N° 1195

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

En application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur l’évaluation de l’impact de la loi 2018515 du 27 juin 2018 pour
un nouveau pacte ferroviaire

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

 

M. Emmanuel MAQUET,

Corapporteur,

M. David VALENCE,

Corapporteur,

 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

PARTIE I : L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE, un levier d’amÉlioration et de dÉveloppement des services de TRANSPORT FERROVIAIRE DOMESTIQUE DE VOYAGEURS

I. Le contexte d’adoption et le cadre juridique issu de la loi « PACTE FERROVIAIRE »

A. la nÉcessitÉ d’une transformation du systÈme ferroviaire français pour en amÉliorer l’efficacitÉ

B. L’ambition europÉenne d’un espace ferroviaire unique ouvert À la concurrence

C. La loi « pacte ferroviaire » a permis de fixer un cadre juridique complet pour l’ouverture À la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs

1. Réformer la gouvernance du groupe public SNCF pour améliorer son efficacité et garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures dans le nouveau contexte concurrentiel

2. Déployer de façon progressive et encadrée l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs pour les services librement organisés ainsi que les services publics conventionnés

3. Réformer le cadre d’emploi des salariés du ferroviaire de façon à renforcer l’équité au sein de la branche

II. les expÉriences europÉennes ont démontrÉ des effets bÉnÉfiques pour le rail et les usagers

A. Un dÉveloppement À la fois quantitatif et qualitatif de l’offre proposÉe

B. Une diminution des coÛts de production des services de transport ferroviaire aux effets différenciÉs selon les services considérÉs

1. Pour les services librement organisés

2. Pour les services publics conventionnés

PARTIE II : Une concrÉtisation progressive mais inÉgale de l’ouverture À la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs

I. Services publics conventionnÉs : plusieurs rÉgions ont amorcÉ le processus d’ouverture À la concurrence dans l’objectif d’amÉLiorer leurs services ferroviaires

A. Un rythme d’engagement trÈs inégal d’une rÉgion À l’autre

1. Cinq régions ont d’ores et déjà lancé des appels d’offres

2. Un calendrier à moyenne échéance pour d’autres régions

3. Un rythme de déploiement satisfaisant et soutenable, appelé à s’amplifier dans les prochaines années

B. l’ouverture À la concurrence est un dÉfi d’ampleur pour les rÉgions qui nÉcessite de lever certaines barriÈres

1. L’ouverture à la concurrence constitue une opportunité historique pour développer l’expertise et le pilotage opérationnel des autorités organisatrices de la mobilité régionales

2. La jurisprudence a permis de clarifier le processus de transmission des données prévu par la loi, de l’opérateur historique aux régions

3. Le transfert du matériel roulant et des centres de maintenance

4. Les modalités de transfert des personnels en cas de changement d’attributaire sont désormais stabilisées mais restent à expérimenter sur le terrain

a. Le cadre juridique est stabilisé

b. Des imprécisions sur les postes transférés dans les appels à volontariat

5. De premiers projets sont engagés par les régions pionnières pour simplifier l’information et la billettique pour les voyageurs

C. L’Ouverture À la concurrence des trains d’Équilibre du territoire, À la charge de l’État, est balbutiante

II. L’ouverture À la concurrence des services librement organisÉs de voyageurs : un rÉseau français attractif mais un dÉploiement encore limitÉ

A. Les notifications À l’ART tÉmoignent de l’intÉrÊt du rÉseau français pour les opÉrateurs ferroviaires

1. La notification des nouveaux services librement organisés

2. Le réseau français suscite l’intérêt des opérateurs ferroviaires

B. La ligne Paris-Lyon, unique concrÉtisation À ce jour de l’ouverture À la concurrence

1. L’arrivée de Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon

2. Un effet sur le trafic et le niveau moyen du prix des billets

C. Des freins structurels expliquant la concrÉtisation lente de l’ouverture À la concurrence

1. Des difficultés de financement pour les nouveaux entrants sur les marchés

2. L’accès au matériel roulant peut constituer un frein à l’entrée sur le marché

a. Pour les opérateurs historiques étrangers

b. Pour les nouveaux entrants

3. Des niveaux de péages susceptibles de freiner l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché

III. l’accÈs À Un rÉseau de qualitÉ reste une condition essentielle pour rÉussir le dÉploiement de l’ouverture À la concurrence

A. Un rÉseau À fort potentiel mais vieillissant et posant des problÈmes d’accEssibilitÉ aux opÉrateurs et aux rÉgions

B. La nÉcessitÉ d’un effort soutenu et constant des investissements de modernisation et de rÉgÉnÉration dans le rÉseau

C. Un rÉgulateur puissant garantit les conditions d’un accÈs transparent et Équitable au rÉseau

Partie III : des Évolutions notables de la gouvernance et de la situation financiÈre du groupe sncf mais un cadre social fragile À consolider

I. BILAN de la rÉForme de la gouvernance du groupe SNCF

A. une gouvernance du groupe sncf plus lisible et adaptÉe au contexte de l’ouverture À la concurrence

1. Objectifs et contenu de la réforme de la gouvernance du groupe SNCF

2. La transformation en sociétés anonymes à capitaux publics a permis de commencer à responsabiliser davantage les entités du groupe SNCF

3. L’indépendance du gestionnaire d’infrastructures demeure questionnée

B. Le gestionnaire de gares bÉnéficie d’un nouveau statut prometteur

1. La gestion des gares de voyageurs a été unifiée au sein de SNCF Gares & Connexions devenue filiale autonome de SNCF Réseau

2. Le gestionnaire des gares manque encore de moyens pour véritablement faire évoluer le modèle de gestion des gares en France

II. Le Bilan social de la rÉforme

A. La fin du statut : Un effet difficilement quantifiable sur l’attractivitÉ des emplois

1. La fin du recrutement au statut pour les nouveaux agents

2. Un impact difficile à évaluer sur l’attractivité des emplois proposés

B. UN dialogue social dont le cadre est toujours en cours de stabilisation

1. L’établissement d’un cadre commun de dialogue social

2. La définition des règles applicables à la branche est encore en cours

III. Une amÉlioration de la situation financiÈre dE SNCF RÉseau

A. La rÉforme de 2018 vise À assainir les finances de SNCF RÉseau via la reprise de la dette et le renforcement de la rÈgle d’or

1. Une reprise de 35 milliards d’euros de dette

2. Le renforcement de la règle d’or financière

B. Une situation financiÈre de SNCF RÉseau plus saine mais qui demeure fragile

1. Une prévision d’assainissement de la situation financière dont les fondements demeurent incertains

2. Une contrainte financière susceptible de nuire à la qualité du réseau et de la limiter à son maintien en l’état

Examen du rapport en commission

Liste des personnes auditionnÉes

 


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   Introduction

L’adoption de la loi n° 2018‑515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, motivée par le contexte européen d’ouverture à la concurrence et la volonté de répondre aux insuffisances du système ferroviaire national, a fixé le cadre juridique nécessaire à l’ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs et profondément réformé la gouvernance du groupe SNCF ainsi que le cadre d’emploi des salariés du secteur ferroviaire.

Près de cinq ans après l’adoption de la loi, ce cadre juridique ambitieux, qui aura nécessité l’élaboration de nombreux textes d’application et d’ordonnances à l’issue de l’adoption de la loi ([1]), apparaît désormais achevé, stabilisé et en bonne voie d’appropriation par l’ensemble des acteurs concernés, même si deux décrets se font encore attendre.

Le processus d’ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs peut ainsi être progressivement mis en œuvre tant sur le segment des services librement organisés que celui des services publics conventionnés. À ce stade, dresser un bilan exhaustif de l’ouverture à la concurrence serait néanmoins prématuré dans la mesure où les services librement organisés de voyageurs ne sont ouverts à la concurrence que depuis le 13 décembre 2020 et l’attribution concurrentielle des contrats portant exploitation d’un service conventionné de transport ferroviaire de voyageurs ne sera obligatoire qu’à compter du 25 décembre 2023.

Les premiers constats sont toutefois encourageants. Pour les services librement organisés, le marché français présente un potentiel important, comme en témoignent les quarante-deux notifications reçues par l’Autorité de régulation des transports (ART) depuis 2019. Depuis décembre 2021, l’arrivée de l’opérateur Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon a permis une augmentation de l’offre et de la demande de trajets, ainsi qu’une légère baisse des prix, conformément aux bénéfices attendus de l’ouverture à la concurrence pour les usagers, et observés dans d’autres pays européens.

Pour les services publics conventionnés, en particulier les services d’intérêt régional (TER), le volontarisme de certaines régions par rapport au calendrier fixé dans la loi, comme la région Sud, qui a attribué de façon concurrentielle l’exploitation de la ligne Marseille-Nice à l’opérateur Transdev dès 2021, ou encore la région Hauts-de-France dont l’appel d’offres sur son lot « Étoile ferroviaire d’Amiens » a récemment abouti, témoigne du fait que les autorités organisatrices, et plus particulièrement les régions, se saisissent pleinement des possibilités offertes par la loi de 2018. À ce jour, les trois contrats de service public ayant été attribués à l’issue d’une procédure de mise en concurrence ([2]) ont engagé l’opérateur choisi à améliorer de façon substantielle l’offre et la qualité de service sur la ligne concernée, à coût a minima inchangé pour l’autorité organisatrice.

Toutefois, afin que l’ouverture à la concurrence puisse produire pleinement et à grande échelle ses bénéfices attendus, plusieurs freins d’ordre organisationnel, financier, technique et social, restent à lever.

Dans le cadre de cette mission d’évaluation, l’ensemble des acteurs concernés par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et le déploiement de l’ouverture à la concurrence ont pu être entendus. Vos rapporteurs ont en particulier tenu à échanger avec les différentes entités du groupe SNCF, des opérateurs ferroviaires concurrents (Trenitalia, Transdev, Railcoop) et leurs représentants (Association française du rail, Union des transports publics et ferroviaires), l’ensemble des organisations syndicales représentatives des salariés du ferroviaire, des autorités organisatrices régionales ayant fait des choix divers quant à l’ouverture à la concurrence, ainsi que la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT).

Ces auditions ont permis d’identifier de nombreux obstacles persistants à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, tels que l’état vieillissant du réseau ferré national, le niveau élevé des redevances d’infrastructures, l’accès au matériel roulant, ou encore, certaines fragilités du modèle de gouvernance de la SNCF, notamment concernant l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures. Ces freins semblent peser tout particulièrement sur le marché des services librement organisés en « open access ». Les opérateurs ferroviaires concurrents tendent à manquer de garanties sur leurs bénéfices d’exploitation potentiels alors même que les investissements financiers exigés sont massifs et majorés par l’absence d’un marché constitué pouvant faciliter l’accès à du matériel roulant d’occasion.

Concernant les services d’intérêt régional, le rythme de déploiement de l’ouverture à la concurrence apparaît davantage assuré. Les freins rencontrés spécifiquement par les régions, concernant notamment la transmission des données nécessaires à l’élaboration des appels d’offres par l’opérateur historique, l’organisation des transferts de matériel roulant et des centres de maintenance, ou encore les inquiétudes suscitées par les transferts de personnel en cas de changement d’opérateur, semblent plutôt en voie de résolution.

Ces régions identifient le déploiement de l’ouverture à la concurrence de leur réseau comme un véritable levier de développement de leur offre de transport et d’amélioration de la qualité de service au bénéfice des usagers, ainsi qu’une opportunité historique pour assurer pleinement leur rôle en tant qu’autorité organisatrice.

Le bilan du déploiement de l’ouverture à la concurrence en France apparaît donc à ce jour encourageant. Le processus est appelé à se poursuivre et s’amplifier dans les prochaines années afin que les voyageurs et les usagers puissent en retirer, à grande échelle, les bénéfices attendus.

Les travaux menés dans le cadre de cette mission d’évaluation confirment toutefois que la qualité du réseau ferré national ainsi que la fiabilité de son accès demeurent des points sensibles et déterminants pour réussir l’amélioration des services de transport ferroviaire existants et le développement de nouveaux services. Il existe un lien nécessaire entre le rajeunissement indispensable de notre réseau ferré et l’intérêt pour les entreprises ferroviaires à se positionner sur des lignes ouvertes à la concurrence. Les investissements sur le réseau ferroviaire existant devront être continus, constants et lisibles pour le régénérer et moderniser ses infrastructures à la hauteur des ambitions. Le choc d’offre attendu ne pourra avoir lieu sur un réseau dégradé.

Les auditions ont également mis en évidence que les conditions sociales de l’ouverture à la concurrence, trop souvent assimilée, à tort, à une privatisation, continuent de susciter la crainte des salariés du groupe SNCF, notamment dans le cadre des transferts de personnels en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport de voyageurs. La défiance rencontrée sur le terrain est un vrai défi pour l’opérateur historique, pour les entreprises ferroviaires et pour les autorités organisatrices.

Vos rapporteurs souhaitent que ces travaux nourrissent les réflexions sur les réformes à engager pour réussir l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs, telle qu’engagée par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Un déploiement ambitieux devrait contribuer, parmi d’autres facteurs, à un report modal massif attendu vers le train et indispensable à la décarbonation du secteur des transports.


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   PARTIE I : L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE, un levier d’amÉlioration et de dÉveloppement des services de TRANSPORT FERROVIAIRE DOMESTIQUE DE VOYAGEURS

I.   Le contexte d’adoption et le cadre juridique issu de la loi « PACTE FERROVIAIRE »

A.   la nÉcessitÉ d’une transformation du systÈme ferroviaire français pour en amÉliorer l’efficacitÉ

La loi n° 2018‑515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire constitue, à l’époque de son élaboration, un approfondissement de la réforme amorcée par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ainsi qu’une réponse aux problématiques soulevées par le rapport sur l’avenir du transport ferroviaire de M. Jean-Cyril Spinetta, publié le 15 février 2018.

La réforme de 2014 fixe en effet les premières bases de la rénovation du système ferroviaire français et du déploiement de l’ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs. Elle modifie l’ancienne organisation de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) afin de créer un « groupe public ferroviaire » (GPF) composé de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) : « SNCF de tête » ayant vocation à piloter l’ensemble des missions du groupe ; SNCF Réseau chargé de l’entretien et de la gestion de l’infrastructure ferroviaire ; et enfin, SNCF Mobilités, opérateur ferroviaire chargé de l’exploitation des services de transport ferroviaire.

Elle met également en place de premières mesures pour répondre aux difficultés financières du groupe public ferroviaire, en particulier une « règle d’or » contraignante pour l’endettement du groupe, et un contrat de performance entre l’État et chaque EPIC, qui vise notamment à fixer des objectifs d’investissement, d’exploitation et de performance et mettre un terme à la dette du gestionnaire de réseau sur dix ans.

La loi du 4 août 2014 élargit également le pouvoir de contrôle de l’Autorité de régulation des transports (ART), notamment via l’octroi d’un droit de veto sur la nomination du président du conseil d’administration du gestionnaire de réseau dans le cas où celui-ci ne présenterait pas de garanties d’indépendance suffisantes.

Enfin, elle prévoit déjà la négociation d’une convention collective de branche afin de mettre en place un socle commun de règles pour les salariés du secteur ferroviaire.

Ce faisant, la réforme de 2014 visait à répondre à plusieurs problématiques structurelles du monde ferroviaire, et à préparer l’ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs. Pour autant, elle s’est révélée insuffisante pour mettre un terme au manque d’efficacité du secteur. Plus de trois ans après, le rapport de M. Jean-Cyril Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, remis au Gouvernement en février 2018, dresse le constat d’un système ferroviaire français attractif mais dont le potentiel demeure entravé par de nombreux freins, notamment le manque d’investissement sur l’intégralité du réseau ferré, l’ampleur de la dette de SNCF Réseau, les difficultés de négociations de la convention collective de branche et les défauts persistants de gouvernance du groupe public.

Ce rapport entérine la nécessité d’une réforme plus approfondie du système ferroviaire de façon à permettre son adaptation à l’ouverture à la concurrence et construire un nouveau contrat social avec les cheminots.

B.   L’ambition europÉenne d’un espace ferroviaire unique ouvert À la concurrence

Les « paquets ferroviaires » européens successifs, et notamment le quatrième consacré à l’ouverture du marché intérieur de transport ferroviaire de voyageurs des États membres, ont également joué un rôle décisif dans l’élaboration de la loi « pacte ferroviaire ».

L’Union européenne poursuit l’objectif d’établir « un espace ferroviaire unique européen », c’est-à-dire un marché intérieur unique dans lequel les entreprises ferroviaires de tous les pays de l’Union seraient libres de fournir des services de transport ferroviaire (nationaux et internationaux, fret et passagers) sur l’ensemble du réseau du territoire européen. Dans un contexte où les systèmes et réseaux ferroviaires se sont historiquement constitués de façon différenciée à l’échelle de chaque État membre, l’élaboration d’un tel espace nécessite le dépassement de nombreuses barrières tant juridiques que techniques et se fait par étapes depuis les années 1990 via l’adoption successive de « paquets » législatifs qui ont fait l’objet de transpositions en droit national.

Le premier paquet ferroviaire, issu notamment de la directive 2001/12/CE ([3]), acte l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire transeuropéen de marchandises. Au travers du second paquet ferroviaire ([4]), l’Union européenne généralise l’ouverture à la concurrence aux autres services de marchandises (fret international et domestique) et crée l’Agence européenne pour les chemins de fer dont la mission est d’améliorer l’interopérabilité et la sécurité du système ferroviaire de l’Union ([5]). En France, la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports crée en parallèle l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Le troisième paquet ferroviaire ([6]), transposé en droit national par la loi dite « ORTF » de 2009 ([7]), organise l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire international de voyageurs.

La directive dite « refonte » de 2012 ([8]) reprend et réaffirme les principes des trois paquets législatifs précédents. Elle consacre notamment le principe de la séparation, tant organisationnelle que comptable, entre l’exploitation des services de transport ferroviaire et la gestion de l’infrastructure. Elle intègre également de nouvelles exigences, comme par exemple la mise en place d’un contrat de performance économique pour les gestionnaires d’infrastructures et l’élargissement des missions des autorités indépendantes de régulation (l’ART en France). La loi de 2014 précitée a notamment introduit ses dispositions dans le droit français.

Les textes composant le quatrième paquet ferroviaire se divisent entre un pilier technique et un pilier politique :

– le premier pilier ([9]) concerne en particulier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes ferroviaires au sein de l’Union. Il accroît également les pouvoirs de contrôle de l’Agence ferroviaire européenne. Ce pilier dit technique a été transposé en droit français par l’ordonnance n° 2019-397 du 30 avril 2019 ([10]) prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 30 de la loi « pacte ferroviaire » ;

– le second pilier ([11]) concerne plus spécifiquement les modalités d’ouverture à la concurrence des services nationaux de transport de voyageurs et de gouvernance du système ferroviaire. Il prévoit notamment que l’ouverture à la concurrence s’applique à compter de décembre 2020 pour les services librement organisés et en décembre 2023 pour les services publics conventionnés, selon le principe de l’attribution concurrentielle des contrats de service public ferroviaire. Toutefois, l’Union laisse la possibilité aux autorités organisatrices de choisir entre l’attribution directe ou la mise en concurrence pendant une période de transition de quatre ans. Ce calendrier a été transposé par le législateur français dans la loi « pacte ferroviaire ».

Par cette réforme décisive, l’Union a ainsi engagé la dernière étape de l’ouverture à la concurrence de l’espace ferroviaire européen. La loi du 27 juin 2018 avait donc vocation à transposer l’ambition européenne afin de permettre une ouverture à la concurrence du transport ferroviaire français élargie au transport national de voyageurs, efficace, écologique et fiable. Il est à noter que plusieurs États européens s’étaient engagés dans des procédures comparables parfois longtemps avant la France.

C.   La loi « pacte ferroviaire » a permis de fixer un cadre juridique complet pour l’ouverture À la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs

À la croisée d’ambitions nationales et européennes, la loi n° 2018‑515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire pose un cadre juridique ambitieux visant à transformer le système ferroviaire dans son ensemble et permettre une ouverture à la concurrence progressive et encadrée des services nationaux de transport de voyageurs.

Ce cadre légal a été complété progressivement après l’adoption de la loi par quatre ordonnances ([12]) prises sur le fondement des habilitations prévues aux articles 5, 11, 22, 25, 28, 30, 33 et 34 de la loi, ainsi que de nombreux décrets d’application ([13]). Il repose sur trois piliers principaux :

– la transformation de la structure et de la gouvernance du groupe SNCF, et notamment le passage au statut juridique de sociétés anonymes pour les entités le constituant ;

– le déploiement progressif de l’ouverture à la concurrence du transport intérieur de voyageurs à compter de décembre 2019 pour les trains régionaux et les trains d’équilibre du territoire (TET) et de décembre 2020 pour les lignes à grande vitesse ;

– la réforme du cadre d’emploi des salariés du ferroviaire.

1.   Réformer la gouvernance du groupe public SNCF pour améliorer son efficacité et garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures dans le nouveau contexte concurrentiel

L’article 1er de la loi acte la transformation des trois EPIC (SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau) en sociétés anonymes à capitaux publics réunies au sein d’un « groupe public unifié ». Depuis le 1er janvier 2020, la SNCF est ainsi composée de trois sociétés anonymes dont la société nationale SNCF « mère », à laquelle sont rattachées ses deux filiales SNCF Réseau (gestionnaire d’infrastructures) (article L. 2111‑9 du code des transports) et SNCF Mobilités devenu SNCF Voyageurs (exploitant ferroviaire) (article L. 2141‑1). À rebours de toute privatisation, l’article 1er de la loi prévoit que le capital de la société nationale SNCF demeure intégralement détenu par l’État et son capital, « incessible » (article L. 2101-1).

La gestion des gares de voyageurs a été également réunifiée et confiée à une filiale dédiée de SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, de façon à garantir un accès équitable et transparent aux gares pour les différents opérateurs ferroviaires potentiels. Les missions de cette filiale, dotée d’une « autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière » (5° de l’article L. 2111‑9), sont précisées aux articles L. 2111‑9‑1 à L. 2111‑9‑3.

Enfin, l’article 2 de la loi établit une nouvelle règle d’or pour SNCF Réseau inscrite à l’article L. 2111‑10‑1 du code des transports visant à maîtriser son endettement et encadrer ses investissements.

La transformation du groupe public ferroviaire et notamment, l’édiction des garanties propres à assurer l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures, a été par la suite achevée par ordonnances, en particulier l’ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF prise sur le fondement de l’article 5 de la loi qui habilitait le Gouvernement à légiférer « pour assurer la transformation du groupe public ferroviaire (…) dans le contexte de l’achèvement de l’ouverture à la concurrence (…). »

2.   Déployer de façon progressive et encadrée l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs pour les services librement organisés ainsi que les services publics conventionnés

Pour les services librement organisés, l’article 8 de la loi prévoit une ouverture à la concurrence dans le cadre d’une concurrence dite sur le marché (« open access ») à compter du 1er janvier 2019 pour les demandes d’accès au réseau en vue d’une ouverture effective des services à compter du 12 décembre 2020. Ce même article prévoit que les demandes d’ouverture de nouveaux services soient notifiées et contrôlées par l’Autorité de régulation des transports (articles L. 2121-12 et L. 2133-1 du code des transports). La procédure a été précisée par le décret d’application n° 2018-1275 du 26 décembre 2018 relatif à l’obligation de notification des offres de services de transport ferroviaire de voyageurs et à la procédure du test de l’équilibre économique.

Pour les services publics conventionnés (trains régionaux et trains dits d’équilibre du territoire ou « Intercités »), la loi prévoit, dans le cadre d’une concurrence dite pour le marché, que les régions puissent procéder à une attribution concurrentielle de leurs contrats de service public de façon volontaire à compter du 3 décembre 2019, et de façon obligatoire à compter du 25 décembre 2023 à l’expiration du contrat de service public en cours ([14]).

La loi « pacte ferroviaire » définit précisément le régime applicable, en particulier :

– les règles générales applicables aux contrats de services publics de transport ferroviaire de voyageurs attribués après publicité et mise en concurrence par les autorités organisatrices de la mobilité (articles 13 et 14 de la loi et chapitre Ier bis du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports) ;

– l’obligation de transmission d’informations relatives à l’organisation ou l’exécution de services publics de transport par l’opérateur historique (article L. 2121-19 du code des transports, précisé par le décret n° 2019‑851 du 20 août 2019) ;

– les modalités et garanties sociales relatives au transfert des salariés en cas de changement d’opérateur de transport ferroviaire (articles 16 et 17 de la loi et articles L. 2121-20 à L. 2121-27 du code des transports). Ces garanties ont été complétées par un accord de branche signé le 6 décembre 2021, communément qualifié de « sac à dos social » ;

– les modalités de transfert des matériels roulants et des centres de maintenance aux autorités organisatrices de la mobilité (article 21 de la loi).

La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a apporté des compléments à ce cadre légal, notamment en renforçant le rôle des régions en matière de transferts de gestion de l’infrastructure ferroviaire et de certaines gares.

3.   Réformer le cadre d’emploi des salariés du ferroviaire de façon à renforcer l’équité au sein de la branche

Dans l’objectif d’harmoniser les conditions de recrutement et d’emploi de l’ensemble des salariés du secteur suite à l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché ferroviaire, la loi a acté la fin des recrutements de personnels soumis au statut de cheminots à compter du 1er janvier 2020 au sein du groupe SNCF (article 3) et confié aux négociations collectives entre partenaires sociaux (déjà engagées en amont de la loi) l’harmonisation des règles sociales pour tous les salariés du secteur ferroviaire. Ces négociations de branche ont abouti à l’accord du 6 décembre 2021 relatif aux classifications et aux rémunérations dans la branche ferroviaire.

Deux décrets d’application restent encore à prendre rapidement : le décret d’application concernant la possibilité de fixer des tarifs sociaux (article 25 de la loi) et celui portant sur l’adaptation au nouvel environnement concurrentiel de dispositions du décret n° 2016-327 du 17 mars 2016 ([15]). Toutefois, vos rapporteurs ont pu constater que le cadre juridique issu de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire est globalement achevé. Il fait l’objet d’une bonne appropriation par la grande majorité des acteurs auditionnés qui ont souligné son ambition et son exhaustivité.

Pour autant, comme le rappelle le rapport récent publié par l’ART ([16]), si le cadre législatif et réglementaire est désormais stabilisé, « de nombreuses problématiques organisationnelles, de gouvernance, techniques, économiques et financières demeurent ». Avant d’aborder ces freins à l’application opérationnelle de la loi « pacte ferroviaire », vos rapporteurs souhaitent revenir sur les bénéfices attendus de l’ouverture à la concurrence. L’amélioration des services ferroviaires tant pour les usagers que pour le système ferroviaire dans son ensemble a pu être largement mise en évidence dans d’autres pays européens ayant ouvert à la concurrence bien avant la France.

II.   les expÉriences europÉennes ont démontrÉ des effets bÉnÉfiques pour le rail et les usagers

En 2017, à la veille de l’adoption de la loi « pacte ferroviaire », la France faisait partie des huit pays sur vingt-quatre pays européens qui n’avaient pas encore ouvert leurs services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence. Sur les seize autres pays qui avaient procédé à l’ouverture de leur marché de façon anticipée par rapport au calendrier fixé dans le quatrième paquet ferroviaire européen, la concurrence était effective dans douze pays ([17]).

La France était l’un des derniers grands réseaux européens dont les services domestiques de transport de voyageurs n’étaient pas ouverts à la concurrence. Celle‑ci était déjà effective en Suède depuis 1990, au Royaume-Uni depuis 1994, en Italie depuis 2003 et en Allemagne depuis 2014. Ces exemples d’ouverture à la concurrence ont été riches d’enseignement sur les effets attendus de l’ouverture.

A.   Un dÉveloppement À la fois quantitatif et qualitatif de l’offre proposÉe

Au regard des expériences étrangères, l’ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs a plutôt un effet positif sur l’offre proposée. Au Royaume-Uni, en Suède, en Italie et en Allemagne, la progression de l’offre, mesurée en trains-kilomètres, a été comprise entre 8 % et 18 % entre 2010 et 2019. À l’inverse, en Belgique et en France, pays qui n’avaient pas ouvert leurs marchés domestiques à la concurrence, l’offre diminue ou stagne sur la période considérée.

croissance de l’offre de services ferroviaires entre 2010 et 2019 en europE

(en %)

 

Allemagne

Italie

Royaume-Uni

Suède

Belgique

France

Croissance du nombre de trains.km entre 2010 et 2019

+7 %

+18 %

+ 8 %

+ 16 %

0 %

- 4 %

Source : données Rail Market Monitoring

Lorsque plusieurs opérateurs sont en concurrence directe, la progression de l’offre est la plus significative, permettant ainsi un accroissement de la fréquence des trains pour les voyageurs. Ainsi, sur l’axe principal Turin-Milan-Rome-Naples, l’arrivée de l’opérateur NTV en Italie en 2012 a conduit à une augmentation de près de 45 % par rapport à l’offre initialement existante proposée par l’opérateur historique Trenitalia ([18]).

En Espagne, l’arrivée de l’opérateur Ouigo en avril 2021 sur l’axe Barcelone-Madrid puis de l’opérateur IRYO en novembre 2022 a permis une hausse du trafic de passagers de 45 % ([19]).

L’arrivée de nouveaux entrants sur le marché favorise également les stratégies de différenciation entre les opérateurs qui peuvent chercher à accroître la qualité de service proposée aux voyageurs. Ainsi, l’arrivée de NTV a permis une amélioration des services à bord. Les passagers de première classe disposent d’un accès à des écrans vidéos individuels, de salles de réunion et de services de repas froids. L’ensemble des voyageurs jouissent d’un accès Wi-Fi gratuit et d’un système de sécurité par vidéosurveillance pour sécuriser les espaces bagages. En réaction, l’opérateur historique Trenitalia a renouvelé son matériel roulant et proposé quatre classes de services.

L’ouverture à la concurrence se traduit par une hausse de la demande de transport ferroviaire. La Commission européenne estime qu’entre 2010 et 2019, la fréquentation, en nombre de passagers-kilomètres, a progressé de 31 % en Suède, 29 % au Royaume-Uni et 21 % en Allemagne ([20]). Sur la même période, le nombre de passagers-kilomètres n’a progressé que de 9 % en France.

La croissance de la demande de transport ferroviaire favorise le report modal vers le ferroviaire. Dans les trois pays européens ayant ouvert leur marché à la concurrence dès les années 1990, la part modale du ferroviaire a davantage augmenté que dans la moyenne de l’Union européenne ([21]). En Italie, l’introduction de nouveaux services à grande vitesse sur la ligne Rome-Milan a profondément fait évoluer les parts modales de l’avion, de la voiture et du tain.

B.   Une diminution des coÛts de production des services de transport ferroviaire aux effets différenciÉs selon les services considérÉs

1.   Pour les services librement organisés

L’ouverture à la concurrence des services librement organisés a conduit, dans les États européens, à une baisse des prix payés par les voyageurs. En Suède, l’arrivée du nouvel opérateur MTR Express en 2015 sur la ligne Stockholm - Göteborg a entraîné une baisse des prix de 12,8 % entre 2015 et 2016 ([22]). En République tchèque, l’arrivée d’un concurrent en 2011 sur la ligne Prague-Ostrava a fait chuter les prix de 46 % entre 2011 et 2014 ([23]). En Italie, l’arrivée de NTV sur le marché italien a conduit à une baisse du prix des billets de 31 % sur le trajet Milan-Rome entre 2011 et 2012 du fait des prix plus bas pratiqués par le nouvel opérateur et des baisses de tarifs appliquées par Trenitalia.

2.   Pour les services publics conventionnés

L’ouverture à la concurrence dans les autres États européens a systématiquement conduit à une baisse des coûts de production des services de transport ferroviaire du fait de l’incitation, pour les opérateurs, à réduire leurs coûts d’exploitation, via les procédures d’appels d’offres. Ainsi, en Allemagne, l’ouverture à la concurrence des trains régionaux a permis de réduire de 30 % les coûts d’exploitation.

La baisse des coûts d’exploitation provoquée par l’ouverture à la concurrence peut donc libérer des marges de manœuvre financière pour les autorités organisatrices, qui peuvent faire le choix de réduire les subventions versées aux titulaires des contrats de service public ou de baisser les prix payés par les usagers. L’expérience montre que la baisse des concours publics est la solution privilégiée, comme cela a été le cas en Allemagne et en Italie, où la part des concours publics dans les recettes globales des services conventionnés a été réduite.


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   PARTIE II : Une concrÉtisation progressive mais inÉgale de l’ouverture À la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs

Cinq ans après l’adoption de la loi et près de deux ans après la stabilisation de son cadre réglementaire d’application, l’ouverture à la concurrence des services domestiques de transport ferroviaire n’apparaît pas encore déployée à grande échelle en France. Ses bénéfices sont donc encore faiblement mesurables et concrètement perçus par les usagers. À ce jour, seul un nouveau service librement organisé directement concurrent de l’offre de SNCF Voyageurs s’est constitué avec l’entrée sur le marché de la ligne à grande vitesse « Paris-Lyon » de l’opérateur italien Trenitalia depuis décembre 2021. Si plusieurs régions se sont d’ores et déjà engagées dans l’élaboration d’appels d’offres, seuls trois contrats de service public ont été attribués à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, dont un à un opérateur concurrent à SNCF Voyageurs, Transdev.

Ce rythme de déploiement ne doit ni surprendre ni inquiéter à plusieurs égards. Les retours d’expérience en Europe témoignent du fait que les rythmes d’ouverture à la concurrence sont toujours progressifs. La loi « pacte ferroviaire » aménage elle‑même un calendrier par étapes pour les services publics conventionnés ; les régions n’ayant l’obligation de procéder à une attribution concurrentielle de leurs contrats de service public qu’à compter de décembre 2023. L’élaboration et l’aboutissement des appels d’offres par les autorités organisatrices nécessitent plusieurs années. À ce jour, ni les opérateurs ni les autorités organisatrices ne sont encore en mesure de prendre en charge de multiples appels d’offres. De ce point de vue, un rythme de déploiement plus intense ne serait certainement pas soutenable.

Sur le segment des services librement organisés, le processus apparaît bien amorcé par l’arrivée de Trenitalia, et bientôt de la Renfe sur le marché de la grande vitesse, et surtout préparé par d’autres opérateurs concurrents qui ont pu notifier à l’ART leur intention d’exploiter de nouveaux services ferroviaires.

À ce stade, l’ouverture à la concurrence apparaît surtout comme un processus très récemment amorcé en France et dont le rythme de déploiement s’inscrira nécessairement dans le temps long.

Pour autant, pour que le processus se poursuive et s’amplifie de façon efficace et bénéfique pour les usagers et le système ferroviaire, des freins d’ordre moins juridique qu’opérationnel restent à lever. Il convient à ce titre de distinguer le cas des services publics conventionnés de celui des services librement organisés de voyageurs, et de souligner la nécessité stratégique d’investir pour améliorer la qualité et l’interopérabilité du réseau ferré national.

I.   Services publics conventionnÉs : plusieurs rÉgions ont amorcÉ le processus d’ouverture À la concurrence dans l’objectif d’amÉLiorer leurs services ferroviaires

A.   Un rythme d’engagement trÈs inégal d’une rÉgion À l’autre

L’article 19 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit une période transitoire du 3 décembre 2019 au 24 décembre 2023 durant laquelle les autorités organisatrices de mobilité (AOM) ont la faculté de procéder à une mise en concurrence de leurs contrats de service public mais demeurent toutefois libres de choisir entre la mise en concurrence et l’attribution directe à l’opérateur historique, SNCF Voyageurs, pour une durée maximale de dix ans.

À partir de décembre 2023, les autorités organisatrices auront l’obligation de lancer systématiquement une procédure de publicité et de mise en concurrence pour toute nouvelle attribution d’un contrat portant exploitation d’un service conventionné de transport ferroviaire de voyageurs ; soit au plus tard à compter de 2033 pour les régions qui auront conclu leur contrat d’exploitation avec l’opérateur historique à la fin 2023. L’article 12 de la loi aménage un calendrier particulier pour Île-de-France Mobilités (IDFM) en raison de la densité de son réseau.

Ce calendrier instaure ainsi un rythme d’ouverture progressif inscrit dans le temps long. De facto, les régions se sont emparées de façon très inégale de la faculté ouverte depuis décembre 2019. À ce jour, trois appels d’offres sur des services d’intérêt régional (TER) ont abouti, dont deux remportés par l’opérateur historique (« l’étoile d’Amiens » dans les Hauts-de-France, et le lot « Azur » en Provence-Alpes-Côte d’Azur), et un qui a abouti à l’entrée d’un opérateur concurrent, Transdev, pour la ligne Marseille-Nice à compter de 2025.

1.   Cinq régions ont d’ores et déjà lancé des appels d’offres

Cinq régions ont à ce jour entamé de façon effective un processus d’appels d’offres pour l’attribution concurrentielle de leurs contrats de service public. Il s’agit des régions Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hauts-de-France, Grand-Est, Pays de la Loire et Île-de-France.

 

 

 

 

 

 

État des procédures d’appels d’offres selon les régions

Source : SNCF.

Ces régions identifient le processus d’ouverture à la concurrence comme un levier de développement de l’offre et d’amélioration de la qualité de service. La région Sud-PACA a souligné, lors de son audition, que la motivation principale de la région pour ouvrir à la concurrence ses lignes était de « provoquer du report modal » et d’accélérer la « décarbonation des mobilités ». La région des Hauts-de-France a souligné lors des auditions que la mise en concurrence des services ferroviaires ne doit pas être regardée comme « une fin en soi, mais un levier à combiner avec d’autres pour faire progresser la quantité et la qualité du service offert », ce qui inclue, en particulier, la « remise en service des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire suspendues ces dernières années. »

Outre le lancement effectif de procédures de mise en concurrence de lots, le contexte général de l’ouverture à la concurrence permet également à certaines régions d’augmenter leur niveau d’exigence dans leurs négociations avec l’opérateur historique. La région Sud a par exemple indiqué que la négociation en cours avec la SNCF sur la future et dernière convention d’exploitation est proche de ce qu’elle aurait demandé à un candidat répondant à un appel à candidatures, en particulier concernant le niveau de précision de la composition des charges forfaitaires.

La région Sud est une région pionnière. Elle a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) dès 2017. Deux premiers lots de lignes représentant un tiers de son trafic régional ont été attribués en octobre 2021, l’un à Transdev et l’autre à une filiale dédiée de SNCF Voyageurs. La région a relancé en 2022 un nouvel AMI pour plusieurs lignes. L’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) sera publié en février 2024 pour un démarrage d’exploitation de l’ensemble de ses lignes à partir du service annuel 2019.

Le contrat de service public conclu avec Transdev pour les lignes « Métropoles » (Marseille-Toulon-Nice), qui représentent 10 % de l’offre régionale, avec un début d’exploitation prévu en 2025, prévoit un doublement de l’offre de TER (14 allers-retours quotidiens contre 7 actuellement) sans hausse des tarifs et une amélioration de la qualité de service (baisse de 40 % des retards, 16 nouvelles rames avec de nouveaux services pour les usagers).

Le contrat de service public conclu avec la SNCF pour les lignes « Azur » (Les Arcs/Draguignan – Vintimille, Nice – Tende, Cannes – Grasse), qui représentent 23 % de l’offre régionale, pour une exploitation prévue en décembre 2024, prévoit une augmentation de l’offre de 75 % et une hausse de la fréquence des trains (120 allers-retours quotidiens contre 69 actuellement, avec des trains toutes les 15 minutes), à coût inchangé pour la région ([24]).

Dans les Hauts-de-France, un premier lot, celui de « l’Étoile ferroviaire d’Amiens », a été attribué en mars dernier à une filiale dédiée de SNCF Voyageurs à l’issue d’un appel d’offres lancé en 2020. Le nouveau contrat permettrait, d’après l’ART, une augmentation de l’offre de 9,5 % et une baisse des coûts de plus de 20 % (de 28 à 22 euros par train-kilomètre).

La région prévoit la négociation avec SNCF Voyageurs d’un avenant de prolongation à sa convention TER 2024 pour y inscrire les modalités d’ouverture à la concurrence des lots suivants : les « Dessertes parisiennes » fin 2026, « Lille littoral » fin 2027, « TERGV » fin 2028. Quatre candidats se sont déclarés intéressés : SNCF Voyageurs, Transdev, Régionéo et Renfe. La convention TER avec SNCF Voyageurs devrait ainsi prendre fin en 2029.

La région Grand Est a, elle, choisi de cibler ses premiers appels d’offres sur des lignes dont la pérennité était menacée afin de les redynamiser. Deux appels d’offres sont actuellement en cours sur la ligne « Nancy-Vittel-Contrexéville », et sur le secteur « Bruche-Vosges-Piémont » (qui inclue notamment la ligne Épinal à Saint-Dié-des-Vosges). Ces appels d’offre ont la particularité d’inclure également la régénération et la modernisation de l’infrastructure, en application de l’article 172 de la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

La région Pays de la Loire a lancé en 2021 un premier appel d’offres concernant le lot « tram-train » et « Sud Loire », avec une mise en service prévue fin 2024.

Quant à la région Île-de-France, l’article L. 1241-7-1 du code des transports, introduit par l’article 12 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, aménage un calendrier spécifique s’échelonnant de 2023 à 2040. La loi ne prévoit notamment pas d’obligation d’ouverture à la concurrence avant le 31 décembre 2039 pour les lignes A et B co-exploitées avec la RATP.

En décembre 2020, IDFM a fixé un premier calendrier progressif de mise en concurrence de son réseau francilien, qui donne la priorité à certaines lignes de tramway (T4, T11, puis T12, T13) et de Transilien (les lignes J et L, puis R et P) avant les RER (RER C à l’horizon 2033) ([25]).

2.   Un calendrier à moyenne échéance pour d’autres régions

L’Occitanie et la Bretagne n’ont pas prévu la possibilité d’ouvrir leurs lignes à la concurrence à ce jour. Leurs conventions TER actuelles prévoient une prolongation de leur offre sans mise en concurrence jusqu’en 2028 pour la Bretagne et jusqu’en 2025 pour l’Occitanie.

La région Centre-Val de Loire prévoit une ouverture possible durant les deux dernières années de sa convention d’exploitation TER 2022-2031.

Deux régions, Nouvelle Aquitaine et Normandie, ont prévu une possible ouverture de leur réseau à échéances respectives de 2024 et 2029. La région Normandie pourrait envisager un déploiement en 2027 avec le lot « Étoile de Caen ».

Enfin, la région Bourgogne-Franche Comté, qui avait initialement prévu une ouverture à la concurrence sur l’ensemble de son réseau au 1er janvier 2026, a renoncé en décembre 2022 ([26]). Le nouveau calendrier de la région reporte à l’horizon 2027-2029 la mise en concurrence de deux lots, qui seraient suivis de deux autres en 2033 à la fin du nouveau contrat d’exploitation signé avec l’opérateur historique.

Il est à noter que certaines régions pourraient envisager de « contourner » l’objectif d’ouverture à la concurrence, en dénonçant par anticipation leurs conventions avec l’opérateur historique.

3.   Un rythme de déploiement satisfaisant et soutenable, appelé à s’amplifier dans les prochaines années

Le rythme de déploiement de l’ouverture à la concurrence des services publics conventionnés apparaît satisfaisant au regard des objectifs posés par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Le processus d’élaboration et de suivi des appels d’offres apparaît en effet nécessairement long et coûteux tant pour les régions que pour les opérateurs ferroviaires. L’aboutissement d’un appel d’offres, de la publication des premiers avis de pré-information à la mise en service effective de la ligne, nécessite plusieurs années. Son élaboration et son suivi nécessitent une expertise accrue de la part des régions. L’inscription dans le temps long permet donc aux régions d’améliorer leurs compétences et leur expérience avant d’envisager l’ouverture à la concurrence de l’ensemble de leurs lignes régionales. Certaines régions ont d’ailleurs communiqué qu’elles attendaient les retours d’expérience d’autres régions avant de se lancer dans le processus.

Par ailleurs, les opérateurs concurrents potentiels n’ont pas toujours les ressources suffisantes pour répondre à plusieurs appels d’offres en même temps. L’Association française du rail (AFRA) alerte en particulier sur le manque de concertation entre les régions pour déterminer leur calendrier d’appels d’offres. Le défaut de synchronisation entre les appels d’offres peut décourager par défaut les opérateurs à y répondre. Les opérateurs ferroviaires soulignent en effet l’importance de l’investissement tant humain que financier (souvent plus d’un million d’euros et une trentaine de salariés) exigé pour répondre à un appel d’offres, et donc la difficulté à cumuler plusieurs appels d’offres.

Dans ce contexte, le rythme actuel de déploiement de l’ouverture à la concurrence sur le segment des services publics conventionnés apparaît à ce stade plutôt raisonnable et soutenable tant pour les régions que pour les opérateurs. Le processus devrait se poursuivre et s’amplifier conformément au calendrier prévu par le cadre légal (obligation à compter de décembre 2023).

Les premiers retours d’expérience permettent d’ores et déjà de mettre en évidence certains freins qui restent à lever pour permettre un déploiement réussi à grande échelle et dont les bénéfices pourront être perçus par les voyageurs et les usagers.

B.   l’ouverture À la concurrence est un dÉfi d’ampleur pour les rÉgions qui nÉcessite de lever certaines barriÈres

1.   L’ouverture à la concurrence constitue une opportunité historique pour développer l’expertise et le pilotage opérationnel des autorités organisatrices de la mobilité régionales

L’élaboration des appels d’offres ainsi que le suivi des contrats conclus avec les opérateurs ferroviaires nécessitent des compétences spécifiques et pointues au sein des équipes des autorités organisatrices pour lesquels celles-ci sont initialement rarement dotées.

Dans son récent rapport, l’ART recommande la mise en place de structures dédiées distinctes des services des conseils régionaux avec des équipes expertes et spécialistes des services conventionnés ouverts à la concurrence. L’autorité souligne l’intérêt que pourraient également avoir les AOM à mutualiser leurs moyens au sein de sociétés publiques établies et pilotées conjointement par plusieurs AOM, concernant en particulier l’acquisition et la gestion des flottes de matériels roulants. Ce type de société publique a notamment été mis en place en Suède.

Les régions engagées dans le processus d’ouverture à la concurrence ont souvent pris de premières mesures pour répondre aux besoins d’une expertise accrue. La région Hauts-de-France a engagé une montée en compétences de ses équipes internes chargées du pilotage de la convention TER et également fait appel à des bureaux d’études. Seule la région Grand-Est a, à ce stade, fait le choix de créer une société publique locale (SPL) « Grand Est Mobilités » en charge du pilotage des appels d’offres.

À ce jour, les régions n’identifient toutefois pas la nécessité de renforcer leurs compétences humaines et opérationnelles comme étant un frein majeur à l’entrée dans le processus de mise en concurrence. Si le ticket d’entrée demeure important, il est aussi perçu comme étant très bénéfique pour les régions elles-mêmes et leur rôle d’autorité d’organisatrice des services conventionnés. Les régions renforcent ainsi leur pouvoir de pilotage et acquièrent une autonomie décisionnelle précieuse dans les relations avec les opérateurs, y compris à l’égard de l’opérateur historique par rapport auquel l’asymétrie d’information et de compétences dominait. Jusqu’à présent, les AOM déléguaient en effet à l’opérateur historique l’ensemble du pilotage opérationnel et n’intervenaient que sur la définition d’un certain nombre d’objectifs relatifs au service rendu.

De ce point de vue, l’ouverture à la concurrence apparaît comme une opportunité historique pour que les AOM montent en compétences et endossent un véritable rôle de pilotage de leur offre transport ferroviaire de voyageurs.

2.   La jurisprudence a permis de clarifier le processus de transmission des données prévu par la loi, de l’opérateur historique aux régions

L’article L. 2121-19 du code des transports, issu de l’article 14 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, prévoit que soit transmise, à la demande de l’autorité organisatrice, « toute information relative à l’organisation ou à l’exécution » des services et missions faisant l’objet du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs, « sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires ». La liste des catégories d’information concernées ainsi que les délais de transmission ont été précisés par le décret n° 2019-851 du 20 août 2019 relatif aux informations portant sur les services publics de transport ferroviaire de voyageurs et aux éléments nécessaires à l’exploitation des matériels roulants transférés, et à la protection des informations couvertes par le secret des affaires.

En pratique, les premières régions à avoir engagé des processus d’attribution concurrentielle de lots, en particulier la région Hauts-de-France et la région Sud, ont témoigné d’importantes difficultés à obtenir la communication des données qu’elles demandaient et estimaient nécessaires à l’élaboration de leurs appels d’offres en dépit des procédures juridiques engagées devant l’ART. Ces difficultés ont pu freiner leur calendrier : la région Hauts-de-France a décalé d’un an sa première procédure, initialement prévue pour une mise en service fin 2023 (désormais prévue pour fin 2024).

SNCF Voyageurs a soulevé de son côté un problème de disponibilité de certaines informations demandées par les régions ; leur système d’information n’étant pas nécessairement calibré pour conserver certaines données très précises et anciennes demandées par les régions. Toutefois, la difficulté principale a surtout porté sur la transmission de données essentielles liées à la maintenance du matériel roulant pour lesquelles l’opérateur historique invoquait le secret des affaires.

La transmission entre SNCF Voyageurs et les régions apparaît néanmoins à ce jour plus fluide, et le cadre juridique, clarifié, à l’issue des décisions rendues par l’ART portant règlement de différends et de la décision rendue par la Cour d’appel de Paris en juin 2022, qui font désormais jurisprudence.

Saisie par la région Hauts-de-France puis la région Sud, l’Autorité de régulation des transports a rendu deux décisions portant règlement du différend sur la communication d’informations par SNCF Voyageurs en juillet 2020 ([27]) et juin 2021 ([28]). Elle y a enjoint SNCF Voyageurs de transmettre les informations demandées par la région, dans un délai d’un mois à compter de la notification de sa décision.

À la suite de la première décision rendue par l’ART, SNCF Voyageurs a engagé une demande de sursis à exécution de cette décision et un recours en annulation devant la Cour d’appel de Paris. La demande de sursis à exécution a été rejetée par ordonnance du 18 novembre 2020. La Cour d’appel de Paris a statué sur le fond par un arrêt du 23 juin 2022 ([29]) qui a clarifié les obligations de SNCF Voyageurs.

Il ressort en particulier de cet arrêt que la liste de données figurant à l’annexe 1 du décret n° 2019-851 du 20 août 2019 constitue une liste minimale, et non exhaustive, des informations devant être communiquées aux AOM qui en font la demande : SNCF Voyageurs est bien tenue de communiquer toutes les informations relatives à l’organisation ou à l’exécution des servies conventionnés conformément à la lettre de l’article L. 2121-19 du code des transports. Les demandes des AOM sont également en droit de s’inscrire dans une perspective pluriannuelle prévisionnelle. Enfin, SNCF Voyageurs doit être en mesure de communiquer aux AOM qui en font la demande les données ventilées sur le périmètre des lots définis par celles-ci, et non seulement sur le périmètre de l’ensemble de la convention TER.

Dans l’attente de cette décision au fond, la région Hauts-de-France avait engagé auprès de l’ART en mars 2021 une procédure en manquement pour non-respect de la décision de règlement des différends. Cette procédure a permis à la région d’obtenir plusieurs informations demandées, jusqu’à la décision de la Cour d’appel à l’issue de laquelle la procédure en manquement a été close.

La bonne communication des données sera toutefois intervenue plus de trois ans après les premières demandes de la région Hauts-de-France et deux ans suivant la décision de règlement de différend rendue par l’ART. Récemment, la région Hauts-de-France a pu constater que SNCF Voyageurs avait respecté les délais de transmission des données concernant le lot « Dessertes parisiennes » dont l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) vient d’être publié.

D’après l’ART, ce type de conflit ne serait pas spécifique à la France mais a été rencontré dans d’autres pays européens. Le cadre juridique apparaît désormais plus lisible ; notamment, la ligne de partage entre les informations relevant du secret industriel et celles nécessaire à la sécurité de l’exploitation serait désormais plus claire.

Toutefois, il pourrait être opportun de sécuriser juridiquement l’obligation de transmission en complétant et clarifiant certaines dispositions réglementaires, concernant en particulier le périmètre temporel des données à transférer, la justification du caractère indisponible des données, les garanties d’exactitude et de complétude des données, et la possibilité d’obtenir des données prévisionnelles. Ces précisions nécessiteraient de modifier le décret n° 2019-851 du 20 août 2019 précité.

3.   Le transfert du matériel roulant et des centres de maintenance

L’article 21 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit le transfert à l’autorité organisatrice des matériels roulants et des ateliers de maintenance « utilisés pour la poursuite des missions prévues par un contrat de service public ». Ce transfert implique le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable des matériels et des ateliers transférés, ainsi que la transmission par SNCF Voyageurs, de tous les éléments nécessaires à l’exploitation du matériel roulant de façon à en garantir la sécurité. Les terrains afférents aux ateliers de maintenance sont également transférés à la demande de l’autorité organisatrice moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur vénale desdits terrains.

Ces transferts sont essentiels à la mise en service des lignes qui font l’objet d’une attribution à un opérateur concurrent de la SNCF. Ils contribuent plus largement au renforcement du rôle des régions qui disposeront de davantage d’information et de marges de manœuvre sur leurs investissements auparavant gérés par l’opérateur historique.

Ces transferts soulèvent des difficultés variables d’une région à l’autre. La région Grand Est a fait état de points complexes en discussion avec SNCF Voyageurs notamment concernant le partage de responsabilité en cas de défaut sur un matériel apparu après le transfert de propriétaire. La région s’inquiète également d’un risque financier lié à une incertitude juridique dans le cas où elle aurait à supporter les coûts de régularisation de la TVA déduite. Alors que la loi pour un nouveau pacte ferroviaire dispose que le transfert de propriété « ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraires, ni à aucune perception ou régularisation d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit », l’article 25 de l’ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 supprime la formule « régularisation d’impôts » et laisse ainsi une ambiguïté sur ce sujet.

La région Sud soulève tout particulièrement des difficultés concernant le transfert des terrains afférents aux ateliers de maintenance, qui exige souvent des diagnostics complémentaires pour estimer leur valeur vénale ainsi que des travaux conséquents de remise en état à la charge de la région.

La région de Hauts-de-France alerte par ailleurs sur le transfert des matériels roulants amiantés qui n’est pas autorisé par le règlement européen n° 1907/2006 REACH. Deux séries de matériels indispensables à l’exploitation de l’un de ses lots (« Lille littoral ») sont concernées. L’impossibilité de transférer ce matériel à un potentiel nouvel attributaire pose à la région un problème majeur alors même qu’il est bien utilisé par la SNCF. Outre des délais de livraison très importants, un remplacement de ces rames nécessiterait un investissement d’environ 650 millions d’euros et ne pourra être envisagé par la région.

4.   Les modalités de transfert des personnels en cas de changement d’attributaire sont désormais stabilisées mais restent à expérimenter sur le terrain

a.   Le cadre juridique est stabilisé

En cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs, le cadre juridique français prévoit le transfert des salariés « concourant à l’exploitation et à la continuité du service public » de l’ancien au nouvel opérateur (article L. 2121-20 du code des transports). L’article 16 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, codifié aux articles L. 2121-20 à L. 2121-27 du code des transports, en a dessiné les principales modalités et garanties.

Les conditions dans lesquelles s’opéreraient ces transferts de personnel, et en particulier les garanties sociales apportées aux salariés transférés au nouvel employeur, ont été à l’origine de nombreuses inquiétudes et tensions sociales au moment de l’examen du projet de loi en 2018. Cinq ans plus tard, le cadre juridique a été précisé par voie réglementaire et négocié par voie conventionnelle entre les organisations syndicales à l’issue de l’adoption de la loi.

Les modalités d’information et d’accompagnement prévues par l’article L. 2121-21 d’une part, ainsi que les modalités et critères de désignation des salariés transférés prévus par l’article L. 2121-23 d’autre part, ont été notamment précisés par le décret n° 2019-696 du 2 juillet 2019 ([30]) ; les négociations sur l’accord de branche initialement prévu par l’article L. 2121-23 n’ayant notamment pas abouti ([31]).

Ce décret prévoit une première information des salariés concernés au plus tard un mois après le lancement de la mise en concurrence, et une information précise sur les emplois transférés au plus tard seize mois avant le changement effectif d’attributaire. Le texte privilégie le volontariat, avec, à compter de cette transmission, l’organisation de réunions d’information une fois par semestre et la mise en œuvre d’un appel prioritaire aux salariés volontaires.

Dans le cas néanmoins où le nombre de salariés volontaires serait insuffisant pour couvrir le nombre d’emplois à transférer, l’article 2 du décret prévoit que les salariés soient désignés par le cédant, par catégorie d’emploi et en prenant en considération plusieurs critères dont le taux d’affectation des salariés au service transféré, leur ancienneté, leur temps de trajet domicile-travail, leurs charges de famille et le handicap.

L’article L. 2121-24 du code des transports prévoit que les salariés puissent refuser le transfert dans les conditions suivantes :

– lorsque le salarié est affecté à plus de 50 % au service concerné par le transfert sur les douze derniers mois, le refus du transfert constitue un motif légal pour prononcer la rupture du contrat de travail ;

– lorsque l’activité du salarié concerne moins de 50 % du service concerné, le refus entraîne l’obligation pour l’opérateur cédant, de présenter une offre d’emploi équivalente alternative dans la même région. Le refus par le salarié de cette offre peut constituer un motif de rupture de son contrat de travail.

La loi a également défini un socle de garanties sociales au bénéfice des salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès d’un nouvel attributaire. Ce cadre légal a été précisé et complété par plusieurs décrets ainsi que l’accord de branche signé le 6 décembre 2021 (« sac à dos social ») :

– l’article L. 2121-25 du code des transports prévoit le maintien des conventions et accords collectifs applicables aux salariés concernés par un transfert ;

– l’article L. 2121-26 du même code définit des garanties, notamment, le maintien d’un niveau de rémunération minimum. Les conditions d’application ont été déterminées par le décret n° 2018-1242 du 26 décembre 2018 relatif au transfert des contrats de travail des salariés qui a fait l’objet d’un contentieux au Conseil d’État, à la requête des syndicats. Le Conseil d’État a annulé les II et III de l’article 5 dudit décret en tant qu’ils ne mentionnaient pas l’allocation familiale supplémentaire parmi « les éléments de rémunération » des salariés ([32]). L’article 11 du décret n° 2020-1470 du 27 novembre 2020 en a tiré les conséquences ;

– l’article L. 2102-22, introduit par l’article 17 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, maintient la garantie d’emploi et le régime spécial de sécurité sociale pour les salariés transférés. Cette disposition a été précisée par le décret n° 2019-33 du 25 avril 2019 ([33]) ;

– enfin, l’accord de branche relatif aux garanties sociales « autres que celles prévues par la loi », prévu par l’article L. 2121-27 du code des transports, a été signé le 6 décembre 2021. Cet accord, communément qualifié de « sac à dos social », prévoit notamment des dispositions concernant les facilités de circulation, le compte épargne temps, le système de pénibilité de la SNCF, l’accès à la médecine de soins, le droit au logement, les congés payés, etc. Par ailleurs, l’accord signé le même jour « classifications et rémunération » définit un socle de droits commun à l’ensemble des salariés de la branche.

Attendu et âprement négocié, le cadre juridique définissant les modalités de transfert des personnels en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public apparaît désormais stabilisé. Des négociations demeurent toutefois en cours au niveau de la branche sur la prévoyance et la complémentaire santé.

Dans les faits, il n’y a pas eu de transferts massifs de personnels car les processus d’appels d’offres sont en cours et n’ont pas encore abouti à un changement d’opérateur. Seule la ligne attribuée à Transdev en région Sud est actuellement concernée et permet d’ores et déjà d’établir un premier bilan opérationnel.

La période de volontariat est en cours ; elle durera trois mois du 1er mars au 1er juin 2023. Concrètement, chaque collaborateur de l’opérateur historique, SNCF Voyageurs, peut aujourd’hui se porter volontaire aux offres de postes des deux nouveaux opérateurs, Transdev et SNCF Sud Azur. La liste des agents transférés sera connue à l’automne 2023. La région Sud témoigne du sérieux du processus d’information des salariés qui a été mené par les nouveaux opérateurs ainsi que par l’opérateur historique.

b.   Des imprécisions sur les postes transférés dans les appels à volontariat

L’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) a souligné, en audition, plusieurs points d’alerte partagés par ses adhérents. La principale problématique identifiée concerne les critères de l’appel à volontariat. Ils n’apparaissent pas suffisamment précis pour garantir au nouvel opérateur un recrutement au plus proche de ses besoins d’exploitation. Le cadre juridique existant ne prévoit notamment pas la possibilité d’effectuer l’appel à volontariat en indiquant le nombre d’ETP transférables par lieu d’affectation et par sous-catégorie d’emploi :

– concernant le lieu d’affectation, l’opérateur court concrètement le risque d’un déséquilibre de personnels volontaires entre ses différents lieux d’affectation (par exemple, Nice, d’une part et Marseille d’autre part, pour Transdev) avec l’impossibilité de les réaffecter selon les besoins du service (le lieu de travail constituant un élément essentiel du contrat de travail transféré). Inversement, les salariés peuvent être freinés pour se porter volontaire du fait de l’absence de garantie sur leur lieu d’affectation ;

– concernant la spécification des postes, le décret prévoit également que la liste des personnels transférés soit constituée par catégorie d’emploi. Le nombre d’ETP par « sous-catégorie d’emploi » n’est donc pas détaillé dans l’appel à volontariat,  ce qui ne garantit pas à l’opérateur de disposer de toutes les qualifications et compétences nécessaires au sein d’une même catégorie d’emploi. Il pourra se trouver en situation de sureffectifs sur certaines qualifications et en sous-effectifs sur d’autres.

Enfin, le cadre juridique n’encadre pas le cas, encore hypothétique, d’appels à volontariats simultanés sur plusieurs lots qui seraient attribués à des opérateurs différents. Un salarié pourrait ainsi se porter volontaire sur plusieurs lots et voir son contrat automatiquement transféré dans plusieurs entreprises sans que les textes n’encadrent les modalités de priorisation du choix, que ce soit pour le salarié, l’opérateur cédant ou les nouveaux employeurs.

5.   De premiers projets sont engagés par les régions pionnières pour simplifier l’information et la billettique pour les voyageurs

La multiplication des opérateurs exploitants est une source potentielle de complexité pour l’information et la vente de billets pour les voyageurs. Au regard du déploiement encore limité de l’ouverture à la concurrence dans les territoires et de la persistance, dans les faits, du monopole de l’opérateur historique, ce sujet n’est pas encore identifié comme étant une problématique majeure. Pour autant, il convient d’ores et déjà d’anticiper cette complexité potentielle pour les usagers mais aussi les opérateurs. Les régions les plus avancées dans le déploiement de l’ouverture à la concurrence ont déjà engagé de premières démarches pour faire évoluer leur système d’information régional.

La région Grand-Est a choisi de mettre en œuvre un « intégrateur de services » qui aura vocation à assurer les prestations d’information aux voyageurs, la distribution de billets et la relation clientèle pour l’ensemble des opérateurs. Cet intégrateur serait confié dans un premier temps à SNCF Voyageurs dans le cadre d’un futur contrat de gré à gré et ferait par la suite l’objet d’une mise en concurrence par lots.

Dans la mesure où le début d’exploitation de ses deux premiers lots ouverts à la concurrence est imminent, la région Sud s’est également déjà organisée pour développer son système d’information et de billettique régional ; un appel d’offres est en cours pour désigner un opérateur en charge dans le cadre d’une délégation de service public.

Dans cette perspective, la région Hauts-de-France a pu soulever la difficulté d’agréger les données de tous les réseaux de transport, que ce soit au niveau national ou régional, notamment parce que la collecte n’est pas toujours compatible avec les intérêts industriels des entreprises de transport et des développeurs des systèmes d’information et de distribution.

C.   L’Ouverture À la concurrence des trains d’Équilibre du territoire, À la charge de l’État, est balbutiante

L’État a la compétence pour l’organisation des transports publics pour les liaisons d’intérêt national, notamment les trains d’équilibre du territoire, soit près de 80 trains quotidiens qui transportent chaque année près de 9 millions de passagers.

Le réseau de trains d’équilibre du territoire (TET) est composé de trois lignes structurantes (Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Marseille), quatre lignes d’aménagement du territoire (Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye et Clermont-Ferrand-Béziers) et trois lignes de nuit (Paris-Briançon-Nice, L’Occitan et le Pyrénéen).

Un premier appel d’offres a été lancé le 27 janvier 2020 pour les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, alors exploitées par SNCF Voyageurs sous le nom « Intercités », avec la publication d’un avis de concession. Les candidatures ont été formellement sélectionnées le 6 mai 2020, et le dossier de consultation communiqué le 27 juillet de la même année. La date limite de remise des offres, initialement fixée au 5 novembre 2020, a été reportée au 28 janvier 2021.

Parmi les quatre candidats admis à déposer une offre dans le cadre de cette procédure, trois d’entre eux ont officiellement fait connaître leur décision de retirer leur candidature, faisant de SNCF Voyageurs le seul candidat ayant déposé une offre. Le retrait de ces trois candidats de la procédure s’expliquerait par les difficultés économiques rencontrées par les acteurs ferroviaires en raison de la crise sanitaire et en l’absence, à cette époque, de perspectives fiables de reprise des trafics.

La seule candidature de SNCF Voyageurs a conduit l’État à déclarer la procédure infructueuse, pour motif d’intérêt général résultant d’une insuffisance de concurrence, en application des dispositions de l’article R. 3125‑4 du code de la commande publique.

L’État a finalement signé une dernière convention de gré à gré pour l’exploitation des TET jusqu’en 2023, prévoyant d’ouvrir des lots à la concurrence à partir de la fin de l’année 2026.

La convention d’exploitation TET actuelle, signée le 17 mars 2022, prévoit l’ouverture à la concurrence progressive des lignes TET, regroupées par lots, au rythme d’un lot par an :

-         2027 pour Nantes – Lyon et Nantes – Bordeaux ;

-         2028 pour les lignes de nuit ;

-         2029 pour Paris – Limoges – Toulouse et Paris – Clermont-Ferrand ;

-         2030 pour Bordeaux – Marseille.

À cet effet, de nouveaux appels d’offres ont été lancés en septembre 2022 sur les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon. Les candidats peuvent proposer en option une offre pour le développement d’une liaison entre Nantes et Lille. Le démarrage de l’exploitation par le nouveau titulaire du contrat est prévu en 2027.

La direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) estime que le calendrier retenu permet de tenir compte du renouvellement complet du matériel roulant, pour chacun des lots. Cet étalement dans le temps a deux avantages. D’une part, il prend en compte le fait que les rames Corail sont amiantées et ne peuvent pas être exploitées dans le cadre d’un lot ouvert à la concurrence. D’autre part, il permet aux entreprises ferroviaires candidates d’intégrer ces appels d’offres dans leur plan de charge pour produire une offre de qualité, dans un contexte où les appels d’offres des régions pour l’exploitation des TER se multiplient par ailleurs.

L’audition de la DGITM par la mission d’évaluation a permis de mettre en exergue la faiblesse des moyens humains dévolus à l’organisation des appels d’offres pour ces lignes. Entre cinq et sept équivalents temps plein (ETP) au sein du ministère des transports seraient affectés à cette mission, une ressource modeste au regard des enjeux identifiés. Pour que l’État joue vraiment son rôle d’autorité organisatrice, un renforcement de cette équipe dédiée aux TET est indispensable.

II.   L’ouverture À la concurrence des services librement organisÉs de voyageurs : un rÉseau français attractif mais un dÉploiement encore limitÉ

A.   Les notifications À l’ART tÉmoignent de l’intÉrÊt du rÉseau français pour les opÉrateurs ferroviaires

1.   La notification des nouveaux services librement organisés

La directive 2012/34/UE, telle que modifiée par la directive (UE) 2016/2370, prévoit l’ouverture à la concurrence des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs librement organisés dans le cadre d’une concurrence sur le marché (ou « open-access ») à compter de l’horaire de service 2021 débutant mi-décembre 2020. Ainsi, depuis le 12 décembre 2020, les entreprises disposent d’un droit d’accès à l’infrastructure ferroviaire aux fins de l’exploitation de services de transport ferroviaire de voyageurs.

Dans ce cadre, les entreprises doivent notifier auprès de l’Autorité de régulation des transports leur intention d’exploiter un nouveau service librement organisé de transport ferroviaire de voyageurs 18 mois avant l’horaire de service concerné en application de l’article 8 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ([34]). L’autorité doit estimer le caractère nouveau du service proposé. Si c’est bien le cas, l’autorité publie cette notification sur son site internet et la notifie aux autorités organisatrices de la mobilité, au gestionnaire d’infrastructures et aux entreprises ferroviaires de services de transport conventionnés susceptibles d’être affectées par le nouveau service.

L’article 11 de la directive 2016/2370 du 14 décembre 2016 autorise les États membres à prévoir que ce droit d’accès peut être limité s’il est démontré, à l’issue d’un test d’équilibre économique, que son exercice est susceptible de compromettre l’équilibre économique d’un ou de plusieurs contrats de service public.

Conformément au règlement d’exécution (UE) 2018/1795 du 20 novembre 2018 et à l’article L. 2133‑1 du code des transports, l’ART peut, dans un délai d’un mois à compter de la publication de la notification, limiter ou interdire l’exercice du droit d’accès au réseau ferroviaire des nouveaux services librement organisés de transport ferroviaire s’il apparaît, à l’issue de la réalisation du test, que l’exercice de ce droit est susceptible de compromettre l’équilibre économique d’un ou de plusieurs contrats de service public couvrant le même trajet ou un trajet alternatif. La décision de l’ART intervient sur saisine de l’autorité organisatrice ayant attribué le contrat de service public, l’entreprise chargée de l’exécution de ce contrat de service public, l’État ou le gestionnaire d’infrastructures.

2.   Le réseau français suscite l’intérêt des opérateurs ferroviaires

Entre 2019 et aujourd’hui, l’ART a reçu quarante-deux notifications d’entreprises ferroviaires souhaitant opérer des services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs. Ces notifications ont été émises par six entreprises ferroviaires : Flixtrain, Le Train, Midnight Trains, Renfe, Railcoop, SNCF Voyageurs et Thello/Trenitalia France.

Selon l’ART, ce grand nombre de notifications témoigne de l’attrait de principe des acteurs pour le marché ferroviaire français et du potentiel dont il dispose. Le réseau français est effectivement propice à l’exploitation de services de transport à grande vitesse puisque les métropoles desservies par le réseau sont susceptibles d’assurer une viabilité économique satisfaisante à l’exploitation.

Cartographie des projets de services librement organisés notifiés à l’Autorité de régulation des transports

Sur les quarante-deux notifications, trois services sont entrés en exploitation à date : le service Ouigo, le service ligne classique de SNCF Voyageurs et le service à grande vitesse de Trenitalia France entre Paris-Gare de Lyon et Lyon-Part Dieu.

D’autres services devraient être exploités prochainement : un service à grande vitesse de SNCF Voyageurs entre l’aéroport CDG-2 et Toulon ainsi qu’un service à grande vitesse de la Renfe entre Marseille et Lyon dès cet été.

Après l’obtention de sa licence d’entreprise ferroviaire le 24 décembre 2022, la société Le Train a confirmé en janvier 2023 son souhait de proposer des liaisons ferroviaires dans l’Ouest de la France, notamment sur les lignes Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes et Bordeaux-Rennes. Le Train dispose de l’autorisation d’exploiter les sillons à partir du 11 décembre 2023 mais son entrée sur le marché est conditionnée à l’obtention du matériel roulant nécessaire.

La société Railcoop a également notifié en 2020 et 2021 son souhait à l’ART d’exploiter plusieurs lignes : les axes Lyon-Bordeaux (via Aurillac), Lyon-Thionville, Toulouse-Rennes, Lyon-Bordeaux (via Guéret), Toulouse-Caen, Lille-Nantes, Toulouse-Saint Brieuc ou encore Annecy-Marseille. Après de multiples reports, Railcoop s’oriente vers une première exploitation de la ligne Lyon-Bordeaux d’ici l’été 2024, avec un aller-retour en deux jours.

Pour autant, plusieurs projets ont été suspendus après leur notification à l’ART. Il s’agit des projets de FlixTrain sur les lignes Paris Nord-Saint Quentin, Paris-Bercy-Lyon Perrache, Paris Austerlitz-Bordeaux, Paris Bercy-Nice et Paris Bercy-Toulouse ainsi que l’axe Marseille-Milan de la société Thello. L’ART justifie ces suspensions par l’incertitude de l’impact de la crise sanitaire sur le dynamisme du marché ferroviaire de voyageurs.

B.   La ligne Paris-Lyon, unique concrÉtisation À ce jour de l’ouverture À la concurrence

1.   L’arrivée de Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon

Mise en service en 1981, la ligne Paris-Lyon est l’axe à grande vitesse le plus emprunté d’Europe. Chaque jour, près de 240 trains et 45 millions de passagers circulent sur les 430 kilomètres de voies ferrées. La ligne représente un tiers du trafic à grande vitesse national et accueille plusieurs liaisons transeuropéennes majeures avec les Alpes (Grenoble, Chambéry), la Suisse (Lausanne, Zurich, Genève) et l’Italie. La ligne accueille les trains à grande vitesse traditionnels de la SNCF ainsi que les Ouigo, depuis 2013, qui représentent près de 30 % de l’offre Paris‑Lyon.

Initialement prévue pour 2020 mais retardée du fait de la crise du Covid-19, l’ouverture à la concurrence de la ligne Paris-Lyon a eu lieu le 18 décembre 2021 avec l’exploitation du sillon par la société Trenitalia France.

2.   Un effet sur le trafic et le niveau moyen du prix des billets

Conformément aux bénéfices attendus de l’ouverture à la concurrence, l’arrivée de Trenitalia sur l’axe Paris-Lyon a eu un effet sur le trafic et sur les prix proposés.

L’introduction du nouvel opérateur sur le marché proposant deux puis cinq allers-retours quotidiens entre Paris Gare de Lyon et Lyon Perrache et Part Dieu a conduit à un accroissement du trafic de 15 %. La quasi-saturation de la ligne n’a pas permis à SNCF Voyageurs de proposer davantage de trajets.

L’arrivée de Trenitalia a conduit à une baisse des prix proposés. Les tarifs de l’entreprise italienne sont de 30 % à 60 % inférieurs à ceux proposés par l’opérateur historique. En octobre 2022, les billets inOui étaient vendus en moyenne 71,20 euros contre 37,40 euros pour un trajet assuré par Trenitalia. En réaction, les prix proposés par SNCF Voyageurs pour ses TGV inOui ont baissé de 20 % entre octobre 2019 et octobre 2022, et de 13 % pour les Ouigo. Au total, sur la période comprise entre le mois de septembre 2019 et le mois d’octobre 2022, les prix ont baissé de 23 % ([35]).

Il convient de noter que Trenitalia a obtenu une réduction des péages à verser durant les trois premières années d’exploitation, destinée à compenser son coût d’investissement. Sur cette ligne, le péage atteint 26 à 39 euros au train‑kilomètre. Trenitalia bénéficie d’une réduction de 37 % en 2022, 16 % en 2023 et 8 % en 2024 du niveau normal de péage dont s’acquittent les opérateurs auprès du gestionnaire d’infrastructures SNCF Réseau. La légalité de cette réduction a été confirmée par le régulateur dans son avis du 17 mai 2022 pour la période 2022-2023. La réduction souhaitée pour 2024 s’inscrit dans le cadre de la tarification 2024-2026 et sera donc examinée ultérieurement par l’ART.

Dans la mesure où les péages représentent entre 35 % et 40 % du prix d’un billet de train, cette réduction pourrait en partie expliquer la possibilité pour Trenitalia de proposer des tarifs beaucoup moins élevés que SNCF Voyageurs sur ce sillon.

C.   Des freins structurels expliquant la concrÉtisation lente de l’ouverture À la concurrence

L’entrée de l’opérateur Trenitalia sur le marché français et les abandons d’entrée de certains opérateurs sont riches d’enseignement pour identifier les freins du développement de l’ouverture à la concurrence des services librement organisés. Les bénéfices de l’ouverture à la concurrence sont conditionnés à l’atténuation des barrières à l’entrée sur le marché.

1.   Des difficultés de financement pour les nouveaux entrants sur les marchés

L’ouverture de nouveaux services librement organisés (SLO) exige des investissements massifs qui ne permettent, en pratique, qu’à des opérateurs déjà fortement implantés sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs de s’engager financièrement. L’opérateur historique italien, Trenitalia, a par exemple pré-investi plusieurs centaines de millions d’euros pour l’ouverture de son offre de services sur la ligne Paris-Lyon.

Railcoop, opérateur ferroviaire récent créé en 2019 dont la particularité est de s’appuyer sur un financement coopératif (collectivités, citoyens, entreprises, associations…), a ainsi souligné en audition des difficultés majeures d’accès aux financements et la frilosité des acteurs bancaires et financiers à s’engager sur un marché naissant et perçu comme incertain. La société a été contrainte de réviser l’ambition initiale de son projet en termes de fréquence de circulation et de reporter en juin puis en décembre 2022 la mise en service de la ligne Bordeaux-Lyon, faute de garanties suffisantes sur les bénéfices d’exploitation pour emprunter, et ce d’autant plus dans le contexte de la crise sanitaire.

D’une façon plus générale, comme a pu le souligner la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT) en audition, les services librement organisés en France ne bénéficient pas d’une vision stratégique et structurante en termes d’aménagement du territoire national qui pourrait être mobilisée pour orienter les projets des opérateurs ferroviaires et les investissements publics. À ce titre, un comité de concertation réunissant des élus, des usagers, des opérateurs et l’État pourrait être mis en place dans l’objectif de mieux structurer le déploiement de nouveaux SLO à grande vitesse dans les territoires au bénéfice des usagers.

2.   L’accès au matériel roulant peut constituer un frein à l’entrée sur le marché

L’accès au matériel roulant constitue un enjeu essentiel d’accès au marché des services librement organisés. Les stratégies des opérateurs sont différenciées selon leur situation respective.

a.   Pour les opérateurs historiques étrangers

Pour les opérateurs historiques européens qui exploitent des services à grande vitesse dans leur pays, l’accès au matériel roulant est permis par la reconfiguration d’anciennes rames du pays d’origine. Les rames à grande vitesse sont ainsi équipées des systèmes de signalisation et de sécurité conçus pour circuler sur le réseau de lignes à grande vitesse français mais les coûts d’interopérabilité demeurent importants.

Contrairement à ses voisins européens, la France accuse un retard important dans le développement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (European Rail Traffic Management System), système ayant vocation à remplacer les vingt-sept systèmes de signalisation en vigueur dans l’Union européenne. En France, seuls 1 000 kilomètres de lignes sont équipés de la technologie de signalisation ERTMS, ce qui contraint les opérateurs étrangers à adapter le matériel roulant aux technologies de signalisation utilisées sur le réseau français.

b.   Pour les nouveaux entrants

L’entrée sur le marché est encore plus difficile pour les nouveaux entrants n’ayant pas le statut d’opérateur historique. Un nouvel opérateur ne peut effectivement bénéficier d’un parc de matériel roulant préexistant et est donc soumis à des investissements massifs, potentiellement insurmontables, pour acquérir et adapter des rames à grande vitesse d’autres États ou en commander des neuves. La société Le Train, qui souhaite lancer des trains à grande vitesse dans le Grand Ouest, a ainsi annoncé le 23 janvier 2023 avoir choisi, au terme d’un appel d’offres européen, le constructeur espagnol Talgo pour lui commander dix rames pour un montant estimé à près de 300 millions d’euros. Celles-ci devraient lui être livrées d’ici 2025, un délai de livraison compris entre vingt-quatre et trente-six mois plus long qu’à l’accoutumée, du fait de la forte demande de rames neuves de la part des compagnies ferroviaires.

La société Railcoop, qui a été contrainte de reporter son projet de ligne Bordeaux-Lyon à défaut de financements suffisants, s’est tournée vers du matériel roulant de l’opérateur historique mais a souligné en audition des problématiques de sécurisation juridique, par exemple concernant la durée de la mise à disposition du matériel.

Face à ces difficultés d’accès qui constituent un frein majeur pour l’ouverture de nouveaux services librement organisés, une réflexion sur les modalités de financement du matériel roulant pourrait être menée. Le développement d’un marché d’occasion ou de location pourrait être encouragé, par exemple via une « Rosco » publique financée par la Caisse des dépôts et consignations. Une Rosco (rolling stock operating company), est une société spécialisée dans la location de matériel ferroviaire. Une Rosco publique pourrait permettre de réduire les coûts de financement du matériel roulant et ainsi de faciliter l’ouverture à la concurrence.

En Suède, la société AB Transitio acquiert, finance et gère une flotte de trains au nom des opérateurs.

3.   Des niveaux de péages susceptibles de freiner l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché

Les redevances d’utilisation du réseau, ou péages, sont un versement des entreprises ferroviaires au gestionnaire d’infrastructures SNCF Réseau en contrepartie de l’utilisation du réseau ferré national. Chaque opérateur ferroviaire souhaitant exploiter le réseau ferré doit donc s’acquitter d’une redevance, qui conditionne son accès au marché.

Les tarifications, établies par le gestionnaire d’infrastructures dans le document de référence du réseau (DRR), doivent correspondre au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire ([36]). Toutefois, le droit européen permet de définir un régime dérogatoire fondé sur des tarifications supérieures au coût directement imputable ([37]) afin de permettre au gestionnaire d’infrastructures de recouvrer totalement les coûts encourus, notamment des coûts de long terme des projets d’investissement. Ce système de tarification doit être appliqué de manière uniforme à l’ensemble des entreprises ferroviaires effectuant des prestations de services.

La France a fait le choix de ce régime dérogatoire, en attribuant les ressources au financement de SNCF Réseau. Du fait de ce choix, le niveau des péages français représente 40 % du prix d’un billet, contre 30 % du prix du billet en Allemagne et 15 % en Suède.

Comme l’a rappelé l’opérateur Trenitalia lors de son audition par la mission d’évaluation, ce coût élevé d’accès aux voies est un frein majeur et peut entraver la mise en place de nouveaux services par les opérateurs et empêcher l’arrivée de nouveaux entrants sur les marchés. Ainsi, la société Flixtrain a préféré développer de nouveaux services ferroviaires en Suède plutôt qu’en France, notamment du fait des tarifs d’accès aux infrastructures du système ferroviaire suédois.

À l’avenir, la hausse prévue de la redevance d’accès risque de jouer un rôle réellement dissuasif pour de nouveaux opérateurs ferroviaires. Les péages ferroviaires pour la période 2024-2026, validés par l’ART dans son avis du 23 février 2023, devraient augmenter de 8 % afin d’assurer la couverture des coûts de l’infrastructure ferroviaire dans un contexte de forte inflation.

La Commission européenne devrait établir en 2023 de nouvelles lignes directrices pour la fixation des redevances d’accès aux voies qui soutiennent la mise en place de services de transport de voyageurs longue distance. Dans le cadre de la révision des lignes directrices, la possibilité d’exempter le financement public de la réduction des redevances d’accès aux voies de l’obligation de notification prévue par les règles en matière d’aides d’État, est à l’étude.

III.   l’accÈs À Un rÉseau de qualitÉ reste une condition essentielle pour rÉussir le dÉploiement de l’ouverture À la concurrence

L’ensemble des acteurs auditionnés souligne le rôle stratégique joué par le réseau dont la fiabilité et la qualité sont des ingrédients essentiels à la réussite du processus d’ouverture à la concurrence. Si l’ouverture à la concurrence peut favoriser le report modal et une augmentation des trafics ferroviaires, faut-il encore que le réseau en ait la capacité.

A.   Un rÉseau À fort potentiel mais vieillissant et posant des problÈmes d’accEssibilitÉ aux opÉrateurs et aux rÉgions

Le réseau ferroviaire français, qui compte 27 700 kilomètres de lignes en 2021, est le deuxième plus grand réseau européen, derrière l’Allemagne, et occupe une position géographique stratégique en Europe.

Ce réseau est considéré à plusieurs égards comme sous-exploité. La part modale du transport ferroviaire est inférieure à 10 % depuis plusieurs années (8,6 % en 2021). L’intensité d’utilisation du réseau est de trente-sept circulations quotidiennes de trains de voyageurs par kilomètre de ligne par jour, ce qui est plus faible que la moyenne européenne située autour de quarante-quatre circulations. Celle-ci se caractérise également par d’importantes disparités territoriales, avec environ 25 % du réseau dont le niveau d’utilisation est inférieur à dix circulations quotidiennes ([38]).

Le réseau ferré national (RFN), tout particulièrement dans un contexte où le rail est appelé à jouer un rôle clé dans la réduction des émissions de CO2 du secteur des transports, aurait donc un fort potentiel de trafic et pourrait faire circuler à moyen terme davantage de trains et de voyageurs.

Toutefois, son état général vieillissant constitue un frein majeur au développement du trafic attendu dans le contexte de l’ouverture à la concurrence.

Si l’état objectif du réseau et de ses installations demeure difficile à mesurer, certains indicateurs permettent de l’évaluer. La valeur de l’indice de consistance de la voie (ICV) ([39]) du réseau pris dans son ensemble s’établit à un niveau inférieur (48) du niveau optimal permettant d’assurer la pérennité du patrimoine (55). Ce constat s’applique à l’ensemble des catégories de voies, lignes LGV comprises. Plus de 20 % des voies peuvent être considérées comme hors d’âge (ICV inférieur à 10).

Ce mauvais état rend plus fréquents les ralentissements et les défaillances de l’infrastructure, qui impactent in fine la qualité de service. Les limitations temporaires de vitesse apparaissent en forte augmentation depuis 2010, tandis que la part des minutes perdues en circulation pour des causes liées à l’infrastructure est également en hausse. Ce manque de fiabilité du réseau, rappelé par l’Association française du rail (AFRA) en audition, constitue un frein pour le déploiement d’une nouvelle offre de services de qualité dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. La direction générale de la mobilité et des transports (DG « MOVE ») de la Commission européenne a pu souligner à cet égard qu’« il ne pouvait y avoir de concurrence pérenne sur un réseau défaillant ».

La France a tout particulièrement accumulé du retard sur le déploiement des deux grands projets de modernisation emblématiques du réseau que sont la commande centralisée de réseau (CRR) et l’ERTMS. La part du réseau total compatible ERTMS est extrêmement faible en France (4 %), contre 53 % en Allemagne. Au niveau des lignes à grande vitesse, la couverture est plus importante (34,9 %) mais reste bien inférieure aux niveaux des Pays-Bas (100 %), de l’Italie (80 %), de l’Allemagne (65 %) et de l’Espagne (50 %). Alors que le règlement européen n° 1315/2013 (UE) prévoit l’équipement du réseau central du RTE-T d’ici 2030, soit dans le cas de la France, environ 6 000 kilomètres de lignes dont la totalité des LGV, le rythme actuel de déploiement, de l’ordre de 120 kilomètres par an, apparaît très largement inférieur au rythme nécessaire pour mettre en œuvre les exigences européennes. En pratique, le déploiement très limité de l’ERTMS en France contraint les nouveaux opérateurs à installer à la fois les systèmes de sécurité européens (dits classe A) et français (dits classe B), ce qui génère des surcoûts importants et des retards de livraison ([40]).

Outre ces défaillances structurelles, le réseau ferré national pose également des problèmes de fiabilité d’accès sur le plan opérationnel. Le nouveau contexte concurrentiel n’aurait pas, selon l’AFRA, provoqué la « révolution industrielle » attendue du côté du gestionnaire d’infrastructures. Les processus d’allocation des sillons et de planification des travaux manquent de visibilité et constituent une source d’incertitudes pour les opérateurs qui se positionnent sur le marché. Railcoop a par exemple souligné en audition que l’absence de visibilité pluriannuelle sur l’allocation des sillons compromettait fortement son accès aux financements. Le nouvel opérateur Trenitalia a été confronté à un risque de mise à l’arrêt de ses services suite à l’annonce de travaux par le gestionnaire d’infrastructures quelques mois après le déploiement de sa nouvelle offre. Les grèves fréquentes constituent également une source d’incertitudes pour les nouveaux opérateurs.

Dans le même temps, alors même que l’accès au réseau français et sa qualité ne sont pas garantis, les redevances d’utilisation de l’infrastructure sont élevées et leur structure est faiblement incitative au développement de l’offre.

B.   La nÉcessitÉ d’un effort soutenu et constant des investissements de modernisation et de rÉgÉnÉration dans le rÉseau

À l’occasion de la remise officielle du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la programmation des investissements à venir pour les infrastructures de transport ([41]), la Première ministre a annoncé, le 24 février dernier, la mobilisation d’une enveloppe de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire jusqu’en 2040, dont 500 millions d’euros par an seraient consacrés à la modernisation du réseau (jusqu’à présent non financée) et 1 milliard d’euros par an à la régénération du réseau ferré (en sus des 2,8 milliards d’euros prévus par le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour 2021-2030).

Si les modalités de financement de cette enveloppe demeurent encore méconnues, ces annonces traduisent la volonté d’investir de façon soutenue et continue dans le réseau français dans l’objectif d’enrayer sa trajectoire de vieillissement et d’engager véritablement sa modernisation. Ces concours publics inscrits sur le long terme constituent un signal fort pour maintenir l’attractivité du réseau français et une condition essentielle pour réussir le déploiement de l’ouverture à la concurrence du point de vue de l’ensemble des acteurs concernés (opérateurs, autorités organisatrices ou usagers).

Ces engagements financiers rompent avec le modèle de financement de la régénération et de la modernisation du réseau ferré national qui prévalait jusqu’à présent et qui reposait essentiellement sur les fonds propres de SNCF Réseau sans concours public dédié ([42]). Ce modèle de financement, atypique par rapport aux voisins européens, présente plusieurs fragilités et insuffisances, soulignées à de nombreuses reprises par l’Autorité de régulation des transports ([43]) :

– bien qu’ambitieuse, la trajectoire d’investissements en régénération de SNCF Réseau portée à 2,8 milliards d’euros par an dans le contrat de performance signé avec l’État pour la période 2021‑2030, repose sur des fondements incertains (d’une part, le reversement de dividendes par SNCF Voyageurs à SNCF Réseau via un fonds de concours, et d’autre part, la hausse des produits des péages ferroviaires acquittés par les entreprises ferroviaires). Ces prévisions sont par ailleurs contradictoires avec le déploiement de l’ouverture à la concurrence sur le plan d’une part, de l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures par rapport à SNCF Voyageurs (SNCF Réseau ayant un intérêt indirect sur les dividendes de l’opérateur ferroviaire historique) et d’autre part, de la compétitivité du rail français pour les opérateurs (le coût des péages actuel pesant d’ores et déjà sur l’attractivité du réseau français) ;

– par ailleurs, cette trajectoire, bien qu’ambitieuse par rapport à la dernière décennie, apparaît fortement contrainte par l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire du gestionnaire d’infrastructures, et resterait insuffisante pour enrayer le vieillissement du réseau ;

– enfin, aucun budget n’est fléché pour la modernisation du réseau (en particulier, le déploiement de la CCR et de l’ERTMS) dans le contrat de performance du gestionnaire d’infrastructures qui y alloue environ 500 millions d’euros par an là où l’ART recommande un effort annuel de plus de 2 milliards d’euros ([44]).

Dans ce contexte, l’annonce d’un concours public dédié à la régénération et la modernisation du réseau ne peut qu’être salué par vos rapporteurs qui invitent le Gouvernement à clarifier la répartition de l’effort dans le contexte du déploiement de l’ouverture à la concurrence dans les territoires.

C.   Un rÉgulateur puissant garantit les conditions d’un accÈs transparent et Équitable au rÉseau

L’existence d’une autorité indépendante régulatrice dont les décisions ont une portée forte et respectée par les acteurs du secteur, joue un rôle essentiel dans le déploiement de l’ouverture à la concurrence. À ce titre, les rapporteurs souhaitent saluer le rôle joué par l’Autorité de régulation des transports (ART) en France et qui a été souligné par plusieurs acteurs durant les auditions.

Créée en 2009 pour accompagner l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire sous le nom d’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAFER), l’autorité a vu ses compétences s’étendre à cinq autres secteurs entre 2015 et 2019 pour devenir l’Autorité de régulation des transports (ART). Le secteur ferroviaire demeure son cœur de métier et le domaine dans lequel ses compétences sont le plus étendues : l’ART émet des avis « conformes » sur les péages de l’infrastructure et les tarifs d’accès aux installations de service, et des avis « simples » ou « motivés » sur les sujets non tarifaires relatifs au réseau (par exemple, l’avis motivé annuel sur la partie non tarifaire du document de référence du réseau ou DRR). Ces pouvoirs permettent à l’autorité de vérifier que les conditions tant financières qu’opérationnelles d’accès au réseau se fondent sur des règles et des procédures transparentes et non discriminatoires.

Outre la publication de ses décisions, l’ART est également force de propositions et de recommandations, à travers par exemple la publication récente d’un rapport entièrement dédié au sujet de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire domestique de voyageurs ([45]).

Enfin, l’ART a également un pouvoir de règlement des différends et de sanction en cas de manquement aux obligations posées par certaines dispositions du code des transports, via sa commission des sanctions. Ces prérogatives permettent, le cas échéant, de clarifier le droit applicable et fluidifier les pratiques ; par exemple, cela a été le cas concernant la transmission des données entre l’opérateur historique et les autorités organisatrices, qui a notamment fait l’objet d’un règlement des différends entre la région des Hauts-de-France et SNCF Voyageurs ([46]).

Ce précédent a par ailleurs permis de souligner la portée potentiellement limitée des décisions de règlements de différend de l’ART en l’absence de sanction directe en cas de non-exécution de celles-ci. Il pourrait être envisagé à ce titre de permettre à l’autorité de sanctionner directement la non-exécution de ces décisions, de façon à en garantir l’efficacité (ce qui nécessitait une évolution législative).

Enfin, il apparaîtrait pertinent de renforcer le rôle de l’ART concernant la programmation des investissements dans le réseau, identifiée par l’ensemble des acteurs comme étant incontournable pour réussir le déploiement de l’ouverture à la concurrence. À ce titre, il pourrait être prévu que soit annexée au contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau une programmation pluriannuelle des investissements de SNCF Réseau sur dix ans, sur laquelle l’autorité pourrait se prononcer et dont elle pourrait suivre la mise en œuvre. Cette évolution nécessiterait de modifier le décret n° 2019-1264 du 29 novembre relatif à l’élaboration et à l’actualisation du contrat entre l’État et SNCF Réseau, et à terme, l’article L. 2111-10 du code des transports, consacré audit contrat.


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   Partie III : des Évolutions notables de la gouvernance et de la situation financiÈre du groupe sncf mais un cadre social fragile À consolider

I.   BILAN de la rÉForme de la gouvernance du groupe SNCF

Afin d’améliorer l’efficacité et la performance du groupe SNCF et adapter sa gouvernance au nouveau contexte concurrentiel, la loi « pacte ferroviaire » réforme en profondeur le statut et l’organisation juridique de la SNCF. Elle transforme la SNCF en un groupe public unifié composé de sociétés anonymes, d’une part, et unifie la gestion des gares au sein d’une filiale SNCF Gares & Connexions indépendante rattachée au gestionnaire d’infrastructures, d’autre part.

A.   une gouvernance du groupe sncf plus lisible et adaptÉe au contexte de l’ouverture À la concurrence

1.   Objectifs et contenu de la réforme de la gouvernance du groupe SNCF

L’article 1er de la loi « pacte ferroviaire » transforme, à compter du 1er janvier 2020, la société nationale SNCF en société anonyme (SA), dont le capital « est intégralement détenu par l’État » et « incessible » (article L. 2101-1 du code des transports) et à laquelle sont rattachées les filiales SNCF Réseau et SNCF Mobilités, également transformées en SA. Le groupe est ainsi constitué de trois sociétés anonymes principales :

– la « société nationale SNCF » mentionnée à l’article L. 2101-1 du code des transports, qui assure la direction et le pilotage du groupe public unifié ;

– la « SNCF Réseau » qui gère « l’accès à l’infrastructure ferroviaire du réseau ferré national » (article L. 2111-9 du même code) ;

– et la « SNCF Mobilités », devenue « SNCF Voyageurs » à compter du 1er janvier 2020, qui « exploite, directement ou à travers ses filiales, des services de transport ferroviaire » (article L. 2141-1 du même code).

Ces entités constituent « un groupe public unifié » qui « remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité et exerce des activités de logistique et de transport ferroviaire de marchandises, dans un objectif de développement durable, de lutte contre le réchauffement climatique, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale » (article L. 2101‑1 du code des transports).

La loi « pacte ferroviaire » de 2018 prolonge ainsi la transformation de la gouvernance du groupe amorcée par la loi de 2014, qui avait créé trois établissements publics (EPIC) fondés sur les mêmes délimitations de compétences (direction, gestion d’infrastructures, exploitation). Cependant, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire approfondit cette première réforme puisqu’elle tend à responsabiliser les entités composantes de la SNCF en leur octroyant le statut juridique de société anonyme, statut plus strict en termes de financements et d’indépendance organisationnelle. En effet, le statut d’établissement public, en tant qu’organisme placé sous le contrôle de l’État, pouvait constituer une distorsion de concurrence pour les autres exploitants sur le marché ferroviaire selon la jurisprudence européenne ([47]). Le statut de société anonyme empêche également un surendettement incontrôlé de la SNCF puisqu’il interdit la création de dettes non amortissables par la société.

2.   La transformation en sociétés anonymes à capitaux publics a permis de commencer à responsabiliser davantage les entités du groupe SNCF

D’après les auditions menées dans le cadre la mission, la réforme du statut et de la gouvernance du groupe SNCF aurait permis des changements et améliorations notables dans son organisation interne. La transformation en sociétés anonymes semble avoir globalement davantage responsabilisé chaque entité de la SNCF en clarifiant les compétences dévolues à chacune et en instaurant une plus grande rigueur dans la gestion financière et opérationnelle du groupe.

La société mère du groupe a été confortée dans ses prérogatives en matière financière et budgétaire (par exemple, grâce à l’exercice de son droit de véto en conseil d’administration).

L’exploitant ferroviaire historique, SNCF Voyageurs, a été incité à améliorer sa gestion financière et poursuivre ses réformes internes pour améliorer sa compétitivité et réduire ses coûts.

La transformation en sociétés anonymes à capitaux publics aurait également permis d’acter une séparation plus stricte entre l’État actionnaire représenté par l’Agence des participations de l’État (APE) et l’ancien ministère de tutelle qui élabore les politiques de transport ferroviaire pouvant impacter les activités du groupe.

Quant au gestionnaire d’infrastructures, le groupe apparaît faire preuve de bonne volonté pour améliorer ses pratiques visant à garantir son indépendance, en particulier au niveau du conseil d’administration sur les décisions relatives aux « facilités essentielles » (tarification et attribution de sillons) qui ont été étendues aux investissements dans le réseau sur recommandation de l’Autorité de régulation des transports. SNCF Réseau a élaboré un code de déontologie ainsi qu’un plan de gestion des informations confidentielles, et renforcé ses équipes sur les questions juridiques et financières.

Toutefois, l’impartialité et l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures demeurent des points sensibles encore fortement débattus à l’issue de la loi « pacte ferroviaire ».

Enfin, la réforme aura conforté le gestionnaire d’infrastructures dans la conduite de ses réformes internes, notamment pour développer une démarche clientèle plus volontariste et créer des opportunités de trafic sur des sillons sous-exploités. Dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du réseau, SNCF Réseau avait mis en place en 2016 une équipe interne dédiée au développement de nouveaux marchés et à l’accompagnement des opérateurs concurrents ainsi que des régions. SNCF Réseau a également engagé de premiers travaux pour faire évoluer son modèle de tarification du réseau de façon à le rendre plus incitatif et optimisé.

La démarche commerciale du gestionnaire d’infrastructures français demeure néanmoins sous-développée par rapport à d’autres gestionnaires européens (comme par exemple en Espagne) et encore peu perceptible par les opérateurs et les autorités organisatrices. Ce changement de posture du gestionnaire d’infrastructures est attendu et pourrait constituer un moteur stratégique pour développer de nouveaux services de transport ferroviaire.

Le gestionnaire d’infrastructures demeure également toujours attendu sur l’amélioration de son processus de répartition des sillons (par exemple, sa digitalisation) et de programmation des travaux sur le réseau (qui manque de lisibilité et de souplesse) de façon à garantir aux opérateurs ferroviaires des conditions opérationnelles d’accès de qualité et équitables.

Enfin, la réforme n’aura pas permis d’unifier la gestion des voies de services dont certaines appartiennent à SNCF Réseau et d’autres à SNCF Voyageurs, et dont le modèle économique en termes de qualité de service et de couverture des coûts n’apparaît pas satisfaisant.

3.   L’indépendance du gestionnaire d’infrastructures demeure questionnée

Si la loi de 2018 a permis d’améliorer la gouvernance de la SNCF, celle-ci n’a toutefois pas comblé toutes les failles de l’organisation du groupe ferroviaire. Une des principales critiques, soulignée notamment par l’ART, tiendrait à l’insuffisance des garanties d’indépendance du gestionnaire d’infrastructures. Or, dans son avis n° 2019‑028 du 9 mai 2019 relatif au projet d’ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF, l’autorité rappelle que « la transparence dans la gestion de l’infrastructure ferroviaire et la lisibilité de la gouvernance du système ferroviaire sont deux éléments fondamentaux pour permettre l’arrivée de nouveaux acteurs en ce qu’elles sont de nature à garantir que les choix opérés sont neutres, objectifs et non discriminatoires et garantissent ainsi l’absence de barrières à l’entrée. » 

Le législateur français a en effet fait le choix d’une organisation verticalement intégrée dans laquelle le gestionnaire d’infrastructures et l’exploitant historique de transport ferroviaire conservent un lien indirect au sein du groupe public. Cette organisation, si elle n’est pas contraire au droit européen, doit tout de même s’accompagner de garanties fortes d’indépendance et d’impartialité du gestionnaire d’infrastructure notamment définies par la directive 2012/34/UE dite « refonte » ([48]) et confirmées par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ([49]). En particulier, l’article 7 de la directive précitée impose une obligation d’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure sur le périmètre des « fonctions essentielles » que sont la répartition des sillons et la tarification de l’infrastructure. Les États membres doivent également prévoir un régime d’incompatibilité des fonctions de dirigeant du gestionnaire d’infrastructure avec celles de dirigeant d’une entreprise ferroviaire ou de la société holding et l’absence de rémunération ou de prime perçue par les membres du conseil d’administration du gestionnaire d’infrastructures fondée sur la performance de toute autre entité de l’entreprise verticalement intégrée.

Ces dispositions européennes ont été transposées en droit français par l’ordonnance n° 2018-1135 et codifiées à l’article L. 2122-4-1-1 du code des transports. Cet article prévoit notamment l’élaboration d’un code de bonne conduite, adressé à l’ART et explicitant les mesures prises pour garantir l’indépendance de SNCF Réseau pour les décisions relevant des fonctions essentielles.

Si le droit français est bien conforme aux dispositions européennes en la matière, dans son avis précité sur l’ordonnance n° 2018-1135, l’ART regrette une transposition a minima jugée insuffisante pour garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures.

Plusieurs points ont été identifiés par l’ART comme pouvant constituer des obstacles à l’indépendance concrète du gestionnaire de réseau :

– d’une part, l’autorité critique l’absence de répartition claire de certaines compétences entre les différentes entités du groupe ferroviaire. À titre d’exemple, elle considère que le champ des « fonctions mutualisées » entre la société nationale SNCF et SNCF Réseau est trop étendu et porte atteinte à l’indépendance nécessaire entre les deux entités ([50]). De la même façon, le recours à des services de support communs, par exemple dans les centres de maintenance, vient également troubler la répartition des compétences entre les deux entités. En outre, il ressort des auditions que la distinction entre le gestionnaire d’infrastructures et l’exploitant ferroviaire est parfois difficile à effectuer pour les acteurs sur le terrain, notamment pour les opérateurs ferroviaires et les autorités organisatrices. Il est à noter que les référents régionaux, chargés de faciliter l’implantation des services en gares pour les acteurs ferroviaires, sont presque tous des membres du personnel de SNCF Voyageurs, ce qui entretient également la confusion ;

– d’autre part, l’organisation interne du gestionnaire d’infrastructures, notamment au niveau de son conseil d’administration, peut entraver l’indépendance décisionnelle de ce dernier selon l’ART. La composition du conseil d’administration accorde une place importante aux représentants de la société nationale SNCF (un tiers des membres du conseil). Si des garanties d’indépendance ont été instaurées ([51]), l’ART met en garde contre le risque d’influence de la société mère sur les décisions du gestionnaire du réseau, y compris sur celles relatives aux fonctions essentielles. Il existe également un mécanisme de blocage au profit des membres nommés sur proposition de la société nationale SNCF sur les résolutions relatives à l’adoption du plan stratégique de SNCF Réseau et de son budget annuel, hors fonctions essentielles (article L. 2111‑15 du code des transports). D’après l’ART, les décisions visées sont imprécises et pourraient avoir des effets indirects sur l’exercice de fonctions essentielles ;

– enfin, l’ART juge l’autonomie financière de SNCF Réseau encore insuffisante. À ce titre, les investissements liés à l’infrastructure ferroviaire relèvent notamment d’un fonds de concours dans lequel sont reversés les dividendes de SNCF Voyageurs.

L’ART préconise ainsi plusieurs améliorations visant à renforcer l’indépendance organisationnelle et décisionnelle du gestionnaire qui pourrait se traduire par l’extension des « fonctions essentielles », et à l’inverse, par la réduction des fonctions mutualisées avec la société mère ([52]). Elle recommande également la nomination de personnalités qualifiées présentant de solides garanties d’indépendance et choisies en raison de leurs compétences au sein du conseil d’administration du gestionnaire d’infrastructures. In fine, l’autorité de régulation formule la nécessité d’accroître ses propres pouvoirs de contrôle et de sanction afin d’assurer une application effective du principe d’indépendance dans un cadre concurrentiel.

B.   Le gestionnaire de gares bÉnéficie d’un nouveau statut prometteur

1.   La gestion des gares de voyageurs a été unifiée au sein de SNCF Gares & Connexions devenue filiale autonome de SNCF Réseau

La gestion des gares de voyageurs est particulièrement déterminante pour mettre en œuvre les conditions d’une concurrence équitable et non discriminatoire entre les différents exploitants ferroviaires. Ainsi, la modification du cadre juridique de la gestion des gares de voyageurs a été nécessaire pour parachever le système d’ouverture à la concurrence. Anciennement établie sous une direction autonome au sein de SNCF Mobilités, la gestion des gares de voyageurs a été érigée, depuis la réforme de 2018, en une véritable société anonyme rattachée au gestionnaire du réseau.

En effet, l’article 1er de la loi « pacte ferroviaire » dispose que la société SNCF Réseau assure « la gestion unifiée des gares de voyageurs, à travers une filiale dotée d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière » (5° de l’article L. 2111‑9 du code des transports). Elle a notamment pour mission « d’assurer aux entreprises de transport ferroviaire (…) de façon transparente et non discriminatoire, les services et prestations en gares », « de favoriser la complémentarité des modes de transports », ou encore « de contribuer au développement équilibré des territoires » (article L. 2111‑9‑1).

Schéma de l’organisation de la SNCF depuis le 1er janvier 2020

Source : SNCF

Depuis la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (dites « loi ORTF »), la gestion des gares de voyageurs faisait l’objet d’une direction autonome au sein de l’EPIC SNCF Mobilités. Certaines garanties d’indépendance avaient néanmoins été instituées entre le gestionnaire des gares de voyageurs et l’opérateur de transport par la loi ORTF, comme la séparation comptable entre les deux entités, inscrite à l’article L. 2123-1-1 du code des transports. Toutefois, l’autonomie juridique et décisionnelle de la branche « Gares & Connexions » restait encore limitée. La loi de 2014 n’avait pas apporté de modifications à ce cadre juridique ; la nécessité d’instaurer une réelle séparation organisationnelle du gestionnaire des gares de voyageurs est apparue indispensable pour garantir une libre concurrence de tous les exploitants ferroviaires.

Pour réaliser cet objectif, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire s’est appuyée sur quatre piliers :

– l’unification des compétences au sein de SNCF Gares & Connexions : depuis le 1er janvier 2020, le gestionnaire des gares de voyageurs s’est vu transférer la gestion des quais, des passerelles d’accès, et des halles de voyageurs, auparavant assurée par le gestionnaire d’infrastructures ;

– la filialisation de l’entité gestionnaire des gares de voyageurs : SNCF Gares & Connexion a été dotée du statut juridique de société anonyme à capitaux publics et filialisée au sein du groupe public unifié SNCF. Ce faisant, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire a permis d’autonomiser cette entité, qui n’était jusqu’alors qu’une simple branche au sein du groupe ;

– le rattachement de la filiale au gestionnaire d’infrastructures : en rattachant SNCF Gares & Connexions à SNCF Réseau, la loi a permis de matérialiser la séparation juridique entre le gestionnaire de gares de voyageurs et l’exploitant ferroviaire SNCF Voyageurs ;

– la fixation d’objectifs via un contrat pluriannuel entre l’État et SNCF Gares & Connexions : l’article 1er de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit la conclusion d’un contrat pluriannuel entre l’État et le gestionnaire des gares de voyageurs afin de fixer des objectifs à ce dernier, notamment en matière de « qualité de service, de trajectoire financière, d’accès des entreprises ferroviaires aux gares, de sécurité, de rénovation et de propreté des gares et de développement équilibré des territoires » (article L. 2111-10-1 A du code des transports).

2.   Le gestionnaire des gares manque encore de moyens pour véritablement faire évoluer le modèle de gestion des gares en France

Les acteurs ferroviaires, ainsi que le régulateur, semblent se féliciter de la filialisation du gestionnaire des gares de voyageurs. La loi « pacte ferroviaire » a justement positionné SNCF Gares & Connexions pour qu’elle puisse jour son rôle d’acteur impartial face aux nouveaux entrants sur le marché ferroviaire et leur garantir un accès non discriminatoire aux gares de voyageurs. La filiale a bénéficié de transferts d’effectifs de SNCF Voyageurs en 2020 (plus de 4 000 salariés) et s’est dotée d’instances propres. L’arrivée de Trenitalia et bientôt de la Renfe à la Gare de Lyon à Paris notamment a constitué une première expérience pour la nouvelle filiale qui a adapté son offre de prestations et son accompagnement en conséquence. Le contexte d’ouverture à la concurrence, en faisant émerger de nouvelles missions et compétences, a également permis de repenser et revaloriser les métiers au sein de la filiale.

Pour autant, en pratique, la transformation de SNCF Gares & Connexions et son adaptation au contexte concurrentiel n’apparaissent qu’amorcées à ce jour.

Tout d’abord, l’autonomie réelle de la filiale a été remise en cause par le régulateur, qui considère notamment que SNCF Gares & Connexions reste encore en pratique trop dépendante de l’entreprise ferroviaire historique, SNCF Voyageurs. Il convient à ce titre de rappeler qu’il existe actuellement deux modèles de gestion des gares : pour les gares de voyageurs de grande taille qui accueillent différents types de services (services librement organisés et conventionnés), la gestion est opérée directement par le gestionnaire des gares (SNCF Gares & Connexions). En revanche, pour les gares de voyageurs de plus petite taille, la gestion est assurée par le transporteur (modèle dit du « transporteur intégrateur »), soit aujourd’hui, quasi exclusivement SNCF Voyageurs.

Dans son avis n° 2022014 du 15 février 2022 relatif au projet de contrat entre l’État et SNCF Gares & Connexions pour 2021-2026, le régulateur souligne que le premier modèle est encore trop peu mis en œuvre (46 gares à l’horizon 2025 identifiées dans le contrat de performance, sur près de 3 000 gares au total) et que la gestion « de la très grande majorité des gares continuera de reposer sur des prestations fournies par le personnel de l’opérateur historique, SNCF Voyageurs ». Sans remettre en cause le modèle du transporteur-intégrateur dans les petites gares, celui-ci devrait être révisé dans le nouveau contexte concurrentiel pour assurer une relation plus verticale entre SNCF Gares & Connexions et l’opérateur gestionnaire. En conservant ce modèle de gestion historique délégué de facto à l’opérateur historique dominant sur le marché, le gestionnaire des gares ne serait pas en mesure de proposer un accès pleinement transparent, équitable et non discriminatoire aux entreprises ferroviaires. La filiale a néanmoins indiqué, lors de son audition, qu’elle travaillait à mieux équilibrer le modèle de gestion des gares déléguées en encourageant notamment les régions à reprendre certaines prestations de base (sécurité, nettoyage, information aux voyageurs, etc.).

L’ART a également signalé la souplesse des relations entre SNCF Voyageurs et SNCF Gares & Connexions, en particulier pour ce qui est des redevances des prestations fournies dans les gares de voyageurs. En effet, le contrôle des prestations internes, en principe opéré par le gestionnaire des gares, est parfois réalisé par d’autres entités du groupe, principalement par SNCF Voyageurs. À ce titre, l’ART demande au gestionnaire de gares « d’améliorer sa démarche d’audit, et, plus largement, de mettre en place un environnement de contrôle effectif des situations dans lesquelles des prestations sont fournies en gare par SNCF Voyageurs » ([53]).

D’une façon générale, en dépit de son nouveau statut, SNCF Gares & Connexions semble manquer de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour effectuer directement ses missions transversales dans les grandes gares (information générale et affichage, gestion du patrimoine et des locaux, sécurisation des espaces, etc.) et piloter efficacement les prestations qu’il est amené à déléguer à un transporteur ([54]).

En outre, la question de la fragilité financière de SNCF Gares & Connexions a aussi été posée plusieurs fois lors des auditions. D’une part, le transfert des quais et des halles à SNCF Gares & Connexions, s’il rationalise les compétences dévolues à chaque entité, représente un coût supplémentaire important pour le gestionnaire de gares. Ces actifs sont souvent en mauvais état et font l’objet d’importantes obligations publiques en termes de régénération, de développement et de modernisation. SNCF Gares & Connexions n’a pas reçu de recettes nouvelles lui permettant de couvrir ces coûts supplémentaires. D’autre part, le rattachement de SNCF Gares & Connexions à SNCF Réseau, dont le budget est particulièrement déficitaire, est également remis en cause. Ce rattachement pourrait en effet avoir un véritable impact négatif sur les finances de SNCF Gares & Connexions (et de SNCF Réseau) et entraver à l’avenir de futurs investissements nécessaires dans les gares et sur le réseau ferroviaire.

II.   Le Bilan social de la rÉforme

Sur le plan social, la réforme de 2018 continue à susciter la très forte opposition des organisations syndicales de salariés, qui rejettent son esprit et la décrivent comme un traumatisme, dont les stigmates nuiraient, aujourd’hui encore, à la qualité du dialogue social.

A.   La fin du statut : Un effet difficilement quantifiable sur l’attractivitÉ des emplois

1.   La fin du recrutement au statut pour les nouveaux agents

Avant la réforme de 2018, la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités employaient à 90 % des agents au statut ([55]), relevant de la directive RH 0001 « Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ». Ces agents étaient des salariés liés à la SNCF par un contrat de travail, les plaçant dans une position statutaire particulière en matière de droit syndical, de rémunération, de représentation du personnel, de déroulement de carrière, de congés ou encore de régime d’assurance maladie. Les 10 % d’agents restants étaient liés à la SNCF par un contrat de travail de droit commun et régis par la directive RH 0254 « Dispositions applicables au personnel contractuel ». Ces recrutements hors statut étaient justifiés pour les personnes qui ne remplissaient pas les conditions d’embauche (comme un âge inférieur à 30 ans) ou qui disposaient de compétences particulières (comme les médecins).

L’article 3 la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 prévoit la cessation des recrutements de personnel au statut au 31 décembre 2019. Cette mesure, motivée par la volonté d’une maîtrise des coûts du groupe SNCF et d’harmonisation des conditions d’emploi au sein de la branche ferroviaire dans un contexte d’ouverture à la concurrence, avait suscité une farouche opposition des organisations syndicales au printemps 2018 lors de l’examen du projet de loi.

2.   Un impact difficile à évaluer sur l’attractivité des emplois proposés

Depuis le 1er janvier 2020, les travailleurs recrutés par le groupe SNCF ne disposent plus du statut de cheminot. Au cours de leur audition, les différentes entités de la SNCF ont indiqué ne pas constater d’impact de la fin du recrutement au statut sur l’attractivité des emplois proposés.

Dans les faits, des difficultés de recrutement sont toutefois observées, qui ne sont évidemment pas propres à la SNCF, dans un marché du travail très dynamique. En 2022, sur les 1 100 recrutements prévus, seulement 450 postes ont été pourvus.

Ce défaut d’attractivité a été mis en lumière au cours des auditions menées dans le cadre de la mission d’information. Ainsi, l’Unsa ferroviaire évoquait-elle une « difficulté grandissante de trouver des candidats à des postes soumis aux contraintes du ferroviaire » et une « aggravation de la pénurie de personnel, notamment sur les métiers opérationnels les plus exposés ». Le groupe SNCF rencontrerait des difficultés à recruter sur les métiers à forte valeur ajoutée : les ingénieurs et les agents de maîtrise pour SNCF Réseau ou les conducteurs de train.

Le manque de conducteurs a contraint la SNCF à supprimer des TER dans plusieurs régions, notamment les Hauts-de-France, où 136 trains sont supprimés quotidiennement depuis le 24 octobre 2022.

Cette pénurie globale de candidats s’explique, selon les organisations syndicales, par le manque d’attractivité des contrats proposés : « Le contrat social SNCF est devenu, aux yeux des candidats à l’embauche, moins disant et surtout moins intéressant à long terme, d’autant que l’empilement des réformes depuis 15-20 ans ne peut que faire craindre de futures réformes dans l’avenir proche, remettant en cause d’autres acquis : ce sont donc les intérêts à court terme qui guident ces candidats, qui vont dès lors rechercher des salaires plus importants ailleurs, ou une meilleure articulation vie privée - vie professionnelle, ce que le rythme opérationnel de la SNCF permet peu… » ([56]).

Preuve de la chute d’attractivité des emplois proposés par le groupe SNCF, de nombreux agents intérimaires préféreraient refuser les offres d’emploi pérennes qui leur sont proposées et se satisfaire des primes de précarité et du paiement de leurs congés payés en fin de mission.

Il apparaît toutefois impossible de chiffrer précisément l’impact en termes d’attractivité lié à la fin du statut, ce que reconnaissent certains syndicats comme la CFDT : « la CFDT n’a pas chiffré le différentiel d’attractivité liée à la fermeture du statut mais il y a un effet probablement significatif » ([57]).

B.   UN dialogue social dont le cadre est toujours en cours de stabilisation

1.   L’établissement d’un cadre commun de dialogue social

Conformément aux dispositions de la loi du 27 juin 2018, les discussions entre les partenaires sociaux de la SNCF ont abouti à la création d’un accord prévoyant le fonctionnement du dialogue social et différentes négociations d’entreprises. L’accord du 29 octobre 2020, relatif à l’unité sociale et à l’évolution du dialogue social sur le périmètre des cinq sociétés SNCF, signé par les quatre syndicats représentatifs du groupe ferroviaire SNCF, la CFDT, la CGT, SUD et l’Unsa, est valable jusqu’au 31 décembre 2024.

L’accord rappelle que les cinq sociétés de la SNCF sont « dotées de prérogatives en matière de négociation collective », tout en rappelant l’objectif partagé d’unité sociale du groupe ferroviaire. Il définit le socle commun des droits sociaux du personnel, notamment le statut et les référentiels de ressources humaines.

Afin d’assurer une organisation équilibrée de la négociation collective, les partenaires sociaux ont défini trois types d’accord :

– les accords de groupe, qui portent sur les sujets communs aux cinq sociétés comme l’organisation du temps de travail, la complémentaire santé, l’égalité professionnelle ou le plan d’épargne groupe ;

– les accords-cadres, qui fixent des éléments pour l’ensemble des salariés tout en ouvrant la possibilité de négocier des déclinaisons complémentaires au niveau des sociétés. Sont concernés par des accords-cadres la rémunération, le télétravail ou encore la formation ;

– les accords de sociétés, qui ne sont applicables qu’au périmètre de la société concernée, pour tous les sujets non couverts par des accords de groupe.

2.   La définition des règles applicables à la branche est encore en cours

La loi a prévu que les partenaires sociaux devaient compléter la convention collective de la branche ferroviaire afin d’offrir une couverture conventionnelle adaptée à l’ensemble des salariés de la branche. Elle a également indiqué qu’il convenait de négocier sur les « autres garanties » que celles prévues par la loi qui pourraient être accordées aux salariés transférés en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire.

À ce jour, les partenaires ont signé deux accords importants le 6 décembre 2021, tous deux étendus par le ministère du travail le 22 avril 2022 :

– l’un relatif aux classifications et aux rémunérations dans la branche ferroviaire, signé par l’UTP, l’Unsa ferroviaire, la CFDT et SUD Rail, mais pas par la CGT Cheminots après dix-huit mois de discussions.

– l’autre relatif aux garanties, autres que celles prévues par la loi (« sac à dos social »), attachées aux salariés transférés, principalement sur les questions relatives au logement, à l’accès à la médecine de soins, à la pénibilité et aux facilités de circulation. Cet accord a été signé par l’UTP, l’UNSA ferroviaire et la CFDT, mais pas par la CGT Cheminots ainsi que SUD Rail.

Toutefois, les négociations qui, en vertu de la feuille de route de l’accord tripartite, devaient être conclues en 2022 sur l’action sociale et la prévoyance, n’ont pas été menées à leur terme.

Sur le volet portant sur l’action sociale, suite aux préconisations de l’observatoire du dialogue social dans la branche ferroviaire, une mission préalable conduite par l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’environnement et du développement durable a été lancée par courrier du 13 décembre 2022 pour dresser un état des lieux sur les dispositifs existants à la SNCF et dans la branche et formuler des propositions de scénarios pour la mise en place d’une action sociale de branche, afin d’accompagner les futures négociations.

En matière de prévoyance et de complémentaire santé, l’accord proposé par la partie patronale n’a pas été signé par les organisations syndicales. Les membres de l’observatoire du dialogue social ont été missionnés par le ministre des transports le 1er mars 2023 pour identifier les points de désaccord subsistant entre les partenaires sociaux, les voies de sortie envisageables et le calendrier.

III.   Une amÉlioration de la situation financiÈre dE SNCF RÉseau

A.   La rÉforme de 2018 vise À assainir les finances de SNCF RÉseau via la reprise de la dette et le renforcement de la rÈgle d’or

1.   Une reprise de 35 milliards d’euros de dette

Avant la reprise de la dette, la dette financière de SNCF Réseau représentait 51,9 milliards d’euros. Conformément aux dispositions de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, l’État a repris une partie de cette dette à hauteur de 35 milliards d’euros en deux fois : 25 milliards d’euros au 1er janvier 2020, puis 10 milliards d’euros au 1er janvier 2022.

Le mécanisme retenu est similaire à celui employé lors de la reprise de la dette du service annexe d’amortissement de la dette de la SNCF de 2007 : il s’agit de prêts croisés identiques entre la caisse de la dette publique et SNCF Réseau. L’État s’est ensuite substitué à SNCF Réseau comme débiteur de la caisse de la dette publique. Chaque année, l’État règle les échéances en principal et en intérêts des contrats de prêt qui le lient désormais à la caisse de la dette publique. Cette dernière fait de même au bénéfice de SNCF Réseau. Les échéances d’intérêts versés par l’État sont inscrites au programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

2.   Le renforcement de la règle d’or financière

Introduite par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, la règle d’or financière visait à maîtriser l’endettement du gestionnaire d’infrastructures en fixant les règles de financement des investissements de maintenance et de développement du réseau ferré national, dans l’objectif d’assurer la maîtrise de la dette de SNCF Réseau.

Inscrite à l’article L. 2111‑10 du code des transports, la règle d’or prévoit un dispositif d’encadrement de la participation financière de SNCF Réseau aux investissements de développement, cette participation étant conditionnée au fait que le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau n’excède pas un niveau plafond déterminé par décret, dans la limite d’un maximum fixé par la loi à dix-huit.

Toutefois, les modalités d’application de la règle d’or de maîtrise de l’endettement du gestionnaire du réseau sont apparues insuffisantes. Fin 2017, la dette de SNCF Réseau atteignait en effet près de 46,6 milliards d’euros et connaissait une dynamique à la hausse.

L’article 2 de la loi de 2018, précisé par le décret n° 2019‑1582 du 31 décembre 2019 relatif aux règles de financement des investissements de SNCF Réseau, introduit de nouvelles conditions d’application de la règle d’or financière de SNCF Réseau. La règle prévoit qu’à partir du 1er janvier 2027, le ratio entre la dette nette de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle ne pourra être supérieur à six, contre dix-huit auparavant. D’ici à cette échéance, le ratio doit converger vers l’objectif fixé.

Durant cette période, SNCF Réseau ne peut contribuer au financement d’investissements de développement du réseau, exception faite des investissements de modernisation. Le décret n° 2019‑1582 du 31 décembre 2019, s’applique aux « investissements de développement », c’est-à-dire à la « création de lignes nouvelles en tracé neuf » et à leur raccordement au réseau existant, ainsi qu’à la « réouverture de lignes » fermées « depuis plus de cinq ans ». Les « investissements de maintenance », qui incluent l’entretien et le renouvellement du réseau, ne sont pas pris en compte.

Une fois l’objectif du ratio atteint, le financement par SNCF Réseau d’investissements de renouvellement ou de développement du réseau doit être limité de manière à ce que le taux de retour pour SNCF Réseau sur chaque investissement soit au moins égal à son coût pondéré du capital.

B.   Une situation financiÈre de SNCF RÉseau plus saine mais qui demeure fragile

1.   Une prévision d’assainissement de la situation financière dont les fondements demeurent incertains

La reprise de dette a permis d’améliorer la situation financière de SNCF Réseau en réduisant l’encours de la dette mais également la charge d’intérêts. Ce transfert devrait libérer SNCF Réseau de plus de 7 milliards d’euros cumulés entre 2020 et 2030.

La règle d’or, traduite dans le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau 2021‑2030, devrait éviter la croissance de la dette de SNCF Réseau. Le contrat fixe un niveau de ratio égal à 5,7 en 2026, conformément aux dispositions réglementaires applicables puis, au-delà, une trajectoire descendante jusqu’au terme du contrat de performance en 2030.

 

Titre : Marge opérationnelle, dette nette et ratio « règle d’or » prévisionnels de SNCF Réseau

Toutefois, dans son avis n° 2022­009 relatif au projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021‑2030, l’ART soulignait que l’atteinte de ces objectifs reposait sur des éléments exogènes au gestionnaire d’infrastructures, qui demeurent incertains.

La trajectoire de maîtrise du ratio repose principalement sur le postulat d’une hausse des ressources financières du gestionnaire d’infrastructures.

La trajectoire prévue suppose d’abord une hausse des dividendes de SNCF Voyageurs. S’il est vrai que les versements de dividendes devraient être particulièrement dynamiques (170 millions d’euros en 2022 et 2023 et 925 millions en 2024 selon l’ART), le système de financement de SNCF Réseau demeure vulnérable à la conjoncture. Ainsi, la baisse de fréquentation liée à la crise du Covid-19 a-t-elle mis en lumière les faiblesses du système de financement de SNCF Réseau. La réforme de 2018 visait à créer un système ferroviaire financièrement autoporteur via le versement des bénéfices générés par SNCF Voyageurs au fonds de concours destiné à subventionner le gestionnaire d’infrastructures. Ce lien financier entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs conditionne les ressources de SNCF Réseau aux bénéfices réalisés par SNCF Voyageurs et donc au niveau du trafic de voyageurs. En 2021, du fait de la crise du Covid-19, SNCF Voyageurs s’est trouvée dans l’impossibilité d’abonder le fonds de concours.

La trajectoire prévue repose ensuite sur une hausse des redevances d’infrastructure (+ 55 % entre 2021 et 2030 dans le contrat), liée à la hausse des trafics en trains-kilomètres de l’ordre de 30 % entre 2021 et 2030 et à la hausse du niveau des péages d’environ 40 % sur la même période.

Dans ce contexte, le respect de la règle d’or et la maîtrise de la dette de SNCF Réseau n’apparaissent pas totalement garantis d’ici 2030.

2.   Une contrainte financière susceptible de nuire à la qualité du réseau et de la limiter à son maintien en l’état

Comme le soulignait l’ART dans son avis n°2022­009 relatif au projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021‑2030, les moyens consacrés au réseau ferroviaire risquent de ne permettre d’assurer qu’à peine son maintien en l’état. Encore faut-il souligner que le vieillissement du réseau a pu être stoppé depuis la loi d’orientation des mobilités, mais sans rajeunissement des différentes composantes de la voie.

Les montants aujourd’hui prévus ont bien progressé par rapport aux années précédentes mais ils demeurent insuffisants par rapport à la nécessaire augmentation des efforts de renouvellement de l’infrastructure. Autrement dit, le respect de la règle d’or financière pourrait contraindre l’enrayement du vieillissement du réseau structurant, limitant les dépenses au maintien des fonctionnalités existantes et rendant complexes les investissements de modernisation. L’ART a ainsi souligné que l’insuffisante prise en compte des investissements de modernisation semblait incohérente avec les objectifs d’essor du trafic ferroviaire.

 


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   Examen du rapport en commission

Lors de sa réunion du 10 mai 2023, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

 

À l’issue de la réunion, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a autorisé la publication du rapport d’information.

*

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/YqDGKK

 

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

 

Audition conjointe

M. Jean-Baptiste Djebbari, ancien député et ministre, rapporteur de la loi

M. Gérard Cornu, ancien sénateur, rapporteur de la loi

 

Autorité de régulation des transports (ART)

M. Philippe Richert, président par intérim

Mme Geneviève Lallemand-Kirche, directrice, adjointe au secrétaire général

M. Olivier Salesse, directeur de la régulation sectorielle des transports

 

M. Florent Laroche, maître de conférences en économie des transports à l’université Lumière Lyon 2

 

Table ronde d’opérateurs ferroviaires

 Association française du rail (AFRA) *

M. Alexandre Gallo, président

M. Jean-Yves Lhomme, directeur des relations institutionnelles Arriva et administrateur de l’AFRA

 Transdev *

M. Édouard Henaut, directeur général

M. Claude Steinmetz, vice-président

M. Laurent Mazille, directeur des relations institutionnelles

 Trenitalia France

M. Roberto Rinaudo, président

 Railcoop *

Mme Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée

 Keolis *

M. Nicolas Pelissier, directeur délégué aux collectivités et chargé des relations institutionnelles

 

SNCF Voyageurs *

M. Antoine de Rocquigny, secrétaire général

M. Bruno Souchon, directeur-adjoint de cabinet du président directeur général de SNCF Voyageurs

 

SNCF Direction *

M. Laurent Trévisani, directeur général délégué « Stratégies Finances »

Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF

 

Union des transports publics et ferroviaires *

Mme Florence Sautejeau, déléguée générale

M. Mathieu Dufour, directeur du département « Affaires sociales et Sûreté »

Mme Karine Maubert, chargé de mission « Affaires juridiques »

M. Charles-Edouard Roehrich, chargé de mission « Affaires institutionnelles »

 

M. Gilles Dansart, journaliste, directeur de Mobilettre

 

Ministère des transports – Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

Mme Floriane Torchin, directrice des transports ferroviaires et fluviaux et des ports

M. François Lavoué, adjoint au sous-directeur des services ferroviaires

 

SNCF Réseau *

M. Alain Quinet, directeur général

Mme Isabelle Delon, directrice générale adjointe « Clients et services »

 

SNCF Gares & Connexions *

Mme Emmanuelle Chailley, directrice de la stratégie

Mme Éliane Barbosa, directrice des opérations et des territoires

M. Thierry Marduel, directeur de la régulation

 

 

 

 

Table ronde de régions

 Association Régions de France

M. Michel Neugnot, premier vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté et président délégué de la commission « Mobilité, transports et infrastructures »

 Région Sud – PACA

M. Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des transports et de la mobilité durable

 

Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) *

M. Bruno Gazeau, président

Mme Christiane Dupart, vice-présidente

 

Table ronde de régions

 Hauts-de-France

M. Franck Dhersin, vice-président

 Grand-Est

M. Franck Leroy, président

M. Airy Cazin, conseiller au cabinet du président

 Centre-Val-de-Loire

M. Philippe Fournié, vice-président délégué aux mobilités, aux transports et aux intermodalités

M. Hugo Lefelle, conseiller transport au cabinet

 

Direction générale de la mobilité et des transports (DG MOVE) de la Commission européenne

M. Herald Ruijters, directeur général adjoint

Mme Kathrin Obst, cheffe adjointe au bureau de l’espace ferroviaire unique européen

M. Eddy Liégeois, chef d’unité « Réseau transeuropéen de transport »

M. Wojciech Sopinski, conseiller de la coordinatrice européenne, Mme Radicova, en charge du corridor méditerranéen

Mme Julie Buy, conseillère du coordinateur européen, M. Secchi, en charge du corridor Atlantique

 

Mme Karima Delli, présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen

 

Table ronde d’organisations syndicales

 CGT Cheminots

M. Hervé Gomet, secrétaire général de l’Union interfédérale des transports (UIT-CGT)

M. Alexandre Boyer, membre du bureau fédéral de la Fédération des cheminots

 Fédération Sud Rail

M. Jean-René Delepine, secrétaire fédéral

M. Éric Meyer, secrétaire fédéral

 CFDT Cheminots

M. Thomas Cavel, secrétaire général

M. Pascal Couturier, secrétaire général adjoint

 

Trainline *

M. Alexander Ernert, directeur « Affaires publiques »

 

Contribution écrite

Ile-de-France Mobilités

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

***

 

 


([1])  Rapport d’information n° 1870 sur la mise en application de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et présenté par MM. Jean-Baptiste Djebbari et Jean-Marie Sermier au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Assemblée nationale 11 avril 2019.

([2])  Lot « Métropoles » (Marseille-Toulon-Nice) attribué à Transdev et lot « Azur » attribué à une filiale de SNCF Voyageurs en 2021 en région Sud ; lot « Étoile ferroviaire d’Amiens » attribué à une filiale de SNCF Voyageurs en 2023 dans la région Hauts-de-France.

([3]) Directive 2001/12/CE du 26 février 2001 modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires.

([4]) Notamment par la directive 2004/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires.

([5]) Règlement (CE) n° 881/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 instituant une Agence ferroviaire européenne (règlement instituant une Agence).

([6]) En particulier la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires et la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire.

([7]) Loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.

([8]) Directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.

([9]) Principalement constitué de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire.

([10]) Ordonnance n° 2019-397 du 30 avril 2019portant transposition de la directive (UE) 2016/797 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l'Union européenne et de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire et adaptation du droit français au règlement (UE) 2016/796 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004.

([11]) Principalement constitué de la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant la directive 2012/34/UE en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire.

([12])  Ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire et à l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs ;

Ordonnance n° 2019-183 du 11 mars 2019 relative au cadre de fixation des redevances liées à l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ainsi qu’à l’élaboration et à l’actualisation du contrat entre l’État et SNCF Réseau ;

Ordonnance n° 2019-397 du 30 avril 2019 portant transposition de la directive (UE) 2016/797 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l'Union européenne et de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire et adaptation du droit français au règlement (UE) 2016/796 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004 ;

Ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

([13]) Rapports d'information du Sénat, bilan annuel de l’application des lois au 31 mars 2019 n° 542 (2019-2020), au 31 mars 2020 n° 523 (2020-2021) et au 31 mars 2021 n° 645 (2021-2022).

([14]) L’article 12 de la loi prévoit des modalités et un calendrier spécifiques d’ouverture à la concurrence pour les services ferroviaires organisés par le syndicat des transports d’Île-de-France.

([15]) Décret n° 2016-327 du 17 mars 2016 relatif à l’organisation du transport ferroviaire de voyageurs et portant diverses dispositions relatives à la gestion financière et comptable de SNCF Voyageurs.

([16]) Étude de l’Autorité de régulation des transports sur l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, février 2022.

([17]) IRG Rail, 5ème rapport annuel d’observation des marchés ferroviaires publié en mars 2017.

([18])  Autorité de régulation des transports, Étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, 2022.

([19]) Autorité de régulation espagnole (CNMC).

([20]) Données Rail Market Monitoring (RMMS).

([21]) Malay, O., Vankeirsbilck, L., « Libéralisation du rail : qui va gagner, qui va perdre ? », Discussion Paper 2019-3, Institut de recherches économiques et sociales de l’Université catholique de Louvain.

([22])  Vigren, A., (2017), “Competition in Swedish Passenger Railway : Entry in an Open Access Market and Its Effect on Prices.” Economics of Transportation 11–12: 49–59. 

([23]) Tomeš, Z., Kvizda, M., Jandová, M., & Rederer, V. (2016). “Open access passenger rail competition in the czech republi”c. Transport Policy, 47, 203–211.  

([24]) https://www.maregionsud.fr/actualites/detail/ouverture-a-la-concurrence-du-reseau-ferroviaire-en-region-sud-une-chance-unique-pour-le-territoire-et-les-usagers

([25])  https://www.iledefrance-mobilites.fr/mise-en-concurrence-trains

([26])  Article du Monde, « La région Bourgogne-France-Comté renonce à son grand soir de la concurrence ferroviaire », 15 décembre 2022.

([27]) Décision n° 2020-044 du 30 juillet 2020 portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs.

([28]) Décision n° 2021-032 du 17 juin 2021 portant règlement du différend entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et SNCF Voyageurs.

([29]) Cour d’appel de Paris, 23 juin 2022, SNCF Voyageurs SA c/ Région Hauts-de-France, RG 20/11995.

([30]) Décret n° 2019-696 du 2 juillet 2019 relatif à l’information, l’accompagnement et le transfert des salariés en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs.  

([31])  https://www.utp.fr/newsletter/branche-ferroviaire-lutp-prend-acte-de-la-non-validite-de-laccord-sur-certaines

([32]) Décision n° 428422 du 28 février 2020 du Conseil d’État statuant au contentieux.

([33]) Décret n° 2019-33 du 25 avril 2019 relatif au bénéfice de la garantie d’emploi en cas de changement d’employeur au sein de la branche ferroviaire pour les salariés régis par le statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports.

([34])  Article L. 2121‑12 du code des transports.

([35])  Florent Laroche, « Goodbye monopoly : l’effet de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sur les prix et la fréquence sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon », décembre 2022.

([36]) Article 31 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, modifiée par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016.

([37])  Article 32 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, modifiée par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016.

([38]) Autorité de régulation des transports, L’essentiel du marché français du transport ferroviaire en 2021, 2022.

([39]) L’ICV est un indicateur d’âge moyen relatif de la voie au regard de sa durée de vie. Il dépend des caractéristiques physiques de la voie ainsi que de son intensité d’utilisation. Un tronçon neuf a une valeur de 100 et un actif en fin de vie prend la valeur 10. SNCF Réseau considère qu’un ICV de 55 constitue un objectif à atteindre pour la pérennité du patrimoine.

([40])  Autorité de régulation des transports, « Les équipements de sécurité embarqués à l’heure de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport de voyageurs sur les lignes à grande vitesse », juillet 2022.

([41]) Rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, « Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition », remis le 24 février 2023.

([42])  Hors concours public ponctuel dans le contexte de la crise sanitaire, via notamment l’opération de recapitalisation du groupe SNCF à hauteur de 4,05 milliards d’euros, reversée au fonds de concours de SNCF Réseau entre 2021 et 2023, de façon à maintenir l’effort de régénération du réseau à environ 2,8 milliards d’euros par an.

([43]) Avis de l’Autorité de régulation des transports n° 2022-009 du 8 février 2022 relatif au projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030.

([44]) Rapport pour avis de M. David Valence, sur le budget « Transports terrestres et fluviaux » du projet de loi de finances pour 2023, fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, octobre 2022.

([45]) Autorité de régulation des transports, Étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, édition 2022.

([46])  Décision n° 2020-044 du 30 juillet 2020 portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs.

([47])  Décision 2015/145/CE de la Commission européenne du 16 décembre 2003 relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques gazières.

([48])  L’article 4 de la directive 2012/34/UE dite « refonte » dispose que : « Les États membres assurent [que] les entreprises ferroviaires directement ou indirectement détenues ou contrôlées par les États membres sont dotées d'un statut d'indépendance selon lequel elles disposeront notamment d'un patrimoine, d'un budget et d'une comptabilité séparés de ceux des États ».

([49]) La CJUE impose notamment que le gestionnaire d’infrastructures, chargé des fonctions essentielles, soit indépendant « sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel » : CJUE, 28 févr. 2013, aff. C-556/10, Commission c/ RFA, pt 57.

([50]) Les fonctions mutualisées concernent notamment l’activité d’expertise et de conseil juridique, la gestion des systèmes d’information, ou encore la gestion immobilière et foncière du groupe public unifié (avis n° 2019-028 du 9 mai 2019 relatif au projet d’ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF).

([51]) Notamment grâce à un principe d’incompatibilité entre les fonctions de président du conseil d’administration de SNCF Réseau et dirigeant d’une entreprise ferroviaire, posé à l’article L. 2111-16-1 du code des transports.

([52]) Étude de l’Autorité de régulation des transports sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, 2022.

([53]) Avis n° 2021-048 du 23 septembre 2021 relatif aux redevances des prestations régulées fournies dans les gares de voyageur pour l’horaire de service 2021.

([54])  Ibidem.

([55]) À savoir, « des salariés régis par un statut particulier » (article L. 2101‑2 du code des transports dans sa version issue de la loi du 4 août 2014

([56]) Contribution écrite de l’UNSA-Ferroviaire à la mission d’évaluation.

([57]) CFDT- FGTE Cheminots, 20 mars 2022, audition par la mission d’évaluation.