire.

En complément des zones à risque particulier, des zones à risque de diffusion sont également identifiées depuis 2021. La liste des communes concernées est en annexe de à l’arrêté du 20 septembre 2021 définissant les zones à risque de diffusion du virus de l’influenza aviaire. Il s’agit des zones dans lesquelles la probabilité que le virus de l’IAHP se propage d’un élevage à un autre, une fois le virus introduit dans la zone concernée, est supérieure au reste du territoire, notamment du fait des modes de production pratiqués et des espèces prédominantes.

La carte ci-dessous fait état des zones à risques de diffusion et des zones à risques particulier.

CARTE DES ZONES À RISQUE DE DIFFUSION (ZRD) ET DES ZONES À RISQUE PARTICULIER (ZRP) EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

Les mesures de surveillance du niveau de diffusion de l’épidémie reposent sur deux piliers, comme le prévoit l’article 5 de l’arrêté du 16 mars précité :

 la surveillance des oiseaux sauvages, à laquelle collabore les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les fédérations des chasseurs, les associations de chasse, les vétérinaires, les organisations en charge de l’observation, de l’étude ou de la protection des oiseaux sauvages, les gestionnaires des espaces publics ainsi que toutes les personnes fréquentant les milieux naturels. Cette surveillance est passive en temps normal, (surveiller les oiseaux sauvages trouvés morts, malades ou recueillis) ; dès lors que le niveau de risque est classé élevé ou modéré, la surveillance devient aussi active (oiseaux capturés ou tirés).

Le rôle de l’OFB en matière de surveillance de la faune sauvage et le réseau SAGIR

L’OFB a mis en place et pilote un réseau volontaire de surveillance épidémiologique et événementielle de la faune sauvage. Ce réseau est partagé avec la fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales des chasseurs. Dans ce cadre, des oiseaux trouvés morts sont collectés volontairement pour être amenés dans des laboratoires qui pourront faire des analyses, notamment d’influenza aviaire.

Depuis 2016, en supplément, la DGAL a délégué à l’OFB la surveillance de l’influenza aviaire de la faune sauvage, en application de l’instruction DGAL/SDSBEA/2021/855.

La loi sur l’avenir de l’agriculture de 2014 a confié aux agents de l’OFB la compétence en police sanitaire de la faune sauvage, pour réaliser les opérations de police administrative (mise en application des arrêtés ministériels et préfectoraux) et de police judiciaire (constat des infractions) relatives à la prévention, la surveillance et la lutte contre les maladies de la faune sauvage prévues par le code rural et de la pêche maritime (titre II du livre II du CRPM) Ces actions font l’objet de conventions avec la DGAL, autorité compétente sur ce domaine.

Les missions de surveillance de la faune sauvage de l’OFB sont effectués sur le réseau SAGIR, réseau de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres, déployé en 1995. SAGIR s’appuie sur les inspecteurs de l’environnement de l’OFB et sur des techniciens de fédérations de chasseurs. Dans chaque structure est désigné un interlocuteur technique départemental (ITD) qui est particulièrement formé aux investigations sanitaires, avec les bonnes pratiques de biosécurité qu’elles impliquent. Des consignes sont régulièrement diffusées à ces ITD pour orienter les actions de collecte qu’ils encadrent. Par exemple ils sont systématiquement informés des changements réglementaires de niveau de risque en matière d’influenza, et des procédures de collecte qu’il faut alors adapter (choix des espèces cibles, des seuils de mobilisation, des mesures de biosécurité adaptées) Concernant l’influenza aviaire, le ministère prend en charge l’essentiel des frais d’analyse, et la convention contient une indemnisation pour les frais de collecte. (indemnisation reversée aux structures locales). Les informations concernant les oiseaux collectés sont centralisées dans le système d’information piloté par le service SantéAgri de la direction de l’appui et de la recherche scientifique de l’OFB (Epifaune).

 la surveillance des volailles et des autres oiseaux détenus, qui incombe au détenteur d’oiseaux. Ce dernier doit déclarer au vétérinaire sanitaire tout comportement anormal et inexpliqué des oiseaux ou tout signe de présence du virus. Pour les troupeaux de plus de 250 oiseaux, des critères d’alertes doivent systématiquement faire l’objet d’une déclaration au vétérinaire sanitaire : multiplication par trois de la mortalité quotidienne, baisse de la consommation quotidienne d’eau ou d’aliment de 25 %, chute de ponte de plus de 15 % sur une journée ou de plus de 5 % par jour pendant 3 jours consécutifs. Le vétérinaire sanitaire est tenu de rechercher les causes de ces symptômes. En cas de suspicion d’IAHP, il prévient immédiatement le directeur départemental de protection des populations (DDPP).

3.   Des mesures de prévention récemment durcies, qui varient en fonction de la zone concernée, du niveau de risque identifié, des activités visées et des espèces animales

Les mesures de prévention sont définies par arrêtés et instructions ministérielles. Dans l’objectif de tirer les leçons de l’épizootie 2020-2021, le Gouvernement a formalisé la mise en place d’un retour d’expérience, dans le cadre d’une concertation de l’ensemble des professionnels de la filière d’élevage de volailles (groupements de production, syndicats agricoles…), des vétérinaires, des instituts techniques, de l’Anses, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse et de l’administration. Cet exercice a conduit à la signature, en juin 2021, d’une nouvelle feuille de route partagée mettant en perspective les actions à mener, tant du côté de la profession que du côté des services de l’État et des régions, pour préserver la France de la survenue et des effets d’une nouvelle crise. Cette feuille de route a été complétée à l’été 2022. Elle a eu pour principal effet de durcir le cadre applicable, en particulier concernant les règles relatives à la claustration des volailles. En parallèle, elle a instauré de nouveaux outils, avec notamment la délimitation de zones à risque de diffusion, permettant la mise en place de mesures de biosécurité spécifiques. Les orientations fixées dans la feuille de route se sont traduites par la publication du nouvel arrêté du 29 septembre 2021 relatif aux mesures de biosécurité ainsi que plusieurs instructions techniques, qui constituent aujourd’hui le cadre juridique prévu en matière de lutte contre l’IAHP.

a.   Les mesures de prévention applicables à tous, quel que soit le niveau de risque

Des règles précises et exigeantes sont détaillées dans l’arrêté du 20 septembre 2021 en matière de biosécurité. Celles-ci s’appliquent à tous, de manière préventive. Elles prévoient ainsi les règles relatives au nettoyage et à la désinfection des lieux, à la prévention contre les nuisibles, et aux entrées au sein de la zone d’élevage (pour les personnes et pour les véhicules) et à la collecte de cadavres.

L’arrêté prévoit également que la conduite en bande unique ([33])  est obligatoire dans toute unité de production. Après chaque bande, l’opérateur procède à un nettoyage suivi d’une désinfection et met en place un vide sanitaire. La durée du vide sanitaire est de 42 jours pour les palmipèdes en phase de gavage (PFG) pour les parcours extérieurs, de 14 jours pour les bâtiments d’élevage et de 48 heures pour les bâtiments d’engraissement. Pour les autres productions, les durées nécessaires sont précisées par instruction ou par des guides de bonnes pratiques d’hygiène validées.

Le propriétaire, le détenteur, ainsi que le personnel permanent de l’établissement ont l’obligation de suivre une formation continue en matière de biosécurité. Il incombe, le cas échéant, au responsable d’organismes de production avicole, y compris les couvoirs, de mettre en place cette formation.

Des dispositions spécifiques sont également prévues pour limiter les risques de contact avec la faune sauvage. Les parcours de volailles doivent être maintenus en bon état, l’accès des volailles aux mares, plans d’eau ou zones inondées est interdit, à l’exception des gibiers d’eau destinés à la remise en nature. Les parcours sont clôturés, excepté pour les protections de « volailles fermières élevées en liberté ». Des dispositions spécifiques à la qualité de l’eau, l’alimentation et la litière sont également prévues, de même que des règles relatives à l’évacuation du lisier, des fientes sèches et du fumier.

Les établissements à finalité commerciale sont tenus de déclarer par voie électronique le sorties et entrées de lots de volailles, dans un délai de 7 jours maximum suivant le mouvement. Lorsque le risque est élevé, ce délai est ramené à 48 h.

Pour le risque IAHP, des dispositions relatives aux obligations d’autocontrôle sont prévues pour les élevages de palmipèdes. Les frais de dépistage sont à la charge des opérateurs :

– des dépistages virologiques sont réalisés avant chaque mouvement pour les déplacements de lots de PFG en cas de transferts de sites ;

 en plus de ces dépistages, chaque unité de production de reproducteurs ou futurs reproducteurs de palmipèdes doit faire l’objet d’un dépistage sérologique annuel par le vétérinaire sanitaire.

L’ensemble de ces mesures de biosécurité sont déployées à l’échelle de l’établissement et font l’objet d’un plan de biosécurité obligatoire. Ce plan de biosécurité est évalué annuellement par un organisme tiers. Cette évaluation est renouvelée tous les deux ans en cas de conclusion favorable.

Pour accompagner les éleveurs dans la mise en place de ces mesures de prévention, des mesures d’accompagnement ont été déployées sur le terrain, notamment par les chambres d’agriculture et via les interprofessions. On peut ainsi citer l’outil Pulse, proposé à titre gratuit par l’Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole (ITAVI), qui permet aux éleveurs de s’auto‑évaluer concernant l’application des mesures de biosécurité. L’outil cible les points d’amélioration à court ou moyen terme et propose des voies d’amélioration, pour les éleveurs et les techniciens.

Contenu minimal du plan de biosécurité

Comme le prévoit l’arrêté du 29 septembre 2021 relatif aux mesures de biosécurité, à partir d’une analyse des risques d’introduction, de développement et de diffusion de maladies animales au sein de son établissement, tout propriétaire ou détenteur d’oiseaux définit un plan de biosécurité pour l’ensemble de son établissement. Le plan est consultable sur support papier ou électronique lors de tout contrôle et tenu à jour.

Ce plan doit contenir a minima les éléments ci-dessous :

1. Le plan de circulation incluant la délimitation de la zone publique et du site d’exploitation et des aires de stationnement et de lavage et les sens de circulation ;

2. La liste tenue à jour des personnes indispensables au fonctionnement des unités de production de volailles ou de détention d’oiseaux sauvages captifs, en précisant leurs fonctions ;

3. Le plan de gestion des flux dans l’espace ou dans le temps (circuits entrants et sortants des animaux, du matériel, des intrants, des produits et des sous-produits animaux) ;

4. Le plan de nettoyage-désinfection et de vide sanitaire, par unité de production (comprenant les protocoles et les enregistrements) ;

5. Le plan de gestion des sous-produits animaux ;

6. Le plan de lutte contre les nuisibles ;

7. Le plan de protection vis-à-vis de l’avifaune sauvage ;

8. Le plan de formation du propriétaire ou détenteur et du personnel aux bonnes pratiques d’hygiène (attestations de suivi) ;

9. La traçabilité des interventions des équipes de personnels temporaires (nom et coordonnées de l’entreprise, date et objet de l’intervention ; bons de livraison et d’enlèvement) ;

10. La traçabilité des bandes par unité de production (déclarations de mise en place, enregistrements de l’origine et de la destination) ;

11. La traçabilité des autocontrôles (nature et fréquence) sur la mise en œuvre du plan de biosécurité et les évaluations périodiques de l’application de la biosécurité par un organisme tiers ;

12. Les risques liés à la détention de volailles non commerciales ou d’oiseaux sauvages captifs.

Ces règles de biosécurité s’appliquent également aux parcs zoologiques, aux établissements à finalité commerciale détenant des volailles ou oiseaux captifs dans un but pédagogique, aux établissements de vente directe aux particuliers, aux établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi qu’aux établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

Pour les opérateurs détenant des oiseaux sans finalité commerciale ([34]), des mesures allégées sont prévues :

– aucune volaille ou oiseau captif d’un établissement à finalité non commerciale ne doit entrer en contact direct avec des volailles ou autres oiseaux captifs d’établissement à finalité commerciale ou avoir accès à un établissement à finalité commerciale ;

– toutes les mesures sont prises pour éviter les contaminations liées aux véhicules, autres animaux et personnes étrangères à l’établissement et pour limiter l’accès des bâtiments aux rongeurs, aux insectes et autres nuisibles ;

– l’approvisionnement en aliment et en eau de boisson est protégé des oiseaux sauvages ;

– la litière neuve est protégée et entreposée à l’abri de l’humidité et de toute contamination, sans contact possible avec des cadavres ;

– en cas de mortalité anormale, le propriétaire ou détenteur contacte un vétérinaire habilité pour une visite sanitaire de l’établissement ;

– les cadavres sont isolés et protégés avant leur enlèvement et le cas échéant, avant présentation au vétérinaire.

b.   Les règles supplémentaires applicables en cas d’élévation du niveau de risque

i.   La fin de la dérogation accordée en 2016

Si l’arrêté du 16 mars 2016 prévoyait déjà un principe de claustration des volailles en cas de risque élevé, une dérogation était prévue pour répondre aux spécificités des élevages en plein air : « Les exploitations commerciales de volailles ou d’autres oiseaux captifs et les détenteurs d’oiseaux de chasse au vol ou d’oiseaux d’effarouchement qui ne seraient pas en mesure d’appliquer les dispositions [relatives à la mise à l’abri] pour des raisons de bien-être animal, de technique d’élevage ou de contraintes liées à un cahier des charges répondant à un signe officiel de qualité peuvent demander une dérogation à la claustration ou à la mise sous filet. La dérogation est accordée par le préfet sur la base d’un compte rendu de visite du vétérinaire sanitaire de l’élevage concluant à l’application satisfaisante des pratiques de biosécurité renforcée. La visite vétérinaire est réalisée à l’initiative et aux frais du propriétaire ou du détenteur ».

À la suite des nouvelles orientations fixées par la feuille de route arrêtée en juillet 2021, le Gouvernement a mis fin à cette dérogation. Pour justifier cette décision, le Gouvernement s’appuie sur le bilan des inspections « biosécurité » de la période 2018-2020 en filière avicole, qui met en avant la difficulté d’appliquer la réglementation biosécurité dans les petits élevages indépendants. La feuille de route signale ainsi : « parmi les mesures-phares urgentes, l’une des principales concerne la suppression des dérogations à la claustration prévue par la réglementation actuelle au profit de modalités de mise à l’abri obligatoire en période à risque et de mesures de prévention basées sur une analyse de risques (audit biosécurité) ». L’arrêté du 16 mars 2016 précité a été modifié en conséquence.

ii.   Les règles applicables depuis 2021

Les conditions de mise à l’abri imposées aux établissements commerciaux sont précisées à l’annexe II de l’arrêté du 29 septembre 2021 relatif aux mesures de biosécurité, en fonction des modes d’élevage et des espèces élevées, et détaillées dans l’instruction technique (IT) DGAL/SDSBEA/2021-865 du 18/11/2021.

Les mesures de mise à l’abri décrites dans le tableau ci-dessous s’appliquent à l’ensemble des volailles gallinacées et palmipèdes dans les établissements à finalité commerciale, dès lors que le risque est élevé. Le principe général est celui de la mise à l’abri en bâtiment fermé pour toutes espèces et modes de production. Des atténuations sont prévues, sous forme de mise à l’abri allégée :

 pour les palmipèdes, des mesures de mise à l’abri en type abri léger sont possibles à partir de la cinquième semaine d’âge. Pour les palmipèdes élevés en circuit court autarciques, des parcours réduits sous filets sont autorisés sous certaines conditions ;

 concernant les gallus, pintades et dindes, ainsi que les gallinacés élevés en plein sous labels ou en agriculture biologique, des parcours réduits peuvent aussi être mis en place. Leur taille est réglementée en fonction du nombre de volailles. Avant 10 semaines, le parcours réduit doit faire l’objet d’une autorisation de la préfecture, après visite du vétérinaire sanitaire.

En cas de risque modéré, ces règles s’appliquent en ZRP. Pour les palmipèdes de moins de 42 jours, ces règles s’appliquent également en cas de risque modéré dans les ZRD ([35]).

 

Règles de mise à l’abri fixées par l’annexe ii à l’arrêté du 29 septembre 2021

ESPÈCES
& MODES DE
PRODUCTION

Conditions
de mises à l’abri des volailles

Types de mises à l’abri

Obligations de résultats vis-à-vis
des conditions de mise à l’abri

Toutes espèces et modes de production (exceptés ceux cidessous)

Bâtiment fermé

Bâtiment non accessible à la faune sauvage (entrées & sorties de ventilation, ouvertures…).
Bâtiment curable, nettoyable et désinfectable.
Conception permettant de prévenir tout phénomène de ruissellement entre extérieur et intérieur

PFG ([36])
(dès la 5ème semaine d’âge)

Bâtiment fermé (densité maximale de 6 PAE ([37])/ m2).

Bâtiment non accessible à la faune sauvage à (entrées & sorties de ventilation, ouvertures…)
Bâtiment curable, nettoyable et désinfectable.
Conception permettant de prévenir tout phénomène de ruissellements entre extérieur et intérieur

PFG
(dès la 5ème semaine d’âge)

Type « Abri léger » (densité maximale de 4  PAE/ m2).

Abri léger fermé aux extrémités par grillage ou filet, non accessible à la faune sauvage, curable.
Matériaux nettoyables et désinfectables.

PFG (élevés en système circuit court autarcique) entre 5 et 17 semaines d’âge (avec un seuil maximal de 1 500 animaux de cette tranche d’âge par exploitation et une densité maximale de 2 animaux au m2.

Oies reproductrices

Parcours réduit sous filet spécifique attenant à un petit bâtiment léger (60 à 120 m2 maximum) ouvert sur un côté.

Surface maximale du parcours « réduit » déterminé selon l’analyse des risques de l’élevage.

Filet spécifique à mailles fines « en toiture » et non accessible à la faune sauvage.

Absence de mares et zones inondées.

– Gallus, pintades et dindes en petits bâtiments (120 m2 de surface maximale) ou élevé en système circuit court autarcique
– Gallinacés élevés en « plein air », sous labels ou en agriculture biologique

– Parcours réduits de 500m2 maximum pour 1 000 volailles, à partir de la 10ème semaine d’âge.
– Avant la 10 semaine, parcours réduit de 500 m2 maximum pour 1 000 volailles maximum, sur la base d’une autorisation pour des motifs de bien-être constatés instruite par la DDPP après visite vétérinaire.

Surface maximale du parcours « réduit » limitée à 500m2 maximum pour 1 000 volailles.

Absence de mares et de zones inondées.

– Gibier (faisans, perdrix, cailles, colverts…)

Mise sous filet intégral

Filet en bon état, non accessible à la faune sauvage. Conditions spécifiques pour les colverts reproducteurs

Toujours dans l’objectif de limiter les contacts avec la faune sauvage, des conditions spécifiques relatives à l’alimentation et à l’abreuvement (mise à l’abri également) s’appliquent aussi et sont précisées au tableau de l’annexe II à l’arrêté du 29 septembre 2021.

Concernant les volailles et oiseaux captifs détenus dans des établissements à finalité non commerciale, lorsque le niveau de risque nécessite la mise en place de mesures renforcées de biosécurité, les oiseaux et volailles doivent être claustrés ou protégés par des filets.

 

Logigrammes des règles applicables aux palmipèdes et gallinacés en élevage commercial et détail des règles applicables pour les gallinacés

Les gallinacés en mode de production « plein air » détenus dans des établissements, dont aucune volaille vivante n’est vendue ou cédée en vif, peuvent être mis sur des parcours dont la surface est réduite (500 m2 pour 1 000 volailles soit une densité maximale à ne pas dépasser de 0,5 m2/volaille), selon les conditions suivantes :

Pour les volailles de chair :

les gallus (poulets, coqs, chapons, poulardes), pintades et dindes élevés en système « circuit court autarcique » ou élevés dans des établissements disposant de petits bâtiments de taille inférieure à 120 m2 :

– à partir de la 10ème semaine d’âge peuvent être mis sur des parcours réduits sans autorisation préalable ;

– avant la 10ème semaine d’âge, les volailles sont mises à l’abri dans un bâtiment fermé. Cependant, en cas d’atteinte au bien-être animal, constaté sur les volailles par un vétérinaire sanitaire, la sortie sur parcours réduit est possible après autorisation de la DDPP ;

les gallinacés élevés selon d’autres modes de production plein air que le système « circuit court autarcique » ou dans des petits bâtiments (120 m2), peuvent être mis sur des parcours réduits, à partir de la 10ème semaine d’âge, selon les modalités suivantes :

– dans la période du 15 novembre au 15 mars, uniquement pour des motifs de bien-être animal constatés par un vétérinaire sanitaire et après autorisation de la DDPP ;

– en dehors de la période allant du 15 novembre au 15 mars, sans autorisation préalable de la DDPP ;

– avant la 10ème semaine d’âge, cette catégorie de volailles doit être mise à l’abri en bâtiment fermé.

Pour les poules pondeuses :

– les poules pondeuses élevées en mode de production « plein air », quel que soit leur âge, peuvent, en cas d’atteinte au bien-être animal, constaté par le vétérinaire sanitaire, avoir accès à un parcours réduit après autorisation de la DDPP.

Source : Instruction technique (IT) DGAL/SDSBEA/2021-865 du 18/11/2021

c.   Les mesures spécifiques en zones à risque de diffusion (ZRD)

Les ZRD ont été définies dans l’objectif de pouvoir y appliquer des mesures de prévention supplémentaires, au vu des risques identifiés. Ainsi, comme le prévoit l’arrêté du 29 septembre 2021 définissant les zones à risque de diffusion du virus de l’influenza aviaire, les mesures suivantes doivent y être respectées :

– la claustration des palmipèdes de moins de 42 jours, dès que le niveau de risque modéré est atteint ;

 des règles spécifiques en matière de dépistage pour les palmipèdes en cas de risque élevé : un dépistage virologique IAHP est requis avant tout mouvement de lots de palmipèdes prêts à engraisser lorsqu’ils sont transférés d’un site d’exploitation vers un autre site d’exploitation dans les 72 heures précédant le mouvement ([38]). Les analyses doivent être réalisées par un laboratoire agréé ou reconnu et les frais relatifs au dépistage sont à la charge des intéressés ;

 les règles d’accès aux sites sont renforcées. L’accès des intervenants extérieurs est limité aux situations d’urgence ou de stricte nécessité. Les règles relatives à la désinfection des véhicules avant entrée et au départ de la zone professionnelle font l’objet de conditions particulières plus exigeantes que celles du droit commun.

d.   Synthèse des principales règles applicables en cas de risque élevé en fonction des espèces animales

Dès lors que les risques sont élevés, les mesures suivantes de biosécurité s’appliquent :

 mise à l’abri des oiseaux ;

 protection de l’alimentation et de l’abreuvement ;

 pour les galliformes élevés en plein-air : mise à l’abri en parcours extérieur autorisé ;

– surveillance événementielle des volailles ;

– définition de critères d’alerte pour les troupeaux de plus de 250 oiseaux ;

– déclaration de chaque entrée ou sortie dans un délai maximal de 48 h.

Dès lors que les oiseaux précités sont situés en ZRD :

–  accès des intervenants extérieurs à la zone professionnelle limité aux seules situations d’urgence ou de stricte nécessité ;

–  désinfection des véhicules à l’entrée et à la sortie de la zone professionnelle.

En plus des mesures applicables aux galliformes et palmipèdes maigres, pour les palmipèdes gras, un dépistage virologique doit être réalisé 72 heures avant le mouvement vers la salle de gavage. Les camions doivent être bâchés pour tout transport de palmipèdes de plus de trois jours. Les mesures de surveillance des lots sont renforcées, de même que les précautions sanitaires.

Les oiseaux détenus à des fins non commerciales doivent être claustrés ou protégés par des filets sur tous le territoire national ([39]).

Les rassemblements d’oiseaux sont interdits, sauf dérogations accordées par le préfet.

Pour les activités cynégétiques, le transport et l’utilisation d’appelants sont autorisés uniquement pour les détenteurs de catégorie 1 (moins de 15 oiseaux hors appelants) (voir encadré ci-dessous), les mouvements de gibiers à plumes sont soumis à conditions, et le lâcher de gibiers anatidés est interdit.

Activités cynégétiques :
les règles applicables aux propriétaires et détenteurs d’appelants

Les propriétaires ou détenteurs d’appelants sont soumis à une obligation de déclaration auprès de la fédération départementale des chasseurs. Les règles applicables varient en fonction du nombre d’appelants détenus et du niveau de risque. Trois catégories de détenteurs d’appelants existent, en fonction du niveau de risque, du plus faible au plus élevé ([40]). En outre, des règles spécifiques s’appliquent en cas de foyers et de zones réglementées (voir encadré infra).

En cas de risque modéré dans les ZRP :

– pour les propriétaires de catégories 1 et 2, le transport est autorisé sous réserve d’un transport inférieur ou égal à 30 appelants et sous réserve du respect de mesures de biosécurité ([41]). Pour les appelants résidents leur utilisation à la chasse est autorisée, à condition de ne pas avoir de contacts directs avec les appelants nomades transportés.

– pour les détenteurs de catégories 3, le transport est interdit. L’utilisation des appelants résidents sur sites est autorisée, sous réserve de mesures de biosécurité.

En cas de risque élevé :

– Pour les propriétaires et détenteurs de catégorie 1, le transport et l’utilisation des appelants sont autorisés sous réserve d’un transport inférieur ou égal à 30 appelants et du respect des consignes de biosécurité ;

– Pour les autres détenteurs ou propriétaires, le transport est interdit. L’utilisation des appelants déjà présents sur site est autorisée, sous réserve du respect des mesures de biosécurité.

La vaccination des oiseaux des parcs zoologiques ne pouvant être confinés ou protégés par des filets est rendue obligatoire dès que le niveau de risque modéré est atteint.

S’agissant enfin des pigeons voyageurs, les compétitions au départ ou à l’arrivée en France sont interdites jusqu’au 31 mars 2023.

4.   Les mesures de crise en cas de foyer : les zones réglementées

En cas de foyer suspecté ou détecté, un zonage spécifique est mis en place, dans le but d’éviter la diffusion du virus et d’éradiquer les foyers de contamination. Ces zones dites « zones réglementées », dont l’existence est prévue par le droit européen, se déclinent elles-mêmes en plusieurs emprises, formant ainsi des cercles concentriques autour du foyer : les zones de protection sont établies dans un rayon de 3 km autour du foyer. Les zones de surveillance, dans un rayon entre 3 et 10 km. Des zones réglementées supplémentaires peuvent également être définies([42]), entre 10 et 20 km.

Au sein des zones réglementées sont appliquées des restrictions de mouvement de certains animaux ou produits, ainsi que d’autres mesures de lutte contre la maladie, telles que les abattages de foyers ou les abattages préventifs.

Zones de protection (ZP), zones de surveillance (ZS)
et zones de surveillance supplémentaires (ZRS)

Source : Site internet de la préfecture de la Somme

En cas de suspicion, une zone réglementée temporaire (ZRT) est établie, dans un rayon minimal de 3 km à partir du foyer soupçonné. Les mouvements d’animaux, produits matériels ou substances susceptibles d’être contaminés sont interdits. Les mises à mort sont suspendues à une autorisation de la DDPP. En cas de nécessité, des dérogations peuvent être accordées par la préfecture sous réserve d’un transport direct et de la mise en place de mesures de biosécurité des personnes, véhicules et dans les établissements. En cas de confirmation du foyer, la ZRT bascule en zone de protection.

En cas de foyer avéré, une zone de protection est mise en place dans un rayon de 3 km autour de foyer, et peut être levée 21 jours après l’application des deux mesures suivantes :

– le dépeuplement du foyer suivi d’une désinfection préliminaire du site comprenant la décontamination des bâtiments, matériels et surfaces ;

– la surveillance par un vétérinaire de toutes les exploitations de volailles recensées dans la zone, qu’elles soient commerciales ou non commerciales ([43]). Dans les exploitations mixtes détenant également des porcins, ceux-ci doivent faire l’objet d’une surveillance et d’une inspection clinique afin d’identifier une éventuelle transmission du virus au cheptel porcin.

Une fois la zone de protection levée, celle-ci passe sous le statut de zone de surveillance.

La zone de surveillance est mise en place dans un rayon de 10 km autour du foyer identifié. Elle peut être levée à partir de 9 jours après :

– la levée de zone de protection ;

– la surveillance par un vétérinaire des exploitations de volailles, selon un plan d’échantillonnage.

La levée de la zone réglementée supplémentaire répond aux mêmes règles que celles applicables à la levée de la zone de surveillance : au plus tôt, 30 jours après la fin des opérations préliminaires de désinfection de l’exploitation du dernier foyer de la zone, après la réalisation de la première phrase des opérations de nettoyage et de désinfection dans les établissements foyers et en cas de surveillance officielle favorable des exploitations de la zone.

L’instruction 2022-851 a renforcé les mesures applicables en zones réglementées. Ces mesures portent sur la biosécurité, la surveillance renforcée, les restrictions de mouvement et interdiction des mises en place, l’interdiction des activités cynégétiques, les dépeuplements préventifs péri-focal et enfin l’abattage préventif autour des sites stratégiques de reproduction. Ces mesures s’appliquent à toutes les filières avicoles, dont la filière gibier et appelants.

Principales mesures concernant les activités cynégétiques en zone réglementée

 En zone de protection/zone de surveillance :

Chasse au gibier d’eau : interdiction

Chasse au gibier à plumes : interdiction en zone de chasse maritime, dans les marais non asséchés, sur les fleuves, rivières, canaux, réservoirs, lacs, étangs et nappes d’eau.

Lâchers de gibiers à plumes : interdiction avec dérogation possible pour les phasianidés depuis la zone de surveillance.

 En zone réglementée supplémentaire :

Transport et utilisation des appelants

Détenteurs de catégorie 1 :

Le transport et l’utilisation des appelants sont autorisés sous réserve d’un transport ou d’une utilisation d’un nombre d’appelants nomades inférieur ou égal à 30 et du respect des mesures de biosécurité renforcées. Ce seuil de 30 s’applique uniquement aux appelants nomades et ne s’applique pas aux appelants résidant sur le site de chasse de façon permanente.

Détenteurs de catégories 2 et 3 : Le transport des appelants est interdit.

L’utilisation des appelants est autorisée uniquement aux personnes ayant des appelants présents sur le site de chasse de façon permanente.

Si des appelants sont transportés, ils doivent appartenir à un seul propriétaire. Seuls ces appelants transportés doivent être attachés, il ne doit pas y avoir de mixité dans l’attelage avec les appelants présents sur place.

Chasse au gibier à plumes : pas de restriction.

Lâchers de gibiers à plumes : pas de restriction.

Lorsqu’il s’agit de cas confirmés dans la faune sauvage, des zones de contrôle temporaire (ZCT) sont mises en place ([44]), dans un rayon de 20 km autour des cas constatés. Ce zonage doit permettre de protéger les élevages de la faune sauvage. Les mesures renforcées déployées consistent en la récolte proactive de données relatives à la faune sauvage, et en l’abattage préventif autour des sites stratégiques. La biosécurité est renforcée, de même que les mesures de surveillance, les mouvements sont soumis à autorisation et les activités cynégétiques sont régulées. La zone peut être levée en cas d’absence de détection du virus dans la faune sauvage depuis au moins 21 jours ainsi qu’une visite vétérinaire avec conclusion favorable dans les lieux de détention d’oiseaux dans les 5 km autour du site contaminé.

B.   malgrÉ une mobilisation forte, des services submergÉs et des mesures peu acceptÉes par les filiÈres plein air et indÉpendantes

1.   Des services de l’État et des filières pleinement mobilisés mais submergés par l’ampleur de la crise

Malgré les protocoles de biosécurité de plus en plus stricts et les mesures d’urgence prises, force est de constater que l’épizootie n’a pas pu être endiguée. Face à l’ampleur de la crise, les services de l’État et l’ensemble des acteurs concernés ont été submergés.

Si la mobilisation a été sans précédent et mérite d’être saluée, des défaillances importantes sont à déplorer, notamment sur les conditions de mise à mort et de traitement des cadavres.

a.   Des équipes mobilisées mais débordées

Vos rapporteurs ont pu entendre lors des auditions et des déplacements de terrain de nombreux témoignages traduisant, le débordement des équipes concernées, le traumatisme des éleveurs et les failles de biosécurité, face à une crise épizootique d’une ampleur sans précédent. La Vendée constitue à ce titre un cas d’école, comme le détaille l’encadré ci-après.

 

Un cas d’école : l’emballement de la crise en Vendée pendant l’hiver 2022

Le déplacement de la mission d’information en Vendée a permis de prendre la mesure, tant auprès des services de l’État que des éleveurs, de l’ampleur de la crise épizootique survenue entre janvier et avril 2022, marquée par un emballement entre la fin du mois de février et la fin du mois de mars, au cours duquel les capacités de mise à mort et d’équarrissage ont été submergées.

Les caractéristiques des élevages aviaires en Vendée, en particulier leur densité dans une même zone et leur caractère multi-espèces, en font un terrain favorable à la transmission rapide du virus. La Vendée compte 3 000 élevages aviaires associés à 7 500 bâtiments et à un effectif global de de 35 à 40 millions de volailles. Un élevage moyen abrite 15 000 volailles appartenant souvent à plusieurs espèces.

La crise, décrite à la mission par les services de la préfecture, peut être décomposée en quatre phases de janvier à fin avril 2022 :

– phase 1 (du 2 au 23 janvier 2022) : les deux premiers foyers sont identifiés. La contamination a eu lieu via l’avifaune sauvage et les deux introductions correspondent à deux génotypes différents du virus IAHP H5N1.

– phase 2 (du 24 janvier au 25 février 2022) : huit autres foyers sont identifiés. Ils résultent également d’introductions par l’avifaune sauvage.

– phase 3 (du 26 février au 25 mars 2022) : l’épizootie connaît une phase d’emballement exponentiel, qui submerge les services de l’État et les filières. 22 suspicions de contamination sont communiquées à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) le week‑end du 26 et 27 février. Des foyers sont identifiés dans les départements limitrophes (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Deux-Sèvres) le 28 février. En un mois, 450 foyers sont détectés en Vendée, avec en moyenne 15 foyers par jour et des pics au cours desquels plus de 40 foyers par jour sont identifiés (voir histogramme ci-dessous).

– phase 4 (du 26 mars au 27 avril) : les 75 derniers foyers sont identifiés au cours de cette période d’un mois, marquant le ralentissement, puis la fin de l’épisode épizootique.

L’histogramme ci-dessous illustre le déroulement de la crise de l’hiver 2022. La courbe de gauche représente le nombre de foyers contaminés identifiés par jour tandis que figurent à droite le nombre de foyers contaminés par jour lors du deuxième épisode de grippe aviaire qui s’est déroulé un an plus tard. La comparaison des deux courbes permet de prendre la mesure de la véritable « flambée » épizootique de l’hiver 2022.

Lors de leur « retour d’expérience » sur cet épisode majeur de la crise, les services de la préfecture de Vendée ont indiqué aux rapporteurs avoir d’abord été dans l’illusion de maîtriser la situation et avoir cherché à combattre l’épizootie par les moyens habituels (mise à l’abri et dépeuplement rapides en cas d’identification d’un foyer, notamment). À partir du 26 février, la situation connaît un emballement tel qu’elle devient « hors de contrôle », selon le terme employé par M. Christophe Mourrieras, directeur départemental de la protection des populations (DDPP), qui qualifie cet épisode de « traumatisme » pour les éleveurs et les services chargés de la gestion de crise.

Les moyens d’abattage et d’équarrissage sont alors devenus très insuffisants pour faire face aux besoins. De nombreux éleveurs ont témoigné auprès de la mission avoir dû procéder eux-mêmes à la mise à mort de leurs animaux, en augmentant la température des bâtiments, en les plongeant dans le noir et en coupant l’aération, entraînant leur asphyxie. Concernant les carences en matière d’équarrissage, la DDPP a indiqué avoir rencontré de très lourdes difficultés et avoir dû recourir à des solutions ad hoc de gestion des carcasses, en mobilisant l’ensemble des acteurs et les collectivités territoriales. 174 fosses ont été creusées dans les élevages sous la supervision d’un ingénieur hydrogéologue. Les éleveurs, parfois sans protection particulière, ont dû procéder eux-mêmes à l’enfouissement des volailles mortes. Trois centres techniques d’enfouissement ont permis d’enfouir chacun mille tonnes de cadavres. Deux sites de stockage temporaires ont également été ouverts, ce qui constitue une solution nouvelle. La gestion de ces cadavres, par enfouissement limité dans le temps (24 mois concernant le site de Petosse), est aujourd’hui questionnée. Si des recherches sont actuellement menées avec l’Anses, la préfecture semblait douter de sa capacité à vider la fosse dans le délai qui lui est imparti.

 

Méthode de traitement des cadavres de volailles en Vendée (hiver 2022)

Méthode de traitement

Tonnage

%

Période

Particularités

Équarrissage

7 000 t

35

permanent

Voie normale

(privilégiée pour les autres départements :

maîtrise des foyers en périphérie)

Enfouissement en élevage

4 300 t

21

9/03 au 29/03

1/3 (174foyers sur 535)

24 t en moyenne par fosse de 20 t

Centre d’enfouissement technique (CET)

3 400 t

17

11/03 au 30/03

3 CET (1000t/CET)

Site de stockage temporaire

5 600 t

27

14/03 au 30/03 (T)

30/03 au 05/05 (P)

T : Tallud Ste Gemme 3200 t

P : Petosse 2400 t (900 t d’oeufs) pour une capacité totale de 15 000 t

Source : préfecture de Vendée

b.   Des difficultés associées aux opérations de dépeuplement

Lors des opérations de dépeuplement, les services de l’État et leurs opérateurs interviennent pour le ramassage et la mise à mort des animaux. Ces opérations sont réalisées par des vétérinaires mais également par des prestataires privés. Les équarisseurs interviennent pour la collecte des cadavres. De l’avis même de la direction générale de l’alimentation, « l’intensité de la crise 2021-2022 a fait que les moyens de mise à mort et d’élimination des cadavres ont pu être dépassés ».

i.   Les méthodes de mise à mort utilisées

Comme détaillé supra, les abattages de foyers sont systématiques dès lors qu’un cas est identifié au sein d’un élevage. Des mises à mort préventives sont également pratiquées dans les zones réglementées. Pour l’épisode 2021-2022, près de 22 millions d’animaux ont été abattus dont environ 7 millions d’animaux mis à mort dans le cadre d’un dépeuplement préventif, soit une proportion d’environ 30 %.

Les opérations de mise à mort sont des opérations particulièrement délicates. La programmation des chantiers de dépeuplements se fait quotidiennement dans l’urgence pour maîtriser l’expansion épidémique. Ces opérations impliquent de traiter plusieurs priorités en parallèle, telles que la maîtrise de la diffusion du virus pour la santé animale, la santé publique, l’environnement, la sécurité des opérateurs et le respect du bien-être des animaux.

Les équipes de vétérinaires et les prestataires du ministère associés ont été pleinement mobilisés conformément au guide de dépeuplement du plan national d’intervention sanitaire d’urgence (PNISU). Face au nombre de foyers, des moyens supplémentaires ont été employés, notamment à travers le recours à des sociétés néerlandaises ainsi que des moyens nouveaux de mise à mort.

Comme le détaille le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire dans une réponse écrite transmise à vos rapporteurs, « GT Logistics, titulaire d’un marché de prestations avec le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire est intervenu de façon majoritaire en utilisant une méthode par gazage CO2 en caisson (jusqu’à 6 équipes dans les élevages ou sur un site dédié). Des vétérinaires sont également intervenus dans le cadre de prestations organisées par les DDPP en pratiquant des injections létales (acte réservé aux vétérinaires). L’intensité de la crise 2021-2022 a fait que les moyens usuels de mise à mort et d’élimination des cadavres ont pu être dépassés et d’autres prestataires ont été sollicités comme une société néerlandaise pratiquant le gazage en bâtiment. Et lorsque l’ensemble des moyens de mise à mort à disposition (moyens techniques et humains) ne suffisaient plus et quand la maladie tuait déjà beaucoup dans le bâtiment, la DDPP a pu autoriser très exceptionnellement l’éleveur à couper la ventilation dans ses bâtiments d’élevage pour accélérer la survenue de la mort des volailles atteintes. La DDPP supervisait ces opérations de manière à ce que le recours à cette méthode de mise à mort respecte au maximum les autres prescriptions générales de protection animale ».

Les méthodes utilisées ainsi que les conditions dans lesquelles elles se sont déployées font l’objet de très nombreuses remises en cause.

ii.   Des méthodes contestées du point de vue de la biosécurité, du bien-être animal et du traumatisme pour les éleveurs

Les méthodes de mise à mort utilisées font l’objet de fortes critiques, relatives aux effets contreproductifs qu’elles ont pu avoir dans la diffusion du virus, du traumatisme qu’elles ont représenté pour les éleveurs et des problématiques qu’elles soulèvent du point de vue du bien-être animal.

Comme le souligne l’Anses, les opérations de mise à mort basées sur des protocoles nécessitant que les animaux infectés soient sortis des bâtiments d’élevage (par exemple, mise en caissons à C02 à l’extérieur du bâtiment) constituent des opérations à risque au cours desquelles il peut être difficile de maîtriser le risque de diffusion du virus. L’interprofession ANVOL met également en avant cette difficulté, en rappelant que ces opérations engendrent des mouvements de poussières et de plumes, favorables à la diffusion du virus. Selon Chambres d’agriculture France, en Pays de la Loire, des contaminations en chaîne à la suite de ces euthanasies ont été repérées.

Dans un certain nombre de cas, les éleveurs ont eu à procéder euxmêmes à l’euthanasie de leurs animaux, avec toute l’ampleur du choc psychologique que cela implique (voir infra ([45])).

En outre les abattages préventifs peuvent être particulièrement difficiles à accepter. Certains acteurs critiquent en tant que tel le recours à ces méthodes. Pour la Confédération paysanne, « les abattages dits " préventifs " et la gestion par les éleveurs et les éleveuses de l’euthanasie et de l’enfouissement des animaux dans les foyers ne passent plus ». Pour l’association CIWF, les abattages préventifs « sont à limiter au maximum, et à réaliser dans certaines conditions très strictes ».

Certaines des méthodes de mise à mort utilisées sont vivement décriées par les associations de bien-être animal entendues par vos rapporteurs. Pour l’association Welfarm, « tuer les volailles en coupant la ventilation dans le bâtiment pour les asphyxier est une méthode éthiquement inacceptable, l’agonie des oiseaux pouvant durer plusieurs heures. À notre connaissance, cette pratique ne semble pas commune dans les autres pays européens confrontés à de telles épizooties ». Selon l’association Compassion in World Farming (CIWF), « l’administration ne pouvant plus gérer l’euthanasie de la masse d’animaux contaminés ou qui pourraient l’être par principe de précaution, a demandé aux éleveurs l’arrêt de l’alimentation des animaux et/ou l’arrêt des ventilations pour provoquer la mort des animaux par asphyxie ».

CIWF indique également désapprouver les mesures suivantes :

 la mise en atmosphère soudaine sous forte concentration en CO2 d’un coup, est très aversive pour les animaux. La concentration doit augmenter progressivement pour que les animaux perdent connaissance avant de mourir ;

 la dislocation des cervicales et la décapitation ;

 les mousses à faible foisonnement qui provoque la suffocation des animaux.

Les associations soulignent aussi le manque de transparence et de détails sur les méthodes par caisson, qui empêche d’évaluer leur compatibilité avec les exigences en matière de bien-être animal.

c.   Un système d’équarrissage dépassé par l’ampleur de la crise, conduisant à des pratiques d’enfouissement et de stockage de cadavres, qui posent de nombreuses difficultés

L’équarrissage a montré ses limites en termes de capacité de collecte et de transformation lors de la crise sanitaire IAHP, en raison du nombre de foyers, de la taille des élevages et de la mortalité observée. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont cherché des solutions alternatives.

Selon la FNSEA, l’équarrissage a représenté un tiers de la gestion des cadavres, un autre tiers a fait l’objet d’enfouissement dans ces centres spécifiques et enfin le dernier tiers a été enfoui directement sur les exploitations.

Le Gouvernement fait quant à lui mention les méthodes alternatives suivantes :

– l’enfouissement au sein des élevages, correspondant selon le Gouvernement à 5 000 tonnes de cadavres ;

– l’utilisation de 5 installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND), représentant 4 000 tonnes de cadavres ;

– la création de deux fosses de stockage temporaire de cadavres de volailles et œufs (pour l’une d’entre elles) dans le département de la Vendée ([46]), représentant 7 000 tonnes de cadavres.

Les deux fosses de stockage temporaires créées en Vendée

Ces fosses ont été créées après avis d’un hydrogéologue et utilisées jusqu’au 10 mai 2022 pour l’une d’entre elles.

Le site basé à Tallud Sainte Gemme a réceptionné 3100 tonnes de cadavres de volailles et a été utilisé à sa capacité maximale. Cette fosse a été créée dans l’enceinte d’une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND).

Le site basé à Pétosse, sur un terrain appartenant à l’État et en concession aux Autoroutes du Sud de la France a réceptionné 3700 tonnes de cadavres de volailles, 390 tonnes d’œufs pour une capacité de 15 000 tonnes maximum.

Sources : données transmises par le Gouvernement

Une partie des tonnes de carcasses produites ont été transportées vers des départements indemnes. Plusieurs acteurs ont souligné le risque sanitaire attenant aux transports de cadavres, avec des exemples de faillites importantes des systèmes de sécurité (cadavres tombés du véhicule de transport sur un axe routier notamment ([47])). Les transports des animaux jusqu’au centre d’équarrissage ou d’enfouissement parfois éloignés du foyer sont à même de disperser des vecteurs du virus (poussières, plumes).

La question de la gestion des cadavres reste un vrai traumatisme pour l’ensemble des éleveurs concernés. Les délais de récupération des cadavres ont pu aggraver encore les situations. Comme le rapporte la FNSEA, « la profession ne veut plus jamais revoir des cadavres dans les bâtiments pendant une semaine avec odeur et le choc psychologique que cela représente ». L’ITAVI reporte des propos d’éleveurs : « Ce dont je me souviens, c’est ce silence de mort, et l’odeur ». Les enfouissements sur place, qui ont été largement pratiqués, ont été traumatisants et ont posé des difficultés en matière de biosécurité.

L’avis de l’Anses rendu en 2022 sur le bilan de l’épizootie souligne ainsi les conséquences graves liées aux situations de blocage et d’attente vécues au cours de cette épizootie. Ces circonstances ont provoqué de l’épuisement pour tous les opérateurs, mais également des situations incompatibles avec le respect de bien‑être animal, et sources de mal-être et de traumatisme pour les éleveurs. Elles ont aussi contribué à amplifier la pression virale dans l’environnement ([48]).

En outre, des questions se posent concernant les impacts sanitaires, environnementaux et sur la faune sauvage résultant du stockage des cadavres et des pratiques d’enfouissement sur site. Concernant cette dernière pratique, l’association Sauve Qui Poule la dénonce et soulève un certain nombre d’interrogations qui paraissent légitimes : « Qui contrôle ces charniers ? Sont-ils répertoriés, localisés, suivis ? Quelle conséquence de ces charniers sur la santé de la faune sauvage ? Qui contrôle et évalue les conséquences de la présence de ces charniers sur les territoires ? ([49]) ».

2.   Des protocoles de biosécurité mal adaptés aux spécificités du plein air, du bio et des petites exploitations

a.   Des contestations nombreuses au sein des filières plein air et des élevages indépendants quant aux règles de mise à l’abri imposées

La claustration des volailles est une mesure qui suscite un très fort rejet des éleveurs plein air et indépendants et fait l’objet de nombreuses critiques.

i.   Un impact psychologique et économique pour les éleveurs concernés

Pour de nombreux éleveurs plein air et indépendants, la fin de la dérogation sur le plein air actée dans le cadre de la feuille de route 2021 est perçue comme une mesure inadaptée et disproportionnée, en contradiction avec les efforts fournis ces dernières années par les différentes parties prenantes, avec notamment l’élaboration en 2018 d’un guide de biosécurité adapté aux petits élevages en circuit-court et/ou en autarcie, rédigé par des syndicats, instituts techniques, éleveurs, et approuvé par la DGAL.

La claustration engendre des difficultés économiques et psychologiques pour les éleveurs, à l’origine d’une défiance forte et grandissante, qui se traduit de plus en plus par le refus d’obéir aux règles fixées par l’administration.

L’impact sur les éleveurs est d’abord moral, avec une perte de sens et un sentiment de découragement que vos rapporteurs ont pu noter à l’occasion de leur déplacement. Cet impact est d’autant plus lourd que les éleveurs plein air sont engagés dans une démarche visant à promouvoir un modèle d’élevage respectueux du bien-être animal et de l’environnement.

Au côté de l’impact psychologique de ces mesures pour les éleveurs, la claustration représente un coût économique supplémentaire non négligeable, avec une augmentation importante de la consommation alimentaire ([50]) ainsi qu’un temps de travail accru (nettoyage, observation, gestion du picage, etc.). La claustration engendre également une surmortalité importante (voir infra), qui en plus des questions qu’elle pose du point de vue du bien-être animal, représente aussi un coût économique important pour l’éleveur. À cela s’ajoutent des investissements coûteux qui peuvent s’avérer nécessaires pour assurer la mise à l’abri des volailles.

Les mesures de claustration ne sont pas comprises pour beaucoup d’éleveurs plein air, qui considèrent que le risque épidémique est avant tout lié au modèle industriel et que la diffusion du virus est principalement le fait des activités humaines.

Cette défiance est à l’origine de refus de plus en plus nombreux d’appliquer les mesures de claustration, refus que vos rapporteurs ont pu constater sur le terrain. Selon la Confédération paysanne, « La grande majorité des éleveurs et éleveuses avaient décidé de respecter la claustration l’année dernière, dans l’espoir de contribuer à la maîtrise du virus. Mais cette année, alors que la diffusion du virus dans les filières industrielles est le premier facteur de la propagation de l’influenza, beaucoup d’entre eux et elles le refusent. En effet, avec près de 1 500 foyers en élevage alors que la claustration était obligatoire, l’épisode d’influenza aviaire de 2022 nous a bien montré que l’élevage en plein air n’est pas le responsable de l’épidémie ».

ii.   Des mesures problématiques du point de vue du bien-être animal

La claustration suscite de vives critiques concernant le respect du bienêtre animal. Entendue par vos rapporteurs, l’association Welfarm souligne ainsi le changement radical que représente la claustration pour les oiseaux habitués à vivre à l’extérieur, du point de vue de leur environnement, de leur rythme d’activité et de leur liberté de déplacement. Cette claustration est d’autant plus difficile du point de vue du bien-être animal que les volailles plein air n’ont pas été habituées à ce type d’environnement et que les exploitations concernées n’ont souvent pas, par définition, les infrastructures adaptées. Cette remarque vaut en particulier pour les plus petites structures. Ainsi, pour l’association Welfarm, « La situation est plus particulièrement difficile encore dans les élevages plein air conçus autour de bâtiments mobiles de faibles surfaces. Le risque de dégradation de la litière devient plus élevé́ du fait de la mise en claustration des animaux. L’entretien de la litière s’avère en effet plus conséquent pour l’éleveur, notamment en impliquant des recharges plus fréquentes. Or, une litière dégradée entraine de multiples problèmes de santé chez les oiseaux et donc de bien-être ».

La claustration est à l’origine d’un stress accru pour les volailles, qui engendre des comportements dangereux et peut accroître leur fragilité immunitaire. Des comportements préoccupants des volailles plein air claustrées sont observés par les éleveurs. Les adhérents de la fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) signalent un accroissement significatif du picage malgré la mise en place d’objets de divertissement (bidons, balles de luzerne), une augmentation de la consommation d’aliment, une augmentation des maladies type colibacillose du fait de la hausse de la densité en bâtiment, une baisse de la ponte et un accroissement de la mortalité. L’Anses relaie également cette problématique, en relevant les comportements de picage et de griffures importants pouvant rendre certains animaux impropres à la commercialisation, les baisses de production et l’augmentation de la mortalité des animaux. Les données transmises par le Synalaf à l’Anses montrent ainsi une augmentation du taux de mortalité de l’ordre de 6 % pour les lots mis à l’abri l’été, contre 2 % pour des lots élevés classiquement en plein air. Lors des déplacements de terrain, certains éleveurs ont signalé à vos rapporteurs des surmortalités allant jusqu’un tiers des effectifs ([51]).

Il faut noter que ces risques sont aggravés par le caractère endémique de l’épizootie, car les effets négatifs de la claustration sur le bien être des volailles sont proportionnels à la température extérieure. Les épisodes caniculaires sont ainsi des périodes particulièrement à risque.

iii.   Une information du consommateur insuffisante

La claustration des volailles pose également question du point de vue du consommateur. Des dérogations aux cahiers des charges des différents labels plein air ont été autorisées par l’administration afin de permettre aux éleveurs et producteurs de continuer à produire sous label de qualité (voir encadré ci-dessous).

Les adaptations et dérogations relatives aux cahiers des charges des différents labels plein air

L’article L. 642-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) permet une modification temporaire d’une condition de production d’une IGP pour faire face à une situation de catastrophe naturelle, de mauvaises conditions météorologiques ou d’application de mesures sanitaires. L’article D. 641-20-2 du CRPM prévoit qu’une modification temporaire d’une condition de production d’un cahier des charges d’une IGP est approuvée par un arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie.

L’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), qui gère les signes de qualité et de l’origine, a présenté une modification temporaire relative aux mesures sanitaires aux administrations concernées ainsi qu’aux professionnels membres de l’INAO lors de la commission permanente du comité national en charge des indications géographiques protégées, des Labels rouge et des Spécialités traditionnelles garanties (IGP-LR-STG) du 5 octobre 2022, qui l’a adoptée. Cette dérogation temporaire résultant d’une évaluation concertée entre les professionnels et les administrations concernées et répondant à un besoin impérieux des producteurs pour faire face aux restrictions sanitaires imposées par l’épidémie d’influenza aviaire coure jusqu’au 31 mai 2023, à l’exception de 2 produits festifs dont la période de production ne nécessitait pas une dérogation au-delà du 31 décembre 2022.

Ainsi 33 arrêtés ont été signés conjointement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’économie et des finances et publiés au Journal officiel du 4 novembre 2022. Des arrêtés similaires avaient été signés à l’occasion des précédents épisodes de grippe aviaire. Les modifications temporaires pour les IGP ont été ensuite communiquées à la Commission européenne dans les conditions fixées par le règlement délégué (UE) n°664/2014 de la commission du 18 décembre 2013.

En outre, à la suite d’une demande du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO, interprofession du secteur), une dérogation a été octroyée par la DGCCRF, le 29 décembre 2021, autorisant le maintien de la mention « œufs de poules élevées en plein air » sur les étiquetages des œufs et des denrées transformées en contenant, au-delà de la période de 16 semaines prévue par le droit de l’UE, dès lors que les œufs provenaient effectivement d’élevage « plein air » faisant l’objet de mesures de mises à l’abri. Des dérogations similaires avaient été accordées en 2017 et 2020 lors des précédents épisodes d’épidémie d’influenza aviaire. La dérogation du 29 décembre 2021 a été accordée pour toute la période d’application des mesures de claustration des volailles imposées par les autorités sanitaires. Ces mesures étant encore en vigueur, cette dérogation est donc toujours applicable.

Des produits étiquetés « plein air » peuvent être issus d’animaux élevés en claustration toute leur vie.

Interrogé par vos rapporteurs sur ce point, la DGCCRF a donné les indications suivantes :

 en ce qui concerne la viande de volaille, il n’a pas été prévu de disposition d’information spécifique ;

– dans le cas des œufs, d’emblée la dérogation nationale a été conditionnée à la mise en place, à l’entrée des commerces de détail et dans les rayons concernés, d’affichages portant l’indication : « poules élevées en plein air momentanément confinées à la demande des autorités ».

Le cadre réglementaire européen relatif à l’étiquetage de ces produits ([52]) prévoit que la possibilité que les mentions d’étiquetage relatives aux modes de production en extérieur puissent être maintenues temporairement en cas de restriction vétérinaire impliquant une restriction de l’accès des volailles au libre parcours et d’espaces extérieurs, dans la limite de 12 semaines pour la viande de volaille, et de 16 semaines pour les œufs. Ils ne prévoient pas de mesures d’information particulières.

L’information du consommateur paraît largement insuffisante, comme l’a souligné l’UFC Que Choisir au cours de son audition. Vos rapporteurs identifient ici un vrai risque dans le lien de confiance des consommateurs envers les filières sous signe de qualité plein air.

b.   D’autres mesures de biosécurité remises en cause

En plus des mesures de claustration, d’autres mesures sont également contestées en raison de leur caractère jugé inadapté aux spécificités des petits élevages plein air :

 le coût des analyses avant abattage pèse proportionnellement plus pour les petits éleveurs en circuit court, qui sortent leurs lots plus régulièrement. La Confédération paysanne et d’autres acteurs entendus sur le terrain font ainsi état de tests sanitaires imposés pour les élevages de canards et de dindes autour des foyers de contamination inadaptés aux petits élevages en circuit court, qui se rendent régulièrement à l’abattoir : les éleveurs doivent réaliser 20 écouvillons à leur charge à chaque départ d’animaux. Or les éleveurs indépendants, qui livrent en circuit court, font des livraisons une à deux fois par semaine sur de petites quantités (quelques dizaines d’animaux) ;

– les audits de biosécurité sont considérés comme inadaptés pour les petites exploitations ;

– l’obligation de notification électronique des entrées et sorties d’animaux (article 17 de l’arrêté du 29 septembre 2021) est aussi remise en cause : selon la Confédération paysanne, ces mesures « ont été pensées pour les filières organisées, sans tenir compte des impératifs propres aux élevages indépendants. Les éleveurs et éleveuses indépendants, qui sont les seuls à réaliser eux-mêmes les notifications, n’ont pas été consultés dans la construction pratique de ces mesures. En ressortent des obligations administratives totalement disproportionnées par rapport à la pratique du métier d’éleveur, mais aussi par rapport aux objectifs sanitaires de telles notifications. Par exemple, dans les élevages multi-espèces en circuit court, dont le modèle économique nécessite une à plusieurs sorties de lots par semaine, les exploitants doivent réaliser plusieurs notifications par semaine dans deux bases de données différentes pour des lots de quelques animaux ».

3.   Des disparités dans l’application des règles et les capacités de réaction en fonction des territoires

Les déplacements et auditions ont permis d’identifier certaines divergences d’interprétation des règles de la DGAL, source de crispation sur le terrain, en particulier pour les acteurs intervenant dans plusieurs départements. Selon l’institut technique ITAVI, « Certains DDPP sont très facilitateurs, d’autres sont vus comme trop précautionneux, plutôt dans les départements peu habitués, pas encore touchés et limitrophes des zones touchées ».

Le réseau des chambres d’agriculture signale également cette difficulté pour les conseillers des chambres, en particulier pour les circuits courts. Ainsi, l’APCA souligne que « des adaptations locales ont dû être trouvées sans réassurance réglementaire et parfois avec des règles différentes d’un département à l’autre induisant des distorsions de traitement entre producteurs (…) », le cas des écouvillons avant abattage est notamment cité. Des écarts de pratiques concernant la délivrance des certificats à l’exportation ont également été reportés lors des déplacements de terrain de vos rapporteurs.

Vos rapporteurs notent néanmoins les contradictions dans les demandes formulées par les différents acteurs, entre demandes d’harmonisation des pratiques et revendications pour davantage de souplesse et d’adaptation sur le terrain.

C.   Les Éleveurs en premiÈre ligne : Une grave dÉtresse psychologique et morale

Vos rapporteurs souhaitent insister sur les très lourdes conséquences psychologiques et morales des épisodes épizootiques pour les éleveurs. Les travaux de la mission ont été l’occasion de nombreuses rencontres au cours desquelles une véritable détresse s’est exprimée. Vos rapporteurs ont souhaité, dans le cadre de leur rapport, pouvoir rendre compte de la manière la plus directe possible de cette détresse en reprenant quelques-uns de ces témoignages « sans filtre » (voir encadré ci-dessous).

Paroles d’éleveurs

Dans le cadre de ses travaux, la mission a effectué plusieurs déplacements (dans les Deux‑Sèvres, en Vendée, en Indre-et-Loire et dans le Maine-et-Loire). Les rapporteurs ont rencontré, souvent dans leurs exploitations, des éleveurs ayant été confronté à l’influenza aviaire. Leurs témoignages permettent de prendre la mesure du traumatisme vécu par la profession.

« Quand on a été obligés de les confiner dans ce bâtiment, les premiers jours, ça ne s’est pas trop mal passé. Puis, je me suis mis à en ramasser, mortes, une, deux, trois, quatre par jour. Je n’étais pas serein (…) j’en ramasse deux, je les emmène chez Novalis. Pendant deux jours, en attendant les résultats, on n’est pas bien. Puis : ouf, les résultats tombent, ce n’est pas ça. En fait, elles étaient stressées, elles s’ennuyaient, j’avais un lot de poules extrêmement curieuses. Dans ce lot-là, à cause du phénomène de piquage, j’en ai perdu un tiers, un peu plus d’un tiers » Un éleveur de poules pondeuses en plein air en Indre-et-Loire.

« C’est invivable, il y a une pression qui est abominable (…) Nous, tout y est passé, toutes les dindes, les pintades, les poulets sont morts ». Un éleveur en Vendée.

« On était à 40 cas par jour signalés à la DDPP. Je me suis trouvé entouré d’exploitations atteintes par l’influenza aviaire, début mars. Je me suis dit : " je ne vais pas y échapper. On est tous à un kilomètre les uns des autres, avec des bâtiments dynamiques, c’est-à-dire de la ventilation ". Je me suis dit : " Ça va me tomber dessus ". Le 17 mars, je vois quelques morts : j’appelle le vétérinaire sanitaire. Il fait des analyses mais il dit tout de suite qu’il n’a pas besoin d’attendre les résultats et que c’est l’influenza aviaire. Là, quelle solution prendre ? Le problème, c’est que les services de GT Logistic, par exemple, étaient débordés, impossible pour eux de venir euthanasier. Le vétérinaire me dit clairement : " C., on se connaît un peu, il n’y a pas de solution d’euthanasie, soit tu as attends 15 jours, tu laisses tes animaux crever à petit feu, ils vont pourrir dans le bâtiment, soit tu coupes la ventilation ". Il me dit : " Ils vont asphyxier dans la nuit ". Par oral, on ne m’a fait aucun écrit. J’avais un voisin avec des animaux morts dans le bâtiment pendant 15 jours... J’en parle avec mes associés et je leur dis que moi, je ne veux pas le faire. Il n’y avait pas de solution. Les animaux allaient mourir mais personne des services d’équarrissage n’était disponible pour les ramasser Un de mes associés dit qu’il va le faire (…) On avait vu avec la DDPP pour les enterrer sur la ferme parce qu’il n’y avait pas de possibilité de les mettre ailleurs (...) Il a fait ce qu’on nous a dit, on les a asphyxiés mais il en restait mille de vivants. Un de mes voisins aussi avait eu cette situation, il a dit qu’il les avait dû finir à coups de pelle chez lui. Ensuite, on les a ramassés nous-mêmes, avec les voisins, sans masques, sans tenues de protection, il y avait quelques gants seulement apportés par le technicien. 18 000 poulets à ramasser, comme ça. Il y avait quand même un vétérinaire qui était là pour piquer les derniers vivants. On est allé enterrer ça dans une fosse à côté. Des conditions de travail, moi, je … Je suis allé à midi chez moi, j’ai mangé, je suis allé me coucher, je me suis mis dans le noir, je me suis dit : " Mais qu’est-ce que je viens de faire, là ? " Un éleveur de poulets de chair en Vendée.

La détresse morale et psychologique induite par la crise des deux dernières années s’inscrit dans le cadre plus large d’un mal-être de la profession agricole, sur lequel les autorités sont alertées depuis de nombreuses années. En 2015, 605 suicides étaient recensés parmi les assurés du régime agricole ([53]), soit un suicide tous les deux jours. Le contexte économique particulier de 2021-2022 a renforcé cette fragilisation des éleveurs, mis en difficulté par l’augmentation des coûts des matériaux et des matières premières consommables dans le prolongement de la crise du covid-19, de l’énergie fin 2021 et des céréales à compter du début de la guerre en Ukraine début 2022.

C’est dans ce contexte dégradé que surviennent les épisodes d’influenza aviaire de 2021-2022 et 2022-2023. Les termes employés par les éleveurs, les syndicats et les associations entendus par vos rapporteurs témoignent de la violence d’une expérience humaine extrêmement douloureuse : le collectif Sauve Qui Poule, par exemple, évoque, « la violence psychologique des abattages préventifs de volaille saine », « une mise sous pression psychologique créant un climat de peur et un sentiment d’injustice », « une perte de sens », voire chez certains éleveurs, « un dégoût d’élever ». Si le collectif applique plus particulièrement ces termes aux éleveurs en plein air, la réalité qu’ils recouvrent est celle vécue par l’ensemble des éleveurs rencontrés par vos rapporteurs, qui ont exprimé un sentiment profond de détresse et d’incompréhension.

Aux yeux de vos rapporteurs, les éleveurs victimes directement ou indirectement de l’influenza aviaire subissent une situation et un préjudice très spécifiques, qui doivent être reconnus en tant que tels. L’abattage, qu’il soit préventif ou en cas de contamination, de l’ensemble de son cheptel constitue un traumatisme particulier qui doit faire l’objet d’une prise en charge adaptée. Certains éleveurs ont d’ailleurs évoqué le souvenir de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) (dite « crise de la vache folle »), dans les années 1990, qu’ils avaient vécu personnellement, pour illustrer l’ampleur du choc vécu.

C’est d’abord la crainte de la contamination et l’appréhension qu’elle entraîne que rapportent les éleveurs lorsqu’ils évoquent les premiers jours des épizooties et les premières introductions du virus dans leur région. En Vendée, un éleveur, dont l’élevage avait été touché en premier dans le secteur où il est implanté, faisait part à vos rapporteurs de son profond sentiment de culpabilité et de sa crainte d’être responsable de la transmission de la maladie à d’autres élevages. Dans ce département où la densité des élevages est forte, les éleveurs rencontrés ont souvent expliqué à vos rapporteurs qu’ils avaient eu le sentiment d’« attendre leur tour », avec angoisse, persuadés qu’ils ne seraient pas épargnés par le virus. M. Sylvain Boisseleau (Jeunes Agriculteurs Vendée), approuvés par plusieurs éleveurs ayant vécu la même situation, concluait même que « Lorsque vous êtes atteint par la maladie, la nuit qui suit, vous dormez enfin. Il n’y a plus besoin de stresser, ça y est, le pire est arrivé ».

Certains éleveurs, touchés deux années de suite par les mesures sanitaires dans les zones réglementées ou par l’influenza aviaire au sein de leurs élevages, sont particulièrement atteints moralement. La crainte de voir repartir la maladie est omniprésente dans les zones touchées par les derniers épisodes.

Avant même que le virus soit identifié dans un élevage, c’est donc à une charge difficilement supportable d’anxiété et d’appréhension que sont confrontés les éleveurs. La peur de mal appliquer les mesures de biosécurité et d’être responsables d’une introduction du virus ou de sa diffusion sont également sources de stress et de souffrance au travail.

Dans un second temps, lorsqu’un élevage est effectivement atteint ou qu’un cheptel doit être mis à mort préventivement, la détresse des éleveurs s’exprime avec plus de force encore. La mise à mort de son cheptel, lorsqu’il est atteint par le virus est, pour l’éleveur, une souffrance. Cette souffrance se double d’un sentiment d’absurdité et d’inutilité lorsque l’abattage n’est pas justifié par la maladie directement, mais par des mesures de prévention.

Les défaillances dans la gestion de crise ([54]) ont redoublé cette souffrance, lorsque les éleveurs n’ont eu d’autre choix que d’effectuer eux-mêmes, dans des conditions désastreuses, la mise à mort et l’enfouissement de leurs animaux ou le maintien d’animaux malades et en souffrance dans les bâtiments pendant plusieurs jours (comme détaillé supra).

Les éleveurs en plein air ([55]) ont subi les mêmes préjudices mais ont également été contraints de renoncer à la spécificité de leur métier, souvent décrit comme une vocation, en mettant leurs volailles à l’abri. Comme déjà mentionné plus haut, le sentiment d’une perte du sens de leur métier, d’un renoncement forcé à leurs engagements en matière de bien-être animal et de qualité des produits proposés au consommateur et, dans certains cas, d’une forme de harcèlement administratif ont pu conduire certains à entrer dans l’illégalité ou à renoncer à leur activité et ont été vécu comme une injustice.

La situation des plus jeunes, récemment installés, est également particulièrement difficile. Certains n’ont même pas pu installer de volailles dans leurs bâtiments, du fait de la succession des épizooties, et se trouvent dans une situation économique incertaine et précaire. Très affectés par la situation, ils expriment un fort désarroi et sont inquiets pour leur avenir.

En outre, les difficultés de trésorerie auxquelles se trouvent confrontés les éleveurs, du fait des délais de paiement des indemnisations et de l’incertitude sur les taux d’indemnisations économiques pour la période 20222023, ont nourri une forte angoisse et des difficultés à se « projeter dans l’avenir », en particulier chez les jeunes récemment installés (voir aussi infra).

Les syndicats agricoles et les chambres d’agriculture ont insisté sur la détresse palpable des éleveurs exprimée au cours des nombreuses réunions organisées localement pendant l’épizootie. Ils ont indiqué que les responsables locaux ont été régulièrement amené à rencontrer les éleveurs afin d’assurer un soutien et un suivi psychologiques. De même, les services des préfectures ont précisé à plusieurs reprises à vos rapporteurs avoir maintenu des agents pendant de longues heures auprès d’éleveurs éprouvés, craignant que ceux‑ci ne mettent fin à leurs jours. Vos rapporteurs ont eux-mêmes rencontré des éleveurs – et, plus particulièrement, de jeunes éleveurs – très éprouvés par les abattages et les vides sanitaires et profondément déprimés. Il est essentiel, à leurs yeux, que les pouvoirs publics prennent la mesure des effets moraux et psychologiques dévastateurs de cette crise afin d’apporter, sur ce plan également, un soutien adapté.

Cette incompréhension et cette solitude ressenties par les éleveurs sont accentuées, dans certains cas, par le sentiment que la violence de leur expérience et la réalité très brutale à laquelle ils ont été confrontés sont occultées par un vocabulaire administratif euphémistique (« dépeuplement », « mise à l’abri »).

Les éleveurs rencontrés par vos rapporteurs ont également exprimé leur sentiment de s’inscrire dans une situation absurde et de gâchis : leurs élevages sont le fruit d’investissements de long terme, ayant bénéficié d’argent public, qui sont aujourd’hui inutilisés ou mis à mal alors que l’objectif de souveraineté alimentaire est, plus que jamais, mis en avant.

Cette situation morale est désastreuse en elle-même mais également pour l’avenir de la filière. Elle pèse lourdement sur la délicate question du renouvellement des générations, contribuant à rendre la profession peu attractive. Elle accélère, en outre, son abandon par les plus âgés et ceux qui disposent de ressources diversifiées : la FNSEA estime ainsi qu’en Vendée, près de 15 % des éleveurs de volailles auraient arrêté leur activité.

D.   Des consÉquences Économiques majeures pour l’ensemble de la filiÈre qui font peser un risque sur la souverainetÉ alimentaire et le renouvellement des gÉnÉrations, malgrÉ un systÈme d’indemnisation globalement saluÉ

1.   Des conséquences économiques importantes au niveau européen

Les abattages massifs ainsi que les restrictions de mouvements et les vides sanitaires ont eu des conséquences économiques majeures pour les filières concernées. M. Pierre Bascou, directeur chargé des marchés au sein de la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne, rappelait ainsi lors de son audition qu’en 2022 la production totale de viande de volaille dans l’Union européenne avait diminué d’environ 2 %, ce déclin étant particulièrement marqué en France, en Hongrie et en Italie. En outre, M. Pierre Bascou indiquait que les prix des poulets de chair se situaient à un niveau exceptionnellement élevé en France, supérieur de 17 % à la moyenne de l’Union européenne.

2.   Des conséquences économiques particulièrement fortes en France, pour l’ensemble des filières

a.   De lourdes conséquences économiques pour les filières avicoles

L’interprofession volaille de chair (ANVOL) dresse un bilan désastreux sur le plan économique de l’épizootie au cours des neuf premiers mois de l’année 2022 : plus de 5000 élevages ont été touchés pour plus d’un milliard d’euros de pertes économiques sur l’ensemble de la filière. L’interprofession indique qu’au cours de l’année 2022, hors Sud-Ouest, dix-neuf sites industriels ont été touchés, 2 000 salariés concernés par les conséquences de l’épizootie et près de 500 000 heures de chômage partiel ont dû être mises en œuvre ([56]).

La filière foie gras, durement touchée, a vu abattre 550 000 palmipèdes multiplicateurs soit 65 % du potentiel de production de mulards mâles et 66 000 grands-parentaux (70 %), ce qui a entraîné une pénurie de canetons. La filière évaluait le préjudice subi à 308 millions d’euros (M€) en décembre 2022 ([57]).

L’interprofession de la filière œufs, le Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), estimait en mai 2022 que trois millions de poules pondeuses ont été abattues, sur un cheptel national de 48 millions, ainsi que 800 000 poulettes (poules n’étant pas encore en âge de pondre). La filière estimait donc que la production d’œufs en France serait en baisse de 9 % pour l’année 2022.

Au total, le montant des pertes économiques pour l’ensemble des filières est estimé à 1,1 milliard d’euros environ pour la période 2021-2022, ce qui correspond au montant des indemnisations sanitaires et économiques mises en œuvre par l’État (voir infra).

L’Institut technique de l’aviculture (ITAVI) a transmis à vos rapporteurs, pour l’épisode 2021-2022, les estimations des pertes économiques suivantes pour les différentes filières :

Évolution des mises en place de poussins et la production d’œufs en 2022

 

 

unité

2021

2022*

% 22/21

Poulet

M têtes

814

767

-5,8%

Dinde

M têtes

39

34

-11,0%

CAR

M têtes

32

20

-36,0%

Pintade

M têtes

25

22

-14,3%

TOTAL chair

M têtes

910

843

-7,3%

dont SIQO

M têtes

139

128

-7,9%

Canard gras

M têtes

25**

17

-33,0%

Œufs

M d’œufs

15 677

14 435

-7,9%

Accouvage (éclosions)

M de poussins

1022

930

-9,0%

 

Évolution de la production alimentaire

 

 

 

L’influenza aviaire : de lourdes conséquences
sur les exportations de volailles françaises

En 2020, près de 60 % en valeur du total des exportations de viande de volaille française étaient destinés au marché européen, pour environ 590 millions d’euros, contre 40 % et 400 millions d’euros pour les exportations vers des pays tiers (quatre destinations représentent plus de la moitié des exportations : la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite, le Japon, et le Chili). Pour la génétique aviaire, la dominante est inversée, les exportations vers des pays tiers représentent 52 % en valeur, soit 60 M€ (avec six partenaires représentant plus de la moitié des échanges : le Vietnam, le Bangladesh, le Maroc, l’Égypte, la Tunisie et l’Algérie) contre 48 % et 54 M€ pour le marché intra-UE.

Une première estimation des pertes économiques à l’export a été réalisée par le CGAAER en 2021 ([58]) :

– environ 200 M€ pour la filière volailles de chair ;

– environ 7,4 M€ pour la filière foie gras ;

– environ 25 M€ pour la filière génétique aviaire ;

– environ 15 M€ pour la filière œufs et ovoproduits ;

– environ 4,3 M€ sur le secteur des plumes ;

soit un total d’environ 250 M€ de pertes à l’export (Source : CGAAER).

Cependant les filières estiment que les pertes à l’export seraient (largement) supérieures pour cette période.

– environ 400 M€ pour la filière volailles de chair ;

– environ 24 M€ pour la filière foie gras ;

– environ 105 M€ pour la filière génétique aviaire ;

soit un total d’environ 530 M€ de pertes à l’export

(Sources : SNA, FIA, CIFOG ; hors filière œufs et ovoproduits et secteurs de la plume).

b.   Des filières aval touchées par des conséquences « en cascade » de l’épizootie

Les conséquences de l’épizootie pèsent non seulement sur les élevages avicoles mais aussi sur l’ensemble de la filière – amont et aval – et des activités économiques connexes

De nombreuses activités, exercées par des prestataires auxquels font appel les acteurs de la filière avicole, sont ainsi affectées : les ramasseurs de volailles, les transporteurs (œufs, poussins, volailles, aliments, gaz), les fournisseurs de matériel avicole et d’aliments, les services de remplacement agricole, les abattoirs et l’ensemble des entreprises de l’agroalimentaire assurant la transformation des animaux ou produits de l’élevage.

Vos rapporteurs ne prétendent pas à l’exhaustivité dans leur analyse de ces effets économiques complexes et indirects mais souhaitent souligner ici, en s’appuyant sur les informations dont ils disposent, l’ampleur des conséquences économiques de l’influenza aviaire sur de nombreux secteurs.

Il faut noter, en outre, que certaines entreprises avaient subi, au préalable, les conséquences de la pandémie de covid-19, qui a entraîné une baisse d’activité et une augmentation de l’endettement, avec un recours aux prêts garantis par l’État (PGE). Avant même que ces conséquences n’aient été résolues, l’influenza aviaire a provoqué de nouveaux désordres se caractérisant, notamment, par la diminution de leur approvisionnement en volailles. Une attention particulière doit être apportée aux entreprises dans ces situations.

Concernant les entreprises d’alimentation animale, les baisses d’effectifs des cheptels de volailles entraînent très directement une baisse de production. Ces entreprises sont, dans le même temps, confrontées à la forte volatilité des matières premières résultant de la guerre russe en Ukraine, notamment. Des restructurations y sont à l’œuvre, sans qu’il soit, à ce stade, évident de distinguer les conséquences de l’influenza des autres causes mettant actuellement la filière en difficulté.

Concernant l’aval de la filière, la Fédération générale agroalimentaire (FGA) de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) indique ainsi que « pour les salariés des entreprises d’abattage et de transformation de volailles, on dénombre 465 000 heures chômées pour 20 000 salariés en 2022. Là encore, les conséquences sont plus ou moins marquées selon les productions : les sites de transformation de canard étant lourdement touchés faute de matière première, nombre d’entre eux étant complètement à l’arrêt ».

Témoignage : les conséquences de l’influenza aviaire sur une entreprise familiale d’abattage et de transformation en Mayenne

Le Gars Daudet est une entreprise familiale d’abattage et de transformation (traiteur-charcutier) installée depuis 1961 à Fromentières, en Mayenne. L’entreprise est dirigée par deux associés et compte une équipe de 11 personnes. L’activité d’achat et d’abattage de volailles a été complétée, en 2021, par une activité de charcuterie-traiteur.

Lors de son entretien avec votre rapporteur M. Philippe Bolo, le représentant du Gars Daudet a insisté sur le sentiment d’incohérence qu’il ressentait face à la situation : l’euthanasie de nombreuses volailles indemnes lui paraît particulièrement injustifiable dans un contexte d’inflation alimentaire et de difficulté d’accès à l’alimentation pour certaines familles.

L’activité d’abattage de l’entreprise a été très ralentie, voire arrêtée pendant six mois au cours desquels le coût du chômage partiel a représenté 10 000 €, dont 8 000 € pris en charge par l’État. L’entreprise a, en outre, dû supporter le coût des frais supplémentaires d’expert‑comptable nécessaires à son accompagnement dans le cadre de la crise.

L’activité de volailler de l’entreprise a également subi les conséquences de la crise sanitaire avec une impossibilité de s’approvisionner auprès des éleveurs locaux partenaires qui a entraîné un approvisionnement auprès d’autres éleveurs, pour des produits plus chers et de moindre qualité. Il en a résulté une communication auprès de la clientèle qui a pu, dans certains cas ; se détourner de l’entreprise. Les conséquences de la crise pourraient ainsi peser durablement sur l’image de l’entreprise.

Au total, le Gars Daudet a connu une baisse de l’abattage de 35 % sur la période et a commercialisé, dans le cadre de son activité de volailler, 20 % de volailles en moins.

Le dirigeant de l’entreprise a, enfin, souligné que les aides aux entreprises de l’aval mises en œuvre par FranceAgriMer ne leur avaient pas été accessibles : le calcul de l’EBE selon les critères attendus n’avait pu être effectué ([59]). Il estime que le dispositif est hors de portée des plus petites entreprises et que la nécessité de recourir aux services de l’expert-comptable viendrait diminuer le bénéfice de l’aide.

De nombreux professionnels se sont retrouvés en situation de chômage technique, comme les gaveurs de volaille. D’autres, comme les ramasseurs de volaille, qui sortent à la main les animaux vivants des bâtiments avicoles pour les conduire en camion à l’abattoir, se sont également trouvés dans une situation de chômage technique ou de fortes modifications de leurs conditions de travail. Une professionnelle dirigeant une entreprise de ramassage témoignait ainsi dans la presse : « 80 % de mes éleveurs se trouvent en Vendée, on ne peut plus intervenir dans ces élevages. J’ai trente-cinq salariés qui ne travaillent plus d’animaux vivants » ([60]).

Ces baisses d’activité et ce contexte difficile auront potentiellement des conséquences de long terme sur ces secteurs, avec des pertes de compétences et de main d’œuvre qui seront difficiles à contrebalancer. Découragés, beaucoup de professionnels décident, en effet, de quitter ces métiers, dans des secteurs déjà en tension.

Parallèlement à ces baisses d’activité, certaines tâches de nature sanitaire (prélèvements sur les animaux dans le cadre d’analyse, nettoyage, désinfection notamment), s’exercent dans des conditions de travail différentes et avec des exigences accrues. Le risque d’exposition aux produits chimiques, tout comme celui de troubles musculo-squelettiques est accentué, sans que ces effets soient toujours pris en compte dans le document unique d’évaluation des risques ([61]).

3.   Des tensions délétères entre les filières

L’épizootie d’influenza aviaire tend à nourrir des tensions, que vos rapporteurs jugent particulièrement délétères, entre les différentes filières de l’élevage aviaire. La filière palmipède est plus particulièrement l’objet de critiques, voire de rancœurs, du fait du nombre important d’élevages atteints par la maladie, de la réaction spécifique de cette espèce au virus et du rôle particulier joué par ces élevages dans la propagation de la maladie (voir supra).

Si ces caractéristiques particulières doivent être prises en compte dans la gestion des crises ainsi que dans la définition d’une stratégie de long terme, il paraît nécessaire à vos rapporteurs de rappeler que la diversité des productions est une spécificité française, fondamentale, notamment pour son modèle gastronomique. La solidarité des filières, malgré les tensions auxquelles elles sont soumises, doit donc absolument être préservée.

4.   Des mesures d’accompagnement socio-économiques jugées globalement efficaces, mais non exemptes d’angles morts

Les indemnisations économiques s’inscrivent dans un cadre européen, relatives aux aides d’État. Elles nécessitent, dans certains cas, une notification ou une information de la Commission européenne.

a.   Un dispositif d’indemnisation qui conjugue indemnisations sanitaires et économiques

i.   L’indemnisation sanitaire

Les pertes résultant de la destruction de la production contaminée par le virus, de la destruction préventive ou de la réforme anticipée de la production non contaminée pour prévenir le risque de diffusion du virus autour des foyers sont intégralement prises en charge dans le cadre des indemnisations sanitaires versées par les directions départementales chargées de la protection des populations (DDPP), sous l’autorité de la direction générale de l’alimentation (DGAL). La valeur marchande objective (VMO) des animaux abattus, mais aussi, sous conditions, la valeur des œufs détruits, les opérations de nettoyage/désinfection et les matériels détruits sur ordre de l’administration sont pris en compte pour déterminer le montant de l’indemnisation.

Les barèmes d’indemnisation ( ([62])) ont évolué pour tenir compte des spécificités des élevages de l’Ouest. Une note de service de la DGAL en date du 22 novembre 2022 ([63]) précise ces barèmes et les modalités de versement des indemnisations. Ces barèmes ont une portée nationale.

Dès que l’abattage prescrit par décision du préfet est effectif, un acompte sur indemnisation peut être versé. Cet acompte représente 75 % de la VMO (avec une marge d’ajustement de 5 %) pour la plupart des espèces et productions.

L’indemnisation est, néanmoins, soumise au respect des mesures de lutte ou de prévention conformément à la circulaire du 28 octobre 2022 relative aux réfactions des indemnisations aux propriétaires des animaux.

ii.   Les dispositifs d’indemnisation économique

L’épidémie engendre, par ailleurs, des pertes de chiffre d’affaires pour l’ensemble des opérateurs des filières avicoles (sélectionneur-accouveur, éleveurs, entreprises de l’aval et de services spécialisées) qui résultent :

– principalement des absences de production, liées, d’une part, aux interdictions de mise en place d’animaux en élevage dans le cadre de la gestion sanitaire de l’épizootie et d’autre part, à des difficultés de réapprovisionnement en poussins et canetons après les levées de restriction du fait de pénurie de l’offre au regard de la demande ;

– des pertes à l’export, notamment pour le maillon sélection‑accouvage pour qui la perte du statut « indemne » conduit à la fermeture de marchés d’exportation.

Les dispositifs d’indemnisation économiques, dont FranceAgriMer assure la gestion et le paiement, sont déployés pour couvrir ces pertes supportées par les différents mallons des filières avicoles. Ces dispositifs sont :

L’indemnisation repose sur la prise en charge d’une perte de marge brute journalière, calculée d’après les données comptables de l’éleveur sur une année de référence, l’année 2019. Les aviculteurs des zones réglementées au titre de l’épizootie 2021-2022 ont bénéficié d’indemnisations couvrant 100 % des pertes liées à l’allongement des vides sanitaires pendant la période de restrictions (dispositif dit « I1 »). Ces aides ont été complétées par un dispositif dit « I2 », qui couvrait 100 % des pertes dues aux éventuelles difficultés de remise en place jusqu’à 150 jours après la levée des restrictions. Pour pouvoir en bénéficier, il était nécessaire de reprendre une activité de production au plus tard le 31 mars 2023. Le montant des aides pouvait être réduit en cas de non-respect des règles de biosécurité. Le calcul de l’indemnisation est fondé sur le nombre de jour de vide multiplié par la marge brute journalière, établie selon différentes modalités de calcul en fonction de l’espèce et du circuit de commercialisation (filière courte ou longue).

Le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, a annoncé le 24 février 2023 l’évolution des taux d’indemnisation des pertes économiques avec des taux à 90 % pendant la période de restrictions sanitaires (I1), à 50 % dans le cadre général avec une majoration à 90 % sous certaines conditions à la levée des restrictions sanitaires (I2) et à 80 % pour les exploitations qui seront concernées par des plans de réduction des densités, ce qui suscite l’inquiétude de plusieurs des professionnels rencontrés lors des déplacements de vos rapporteurs (voir infra, III du présent rapport).

 

Les entreprises de sélection et d’accouvage peuvent prétendre à cette aide si elles répondent au moins à l’une des conditions suivantes concernant le siège de l’entreprise ou l’un de ses établissements :

–  avec les communes situées en zone réglementée ;

–  ou en exportant directement vers des pays tiers ayant pris des décisions de fermeture motivées par l’épizootie d’influenza aviaire en vigueur au 1er décembre 2021 ou ayant pris de telles décisions depuis le 1er décembre 2021 ;

–  sur la période du 1er décembre 2021 au 31 juillet 2022 au regard de la même période en N-3 pour le cas général ;

–  sur la période du 1er décembre 2021 au 31 octobre 2022 au regard de la même période en N-3 pour les entreprises dont une partie du cheptel reproducteur, dont elles sont propriétaires, a été abattue sur décision administrative ;

Les éleveurs de cheptel reproducteur de volailles (dont gibier à plumes) étaient également éligibles, à condition de respecter les critères cumulatifs suivants :

–  sur la période du 1er décembre 2021 au 31 juillet 2022 au regard de la même période en N‑3 pour le cas général ;

 

–  sur la période du 1er décembre 2021 au 31 octobre 2022 au regard de la même période en N-3 pour les éleveurs de cheptel reproducteur de volailles ayant dû abattre une partie du troupeau dont ils sont propriétaires sur décision administrative ([64]).

Ce dispositif est destiné aux très petites entreprises (TPE) ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises (PME) ayant une activité d’élevage de poules pondeuses et commercialisant les œufs issus de cette activité dont un bâtiment d’élevage au moins est situé dans une zone réglementée dans laquelle des restrictions spécifiques ont été mises en place pour les mouvements d’œufs de consommation dans le cadre de l’épizootie d’influenza aviaire 2021-2022 et justifiant de la destruction d’œufs de consommation à titre onéreux dans la période de restriction sanitaire ou de pertes liées à la non-valorisation ou la moindre valorisation d’œufs de consommation sur cette période. L’aide est plafonnée à 150 000 € par entreprise.

Dans les zones règlementées (ZR) les entreprises avicoles d’abattage, les centres de conditionnement d’œufs et les entreprises de transformation d’œufs et de volailles et les entreprises de services spécialisés (transport, nettoyage, alimentation animale, etc.) travaillant directement pour le secteur volaille. Les critères d’éligibilité sont les suivants :

– avoir un minimum de 50 % de l’EBE du dernier exercice comptable clos en 2021 réalisé auprès d’entreprises des filières volailles ou issu de l’abattage ou de la transformation de volailles ou du conditionnement ou de la transformation d’œufs. Dans cet EBE, un minimum de 50 % doit être réalisé auprès d’une clientèle domiciliée dans la ZR ;

– avoir subi une baisse d’EBE sur les activités liées aux filières volailles de la ZR d’au moins 30 % entre la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 (année civile) et la période de 12 mois du dernier exercice clos en 2021. L’activité sélection-accouvage est exclue des activités servant au calcul de l’EBE ;

– avoir un EBE global de l’entreprise sur l’ensemble de ses activités de l’année civile 2022 inférieur en valeur à l’EBE global sur le dernier exercice comptable de 12 mois clôturé en 2021.

Les entreprises sont éligibles indépendamment de leur taille et de leur implantation géographique. Les entreprises localisées en zone indemne mais dont l’activité dépend directement de la ZR peuvent être éligibles si elles respectent les critères mentionnés ci-dessus.

Au total, l’épizootie 2021-2022 a nécessité la mobilisation de moyens financiers prévisionnels sans précédent avec près d’un milliard d’euros d’indemnisations dont 245 M€ pour le volet sanitaire (y compris 90 M€ de cofinancement européen) ([65]).

Bilan des indemnisations étatiques déployées au cours des épisodes d’influenza aviaire
(en euros), hors soutien à l’activité partielle.

 

Sanitaire DGAL (M€)

Économique – DGPE (M€)

M€

M€

Année (hiver)

sanitaire

sélection-accouvage

amont (élevage)

aval et services spécialisés (dont ATR)

Total économique

Total

dont part UE

2015-2016

25

20 

59,8

21,5

101,3

126,3

30

2016-2017

72

22,9

70,7

15,4

109

181

51

2020-2021

47

13,5

68

31,2

112,7

159,7

31,3

2021-2022*

245 

120

528

150

798

1 043

90

2022-2023**

50 

 

 

 

 

 

 

Total (en M€)

439

176, 4

726,5

218,1

1 121 

1 510

202

*Le déploiement des dispositifs économique et sanitaire étant en cours, les montants présentés correspondent aux enveloppes ouvertes.

** estimation crise en cours.

ATR : apport de trésorerie remboursable.

Source : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

iii.   Des lettres de confort du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a mis à la disposition des éleveurs et de l’ensemble des entreprises attendant de percevoir leurs indemnisations économiques des « lettres de confort » à destination des banques, afin de les rassurer sur la solvabilité de ces acteurs.

iv.   Les dispositifs de droit commun

Au-delà de ces dispositifs d’indemnisation économique, les entreprises concernées peuvent également recourir à des dispositifs de droit commun tels que l’activité partielle (AP) ou l’activité partielle de longue durée (APLD).

v.   La mobilisation du Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE)

Le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE), auquel contribuent les agriculteurs au travers de leur cotisation à la Mutualité sociale agricole (MSA) déploie actuellement un programme d’indemnisation des coûts et pertes résultant en 2020/2021 des mesures de lutte obligatoire contre l’IAHP pour les élevages situés dans la zone indemne et les élevages nouvellement installés, afin de répondre à certaines limites auxquelles se heurtent les dispositifs d’aide d’État. Ce programme est financé à 70 % par la section aviculture-cuniculture et à 30 % par la section commune du FMSE.

Le programme d’indemnisation s’adresse a) aux élevages situés en zone indemne justifiant d’un lien commercial avéré avec les zones réglementées b) aux nouveaux installés justifiant d’un plan d’entreprise et dans l’impossibilité de démarrer leur production au moment de la mise en place des mesures de restriction c) aux élevages situés en zone réglementée justifiant d’un ou plusieurs lots immobilisés sur pied et conservés plus longtemps que la normale et n’ayant pas subi de vide sanitaire.

Les coûts et pertes pris en charge entre le 1er décembre 2020 et le 30 novembre 2021 sont les suivants :

– les pertes de production, sur la base de la perte de marge brute ;

– les coûts d’immobilisation des volailles abattues tardivement, sur la base de barèmes issus de l’ITAVI.

vi.   Le rôle complémentaire des collectivités territoriales

En matière de soutien socio-économique, les collectivités territoriales se sont également mobilisées, à l’instar de Mauges Communauté, dont l’un de vos rapporteurs a pu rencontrer les représentants. Ainsi, Mauges Communauté a mis en place un accompagnement financier, afin de permettre aux agriculteurs de solliciter de leur comptable une aide au conseil, permettant de diagnostiquer les effets de l’influenza aviaire sur leur trésorerie et de faire le point sur leurs perspectives d’évolution. Une enveloppe de 30 000 euros est prévue dans ce cadre. Cette aide concerne les élevages directement concernés par un cas de grippe aviaire.

b.   Des mesures globalement efficaces mais non exemptes d’angles morts

La grande majorité des acteurs salue le système d’indemnisation mis en place par les pouvoirs publics, jugé nécessaire dans ce contexte de crise.

Sans remettre en cause l’efficacité global du système et l’engagement du Gouvernement dans le soutien aux acteurs éprouvés par la crise, plusieurs critiques ont néanmoins été formulées. Elles concernent, pour l’essentiel, les délais de versement des indemnisations économiques, trop longs, qui mettent en péril l’équilibre des trésoreries.

Pour la période 2021-2022, le dispositif d’indemnisation économique pour les éleveurs a été publié le 8 décembre 2022, avec une enveloppe prévisionnelle de 404 M€. Les éleveurs concernés devaient déposer leurs dossiers de demande d’indemnisation avant le 15 février 2023. Il était prévu que les paiements soient effectués à compter du mois de mars 2023. Une première avance a été versée par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire à environ 5 000 éleveurs pour un montant total de 65 M€. Une seconde avance a été décidée, pour les éleveurs ayant déposé un dossier de demande d’indemnisation avant la fin de l’année, dont le versement a commencé à la mi-janvier 2023.

Ainsi, le versement des indemnisations économiques pour la période 2021-2022 n’est pas soldé presque un an après la fin de la crise et alors même que la filière est confrontée à un deuxième épisode d’influenza aviaire.

Par ailleurs, l’incertitude concernant les taux d’indemnisation économique pour la période de 2022-2023, pour lesquels le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, a annoncé une réduction (voir supra) crée chez les éleveurs et les entreprises concernées une très grande inquiétude. Vos rapporteurs s’inquiètent de cet affaiblissement de l’accompagnement de l’État, alors même que les éleveurs sont éprouvés par la succession de crises et que la vaccination en France n’aura pas été mise en œuvre pour cette période (voir infra proposition n° 18).

Paroles d’éleveurs

Exploitation d’un jeune éleveur de canards en Vendée. Les échanges ont lieu dans le bâtiment d’élevage, qui est en situation de vide sanitaire. Le jeune éleveur souligne qu’il ne sait pas comment sera indemnisé ce deuxième vide sanitaire et que cette incertitude est particulièrement difficile à supporter.

M. G. (désignant le bâtiment) : Nous, là, on a dix mille euros d’investissement.

M. Sylvain Boisseleau (responsable avicole aux Jeunes agriculteurs de Vendée) C’est sûr que les banques et tout, il y a eu des choses qui ont pu être mises en place pour repousser certains crédits. Mais le problème, c’est que, un an après, on est dans la deuxième vague et il faut encore, ou repousser, ou eh bien personne ne sait trop ce qu’il faut faire, finalement. Il nous faut les sous, tout simplement.

M. G. Nous on vit sur l’avance de trésorerie de la banque, sur les reports de prêt mais cela ne durera qu’un temps.

Malgré la mobilisation du FMSE, certains cas, non couverts par les aides d’État, ont posé des difficultés. Les jeunes éleveurs ayant commencé récemment leur activité et n’ayant pas installé de production pour l’année de référence 2019 sont particulièrement concernés. Par ailleurs, le FMSE n’est mobilisable, pour le moment, que pour les pertes survenues durant la période courant entre le 1er décembre 2020 et le 30 novembre 2021.

En outre, concernant les dispositifs destinés aux entreprises de l’aval, ils ont été jugés complexes et difficiles à mettre en œuvre par les plus petites entreprises, qui ont parfois renoncé à en faire la demande.

De même, les difficultés d’obtention de canetons, de pintadeaux et de poulettes prêtes à pondre ont pu mettre en difficulté des éleveurs qui se sont trouvés dans l’impossibilité de réinstaller une production dans les temps impartis, alors que cela constituait une condition à l’indemnisation.

 


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III.   Apprendre À « vivre avec » l’influenza aviaire : une stratÉgie À bÂtir pour des filiÈres rÉsilientes et durables

A.   À court terme, les mesures de gestion des ÉpidÉmies de grippe aviaire doivent Être ajustÉes

1.   Garantir les moyens de l’État et construire une culture de gestion de crise sanitaire

Le constat dressé dans le présent rapport montre que les pouvoirs publics peuvent améliorer la capacité de gestion de crise des services de l’État en cas de récidives d’une épidémie d’IAHP. Des leçons doivent être tirées, pour disposer des moyens appropriés lors de prochaines crises relatives à la santé animale. Vos rapporteurs saluent la décision du ministre d’avoir mandaté une mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur ce point, dans l’objectif de dresser un retour d’expérience au niveau central et de consolider les expériences des services déconcentrés.

Les travaux des rapporteurs ont mis en avant un certain nombre de controverses scientifiques et d’incompréhensions des parties prenantes face à certaines mesures de biosécurité arrêtées. Le temps de la gestion de crise et le temps de l’expertise scientifique diffèrent nécessairement, ce qui peut rendre difficile la capacité des pouvoirs publics à prendre des décisions à la fois efficaces face à l’épidémie et acceptables par les différentes parties prenantes. Si le Gouvernement mène un travail important de concertation qu’il faut saluer, des améliorations restent nécessaires. En particulier, vos rapporteurs considèrent qu’il est souhaitable d’associer l’ensemble des parties prenantes aux instances de concertation permettant d’élaborer les retours d’expérience ou précédant les prises de décision publiques (arrêt d’un nouveau protocole de biosécurité par exemple). Outre les acteurs des filières longues et les représentants des syndicats agricoles, il est aussi nécessaire de s’assurer de la bonne représentation des acteurs des filières courtes et indépendantes. En outre, vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’également associer aux concertations les associations de bien-être animal, de même que les associations des consommateurs. Enfin, vos rapporteurs considèrent qu’il pourrait être pertinent de systématiser, en cas de crise épizootique, la mise en place d’un conseil scientifique permanent en matière de santé animale, permettant d’éclairer au mieux les décideurs publics. Face à la crise de l’IAHP, l’Anses joue un rôle très important en la matière, en rendant régulièrement des avis scientifiques précis et fournis. Vos rapporteurs considèrent qu’il pourrait être intéressant de compléter cet éclairage par des travaux de l’INRAe, mais également par des travaux issus des sciences humaines, qui peuvent apporter des éléments d’analyse utiles face à une crise où le facteur humain joue un rôle prédominant.

 

Proposition n° 1 : renforcer le travail de concertation

– en associant l’ensemble des parties prenantes, dont les associations de bien-être animal et les associations de consommateurs ;

– en mettant en place un conseil scientifique en matière de santé animale, pour éclairer au mieux la prise de décision publique. Garantir l’indépendance de ce conseil scientifique et le pluralisme de sa composition.

Vos rapporteurs ont pu constater le dépassement des services déconcentrés lors des pics épizootiques. Pour mieux s’y préparer, vos rapporteurs recommandent la nomination de référents préfectoraux coordinateurs par principales zones géographiques de contamination, afin d’assurer la cohérence des actions menées ainsi que la capacité à faire remonter rapidement à l’administration centrale les difficultés de terrain rencontrées.

 

Proposition n° 2 : nommer des référents préfectoraux coordinateurs par grandes zones géographiques de contamination.

La crise a également mis en avant certaines difficultés structurelles relatives aux moyens déconcentrés de l’État. En particulier, les services vétérinaires ont été submergés et paraissent sous-dotés par rapport aux besoins à déployer en cas de crises épizootiques. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de garantir les moyens de l’État dans les territoires, spécialement pour des missions essentielles en matière de santé animale et de santé publique (voir proposition n° 28 relative au maillage vétérinaire infra).

2.   Améliorer la surveillance, la détection et la prévention

a.   L’enjeu de la meilleure maîtrise des données relatives aux élevages et aux contaminations par les pouvoirs publics

La question des données disponibles est un enjeu central en matière de surveillance et de suivi de l’épizootie. Cette question ayant été identifiée comme l’une des faiblesses de la politique de lutte contre l’IAHP, la feuille de route de juillet 2021 a prévu le renforcement des obligations de transmission d’informations pour mieux garantir l’exhaustivité des données relatives aux établissements mais aussi aux mouvements des oiseaux. Si les élevages en filière longue posent peu de difficultés de suivi, il paraît en être autrement pour les élevages indépendants, mais aussi pour d’autres formes d’activité, telles que les basses-cours, les oiseaux d’ornement ([66]) et les activités cynégétiques.

Les nouvelles règles édictées en septembre 2021 (accords interprofessionnels étendus) prévoient désormais une déclaration obligatoire pour les élevages indépendants de plus de 250 oiseaux auprès de la base de données avicole (pour la filière ponte, le gibier et le canard gras) ou à ATM avicole (pour la filière chair), ces bases de données étant gérées par les interprofessions. En outre, les détenteurs d’oiseaux sont tenus de se déclarer auprès de leur mairie, comme le prévoit l’arrêté ministériel du 24 février 2006. Les déclarations sont transmises aux DDPP.

Les données relatives aux élevages de plus de 250 oiseaux sont centralisées au sein du logiciel Cartogip, développé par un groupement d’intérêt public (GIP) géré par les interprofessions et prestataire de la DGAL.

Malgré les obligations existantes, les travaux de vos rapporteurs ont mis en évidence le caractère encore trop parcellaire des données disponibles et le caractère parfois inadapté des modalités de transmission de données pour certains détenteurs. Le logiciel Cartogip suscite également un certain nombre de critiques. Certains acteurs déplorent le fait que les bases de données soient gérées directement par les interprofessions, ce qui est à l’origine d’une certaine méfiance de la part des indépendants et peut conduire à des-sous déclarations. Cette méthode de gestion est également susceptible de poser des difficultés techniques aux services déconcentrés. Sur le terrain, certains services rencontrent des difficultés à identifier avec précisions les élevages de volailles et de palmipèdes, ainsi que les détenteurs d’oiseaux potentiellement susceptibles d’être atteints par l’épidémie. Des lacunes en matière de formation à l’utilisation du logiciel Cartogip sont également à noter.

À ces critiques s’ajoute celle formulée par l’Anses, qui a regretté dans plusieurs avis l’absence d’une base de données centralisée rassemblant en temps réel l’ensemble des données relatives aux élevages de volailles, au nombre d’oiseaux dans les élevages à l’instant T, aux mouvements des volailles et aux foyers de contamination. L’Anses souligne ainsi la « vulnérabilité d’un système de données épars et non harmonisé », qui empêche « d’explorer en temps réel la dynamique d’une épizootie dans une filière, limitant ainsi considérablement les moyens d’analyse des experts en période de crise, pour éclairer le gestionnaire dans ses décisions et qui obère également les capacités de retour d’expérience ».

Le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs poursuivre les travaux relatifs à l’amélioration de Cartogip et mener un travail de plus long terme qui devrait aboutir d’ici cinq ans sur cette question des données, dans le cadre d’un nouveau système de gestion.

Vos rapporteurs appellent à accélérer ces travaux et à mettre rapidement en place un fichier unique et fiable permettant une information rapide des propriétaires d’oiseaux en cas d’alerte épidémique, un suivi précis par l’administration et le renforcement des capacités d’analyse épidémiologique. Vos rapporteurs considèrent qu’une gestion publique de ces données doit être privilégiée, comme c’est d’ailleurs le cas pour d’autres filières.

 

Proposition n° 3 : mettre en place rapidement un fichier unique et fiable géré par les pouvoirs publics recensant les données relatives aux élevages de volailles, au nombre d’oiseaux par élevage, aux mouvements de volailles et aux foyers.

Cet outil doit garantir l’information des détenteurs en cas d’alerte, un suivi précis par l’administration et les capacités d’analyse épidémiologiques.

b.   Des pistes d’amélioration concernant la surveillance et la détection

Vos rapporteurs considèrent également qu’une attention plus forte doit être portée aux enjeux de surveillance et de suivi des filières non commerciales.  Comme le fait valoir la Ligue de protection des oiseaux (LPO), entendue par vos rapporteurs, « il ne faut pas oublier les élevages d’ornement et d’agrément, les basse-cours familiales et les canards appelants (premiers foyers de l’automne 2022 dans le nord de la France). Leurs logiques sont très différentes de celles des élevages industriels et donc leurs pratiques aussi ».

Des obligations renforcées de déclaration pour les basses-cours et les oiseaux d’ornement pourraient être envisagées. Les déclarations en mairie paraissent souvent lacunaires et l’information et la sensibilisation des détenteurs au risque IAHP restent largement perfectibles. Vos rapporteurs considèrent qu’une étude de l’Anses visant à identifier les risques de diffusion du virus propre à ces activités (basse-cours et ornement) pourrait être utile, et qu’en fonction de ses conclusions, il pourrait être pertinent de définir des obligations nouvelles de déclaration.

Concernant les activités cynégétiques, vos rapporteurs souhaitent également signaler la nécessité d’améliorer le suivi, au niveau des fédérations départementales de chasse et en partenariat avec l’OFB, de la situation des appelants et du gibier à plume, qui sont des vecteurs potentiels du virus. Il est en particulier essentiel de s’assurer que l’ensemble des élevages de gibier à plume sont bien déclarés par les professionnels et de mettre en place un recensement des détenteurs d’appelants par les fédérations départementales de chasseurs, ces deux mesures ayant été identifiées par le Gouvernement dans sa feuille de route.

 

Proposition n° 4 : améliorer la surveillance et le suivi des filières non commerciales (oiseaux d’ornement, basse-cours) et des activités cynégétiques.

En outre, la surveillance de la faune sauvage nécessite des moyens adaptés. Les réseaux actuels paraissent efficaces. Toutefois, l’ampleur de la surveillance épidémiologique prise en 2022 a conduit à des difficultés importantes rapportées par l’OFB : le nombre d’oiseaux collectés a été multiplié par 30, mobilisant fortement les agents de l’OFB, et entraînant de lourdes dépenses en laboratoire. La gestion épidémiologique s’est adaptée à la situation, mais la gestion administrative rencontre des difficultés (suivi des factures, et budget). Vos rapporteurs insistent sur ce point et soulignent la nécessité de garantir les moyens de l’OFB pour qu’il puisse conduire dans de bonnes conditions ses missions de surveillance épidémiologique. Une réflexion pourrait également être menée pour associer de façon plus systématique les membres de la LPO aux opérations de surveillance de la faune sauvage.

 

Proposition n° 5 : garantir les moyens de la surveillance de la faune sauvage.

Garantir les moyens humains et financiers de l’OFB en la matière.

Étudier les moyens à mettre en œuvre pour associer plus systématiquement la LPO aux opérations de surveillance de la faune sauvage, ainsi que plus globalement les associations de protection de l’environnement.

Concernant la détection précoce, vos rapporteurs s’associent aux recommandations de l’Anses relayées par les interprofessions, concernant l’élaboration d’un test de détection simple, rapide, fiable et validé, utilisable directement en élevage permettant d’émettre précocement une suspicion d’IAHP, même en l’absence de signes cliniques. Vos rapporteurs souhaitent également souligner que certaines méthodes de tests actuelles paraissent trop peu efficaces, telles que l’utilisation des chiffonnettes et pédichiffonnettes.

 

Proposition n° 6 : accélérer les recherches pour mettre en place un test de détection précoce rapide et efficace, utilisable directement en élevage.

c.   Des évolutions souhaitables pour une application plus fine et plus efficace des protocoles de biosécurité

i.   La question de l’évaluation du niveau de risque et du zonage

Concernant les protocoles de biosécurité, il semble nécessaire de faire évoluer à la fois les zonages mais également les mesures de niveau de risque, pour les adapter aux nouvelles caractéristiques de l’épizootie et en particulier sa dimension de plus en plus endémique :

– concernant la mesure du risque, un avis de l’Anses préconise de revoir les qualificatifs des niveaux de risque actuels (négligeable, modéré, élevé), en recommandant une échelle de quatre niveaux (de 1 à 4) permettant des applications plus différenciées en fonction du territoire, ce qui paraît souhaitable ;

 dans un contexte d’endémisation du virus IAHP dans la faune sauvage en France, les experts de l’Anses considèrent également qu’une réflexion doit être conduite sur les ZRP dans le but d’y intégrer les zones à proximité des plans d’eau ou cours d’eau où des foyers d’IAHP sont apparus. Une telle réflexion pourrait prendre en considération également les aires de répartition des nouvelles espèces d’oiseaux identifiées récemment comme porteuses du virus.

 

Proposition n° 7 : suivre les recommandations de l’Anses relatives aux évolutions nécessaires des critères d’identification du niveau de risque et la cartographie des zones à risque particulier (ZRP), pour les adapter aux nouvelles caractéristiques de l’épizootie.

ii.   Les enjeux de formation et de sensibilisation

Les retours d’expérience actuellement conduits par les administrations doivent permettre d’identifier des pistes d’amélioration des protocoles de biosécurité.

Les efforts en matière de sensibilisation et de formation doivent être maintenus et accentués et ne pas laisser de côté les éleveurs indépendants, ce qui va de pair avec l’enjeu d’acceptabilité des mesures prises, en particulier pour le plein air comme développé plus haut.

 

Proposition n° 8 : accentuer la sensibilisation et la formation aux enjeux de biosécurité, à travers des modalités adaptées à chaque type de détenteurs d’oiseaux.

En outre, la question des protocoles relatifs aux transports, mouvements d’animaux et intervenants extérieurs doit encore être approfondie.

iii.   Développer les stations de biosécurité

Vos rapporteurs ont été attentifs aux observations de l’Anses mettant en avant la nécessité de disposer de plusieurs stations appropriées de lavage, nettoyage et désinfection « disposées de façon adaptée en fonction de l’importance des activités d’élevage en France et en nombre suffisant pour permettre, en cours d’épizootie, le nettoyage-désinfection sur des plateformes différentes des véhicules consacrés aux volailles contaminées et ceux consacrés aux volailles saines, au risque sinon de créer des points de possible contamination croisée ». Le développement de telles stations dans d’autres parties du territoire paraît pertinent. Cette recommandation n’est d’ailleurs pas propre aux filières avicoles, des enjeux similaires se posant dans le cadre de la préparation à la lutte contre la peste porcine africaine en filière porcine, voire contre la fièvre aphteuse en filières porcs et ruminants.

Proposition n° 9 : développer la mise en place de stations de lavage, nettoyage et désinfection sur l’ensemble du territoire.

Ce développement doit être effectué sans préjudice des dispositions qui seront prises pour faire face aux situations de tension sur la ressource en eau.

iv.   Déployer des méthodes de dédensification préventive

Vos rapporteurs invitent également à privilégier les mesures préventives pour éviter les opérations de dépeuplement. À cet égard, les stratégies d’organisation de la production pensées en amont de crise, avec des périodes prévues de vide sanitaire et de réduction de la densité, paraissent souhaitables. La logique promue par le plan ADOUR (voir encadré ci-dessous) paraît à cet égard bénéfique, bien que le dispositif ne soit pas exempt de critiques émises par certains acteurs, notamment concernant les règles d’indemnisation afférentes et la consultation des syndicats minoritaires. Vos rapporteurs invitent à évaluer le plan ADOUR et à poursuivre les logiques de dédensification préventive, qui permettent d’adapter en amont la gestion de la production, pour éviter des dépeuplements massifs.

 

Proposition n° 10 : dans le prolongement du plan ADOUR, envisager de déployer les méthodes de dédensification préventive dans d’autres territoires. Garantir un dialogue étroit entre les interprofessions, les syndicats agricoles et les pouvoirs publics, en y associant les collectivités territoriales, sur cette question.

 

Le plan ADOUR – une stratégie de dédensification préventive
mise en place dans le Sud-Ouest

Stratégie de lutte contre le virus de l’influenza aviaire mise en place de manière concertée dans les départements du Gers, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, le plan ADOUR a été déployé à l’hiver 2022-2023. Son adoption et sa mise en œuvre résulte d’un travail mené en associant les chambres d’agricultures départementales, les interprofessions régionales et les organisations de producteurs concernés. Ce plan prévoit une réorganisation de la production avec une dédensification préventive lors des périodes à risque, dans l’objectif de limiter les risques de contamination et de protéger les sites stratégiques (couvoirs, sites de reproducteurs, abattoirs). Il renforce aussi les mesures de surveillance et de gestion de crise.

Ces mesures impliquent donc des adaptations de la production, avec l’allongement des vides sanitaires dans les zones à risque et une baisse de 6 % du nombre de lots mis en place dans ces zones. Ce chiffre correspond à un seuil intermédiaire entre deux scenarii étudiés par l’INRAe, montrant qu’une baisse du nombre d’élevages dans la grande zone à risque entre 4,4 et 11,3 % aurait pu induire une baisse de l’ordre de 20 à 40 % de la proportion d’élevages potentiellement infectés.

La principale mesure prévue par ce plan a consisté à synchroniser un vide sanitaire dans les élevages spécialisés de palmipèdes (bande unique) au cours des périodes les plus à risque, à partir du 15 décembre 2022 et pour une durée initiale d’un mois (jusqu’au 15 janvier 2023), dans les 68 communes identifiées comme les plus peuplées de lots de palmipèdes en zone à risque de diffusion. Durant la même période, a également été mise en place une baisse de 40 % du nombre de lots de gallinacés dans les 20 communes les plus peuplées en gallus (hors pondeuses).

Le détail des mesures mises en place :

Pour les filières longues palmipèdes :

– Mesure 1 : dans les 68 communes habituellement les plus peuplées de lots de palmipèdes (>0,4 lots/km²) et de gallus (>0,67 lots/km²) : aucun palmipède présent en élevage non autarcique du 15/12 au 15/01 et allongement de la rotation en élevage des autarciques (4 semaines minimum entre 2 mises en place versus 3 semaines) ;

– Mesure 2 : dans les 32 communes les plus peuplées en lots de Gallus hors pondeuses (20) et les communes avec couvoirs (12), pas de mise en gavage en salles non autarciques du 15/12 au 15/01, mise en gavage autorisé uniquement en site autarcique ;

– Mesure 3 : mise en place d’un programme de surveillance des animaux avant mouvement et en cours de lot et réalisation d’un audit de biosécurité dit « palmi G confiance » par un technicien agréé, avant la période à risque.

Pour les filières courtes palmipèdes :

– Mesure 1 : pour les producteurs autarciques sans abattage sur place, situés dans les 68 communes, ateliers d’engraissement vides entre le 25/12 et le 25/01 ;

– Mesure 2 : pour les producteurs autarciques avec abattage sur place, maintien de la production sans plafond particulier dans la mesure du respect des règles de mise à l’abri ;

– Mesure 3 : en palmipèdes, recentrer la production de frais entier sur avril à décembre en diminuant les effectifs sortis entre janvier et mars.

Pour les filières volailles :

Un accord interprofessionnel adopté par ANVOL a permis l’application des mesures suivantes à partir du 1er octobre 2022 pour une durée de 6 mois :

 Pour les filières longues :

dans les 20 communes listées : diminution de 40 % des lots de Gallus (hors pondeuses) présents entre le 15 décembre et le 15 janvier ;

dans les 6 communes les plus peuplés en élevage autarciques palmipèdes : pas de Gallus entre le 15 décembre et le 15 janvier.

 Pour la filière courte : dans les 12 communes identifiées avec des sites stratégiques (couvoirs) : diminution du nombre de Gallus en baissant les densités et/ou en allongeant les vides sanitaires.

L’impact économique du plan Adour a été évalué à 12 M€ pour l’ensemble des filières avicoles. Un accompagnement financier a été mis en place. Les éleveurs respectant les règles du plan Adour ont bénéficié d’une indemnisation à 100 % de leurs pertes économiques jusqu’à 270 jours après les restrictions sanitaires.

3.   Adapter les protocoles de biosécurité pour mieux prendre en compte les spécificités du plein air et des circuits courts

Vos rapporteurs considèrent que les protocoles de biosécurité doivent être adaptés dans l’objectif de mieux prendre en compte les spécificités du plein air et des circuits courts.

a.   Des assouplissements concernant la mise à l’abri sont souhaitables

Des mesures d’assouplissements sur la mise à l’abri doivent être envisagées, en cohérence avec les effets attendus de la stratégie vaccinale. Ces assouplissements doivent reposer sur une analyse fine des risques, en fonction des types d’élevage et des territoires concernés. S’il convient d’agir prudemment sur ce volet dans un contexte où le virus est très présent dans la faune sauvage ([67]), ces assouplissements sont nécessaires, au vu des grandes difficultés qui découlent aujourd’hui de la mise à l’abri des volailles plein air (voir infra). Les assouplissements doivent permettre de concilier l’objectif sanitaire de lutte contre la diffusion de l’épidémie, mais aussi d’autres objectifs de politiques publiques essentiels, relatifs au soutien apporté aux filières plein air, au bien-être animal et à la qualité de l’alimentation.

En réponse aux demandes des acteurs du plein air et face aux problématiques soulevées par la claustration, en particulier en période de forte chaleur, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire s’est dit en novembre prêt à envisager un assouplissement des mesures pour les élevages en plein air de petite et moyenne taille, en fonction de l’avis rendu sur ce sujet par l’Anses. L’agence a par conséquent été saisie et a rendu un avis détaillé au mois de décembre 2022 (voir encadré ci-dessous). Elle y préconise notamment, pour des raisons de préservation de la santé et du bien-être des animaux, spécialement durant la période estivale (15 mai au 15 septembre), la possibilité de sortie sur parcours réduit, à partir de 8 semaines au lieu de 10 semaines pour les poulets de chair et plus globalement l’ensemble des galliformes, à l’exception des dindes et poules pondeuses. Vos rapporteurs appellent à la mise en œuvre rapide de cette mesure via la modification des arrêtés et instructions correspondants.

 

Proposition n° 11 : suivre la recommandation de l’Anses et autoriser les sorties sur parcours réduit dès 8 semaines pour les poulets de chair et plus globalement l’ensemble des galliformes, à l’exception des dindes et poules pondeuses.

 

 

 

 

Conclusions de l’avis rendu par l’Anses le 5 décembre 2022 concernant les conditions de mise à l’abri des volailles

L’Anses a été saisie le 31 août 2022 par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire pour étudier diverses mesures d’assouplissement des règles de mise à l’abri pour les volailles plein air ([68]). Les conclusions de la saisine de l’Anses relative aux conditions de mise à l’abri des volailles élevées en plein air en vue de la prévention de l’introduction de virus influenza aviaires hautement pathogènes par des oiseaux sauvages ont été rendues le 5 décembre 2022.

 Concernant le seuil d’âge à partir duquel la sortie d’un parcours s’applique :

Les demandes des professionnels de l’élevage plein air portent sur une diminution du seuil d’âge des volailles à partir duquel la sortie sur un parcours de surface réduite s’applique, à savoir 8 semaines d’âge au lieu de 10 pour tous les galliformes de chair, quel que soit le type d’élevage (autarcique en circuit court ou non) et 25 semaines d’âge pour les poules pondeuses.

Pour des raisons de préservation de la santé et du bien-être des animaux, notamment durant la période estivale (15 mai au 15 septembre), les experts recommandent la possibilité de sortie sur parcours réduit, à partir de 8 semaines au lieu de 10 semaines pour les poulets de chair. Cette disposition peut être étendue aux autres galliformes, à l’exception des dindes et des poules pondeuses. Toutefois, les experts ne recommandent pas, en dehors des motifs déjà mentionnés dans la réglementation, une sortie sur parcours réduit à l’âge de 25 semaines des poules pondeuses plein air du point de vue du risque d’introduction de l’IAHP en période à risque.

 Concernant la surface de parcours réduit et le seuil d’âge des volailles à partir duquel la sortie sur parcours de surface réduite s’applique

La règle qui s’applique actuellement est celle fixée par l’arrêté du 29 septembre 2021, qui prévoit une surface de parcours réduit de 500 m2 pour 1 000 volailles, soit 0,5 m2 par volaille galliforme. Le Synalaf demande un passage à 1m2 et les volailles de Bresse à 8m2.

Saisi de cette question, le groupe d’experts de l’Anses préconise de retenir une surface maximale du parcours réduit en fonction de la distance entre le bâtiment et la fin du parcours et non pas en fonction de la densité de volailles, afin de limiter la fréquentation du parcours pour la faune sauvage. Il recommande en outre de limiter la distance entre le bâtiment et la fin du parcours réduit, de veiller à l’aménagement des parcours réduits, de garder ces parcours à distance des plans d’eau, afin de limiter l’attractivité pour les espèces d’oiseaux inféodées aux zones humides et les espèces « passerelles » et de privilégier, lorsque les caractéristiques des élevages le permettent, la sortie des volailles en début d’après-midi, qui est une période où les contacts entre les volailles et l’avifaune sauvage sont réduits.

 Concernant la pertinence de la mise à l’abri pour les volailles galliformes en ZRP en cas de risque modéré :

Certains acteurs demandent la fin l’obligation de mise à l’abri obligatoire en ZRP, lorsque le risque est modéré.

 

Selon l’Anses, même si elles ne sont pas les seules zones où les contaminations primaires peuvent avoir lieu, le risque d’introduction de l’IAHP dans les élevages situés en ZRP reste plus élevé que dans les autres zones du territoire. De ce fait, les experts recommandent de maintenir le renforcement des mesures de biosécurité dans les ZRP, notamment concernant la mise à l’abri des volailles galliformes lorsque le niveau de risque est « modéré ».

 Concernant l’autorisation préalable pour accéder à un parcours réduit :

L’Anses préconise de maintenir le principe de l’autorisation délivrée au cas par cas en période à risque, pour pouvoir mettre en place un parcours réduit.

Les experts encouragent, en complément des visites vétérinaires, la mise en place d’un plan annuel d’amélioration de la biosécurité à l’échelle de l’élevage en dehors des périodes de risque. Ils recommandent de tester des méthodes d’évaluation du risque visàvis de l’IAHP, afin d’évaluer le niveau de biosécurité à l’échelle de l’élevage. Néanmoins, les modalités d’application de ces évaluations sur le terrain restent un point important à déterminé.

 Concernant la méthode d’analyse des risques à l’échelle de l’élevage :

Les experts jugent la démarche d’une analyse de risque individuelle pertinente, notamment pour tenir compte de la diversité des systèmes d’élevage avicoles et de leurs spécificités. Ils encouragent des études spécifiques à ce sujet visant à définir les modalités d’application de cette méthode pour l’ensemble des élevages de volailles en plein air.

 Mise en place des expérimentations pour tester les pratiques alternatives à la mise en abri :

L’Anses a relevé à plusieurs reprises un manque de données concernant la question des pratiques alternatives à la mise à l’abri. En 2021, l’Anses notait ainsi (avis du 26 mai 2021) le besoin d’une réelle évaluation « sous la forme d’un suivi approfondi et documenté à l’étape prototype pour tout dispositif alternatif.  (…) Les dispositifs alternatifs à une mise à l’abri des volailles ne peuvent pas être considérés comme suffisamment robustes sans avoir été expérimentés correctement ». En conclusion, les experts considèrent qu’aucune des méthodes proposées ne peut être reconnue comme alternative à la mise à l’abri. Aussi, ils renouvellent la recommandation concernant l’expérimentation de ces pratiques vis-à-vis de l’attractivité pour l’avifaune sauvage et de l’impact sur le risque d’introduction de l’IAHP en élevage.

Concernant les autres demandes formulées par les acteurs du plein air étudiées par l’Anses, l’agence se prononce avec prudence, en soulignant le manque de données disponibles. Ainsi, l’Anses ne s’est pas prononcée en faveur des demandes d’assouplissement des règles en matière de mise à l’abri en ZRP en cas de risque modéré ou de suppression de l’autorisation préalable pour accéder à un parcours réduit.

Vos rapporteurs considèrent qu’en vue du lancement de la stratégie de vaccination et en complément du renforcement des mesures de prévention, des pistes supplémentaires visant à assouplir les règles de mise à l’abri doivent être recherchées. En particulier, des pistes pourraient être explorées pour prévoir des assouplissements supplémentaires en fonction du zonage, du niveau de risque et du type d’élevage. Les recommandations de l’Anses en la matière mériteraient donc d’être mises à jour en lien avec la politique de vaccination.

Proposition n° 12 : explorer des pistes supplémentaires pour assouplir les obligations de mise à l’abri, en fonction du zonage, du niveau de risque et du type d’élevage.

i.   Des recherches supplémentaires nécessaires

Vos rapporteurs souhaitent insister sur le besoin fondamental d’accroître les recherches permettant d’objectiver le rôle des élevages plein air en matière de diffusion du virus.

Cette absence de recherche interroge, alors que la problématique relative aux élevages plein air est ancienne et que l’Anses a déjà souligné à de multiples reprises l’insuffisance des données et des études en la matière. Ces recherches deviennent d’autant plus urgentes au vu du niveau de diffusion du virus dans la faune sauvage.

Dès lors, si l’Anses indique qu’ « à l’heure actuelle, les mesures de mise à l’abri des volailles restent considérées comme les mesures les plus protectrices pour limiter le risque d’introduction d’IAHP en élevage par la faune sauvage », elle note également qu’ « il est actuellement difficile d’objectiver l’efficacité des mesures de mise à l’abri vis-à-vis du risque d’introduction de virus IAHP pour les élevages en plein air en l’absence de données épidémiologiques précises ». L’Anses préconise ainsi, lors des enquêtes épidémiologiques réalisées à la suite de la détection de foyers IAHP, que l’accès ou non des volailles sur un parcours en plein air (de surface réduite ou non) durant la période de contamination soit précisé et enregistré, de même que la date de la mise à l’abri, « ces données étant indispensables pour estimer le niveau de risque d’introduction du virus IAHP dans les élevages plein air et objectiver l’efficacité de la mise à l’abri ».

 

Les recommandations du groupe des experts de l’Anses pour améliorer la recherche sur les risques de diffusion propre au plein air

obtenir des données précises sur le nombre et la localisation des élevages plein air sur le territoire national ;

disposer de données épidémiologiques plus détaillées sur les foyers enregistrés dans ces élevages (exemple : présence effective de volailles sur parcours, délai entre la mise à l’abri et la survenue du cas, observation régulière d’oiseaux sauvages sur les parcours) ;

réaliser plus systématiquement des enquêtes épidémiologiques à la suite de la contamination des volailles de basse-cour, afin de mettre en évidence un lien potentiel avec des plateformes de vente des animaux de basse-cour et d’ornement, contaminés par le virus ;

encourager le développement de méthodes de dépistage environnemental (analyses des fientes, des oiseaux, etc.) afin d’identifier le rôle des oiseaux sauvages dans la circulation virale au sein des élevages.

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs travaux que ces questions faisaient l’objet d’importantes controverses et que les réponses scientifiques apportées restaient lacunaires, voire parfois contradictoires. En particulier, les chercheurs en sciences humaines portent un regard sévère sur l’efficacité des mesures de claustration.

Une analyse sévère concernant l’efficacité des mesures de claustration par plusieurs universitaires en sciences humaines

(extrait de la contribution écrite rendue par Mme Jocelyne Porcher, sociologue, directrice de recherches à l’INRAe, M. Charles Stépanoff, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et M. Frédéric Keck, anthropologue, directeur de recherches au CNRS).

« Inefficaces, ces mesures sont même contreproductives sur le plan sanitaire puisque la promiscuité du confinement engendre pour les volailles habituées au plein air stress, blessures à mort et parasitisme,s contraignant les éleveurs à utiliser des vermifuges. Elles sont surtout contreproductives politiquement puisque non seulement elles évitent d’aborder le problème majeur que constituent les systèmes industriels de productions animales, mais en outre elles le favorisent en causant la disparition de petits élevages.

« La claustration entraîne de plus une rupture inquiétante de la transmission des savoirfaire. En effet, actuellement les élèves agriculteurs ne parviennent plus à trouver de lieux de stage pour apprendre la conduite d’animaux en plein air.

« Sur le plan écologique, la mise en péril des élevages plein air menace directement les systèmes agroécologiques riches dans lesquels ils s’insèrent : les volailles produisent de l’amendement, limitent les adventices et les ravageurs ce qui permet de réduire l’usage de pesticides. Ces élevages produisent de la biodiversité : prairies, mares, haies, pré-vergers (poulaillers mobiles). Favoriser l’élevage hors-sol augmente la dépendance aux aliments produits par la grande culture en particulier les sojas d’Amérique du sud ».

Renforcer la recherche sur ce sujet est particulièrement important pour mieux orienter les décisions publiques en la matière.

 

Proposition n° 13 : face aux controverses et aux incertitudes actuelles, financer des programmes de recherche spécifique pour évaluer l’efficacité des mesures de mise à l’abri sur la propagation du virus.

ii.   Un besoin d’expérimentation

La direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé la mise en place d’une expérimentation sur deux ans pour mieux prendre en compte la spécificité de l’élevage plein air. Les travaux relatifs à cette expérimentation, initiés au mois novembre 2022, associent des représentants des éleveurs et les instituts techniques. L’expérimentation repose sur deux piliers :

 la création d’un réseau de fermes pilotes. L’objectif est de réunir 100 élevages avicoles et 100 élevages porcins. Selon les informations transmises par le Gouvernement, un appui technique sera mis en place pour conduire une analyse de risque au sein des exploitations, mettre en place des mesures de prévention et accompagner les éleveurs pour les choix stratégiques d’investissement ;

 le déploiement de tests d’autres types de mesures de protection sur la base d’une analyse de risque et d’une évaluation fondée sur un protocole scientifique.

Vos rapporteurs saluent la mise en place de cette expérimentation, qui suscite l’espoir des acteurs du plein air. Ils soutiennent particulièrement la logique d’analyse des risques à l’échelle de l’exploitation.

Concernant le test des mesures alternatives, vos rapporteurs soulignent qu’ils sont essentiels. En 2021, l’Anses notait ainsi, dans son avis du 26 mai 2021, le besoin d’une réelle évaluation « sous la forme d’un suivi approfondi et documenté à l’étape prototype pour tout dispositif alternatif.  (…) les dispositifs alternatifs à une mise à l’abri des volailles ne peuvent pas être considérés comme suffisamment robustes sans avoir été expérimentés correctement ». Ainsi, les effets de la végétalisation des parcours, les couvertures végétales, le rôle des effaroucheurs ou d’autres méthodes identifiées par les acteurs doivent être mieux analysés et expérimentés.

 

Proposition n° 14 : associer tous les acteurs du plein air à l’expérimentation mise en place par la DGAL et la rendre plus transparente.

 Conduire des expérimentations relatives aux dispositifs alternatifs à la mise à l’abri.

b.   En complément, des marges d’amélioration pour mieux adapter les protocoles sanitaires aux spécificités du plein air

Comme le souligne Chambres d’agriculture France, « Les mesures actuelles engendrent des contraintes inadaptées, incohérentes et incompréhensibles et cela risque d’aboutir à un désengagement des producteurs vis-à-vis de la biosécurité ». Vos rapporteurs partagent ce constat et identifient, outre les mesures d’allégement souhaitables concernant la mise à l’abri, deux évolutions qui pourraient être rapidement mises en œuvre :

– les protocoles de surveillance abattages doivent être modifiés, pour prendre en compte la taille des lots et les fréquences d’enlèvement. En l’état, les protocoles sont disproportionnés et pèsent financièrement sur les éleveurs concernés. Selon le réseau des chambres d’agriculture : « les protocoles se traduisent par des surcoûts de 1 à 15 €/volaille compte tenu de la taille des lots et de l’inadéquation des protocoles pensés pour des lots filière longue » ;

 

Proposition n° 15 : modifier les protocoles de tests avant abattages en prévoyant des mesures adaptées aux spécificités du plein air et des circuits courts.

– une version spécifique pour les audits de biosécurité doit être établie, la version actuelle n’étant pas adaptée aux spécificités des petits élevages.

 

Proposition n° 16 : élaborer un modèle spécifique plein air et petites exploitations pour les audits de biosécurité.

4.   Améliorer l’accompagnement des éleveurs

a.   Garantir le versement rapide et la pérennisation des niveaux d’indemnisation

À l’échelle nationale, le montant prévisionnel de l’ensemble des indemnisations pour la crise de 2021-2022 est estimé à 1,1 milliard d’euros, hors moyens mobilisés dans le cadre du régime d’activité partielle.

Afin de répondre aux difficultés de trésorerie des exploitations et des entreprises (voir supra), il semble nécessaire de repenser la temporalité du versement des indemnisations pour accélérer le versement du solde ou envisager la mensualisation des versements.

 

Proposition n° 17 : mensualiser le versement des indemnisations économiques afin de soulager les trésoreries des entreprises et des exploitations et d’offrir aux professionnels une plus grande visibilité et une plus grande prévisibilité sur leurs ressources

En outre, les récentes annonces du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant les indemnisations économiques pour la période 2022-2023 suscitent un véritable désarroi chez les éleveurs et les entreprises pouvant prétendre à cette indemnisation (voir supra). Abaisser les niveaux d’indemnisation à 90 % pour la période de restriction sanitaire dite I1 et à 50 % pour la période post-restriction dite I2 paraît de nature à susciter chez les producteurs, déjà très éprouvés, de grandes craintes et pourrait conduire une partie d’entre eux à abandonner cette production. Vos rapporteurs plaident donc pour un maintien des niveaux d’indemnisation économique en 2022-2023 identique à ceux définis pour 2021-2022. Cela paraît d’autant plus essentiel qu’en l’absence, pour le moment, de mise en œuvre d’une stratégie vaccinale, les conditions dans lesquelles se trouvent les éleveurs sont strictement semblables à celles de la période précédente, voire caractérisées par un risque de contamination plus marqué encore du fait de l’endémisation de la maladie au sein de la faune sauvage.

 

Proposition n° 18 : maintenir des niveaux d’indemnisation économique en 2022-2023 identiques à ceux définis pour 2021-2022

Enfin, l’indemnisation des éleveurs en zone indemne et des nouveaux installés n’ayant pas de référence leur permettant d’accéder aux aides d’État doit être garantie par la profession dans le cadre des épizooties de 2021-2022 et 2022-2023 comme pour la période 2020-2021.

 

Proposition n° 19 : le soutien aux éleveurs en zone indemne et aux nouveaux installés ne pouvant prétendre aux aides d’État doit être assuré pour les périodes 2021-2022 et 2022-2023 comme il l’a été par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) pour la période 2020-2021

Lors de leur déplacement dans les Deux-Sèvres, il a également été indiqué à vos rapporteurs que l’administration ne prenait pas en compte les élevages comportant deux entités distinctes, chacune associée à un numéro de SIRET, spécialisées respectivement dans la production et dans la transformation.

b.   Systématiser et renforcer l’accompagnement psychologique

L’accompagnement psychologique des éleveurs dans le cadre des épisodes d’influenza aviaire est, aux yeux de vos rapporteurs, une priorité absolue.

Pour l’heure, cet accompagnement se développe essentiellement dans le cadre du plan de prévention du mal-être en agriculture (voir encadré cidessous).

 

Plan de prévention du mal-être en agriculture

La feuille de route du plan de prévention du mal-être en agriculture a été présentée le 23 novembre 2021 et sa circulaire d’application publiée le 31 janvier 2022. C’est dans ce cadre que doit être prise en charge la détresse morale et psychologique des éleveurs.

Dans chaque département les préfets ont été chargés de mettre en place des comités de pilotage de la mise en œuvre de ce plan, sous l’impulsion d’un coordinateur national.

Dans leur formation plénière ces comités associent, outre les services de l’État, l’ensemble de la profession agricole, les services publics à caractère professionnel que sont les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et les chambres d’agriculture, les associations de soutien comme les cellules Réagir ou Solidarité paysans, ainsi que les élus locaux et les partenaires de l’agriculture, notamment les représentants des vétérinaires, et les professionnels de santé.

Au sein de ces comités sont organisés la prise en charge, mais aussi la détection de la détresse morale et psychologique par le référent « mal-être » de la MSA, en coopération avec le référent « santé mentale » désigné par l’agence régionale de santé.

 

Dans ce cadre, ont d’ores et déjà été déployés ou sont en cours de déploiement, principalement sous l’égide de la MSA qui s’est engagée dans ces actions depuis 2011 :

– le numéro d’appel « Allo-agri » ;

– un réseau de personnes dites « sentinelles », formées pour détecter les situations de mal‑être ;

– des prises en charges psychologiques en urgence financées sur les fonds d’action sanitaire et sociale de la MSA.

Par ailleurs, un partage de pratiques est organisé par la Caisse centrale de MSA (CCMSA) avec une centralisation des actions menées par les caisses locales, dans le cadre du suivi et de l’accompagnement collectif et individuel des exploitants et salariés touchés.

Plusieurs actions sanitaires et sociales, ainsi que de santé et sécurité au travail ont ainsi pu être être valorisées :

– un accompagnement social individualisé (notamment par les travailleurs sociaux) et la prise en charge d’un soutien psychologique ;

– des campagnes d’appels auprès des entreprises touchées ;

– des permanences sociales téléphoniques et une ligne téléphonique dédiée ;

– un accompagnement collectif :

– des réunions d’échanges et des groupes de paroles ;

– une communication sur les médias grands publics de la MSA comme le site web ;

– une information auprès de la presse locale et des partenaires ;

– des cellules de crise sont également organisées par les caisses de MSA concernées ;

– une démarche d’ « aller vers ».

À titre d’exemple, depuis 2022, la caisse de MSA Midi Pyrénées Sud met en place le projet « Repérer et dépasser les effets d’une crise agricole ». Cette action vise à accompagner les exploitants agricoles impactés par la succession d’épisodes de crise sur les six derniers mois (crises climatiques et  sanitaires). Le projet aide à anticiper les potentielles crises en proposant aux participants de repérer les leviers qu’ils peuvent actionner en cas de besoin.

Pour accompagner les caisses locales de MSA dans la mise en place de ce type d’action, un appui financier par la CCMSA sera proposé en 2023 pour celles souhaitant mettre en œuvre cette action dans leur territoire.

La MSA a également mis en avant la gestion des crises agricoles au sein de la méthodologie de mise en œuvre du diagnostic local partagé, réalisé au sein des comités techniques départementaux précités. Elle décline également ce volet dans la méthodologie du plan d’action (en cours de rédaction) avec pour objectif de permettre aux membres des comités techniques de définir le processus de gestion de crise pour reconnaître une situation de crise, savoir la gérer et mettre en œuvre les actions adaptées.

À l’issue de la première année de déploiement du plan de prévention du mal-être agricole, une enquête va être lancée auprès des départements, qui permettra d’évaluer comment ont été gérées les conséquences psycho-sociales des multiples crises traversées par l’agriculture en 2022, notamment celle liée à l’IAHP. Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs aux conclusions de cette évaluation et, en particulier, en ce qui concerne la prise en charge des éleveurs confrontés à la crise résultant de l’épizootie d’influenza aviaire.

Vos rapporteurs estiment, en outre, que les crises résultant de l’influenza aviaire sont très spécifiques et nécessiteraient le renforcement des moyens humains et financiers consacrés au plan de prévention du mal-être agricole afin de garantir une meilleure prise en charge des éleveurs confrontés à ces épizooties.

 

Proposition n° 20 : renforcer les moyens humains et financiers consacrés au plan de prévention du mal-être agricole afin de garantir une meilleure prise en charge des éleveurs confrontés aux épizooties d’influenza aviaire.

5.   Repenser les outils de dépeuplement et de gestion des cadavres de volailles pour éviter le traumatisme des éleveurs, minimiser les risques de biosécurité et garantir le bien-être animal

Au vu des nombreuses limites du fonctionnement actuel des opérations de mise à mort et d’équarrissage, des évolutions sont souhaitables pour mieux anticiper et dimensionner les moyens afférents, tout en assurant le respect du bien‑être animal et l’acceptabilité des méthodes mises en œuvre par les éleveurs.

Concernant les opérations de mise à mort des animaux, les méthodes utilisées doivent évoluer avec pour objectif un renforcement de leur efficacité et de leur acceptabilité, tant du point de vue de l’éleveur que de celui du bien-être animal. La transparence sur les mesures utilisées doit être améliorée, comme le réclament les associations de bien-être animal.

Les méthodes de mise à mort directement à l’intérieur du bâtiment par gazage progressif paraissent devoir être privilégiées. D’après l’Anses, cette solution permet de limiter les risques sanitaires liés aux opérations de mise à mort. Cette solution, à condition de respecter un certain nombre d’exigences techniques, est également celle recommandée par des associations de bien-être animal, comme Compassion in World Farming (CIWF). Selon CIWF, cette méthode est celle utilisée en Angleterre, où les animaux contaminés par l’IAHP sont euthanasiés par système gazeux directement dans les bâtiments, « cette solution permet de limiter la manipulation des animaux et une augmentation progressive de la concentration de CO2 atmosphérique, moins aversif pour les animaux ».

Les méthodes d’euthanasie réalisées directement par les éleveurs doivent être évitées, car elles représentent un traumatisme considérable pour eux.

 

Proposition n° 21 : repenser les protocoles de mise à mort

Assurer la transparence concernant les méthodes employées

Privilégier les méthodes de mise à mort à l’intérieur du bâtiment par gazage progressif, plus respectueuse du bien-être animal et de la biosécurité

Éviter l’euthanasie directe par les éleveurs.

Concernant l’équarrissage et les moyens alternatifs à mettre en œuvre pour l’élimination des cadavres, vos rapporteurs souhaitent formuler plusieurs remarques.

En premier lieu, l’État ne saurait faire l’économie d’une réflexion structurelle sur ses capacités d’équarrissage et sur les moyens alternatifs mobilisables. Il est essentiel que le système soit en mesure de faire face à des crises de grande ampleur, dans un contexte où les besoins sont susceptibles, en cas de crise épizootique importante, d’augmenter rapidement et massivement.

L’Anses recommande à court terme la nécessité pour chaque département d’identifier des moyens alternatifs à l’équarrissage pouvant être localement mobilisés. À plus long terme, l’agence préconise la mise en place de plans prévisionnels régionaux, ainsi que la conduite de recherches opérationnelles liées aux enjeux de compostage des cadavres : « existant dans d’autres pays (Amérique du Nord notamment), cette technique nécessite d’être évaluée et adaptée à l’échelle du territoire français, tout en nécessitant d’être rediscutée au plan réglementaire au niveau européen ([69]) ». Vos rapporteurs s’associent à ces préconisations et appellent les pouvoirs publics à se saisir de ce sujet.

 

Proposition n° 22 : améliorer la gestion des cadavres, en identifiant en amont les moyens alternatifs à l’équarrissage au niveau local.

À moyen terme, mettre en place des programmes de recherche sur les enjeux de compostage des cadavres.

En deuxième lieu, il importe d’être particulièrement vigilant quant aux conséquences de moyen et long terme des décisions d’enfouissement et de stockage qui ont été prises au cœur de la crise. Un suivi attentif des potentielles conséquences sanitaires et environnementales des décisions d’enfouissement sur les exploitations et dans les sites de stockages spécifiques doit être mis en place.

 

Proposition n° 23 : mettre en place un suivi relatif aux conséquences sanitaires et environnementales des décisions d’enfouissement des cadavres sur site et dans des sites de stockages spécifiques.

Enfin, et notamment dans la perspective de la vaccination, une réflexion sur la question de l’abattage préventif, qui participe à la surcharge des services d’équarrissage, paraît nécessaire, même si son recours se justifie pour protéger certains sites stratégiques. Aujourd’hui, les abattages préventifs suscitent la colère et l’incompréhension de certains éleveurs, et fragilisent le consentement des éleveurs aux mesures de biosécurité. Certains acteurs, dont la Confédération paysanne, demandent leur suppression. La pertinence des abattages préventifs pose aussi de nombreuses questions éthiques du point de vue du bien-être animal ainsi que du point de vue du gaspillage alimentaire.

 

Proposition n° 24 : dans la perspective de la vaccination et du recours accru au mécanisme de dé densification préventive, envisager une nouvelle doctrine sur les abattages préventifs, afin de limiter le plus possible le recours à ces méthodes.

6.   Qu’attendre du vaccin contre l’influenza aviaire et quelle stratégie vaccinale retenir ?

a.   Si la vaccination ne doit pas être considérée comme une solution miraculeuse, elle paraît indispensable pour envisager l’avenir des filières avicoles

La vaccination des volailles contre l’influenza aviaire fait unanimement l’objet de fortes attentes de la part de l’ensemble des filières, comme ont pu le constater vos rapporteurs au cours de leurs auditions comme de leurs déplacements.

Comme le rappelle l’Anses ([70]), la vaccination est une solution « qui viendrait compléter l’arsenal de prévention et de lutte actuellement en place », sans s’y substituer. MM. Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané de l’Anses et Gilles Salvat, directeur général délégué de l’Anses pour la recherche et la référence ont insisté, lors de leur audition, sur les limites inhérentes à toute stratégie vaccinale : « Il est essentiel de souligner qu’un vaccin contre l’influenza aviaire ne protège efficacement que contre la souche virale incluse dans le vaccin ou les virus qui seraient antigéniquement suffisamment proches de celle-ci. La vaccination ne permet donc pas de s’affranchir des mesures de biosécurité, qui sont seules à même de prévenir l’introduction dans les élevages de tous les agents pathogènes, dont les virus influenza qui sont très divers, même si l’on ne considère que les seuls sous-types hautement pathogènes pour les oiseaux (H5 et H7). De même, la surveillance des troupeaux n’est pas annulée par la mise en œuvre d’une politique vaccinale. Bien au contraire, l’acte délégué de l’Union européenne (en préparation) qui précise dans quelles conditions une vaccination des volailles serait possible au sein de l’Union européenne fait de la surveillance des troupeaux vaccinés pour dépister d’éventuelles infections inapparentes une condition sine qua non de la mise en œuvre de la vaccination » ([71]).

Il est important de noter, en outre, que le même vaccin ne pourra être efficace sur l’ensemble des espèces concernées et qu’il importe donc de définir clairement les espèces devant être vaccinées en priorité.

Le vaccin ne constitue pas une solution « miracle » face à l’épidémie mais devrait permettre une diminution des symptômes et une réduction de l’excrétion du virus qui contribueront à la maîtrise de l’épizootie et en limiteront les risques d’emballement. Il existe aujourd’hui un quasi-consensus sur la nécessité de mettre en œuvre de toute urgence une stratégie vaccinale. Vos rapporteurs notent cependant les réserves du collectif Sauve qui poule ainsi que de certains chercheurs entendus dans le cadre des auditions ([72]), qui voient dans la vaccination une solution de court-terme, plus particulièrement adaptée à l’élevage dit « industriel » et qui ne doit pas occulter la nécessité de repenser le modèle d’élevage avicole français.

La très grande majorité des autres organisations et acteurs rencontrés par vos rapporteurs estime qu’on ne peut faire l’économie d’une telle mesure, ce qui constitue une évolution : un tel consensus est récent. Vos rapporteurs estiment que la vaccination doit donc être déployée rapidement, sans occulter la nécessité de poursuivre une réflexion exigeante sur l’avenir de la filière et ses modèles d’élevage souhaitables. De nombreuses questions demeurent, notamment sur le coût de la vaccination – et sa répartition entre éleveur, filière et État – ainsi que sur la diplomatie sanitaire devant être déployée pour garantir les débouchés à l’export.

b.   Quelle stratégie vaccinale mettre en œuvre en France ?

i.   Quelles sont les caractéristiques des vaccins disponibles aujourd’hui ?

La Commission européenne a publié le 20 février 2023 un règlement délégué (2023/361) ([73]) qui rend possible la vaccination en tant que mesure de prévention et de lutte pour certaines maladies répertoriées, dont l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). La vaccination contre l’IAHP était jusqu’alors interdite aux pays de l’Union Européenne, sauf dérogation portant sur des espèces d’oiseaux protégés détenues dans des parcs zoologiques. La publication de ce règlement ouvre la porte à la mise en place de la stratégie vaccinale souhaitée par la France.

Sur les cinq vaccins contre l’influenza aviaire H5 disponibles dans le monde, seul le vaccin Nobilis Influenza H5N2 du laboratoire MSD Santé animale bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’Union européenne. Cependant, l’AMM a été octroyée en septembre 2006, et la souche vaccinale n’a pas été actualisée depuis.

La vaccination contre l’influenza aviaire est aujourd’hui autorisée ou en phase de test dans un certain nombre de pays : les États-Unis (EU), la Colombie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, le Vietnam, le Chili, l’Argentine, l’Égypte, la Jordanie, l’Iran, le Koweït, le Mexique, le Bangladesh, la Biélorussie, le Liban, l’Ouzbékistan, le Pakistan, la Tunisie, la Turquie, l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), ainsi que dans le cadre d’une licence conditionnelle au Brésil pour un vaccin.

Cinq États membres de l’Union européenne contribuent actuellement à évaluer l’efficacité des approches vaccinales envisageables pour différences espèces aviaires : la France (canards), les Pays-Bas (poulets), la Hongrie (oies), l’Italie (dindes) et la République tchèque (oies).

En ce qui concerne l’expérimentation en France, elle est menée sur le canard mulard et destinée à évaluer la réceptivité des palmipèdes au vaccin.

Les deux vaccins sélectionnés sont ceux des laboratoires Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim, dont vos rapporteurs ont rencontré les représentants. L’expérimentation est mise en place sous le contrôle de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, de l’Anses, de vétérinaires et des laboratoires qui fournissent les vaccins. Elle est encadrée par une convention. Plusieurs financeurs accompagnent l’expérimentation : l’État ainsi que les conseils régionaux de Nouvelle-Aquitaine, d’Occitanie, des Pays de la Loire et de Bretagne sont les principaux contributeurs. Le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG) et les deux laboratoires qui fournissent les vaccins participent également. Le coût total ne sera connu qu’en fin d’expérimentation. Les résultats de cette expérimentation sont attendus par le ministère au mois de mars 2023, avant une phase d’échanges avec les autres États membres réalisant les expérimentations sur les autres espèces au cours du mois d’avril 2023.

Expérimentation vaccinale en France sur les palmipèdes : deux vaccins en lice

Les deux vaccins sélectionnés sont ceux des laboratoires Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim.

L’expérimentation se déroule en deux phases et vise à expertiser l’efficacité de chacun des vaccins sur les palmipèdes. Il s’agit d’évaluer :

– la réponse immunitaire induite et la capacité à réduire l’excrétion virale ;

– la capacité de ralentissement de la transmission des virus.

La première phase est réalisée sur trois lots de canards dans trois élevages. Des animaux sont vaccinés et leur réponse à la vaccination est étudiée pendant les 12 à 13 semaines d’élevage. Des prélèvements virologiques et sérologiques sont réalisés pour respectivement :

– détecter d’éventuels virus influenza circulant dans les élevages suivis ;

– et mesurer la réponse immunitaire dans ces élevages.

Le système DIVA (pour « differentiating infected from vaccinated animals ») qui permet de distinguer les oiseaux vaccinés des oiseaux infectés est également évalué dans ce cadre.

La deuxième phase est réalisée dans les animaleries confinées du laboratoire national de référence de l’Anses à Ploufragan (LNR). Des animaux vaccinés seront transférés vers le LNR et se verront administrer du virus influenza hautement pathogène. Cette étape a pour objectif d’évaluer le niveau de réplication (dit « R0 ») et la durée d’excrétion du virus d’épreuve chez les canards préalablement vaccinés.

Les résultats de l’expérimentation devrait faire l’objet d’un rapport à la fin du mois de mars 2023.

Le vaccin produit par le laboratoire Ceva Santé Animale, en cours de test et d’homologation est le Respons AI H5 pour les palmipèdes. Il nécessite deux injections, la première au couvoir (à J+1) et la seconde à J+28.

Le vaccin de Boehringer Ingelheim est le Volvac BEST AI+ND. Il est formulé à partir d’un antigène produit en utilisant un système d’expression d’une protéine immunogène du virus par un baculovirus cultivé sur cellules d’insecte. Ce vaccin sous-unitaire est injectable et peut être administré à partir de 10 jours d’âge (1 dose de 0,5 ml par voie sous-cutanée). Il fait l’objet d’une commercialisation dans plusieurs pays (Mexique, Jordanie, Egypte et Irak, notamment).

ii.   Quelles espèces vacciner en France en priorité, dans quels délais ?

Le plan d’action gouvernemental destiné à rendre opérationnelle la vaccination des volailles a été annoncé le 22 décembre 2022 par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Il vise à définir, à développer et à rendre opérationnelle une stratégie vaccinale de façon conjointe avec l’ensemble des parties prenantes.

Le plan d’action s’articule autour de 5 grands axes :

– des vaccins disponibles et efficaces ;

– des scénarios et une stratégie ;

– une campagne de vaccination ;

– des actions d’influence et de négociations internationales ;

– une communication vers les publics cibles.

La gouvernance nationale du plan repose sur deux instances : une stratégique, le comité de pilotage (Copil), et une opérationnelle, le comité de suivi (Cosui). Le Copil réunit l’administration, les établissements publics impliqués (Anses, Agence nationale du médicament vétérinaire, ENVT), les interprofessions du secteur avicole, de la profession vétérinaire et de l’industrie du médicament vétérinaire. Il est chargé du suivi de la mise en œuvre du plan d’action et de l’élaboration de propositions à l’attention du ministre vis-à-vis de la stratégie vaccinale et de sa mise en œuvre concrète. Il est présidé par la direction générale de l’alimentation et se réunit une fois par mois. Vos rapporteurs ont été autorisé à suivre les réunions du Copil. Le Cosui met en œuvre les actions priorisées par le comité de pilotage ; il coordonne la livraison des livrables prévus par le plan d’action.

La première réunion du Copil s’est tenue le 17 janvier 2023 et a été l’occasion de partager avec l’ensemble des participants le calendrier de réalisation des 20 actions qui doivent conduire à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de vaccination en septembre 2023 en France.

Au niveau européen, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) évalue actuellement la disponibilité de vaccins contre l’IAHP pour les volailles et envisage des stratégies de vaccination potentielles. Les résultats de ces travaux, auxquels l’Agence européenne des médicaments (EMA) et le laboratoire de référence de l’UE contribuent également, seront disponibles au deuxième semestre 2023.

Vos rapporteurs s’inquiètent du calendrier arrêté par le Gouvernement, tout en saluant sa volonté de mise en place d’une large concertation. Les laboratoires entendus par vos rapporteurs ont indiqué que le délai entre le passage d’une commande de vaccins et leur livraison était estimé à 6 à 8 mois. Il est donc impératif que le Gouvernement arrête dans les plus brefs délais sa stratégie pour pouvoir passer commande. Il semble déjà, à l’heure actuelle, difficile de tenir les délais permettant un lancement de la campagne vaccinale en septembre.

Au terme de leurs auditions et sans prétendre « court-circuiter » les travaux menés dans le cadre du plan d’action gouvernemental, vos rapporteurs estiment qu’il existe un consensus des acteurs sur la nécessité de vacciner en priorité et très rapidement les palmipèdes. Il semble, en outre, nécessaire de protéger le patrimoine génétique français en procédant à la vaccination des volailles reproductrices (parentaux et grands-parentaux).

Vos rapporteurs plaident donc pour la mise en œuvre rapide, voire immédiate, d’une stratégie vaccinale visant d’une part les palmipèdes et d’autre part les reproducteurs. Cette stratégie pourra faire, dans un second temps, l’objet d’un aménagement ou d’un élargissement mais, pour l’heure, il semble urgent d’agir et de protéger cette espèce particulièrement sensible au virus et plus particulièrement susceptible de le diffuser, ainsi que les garants de la génétique.

 

Proposition n° 25 : mettre en place dans les délais les plus brefs une stratégie vaccinale ciblant les palmipèdes et les reproducteurs, quitte à élargir dans un second temps le spectre des espèces ciblées. Les délais entre la commande des vaccins et leur livraison étant compris entre six et huit mois, le déploiement d’une vaccination en septembre 2023 nécessite une prise de décision gouvernementale dès à présent.

c.   Exporter des volailles vaccinées : l’enjeu d’une « diplomatie sanitaire » efficace pour appuyer la stratégie vaccinale

La mise en œuvre d’une stratégie vaccinale doit aller de pair avec la garantie de pouvoir exporter les volailles vaccinées.

Pour l’heure, les acteurs sont inquiets de la position de nombreux pays tiers qui refusent les importations de pays pratiquant la vaccination de crainte que les animaux vaccinés ne soient porteurs sains de la maladie et vecteurs de son introduction sur leur territoire. Cette restriction peut porter soit sur les animaux vaccinés et leurs produits, soient plus largement, sur l’ensemble des volailles et des produits issus des pays ayant recours à la vaccination. Dans le cas de certains pays – Australie, Arabie Saoudite, Cambodge, Corée du Sud, Inde, Irak, Israël, Nigeria, Sénégal, Taïwan – l’interdiction d’importation tient au fait que la vaccination est interdite sur leurs territoires nationaux. A l’inverse, de très rares pays – la Moldavie, la Macédoine et l’Ukraine – mentionnent explicitement la possibilité d’importer des produits issus d’animaux vaccinés sur leurs territoires dans le certificat sanitaire accompagnant les volailles et produits exportés. Le positionnement d’autres pays tiers, dont la Chine notamment, est encore incertain et susceptible d’évoluer ([74]).

Les exportations vers des pays tiers représentant 40 % en valeur des échanges de viande de volaille française en 2020 et 52 % des échanges de génétiques aviaires, la sécurisation des exportations doit donc accompagner le déploiement de la stratégie vaccinale (voir supra les estimations des pertes économiques à l’export résultant de l’épizootie).

 

Proposition n° 26: poursuivre les efforts en matière de diplomatie sanitaire vis-à-vis des pays tiers importateurs de volailles françaises afin de garantir que ces débouchés seront préservés en cas de vaccination des animaux concernés

d.   Un coût de la vaccination qui ne doit pas peser sur les éleveurs

Le coût des différents scénarios de vaccination est actuellement étudié dans le cadre du plan d’action du Gouvernement.

Les informations dont disposent vos rapporteurs ne permettent que difficilement d’évaluer le coût total de la vaccination, qui dépendra, en premier lieu, de la stratégie retenue.

Il importe également de noter que le seul prix du vaccin ne suffit pas à évaluer le coût de l’opération de vaccination : les représentants des laboratoires auditionnés par vos rapporteurs ont insisté sur le fait que le prix du vaccin ne représentait que 25 % du coût total du schéma vaccinal complet, le reste correspondant aux manipulations nécessaires à la vaccination ainsi qu’au « monitoring », c’est-à-dire aux opérations de suivi post-injection.

D’après les informations transmises à vos rapporteurs, le prix des vaccins par palmipèdes est évalué entre 0,10 € et 0,50 € par canard. Cette évaluation est cependant à prendre avec les plus grandes précautions.

En amont des travaux menés par le ministère, un « groupe de réflexion opérationnelle sur la vaccination influenza » avait été créé par les professionnels et avait envisagé quatre stratégies vaccinales, allant d’une protection limitée aux espèces à risque sur des zones ciblées, jusqu’à une immunité collective maximale sur l’ensemble du territoire. Les informations issues de ce groupe de réflexion sont ici données avec la plus grande prudence, afin de permettre au lecteur d’envisager les ordres de grandeur qui pourraient être ceux des différents scénarios de vaccination. Elles présentent l’intérêt de suggérer une évaluation globale du coût de la vaccination, incluant les opérations de suivi (« monitoring »).

Le groupe de travail était composé des principales organisations de production avicoles ainsi que des principaux cabinets vétérinaires spécialisés dans le suivi sanitaire des élevages avicoles et les laboratoires vétérinaires disposant des vaccins candidats contre l’influenza aviaire. Le premier scénario envisagé consistait en une vaccination des espèces les plus à risque, palmipèdes et dindes, dans les zones à risque de diffusion (ZRD) ; le deuxième scénario, la vaccination des palmipèdes, des dindes, des poules pondeuses et des espèces dites « festives » (poulardes, chapons, etc.) dans toutes les zones et, en ZRD élargies concernant les espèces « festives » ; le troisième scénario prévoyait d’atteindre 60 % d’animaux vaccinés sur le territoire (palmipèdes, dindes, poules pondeuses, gallus vivant plus de 42 jours) ; le dernier scénario, enfin, permettait d’envisager la vaccination de toutes les volailles, sauf les reproducteurs et certains gibiers. Chacun de ces scénarios a fait l’objet d’une évaluation de son coût (voir tableaux ci-dessous)

Synthèse des travaux menés par le groupe de travail sur la mise en œuvre de la vaccination contre l’influenza aviaire (décembre 2022)

Il apparaît essentiel, quelle que soit la stratégie retenue, que le coût de la vaccination ne pèse pas sur les seuls éleveurs et fasse l’objet d’une prise en charge adaptée de la part de l’État.

Proposition n° 27 : pour en garantir l’acceptabilité sociale, s’assurer que le coût de la vaccination ne pèse pas trop lourdement sur les éleveurs et soit en partie acquitté par l’État et par les filières

e.   Des moyens humains qui doivent être à la hauteur de la stratégie vaccinale adoptée

Vos rapporteurs s’alarment, en outre, de la capacité des acteurs à mettre en œuvre sur le territoire une vaccination à grande échelle. En effet, les vaccins envisagés à l’heure actuelle pour les palmipèdes exigent au moins une, voire deux injections sous‑cutanées. Cette opération doit être effectuée par un vétérinaire, ce qui paraît très délicat en l’état du maillage vétérinaire dans de nombreux départements. Il est donc essentiel de s’assurer que les opérations d’injection ainsi que les moyens de surveillance des élevages vaccinés puissent être menés à bien. À plus long terme, la question du maillage vétérinaire territorial doit faire l’objet de travaux approfondis tant elle constitue un enjeu important pour la pérennité de l’élevage et la bonne gestion des crises sanitaires.

 

Proposition n° 28 : s’assurer que les conditions matérielles de mise en œuvre de la vaccination sont réunies, en prévoyant le cas échéant la possibilité pour d’autres acteurs que les seuls vétérinaires de procéder aux injections et en garantissant les moyens de surveillance des élevages conformes aux exigences européennes

f.   Un vaccin qui doit être conditionné de manière à être accessible à tous les types d’élevage

Vos rapporteurs, enfin, souhaitent insister sur la nécessité de garantir l’accessibilité du vaccin à tous les types d’élevage. Cet enjeu est particulièrement important à l’heure où certains éleveurs indépendants ne souhaitent pas nécessairement recourir à la vaccination. La question du conditionnement des doses de vaccin est, à cet égard, déterminante. Il est évident qu’un conditionnement sous forme de flacon contenant mille doses de vaccins ne serait pas adapté aux petits élevages ([75]), ni financièrement abordable pour eux si le coût de la vaccination n’était pas pris en charge en partie ou complètement par les pouvoirs publics.

 

Proposition n° 29: garantir l’accessibilité du vaccin aux petits éleveurs, y compris en s’assurant d’un conditionnement des doses de vaccin adapté aux plus petites exploitations et aux basses-cours

B.   À long terme : bÂtir des stratÉgies de filiÈres pour garantir la sécuritÉ sanitaire, la souverainetÉ alimentaire et la durabilitÉ de notre modÈle d’Élevage

1.   La démarche « One Health » : un guide pour penser les enjeux et la gestion des épizooties

Le concept « One Health » ou « Une seule santé » en français, mis en avant depuis le début des années 2000 notamment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), repose sur la conscience des liens étroits existant entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global de la planète. Il vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires.

Les épizooties dans leur ensemble, y compris l’influenza aviaire doivent être pensées dans ce cadre global. Ainsi que le souligne l’Anses : « Au moins 60 % des maladies humaines infectieuses ont une origine animale. De nombreuses pandémies, comme le Covid-19, les virus Zika et Ebola, la grippe aviaire ou encore le Sida, ont en commun de venir des animaux. Le nombre de grandes épidémies au niveau mondial a augmenté depuis un siècle, à mesure de l’accroissement de la population mondiale, de l’intensification des transports de la dégradation de l’environnement et du développement des villes. L’activité humaine joue ainsi un rôle majeur dans la propagation de maladies infectieuses : la déforestation a par exemple mis en contact les animaux sauvages et ceux d’élevage, facilitant le passage de nouvelles maladies à l’homme » ([76]).

Penser la gestion à long terme de l’influenza aviaire doit donc amener conjuguer une réflexion sur le risque de zoonose et sur le modèle d’élevage souhaitable à long terme. Ces questions sont intimement liées.

Contenir le risque de zoonose : les éléments transmis par l’Institut Pasteur

Lors de son audition Mme Van Der Warf, chercheuse et directrice du centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur a indiqué que le dispositif de veille mis en place par Santé publique France, en lien étroit avec le CNR et le laboratoire national de référence (LNR) avait été renforcé, notamment grâce à une information large de la communauté médicale. Un renforcement de la surveillance via le réseau des médecins sentinelles pour la réalisation de prélèvements chez les personnes exposées consultant pour une infection respiratoire aiguë (IRA) a également été mis en place. Des actions pour un renforcement de la surveillance active des personnes en lien avec les élevages aviaires, porcins, ou mixtes, susceptibles d’avoir été exposées à des foyers d’infection par des virus influenza aviaires sont en cours de mise en place sous l’égide de Santé Publique France avec une étude pilote dans les quatre régions les plus touchées, avant une éventuelle extension à l’ensemble du territoire national. La possibilité de mise en place d’enquêtes sérologiques chez les personnels en lien avec les élevages pour une meilleure évaluation du risque d’infection chez l’homme est également envisagée. Le renforcement des mesures de surveillance active à l’interface entre l’homme et l’animal suppose des moyens très conséquents, et se heurte à des difficultés en termes de faisabilité, notamment en période de circulation active des virus influenza saisonniers (nécessité a minima d’un sous-typage des virus voire d’un séquençage pour faire la distinction entre grippe saisonnière et grippe zoonotique). Elle suppose également une très bonne adhésion de l’ensemble des acteurs concernés et une prise en compte des conséquences économiques éventuelles qui en découlent.

Dans le cadre des réunions semestrielles de mise à jour de la composition des vaccins grippaux, l’OMS met également à jour la liste des candidats vaccins pour la grippe zoonotique, prenant en compte l’évolution génétique et antigénique des virus influenza aviaires et porcins ayant donné lieu à des infections documentées chez l’homme. Un candidat vaccin A/Astrakhan/3212/2020 (H5N8) est actuellement disponible pour les virus porteurs d’une H5 de sous-clade 2.3.4.4b. Deux autre candidats vaccins pour ce même sous-clade, A/chicken/Ghana/A VL-763_21VIR7050-39/2021 et A/American Wigeon/South Carolina/22-000345-001/2021, sont en cours de développement. Les délais de production pour une mise à disposition sont au minimum de 3-4 mois.

L’application stricte des mesures déjà en place est susceptible de réduire le risque : – vaccination grippale des personnes au contact des animaux ;

 port d’équipements de protection individuels adaptés surtout lors d’exposition ou suspicion d’exposition à des animaux infectés ;

 mise en place de mesures permettant d’identifier le risque à la source par un renforcement des moyens de surveillance active dans la faune sauvage, ainsi que dans les élevages aviaires et porcins.

 

Proposition n° 30 : renforcer les moyens matériels et humains permettant la mise en œuvre de la surveillance active du risque de transmission à l’homme du virus de l’influenza aviaire et associer les collectivités territoriales à la définition de la stratégie de surveillance active.

2.   Se prémunir de la contradiction entre les attentes sociétales et les politiques de biosécurité

a.   Garantir la cohérence des politiques publiques

Il est essentiel dans le cadre des stratégies de filière à bâtir pour l’avenir, de garantir la cohérence des politiques publiques conduites.

Au cœur des aspirations sociétales contemporaines, se trouve la volonté de défendre un modèle d’élevage respectueux du bien-être animal et de promouvoir l’accès à une alimentation de sécurité.

Les politiques sanitaires ne peuvent être conçues en silo, sans prendre en compte les autres objectifs majeurs, tels que ceux relatifs à la lutte contre le malêtre des agriculteurs, à la montée en gamme des productions et au bien-être animal.

Il faut souligner que ces dernières années, plusieurs évolutions sont à l’œuvre pour soutenir les modèles plein air vertueux, avec notamment des engagements pris par les filières pour développer le plein air. Aujourd’hui la part des élevages de poules en plein air représente 20 % du total des élevages de volailles ([77]). Les exigences fixées dans la loi EGALIM et complétées depuis en matière de restauration collective constituent également un levier pour encourager ces modèles, en instaurant un objectif de 50 % d’alimentation durable dans la restauration scolaire, dont 20 % d’alimentation issue de l’agriculture biologique.

Les décisions prises face aux risques d’épizootie doivent bien sûr reposer sur des critères d’analyse tenant au risque sanitaire, mais doivent également prendre en compte les autres objectifs de politiques publiques poursuivis. Vos rapporteurs formulent donc une remarque d’ordre général, qui concerne la cohérence des politiques publiques conduites. La question sanitaire est primordiale, et l’avenir des filières avicoles en dépend. Néanmoins, les politiques de santé animale doivent également prendre en compte d’autres enjeux de politiques publiques, qui plus est dans un contexte d’endémisation probable du virus, qui tend à faire s’installer dans la durée des mesures initialement conçues pour être temporaires.

 

Proposition n° 31 : S’assurer, dans le cadre de la définition d’une stratégie de long terme de lutte contre l’influenza aviaire, de la cohérence de ses grands principes avec les autres objectifs des grandes politiques publiques tant celles de l’État que celles des collectivités territoriales, notamment en matière de montée en gamme de la production agricole, de bien-être animal et d’accès de tous à une alimentation saine, sûre et durable.

b.   Éclairer au mieux le consommateur, pour préserver sa confiance dans les filières avicoles françaises

Vos rapporteurs considèrent que la situation actuelle rend nécessaire une meilleure information du consommateur. Les lacunes importantes en la matière sont regrettables. Maintenir les consommateurs dans l’ignorance est contraire au principe de loyauté dans l’information qui lui est apportée et pourrait également nuire à terme à la filière, en brisant le lien de confiance entre les filières de production et les consommateurs.

Vos rapporteurs appellent à ce qu’un travail soit mené par la DGCCRF pour renforcer les informations du consommateur en la matière. Des obligations d’affichage en magasin doivent être mises en place et respectées. Elles doivent rappeler les aménagements réalisés sur le cahier des charges plein air. Un affichage directement sur le produit pourrait également être envisagé. Cette information doit systématiquement rappeler que la consommation de produits avicoles ne comporte aucun risque du point de vue de la transmission du virus.

 

Proposition n° 32 : garantir la sincérité de l’information transmise au consommateur, au moyen éventuellement d’un affichage directement sur le produit indiquant les conditions d’élevage des animaux résultant de la gestion de l’influenza aviaire et l’absence de risque de transmission du virus via la consommation de produits avicoles.

3.   Promouvoir un modèle avicole durable en accélérant la transition agroécologique

Vos rapporteurs invitent globalement les pouvoirs publics à promouvoir un modèle de production avicole différent du modèle intensif, qui comporte des risques importants en matière de biosécurité et contredit les aspirations citoyennes pour une agriculture plus durable et ancrée dans les territoires.

a.   Réduire les flux entre élevages et encourager les modèles autarciques

Du point de vue de la biosécurité, les contacts liés aux multiples étapes du processus de production des produits avicoles en filière longue, sont un facteur de risque important de diffusion du virus. Le modèle aujourd’hui très segmenté de la production de volailles favorise les mouvements d’animaux et de personnes, qui sont des vecteurs importants de transmission du virus, malgré les protocoles de biosécurité stricts existants.

Outre le renforcement des protocoles de biosécurité, une réflexion doit également être conduite pour réduire les flux entre élevages.

Vos rapporteurs considèrent que la réduction des temps de transport doit être intégré à la palette des outils de lutte contre l’IAHP. Concernant la filière palmipède, l’APCA recommande d’obliger les organisations professionnelles à mettre en place des protocoles pour éviter les longues distances entre « élevage‑gavage » et « animaux gavés-abattoir ». Les associations de bien-être animal recommandent de limiter les temps de transport à 4 heures maximum. Vos rapporteurs souscrivent à ces propositions.

 

Proposition n° 33 : faire de la réduction des temps de transport d’animaux l’un des outils de prévention contre la diffusion de l’IAHP.

Vos rapporteurs considèrent, en outre, que le modèle autarcique constitue un modèle pour l’avenir qu’il convient de développer : vertueux sur le plan de la biosécurité car il limite les mouvements d’animaux et de personnes, il répond également aux attentes citoyennes en matière de circuit court et du respect du bien-être animal.

 

Proposition n° 34 : soutenir les modèles autarciques, qui sont vertueux sur le plan de la biosécurité et qui répondent aux attentes citoyennes.

b.   Encourager des modèles d’élevage plus durable, notamment à travers la réduction de la densité au sein des élevages

La forte densité des élevages industriels est un facteur à risque du point de vue de la diffusion de l’épizootie. La densité d’oiseaux est un facteur à même d’accroître la charge virale et les risques de contamination en chaîne. Plusieurs universitaires et journalistes entendus par vos rapporteurs ont soutenu cette thèse (cf. infra). Ces facteurs à risque sont également reconnus par l’Anses, qui dans son bilan 2022 sur l’épidémie IAHP, souligne l’importance d’« une réflexion de toutes les filières vis-à-vis de la réduction des densités d’élevage et d’oiseaux en élevage, qu’il convient de recommander ». Si les filières ont d’ores et déjà conduit un important travail ces dernières années pour développer les volailles plein air labellisées et les volailles issues de l’agriculture biologique, il reste que, selon les associations de bien-être animal, 55 % des poulets qui sont élevés aux plus fortes densités en Europe se trouvent en France, c’est-à-dire à 42 kg/m2 (soit l’équivalent d’environ 23 poulets/m2).

Au-delà du risque que pose la densité de volailles en matière de contamination, la surdensité est également contestable du point de vue des enjeux de la qualité de l’alimentation et du respect du bien-être animal et paraît en contradiction avec les attentes des citoyens et des consommateurs.

Vos rapporteurs appellent donc les pouvoirs publics à se saisir de cette question et à encourager une stratégie à l’échelle des filières pour réduire la densité au sein des élevages. Cette réduction pose des défis importants en matière de compétitivité, mais elle s’inscrit clairement dans la stratégie de la montée en gamme de la Ferme France, de la reconquête des marchés nationaux et dans la promotion d’un modèle durable pour l’agriculture de demain. C’est pourquoi vos rapporteurs considèrent que les pouvoirs publics doivent accompagner les acteurs dans cette voie et porter ces questions de dédensification des élevages de volailles au niveau européen, pour construire une vision européenne commune du modèle d’élevage et limiter les risques de distorsions de concurrence.

 

 

Proposition n° 35 : encourager la réduction de la densité des élevages avicoles, pour limiter les risques sanitaires et répondre aux attentes citoyennes.

Porter la question de la réduction de la densité des élevages avicoles à l’échelle européenne, pour construire une vision européenne commune du modèle d’élevage et limiter les risques de distorsions de concurrence.

En parallèle, les études visant à établir le lien entre densité au sein des élevages et diffusion du virus doivent se poursuivre. Ces études supplémentaires iraient dans le sens des remarques formulées par l’Anses, qui considère que des travaux supplémentaires de modélisation sont nécessaires pour prendre notamment en considération la densité d’oiseaux (nombre d’oiseaux présents par élevage à l’instant T) en plus de la densité des élevages. Ces études devraient également permettre de tracer davantage les foyers et les profils d’élevages touchés par le virus, de même que la fréquentation des parcours de volailles par l’avifaune sauvage.

 

Proposition n° 36 : mener des études scientifiques visant à mieux analyser le lien entre la densité de volailles au sein d’un élevage et la diffusion du virus IAHP.

c.   Varier les souches génétiques

Les souches génétiques utilisées dans les modèles intensifs sont identifiées comme l’une des causes structurelles susceptibles de fragiliser l’immunité des volailles. En particulier, la souche génétique Ross308, utilisée dans les élevages standards est particulièrement mise en cause et considérée comme à l’origine de graves problèmes de bien-être des animaux (troubles squelettique, troubles de la locomotion, ascites, dermatites de contact, etc.), ces troubles s’expliquant par une croissance trop rapide des volailles, traduisant un fonctionnement cherchant à obtenir un très haut  niveau de production de chair au détriment de leurs capacités à résister aux maladies. Un rapport de la Commission européenne en date de 2016 décrit ainsi l’évolution de la sélection génétique: « Aujourd’hui, les poulets de chair standards [Ross308] atteignent 1,5 kg de poids corporel en moins de 30 jours, alors qu’il fallait 120 (jours) dans les années 1950 ».

Vos rapporteurs considèrent qu’il est essentiel d’encourager l’utilisation de races variées et rustiques, qui présentent une meilleure résistance immunitaire. À l’échelle de la filière, un travail doit être conduit, en partenariat avec l’Anses, pour identifier des souches plus résistantes, comme le recommande notamment la Fédération national d’agriculture biologique (FNAB).

 

Proposition n° 37 : varier les souches génétiques utilisées dans les élevages avicoles.

Favoriser l’utilisation des races variées et rustiques, qui présentent une meilleure résistance immunitaire.

Identifier à l’échelle des filières des souches génétiques plus résistantes, dans le cadre d’un travail partenariat entre l’Anses et les filières.

4.   Financer la recherche et l’innovation et favoriser l’investissement vers des solutions permettant de conjuguer sécurité sanitaire et durabilité du modèle

Vos rapporteurs retiennent de leurs travaux un besoin important d’approfondir les recherches concernant les modalités de diffusion du virus IAHP, afin de prendre les décisions publiques à la fois proportionnées et utiles. Comme mentionné plus haut, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux appréhender les risques de contamination liés aux méthodes plein air. De même, les recherches doivent également porter sur les enjeux de densité et leur impact en matière de fragilité immunitaire et de diffusion.

Des recherches appliquées sont également nécessaires pour trouver de nouvelles solutions permettant de concilier les modèles plein air avec les risques de contamination par la faune sauvage. Vos rapporteurs appellent à la construction d’un programme spécifique en la matière, dotés des fonds financiers adéquats.

En complément, il est aussi souhaitable d’accompagner financièrement les éleveurs pour investir dans des solutions qui permettent de concilier la durabilité du modèle et la biosécurité. En particulier, il est aujourd’hui souhaitable de soutenir l’investissement financier dans les systèmes de jardin d’hiver ([78]). Les jardins d’hiver permettent en effet un espace supplémentaire pour les volailles, avec l’accès à un espace semi extérieur, sans contact avec les oiseaux sauvages. CIWF rapporte qu’en Suisse, les bâtiments standards sont équipés de jardins d’hiver. Vos rapporteurs considèrent que la France devrait également développer ce type d’équipement, en prenant bien garde à ce que la surface du jardin d’hiver ne soit pas comprise dans la surface du bâtiment. Ce système de jardin d’hiver serait pertinent à développer à la fois pour les élevages standards, mais également pour les élevages plein air, car ils peuvent garantir une mise à l’abri allégée en cas de risque épidémique élevé. Ainsi, tout en respectant la mesure d’interdiction empêchant l’accès au parcours, les oiseaux pourraient avoir accès à un espace à l’air libre et être donc élevés dans des conditions plus respectueuses de leur bien-être. Comme le souligne Wellfarm, en veillant à la conformité́ de leur conception en matière de biosécurité́, ces aires d’activité́ à l’air libre limiteraient grandement les conséquences négatives de l’interdiction de l’accès au parcours plein air lors d’épizooties. Il faut aussi noter qu’en parallèle pour les élevages standards, il est essentiel de poursuivre le rythme de rénovation des structures, qui pourrait être freiné du fait des conséquences économiques de l’épidémie.

 

Proposition n° 38 : soutenir financièrement la mise en place de jardins d’hiver dans les élevages plein air et standards.

5.   Demain, des filières plus résilientes grâce à une meilleure répartition géographique

À court-terme, la stratégie de repeuplement des élevages devrait être pensée pour éviter un nouvellement emballement de l’épizootie.

À plus long terme, la question de la répartition géographique des élevages aviaires sur l’ensemble du territoire français devra être posée. La densité des élevages dans certaines régions très productrices a fortement contribué à l’« embrasement » qui a eu lieu, notamment pendant l’hiver 2022.

Dans le cadre d’un fort enjeu de renouvellement des générations, il revient à la filière de penser sur le long terme la répartition géographique des élevages susceptibles de limiter le risque d’épizootie majeure. Cet enjeu pourrait également être éventuellement abordé dans le cadre des aides publiques à l’installation afin d’inciter à une meilleure répartition des sites de production sur l’ensemble du territoire.

Il importe notamment de mieux répartir les sites sensibles regroupant les canards de génétique dont les derniers épisodes d’influenza aviaire ont montré l’extrême vulnérabilité et qui sont actuellement situés à 100 % dans la région Pays de la Loire (70 % des canetons en sont issus).

 

Proposition n° 39 : à court terme, mettre en œuvre une stratégie de repeuplement des élevages prudente, pour éviter un nouvel emballement épizootique et, à long terme, pour la filière et l’État, engager un grand plan de renouvellement des générations favorisant une répartition des élevages sur le territoire national, en accord avec les capacités de transformation en aval, afin de réduire le risque de transmission d’élevage à élevage des épizooties et d’éviter la concentration du patrimoine génétique dans une même zone.

 


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   conclusion

Fort de cinq mois de travaux, quatre déplacements conduits sur le terrain et de la trentaine d’auditions organisées à l’Assemblée nationale, ce rapport analyse l’historique de la diffusion mondiale du virus d’influenza aviaire depuis son apparition en 1997, présente les spécificités des récents épisodes épidémiques, dresse un état des lieux critique des politiques publiques mises en place pour y faire face et formule 40 propositions pour, à court terme, ajuster les mesures de gestion de l’épidémie et à long terme, bâtir des stratégies de filières visant à garantir la sécurité sanitaire, la souveraineté alimentaire et la durabilité de notre modèle d’élevage avicole.

Vos rapporteurs retiennent de ces derniers mois les principaux constats suivants :

 l’épidémie d’influenza aviaire a traumatisé l’ensemble des filières avicoles et en particulier les éleveurs. Face à cette crise qui est sanitaire mais qui est aussi sociale, vos rapporteurs ont souhaité jouer un rôle d’écoute et ce rapport a aussi pour ambition d’être l’un des relais de la parole de ceux qu’on entend trop peu ;

 les services déconcentrés de l’État ont fait preuve d’une très forte mobilisation et d’un sens du service public qu’il faut saluer. Mais ils ont été dépassés par l’ampleur de l’épidémie, ce qui questionne la capacité de nos administrations à réagir en cas de situation de crise exceptionnelle ;

– certaines décisions prises par les pouvoirs publics en matière de biosécurité, en particulier pour le plein air, font l’objet d’un très fort rejet sur le terrain. Ce climat délétère nourrit un sentiment de défiance fort vis-à-vis de l’administration et des pouvoirs publics ;

– malgré un dispositif d’indemnisation globalement salué, les conséquences économiques sont majeures et fragilisent des filières déjà en peine, avec un taux d’importation en hausse ces dernières années.

Certaines des propositions formulées dans ce rapport concernent la gestion de crise et doivent être mise en place à court terme : il s’agit de garantir les moyens de l’État et de construire une culture de gestion de crise, d’améliorer l’accompagnement économique et psychologique des éleveurs, de renforcer les dispositifs de surveillance et de prévention, d’adapter les règles aux spécificités du plein air et d’anticiper les enjeux relatifs à la vaccination.

 

Mais vos rapporteurs ont aussi souhaité élargir la réflexion et formuler des propositions plus structurelles, pour bâtir des filières avicoles résilientes et durables. En ce sens, vos rapporteurs identifient deux principes clés :

– la « démarche One Health » doit guider l’ensemble des politiques publiques conduites en matière de santé animale ;

– la cohérence de l’action publique doit être assurée et les politiques publiques de santé animale ne sauraient être pensées en silo des autres politiques publiques, telles que celles relatives à la lutte contre le mal être des agriculteurs, à la montée en gamme des productions et au bien-être animal. Ainsi, il semble absurde que les réponses sanitaires apportées pour répondre à l’influenza aviaire conduisent à la disparition - ou tout du moins la fragilisation - du modèle plein air, alors que l’ensemble des politiques publiques conduites en matière de montée en gamme et de bien-être animal depuis plusieurs années visent justement à développer davantage ce modèle.

Vos rapporteurs concluent aussi leurs travaux avec humilité et soulignent que leur rapport ne prétend pas à l’exhaustivité. Ainsi, vos rapporteurs considèrent que le rôle des collectivités territoriales mériterait d’être davantage analysé. De même, des comparaisons internationales relatives aux politiques de lutte mises en place seraient essentielles pour mieux évaluer l’action publique. Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont également pu constater les nombreuses controverses et incertitudes qui subsistent concernant les causes de l’épidémie, la responsabilité du modèle industriel et les pertinences des mesures de claustration, pour ne citer que les éléments les plus saillants du débat. Face à ce constat, vos rapporteurs considèrent qu’il est essentiel de davantage croiser les regards sur ces sujets, convaincus que seule l’intelligence collective permettra de formuler les évolutions les plus appropriées. Cette dernière remarque conduit à formuler l’ultime proposition de ce rapport : l’organisation de journées d’étude, en présence du ministre chargé de l’agriculture, pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions collectives, à partir des propositions formulées dans le présent rapport.

 

Proposition n° 40 : Organiser des journées d’étude, en présence du ministre chargé de l’agriculture, sur la base des propositions formulées dans le présent rapport pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions collectives.

 

 

 

 

   liste des propositions

Proposition n° 1 : renforcer le travail de concertation

– en associant l’ensemble des parties prenantes, dont les associations de bien-être animal et les associations de consommateurs ;

– en mettant en place un conseil scientifique en matière de santé animale, pour éclairer au mieux la prise de décision publique. Garantir l’indépendance de ce conseil scientifique et le pluralisme de sa composition.

Proposition n° 2 : nommer des référents préfectoraux coordinateurs par grandes zones géographiques de contamination.

Proposition n° 3 : mettre en place rapidement un fichier unique et fiable géré par les pouvoirs publics recensant les données relatives aux élevages de volailles, au nombre d’oiseaux par élevage, aux mouvements de volailles et aux foyers.

Cet outil doit garantir l’information des détenteurs en cas d’alerte, un suivi précis par l’administration et les capacités d’analyse épidémiologiques.

Proposition n° 4 : améliorer la surveillance et le suivi des filières non commerciales (oiseaux d’ornement, basse-cours) et des activités cynégétiques.

Proposition n° 5 : garantir les moyens de la surveillance de la faune sauvage.

Garantir les moyens humains et financiers de l’OFB en la matière.

Étudier les moyens à mettre en œuvre pour associer plus systématiquement la LPO aux opérations de surveillance de la faune sauvage, ainsi que plus globalement les associations de protection de l’environnement.

Proposition n° 6 : accélérer les recherches pour mettre en place un test de détection précoce rapide et efficace, utilisable directement en élevage.

Proposition n° 7 : suivre les recommandations de l’ANSES relatives aux évolutions nécessaires des critères d’identification du niveau de risque et la cartographie des zones à risques particuliers (ZRP), pour les adapter aux nouvelles caractéristiques de l’épizootie.

Proposition n° 8 : accentuer la sensibilisation et la formation aux enjeux de biosécurité, à travers des modalités adaptées à chaque type de détenteurs d’oiseaux.

Proposition n° 9 : développer la mise en place de stations de lavage, nettoyages et désinfection sur l’ensemble du territoire.

Ce développement doit être effectué sans préjudice des dispositions qui seront prises pour faire aux situations de tension sur la ressource en eau.

Proposition n° 10 : dans le prolongement du plan ADOUR, envisager de déployer les méthodes de dédensification préventive dans d’autres territoires. Garantir un dialogue étroit entre les interprofessions, les syndicats agricoles et les pouvoirs publics, en y associant les collectivités territoriales, sur cette question.

Proposition n° 11 : suivre la recommandation de l’Anses et autoriser les sorties sur parcours réduit dès 8 semaines pour les poulets de chair et plus globalement l’ensemble des galliformes, à l’exception des dindes et poules pondeuses.

Proposition n° 12 : explorer des pistes supplémentaires pour assouplir les obligations de mise à l’abri, en fonction du zonage, du niveau de risque et du type d’élevage.

Proposition n° 13 : face aux controverses et aux incertitudes actuelles, financer des programmes de recherche spécifique pour évaluer l’efficacité des mesures de mise à l’abri sur la propagation du virus.

Proposition n° 14 : associer tous les acteurs du plein air à l’expérimentation mise en place par la DGAL et la rendre plus transparente.

Conduire des expérimentations relatives aux dispositifs alternatifs à la mise à l’abri.

Proposition n° 15 : modifier les protocoles de tests avant abattages en prévoyant des mesures adaptées aux spécificités du plein air et des circuits courts.

Proposition n° 16 : élaborer un modèle spécifique plein air et petites exploitations pour les audits de biosécurité.

Proposition n° 17 : mensualiser le versement des indemnisations économiques afin de soulager les trésoreries des entreprises et des exploitations et d’offrir aux professionnels une plus grande visibilité et une plus grande prévisibilité sur leurs ressources

Proposition n° 18 : maintenir des niveaux d’indemnisation économique en 2022-2023 identique à ceux définis pour 2021-2022

Proposition n° 19 : le soutien aux éleveurs en zone indemne et aux nouveaux installés ne pouvant prétendre aux aides d’État doit être assuré pour les périodes 2021-2022 et 2022-2023 comme il l’a été par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) pour la période 2020-2021

Proposition n° 20 : renforcer les moyens humains et financiers consacrés au plan de prévention du mal-être agricole afin de garantir une meilleure prise en charge des éleveurs confrontés aux épizooties d’influenza aviaire.

Proposition n° 21 : repenser les protocoles de mise à mort

Assurer la transparence concernant les méthodes employées

Privilégier les méthodes de mise à mort à l’intérieur du bâtiment par gazage progressif, plus respectueuse du bien-être animal et de la biosécurité

Éviter l’euthanasie directe par les éleveurs.

Proposition n° 22 : améliorer la gestion des cadavres, en identifiant en amont les moyens alternatifs à l’équarrissage au niveau local.

À moyen terme, mettre en place des programmes de recherche sur les enjeux de compostages des cadavres.

Proposition n° 23 : mettre en place un suivi relatif aux conséquences sanitaires et environnementales des décisions d’enfouissement des cadavres sur site et dans des sites de stockages spécifiques.

Proposition n° 24 : dans la perspective de la vaccination et du recours accru au mécanisme de dé densification préventive, envisager une nouvelle doctrine sur les abattages préventifs, afin de limiter le plus possible le recours à ces méthodes.

Proposition n° 25 : mettre en place dans les délais les plus brefs une stratégie vaccinale ciblant les palmipèdes et les reproducteurs, quitte à élargir dans un second temps le spectre des espèces ciblées. Les délais entre la commande des vaccins et leur livraison étant compris entre six et huit mois, le déploiement d’une vaccination en septembre 2023 nécessite une prise de décision gouvernementale dès à présent.

Proposition n° 26 : poursuivre les efforts en matière de diplomatie sanitaire vis-à-vis des pays tiers importateurs de volailles françaises afin de garantir que ces débouchés seront préservés en cas de vaccination des animaux concernés

Proposition n° 27 : pour en garantir l’acceptabilité sociale, s’assurer que le coût de la vaccination ne pèse pas trop lourdement sur les éleveurs et soit en partie acquitté par l’État et par les filières

 

Proposition n° 28 : s’assurer que les conditions matérielles de mise en œuvre de la vaccination sont réunies, en prévoyant le cas échéant la possibilité pour d’autres acteurs que les seuls vétérinaires de procéder aux injections et en garantissant les moyens de surveillance des élevages conformes aux exigences européennes

Proposition n° 29: garantir l’accessibilité du vaccin aux petits éleveurs, y compris en s’assurant d’un conditionnement des doses de vaccin adapté aux plus petites exploitations et aux basses-cours

Proposition n° 30 : renforcer les moyens matériels et humains permettant la mise en œuvre de la surveillance active du risque de transmission à l’homme du virus de l’influenza aviaire et associer les collectivités territoriales à la définition de la stratégie de surveillance active.

Proposition n° 31 : S’assurer, dans le cadre de la définition d’une stratégie de long terme de lutte contre l’influenza aviaire, de la cohérence de ses grands principes avec les autres objectifs des grandes politiques publiques tant celles de l’État que celles des collectivités territoriales, notamment en matière de montée en gamme de la production agricole, de bien-être animal et d’accès de tous à une alimentation saine, sûre et durable.

Proposition n° 32 : Garantir la sincérité de l’information transmise au consommateur, au moyen éventuellement d’un affichage directement sur le produit indiquant les conditions d’élevage des animaux résultant de la gestion de l’influenza aviaire et l’absence de risque de transmission du virus via la consommation de produits avicoles.

Proposition n° 33 : Faire de la réduction des temps de transport d’animaux l’un des outils de prévention contre la diffusion de l’IAHP.

Proposition n° 34 : Soutenir les modèles autarciques, qui sont vertueux sur le plan de la biosécurité et qui répondent aux attentes citoyennes.

Proposition n° 35 : Encourager la réduction de la densité des élevages avicoles, pour limiter les risques sanitaires et répondre aux attentes citoyennes.

Porter la question de la réduction de la densité des élevages avicoles à l’échelle européenne, pour construire une vision européenne commune du modèle d’élevage et limiter les risques de distorsions de concurrence.

Proposition n° 36 : Mener des études scientifiques visant à mieux analyser le lien entre la densité de volailles au sein d’un élevage et la diffusion du virus IAHP.

Proposition n° 37 : Varier les souches génétiques utilisées dans les élevages avicoles.

Favoriser l’utilisation des races variées et rustiques, qui présentent une meilleure résistance immunitaire.

Identifier à l’échelle des filières des souches génétiques plus résistantes, dans le cadre d’un travail partenariat entre l’Anses et les filières.

Proposition n° 38 : Soutenir financièrement la mise en place de jardins d’hiver dans les élevages plein air et standards.

Proposition n° 39 : À court terme, mettre en œuvre une stratégie de repeuplement des élevages prudente, pour éviter un nouvel emballement épizootique et, à long terme, pour la filière et l’État, engager un grand plan de renouvellement des générations favorisant une répartition des élevages sur le territoire national, en accord avec les capacités de transformation en aval, afin de réduire le risque de transmission d’élevage à élevage des épizooties et d’éviter la concentration du patrimoine génétique dans une même zone.

Proposition n° 40 : Organiser des journées d’étude, en présence du ministre chargé de l’agriculture, sur la base des propositions formulées dans le présent rapport pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions collectives.

 

 


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   glossaire

 

Bande unique : un lot d’animaux de même espèce ou si comportant plusieurs espèces, sans mélange de palmipèdes avec toute autre espèce d’oiseaux non palmipèdes, de stade physiologique homogène, introduite dans la même période dans une même unité de production après un vide sanitaire de cette unité et dont la sortie est suivie par un vide sanitaire de cette unité (source : ITAVI).

 

Clades et sous-clades : au sein d’un sous-type, les virus grippaux peuvent être regroupés en lignées génétiques ou « clades », elles-mêmes différenciées en « sous-clades ».

 

Endémisation : une endémie désigne une maladie présente en permanence sur un territoire ou dans un groupe donné de population (source : Anses).

 

Épizootie : une épizootie est une maladie affectant brutalement un grand nombre d’animaux à la fois dans une région donnée, une épidémie étant le phénomène correspondant chez l’homme (source : Anses).

 

Gallinacé ou galliforme : ordre d’oiseaux omnivores aux formes lourdes, au bec et aux pattes robustes et qui comprend la plupart des oiseaux de basse-cour, dont notamment les dindes, les poules, les pintades, les cailles et les faisans.

 

Jardin d’hiver : Il s’agit d’une construction attenante au poulailler à laquelle les animaux accèdent par des trappes ouvertes en permanence à partir de la moitié de la vie de l’animal. Séparé de l’extérieur par un grillage allant du sol au plafond, il permet aux animaux d’évoluer à l’air libre et ainsi de bénéficier des conditions climatiques extérieures. L’Anses assimile les jardins d’hiver à des auvents.

 

Palmipède : Ordre d’oiseaux dont les pieds sont palmés, dont notamment les anatidés (canards, oies, cygnes etc.).

Parentaux et grands parentaux : volailles reproductrices à forte valeur génétique.

 

Réassortiment génétique des virus influenza A : Lors de la co-infection d’une cellule les segments de gènes des deux virus s’associent et se mélangent pour former un nouveau virion (source : Ecole Normale Supérieure de Lyon).

 

Zoonose : maladies dont le pathogène, bactérie, virus ou parasite, peut être transmis de l’animal aux humains et inversement (source : Anses).

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 5 avril 2023, la commission a examiné le rapport de la mission d’information sur la grippe aviaire et son impact sur les élevages (MM. Philippe Bolo et Charles Fournier, rapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/BjDmbp.

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.

 

 


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Liste des personnes auditionnÉes

Par ordre chronologique

 

M. Jean-Luc Guérin, professeur de pathologie aviaire à l’école nationale vétérinaire de Toulouse, directeur de l’UMR « Interactions Hôtes-Agents Pathogènes »

Auteurs d’une tribune « la biosécurité met en péril l’élevage en plein air » parue dans Le Monde :

M. Frédéric Keck, anthropologue, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Mme Jocelyne Porcher, sociologue, directrice de recherches à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)

M. Charles Stépanoff, anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess)

Confédération paysanne*

M. Denis Perreau, secrétaire national

Mme Sylvie Colas, porte-parole

Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses)

M. Gilles Salvat, directeur général délégué en charge du pôle recherche et référence

M. Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort

Institut Pasteur

Mme Sylvie Van Der Werf, chercheuse et directrice du Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur

M. Louis Marty, directeur de cabinet

ITAVI expert des filières avicole, cunicole et piscicole

M. Jean-Michel Schaeffer, président

M. Maxime Quentin, directeur adjoint et scientifique

Mme Isabelle Bouvarel, directrice générale

 

 

 

Audition commune :

Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) *

M. Joël Limouzin, vice-président

Jeunes Agriculteurs (JA) *

M. Christophe Haas, vice-président

Mme Claire Colombani, conseillère en productions animales

Mme Lucile Leclair, journaliste, auteur de Pandémies, une production industrielle (2020)

Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol) *

M. Jean-Michel Schaeffer, président

M. Yann Nédelec, directeur

Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) *

M. Éric Dumas, président

Mme Marie Laborde, ingénieur en charge du sanitaire

M. Mathieu Lafay, conseil

Chambres d’agriculture France (APCA) *

Mme Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la Chambre d’Agriculture des Landes

Collectif Sauve qui poule

M. André Lopez, administrateur du Réseau des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) de Provence & du MIRAMAP et co-porte-parole du Collectif Sauve qui poule

Mme Carole Sanchez, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule du Vaucluse

Mme Noémie Calais, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule du Gers

Mme Hélène Bailly, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule du Poitou

M. Jacques Dupont, éleveur, pour le collectif Sauve qui poule de Loire-Atlantique

M. Jean-Marc Ackermann, amapien, pour le collectif Sauve qui poule de Loire‑Atlantique

Mme Aurélie Blondin, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule du Béarn

Mme Élise Ammeux, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule Haut de France

Mme Agnès Sallaberry, éleveuse, pour le collectif Sauve qui poule du Pays Basque

M. Dominique Lollivier, éleveur, pour le collectif Sauve qui poule des Landes

Mme Cécile Penot, éleveuse, pour collectif Sauve qui poule du Var.

 

 

Audition commune :

CIWF (Compassion in World Farming) *

Mme Agathe Gignoux, Chargée d’affaires publiques

Mme Estelle Guerin, Chargée de recherche élevage et bien-être animal

Welfarm – Protection mondiale des animaux de ferme *

Mme Adrienne Bonnet, responsable du pôle campagnes, plaidoyer et juridique

Mme Françoise Burgaud, responsable du pôle études et bien-être animal

Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB)

M. David Léger, secrétaire national volailles et œufs

Mme Brigitte Beciu, chargée de mission élevage

Comité national pour la promotion de l’œuf, Interprofession des œufs (CNPO)

M. Yves-Marie Beaudet, président

M. Maxime Chaumet, secrétaire général

Fédération des industries avicoles (FIA) *

M. Paul Lopez, président

M. Gilles Huttepain, vice-président de la FIA et de l’interprofession volaille de chair (ANVOL)

Mme Julie Bret-Mayot, déléguée générale adjointe, en charge des sujets sanitaires

Cabinet de M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Hadrien Jaquet, conseiller filières animales, santé et bien-être animal

Mme Karen Bucher, sous-directrice adjointe santé et bien-être animal à la direction générale de l’alimentation (DGAL)

Mme Élodie Lematte, sous-directrice des filières agro-alimentaire à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Mme Louise Bacher, chargée de mission au bureau des viandes à la DGPE

Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire

Céva Santé Animale *

M. Marc Prikazsky, président directeur général

M. Sylvain Comte, directeur de la filière volailles

Mme Géraldine Kutas, vice-présidente

 

 

MSD France *

M. Michel Boutet, directeur / Business Unit Animaux de Production

M. Aurélien Chito, pharmacien responsable et directeur des affaires réglementaires

Mme Audrey Bigot, responsable technique volailles

M. David Lussot, directeur « engagement client et développement »

Mme Julie Vermooten, directrice Europe Affaires publiques et relations gouvernementales

Mme Marie Bouchel, consultante RPP Paris *

Fédération nationale des chasseurs *

M. Nicolas Rivet, directeur général

Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) *

M. François Moutou, membre du Conseil Scientifique

M. Cédric Marteau, directeur du Pôle Protection de la Nature

UFC - Que Choisir ? *

M. Olivier Andrault, chargé d’étude agroalimentaire et alimentation

M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles France

Laboratoire Boehringer Ingelheim *

Mme Valérie Ajzenman, directrice des opérations commerciale, santé animale

Mme Bénédicte Alexandre, directrice des activités aviaire

Mme Emmanuelle Royer, directrice des affaires réglementaires, santé publique vétérinaire

M. Bruno Erhard, directeur des affaires corporate

Commission européenne

M. Pierre Bascou, directeur chargé des marchés au sein de la direction générale de l’agriculture et du développement rural

M. Bernard Van Goethem, directeur au sein de la direction générale de la santé

Organisation mondiale de la santé animale (OMSA)

Docteur Montserrat Arroyo, directrice générale adjointe « Normes internationales et Science »

Office français de la biodiversité (OFB)

M. Loïc Obled, directeur général délégué « Police, connaissances et expertise »

Mme Anne Van de Wiele, cheffe du service santé de la faune et fonctionnement des écosystèmes agricoles à la Direction de la recherche et de l’appui scientifique

 

INRAe

M. Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture

Mme Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département de la santé animale

Arnaud Rault, chargé de recherche en économie de la santé animale

M. Marc Gauchée, conseiller relations parlementaires et institutionnelles

Audition du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, accompagné de :

Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire

Mme Urwana Querrec, directrice de cabinet adjointe

Mme Karen Bucher (DGAL)

Mme Élodie Lematte (DGPE)

Table ronde de représentants syndicaux des salariés agricoles :

Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres agroalimentaire (CFE CGC AGRO)

Mme Laurence Stuber, chargée de mission branche

Force Ouvrière (FO)

M. Guillaume Tramcourt, secrétaire fédéral en charge de la production agricole pour la FGTA-FO

M. Pierre Wolff, collaborateur FGTA-FO

M. Alexandre Jamin, technico-commercial chez Sanders nutrition et adhérent FGTA-FO

Fédération nationale agroalimentaire et forestière – Confédération générale du travail (FNAF-CGT)

M. Nicolas Jau, membre du bureau fédéral

Fédération Générale Agroalimentaire – Confédération française démocratique du travail (CFDT)

M. Benoît Delarce, secrétaire national interbranche agricole

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


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Personnes entendues lors des dÉplacements
de la mission

Déplacement de la mission dans le Maine-et-Loire – vendredi 6 janvier 2023

 

 

 

Déplacement de la mission dans les Deux-Sèvres – lundi 23 janvier 2023 

 

Déplacement de la mission en Indre-et-Loire – lundi 30 janvier 2023

 

 

 

 

Déplacement de la mission en Vendée – lundi 27 février 2023

 

 

 


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   personnes rencontrÉes
dans le cadre des sollicitations individuelles
reçues par vos rapporteurs

M. André Brin, conseiller avicole à la retraite

M. Antoine Boucher, directeur commercial Les Treilles Gourmandes

Mme Ava le Chanu, responsable administrative et financière Les Treilles Gourmandes

Ramasseur de volailles souhaitant garder l’anonymat

M. Ludovic Justeau, directeur général IGRECA

M. Damien Vidart, président de la Fédération française des volailles

M. Julien Cesbron, éleveur et référent volailles à la Coordination agrobiologique des Pays de la Loire

Mme Audrey Lacroix, présidente du Groupement d’agriculture biologique de Loire-Atlantique

Mme Anne Usureau, chargée de mission productions animales à la coordination agrobiologique des Pays de la Loire

M. Didier Huchon, président de Mauges Communauté

M. Régis Lebrun, conseiller délégué de Mauges Communauté en charge de l’agriculture et de l’alimentation

Mme Intza Vacher, chargée de mission agriculture et alimentation à Mauges Communauté

M. Raphaël Medard, directeur général des services de Mauges Communauté

M. Baptiste Daudet, directeur de l’entreprise Le gars Daudet

 


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   contributions Écrites

Le syndicat national des éleveurs et revendeurs de volailles vivantes et oiseaux sur les foires et marchés (VOFM)

Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf)

 


([1]) En cas de risque élevé. En cas de risque modéré, ces règles s’appliquent en ZRP. Pour les palmipèdes de moins de 42 jours, ces règles s’appliquent également en cas de risque modéré dans les ZRD.

([2]) L’instruction 2022-851 a instauré, en conformité avec la possibilité offerte par le droit européen, des zones réglementées supplémentaires.

([3]) structure externe du virus.

([4]) Source : Anses, document consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/SANT-Fi-InfluenzaAviaire.pdf

([5]) Source : réponses écrites de l’institut technique de l’aviculture (ITAVI) au questionnaire des rapporteurs de la mission  

([6]) Avis de l’Anses, saisine n° 2022-SA-0139, relatif à « l’élaboration d’une stratégie nationale de vaccination au regard de l’influenza aviaire hautement pathogène chez les galliformes »

([7]) Anses, rapport sur l’influenza aviaire hautement pathogène à virus H5N1 d’origine asiatique. Consultable en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/SANT-Ra-Influenza2008.pdf (voir, en particulier, pages 60 et suivantes)

([8]) Dans le cadre de cette épizootie, le Gouvernement français avait élaboré, dès l’automne 2004, un plan de lutte, d’abord classé « confidentiel défense », puis rendu public en mai 2005. Des stocks de moyens pharmaceutiques et de matériels de prévention ont été constitués pour faire face à une éventuelle pandémie. Le lecteur peut utilement se reporter au rapport de MM. les députés Jean-Marie Le Guen et Jean‑Pierre Door, au nom de la mission d’information sur la grippe aviaire : mesures préventive, n° 2833, publié le 26 janvier 2006 et consultable en ligne :  https://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i2833.pdf

([9]) Anses, Bilan IAHP 2022, rapport d’appui scientifique et technique, 20 juin 2022, consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf  

([10]) Voir le communiqué de presse de l’Anses: https://www.Anses.fr/fr/chat-infecte-virus-influenza-aviaire

([11]) Anses, Bilan IAHP 2022, rapport d’appui scientifique et technique, 20 juin 2022, consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf (page 34)

([12]) Source : informations transmises par l’Anses.

([13]) Rapport d’appui scientifique et technique de l’ANSES, bilan IAHP 2022, juin 2022. Le rapport est consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf

([14]) L’influenza aviaire fait partie des dangers sanitaires dont la déclaration à l’administration est obligatoire.

([15]) La première colonne du tableau comporte les noms des États membres (dans l’ordre : France, Pologne, Pays-Bas, Italie, Hongrie, Belgique, Allemagne, République tchèque, Roumanie, Danemark, Bulgarie, Irlande, Autriche, Slovaquie, Espagne, Chypre, Croatie et Luxembourg). La deuxième colonne présente le nombre de foyers (« outbreaks ») tandis que la troisième colonne indique le nombre d’animaux touchés. Les quatrième et cinquième colonnes établissent, pour chaque pays, le pourcentage du total européen que représentent respectivement les foyers déclarés et le nombre d’animaux atteints sur son territoire.

([16]) Source : ITAVI (article publié dans Filières avicoles)

([17]) Unité employée pour pouvoir agréger des données en poids concernant des œufs entiers et des produits à base d’œufs sous toutes leurs présentations : œufs entiers sans coquille, blancs seuls, jaunes seuls, séchés ou non, etc. On applique au poids brut un coefficient propre à chaque forme du produit : 1 pour un œuf entier avec coquille par définition, 1,16 pour un œuf entier liquide sans coquille, 2,5 pour du jaune séché par exemple. Source : FranceAgriMer

([18]) Source : Comité national pour la promotion de l’œuf

([19]) Source : Confédération française de l’aviculture (CFA)  

([20]) Consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf  

([21]) Voir A du II du présent rapport

([22]) Anses, rapport d’appui scientifique et technique, juin 2022, consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf

([23]) Anses, rapport d’appui scientifique et technique, juin 2022, consultable en ligne : https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf

([24]) « Influenza aviaire : la situation en France » : page internet du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire mise à jour régulièrement (https://agriculture.gouv.fr/influenza-aviaire-la-situation-en-france)

([25]) Le réseau SAGIR est décrit au 2 du A du II du présent rapport. Ce réseau volontaire de surveillance épidémiologique et événementielle de la faune sauvage a été mis en place et est piloté par l’Office français de la biodiversité. Il est partagé avec la fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales des chasseurs.

([26]) Une endémie est la présence habituelle d’une maladie dans une région ou une population déterminée (voir glossaire)

([27]) Sociologue, directrice de recherches à l’INRAE

([28]) Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS

([29]) Anthropologue, directeur de recherches au CNRS

([30]) Leclair (Lucile), Pandémies, une production industrielle, éditions du Seuil, octobre 2020

([31]) Dans les conditions fixées aux articles 171 et 226 du même règlement et à l’article L. 201-4 du même code.

([32]) Parfois aussi appelées zones à risque prioritaire.

([33]) « Bande unique » : un lot d’animaux de même espèce ou si comportant plusieurs espèces, sans mélange de palmipèdes avec toute autre espèce d’oiseaux non palmipèdes, de stade physiologique homogène, introduit dans la même période dans une même unité de production après un vide sanitaire de cette unité et dont la sortie est suivie par un vide sanitaire de cette unité.

([34]) Un établissement à finalité non commerciale est un établissement dans lequel des volailles ou d’autres oiseaux captifs sont détenus par leurs détenteurs soit pour leur consommation personnelle ou pour leur propre usage, soit comme des animaux d’agrément, soit comme des animaux de compagnie.

([35]) Conformément à l’article 3 de l’arrêté du 29 septembre 2021 relatif aux ZRD précité.

([36]) Palmipèdes prêts à engraisser et destinés à la fabrication de foie gras.

([37]) Palmipèdes prêts à engraisser.

([38]) L’arrêté du 16 mars 2016 précité prévoit 13 jours en case de risque négligeable et 10 jours en cas de risque modéré.

([39]) Conformément aux articles 15 et 20 de l’arrêté 29 septembre 2021 sur la biosécurité

([40]) Le propriétaire ou détenteur de la catégorie 1 détient outre ses appelants au plus 15 oiseaux sans en lien épidémiologique avec un établissement à finalité commerciale ;le propriétaire ou détenteur de la catégorie 2 détient outre ses appelants, plus de 15 oiseaux sans lien épidémiologique avec un établissement à finalité commerciale ; le propriétaire ou détenteur de la catégorie 3 est en lien épidémiologique avec un établissement à finalité commerciale, quel que soit le nombre d’appelants détenus.

([41]) Le mélange de lots ou le contact entre des appelants issus de différents lieux de détention est interdit. Tous les appelants doivent provenir du même lieu. Lors de l’utilisation, le contact entre les appelants résidents et nomades est interdit, seuls les appelants nomades d’un unique détenteur peuvent être présents en plus des appelants résidents présents sur le site de chasse de façon permanente.

([42]) L’instruction 2022-851 a instauré, en conformité avec la possibilité offerte par le droit européen, des zones réglementées supplémentaires.

([43]) https://agriculture.gouv.fr/linfluenza-aviaire-foire-aux-questions

([44]) Voir instruction 2022-851 et instruction 2020-752  

([45]) C du II.

([46]) Le 10 mars 2022, il y avait plus de 6 500 t de cadavres de volailles à collecter en Vendée et un flux de 5 600 à 8 400 t par semaine (20 à 30 foyers par jour à 40 t par foyer).

([47]) Cette situation a été vécue sur la commune du Lion-d’Angers en Maine-et-Loire le 26 mars 2022. Un camion d’une société de transport, mandatée par les services de l’État pour transporter des volailles mortes vers un centre technique d’enfouissement a perdu une partie de sa cargaison sur la chaussée de la RD 775 obligeant à l’enlèvement des animaux morts, au nettoyage et à la désinfection du site concerné.

([48]) https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf

([49]) Contribution écrite du collectif Sauve Qui Poule.

([50]) À noter que les animaux doivent être nourris alors qu’ils se procurent leur nourriture dans leur environnement lorsqu’ils sont à l’extérieur.

([51]) Voir l’encadré « Paroles d’éleveurs » ci-après et les propos de l’éleveur vendéen.

([52]) Pour la viande de volaille : règlement (CE) n° 543/2008 de la Commission du 16 juin 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation ; pour les œufs : règlement (CE) n° 589/2008 de la Commission du 23 juin 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation applicables aux œufs.

 

([53]) Étude de la Mutualité sociale agricole (MSA), citée par le rapport des sénateurs M. Henri Cabanel et Mme Françoise Ferrat, sur les moyens mis en œuvre par l’État en matière de prévention, d’identification et d’accompagnement des agriculteurs en situation de détresse, 17 mars 2021, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r20-451/r20-4511.pdf

([54]) Voir notamment le B du I du présent rapport ainsi que les témoignages retranscris dans l’encadré « Paroles d’éleveurs » ci-dessus  

([55]) Voir aussi le 2 du B du II du présent rapport

([56]) Source : ANVOL réponses écrites au questionnaire des rapporteurs

([57]) Source : Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG)

([58]) CGAAER,  Place de la vaccination dans la lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène, juillet 2021, consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/127941

([59]) Voir infra 4 du D du II du présent rapport

([60]) Florence Lambert, « Loire-Atlantique. Grippe aviaire en sud Loire : des éleveurs déboussolés », Ouest France, 18 mars 2022

([61]) Ce risque a été notamment souligné par la CFDT

([62]) Le barème diffère selon les espèces et l’âge des animaux (voir annexe de la note de service de la DGAL 2022‑858 (infra)  

([63]) La note de service de la DGAL 2022-858 est consultable en ligne :  https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2022-858/telechargement.

([64]) Source : FranceAgriMer

([65]) Source : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA)

([66]) Les oiseaux d’ornement élevés par des particuliers en volière et pouvant faire l’objet de déplacements dans le cadre de bourses aux oiseaux sont tout autant concernés que les volailles. Il n’y a pas de démonstration de l’innocuité de l’IAHP pour les oiseaux tropicaux : une grande variété d’ordres et de familles d’oiseaux sont touchés dans le milieu naturel même si les sensibilités sont différentes. En conséquence, tout mouvement d’oiseaux est un facteur à risque. Les interdictions prises le sont donc dans une logique de protection des oiseaux et de leurs éleveurs. – informations obtenues auprès du DDPP 49 –.  

([67]) Voir la première partie du présent rapport.  

([68]) Cet avis étudie uniquement la question de la mise à l’abri des galliformes, l’agence considérant que les conditions actuelles imposées aux palmipèdes et aux dindes doivent être conservées compte tenu du rôle prédominant de ces espèces dans la diffusion du virus.

([69]) https://www.Anses.fr/fr/system/files/LABO2022AST0098Ra.pdf

([70]) Anses, avis relatif à « l’élaboration d’une stratégie nationale de vaccination au regard de l’influenza aviaire hautement pathogène chez les galliformes », 27 octobre 2022, consultable en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2022SA0139.pdf

([71]) Réponses écrites de MM. Nicolas Eterradossi et Gilles Salvat au questionnaire des rapporteurs

([72]) Mmes Lucile Leclair et Jocelyne Porcher ainsi que MM. Charles Stépanoff et Frédéric Keck.

([73]) Règlement délégué (UE) 2023/361 de la Commission du 28 novembre 2022 complétant le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les règles applicables à l’utilisation de certains médicaments vétérinaires pour la prévention de certaines maladies répertoriées et la lutte contre celles-ci, consultable en ligne :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32023R0361&from=FR

([74]) Informations transmises aux rapporteurs par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA)

([75]) Il convient, à cet égard, de noter le cas en particulier des éleveurs amateurs regroupés en club (eux-mêmes fédérés par la Fédération française des volailles). Ces éleveurs d’animaux en effectifs réduits qui sont intéressés par la vaccination et qui jouent un rôle important dans la préservation de races anciennes et rustiques, patrimoine culturel, génétique et de biodiversité.

([76]) Page internet du site de l’Anses consacrée au concept « One Health » : https://www.Anses.fr/fr/content/one-health

([77]) Selon les chiffres communiqués par ANVOL.

([78]) Il s’agit d’une construction attenante au poulailler à laquelle les animaux accèdent par des trappes ouvertes en permanence à partir de la moitié de la vie de l’animal. Séparé de l’extérieur par un grillage allant du sol au plafond, il permet aux animaux d’évoluer à l’air libre et ainsi de bénéficier des conditions climatiques extérieures. L’Anses assimile les jardins d’hiver à des auvents.