N° 1244

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mai 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

et présenté par

Mme Véronique LOUWAGIE,
Rapporteure spéciale

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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE

principales RECOMMANDATIONS De la rapporteure spÉciale

L’ÉVALUATION DU COÛT DES SOINS DISPENSÉS AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

I. lE COÛT RÉel de l’Aide mÉdicale de l’État : une dÉpense de plus d’un milliard d’euros sans vÉritable pilotage

A. une dÉpense non maÎtrisÉe et qui semble peu soutenable, y compris à court terme

1. Des bénéficiaires toujours plus nombreux et aussi imparfaitement connus

2. Un panier de soins proche de celui des assurés sociaux

3. Un dispositif coûteux et dont l’évolution de la dépense ne semble pas maîtrisée

a. Le coût réel de l’AME : près de 1,2 milliard d’euros en 2022

b. La soutenabilité de la dépense d’aide médicale de l’État en question

i. Les perspectives financières

ii. Un coût probablement encore sous-évalué

iii. Des bénéficiaires de l’AME qui restent durablement sur le territoire français en situation irrégulière

B. Le maintien des droits expirÉs : un dispositif QUI BÉNéFICIE À des Étrangers qui devraient relever de l’aide mÉdicale de l’État

1. Un dispositif initialement conçu pour des étrangers en instance de renouvellement de leur titre de séjour

a. L’objectif initial

b. Des conditions d’accès trop souples

i. L’accès à ce dispositif n’est pas subordonné à l’engagement d’une démarche de renouvellement du titre de séjour

ii. Une fermeture effective des droits à 7 mois et demi et non 6 mois

iii. Une réforme récente mais encore insuffisante du dispositif

2. Un dispositif bénéficiant à de nombreux étrangers en situation irrégulière qui devraient plus logiquement relever de l’AME

i. Les résultats des contrôles menés

ii. Un coût finalement plus élevé que celui estimé dans la première étude de la rapporteure spéciale

II. Des dispositifs spÉcifiques et gÉnÉralistes dont le coÛt total PEUT ÊTRE ESTIMÉ À prÈs de 300 millions d’euros

A. L’OFFRE DE SOINS PROPOSÉE SPÉCIFIQUEMENT AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE NE SE RÉSUME PAS À la seule aide mÉdicale d’État

1. Le titre de séjour pour soins : un objectif initial détourné pour un coût total sans doute très important

a. L’objectif initial

b. Des critères d’accès peu opérants dans les faits

c. Un dispositif sans doute onéreux et pouvant mettre en tension certains secteurs

i. Un coût difficile à estimer mais pouvant s’élever à plus de 100 millions d’euros

ii. Les titres de séjour pour soins et les secteurs déjà en tension

2. Les soins dans les centres de rétention administrative

3. Les soins dispensés à Mayotte aux étrangers en situation irrégulière

B. Des dispositifs gÉnÉralistes dont le coÛt reste difficile À Évaluer

1. Les soins en détention

2. Les permanences d’accès aux soins de santé, la mission d’intérêt général « Précarité » et les équipes mobiles psychiatrie précarité

i. Les permanences d’accès aux soins de santé

ii. La mission d’intérêt général « Précarité »

3. Le Samu social

4. Les centres d’accueil, de soins et d’orientation et les autres initiatives privées soutenues par des dépenses fiscales et des subventions publiques

III. au minimum 1,7 milliard d’euros par an : le coÛt d’une exception française À rÉformer

A. disposer de statistiques fiables pour mieux piloter les dÉpenses de soins engagÉes au profit des Étrangers en situation irrÉguliÈre

1. Affiner l’estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière

2. Connaître la nature et le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

B. INITIER UNE RÉFORME D’ampleur de l’aide mÉdical d’État et du maintien des droits expirÉs

1. Recentrer l’AME sur les soins urgents et renforcer la lutte contre la fraude

2. Resserrer les conditions d’accès et les modalités de gestion du dispositif de maintien des droits expirés

C. Revoir profondÉment la procÉdure d’admission au sÉjour pour soins

D. Modifier la protection santÉ des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sÛrs

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe 1  Amendement II-CF839 dÉposÉ lors de l’examen en commission des finances du projet de loi de finances pour 2023 (mission SantÉ) :

annexe 2  synthÈse de l’Étude du centre europÉen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP) réalisÉe par le service des affaires europÉennes de l’AssemblÉe nationale

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   SYNTHÈSE

En 2021, la rapporteure spéciale conduisait une première étude visant à évaluer le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Comptabilisant pas moins de onze dispositifs différents concourant à cette offre de soins, le rapport concluait à un coût total pouvant être estimé, au minimum, à 1,5 milliard d’euros en 2019. Les travaux de la rapporteure spéciale s’étaient toutefois heurtés à la difficulté d’évaluer avec précision les dépenses associées à certains des dispositifs identifiés. Ces derniers, au nombre de cinq, n’avaient donc pas été intégrés à l’estimation retenue.

Au regard de la croissance significative du nombre de bénéficiaires de l’AME et surtout de l’absence d’engagement d’une véritable réforme pour maîtriser un coût en hausse continue, l’estimation réalisée en 2021 se devait d’être réévaluée. Ce nouvel exercice d’évaluation constitue donc un effort de transparence sur un sujet qui, selon la rapporteure spéciale, constitue un angle mort tant de la politique de l’immigration que de la politique de santé publique.

Il existe, en sus de l’AME, au moins dix autres dispositifs concourant à cette offre de soins et déjà identifiés dans l’étude conduite en 2021. Il s’agit des soins dispensés à Mayotte, du maintien des droits expirés, des soins prodigués dans les centres de rétention administrative, de la mission d’intérêt général dédiée à la précarité, des permanences d'accès aux soins de santé, de l’admission au séjour pour soins, des soins en détention, des équipes mobiles psychiatrie précarité, des SAMU sociaux et de dépenses fiscales.

Au terme des auditions et de l’effort de consolidation des informations qui ont été conduits, il peut être estimé que le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière s’élève, au minimum, à 1,7 milliard d’euros en 2022.

Constatant que ce montant est voué à croître de façon significative, la rapporteure spéciale a souhaité formuler un certain nombre de recommandations qui, si elles sont mises en œuvre, permettraient de maîtriser plus efficacement le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Cette nouvelle évaluation révèle également la nécessité de réformer certains dispositifs, notamment la procédure d’admission au séjour pour soins, qui ont été largement détournés de leur objectif initial.

 


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   principales RECOMMANDATIONS
De la rapporteure spÉciale

1-  Renforcer l’information sur le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

    Diligenter un travail interministériel ou solliciter des corps d’inspection pour affiner l’évaluation du nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français (en métropole et outre-mer) ;

    Autoriser l’agence de la biomédecine à connaître et enregistrer le statut administratif des étrangers sollicitant ou bénéficiant d’une greffe ;

    Autoriser le ministre chargé de la santé à recueillir des données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État ainsi que sur les pathologies soignées.

 

2-  Réformer l’aide médicale de l’État :

    Recentrer l’AME sur les soins urgents ou, à défaut, redéfinir le panier de soins pour en exclure certains gestes médicaux (intervention pour oreilles décollées, pose d’un anneau gastrique et autres interventions liées à l’obésité).

 

3-  Réformer le dispositif de maintien des droits expirés à la protection universelle maladie et à la complémentaire santé solidaire :

    Réduire de 6 à 3 mois la durée de maintien des droits expirés ;

    Subordonner le bénéfice de ce dispositif à l’engagement d’une démarche de renouvellement d’un titre de séjour.

 

4-  Réformer l’admission au séjour pour soins :

    Subordonner l’accès à cette procédure à une résidence antérieure minimale de deux ans sur le territoire français ;

    Substituer au critère actuel d’accès aux soins effectifs dans le pays d’origine à celui plus restrictif et plus précis, d’absence de traitement dans le pays d’origine.

 

5-  Réformer la protection santé des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs

 

    Exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs de la procédure d’admission au séjour pour soins ;

    Exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs du maintien des droits expirés et maintenir les intéressés dans l’AME de droit commun


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   L’ÉVALUATION DU COÛT DES SOINS DISPENSÉS AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

Le 26 mai 2021, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, examinait les conclusions d’un rapport présenté par Mme Véronique Louwagie portant sur le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière ([1]).

Partant du constat que les soins dispensés aux intéressés ne se limitaient pas aux soins prodigués dans le cadre de l’aide médicale de l’État (AME), la rapporteure spéciale a recensé l’ensemble des dispositifs dont le coût total n’avait jusqu’alors pas fait l’objet, à sa connaissance, d’une évaluation précise.

● Au terme de ses travaux, la rapporteure spéciale a identifié onze dispositifs différents dispensant des soins aux étrangers en situation irrégulière. En effet, si l’AME constitue la clé de voûte de cette offre de soins, cette dernière repose également sur d’autres mesures parfois peu connues et dont l’ampleur peut être importante. Le coût de ces différents dispositifs a été estimé à 1,5 milliard d’euros en 2019, soit un montant bien supérieur au seul coût de l’AME. Cette étude a également permis de réévaluer le nombre d’étrangers en situation irrégulière, aux environs de 400 000 à 450 000, alors que les chiffres officiels faisaient état de 350 000 à 400 000 individus ([2]).

La rapporteure spéciale a formulé un certain nombre de recommandations visant, d’une part, à mieux encadrer l’offre médicale proposée aux étrangers en situation irrégulière et, d’autre part, à renforcer le recueil de données à ce sujet. Dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances successifs depuis 2020, la rapporteure spéciale a d’ailleurs présenté un amendement ([3]) visant à accroître les informations disponibles sur les bénéficiaires de l’AME afin de maîtriser plus efficacement l’évolution du coût de ce dispositif. Cet amendement ayant jusqu’ici toujours été rejeté, force est de constater que la situation n’a guère évolué et que la dépense d’AME souffre toujours de l’absence d’un véritable pilotage.

La rapporteure spéciale a déposé le 25 mai 2021, avec les membres du groupe Les Républicains, une proposition de résolution ([4]) tendant à faire connaître plus largement les conclusions de ses travaux et à inviter le Gouvernement à prendre des mesures visant à réformer l’offre de soins proposée aux étrangers en situation irrégulière.

● Plusieurs constats ont conduit la rapporteure spéciale à réévaluer dans le présent rapport le coût total des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière :

– Les dépenses d’AME sont estimées à 1,14 milliard d’euros dans la loi de finances initiale pour 2023 ([5]), soit une hausse très significative de 12,5 % par rapport à l’exécution 2022 de cette dépense. Une telle évolution, qui a interpellé la rapporteure spéciale, indique que la dépense d’AME n’est ni soutenable ni véritablement maîtrisée ;

– le rapport annuel de performance sur l’exercice budgétaire 2022 de la mission Santé révèle que le nombre de bénéficiaires de l’AME s’élève désormais à 403 144, soit une augmentation de 20,5 % par rapport à l’année 2019 qui a servi d’année de référence dans le cadre des travaux conduits en 2021 ;

– le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ne prévoyait, au stade de son dépôt au Sénat en février 2023, aucune disposition relative à l’offre de soins proposée aux étrangers en situation irrégulière. L’absence de prise en compte de cette question dans le débat sur l’immigration renforce l’intérêt de l’évaluation proposée dans le présent rapport. Des amendements ont toutefois été adoptés en commission des lois au Sénat afin de renforcer les conditions d’accès au titre de séjour pour soins et pour transformer l’AME en aide médicale d’urgence. Ces deux amendements vont dans le sens des recommandations qui seront émises par la rapporteure spéciale ;

– l’étude menée en 2021 avait permis de conclure qu’il était impossible d’évaluer le coût de cinq dispositifs sur les onze qui constituent l’offre de soins aux étrangers en situation irrégulière. Dans le présent rapport, la rapporteure spéciale essaie d’établir un montant agrégeant de nouveaux dispositifs, en particulier celui des titres de séjours pour soins, dont le coût n’est sans doute pas négligeable.

● De manière générale, la rapporteure spéciale considère qu’il est essentiel de pouvoir chiffrer la charge représentée par les dépenses de soins consenties à une population non‑contributive. Si cette offre de soins est évidemment nécessaire, une telle opacité va à l’encontre d’un pilotage responsable des dépenses publiques et d’un débat public serein et éclairé sur ce sujet.

Au terme de ces nouveaux travaux, la rapporteure estime que le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière s’élève au minimum à 1,7 milliard d’euros. Il convient de préciser que, si la méthodologie reste très proche de celle retenue en 2021, il ne s’agit ici que d’une nouvelle estimation qui ne saurait permettre d’appréhender une stricte évolution du coût entre 2019 et 2022.

I.   lE COÛT RÉel de l’Aide mÉdicale de l’État : une dÉpense de plus d’un milliard d’euros sans vÉritable pilotage

Créée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle ([6]), l’aide médicale de l’État (AME) constitue la clé de voûte des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Ce dispositif représente désormais une dépense de plus d’un milliard d’euros par an. Selon la rapporteure spéciale, le coût réel ([7]) de l’AME pourrait être en réalité bien supérieur mais, en l’absence de données statistiques suffisamment détaillées, il est difficile d’établir un montant exact.

A.   une dÉpense non maÎtrisÉe et qui semble peu soutenable, y compris à court terme

1.   Des bénéficiaires toujours plus nombreux et aussi imparfaitement connus

L’AME est une prise en charge médicale destinée aux étrangers en situation irrégulière qui séjournent en France de manière ininterrompue depuis au moins trois mois et ne disposant pas de revenus annuels supérieurs à un plafond de ressources déterminé (soit 9 719  pour une personne seule en métropole).

Le dispositif de l’AME comporte trois dispositifs distincts dont le nombre de bénéficiaires est en croissance continue :

● 403 144 bénéficiaires pour l’AME de droit commun au 30 septembre 2022 ([8]), ce qui constitue une augmentation significative de 5,9 % par rapport à 2021 et de 20,5 % par rapport à 2019, année de référence pour l’étude conduite en 2021. Le dernier rapport au Parlement sur les étrangers en France, indique que la crise sanitaire aurait « entraîné un plus grand besoin de consultations médicales et de recours à l’AME » ([9]) et donc provoqué une hausse du nombre de bénéficiaires. Cette explication ne semble que partiellement fondée puisque la hausse du nombre de bénéficiaires de l’AME se confirme en 2022 et que, de toute évidence, il s’agit d’une évolution de long terme. Depuis 2003, le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de 123,4 %, soit 222 729 personnes de plus qui bénéficient du dispositif.

La rapporteure spéciale souhaite rappeler que l’évolution du nombre de bénéficiaires observée chaque année n’est que le solde de plusieurs paramètres dont :

– L’arrivée de nouveaux étrangers en situation irrégulière sur le sol français qui obtiennent, une fois qu’ils en remplissent les conditions, des droits à l’AME ;

– Le non-renouvellement des droits à l’AME de certains bénéficiaires ;

– Le départ volontaire ou l’éloignement forcé d’étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’AME. À titre d’exemple, 16 819 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire national en 2021 ;

– La régularisation d’étrangers en situation irrégulière qui bénéficiaient de l’AME. À ce titre, le nombre de personnes s'étant vu octroyer une protection s’élevait à 54 094 en 2021 et à 33 201 en 2020.

Ainsi, la seule évolution du nombre total de bénéficiaires de l’AME – telle que retranscrite dans le graphique ci-dessous – ne permet pas d’estimer le nombre de nouveaux bénéficiaires chaque année, probablement significativement plus élevé. Il est à noter que pour mesurer le nombre de nouveaux bénéficiaires de l’AME chaque année, il conviendrait également de prendre en considération le taux de non-recours à cette aide (cf. infra).

 

2002-2022, Évolution du nombre de bÉNÉficiaires
de l’aME de droit commun

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 Environ 15 000 bénéficiaires de l’AME Soins urgents en 2021 ([10]), ce qui représente une hausse de 6,2 % par rapport à 2020. Cette estimation est réalisée à partir du nombre d’hospitalisation au titre des « soins urgents » dans le champ de la médecine‑chirurgie-obstétrique (MCO) qui s’élève à 15 672 en 2021. Ces « soins urgents » sont assurés par les hôpitaux pour les étrangers qui résident en France sans pouvoir bénéficier de l’AME (résidence inférieure à moins de trois mois, démarche pour l’obtention de l’AME droit commun non effectuée ou en cours).

● Environ 500 à 1 500 bénéficiaires pour « l’AME humanitaire » ([11]). La rapporteure spéciale a retenu l’estimation qu’elle avait réalisée dans son premier rapport, en l’absence de données plus précises. Dans cette estimation, sont inclus les bénéficiaires de l’AME humanitaire mais également les évacuations sanitaires d’étrangers résidant à Mayotte et l’aide médicale pour les personnes gardées à vue. Ces trois dispositifs donnent lieu à des délégations de crédits aux services déconcentrés pour le paiement des dépenses de soins directement aux professionnels et établissements de santé.

Au total, il est possible d’estimer le nombre de bénéficiaires de l’AME à plus de 415 000 en 2022.

La rapporteure spéciale souhaite dès à présent rappeler que les caractéristiques de cette population sont insuffisamment détaillées dans les documents budgétaires. Cette opacité ne permet pas au Parlement d’évaluer de manière approfondie la soutenabilité de la dépense d’AME ni la pertinence des prévisions établies par le Gouvernement. Les seules informations communiquées dans les documents budgétaires portent sur l’âge et le sexe des bénéficiaires ainsi que les grandes caractéristiques de la consommation de soin. Néanmoins, ces données ne sont pas recoupées entre elles, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions.

2.   Un panier de soins proche de celui des assurés sociaux

L’AME de droit commun permet à ses bénéficiaires de disposer, sans avance de frais, d’une prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers remboursables par l’assurance maladie dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Les bénéficiaires de l’AME sont exonérés des dispositifs de participation forfaitaire et de franchise médicale. Une fois attribuée, l’AME est accordée pour un an et son renouvellement doit être demandé chaque année.

Le panier de soins comporte un nombre limité de restrictions. Ainsi, et en application de l’article R. 251-1 du code de l’action sociale et des familles, seuls les frais relatifs aux cures thermales, les actes techniques et les examens de biologie médicale spécifiques à l’assistance médicale à la procréation (ainsi que les médicaments et produits nécessaires à leur réalisation) et les médicaments dont le service médical rendu a été classé comme faible (et pour lesquels la participation de l’assuré est fixée dans les limites prévues au 14° de l’article R. 160‑5 du code de la sécurité sociale) sont exclus du champ de l’AME.

Depuis le 1er janvier 2021, l’accès à certaines prestations réalisées en établissement de santé et à certains actes réalisés par des professionnels de santé exerçant en ville est subordonné au respect d’un délai de carence de neuf mois, auquel il peut être cependant dérogé par une demande de prise en charge visant à obtenir l’accord préalable du service du contrôle médical de l’organisme d’assurance maladie ([12]). À ce titre, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) initiera au cours de l’année 2023 un contrôle du respect du délai de neuf mois entre l'admission à l'AME et la réalisation des actes réalisées en établissement de santé liées à des pathologies non sévères. Dans ce cadre, les caisses d’assurance maladie ont reçu 21 demandes d’accord préalable depuis la mise en œuvre de ce contrôle. Sur ce total, 15 demandes ont été considérées comme infondées en raison d’une ancienneté du bénéfice de l’AME supérieure à neuf mois ou parce qu’il s’agissait d’une prestation dont la prise en charge n’était pas soumise à cette procédure.

En dépit de ces quelques restrictions, l’étendue des soins pris en charge est beaucoup plus large que dans les autres pays européens. En 2019, le rapport conjoint de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relevait que l’AME « figure parmi les [dispositifs les] plus généreux d’Europe ». Sur les huit pays européens étudiés en détail (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède et Suisse), aucun ne propose une offre de soins gratuite comparable. Dans ces territoires, le panier de soins ouverts aux étrangers en situation irrégulière se limite le plus souvent à la prise en charge des pathologies nécessitant des soins urgents ou plus largement essentiels, à la prise en charge des femmes enceintes et des mineurs et à la prévention des infections (vaccinations obligatoires, tuberculose, VIH) ([13]).

3.   Un dispositif coûteux et dont l’évolution de la dépense ne semble pas maîtrisée

La rapporteure spéciale présentera le coût des trois dispositifs de l’AME en 2022 mais souhaite également exposer les hypothèses budgétaires pour 2023 qui posent la question de la soutenabilité à court terme de cette dépense.

a.   Le coût réel de l’AME : près de 1,2 milliard d’euros en 2022

Il convient de préciser que les montants avancés sont ceux mentionnés dans le rapport annuel de performance 2022 de la mission Santé et s’appuie sur les dépenses enregistrées par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) pour l’AME de droit commun ainsi que sur les données de facturation pour l’AME Soins urgents :

● Le montant de la dépense d’AME de droit commun s’élève à 968 millions d’euros en 2022 soit une hausse de 6,2 % par rapport à 2021. Cette évolution s’explique notamment par l’évolution de la consommation de « produits de santé » et du poste « autres soins de villes » qui ont augmenté de 8 % par rapport à l’exercice précédent.

● S’agissant de l’AME Soins urgents, la rapporteure spéciale rappelle que le coût de ce dispositif n’est couvert que de façon partielle par l’État, la différence étant à la charge de l’assurance maladie. La mission Santé ne retrace donc qu’imparfaitement la totalité de cette dépense. Le montant de la dotation forfaitaire de l’État au titre des « soins urgents » s’est élevé à 70 millions d’euros en 2022 pour une dépense effective de 86,2 millions d’euros.

● L’AME humanitaire et les autres dépenses de l’AME représentent un montant plus modeste de 0,5 million d’euros en 2022.

L’estimation que la rapporteure spéciale avait proposée en 2021 incluait deux coûts supplémentaires liés à l’AME et évalués dans le rapport de l’IGAS et l’IGF ([14]) sur ce dispositif :

– les frais de gestion de l’AME dans les CPAM et les hôpitaux seraient de l’ordre de 8 % de la dépense totale engagée pour financer ce dispositif. En tenant compte de ces coûts de gestion, la dépense d’AME serait ainsi de l’ordre de 1,14 milliard d’euros en 2022 ;

– les dépenses de soins inscrites en créances irrécouvrables et qui ne sont donc pas imputées par les hôpitaux à l’AME ou aux « soins urgents » alors qu’elles ont bénéficié à des étrangers en situation irrégulière. La mission d’inspection considère que ces créances irrécouvrables conduisent à une sous-évaluation de la dépense hospitalière supérieure à 8 %. La dépense hospitalière étant de 592,9 millions d’euros en 2022, les créances irrécouvrables représenteraient un surcoût de 47,4 millions d’euros en 2022.

Le coût réel retenu pour l’estimation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière de l’ensemble des dispositifs de l’AME est de 1 186 millions d’euros en 2022.

MontaNT DE LA DÉPENSE D’AME EN 2022

(en millions d’euros)

 

Montant de la dépense

AME de droit commun

968

Soins urgents

86,2

Autres dispositifs de l’AME

0,5

Total

1 054,7

Total majoré des coûts de gestion et des créances irrécouvrables des hôpitaux liées aux étrangers en situation irrégulière

1 186,4

Sources : commission des finances.

b.   La soutenabilité de la dépense d’aide médicale de l’État en question

i.   Les perspectives financières

S’il est souvent rappelé que l’AME représente une infime partie des dépenses publiques de santé, l’AME représenterait toutefois 17,2 % des dépenses de l’État consacrées à la politique de l’immigration et de l’intégration en 2023 ([15]). Les crédits ouverts en LFI pour 2023 pour financer cette politique ont augmenté de 3,1 % par rapport à 2021 contre une évolution de + 12 % des crédits de l’AME, ce qui en fait l’une des dépenses les plus dynamiques concourant à la politique de l’immigration et de l’intégration.

Les perspectives financières de ce dispositif interrogent quant à sa soutenabilité. Le poids financier de l’AME est en effet en croissance continue depuis la création de cette aide. Les crédits de l’AME de droit commun votés en LFI 2017 s’élevaient à 772 millions d’euros. En 2023, les dépenses d’AME s’élèveraient à 1 141 millions d’euros euros ce qui représente une hausse très significative de + 47,8 % depuis 2017.

2016-2023 : leS DÉpenses D’AME programmÉes en LFI

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performances 2023.

ii.   Un coût probablement encore sous-évalué

La rapporteure spéciale souhaite insister sur le fait que l’estimation des surcoûts liés aux créances hospitalières irrécouvrables et aux frais de gestion est une estimation basse.

● Interrogée par la rapporteure spéciale, la Fédération hospitalière de France (FHF) a indiqué que « sur un plan financier, le principal risque auquel est confronté un établissement est celui du recouvrement ». Selon les données transmises à la rapporteure spéciale, le montant des créances irrécouvrables des établissements de santé a augmenté de 69 % entre 2012 et 2019, passant de 141 millions d’euros à 230 millions d’euros. Il convient toutefois de préciser que ces créances irrécouvrables ne sont pas exclusivement liées aux patients en situation irrégulière. L’existence de ces créances peut s’expliquer par différentes situations :

– des patients dont la situation n’entre pas dans les conditions des différents dispositifs d’offre de soins. Le dispositif de l’AME exige une présence minimale de trois mois sur le territoire ce qui exclut les patients ne respectant pas ce critère. Par ailleurs, le dispositif des « soins urgents » est quant à lui limité aux situations d’urgence et ne concerne donc pas l’ensemble des pathologies ;

 Un refus de la part des assurances voyages de prendre en charge les frais de santé. Il peut s’agir de patients dont la maladie était préalablement connue mais non déclarée auprès de l’assurance voyage ou encore d’opérateurs d’assurance défaillants ;

– Une méconnaissance des dispositifs sociaux qui conduit à ce que certains patients ne fassent pas de demande de droits.

Dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2023, la rapporteure spéciale a demandé à avoir communication du montant des dettes privées et publiques laissées par les patients non-résidents auprès des établissements publics de santé. Il lui a été indiqué que le système de comptabilité des hôpitaux ne permet pas de distinguer les dettes laissées par les États et organismes de sécurité sociale étrangers des dettes imputables à des particuliers. De manière générale, la comptabilité des établissements ne présente pas une décomposition suffisamment détaillée pour estimer le montant des créances irrécouvrables laissées par les étrangers en situation irrégulière.

Il est néanmoins possible d’observer que ces créances sont concentrées sur un petit nombre d’établissements, 18 établissements concentrant 93 % des créances impayées. S’agissant des pays de provenance des patients concernés par ces créances, cette donnée n’est actuellement pas recueillie. Néanmoins, une enquête réalisée courant d’année 2019 auprès de quelques centres hospitaliers universitaires (CHU) ([16]) permet de faire apparaître un premier classement des principales nationalités concernées par les dettes cumulées de personnes non-résidentes et non affiliées en France. Les trois premières nationalités concernées seraient l’Algérie, la Tunisie et la Grande-Bretagne.

● S’agissant des coûts de gestion, dans son rapport sur la mission Santé remis dans le cadre du PLF pour 2018, la rapporteure spécial observait déjà que les « hôpitaux particulièrement exposés à une patientèle précaire se trouvent contraints de surdimensionner leur service social. Ce constat, d’ores et déjà effectué au centre hospitalier de Saint-Denis, se retrouve également à l’hôpital Avicenne de Bobigny. Au sein de l’hôpital Jean Verdier de Bondy, l’un des trois établissements du groupement, a été mis en place un service de pré-admission permettant d’orienter les démarches d’ouverture des droits » ([17]). La FHF a confirmé ce constat, indiquant à la rapporteure spéciale que les échanges avec la CPAM pour la constitution des dossiers mobilisent fortement le service social des hôpitaux. Ainsi, le « temps moyen consacré par dossier s’établirait « entre 4h30 et 6h30 », une durée « qui est susceptible de s’allonger quand l’assistance sociale doit réaliser certaines tâches » ([18]). La CNAM a précisé que le dispositif de l’AME représentait une charge de gestion administrative évaluée en 2022 à 8,7 millions d’euros (154 ETP). Par ailleurs, les coûts de gestion de la relation client AME (téléphonique et physique) sont estimés à 6,4 millions d’euros (113 ETP). Il s’agit uniquement des coûts liés aux dépenses de personnel.

iii.   Des bénéficiaires de l’AME qui restent durablement sur le territoire français en situation irrégulière

Dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2023, la rapporteure spéciale a interrogé la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Paris au sujet la durée moyenne de couverture des bénéficiaires de l’AME. La CPAM de Paris ne disposait pas de cette donnée pour l’ensemble des bénéficiaires de l’AME de Paris. Néanmoins, parmi les demandes traitées en août 2022 :

– 154 étaient issues de bénéficiaires dont la durée de résidence était de moins d’un an ;

– 146 étaient issues de bénéficiaires dont la durée de résidence était comprise entre un an et deux ans ;

– 255 étaient issues de bénéficiaires dont la durée de résidence était comprise entre deux ans et 3 ans ;

– 2 213 étaient issues de bénéficiaires dont la durée était supérieure à 3 ans, soit 80,8 % du total des demandes traitées.

Un travail de dénombrement plus récent a été conduit sur un échantillon de 44 028 dossiers. Ce travail révèle que la durée moyenne de couverture des bénéficiaires de l’AME est de 3,6 années.

Ces éléments montrent que les bénéficiaires de l’AME restent durablement sur le sol français sans être régularisés.

B.   Le maintien des droits expirÉs : un dispositif QUI BÉNéFICIE À des Étrangers qui devraient relever de l’aide mÉdicale de l’État

Pris sur le fondement de l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, l’article R. 111-4 du code de la sécurité sociale permet à des étrangers ayant précédemment bénéficié d’une affiliation régulière à la protection universelle maladie (PUMA) et, le cas échéant, à la complémentaire santé solidaire (C2S, ex‑CMU-C) de continuer à bénéficier de ces droits pendant une durée de 6 mois suivant l’expiration du document autorisant leur séjour sur le territoire français. Cette durée de maintien des droits était de 12 mois jusqu’au 1er janvier 2020 ([19]). Sans équivalent en Europe, ce dispositif était initialement conçu pour éviter des ruptures temporaires de droit à des étrangers en instance de renouvellement de leur titre de séjour mais bénéficie aujourd’hui à des étrangers qui devraient relever du dispositif de l’AME.

1.   Un dispositif initialement conçu pour des étrangers en instance de renouvellement de leur titre de séjour

a.   L’objectif initial

En application de l’article R. 111-4 du code de la sécurité sociale, les ressortissants de pays non‑membres de l’Union européenne affiliés à l’assurance maladie dont le titre de séjour est échu bénéficient d’un maintien de droits à la protection universelle maladie, et le cas échéant à la complémentaire santé solidaire, durant une période de six mois (à compter de la date d’expiration du titre) ». Quatre catégories d’étrangers sont exclues du périmètre de cet article ([20]).

Il s’adresse donc à des étrangers temporairement en situation irrégulière qui, en raison d’une demande tardive de renouvellement d’un titre de séjour, d’un retard de traitement de leur demande par une préfecture ou d’un retard de l’actualisation de leur dossier par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), pourraient perdre le bénéfice de leur affiliation à la PUMA et à la C2S. Le maintien de droit leur permet de conserver leur couverture santé durant cette période et leur évite de faire des allers-retours entre la PUMA et l’AME. Ce dispositif vise également à limiter la gestion de ces mouvements par les CPAM.

b.   Des conditions d’accès trop souples

Dans son rapport de 2021, la rapporteure spéciale déplorait déjà la largesse des conditions d’accès au dispositif du maintien des droits expirés. Si ce dispositif était recentré, un certain nombre d’étrangers relèveraient de l’AME ce qui augmenterait mécaniquement le nombre de bénéficiaires et donc la dépense associée à cette aide.

i.   L’accès à ce dispositif n’est pas subordonné à l’engagement d’une démarche de renouvellement du titre de séjour

Le bénéfice du maintien de droit est subordonné à une simple affiliation antérieure à la protection universelle maladie qui repose elle-même sur l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une résidence stable et régulière en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Le bénéfice de ce maintien de droit n’est ainsi pas subordonné à l’engagement d’une démarche de renouvellement du titre de séjour précédent alors même que ce dispositif est censé permettre l’accomplissement des démarches de renouvellement d’un titre de séjour sans rupture dans l’accès aux soins.

Sur ce point, le régime de l’article R. 111-4 est bien plus souple que le régime de maintien des droits sociaux figurant à l’article L. 433‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ce régime juridique autorise par exemple un étranger ayant reçu un unique titre de séjour de quatre mois et dont il ne sollicite pas le renouvellement (ou dont le renouvellement lui a été refusé) à bénéficier d’une extension gratuite de sa couverture santé pendant six mois. De la même façon, la rédaction actuelle de cet article autorise un demandeur d’asile débouté à bénéficier d’un maintien de droit à la PUMA et à la C2S durant 6 mois même s’il s’agit d’un ressortissant d’un pays dont les nationaux ont très peu de chances de se voir octroyer l’asile.

ii.   Une fermeture effective des droits à 7 mois et demi et non 6 mois

La décision de fermeture des droits, prise au bout de six mois par une CPAM, ouvre un délai de 45 jours (prévu par l’article R114‑10‑1 du code de la sécurité sociale) permettant à l’assuré de présenter ses observations. La décision de fermeture n’a donc pas d’effet immédiat mais n’est effective qu’à l’issue d’un délai de « six mois + 45 jours », soit 7,5 mois.

Cette interprétation des articles R. 111‑4 et R. 114‑10‑1 est cependant contestable puisque ce dernier article n’impose pas explicitement que le délai de 45 jours débute à compter du délai de six mois. Cet article permet effectivement d’inclure le délai de 45 jours dans les six mois et non de le rajouter à celui-ci. Les articles R. 111‑4 et R. 114‑10‑1 permettent ainsi de clore les droits 4,5 mois après l’expiration du titre de séjour, puis d’ouvrir un délai de 45 jours afin que la clôture des droits soit effective au bout de six mois (4,5 mois + 45 jours).

En 2021, la CNAM admettait ce point lors de son audition et indiquait que l’orientation retenue lui était imposée par la direction de la sécurité sociale dans le but d’assurer le respect du principe du contradictoire. Une nouvelle fois, cet argument ne convainc pas la rapporteure spéciale puisque le principe du contradictoire serait également respecté si la décision intervenait à 4,5 mois et était suivie d’un délai contradictoire de 45 jours.

iii.   Une réforme récente mais encore insuffisante du dispositif

La rapporteure spéciale note que le dispositif de maintien des droits expirés a été récemment réformé, cette réforme étant toutefois d’une ampleur modeste. Un décret du 25 avril 2023 ([21]) est venu préciser que lorsqu’une personne est admise, sur sa demande, au bénéfice de l’AME avant la date à laquelle la fermeture de ses droits prononcée lui permettrait d'en bénéficier, la fermeture des droits est alors prononcée par anticipation. Ce dispositif permet d’accélérer le passage des bénéficiaires de la PUMA vers l’AME mais ne constitue en aucun cas une réforme suffisante du dispositif.

2.   Un dispositif bénéficiant à de nombreux étrangers en situation irrégulière qui devraient plus logiquement relever de l’AME

i.   Les résultats des contrôles menés

Des contrôles ont permis d’identifier de nombreux étrangers en situation irrégulière qui bénéficiaient du maintien de droit alors qu’ils auraient dû relever de l’AME.

Ainsi, de septembre 2019 à mars 2023 ([22]), 877 830 dossiers d’assurés dont le titre de séjour était expiré depuis au moins 3 mois ont été identifiés. Au 31 mars 2023, sur ces 877 830 dossiers :

– 765 391 ont été clôturés après instruction et/ou décision des CPAM, dont 172 005 décisions de fermeture de droits prononcées, les étrangers concernés n’ayant pas pu attester de la régularité de leur situation ;

– 45 156 dossiers sont actuellement en traitement par les CPAM et les étrangers concernés ont reçu un courrier leur demandant d’apporter toute pièce utile permettant d’instruire leur dossier sous peine de fermeture du droit à défaut de réponse ;

– 67 246 dossiers demeurent à contrôler complètement par les CPAM dans le cadre du programme de contrôle annuel ;

– 37 dossiers concernent des étrangers en situation irrégulière qui ont précédemment travaillé de manière régulière mais dont le titre de séjour n’a pas été renouvelé.

Depuis octobre 2019, un échange avec le ministère de l’Intérieur est en place pour permettre le renouvellement automatique des titres ou documents de régularité de séjour.

Selon la CNAM, ces contrôles expliquent pour partie l’augmentation du nombre de bénéficiaire de l’AME en 2022. La rapporteure spéciale considère toutefois que la croissance du nombre de bénéficiaires ne saurait trouver sa seule explication dans le renforcement des contrôles opérés par la CNAM.

Dans le cadre de son étude de 2021, alors que les contrôles venaient de débuter, la rapporteure spéciale avait noté que le nombre d’étrangers en situation irrégulière ayant bénéficié de la procédure de maintien de droit, alors qu’ils auraient dû relever de l’AME, s’établissait à 30 069, soit une proportion de près de 13 % des dossiers contrôlés. Le nombre de ces étrangers en situation irrégulière qui auraient dû bénéficier de l’AME s’élève désormais à 172 005, soit un taux de 22,5 % des dossiers contrôlés (765 391 dossiers). Si ce ratio est appliqué à la totalité des 877 830 dossiers qui seront contrôlés, le nombre d’étrangers en situation irrégulière bénéficiant indûment de la procédure de maintien de droit serait d’environ 197 512 sur la période de contrôle.

ii.   Un coût finalement plus élevé que celui estimé dans la première étude de la rapporteure spéciale

S’agissant du maintien de droits expirés à l’assurance maladie, l’estimation de la dépense retenue dans l’étude de 2021 s’élevait à 165,8 millions d’euros, correspond à une estimation basse du coût des soins dispensés en faveur des étrangers ayant bénéficié du maintien de droit alors qu’ils auraient dû relever de l’AME. Le montant retenu était le résultat du produit entre ce nombre et le coût moyen d’un bénéficiaire à l’AME de droit commun en 2019. En retenant la même méthodologie de calcul ([23]), le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière qui auraient dû relever à l’AME s’élève à 581,05 millions au cours de la période sur laquelle les contrôles ont été menés, soit de septembre 2019 à mars 2023. En moyenne, la dépense annuelle de soins prodigués aux étrangers en maintien de droit pourrait donc être estimée à 193,4 millions d’euros ([24]). Cette estimation est sujette à caution puisqu’elle repose sur le postulat que la moyenne des résultats des contrôles engagés sur la période de trois années permet d’obtenir les résultats pour l’année 2022. En tout état de cause, la rapporteure spéciale rappelle qu’il s’agit d’une estimation basse puisque le panier de soin du maintien des droits expirés est plus large que celui de l’AME de droit commun.

Pour conclure, ces calculs permettent de mettre en évidence que le montant de l’AME a été sous-évalué de près de 0,6 milliard d’euros sur une période de trois ans en raison du dispositif du maintien des droits expirés.

II.   Des dispositifs spÉcifiques et gÉnÉralistes dont le coÛt total PEUT ÊTRE ESTIMÉ À prÈs de 300 millions d’euros

En plus de l’AME et du dispositif de maintien des droits expirés, l’offre de soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière comprend neuf autres dispositifs dont le coût total pourrait être de 300 millions d’euros.

A.   L’OFFRE DE SOINS PROPOSÉE SPÉCIFIQUEMENT AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE NE SE RÉSUME PAS À la seule aide mÉdicale d’État

Trois dispositifs spécifiques ouverts aux seuls étrangers en situation irrégulière ont été recensés dans l’étude de 2021 : l’admission au séjour pour soins, les soins dispensés dans les centres de rétention administrative et les soins dispensés en faveur des étrangers en situation irrégulière à Mayotte. Leur coût agrégé n’est sans doute pas négligeable, notamment s’agissant des dépenses liées à l’existence d’un titre de séjour pour soins.

1.   Le titre de séjour pour soins : un objectif initial détourné pour un coût total sans doute très important

a.   L’objectif initial

Prévue à l’article L. 425-9 du Ceseda, la procédure d’admission au séjour pour soins permet à « l’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, [de se voir] délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an ». Le titre de séjour ainsi délivré peut être renouvelé et faire l’objet d’une carte de séjour pluriannuelle dont la durée « est égale à celle des soins » (article L. 411‑4 (11°) du Ceseda). Les étrangers en situation irrégulière ainsi admis au séjour ne relèvent pas de l’AME mais de la protection sociale de droit commun (PUMA + C2S). Leur qualité « d’étranger malade en situation irrégulière » leur permet d’accéder à un séjour régulier.

Depuis 2017, le service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a évalué à 140 000 le nombre de demandes de titres de séjour pour soins. Sur ces cinq années, le taux moyen d’avis favorable s’élève à 57,1 %. En 2022, 24 183 demandes de titres de séjour pour soins ont été enregistrées. Les premières nationalités représentées parmi ces demandes sont les nationalités algérienne (11,5 %), congolaise (6,7 %) et ivoirienne (5,7 %).

PRINCIPALES NATIONALitÉs représentÉes parmi les demandes
de titres de sÉjour pour soins

Nationalité

Demandes

Algérienne

11,5 %

Congolaise (RDC)

6,7 %

Ivoirienne

5,7 %

Camerounaise

5,3 %

Guinéenne

4,8 %

Comorienne

4,3 %

Malienne

4 %

Haïtienne

4 %

Congolaise

3,8 %

Marocaine

3,6 %

Géorgienne

3,5 %

Arménienne

3,4 %

Source : Office français de l'immigration et de l'intégration.

b.   Des critères d’accès peu opérants dans les faits

Le dernier rapport de l’OFII remis au Parlement indique que « la France dispose d’un système unique au monde plus favorable et se situant bien au-delà des obligations qui s’imposent aux pays européens ([25]) » ([26]). Si ce dispositif constitue en effet une exception dans l’Union européenne, son évolution récente interroge également au regard de son objectif initial qui avait une visée restreinte et essentiellement humanitaire.

● Le critère de la résidence habituelle en France est trop souple. Des étrangers bénéficient du titre de séjour pour soins alors qu’ils viennent d’arriver sur le sol français. En 2022, le nombre de demandeurs dont l’entrée sur le territoire remonte à moins de douze mois s’élève à 3 222 demandeurs, soit 13,3 % du total des demandes déposées. La rapporteure rappelle qu’il existe déjà des dispositifs permettant de prendre en charge les étrangers ne résidant pas habituellement en France, en particulier le dispositif des « soins urgents » qui correspond davantage à cette situation. En effet, la condition de résidence habituelle avait initialement pour objectif d’écarter de ce dispositif les étrangers récemment entrés en France et dont il est évident que leur séjour sur le territoire français a pour principale finalité l’accès aux soins en France. L’étranger qui souffre de pathologies contractées préalablement à son arrivée en France n’a pas vocation à bénéficier du dispositif « étrangers malades ».

● Le critère de l’exceptionnelle gravité n’a pas la portée qu’il devrait avoir. Des étrangers accèdent au titre de séjour pour soins alors même que leur pathologie n’est pas d’une exceptionnelle gravité. Le dernier rapport de l’OFII remis au Parlement évoque la « banalisation du critère des conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Ce critère est parfois omis au profit du critère d’accessibilité du traitement dans le pays d’origine, quelle que soit la gravité de la maladie. Par exemple, il a pu arriver qu’une demandeuse obtienne gain de cause au motif que la procréation médicalement assistée par micro-injection intracytoplasmique ([27]) n’était pas réalisable dans le pays d’origine ([28]).

● Le critère de l’existence du soin dans le pays d’origine n’est pas, dans les faits, véritablement opérant. L’OFII a indiqué à la rapporteure spéciale que des Suisses, des Américains ou encore des Canadiens bénéficiaient chaque année du titre de séjour pour soins. Quand bien même ces cas restent marginaux, ils témoignent des défaillances du dispositif et d’un critère qui n’est que très peu respecté. Ainsi, entre 2017 et 2022, 5 598 ressortissants des pays du G20 ([29]) ont déposé une demande de titre de séjour pour soins. Les nationalités russes et brésiliennes représentent plus de 60 % des demandes des pays du G20.

les demandes de titre de sÉjour pour soins Émanant
de ressortissants de pays du g20

Nationalité

Nombre de demandes

% parmi les demandes totales

Russe

2 179

38,92 %

Brésilienne

1 203

21,49 %

Turque

677

12,09 %

Indienne

659

11,77 %

Chinoise (RPC)

568

10,15 %

Américaine

86

1,54 %

Mexicaine

49

0,88 %

Argentine

43

0,77 %

Canadienne

37

0,66 %

Sud-africaine

35

0,63 %

Indonésienne

16

0,29 %

Saoudienne

14

0,25 %

Britannique (depuis 2022)

11

0,20 %

Japonaise

10

0,18 %

Sud-coréenne

9

0,16 %

Australienne

2

0,04 %

Total général

5 598

100,00 %

Source : Office français de l’immigration et de l’intégration.

c.   Un dispositif sans doute onéreux et pouvant mettre en tension certains secteurs

i.   Un coût difficile à estimer mais pouvant s’élever à plus de 100 millions d’euros

Le coût de l’admission au séjour pour soins d’étrangers en situation irrégulière n’a pas été estimé dans la première étude de la rapporteure spécial. Elle a toutefois indiqué que « ce montant est certainement très significatif puisque les pathologies concernées sont lourdes » ([30]). Dans le cadre du présent rapport, la rapporteure souhaite intégrer à son étude une estimation basse du montant des dépenses liées aux titres de séjour pour soins. Dans son dernier rapport annuel au Parlement, l’OFII précise toutefois qu’il n’est pas possible aujourd’hui « d’isoler le poids du coût des soins afférents à cette procédure dans le budget de l’Assurance maladie ou de l’État » ([31]).

● En 2021, l’OFII a indiqué que le coût administratif de traitement de cette procédure s’établissait à 3,3 millions d’euros par an. Ce montant ne comprend qu’une partie du coût administratif de traitement de cette procédure puisqu’il n’inclut pas les dépenses d’instruction des demandes d’admission au séjour pour soins supportées par les préfectures.

● S’agissant des dépenses des soins dispensés en faveur des étrangers en situation irrégulière accédant à ce titre de séjour en raison de leur état de santé, un faisceau d’indices laisse supposer que ces dépenses peuvent être très élevées :

– L’OFII n’a pas accès aux protocoles thérapeutiques détaillés mais certains traitements figurent dans les dossiers médicaux produits par les demandeurs. L’office constate l’arrivée d’étrangers venant se faire soigner en France pour des thérapies innovantes et parfois très onéreuses.

Exemple de mÉdicaments coÛteux MENTIONNÉs dans les dossiers des demandeurs du titre de sÉjour pour soins

(en euros)

Pathologie

Médicaments

Prix par an par personne

Hémophilie A

Hemlibra

279 480,00

Hémophilie A

Elocta

303 264,00

Amyotrophie Spinale

Spinraza

420 000,00

Hyperoxaliurie primitive de type 1

Lumasiran

814 842,32

facteur IX Novoseven

Novoseven

1 019 611,00

Source : rapport annuel au Parlement de l’OFII.

La rapporteure spéciale observe d’ailleurs que plus le coût du soin est élevé plus il est probable qu’il ne soit pas accessible dans la plupart des pays d’origine.

Depuis 2017, plus de 77 % des avis favorables transmis au préfet indiquent une durée prévisible des soins supérieure ou égale à 12 mois. Un certain nombre de demandes enregistrées sont liées à des maladies non curables nécessitant donc des soins, parfois coûteux, sur le très long terme. Par exemple, 3 176 demandes ont été enregistrées par des mineurs entre 2017 et 2022 en lien avec les maladies congénitales ou génétiques graves ou des handicaps graves mais non curables, sans traitement possible. Les principales pathologies recensées sont notamment l’encéphalopathie, la paralysie cérébrale, les malformations congénitales multiples, le syndrome de Down (trisomie 21), le retard mental et la tétraplégie spastique.

● Il existe environ 30 000 titres de séjours pour soins en circulation. En se fondant sur le coût moyen d’un bénéficiaire de l’AME, le coût de ce dispositif pourrait s’élever à 90 millions d’euros. Il s’agit d’une estimation probablement fortement sous-estimée puisque les pathologies soignées sont par principe graves et donc souvent coûteuses.

ii.   Les titres de séjour pour soins et les secteurs déjà en tension

Il est difficile de déterminer si les étrangers mettent en tension certains secteurs du système de santé français.

S’agissant du système de greffe, les conditions d’inscription sur la liste nationale d’attente sont fixées par l’article L. 1251‑1 du code de la santé publique qui prévoit que « peuvent seules bénéficier d’une greffe d’organes, de cornées ou d’autres tissus dont la liste est fixée par arrêté, après avis de l’Agence de la biomédecine, les personnes, quel que soit leur lieu de résidence, qui sont inscrites sur une liste nationale ». L’Agence de la biomédecine est chargée d’enregistrer l’inscription des patients en attente de greffe sur la liste nationale d’attente.

Interrogée par la rapporteure spéciale, l’Agence de la biomédecine n’a transmis que des statistiques portant sur le lieu de résidence des personnes greffées et non sur leur nationalité ou leur statut administratif. Entre 2012 et 2022, les patients résidant hors de l’Union européenne n’ont représenté en moyenne que 0,8 % du total des personnes greffées. Cette statistique ne permet pas d’identifier le nombre de personnes greffées disposant d’un titre de séjour pour soins et donc résidant en France.

Lieu de résidence des receveurs greffés entre 2015 et 2022
selon l'année de greffe

 

Année de greffe

Total

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

Lieu de résidence

0

0,0

0

0,0

1

0,0

0

0.0

0

0,0

0

0,0

0

0,0

0

0,0

1

HUE

53

0,9

79

1,3

52

0,9

52

0,9

41

0,7

24

0,5

28

0,5

29

0,5

358

R

5 635

98,1

5 757

97,7

6 000

98,3

5 704

98,2

5 816

98,6

4 374

98,9

5 214

98,8

5 430

98,8

43 930

UE

58

1,0

55

0,9

52

0,9

50

0,9

44

0,7

23

0,5

34

0,6

36

0,7

352

Total

5 746

100,0

5 891

100,0

6 105

100,0

5 806

100,0

5 901

100,0

4 421

100,0

5 276

100,0

5 495

100,0

44 641

Source : commission des finances, à partir des données transmises par l’Agence de la biomédecine.

La rapporteure spéciale observe néanmoins, qu’en 2021, 1 101 demandes de titres de séjour pour soins font état dans le dossier médical d’une insuffisance rénale chronique nécessitant, fréquemment, une greffe rénale ([32]). Il s’agit d’une opération souvent peu développée dans les pays d’origine donc il est possible de supposer que le taux d’admission de ces dossiers est plutôt élevé. Le secteur est pourtant déjà en forte tension en France et un petit nombre de demandes de greffes supplémentaires peut dès lors créer des tensions ([33]).

Les demandes de titres de séjour pour soins peuvent être en lien avec d’autres secteurs en tension. Selon les données transmises par l’OFII, les étrangers bénéficiant du titre de séjour pour soins représenteraient ainsi 20 % des patients de l’onco-pédiatrie au centre hospitalier universitaire de Toulouse. Entre 2017 et 2022, ont été enregistrées :

– 2 269 demandes ont été enregistrées en lien avec la pédopsychiatrie ;

– 1 941 demandes en lien avec la dialyse rénale et l’hémodialyse ;

– 1 025 demandes en lien les cancers des enfants dont 302 en lien avec une leucémie.

2.   Les soins dans les centres de rétention administrative

Les centres de rétention administrative (CRA) sont des établissements fermés dans lesquels sont placés des étrangers en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire français. Au 30 juin 2022, le parc des CRA est constitué de 26 sites (22 en métropole et 4 en outre-mer) pour une capacité de 1 859 places en métropoles et de 227 places en outre-mer, soit un total de 2 086 places ([34]). En 2021, les CRA ont accueilli 39 157 personnes pour une durée moyenne de rétention de 4,1 jours en métropole et 2,4 jours outre-mer.

L’article R. 744-18 du Ceseda dispose que « pendant la durée de leur séjour en rétention, les étrangers sont hébergés et nourris à titre gratuit. Ils sont soignés gratuitement. S’ils en font la demande, ils sont examinés par un médecin de l’unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative ».

Sur cette base, chaque CRA dispose d’une équipe médicale composée de médecins et d’infirmiers dont le rôle est défini par l’arrêté du 17 décembre 2021 relatif à la prise en charge sanitaire des personnes retenues dans les centres de rétention administrative. L’intervention de ces unités médicales fait l’objet, pour chaque centre, d’une convention conclue entre le préfet territorialement compétent et un établissement de santé de proximité, public ou privé, participant au service hospitalier ([35]). Les unités médicales interviennent dans le cadre de dépistages de maladies graves ou de continuité des soins des personnes placées. Depuis septembre 2019, des permanences de psychologues sont déployées dans les CRA.

Le financement de ces unités médicales est pris en charge par le ministère de l’intérieur au titre de l’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière du programme 303 Immigration et asile du budget de l’État. En complément, les personnes retenues peuvent bénéficier de l’AME, soit parce qu’ils la possédaient en entrant au CRA, soit parce qu’ils ont ouvert ce droit durant leur rétention.

S’agissant des soins dispensés en CRA, l’estimation prise en compte correspond au montant communiqué par le ministère de l’intérieur. Dans son étude de 2021, la rapporteure avait choisi de retenir le montant de 8,6 millions d’euros qui correspondait au montant de l’ensemble des conventions sanitaires en 2019. Cette année, la rapporteure spécial retiendra les dépenses d’intervention sanitaire des CRA en 2022 qui s’élève à 17,6 millions d’euros ([36]). Ce montant comprend les crédits pour les permanences psychologiques.

3.   Les soins dispensés à Mayotte aux étrangers en situation irrégulière

Selon le dernier rapport sur les étrangers en France transmis au Parlement par le ministère de l’intérieur, la population de Mayotte est estimée, au 31 décembre 2020, à 278 926 habitants dont 29 373 étrangers en situation régulière. L’essentiel de cette population régulière est d’origine comorienne (87 %). En 2012, le nombre d’étrangers en situation irrégulière était estimé à environ 75 000 personnes mais aucune actualisation récente de ce nombre n’est connue ([37]).

À Mayotte, le coût des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière pose un problème de transparence ; En effet, cette population ne bénéficie pas de l’AME, non applicable dans le département. L’essentiel des frais de santé de la population irrégulière est financé par l’assurance maladie, sur les crédits du Fonds d’intervention régional (FIR) dont dispose l’agence régionale de santé.

Interrogé par la rapporteure spéciale en 2021 ([38]) , le centre hospitalier de Mayotte a indiqué que différents types de soins étaient dispensés en faveur des étrangers en situation irrégulière :

– des soins dispensés aux personnes interpellées lors de leur arrivée irrégulière sur le territoire par voie maritime ;

– des soins dispensés aux personnes en situation irrégulière déjà présentes sur le territoire (ou, si leur état le nécessite, aux personnes interpellées lors de leur arrivée sur le territoire par voie maritime) ;

– tout type de soins (16 047 hospitalisations de patients non-affiliés et 137 787 consultations externes délivrées à des patients non affiliés en 2019 ; une même personne pouvant avoir bénéficié de plusieurs consultations ou séjours en hospitalisation) ;

– des évacuations sanitaires vers des hôpitaux de la Réunion et éventuellement vers la métropole ;

– des soins dispensés aux personnes retenues au CRA de Mayotte.

S’agissant de l’estimation du montant de la dépense associée aux soins dispensés à Mayotte, la rapporteure spéciale a été amenée à réévaluer ses estimations de 2021.

En 2020, la Cour des comptes a estimé ce coût à 51,5 millions d’euros hors évacuations sanitaires. Les non assurés sociaux représentaient en 2017, 70 % de l’activité d’obstétrique, 40 % des autres hospitalisations et 60 % de l’activité de consultation des centres périphériques ([39]). Cependant, lors de la deuxième séance du 2 novembre 2020, Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie auprès du ministre des solidarités et de la santé, a déclaré à l’Assemblée nationale, qu’à Mayotte, « la part dans le total des soins de santé des dépenses relatives aux non-assurés sociaux, parmi lesquelles figurent principalement des personnes en situation irrégulière, mais aussi des personnes en situation régulière mais qui ne remplissent pas les critères d’affiliation au régime de sécurité sociale, […] représenterait un tiers du budget du centre hospitalier de Mayotte, soit environ 83 millions d’euros ».

La rapporteure spéciale avait donc retenu la moyenne de ces deux chiffres, soit 67,25 millions d’euros même si aucune de ces deux estimations n’intègre les dépenses d’évacuation sanitaire.

Selon les données recueillies par l’Agence régionale de santé de Mayotte, 85 000 personnes auraient reçu des soins dans le centre hospitalier de Mayotte en 2022 pour un montant total de 230 millions. Les étrangers qui ne sont affiliés à aucun régime d’assurance malade représenteraient 40 % de la file active dans cet établissement hospitalier. Le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte serait donc supérieur à 90 millions d’euros ce qui représente 9 % de la dépense totale d’AME en 2022.

B.   Des dispositifs gÉnÉralistes dont le coÛt reste difficile À Évaluer

Cinq dispositifs généralistes participent également à l’offre de soins proposée aux étrangers en situation irrégulière et ont été identifiés par la rapporteure spéciale en 2021 : les soins en détention, les permanences d’accès aux soins de santé, la mission d’intérêt général « Précarité », les équipes mobiles psychiatrie précarité, le Samu social et les centres d’accueil, de soins et d’orientation. Ces différents dispositifs ne s’adressent pas uniquement aux étrangers en situation irrégulière mais ces derniers en bénéficient dans des proportions qui peuvent être significatives. Comme pour son étude de 2021, la rapporteure spéciale ne pourra pas proposer des chiffrages exacts pour ces dispositifs.

1.   Les soins en détention

Les étrangers en situation irrégulière écroués sont éligibles à l’AME et peuvent accéder aux structures de soins existant dans les établissements pénitentiaires.

Comme le rappelait notre ancien collègue, M. Bruno Questel, dans son avis sur les crédits de la mission Justice du projet de loi de finances pour 2020, l’organisation des soins en détention repose sur trois niveaux. Les soins de premier niveau sont réalisés dans les unités sanitaires implantées dans chaque établissement pénitentiaire. Les soins de deuxième niveau sont dispensés dans des chambres sécurisées implantées dans les établissements hospitaliers de rattachement et les soins de troisième niveau sont réalisés dans certains établissements de santé ([40]). Depuis le 1er janvier 2018, le financement des dépenses de santé des détenus est assuré directement par l’assurance maladie.

Le sénateur Antoine Lefèvre évaluait en 2016 le coût consolidé des dépenses de santé pour les personnes détenues à 360 millions d’euros, soit 5 000 euros par an en moyenne par personne écrouée ([41]). Aucune estimation plus récente n’a été portée à la connaissance de la rapporteure spéciale.

Si le nombre d’étrangers écroués est connu (18 728 étrangers sont écroués au 31 décembre 2021, ce qui représente 22,8 % des 82 260 personnes incarcérées) ([42]), le ministère de la justice a indiqué ne pas connaître le nombre d’étrangers en situation irrégulière écroués. Néanmoins, le nombre d’étrangers en situation irrégulière pourrait ne pas être négligeable. À titre d’exemple, dans un rapport de 2021 du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) consacré au centre de détention de Joux‑la‑Ville, il est précisé que « quarante-cinq des quatre-vingt-quinze personnes de nationalité étrangère faisaient l’objet d’une mesure d’éloignement » ([43]). Il n’est évidemment pas possible d’étendre ce chiffre à l’ensemble des établissements pénitentiaires mais une telle proportion laisse suggérer que le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière écroués pourrait représenter plusieurs dizaines de millions d’euros.

2.   Les permanences d’accès aux soins de santé, la mission d’intérêt général « Précarité » et les équipes mobiles psychiatrie précarité

Les permanences d’accès aux soins de santé, la mission d’intérêt général « Précarité » et les équipes mobiles psychiatrie précarité peuvent également bénéficier aux étrangers en situation irrégulière.

i.   Les permanences d’accès aux soins de santé

En application de l’article L. 6112‑6 du code de la santé publique, les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier « mettent en place […] des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) […] adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé, et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits ».

Ces PASS ont été créées par la loi de lutte contre les exclusions de 1998 ([44])  et visent à faciliter l’accès des personnes en situation de précarité au système hospitalier ainsi qu’aux réseaux institutionnels ou associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement social. L’assurance maladie finance les établissements de santé qui en sont porteurs : 483 PASS sont en fonction.

Selon un récent rapport de l’Académie nationale de médecine, « aujourd’hui la patientèle des PASS est composée en majorité de migrants » ([45]).

S’agissant du coût de ce dispositif, la direction générale de l’offre de soins a indiqué que le coût des PASS s’est élevé à 96,5 millions d’euros en 2022. Compte tenu des actions de ces structures, la rapporteure spéciale a retenu les deux tiers de ce montant, soit 64,3 millions d’euros.

 

ii.   La mission d’intérêt général « Précarité »

Organisée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, la mission d’intérêt général Précarité « finance les surcoûts associés à la présence importante de patients en situation de précarité au sein de la population prise en charge dans certains établissements de santé. Ces surcoûts peuvent être de différentes natures : durées de séjours supérieures, temps médical et non médical nécessaire plus important, difficultés de recouvrement » […] « Sont considérés comme séjours de patients en situation de précarité les séjours (hors séances) réalisés pour des patients : en situation de soins urgents, en situation d’aide médicale d’État ou bénéficiant de la couverture maladie universelle complémentaire » ([46])

La circulaire N° DGOS/R5 relative à la première campagne tarifaire et budgétaire 2021 des établissements de santé indique que cette mission a bénéficié d’un crédit de 209,9 millions d’euros en 2022. Compte tenu de la nature de cette mission, la rapporteure spéciale a retenu les deux-tiers de ce coût soit 139,9 millions d’euros.

iii.   Les équipes mobiles psychiatrie précarité

Créées en 2005 dans le cadre du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008, les équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) ont une double mission : répondre aux besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et soutenir les professionnels sanitaires et sociaux.

La direction générale de l’offre de soins a indiqué à la rapporteure spéciale qu’en 2019, 140 EMPP étaient réparties sur l’ensemble du territoire et qu’environ 75 % de ces structures comptabilisaient près de 140 500 patients. Il a aussi été précisé que « plusieurs équipes soulignent une hausse de leur activité, qui a concerné principalement des personnes migrantes, dans les territoires des métropoles mais aussi périurbains. Les personnes migrantes sans droit au séjour sont particulièrement vulnérables dans la mesure où ces populations sont généralement invisibles ou peu visibles des institutions, par crainte d’être interpellées et reconduites dans leur pays d’origine ».

S’agissant des équipes mobiles « psychiatrie précarité » (EMPP), la direction générale de l’offre de soins a indiqué ne pas disposer d’informations sur leur coût qui sont financées par une dotation annuelle globale de fonctionnement couvrant l’ensemble des activités de psychiatrie des établissements publics et privés non lucratifs de santé.

3.   Le Samu social

À la suite de la création du Samu social de Paris en 1993, de nombreuses structures de ce type ont été ouvertes en faveur des personnes sans-abri en détresse. La fédération nationale des Samu sociaux recense des dispositifs de ce type à Paris, Bordeaux, Caen, Cannes, Lille, Lyon, Marseille, Nantes ou Nice.

Les Samu sociaux s’adressent notamment aux personnes migrantes dont des étrangers en situation irrégulière. Le Samu social de Paris comporte par exemple une « mission migrants », composée d’infirmiers et d’interprètes, qui est chargée de réaliser un ensemble d’actions sanitaires. Cette mission a par exemple réalisé 12 000 bilans infirmiers en 2019 ([47]) à la suite notamment d’évacuations de campements. Cette donnée n’a pas pu être actualisée, le Samu social n’ayant pas fait figurer ce chiffre dans les rapports d’activité des années suivantes.

S’agissant du coût de ce dispositif, la rapporteure spéciale n’est pas parvenue à obtenir des éléments plus précis que ceux présentés dans le rapport de 2021. Des informations existent sur leur budget total mais l’activité de ces structures ne peut pas être suffisamment décomposée pour évaluer le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Le rapport d’activité 2021 du Samu social de Paris fait ainsi état d’un budget total de 51,1 millions d’euros dont 12,6 millions d’euros étaient dédiés au pôle « médical et soins » qui inclut notamment les dépenses de la « mission migrants » dont une partie de l’activité concerne les soins apportés aux personnes en situation irrégulière ([48]).

4.   Les centres d’accueil, de soins et d’orientation et les autres initiatives privées soutenues par des dépenses fiscales et des subventions publiques

Des dépenses fiscales et des subventions soutiennent également les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.

● L’article 200 du code général des impôts accorde ainsi une réduction d’impôt égale à 75 % du montant des dons effectués (dans la limite de 20 % du revenu imposable) en faveur d’organismes sans but lucratif procédant, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins à des personnes en difficulté. Ces dépenses fiscales soutiennent par exemple le financement par Médecins du monde, de centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) qui « sont des dispositifs de facilitation de recours aux soins et à la prévention, et d’accès aux droits pour les personnes en grande difficulté qui ne connaissent pas leurs droits ou qui ne parviennent pas à les faire valoir » ([49]). En 2021, 15 355 personnes ont été accueillies dans les CASO dont près de 64 % étaient en situation administrative irrégulière au regard de leur séjour ([50]).

Le taux de réduction d’impôt est de 66 % pour les œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, social ou humanitaire. Les 29 associations composant l’observatoire du droit à la santé des étrangers (destiné à promouvoir le « droit à la santé » des personnes étrangère) relèvent de ce dispositif. Dans son rapport de 2021, la rapporteure spéciale avait précisé que le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n’était pas en mesure d’identifier les dépenses soutenant les associations dispensant des soins aux étrangers en situation irrégulière. À titre d’exemple, la rapporteure spéciale observe que Médecins du monde dispose d’un budget de 115,7 millions d’euros dont 52,8 millions d’euros étaient constitués de ressources issues de la générosité du public en France ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 200 du CGI ([51]). Cet exemple ne suffit cependant pas pour proposer une estimation fiable du montant des dépenses fiscales soutenant l’ensemble des associations dispensant des soins en faveur des étrangers en situation irrégulière.

● Il est à noter que ces structures perçoivent généralement des financements publics, comme c’est le cas de Médecins du monde à hauteur de 59,6 millions d’euros en 2022. Le comité pour la santé des exilés (COMEDE) qui a pour objet de promouvoir la santé des exilés en France a également perçu, en comptabilisant les subventions publiques nationales et locales, un total de 1,9 million d’euros en 2021 ([52]).


III.   au minimum 1,7 milliard d’euros par an : le coÛt d’une exception française À rÉformer

Au total, le coût de sept des zones dispositif dispensant des soins aux étrangers en situation irrégulière peut être estimé à 1,78 milliard d’euros en 2022. Il s’agit d’une estimation prudente du coût total des différents dispositifs identifiés.

CoÛt estimÉ de sept des onze dispositifs dispensant des soins
aux Étrangers en situation irrÉguliÈre

(en millions d’euros)

Dispositif

Coût retenu

Aide médicale de l’État

1 186,4

Maintien des droits à l’assurance maladie

193,4

Mission d’intérêt général précarité

139,9

Soins dispensés à Mayotte

90

Titres de séjour pour soins

90

Permanences d’accès aux soins de santé

64,3

Soins dispensés en centres de rétention administrative

17,6

Total :

1 781,6

Source : commission des finances.

A.   disposer de statistiques fiables pour mieux piloter les dÉpenses de soins engagÉes au profit des Étrangers en situation irrÉguliÈre

1.   Affiner l’estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière

L’ampleur de l’immigration irrégulière est, par nature, difficile à quantifier mais les travaux conduits dans le cadre du présent rapport invitent à réévaluer les chiffres régulièrement avancés. En 2021, la rapporteure spéciale avait montré que les estimations évaluant cette population entre 350 000 et 400 000 personnes ([53]) étaient assez nettement sous-évaluées.

En 2021, le ministre de l’Intérieur a réévalué ce chiffrage en indiquant que la France comptait entre 600 000 et 700 000 étrangers en situation irrégulière, ce qui semble une estimation plus proche de la réalité mais encore insuffisante.

La rapporteure spéciale considère que le nombre de bénéficiaires de l’AME peut constituer un indicateur pertinent pour mesure le nombre de personnes en situation irrégulière. Le rapport sur les étrangers en France remis au Parlement en 2021 indique ainsi qu’« il est impossible d’évaluer le nombre de personnes séjournant de manière irrégulière sur le territoire » mais que « le nombre de bénéficiaires de l’AME peut contribuer à une première approche » ([54]). Toutefois, une estimation fiable ne saurait se contenter du nombre de bénéficiaires de l’AME mais devrait tenir compte du taux de non-recours à ce dispositif.

La direction de la sécurité sociale a indiqué à la rapporteure qu’il n’est pas possible de chiffrer précisément le taux de non-recours à l’AME. Néanmoins, ce taux a fait l’objet d’une enquête à partir d’un échantillon de 1 223 étrangers en situation irrégulière ([55]). Cette étude a révélé que seules 51 % des personnes qui y sont éligibles bénéficient de l’AME. Si la rapporteure spéciale souhaite préciser qu’un raisonnement plus général à partir de cet échantillon ne saurait être parfaitement fiable, celui-ci permet d’établir un ordre de grandeur intéressant.

Ainsi, en partant de l’hypothèse que le taux de recours à l’AME s’établit à seulement 50 %, le nombre d’étrangers en situation irrégulière serait d’environ 800 000. Il s’agit toutefois d’une simple estimation, le taux de non-recours à l’AME n’ayant jamais fait l’objet d’une évaluation suffisamment précise et à grande échelle.

À ce titre, la rapporteure spéciale invite, une nouvelle fois, le Gouvernement à diligenter un travail interministériel ou à solliciter des corps d’inspection pour affiner ces estimations.

Recommandation n° 1

Diligenter un travail interministériel ou solliciter des corps d’inspection pour affiner l’évaluation du nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français (en métropole et outre-mer).

2.   Connaître la nature et le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

Une meilleure connaissance de la nature et du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière est nécessaire d’un point de vue sanitaire, économique et de maîtrise des flux migratoires.

● Il serait utile d’étudier finement (par exemple par nationalité, sexe et âge) la nature des soins dispensés aux bénéficiaires de l’AME, du maintien de droits et des permanences d’accès aux soins de santé en vue d’améliorer les politiques de prévention et de prise en charge des intéressés. La rapporteure spéciale rappelle que les documents budgétaires n’apportent aucune information sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME alors même que cette donnée serait utile en termes sanitaires et de gestion du dispositif. La direction de la Sécurité sociale a reconnu que « les facteurs qui expliquent les sous-jacents de l’évolution des effectifs de bénéficiaires sont difficiles à appréhender en raison du manque de données disponibles et de la méconnaissance de cette population » ([56]). Cette affirmation interroge sur la capacité à mesurer l’évolution du coût de l’AME sur le long terme et à évaluer la soutenabilité du dispositif. La rapporteure spéciale a déposé un amendement à plusieurs reprises dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances visant à permettre le recueil de la nature des soins et de la nationalité de bénéficiaires de l’AME.

Recommandation n° 2

Autoriser le ministre chargé de la santé à recueillir des données anonymisées à visée statistique sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État ainsi que sur les pathologies soignées.

● D’un point de vue sanitaire, cette connaissance plus fine des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière permettrait également de savoir si les intéressés font peser, ou non, certaines tensions sur le système de soins français, notamment sur le système de greffe. À ce titre, la rapporteure spéciale souhaite que l’agence de la biomédecine soit autorisée à connaître et enregistrer le statut administratif des étrangers sollicitant ou bénéficiant d’une greffe (étranger en situation irrégulière bénéficiaire ou non de l’AME, demandeur d’asile, titulaire d’un titre de séjour « étranger malade », titulaire d’un autre titre de séjour).

Recommandation n° 3

Autoriser l’agence de la biomédecine à connaître et enregistrer le statut administratif des étrangers sollicitant ou bénéficiant d’une greffe.

 D’un point de vue économique, une meilleure connaissance de la nature et du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière permettrait de compléter le chiffrage établi dans ce rapport. À cet égard, il serait bienvenu de compléter les documents budgétaires en y faisant figurer le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte puisque l’AME ne s’applique pas sur ce territoire. Une base de données relative aux créances hospitalières irrécouvrables laissées par les étrangers en situation irrégulière pourrait également être constituée afin d’appréhender plus finement le coût réel de l’AME.

 Du point de vue de la maîtrise des flux migratoires, une meilleure connaissance de la nature et du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière permettrait d’appréhender plus finement la question de l’immigration pour soins sur laquelle peu de données sont aujourd’hui disponibles. La générosité du système français contribue à son attractivité et peut alimenter une forme de tourisme médical qui « n’est clairement pas un phénomène marginal (plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration) » ([57]). À titre d’exemple, en 2021, une importante filière ukrainienne de fraude à l’allocation pour demandeurs d’asile a été démantelée après que les autorités ont identifié un surcroît inexpliqué de demande d’asile ukrainienne en Seine-et-Marne.

Une amélioration du recueil et de l’exploitation des données sur l’immigration irrégulière est indispensable pour accompagner une réforme d’ampleur des principaux dispositifs constituant l’offre de soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.

B.   INITIER UNE RÉFORME D’ampleur de l’aide mÉdical d’État et du maintien des droits expirÉs

La rapporteure spéciale considère qu’il est nécessaire de rapprocher le système français du droit commun européen et donc de recentrer l’AME sur les soins urgents ainsi que de mieux encadrer le dispositif de maintien des droits expirés.

1.   Recentrer l’AME sur les soins urgents et renforcer la lutte contre la fraude

La rapporteure spéciale estime que l’AME de droit commun devrait être limitée aux soins urgents et à ceux liés à la lutte contre les pandémies, à la grossesse et aux vaccinations obligatoires afin d’aligner la situation française sur celle des autres pays européens ([58]).

À défaut, d’un tel recentrage, il serait nécessaire d’exclure du panier de soins certains gestes médicaux. La rapporteure spéciale propose ainsi d’écarter du périmètre de l’AME la possibilité de disposer d’une intervention visant au recollement d’oreilles décollées, pour gastroplastie (pose d’un anneau gastrique) et pour d’autres interventions liées à l’obésité ([59]). Si une telle mesure ne peut, à elle seule, suffire à maîtriser l’évolution de la dépense d’AME, elle permettrait à tout le moins de renforcer l’acceptabilité sociale du dispositif.

Recommandation n° 4

Recentrer l’AME sur les soins urgents ou, à défaut, exclure certains gestes médicaux du panier de soins.

● La lutte contre la fraude à l’AME pourrait également être renforcée dans les CPAM, en particulier en ce qui concerne la possession d’un visa par le bénéficiaire. L’utilisation du système de Visabio permet désormais aux caisses de s’assurer que des étrangers, en situation régulière et devant être couverts par leur État d’origine ou une assurance privée, ne bénéficient pas de l’AME ou des soins urgents ([60]).

En dépit des améliorations apportées dans la gestion de l’AME, l’outil Visabio souffre de trop nombreuses insuffisances qui ne permettent pas aux agents des CPAM de lutter efficacement contre la fraude. En effet, seuls les visas délivrés par la France sont visibles dans la base, ceux émis par d’autres pays de l’espace Shengen n’y figurant pas. Théoriquement, un demandeur qui serait en possession d’un visa délivré par un autre pays de l’espace Schengen pourrait donc bénéficier de l’AME. Par ailleurs, un certain nombre de visas court séjour ne sont pas tracés dans Visabio. Il s’agit des visas délivrés aux ressortissants d’Algérie, du Bangladesh, du Cameroun, de la République Démocratique du Congo, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Maroc, du Nigeria, du Sénégal et de la Tunisie. La CNAM a exprimé, à plusieurs reprises, son besoin d’accéder à France‑visas afin de pouvoir contrôler l’intégralité des visas délivrés par la France. La rapporteure observe que les CPAM n’ont pas non plus accès aux titres de séjour émis par d’autres pays européens.

Recommandation n° 5

Autoriser les CPAM à accéder à France-visas afin de contrôler la présence de visas court séjour ne figurant pas dans Visabio.

La rapporteure spéciale invite une nouvelle fois le Gouvernement à retenir la recommandation n° 5 du rapport précité de l’IGF et de l’IGAS visant à mettre à disposition des consulats de France et de la police aux frontières une base de données relative aux bénéficiaires présents et passés de l’AME ainsi qu’une base de données relative aux créances hospitalières afin de limiter l’octroi de visa aux « touristes médicaux ».

Enfin, des mesures pourraient également être prises afin d’empêcher la délivrance de visas à des personnes souhaitant profiter frauduleusement de l’AME pour se faire soigner en France. La piste de la mise à disposition d’une liste des bénéficiaires présents et passés de l’AME auprès des consulats est actuellement étudiée.

2.   Resserrer les conditions d’accès et les modalités de gestion du dispositif de maintien des droits expirés

La rapporteure spéciale considère que le dispositif de maintien des droits est un dispositif utile mais qui doit être resserré afin que ses conditions d’accès respectent sa finalité initiale et ne permettent plus à des étrangers en situation irrégulière de bénéficier de ce dispositif au lieu de relever de l’AME.

À ce titre, comme la rapporteure spéciale l’avait déjà recommandé en 2021, il conviendrait de :

– subordonner l’accès à ce dispositif à l’engagement d’une démarche de renouvellement d’un titre de séjour, à l’image de ce qui existe pour le dispositif de maintien des droits sociaux prévus à l’article L. 433-3 du Ceseda.

– subordonner le bénéfice du maintien des droits à une durée antérieure de présence minimale sur le territoire. Le bénéfice du maintien de droit est simplement conditionné à une affiliation antérieure à la protection universelle maladie. La rapporteure spéciale propose de limiter le bénéfice de ce dispositif aux étrangers disposant d’une résidence antérieure régulière sur le territoire égale à au moins 6 mois.

– Modifier les modalités de détermination de la date effective de fermeture des droits. À l’heure actuelle, l’interruption des droits n’intervient qu’au bout de 7,5 mois alors qu’elle pourrait tout à fait intervenir dès le sixième mois.

– Réduire, d’ici deux ou trois ans, de 6 à 3 mois la durée de maintien de droits. Cette proposition se justifie par le souhait d’aligner cette durée sur celle retenue pour le maintien des droits sociaux figurant à l’article L. 433-3 du Ceseda. La mission de l’IGF et de l’IGAS recommandait de réduire à 3 mois la durée de maintien de droits.

Recommandation n° 6

Resserrer les conditions d’accès et les modalités du dispositif de maintien des droits expirés, notamment en subordonnant le bénéfice de ce dispositif à l’engagement d’une démarche de renouvellement d’un titre de séjour.

Un tel resserrement permettrait de recentrer le dispositif du maintien de droits sur sa finalité initiale et éviterait que des étrangers en situation irrégulière ne bénéficient du maintien de droits alors qu’ils devraient relever de l’AME. L’assurance maladie ne prendrait plus en charge indûment des dépenses de santé à la place de l’État.

C.   Revoir profondÉment la procÉdure d’admission au sÉjour pour soins

La procédure d’admission au titre de séjour pour soins devrait être largement réformée puisqu’elle ne répond plus à son objectif initial.

● S’agissant du critère de résidence habituelle, la rapporteure spéciale observe que l’article R. 425‑14 du Ceseda, dispose que « l'étranger mentionné à l'article L. 425‑9 qui ne remplit pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée de son traitement. ». La rapporteure spéciale recommande l’abrogation de cet article réglementaire et d’instaurer à l’article L. 425-9 du Ceseda une condition de résidence de deux ans. Les préfectures pourraient contrôler par Visabio la date d’entrée sur le territoire pour déterminer si la personne est éligible au titre de séjour étranger malade. Cette disposition permettrait de déclarer un nombre non négligeable de dossiers irrecevables et de recentrer le dispositif sur l’objectif initial de la loi.

● Il conviendrait également de mieux définir les « conséquences d’une exceptionnelle gravité », notamment en précisant à l’article L. 425-9 du Ceseda que le pronostic vital du demandeur doit être engagé à court terme. Par ailleurs, il serait possible d’exclure certains traitements de cette procédure, à l’image de ce qui existe pour l’AME. À titre d’exemple, les cures thermales stérilité ou infertilité, dont la procréation médicalement assistée, pourraient légitiment être exclues de la procédure d’admission de séjour pour soins. Il pourrait également être envisagé d’exclure certains médicaments qui ne sont pas accessibles dans le pays d’origine mais qui apportent peu d’intérêt thérapeutique. L’obtention d’un titre de séjour ne devrait en effet pas être autorisée pour toute demande liée à des médicaments dépassant la cotation I (intérêt majeur) en matière d’amélioration du service médical rendu (ASMR) ([61]).

● Le critère d’accès aux soins effectifs dans le pays d’origine est excessivement large et peut conduire à des interprétations divergentes. Le critère d’absence de traitement dans le pays d’origine, plus restrictif et plus précis, pourrait lui être utilement substitué. Cette condition était d’ailleurs fixée dans la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ([62]) avant que la loi du 7 mars 2016 ([63]) ne la modifie.

● La rapporteure spéciale considère que tout titulaire d’un titre de résident d’un pays de l’Union européenne ne devrait pas pouvoir être éligible au titre de séjour « étranger malade ». Il conviendrait d’exclure explicitement dans la loi les détenteurs d’un titre de résident de séjour dans un pays de l’Union européenne du bénéfice du titre de séjour pour soins. L’OFII a indiqué à la rapporteure spéciale que le système d’information de l’office ne permettait pas de déterminer si le demandeur détenait un titre de résidence dans l’Union européenne. La rapporteure spéciale souhaite ainsi que l’OFII soit habilité à recueillir (ou à consulter) des données sur le statut administratif des demandeurs. L’office pourrait également être autorisé à connaître les décisions préfectorales rendues en matière d’admission au séjour pour soins afin de rendre compte au Parlement des demandes présentées et des décisions prises dans le cadre de la procédure d’admission au séjour pour soins. Le nombre de titre de séjours pour soins en circulation devrait être présenté au Parlement, dans le rapport au Parlement sur les étrangers en France par exemple, à des fins de transparence sur ce dispositif peu connu.

 

Recommandation n° 7

Réformer profondément la procédure d’admission au séjour pour soins en redéfinissant plus précisément les critères d’accès à ce dispositif.

● Cette réforme de la procédure d’admission au séjour pour soins devrait s’accompagner d’un développement des rapatriements sanitaires. À ce titre, la rapporteure spéciale salue la mise en œuvre d’une mission de coopération sanitaire avec les autorités géorgiennes dans le but de prévenir la migration pour soins. Sur un total de 1 308 avis défavorables émis sur des demandes de Géorgiens entre avril 2021 et décembre 2022, 86 personnes sont reparties en Géorgie. Par ailleurs, un dispositif européen de retours médicalisé soutenu par plusieurs États membre est actuellement à l’étude. Selon l’OFII, l’objectif est d’identifier un prestataire fin 2023 pour que les premiers retours soient opérés début 2024. Il est à noter que le financement des retours, en tant que tels, devrait peser sur les budgets nationaux. La rapporteure spéciale restera attentive à la mise en œuvre de ce dispositif à l’échelle européenne. Elle suggère également de renforcer les accords bilatéraux avec les assurances maladies des pays d’origine. Un tel accord existe par exemple avec la casse d’assurance maladie algérienne mais celui-ci n’est pas mobilisé pour le titre de séjour pour soins. Il serait pertinent d’exclure les ressortissants de la procédure d’admission au séjour pour soins dès lors qu’un accord bilatéral existe avec le pays d’origine.

 

Recommandation n° 8

Favoriser le développement d’accords bilatéraux avec les caisses d’assurance maladie des pays d’origine.

Exclure de la procédure d’admission au séjour pour soins les ressortissants de pays avec lesquels un tel accord existe.

D.   Modifier la protection santÉ des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sÛrs

Comme l’a indiqué la rapporteure spéciale dans son rapport de 2021, la très grande majorité des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs ([64]) n’obtiendront pas de titres de séjours.

Le taux d’admission des DEMANDES de protection
DE RESSORTISSANTS DE PAYS D’origine sÛrs en 2021

 

Pays

Taux d’admission

Moldavie

0,68 %

Inde

2,76 %

Serbie

4,13 %

Géorgie

5,38 %

Albanie

10,33 %

Kosovo

9,48 %

Bosnie-Herzégovine

1,52 %

Arménie

3,48 %

Macédoine du Nord

2,23 %

Mongolie

11,03 %

Monténégro

2,6 %

Maurice

18,18 %

Source : commission des finances, d’après le rapport d’activité 2021 de l’OFPRA.

Il importe donc de réformer la protection santé des intéressés pour dissuader les demandes d’asile motivées par le souhait de bénéficier de la protection universelle maladie, de la procédure d’admission au séjour pour soins puis, une fois la demande d’asile définitivement rejetée, du dispositif de maintien des droits.

La rapporteure spéciale recommande une nouvelle fois de :

– supprimer le bénéfice de la protection universelle maladie accordée aux demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs (après le troisième mois suivant l’enregistrement de leur demande d’asile) et de placer les intéressés sous le régime de l’AME de droit commun durant la période d’instruction de leur demande d’asile ;

– exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs de la procédure d’admission au séjour pour soins ;

– exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs du maintien de droits et de maintenir les intéressés dans l’AME de droit commun.

La protection santé des autres demandeurs d’asile ne serait en revanche pas modifiée.

 

La couverture santé des demandeurs d’asile dans le droit existant
et dans le droit proposé

Le droit existant assure une couverture santé identique à tous les demandeurs d’asile, qu’ils proviennent de pays d’origine sûrs ou non. Le droit proposé distinguerait la couverture santé des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs de celle des autres demandeurs d’asile.

Le droit existant (tous demandeurs d’asile) :

Trois mois suivant l’enregistrement de la demande d’asile

Instruction de la demande d’asile (après les 3 premiers mois)

Après la décision définitive sur la demande d’asile

AME soins urgents + possibilité de déposer une demande d’admission au séjour pour soins

PUMA

En cas d’admission : PUMA

En cas de rejet définitif : maintien des droits expirés puis AME de droit commun

Le droit proposé :

 

Trois mois suivant l’enregistrement de la demande d’asile

Instruction de la demande d’asile (après les 3 premiers mois)

Après la décision définitive sur la demande d’asile

Demandeur d’asile hors pays d’origine sûr.

Inchangé (AME soins urgents + possibilité de déposer une demande d’admission au séjour pour soins)

Inchangé (PUMA)

En cas d’admission : PUMA (inchangé)

En cas de rejet définitif : maintien des droits expirés puis AME de droit commun (inchangé)

Demandeur d’asile provenant d’un pays d’origine sûr

AME soins urgents

AME de droit commun

En cas d’admission : PUMA

En cas de rejet définitif : AME de droit commun

 

 

 

 

*

 


— 1 —

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 17 heures 15, le 17 mai 2023, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale des crédits de la mission Santé.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Chers collègues, dans le cadre du printemps de l’évaluation de l’année 2021, j’ai conduit une première étude visant à évaluer le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Contrairement à une croyance répandue, j’ai démontré que ces soins ne sont pas uniquement prodigués dans le cadre de l’aide médicale de l’État : au moins onze dispositifs différents existent en la matière, pour un coût total qui n’avait, à ma connaissance, jamais fait l’objet d’une estimation précise. L’AME constitue bien sûr un dispositif central dans cette organisation, avec un panier de soins sans équivalent. Ailleurs en Europe, la prise en charge se limite aux soins urgents et vitaux.

Aux côtés de l’AME, il existe donc au moins dix autres dispositifs d’importance variable : maintien des droits à l’assurance maladie, soins dispensés à Mayotte, soins prodigués dans les centres de rétention administrative, mission d’intérêt général dédiée à la précarité, permanences d’accès aux soins de santé, admission en séjour pour soins, soins en détentions et équipes mobiles psychiatrie et précarité ainsi que Samu sociaux et dépenses fiscales.

Le coût agrégé de l’ensemble n’est pas négligeable. À l’issue des travaux que j’ai conduits en 2021, je suis parvenue à estimer le coût de six de ces onze dispositifs, dont les principaux, pour 2019. Il est de l’ordre de 1,5 milliard d’euros, soit plus de 600 millions d’euros de plus que le seul coût de l’AME. J’ai déposé le 25 mai 2021, avec les membres du groupe Les Républicains, une proposition de résolution visant à faire connaître plus largement les conclusions de mes travaux et invitant le Gouvernement à prendre des mesures fortes pour réformer l’offre de soins dispensée aux étrangers en situation irrégulière. Je déposerai prochainement une nouvelle proposition de résolution, car je constate qu’aucune réforme n’a été engagée depuis.

Je note également que le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ne comportait au stade de son dépôt aucune disposition relative aux soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Pourtant, s’il est souvent rappelé que l’AME constitue une proportion marginale des dépenses publiques de santé, elle représente tout de même 17,2 % des dépenses de l’État consacrées à la politique de l’immigration et de l’intégration en 2023. C’est un vrai angle mort de notre politique de l’immigration.

Dans le cadre de ce nouveau Printemps de l’évaluation, j’ai choisi de réitérer l’exercice, car cet effort de transparence renouvelé est nécessaire.

Je ne conteste pas que l’AME constitue une aide essentielle, notamment en matière de santé publique et de pertinence de la dépense. Néanmoins, je crois qu’il est important de rappeler qu’en France et à l’inverse des autres pays européens, le panier de soins pris en charge ne se limite pas aux soins urgents et permet d’accéder à des soins non essentiels, comme le recollement des oreilles ou la pose d’un anneau gastrique. Je tenais également à vous signaler l’explosion du nombre de bénéficiaires, qui est une tendance de long terme. Au 30 septembre 2022, on comptait 403 144 bénéficiaires de l’AME de droit commun, soit 5,9 % de plus par rapport à 2021, 20,5 % de plus par rapport à 2019 et 123,4 % de plus par rapport à 2003. Ces chiffres illustrent assez bien l’absence de pilotage de ce dispositif.

S’agissant du montant de la dépense d’AME, j’ai tenu compte dans mes estimations des frais de gestion, qui sont considérables et bien plus élevés que ceux d’autres dispositifs, ainsi que des créances irrécouvrables des établissements de santé – c’est-à-dire des dettes laissées par les étrangers en situation irrégulière. La dépense d’AME représenterait ainsi environ 1,2 milliard d’euros en 2022. Cette estimation, qui est plus élevée que la seule dépense retracée dans la mission Santé s’appuie sur le travail sur l’AME que les corps d’inspection ont conduit en 2019.

Le dispositif de maintien des droits expirés permet à un étranger dont le titre de séjour arrive à expiration de bénéficier d’une prolongation automatique de son droit à l’assurance maladie pendant six mois, afin de couvrir un éventuel retard dans le traitement de sa demande de renouvellement de titre de séjour. En 2021, j’avais souligné que les conditions d’accès à ce dispositif étaient beaucoup trop souples. En effet, le code de la sécurité sociale n’impose pas d’engager une démarche de renouvellement pour en bénéficier, ce qui devrait être réformé. J’ai constaté que la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) avait intensifié les contrôles, ce qu’il faut saluer. Leurs résultats sont éclairants : 22,5 % des dossiers clôturés à l’issue de ces contrôles concernent des bénéficiaires du dispositif de maintien des droits expirés, qui étaient dans l’incapacité d’attester de la régularité de leur situation. Ils auraient donc dû relever de l’AME. En appliquant ce ratio à l’ensemble des 877 830 dossiers qui seront contrôlés, ce sont 197 512 étrangers qui auraient dû être soignés au titre de l’aide médicale de l’État entre fin 2019 et début 2023, donc environ 580 millions d’euros qui n’ont pas été pris en compte dans la dépense d’AME. Cela n’est pas acceptable : d’abord parce que des étrangers en situation irrégulière bénéficient d’une protection santé à laquelle ils n’ont pas droit ; ensuite parce que l’assurance maladie supporte une dépense qui devrait relever de l’État au titre de l’AME.

La procédure d’admission séjour pour soins, enfin, me semble insuffisamment étudiée, alors que son coût est sans doute très élevé, même s’il est malheureusement impossible de l’évaluer précisément. Il s’agit d’une exception française ou presque, puisqu’en Europe, seule la Belgique permet de régulariser des personnes pour motif de santé. Ce principe est de moins en moins acceptable socialement. Ce dispositif a été complètement détourné de son objectif, celui d’un titre de séjour octroyé dans une visée essentiellement humanitaire pour répondre à des situations exceptionnelles et graves.

Des trois critères d’accès au titre de séjour pour soins, aucun n’est véritablement respecté.

La résidence habituelle en France est le premier. En 2022, 3 222 demandes, soit 13,3 % du total, ont été déposées par des personnes entrées sur le territoire depuis moins de douze mois. Pour limiter les abus, je recommande d’abroger la dérogation au critère de résidence habituelle qui a été introduite par décret et d’inscrire dans la loi une condition de durée de résidence minimale de deux ans.

Le deuxième critère est l’exceptionnelle gravité de la pathologie. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) évoque dans son dernier rapport au Parlement la banalisation de ce critère. Par exemple, il peut arriver – même si ces cas ne sont heureusement pas majoritaires – qu’une femme obtienne le titre de séjour pour soins pour bénéficier d’une procréation médicalement assistée (PMA) en France. Afin de limiter ces dérives inacceptables, je recommande de préciser dans la loi que le pronostic vital de la personne doit être engagé à court terme.

Le dernier critère, l’absence d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine, n’est pas opérant : l’Ofii m’a indiqué que des Suisses, des Américains ou encore des Canadiens déposaient chaque année des demandes d’admission au séjour pour soins et recevaient une réponse favorable. Si ces cas sont marginaux, ils témoignent des défaillances du dispositif et des limites de ce critère. Je recommande de revenir aux critères de l’absence de traitement dans le pays d’origine, qui me semble plus restrictif et plus précis ; il s’appliquait d’ailleurs jusqu’en 2016.

Je ne vous ai présenté que trois des onze dispositifs qui constituent l’offre de soins dispensée aux étrangers en situation, dont le coût total serait proche de 1,7 milliard d’euros, voire de 1,8 milliard, en tenant compte de la procédure d’admission au séjour pour soins. À mon sens, l’offre de soins proposée en France aux étrangers en situation irrégulière est très généreuse – et même trop. L’exception française – ou plutôt l’anomalie française – doit cesser. J’ai formulé un certain nombre de recommandations en ce sens dans mon rapport. Je crois – et il s’agit d’un prérequis à toute démarche de réforme – que nous devrions disposer de statistiques fiables pour mieux piloter ces dépenses de soins. En effet, comment déterminer efficacement les moyens à allouer à l’offre de soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière si on ne connaît pas suffisamment les destinataires de ces dispositifs ? Il est essentiel de diligenter un travail interministériel ou de solliciter les corps d’inspection pour affiner cette évaluation.

Ensuite, nous devrions connaître la nature et le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Il conviendrait d’autoriser le ministre chargé de la santé à recueillir des données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME ainsi que sur les pathologies soignées.

Sur le fond des dispositifs, plusieurs réformes d’ampleur s’imposent, outre celles que j’ai déjà évoquées. Ainsi, l’AME de droit commun devrait être limitée aux soins urgents, et à ceux liés à la lutte contre les pandémies, à la grossesse et à la vaccination obligatoire afin d’aligner la situation française sur celle des autres pays européens. Il faudra également réformer la protection santé des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs.

Madame la ministre déléguée, est-il envisagé d’autoriser prochainement le recueil des données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME ainsi que sur les pathologies soignées ? Que proposez-vous pour réformer la procédure d’admission au séjour pour soins qui laisse place à trop de dérives, lesquelles sont d’ailleurs détaillées dans le dernier rapport au parlement de l’Ofii ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Depuis 2020, le panier de soins a été très largement réduit. Tant sur le plan de la santé que d’un point de vue économique, n’est-il pas préférable de soigner une angine plutôt que d’attendre qu’elle se transforme en phlegmon ? Pour moi, la réponse ne fait aucun doute.

Vous nous demandez d’exclure du panier de soins certains gestes médicaux. Des travaux sur ce point ont été réalisés en 2001. La liste ne peut être ni exhaustive ni pertinente au regard des problématiques individuelles des patients. Au contraire, il est préférable de soumettre la demande de soins à accord préalable, même au-delà de neuf mois. L’évaluation individuelle de la pertinence de cette demande serait ainsi réalisée par des médecins-conseils de l’assurance maladie.

Des contrôles ont été effectués sur l’accès à l’AME. Ces dépenses font sans doute partie des plus scrutées de l’État.

Il n’y a pas de raison de compter les frais de gestion de l’AME dans les dépenses de l’AME, non plus que celles gérées par la Cnam.

La nationalité des bénéficiaires de l’AME ne fait pas partie des données recueillies. En amont de l’attribution de l’AME, les seules informations nécessaires à l’instruction de la demande sont l’irrégularité de séjour du demandeur et le niveau de ressources de son foyer. Une fois l’AME accordée, aucune information relative à la nationalité n’est nécessaire pour assurer la prise en charge des frais de santé. Après une analyse juridique, nous ne pouvons pas envisager, sous la responsabilité du ministère, un tel traitement national, comportant des données particulièrement sensibles à caractère personnel.

Par ailleurs, les données sur les pathologies sont recueillies uniquement pour les soins délivrés en établissement de santé, de façon strictement anonymisée. En ville, le recueil des pathologies n’est pas et n’a jamais été pratiqué. Il ne paraît pas envisageable de créer une exception pour les bénéficiaires de l’AME.

Les seules données dont nous disposons sont les suivantes : en 2019, 60 % des 1 083 personnes en situation irrégulière et présentes depuis au moins trois mois sur le territoire français questionnées dans le cadre de l’enquête « Premiers pas » de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) étaient originaires d’Afrique subsaharienne, et 25 % Afrique du Nord. Aujourd’hui, aucune donnée relative à la nationalité précise des demandeurs et bénéficiaires de l’AME n’est recueillie par les caisses d’assurance maladie.

La gestion de cette donnée pose une difficulté au regard du règlement général sur la protection des données et de la loi « informatique et libertés ». La collecte de la nationalité doit pouvoir se justifier au regard des finalités du traitement envisagé, en lien avec la prestation concernée. Le traitement de données spécifiques aux bénéficiaires de l’AME ne pourrait donc avoir pour finalité principale que la lutte contre l’immigration irrégulière ; mais il faudrait alors pouvoir documenter comment cet outil y contribuerait concrètement. En outre, ce traitement pourrait présenter un risque sur le plan constitutionnel, car il faudrait démontrer qu’aucun autre outil n’est aussi efficace pour lutter contre l’immigration irrégulière, notamment les potentielles filières d’immigration pour soins. La finalité de l’AME est tout autre : il s’agit avant tout de délivrer des soins aux personnes irrégulières en situation précaire, dans un objectif de préservation de la santé publique.

Je rappelle enfin que l’AME fait l’objet de contrôles approfondis sur l’ensemble des étapes d’instruction des demandes d’attribution de la carte et de prise en charge des soins. Les bénéficiaires de l’AME sont également soumis à des contrôles ciblés a posteriori. Ils sont en effet inclus dans les programmes nationaux de contrôle de la Cnam qui concerne tous les assurés sociaux, y compris ceux bénéficiant de l’AME. Le montant du préjudice financier relatif aux actions de contrôle sur le dispositif d’AME et de l’ordre de 900 000 euros en 2021.

En 2022, un peu moins de 18 000 personnes disposaient d’un titre de séjour en cours de validité destiné aux étrangers dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale. Le dernier rapport de l’Ofii évoque un certain nombre de dysfonctionnements, qui sont en cours d’analyse, mais dont une part importante relève des ministères de la justice et de l’intérieur. Il me semble que nous pouvons réfléchir à des leviers d’amélioration de ce système sans pour autant le remettre en question.

M. Benoit Mournet (RE). Le groupe Renaissance aborde la question de l’AME sans aucune idéologie. Si nous vous suivons sur la nécessité d’un meilleur pilotage et d’un suivi statistique, gardons-nous de fausses réponses, comme a pu l’être la franchise de 30 euros, ou d’approches trop restrictives qui auraient un effet immédiat sur les finances des hôpitaux – qui payaient ces franchises pour éviter de se retrouver avec des créances irrécouvrables. Les objectifs humanitaires et de santé publique prévaudront en effet toujours pour les médecins.

Quelle a été l’incidence des mesures de 2020, sur le plan tant budgétaire que de la santé publique ? Quelle suite avez-vous donnée aux quatorze mesures que proposait le rapport de l’Igas et de l’IGF de 2019 ? Envisagez-vous d’en prendre d’autres dans les mois à venir ? Quelle est la cause de la sous-exécution constatée cette année ?

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous pensons que les dépenses de santé de l’AME doivent être destinées à des soins urgents et vitaux : est-il urgent de recoller des oreilles ou de soutenir une PMA pour un étranger s’étant rendu de manière irrégulière sur le territoire français ? La rapporteure a rappelé à juste titre que la très grande majorité des pays européens ont une politique bien plus restrictive que la nôtre et qui comporte précisément cette notion d’urgence vitale.

Les Français considèrent que le système de santé est bien plus restrictif envers eux qu’envers les étrangers. On leur répète que les antibiotiques ne sont pas automatiques, et on leur dérembourse de plus en plus de médicaments, pendant qu’un étranger peut se faire recoller les oreilles aux frais de l’État.

Enfin, l’AME ne peut être débattue en tant que telle, mais dans le cadre d’une plus large discussion sur la politique d’immigration. En effet, l’AME sera de plus en plus nécessaire si on accueille toujours davantage d’étrangers sans pouvoir les intégrer, en les laissant dormir sous des ponts, pendant que se propagent des épidémies. L’AME doit être refondue dans une politique globale de l’immigration ; dès lors, nous pourrons restreindre l’AME et rediriger cette dépense prioritairement vers les Français.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’AME est un dispositif essentiel dans l’accès aux soins pour tous. Le délai d’instruction des demandes est passé à vingt-huit jours en 2022 pour 322 176 demandes, contre trente-trois jours en 2021. Nous saluons cette progression, qui témoigne des efforts des services des caisses d’assurance maladie pour raccourcir les délais, même s’ils restent élevés. Madame la ministre déléguée, vous avez fixé un objectif à vingt-quatre jours pour 2023. Pensez-vous qu’il sera atteint ?

De même, on observe une légère progression du taux de contrôle des dossiers pour lutter contre les abus : en 2022, il s’établissait à 14,4 %, dépassant l’objectif fixé à 13 %. Pour 2023, l’objectif est de 14 %. Au vu des résultats de 2022, pensez-vous le revoir à la hausse ?

Les dépenses de l’AME sont chaque année sous-estimées : nous y voyons un manque de transparence. Nous partageons la proposition de Mme la rapporteure d’établir des statistiques plus fines sur la consommation de soins par les étrangers en situation irrégulière pour mieux appréhender les dépenses.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les propos de Kévin Mauvieux me font mal au cœur : les contre-vérités qu’il passe son temps à diffuser font du milliard dont nous débattons aujourd’hui le plus polémique et le plus surveillé de France. J’aimerais qu’on prête autant d’attention à l’ensemble des dépenses de santé : en effet, ce n’est pas là qu’il y a des économies à faire, comme l’a rappelé la ministre déléguée, puisque ces dépenses en évitent d’ultérieures plus lourdes encore. Il est évident que l’AME doit être défendue !

Monsieur Mauvieux, savez-vous pourquoi, en France, on peut se faire rembourser des chirurgies d’oreille ? Notre pays a accueilli des personnes qui arrivaient avec des oreilles découpées, notamment des Khmers. Monsieur Mauvieux, avant de dire n’importe quoi, je vous invite à vous renseigner : vous tenez des propos d’une inhumanité crasse, en appelant à réserver l’AME à l’extrême urgence – c’est aussi un peu ce que vous dites, madame la rapporteure spéciale, en parlant d’urgence vitale : faut-il attendre que ces étrangers soient au bord de la mort pour que l’État les prenne en charge ? Je vous rappelle nos engagements internationaux en matière de protection de la dignité humaine.

Alors que la droite sénatoriale, entre autres, veut supprimer l’AME, notre devoir est d’avoir une parole forte. Ce milliard le plus surveillé de France est celui qui fait honneur à notre pays ; c’est celui qui nous permet de dire que, quel que soit son statut, on a des droits, notamment le droit fondamental à la santé.

M. Christophe Plassard (HOR). Le coût réel de l’AME en 2022 est estimé à 1,2 milliard d’euros – un montant destiné à augmenter dans les années à venir au regard de la hausse constante du nombre de bénéficiaires – 20 % entre 2019 et 2022. Par ailleurs, l’étude approfondie de cette problématique a révélé un minimum de neuf autres dispositifs permettant un accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, pour un coût agrégé de 1,7 milliard d’euros en 2022, également destiné à augmenter, pour les mêmes motifs, mais aussi en raison de détournements des objectifs initiaux de ces dispositifs.

L’AME est un outil important, qui évite en particulier l’importation de maladies étrangères sur notre territoire. Pour autant, il semble nécessaire d’éviter les abus. À ce titre, le Gouvernement prévoit-il d’inclure l’AME dans les dispositifs contrôlés dans le cadre du projet de lutte contre la fraude, évoqué par le Président de la République et par le ministre des comptes publics ? Aussi, prévoyez-vous de redéfinir les contours des actes médicaux pouvant être prodigués dans le cadre de l’AME ?

M. Charles de Courson (LIOT). Notre groupe rejoint Mme la rapporteure : nous manquons d’informations sur l’ensemble des dispositifs. Peut-être pourrions-nous regrouper les onze qui existent dans un programme unique, ce qui nous donnerait une vision plus claire de la situation – et éviterait certains propos excessifs sur ces sujets.

L’octroi de soins aux étrangers en situation irrégulière est souvent justifié comme un outil de prévention de santé publique. Cependant, certains actes médicaux non urgents ne sont pas destinés à éviter la propagation d’épidémies, mais sont dispensés pour des raisons humanitaires : nous devons nous demander où placer le curseur, même si les règles, une fois fixées, ne sont pas toujours respectées.

Dès lors, quelle réflexion mener sur le panier de soins ? Ne serait-il pas opportun de diligenter une étude afin, là encore, de clarifier les débats et de définir des indicateurs de suivi pertinents pour évaluer les objectifs ? Il n’y a pas eu de nouveau rapport sur le sujet depuis celui de l’Igas de 2019. Même quand l’information existe, elle est insatisfaisante ; les indicateurs du RAP le montrent bien : le pourcentage de dossiers d’AME contrôlés en 2022 est de seulement 14 %. Madame la ministre déléguée, ce taux est-il satisfaisant ? En outre, le RAP montre que l’obligation du dépôt physique des primo-demandes d’AME a de nouveau été suspendue entre janvier et février en raison de la vague omicron. Entendez-vous augmenter les taux de contrôle ?

Quel est l’impact de la dématérialisation sur l’accès aux soins et sur certaines fraudes ?

Pouvons-nous estimer le coût des soins aux personnes en situation irrégulière à Mayotte, où elles représentent la moitié de la population ? Le non-recours au dispositif est-il évalué ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Concernant l’AME et plus largement le programme 183, les écarts entre la loi de finances initiale et l’exécution 2022 ne s’expliquent pas, comme on pourrait le croire, par une baisse du nombre de bénéficiaires, qui a au contraire augmenté de 6,3 % entre 2021 et 2022. Au 31 mars de cette année, l’AME bénéficie à 388 320 personnes contre 403 144 au 30 septembre 2022. La variation entre les crédits votés en LFI pour 2022 et la consommation s’explique par une annulation de crédits de 64 millions décidée lors du collectif budgétaire de fin d’année 2022, dans un souci de mise en cohérence avec les dernières prévisions d’exécution pour 2022.

L’Irdes a publié des travaux de recherche sur l’accès à l’AME dans des structures de Paris et de l’agglomération de Bordeaux susceptibles d’accueillir des personnes sans titre de séjour. Sur plus de 1 200 étrangers en situation irrégulière interrogés en 2019. 51 % des personnes éligibles à l’AME y ont effectivement recours. Ce taux dépendait en premier lieu de la durée de la présence sur le territoire : seuls 24 % des bénéficiaires ont recouru à l’AME lors de la première année de présence, contre 70 % pour ceux séjournant en France depuis trois à cinq ans. Le recours augmente également avec la maîtrise de la langue française.

Plus généralement, la mesure du non-recours à l’AME est un exercice complexe, puisqu’elle suppose d’identifier les personnes éligibles au dispositif – c’est-à-dire les ressortissants étrangers en situation irrégulière sur le territoire depuis au moins trois mois et disposant de ressources inférieures au plafond d’accès à l’AME. Or, ces personnes sont peu ou pas connues des administrations. Elles ne se manifestent pas non plus auprès des caisses primaires d’assurance maladie, de sorte qu’il est difficile de les contacter pour comprendre les raisons de ce non-recours.

Le panier de soins a déjà été revu dans le projet de loi de finances de 2020, à la suite du rapport et des préconisations de l’Igas. Néanmoins, en raison des deux années de crise sanitaire que nous venons de traverser, les conclusions que nous pourrions tirer d’une analyse de la consommation du panier de soins en 2020, en 2021, voire, en 2022 seraient totalement biaisées. L’année 2023 pourrait toutefois nous permettre de vérifier l’impact de la modification de ce panier de soins sur les bénéficiaires de l’AME.

Entre 2020 et 2021, le délai d’instruction est passé de trente à trente-trois jours, en raison de la spécificité de la période, mais aussi des modifications du panier de soins, des nouvelles réglementations et des nouveaux contrôles. La création d’un quatrième pôle d’instruction permettra de réduire ce délai et de renforcer les contrôles. L’amélioration de l’outil de gestion devrait aussi permettre de diminuer ces délais pour revenir à vingt-quatre jours environ.

L’objectif devrait rester de 14 % de dossiers contrôlés. Néanmoins, il faut noter que les indicateurs portent uniquement sur les dossiers d’instruction et non pas sur tous les autres contrôles qui sont menés, notamment en cas de suspicion de soins abusifs.

Plusieurs d’entre vous m’ont demandé quel était le type de recours aux soins. En 2021, les dépenses hospitalières représentaient 64 % du budget total de l’AME. La moitié des séjours des bénéficiaires hospitalisés dans le secteur public relève du champ de la médecine, essentiellement en hépato-gastro-entérologie – 15 % –, en pneumologie – 13 % –, et en neurologie – 8 %. Plus d’un séjour sur quatre est réalisé en obstétrique, et un sur cinq relève de la chirurgie. Près d’un quart des séjours sont des séjours longs, présentant certaines complications ou comorbidités associées.

Vous dites que la prise en charge est différente dans les autres pays européens. Voici quelques exemples sur la couverture des soins non urgents essentiels. En Allemagne, une autorisation préalable des autorités de santé est nécessaire ; en Belgique, elle est laissée à l’appréciation du médecin ; pour le panier de soins, en Italie, la prise en charge des soins de premier recours se fait dans les mêmes conditions que pour les citoyens italiens ; le Royaume-Uni ne tient pas compte de la régularité du séjour ; en Espagne, l’accès aux soins gratuits se fait dans les mêmes conditions que pour les citoyens espagnols. Notons toutefois que la France est le seul pays d’Europe capable de fournir le montant des dépenses et le nombre exact de bénéficiaires d’une aide publique aux soins aux étrangers en situation irrégulière.

Monsieur de Courson, vous n’êtes pas sans savoir qu’il n’y a pas d’AME à Mayotte. La prise en charge est effectuée par le centre hospitalier, qui considère que 40 % de sa file active est constituée de non-affiliés sociaux, qui ne sont pas nécessairement en situation irrégulière.

Je veux conclure en rappelant notre conviction forte : cette mission Santé reflète notre engagement envers les plus démunis, qui est au cœur de la promesse républicaine. Au-delà de constituer une politique de santé publique essentielle à la protection des populations, l’aide médicale de l’État répond à cette exigence de solidarité et de générosité. N’oublions pas en outre la prévention, qui, bien qu’elle soit moins débattue que l’AME, est un enjeu majeur de santé publique : nous aurons peut-être l’occasion d’en parler plus longuement l’année prochaine.

Mme Nadia Hai, présidente. Je vous remercie pour vos réponses, et d’avoir relativisé les fantasmes autour de ce milliard d’euros, qui, quoi qu’on en dise, révèle avant tout notre humanité. Il y va de l’honneur de la France.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Monsieur Delaporte, mon rapport émet une proposition pour recentrer l’AME sur les soins urgents : je ne parle pas d’urgence vitale.

Plusieurs de mes collègues appellent à plus de transparence : madame la ministre déléguée, je renouvelle cette demande. Dans ma proposition de résolution, je ferai valoir la nécessité de disposer de plus d’éléments sur les étrangers en situation irrégulière, comme la nationalité et la nature des soins. La collecte de ces éléments existe pour les bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile ; je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas envisageable pour les bénéficiaires de l’AME.

Monsieur de Courson, j’ai intégré au coût total de ces dispositifs celui des soins dispensés à Mayotte, que j’ai évalué à 90 millions d’euros. Ce montant correspond aux 40 % évoqués par la ministre sur les 230 millions dépensés dans le cadre des soins dispensés dans le centre hospitalier de Mayotte, en considérant pour ma part que les étrangers qui ne sont affiliés à aucun régime d’assurance maladie sont en situation irrégulière.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale.

 

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   Annexe 1 – Amendement II-CF839 dÉposÉ lors de l’examen en commission des finances du projet de loi de finances pour 2023 (mission SantÉ) :

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 48, insérer l'article suivant :

Mission « Santé »

Après l’article L. 253‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 253‑3‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 25331. – Le ministre chargé de la santé est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Suivi sanitaire et financier de l’aide médicale de l’État » ayant pour finalités le suivi des conditions d’accès, les soins dispensés, la lutte contre les tentatives de fraude et la lutte contre la fraude à l’aide médicale de l’État.

« La nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État et les pathologies prises en charge au titre de ce dispositif figurent parmi les données recueillies. Les données ainsi collectées sont rendues anonymes sauf lorsque leur usage vise à lutter contre une fraude, suspectée ou avérée, à l’aide médicale de l’État. Lorsque ces données sont collectées par l’intermédiaire d’un professionnel de santé, le secret médical n’est pas opposable.

« Chaque année, avant le 1er octobre, le ministre chargé de la santé remet au Parlement un rapport exposant les données ainsi recueillies, les mesures mises en œuvre sur ce fondement, le résultat des actions engagées et leur incidence sur les finances publiques.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise, notamment, la durée de conservation et les conditions de mise à jour des données à caractère personnel et des informations enregistrées, les catégories de personnes pouvant y accéder et les modalités d’habilitation de celles-ci ainsi que, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leurs droits. »


                                  EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à autoriser le ministre chargé de la santé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données ayant pour finalités le suivi des conditions d’accès, les soins dispensés, la lutte contre les tentatives de fraude et la lutte contre la fraude à l’aide médicale de l’État. Ce nouveau traitement automatisé de données permettrait de combler certaines lacunes observées dans le suivi des dépenses et des soins de l’AME. Ainsi, à l’heure actuelle :

– La nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État n’est pas recueillie par l’assurance maladie ;

– Il n’existe pas de donnée publique rendant finement compte des soins prodigués au titre de l’AME ;

– Aucun croisement de données entre la nationalité des bénéficiaires et la nature des soins prodigués n’est possible.

Cette absence de données est regrettée par des voix exprimant des sensibilités différentes. Dans son avis n° 19 12 du 9 octobre 2019, le Défenseur des droits avait par exemple déploré « le déficit de statistiques publiques concernant les bénéficiaires de l’AME (nationalité, pathologies, non-recours). Cette absence de données permet tous les fantasmes, empêche de réfléchir sereinement. ».

Le traitement automatisé de données proposé vise à répondre à ce manque de données. Sa création serait utile en termes sanitaires et financiers.

En termes sanitaires, ce fichier permettrait d’améliorer les politiques publiques de prévention. Si, lors de la crise sanitaire, la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME avait été connue, le ministère des solidarités et de la santé aurait par exemple pu chercher à vacciner en priorité certains ressortissants de pays concernés par des variants du covid‑19 (par exemple les personnes étrangères provenant du sous-continent indien).

En termes financiers, ce traitement de données permettrait de lutter plus efficacement contre la fraude en identifiant des atypies dans la consommation des soins et en les recoupant avec des données sur la nationalité. En 2019, un rapport conjoint de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales a relevé des atypies en matière de soins AME concernant « les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang », ces dernières renforçant « de façon convaincante l’hypothèse d’une migration pour soins ». Mais l’absence de données sur la nationalité des bénéficiaires de l’AME ne permet pas d’identifier d’éventuelles filières d’immigration pour soins. Pourtant, le recueil de données de ce type serait utile. En 2021, une importante filière ukrainienne de fraude à l’allocation pour demandeurs d’asile a été démantelée après que les autorités aient identifié un surcroît inexpliqué de demande d’asile ukrainienne en Seine-et-Marne. Plusieurs centaines de demandes d’asile frauduleuses avaient été déposées dans le but de percevoir l’allocation pour demandeurs d’asile. Le préjudice pour l’État est proche de 2 millions d’euros.

Si la collecte de la nationalité des bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile permet d’identifier et de démanteler des filières frauduleuses, la même chose est possible pour l’AME.

La rapporteure spéciale a déposé un premier amendement sur ce thème lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 puis un second, légèrement modifié lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022. Le présent amendement est identique à celui que la rapporteure spéciale a présenté lors de l'examen du précédent projet de loi de finances.

L’amendement tient compte des observations formulées par la direction des affaires juridiques des ministères sociaux qui a étudié l'amendement que la rapporteure avait déposé en 2021 :

– Il garantit l’anonymisation des données collectées (sauf en matière de lutte contre la fraude),

– Il prévoit un renvoi à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour déterminer les modalités d’application de l’article,

– Il introduit une dérogation au secret médical pour permettre la collecte des données par l’intermédiaire d’un professionnel de santé.

Ces dispositions visent à prendre en compte les contraintes fixées par :

– La loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

– Le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

– La jurisprudence du Conseil constitutionnel

 


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   annexe 2 – synthÈse de l’Étude du centre europÉen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP) réalisÉe par le service des affaires europÉennes de l’AssemblÉe nationale

SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

DIVISION DES ÉTUDES EUROPÉENNES ET DU DROIT COMPARÉ 

 

Paris, le 22 janvier 2021

 

 

 

 

Consultation CERDP sur les coûts des soins dispensés

aux étrangers en situation irrégulière

 

 

Synthèse

 

 

Au premier semestre 2021, le rapporteur spécial des crédits de la Mission Santé du budget de l'État présentera un rapport sur les systèmes et les coûts des soins dispensés aux immigrés clandestins présents sur le territoire français. Dans ce cadre, elle souhaite comparer les politiques publiques menées en France avec celles des autres États.

La présente synthèse s’appuie sur les réponses reçues, dans le cadre d’une consultation effectuée par l’intermédiaire du CERDP [65], des assemblées parlementaires des États suivants : Albanie, Angleterre, Autriche, Belgique, Canada, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Norvège, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

Les États consultés ont répondu, de manière plus au moins développée, au questionnaire repris comme plan de ce document.

 

 

1- Dans quelles conditions les étrangers en situation irrégulière ont-ils accès aux soins de santé ?

 

En Albanie, l’article 16 de la Constitution dispose que « Les droits et libertés fondamentaux et les devoirs prévus dans la présente Constitution pour les citoyens albanais sont également valables pour les étrangers et les apatrides sur le territoire. »

Ainsi, tout immigrant irrégulier se voit reconnaître l’accès aux soins de santé lors de sa demande d’asile, sa présence dans un camp de rétention, mais aussi lors de sa présence sur le territoire (article 106 de la loi n° 108/2013).

En Angleterre, certains types de visiteurs étrangers sont exemptés de la facturation des services du NHS. Outre les personnes qui se voient accorder l'asile (réfugiés) et les demandeurs d'asile (demandeurs d'asile, de protection humanitaire ou de protection temporaire dont la demande, y compris les recours, n'a pas encore été examinée), ainsi que les personnes à leur charge, la liste comprend également les "demandeurs d'asile déboutés".

En Autriche, tous les migrants irréguliers sont couverts par l'assurance maladie obligatoire autrichienne dans le cadre de soins basiques.

En Belgique, l’aide médicale urgente est octroyée à toute personne qui séjourne illégalement en Belgique. Cette dernière prend la forme d’une intervention financière du Centre Public d’Action Sociale (CPAS). Le critère d’urgence médicale est exclusivement déterminé par un médecin et peut avoir trait à un examen médical, un traitement chez un kinésithérapeute tout comme une simple visite chez le médecin généraliste.

Au Canada, pour ce qui trait à la santé, la compétence est partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Concernant l’accès aux soins, c’est aux provinces et territoires que revient la responsabilité de l’administration et de la prestation des services de soins de santé à la population.

Les immigrants illégaux sont admissibles aux soins de santé sous la Loi canadienne sur la santé. Toutefois, certaines provinces imposent aux nouveaux arrivants une période d’attente pouvant aller jusqu'à 90 jours avant d’être admissibles. Durant cette période d’attente, les provinces et les territoires offrent des services médicaux d’urgence gratuits (soins aux victimes de violence conjugale ou familiale, grossesse, l’accouchement ou à l’interruption de grossesse, mais des restrictions peuvent s’appliquer selon le statut d’immigration.

En dehors de ces soins d’urgence, les nouveaux arrivants doivent assumer eux-mêmes leurs frais médicaux ou se procurer une assurance privée.

En Espagne, l’accès universel au système de santé est garanti aux étrangers en situation irrégulière dans les mêmes conditions que les citoyens espagnols (article 3 ter de la loi 16/2003). Ces derniers bénéficient donc d’une prise en charge du système de santé par les fonds publics.

En Estonie, conformément à l'article 6 de la loi sur l'organisation des services de santé, les soins médicaux d'urgence sont garantis à toute personne en Estonie, qu'elle séjourne dans le pays de manière légale ou illégale, et qu'elle soit ou non assurée. Aussi, en cas de problèmes de santé mineurs ou inattendus, il est possible de demander l'avis de médecins de famille estoniens à partir d'une ligne de conseil à l'échelle de l'État.

Selon l'article 5 de la loi sur l'assurance maladie, un assuré est un résident permanent de la République d'Estonie ou une personne vivant en Estonie en vertu d'un permis de séjour temporaire ou d'un droit de résidence permanente qui paie l'impôt social pour lui-même ou pour qui le payeur de l'impôt social est tenu de payer l'impôt social. Les personnes non assurées peuvent soit demander une assurance publique volontaire auprès du Fonds estonien d'assurance maladie, soit acheter une assurance auprès d'un prestataire privé.

En Finlande, les étrangers en situation irrégulière n'ont droit qu'aux soins urgents fournis par le système de santé public et à leurs propres frais. Les coûts du traitement sont remboursés à la municipalité par le gouvernement central si la personne en situation irrégulière n'est pas en mesure de les payer. Les soins urgents n'incluent pas le suivi d'une grossesse ou d'un nouveau-né, ni le traitement de maladies chroniques.

En Grèce, les étrangers en situation irrégulière ont le droit d'accéder au système de santé publique à condition qu'ils aient demandé l'asile et jusqu'à ce que leur demande soit examinée, ou s'ils appartiennent à un groupe vulnérable (mineurs jusqu'à 18 ans, femmes enceintes, personnes ayant un handicap de 67 % ou plus, personnes souffrant de malignités, de maladies chroniques, incurables ou rares, demandeurs de protection internationale, prisonniers) selon l'article 33 de la loi 4368/2016.

L'article 55 de la loi 4636/2019 dispose à cet effet que pour que les demandeurs d'asile aient accès aux soins de santé, ils doivent être titulaires d'un numéro temporaire d'assurance et de soins de santé pour étrangers. Ce numéro est fourni par le service d'asile lors de leur demande d'asile et est valable pendant toute la durée de l'examen de leur demande en vertu de la décision ministérielle conjointe 199/B/31-01-2020. L'éventuel rejet de la demande d'asile implique sa désactivation automatique, tandis qu'en cas d'acceptation de la demande, il est transformé en numéro d'enregistrement à la sécurité sociale.

En Hongrie, tout ressortissant de pays tiers qui est détenu ou placé dans un foyer en raison d'un séjour illégal, s'il n'est pas couvert par un régime de sécurité sociale, bénéficie gratuitement des services de soins de santé suivants : traitements épidémiologiques comme par exemple la vaccination obligatoire, test de dépistage, quarantaine, accouchement.

Tout autre soin médical est payé par le bureau d'assistance et d'entretien du foyer ou de la zone de transit au prestataire de soins de santé.

En Italie, les demandeurs d'asile et les bénéficiaires d'une protection internationale sont tenus de s'inscrire auprès du Service national de santé. Ils bénéficient de l'égalité de traitement et de la pleine égalité des droits et obligations avec les citoyens italiens en ce qui concerne l'assistance contributive obligatoire fournie par le Service national de santé en Italie.

Il n'y a pas de distinction entre les demandeurs d'asile bénéficiant des conditions matérielles d'accueil et ceux qui sont en dehors du système d'accueil, puisque tous les demandeurs d'asile bénéficient du Système national de santé.

En attendant leur inscription, les demandeurs d'asile ont accès aux traitements médicaux garantis par l'article 35 TUI aux migrants en situation irrégulière : ils ont accès aux soins d'urgence et aux traitements essentiels et ils bénéficient de programmes de traitement médical préventif visant à préserver la santé individuelle et publique.

En Lettonie, selon la loi sur l'asile, tout demandeur d'asile a le droit de recevoir une assistance médicale d'urgence, des soins de santé primaires et une assistance psychiatrique ambulatoire et hospitalière en cas de troubles mentaux graves.

En Lituanie, les étrangers illégaux sont placés, sous décision de justice, au Centre d'enregistrement des étrangers du Service national des gardes-frontières.

Selon le règlement intérieur du Centre, ces étrangers ont le droit de demander l'aide du médecin du Centre. Ce dernier fournit, en autre, des services médicaux d'urgence ainsi que des services de soins de santé primaires, y compris la vaccination dans le cadre du programme national d'immunisation.

Au Luxembourg, il résulte de l’article 62 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que les bénéficiaires de la protection internationale ont accès aux prestations sociales, au logement, à l'éducation et aux soins de santé dans les mêmes conditions que les citoyens luxembourgeois.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes en attente d'une réponse et dont la procédure est encore en cours.

En Norvège, une distinction est opérée entre les mineurs et les majeurs. Les mineurs en situation irrégulière ont droit à tous les types de soins de santé, sans aucun paiement. Les majeurs en situation irrégulière ont droit, quant à eux, seulement aux soins aux soins d’urgence.

Le patient doit payer le coût des soins d'urgence et des soins nécessaires qui ne peuvent attendre.

Toutefois, il n'est pas autorisé à demander un paiement à l'avance. Le patient peut recevoir une facture après le traitement, mais si le patient ne peut pas payer, l'hôpital doit prendre en charge le coût. Les avortements et les soins de santé en rapport avec les maladies infectieuses sont gratuits.

En Pologne, les personnes en séjour irrégulier sur le territoire ne sont pas couvertes par l'assistance médicale. L’aide sociale et les soins médicaux sont toutefois fournis aux demandeurs et aux personnes visées par la demande de protection internationale pendant la procédure d'octroi de la protection internationale, à partir de la date de déclaration au centre pour les étrangers.

Au Portugal, il résulte de l’article 15 de la Constitution Portugaise ainsi que de l’article 21 de la loi-cadre de la santé que les étrangers, même en situation irrégulière, ont accès à tous les soins de santé dispensés par le Service National de Santé (SNS) et dans les mêmes conditions que le citoyen national.

En Roumanie, conformément aux dispositions de la loi n° 122/2006 sur l'asile les étrangers en situation irrégulière ont accès aux soins de santé pendant toute la durée de la procédure d'asile. L’accès aux soins comprend notamment le droit de recevoir gratuitement une aide médicale primaire et une aide hospitalière d'urgence, ainsi qu'une aide médicale et un traitement gratuit, en cas de maladie aiguë ou chronique mettant sa vie en danger de façon imminente.

En République Tchèque, selon l'article 31 de la Charte tchèque des droits et libertés fondamentaux, toute personne a droit à la protection de sa santé. Les citoyens ont droit, sur la base d'une assurance publique, à des soins médicaux gratuits et à des aides médicales dans les conditions prévues par la loi.

Conformément à la loi n° 48/1997, l'assurance maladie est obligatoire pour toutes les personnes ayant droit à une résidence permanente sur le territoire de la République tchèque et pour toutes les personnes sans résidence permanente sur le territoire de la République tchèque travaillant pour un employeur ayant son siège social ou sa résidence permanente en République tchèque. La loi inclut également d'autres catégories spécifiques d'étrangers ayant accès à l'assurance maladie publique. Toutefois, elle ne mentionne pas les étrangers en situation irrégulière.

En Slovaquie, en vertu de l'article 11 de la loi n° 576/2004, toute personne a droit à des soins de santé conformément au principe de l'égalité de traitement.

Au-delà de l'assurance maladie, l'État fournit des soins de santé aux catégories suivantes de ressortissants étrangers : demandeurs d'asile, un ressortissant étranger qui s'est vu accorder l'asile temporaire, un ressortissant étranger qui a obtenu la protection subsidiaire (dans certains cas).

Toutefois, le ministère peut décider que le demandeur soit tenu de rembourser les dépenses liées à son séjour dans un centre d'asile ou un centre d'intégration ou les dépenses pour les soins de santé fournis, si ses relations financières ou patrimoniales sont telles qu'il peut être exigé un remboursement au moins partiel des dépenses liées à ce séjour.

En Slovénie, les étrangers en situation irrégulière ont accès aux services médicaux d'urgence (article 7 de la loi sur les soins de santé et l'assurance maladie). Pour ceux hébergés dans un centre pour étrangers, une clinique ambulatoire est mise à leur disposition. Si nécessaire, des médecins généralistes et un psychiatre se rendent également à la clinique ambulatoire du Centre pour les étrangers afin de fournir un traitement préventif ou curatif.

En Suède, depuis le 1er juillet 2013, les conseils régionaux sont tenus de subventionner les soins de santé médicaux, dentaires mais aussi de maternité des immigrants en situation irrégulière. Certains frais demeurent toutefois à la charge du patient.

Pour ce qui concerne les mineurs, ils bénéficient du même accès aux soins de santé que les résidents. Par exemple, en Suède, les soins médicaux et dentaires sont en grande partie gratuits pour les enfants de moins de 18 ans.

En Suisse, au même titre que les résidents suisses, les étrangers en situation irrégulière demeurent soumis à l’obligation de souscrire à l’assurance maladie afin de pouvoir bénéficier de soins de santé. Ainsi, les étrangers sans autorisation de séjour ou requérants d’asile déboutés peuvent choisir librement un assureur autorisé à pratiquer dans le domaine de l’assurance‑maladie. Les assureurs-maladie doivent accepter les assurés, quels que soient leur âge et leur état de santé, et ceci, sans réserve ni délai d’attente. Ils n’ont pas le droit de dénoncer des personnes séjournant en Suisse sans autorisation. Dans les faits, la majeure partie des immigrants irréguliers vivants en Suisse n’a pas souscrit d’assurance-maladie.

Toutefois, et à défaut de moyens pour souscrire à une assurance maladie, certaines prestations médicales jugées nécessaires demeurent subventionnées par les pouvoirs publics. En ce sens, la Constitution fédérale (art. 12) garantit que quiconque, en Suisse, se trouve dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé.

 

2-     Pour la dernière année connue, quel est le nombre d'étrangers en situation irrégulière qui ont eu accès aux soins de santé ?

Dans les pays consultés, le nombre exact d’étrangers en situation irrégulière ayant eu l’accès aux soins de santé en 2020 n’est pas connu. Nous disposons toutefois d’un chiffre.

En Belgique, en 2019, 25 020 étrangers en situation irrégulière ont eu accès aux soins de santé.

 

3-     Pour la dernière année connue, quel est le coût des soins fournis aux immigrants illégaux supporté par les finances publiques et sociales ?

Dans la majorité des pays consultés, le coût des soins fournis aux immigrants illégaux supporté par les finances publiques et sociales en 2020 n’est pas connu. Nous disposons toutefois de quelques chiffres.

En Belgique, en 2019, 74 584 203,84 euros ont été déboursés par les finances publiques et sociales.

En Finlande, selon un rapport établi par l'Institut national pour la santé et le bien-être en 2014, les coûts des soins de santé publique pour les sans-papiers étaient de 400 000 euros par an dans la région métropolitaine d'Helsinki.

En Suède, il est estimé à 300 millions de couronnes par an.

En Grèce, selon les données fournies par le ministère de la santé, le coût est estimé à 53 400 000 euros en 2019 mais ne vaut uniquement que pour les prestations de santé des hôpitaux.

En Slovénie, en 2019, 26 798,02 euros de fonds publics pour les soins de santé ont été dépensés par le Centre pour les étrangers (pour un accueil de 1 423 migrants illégaux).

 

4- En France, un demandeur d'asile dont la demande d'asile a été rejetée a accès au système de santé "classique" pendant une durée maximale de six mois après la décision de rejet définitif de sa demande d'asile.

 

Existe-t-il une disposition équivalente dans votre pays ? Dans la négative, quelle est la durée de maintien des droits aux soins appliquée après la décision de rejet définitif d'une demande d'asile ?

 

Tous les pays consultés ne contiennent pas de disposition équivalente à la France

En Albanie, la durée de maintien des droits aux soins appliquée après la décision de rejet définitif d’une demande d’asile n’est pas précisée. Toutefois, il est précisé dans la loi n° 121/2014 qu’« Un étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'autorité responsable de l'asile et des réfugiés ne peut être expulsé ou refoulé du territoire de la République d'Albanie avant d'avoir exercé ou d'avoir eu la possibilité d'exercer les droits et garanties procédurales prévus par la présente loi, sauf disposition contraire de la présente loi ».

En Angleterre, les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée et qui ne font pas actuellement appel, ne sont exemptés de frais pour les services du NHS que s'ils reçoivent un soutien du ministère de l'intérieur ou d'une autorité locale

En Autriche, le système de santé prévoit l'égalité de traitement entre les ressortissants et les migrants irréguliers. Selon la loi de 2005 sur les soins de base, le droit à l'accueil commence avec la demande d'asile et se termine avec l'octroi de l'asile plus 4 mois de répit supplémentaire ou, en cas de décision négative, jusqu'au moment de l'expulsion ou du retour volontaire.

En Belgique, le demandeur d’asile dont la demande de protection internationale a été rejetée et qui s’est vu notifier un ordre de quitter le territoire peut prétendre au droit à l’aide médicale urgente à l’expiration de cet ordre de quitter le territoire.

Au Canada, dans le cas où une demande d’asile est acceptée, la couverture au titre du PFSI expire automatiquement 90 jours après la date de la décision. Entre temps, la personne doit de fait et le plus rapidement possible, présenter une demande d’inscription au régime d’assurance maladie de sa province ou de son territoire de résidence.

En Espagne, un demandeur d'asile dont la demande a été rejetée reçoit un ordre de départ obligatoire du territoire espagnol dans un délai déterminé. Une fois ce délai écoulé, le demandeur d'asile perd normalement les droits qui lui sont reconnus, dont l'assistance médicale. Toutefois, cette procédure rentre en contradiction avec l'accès universel aux soins de santé prévu à l'article 3 ter de la loi 16/2003. En pratique donc, une demande d’asile irrégulier peut se voir accorder des soins de santé tant qu’il reste sur le territoire espagnol.

En Estonie, une personne dont la demande de protection internationale a été rejetée, mais qui n'est pas encore définitive, reçoit des soins médicaux. Selon le paragraphe 11 de la loi sur l'octroi de la protection internationale aux étrangers, les demandeurs de protection internationale doivent payer les soins, à l'exception des soins d'urgence, s'ils disposent de ressources suffisantes, mais en pratique, il n'y a pas eu de cas de ce genre.

Toutefois, si une décision négative a déjà pris effet, c'est une personne illégale qui reçoit des soins d'urgence jusqu'à ce que l'obligation de quitter le territoire soit remplie.

En Finlande, un demandeur d'asile dont la demande d'asile a été rejetée a accès au système de santé "classique" ainsi que des services d’accueils pendant une durée maximale de trente jours après la décision de rejet définitif de sa demande d'asile.

En Grèce, le droit de libre accès aux soins de santé cesse immédiatement après le rejet d'une demande d'asile, mais continue d'être accordé aux personnes appartenant à un groupe vulnérable.

En cas de recours ayant un effet suspensif, le numéro temporaire d'assurance et de soins de santé pour les étrangers est réactivé et avec lui l'accès aux services de soins de santé.

En Hongrie, les réfugiés et les personnes admises au titre de la protection subsidiaire ont accès au système de soins de santé pendant six mois au maximum à compter de la décision positive, s'ils ne sont pas assurés. Cela s'applique également aux personnes bénéficiant de la protection temporaire.

En cas de décision négative, il n'y a pas de dispositions explicites sur leurs soins de santé, donc les dispositions générales mentionnées sont appliquées.

En Italie, les services de santé continuent à être garantis aux étrangers en situation irrégulière grâce à l'attribution du code STP.

En Lettonie, les soins médicaux d'urgence sont garantis à tous, qu'ils séjournent dans le pays de manière légale ou illégale.

En Lituanie, tout demandeur d'asile, dont la demande d'asile a été rejetée, est obligé de quitter la Lituanie ou doit être expulsé.

Toutefois, l'exécution de l'expulsion peut être suspendue lorsque l'étranger a besoin d'une aide médicale de base, dont la nécessité est confirmée par le comité médical consultatif de l'établissement de soins de santé

Au Luxembourg, il n'est pas fait mention, dans la loi, des personnes dont la demande d'asile a été rejetée et qui, de ce fait, résident illégalement sur le territoire.

En Norvège, le droit à des services de santé s'applique à tous les étrangers en situation irrégulière, sans aucune limite de temps. Le droit des enfants à tous les types de soins de santé s'applique jusqu'à l'âge de 18 ans.

En Pologne, les personnes en séjour irrégulier sur le territoire ne sont pas couvertes par l'assistance médicale.

Toutefois, l'assistance sociale et les soins médicaux sont fournis jusqu’à 14 jours à compter du prononcé de la décision finale de classement sans suite d’une demande de protection internationale.

Au Portugal, la durée de maintien des droits aux soins appliquée après la décision de rejet définitif d'une demande d'asile n’est pas explicitée.

En République Tchèque, une fois la demande d’asile rejetée, le demandeur d'asile doit quitter le pays dans un délai déterminé par une ordonnance de départ. Le demandeur d'asile devient alors un immigrant clandestin.

Cependant, et indépendamment de la légalité de son séjour, la Charte tchèque des droits et libertés fondamentaux mentionnée garantit à toute personne le droit à la protection de sa santé.

En Roumanie, l'article 9 de la loi n° 122/2006 sur l'asile en Roumanie dispose que : « Le statut de réfugié et la protection subsidiaire sont accordés pour une durée indéterminée. La protection humanitaire temporaire est accordée pour une période déterminée, qui ne peut pas dépasser 2 ans. »  

En Slovaquie, les soins de santé de base sont garantis pendant toute la durée du séjour d'un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière sur le territoire de la République slovaque, à condition que le ressortissant de pays tiers bénéficie d'un statut spécial (statut de réfugié ou de demandeur d'asile) ou qu'il soit détenu.

En Slovénie, les personnes dont la demande d'asile a été rejetée ont également accès aux services médicaux d'urgence (article 7 de la loi sur les soins de santé et l'assurance maladie) pendant toute la durée de leur séjour en République de Slovénie.

En Suède, les demandeurs d'asile reçoivent une carte dite LMA de l'Agence des migrations, qui permet de vérifier si ces derniers sont bien demandeurs d'asile et peuvent par conséquent rester en Suède en attendant une décision.

Toutefois, en cas de rejet définitif de sa demande d’asile, la personne en situation irrégulière perd le bénéfice de maintien des droits aux soins.

En Suisse, les requérants d’asile déboutés ou à l’égard desquels les autorités ont rendu une décision de non-entrée en matière sont soumis à l’assurance obligatoire aussi longtemps qu’ils séjournent en Suisse

Nonobstant, le droit aux soins médicaux d’urgence est garanti par l’article 12 de la Constitution fédérale en cas de situation de détresse. La responsabilité de cette aide d’urgence appartient aux cantons. Suivant ceux-ci, les patients sans assurance‑maladie ont accès à des institutions de santé spécifiques.

Dans certains cantons, des centres gérés par des organisations sans but lucratif, proposent des traitements à des tarifs spéciaux ou assortis de modèles de financement différents.

 

5- En France, un étranger dont le titre de séjour est expiré bénéficie de l'accès au système de santé "classique" pendant une durée maximale de six mois après l'expiration de son titre de séjour.

 

Existe-t-il une disposition équivalente dans votre pays ? Dans la négative, quelle est la durée du maintien des droits aux soins de santé appliqués ?

 

Tous les pays consultés ne contiennent pas de disposition équivalente à la France

En Albanie, la durée de maintien de droits aux soins de santé appliquée après expiration d’un titre de séjour n’est pas précisée.

En Angleterre, les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée, et qui ne font pas actuellement appel, ne sont exemptés de la facturation des services du NHS que s'ils reçoivent un soutien du ministère de l'intérieur ou d'une autorité locale.

En Autriche, les immigrants sans droit de séjour en raison du rejet de la demande d'asile qui ne peuvent être expulsés pour des raisons factuelles ou juridiques et peuvent bénéficier du système de santé.

En Belgique, tout étranger séjournant illégalement peut prétendre au droit à l’aide médicale urgente auprès du CPAS. Il n’existe pas de durée maximale tant que toutes les conditions sont encore remplies.

Au Canada, un étranger dont le titre de séjour est arrivé à expiration ne peut bénéficier d’un accès au système de soins « classique » après l’expiration de son titre de séjour.

En Espagne, un demandeur d’asile irrégulier peut se voir accorder des soins de santé tant qu’il reste sur le territoire espagnol. Là encore, ces personnes continueront à bénéficier de l'assistance sanitaire jusqu'à ce qu'elles abandonnent l'Espagne ou qu'elles régularisent leur situation administrative en vertu de la loi 16/2003 réglementant la cohésion et la qualité du système national de santé.

En Estonie, un étranger dont le titre de séjour est expiré bénéficie de l'accès au système de santé "classique" pendant une durée maximale de deux mois après l'expiration de son titre de séjour.

Toutefois, si l'étranger titulaire d'un permis de séjour n'a pas d'assurance maladie publique, il doit de ce fait souscrire un contrat d'assurance privé.

En Finlande, après l'expiration d'un permis de séjour, une personne n'a droit qu'aux soins urgents fournis par le système public de soins de santé à ses propres frais.

En Grèce, il existe seulement un droit d'accès aux soins de santé pour ceux qui appartiennent à un groupe vulnérable.

En plus de ce qui précède, le ministère de la santé souligne qu'il existe actuellement un processus de révision des prestations aux étrangers qui ne sont pas assurés.

En Hongrie, la couverture d'assurance commence et se termine généralement en même temps que le début et la fin du permis de séjour.

Toutefois, il existe une période d'assurance passive c’est-à-dire d’accès aux soins de santé de 45 jours après la fin de celui-ci.

Dans le cas de soins médicaux limités (en cas de besoin urgent de soins immédiats), la loi CLIV de 1997 sur les soins de santé s'applique également aux personnes qui séjournent en Hongrie.

En Italie, le droit à l'assistance n’expire pas lors du processus de renouvellement du permis de séjour.

Toutefois, lorsque les demandeurs d'asile n'ont pas de domicile pour renouveler leur permis de séjour, par exemple parce que leur droit au logement a été révoqué, ils ne peuvent renouveler la carte de santé.

En Lettonie, les soins médicaux d'urgence sont garantis à tous, qu'ils séjournent dans le pays de manière légale ou illégale.

En Lituanie, tout demandeur d'asile, dont la demande d'asile a été rejetée, est obligé de quitter la Lituanie ou doit être expulsé.

Toutefois, l'exécution de l'expulsion peut être suspendue lorsque l'étranger a besoin d'une aide médicale de base, dont la nécessité est confirmée par le comité médical consultatif de l'établissement de soins de santé.

Au Luxembourg, il n'est pas fait mention, dans la loi, des personnes dont la demande d'asile a été rejetée et qui, de ce fait, résident illégalement sur le territoire.

En Norvège, le droit à des services de santé s'applique à tous les étrangers en situation irrégulière, sans aucune limite de temps. Le droit des enfants à tous les types de soins de santé s'applique jusqu'à l'âge de 18 ans.

En Pologne, les personnes en séjour irrégulier sur le territoire ne sont pas couvertes par l'assistance médicale.

Au Portugal, en tant que bénéficiaires du SNS, les demandeurs d'une protection internationale (asile et protection subsidiaire) bénéficient de soins de santé dispensés dans le cadre du SNS.

Aucun critère juridique ne régit la limitation temporelle ou pécuniaire du droit à la protection de la santé, ou plutôt de l'accès aux soins de santé dans le SNS.

En République Tchèque, selon la Charte tchèque des droits et libertés fondamentaux, toute personne a droit à la protection de sa santé, donc les immigrés clandestins (à l’expiration d’un titre de séjour notamment) bénéficient également du droit à la protection de la santé.

En Roumanie, l'article 9 de la loi n° 122/2006 sur l'asile dispose notamment que : « Le statut de réfugié et la protection subsidiaire sont accordés pour une durée indéterminée. La protection humanitaire temporaire est accordée pour une période déterminée, qui ne peut pas dépasser 2 ans. »

En Slovaquie, les soins de santé de base sont exclusivement garantis pendant toute la durée du séjour d'un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière sur le territoire de la République slovaque, à condition que le ressortissant de pays tiers bénéficie d'un statut spécial (statut de réfugié, demandeur d'asile) ou qu'il soit détenu.

En Slovénie, les personnes dont le permis de séjour a expiré ont également accès aux services médicaux d'urgence (article 7 de la loi sur les soins de santé et l'assurance maladie) pendant toute la durée de leur séjour en République de Slovénie.

En Suède, un étranger qui souhaite prolonger son permis de séjour doit en faire la demande avant l'expiration du permis actuel. En attendant la décision, les mêmes conditions s'appliquent que pour le permis de séjour.

En Suisse, le droit aux soins médicaux d’urgence est garanti par l’article 12 de la Constitution fédérale en cas de situation de détresse, ce, indépendamment du titre de séjour.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
 

Direction de la sécurité sociale

– Mme Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice chargée du financement de l’accès aux soins, prestations familiales et ATMP

– M. Thomas Ramilijaona, adjoint au sous-directeur en charge du financement de la sécurité sociale

– Mme Lucie Garcin, adjointe au chef de bureau, sous-direction du financement de la sécurité sociale

– Mme Agathe Grard, chargée de mission, sous-direction du financement de la sécurité sociale 1 FAIT

– Mme Louise Delhaye, chargée d’études sur l’accès au soin au sein du bureau « Économie de la santé », sous‑direction des Études et prévisions financières, Direction de la sécurité sociale

– M. Alexis Gravel, adjoint au chef de bureau « Économie de la santé », sous‑direction des Études et prévisions financières, Direction de la sécurité sociale

– Mme Anne-Gaëlle Casandjian, cheffe de division, DSS/DACI

Caisse nationale de l'Assurance Maladie

– Mme Fanny Richard, directrice de l’Intervention Sociale et de l’Accès aux soins

– M. Simon Voillet, directeur de mission au cabinet du Directeur Délégué aux Opérations

Office Français de l’Immigration

– M. Didier Leschi, préfet, directeur général

 

Questionnaires transmis

– Agence de la biomédecine

– Fédération hospitalière de France

 


([1]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 4195 présenté par Mme Véronique Louwagie sur le règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.

([2]) Cour des comptes, « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères », mai 2020, page 44.

([3]) Voir annexe I.

([4]) Proposition de résolution n° 4190 relative à la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs et au nombre d’étrangers en situation irrégulière, présentée par Mme Véronique Louwagie et d’autres membres du groupe Les Républicains.

([5]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([6]) Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle.

([7]) Ce coût réel inclus notamment les frais de gestion et les créances irrécouvrables des hôpitaux. Voir infra.

([8]) Rapport annuel de performance 2022, mission Santé.

([9]) Les étrangers en France, ministère de l’Intérieur, année 2020.

([10]) Les données pour l’année 2022 ne seront connues qu’en octobre 2023.

([11]) Cette estimation repose sur les éléments suivants :

      Les soins hospitaliers prodigués sur décision du ministre de la santé concernent « chaque année moins d’une centaine de prises en charge » (projet annuel de performances de la mission Santé joint au projet de loi de finances pour 2021, page 69) ;

      Les évacuations sanitaires d’étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion et de la métropole ont bénéficié à 365 personnes non‐affiliées de nationalité étrangère en 2019 (réponse du Centre hospitalier de Mayotte à la rapporteure spéciale) ;

      Des étrangers en garde à vue : ce nombre est inconnu. Cependant, vu le montant limité de cette dépense (52 521 euros en 2019), une fourchette basse de 500 à 1 000 personnes est crédible.

([12]) Cf. articles R. 251-3, R. 251-4 et R. 251-5 du code de l’action sociale et des familles créés par le décret n° 2020‑1325 du 30 octobre 2020. Sont ainsi définis :

-          Seize prestations réalisées en établissement de santé et liées à des pathologies non sévères, lorsqu’elles ne concernent pas des traumas, fractures, brûlures, infections, hémorragies, tumeurs suspectées ou avérées : libération du médian au canal carpien, rhinoplasties, interventions pour oreilles décollées, prothèses de genou, interventions sur la hanche et le fémur (sauf traumatismes récents), gastroplasties pour obésité, etc. ;

-          Deux actes réalisés par des professionnels de santé exerçant en ville : transports sanitaires et actes de massokinésithérapie prescrits en lien avec les seize prestations hospitalières précitées.

([13]) Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019, pages 14 et 20.

([14]) Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019.

([15]) Document de politique transversale, Politique française de l’immigration et de l’intégration, 2022.

([16]) CHU Amiens, CHU Nancy, CHR Metz-Thionville, CHU Poitiers, CHR Orléans et les Hospices Civils de Lyon.

([17]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 273 présenté par Mme Véronique Louwagie sur le projet de loi de finances pour 2018.

([18]) Réponses écrites de la FHF.

([19]) Cette durée a été réduite à six mois par le décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 relatif aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France.

([20]) Cette prolongation de droit ne s’applique pas dans les quatre situations visées aux 1°, 2°, 3° et 4° de l’article R. 111-4 qui concernent, respectivement, l’étranger signalant qu’il ne réside plus en France (1°) ; l’étranger ne relevant plus de la législation de sécurité sociale française (2°) ; l’étranger ayant obtenu frauduleusement un numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (3°) et l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement administrative devenue définitive (4°). Ce dernier cas (dans lequel la date de prolongation des droits est réduite de six à deux mois) a été ajouté par le décret n° 2020‑1325 du 30 octobre 2020.

([21]) Décret n° 2023-311 du 25 avril 2023 relatif à la fermeture des droits à la protection universelle maladie et aux conséquences sur le service des prestations.

([22]) Ces extractions statistiques ont été effectuées par la CNAM à la demande de la rapporteure spéciale qui
remercie l’assurance maladie pour sa diligence.

([23]) Coût moyen d’un bénéficiaire à l’AME de droit commun en 2022 = 1 186,4 millions / nombre moyen de bénéficiaires de l’AME de droit commun en 2022 (403 144) = 2 941,87 euros. Il est à noter que ce coût moyen n’évolue que très peu. Ce chiffrage est précautionneux puisque le coût unitaire moyen de l’AME de droit commun pris comme référence est probablement inférieur à la réalité (le panier de soin du maintien de droits étant plus large que celui de l’AME de droit commun).

([24]) Sur ces trois années, le nombre moyen de dossiers contrôlés par an est de 292 610. Le pourcentage de dossiers frauduleux sur ces trois années s’élève précisément à 22,47 %, soit 65 749 dossiers par an. Ces calculs conduisent à un coût par an de 193,4 millions d’euros.

([25]) PAPOSHVILI c. Belgique [GC], no 41738/10, CEDH 2016.

([26]) Rapport au Parlement, Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, année 2021, page 5.

([27]) Il s’agit d’une méthode très sophistiquée de fécondation in vitro.

([28]) TA Lille, 9 juin 2020, n° 1909377.

([29]) Le G20 se compose de 19 pays aux économies les plus développées et de l’Union européenne : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne. Il représente environ 90 % du produit intérieur brut mondial, près de 80 % du commerce mondial.

([30]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 4195 présenté par Mme Véronique Louwagie sur le règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.

([31]) Rapport au Parlement, Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, année 2021, page 4.

([32]) Rapport au Parlement, Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, année 2021, page 58.

([33]) Seules 3 377 greffes du rein ont été réalisées en 2022. La médiane d’attente nationale est d’environ deux ans et demi.

([34]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 282 (annexe 28) sur le projet de loi de finances pour 2023, Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, page 33.

([35]) Pour des développements plus complets sur la santé en rétention, la rapporteure spéciale renvoie à l’avis n° 3404 (tome II) sur le projet de loi de finances pour 2021 présenté par Mme Élodie Jacquier‑Laforge en octobre 2020 devant la commission des lois de l’Assemblée nationale (pages 17 et suivantes).

([36]) Rapport annuel de performance 2022, mission Immigration, asile et intégration.

([37]) Ministère de l’intérieur, rapports sur les étrangers en France 2018 et 2019, pages 188 (rapport 2018) et 176 (rapport 2019).

([38]) Ces données n’ont pas pu être actualisées par la rapporteure spéciale en l’absence de réponse du centre hospitalier de Mayotte.

([39]) Cour des comptes, l’entrée et le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, page 124.

([40]) Cet élément et les suivants sont extraits de l’avis n° 2306 (tome IV) sur le projet de loi de finances pour 2020 présenté par M. Bruno Questel en octobre 2019 devant la commission des lois de l’Assemblée nationale (page 19 et suivantes).

([41]) Rapport d’information sur les dépenses pour la santé des personnes détenues, M. Antoine Lefèvre 26 juillet 2017.

([42]) Ministère de la justice. Les chiffres-clés de la Justice 2022, page 23.

([43]) Rapport de visite du centre de détention de Joux-la-Ville, CGLPL, août 2021, page 91.

([44]) Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

([45]) Académie nationale de médecine, mars 2020. Bulletin de l’Académie nationale de médecine (2020) page 460. Rapport 20-01. L’immigration en France : situation sanitaire et sociale. M. Gentilini, D. Kerouedan, au nom d’un groupe de travail.

([46]) Ministère des solidarités et de la santé, Fiche U01 : Les dépenses spécifiques liées à la prise en charge des patients en situation de précarité.

([47]) Samu social de Paris, rapport d’activité 2019, page 15.

([48]) Samu social de Paris, rapport d’activité 2021, page 69.

([49]) Médecins du monde, Les CASO : centres d’accès aux soins et d’orientation : https://www.medecinsdumonde.org/fr/pays/france/centres-accueil-soins-orientation-caso.

([50]) Médecins du monde, Observatoire de l’accès aux droits et aux soins dans les programmes de médecins du monde et en France, rapport 2021, page 38.

([51]) Médecins du monde 2021, rapport financier 2021, page 41.

([52]) Rapport 2021 du Commissaire aux Comptes sur les comptes annuels du Comede, page 7.

([53]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, page 36.

([54]) Les étrangers en France, rapport au Parlement sur les données de l’année 2020, page 83.

([55]) Enquête menée par l’Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED) de l’université de Bordeaux, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) et l’université de Paris Dauphine.

([56]) Réponses écrites de la direction de la Sécurité sociale à un questionnaire adressé par Mme Louwagie dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.

([57]) L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, octobre 2019, page 2.

([58]) À cet égard, la rapporteure spéciale avait sollicité en 2021 le centre européen de recherche et de documentation parlementaire afin de comparer les politiques publiques menées en France avec celles des autres États. Les réponses qui lui ont été apportées figurent en annexe 2.

([59]) La chirurgie du ventre est par exemple possible après neuf mois d’ancienneté dans l’AME lorsque le ventre est très volumineux ou flasque (notamment si le surplus de peau recouvre tout ou partie du pubis).

([60]) Décret n° 2020-715 du 11 juin 2020 relatif à la consultation du traitement de données VISABIO aux fins de vérifier la situation des personnes sollicitant le bénéfice des prestations prévues aux articles L. 251-1 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

([61]) L’ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament. En fonction de l’appréciation, plusieurs niveaux d'ASMR sont définis : ASMR I (majeure), ASMR II (importante), ASMR III (modérée), ASMR IV (mineure), ASMR V (inexistante).

([62]) Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

([63]) Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

([64]) L’article L. 531-25 du Ceseda dispose qu’un « pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne ». La liste actuelle des pays d’origine sûrs comprend les 13 pays suivants : Albanie, Arménie, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Inde, Macédoine du Nord, Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Serbie et Kosovo.

[65] Le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) est un réseau documentaire géré par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.