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N° 1088

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mercredi 12 avril 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur
dans l’entreprise

et présenté par

M. Louis MARGUERITTE et Mme Eva SAS,
Rapporteurs

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La mission d’information est composée de : M. Louis MARGUERITTE, rapporteur ; Mme Eva SAS, rapporteure ; MMDavid AMIEL, Philippe BRUN, FrÉdÉric CABROLIER, Michel CASTELLANI, Victor Habert-DASSAULT, Mme FÉlicie GÉRARD, M. Mathieu LEFÈVRE, Mme Marianne MAXIMI, et M. Jean-Marc TELLIER, membres.


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  SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. un ÉVENTAIL de dispositifs À la fois Complet et complexe dont les amÉnagements doivent Être poursuivis

A. L’Évolution sur le long terme de la rÉpartition de la valeur ajoutÉe entre travail et capital

1. Définition des notions

2. La stabilité des caractéristiques du partage de la valeur ajoutée depuis 1990

a. Des données à nuancer au regard de l’optimisation fiscale des entreprises

b. La politique de l’offre : les effets du CICE, et du « pacte de responsabilité »

c. Une grande hétérogénéité selon les secteurs d’activité

B. Les diffÉrents dispositifs de partage de la valeur ajoutÉe et leurs Évolutions rÉcentes

1. La participation : une formule de calcul complexe à l’origine d’un déploiement insuffisant dans les petites entreprises

a. Le cadre juridique

i. Un dispositif obligatoire

ii. De nombreuses incitations fiscales

b. Les nombreuses critiques à l’encontre de la formule légale de la participation n’ont pour l’heure pas abouti à sa révision

i. Deux principales critiques

ii. Ces critiques sont anciennes

iii. Des débats sur l’opportunité d’une révision

iv. L’éventuelle adaptation de la formule aux groupes d’entreprises

c. Un dispositif pouvant être amoindri par l’optimisation et la fraude fiscales

d. Un dispositif peu répandu dans les petites entreprises

2. L’intéressement : un dispositif à développer

a. Le cadre juridique actuel résulte de plusieurs assouplissements successifs

i. Le cadre juridique actuel : un dispositif facultatif

ii. Une succession de réformes pour assouplir le dispositif

b. Ces mesures ont permis une progression de l’intéressement au début du précédent quinquennat, avant le choc de la crise sanitaire

c. Divers freins au développement de l’intéressement subsistent

i. L’instabilité législative

ii. La crise sanitaire

iii. La complexité d’utilisation

iv. Les risques juridiques

v. La concurrence de la PEPA puis de la PPV

3. La contribution de la participation et de l’intéressement à l’épargne salariale

a. Présentation

b. Les plans d’épargne entreprise

c. Les plans d’épargne retraite

d. Des versements et des encours en croissance

e. Les inégalités d’accès au PEE et au PER selon la taille de l’entreprise

f. La fiscalité et les possibilités de « déblocage »

4. L’actionnariat salarié, un volet connexe

a. Présentation des dispositifs

b. Des dispositifs inégalement répartis (les facteurs limitatifs)

c. Premier bilan de la loi « Pacte » en matière d’actionnariat salarié

5. La prime de partage de la valeur : un dispositif plébiscité par les employeurs

a. Présentation et retour sur la PEPA

b. La PEPA et la PPV sont des dispositifs plébiscités par les entreprises, comme en témoignent les montants distribués

i. Montants distribués

ii. Évaluation

C. Ces dispositifs ont un coÛt non nÉgligeable pour le financement de la sÉCURITÉ sociale

1. Un coût important

2. Les risques sur le financement de la sécurité sociale de nouvelles exonérations

D. Les Études tÉmoignent d’effets contrastés de ces dispositifs

1. Des effets d’aubaine avérés

2. Des effets positifs sur la productivité des salariés

a. D’après les études : une répartition entre salariés plus inégalitaire que celle des salaires

b. Les organisations syndicales déplorent de fortes inégalités dans l’accès à ces dispositifs

3. Des dispositifs concurrencés par la PPV ?

II. Un accord national interprofessionnel signé par la majorité des organisations parties prenantes

A. Des propositions pour gÉNÉraliser le recours à l’intÉressement et à la participation, notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés

1. L’article 7 de l’ANI : un nouveau mécanisme obligatoire pour les entreprises entre 11 et 49 salariés

a. La proposition de l’ANI

b. L’avis de la mission : un objectif louable, un dispositif à préciser et à mettre en œuvre dans un délai rapproché

2. L’article 6 de l’ANI : une nouvelle obligation de négociation à l’échelle des branches

a. La proposition de l’ANI s’inscrit dans le prolongement de précédentes obligations légales ayant eu des effets limités

b. L’avis des rapporteurs

3. L’article 8 de l’ANI : l’assouplissement du seuil de 50 salariés pour l’obligation de participation

a. Les règles actuelles

b. La proposition de l’ANI

c. L’avis des rapporteurs

4. L’ANI suggère également diverses améliorations aux accords d’intéressement et de participation, à la normativité parfois incertaine

a. De nécessaires sécurisations juridiques

b. Des évolutions bienvenues mais à préciser

c. Des recommandations louables mais à la normativité incertaine

B. Simplifier, sécuriser, approfondir L’EXISTANT

1. Poursuivre le développement de l’actionnariat salarié

a. Pourquoi développer l’actionnariat salarié ?

b. Présentation des dispositions de l’ANI

c. Actionnariat salarié et transmission d’entreprise : aller plus loin que la loi « Pacte » ?

2. La prise en compte des résultats exceptionnels

3. Un nouveau dispositif de partage de la valeur : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise

4. La nouvelle obligation aux gestionnaires de fonds de proposer systématiquement dans les PEE et PER au moins deux fonds prenant en compte des critères extra-financiers

a. Le rôle de l’épargne salariale dans le développement de l’investissement socialement responsable et de la finance solidaire

b. La nouvelle obligation posée par l’ANI

5. Les nouveaux cas de déblocage du PEE

C. Aller au-delÀ de l’ANI

1. Étendre la diffusion des dispositifs de partage de la valeur ou de performance collective

a. L’économie sociale et solidaire

b. Les fonctionnaires et agents publics : la PIPC

2. Propositions diverses

conclusion des rapporteurs

examen en commisson

liste des personnes auditionnées

ANNEXE 1 : tables de données sur le dÉploiement de la participation, de l’intÉressement et de l’Épargne salariale

ANNEXE 2 : tables de données sur le dÉploiement de la PEPA et de la PPV

 


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   Introduction

Sont désignés comme outils de partage de la valeur au sens du présent rapport les dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale, et plus récemment la prime de partage de la valeur.

Le premier instrument de partage de la valeur reste le niveau des salaires. L’introduction de la « prime de partage de la valeur » dans ces outils reste à justifier, étant donné que toutes les primes de pouvoir d’achat équivalentes auparavant, présentant pourtant les mêmes caractéristiques, n’étaient pas incluses.

Les rapporteurs constatent leur différence d’approche sur le périmètre des outils de partage de la valeur étudié, sachant que le plus important, le salaire, en est exclu.

Pour M. Louis Margueritte, le déploiement de ces outils permet de donner de la souplesse supplémentaire aux entreprises pour partager les résultats. S’il s’agit là d’une source de revenus complémentaires, aléatoire par nature, il est une des réponses aux enjeux de pouvoir d’achat pour les salariés.

Mme Eva Sas considère de son côté que définir les dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et de prime comme des dispositifs de « partage de la valeur » relève de la communication. Cette démarche tend à induire l’opinion publique en erreur car elle fait apparaître ces leviers comme les seuls à même de mieux partager la valeur dans l’entreprise, alors que le premier instrument de partage de la valeur demeure le niveau des salaires. A fortiori, l’introduction de la « prime de partage de la valeur » dans ces outils ne peut que questionner. Il s’agit en effet d’une prime destinée à améliorer le pouvoir d’achat, comme celles qui l’ont précédée, plus qu’à contribuer à un meilleur partage des résultats, aucun indicateur de performance ou de résultat ne lui étant associé.

En 2020, 53 % des salariés du secteur privé non agricole étaient couverts par au moins un dispositif de partage de la valeur. Le plan d’épargne entreprise (PEE) est le dispositif le plus répandu (44 % des salariés couverts), devant la participation (39 %), l’intéressement (34 %) et le Perco (25 %).

17,5 milliards d’euros ont été distribués en 2021 au titre de 2020, dont 6,9 milliards d’euros de participation et 8,2 milliards d’euros d’intéressement. Ce montant a augmenté de 19 % depuis 2006, alors que la masse salariale brute s’est, dans le même temps, accrue de 42 %.

L’épargne salariale constituait le premier thème de négociation en entreprises en 2021, soit plus de 34 100 accords représentant 44 % du nombre total d’accords, devant ceux relatifs au temps de travail (16 800 accords) et ceux sur les salaires (15 300 accords).

La part des salariés couverts par au moins un de ces dispositifs n’est cependant que de 20 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés, contre 89 % pour celles de plus de 1 000 salariés.

Si depuis la loi « Pacte » ([2]), des progrès ont été accomplis, notamment pour améliorer l’accessibilité aux dispositifs de partage de la valeur ajoutée en les simplifiant (décision unilatérale de l’employeur dans les entreprises de moins de 50 salariés, etc.) les chiffres ci-dessous témoignent du chemin qu’il reste à tracer.

Il faut toutefois rappeler que la France se situe au second rang par rapport à ses voisins européens, derrière la Slovénie, quant au développement des dispositifs de partage de la valeur.

Comme l’a indiqué la Direction générale du Trésor (DG Trésor) aux rapporteurs, « la France se distingue par une forte diffusion, institutionnalisation et une grande intégration des dispositifs de partage de la valeur dans le dialogue social. Elle est l’un des pays européens où ces dispositifs sont les plus répandus, loin devant les pays de taille comparable (cf. graphique ci-après). La France est par ailleurs un des seuls pays à exempter intégralement les primes de partage de la valeur de contributions sociales pour certaines catégories d’entreprises ».

 

 

 

diffusion des dispositifs de partage de la valeur
en Europe en 2019

Source : ECS – European Company Survey 2019 ; Calculs DG Trésor.

Note de lecture : proportion d’entreprises déclarant que plus de 20 % des salariés bénéficient d’une paie variable en rapport avec la performance générale de l’entreprise.

Typologie du partage de la valeur en Europe

Source : Wilke, Maack and Partner (2014) et la base de données LABREF pour les réformes plus récentes.

Pour les auteurs de la note Trésor Eco ([3]) Les dispositifs de partage de la valeur en France et en Europe, « cette large diffusion s’explique par le caractère obligatoire de la participation pour certaines catégories d’entreprises et par les incitations fiscales qui favorisent le développement des dispositifs de partage de la valeur ».

Les rapporteurs renvoient également aux éléments d’appréciation ci‑dessous que leur a transmis la DG Trésor.

« Dans de nombreux pays européens, les dispositifs de partage de la valeur restent du ressort des entreprises et de leurs salariés, sans incitations fiscales ou réglementaires particulières. C’est le cas de la majeure partie des pays d’Europe orientale et de certains pays nordiques comme la Suède ou le Danemark. Dans ces pays, les dispositifs d’intéressement au résultat sont historiquement répandus du fait d’une culture de négociation au sein de l’entreprise. Dans les anciens pays d’Europe de l’Est, la privatisation des entreprises publiques s’est souvent accompagnée de la mise en place de dispositifs d’intéressement pour indemniser les anciens salariés du secteur public après les privatisations.

« D’autres pays, comme la Belgique, la Slovénie ou la Finlande, encouragent aussi les dispositifs d’intéressement au résultat en plus de l’actionnariat salarié, à la fois en excluant ces primes du calcul de l’impôt sur le revenu et en défiscalisant au moins en partie ces éléments de rémunération pour les employeurs.

« Les pays européens oscillent donc entre une forte institutionnalisation et promotion des dispositifs de partage de la valeur, à l’image de ce qui est observé en France, et une faible intervention de l’État. »

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

 


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I.   un ÉVENTAIL de dispositifs À la fois Complet et complexe dont les amÉnagements doivent Être poursuivis

A.   L’Évolution sur le long terme de la rÉpartition de la valeur ajoutÉe entre travail et capital

Il convient tout d’abord de rappeler les évolutions du partage de la valeur ajoutée entre capital et travail, en soulignant que les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation ne sont pas comprises dans la masse salariale et donc dans la part du travail au sens strict « car elles ne sont pas soumises à cotisation et ne font donc pas partie de l’assiette déplafonnée des cotisations sociales » ([4]). Pour autant, ces évolutions permettent une mise en perspective de cette problématique.

1.   Définition des notions

Selon les économistes Philippe Askenazy, Gilbert Cette et Arnaud Sylvain, « le capital reçoit l’excédent brut d’exploitation, qui est une mesure du profit, et le travail reçoit la masse salariale ; la somme des deux est égale à la valeur ajoutée » ([5]).

L’encadré ci-dessous en donne une définition plus précise.

« La valeur ajoutée mesure l’ensemble du revenu généré chaque année par l’activité productive. Au sein de cette valeur ajoutée, la rémunération du travail comprend tous les versements directs ou indirects aux salariés. […] Ce poste inclut les rémunérations de base et les rémunérations annexes telles que les primes, les versements au titre de l’épargne salariale, et divers avantages en nature. Il comprend également l’ensemble des cotisations sociales, qu’elles soient acquittées par le salarié ou l’employeur. Les cotisations patronales incluent ce qu’on qualifie de cotisations imputées. Ces dernières financent les prestations directes des employeurs à leurs salariés, anciens salariés ou à leurs ayants droit. »

Source : Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France. Insee, rapport au président de la République, Jean-Philippe Cotis, mai 2009.

Pour appréhender l’évolution du partage de la valeur ajoutée entre capital et travail, les rapporteurs proposent de considérer également l’évolution du taux de marge, qui rapporte l’excédent brut d’exploitation (EBE) à la valeur ajoutée.

« L’excédent brut d’exploitation est le solde du compte d’exploitation, pour les unités de production. Il est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

« Pour les entreprises individuelles, le solde du compte d’exploitation est le revenu mixte.

« L’excédent d’exploitation peut être calculé net, si l’on retranche la consommation de capital fixe. »

Source : INSEE.

Plusieurs phases peuvent être distinguées depuis 1949 ([6]), comme le présente le graphique ci-dessous.

Le partage de la valeur ajoutÉe au sein des sociÉTÉs non financiÈres*

Source : INSEE, réponse au questionnaire budgétaire.

* Sociétés non financières : ensemble des unités institutionnelles qui sont des producteurs marchands dont la fonction principale consiste à produire des biens et des services non financiers, et dont les opérations de répartition et les opérations financières sont séparées de celles de leurs propriétaires (INSEE).

Si l’on considère la période allant de 1949 au premier choc pétrolier de 1973, la part des salaires dans la valeur ajoutée apparaît relativement stable.

Elle augmente ensuite jusqu’au début des années 1980. À compter du milieu des années 1980, on constate les effets de la stratégie de « désinflation compétitive » mise en œuvre par le gouvernement, à savoir la baisse de la progression des salaires et leur diminution dans la part de la valeur ajoutée. À la fin des années 1980, celle‑ci s’établit en dessous de sa valeur constatée antérieurement au choc pétrolier.

S’agissant de la hausse consécutive au premier choc pétrolier, elle est en général attribuée « au maintien de règles antérieures de progression des salaires dans un contexte de croissance ralentie. Les politiques de désindexation et le contre-choc pétrolier ont ensuite conduit au mouvement inverse. » ([7]) Depuis 1990, la part des salaires s’est stabilisée à un niveau inférieur aux valeurs constatées dans les périodes précédentes. La moyenne de la période 1990‑2021 s’établit ainsi 6,9 points en dessous de la moyenne 1970-1985 et 3,4 points en dessous de la moyenne 1949-1969.

tableau de synthÈse, moyennes par pÉriodes

 

1949-1969

1970-1985

1990-1999

2000-2021

1990-2021

Taux de marge

30,0

27,4

32,4

32,0

32,1

[1 - taux de marge]

70,0

72,6

67,6

68,0

67,9

Part des rémunérations

68,1

71,6

64,4

64,8

64,7

Impôts nets ses subventions sur la production

2,0

1,1

3,2

3,2

3,2

Source : INSEE, réponse au questionnaire budgétaire.

« La part du travail a augmenté durant la période de stagflation des années 1970, surtout en Europe. Comme l’indique Blanchard (1998), cette augmentation s’est également accompagnée d’une hausse du chômage. Cette situation est en général analysée comme un wage push au sens où les salaires ne se sont pas ajustés au ralentissement de la croissance de la productivité sous-jacente.

« De fait, suite aux chocs pétroliers des années 1970, l’évolution des termes de l’échange a été défavorable pour les pays importateurs nets de pétrole et de gaz. Plusieurs facteurs expliquent l’ampleur et la durée du wage push : la dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la double indexation des salaires sur les prix à la consommation et des prix sur les coûts de la main-d’œuvre et, enfin, l’impact du chômage sur la dynamique des salaires (courbe de Philipps). Le chômage a continué d’augmenter durant les années 1980, ce qui a ralenti la croissance des salaires et engendré une forte diminution de la part du travail. La part du travail a dans l’ensemble retrouvé son niveau de long terme par la suite, même si des sur-ajustements ont eu lieu pendant la transition du fait de l’adoption par les entreprises de technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre. Dans de nombreux pays européens, la part du travail se trouvait donc au-dessus de son niveau stationnaire vers la fin des années 1970, et elle ne pouvait que revenir à sa moyenne de long terme. »

Source : Gilbert Cette, Lorraine Koehl et Thomas Philippon, « La part du travail sur le long terme : un déclin ? », revue Économie et statistique, 2019, numéro 510-511-512.

2.   La stabilité des caractéristiques du partage de la valeur ajoutée depuis 1990

Si l’on considère l’ensemble de l’économie ([8]), les données détaillées transmises aux rapporteurs par la DG Trésor confirment la stabilité des caractéristiques du partage de la valeur ajoutée depuis 1990, « à hauteur d’environ 57 % de la valeur ajoutée pour le travail », la part des salaires représentant 56,6 % en 1990 et 57,6 % en 2019, comme le présente le tableau ci-dessous.

Partage de la valeur ajoutÉe à prix courants

 

 

1990

2000

2009

2019

 

(en pourcentages)

Rémunération des salariés

56,6

56,7

57,9

57,6

Salaires et traitements bruts

41,1

41,6

42,7

43,1

Cotisations sociales à la charge des employeurs

15,5

15,1

15,2

14,5

Excédent brut d’exploitation

31,6

31,9

31,8

33,5

Impôts sur la production

3,7

4,5

5,0

5,6

Subventions d’exploitation

-1,0

-1,0

-1,5

-2,4

Revenu mixte brut des entrepreneurs individuels

9,1

7,9

6,8

5,8

Ensemble

100,0

100,0

100,0

100,0

 

(en milliards d’euros)

Valeur ajoutée brute

943,9

1 326,3

1 750,1

2 157,1

Impôts sur les produits (1)

124,1

169,3

203,1

291,9

Subventions sur les produits

-14,4

-17,0

-16,8

-23,3

Produit intérieur brut (PIB)

1 053,5

1 478,6

1 936,4

2 425,7

Source : questionnaire DG Trésor - Insee, compte nationaux, base 2014.

(1)     Les impôts sur les produits comprennent les prélèvements suivants : TVA, impôts sur les importations, TIPP, taxes sur les tabacs, sur les alcools, etc.

Pour la DG Trésor, « cela signifie que l’EBE (dont le revenu mixte ([9])) a augmenté au même rythme que la rémunération des salariés entre 2011 et 2021, l’EBE a en effet augmenté de + 23 %, contre + 20 % pour la rémunération des salariés. »

La trajectoire des seules sociétés non-financières ([10]) (SNF) présente une évolution similaire correspondant « à environ 68 % de la valeur ajoutée affectée à la rémunération du travail (qui comprend les salaires, les cotisations sociales employées et employeurs) ». La DG Trésor précise que « ce poids est plus élevé sur le champ des SNF que sur celui de l’économie totale, car cette dernière prend notamment en compte les services de logements (et notamment les « loyers fictifs » des propriétaires occupants), auquel aucun travail rémunéré n’est associé ».

« Cette stabilité est plutôt une particularité française », précise la DG Trésor. « En comparaison internationale, la part du travail dans la valeur ajoutée a diminué dans la plupart des pays de l’OCDE depuis les années 1990, sauf en France où elle est restée stable (et au Royaume-Uni où elle a augmenté) » ([11]).

rÉpartition de la valeur ajoutÉe des sociÉTÉs non financiÈres

(En %)

Source : OFCE, M. Mathieu Plane pour la mission d’information (données INSEE, DARES).

Les éléments présentés à la mission d’information par M. Mathieu Plane mettent en évidence une tendance à la hausse du ratio dividendes/salaires depuis les années 1980 jusqu’à une forte baisse constatée sur la période 2013-2017, « probablement liée à l’alignement de la fiscalité des revenus du travail sur ceux du capital ». De plus, la très forte progression constatée depuis 2018, au-dessus des moyennes historiques, pourrait être, pour M. Plane, un effet possible du prélèvement forfaitaire unique.

rapport entre les dividendes nets et les salaires bruts versés

(En %)

Source : OFCE, M. Mathieu Plane pour la mission d’information (données INSEE).

 

a.   Des données à nuancer au regard de l’optimisation fiscale des entreprises

Pour Mme Eva Sas, ces données sont néanmoins nécessairement faussées par les pratiques d’optimisation fiscale consistant à déplacer une partie des bénéfices et de la valeur ajoutée vers des pays à fiscalité plus favorable. Comme l’a souligné la CFDT, les travaux de Vincent Vicard, du CEPII, montrent l’importance des sommes ainsi déplacées. « Les profits non déclarés en France atteindraient quelque 36 milliards d’euros en 2015, soit 1,6 % du PIB, un montant 30 fois supérieur à ce qu’il était au début des années 2000 ». ([12])

Ces résultats non déclarés en France échappent au calcul de la part du capital dans la valeur ajoutée et induisent une sous-estimation de celle-ci.

b.   La politique de l’offre : les effets du CICE, et du « pacte de responsabilité »

Le graphique ci-dessous compare l’évolution constatée du taux de marge des entreprises françaises non financières de 1980 à 2021 à leur évolution corrigée des dispositifs fiscaux en faveur des entreprises déployés à partir de 2013.

Taux de marge des sociÉTÉs non financiÈres (EBE/VA)

(En %)

Source : OFCE, M. Mathieu Plane pour la mission d’information (données INSEE).

Le niveau actuel constaté équivaut à celui de la moyenne des trente dernières années. La nette remontée du taux de marge depuis 2014 apparaît sur ce graphique comme étant une conséquence de la politique d’offre, basée notamment sur la baisse de la fiscalité des entreprises, traduite au travers du « pacte de responsabilité » ([13]), dans le prolongement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) entré en vigueur le 1er janvier 2013.

« À la suite du rapport Gallois de fin 2012, le Gouvernement a décidé de privilégier une politique d’offre, basée sur la baisse de la fiscalité sur les entreprises, afin de lutter contre le chômage de masse et de faire face à la compétition accrue entre les partenaires de la zone euro, engagés dans des politiques de réformes structurelles et de déflation compétitive. Cette politique d’offre a pour but de rétablir la compétitivité de l’économie française et de dynamiser l’emploi, tout en maintenant le cap de réduction rapide des déficits publics structurels. Concrètement, cela a donné lieu à la mise en place du CICE, un crédit d’impôt égal à 6 % de la masse salariale correspondant aux salaires de moins de 2,5 SMIC, et du pacte de responsabilité, correspondant à une baisse de cotisations sociales patronales pour les salaires compris entre 1 et 3,5 SMIC, ainsi qu’une baisse de la fiscalité sur les entreprises. »

Source : Bruno Ducoudré, Eric Heyer et Mathieu Plane, Quels impacts doit-on attendre du CICE et du pacte de responsabilité sur l’économie française ?, OFCE, Le blog, 2016. https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/quels-impacts-doit-on-attendre-du-cice-et-du-pacte-de-responsabilite-sur-leconomie-francaise/

Les niveaux historiquement élevés des taux de marge constatés en 2019 et en 2021 s’expliqueraient respectivement par le cas particulier de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales au 1er janvier 2019 ([14]) et par une surcompensation, dans certains secteurs, des pertes causées par la crise de la covid-19.

D’après les calculs de M. Mathieu Plane, présentés à la mission d’information, ce maintien du taux de marge s’est fait « au prix d’un transfert fiscal de près de quatre points de valeur ajoutée (dont environ un point transitoire lié aux effets décalés des versements du CICE) ».

Sans ces transferts en matière fiscale, les taux de marge seraient plus bas, les salaires réels ayant augmenté plus vite que la productivité.

c.   Une grande hétérogénéité selon les secteurs d’activité

Le graphique ci-dessous illustre à quel point les évolutions du taux de marge observées au niveau agrégé masquent des disparités fortes entre les branches.

Variation du taux de marge par secteur entre 2018 et le 3ème trimestre 2022

(En points de valeur ajoutée)

Source : OFCE, M. Mathieu Plane pour la mission d’information (données INSEE).


D’après la note de conjoncture de l’INSEE de décembre 2022 Évolutions récentes des taux de marge : de fortes disparités entre branches dans un contexte de hausse généralisée des prix, « l’augmentation des excédents bruts d’exploitation des branches de l’énergie et des services de transports résulte de ce que la hausse de leurs prix de vente a plus que compensé celles de leurs prix de consommations intermédiaires et des salaires horaires versés », tandis qu’a contrario, « pour les autres branches, ces augmentations ne se sont pas compensées et l’excédent brut d’exploitation a baissé dans l’industrie hors énergie tandis qu’il est resté stable dans les services hors transports » ([15]).

L’encart ci-dessous propose un éclairage plus approfondi sur l’évolution récente du taux de marge dans la branche « services de transport ».

Illustration : la hausse des taux de marge des services de transport

« Dans les branches énergétiques et les services de transport, le taux de marge a fortement augmenté depuis fin 2020. Au troisième trimestre 2022, il s’est établi à 63,8 % dans les branches énergétiques et à 54,1 % dans la branche des services de transport, soit 9 et 24 points au-dessus de leurs niveaux respectifs de 2018. Cette forte hausse résulte principalement de l’augmentation, dans ces deux branches, des prix relatifs, du fait de l’envolée de leur prix de valeur ajoutée (+ 57 % dans les branches énergétiques et + 38 % dans les services de transport).

« Ces hausses sont notamment dues à la très forte progression des prix du fret maritime à la sortie de la crise sanitaire, ainsi qu’à la hausse des prix de vente de l’électricité, tirés par les prix du gaz bien au-delà de la hausse des coûts moyens de production des énergéticiens. Pour ces derniers, la mise en place du bouclier tarifaire a permis aux prix de vente de suivre leurs déterminants usuels sans que cette hausse soit totalement répercutée sur les prix de consommation finale et intermédiaire en électricité, tandis que le mécanisme de récupération par l’État des charges du service public de l’énergie (CSPE) tend à limiter la hausse des prix de vente des énergéticiens. […]

« Dans les services de transport, la contribution de la part du salariat est assez significativement positive. L’emploi non salarié est en effet très dynamique dans cette branche depuis 2018, avec la très forte progression des emplois de livraison à domicile et de taxis - chauffeurs VTC. Toutes choses égales par ailleurs, ce dynamisme de l’emploi non salarié contribue positivement à la hausse du taux de marge, car les travailleurs indépendants ne versant pas de salaires, leur travail est rémunéré via leur revenu mixte, ce qui soutient l’excédent brut d’exploitation de la branche.

« Toutefois, cette contribution positive de l’emploi non salarié est pour partie annulée par une moindre contribution des gains de productivité : les emplois concernés, notamment dans la livraison à domicile, sont en effet des emplois à plus faible productivité que ceux du reste de la branche. À ces hausses des taux de marge correspondent des gains importants d’excédent brut d’exploitation depuis 2018 : l’EBE a augmenté de 4 milliards d’euros dans les branches énergétiques, entre 2018 et le troisième trimestre 2022, et de 13 milliards d’euros dans les services de transport. Dans les deux branches, la hausse de l’EBE reflète quasi intégralement celle de la valeur ajoutée en euros courants, elle-même tirée par l’envolée de son prix. »

Source : INSEE, Éclairage - Évolutions récentes des taux de marge : de fortes disparités entre branches dans un contexte de hausse généralisée des prix. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6677413

B.   Les diffÉrents dispositifs de partage de la valeur ajoutÉe et leurs Évolutions rÉcentes

Si plus de la moitié des salariés sont couverts par au moins un dispositif de partage de la valeur ajoutée, leur accès est très inégalement réparti selon la nature et la taille de l’entreprise.

La tendance est cependant à un meilleur déploiement de ces dispositifs. Le nombre de salariés couverts par au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale a ainsi augmenté de 7,8 % entre 2017 et 2020.

Importance des dispositifs de participation, d'intéressement et d’épargne salariale entre 2016 et 2020 (toutes tailles D’ENTREPRISES*)

1.   La participation : une formule de calcul complexe à l’origine d’un déploiement insuffisant dans les petites entreprises

a.   Le cadre juridique

i.   Un dispositif obligatoire

Définie par les articles L. 3322-1 et suivants du code du travail, la participation est un dispositif obligatoire dans les entreprises employant au moins 50 salariés, et facultative dans celles de moins de 50 salariés. Elle « a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise ». Elle prévoit la redistribution aux salariés d’une partie des bénéfices de l’entreprise.

Les entreprises concernées doivent constituer une réserve spéciale de participation, calculée en fonction d’une formule inchangée depuis 1967, désormais fixée à l’article L. 3324-1 du code du travail, dite « formule légale ».

Elle prend en compte les éléments suivants :

– B : bénéfice net fiscal ([16]) ;

– C : capitaux propres ;

– S : salaires ;

– V : valeur ajoutée de l’entreprise.

La formule de calcul légale est la suivante : [0,5 (B – 5 % C)] x [S/V].

L’entreprise peut aussi conclure un accord de participation dérogeant à la formule légale, à la condition que cela aboutisse à une réserve spéciale de participation au moins équivalente à celle résultant de la formule légale.

Quelle que soit la formule utilisée, le montant de la prime de participation versée à chaque salarié ne peut pas dépasser 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit, en 2023, 32 994 euros.

Les sommes versées sur la réserve spéciale de participation sont ensuite réparties entre tous les salariés de l’entreprise selon l’un des critères suivants :

– de façon uniforme entre tous les salariés ;

– de manière proportionnelle aux salaires ;

– de manière proportionnelle au temps de présence dans l’entreprise ;

– ou par la combinaison des 3 critères ci-dessus.

ii.   De nombreuses incitations fiscales

Les sommes versées au titre de la participation bénéficient d’un régime social et fiscal favorable pour l’entreprise comme pour le salarié.

Sur le plan social, les sommes attribuées aux bénéficiaires sont exclues des assiettes des cotisations sociales, tant patronales que salariales.

Sur le plan fiscal :

– Pour les salariés : Les primes de participation sont soumises à la CSG ([17]) et à la CRDS ([18]). Lorsque les bénéficiaires décident d’investir leurs primes sur un plan d’épargne salariale, s’il en existe dans l’entreprise, les sommes versées sont exonérées d’Impôt sur le revenu (IR) en contrepartie du blocage des avoirs sur une certaine durée ([19]). En cas de perception immédiate, les primes sont assujetties à l’IR.

– Pour les entreprises : Les primes de participation versées sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’IR ([20]). Elles sont assujetties au forfait social ([21]) au taux normal de 20 %, sauf pour les entreprises de moins de 50 salariés.

b.   Les nombreuses critiques à l’encontre de la formule légale de la participation n’ont pour l’heure pas abouti à sa révision

i.   Deux principales critiques

Les critiques de la formule de participation sont généralement de deux ordres, qui ont été présentés aux rapporteurs par la CFDT :

– La prise en compte du bénéfice fiscal peut permettre de diminuer artificiellement le montant de la réserve spéciale de participation grâce à des pratiques d’optimisation fiscale ;

– Elle ajoute de surcroît de la complexité dans le calcul pour les plus petites entreprises, ce qui y nuit à son déploiement, alors que les TPE « manquent de ressources humaines pour traiter ces questions ».

ii.   Ces critiques sont anciennes

Les débats sur la révision de la formule de la participation ne sont pas nouveaux.

En 2004, le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement et le ministre chargé des relations de travail avaient saisi le Conseil supérieur de la participation (CSP), afin qu’il étudie la possibilité d’élaborer « des formules de participation simplifiées pour les toutes petites entreprises » et qu’il évalue la substitution du bénéfice comptable au bénéfice fiscal.

En 2013, une mission d’évaluation commune à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales ([22]) faisait aussi le constat que « la formule de la réserve spéciale de participation est perçue comme trop complexe, inadaptée, obsolète, voire qu’elle constituerait une difficulté pour les entreprises souhaitant mettre en place un accord de participation sur une base volontaire ».

En 2014, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS) ([23]), tout en reconnaissant que « de longue date, la formule légale de participation suscite des critiques », rappelant sa complexité et son manque de lisibilité, ajoutait que « rechercher une formule unique adaptable à tous les secteurs d’activité est totalement illusoire, sans compter que beaucoup d’entreprises privilégient la stabilité et ne sont pas favorables à une évolution ». Il proposait de conserver la formule de calcul actuelle, tout en ouvrant la possibilité aux entreprises qui le souhaiteraient d’en adopter une autre avec des modalités de calcul simplifiées ([24]).

Le 12 février 2018, le COPIESAS a été saisi par Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur « la question de la simplification de la formule de calcul de la réserve spéciale de la participation ». Si aucun rapport ne semble avoir été officiellement publié à la suite de cette saisine, un projet de rapport est cependant accessible sur internet ([25]) ; la presse s’en est fait l’écho ([26]) et il a été mentionné aux rapporteurs par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Ce projet de rapport critiquait la formule légale.

La critique de la formule légale de la participation par le projet de rapport du COPIESAS de 2018

« La formule de calcul de la réserve spéciale de la participation souffre depuis de nombreuses années d’un manque de lisibilité. Les employeurs sont difficilement en mesure d’en expliciter les différents termes aux salariés, lesquels ne perçoivent pas nécessairement le sens des primes versées au titre de la participation. Par ailleurs, la formule légale a été conçue, en 1967, dans le contexte de l’économie française industrielle, n’est plus tout à fait adaptée au tissu des entreprises dont les activités se sont largement tertiarisées depuis. En effet, la formule actuelle n’est plus adaptée aux mutations économiques de la France un demi-siècle après la création de la participation :

« – le secteur industriel, où les capitaux propres sont conséquents, n’est plus aussi présent dans l’économie française que lorsque la participation a été mise en place en 1967 ;

« – le recours à la sous-traitance est fréquent aujourd’hui alors qu’il n’existait pas il y a 50 ans remettant en cause la pertinence du ratio « salaires/valeur ajoutée ». »

Source : projet de rapport du COPIESAS tel que disponible au lien précité.

À l’occasion des débats de la loi « Pacte », un consensus informel s’était dégagé à l’Assemblée nationale sur le constat d’une formule pouvant être améliorée. Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale ([27]), avait alors reconnu que « la formule légale en vigueur n’est pas exempte de difficultés ». M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, s’était dit quant à lui « favorable à la révision de la formule de la participation », tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un sujet « extrêmement complexe », en raison d’une difficulté résumée par Mme Coralie Dubost : « chaque formule fait des gagnants, mais aussi des perdants, et est plus ou moins satisfaisante selon les secteurs d’activité » ([28]).

iii.   Des débats sur l’opportunité d’une révision

De nombreux acteurs ont avancé des pistes de révision de la formule de participation.

Le projet de rapport susmentionné du COPIESAS de 2018 recommandait ([29]) une formule radicalement simplifiée : 10 % du bénéfice net comptable.

Le fait de fonder la formule sur le bénéfice comptable « [présentait] aux yeux d’une majorité de membres du COPIESAS l’avantage de la simplicité : plus intuitif, plus facile à présenter aux salariés, ce mode de calcul permet en outre d’augmenter le nombre des bénéficiaires réels de la participation ».

La formule de 10 % du bénéfice net comptable avait été jugée « facile à mémoriser » et représentait aux yeux de la majorité des membres du COPIESAS un équilibre entre un ratio de 5 % qui aurait abouti à une diminution des montants versés, et des ratios de 15 voire 20 % qui auraient représenté « une charge trop lourde pour les entreprises ». La formule de 10 % du bénéfice net comptable entraînerait en effet une augmentation du montant total de participation à hauteur de 0,5 point de masse salariale.

Une telle formule aurait de surcroît permis d’élargir la part des entreprises versant de la participation. La proportion de 37 % des entreprises de 50 salariés ou plus ayant versé de la participation en 2015 se serait ainsi élevée à 67 % dans le cas d’une formule de 10 % du bénéfice comptable.

L’idée d’un calcul de la participation par un simple pourcentage du bénéfice net comptable a ensuite été reprise par les ambassadeurs à l’intéressement et la participation en 2019 ([30]), pour qui « remplacer la formule légale actuelle par un pourcentage du résultat net aurait une vertu simplificatrice forte ».

La CFDT s’est associée à la proposition de remplacement de la formule actuelle par la formule simple de 10 % du bénéfice net comptable recommandée par le COPIESAS en 2018. La CFE-CGC a quant à elle proposé une formule différente, mais prenant en compte elle aussi le bénéfice net comptable en lieu et place du bénéfice net fiscal.

En 2005, le Conseil supérieur de la participation avait toutefois évalué ([31]) que la substitution du bénéfice comptable au bénéfice fiscal entraînerait à la fois une baisse des montants distribués et une augmentation du nombre de bénéficiaires, avec des résultats contrastés entre secteurs gagnants et perdants, ce qui pourrait rendre difficilement acceptable la mesure ([32]).

Certaines des personnes auditionnées par les rapporteurs se sont prononcées en faveur d’un maintien de la formule actuelle.

C’est notamment le cas de la DG Trésor et de la Direction générale du travail, opposées à une révision « à la hausse pour l’ensemble des entreprises », la Direction générale du travail soulignant plutôt l’importance de « laisser davantage de place à la négociation collective pour définir une formule appropriée aux réalités et contraintes des secteurs ».

Pour l’Afep, « la formule de calcul [est] existante et éprouvée » et « les entreprises ne souhaitent pas [la] voir modifiée ». Planète CSCA relève de son côté « qu’un changement de formule de la participation ne […] semble pas prioritaire »

Interrogé par les rapporteurs, M. Maximilien Malbête, expert en prix de transfert et normes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a indiqué qu’une formule basée sur un pourcentage du bénéfice comptable en lieu et place du bénéfice fiscal lui semble peu appropriée, pour deux raisons :

– Le résultat fiscal est plus souvent supérieur au résultat comptable en raison d’un certain nombre de réintégrations (amortissements dérogatoires et dépréciations notamment) ;

– Dans les PME, les deux résultats sont généralement proches : l’utilisation de l’un ou de l’autre ne modifierait que marginalement le montant de la participation.

De nombreuses personnes auditionnées ont également proposé la suppression du multiplicateur d’un demi dans la formule de participation, qui ne repose sur aucun argument économique et n’est qu’un héritage historique.

iv.   L’éventuelle adaptation de la formule aux groupes d’entreprises

Le syndicat FO a présenté aux rapporteurs sa proposition que l’appréciation du bénéfice net permettant le calcul de la participation se fasse au niveau du groupe, pour les entreprises établies sur le territoire national. La DG trésor a cependant indiqué qu’une telle modification ne lui apparaissait pas pertinente, « pour ne pas obliger une entreprise bénéficiant de bons résultats issus de sa force de travail à partager la participation avec une autre entreprise aux résultats moindres », ce qui pourrait « réduire les gains de productivité entraînés par les dispositifs de partage de la valeur ».

c.   Un dispositif pouvant être amoindri par l’optimisation et la fraude fiscales

Ainsi que l’a indiqué la DARES aux membres de la mission, toute formule de la participation assise sur un indicateur de résultat, qu’il soit comptable ou fiscal, est confrontée à des limites liées à des pratiques d’optimisation fiscale. Ainsi, le mécanisme des « prix de transferts » ([33]) peut permettre aux groupes internationaux de réduire artificiellement le montant de la réserve spéciale de participation pour les salariés.

Des exemples d’entreprises, dont les transferts de base fiscale à destination de la Suisse auraient occasionné des pertes de participation de plusieurs dizaines de millions d’euros à destination des salariés, ont été communiqués aux membres de la mission d’information.

Ainsi, pour le cas de la société GE Energy Products France, sur une période allant de 2015 à 2020, un transfert estimé de 850,5 millions d’euros de base fiscale a eu lieu à destination de la Suisse, occasionnant une perte de participation de 10,5 millions d’euros pour les salariés. Pour le cas de la société Procter & Gamble, sur une période allant de 2012 à 2022, un transfert estimé de 5,5 milliards d’euros de base fiscale a eu lieu à destination de la Suisse, occasionnant une perte de participation de 371 millions d’euros pour les salariés. Ces chiffres résultent des estimations de M. Maximilien Malbête, fondées sur les documents fiables à disposition de l’analyste : les liasses fiscales certifiées, la balance générale des comptes, le contrôle de gestion et ses statistiques ou le rapport annuel financier du groupe.

Certains représentants syndicaux ont proposé d’intégrer à la BDESE le fichier principal (masterfile) et le fichier local (local file) au sens de la réglementation du projet BEPS, ce qui donnera les moyens aux experts-comptables mandatés par les CSE de confronter les entreprises à leurs pratiques d’optimisation de groupe.

Mme Eva Sas soutient cette proposition.

L’article L. 3326-1 du code du travail dispose que « le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application du présent titre ».

Cet article est contesté en ce qu’il rend impossible la réévaluation du montant de la réserve spéciale de participation dès lors que le bénéfice net a été certifié avec sincérité par le commissaire aux comptes, y compris si une fraude ou un abus de droit est prouvé par la suite ([34]).

La justification historique de l’article L. 3326-1 du code du travail

À l’origine, l’article L. 3326-1 du code du travail était pensé pour protéger le droit des salariés. Il devait assurer une concordance entre le résultat de l’entreprise utilisé pour le calcul de l’impôt sur les sociétés (IS) et celui utilisé pour le calcul de la participation. Le commissaire au compte, garant de la norme comptable, devait garantir cette concordance.

L’idée était que ce qui servait de base fiable pour le calcul de l’impôt fût uniformément utilisé pour le calcul de la base de la redistribution aux salariés. Une éventuelle contestation ultérieure de la base fiscale ne devait pas engendrer de remise en question des montants qui avaient déjà été versés aux salariés. L’objet de cet article était ainsi de préserver les droits des salariés contre une éventuelle contestation de leur employeur.

Depuis la rédaction initiale de cet article, qui n’a quasiment pas évolué en plus de 55 ans ([35]), les schémas de planification fiscale agressive des entreprises multinationales ont cependant conduit à ce qu’il soit avant tout utilisé par celles-ci à l’occasion de litiges contre les salariés.

Source : réponses de M. Maximilien Malbête au questionnaire envoyé par les rapporteurs.

Les rapporteurs proposent de modifier l’article L. 3326-1 du code du travail de sorte à ce qu’une telle réévaluation à la hausse du montant de la prime de participation soit permise, même si le montant du bénéfice net a déjà été certifié avec sincérité par le commissaire aux comptes. Ils souhaitent également que cette modification puisse concerner les contentieux déjà engagés.

d.   Un dispositif peu répandu dans les petites entreprises

  Le montant total brut distribué au titre de la participation a connu une croissance de 2015 à 2019, avant d’être freiné en 2020 par la crise sanitaire. Les données plus récentes, non encore finalisées, n’ont pas pu être communiquées aux rapporteurs.

  En tenant compte de l’évolution du nombre de salariés et de la masse salariale, la participation apparaît cependant en stagnation voire en déclin depuis 2006, sans qu’aucune explication n’ait pu être fournie aux rapporteurs.

Évolution du dÉploiement de la participation

 

2006

2010

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Montant total brut distribué (en millions d’euros)

6 926

7 380

6 363

6 714

7 032

7 112

8 003

6 910

Masse salariale totale (en millions d’euros)

337 020

377 733

421 972

431 830

480 134

486 094

498 408

478 674

Ratio

2,06

1,95

1,51

1,55

1,46

1,46

1,61

1,44

Nombre de bénéficiaires (en milliers)

4 981

5 226

4 807

4 904

5 029

4 975

5 340

4 906

Nombre total de salariés (en milliers)

12 258

12 327

12 563

12 809

14 376

14 409

14 718

14 571

Ratio

40,63

42,39

38,26

38,29

34,98

34,53

36,28

33,67

Montant moyen par salarié (en euros)

565,02

598,69

506,49

524,16

489,15

493,58

543,76

474,23

Montant moyen par salarié bénéficiaire (en euros)

1 390,48

1 412,17

1 323,69

1 369,09

1 398,29

1 429,55

1 498,69

1 408,48

Source : commission des finances d’après des données communiquées par la DG Trésor et la DARES.

Champ : Jusqu’en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

Évolution du dÉploiement de la participation

 

Source : commission des finances d’après le tableau précédent.

  Une répartition par taille d’entreprise montre que, bien qu’une part moins importante des petites entreprises verse de la participation (en 2019, 3,1 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont distribué une prime de participation, contre 51,5 % des entreprises de 1 000 salariés et plus ([36])), celles-ci ont versé des primes de participation plus élevées en 2019. En effet, la prime moyenne de participation par bénéficiaire était de 1 930 euros dans les entreprises de 10 à 49 salariés, contre 1 271 euros dans les entreprises de 1 000 salariés et plus.

   

 

 

 

Participation

 

 

 

 

 

 

% des entreprises ayant distribué

Prime moyenne distribuée

 

 

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2015

2016

2017

2018

2019

2020

 

Ensemble

8,9

8,2

8,1

8,0

8,5

7,8

1324

1369

1398

1430

1499

1409

10 à 49 salariés

 

2,6

2,2

2,3

2,6

3,1

2,9

1603

2080

1970

2023

1930

1944

50 à 99 salariés

 

32,7

28,8

26,0

24,2

23,7

22,1

1443

1559

1656

1854

1725

1441

100 à 249 salariés

45,0

43,1

40,6

38,7

41,3

39,0

1416

1501

1503

1484

1576

1590

250 à 499 salariés

47,1

50,4

44,1

43,2

45,8

41,9

1399

1507

1486

1486

1478

1518

500 à 999 salariés

51,3

52,4

45,0

48,4

46,4

43,5

1378

1430

1419

1280

1539

1451

1000 salariés et plus

55,3

59,2

48,2

47,8

51,5

47,5

1226

1217

1264

1335

1408

1271

Source : Dares, enquêtes Acemo-Pipa 2007 à 2021 ;

Champ : Jusqu'en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

 

 

Les entreprises non soumises au versement de la participation

Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés ne sont pas tenues de distribuer des primes de participation, ce qui explique que le pourcentage des entreprises ayant distribué des primes de participation soit inférieur à 100 %.

La définition légale des effectifs à prendre en compte pour l’assujettissement à ce dispositif peut conduire à ne pas retenir la totalité des salariés présents au 31 décembre. En particulier, les salariés en contrat de professionnalisation et les apprentis sont inclus dans les effectifs au 31 décembre, alors qu’ils ne doivent pas être comptabilisés dans l’effectif légal d’assujettissement. L’effectif légal prend en compte les salariés à temps partiel ou présents une partie de l’année au prorata de leur temps de présence au cours de l’année. Depuis le 1er janvier 2020, l’effectif légal d’assujettissement correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente.

De plus, l’entreprise doit avoir employé au moins 50 salariés pendant 5 années consécutives sans interruption pour être soumise à l’obligation.

Enfin, le caractère obligatoire ne s’applique ni aux entreprises à forme mutualiste ni à celles qui, en raison de leur nature ou de leur forme juridique, ne réalisent aucun bénéfice passible de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés.

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

Comme l’ont fait remarquer les organisations syndicales aux rapporteurs, le déploiement de la participation est par ailleurs limité du fait du mode de calcul du seuil de 50 salariés à partir duquel la participation est obligatoire, une seule année en dessous de ce seuil conduisant à une disparition de l’obligation. Ce point sera évoqué ultérieurement dans le rapport.

2.   L’intéressement : un dispositif à développer

a.   Le cadre juridique actuel résulte de plusieurs assouplissements successifs

i.   Le cadre juridique actuel : un dispositif facultatif

Défini par les articles L. 3312-1 et suivants du code du travail, l’intéressement est un dispositif facultatif, contrairement à la participation. Il consiste en le versement d’une prime aux salariés en cas d’atteinte des objectifs collectifs déterminés dans l’accord d’intéressement. Ces objectifs collectifs ne sont pas nécessairement financiers. Ils peuvent également porter sur des performances opérationnelles (niveau de production, objectifs de qualité) ou sur la réalisation d’objectifs extra-financiers (réduction de l’absentéisme, performance environnementale). L’atteinte de ces objectifs doit présenter « un caractère aléatoire » et ne peut donc être garantie. La formule de calcul, déterminant le montant des primes versées aux salariés en cas d’atteinte des objectifs, n’est pas prévue par le code du travail, contrairement à celle de la participation.

L’intéressement peut être mis en place par un accord d’entreprise ou, pour les entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord de branche agréé ([37]), unilatéralement par l’employeur en cas d’absence d’accord d’entreprise. Sa durée de validité peut varier de 1 à 5 ans.

L’intéressement bénéficie du même régime fiscal et social favorable que la participation, à une exception près : les primes de participation sont assujetties au forfait social sauf pour les entreprises de moins de 250 salariés, contre 50 salariés pour celles versées au titre de la participation.

Les primes d’intéressement font l’objet d’un double plafonnement, individuel et collectif ([38]) :

– Les primes individuelles d’intéressement sont plafonnées au même niveau que celles de la participation (75 % du PASS).

– Le total des primes d’intéressement versées à l’ensemble des salariés bénéficiaires ne peut pas excéder 20 % du total des salaires bruts versés.

L’intéressement ne bénéficie qu’aux salariés de l’entreprise, sauf pour les entreprises de moins de 250 salariés, dans lesquelles peuvent aussi bénéficier de l’intéressement les chefs d’entreprise, les présidents, directeurs généraux ou membres de directoire s’il s’agit de personnes morales, le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé ([39]).

ii.   Une succession de réformes pour assouplir le dispositif

Ce cadre juridique résulte d’une succession de réformes ayant eu pour but de faciliter la mise en place des accords d’intéressement afin de le déployer davantage.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (LFSS 2019) ([40]) a prévu l’exonération de forfait social sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés. (Cette même loi a également prévu la suppression du forfait social dans les entreprises de moins de 50 salariés pour les sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, quel que soit le support sur lequel ces sommes sont investies.)

Elle a de surcroît autorisé une expérimentation pour permettre la conclusion d’accords d’intéressement d’une durée comprise entre 1 et 3 ans, alors que jusqu’alors les accords ne pouvaient être conclus que pour une durée fixe de 3 ans ([41]).

La loi « Pacte » a notamment sécurisé le régime d’exonérations, désormais réputées acquises en l’absence d’observation de l’administration. Elle a prévu les modalités de continuité de l’accord d’intéressement en cas de modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise ainsi que l’harmonisation des plafonds de distribution de l’intéressement et ceux de la participation. Elle a imposé ([42]) que soit « menée » et « conclue au plus tard le 31 décembre 2020 » une négociation par branche d’un régime d’intéressement, de participation ou de plan d’épargne salariale, en prévoyant que « ce régime, auquel les entreprises de la branche peuvent se référer, est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche ».


Une loi du 17 juin 2020 ([43]) a permis à l’employeur d’une entreprise de moins de 11 salariés dépourvue d’instance représentative du personnel de mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement, lorsqu’il met en place ce dispositif pour la première fois.

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 ([44]) a simplifié l’adhésion à un accord de branche pour les entreprises de moins de 50 salariés, grâce à la possibilité de l’appliquer par une décision unilatérale de l’employeur. Elle a prévu que les accords d’intéressement puissent être conclus pour une durée allant d’un an à trois ans, et plus seulement pour trois ans. Elle a simplifié les contrôles exercés sur les accords d’intéressement.

La loi « pouvoir d’achat » ([45]) a étendu de 3 à 5 ans la durée maximale des accords d’intéressement. Elle a élargi la possibilité d’instituer un accord d’intéressement par décision unilatérale, sous conditions ([46]), aux employeurs des entreprises de moins de 50 salariés, alors que le seuil était auparavant fixé à 11 salariés. Elle a permis le renouvellement du dispositif arrivé à échéance par une décision unilatérale. Elle a enfin simplifié le contrôle de la régularité des accords d’intéressement.

Source : d’après le rapport du Sénat fait par Mme Frédérique Puissat au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, n° 827, enregistré à la présidence du Sénat le 25 juillet 2022.

 

● Le contrôle de la régularité des accords d’intéressement

Comme les autres accords d’épargne salariale, les accords d’intéressement font l’objet d’un dépôt obligatoire sur la plate-forme Téléaccord du ministère du travail. Ce dépôt conditionne, pour les entreprises comme pour les salariés, le bénéfice des exonérations fiscales et sociales. Les textes déposés sont examinés dans le cadre d’une procédure de contrôle a priori qui a été mise en place afin de prévenir et limiter le contentieux judiciaire potentiel et sécuriser les exonérations sociales et fiscales liées au dispositif par un examen des accords au moment de leur dépôt.

La loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale a encadré ce contrôle dans un délai de 4 mois au-delà duquel les exonérations sociales et fiscales ne peuvent plus être remises en cause pour le passé et l’exercice en cours.

Cette procédure a été rationalisée par la loi « ASAP » afin d’harmoniser les pratiques au niveau national. Ainsi, depuis le 1er septembre 2021, les accords sont contrôlés par :

– les directions départementales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), qui disposent d’un délai d’un mois pour examiner la validité de la forme (la complétude du dossier et la validité des modalités de négociation) ;

– les organismes de recouvrement des cotisations sociales (unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), caisses générales de sécurité sociale (CGSS) et caisses de mutualité sociale agricole (MSA)), qui disposent d’un délai de trois mois pour examiner le fond (la légalité des clauses du texte). Le délai attribué aux organismes de recouvrement se compose d’un premier délai de trois mois (à l’expiration duquel les exonérations de cotisations sociales sont réputées acquises pour l’exercice en cours en l’absence d’observations) et d’un second délai de deux mois (qui permet de sécuriser les exonérations de cotisations sociales pour les exercices ultérieurs, si les organismes de recouvrement n’ont pas demandé le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales dans ce délai).

– La loi « pouvoir d’achat » a été une étape supplémentaire de la rationalisation de la procédure en supprimant pour les accords d’intéressement, de participation et d’épargne salariale, le contrôle de forme opéré par les DDETS afin de raccourcir les délais de contrôle préalable d’un mois. Elle a également ([47]) institué la possibilité que les exonérations applicables aux accords d’intéressement puissent être réputées acquises pour la durée de l’accord dès son dépôt, dès lors que l’accord a été rédigé selon une procédure dématérialisée permettant de vérifier préalablement sa conformité aux dispositions légales en vigueur ([48]). La DG Trésor a indiqué aux rapporteurs que « le recul temporel n’est pas suffisant pour apprécier l’effet de cette réforme ».

● Les efforts non juridiques déployés pour développer l’intéressement

Enfin, des efforts non juridiques ont été entrepris pour développer l’intéressement.

Le Gouvernement a nommé le 8 février 2019 trois ambassadeurs à la participation et à l’intéressement, devenus depuis ambassadeurs au partage de la valeur : Mme Agnès Bricard, M. Thibault Lanxade et M. François Perret.

Les ambassadeurs au partage de la valeur

Les missions des ambassadeurs, qui ont évolué ([49]), incluent désormais deux objectifs :

– mieux faire connaître auprès des entreprises l’ensemble des leviers permettant de mettre en place des dispositifs de participation et d’intéressement ambitieux ;

– poursuivre auprès des branches professionnelles une mission d’information et d’accompagnement afin de les encourager à ouvrir des négociations sur les dispositifs d’épargne salariale.

Source : DG Trésor.

Le site « Mon-interessement.urssaf.fr » a été mis en ligne en 2020 pour offrir aux chefs d’entreprises un accompagnement personnalisé pour la création d’un accord d’intéressement. « Ce tutoriel permet à un chef d’entreprise et à ses salariés de construire en ligne un accord d’intéressement respectant le formalisme attendu et proposant des critères d’intéressement valides ([50]). » Ce site constitue aussi un guide d’informations pratiques, sur la création de l’accord, son contenu, sa négociation et son renouvellement. Depuis février 2023, il propose en outre un module permettant la rédaction d’un accord ou d’une décision unilatérale pré‑validée et sécurisée : un accord ou une décision unilatérale rédigé dans ce cadre voit désormais les exonérations de cotisations sociales associées être sécurisées dès son dépôt et non à l’issue du délai laissé à l’administration pour contrôler l’accord. Des modèles-type d’accord d’intéressement contenant l’ensemble des éléments obligatoires ont enfin été mis à la disposition des employeurs.

b.   Ces mesures ont permis une progression de l’intéressement au début du précédent quinquennat, avant le choc de la crise sanitaire

Les mesures prises pour développer l’intéressement ont porté leurs fruits : le nombre d’accords d’intéressement est en hausse.

Source : DARES.

Cette hausse est particulièrement notable dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Source : DARES.

Les chiffres ci-dessous montrent bien que l’intéressement s’est développé entre 2017 et 2019, tant en nombre de bénéficiaires qu’en montant perçu.

Évolution du dÉploiement de l’intÉressement

 

2006

2010

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Montant total brut distribué (en millions d’euros)

6 391

7 185

8 040

8 318

9 144

9 111

9 815

8 205

Masse salariale totale (en millions d’euros)

337 020

377 733

421 972

431 830

480 134

486 094

498 408

478 674

Ratio

1,90

1,90

1,91

1,93

1,90

1,87

1,97

1,71

Nombre de bénéficiaires (en milliers)

4 076

4 646

4 537

4 797

5 001

4 826

5 141

4 434

Nombre total de salariés (en milliers)

12 258

12 327

12 563

12 809

14 376

14 409

14 718

14 571

Ratio

33,25

37,69

36,11

37,45

34,79

33,49

34,93

30,43

Montant moyen par salarié (en euros)

521,37

582,87

639,97

649,39

636,06

632,31

666,87

563,10

Montant moyen par salarié bénéficiaire (en euros)

1 567,96

1 546,49

1 772,10

1 734,00

1 828,43

1 887,90

1 909,16

1 850,47

Source : commission des finances d’après des données communiquées par la DG Trésor et la DARES.

Champ : Jusqu’en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

 

Évolution du dÉploiement de l’intÉressement

Source : commission des finances d’après le tableau précédent.

On constate ainsi que les primes d’intéressement distribuées entre 2016 et 2019 ont évolué positivement, mais quasiment au même rythme que la masse salariale, tant celle des bénéficiaires que la masse totale. En 2019, 5,1 millions de salariés ont ainsi bénéficié d’une prime d’intéressement, pour un montant moyen par bénéficiaire de 1 909 euros. Les chiffres de l’année 2020 ne sont quant à eux pas significatifs en raison de la crise sanitaire.

Comme cela a déjà été souligné, la direction générale du Trésor a fait remarquer aux rapporteurs qu’« en 2019, les entreprises de moins de 50 salariés et de plus de 1 000 salariés versent des primes d’intéressement plus importantes (respectivement 2 484 euros et 1 953 euros en moyenne) que les autres entreprises. Durant la période 2015-2019, le montant moyen de l’intéressement augmente significativement dans les entreprises de moins de 50 salariés (+ 18 %), tandis que les entreprises de 50 à 250 salariés ont augmenté leurs primes de manière plus modérée (de l’ordre de 3 %). »

L’intÉressement selon la taille de l’entreprise

 

 

 

 

Intéressement

 

 

 

 

 

 

 

 

% des entreprises ayant distribué

Prime moyenne distribuée

 

 

 

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2015

2016

2017

2018

2019

2020

 

Ensemble

 

11,1

10,7

10,3

10,1

10,6

9,9

1772

1734

1828

1888

1909

1850

10 à 49 salariés

 

 

8,5

7,6

7,4

7,3

7,6

7,1

2110

2105

2154

2147

2484

2221

50 à 99 salariés

 

 

14,4

16,4

15,0

15,0

16,3

16,5

1788

1730

1450

1670

1833

1610

100 à 249 salariés

 

28,0

27,2

25,5

25,9

26,8

25,6

1514

1582

1669

1575

1553

1576

250 à 499 salariés

 

44,3

45,8

41,3

39,7

39,9

37,2

1610

1602

1594

1880

1711

1699

500 à 999 salariés

 

50,5

50,3

42,9

42,8

47,0

42,8

1773

1766

1799

1813

1913

1752

1000 salariés et plus

 

54,6

58,1

51,7

50,8

51,8

47,8

1804

1737

1901

1951

1953

1942

Source : Dares, enquêtes Acemo-Pipa 2007 à 2021.

Champ : Jusqu'en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

Le montant de cette prime est de loin le plus élevé dans les petites entreprises (10 à 49 salariés), atteignant 2 484 euros en moyenne par bénéficiaire, et dans les très grandes entreprises (plus de 1 000 salariés), où il se situe à 1 953 euros. À l’inverse, c’est dans les entreprises comptant entre 100 et 249 salariés qu’il est le plus faible (1 553 euros). Cependant, moins une entreprise compte de salariés, moins elle a recours à un dispositif d’intéressement.

Source : Dares, enquêtes Acemo-Pipa 2007 à 2021.

Champ : Jusqu'en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

Enfin, les dispositions de la loi « Pacte » relatives à l’obligation pour les branches de négocier un accord de partage de la valeur semblent n’avoir eu que peu d’effet, une trentaine d’accords seulement ayant été négociés d’après le Réseau des experts-comptables (alors qu’il existe plusieurs centaines de branches professionnelles).

Le faible recul dont on dispose semble cependant insuffisant pour apprécier l’effet de l’ensemble des réformes présentées précédemment.

Malgré ces progrès, en 2019, seuls 41 % des salariés étaient couverts par un accord d’intéressement. Il convient donc d’analyser les freins à l’intéressement qui demeurent en dépit des assouplissements précités.

c.   Divers freins au développement de l’intéressement subsistent

Interrogée par les rapporteurs, la DG Trésor identifie plusieurs causes au déploiement limité de l’intéressement malgré les incitations successives prodiguées par le législateur, certaines de ces causes ayant également été mentionnées par l’Institut Montaigne dans son rapport de juillet 2022 ([51]).

i.   L’instabilité législative

En premier lieu, les nombreuses et récentes évolutions législatives pourraient avoir, du fait de leur multiplicité, un effet négatif en tant que sources d’instabilité des régimes fiscaux et sociaux attachés à ces dispositifs.

En particulier, le forfait social a vu son taux, son assiette et ses exemptions être modifiés à de très nombreuses reprises depuis son instauration en 2009.

Les évolutions du forfait social

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009 ([52]) a institué ([53]) le forfait social, à un taux initial de 2 %.

Son taux a été porté à 4 % par la LFSS pour 2010 ([54]), à 6 % par la LFSS 2011 ([55]), à 8 % par la LFSS 2012 ([56]) puis à 20 % par la première loi de finances rectificative (LFR 1) pour 2012 ([57]).

Son assiette a été élargie par ces trois LFSS : il a été ainsi précisé qu’étaient également soumis au forfait social les sommes versées au titre de l’épargne salariale des salariés-gérants de société, les jetons de présences et les rémunérations exceptionnelles allouées aux membres des conseils d’administration et de surveillance et les contributions des employeurs au financement de retraite supplémentaire.

Plusieurs cas de taux dérogatoires ont également été introduits successivement par la LFR 1 pour 2012 susmentionnée, une loi du 16 août 2012 ([58]) et la loi « Macron » ([59]).

Source : d’après le rapport du Sénat fait par M. Jean-Marie Vanlerenberghe au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2019, tome II : examen des articles, n° 111, enregistré à la présidence du Sénat le 7 novembre 2018.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe évoquait ainsi en 2018 une « tradition de forte instabilité du forfait social », celle-ci « [faisant] perdre au dispositif sa lisibilité et [conduisant] à le rendre de plus en plus complexe ».

Une comparaison de la version initiale de l’article fixant le taux du forfait social dans sa version d’origine et dans sa version actuelle illustre bien la complexification de ce dispositif à mesure que ses réformes se sont succédé :

 

Article L. 137-16 du code du travail (version en vigueur du 19 décembre 2008 au 28 décembre 2009)

« Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 est fixé à 2 %. »

Article L. 137-16 du code du travail (version en vigueur depuis le 1er janvier 2022)

« Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 est fixé à 20 %.

Toutefois, ce taux est fixé à 8 % pour les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit, pour les contributions des employeurs publics mentionnées au 4° bis du II de l’article L. 242-1 du présent code ainsi que pour les sommes affectées à la réserve spéciale de participation conformément aux modalités définies à l’article L. 3323-3 du code du travail au sein des sociétés coopératives de production soumises à la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production sans préjudice de l’application du dernier alinéa du présent article.

Ce taux est fixé à 10 % pour :

1° Les versements des entreprises prévus à l’article L. 3332-11 du code du travail lorsque l’entreprise abonde la contribution versée par le salarié ou la personne mentionnée à l’article L. 3332-2 du même code pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens de l’article L. 3344-1 dudit code ;

2° Les versements des entreprises mentionnées au 1° de l’article L. 3332-11 du même code.

Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code est fixé à 16 % pour les versements par l’employeur des sommes mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier, lorsque le plan d’épargne retraite d’entreprise prévoit que l’allocation de l’épargne mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 224-3 du même code est affectée, selon des modalités fixées par décret, à l’acquisition de parts de fonds comportant au moins 10 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 dudit code. »

 

Au-delà des avantages fiscaux, c’est en raison de la complexité juridique de l’imposition des primes d’intéressement que la mesure de suppression du forfait social pour les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, portée par la LFSS 2019, a été particulièrement importante. Ces petites entreprises étaient en effet les plus susceptibles de renoncer à déployer l’intéressement en raison de sa complexité.

Les effets de cette simplification et de cette incitation fiscale se sont cumulés avec les ceux des autres réformes visant à assouplir le dispositif, mentionnés précédemment. Les chiffres déjà cités attestent des progrès accomplis grâce à ces efforts.

L’article 11 de l’accord national interprofessionnel (ANI) ([60]) indique cependant que le cadre juridique de l’intéressement est encore perçu comme complexe. Les partenaires sociaux y écrivent en effet : « le niveau et la coexistence de plusieurs taux de forfait social résultant de l’empilement des législations relative à l’épargne salariale sont aujourd’hui des freins à l’attractivité et à la lisibilité de ces dispositifs », créant ainsi un système « complexe à appréhender » qui « suscite des situations incohérentes ». C’est pourquoi l’article 11 propose une « simplification du forfait social », sans plus de détails à ce stade.

ii.   La crise sanitaire

Le contexte sanitaire lié à l’épidémie de covid-19 a également eu un impact négatif, comme en atteste le nombre limité de branches professionnelles ayant conclu des accords d’épargne salariale malgré l’obligation de négocier sur le sujet.

Le Réseau des experts-comptables a ainsi indiqué aux rapporteurs que pendant la crise sanitaire les dispositifs de partage de la valeur n’étaient « la priorité ni des employeurs mobilisés par la survie de leurs entreprises, ni des experts‑comptables occupés à gérer pour leurs clients les dispositifs d’aide mis en place par le Gouvernement ».

iii.   La complexité d’utilisation

La complexité et le coût de mise en œuvre de ces dispositifs ont été évoqués, en particulier dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce qui se traduit par une proportion de salariés couverts plus faible dans ces entreprises. La DARES a ainsi indiqué à la mission qu’« en 2020, 51,7 % des salariés des entreprises de 1 000 salariés et plus ont reçu de l’intéressement contre 7,9 % de celles entre 10 et 49 salariés ».

La DG Trésor a expliqué à la mission que « si les grandes entreprises disposent généralement de services dédiés à la mise en œuvre et au déploiement de ces dispositifs au sein de leur entreprise, ce n’est en revanche pas le cas des petites et moyennes entreprises. Ces dernières déplorent également un accompagnement insuffisant en amont ou lors de la conclusion des accords de la part de l’administration et de leurs conseillers habituels ».

iv.   Les risques juridiques

La crainte d’un redressement par l’URSSAF et d’une requalification des primes d’intéressement en salaire a été signalée aux rapporteurs par de très nombreux intervenants. Des interprétations juridiques divergentes du caractère aléatoire des accords d’intéressement selon les régions seraient à l’origine d’une incertitude et d’une insécurité juridiques. Toutefois, en dépit de leurs demandes répétées, les rapporteurs ne se sont vus communiquer aucun exemple de redressement Urssaf ou d’interprétations juridiques contradictoires. Mme Agnès Bricard, tout en indiquant être tenue au secret professionnel, a cependant précisé que la direction de la sécurité sociale établit un bilan annuel des recours effectués par les entreprises, contenant le motif de la contestation, les décisions des commissions de recours amiable et des juridictions. Une publication de ce bilan pourrait être envisagée, afin d’améliorer la transparence sur les risques juridiques des accords d’intéressement.

L’article 13 de l’ANI mentionne également des appréciations divergentes sur la mise en œuvre de « la possibilité de verser une prime en tout ou partie uniforme aux salariés ou de prévoir des mécanismes de primes plancher », c’est-à-dire une prime minimum prévue pour être plus favorable aux premiers échelons de salaire dans un mécanisme de répartition sinon proportionnel aux salaires.

v.   La concurrence de la PEPA puis de la PPV

Comme la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’intéressement a souffert de la concurrence des primes (PEPA puis PPV), plus simples à mettre en place, et qui ne nécessitent pas d’engagement dans un contexte économique incertain. Ce point sera détaillé dans la troisième sous-partie qui présentera les enjeux d’une telle « cannibalisation ».

3.   La contribution de la participation et de l’intéressement à l’épargne salariale

a.   Présentation

On entend par plan d’épargne salariale un système d’épargne collectif, au régime fiscal et social favorable, qui permet aux salariés de participer, avec l’aide de l’entreprise, à la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières. L’intéressement et la participation y sont intrinsèquement liés, étant donné que le salarié peut choisir entre la perception immédiate de ses droits individuels ou leur affectation à un plan d’épargne salariale.

Il s’agit principalement du plan épargne entreprise (PEE), système collectif d’épargne à moyen terme, et du plan d’épargne retraite (le PERCO devenu PER avec la loi « Pacte »), système d’épargne à long terme.

Flux de participation, d’intÉressement et d’abondement sur les plans d’Épargne salariale

Montants bruts (et nets) en milliards d’euros, exercice 2020 (montants versés en 2021, sauf pour l’abondement de l’entreprise et les versements volontaires du salarié sur les plans d’épargne, qui sont versés en 2020)

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

b.   Les plans d’épargne entreprise

Le plan d’épargne entreprise (PEE) peut être mis en place au niveau d’une entreprise ou dans un groupe d’entreprises, on parle alors de PEG (plan d’épargne groupe), ou dans plusieurs entreprises n’appartenant pas au même groupe, on parle alors de PEI (plan d’épargne interentreprises). Le PEG et le PEI fonctionnent comme le PEE. Dans les entreprises de moins de 250 salariés, le dirigeant peut également bénéficier du PEE. Sa mise en place est facultative : elle devient obligatoire lorsqu’un accord de participation existe, tel que prévu par l’article L. 3323-2 du code du travail.

Le PEE est le dispositif de partage de la valeur le plus répandu, avec 44,3 % des salariés concernés en 2020, devant la participation aux résultats de l’entreprise et l’intéressement, d’après les données de la DARES. Il n’a toutefois été mis en place que par 12 % des entreprises de moins de 50 salariés.

Les versements peuvent prendre la forme suivante : des versements du salarié, de nature facultative, des versements de l’entreprise complémentaires à ceux du salarié, dits abondements, des versements de l’entreprise indépendamment de versements du salarié.

Versements

*Versements (facultatifs) du salarié

– Sommes provenant de l’intéressement, de la participation, du transfert d’autres plans d’épargne salariale (sauf le Perco)

– Droits inscrits sur un compte épargne temps (CET)

 Versements volontaires, de montant plafonné :

Les versements volontaires sont plafonnés. Peuvent être versés chaque année civile au maximum 25 % de la rémunération annuelle brute. Le règlement du PEE peut prévoir un versement minimum annuel de 160 euros au plus.

Si les versements sont destinés à alimenter un FCPE (organisme de placement collectif en valeurs mobilières réservé aux salariés d’une entreprise) spécialement dédié à la reprise de votre entreprise, ils peuvent atteindre alors la totalité de la rémunération annuelle.

*Versements complémentaires de l’entreprise (abondements)

Le PEE peut être alimenté par des versements de l’entreprise qui viennent compléter les versements des salariés. Ces versements complémentaires de l’entreprise sont appelés abondements.

L’abondement ne peut pas dépasser 3 fois le montant versé par le salarié, ni être supérieur à 3 519,36 euros.

Si le salarié investit dans des actions ou des certificats d’investissement émis par son entreprise ou par une entreprise liée, l’abondement peut aller jusqu’à 6 334,85 euros.

*Versements volontaires de l’entreprise

L’entreprise peut aussi effectuer des versements sur le PEE, même en l’absence de versements des salariés. Ces versements volontaires de l’entreprise sont exclusivement destinés à l’achat d’actions ou de certificats d’investissements émis par l’entreprise ou par une entreprise du même groupe.

c.   Les plans d’épargne retraite

Le plan d’épargne retraite (PER) a été mis en place par la loi « Pacte ». Il remplace progressivement les autres plans d’épargne retraite, lesquels ne sont plus commercialisés depuis le 1er octobre 2020. Cette réforme avait notamment pour objet d’introduire le principe d’une transférabilité totale entre les différents produits d’épargne retraite, afin de permettre aux épargnants de « concentrer leurs encours sur un seul support, s’ils le souhaitent » ([61]).

tableau de correspondance

PERP et contrat Madelin

PER individuel

PERCO

PER d’entreprise collectif

Régime « article 83 »

PER d’entreprise obligatoire

Selon les dispositions de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier, les PER peuvent être alimentés selon les modalités suivantes :

– des versements volontaires du titulaire, avec ou sans déduction fiscale à l’entrée, dans la lignée de l’ancien PERP ;

– des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise ou de l’intéressement, d’abondements de l’entreprise, de jours de congés ;

– pour les plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire, s’y ajoutent des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur.

Peuvent s’y ajouter le transfert de droits individuels en cours de constitution sur un autre PER ou sur d’anciens produits d’épargne retraite.

d.   Des versements et des encours en croissance

Les données relatives aux versements totaux sur les PEE et Perco, prédécesseurs des PER, de 2015 à 2020 font apparaître dans les deux cas une croissance des versements annuels.

Les versements totaux nets sur les PEE (CSG et CRDS déduits), c’est-à-dire les abondements de l’employeur et les versements volontaires des salariés sont passés de 8 491 euros en 2015 à 10 613 en 2020, soit une progression de 25 %. Le montant moyen par salarié possédant un PEE était de 2 544 euros en 2020.

S’agissant des plans d’épargne retraite collectif (Perco), 2,38 milliards d’euros nets (CSG et CRDS déduits) ont été versés sur un Perco en 2020 (abondement employeurs et salariés). Le montant moyen par salarié ayant épargné dans un Perco était de 1 780 euros en 2020.

Les deux graphiques ci-dessous représentent l’évolution des versements sur les PEE et les Perco de 2015 à 2020.

versements sur les PEE de 2015 à 2020

(*) Versements totaux net : CSG et CRDS déduits.

 

Versements sur les PERCO de 2015 à 2020

Source des deux tableaux : DG Trésor, données, DARES, enquêtes Acemo-Pipa de 2018 à 2021.

(*) Versements totaux net : CSG et CRDS déduits.

Champ : Jusqu’en 2016 : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ; France métropolitaine. À partir de 2017 : entreprises privées de 10 salariés ou plus hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.

La DG Trésor constate que le nombre d’entreprises équipées d’un dispositif d’épargne salariale ou d’épargne retraite est également en hausse, atteignant en 2021 360 000 entreprises soit une progression de 6 % sur un an.

En 2021, les encours des plans d’épargne salariale et des plans d’épargne retraite s’élevaient quant à eux à 167,6 milliards d’euros, dont 26 milliards d’euros d’encours en épargne retraite d’entreprise collective (PERCO et PERCEO), soit une croissance de 14 % sur un an.

Encours des fonds d’Épargne salariale

En milliards d’euros

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

Les fonds d’épargne salariale se répartissent entre les FCPE ([62])  obligations, les FCPE monétaires, les FCPE mixtes, les FCPE actionnariat salarié, et les FCPE actions. De 2013 à 2021, les ordres de grandeurs de répartition restent comparables, avec toutefois une progression des fonds « actions » et « mixtes » qui représentaient à eux deux 29 % de l’encours en 2013 contre 38 % en 2021.

Ventilation de l’encours selon les catÉgories
de fonds d’Épargne salariale

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

e.   Les inégalités d’accès au PEE et au PER selon la taille de l’entreprise

Les données communiquées par la DARES à la mission d’information mettent en lumière l’accès très inégal au PEE et au PER selon la taille de l’entreprise.

– En 2020, 19,5 % des entreprises étaient couvertes par un PEE. Cette proportion atteignait 13,9 % des entreprises de 10 à 49 salariés, 35,6 % des entreprises de 50 à 99 salariés contre 74,6 % des entreprises de 1 000 salariés et plus ;

– En 2020, 8,3% des entreprises étaient couvertes par un Perco, mais seulement 5,7 % des entreprises de 10 à 49 salariés, contre 14,7 % des entreprises de 50 à 99 salariés et 47,2 % des entreprises de 1 000 salariés et plus. ([63])

La mise en place des plans d’épargne entreprise est facultative, sauf existence d’un accord de participation.

La moindre participation des PME et TPE peut faire écho à la complexité des dispositifs, malgré les évolutions portées par la loi « Pacte ».

La CPME a ainsi fait remarquer, dans le prolongement du constat de complexité de la mise en place des dispositifs d’intéressement et de participation, en dépit des plateformes de rédaction récentes, que « le lien à créer avec un plan d’épargne (PEE, PERCO, PEI, PER collectif, PERECO-I) pour que le salarié soit exonéré d’impôt sur le revenu est aussi complexe et impose de négocier avec un tiers (banque ou assurance). »

Les rapporteurs signalent à cet égard la proposition de France active pour simplifier les modalités de collecte de l’épargne salariale : « la création d’un fonds national par défaut pour les PME (les PME pouvant choisir un autre prestataire) qui pourrait être géré par un opérateur comme la Caisse des Dépôts ce qui aurait plusieurs effets positifs : réduire le coût de gestion des petits comptes faiblement abondés pour les employeurs grâce à la mutualisation, faciliter le calcul des sommes à verser (un abondement) par rapport à l’intéressement, permettre le développement de l’épargne salariale grâce à l’abondement dans les structures ne bénéficiant pas de résultats, assurer la portabilité des sommes lorsque le salarié change d’employeur et assurer une gouvernance exemplaire de la politique de placement au service de l’impact social et environnemental. »

f.   La fiscalité et les possibilités de « déblocage »

Les PEE et PER sont dotées d’une fiscalité avantageuse, pendant leur vie et au moment du déblocage, respectivement à la fin du PEE et au moment de la retraite.

Les règles applicables pendant la durée de vie des plans dépendent de la nature des sommes versées (versements volontaires, intéressement, revenus des titres détenus dans le plan, abondement versé par l’entreprise).

À titre d’exemple, si la prime d’intéressement ou la prime de participation est versée immédiatement, elle est soumise à l’impôt sur le revenu. Si elle est versée sur une PEE, ou un PER, un PEI ou un Perco, elle est exonérée d’impôt sur le revenu. De plus, au moment du déblocage, les seules plus-values réalisées sont soumises aux prélèvements sociaux à un taux de 17,2 %.

Pour ces deux familles de plans d’épargne, des cas de déblocage anticipés sans perdre le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu, ont été prévus et sont énumérés ci-dessous. Ces sommes sont soumises aux prélèvements sociaux pour la part correspondant aux revenus générés par le plan.

 

PEE

PER

– Mariage, conclusion d’un Pacs

– Naissance ou adoption d’un 3e enfant

– Divorce, séparation, dissolution d’un Pacs, avec la garde d’au moins un enfant

– Victime de violence conjugale

– Acquisition de la résidence principale

– Construction de la résidence principale

– Agrandissement de la résidence principale

– Remise en état de la résidence principale

– Invalidité (salarié, son époux(se) ou partenaire de Pacs, ses enfants)

– Décès (salarié, son époux(se) ou partenaire de Pacs)

– Cessation du contrat de travail (licenciement, démission, départ à la retraite avant l’expiration du délai de 5 ans)

– Création ou reprise d’entreprise

– Surendettement

– La demande de déblocage anticipée doit intervenir dans les 6 mois suivant l’événement.

 

– À tout moment en cas de rupture du contrat de travail, décès, invalidité et surendettement.

– Invalidité (le salarié, ses enfants, son époux ou épouse ou partenaire de Pacs)

 

– Décès de l’époux/e ou du partenaire de Pacs

 

– Expiration des droits aux allocations-chômage

 

– Surendettement (dans ce cas, c’est la commission de surendettement qui doit faire la demande)

 

– Cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire

 

– Acquisition de la résidence principale (sauf pour les droits issus de versements obligatoires)

L’article 5 de la loi « pouvoir d’achat » a mis en place un dispositif exceptionnel de déblocage de 10 000 euros maximum, à demander avant le 31 décembre 2022, pour le financement de l’achat d’un ou de plusieurs biens ou la fourniture d’une ou de plusieurs prestations de services.

 

Sommes pouvant être débloquées

Sommes exclues

Les sommes issues de l’intéressement et/ou de la participation placées avant le 1er janvier 2022 sur un plan d’épargne salariale (ou un compte courant bloqué pour la participation en cas d’application du régime d’autorité)

 

En cas d’affectation de la participation et/ou de l’intéressement à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée, ou de parts ou d’actions placés sur un FCPE dont plus du 1/3 de l’actif est composé de parts ou titres émis par l’entreprise ou par toute entreprise qui lui est liée) ou de SICAV d’actionnariat salarié : nécessité de conclure un accord collectif (selon les modalités prévues pour l’épargne salariale) autorisant le déblocage et pouvant prévoir que certaines catégories de droits ne peuvent être débloqués que pour une partie des avoirs.

Règle également applicable en cas d’accords de participation conclus au sein des sociétés coopératives de production prévoyant l’emploi de la totalité de la RSP en parts sociales ou en comptes courants bloqués

Sommes affectées à l’acquisition de parts de fonds investis dans des entreprises solidaires ou placées sur un plan d’épargne retraite (Perco, Pere, Pereco, etc...)

 

Source : DO actualités, septembre 2022.

À la fin de l’année 2022, 294 000 demandes de déblocage exceptionnel des sommes placées sur un plan d’épargne salariale (dans la limite de 10 000 euros) avaient été déposées pour un montant total de 1,163 milliard d’euros ([64]).

Pour le syndicat des courtiers d’assurance Planète CSCA, « le succès très relatif des cas de déblocages exceptionnels nous a montré́ que sans fléchage contraint des primes de participation au moment de leur versement vers les plans d’épargne salariale, les mesures de déblocage additionnelles ne produisent aucun effet. Les deux mesures vont donc nécessairement de pair (fléchage obligatoire vers les plans d’épargne puis élargissement des cas de déblocage pour flécher cette épargne contrainte vers les bons usages contributifs de l’effort national) ».

4.   L’actionnariat salarié, un volet connexe

a.   Présentation des dispositifs

L’actionnariat salarié « a pour ambition de renforcer la cohésion et le lien social dans l’entreprise, d’aligner les incitations des employeurs et des employés et de renforcer la stabilité du capital dans le cas de sociétés cotées », comme le résume la note Trésor Eco Les dispositifs de partage de la valeur en France et en Europe citée en introduction ([65]). L’actionnariat salarié concerne toutes les sociétés par actions, qu’elles soient cotées en bourse ou non. La France compte actuellement environ 3,5 millions d’actionnaires salariés, ce qui la place au premier rang européen.

Depuis 1994, ce dispositif se traduit également par un accès à la gouvernance des entreprises, les salariés actionnaires pouvant avoir, sous conditions, un représentant au conseil d’administration de leur entreprise.

Les dispositifs donnant la possibilité aux entreprises d’associer leurs salariés à leur capital dans des conditions préférentielles, avec une obligation de détention d’au moins cinq ans, sont multiples. Il s’agit :

– des cessions d’actions réservées aux salariés, actions existantes ou actions créées à la suite d’une augmentation de capital ;

– des attributions gratuites d’action, souvent conditionnées par la réalisation de performances économiques ;

– des holdings de managers (ManCo), par lesquelles les salariés peuvent entrer au capital de l’entreprise par le biais d’une société ad hoc ;

– de l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions (stock‑options), les bons de souscription d’actions (BSA) et les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), la possibilité d’achat d’actions de l’entreprise étant ouverte aux salariés pendant une durée déterminée à un prix fixé le jour de l’attribution de l’option.

L’attribution d’actions gratuites

*Une entreprise peut décider d’attribuer gratuitement ses propres actions à ses salariés.

– Le salarié bénéficiaire ne devient pas immédiatement propriétaire des actions. Il faut obligatoirement qu’un temps s’écoule entre la date d’attribution des actions et la date où le salarié bénéficiaire devient propriétaire. Ce temps est appelé période d’acquisition.

L’entreprise fixe la durée de la période d’acquisition, mais en respectant la durée légale minimale d’un an (sauf en cas d’invalidité du salarié).

L’entreprise peut aussi fixer librement une période de conservation des actions. Cela veut dire que le salarié ne peut pas vendre les actions avant la fin de cette période, même s’il est devenu propriétaire suite à la fin de la période d’acquisition.

Le cumul de la période d’acquisition et de la période de conservation ne peut pas être inférieur à 2 ans.

Un salarié ne peut donc pas revendre les actions gratuites reçues de son entreprise avant l’expiration de délai de 2 ans à partir de la date d’attribution.

– À la fin de la période d’acquisition, le salarié peut transférer les actions sur un PEE dans la limite de 3 299,40 euros si l’attribution des actions gratuites concerne tous les salariés.

*L’attribution d’actions gratuites est différente d’autres opérations proches qui permettent aussi au salarié de tirer un avantage des actions de son entreprise :

- achat à des conditions plus avantageuses que celles du marché (stock-options) ;

- achat via une augmentation de capital réservée aux salariés adhérents au plan d’épargne d’entreprise (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2142) ;

- achat via des ventes réservées, dans des conditions avantageuses (décotes).

*Si le salarié transfère les actions sur son plan d’épargne d’entreprise, il peut bénéficier de versements complémentaires de l’employeur (appelés abondements).

Source : service-public.fr

D’après l’Afep, « les entreprises indiquent que le taux de souscription des salariés aux augmentations de capital qui leur sont réservées est souvent très important (jusqu’à 80 %). Cette souscription est facilitée par la mise en œuvre d’une décote sur le prix des actions à laquelle s’ajoute le plus souvent un abondement (par exemple : une action achetée, une action offerte). En outre, une « passerelle » est souvent organisée entre l’intéressement et la participation et le financement de l’achat ».

b.   Des dispositifs inégalement répartis (les facteurs limitatifs)

D’après la DG Trésor et la Fédération Française des Associations d’Actionnaires Salariés et Anciens Salariés (FAS), on compte environ 3,5 millions d’actionnaires salariés dans les entreprises implantées en France, cotées ou non, regroupés principalement au sein des grandes entreprises.

D’après la DG Trésor, « les encours des fonds d’actionnariat salarié s’élevaient à 60,5 milliards d’euros fin 2021, soit une hausse de 21,5 % par rapport à 2020 et de 12 % par rapport à 2019. »

Le graphique ci-dessous présente l’évolution du niveau des encours et du nombre de fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) en actionnariat salarié entre 2004 et 2021.

Évolution des FCPE d’actionnariat salarié 2004-2021

Source : DG Trésor et AFG, réponse au questionnaire.

La DG Trésor relève qu’« en 2020, la part du capital détenu par les actionnaires salariés s’élevait en moyenne à 3,3 % parmi les entreprises du CAC40 et à 1,59 % parmi les entreprises du SBF120 (hors CAC40). Il convient de noter que la diffusion de l’actionnariat salarié reste limitée parmi les entreprises non cotées comme en témoigne le baromètre 2022 d’Equalis Capital : 27 PME de moins de 50 salariés parmi plus de 15 000 entreprises sondées, 3,7 % des ETI et 27 % des grandes entreprises non cotées. »

CAC 40 : part du capital dÉtenu par les actionnaires salariés au 31/12/2020

SBF 120 (hors CAC 40) : part du capital dÉtenu par les actionnaires salariés au 31/12/2020

Source : FAS.

L’actionnariat salarié est un dispositif encore très concentré dans les grandes entreprises, à 85 % selon la FAS et dans certains secteurs.

● Il est « plus répandu dans la construction et l’industrie (respectivement 1,7 % et 1,5 % des entreprises contre 1,1 % dans le tertiaire). 17,2 % des entreprises de 1 000 salariés y recourent en 2020 et 10,5 % de leurs salariés en bénéficient, seulement 0,8 % des entreprises de 10 à 49 salariés (et 0,4 % de leurs salariés) ». ([66])

 

« En 2020, 1,3 % des entreprises d’au moins 10 salariés, qui emploient 9,3 % des salariés, mettent en place une opération d’actionnariat salarié. Cette part est nettement plus importante au sein des sociétés cotées en bourse, où elle atteint 23,7 % des entreprises ; elle se hisse même à 28,4 % en y incluant les entreprises non cotées mais appartenant à un groupe coté.

« L’actionnariat salarié est plus répandu dans la construction et l’industrie, où respectivement 1,7 % et 1,5 % des entreprises mettent une telle opération en place, contre 1,1 % dans le tertiaire. Cependant, certains secteurs des services y recourent davantage, comme les activités financières et d’assurance (5,8 %), ainsi que l’information‑communication (5,1 %). Dans le premier cas, 20,2 % des salariés du secteur en bénéficient, contre 8,4 % dans le second.

« L’actionnariat salarié tend à croître avec la taille de l’entreprise. Ainsi, 17,2 % des entreprises de 1 000 salariés ou plus y recourent en 2020 et 10,5 % de leurs salariés en bénéficient, contre seulement 0,8 % des entreprises de 10 à 49 salariés (et 0,4 % de leurs salariés). »

Source : DARES, réponse au questionnaire.

Part de salariés bénéficiaires de l’actionnariat salarié
en fonction de la taille de l’entreprise en 2020

(En %)

* 1 à 9 salariés : ne porte pas sur l’ensemble des entreprises mais seulement sur les sociétés cotées ou sièges sociaux comptant moins de 10 salariés. Ces unités ne représentent que 0,5 % des entreprises ou structures mettant en place une opération d’actionnariat salarié et 0,01 % pour le nombre de salariés bénéficiaires.

Source : DARES, enquête Acemo Pipa, réponse au questionnaire.

● La DG Trésor relève que « la diffusion de l’actionnariat salarié reste encore limitée au sein des entreprises non cotées : 25 PME sur plus de 15 000 entreprises non cotées, 3,5 % des ETI non cotées, à comparer avec 27 % des grandes entreprises non cotées ».

Diffusion de l’actionnariat salarié dans les entreprises non cotées

Source : DG Trésor pour la mission d’information.

Pour CMA France, qui rappelle que l’actionnariat salarié ne s’applique pas à la situation de toutes les TPE et PME : « l’actionnariat salarié est peu répandu dans les entreprises de moins de 50 salariés car les chefs d’entreprises souhaitent conserver une totale maîtrise en matière de décisions et de gestion de leur entreprise. Ceux-ci sont très attachés et fiers de l’entreprise qu’ils ont généralement fondée et ne souhaitent pas prendre le risque d’en perdre le contrôle et potentiellement de mettre en péril leur entreprise. Le fait de mettre en place l’actionnariat salarié implique un partage à la fois de valeur mais aussi des risques et responsabilités. Pour cette catégorie d’entreprise, le partage de valeur via le « dividende salarié » est privilégié car moins risqué pour le chef d’entreprise ».

Les problèmes de confidentialité, les enjeux de transmission de l’entreprise, et le caractère complexe de l’opération sont les trois raisons le plus souvent évoquées en réponse à la question « pourquoi les PME ne mettent-elles pas en place de plan d’actionnariat salarié ? » posée dans le cadre de l’enquête Panorama de l’actionnariat salarié Eres, édition 2022, présentée par Planète CSCA ([67]).

opÉrations d’actionnariat salarié en 2020, par secteur d’activitÉ et taille d’entreprise

(En %. Champ : entreprises et sociétés cotées de 10 salariés ou plus
et sociétés cotées de moins de 10 salariés)

 

Part d’entreprises concernées

Part de salariés potentiellement couverts

Part de salariés bénéficiaires

Dans l’ensemble des salariés

Dans les entreprises concernées

Secteur d’activité

 

 

 

 

Industrie

1,5

13,1

6,5

49,6

Construction

1,7

9,9

6,5

61,0

Tertiaire

1,1

8,3

3,7

43,9

Information et communication

5,1

25,0

8,4

31,3

Activités financières et d’assurance

5,8

32,5

20,2

62,9

Taille de l’entreprise

 

 

 

 

1 à 9 salariés (*)

3,1

2,4

2,0

82,9

10 à 49 salariés

0,8

0,9

0,4

46,3

50 à 99 salariés

1,6

1,6

0,8

48,7

100 à 249 salariés

3,9

3,8

2,0

53,2

250 à 499 salariés

5,9

6,2

2,7

43,3

500 à 999 salariés

9,1

9,1

4,4

48,6

1 000 salariés ou plus

17,2

22,8

10,5

46,2

Ensemble

1,3

9,3

4,3

46,8

(*) : ne porte pas sur l’ensemble des entreprises mais seulement sur les sociétés cotées ou sièges sociaux comptant moins de 10 salariés. Ces unités ne représentent que 0,5 % des entreprises ou structures mettant en place une opération d’actionnariat salarié et 0,01 % pour le nombre de salariés bénéficiaires.

Lecture : 1,5 % des entreprises de l’industrie mettent en place une opération d’actionnariat salarié en 2020 et 13,1 % des salariés de l’industrie peuvent potentiellement en bénéficier. 49,6 % des salariés des entreprises de l’industrie effectuant une telle opération en bénéficient effectivement, soit 6,5 % de l’ensemble des salariés de ce secteur.

Source : DARES, enquête Acemo Pipa 2021.

Le tableau ci-dessus illustre également le fait qu’en moyenne à peine un salarié sur deux des entreprises faisant une telle opération en bénéficie effectivement.

c.   Premier bilan de la loi « Pacte » en matière d’actionnariat salarié

La loi « Pacte » a modifié certaines dispositions dans un objectif de faciliter et de renforcer l’attractivité de l’actionnariat salarié. Il s’agit principalement :

– d’un assouplissement des conditions d’attribution d’actions gratuites, en excluant certaines actions du calcul du plafond d’attribution fixé à 10 % du capital social de la société, ou 15 % pour les PME ([68]) ;

– de la nouvelle possibilité d’abondement unilatéral de l’employeur sur le PEE. Il n’était possible jusqu’alors qu’au sein du PERCO ;

– de l’augmentation du montant de taux de décote maximal sur les titres proposés aux salariés dans les opérations d’actionnariat salarié de dix points, soit 30 % au lieu de 20 % et 40 % au lieu de 30 % lorsque la durée d’indisponibilité des titres est supérieure ou égale à dix ans ;

– de la suppression du forfait social sur l’ensemble des versements d’épargne salariale, dont l’abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale, pour les entreprises de moins de cinquante salariés ;

– de la baisse du forfait social en cas d’abondement de l’employeur sur les fonds d’actionnariat salarié de 20 % à 10 % pour les entreprises d’au moins 50 salariés.

Une évaluation de la loi « Pacte » par la FAS

« La France compte environ 3,5 millions d’actionnaires salariés (ce qui en fait le pays d’Europe comptant le plus grand nombre d’actionnaires salariés). Ce nombre est inchangé par rapport à il y a une dizaine d’années. En revanche ce nombre avait temporairement baissé à partir de 2013 du fait du passage à 20 % du forfait social sur l’abondement versé par les entreprises, qui avaient fortement ralenti leurs offres d’actions aux salariés et anciens salariés, tandis qu’une érosion « naturelle » des avoirs continuait comme précédemment. Depuis 2019, un redémarrage des offres aux salariés dans le cadre du PEE et des attributions gratuites d’actions a inversé le mouvement et permis une remontée des avoirs des salariés en actions de leurs entreprises. Cette évolution est notamment la conséquence d’un forfait social ramené à 10 % pour l’abondement des souscriptions des salariés pour l’acquisition des actions de leur entreprise, puis à 0 % depuis 2021 pour l’abondement des versements volontaires (à l’exclusion du placement de l’intéressement ou de la participation). Les entreprises de moins de 50 salariés bénéficient également de ce taux de 0 % pour tout abondement de l’acquisition de leurs actions par leurs salariés.

« On observe une progression des ouvertures de capital dans les PME et ETI. Toutefois l’actionnariat salarié se trouve toujours concentré à plus de 85 % dans les grandes entreprises. […]

« Les réformes de la loi « Pacte » concernant la gouvernance ne sont pas encore totalement mises en application, tout particulièrement l’élection par les porteurs de parts de tous leurs représentants dans les conseils de surveillance des FCPE d’actionnariat salarié (tous les mandats des membres des conseils de surveillance « ancienne formule » n’ont pas encore expiré). Nous considérons que cette réforme de la gouvernance des FCPE constitue une avancée majeure pour l’exercice de la démocratie actionnariale dans l’entreprise et souhaitons qu’elle soit complétée par notre proposition de protéger les membres élus des conseils de surveillance en leur donnant une protection comparable à celle des membres d’un comité social et économique.

« Le plafond de la décote porté de 20 % à 30 % sur le prix des actions (voire de 30 % à 40 % en cas de blocage sur 10 ans) a rencontré un franc succès. Cependant, la suppression du régime comptable d’évaluation de cette décote qui prévalait depuis 20 ans (décision du collège de l’ANC du 29 septembre 2022), pour les opérations lancées à partir de 2023, risque d’être fortement dissuasive. La suppression du forfait social à 10 % sur l’abondement pourrait constituer une compensation au moins partielle, étant fait observer qu’une moindre décote augmente potentiellement la base taxable à l’IS.

« Le versement unilatéral de l’entreprise pour l’acquisition de ses actions par les salariés, dans la limite de 2 % du PASS a été utilisé (mais la FAS n’a pas de données chiffrées) ; cette mesure permet une diffusion très large de l’actionnariat salarié dans les entreprises qui l’utilisent. Il serait utile d’augmenter la limite de 2 % pour compenser en partie la suppression du régime comptable de la décote mentionné ci-dessus. »

Source : FAS, réponse au questionnaire.

5.   La prime de partage de la valeur : un dispositif plébiscité par les employeurs

a.   Présentation et retour sur la PEPA

Prolongement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) créée en 2019, reconduite de manière temporaire en 2020 et 2021, la prime de partage de la valeur (PPV) résulte de l’article 1er de la loi « pouvoir d’achat ». Ce dispositif facultatif permet aux employeurs, quel que soit l’effectif de salariés, de verser à leurs salariés une prime exonérée de cotisations, sous conditions.

– La PEPA peut être versée par :

● tous les employeurs de droit privé, y compris les travailleurs indépendants, les mutuelles, les associations ou les fondations ;

● les établissements publics à caractère industriel et commercial ;

● les établissements publics administratifs (EPA) lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé ;

● les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) uniquement pour les travailleurs handicapés qu’ils accueillent, titulaires d’un contrat de soutien et d’aide par le travail.

– Elle peut bénéficier aux salariés de l’entreprise, aux travailleurs intérimaires mis à disposition au sein d’une entreprise utilisatrice, aux agents publics relevant d’un établissement public administratif ou à caractère industriel et commercial et aux travailleurs handicapés liés à un établissement ou à un service d’aide par le travail, par un contrat. Ces salariés doivent être liés à l’entreprise par un contrat à la date de versement de la prime, à la date de dépôt de l’accord auprès de l’autorité compétente ou à la date de la signature de la décision unilatérale de l’employeur instituant la prime.

– La mise en place de la prime doit faire l’objet d’un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon l’une des modalités suivantes : convention ou accord collectif, accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, accord conclu au sein du comité social et économique (CSE), ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur.

La prime peut également être mise en place par décision unilatérale de l’employeur. Celui-ci doit alors en informer au préalable le comité social et économique.

– L’étendue de l’exonération de cotisations dépend de la date de versement de la prime et du montant de rémunération du salarié.

 

Rémunération annuelle inférieure à trois fois le SMIC annuel pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023

Rémunération annuelle au moins égale à trois fois le SMIC annuel pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 et primes versées à compter du 1er janvier 2024

Sur cette période, la prime versée aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC correspondant à la durée de travail prévue au contrat, est exonérée de toutes les cotisations et contributions sociales patronales et salariales, dont la CSG et la CRDS.

 

Dans cette situation, le forfait social n’est pas dû.

 

La prime est également exonérée d’impôt sur le revenu.

 

Si par exemple la prime est versée le 1er août 2022, il conviendra de tenir compte de la rémunération versée sur la période du 1er août 2021 au 31 juillet 2022.

L’exonération de cotisations et contributions sociales patronales et salariales ne porte pas sur la CSG-CRDS.

 

La prime est assujettie à forfait social dans les conditions applicables à l’intéressement pour les entreprises qui en sont redevables

 

La prime n’est pas exonérée d’impôt sur le revenu.

Quels que soient la période de versement de la prime et le montant de la rémunération du salarié, l’exonération porte également sur les participations à l’effort de construction ainsi que sur les taxes et contributions liées à l’apprentissage et la formation.

Source : https://www.urssaf.fr/portail/home/actualites/toute-lactualite-employeur/le-point-sur-la-prime-de-partage.html

À partir du 1er janvier 2024, les règles applicables aux rémunérations inférieures à trois fois la valeur annuelle du SMIC (pas de forfait social, pas d’impôt sur le revenu) s’aligneront sur celles applicables aux rémunérations supérieures à trois fois la valeur annuelle du SMIC. Toutes les PPV seront alors soumises au même dispositif, identique à celui du régime de l’intéressement. La suppression du seuil avait été présentée par le Conseil d’État, dans son avis consultatif au projet de loi, comme une condition de sa conformité, l’absence de tout dispositif de lissage, posant une difficulté au regard du « principe d’égalité devant les charges publiques ». Le Conseil d’État y a relevé à quel point « l’effet de seuil [pourrait] ainsi, en l’absence de dispositif de lissage, donner lieu à de sensibles inversions de la hiérarchie des rémunérations entre deux salariés qui, touchant la même prime, auraient des salaires de base placés de part et d’autre de ce seuil ».

– Le montant maximal d’exonération par bénéficiaire et par année civile est de 3 000 euros. Ce montant est porté à 6 000 euros lorsque la prime est versée par une entreprise qui a mis en place un dispositif d’intéressement, par un organisme d’intérêt général ou par un ESAT.

– Le montant de la prime peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction des critères suivants : la rémunération ; l’ancienneté dans l’entreprise ; le niveau de classification ; la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail, telle que déterminée pour le calcul du coefficient de la réduction générale.

– Elle peut être versée en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre.

b.   La PEPA et la PPV sont des dispositifs plébiscités par les entreprises, comme en témoignent les montants distribués

i.   Montants distribués

Pour ce qui est de la PEPA, d’après la DG Trésor, « entre 2019 et mars 2022, 8,3 milliards d’euros de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ont été versés par 1,6 million d’établissements à 15,3 millions de salariés, pour un montant moyen de 542 euros ».

D’après la DG Trésor, « 6 millions d’assurés ont bénéficié du versement d’une PPV entre juillet et décembre 2022. L’utilisation du dispositif s’est très largement accrue en décembre : par rapport au mois de novembre, le nombre de bénéficiaires a augmenté de plus de 90 % pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC et de 60 % pour les salariés dont la rémunération est supérieure à 3 SMIC. Les montants moyens sont également en hausse sur le dernier mois, respectivement de 8 % et de 36 % par rapport au mois de novembre. » ([69])

ii.   Évaluation

La prime de partage de la valeur est un dispositif laissant la liberté à l’entreprise s’agissant du montant, dans la limite du plafond, avec une fiscalité allégée. Elle se distingue en cela des autres dispositifs, dont le cadre est davantage contraint, et qui engagent l’entreprise sur la durée.

Les rapporteurs présentent ci-dessous les contributions des organisations professionnelles d’employeurs sur la facilité et la souplesse de mise en œuvre de la Pepa puis de la PPV.

 

Afep

La PPV est « un outil utile et utilisé par les entreprises pour répondre à la problématique de pouvoir d’achat des salariés. »

 

« Selon l’enquête réalisée par l’Afep auprès de ses adhérents, 80 % ont versé un complément de rémunération, sous forme de prime de partage de la valeur (PPV), pour un montant moyen de 800 euros en 2022. En 2023, 50 % ont l’intention de verser de nouveau une PPV, pour un montant moyen de 1 600 euros, très supérieur à celui de l’année dernière, afin de tenir compte de la persistance de l’inflation qui impacte le pouvoir d’achat des salariés. Par ailleurs, près d’un quart des entreprises adhérentes versent, au-delà des obligations légales, des compléments en matière de transport et de santé. »

CPME

« La CPME remarque par exemple « un vif intérêt depuis plusieurs années pour la PEPA (devenue PPV). En effet, selon notre dernier sondage CPME, près de la moitié des chefs d’entreprise souhaitaient la verser en fin d’année 2022 (44 %).

 

« Ce dispositif connaît un grand essor chez les TPE et PME du fait de sa facilité de mise en place. Par ailleurs, la loi « pouvoir d’achat » a grandement contribué au recours massif à ce dispositif pour plusieurs raisons : pérennisation du dispositif, exonération sociale et fiscale avantageuse pour l’entreprise et le salarié, facilitation dans la mise en place de la PPV, notamment échelonnement des versements au cours de l’année civile. »

Croissance plus

« La PPV a été largement utilisée par les entreprises adhérentes et appréciée par les collaborateurs de nos sociétés.

Distribuée à tous, quel que soit le montant distribué, elle est vue comme une source d’équité entre les collaborateurs et une valorisation de leur engagement pour leur entreprise grâce à la modulation possible via le critère d’ancienneté.

Pour l’entreprise, plusieurs avantages également :

- elle est facile à mettre en place même avec le CSE grâce à la DUE ;

- elle permet de récompenser la fidélité des collaborateurs ;

- elle permet de soutenir le pouvoir d’achat des métiers les moins qualifiés et par conséquent les revenus les plus faibles via le critère de rémunération.

 

« La PPV est venue en complément des augmentations de rémunération de début d’année et a permis de limiter la spirale inflationniste.  

On retrouve généralement des augmentations de la masse salariale autour de 6,5 % donc 2 % de PPV. »

Les rapporteurs alertent toutefois sur le risque de concurrence avec les autres dispositifs de partage de la valeur ajoutée, enjeu que les rapporteurs présenteront dans la sous-partie suivante. L’Ordre des experts-comptables signale à la mission d’information avoir constaté « un plus grand succès dans la mise en place de la prime de partage de la valeur bien qu’elle soit une mesure de pouvoir d’achat. » Les rapporteurs partagent la mise en garde de l’Ordre pour qui « il y aura à terme un problème d’articulation entre cette prime et la mise en place de l’intéressement, car en 2024 le régime social et fiscal des deux dispositifs sera identique ».

Mme Eva Sas souligne le caractère contradictoire du soutien au déploiement de la PPV, qui vient « cannibaliser » les autres formules, en particulier l’intéressement, qui est un dispositif négocié permettant de partager des objectifs collectifs dont les pouvoirs publics avaient pourtant soutenu le développement dans le quinquennat précédent.

Les rapporteurs constatent un montant moyen de primes versé en général plus important dans les entreprises de moins de cinquante salariés que dans les autres entreprises, à mettre en rapport avec le fait que ces entreprises ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en œuvre un autre dispositif de partage de la valeur.

Montant de la prime PEPA selon la taille de l’entreprise

(En euros)

Source : Commission des finances d’après des données de la DG Trésor (calculs direction de la sécurité sociale).

Voir tableau de données en annexe.

C.   Ces dispositifs ont un coÛt non nÉgligeable pour le financement de la sÉCURITÉ sociale

1.   Un coût important

Ces dispositifs de partage de la valeur, en raison de la fiscalité favorable dont ils bénéficient, ont un coût non négligeable pour les finances de la sécurité sociale. De plus, les renforcements successifs d’exonérations, notamment portés par la LFSS pour 2019, visaient à accorder aux entreprises des incitations fiscales et sociales supplémentaires afin de déployer plus largement les dispositifs de partage de la valeur. Ils ont donc logiquement eu pour corollaire des pertes de recettes supplémentaires pour le financement de la sécurité sociale.

Pertes de recettes induites par le rÉgime social de la participation financiÈre et de l’actionnariat salarié entre 2018 et 2022

Source : DARES, réponse au questionnaire. Le montant brut correspond à la perte totale de cotisations qui résulte à la fois des exemptions d’assiette et des dispositifs d’exonération de droit commun (allégements généraux et taux réduits de cotisations famille et maladie). Le montant net correspond uniquement à l’effet des exemptions d’assiette sur les cotisations effectivement dues (après application des dispositifs généraux). Les conséquences indirectes des suppressions supposées des exonérations (moindres versements de primes par exemple) ne sont pas prises en compte.

À titre d’exemple, s’agissant de deux mesures emblématiques de la LFSS pour 2019 :

– Le coût de l’exemption d’assiette de cotisations sociales pour les sommes versées au titre de l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés est estimé à 544 millions d’euros en 2021. Ce montant est déjà inclus dans le montant des pertes de recettes totales induites par le régime social de l’intéressement affiché dans le tableau 1 ;

– Le coût brut de l’exemption d’assiette de cotisations sociales pour les sommes versées au titre de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés est estimé à 70 millions d’euros en 2021. Ce montant est déjà inclus dans le montant des pertes de recettes totales induites par le régime social de la participation affiché dans le tableau 1.

S’agissant du PEE, le coût brut de l’exemption d’assiette de cotisations sociales pour les abondements au PEE dans les entreprises de moins de 50 salariés est estimé à 97 millions d’euros en 2021. Ce montant est déjà inclus dans le montant des pertes de recettes totales induites par le régime social des plans épargne d’entreprise affiché dans le tableau 1.

2.   Les risques sur le financement de la sécurité sociale de nouvelles exonérations

Certaines des personnes auditionnées par les rapporteurs ont proposé d’adopter de nouvelles exonérations fiscales et sociales sur ces dispositifs afin de contribuer à leur déploiement. À ce titre, les rapporteurs ont demandé aux administrations compétentes un chiffrage de la suppression du forfait social sur les primes versées au titre de la participation pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Au vu du coût estimé à 586 millions d’euros, ils ne recommandent pas la création de nouvelles exonérations. Par ailleurs, si l’exonération de forfait social sur les abondements au PEE était étendue aux entreprises de moins de 250 salariés, le coût brut d’une telle exemption serait de 173 millions d’euros.

D.   Les Études tÉmoignent d’effets contrastés de ces dispositifs

1.   Des effets d’aubaine avérés

Plusieurs études convergent sur le constat d’une substitution partielle des dispositifs de partage de la valeur sur les salaires.

MM. Cahuc et Dormont ([70]) n’observent pas d’effet de l’intéressement sur le niveau ou le taux de croissance des salaires entre 1986 et 1989 dans les entreprises du secteur industriel. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que l’intéressement restait d’ampleur limitée à cette période.

Mme Sylvie Mabile ([71]) observe quant à elle un effet positif de l’intéressement sur le salaire à court terme après un accord puis un effet négatif au bout de cinq ans d’ancienneté du dispositif, surtout dans les établissements de moins de 200 salariés. C’est au moment du premier accord que l’effet positif est le plus important, puis il décroît avec l’ancienneté du dispositif jusqu’à devenir significativement négatif au bout de 5 années sur le salaire de base. Cette substitution semble plus élevée dans les établissements de moins de 200 salariés.

MM. Delahaie et Duhautois ([72]) ont analysé les effets de l’intéressement et de la participation. Leur étude montre que le fait de pratiquer l’intéressement pendant sept ans n’influence pas de manière significative la rémunération totale. En revanche, la différence d’évolution des rémunérations hors primes d’intéressement est négative et significative, suggérant un effet de substitution de l’intéressement aux rémunérations. En ce qui concerne la participation, les auteurs trouvent que les rémunérations hors primes de participation des entreprises avec accord ne diffèrent pas significativement de celles qui n’en ont pas.

Dans l’étude Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2019 : entre hausse des salaires et aubaine pour les entreprises ([73]), l’INSEE estime que les effets de substitution de la PEPA aux salaires pourraient être de l’ordre de 15 à 40 %, selon si l’approche retenue est micro-économique (15 %) ou macro-économique (40 %). Autrement dit, sur 100 euros de PEPA, entre 15 et 40 euros auraient été accordés en augmentations de salaire si cette prime n’avait pas existé.

De surcroît, l’INSEE estime que « les effets d’aubaine semblent se traduire par des revalorisations salariales plus faibles qu’attendues sur le salaire de base ou les primes perçues de façon régulière (c’est-à-dire chaque mois), plutôt que par une réduction des composantes irrégulières de la rémunération (autres primes par exemple) ([74]) ». La PEPA et la PPV ne se substituent donc pas (partiellement) aux primes « classiques », mais à la partie stable du salaire.

À l’échelle des entreprises, l’étude met en évidence un effet de substitution différencié selon les secteurs et la taille des établissements. Il semblerait que les effets d’aubaine soient plus marqués dans le secteur de la fabrication de biens d’équipement, le transport entreposage, les activités scientifiques et techniques ou les services aux ménages. De plus, les effets d’aubaine seraient moins prononcés dans les très grandes entreprises.

2.   Des effets positifs sur la productivité des salariés

MM. Cahuc et Dormont ([75]) mettent en exergue un lien positif entre la mise en place d’un dispositif d’intéressement ou l’augmentation de son intensité et les gains de productivité. Les résultats empiriques montrent qu’une augmentation de l’intensité de l’intéressement à hauteur de 0,5 point (le rapport de l’intéressement au salaire de base passerait par exemple de 2,5 % à 3 %), conduirait à une variation des gains de productivité qui se situerait entre 2 % et 2,2 %.

a.   D’après les études : une répartition entre salariés plus inégalitaire que celle des salaires

Mmes Amar et Pauron ([76]) montrent que la répartition des primes de participation, d’intéressement et d’épargne salariale apparaît plus inégalitaire que celle des salaires. En effet, en 2010, année sur laquelle portait l’étude, tandis que les 10 % de salariés ayant perçu les salaires les plus élevés se partageaient 27 % de l’ensemble des salaires versés, les 10 % de salariés ayant perçu les primes les plus élevées se partageaient 57 % des montants de participation, d’intéressement et d’épargne salariale.

Ces résultats doivent être nuancés au regard des disparités d’accès à ces dispositifs : certains salariés n’en bénéficient pas, non en raison de leur salaire ou de leur niveau de qualification, mais parce qu’ils travaillent dans une entreprise ne disposant pas d’outil de partage de la valeur.

Cependant, même en se restreignant au champ des seuls bénéficiaires d’un des dispositifs, et en ne prenant ainsi en compte que les inégalités de montants distribués, non celles d’accès, le constat d’une répartition entre salariés des montants versés dans le cadre de ces dispositifs plus inégalitaires que celle des salaires se confirme. Ainsi, les 10 % de bénéficiaires les mieux lotis avaient perçu en 2010 37 % des primes, tandis que les 10 % de bénéficiaires ayant perçu les salaires les plus élevés ne se partageaient que 26 % de l’ensemble des salaires. En somme, les salariés qui bénéficient de primes plus élevées sont proportionnellement davantage favorisés par rapport aux autres salariés que les salariés qui bénéficient des salaires les plus élevés.

Cette disproportion pourrait certes s’avérer avoir un effet redistributif si les salariés favorisés par ces primes étaient ceux avec les salaires les plus faibles. Les études montrent que ce n’est pas le cas, et un effet inverse est même à signaler. Ainsi, les salariés avec les salaires les plus élevés sont aussi ceux qui reçoivent le plus de primes, même si on observe aussi un effet redistributif pour le premier décile (les 10 % de salariés avec le salaire le plus faible), qui bénéficient de plus de 10 % des primes en raison de la forfaitisation possible du montant de la prime.

Source : « Les dispositifs de partage de la valeur en France et en Europe », Cyprien Batut et Chakir Rachiq, direction générale du Trésor, n° 286, juin 2021.             

Ces mécanismes ont cependant un effet légèrement redistributif à l’échelle d’une entreprise. Ainsi, les salariés du dernier décile concentrent 27 % de l’ensemble des salaires, mais seulement 24 % de l’ensemble des primes, tandis que les salariés du premier décile reçoivent une part de primes bien supérieure à leur part de salaire.

Ces divergences entre effets macro et microéconomiques s’expliquent par des effets de structures. Ainsi, comme le rappelle la note de la DG Trésor susmentionnée, la concentration des primes constatée au niveau macro-économique « ne reflète pas tant la répartition inégalitaire des primes lorsqu’elles sont versées que l’exclusion d’un grand nombre de salariés du dispositif ou du bénéfice des primes » : les salariés aux revenus les plus élevés, davantage concentrés dans certaines entreprises qui distribuent des primes ([77]), sont pour cette raison ceux qui ont le plus accès aux primes, et donc qui, de manière agrégée, touchent les montants les plus élevés de primes proportionnellement à leurs salaires. Les salariés plus modestes employés dans ces mêmes entreprises qui distribuent des primes bénéficient cependant de primes plus importantes proportionnellement à leur salaire.

Ces études montrent que l’objectif poursuivi par l’ANI est le bon : le plus important pour permettre à ces dispositifs d’avoir un effet redistributif est de permettre leur déploiement dans un grand nombre d’entreprises, y compris celles avec moins de 50 salariés.

b.   Les organisations syndicales déplorent de fortes inégalités dans l’accès à ces dispositifs

L’effet anti-redistributif de ces dispositifs est avancé par de nombreux syndicats.

FO a ainsi souligné auprès des rapporteurs que « l’épargne salariale accentue les inégalités salariales entre les salariés d’entreprises différentes, l’existence d’un dispositif d’épargne salariale variant significativement en fonction de la taille de l’entreprise ou du secteur d’activité concerné ».

La CGT a indiqué que cet effet anti-redistributif pourrait provenir de la structuration juridique et financière de certaines entreprises, prenant l’exemple d’une entreprise internationale implantée en France et dotée de 3 filiales, l’une commerciale, l’autre de fabrication et la troisième de recherche et développement : si les bénéfices sont enregistrés au sein de la filiale commerciale tandis que les deux autres filiales sont considérées comptablement comme des centres de coûts rémunérés pour les services rendus à un taux de marge défini, les salariés des deux autres filiales ne sont pas éligibles à la participation, alors que l’ensemble des salariés des trois filiales concourent aux performances économiques de l’entreprise.

3.   Des dispositifs concurrencés par la PPV ?

De très nombreuses personnes auditionnées par les rapporteurs ont indiqué, soit pour se réjouir de leur simplicité, soit pour alerter sur le risque de concurrence, que lesdites primes présentent un attrait considérable pour les dirigeants de petites entreprises. Planète CSCA a ainsi expliqué aux membres de la mission : « La PPV se pose dorénavant comme un concurrent à l’intéressement. En effet, du point de vue de l’entreprise, ces deux dispositifs sont facultatifs, bénéficient du même cadre social mais la plus grande souplesse de la PPV la rend plus attractive ».

La simplicité de mise en œuvre de la PPV perçue par les dirigeants par rapport à l’intéressement serait, selon le Réseau des experts-comptables, due à plusieurs facteurs tels que le libre choix du moment d’attribution de la prime et la possibilité de prendre en compte l’état actuel de la trésorerie de l’entreprise dans le calcul du montant de la prime, au lieu de critères de calcul établis antérieurement. La Confédération des moyennes et petites entreprises (CPME) a quant à elle souligné que l’octroi de la PPV par le dirigeant permet de valoriser individuellement l’engagement d’un employé. L’Union des entreprises de proximité (U2P) a également revendiqué auprès des rapporteurs, au-delà de l’appétence des dirigeants de petites et moyennes entreprises pour la PPV, une préférence marquée des salariés pour le dispositif en raison de son effet immédiat dans un contexte de pouvoir d’achat contraint. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a indiqué aux rapporteurs que la PPV « présente l’intérêt de la souplesse et de la flexibilité de mise en œuvre, en particulier pour les TPE et les petites PME ».

À l’inverse, les organisations syndicales ont exprimé des craintes quant à la régression du dialogue social par rapport à la mise en place de l’intéressement. Selon la CFE-CGC, la substitution du versement unilatéral d’une prime à la négociation d’un accord d’intéressement a pour conséquence d’entraver le dialogue social, lequel fonctionne de manière satisfaisante dans le cadre de l’intéressement et permet de fixer des objectifs communs au sein de l’entreprise.

Les organisations syndicales ont également fait part aux membres de la mission du risque d’effet d’aubaine, si la prime se substitue à une augmentation pérenne et fiscalisée des salaires.

 


—  1  —

II.   Un accord national interprofessionnel signé par la majorité des organisations parties prenantes

Après plusieurs semaines de négociations, un accord national interprofessionnel (ANI) a été conclu le 10 février 2023 puis signé par la majorité des organisations syndicales représentatives ; cet accord est une manifestation du dialogue social. Les rapporteurs soutiennent une transcription législative de l’ANI, tout en portant des propositions d’amélioration sur certains points.

A.   Des propositions pour gÉNÉraliser le recours à l’intÉressement et à la participation, notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés

1.   L’article 7 de l’ANI : un nouveau mécanisme obligatoire pour les entreprises entre 11 et 49 salariés

a.   La proposition de l’ANI

L’article 7 de l’ANI propose d’obliger les entreprises bénéficiaires comptant entre 11 et 49 salariés à instituer un dispositif de partage de la valeur.

Plus précisément, seraient concernées les entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés remplissant les conditions cumulatives suivantes :

– être constituées sous forme de société ;

– réaliser un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives ;

– ne pas déjà être couvertes par un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, abondement à un PEE, PEI ou PER) au moment où la condition précisée à l’alinéa précédent est remplie.

Les entreprises remplissant toutes ces conditions seraient obligées d’instituer au moins un dispositif légal de partage de la valeur (participation, intéressement, PPV, abondement à un PEE, PEI ou PER).

Cette obligation entrerait en vigueur le 1er janvier 2025. Pour l’appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives, seront prises en compte les années antérieures à cette date d’entrée en vigueur, soit les années 2022, 2023 et 2024.

b.   L’avis de la mission : un objectif louable, un dispositif à préciser et à mettre en œuvre dans un délai rapproché

Quoiqu’ils en saluent l’objectif, les rapporteurs relèvent plusieurs limites dans la proposition de l’ANI.

Tout d’abord, l’obligation d’instaurer un dispositif de partage de la valeur n’entraîne aucune obligation quantitative sur le montant à redistribuer aux salariés. Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV de 1 euro.

De plus, la date d’application de cette proposition leur semble éloignée eu égard à la crise inflationniste actuelle. Faire entrer en vigueur ce dispositif le 1er janvier 2025, en prenant en compte les données chiffrées y compris de 2024, signifierait un premier versement dans le courant de l’année 2025, soit dans des délais insatisfaisants par rapport à l’urgence du pouvoir d’achat. Les rapporteurs proposent d’anticiper cette échéance et de faire entrer en vigueur ce dispositif dès 2024.

Enfin, les entrepreneurs individuels, sous statut EI ([78]) ou EURL ([79]), ne seront pas concernés par cette obligation, alors même que certains emploient plus de 11 salariés. La DARES a cependant indiqué aux rapporteurs qu’aucun entrepreneur individuel ne remplissait les conditions de bénéfice et de nombre de salariés prévues par cet article sur la période 2019-2021.

Le nombre d’entreprises concernées par cette nouvelle obligation pourrait être relativement restreint.

En effet, d’après de premières estimations provisoires de la DARES communiquées aux rapporteurs, sur les 130 000 entreprises comptant en 2020 entre 11 et moins de 50 salariés, environ 17 500 respectent les trois critères de l’article 7 sur la période 2019-2021. S’il est impossible de connaître le nombre de ces entreprises ayant versé des primes d’intéressement ou une PEPA, 750 entreprises ont versé de la participation en 2021. Un maximum de 16 750 entreprises, sur les 130 000 entreprises comptant entre 11 et moins de 50 salariés, pourraient être concernées par cette nouvelle obligation, soit entre 180 000 et 840 000 salariés.

Toutefois, si l’on considère les chiffres d’avant la crise sanitaire, le nombre de bénéficiaires pourrait s’avérer bien plus élevé. En effet, selon le ministère de l’Économie, sur la période 2017-2019, 67 000 entreprises ont rempli les critères de l’article 7, représentant environ 1,5 million d’équivalents temps plein (EQTP).

Le texte de l’ANI prévoit que cette obligation n’entrera en vigueur qu’en janvier 2025, ce qui conduirait à de premiers versements en septembre 2025. Au regard du contexte inflationniste actuel, les rapporteurs souhaitent que cette disposition en faveur des salariés travaillant au sein de telles entreprises entre en vigueur dès 2024.

M. Louis Margueritte propose de prolonger le dispositif de la PPV pour les entreprises de moins de 50 salariés et d’en assouplir parallèlement les conditions de versement pour les moins de 11 salariés.

Mme Eva Sas souhaite que l’obligation permette de promouvoir la participation et l’intéressement dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés, et non la PPV. Il s’agit pour elle de respecter l’esprit de l’article plutôt que sa lettre. Celui-ci a en effet pour objectifs la diffusion plus large des dispositifs négociés entre les partenaires sociaux et l’association des employés aux profits de l’entreprise. La PPV, elle, est unilatérale et temporaire, et ne constitue qu’un bonus ponctuel et non une association durable.

Elle est, à défaut, favorable à préciser les modalités de calcul et de distribution de la PPV, pour s’assurer de l’aspect significatif des montants distribués, ainsi que du caractère collectif du dispositif.

Elle est également favorable à l’ouverture d’une concertation sur les dispositions applicables aux entreprises de moins de 11 salariés, afin d’aller plus loin dans le sens d’une meilleure redistributivité de ces dispositifs.

2.   L’article 6 de l’ANI : une nouvelle obligation de négociation à l’échelle des branches

a.   La proposition de l’ANI s’inscrit dans le prolongement de précédentes obligations légales ayant eu des effets limités

L’article 6 de l’ANI introduit une obligation pour « les organisations d’employeurs et de salariés de chaque branche professionnelle [d’] « ouvrir, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif, dont la formule peut déroger à la formule [légale] de la participation ».

Ce dispositif peut aboutir à « un résultat supérieur comme inférieur » à celui de la formule légale.

Les entreprises de moins de 50 salariés pourraient ensuite mettre en place :

– soit le dispositif de branche par accord collectif ou par décision unilatérale ;

– soit, par accord collectif, une autre formule dérogatoire de participation pouvant donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule légale.

Ce dispositif peut être utilisé pour satisfaire l’obligation de l’article 7.

Une telle obligation s’inscrirait dans une tradition désormais bien établie d’obligation de négociation à l’échelle des branches professionnelles.

Chronologie des obligations lÉgales
de nÉgociations d’accords de branche

Ancien article L. 3322-9 du code du travail ([80])

« Un régime de participation […] est négocié par branche, au plus tard le 30 décembre 2009. »

Anciens articles L. 3312-9 et L. 3322-9 du code du travail ([81])

L. 3312-9 : « Un régime d’intéressement […] est négocié par branche, au plus tard le 30 décembre 2017. Il est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche. » ([82])

L. 3322-9 : « Un régime de participation […] est négocié par branche, au plus tard le 30 décembre 2017. » ([83])

V. de l’article 155 de la loi « Pacte »

« Une négociation en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale […] est menée au sein de chaque branche, et conclue au plus tard le 31 décembre 2020([84]). Ce régime, auquel les entreprises de la branche peuvent se référer, est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche. »

Article 6 de l’ANI

« Les organisations d’employeurs et de salariés dans chaque branche professionnelle ouvrent, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif, dont la formule peut déroger à la formule de référence de la participation, dite « formule légale », et donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule de référence de la participation. »

Source : commission des finances.

Ces obligations, dépourvues de toute sanction, témoignent, par le décalage répété des dates de mise en œuvre, de leur faible effectivité.

En 2015, Mme la sénatrice Catherine Deroche, rapporteure de la loi « Macron », indiquait ainsi que « parmi les quelque 33 000 accords relatifs à la participation signés en 2012, seulement 17 accords ou avenants l’ont été au niveau des branches professionnelles », appelant dès lors « le ministère du travail à suivre avec vigilance la mobilisation des partenaires sociaux afin que [cette nouvelle obligation] ne reste pas lettre morte » ([85]).

En 2019, l’étude d’impact de la loi « Pacte » estimait, au sujet des obligations à ce sujet portées par la loi « Macron », que « malgré l’intérêt des partenaires sociaux pour ces sujets, les nouvelles dispositions n’ont pas encore été largement mises en œuvre » et que « les branches ne se sont pas saisies massivement de ce thème de négociation », cette mesure n’ayant « pas rencontré l’effet escompté ». L’étude d’impact mentionnait à l’appui de ces constats le chiffre de « 3 branches couvrant près de 700 000 salariés » ayant mis en place de nouveaux textes sur le thème de la participation, puis 2 branches en 2017 « en matière d’épargne salariale » ([86]).

b.   L’avis des rapporteurs

Les rapporteurs soutiennent l’encouragement ainsi apporté à la négociation à l’échelle des branches professionnelles. Au regard des effets mitigés des précédentes obligations en la matière, ils appellent toutefois à effectuer un suivi vigilant sur le nombre d’accords qui seront négociés dans ce cadre, et à lever, le cas échéant, les freins de diverses natures qui pourraient empêcher l’application du dispositif ainsi proposé.

Mme Eva Sas regrette que soit ouverte la possibilité d’accords de branche dérogatoires à la formule légale, pouvant aboutir à un résultat inférieur à celle-ci.

3.   L’article 8 de l’ANI : l’assouplissement du seuil de 50 salariés pour l’obligation de participation

a.   Les règles actuelles

Le franchissement du seuil de 50 salariés, à partir duquel la participation est obligatoire, résulte du cumul de deux critères.

Le premier critère résulte du II. de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale, en application duquel l’entreprise doit avoir employé au moins 50 salariés au cours de chacune des 5 dernières années.

Cette définition résulte de la loi « Pacte », et a remplacé l’exigence antérieure à cette loi ([87]) d’avoir employé au moins 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 derniers exercices.

La loi « Pacte » a donc rendu le franchissement du seuil de 50 salariés plus exigeant, augmentant par là même le nombre d’entreprises exonérées d’une obligation d’instaurer un mécanisme de participation. Cette mesure avait fait l’objet de certaines critiques à l’époque, qu’avait résumées M. le sénateur Jean‑Louis Tourenne : « ce délai de cinq ans est beaucoup trop long, […] il est possible de jouer de manière à le prolonger extrêmement longtemps, ce dont les salariés feront les frais, étant alors écartés des mécanismes obligatoires de participation » ([88]).

Le second critère résulte de l’article L. 3322-3 du code du travail. Si une entreprise dotée d’un accord d’intéressement « vient à employer au moins 50 salariés », son obligation d’instaurer la participation ne s’applique qu’après un délai de 3 ans, « si l’accord [d’intéressement] est appliqué sans discontinuité pendant cette période ».

b.   La proposition de l’ANI

L’article 8 de l’ANI propose de supprimer le second critère en laissant inchangé le premier, mais en « [demandant] aux services du ministère du travail de réaliser d’ici la fin de l’année 2024 un bilan de l’impact » des modifications de règle de franchissement de seuil apportées par la loi « Pacte ».

c.   L’avis des rapporteurs

Les rapporteurs soutiennent l’article 8 de l’ANI.

Mme Eva Sas souscrit à la proposition formulée par la CFTC de modifier les règles de franchissement du seuil de 50 salariés en appréciant le seuil de 50 salariés en moyenne sur les 5 dernières années.

4.   L’ANI suggère également diverses améliorations aux accords d’intéressement et de participation, à la normativité parfois incertaine

a.   De nécessaires sécurisations juridiques

Les articles 13 et 15 souhaitent sécuriser juridiquement deux éléments des accords d’intéressement.

L’article 13, déjà évoqué, est consacré aux accords d’intéressement plus favorables aux bas salaires. Les signataires appellent à une meilleure sécurisation juridique de ce type d’accords.

L’article 15 s’intéresse aux critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans les accords d’intéressement : « sans remettre en cause l’exigence du caractère aléatoire des critères RSE, il apparaît nécessaire de compléter l’article L. 3314-2 du code du travail pour y préciser que la formule de calcul de l’intéressement peut intégrer un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux tout en imposant aux organismes de contrôle de publier chaque année un guide de leurs modalités de contrôle des accords d’intéressement comportant notamment les éléments permettant d’apprécier le caractère aléatoire des critères de RSE ».

b.   Des évolutions bienvenues mais à préciser

Dans l’article 1 de l’ANI, « les partenaires sociaux soulignent et rappellent avec force l’importance du principe de non substitution » entre salaires et dispositifs de partage de la valeur. L’ANI propose dès lors « un traitement différencié aux discussions sur le partage de la valeur dans le cadre des négociations obligatoires prévues par le code du travail », reprenant une position formulée plus explicitement par FO aux rapporteurs : « négocier séparément (dans le cadre de réunions distinctes et séparées dans le temps), sur les salaires effectifs d’une part, et éventuellement sur les dispositifs d’épargne salariale d’autre part ».

L’article 12 dispose qu’« actuellement, seul l’intéressement peut faire l’objet d’avances [périodiques]. Les signataires souhaitent sécuriser cette possibilité et l’étendre à la participation afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés ».

L’article 20 est consacré au secteur du travail temporaire, peu concerné actuellement par les dispositifs de partage de la valeur. « Les signataires souhaitent que soit donnée la possibilité aux partenaires sociaux de la branche du travail temporaire d’aménager les modalités d’attribution de l’intéressement et de la participation, afin de tenir compte de la nature de la relation qui lie le salarié à son entreprise ».

c.   Des recommandations louables mais à la normativité incertaine

L’article 14 appelle à « prendre en compte les situations particulières de temps partiel, qu’il soit lié à un congé parental ou à un mi-temps thérapeutique, dans les modalités de versement des primes d’intéressement ».

Par l’article 16, « les signataires attirent l’attention des entreprises sur l’intérêt d’intégrer, dans les accords d’intéressement d’une durée supérieure à un an, une clause de revoyure ayant pour objet de réévaluer, le cas échéant, les objectifs de l’accord et d’envisager les modifications nécessaires ».

Avec l’article 17, les signataires de l’ANI proposent de « promouvoir le dispositif d’intéressement de projet », qui « permet d’associer les salariés de plusieurs entreprises sur un même projet », afin que les entreprises « faisant largement appel à la sous-traitance [puissent] inclure l’ensemble des salariés des entreprises concernées dans leurs dispositifs de partage de la valeur ».

L’article 18 salue les avancées susmentionnées de la loi « pouvoir d’achat » en matière de contrôle de la régularité des accords d’intéressement, indiquant que « cette procédure offre un cadre simplifié et sécurisant aux entreprises », et propose « de les en informer davantage, notamment à l’occasion de la semaine de l’épargne salariale ».

Les rapporteurs soutiennent l’ensemble des propositions de cette souspartie 4, et en particulier la distinction entre les temps de négociation collective sur les salaires d’une part, et ceux concernant les dispositifs de partage de la valeur, d’autre part.

B.   Simplifier, sécuriser, approfondir L’EXISTANT

1.   Poursuivre le développement de l’actionnariat salarié

Les organisations signataires considérant « qu’il est important de favoriser le développement de l’actionnariat salarié. », plusieurs articles de l’ANI s’y intéressent particulièrement. 

a.   Pourquoi développer l’actionnariat salarié ?

Plusieurs institutions auditionnées par la mission d’information ont plaidé pour un développement de l’actionnariat salarié, pour les entreprises dont la structure s’y prête, et ce par des adaptations des dispositions en vigueur.

Les avantages à développer l’actionnariat salarié, selon la FAS

« – Renforcer la confiance des salariés dans leurs entreprises et les faire davantage bénéficier de la valeur qu’elles créent, en les associant à leur capital,

« – Intéresser les salariés aux enjeux stratégiques de l’entreprise et à son développement,
« – Renforcer la cohésion sociale, surmonter les clivages patronat-salariés, capital-travail,

« – Réhabiliter l’actionnariat comme une valeur positive, au même titre que l’entrepreneuriat qui a su reconquérir une perception favorable ces dernières années,

« – Favoriser la constitution d’une épargne de long terme, y compris en vue de la retraite ou de la dépendance,

« – Drainer l’épargne des Français vers des sociétés implantées en France,

« – Réduire la part de la valeur créée par les sociétés françaises revenant à leurs actionnaires étrangers,

« – Faciliter la mise en place de blocs d’actionnaires stables, nécessaires à une vision de long terme et susceptibles de peser face à des offensives prédatrices (OPA, OPE), « – Permettre aux entreprises et principalement aux PME/ETI trop endettées d’accroître leurs fonds propres pour assainir leur bilan,

« – Améliorer la gouvernance de l’entreprise grâce aux administrateurs actionnaires salariés qui comprennent les enjeux économiques en tant qu’actionnaires et connaissent l’entreprise de l’intérieur en tant que salariés, en complément de l’apport des administrateurs externes. »

Source : FAS, réponse au questionnaire.

Pour Croissance plus, « seul l’actionnariat salarié peut permettre à chacun de retirer les fruits de la croissance tout en alignant l’ensemble des intérêts sur celui de la pérennité et du développement de notre économie. Pour aller en ce sens, le meilleur outil est celui des actions gratuites, voire des actions à prix préférentiel, aujourd’hui largement utilisé au bénéfice des managers et des cadres. Cet outil pourrait pourtant être utilisé beaucoup plus largement s’il était correctement aménagé ».

Au-delà des éléments avancés par CMA France sur le moindre développement de l’actionnariat salarié dans les entreprises de moins de 50 salariés, le mouvement ETHIC identifie plus généralement les éléments suivants : « la volonté de conserver le pouvoir de décision au sein de l’entreprise », de « réserver les parts à des investisseurs pour développer la société », le sujet de « la formation des salariés à ce mécanisme », « le manque de résultats sur le court terme », « la récupération / rachat des actions avec le départ des salariés », ou encore « le manque de fidélité des jeunes salariés ».

Pour la CFTC, il est nécessaire d’avoir en tête les enjeux ci-dessous exposés.

« Le développement de l’actionnariat salarié risque de produire davantage d’inégalités entre les salariés. En effet, un salarié au revenu modeste confronté à un choc économique peut se retrouver financièrement obligé de vendre à un moment où le titre est bas, entamant le capital qu’il avait épargné. De même, tous les salariés ne sont pas actionnaires de leur entreprise, par choix, manque d’opportunité ou de moyens financiers : cette différence de statut peut entraîner des différences de traitement. Enfin, suivant le type d’entreprise, chaque catégorie de salarié peut avoir des modalités différentes d’accès à l’actionnariat.

« Surtout, si les gains de l’entreprise sont partagés, les pertes le sont aussi. Rien ne permet d’assurer que la part détenue par les salariés puisse être maintenue à un niveau élevé, voire augmentée, durablement. Par conséquent, en cas de difficultés graves de l’entreprise, le salarié actionnaire risque de perdre, non seulement son travail, comme tout autre salarié, mais aussi son épargne placée en titres de son entreprise.

« Par ailleurs, comme tous les dispositifs d’épargne salariale, l’actionnariat salarié ne doit pas se substituer à une politique de rémunération du travail. »

Source : CFTC, réponse au questionnaire.

Pour Mme Eva Sas, l’actionnariat salarié présente actuellement des limites étant donné qu’il bénéficie, au sein des entreprises concernées, à une minorité de salariés, et que les effets en matière de gouvernance restent limités. En revanche, ces dispositifs pourraient être intéressants s’ils concernaient l’ensemble des salariés, et le seraient encore davantage si le poids des actionnaires salariés dans la gouvernance était renforcé. La question des droits de vote associés aux actions distribuées est donc centrale.

Elle cite à cet égard les économistes Cécile Cézanne et Xavier Hollandts qui relèvent à quel point « la participation des salariés [à la gouvernance des entreprises] n’est pas neutre : elle contribue, toutes choses égales par ailleurs, à soutenir et améliorer la performance de l’entreprise. Elle permet aussi d’influencer la politique de distribution des liquidités, en intervenant comme un facteur de modération (ou de pondération) de la redistribution de profits aux seuls actionnaires dont l’augmentation constante, voire les dérives, sont régulièrement dénoncées. » ([89])

b.   Présentation des dispositions de l’ANI

Les articles 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 34 prévoient de compléter des dispositions déjà existantes en matière d’actionnariat salarié.

– L’article 24 tend à ouvrir une plus grande proportion du capital aux salariés, par les dispositions suivantes :

● une augmentation du plafond global d’attribution des actions gratuites (dites AGA), « lorsque le plan d’AGA est offert à tous les salariés » de 30 % du total de l’entreprise actuellement à 40 % ;

● une augmentation du plafond global du dispositif classique, passant de 10 % à 15 % pour les ETI et 15 % à 20 % pour les PME, voire une progression du seuil du dispositif classique « jusqu’à 30 % en contrepartie d’une condition à 25 % de la masse salariale » ;

● une possibilité de « rechargement du plafond individuel de 10 %, plafond qui pénaliserait actuellement les « salariés et dirigeants qui ont fait le choix d’être des investisseurs de long terme » en les interdisant d’« être à nouveau éligible à un plan d’action gratuite ».

– L’article 25 concerne les reprises d’entreprises par les salariés et la demande de précision à l’administration sur « le mode de fonctionnement du FCPE dit de « reprise » ».

Les organisations signataires constatent en effet que la rédaction de l’article L. 3335-16 du code du travail peut porter à confusion. Cet article, résument les parties signataires, prévoit la possibilité pour un plan d’épargne d’entreprise établi par accord collectif de « prévoir l’affectation des sommes versées à un fonds dédié au rachat des titres de cette entreprise ou d’actions émises par des sociétés créées, ainsi que de titres d’une entreprise du même groupe, dans le cadre d’une opération de rachat réservée aux salariés » Or, « la notion d’“opération de rachat” n’étant pas définie, elle peut laisser penser qu’elle ne s’applique qu’à une “reprise” par les salariés en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui n’est pas le cas. »

– Avec l’article 26, l’ANI demande un alignement de la fiscalité appliquée à au plan d’épargne groupe (PEG) en matière d’intégration fiscale sur le modèle de la fiscalité des actions détenues sur un PEE.

Il s’agit d’aligner le régime des actions détenues sur un plan d’épargne groupe (PEG), dans une limite de 10 %, sur celui applicable aux actions détenues sur un PEE.

– L’article 27 aborde la question de l’apport d’actions à une société de salariés actionnaires, en appelant à une neutralité fiscale, c’est-à-dire à ce que le salarié ne paye « des impôts qu’au moment de la cession des actions, où il bénéficiera de liquidités. »

Article 27 - extrait

« La multiplication des actionnaires salariés peut créer des situations complexes en termes de gouvernance. Actuellement, pour y remédier, il est souvent nécessaire de créer une société de salariés, ou « ManCo », qui doit pouvoir réunir l’ensemble des salariés actionnaires. Aujourd’hui, la seule possibilité offerte par la loi pour réaliser un tel regroupement des actionnaires salariés est que chacun d’eux apporte ses titres à la société de salariés, qui devient elle-même actionnaire de l’entreprise attributive. »

– L’article 28 traite de l’amélioration de la sécurisation de l’avantage fiscal des actionnaires salariés au sein de l’Union européenne. « Les organisations signataires demandent à l’administration de veiller à ce que les conventions fiscales internationales négociées par la France prennent en compte les intérêts des salariés actionnaires pour éviter une imposition excessive », qui serait la conséquence de l’établissement par une entreprise de son siège social ailleurs qu’en France.

– L’article 29 appelle à la bonne application des dispositions relatives à la formation économique, financière et juridique des salariés administrateurs des SICAV d’actionnariat salarié et conseils de surveillance des fonds communs de placement. Cette formation, instituée par la loi « Pacte », est de 3 jours minimum. Il est rappelé que « le temps consacré à la formation économique, financière et juridique est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel. » (article L. 3341-3 du code du travail). La CFE-CGC a attiré l’attention de la mission d’information sur cette question.

– L’article 31 propose d’ouvrir une nouvelle possibilité d’abondement au PEE, s’ajoutant à l’abondement unilatéral plafonné à 2 % du PASS, soit environ 900 euros par an. Les signataires de l’accord demandent l’ouverture de la possibilité d’un abondement unilatéral « à hauteur de la PPV » et « en symétrie […] de prévoir la même possibilité pour l’abondement des PER.

– L’article 34 promeut une meilleure gouvernance des fonds, en améliorant l’information des épargnants salariés, notamment pour les fonds diversifiés, pour lesquels l’exercice des droits de vote est soit délégué à la société de gestion, soit exercé par le conseil de surveillance.

● si la société de gestion exerce le droit de vote pour le compte de l’épargnant salarié, la société a pour obligation de rendre compte annuellement en conseil de surveillance des fonds de sa politique de vote lors des dernières assemblées générales d’actionnaires ;

● Lors d’une réponse à un appel d’offres, la présentation par la société de gestion de sa politique de vote est identifiée comme une « bonne pratique pour instaurer la confiance avec les salariés épargnants ».

Parmi ces dispositions, plusieurs avaient été défendues devant la mission d’information. Il s’agit, à titre d’exemple, de l’augmentation du plafond individuel d’attribution d’actions gratuites, sous condition, et de la « neutralité fiscale » de l’apport par un salarié d’actions à une société de salariés actionnaires, en appelant à une neutralité fiscale, avancées par Croissance plus.

« Freins principaux » à lever pour une « diffusion large » de l’actionnariat salarié, selon Croissance plus

« Un plafond collectif d’attribution trop faible

« Aujourd’hui, seul 10 % du capital d’une entreprise peut être donné aux salariés par le biais des AGA. Un régime exceptionnel existe, celui des « attributions démocratiques », permettant de donner 30 % du capital de l’entreprise. En réalité, ces attributions démocratiques ne sont jamais mises en place, car tous les salariés devraient en bénéficier. Dans la vraie vie d’une entreprise, c’est impossible (contrats courts, salariés en procédure contentieuse etc.).

« Notre proposition : augmenter le plafond de capital attribuable par AGA à 20 ou 30 %, afin de pouvoir donner plus de capital. Éventuellement, adjoindre une condition réaliste de diffusion des actions au sein de l’entreprise (par exemple : au moins 25 % de la masse salariale)

« Une fiscalité qui empêche le regroupement des actionnaires individuels.

« Quand une entreprise distribue des actions à de nombreux salariés, elle doit les regrouper dans une société d’actionnaires salariés afin de pouvoir continuer à faire fonctionner la gouvernance.

« Aujourd’hui, quand un salarié apporte une action gratuite à une société de salariés, il doit payer 17,2 % de la valeur de l’action en contribution sociale et une taxe fixée à hauteur de 50 % de son taux d’imposition sur le revenu (en dessous de 300 000 euros d’actions), soit une fiscalité représentant en général environ 25 % de la valeur de ses titres. Pourtant, à ce moment, le salarié n’a pas d’argent nouveau pour payer les cotisations et impôts. »

« Notre proposition : créer un sursis d’imposition, pour que le salarié ne paie ses impôts que lorsqu’il récupère l’argent de ses actions. Ce sursis existe pour l’attribution démocratique d’action, car le législateur a bien conscience qu’un salarié, surtout s’il est modeste, ne peut s’acquitter d’impôts sans avoir de nouvelles liquidités. Cependant, les attributions démocratiques ne sont jamais mises en œuvre. »

Source : Croissance plus, réponse au questionnaire.

Plusieurs organisations ont souligné devant la mission d’information le besoin d’associer et d’informer les salariés actionnaires.

Pour le syndicat FO, « une communication claire et intelligible à destination des salariés s’agissant des investissements dans les fonds de placement (épargne salariale et actionnariat) » est nécessaire : « mise en avant de la cohérence avec la stratégie de l’entreprise, date de l’appel d’offres et de son renouvellement, critères déterminants et pouvant faire évoluer le fond, etc. ».

Pour la CFDT, « l’actionnariat salarié, c’est aussi une question de gouvernance : son développement passe par une meilleure association, une meilleure participation des salariés actionnaires à la gouvernance de l’entreprise ».

L’article 31 reprend quant à lui une partie des propositions de CMA France relatives au PEE ([90]).

Propositions de CMA France relatives au PEE

« – Permettre d’alimenter le PEE par le seul abondement de l’employeur sans conditionner le salarié à procéder à un versement financier en parallèle

« – Utiliser la prime de partage de valeur (PPV) comme mode d’alimentation du PEE par le salarié. Au lieu de monétiser la prime de partage de valeur versée par l’employeur, le salarié la place sur le PEE

« – Augmenter le nombre de cas possibles dans le cadre du déblocage anticipé des fonds par le salarié. Cette mesure pourrait inciter le salarié à souscrire à un PEE plus facilement s’il y a une plus grande souplesse accordée au niveau de la récupération de la disponibilité des fonds en cas de besoin. »

Source : CMA France, réponse au questionnaire.

c.   Actionnariat salarié et transmission d’entreprise : aller plus loin que la loi « Pacte » ?

D’après l’enquête annuelle « transmission-reprise » de CCI France, 25,2 % des dirigeants de TPE et PME interrogés avaient plus 60 ans et 11,3 % plus de 65 ans. 37 % des dirigeants envisageaient de céder leur entreprise dans un moins d’un, 18 % entre un et deux ans. ([91])

Ces chiffres font de la transmission d’entreprise un sujet d’actualité majeur.

La loi « Pacte » a notamment facilité les conditions d’engagement et de déclarations du dispositif « Pacte Dutreil » ([92]), allégé les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat des entreprises par les salariés et facilité le recours au dispositif « crédit-vendeur ».

Son article 162 a tout particulièrement mis en place un dispositif de partage de la plus-value de la cession avec les salariés, dans des conditions bien précises.

Il permet à un actionnaire, désireux de céder à terme ses actions, de faire profiter le moment venu les salariés de 10 % de sa plus-value de cession sous condition d’investissement du montant dans le PEE sous forme d’actions de l’entreprise. L’actionnaire s’engage par contrat avec l’entreprise, pour au moins cinq ans, à partager avec l’ensemble des salariés une partie de la plus-value qu’il réalisera (peut-être) à l’occasion de la cession de ses titres, au minimum trois ans plus tard. En contrepartie, l’actionnaire cédant bénéficie d’une exonération d’impôt sur cette partie de son gain.

Les rapporteurs partagent l’avis de la FAS pour laquelle « ce dispositif ne pourra être évalué que dans plusieurs années du fait de la durée contractuelle de conservation préalable à la cession » ([93]).

Le réseau Entreprendre présente quant à lui un jugement sévère à l’encontre de ce dispositif :

« Le dispositif législatif actuel (l’article 162 de la loi « Pacte ») a fait un premier pas pour favoriser ce type d’engagement mais le dispositif est inutilement compliqué et freine donc le déploiement de cet engagement, et ce pour plusieurs raisons :

« – La nécessité d’avoir un PEE : toutes les entreprises, y compris les plus petites, n’ont pas la possibilité d’avoir un PEE. En effet le dispositif est considéré comme lourd à mettre en place et à gérer, si l’entreprise ne compte que quelques salariés. C’est particulièrement vrai pour les TPE.

« – Le plafonnement à 10 % ou 30 % : certains entrepreneurs souhaitent être plus généreux.

« –  Contrat d’engagement : Cette mesure peut susciter des blocages dans le passage à l’acte des entrepreneurs. »

Source : réseau Entreprendre, réponse au questionnaire.

Pour faciliter la transmission d’entreprises, en particulier non cotées, plusieurs propositions ont été défendues devant la mission d’information.

Croissance plus propose par exemple, « dans le cadre d’une transmission d’entreprise, d’exonérer totalement ou partiellement de droits de mutation toutes les donations de parts d’entreprise faites au bénéfice d’une personne ou d’un groupe de personne s’engageant à pérenniser l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de l’entreprise, » étant précisé que, dans cette configuration, « lorsque cette exonération bénéficie à un groupe de salariés, la direction de la société doit être effectivement exercée par l’une des personnes ayant signé l’engagement collectif de conservation. » ([94])

Le réseau Entreprendre défend « un dispositif simple et souple permettant à tout entrepreneur qui le souhaite de faire bénéficier ses salariés et certains anciens salariés des fruits de la cession de son entreprise », pour « tout salarié de l’entreprise depuis plus de 6 mois, afin de privilégier ceux qui ont contribué à créer de la valeur. » ([95])

Le réseau Entreprendre privilégie ainsi un système dans lequel « tout actionnaire pourrait donner aux salariés de sa société, de 5 à 100 % de ses plus-values (minoré de toute garantie de passif) sans limite et avec un minimum de 100 euros par salarié. L’actionnaire déclare ce versement à l’entreprise, avant de le réaliser. » De plus, « si les pouvoirs publics souhaitent aller plus loin, un bonus fiscal pourrait être octroyé à l’entrepreneur s’engageant dans cette démarche. Ainsi, la part de la plus-value de cession qui serait octroyée aux salariés, serait exonérée de l’impôt sur les plus-values de cession : ce qui encouragerait l’entrepreneur à partager le fruit de la cession. »

La CGSCOP propose quant à elle de mettre en œuvre une proposition du rapport des ambassadeurs à l’intéressement et à la participation, MM. Thibault Lanxade et François Perret, qui ouvrirait la possibilité de « créer un plan d’épargne préparatoire à la cession/reprise d’entreprise (PECR), abondé unilatéralement par le chef d’entreprise, dont le déblocage serait conditionné à la reprise/transmission de ladite entreprise, ainsi qu’une provision. » ([96])

« Plusieurs dizaines de milliers de PME sont concernées dans les années qui viennent par un départ prochain du dirigeant. Le marché de la cession/transmission en France manque encore de fluidité. Les cessions ne sont pas toujours bien anticipées. L’établissement d’un plan d’épargne cession/reprise faciliterait non seulement cette préparation, mais aussi la reprise de l’entreprise par un ou plusieurs salariés.

« La création de ce type de dispositif ne peut qu’encourager la transmission des entreprises à leurs salariés car une transmission d’entreprise saine réussie passe par une bonne anticipation du processus par le cédant.

« D’autres dispositifs assez proches seraient de nature à inciter et faciliter l’accompagnement du processus tant pour le cédant que pour les salariés.

(…)

« Au niveau de l’entreprise : la provision permettra à une société de s’assurer, en franchise d’impôt, d’une capacité financière pour faciliter sa transmission aux salariés (quel que soit le mode de reprise). Ainsi, cette mesure aurait pour avantages :

– d’inciter à une plus grande anticipation de la transmission par le futur cédant

– de réunir par anticipation une partie de la capacité financière. »

Source : CGSCOP, réponse au questionnaire.

2.   La prise en compte des résultats exceptionnels

Les partenaires sociaux se sont saisis de la question de la prise en compte par les dispositifs de partage de la valeur des résultats exceptionnels.

Comme le rappellent les rapporteurs, la question des profits exceptionnels réalisés par certaines entreprises a particulièrement été présente dans le débat public depuis quelques mois, tant au niveau national qu’au niveau européen et international, après l’annonce par certains groupes de résultats exceptionnels, dans le domaine des transports et dans le domaine de l’énergie par exemple, contrastant avec d’autres pans de l’économie touchés par les difficultés causées par l’environnement international.

La proposition de l’ANI concerne les entreprises de 50 salariés et plus, où les négociations relatives à la participation et ou l’intéressement porteraient sur les résultats « exceptionnels », selon la définition donnée « par l’employeur ». Il pourra s’agir du versement d’un supplément de participation, ou « du renvoi à une autre discussion sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur. »

L’article 9 est reproduit dans son intégralité ci-dessous.

Article 9

« Dans les entreprises de 50 salariés et plus pourvues d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place la participation, les négociations engagées avec cette délégation syndicale conformément aux dispositions du code du travail relatives à la participation et/ou à l’intéressement portent également sur l’insertion d’une clause spécifique dont l’objet est de fixer les modalités de prise en compte des résultats, au sens des dispositions relatives à la participation, réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur. Ces modalités peuvent prendre deux formes :

« - soit le versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement dont les modalités (formule de calcul, temporalité, bénéficiaires, etc.) sont définies par accord ;

« - soit le renvoi à une nouvelle discussion sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, PPV, abondement au PEE ou au PER, etc.).

« L’obligation visée au premier alinéa est réputée satisfaite dès lors que l’entreprise a mis en place un dispositif de participation prévoyant une formule dérogatoire conduisant à un résultat plus favorable que celui de la formule légale et/ou un accord de participation ou d’intéressement intégrant déjà une clause spécifique de prise en compte des résultats exceptionnels.

« Dans les entreprises visées au premier alinéa et déjà couvertes par un accord de participation et/ou d’intéressement au moment de l’entrée en vigueur du présent accord, une négociation s’ouvre avant le 30 juin 2024 pour se conformer aux dispositions du présent article. »

Mme Eva Sas regrette que la rédaction de l’article 9 renvoie la définition des résultats « présentant un caractère exceptionnel » à l’employeur, dans le cadre des négociations portant sur la participation ou sur l’intéressement.

Pour Mme Eva Sas, ce premier pas doit être poursuivi par un dispositif législatif plus ambitieux, définissant les résultats présentant un caractère exceptionnel.

Les rapporteurs ont interrogé la DG Trésor sur l’hypothèse d’un mécanisme de « superparticipations » versées en cas du versement de « superdividendes », ainsi que de l’évaluation du seuil à partir duquel on pourrait qualifier des profits d’exceptionnellement élevés.

Avis de la DG Trésor sur un éventuel mécanisme de « superparticipations » et la définition de profits exceptionnellement élevés

« La notion de profits « exceptionnellement élevés » est difficile à définir. Le seuil déclencheur économique à partir duquel le résultat financier de l’entreprise est jugé exceptionnel pourrait se définir à partir des bénéfices.

« La réalisation de bénéfices nous semble en effet être un critère plus approprié que le versement de dividendes. Cela éviterait en effet plusieurs écueils :

« (i) un risque constitutionnel fort au regard du droit de la propriété et de la liberté d’entreprendre ;

« (ii) des situations où la « superparticipation » n’est pas versée malgré des profits exceptionnels – en effet, une société profitable réalise par définition des bénéfices, mais peut très bien ne pas distribuer de dividendes pour des raisons diverses (ses actionnaires peuvent par exemple choisir de ne pas distribuer de dividendes afin que la société réinvestisse les bénéfices, ou encore qu’elle conserve de la trésorerie pour que la valorisation des actions augmente en vue d’une revente potentielle) ;

« (iii) les difficultés qui seraient posées par le cas des dividendes intra-groupes ou des dividendes servant à rémunérer les dirigeants-actionnaires de certaines PME ;

« (iv) des problèmes de gouvernance d’entreprise (ce sont les actionnaires qui décident de la distribution des dividendes et l’employeur qui décide des mesures de partage de la valeur) ; et

« (v)  un risque économique quant au financement en capital des entreprises et à l’attractivité de la place financière de Paris.

« Il convient de souligner que le concept de « super-participations » en cas de superdividendes a déjà été mis en place en 2011 lors de l’instauration de la prime partage des profits, qui consistait en un versement d’une prime pour les entreprises ayant versé un surplus de dividendes par rapport à une tendance déterminée. Ce dispositif a été supprimé au 1er janvier 2015 en raison d’un faible recours et d’un nombre restreint d’entreprises touchées par la mesure. »

Source : DG Trésor, réponse au questionnaire.

Les contributions du Medef et de l’Afep sur le sujet des résultats exceptionnels s’inscrivent dans la continuité du cadre prévu par l’article 9.

L’Afep indique par exemple que « « les grandes entreprises sont favorables à un dispositif prévoyant, au-delà de la formule de participation, que la réalisation d’un profit exceptionnel soit traitée dans le cadre de la négociation au sein de l’entreprise. Le mécanisme prévu par l’ANI du 10 février 2023 est à cet égard tout à fait satisfaisant : la réalisation d’un bénéfice exceptionnel doit aboutir soit au versement d’un supplément d’intéressement ou de participation selon les modalités prévues par l’accord, soit à l’ouverture d’une négociation sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur. »

Pour Croissance plus, « l’entreprise doit dégager des résultats suffisants pour pouvoir investir, rester compétitive et rémunérer les détenteurs de capital qui sont une de ses parties prenantes. Lorsque l’entreprise réalise des profits « exceptionnellement élevés » il peut être logique d’avoir une logique redistributive. (…) Pour ne pas obérer les capacités d’investissement de la société, il faut toutefois pouvoir estimer à sa juste valeur des « profits exceptionnellement élevés » et les retraiter de tout élément exceptionnel. Une solution consisterait à prendre une moyenne des profits sur une durée donnée par exemple entre 3 et 5 ans. Le risque de « supertaxation » est néanmoins d’aggraver le déficit de compétitivité des sociétés françaises, en fiscalisant encore davantage les grands groupes français aux dépens des groupes étrangers, non concernés par ces mesures, qui arriveront sur le marché avec un avantage compétitif important. » ([97])

Les rapporteurs reproduisent ci-dessous les propositions du CJD et d’OXFAM.

CJD

 

« La notion de superprofit désigne un enrichissement considéré comme supérieur à la normale et dû à des circonstances extérieures « qui font gagner de l’argent à une entreprise sans qu’elle n’ait rien modifié à sa façon d’opérer ni à ses décisions stratégiques », comme l’explique l’économiste Mireille Chiroleu-Assouline. Dans la période actuelle, des profits exceptionnels ont par exemple été enregistrés par les grandes entreprises du secteur de l’énergie en marge de la guerre en Ukraine.

 

Le CJD est favorable à ce que la contribution fiscale des superdividendes soit redistribuée par l’État par le biais d’un fonds de dotation pour permettre aux TPE/PME (qui n’ont pas les moyens faute de bénéfices suffisants) de redistribuer à leurs salariés. Pour nous, il s’agirait ainsi d’un juste retour des choses pour une répartition plus équitable des bénéfices sur toute la chaîne de valeur. Car ce sont aussi les plus petites entreprises qui permettent aux plus grandes d’engendrer certains profits exceptionnellement élevés. »

 

Oxfam France

 

« En regardant simplement le résultat net d’une entreprise sur un exercice, il est difficile de distinguer un euro de résultat issu d’un gain de productivité d’un euro de résultat issu d’une rente nouvelle, « tombée du ciel ». Néanmoins, il existe de nombreux cas de taxes sur les profits tombés du ciel à travers l’histoire qui s’appuient sur le concept de rente. La meilleure alternative, ce que les économistes appellent « second best » est de comparer le résultat d’une année à celle d’une période de référence. Une marge de croissance organique est retirée de la base taxable pour permettre l’investissement. C’est l’approche retenue par la commission européenne. C’était l’approche, déjà retenue par la France en 1916 lors de sa première application.

 

« L’idée de « superparticipations » n’est pas soutenue par Oxfam puisque cela reviendrait à baser le calcul d’un nouvel outil de partage de la valeur, ou prime, sur un profit tombé du ciel que l’entreprise ne peut anticiper et qui par ailleurs n’est pas corrélé à une meilleure performance économique. Rajouter un élément de rémunération si fluctuant et incertain nous paraît une mauvaise solution.

 

« Concernant la proposition de taxation des super-dividendes : si la mesure illustre la problématique de l’utilisation des superprofits entre les mains de gros actionnaires, son effectivité laisse à désirer. En effet, contrairement à une taxe sur les superprofits qui encourage l’entreprise à redistribuer en amont, la mesure sur les dividendes peut simplement être évitée en retenant en trésorerie les montants pendant la période d’application exceptionnelle. Par ailleurs elle ne s’applique qu’aux actionnaires français.

 

Notre recommandation : une taxation ambitieuse des superprofits, qui soit basée sur :

- Une période de référence stable

- Une marge de croissance organique de l’ordre de 20 %

- Une base fiscale de préférence sur une assiette de ventes

- Un taux appliqué selon la base fiscale

- Activable automatiquement

Source : réponses aux questionnaires.

Les rapporteurs s’interrogent sur le moyen de faire bénéficier ces résultats exceptionnels à l’ensemble de la chaîne de valeur.

Mme Sas regrette que cette disposition de l’ANI ne concerne que les salariés de l’entreprise, et ne prennent en compte ni les sous-traitants, ni même les autres entités du groupe, ce qui renforce le caractère anti-redistributif de ces dispositifs, car seuls les salariés entités bénéficiaires des grands groupes en bénéficieraient

Pour elle, la notion de résultat exceptionnel doit être précisée et définie par la loi, sans quoi les salariés ne disposeront d’aucun recours pour demander le versement d’une participation plus importante.

3.   Un nouveau dispositif de partage de la valeur : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise

L’ANI propose la mise en place de nouveaux « plans de partage de la valorisation de l’entreprise », à l’article 21, en réponse à la complexité ressentie par les dirigeants d’entreprise à l’idée de mettre en place d’une opération d’actionnariat salarié, alors qu’il pourrait vouloir néanmoins « offrir [à leurs] salariés une prime qui reflète (…) la valorisation de l’entreprise. »

Ces plans de partage de la valeur, mis en place par accord collectif, seraient ouverts aux entreprises et groupes de toute taille. Les rapporteurs y voient un dispositif encore peu opérationnel qui devra être précisé par la loi.

Article 21 – extraits

« Ce plan doit bénéficier à l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté qui se voient attribuer un montant indicatif. À l’issue d’une durée de trois ans, le salarié perçoit le montant correspondant au pourcentage de valorisation de l’entreprise appliqué à ce montant indicatif. Cette somme peut être versée en plusieurs fois. Le dispositif permet ainsi au salarié d’être très directement intéressé à la valorisation de l’entreprise et pas seulement à ses résultats. Dans le cas d’entreprises non cotées, la valorisation de l’entreprise peut se faire notamment en fonction d’indicateur de référence (multiples d’EBITDA par exemple) négociés à la mise en place du plan.

« Le dispositif bénéficie des mêmes avantages sociaux, fiscaux. Les sommes versées peuvent être placées sur un dispositif d’épargne salariale comme les autres dispositifs de partage de la valeur. Il est déductible fiscalement pour l’entreprise.

« Les organisations signataires demandent à l’administration de réaliser un bilan de la mise en œuvre d’un tel dispositif dans les 3 ans suivant la signature du présent accord.

« Les sommes versées au titre de ce nouveau dispositif ne peuvent se substituer au salaire et aux sommes versées au titre des autres dispositifs de partage de la valeur. »

La CFE-CGC ([98]) a fait état d’un accord nécessaire en amont, sur ce nouveau produit, « des autorités compétentes, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) voire l’Autorité des marchés financiers (AMF) si le produit est lié au cours de bourse. Ces dernières pourraient se montrer prudentes. » ;

La CFE-CGC signale également que « contrairement à un salarié actionnaire, le salarié n’aura pas de droit de vote, il ne participera pas à la gouvernance de l’entreprise. Ce point est essentiel pour la CFE-CGC qui prône pour une plus grande participation des salariés à la gouvernance des entreprises. » La CFE-CGC renvoie en particulier à l’étude sur la participation des salariés à la gouvernance d’entreprise, présentée plus haut. « La participation des salariés à la gouvernance d’entreprise : quel impact sur la performance et la politique de distribution des liquidités dans le SBF 120 (2000‑2014) ? » qui met en évidence que la participation des salariés au conseil d’administration (ou de surveillance) modère les versements de dividendes aux actionnaires. ([99])

Mme Sas partage cette préoccupation, en constatant que les salariés bénéficiant de ce dispositif à l’avenir n’auront pas les mêmes droits que les actionnaires, et ne participeront pas ou peu à la gouvernance de l’entreprise.

4.   La nouvelle obligation aux gestionnaires de fonds de proposer systématiquement dans les PEE et PER au moins deux fonds prenant en compte des critères extra-financiers

a.   Le rôle de l’épargne salariale dans le développement de l’investissement socialement responsable et de la finance solidaire

L’article 32 tend à promouvoir « une épargne verte, solidaire et responsable en incitant à l’orientation des fonds de l’épargne salariale vers des supports d’investissements à visée sociale, en faveur de la transition écologique ou de l’économie productive. » Les organisations signataires y « rappellent que l’essor de l’investissement socialement responsable en France est étroitement lié au développement de l’épargne salariale, sous l’impulsion entre autres, du label CIES (comité intersyndical d’épargne salariale), créé il y a plus de 20 ans. L’investissement socialement responsable représente aujourd’hui 40 % des encours de l’épargne salariale, hors actionnariat salarié. »

L’épargne salariale est en effet un contributeur au financement de l’économie solidaire de premier rang.

Depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite de modernisation de l’économie, les PPE doivent proposer un moins un fonds commun de placement d’entreprise solidaire, appelés couramment « fonds 90-10 ». La loi « Pacte » a élargi cette obligation de proposition à l’ensemble des dispositifs d’épargne retraite d’entreprise.

Créés par la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, les fonds 90-10 présentent la particularité suivante : entre 5 et 10 % des encours doivent être investis directement dans des organismes considérés comme solidaires, tandis que les 90 – 95 % restants doivent quant à eux respecter des conditions particulières d’investissement socialement responsable (ISR). Les deux autres types principaux de placements solidaires sont les produits d’épargne bancaire et l’actionnariat solidaire.

D’après les informations du baromètre annuel de la finance solidaire Fais/La Croix ([100]), plus de la moitié de l’encours des produits de la finance solidaire, soit 14,1 milliards d’euros sur 24,5 milliards d’euros, ont été collectés en 2021 via l’épargne salariale solidaire. Ces 24,5 milliards d’euros ont généré 699 millions d’euros de financement solidaire pour soutenir 1 350 projets à vocation sociale et/ou environnementale.

b.   La nouvelle obligation posée par l’ANI

À l’article 32, « les signataires demandent que les gestionnaires de fonds proposent dans les PEE et les PER en comptes titres au moins 2 fonds qui prennent en compte de critères extra-financiers (exemples : fonds labélisés ISR, GREENFIN, FINANSOL, CIES, France Relance). Ces fonds pourront être nourriciers de fonds appartenant eux-mêmes à ces catégories. »

La CFDT indique souhaiter « aller au-delà » des dispositions de l’article 32 de l’ANI et revendique « l’orientation systématique de l’épargne salariale vers des produits d’investissement responsable, dotés d’un label responsable (ISR, CIES, Greenfin, Finansol), ou répondant aux exigences des articles 8 et 9 du règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). » Pour le syndicat, « réserver les avantages fiscaux des supports d’épargne salariale aux produits financiers labellisés répondant à de telles exigences constitue en outre un excellent moyen de financer une transition environnementale et sociale juste. »

Pour Planète CSCA, il convient de « mettre en place « pour tous les fonds éligibles à l’épargne salariale un taux d’investissement minimal (20 %) en actifs finançant la transition énergétique (fonds « greenfin »), l’économie productive (fonds « PEA PME ») ou l’économie sociale et solidaire (fonds « solidaires »). »

Pour Reclaim finance, l’obligation de présenter deux fonds prévus par l’ANI constitue un « minimum » insuffisant, surtout dans la mesure où seul le fonds Greenfin, qui ne représente que très peu de produits et n’a pas vocation à recevoir l’ensemble des flux de l’épargne salariale, respecterait le principe « do not significantly harm ». Les mesures préconisées par Reclaim finance sont reproduites ci-après.

propositions de reclaim finance pour MOBILISER L’ÉPARGNE SALARIALE
AU PROFIT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Transparence et information aux épargnants

1. Affichage d’un indicateur tricolore explicitant le degré d’exposition des fonds à certaines activités controversées

2. Affichage de la liste des entreprises et secteurs financés par le fonds sous un format uniformisé et facilement exportable

3. Associer un code ISIN aux FCPE

4. Mise à disposition publique des bases de données financières

Incitation à l’investissement responsable

5. Amélioration de l’offre de fonds responsables dans les plans d’épargne salariale

6. Réduction de la part des fonds investissant dans des activités controversées liées au climat

7. Encourager fiscalement les entreprises et salariés à adopter un plan d’épargne salariale responsable

8. Conditionner l’accès des gestionnaires d’actifs au marché de l’épargne salariale au respect de certaines conditions en matière de transparence et de pratique de gestion responsable

9. Obligation à ce que le fonds par défaut n’investisse pas dans des activités controversées

10. Incitation à réviser régulièrement ses choix de placement

Gouvernance

11. Ouverture d’un droit de révision du plan d’épargne salariale pour les coalitions de salariés

12. Renforcement du pouvoir prescriptif du Conseil de surveillance des fonds vis-à-vis du gestionnaire d’actif

13. Communication aux salariés, en amont des AG des entreprises en portefeuille, des positions de vote du gestionnaire d’actif

14. Communication, par les gestionnaires d’actifs, au Conseil de surveillance, de l’intégralité des votes en Assemblée générale

L’ensemble de ces propositions portent sur tous les fonds commercialisés en France dans le cadre de l’épargne salariale. Certaines d’entre elles auraient vocation à s’appliquer à d’autres produits d’épargne dans le but de mobiliser l’argent privé en faveur de la transition écologique.

L’ensemble de ces propositions portent sur tous les fonds commercialisés en France dans le cadre de l’épargne salariale. Certaines d’entre elles auraient vocation à s’appliquer à d’autres produits d’épargne dans le but de mobiliser l’argent privé en faveur de la transition écologique.

Source : questionnaire budgétaire.

Mme Sas attire l’attention sur le besoin de préserver et d’encourager le financement de l’économie solidaire, dont les besoins sont en fort en croissance, à travers l’épargne salariale. Elle soutient l’orientation systématique de l’épargne salariale vers des produits d’investissement responsable, les obligations de transparence et l’exclusion des activités controversées du champ de l’investissement de l’épargne salariale.

5.   Les nouveaux cas de déblocage du PEE

Dans le prolongement des dispositions de la loi « pouvoir d’achat », l’article 33 de l’ANI appelle à de nouvelles possibilités de déblocage anticipé des PEE, pour les cas suivants :

– « pour les dépenses liées à la rénovation énergétique des résidences occupées à titre principale » ;

– « pour faire face aux dépenses engagées en tant que proche aidant » ;

– « pour l’acquisition d’un véhicule dit « propre » », qu’il soit neuf ou d’occasion.

L’article 33 prévoit de réserver le déblocage au titre de la situation de proche aidant à la présentation de justificatifs et précise à titre d’exemple que « ces pièces pourraient être : « copie du livret de famille pour démontrer le lien parental, ouverture d’une tutelle du proche, reconnaissance de l’invalidité du proche, prise en charge d’un dépendant dans l’avis d’imposition du proche, présentation d’une facture de l’organisme prenant en charge le proche, présentation d’une facture lorsque l’on a recours à un tiers, exemple service à la personne, etc. »

Pour les rapporteurs, si la présentation de justificatifs est en effet indispensable, la procédure doit ne pas être un frein pour le salarié à l’utilisation de cette disposition.

La question du déblocage a été abordée par plusieurs institutions auditionnées par la mission d’information.

– Interrogée par les rapporteurs, la DG Trésor s’est montrée réticente à de nouvelles mesures de déblocage exceptionnel :

« Il n’est pas recommandé d’élargir les possibilités de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale dans la mesure où il existe déjà plusieurs conditions de déblocages exceptionnels, qu’une possibilité de déblocage exceptionnel a été ouverte en 2022, et que le blocage implique en contrepartie un régime socio-fiscal favorable servant au financement de l’économie. »

Source : réponse au questionnaire.

La CFE-CGC « propose d’apporter les correctifs proposés par la médiatrice de l’autorité des marchés financiers (AMF), pour répondre de façon plus globale, en particulier dans le cadre de cas de déblocages récurrents soulevés (accession à la propriété par conclusion d’un bail réel solidaire, cas « d’auto-construction », agrandissement par construction, etc. » ([101])

Pour Croissance plus, il conviendrait, afin de contribuer au renforcement du pouvoir d’achat dans un contexte inflationniste, « de proroger pour 6 à 12 mois le dispositif de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale mise en place pour l’année 2022 par la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022. Cette mesure permet aux salariés de débloquer jusqu’à 10 000 euros exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, placés sur leur plan d’épargne salariale. » ([102])

Les rapporteurs sont favorables à ces possibilités de déblocage, d’autant qu’il a été constaté que l’ouverture de nouvelles possibilités, notamment de manière temporaire par la loi « pouvoir d’achat », n’induit pas des flux de sortie majeurs. Ces possibilités de déblocage sont positives pour les salariés car elles répondent à des besoins réels, notamment en terme de rénovation énergétique.

M. Louis Margueritte propose d’ouvrir une possibilité de déblocage pour les salariés au revenu fiscal de référence inférieur à 3 SMIC, et ce dans un plafond de 1 000 euros par an, dans des conditions simplifiées.

C.   Aller au-delÀ de l’ANI

1.   Étendre la diffusion des dispositifs de partage de la valeur ou de performance collective

a.   L’économie sociale et solidaire

L’économie sociale et solidaire (ESS)

Les grands principes de l’ESS sont définis par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire de la manière suivante :

Article 1

I. - L’économie sociale et solidaire est un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;

2° Une gouvernance démocratique, […] prévoyant l’information et la participation […] des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ;

3° Une gestion conforme aux principes suivants :

a) Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ;

b) Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. […].

II. - L’économie sociale et solidaire est composée des activités […] mises en œuvre :

1° Par les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d’unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d’assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 […] ;

2° Par les sociétés commerciales qui, aux termes de leurs statuts, remplissent les conditions suivantes :

a) Elles respectent les conditions fixées au I du présent article ;

b) Elles recherchent une utilité sociale au sens de l’article 2 de la présente loi […]

Article 2

Sont considérées comme poursuivant une utilité sociale au sens de la présente loi les entreprises dont l’objet social satisfait à titre principal à l’une au moins des quatre conditions suivantes :

1° Elles ont pour objectif d’apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité […] ;

2° Elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

3° Elles ont pour objectif de contribuer à l’éducation à la citoyenneté, […]. Elles participent ainsi à la réduction des inégalités sociales et culturelles, notamment entre les femmes et les hommes ;

4° Elles ont pour objectif de concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dès lors que leur activité contribue également à produire un impact soit par le soutien à des publics vulnérables, soit par le maintien ou la recréation de solidarités territoriales, soit par la participation à l’éducation à la citoyenneté.

Source : commission des finances.

Les structures de l’ESS sont peu couvertes par les dispositifs de partage de la valeur.

Interrogée par les rapporteurs, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) a indiqué que « certains dispositifs de partage de la valeur sont par nature inadaptés aux structures à but non lucratif de l’ESS. Il en est ainsi de la participation pour laquelle la formule de calcul, légalement définie, ne convient pas à celles-ci. En effet, celle-ci se fonde sur les bénéfices de l’entreprise. Or, une association par exemple ne produit pas de bénéfices puisqu’elle est à but non lucratif. Elle peut, toutefois, produire des excédents qui, pour autant, ne peuvent pas faire l’objet d’une redistribution notamment à destination des salariés sous la forme de participation ».

Si la participation est par principe exclue de certaines entreprises de l’ESS, l’intéressement est accessible à toutes. Il est cependant faiblement déployé, particulièrement au sein des entreprises de moins de 50 salariés. D’après les données de la DARES, on dénombre 682 accords d’intéressement et 27 décisions unilatérales en 2020 et 469 accords et 32 décisions unilatérales en 2021 (données provisoires pour 2021) pour 100 290 structures de l’ESS en 2020 (donnée non encore connue en 2021).

L’UDES a avancé plusieurs explications au faible déploiement de l’intéressement :

– Le cadre fiscal et social de la PPV est « très attractif » du fait de sa « simplicité de déploiement pour l’employeur », ce qui « suscite une large préférence, au détriment du dispositif d’intéressement », considéré comme « complexe » ;

– L’UDES identifie également « une problématique liée au manque d’acculturation à l’intéressement des employeurs de l’ESS, [qui] estiment qu’il est incompatible avec leur modèle économique » ;

– Certains employeurs de l’ESS ne sont pas concernés par les mesures fiscales incitatives (déduction des primes d’intéressement des bases retenues pour l’assiette de l’IS ou de l’IR) prévues pour rendre attractif l’intéressement.

L’UDES a alerté les rapporteurs sur la nécessité d’accompagner les entrepreneurs de l’ESS dans la rédaction d’un accord d’intéressement basé sur des critères de performance extra-financiers, notamment par des dispositifs pré-rédigés et des simulateurs précis. Elle estime également qu’un accompagnement renforcé des petites et très petites entreprises par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) serait à même de développer l’intéressement dans les structures de l’ESS.

Les sociétés coopératives et participatives (SCOP) ([103]) se démarquent nettement des autres structures de l’ESS. Leur taux de mise en œuvre d’un accord de participation est en effet de 100 %, y compris dans les SCOP de moins de 50 salariés, d’après les chiffres de la Confédération générale des SCOP. 27 % ont également un accord d’intéressement.

Les incitations fiscales sont avancées pour expliquer ce taux de couverture, la réserve spéciale de participation (RSP) étant déductible de l’assiette de l’IS. La formule dérogatoire de participation utilisée par les SCOP présente l’avantage d’être un pourcentage du bénéfice ([104]) ; elle est jugée plus simple d’utilisation que la formule légale, décrite comme « complexe » par la Confédération générale des SCOP. Elle présente aussi l’avantage d’être plus lisible pour les salariés.

b.   Les fonctionnaires et agents publics : la PIPC

Les fonctionnaires et agents publics ne sont par définition pas concernés par des dispositifs visant à partager les fruits d’une valeur créée. Les rapporteurs ont cependant voulu s’intéresser aux dispositifs similaires dont ils peuvent bénéficier en complément de leur traitement indiciaire afin de récompenser une performance collective, dans une logique proche de celle de l’intéressement pour les salariés du secteur privé.

À la suite d’un rapport remis en 2009 ([105]), il a été institué en 2011 ([106]) pour la fonction publique d’État une prime d’intéressement à la performance collective des services (PIPC). Cette prime a ensuite été étendue en 2012 à la fonction publique territoriale ([107]) puis en 2020 à celle hospitalière ([108]).

Les modalités de cette prime ont été précisées par une circulaire ([109]), qui permet d’identifier plusieurs convergences avec les dispositifs d’intéressement du secteur privé :

Le mode de mise en place de cette prime privilégie la négociation collective ([110]) ;

Les objectifs poursuivis sont notamment de « renforcer la motivation des personnels » et de « mobiliser collectivement les agents autour d’un projet » ;

Les critères de performance retenus peuvent être financiers comme extra-financiers ;

Le montant total de la prime est plafonné.

Les indicateurs pour déterminer l’atteinte des objectifs de la PIPC

Le 3.1.1. de la circulaire propose des exemples d’indicateurs, regroupés dans quatre catégories.

L’amélioration de la conduite des politiques publiques et de la qualité du service rendu

– proportion de sites/d’organismes inspectés ;

– taux de mise en œuvre de la réglementation applicable à une politique ;

– taux de dématérialisation des procédures ;

–  taux de satisfaction de l’usager ;

–  délais de traitement des demandes de titres ;

– délais moyens de traitement des dossiers ;

–  niveau d’information de l’usager.

La maîtrise des coûts et l’efficience des services

– coût par titre émis/dossier traité ;

– dépense moyenne de fonctionnement par agent.

L’amélioration de la gestion des ressources humaines

– amélioration des conditions de travail ;

– formation (taux d’agents ayant reçu une formation) ;

– cohésion des équipes (formalisation d’un projet de service, en particulier dans les nouvelles directions départementales interministérielles).

La prise en compte du développement durable

– consommation énergétique ;

– maîtrise des consommables de bureautique (papier, encre) ;

– évolution du bilan carbone des transports.

À titre d’exemple, Météo France a retenu parmi ses critères :

– Le taux de réussite des prévisions à J + 1

– Le nombre de visites par jour des sites et applications ;

– La quantité d’énergie consommée par ses locaux.

Source : commission des finances d’après la circulaire précitée et les réponses de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) au questionnaire des rapporteurs.

La PIPC est attribuée à l’ensemble des agents dans les services ayant atteint les résultats sur la période concernée. Elle n’est donc pas individualisée mais collective et forfaitaire. Elle ne se substitue ainsi pas aux dispositifs de reconnaissance de l’engagement individuel et à la manière de servir, par exemple le complément indemnitaire annualisé (CIA) ([111]) dans le cadre du régime indemnitaire lié aux fonctions, aux sujétions, à l’expertise et à l’expérience professionnelle (RIFSEEP ([112])).

Il existe par ailleurs des primes propres à certains corps et employeurs. C’est notamment le cas de la prime de résultats exceptionnels dans la police nationale ([113]), qui comporte une part individuelle et une part collective.

Ce dispositif reste cependant peu utilisé. En 2022, 3 990 agents de la fonction publique d’État ont reçu une PIPC, pour un montant total de 2,3 millions d’euros et une moyenne de 587 euros par agent concerné. Interrogée par les rapporteurs, la DGAFP avance plusieurs explications à ce déploiement très limité :

– La lourdeur bureaucratique résultant de la complexité du cadre réglementaire : doivent être successivement pris un décret d’adhésion, un arrêté interministériel (contresigné par les ministres chargés de la fonction publique et du budget) fixant le plafond de l’indemnité et d’un arrêté ministériel soumis au comité technique compétent, qui définit notamment les objectifs et indicateurs permettant de mesurer l’atteinte des résultats assignés au service, ce qui nécessite d’en débattre avec les organisations syndicales ;

– La réticence de ces dernières, qui seraient « peu sensibles voire hostiles à de tels dispositifs ».

Le secteur du logement social présente cependant une spécificité. Les offices publics de l’habitat (OPH) ne peuvent verser de prime de participation, mais peuvent se saisir de l’intéressement et des dispositifs d’épargne salariale. 82 % des OPH, représentant 93 % des salariés des OPH, se sont ainsi dotés d’un dispositif d’intéressement. Interrogée par les rapporteurs, la Fédération des offices publics de l’habitat indique que ces chiffres s’expliquent par :

– le volontarisme de la branche et des OPH sur le sujet depuis plusieurs années ;

– des obligations et incitations fortes à négocier sur le sujet, incluses dans la convention collective nationale conclue le 6 avril 2017 (qui contient une obligation d’ouvrier une négociation dans les 18 mois après la signature de la convention, ainsi qu’une obligation d’aborder le sujet de l’épargne salariale et de la fongibilité des dispositifs entre eux au moment de la discussion sur l’intéressement).

En 2021, le montant perçu au titre de l’intéressement atteignait 1 425 euros par travailleur dans les offices qui versent ce dispositif, soit un peu plus d’un demi‑mois de salaire (55 %).

2.   Propositions diverses

Pour faciliter l’accès des entreprises de moins de 50 salariés à la participation, les rapporteurs soutiennent une proposition de la DARES de créer une procédure dématérialisée de rédaction d’un rapport similaire à celle existant pour l’intéressement (avec la limite qu’une telle procédure ne peut être étendue à la mise en place d’un PEE, dispositif obligatoirement adossé à la participation mais qui ne peut pas être établi de manière générique).

Les rapporteurs appellent également le Gouvernement à expertiser une proposition qui leur a été faite par l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES). Il s’agirait de tenir compte de la mise en place de mécanismes de partage de la valeur dans l’attribution d’une délégation de service public ou d’un marché public. Une disposition du code des marchés publics pourrait ainsi autoriser l’acheteur public à inclure des critères de sélection liés à la mise en place de dispositifs de partage de la valeur au sein de l’entreprise candidate.

Les rapporteurs souhaitent enfin la création d’un délégué interministériel au partage de la valeur, ou à défaut une animation interministérielle dédiée. Ce dispositif, en lien avec les agents des différentes directions concernées par ces dispositifs, y compris celles de terrain (les DDETS), pourrait notamment reprendre, en s’en occupant à plein temps, les missions actuelles des ambassadeurs au partage de la valeur en matière de diffusion de la connaissance et d’accompagnement de la mise en œuvre de ces dispositifs.

 

 

 

 


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   conclusion des rapporteurs

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs souhaitent mettre en avant leurs remarques et propositions suivantes :

– L’ANI, conclu le 10 février 2023, a été signé par la majorité des organisations syndicales représentatives ; manifestation du dialogue social, les rapporteurs en soutiennent la transcription législative, tout en reconnaissant la nécessité de le compléter.

– Le montant de la prime de participation ne peut actuellement être réévalué a posteriori, même en cas de condamnation de l’entreprise pour fraude fiscale, dès lors que le bénéfice net a été certifié par le commissaire aux comptes. Les rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire de faire évoluer le droit sur ce sujet et proposent de modifier l’article L. 3326-1 du code du travail de sorte à ce qu’une telle réévaluation à la hausse du montant de la prime de participation soit permise, même si le montant du bénéfice net a déjà été certifié avec sincérité par le commissaire aux comptes. Ils souhaitent également que cette modification puisse concerner les contentieux déjà engagés.

– L’article 7 de l’ANI instaure une nouvelle obligation de mise en place d’un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 50 salariés réalisant des bénéfices. Le texte prévoit que cette obligation n’entrera en vigueur qu’en janvier 2025, ce qui conduirait à de premiers versements en septembre 2025. Au regard du contexte inflationniste actuel, les rapporteurs souhaitent que cette disposition en faveur des salariés travaillant au sein de telles entreprises entre en vigueur dès 2024.


Conclusions de M. Louis Margueritte

La mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise a auditionné durant plusieurs mois un grand nombre d’organisations patronales et syndicales, ainsi que des associations et fédérations spécialisées dans les outils de partage de la valeur. Ces outils sont l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et la prime de partage de la valeur. Les travaux de cette mission d’information se sont déroulés dans un esprit d’écoute, de respect et de dialogue.

Un meilleur déploiement des outils de partage de la valeur contribuera à répondre à la nécessité de rendre davantage de pouvoir d’achat aux salariés, ce qui est la première préoccupation des Français. Les instruments de partage de la valeur constituent un complément aux salaires particulièrement utile en cette période marquée par l’inflation. Si l’effet de substitution existe (entre 15 et 40 % selon les études), pouvant limiter l’ampleur des augmentations de salaires, il permet un versement rapide, lisible et donne de la souplesse aux dirigeants d’entreprise qui souhaitent mieux rémunérer rapidement leurs salariés sans avoir le recul immédiat sur les projections de résultats futurs de l’entreprise. La séparation des deux discussions (partage de la valeur et salaire), mise en évidence dans les premiers articles de l’ANI permettra de limiter les effets.

Si la France fait figure de bon élève en Europe, le déficit de déploiement des outils de partage de la valeur dans les PME est notable. En effet, 80 % des salariés des grandes entreprises bénéficient d’un outil de partage de la valeur alors qu’ils ne sont que 20 % dans les PME. L’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur est historique : l’ANI du 10 février 2023 est la preuve que le dialogue social fonctionne en France ; il montre que le consensus et l’ambition ne sont pas contradictoires.

Cet accord permettra de réduire les inégalités entre les salariés des grandes entreprises et les salariés des PME et d’introduire plus d’égalité et de justice sociale dans nos entreprises. Alors que 53 % des salariés du secteur privé bénéficient actuellement d’au moins un des outils de partage de la valeur, grâce à l’ANI, jusqu’à 1,5 million de salariés supplémentaires pourront en bénéficier. L’impact et le chiffrage précis de l’ANI devront aussi être approfondis plus largement pour que celui-ci puisse avoir une portée réelle pour tous. Le portage public de ces mesures ne pourra se faire que si nous sommes capables de démontrer collectivement les conséquences concrètes pour les salariés au cours des prochains mois.

Il revient désormais au Parlement de transcrire l’ANI dans la loi. Tous ceux qui porteront sa mise en œuvre ont un rôle à jouer pour le promouvoir et en assurer sa traduction concrète pour les salariés des entreprises.

Au-delà de sa transcription, je propose de prolonger le dispositif de la prime de partage de la valeur pour les entreprises de moins de 50 salariés et d’en assouplir parallèlement les conditions de versement pour celles de moins de 11 salariés. Il s’agit d’un outil simple et plébiscité par les chefs d’entreprises de TPE et de PME. Si les dispositifs de participation et d’intéressement sont plus lisibles et plus pérennes, prolonger cette faculté pour les chefs d’entreprises de plus petites structures constituerait un bon signal.

Enfin, toutes les simplifications envisageables, qu’elles soient du niveau de la loi, du règlement ou de l’usage, devront être mises en œuvre, même si elles ne sont jamais simples à identifier. Il convient toutefois de tout faire pour réduire le volume de données à traiter pour les entreprises et rationaliser les démarches, afin de rendre les dispositifs de partage de la valeur encore davantage accessibles au plus grand nombre.

Demain en France, les salariés des entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés pourront bénéficier plus largement des dispositifs de partage de la valeur.

Demain en France, les résultats exceptionnels des entreprises de 50 salariés et plus seront mieux pris en compte dans la distribution des outils de partage de la valeur.

Demain en France, le partage de la valeur sera intégré comme un critère à part entière dans les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG).

 

 


Conclusions de Mme Eva Sas

Le périmètre de la mission a fait débat entre les rapporteurs. En effet, son champ est restreint aux dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et à la prime de partage de la valeur, alors même que le premier instrument de partage de la valeur demeure l’augmentation des salaires. La prime dite « de partage de la valeur », elle, n’est qu’une prime de pouvoir d’achat habilement rebaptisée, qui ne permet pas d’améliorer durablement le partage de la valeur entre capital et travail.

L’un des constats de la mission est que ce partage est stable depuis 1990. Toutefois, d’une part il s’est stabilisé à un niveau inférieur de 6,8 points à la période 1970-1985, et de 3,4 points à la période 1949-1969, d’autre part, ces chiffres sont faussés par l’optimisation fiscale, qui déplace de la valeur ajoutée vers des pays à fiscalité plus favorable, notamment par le biais des prix de transfert, diminuant ainsi artificiellement la part du capital dans la valeur ajoutée.

Sur les dispositifs en eux-mêmes, les travaux de la mission d’information permettent de mettre en lumière la nécessité d’apporter certaines améliorations.

D’abord, concernant la prime de partage de la valeur, il convient de souligner son effet de substitution à l’augmentation des salaires, évalué à 30 % par l’INSEE, cette estimation étant convergente avec les études antérieures portant sur la PEPA.

C’est pourquoi il apparaît opportun, a minima, de séparer les temps de négociations obligatoires dans l’entreprise, entre celles sur les salaires, d’une part, et celles sur les dispositifs de partage de la valeur, d’autre part, afin de garantir, comme le rappelle l’ANI, le principe de non-substitution. Mais surtout, il apparaît essentiel, dans la période actuelle, de soutenir la dynamique salariale, par l’augmentation du SMIC et la conditionnalité des aides aux entreprises, plutôt que de la freiner, en soutenant des primes ponctuelles.

La participation, quant à elle, est minorée par la structuration juridique des groupes, concentrant les résultats dans les holdings au détriment des centres de coûts, et donc de leurs salariés, et plus encore quand les groupes mettent en œuvre des schémas d’optimisation fiscale, voire de fraude fiscale. Dans ce dernier cas, certains verrous juridiques empêchent les salariés de récupérer leur juste prime de participation, même quand la fraude fiscale est avérée.

Il convient donc d’abord de calculer la participation au niveau des groupes, pour permettre aux salariés de bénéficier d’un partage équitable des résultats, et surtout d’abroger l’article L. 3326-1 du code du travail, pour permettre un recalcul de la participation en cas de redressement fiscal des entreprises.

Il paraît également pertinent d’adopter la formule de participation issue des débats du COPIESAS, soit 10 % du résultat comptable, pour la rendre plus juste et plus lisible.

Les travaux de la mission ont par ailleurs mis en évidence que les dispositifs de partage de la valeur ont à ce jour un effet redistributif dans l’entreprise, mais anti-redistributif dans la société, car ils profitent plus aux salariés des grands groupes, qui sont déjà ceux qui sont les mieux rémunérés. L’enjeu est donc bien l’accès des salariés des entreprises de moins de 50 salariés aux dispositifs d’intéressement et de participation.

L’ANI a souhaité répondre à ce besoin, en rendant obligatoire un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés si l’entreprise réalise un bénéfice supérieur ou égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives. Cependant, l’inclusion de la prime de partage de la valeur dans les dispositifs à mettre en œuvre en limite singulièrement la portée, d’autant plus que celle-ci se substitue, en partie, à des augmentations des salaires. Il convient donc de privilégier les dispositifs de participation à la PPV dans les entreprises de moins de 50 salariés. De plus, la mise en place de cette obligation sera tardive, n’engendrant pas de distribution effective avant 2025.

L’ANI comprend également des dispositions en cas de résultats exceptionnels de l’entreprise. On notera néanmoins que la mise en œuvre de ces dispositions reste très incertaine, la définition des résultats exceptionnels étant renvoyée à l’appréciation de l’employeur. En l’état, la disposition pourrait ne concerner que les salariés de certaines entités des grands groupes, négligeant les sous-traitants et l’ensemble de la chaîne de valeur et accentuant encore le phénomène d’un salariat à deux vitesses. Il y aura donc nécessité de définir précisément la notion de résultats exceptionnels et d’étendre la redistribution qui en découle à l’ensemble de la chaîne de valeur, via un fonds dédié à l’intéressement des TPE / PME, ou à une redistribution aux salariés des sous-traitants.

Enfin, il paraît utile de consolider la transparence de la gestion de l’épargne salariale et son utilisation en accord avec les limites environnementales. En ce sens, il conviendra de renforcer les incitations à l’investissement responsable, et d’améliorer l’information des épargnants.

 


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   examen en commisson

 

Lors de sa réunion du mercredi 12 avril 2023, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a examiné les conclusions de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise.

M. le président Éric Coquerel. Nous procédons à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise, dont M. Louis Margueritte et Mme Eva Sas sont les rapporteurs.

M. Louis Margueritte, rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise. Merci monsieur le président. À l’issue de plusieurs mois de travaux, nous avons l’honneur de venir présenter devant les membres de cette commission les conclusions de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux de partage de la valeur dans l’entreprise.

Je tiens d’abord à remercier les administrateurs de la commission des finances pour le travail remarquable qu’ils ont accompli depuis le mois de décembre à nos côtés, ainsi que nos équipes. Je salue enfin Eva Sas pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble.

Depuis janvier, nous avons auditionné une quarantaine d’acteurs, qui nous ont permis de nourrir nos travaux de leurs réflexions sur l’état du partage de la valeur en France, qui allaient au-delà des questions fiscales et sociales. Je pense ici aux organisations syndicales et patronales, économistes, universitaires, administrations publiques ainsi qu’aux associations et fédérations spécialisées sur ces sujets. Ces auditions se sont déroulées dans un climat d’écoute et les échanges furent respectueux et nourris.

Au cours des auditions, l’ensemble des organisations syndicales nous ont fait part de leurs revendications en termes de revalorisation des salaires. Les organisations patronales ont quant à elles attiré l’attention de la mission d’information sur la nécessité de préserver un climat normatif favorable aux entreprises et d’offrir une certaine souplesse.

Ces auditions nous ont permis d’établir divers constats. Tout d’abord, la France est le deuxième pays d’Europe en matière de déploiement des outils de partage de la valeur qui sont complémentaires à la rémunération, qu’il s’agisse des dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et de prime de partage de la valeur (PPV).

Ces outils constituent un complément important aux salaires et sont particulièrement utiles pendant la période d’inflation que nous connaissons. Même si notre pays se situe en bonne place dans le domaine du partage de la valeur, de fortes inégalités persistent entre les salariés des petites et moyennes entreprises (PME) et ceux des grandes entreprises.

En effet, la part des salariés couverts par au moins un dispositif n’est que 20 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés, alors qu’elle est de 89 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il nous est apparu nécessaire de corriger de cette situation ; c’est une question de justice sociale.

À ce titre, nous pouvons saluer collectivement l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, qui a été conclu le 10 février 2023 par les partenaires sociaux. Je pèse mes mots : cet accord est historique et particulièrement utile dans un secteur où le dialogue social a connu quelques troubles. Réunissant la plupart des organisations syndicales ainsi que les organisations patronales, il constitue la preuve que le dialogue social existe et fonctionne en France et que consensus et ambition ne sont pas des notions contradictoires.

Cet accord permettra de réduire les inégalités entre les salariés des grandes entreprises et les salariés des PME, pour introduire plus de justice sociale. Alors que 53 % des salariés du secteur privé bénéficient actuellement d’au moins l’un des trois outils de partage de la valeur, grâce à l’ANI, jusqu’à 1,5 million de salariés supplémentaires pourront profiter d’un tel dispositif.

Les travaux de la mission d’information et la conclusion de cet accord sur le partage de la valeur permettront à la représentation nationale de s’emparer de ce sujet essentiel pour améliorer le pouvoir d’achat, première préoccupation des Français, pour instaurer une répartition plus équitable des bénéfices et pour introduire plus de justice entre les entreprises.

Dans les semaines à venir, l’accord du 10 février 2023 sera transcrit dans la loi et fournira l’occasion de réconcilier démocratie participative et démocratie parlementaire. Il était donc indispensable que nous rendions nos conclusions au préalable. La loi sur le partage de la valeur s’inscrira dans la continuité de ce que nous avons fait pendant six ans, c’est-à-dire agir pour améliorer le pouvoir d’achat. Il est de notre responsabilité collective que, demain, le travail paye mieux et que nous puissions transcrire cet accord. J’espère qu’il permettra de nourrir un débat constructif en commission et dans l’hémicycle, qui pourra aboutir à des mesures concrètes pour nos compatriotes.

La transcription de l’ANI dans la loi ouvrira de nouveaux droits pour les salariés. D’abord, les entreprises de 11 à 49 salariés auront désormais une obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur lorsqu’elles réalisent un bénéfice supérieur ou égal à 1 % du chiffre d’affaires au cours des trois années précédentes. C’est historique et je salue l’effort des fédérations pour aboutir à cette solution.

D’un commun accord avec ma co-rapporteure, nous souhaitons que cette obligation prenne effet dès le 1er janvier 2024, alors que l’ANI prévoyait sur ce point une entrée en vigueur au 1er janvier 2025. De plus, nous souhaitons que les salariés du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui ne génèrent pas de bénéfices par définition, puissent être plus largement bénéficiaires de ces dispositifs, en particulier sur l’intéressement. Nous voulons également qu’il en soit de même pour les fonctionnaires et les agents publics qui, s’ils peuvent bénéficier de ces dispositifs, notamment une prime de performance collective, sont assez peu touchés jusqu’à présent.

Par ailleurs, je suis personnellement favorable à ce que la PPV soit prolongée pour les entreprises de moins de 50 salariés et assouplie pour les entreprises de moins de 11 salariés, sans condition d’ancienneté et de temps de présence dans l’entreprise. La prime de partage sur la valeur est plébiscitée par les petites entreprises car elle est lisible et facile à mettre en place, bien qu’il existe des effets de substitution avec l’augmentation des salaires. Mais il faut rappeler que les très petites entreprises (TPE) et les PME ont moins de visibilité à moyen et long terme sur le résultat qu’elles vont réaliser.

Afin de soutenir davantage le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, je souhaite également que nous permettions le déblocage d’une épargne salariale dans un plafond de 1 000 euros par an pour les salariés dont le revenu fiscal est inférieur à trois fois le salaire minimum de croissance (Smic).

Nous sommes conscients que ces dispositifs ne résoudront sans doute pas la question des salaires, ni ne répondront à la question de la substitution à l’augmentation des salaires. Cependant, cet accord et les ajustements que nous proposons permettront demain l’accès à ces dispositifs pour des centaines de milliers de Français, voire des millions. Il faut s’en saisir, bien au-delà de nos rangs.

Chers collègues, nous devons collectivement répondre à cette ambition politique forte : instaurer un meilleur partage de la valeur et un meilleur partage des bénéfices en France. Ce sont des questions de justice et d’intérêt général. Je suis persuadé que malgré nos divergences, nous saurons nous montrer à la hauteur de cet enjeu majeur pour le pouvoir d’achat des Français, au-delà des clivages politiques et sur tous les bancs.

Mme Eva Sas, rapporteure de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise. Merci monsieur le président. Je tiens tout d’abord à rappeler la divergence que j’ai eue avec mon co-rapporteur sur le périmètre de la mission. En effet, son champ est restreint aux dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et à la PPV, alors même que le premier instrument de partage de la valeur demeure l’augmentation des salaires. La prime dite « de partage de la valeur », elle, n’est qu’une prime de pouvoir d’achat habilement rebaptisée, qui ne permet pas d’améliorer durablement le partage de la valeur entre capital et travail.

L’un des constats de la mission est que ce partage est stable depuis 1990. Toutefois, d’une part il s’est stabilisé à un niveau inférieur de 6,8 points à la période 1970-1985, et de 3,4 points à la période 1949-1969 ; d’autre part ces chiffres sont faussés par l’optimisation fiscale croissante, qui déplace de la valeur ajoutée vers des pays à fiscalité plus favorable, notamment par le biais des prix de transfert, diminuant ainsi artificiellement la part du capital dans la valeur ajoutée. Les travaux du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) ont ainsi mis en évidence que les profits non déclarés en France atteignaient 36 milliards d’euros en 2015, soit 1,6 % du produit intérieur brut (PIB). Ce montant a ainsi été multiplié par trois par rapport au début des années 2000.

Sur les dispositifs en eux-mêmes, les travaux de la mission d’information permettent de mettre en lumière la nécessité d’apporter certaines améliorations. D’abord, concernant la PPV, il convient de souligner son effet de substitution à l’augmentation des salaires, évalué à 30 % par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), cette estimation étant convergente avec les études antérieures portant sur la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa).

C’est pourquoi il apparaît opportun, au minimum, de séparer les temps de négociations obligatoires dans l’entreprise, entre celles consacrées aux salaires, d’une part, et celles sur les dispositifs de partage de la valeur, d’autre part, afin de garantir, comme le rappelle l’ANI, le principe de non-substitution. Mais surtout, il apparaît essentiel, dans la période actuelle, de soutenir la dynamique salariale par l’augmentation du Smic et la conditionnalité des aides aux entreprises, plutôt que de la freiner, en soutenant des primes ponctuelles.

Il faut de plus noter que les autres dispositifs de partage de la valeur souffrent de la concurrence, voire de la cannibalisation de la PPV, très simple à mettre en œuvre, mais qui n’est pas un dispositif négocié permettant de partager des objectifs collectifs.

La participation, quant à elle, est minorée par la structuration juridique des groupes, concentrant les résultats dans les holdings au détriment des centres de coûts, et donc de leurs salariés, et plus encore quand les groupes mettent en œuvre des schémas d’optimisation fiscale, voire de fraude fiscale. Dans ce dernier cas, certains verrous juridiques empêchent les salariés de récupérer leur juste prime de participation, même quand la fraude fiscale est avérée.

Il convient donc d’abord de calculer la participation au niveau des groupes pour permettre aux salariés de bénéficier d’un partage équitable des résultats, et surtout d’abroger l’article L. 3326-1 du code du travail, pour permettre un recalcul de la participation en cas de redressement fiscal des entreprises.

Il paraît également pertinent de reprendre la formule de participation issue des débats du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (Copiesas), soit 10 % du résultat comptable, pour la rendre plus juste et plus lisible.

Les travaux de la mission ont par ailleurs mis en évidence que les dispositifs de partage de la valeur ont à ce jour un effet redistributif dans l’entreprise, mais anti-redistributif dans la société, car ils profitent plus aux salariés des grands groupes, qui sont déjà ceux qui sont les mieux rémunérés. Ainsi, à peine 3 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont distribué des primes de participation en 2019, contre 51 % de celles ayant plus de 1 000 salariés. L’enjeu est donc bien l’accès des salariés des entreprises de moins de 50 salariés aux dispositifs d’intéressement et de participation.

L’ANI a souhaité répondre à ce besoin, en rendant obligatoire un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés si l’entreprise réalise un bénéfice supérieur ou égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Cependant, l’inclusion de la PPV dans les dispositifs à mettre en œuvre en limite singulièrement la portée, d’autant plus que celle-ci se substitue, en partie, à des augmentations des salaires. Il convient donc de privilégier les dispositifs de participation et d’intéressement à la PPV dans les entreprises de moins de 50 salariés. De plus, la mise en place de cette obligation sera tardive, n’engendrant pas de distribution effective avant 2025. Enfin, aucune obligation quantitative n’est imposée par cet article : si nous traduisions tel quel l’ANI, il pourrait se traduire par la distribution aux salariés des entreprises de 11 à 49 salariés d’une PPV d’un montant d’un euro en 2025.

L’ANI comprend également des dispositions en cas de résultats exceptionnels de l’entreprise. On notera néanmoins que la mise en œuvre de ces dispositions reste très incertaine, la définition des résultats exceptionnels étant renvoyée à l’appréciation de l’employeur. En l’état, la disposition pourrait de plus ne concerner que les salariés de certaines entités des grands groupes, négligeant les sous-traitants et l’ensemble de la chaîne de valeur et accentuant encore le phénomène d’un salariat à deux vitesses. Il y aura donc nécessité de définir plus précisément la notion de résultats exceptionnels et d’étendre la redistribution qui en découle à l’ensemble de la chaîne de valeur, via un fonds dédié à l’intéressement des TPE-PME ou une redistribution aux salariés des sous-traitants.

Enfin, il paraît utile de consolider la transparence de la gestion de l’épargne salariale et son utilisation en accord avec les limites environnementales. En ce sens, il conviendra de renforcer les incitations à l’investissement responsable, et d’améliorer l’information des épargnants.

M. le président Éric Coquerel. Grâce à l’audition de l’Insee, nous avons pu constater une augmentation considérable des PPV à 4,1 milliards d’euros au deuxième semestre 2022, dont 3,5 milliards d’euros pour le dernier trimestre. Cet élément pose la question du partage de la valeur ajoutée, dans la mesure où selon les chiffres de l’Insee, il existe un transfert de 30 % des salaires vers les primes. Dès lors, le salaire socialisé s’en trouve diminué, alors même qu’il constitue un revenu du travail.

Or, si le partage de la valeur de la valeur ajoutée se matérialisait par des primes de manière trop importante, le déséquilibre qu’il occasionnerait sur le salaire « collectif » serait encore plus marqué. Je me demande d’ailleurs si ce constat ne se retrouve pas dans les inégalités de fait liées à la fiscalité du capital, notamment des dividendes, avec la flat tax. En effet, à partir du moment où des cadres dirigeants ou des personnes se rémunèrent en dividendes plutôt qu’en salaire, la part socialisée disparaît, ce qui menace de déséquilibrer l’ensemble.

Votre rapport explique pourquoi l’application de l’article L. 3326-1 du code du travail peut, dans certains cas, gravement pénaliser les salariés. En quoi cet article fait-il obstacle au recalcul de la participation en cas de fraude fiscale ? Avez-vous des exemples d’affaires en cours ? Quelles sont vos propositions ?

Enfin, vous vous félicitez de la conclusion de l’ANI le 10 février 2023, mais ses conséquences pour les salariés semblent pour ma part être limitées. L’article 7 n’impose pas de montant minimal à redistribuer et l’article 9 laisse à l’employeur la définition du caractère exceptionnel des résultats. Rien ne dit que les branches parviendront effectivement à un accord, comme prévu par l’article 6. Quel vous semble être en définitive la réelle portée de l’ANI ? Vous paraît-il suffisant ?

M. Louis Margueritte, rapporteur de la mission d’information. Au-delà de la PPV, les éléments de désocialisation du salaire dans les comptes sociaux, notamment la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, ont été compensés par le budget de l’État. De fait, la substitution existe, elle se situe entre 15 à 40 % selon les études, l’étude de l’Insee sur les PPV la situant à 30 %. Elle ne peut pas être prolongée dans les conditions actuelles, selon le Conseil constitutionnel.

C’est pourquoi l’ANI propose de recentrer la PPV pour les entreprises de moins de 50 salariés. Pour les entreprises de petite taille, et en particulier celles de moins de onze salariés je propose d’aller encore plus loin, en supprimant les conditions d’ancienneté et de temps de présence dans l’entreprise, afin de fournir une souplesse totale à ces chefs d’entreprise, qui ne disposent pas forcément de projections financières clairement établies sur leurs résultats futurs.

Vous avez évoqué la question des chefs d’entreprise qui se rémunèrent en dividendes et non en salaires. Il faut souligner que ce phénomène ne concerne pas uniquement les dirigeants de grandes sociétés, mais également ceux de petites entreprises. Ces derniers font ce choix pour de nombreuses raisons. Il faut cependant noter l’existence de clauses anti-abus pour les entrepreneurs individuels (EI) ou les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL). Ces clauses permettent ainsi de taxer les dividendes au prélèvement social au-delà d’un certain montant. Il est toujours possible de se demander si cela est suffisant, mais il convient de noter que la fiscalité a évolué au fil du temps, pour établir des formes de limites. Il n’existe pas de solution miracle, mais les éléments contenus dans l’ANI sont plébiscités par les responsables d’entreprises de cette taille.

L’article L. 3326-1 du code du travail a été évoqué par des syndicats, notamment la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Il précise que dès lors que le commissaire aux comptes a certifié le montant de la réserve de participation, il n’est plus possible de le modifier. Nous considérons que cela n’est pas juste et sommes favorables à un recalcul préalable à une redistribution en cas de fraude fiscale avérée et sanctionnée d’une condamnation. Le gouvernement devra instruire cette question, soit en supprimant l’article soit en l’amendant.

Afin que la transcription de l’ANI dans la loi soit bien comprise, il importe de bien l’expliquer aux citoyens. Je reconnais la difficulté de chiffrer la partie relative aux profits exceptionnels mais je suggère au moins d’effectuer des simulations sur un échantillon d’entreprises sur les dix dernières années.

Même si les chiffrages restent encore imparfaits et divergents à ce stade, nous estimons que la moitié des 130 000 entreprises de 11 à 49 salariés (soit 1 million à 1,5 million de salariés) auraient répondu au critère d’un bénéfice supérieur à 1 % sur le chiffre d’affaires sur trois années consécutives pour la période 2017, 2018 et 2019.

Je partage néanmoins l’idée d’aller plus loin dans le chiffrage et concède que la question de la fixation d’un montant indicatif ne fait pas consensus entre nous. Il serait certes absurde de verser des sommes dérisoires à des salariés bénéficiaires de ce dispositif, mais je rappelle qu’aucune prescription en la matière n’a été définie dans le cadre de la PPV. Or le dispositif a tout de même fonctionné, en dépit des limites que vous avez rappelées, monsieur le président.

Mme Eva Sas, rapporteure de la mission d’information. Il est exact que le versement de dividendes à la place de salaires et le développement de la PPV ont contribué à déséquilibrer le partage de la valeur entre capital et travail.

Par ailleurs, il existe effectivement trois affaires en cours en ce moment, concernant les sociétés Procter & Gamble, General Electric et McDonald’s. Chez Procter & Gamble, pas moins de 37 millions d’euros de participation sont en jeu. Il importe donc de lever le verrou qui ne peut pas être justifié : si le résultat fiscal n’est pas conforme à la réalité, un recalcul de la participation doit être réalisé. Nous devrons veiller à abroger cet article L. 3326-1 pour pouvoir recalculer la participation en cas de redressement fiscal.

Enfin, l’ANI est insuffisant et il ne me semble pas souhaitable de le transcrire tel quel. Le cas échéant, il serait ainsi possible de verser une PPV d’un euro en 2025. La distribution en cas de résultat exceptionnel est également affectée par le fait que seul l’employeur peut,  à ce jour, apprécier le caractère exceptionnel d’un résultat. Le législateur doit donc cadrer la définition d’un résultat exceptionnel, afin de rendre ce dispositif opérationnel.

M. Emmanuel Lacresse (RE). J’ai été particulièrement intéressé par l’appréciation que vous portez sur le plan de partage de la valorisation de l’entreprise, dont vous souhaitez le développement à l’avenir. En effet, il demeure insuffisamment opérationnel à ce jour. De fait, divers instruments existent déjà mais ils sont peu utilisés actuellement, à l’instar des bons de souscription d’actions. Naturellement, ils sont davantage utilisés par les cadres lors des phases de reprise d’entreprises et comme un mode d’intéressement à leur capacité à bien gérer une entreprise.

En réalité, notamment dans les phases de sortie de redressement judiciaire, on pourrait imaginer des dispositifs permettant aux salariés, ­qui sacrifient généralement beaucoup de leur de temps et de leur rémunération dans ces périodes­, de bénéficier de dispositifs qui valoriseraient leur présence au capital.

Enfin, il serait envisageable que l’ensemble des dispositifs que vous décrivez puissent être organisés au niveau des branches et des secteurs, notamment dans les clusters régionaux industriels. En effet, il faut inciter les salariés qui s’impliquent dans la réindustrialisation de notre pays.

M. Frédéric Cabrolier (RN). La loi plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) de 2019, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) de 2020 et celle relative au pouvoir d’achat en 2022 avaient déjà facilité le déploiement des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises, simplifiant les procédures administratives et sécurisant le chef d’entreprise.

L’ANI permet de faire un pas de plus vers le développement de ces dispositifs. Par exemple, il oblige les branches professionnelles à ouvrir d’ici juin 2024 des négociations pour travailler sur une nouvelle formule de calcul de la participation, qui a besoin d’être simplifiée. Il autorise également la mise en place d’avances pour le salarié, comme cela existe pour l’intéressement. Pour l’actionnariat salarié, l’ANI préconise d’augmenter le plafond de capital attribuable pour les actions gratuites, afin de donner aux salariés plus de capital.

Cependant, d’autres problématiques qui n’apparaissent pas dans votre rapport ont été évoquées lors des auditions. Pour la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, il faudrait mettre en place des accords pour une durée comprise entre un et trois ans. En effet, il est difficile pour une petite entreprise de se projeter sur un temps long.

Il faudrait également harmoniser les règles sociales pour les entreprises, en exonérant de forfait social les entreprises de moins de 250 salariés pour l’intéressement et la participation. Le manque à gagner pour l’État pourrait être compensé par une hausse du forfait social pour les entreprises de plus de 5 000 salariés. Enfin, les chiffres du partage de la valeur sont faussés par la pratique de la fraude fiscale, évaluée à 40 milliards d’euros, et qui grève la participation des salariés.

Je propose de mettre en place les trois mesures suivantes, à savoir renforcer la capacité de contrôle des comités sociaux et économiques (CSE) dans les entreprises, passer outre l’attestation du commissaire aux comptes quand la fraude est constatée et inverser la charge de la preuve en cas de soupçon de fraude fiscale.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Si la valeur est produite par la force de travail des salariés, elle est pourtant bien mal partagée dans notre pays. Aujourd’hui, les grands patrons et les grandes fortunes captent cette valeur par le biais des dividendes. Cette accumulation est insupportable pour les millions de travailleurs et de travailleuses, dont les salaires ne bénéficient pas de la même inflation.

Le Président de la République et le gouvernement s’ingénient à tordre les chiffres pour affirmer que les smicards ont vu leur pouvoir d’achat augmenter de manière historique. Mais ces éléments de langage butent sur la réalité quotidienne, celle des fiches de paye, du ticket de caisse ou du plein de carburant. Or le premier levier du partage de la valeur est bien celui de l’augmentation des salaires.

Malheureusement, les primes Macron posent un véritable problème pour l’augmentation des salaires. L’Insee a ainsi indiqué l’existence d’un effet de substitution de ces primes en défaveur des salaires, de 15 à 40 %. D’une part, la rémunération des salariés est donc tirée vers le bas et d’autre part, ces primes affectent le financement de l’État et de notre régime de sécurité sociale, puisqu’elles sont exonérées d’impôts et de cotisations sociales. À l’heure où l’on demande aux salariés de travailler deux ans de plus, il existe d’autres leviers pour améliorer notre régime de retraite, notamment en s’intéressant aux exonérations de cotisation sociale et en augmentant les salaires.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je vous remercie pour cet excellent rapport, qui souligne les pistes d’amélioration. Cependant, en France, nous n’avons pas à rougir : en 2020, 53 % des salariés du secteur privé non agricole bénéficiaient d’un dispositif du partage de la valeur. Il y a fort à parier que la PPV a permis de développer ce partage dans les TPE et les PME.

Les partenaires sociaux ont conclu voici deux mois un ANI sur ce sujet. De quelle manière cet accord a-t-il influé sur le travail de la mission d’information ? Quelles difficultés entrevoyez-vous dans la transposition de cet accord ? Pour notre part, il conviendrait de le transposer sans filtre.

Quelles sont les entreprises qui se sont le plus saisies des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur ? Avez-vous constaté des limites ou des lacunes dans l’efficacité de ces outils ? Pensez-vous que le contexte économique et social actuel rende la question du partage de la valeur dans l’entreprise encore plus importante ? Comment convaincre les entreprises encore frileuses de s’emparer de tous les outils existants ? Comment les assister davantage ?

Comment faciliter le recours simple aux mesures de partage de la valeur pour les salariés des PME ? Quel pourrait être le rôle des entreprises, notamment les TPE-PME, dans la résolution des grands enjeux sociétaux comme la réduction des inégalités sociales ? Comment leur faire pleinement prendre part aux évolutions législatives les concernant ? Quelles sont les pistes d’action les plus prometteuses pour favoriser un partage plus juste de la valeur créée par les entreprises, tout en assurant leur compétitivité et leur pérennité économique ?

M. Victor Habert-Dassault (LR). Je salue à mon tour le travail effectué ainsi que l’ANI conclu entre les organisations syndicales et patronales. Le partage de la valeur est important car il constitue un gage de fidélité et de confiance entre les employeurs et les salariés. Je constate que le présent accord a souligné que les entreprises entre 11 et moins de 50 salariés utilisaient malheureusement un peu moins les dispositifs de partage de la valeur. En ce sens, l’obligation d’utiliser l’un des trois dispositifs existants constitue une avancée, au même titre que la suppression du forfait social pour l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés.

L’intéressement peut être parfois concurrencé par la PPV. Or cet outil devrait être mis plus en lumière, car il permet de donner un sens collectif à une action. En effet, les critères de l’intéressement sont beaucoup plus larges que les simples critères financiers, par exemple en les corrélant à une politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Je souhaiterais également souligner que l’épargne verte et sociale est mise en avant dans cet accord. Je pense ainsi au déblocage de l’épargne salariée qui est possible lorsque l’on effectue l’acquisition d’un véhicule propre ou que l’on s’engage dans une rénovation thermique.

Enfin, pouvez-vous évoquer la nécessaire formation des employeurs et des salariés pour leur permettre de se saisir de ces dispositifs, notamment dans les petites entreprises ?

Mme Félicie Gérard (HOR). Il est primordial d’assurer une justice entre les différents acteurs économiques de notre pays, en particulier à l’heure où nos concitoyens subissent de plein fouet les effets de l’inflation. Les dispositifs de partage de la valeur, la participation, l’intéressement, la PPV et l’épargne salariale constituent ainsi des outils essentiels.

Cependant, le rapport souligne que la part des salariés couverts par au moins un de ces dispositifs est seulement de 20 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés. L’enjeu consiste donc à généraliser ces dispositifs dans les plus petites entreprises, mais aussi à les simplifier.

Les organisations signataires de l’accord relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise ont souligné l’importance du développement de l’actionnariat salarié. Au quotidien, les chefs d’entreprise que je rencontre éprouvent des difficultés à recruter. Réhabiliter l’actionnariat comme une valeur positive via l’actionnariat salarié pourrait être un formidable levier et permettrait de renforcer la confiance des salariés dans leur entreprise, tout en les intéressant davantage aux enjeux stratégiques et au développement de l’entreprise.

Approfondir les dispositifs du partage de la valeur passe également par la prise en compte des résultats exceptionnels, qui est évoquée dans l’article 9 de l’accord. Les entreprises de plus de 50 salariés et dotées d’au moins un délégué syndical devront ainsi verser un supplément aux salariés en cas de résultats réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur.

Un autre point primordial prévu dans l’accord est l’ouverture de négociations de branches, qui pourraient favoriser la mise en place d’un dispositif de participation facultatif pour les entreprises de moins de 50 salariés. Enfin, pour les entreprises de 11 à moins de 50 salariés, rendre obligatoire un dispositif de partage de la valeur dès que ces dernières auront été rentables au moins trois années consécutives devrait permettrait de généraliser de manière adaptée le partage de la valeur.

Les dispositifs de partage de la valeur ne couvrent que très peu les structures de l’ESS. Quelles dispositions pourrions-nous mettre en place pour corriger cette situation ?

M. Louis Margueritte, rapporteur de la mission d’information. Je partage le point de vue de M. Lacresse sur le plan de partage de la valorisation de l’entreprise. À cet égard, je constate que l’ANI suggère de ne pas créer de nouveaux outils pour finalement en proposer un, à travers la création d’actions sans droit de gouvernance mais qui offriraient malgré tout un droit au moment de la liquidation. Cet outil semble surtout concerner les sociétés d’une certaine taille non cotées. Ce dispositif peut être intéressant, mais il importe de ne pas en faire une usine à gaz.

M. Cabrolier a évoqué la possibilité de simplifier la formule de participation. Nous nous sommes penchés sur cette question, d’autant plus que le rendement du capital est très différent aujourd’hui de celui qui prévalait lors de la création de la formule en 1967. Cependant, ce changement risque d’entraîner un effet de transfert et ne semble donc pas nécessairement pertinent dans un moment aussi complexe.

Je ne nie pas les effets de substitution évoqués par Mme Maximi. Cependant, je ne crois pas à l’augmentation généralisée des salaires, même si l’on peut souhaiter qu’ils progressent. J’ai pour ma part expliqué que la PPV constituait une voie médiane entre l’inaction et l’augmentation généralisée des salaires, même si j’en admets les limites.

M. Laqhila a évoqué la question de l’anticipation de la transposition des accords. Il importe de connaître le point d’atterrissage entre les organisations syndicales et patronales. Les services techniques du ministère du travail devront nous éclairer sur les bonnes formulations juridiques. En outre, un débat portera certainement sur la définition d’un profit exceptionnel.

Il existe forcément des lacunes dans le dispositif de l’ANI, dans la mesure où il s’agit d’un point d’équilibre, mais nous devons malgré tout nous féliciter de la conclusion de cet accord.

Par ailleurs, la formation des experts comptables constitue un véritable enjeu, dans la mesure où ils constituent des points d’entrée évidents, particulièrement dans les petites entreprises. Il importe donc de bien les former et les sensibiliser à l’existence de ces dispositifs.

Je partage le point de vue évoqué en matière d’intéressement : nous sommes passés de 20 000 à 30 000 nouveaux accords d’intéressement annuels depuis 2017 et il nous faut continuer dans cette voie. Ce phénomène est à mon sens lié en partie à la suppression du forfait social pour les entreprises jusqu’à 250 salariés. Nous cherchons bien entendu à capter des accords collectifs qui ne soient pas uniquement d’ordre financier.

En matière d’actionnariat salarié, nous sommes en deçà des objectifs de 10 % évoqués par le ministre, puisque nous sommes aujourd’hui à 3 %. Si certaines grandes entreprises comme Eiffage ou Saint-Gobain sont très en avance en la matière, d’autres entreprises de moindre envergure ont également parfois recours à ce dispositif. Je suis donc favorable au développement de la distribution d’actions aux salariés sous réserve de proposer un cadre simplifié aux chefs d’entreprise.

Mme Eva Sas, rapporteure de la mission d’information. La question des accords de branche et de la mise en place d’accords d’intéressement au niveau des secteurs a été évoquée par certains d’entre vous. L’ANI prévoit effectivement de développer les accords de branche. Cependant, notre rapport souligne que si cela est souhaitable, l’expérience montre que ces négociations sont peu fréquentes et aboutissent rarement. À cet égard, s’il existait des accords types de branche, il serait plus simple de les développer dans les TPE-PME. Il est donc sans doute préférable d’avoir des dispositifs peut-être imparfaits, moins adaptés aux entreprises, mais nationaux et interprofessionnels.

Avec mon co-rapporteur, nous nous sommes accordés pour considérer qu’il n’était pas souhaitable de mettre en place de nouvelles exonérations. Je dirais même qu’il serait opportun de les réduire. Par ailleurs, il faut renforcer les capacités des CSE en matière de vérification de la participation. Pour ma part, je souhaiterais d’ailleurs qu’un plus grand nombre d’informations soient versées à la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), afin d’accroître la capacité d’action des CSE.

Par ailleurs, l’enjeu consiste effectivement à développer l’intéressement et la participation dans les entreprises de 10 à 49 salariés. En matière de simplification, il faut reconnaître que le gouvernement a mis à disposition des petites entreprises des accords types simplifiés. Désormais, il me semble surtout important de développer la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Je constate avec M. Habert-Dassault les effets de cannibalisation de la PPV sur l’intéressement, lequel a pourtant un caractère plus collectif et mobilisateur des salariés. À cette occasion, je souligne la contradiction entre les deux mandatures : lors de la précédente, un grand nombre de dispositions ont cherché à développer l’intéressement, tandis que le développement de la PPV se réalise justement au détriment de l’intéressement. Aujourd’hui, un chef d’entreprise choisira naturellement une PPV, relativement simple à activer et ne nécessitant pas d’engagement pluriannuel, plutôt qu’un accord d’intéressement plus contraignant à établir mais aussi plus juste. Par conséquent, je crains que nous assistions à une décroissance du nombre d’accords d’intéressement.

Enfin, il faut souligner que l’ESS comporte plusieurs sous-secteurs. Les sociétés coopératives et participatives (Scop) constituent à mon sens un modèle qu’il convient de développer puisque la participation est inscrite dans leurs statuts. Le problème se pose néanmoins dans le domaine associatif, où la notion de résultat est absente. Je considère que des efforts doivent être fournis par le financeur public : aujourd’hui, les subventions accordées, et tout particulièrement les tarifs établis par les départements pour le médico-social, ne permettent pas de distribuer de l’intéressement dans les associations qui sont financées. Le financeur public doit donc prendre en compte ces éléments quand il établit des tarifs réglementés ou lorsqu’il octroie des subventions.

En application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 


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   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

● Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés (FAS) (*)

 M. Loïc Desmouceaux, président

– M. Philippe Bernheim, vice-président du conseil scientifique

– M. Pascal Graff, secrétaire général de la FAS, représentant de l’Association des actionnaires salariés du Groupe Polylogis

– M. Philippe Lépinay, délégué aux relations institutionnelles de la FAS, représentant de l’Association des actionnaires salariés du Groupe Thales

– M. Sylvain Masiero, président de l’Association des actionnaires salariés de Thales

– M. Laurent Legendre, membre du conseil fédéral de la FAS, représentant de l’Association des actionnaires salariés du Groupe Airbus

– M. Olivier Paon, membre du conseil fédéral de la FAS, représentant de l’Association des actionnaires salariés du Groupe Orange

● Ambassadeurs au partage de la valeur

– M. François Perret, directeur général de Pacte PME (*)

– Mme Agnès Bricard, vice-présidente de Pacte PME, présidente d’honneur du Conseil national de l’ordre des-comptables et présidente fondatrice de la Fédération femmes administratrices

– M. Thibault Lanxade, président-directeur général du groupe Luminess.

 INSEE : M. Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité.

 M. Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises


● Table ronde

Force ouvrière (FO) :

– Mme Karen Gournay, secrétaire confédérale en charge de la négociation collective et de la représentativité ;

Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

– M. Luc Mathieu, secrétaire national ;

Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) :

– Mme Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale à l’économie, l’industrie, le logement et le numérique,

– M. Louis Delbos, chargé d’études économie,

– M. Nicolas Blanc, délégué national confédéral au numérique ;

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) :

– Mme Imane Harraoui, membre du Bureau confédéral, cheffe de file « partage de la valeur »,

– M. Michel Charbonnier, conseiller politique.

● Table ronde

France Invest (*) :

– Mme Claire Chabrier, présidente,

– M. Alexis Dupont, directeur général,

– Mme Caroline Steil, directrice affaires publiques, juridiques et fiscales

Institut Montaigne (*) :

– Mme Lisa Thomas-Darbois,

– Mme Emmanuelle Barbara co-auteure du rapport,

– M. Jean-Dominique Senard, président du Conseil d’administration de Renault.

● Direction générale du Trésor, ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de France

– M. Adrien Perret, sous-directeur Politiques sociales et emploi

– M. Pierre Chabrol, sous-directeur Financement des entreprises et marché financier.


● Table ronde

Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) (*)

– M. David Cluzeau, membre du bureau et président de la commission des affaires sociales

– M. Sébastien Darrigrand, directeur général

– Mme Garance Faure, juriste de droit social, doctorante CIFRE

– M. Etienne Leblond, conseiller technique travail et santé à l’UDES

Impact France

– Mme Caroline Neyron, directrice générale

– Mme Antoine Gelot, responsable des affaires publiques

– Mme Kenza Tahri, directrice du plaidoyer

Chambre française de l’économie sociale et solidaire (ESS France) (*)

– M. Antoine Détourné, délégué général

– Mme Pauline Raufaste, chargée d’affaires publiques.

 M. Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision (OFCE)

● Table ronde

Association française de la gestion financière (*)

– Mme Laure Delahousse, directrice générale adjointe

– Mme Dominique Dorchies, présidente de la commission Épargne salariale et épargne retraite

– M. Alexis de Rozières, vice-président de la commission Épargne salariale et épargne retraite.

Planète CSCA (*)

– M. Bertrand de Surmont, président

– M. Pierre-Emmanuel Sassonia, président de la commission ESER

– M. Samuel Bouteiller, directeur associé du Cabinet Lobbsonn.

Ordre des experts-comptables

– M. Patrick Viault, directeur des études techniques et d’Infodoc-experts

– Mme Véronique Argentin, directeur des études sociales et responsable droit social, Infodoc-experts

– M. Patrick Bordas, élu du CNOEC.


● Table ronde

CroissancePlus

– Mme Audrey Louail, présidente de CroissancePlus et d’Écritel

– M. Alexandre Pham, responsable du groupe de travail "Future of work" de CroissancePlus et président de MisterTemp group

– M. Thibault Baranger, responsables affaires publiques.

Ethic

– Mme Sophie de Menthon, présidente

– M. Loik Le Floch-Prigent, président des commissions

– M. Jean-Christophe Benzo, directeur général de Groupama épargne salariale

– M. Stanislas Henry.

● Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion

Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)

– M. Michel Houdebine, directeur

– M. Malik Koubi, sous-directeur « Salaire, travail et relations professionnelles »

– M. Emmanuel Berger, adjoint au chef du département « Salaires et conventions salariales ».

Direction générale du Travail

– Mme Florence Lefrancois, adjointe au bureau de la durée et des revenus du travail

– Mme Eva Jalabert, sous-directrice adjointe des relations du travail

– Mme Aurore Vitou, sous-directrice des relations du travail.

● Table ronde

MEDEF (*)

– M. Christophe Beaux, directeur général

– M. Hubert Mongon, président de la commission dynamique du marché du travail et de l’emploi du MEDEF

– Mme Elizabeth Vital Durand, responsable du pôle affaires publiques

– M. François Gonord, directeur de mission au pôle économie.

Afep (*)

– M. Jean-Luc Matt, directeur général

– Mme Stéphanie Robert, directrice générale adjointe.

● Table ronde

Union des entreprises de proximité (U2P) (*)

– M. Jean-Christophe Repon, vice-président

– M. Pierre Burban, secrétaire général

– Mme Thérèse Note, relations parlementaires.

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*)

– Mme Stéphanie Pauzat, vice-présidente déléguée

– Mme Gwendoline Delamare-Deboutteville, responsable des affaires sociales

– M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques.

● Confédération générale des SCOP (sociétés coopératives de production)

– Mme Laurence Ruffin, vice-présidente de la CGScop

– Mme Fatima Bellaredj, déléguée générale de la CGScop

– Mme Claire Tostain, responsable juridique de la CGScop.

● Table ronde

Direction générale de l’administration et de la fonction publique

– M. Guillaume Tinlot, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières

– M. Jérémie Vencatachellum, adjoint à la sous-directrice de la politique salariale et des parcours de carrière.

Fédération nationale des offices publics de l’habitat (*)

– M. Jean-Christophe Margelidon, directeur général adjoint

– M. Willy Girard, directeur du pôle RH à la fédération.

● Centre des jeunes dirigeants (CJD)

– Mme Mélanie Berger-Tisserand, présidente

– M. Thomas Bourghelle, vice-président

– Mme Laurène Collard, responsable influence et prospective.

 M. Philippe Askenazy, économiste, directeur de recherche au CNRS


● Table ronde

– M. François Fournier, délégué syndical FO chez Procter&Gamble ;

– M. Philippe Petitcolin, coordinateur national CFE-CGC à General Electric ;

– M. Maximilien Malbête, expert en prix de transfert et normes de l’OCDE ;

● Table ronde

– M. Antoine Laurent, responsable plaidoyer France chez Reclaim Finance (*)

– Mme Julie Sansoucy, chargée de campagne engagement citoyen et public chez Reclaim Finance (*)

– M. Léo Garnier, directeur général de RIFT

– Mme Meriem Menjra, responsable des affaires publiques chez RIFT

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


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ANNEXE 1 : tables de données sur le dÉploiement de la participation, de l’intÉressement et de l’Épargne salariale

Source : DARES.

 

 

 

Source : DARES.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ANNEXE 2 : tables de données sur le dÉploiement de la PEPA et de la PPV

Évolution prime partage de la valeur depuis juillet 2022

 

01/07/2022

01/08/2022

01/09/2022

01/10/2022

01/11/2022

 

01/12/2022

Niveau de salaire du bénéficiaire

<3 SMIC

>3 SMIC

<3 SMIC

>3 SMIC

<3 SMIC

>3 SMIC

<3 SMIC

>3 SMIC

<3 SMIC

>3 SMIC

<3 SMIC

>3 SMIC

Nombre d’assurés

3 081

41

179 968

43

700 020

29 932

1 154 280

107 022

1 263 065

164 437

2 268 875

194 766

Somme Montant Primes (M€)

0,6

0,009

140,6

0,009

495

24

713

89

879

157

1 699

252

Moyenne Montant Primes

199,55 €

223,10 €

785,93 €

215,89 €

708,46 €

815,68 €

628,12 €

844,30 €

697,74 €

977,47 €

753,84 €

1 325,60 €

Médiane Montant Primes

206 €

238 €

515 €

238 €

500 €

500 €

500 €

864 €

500 €

800 €

500 €

Source :  DG Trésor - Données individuelles GIP, extraction PIQ/MSTR basée sur les données DSN* de décembre 2022, calculs Direction de la sécurité sociale.

 

*Données DSN : La base DSN, mensuelle, s’est substituée à la base BRC (bordereau de cotisation) depuis mars 2015.

Le BRC était rempli par chaque établissement employeur du régime général exerçant son activité en France (Métropole et Drom) pour déclarer à l’Urssaf ses cotisations sociales, les différentes assiettes salariales (plafonnée, déplafonnée, CSG) donnant lieu à cotisations ou à allégements, ainsi que ses effectifs salariés. Cette déclaration était mensuelle si l’effectif de l’entreprise était au moins égal à 10 salariés et en principe trimestrielle en deçà de ce seuil (sauf demande de mensualisation par l’entreprise, ou recours aux dispositifs simplifiés TESE ou CEA).

La DSN « fournit chaque mois des données individuelles (contrairement à la Déclaration annuelle de données sociales) et les données agrégées du BRC, y compris les effectifs en fin de mois dont la déclaration n’est plus obligatoire à compter du 1er janvier 2018 (dès lors que la substitution de la DADS par la DSN est avérée). Depuis, les effectifs déclarés utilisés dans la chaîne de production Urssaf ont été progressivement remplacés par des effectifs calculés à partir des données individuelles. La comparaison des effectifs calculés avec ceux déclarés montre une application hétérogène par les entreprises des règles de détermination des effectifs. Leur calcul par l’Urssaf en assure a contrario l’homogénéité. À compter de la publication relative au premier trimestre 2021, 100 % des effectifs sont calculés par l’Urssaf »

Source : Urssaf – Stat’ur conjoncture – mars 2023.

 

RÉpartition de la prime PEPA et de la PPV par taille d’entreprise

 

2018-2019

2020

2021

2022

Juillet 2022 - décembre 2022 (PPV)*

Tranche d’effectifs

Montant (millions d’euros)

Montant moyen de la prime

Montant (millions d’euros)

Montant moyen de la prime

Montant (millions d’euros)

Montant moyen de la prime

Montant (millions d’euros)

Montant moyen prime PEPA

Montant* (millions d’euros)

0 à 9

304

587

413

672

536

786

116

703

449

10 à 19

158

514

235

633

242

703

64

618

195

20 à 49

198

438

335

593

254

619

87

545

255

50 à 99

118

356

240

580

115

495

52

464

147

100 à 249

179

360

332

566

144

468

82

435

226

250 à 499

151

352

267

566

101

463

65

423

172

500 à 1999

292

363

455

574

175

469

142

465

314

2000 et plus

575

366

811

583

270

336

237

391

659

Source : DARES, ACOSS (DSN), calculs Direction de la sécurité sociale.

Nb : Les montants moyens et totaux par tranches d’effectifs sont basés sur des données individuelles et peuvent donc être incomplètes. Ceci explique l’écart avec les montants totaux avec le tableau 2.

(*) Les données de la PPV correspondent aux versements en cumulé durant la période juillet et novembre 2022. Environ 10 millions d’euros de primes ne correspondent à aucune tranche d’entreprises.

 

 


—  1  —

 


(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([3])  Cyprien BATUT, Chakir RACHIQ, « Les dispositifs de partage de la valeur en France et en Europe », Note Trésor-Éco, N° 286, Juin 2021 : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/f3d14d32-357f-42a9-addc-d6a2f3f29318/files/3c6ddb3b-4dff-4b1c-9740-9a31ee480cd5.

 

([4]) DG Trésor, réponse au questionnaire budgétaire. 

([5]) Philippe Askenazy, Gilbert Cette, Arnaud Sylvain, « Le partage de la valeur ajouté », Paris, La Découverte, « Repères », 2012, 128 p.

([6]) Les données des comptes nationaux ont été rétropolées en base 2000 par l’INSEE et sont disponibles à partir de l’année 1949.

([7]) Jean-Philippe Cotis, « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France », rapport au président de la République, Insee, 2009.

([8]) C’est-à-dire les sociétés financières et les sociétés non financières.

([9]) Revenu mixte : solde du compte d'exploitation pour les entreprises individuelles. Il contient deux éléments indissociables : la rémunération du travail effectué par le propriétaire et éventuellement les membres de sa famille, et son profit en tant qu'entrepreneur (INSEE).

([10]) Pour la DG Trésor, « ce type d’analyse est moins pertinent sur le champ des seules sociétés financières, pour lesquelles la valeur ajoutée n’est pas le meilleur indicateur économique ».

([11]) La DG Trésor renvoie à la note Trésor Eco n°234, janvier 2019 « L’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les pays avancés ».

([12]) Lettre du CEPII, n°400, juin 2019.

([13]) Présenté par M. François Hollande, alors Président de la République, lors de ses vœux du 31 décembre 2013.

([14]) Double réduction du coût du travail, liée d’une part au CICE versé au titre de la masse salariale de 2018 (les rémunérations versées par l’entreprise au cours de l’année N lui donnaient droit à un avantage fiscal qui était perçu au plus tôt pendant l’année N+1) et l’autre liée au remplacement du CICE en 2019 par une baisse des cotisations sociales employeurs en 2019.

([15])  Source : INSEE, Éclairage - Évolutions récentes des taux de marge : de fortes disparités entre branches dans un contexte de hausse généralisée des prix. Décembre 2022.

([16])  Dans le cas de groupes internationalisés, la formule repose sur les seuls bénéfices réalisés en France.

([17])  Contribution sociale généralisée.

([18])  Contribution au remboursement de la dette sociale.

([19])  Article L. 3315-2 du code du travail.

([20])  Article L. 3315-1 du code du travail.

([21])  Le forfait social est une contribution à la charge de l’employeur pesant sur les éléments de rémunération non soumis à cotisations sociales mais inclus dans l’assiette de la CSG, tels que listés à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

([22])  Il s’agit de la mission citée dans la note précédente.

([23])  La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique a supprimé le COPIESAS et a confié ses missions à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.

([24])  Propositions en vue d’une réforme de l’épargne salariale, 26 novembre 2014.

([25])  https://www.actuel-ce.fr/sites/default/files/article-files/projetrapportcopiesas.docx

([26])  https://www.lesechos.fr/2018/03/epargne-salariale-forte-baisse-de-charges-en-vue-dans-les-pme-987622

([27])  Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

([28])  Compte rendu de la 3ème séance du jeudi 4 octobre 2018.

([29])  Proposition n° 12.

([30])  Partager plus pour se développer mieux, perspectives ouvertes par l’intéressement et la participation et réflexion pour renforcer leur place dans les PME françaises, rapport de MM. Thibault Lanxade et François Perret, 11 juin 2019 (proposition 6).

([31])  La participation financière, rapport annuel du Conseil supérieur de la participation pour 2004-2005.

([32])  D’après la synthèse de la mission d’évaluation – diagnostic sur les dispositifs d’épargne salariale de l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales, Didier Banquy ; Maryvonne Le Brignonen ; Alban Hautier ; Anousheh Karvar ; Vincent Ruol, décembre 2013.

([33])  Selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les prix de transfert sont « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées ». Dans le cadre d’un groupe, une filiale localisée en France peut ainsi verser un droit de marque à sa société-mère localisée dans un autre pays à la fiscalité plus avantageuse comme rémunération d’un actif immatériel, ce qui vient réduire tant le résultat fiscal que le résultat comptable.

([34])  Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-50.015.

([35])  L’article 12 de l’ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises disposait déjà : « Le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts. Ils ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application de la présente ordonnance. »

([36])  Un encart page suivante explique pourquoi le taux des entreprises d’au moins 50 salariés versant des primes de participation est inférieur à 100 %.

([37])  Les conditions d’agrément d’un accord de branche d’intéressement par l’autorité administrative compétente sont fixées à l’article L. 3345-4 du code du travail.

([38])  Article L. 3314-8 du code du travail.

([39])  Article L. 3312-3 du code du travail.

([40])  Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([41])  L’expérimentation, initialement menée du 1er janvier au 30 juin 2020, a été prorogée jusqu’au 31 août 2020 par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, avant d’être pérennisée à compter du 9 décembre 2020 dans la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([42])  V. de l’article 155.

([43])  Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([44])  Loi n° 20-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([45])  Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

([46])  Lorsque l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé, l’employeur peut mettre en place un accord d’intéressement par décision unilatérale, soit si l’entreprise est dépourvue d’instance représentative du personnel, soit, si l’entreprise a une telle instance, en cas d’échec de la négociation d’un accord d’intéressement et en l’absence d’accord d’intéressement de branche agréé.

([47])  Article L. 3313-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant du 2° du IV. de l’article 4 de la loi « pouvoir d’achat ».

([48]) L’application de cette possibilité résulte de l’article 3 du décret n° 2023-98 du 14 février 2023 portant application des dispositions de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat en matière de négociation collective et d'épargne salariale.

([49])  La première phase a été lancée le 8 février 2019, la seconde le 4 décembre 2019 et la troisième le 28 janvier 2022.

([50])  Réponse à la question écrite n° 40749 de M. Romain Grau à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, 26 avril 2022.

([51])  Partage de la valeur : salariés, entreprises, tous gagnants !

([52])  Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([53])  Articles L. 137-15 à L. 137-17 du code de la sécurité sociale.

([54])  Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010.

([55])  Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([56])  Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

([57])  Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([58])  Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([59])  Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

([60])  L’ANI a été conclu à l’issue d’une négociation lancée en application de l’article L. 1 du code du travail.

([61])  Projet de loi Pacte, étude d’impact, 20 juin 2018, p. 252

([62]) FCPE :  organisme de placement collectif en valeurs mobilières réservé aux salariés d'une entreprise.

([63]) Source : données DARES – tableau 3 participation, intéressement, épargne d’entreprise : distribution et prime moyenne en fonction de la taille d’entreprise, reproduit en annexe.

([64]) Source : DG Trésor d’après les données de l’AGF, réponse au questionnaire.

([65]) Note Trésor Eco de juin 2021, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/f3d14d32-357f-42a9-addc-d6a2f3f29318/files/3c6ddb3b-4dff-4b1c-9740-9a31ee480cd5  

([66])  DARES citée par DG Trésor.

([67])  Étude réalisée auprès d’un échantillon de 418 entreprises de 20 salariés et plus (DAF/DRH/DG au sein de PME du secteur privé non cotées en bourse). L’échantillon est pondéré pour être représentatif de l’univers des entreprises françaises de 20 salariés et plus, à l’exception du secteur public.

https://www.eres-group.com/etudes-et-enquetes/lactionnariat-salarie-progresse-dans-les-pme-non-cotees/

([68]) D’après le deuxième alinéa de l’article L. 225-197-1 du code de commerce : « Ne sont pas prises en compte dans ces pourcentages les actions qui n’ont pas été définitivement attribuées au terme de la période d’acquisition prévue au sixième alinéa du présent I ainsi que les actions qui ne sont plus soumises à l’obligation de conservation prévue au septième alinéa ». Les actions en cours d’acquisition et les actions en conservation obligatoire sont les seules à prendre en compte pour le calcul du seuil.

([69]) Cf. tableau de données en annexe.

([70])  CAHUC P., DORMONT B., 1992a, « Allégement du coût salarial ou incitation à l’effort ? », Économie et Statistique, n° 257, septembre, pp. 35-43.

([71])  MABILE S., 1998, « Intéressement et salaires : complémentarité ou substitution ? », Économie et Statistique, n° 316-31, pp. 45-61.

([72])  DELAHAIE, N. & DUHAUTOIS, R.,2015 : « Profit-Sharing and Wages: An Empirical Analysis Using French Data Between 2000 and 2007 » British Journal of Industrial Relations, 57(3).

([73]) 2 juillet 2020.

([74])  « Au premier trimestre 2019, les primes non régulières ont évolué de façon similaire au sein des établissements versant la PEPA et au sein du groupe « témoin » ».

([75])  « Les effets d’incitation de l’intéressement : la productivité plutôt que l’emploi »

([76])  « Une répartition des primes plus inégalitaire que celle des salaires »

([77])  Oxfam France a mentionné aux rapporteurs des chiffres d’Alternatives économiques indiquant que dans les entreprises qui versent les plus hauts salaires (les 30 % les plus élevés), 66 % des travailleurs bénéficient de l’intéressement et de la participation, alors que dans celles qui versent les plus bas salaires (30 % les plus bas), seuls 19 % en reçoivent.

([78]) Entreprise individuelle.

([79]) Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.

([80]) Dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 8 août 2015.

([81]) Dans leurs versions en vigueur du 8 août 2015 au 24 mai 2019.

([82]) Issu de l’article 155 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

([83]) Issu de l’article 154 de la loi « Macron ».

([84]) Cette date a été décalée au 31 décembre 2021 par le 1° du II. de l’article 118 de la loi « ASAP ».

([85]) Rapport fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, n° 370, enregistré à la présidence du Sénat le 25 mars 2015, page 407.

([86]) Étude d’impact du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, pages 502 et 503.

([87]) Cette définition du seuil de 50 salariés était formulée au premier alinéa de l’article L. 3322-2 du code du travail, dans sa version en vigueur du 8 août 2015 au 1er janvier 2019.

([88]) Compte-rendu des débats en séance publique du 29 janvier 2019.

([89]) La participation des salariés à la gouvernance d’entreprise : quel impact sur la performance et la politique de distribution des liquidités dans le SBF 120 (2000‑2014) ? Revue Économie et statistique, n° 528-529, 2021.

([90]) La troisième proposition correspond à l’article 33 de l’ANI, présentée au 5° de cette sous-partie.

([91]) Source : CMA France, réponse au questionnaire. Enquête annuelle réalisée auprès de plus de 100 000 dirigeants de TPE/PME, principalement âgés de 50 ans et plus, de tous secteurs d’activités et de toute la France (métropolitaine et ultra-marine).

([92])  Le « pacte Dutreil » a été mis en place par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 . Il permet, sous conditions, d’appliquer une fiscalité favorable à la transmission d'une entreprise familiale (exonération de droits de mutation à titre gratuit), suite à un décès ou à une donation.

([93]) Source : réponse au questionnaire.

([94]) Source : réponse au questionnaire.

([95])  « La répartition ne dépendrait pas du nombre d’heures travaillées mais de l’ancienneté dans l’entreprise sur le principe « 1 mois travaillé équivaut à 1 point ». Les arrêts de travail et accidents du travail sont exclus, mais les congés maternité / paternité sont inclus dans les mois travaillés. Une règle de trois, fonction du nombre total de points et du montant net distribué, répartit la somme entre salariés et anciens salariés ». Source : réponse au questionnaire.

([96]) Source : réponse au questionnaire.

([97]) Croissance plus, réponse au questionnaire.

([98]) Interview dans Dalloz Editions législatives

  https://www.editions-legislatives.fr/actualite/laccord-va-permettre-a-700-000-voire-un-million-de-salaries-de-beneficier-a-partir-de-2025-dun-syste/

([99]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/6005365?sommaire=6005379

([100]) Source :https://www.finance-fair.org/sites/default/files/2022-06/Barom%C3%A8tre%20de%20la%20finance%20solidaire%20-%202022-2023.pdf

L’association FAIR (Financer, accompagner, impacter, rassembler) met en œuvre le label finansol qui a vocation d’identifier les produits d’épargne solidaire parmi autres produits d’épargne.

([101])  Source : réponses aux questionnaires.

([102])  Source : réponses aux questionnaires.

([103])  La SCOP a comme particularité de disposer d'une gouvernance démocratique : les salariés qui ont le statut d'associé (tous les salariés ayant vocation à le devenir) sont obligatoirement associés majoritaires de la société. Un pourcentage minimal du résultat doit également être reversé aux salariés, et les dividendes sont plafonnés de sorte que l’ensemble des actionnaires ne puisse recevoir davantage que l’ensemble des salariés.

([104])  Article R. 3323-10 du code du travail.

([105])  « L’intéressement collectif dans la fonction publique », rapport de M. Michel Diefenbacher, député en mission auprès du Gouvernement, mai 2009.

([106])  Décret n° 2011-1038 du 29 août 2011 instituant une prime d'intéressement à la performance collective des services dans les administrations de l'État.

([107])  Décret n° 2012-624 du 3 mai 2012 pris en application de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et fixant les modalités et les limites de la prime d'intéressement à la performance collective des services dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

([108])  Décret n° 2020-255 du 13 mars 2020 pris pour l'application de l'article 78-1 de la loi du 9 janvier 1986 et portant création d'une prime d'intéressement collectif lié à la qualité du service rendu dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986.

([109])  Circulaire du 29 août 2011 relative à la mise en place d'une prime d'intéressement à la performance collective des services dans les administrations de l'État et ses établissements publics.

([110])  « Il est recommandé aux ministres de privilégier la concertation avec les représentants des personnels dans la mise en œuvre de la prime d'intéressement. »

([111])  Toutefois, le CIA s’apparente parfois dans les faits à une prime collective, quand il est versé à montants égaux pour l’ensemble des membres d’un service, notamment quand l’individualisation de la mesure des résultats est difficile (activités de guichet par exemple).

([112])  Décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État.

([113])  Décret n°2004-731 du 21 juillet 2004 portant création d'une prime de résultats exceptionnels dans la police nationale.