N° 1265

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mai 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

sur l’orientation directive des demandeurs d’asile

 

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Stella DUPONT et M. Mathieu LEFÈVRE,
rapporteurs spéciaux

 

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SOMMAIRE

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Pages

synthÈse

LISTE DES RECOMMANDATIONS

INTRODUCTION

I. L’orientation directive des demandeurs d’asile : cadre juridique et conditions de mise en œuvre sur la période 2021-2023

A. Le cadre juridique

1. Le cadre juridique européen

a. Le droit de l’Union européenne

b. Les pratiques en Europe

2. L’orientation directive en France : la loi du 10 septembre 2018

a. Les principes retenus

b. Un cadre juridique largement validé par le Conseil d’État

B. la mise en œuvre de l’orientation directive pour LA PÉRIODE 2021-2023 vise à diminuer la charge supportÉe par l’Île-de-France en répartissant le flux et l’accueil des primo-demandeurs d’asile sur le territoire mÉtropolitain

1. Diminuer la charge supportée par l’Île-de-France en organisant l’accueil des primo-demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire et en s’appuyant sur un dispositif national d’accueil réorganisé et en augmentation

a. Diminuer la charge supportée par l’Île-de-France et organiser l’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire

b. Un dispositif national d’accueil réorganisé et dont la capacité d’hébergement est en augmentation

2. Le public et les acteurs institutionnels

i. Le public concerné : les primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement ayant déposé une demande d’asile dans un guichet unique francilien

b. Les acteurs institutionnels : la DGEF, l’OFII et les préfectures

II. Le bilan des deux premiÈres annÉes de mise en œuvre de l’orientation directive des demandeurs d’asile est favorable en dÉpit de certaines fragilitÉs et tensions

A. Un bilan favorable

1. En Île-de-France : la réduction de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primodemandeurs d’asile, l’amélioration de la proportion des demandeurs d’asile hébergés et la forte réduction du nombre de campements

a. La réduction, dans un contexte pourtant difficile, de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo‐demandeurs d’asile

b. L’accroissement de la proportion des demandeurs d’asile hébergés

c. La forte réduction du nombre de campements

2. En région : des transferts en phase avec les prévisions

a. Un nombre de décisions d’affectation et une répartition géographique proches des prévisions

b. Des résultats rendus possibles par la création de places dans le DNA en région

i. Le renforcement du DNA en région

ii. La pertinence de la réorganisation du DNA

c. Un intérêt pour les communes rurales

3. Sur la période 2021-2022, plus de 6 demandeurs d’asile sur 10 ont accepté l’orientation directive qui leur était proposée et ont rejoint leur lieu d’hébergement

a. Les taux de refus en guichet unique et de non-présentation en CAES

i. Le taux de refus en guichet unique

ii. Le taux de non-présentation en CAES

iii. L’évolution du nombre de coupures des conditions matérielles d’accueil

iv. Tableau agrégé sur l’orientation directive

b. Des variations importantes constatées selon la nationalité des demandeurs d’asile et, de manière limitée, selon la zone géographique d’affectation

i. Des différences importantes selon la nationalité des demandeurs d’asile

ii. Des différences limitées selon la zone géographique d’affectation

B. Les points de fragilitÉ et de tension

1. L’évolution de la demande d’asile : une demande d’asile soutenue et toujours concentrée en Île-de-France

a. Une demande d’asile soutenue

b. Une demande d’asile toujours concentrée en Île-de-France

2. L’évolution du DNA : la poursuite souhaitable mais difficile de l’accroissement de la capacité d’accueil et de l’adaptation de sa composition à la sociologie des personnes accueillies

a. La poursuite de l’accroissement de la capacité d’accueil du DNA est souhaitable mais de plus en plus difficile à réaliser

b. La question de l’adaptation du DNA à la sociologie des personnes accueillies se pose

i. La question de la vacance et de l’indisponibilité de certaines places

ii. La nécessité d’affiner la régulation infrarégionale

3. L’évolution de la fluidité : l’accroissement des taux de présence indue affecte la nécessaire fluidité du DNA

i. Une présence indue en accroissement

ii. Les différents facteurs de cet accroissement

4. Une attention particulière doit être accordée à la situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive, à la question des élèves allophones et aux incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région

a. La situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive

b. La question des élèves allophones

c. Les incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région

III. Des ajustements à envisager

A. Des ajustements pratiques limitÉs

1. Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux

a. Propositions intéressant la DGEF

i. Améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires concernés par un projet d’implantation d’un lieu d’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune

ii. Lutter contre les refus d’orientation directive

iii. Solliciter une expertise sur la question du risque parasitaire

iv. Affiner les outils d’évaluation de l’orientation directive

b. Propositions intéressant l’OFII

i. Assouplir les conditions d’organisation du transport des demandeurs d’asile

ii. Affiner le suivi de l’orientation directive

2. Les propositions propres à Mme Stella Dupont : étudier la possibilité d’imposer l’attribution d’un nombre de logements par commune en faveur des demandeurs d’asile, mesurer le taux de maintien en CADA en région, adapter l’algorithme utilisé par l’OFII et aménager l’implantation territoriale de l’OFII

B. Des ajustements juridiques d’ampleur variable

1. Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux

a. Associer le ministère de l’Éducation nationale à la préparation du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés

b. Poursuivre la création de places dans le DNA et dans les CPH

c. Aménager la loi SRU pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile

d. Faciliter l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile dans les limites prévues par le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration

2. Les propositions propres à Mme Stella Dupont

a. Supprimer la possibilité d’une orientation directive sans hébergement

b. Inciter financièrement les collectivités territoriales à accueillir des CAES, des HUDA, des CADA ou des CPH

c. Favoriser l’hébergement citoyen des BPI

3. La proposition propre à M. Mathieu Lefèvre : réduire les possibilités de maintien en présence indue d’un débouté et d’un bénéficiaire de la protection internationale dans le dispositif national d’accueil

CONCLUSION

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES, QUESTIONNAIRES TRANSMIS ET DÉPLACEMENTs EFFECTUÉs PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE I - LETTRE ET « FOIRE AUX QUESTIONS » ADRESSÉES PAR M. ÉTIENNE DESPLANQUES, PRÉFET DE CORRÈZE, AUX HABITANTS DE BEYSSENAC ET DES COMMUNES AVOISINANTES PRÉALABLEMENT À L’ORGANISATION D’UNE RÉUNION PUBLIQUE RELATIVE À L’IMPLANTATION D’UN CADA DANS CETTE COMMUNE



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   synthÈse

L’orientation directive des demandeurs d’asile vise à équilibrer sur le territoire métropolitain le flux et l’accueil des primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes d’asile. Cette orientation est prononcée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après examen de la situation et évaluation de la vulnérabilité des intéressés.

À côté de l’attention portée à la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, l’orientation directive des demandeurs d’asile constitue une des pierres angulaires de la politique française de l’asile.

Inspiré du droit et des pratiques européennes, le principe de l’orientation directive des demandeurs d’asile a été introduit dans la loi française en 2015 puis, dans sa rédaction actuelle, en 2018. Mis en œuvre pour la première fois en janvier 2021, le premier cycle de l’orientation directive des demandeurs d’asile arrivera à échéance fin 2023. Le présent rapport d’étape propose un premier bilan de ce dispositif.

Ce bilan est favorable. En deux ans, l’orientation directive des demandeurs d’asile a fait la preuve de son utilité et de son efficacité. S’il est encore trop tôt pour savoir si les objectifs déterminés en 2020 seront complètement atteints à la fin de l’année 2023, il apparaît d’ores et déjà que ce mécanisme est indispensable à la conduite de la politique française de l’asile.

En deux ans, 48 230 demandeurs d’asile se sont vus proposer une orientation directive, 12 124 l’ont refusé, 36 106 l’ont accepté et 30 402 ont rejoint leur lieu d’hébergement. De manière certaine, l’orientation directive des demandeurs d’asile a contribué à améliorer sensiblement la situation en Île-de-France et les territoires sollicités ont su accueillir dans des conditions satisfaisantes les demandeurs d’asile ainsi orientés. Cette politique bénéficie également de l’adhésion majoritaire des demandeurs d’asile concernés qui acceptent à plus de 60 % les propositions d’orientations formulées.

Ce bilan est d’autant plus favorable que l’orientation directive des demandeurs d’asile s’est déployée dans un contexte marqué par la reprise soutenue de la demande d’asile et par l’accueil de plus de 100 000 déplacés d’Ukraine.

Ces éléments satisfaisants n’occultent cependant pas certains points de fragilité et de tension relatifs au nombre élevé de demandes d’asile enregistrées, aux difficultés de création de nouvelles places dans le dispositif national d’accueil (DNA), aux actes de violence perpétrés à l’encontre de certains élus locaux, ou à l’accroissement important du taux de présence indue dans le DNA.

Les rapporteurs spéciaux formulent plusieurs recommandations pratiques et juridiques visant à améliorer les conditions de mise en œuvre d’un dispositif qui en l’espace de deux ans a, manifestement, fait ses preuves.

 


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   LISTE DES RECOMMANDATIONS

1-     RECOMMANDATIONS PRATIQUES

– Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux :

    Améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires concernés par un projet d’implantation d’un lieu d’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune en s’appuyant notamment sur le nouveau Centre d’analyse de lutte contre les atteintes faites aux élus dont la création a été annoncée le 17 mai 2023 ;

    Lutter contre les refus de proposition d’orientation directive ;

    Solliciter une expertise sur la question du risque parasitaire et analyser les modalités et le coût éventuel de la prise en charge des soins par les CAES (centres d’accueil et d’évaluation de la situation administrative) ;

    Affiner les outils d’évaluation.

    Assouplir les conditions d’organisation du transport des demandeurs d’asile ;

    Affiner le suivi de l’orientation directive.

– Les propositions propres à Mme Stella Dupont :

2-     RECOMMANDATIONS JURIDIQUES

– Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux :

– Les propositions propres à Mme Stella Dupont :

– La proposition propre à M. Mathieu Lefèvre : réduire les possibilités de maintien en présence indue d’un débouté et d’un bénéficiaire de la protection internationale dans le dispositif national d’accueil.

 

 


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   INTRODUCTION

L’orientation directive des demandeurs d’asile vise à équilibrer sur le territoire métropolitain le flux et l’accueil des primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes d’asile. Cette orientation est prononcée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) après examen de la situation et évaluation de la vulnérabilité des intéressés.

À côté de l’attention portée à la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, l’orientation directive des demandeurs constitue une des pierres angulaires de la politique française de l’asile.

Cette politique repose à l’heure actuelle sur la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et sur le schéma national et les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés. Ces textes ont pris la suite de plusieurs initiatives antérieures soutenant des premières formes d’orientation territoriale des demandeurs d’asile.

En 2006, une note d’instruction du ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire et du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement a ainsi institué des mécanismes de péréquation nationale pour l’accueil des demandeurs d’asile afin « d’apporter des réponses adaptées aux distorsions de flux et […] désengorger les régions les plus sollicitées ». Dans ce cadre, les préfets de région étaient autorisés à « demander à la commission nationale d’admission de procéder au transfert dans d’autres régions de demandeurs d’asile arrivés dans leur région, à condition de s’engager en contrepartie à réserver un nombre identique de leurs places pour des demandeurs d’asile provenant d’autres régions » ([2]).

L’article 23 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile créa un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile fixant la répartition des places d’hébergement sur le territoire national et des schémas régionaux d’accueil déclinant ce document. Introduit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par cette loi (CESEDA), le nouvel article L. 744-7 disposait que le bénéfice des conditions matérielles d’accueil « est subordonné à l’acceptation par le demandeur d’asile de l’hébergement proposé » ([3]). Le refus d’une proposition d’hébergement n’était cependant pas susceptible de motiver un refus ou un retrait du versement de l’allocation pour demandeur d’asile.

Ces initiatives ont également été complétées par la mise en œuvre de solidarités régionales informelles comme cela fut le cas dans la région Grand Est lors du démantèlement en 2017 du dernier campement dit de « Blida » à Metz. À la suite de l’évacuation de ce site (qui avait accueilli jusqu’à un millier de personnes dont un grand nombre de demandeurs d’asile), des demandeurs d’asile ont été répartis informellement entre plusieurs départements proches de la Moselle.

La loi précitée du 10 septembre 2018 a modifié le droit applicable en instituant une orientation directive des demandeurs d’asile reposant sur un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (SNADAR). Ce texte, qui détermine une répartition territoriale des demandeurs d’asile, autorise l’OFII à refuser ou interrompre, sous certaines conditions, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil à un demandeur d’asile en besoin d’hébergement qui refuserait une orientation dans un territoire donné.

L’orientation directive des demandeurs d’asile vise à répondre aux difficultés observées en Île-de-France où se concentrait en 2020 « 46 % de la demande [d’asile] pour 19 % des capacités d’hébergement » ([4]). Ce déséquilibre favorise « la constitution de campements dans l’espace public et un report [des demandeurs d’asile] vers l’hébergement d’urgence de droit commun » ([5]) et nuit à la qualité de l’instruction des demandes d’asile et, pour les personnes appelées à bénéficier d’une protection internationale, à leur future intégration dans la société française.

Appelée de ses vœux notamment par l’Association des maires de France ([6]), l’orientation directive des demandeurs d’asile suscita, lors des débats parlementaires préalables à son adoption, certaines réserves quant à la possibilité ouverte par la loi du 10 septembre 2018 d’imposer une orientation non assortie d’un hébergement. Lors de la discussion de ce texte, Mme Stella Dupont s’opposa pour ce motif à cette disposition.

En pratique, l’orientation directive des demandeurs d’asile est mise en œuvre depuis janvier 2021 pour une première période d’une durée de trois ans arrivant à échéance le 31 décembre 2023. À quelques mois de ce terme, le présent rapport entend procéder à l’examen des deux premières années d’application de ce dispositif. Après avoir exposé le cadre juridique et les conditions de mise en œuvre de cette politique (I), les rapporteurs spéciaux souligneront à la fois ses résultats favorables et l’existence de certaines fragilités et tensions (II) justifiant certains aménagements pratiques et juridiques (III).


I.   L’orientation directive des demandeurs d’asile : cadre juridique et conditions de mise en œuvre sur la période 2021-2023

Mise en œuvre depuis janvier 2021 dans un cadre juridique à la fois européen et national, l’orientation directive des demandeurs d’asile vise à équilibrer le flux et l’accueil des primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement sur le territoire métropolitain afin de répondre aux difficultés rencontrées en Île-de-France.

A.   Le cadre juridique

Autorisée par le droit de l’Union européenne et mise en œuvre par plusieurs pays européens, l’orientation directive des demandeurs d’asile est régie en France par les dispositions de la loi 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et les dispositions réglementaires prises pour son application.

1.   Le cadre juridique européen

a.   Le droit de l’Union européenne

Plusieurs dispositions de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale posent le principe de l’orientation directive des demandeurs d’asile.

En premier lieu, l’article 7 (paragraphe 3) de ce texte dispose que « Les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national ».

L’article 7 (paragraphe 4) précise que « Les États membres prévoient la possibilité d’accorder aux demandeurs une autorisation temporaire de quitter le lieu de résidence […] et/ou la zone qui leur a été attribuée […]. Les décisions sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement, et elles sont motivées lorsqu’elles sont négatives ».

L’article 20 (paragraphe 1) de cette même directive dispose que « Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil lorsqu’un demandeur […] abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l’avoir obtenue ».

Ainsi autorisée, l’orientation directive des demandeurs d’asile est mise en œuvre par plusieurs pays européens.

b.   Les pratiques en Europe

Les rapporteurs spéciaux ont interrogé le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires sur les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile et sur la mise en œuvre de l’orientation directive des demandeurs d’asile. Sur les 13 pays ayant répondu aux questions posées :

Les dispositions appliquées dans certains pays peuvent être très strictes. Ainsi, en Allemagne, « une fois la demande d’asile enregistrée, un titre de séjour provisoire (Aufenthaltsgestattung) est délivré au demandeur. Certaines contraintes sont associées à ce statut, notamment l’interdiction de se déplacer en dehors d’un secteur géographique déterminé par chaque Land (Residenzpflicht) de manière plus ou moins large. Ainsi, par exemple, dans le Bade-Wurtemberg, ce secteur correspond à l’agglomération de la ville de Karlsruhe tant que le demandeur d’asile réside dans le centre de premier accueil (Erstaufnahmeeinrichtung). Ce centre est chargé, pendant environ trois mois, d’apprécier sa situation, notamment au regard des « règles Dublin ». Puis il s’étend au Land lorsqu’il est transféré dans un centre de deuxième accueil. Tout déplacement en dehors de ce secteur doit être signalé et autorisé par le service des étrangers (Ausländerbehörde), autrement le demandeur d’asile s’expose à une amende » ([7]).

2.   L’orientation directive en France : la loi du 10 septembre 2018

L’orientation directive des demandeurs d’asile relève des articles L. 551-1 et suivants et R. 551-1 et suivants du CESEDA et de l’arrêté n° CITC2212434A du 13 mai 2022 pris en application de l’article L. 551-1 précité. L’essentiel de ces dispositions résulte de la loi précitée du 10 septembre 2018 et du décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 pris sur son fondement ([8]).

a.   Les principes retenus

L’orientation directive des demandeurs d’asile repose sur trois grands principes :

 La création d’un schéma national et de schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés,

– La détermination de la région de résidence du demandeur d’asile en besoin d’hébergement et le possible contrôle de ses déplacements hors de cette région,

– La subordination de la délivrance et du maintien des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation d’une proposition d’orientation directive et au maintien dans la région de résidence.

Cette politique entend également mieux préparer l’intégration dans la société française des demandeurs d’asile appelés à devenir des bénéficiaires d’une protection internationale.

i.   La création d’un schéma national et de schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés

Les articles L. 551-1, L. 551-2 et R. 551-1 du CESEDA sont relatifs au schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés et aux schémas régionaux.

L’article L. 551-1 prévoit que ce document « fixe la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région ainsi que la répartition des lieux d’hébergement qui leur sont destinés ». L’article L. 551-2 dispose notamment qu’« un schéma régional est établi en conformité avec le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile » et « fixe les orientations en matière de répartition des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés sur le territoire de la région ». L’article R. 551-1 précise que « cette répartition tient compte des caractéristiques démographiques, économiques et sociales ainsi que des capacités d’accueil de chaque région ».

Le SNADAR publié en décembre 2020 indique que « concrètement, [la répartition des demandeurs d’asile] tient compte : de la population ; du produit intérieur brut par habitant ; du taux de chômage ; et des capacités d’accueil régionales au sein du DNA [dispositif national d’accueil] (hors CPH) [centres provisoires d’hébergement] » ([9]) ([10]).

Les rapporteurs spéciaux observent, d’une part, que la clé de répartition des demandeurs d’asile n’inclut pas de critère relatif aux éventuelles tensions sur le marché du logement dans les territoires et, d’autre part, que les critères retenus ne sont pas déterminés par voie législative. Sur ce dernier point, cette situation contraste avec les dispositions du code de l’action sociale et des familles (CASF) relatives à la répartition territoriale des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance dans le département. L’article L. 221-2-2 de ce code dispose ainsi que « pour permettre l’application du troisième alinéa de l’article 375-5 du Code civil, le président du conseil départemental transmet au ministre de la justice les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs et de majeurs de moins de vingt et un ans privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance dans le département. Le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs et de ces majeurs entre les départements, en fonction de critères démographiques, socio-économiques et d’éloignement géographique » ([11]).

ii.   La détermination de la région de résidence du demandeur d’asile et le contrôle de ses déplacements hors de cette région

Le CESEDA confie à l’OFII la responsabilité de fixer la région de résidence du demandeur d’asile.

L’article L. 551-3 dispose ainsi que l’OFII « détermine la région de résidence en fonction de la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région en application du schéma national et en tenant compte des besoins et de la situation personnelle et familiale du demandeur […] et de l’existence de structures à même de prendre en charge de façon spécifique les victimes de la traite des êtres humains ou les cas de graves violences physiques ou sexuelles ». L’OFII propose donc cette orientation aux demandeurs d’asile en besoin d’hébergement après examen de leur situation et évaluation de leur vulnérabilité ([12]).

L’article L. 551-4 prévoit que la région d’affectation du demandeur d’asile peut différer de sa région d’enregistrement. Ainsi, « lorsque la part des demandeurs d’asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et les capacités d’accueil de cette région, le demandeur d’asile peut être orienté vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l’examen de sa demande d’asile ». Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 551-4 laisse théoriquement ouverte la possibilité d’une orientation directive sans hébergement.

L’article L. 552-8 propose une rédaction proche et prévoit que l’OFII « propose au demandeur d’asile un lieu d’hébergement. Cette proposition tient compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l’évaluation des besoins et de la vulnérabilité […] ainsi que des capacités d’hébergement disponibles et de la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région ». Dans cette hypothèse, et en application de l’article R. 551-3, le demandeur d’asile reçoit un titre de transport de la part de l’OFII et dispose d’un délai de cinq jours pour se rendre dans le lieu d’affectation.

Une fois installé dans son nouveau lieu d’affectation, le demandeur d’asile est susceptible de disposer d’une liberté d’aller et venir restreinte. L’article L. 551-5 prévoit ainsi que « sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par une autorité ou une juridiction, le demandeur qui souhaite quitter temporairement sa région de résidence sollicite une autorisation auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui rend sa décision dans les meilleurs délais, en tenant compte de la situation personnelle et familiale du demandeur ». L’article R. 511-6 prévoit qu’« en cas de refus d’autorisation, une décision écrite et motivée est notifiée à l’intéressé ».

Interrogée sur ce point, la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur a précisé qu’« outre les convocations administratives, judiciaires et juridictionnelles qui impliqueraient un déplacement hors de la région d’orientation, l’OFII peut autoriser un demandeur à quitter temporairement sa région de résidence pour : nécessité impérieuse de suivre des soins ; raisons familiales (décès par exemple) ou motifs d’étude (déplacements et stages de courte durée notamment) » ([13]).

Une méconnaissance de ces dispositions est susceptible de motiver le refus ou l’interruption, partielle ou totale, des conditions matérielles d’accueil.

iii.   La subordination du maintien des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation d’une proposition d’orientation directive et au maintien dans la région de résidence

Un demandeur d’asile ayant reçu une proposition d’orientation directive peut la décliner ou l’accepter sans se rendre ensuite dans la région d’affectation. Dans ces hypothèses, l’intéressé s’expose au refus ou au retrait des conditions matérielles d’accueil. Ainsi :

– L’article L. 551-15 dispose que les conditions matérielles d’accueil « peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : 1° [le demandeur d’asile] refuse la région d’orientation déterminée […] ; 2° Il refuse la proposition d’hébergement qui lui est faite ».

– L’article L. 551-16 (1°) dispose qu’il « peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficie le demandeur » s’il quitte, sans justification valable, « la région d’orientation déterminée en application de l’article L. 551-3 ».

iv.   Mieux préparer l’intégration des demandeurs d’asile appelés à devenir des bénéficiaires d’une protection internationale

Selon Mme Stella Dupont, l’orientation directive entend également améliorer indirectement l’instruction des demandes d’asile. Orientés vers des territoires où la pression migratoire est moins forte, les demandeurs d’asile disposeront de conditions plus favorables pour préparer leur dossier auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.  À l’évidence, une demande d’asile se prépare mieux dans un hébergement que dans un campement

Par ailleurs, les deux rapporteurs spéciaux soulignent que l’orientation directive entend mieux préparer l’intégration dans la société française des demandeurs d’asile appelés à devenir des bénéficiaires d’une protection internationale. Une fois orientés en région, les demandeurs d’asile qui, au terme de la procédure, bénéficieront d’une protection internationale seront situés dans des territoires où l’accès au logement est moins ardu qu’en Île-de-France. Si cet objectif ne se traduit pas par des dispositions législatives ou réglementaires spécifiques, il sous-tend nécessairement la politique d’orientation directive des demandeurs d’asile.

b.   Un cadre juridique largement validé par le Conseil d’État

Le cadre juridique de l’orientation directive a été validé dans ses grandes lignes par le Conseil d’État dans une décision rendue le 27 novembre 2020 ([14]).

Le Conseil d’État a ainsi considéré que :

– « Les termes […] de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ne s’opposent pas à ce que les demandeurs d’asile ne bénéficient des conditions matérielles d’accueil que sous réserve d’accepter le lieu d’hébergement proposé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ou, le cas échéant, la région d’orientation déterminée » ;

– « Si l’obligation faite aux demandeurs d’asile de demeurer dans leur région et de solliciter une autorisation pour pouvoir la quitter temporairement, sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou par les tribunaux, constitue une restriction à la liberté d’aller et venir des personnes concernées, elle est justifiée par des raisons d’intérêt général et ne méconnaît pas, contrairement à ce qui est soutenu, les objectifs et dispositions de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ».

En revanche, dans cette même décision, le Conseil d’État a annulé les dispositions du décret précité du 14 décembre 2018 prévoyant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d’accueil. Ainsi, « en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d’accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018, sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ».

Ultérieurement, le Conseil d’État a également annulé les deux premiers arrêtés pris en application de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ([15]). Cependant, ces décisions n’ont pas remis en cause les grandes lignes de la politique d’orientation directive posées par la loi du 10 septembre 2018.

B.   la mise en œuvre de l’orientation directive pour LA PÉRIODE 2021-2023 vise à diminuer la charge supportÉe par l’Île-de-France en répartissant le flux et l’accueil des primo-demandeurs d’asile sur le territoire mÉtropolitain

Le SNADAR entend « mieux organiser la solidarité territoriale en mettant un terme au fait que près de la moitié des demandes d’asile enregistrées en France l’est dans la seule région d’Île-de-France » ([16]). Cette politique s’appuie sur la détermination d’objectifs d’accueil territoriaux et sur un dispositif national d’accueil réorganisé et en augmentation.

1.   Diminuer la charge supportée par l’Île-de-France en organisant l’accueil des primo-demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire et en s’appuyant sur un dispositif national d’accueil réorganisé et en augmentation

a.   Diminuer la charge supportée par l’Île-de-France et organiser l’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire

Pour diminuer la charge supportée par l’Île-de-France, le SNADAR publié en décembre 2020 a déterminé sur la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023 des objectifs de répartition territoriale du flux des primo-demandeurs d’asile entre les régions métropolitaines.

Part 2020 et cible 2023 de la répartition territoriale
du flux des primo-demandeurs d’asile

 

Part région fin 2020

Cible rééquilibrage complet

Statut

Auvergne Rhône-Alpes

9 %

13 %

Déficitaire

Bourgogne Franche-Comté

2 %

5 %

Déficitaire

Bretagne

2 %

5 %

Déficitaire

Centre Val de Loire

3 %

4 %

Déficitaire

Grand Est

9 %

11 %

Déficitaire

Hauts de France

5 %

5 %

Cible

Île-de-France

46 %

23 %

Excédentaire

Normandie

3 %

5 %

Déficitaire

Nouvelle Aquitaine

4 %

9 %

Déficitaire

Occitanie

5 %

7 %

Déficitaire

Pays-de-la-Loire

7 %

7 %

Proche cible

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

6 %

6 %

Proche cible

Total

100 %

100 %

 

Sources : Schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (page 21) et arrêté du 13 mai 2022 pris en application de l’article L. 551-1 du CESEDA

Les objectifs ainsi déterminés appellent les observations suivantes :

– L’orientation directive des demandeurs d’asile intéresse uniquement les régions métropolitaines. Ni les territoires ultra-marins, ni la Corse ne sont, pour l’heure, concernés ;

– Sur les 12 régions métropolitaines, l’Île-de-France est la seule région concernée par une réduction de la proportion des primo-demandeurs d’asile accueillis. L’objectif fixé est volontairement ambitieux puisque de 2020 à 2023, le schéma national projette, après orientation directive, de diviser par deux la proportion du flux des primo-demandeurs d’asile résidant en Île-de-France ;

– Sur les 11 autres régions métropolitaines, une seule (les Hauts-de-France) est exemptée de participation au mécanisme de solidarité en raison de la pression migratoire observée dans ce territoire depuis plusieurs années. Les 10 autres régions sont mises à contribution dans des proportions variables : 2 régions (les Pays-de-la-Loire et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur) sont relativement proches de leur cible, tandis que 8 sont considérées comme étant « déficitaires » et doivent participer de manière active au mécanisme de solidarité.

L’objectif déterminé par le SNADAR vise à passer en trois ans d’une situation où 46 % des primo-demandeurs d’asile enregistrés en métropole résident en Île-de-France et 54 % en région à une situation où 23 % des primo-demandeurs d’asile enregistrés en métropole résident en Île-de-France et 77 % en région.

– « La trajectoire de rééquilibrage à la cible sera réalisée par paliers successifs » ([17]). Le déploiement de l’orientation directive a vocation à être progressif et doit s’opérer par paliers successifs afin d’en renforcer l’acceptabilité et d’en faciliter la mise en œuvre. Initialement fixés à 1 000 mouvements par mois de janvier à mars 2021, ces paliers se sont élevés à 1 300 en avril 2021, 1 600 en juillet 2021, 1 800 en 2022, 1 900 en mars 2023 jusqu’à atteindre 2 500 mouvements par mois « à l’horizon de l’été 2023 » ([18]).

b.   Un dispositif national d’accueil réorganisé et dont la capacité d’hébergement est en augmentation

L’orientation directive des demandeurs d’asile s’appuie sur un dispositif national d’accueil réorganisé et dont la capacité d’hébergement est en augmentation depuis 2017.

En premier lieu, le SNADAR entend poursuivre « les travaux de simplification de la structure du parc d’hébergement dans une logique de parcours, avec trois niveaux de prise en charge :

Le SNADAR s’appuie également sur une gestion déconcentrée des places d’hébergement et, plus encore, sur une capacité d’accueil du DNA en accroissement.

2017-2023 - Nombre de places du dispositif national d’accueil
financÉes en loi de finances initiale

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

CADA

40 406

42 452

43 602

43 602

46 632

49 132

HUDA

39 749

41 154

51 826

51 826

52 160

53 060

CAES

0

2 986

3 136

3 136

5 122

6 622

CPH

2 207

5 207

8 710

8 710

9 918

10 918

Total

82 362

91 799

107 274

107 274

113 832

119 732

Source : ministère de l’intérieur, dossier de presse préalable à la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, page 12.

2.   Le public et les acteurs institutionnels

L’orientation directive des demandeurs d’asile s’adresse à une partie des demandeurs d’asile et est définie par le ministère de l’intérieur puis mise en œuvre par l’OFII en s’appuyant sur ses opérateurs et sur les préfectures.

i.   Le public concerné : les primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement ayant déposé une demande d’asile dans un guichet unique francilien

Tous les demandeurs d’asile ne sont pas éligibles à l’orientation directive.

La DGEF a ainsi indiqué que « tous les demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil et enregistrant leur demande au sein du guichet unique d’une région où le nombre de demandeurs d’asile enregistrés excède la part théorique prévue par la clef de répartition établie par le SNADAR (en pratique, en Ile-de-France) » sont éligibles à l’orientation directive, soit, en pratique, les demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil ayant enregistré leur demande au sein d’un guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) francilien ([21]). L’OFII a complété cette définition en précisant que l’orientation directive s’adressait aux demandeurs d’asile précités en besoin d’hébergement après appréciation de leur situation personnelle et de leur éventuelle vulnérabilité.

Dans les deux cas :

 Cette définition inclut les demandeurs d’asile sous procédure Dublin répondant aux conditions précitées ce qui est important puisque l’Île-de-France concentre l’essentiel des intéressés. Selon les données transmises par la préfecture de police de Paris, en 2022, les procédures Dublin enregistrées en Île-de-France représentaient 53 % de l’ensemble des procédures Dublin enregistrées en France. D’une certaine façon, et comme M. Gérard Sadik (responsable thématique asile de La Cimade) l’a rappelé lors de son audition, « l’Île-de-France, c’est la région des Dublinés » ;

– L’orientation directive repose sur une mise en œuvre précoce au niveau des guichets uniques pour demandeurs d’asile situés en Île-de-France. Les demandeurs d’asile en besoin d’hébergement ayant déposé une demande d’asile en Île-de-France sont ainsi orientés dès le dépôt de leur demande d’asile (et dans la limite des places disponibles) vers un hébergement en région.

Plusieurs catégories de demandeurs d’asile ne sont donc pas éligibles à l’orientation directive. Ainsi, ne sont pas concernés par ce dispositif :

    L’ensemble des demandeurs d’asile ayant enregistré leur demande d’asile hors d’un GUDA francilien ;

    « Certains demandeurs d’asile identifiés dès l’enregistrement de leur demande comme éligibles aux dispositifs d’accueil dédiés à certains publics vulnérables (femmes victimes de violences, personnes victimes de traite, public LGBTI vulnérable) » ([22]) ;

    Les demandeurs d’asile pouvant justifier d’une impossibilité de mobilité géographique (femmes enceintes proches du terme, conjoint d’une personne régulièrement hébergée dans le DNA de la région d’origine et/ou disposant un emploi stable dans la région) » ([23]) ;

    Les demandeurs d’asile non éligibles aux conditions matérielles d’accueil c’est-à-dire, en application de l’article L. 551-15 du CESEDA, les demandeurs d’asile présentant une demande de réexamen de leur demande d’asile et les personnes étrangères qui sont entrées irrégulièrement en France ou s’y sont maintenues irrégulièrement et n’ont pas présenté leur demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours suivant leur entrée sur le territoire ([24]) ;

    Les demandeurs d’asile ne bénéficiant plus des conditions matérielles d’accueil, c’est-à-dire, en application de l’article L. 551-16 du CESEDA les demandeurs se trouvant dans un des cas suivants ([25]) :

b.   Les acteurs institutionnels : la DGEF, l’OFII et les préfectures

Définie par le ministère de l’intérieur, l’orientation directive est mise en œuvre par l’OFII en s’appuyant sur ses opérateurs et sur les préfectures.

Au niveau national, la DGEF s’attache principalement à déterminer le SNADAR, définir les régions excédentaires et déficitaires, décider des paliers à atteindre et piloter le dispositif en lien avec les services centraux de l’OFII.

Au niveau national, la direction de l’OFII détermine les modalités opérationnelles du fonctionnement de l’orientation directive en GUDA. Interrogé sur ce point, l’OFII a indiqué que « la proposition [d’orientation directive] est réalisée par les services de l’OFII au moment de l’entretien lors du dépôt de la demande d’asile au GUDA. Une fois l’entretien de vulnérabilité mené par l’OFII et le besoin d’hébergement identifié, une offre d’hébergement est générée automatiquement par le système d’information de l’OFII (DN@ NG), vers une région choisie aléatoirement, jusqu’à concurrence du nombre de places mises à disposition ». Ainsi, « l’auditeur asile de l’OFII ne sélectionne pas les demandeurs susceptibles de recevoir une proposition d’orientation. Il ne détermine pas davantage la région de destination qui dépend [d’un] algorithme » ([26]). Dans le compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 9 avril 2021, l’OFII a rappelé « que l’orientation régionale s’effectue au fil de l’eau en fonction du nombre de demandes » ([27]).

Le mode de fonctionnement retenu se caractérise donc par l’impossibilité pour l’auditeur asile de l’OFII et pour le demandeur d’asile de choisir une région spécifique d’orientation. Conformément aux dispositions du SNADAR, la destination proposée est choisie aléatoirement par un algorithme déterminé par la direction du système d’information de l’OFII « sur la base d’une clé de répartition établie selon le flux de demande d’asile constaté dans la région d’accueil et les capacités d’accueil du parc d’hébergement régional » ([28]). Une seule proposition d’hébergement est présentée au demandeur d’asile qui est tenu de l’accepter ou de la refuser ; le refus étant susceptible d’entraîner le refus des conditions matérielles d’accueil.

Dans l’hypothèse où il accepte l’orientation soumise, le demandeur d’asile se voit remettre un titre de transport et dispose de cinq jours pour se rendre dans l’hébergement d’affectation. Dans un premier temps, un opérateur l’accueillera en CAES (pour une durée, en principe, maximale de 30 jours) avant une orientation dans un hébergement plus pérenne (un HUDA ou un CADA) situé dans le même département, dans un autre département de la même région, ou dans un autre département d’une autre région.

Au niveau territorial, les préfectures lancent et instruisent les appels à projets relatifs à la création de places dans le DNA ; informent - en lien avec les opérateurs - les mairies des projets sélectionnés et peuvent engager des référés mesures utiles à l’encontre des personnes en présence indue dans un hébergement du DNA ([29]).

Le CESEDA n’accorde aucune compétence particulière aux maires dans la décision d’implantation d’une structure d’accueil des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune. Cette décision relève exclusivement de l’État. M. Mathieu Lefèvre le regrette et juge utile de mieux associer les maires à l’instruction des projets, comme cela est d’ailleurs en partie le cas en pratique ([30]).

II.   Le bilan des deux premiÈres annÉes de mise en œuvre de l’orientation directive des demandeurs d’asile est favorable en dÉpit de certaines fragilitÉs et tensions

Le bilan des deux premières années de mise en œuvre de l’orientation directive des demandeurs d’asile est favorable en dépit de certaines fragilités et tensions.

Selon les éléments réunis par les rapporteurs spéciaux, sur les années 2021 et 2022, 48 230 demandeurs d’asile se sont vus proposer une orientation directive, 12 124 l’ont refusé, 36 106 demandeurs d’asile l’ont accepté et 30 402 ont rejoint leur lieu d’hébergement.

A.   Un bilan favorable

L’orientation directive des demandeurs d’asile présente un bilan favorable en Île-de-France, dans les régions d’accueil et au regard de la proportion élevée de demandeurs d’asile en acceptant le principe.

1.   En Île-de-France : la réduction de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primodemandeurs d’asile, l’amélioration de la proportion des demandeurs d’asile hébergés et la forte réduction du nombre de campements

En Île-de-France, les résultats favorables de l’orientation directive se mesurent à l’aune de la réduction de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo‐demandeurs d’asile, de l’accroissement de la proportion des demandeurs d’asile hébergés et de la réduction du nombre de campements.

a.   La réduction, dans un contexte pourtant difficile, de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo‐demandeurs d’asile

L’orientation directive des demandeurs d’asile a été pensée pour répondre à « une polarisation marquée de la demande en Ile-de-France où se concentre 46 % de la demande » d’asile ([31]). Deux indicateurs témoignent d’une réduction sensible de cette proportion en deux ans.

En premier lieu, les comptes rendus du comité stratégique de suivi du SNADAR rendent compte d’une évolution favorable. En juin 2022, ce document observe qu’« en 2022, grâce à l’orientation régionale, l’Île-de-France avec près de 50 % des flux et des démarches initiales, voit réduire sa part à 38 % » ([32]). En mars 2023, ce même comité stratégique observe que la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo‐demandeurs d’asile est ramenée, après orientation directive, de 50 % à 36 % ([33]).

Le rapport d’activité de l’OFPRA illustre également cette évolution favorable. Le rapport d’activité 2021 indique ainsi que « l’analyse des enregistrements en GUDA permet d’observer qu’en Île-de-France une partie non négligeable des demandeurs d’asile ne demeure pas dans cette région à l’issue de son enregistrement en préfecture. Ainsi, 44 % des demandeurs d’asile se sont enregistrés en GUDA en Île-de-France, mais seuls 33 % d’entre eux y résidaient lors de l’introduction de leur demande à l’Ofpra » ([34]).

Deux ans après son engagement, l’orientation directive des demandeurs d’asile répond donc à son objet principal relatif au rééquilibrage de la répartition territoriale des primo-demandeurs d’asile. En deux ans, la proportion des primo-demandeurs d’asile résidant en Île-de-France a ainsi été abaissée d’une dizaine de points (de 46 % à 33 ou 36 % selon la DGEF ou l’OFPRA) et cette proportion devrait continuer de réduire pour atteindre ou se rapprocher de la cible fixée en 2020 (23 % en décembre 2023, soit – 23 points).

Deux ans après son engagement, l’orientation directive des demandeurs d’asile se rapproche des objectifs chiffrés. Ce résultat est d’autant plus à saluer que cette politique s’est déployée dans un contexte difficile marqué, en 2022, par l’accueil de plus de 100 000 déplacés d’Ukraine et par une demande d’asile en très forte croissance ([35]).

b.   L’accroissement de la proportion des demandeurs d’asile hébergés

Le désengorgement de l’Île-de-France a permis d’accroître sensiblement la proportion des demandeurs d’asile hébergés.

Si, au 31 décembre 2020, la proportion des demandeurs d’asile en cours de procédure hébergés en CADA et en HUDA s’élevait à 52 % ([36]), la proportion des demandeurs d’asile hébergés dans le DNA par rapport à l’ensemble des demandeurs d’asile en cours de procédure s’établissait à 58 % au 31 décembre 2022. Selon l’OFII, sur la même période, la proportion des demandeurs d’asile hébergés (tous modes d’hébergement confondus) serait passée de 54 à 74 %. Cette évolution favorable s’explique, d’une part, par la création de places dans le DNA (cf. supra) et, d’autre part, par l’effet de l’orientation directive sur l’amélioration des conditions d’hébergement des demandeurs d’asile précédemment situés en Île-de-France. Sur ce point, les rapporteurs spéciaux soulignent que l’ensemble des orientations directives effectuées l’ont été avec hébergement, ce dont ils se félicitent.

Cette évolution favorable a également concerné les demandeurs d’asile demeurant en Île-de-France dont, selon la DGEF, le taux d’hébergement « est passé de 26 % en décembre 2021 à 34 % en décembre 2022 alors que les enregistrements de premières demandes d’asile ont progressé de 28 %. Cela s’est traduit par une diminution du nombre de nuitées hôtelières consommées pour héberger le public familial en demande d’asile. Entre fin 2020 et fin 2022, la consommation moyenne annuelle a progressivement diminué de 28 % (de 3 980 à 2 880 nuitées) » ([37]).

c.   La forte réduction du nombre de campements

La mise en œuvre de l’orientation directive a également eu pour effet de réduire fortement le nombre de campements et les situations de sans-abrisme des demandeurs d’asile sans pour autant les annihiler complètement.

Ainsi, selon les données communiquées par la préfecture de la région Île-de-France pour les campements observés sur Paris et sa petite couronne, la part des demandeurs d’asile dans la population des campements est passée de 49 % en 2019 à 31 % en 2022. Selon cette administration, le déploiement de l’orientation directive « a fortement contribué […] à la diminution de la présence de demandeurs d’asile sur les campements en Île-de-France » ([38]).

La mise en œuvre de cette politique a également contribué à la baisse du nombre de migrants à la rue (et pas seulement de demandeurs d’asile) observée à Paris et en petite couronne.

2019 – 2023 - évolution du nombre estimé de migrants à la rue
à Paris et en petite couronne

 

2018

2019

2020

2021

2022

Comptage le plus bas

200

400

200

250

300

Comptage le plus haut

2 400

3 500

900

1 200

535

Source : préfecture de la région Île-de-France ([39])


Le déploiement de l’orientation directive n’a cependant pas abouti à la suppression de tous les campements en raison, d’une part, du renouvellement des flux de demandeurs d’asile et, d’autre part, de la présence sur les campements de populations ne relevant pas de la demande d’asile (étrangers en situation irrégulière, jeunes sollicitant le statut de mineurs non accompagnés et n’ayant pas déposé une demande d’asile, etc.) ou de l’orientation directive (demandeurs d’asile ne bénéficiant pas ou plus des conditions matérielles d’accueil).

Les effets favorables de l’orientation directive observés en Île-de-France se retrouvent également dans les territoires.

2.   En région : des transferts en phase avec les prévisions

a.   Un nombre de décisions d’affectation et une répartition géographique proches des prévisions

Sur les années 2021 et 2022, le nombre des décisions d’orientation directive prononcées et la répartition géographique de celles-ci sont en phase avec les prévisions.

S’agissant du nombre d’affectations décidées par l’OFII, 36 106 ont été prononcés en deux ans pour un objectif de 36 315.

2021-2023 (janvier) - évolution du nombre de décisions d’affectation

 

Objectif

(nombre d’affectations)

Affectations décidées par l’OFII

2021

16 515

16 728

Trimestre 1

3 000

3 034

Trimestre 2

3 915

3 933

Trimestre 3

4 800

4 940

Trimestre 4

4 800

4 821

2022

19 800

19 378

Trimestre 1

4 800

4 752

Trimestre 2

4 800

4 570

Trimestre 3

4 900

4 862

Trimestre 4

5 300

5 194

Total

36 315

36 106

Source : ministère de l’intérieur.


La répartition géographique des orientations est globalement fidèle aux projections initiales :

 

Part région fin 2020

Part région au 1er janvier 2023

Cible rééquilibrage complet

Auvergne Rhône-Alpes

9 %

11 %

13 %

Bourgogne Franche-Comté

2 %

3 %

5 %

Bretagne

2 %

4 %

5 %

Centre Val de Loire

3 %

3 %

4 %

Grand Est

9 %

11 %

11 %

Hauts de France

5 %

5 %

5 % (cible)

Île-de-France

46 %

34 %

23 % (excédentaire)

Normandie

3 %

5 %

5 %

Nouvelle Aquitaine

4 %

7 %

9 %

Occitanie

5 %

6 %

7 %

Pays-de-la-Loire

7 %

4 %

7 % (proche cible)

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

6 %

6 %

6 % (proche cible)

Total

100 %

100 %

100 %

Source : ministère de l’intérieur.

Au 1er janvier 2023, les grands équilibres sont respectés. Si certaines régions sont proches de leur cible finale (Grand Est et Normandie), d’autres en sont encore relativement éloignées (Pays-de-la-Loire) mais, globalement, les projections initiales sont respectées.

b.   Des résultats rendus possibles par la création de places dans le DNA en région

Le bon fonctionnement du dispositif est corrélé au renforcement du DNA en région et à la pertinence de sa réorganisation.

i.   Le renforcement du DNA en région

De 2020 à fin 2023, 8 500 places supplémentaires devraient être créées dans le DNA métropolitain dont 96 % en région (8 165).


LOCALISATION DES PLACES D’HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE
CRÉÉES DEPUIS 2020

 

2020

2021

2022

2023

(prévision)

Auvergne Rhône-Alpes

0

550

0

500

Bourgogne Franche-Comté

0

130

0

205

Bretagne

0

360

0

270

Centre Val de Loire

0

320

0

280

Grand Est

0

560

0

480

Hauts de France

0

360

0

350

Île-de-France

0

0

0

335

Normandie

0

250

0

230

Nouvelle Aquitaine

0

550

0

330

Occitanie

0

480

0

450

Pays-de-la-Loire

0

370

0

240

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

0

570

0

330

Total

0

4 500

0

4 000

Source : ministère de l’intérieur.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs spéciaux ont pu mesurer l’évolution concrète de ces capacités d’hébergement dans plusieurs départements. En Corrèze : la capacité du dispositif national d’accueil est passée de 290 places en 2020 à 344 places en 2023 (+ 18,6 %). Dans les Côtes-d’Armor, elle est passée de 530 places en 2019 à 858 places en 2023 (+ 62 %). En Moselle, elle est passée de 1 806 places en 2019 à 2 930 places en 2023 (+ 62,2 %). Tous les territoires n’ont cependant pas été concernés de manière homogène. Dans le Rhône, la capacité d’accueil du DNA a ainsi reculé de presque 2 % en trois ans (2 161 places en décembre 2022 contre 2 198 en décembre 2019) en raison de l’incidence des travaux de rénovation sur la disponibilité de certains sites et de tensions sur le bâti et le foncier ne favorisant pas l’aménagement de nouveaux sites.

De 2021 à 2023, et afin d’assurer le bon déploiement de l’orientation directive, seules 335 places du DNA devraient être créées en Île-de-France. Cette région représente désormais 20 % des capacités d’hébergement nationales. La quasi-absence de création de places en Île-de-France devrait probablement se confirmer même si les rapporteurs observent que cette région a en principe vocation à disposer de 23 % (et non 20 %) des places du DNA, soit la part des primo-demandeurs d’asile qu’elle est censée accueillir fin 2023.

ii.   La pertinence de la réorganisation du DNA

Le bon fonctionnement de l’orientation directive s’appuie également sur la réorganisation réussie du DNA. Les rapporteurs spéciaux soulignent notamment le recentrage des CAES sur une mission de « sas d’entrée dans le DNA » destinée à faciliter l’évaluation des situations administratives par les services de l’État pendant un séjour d’une durée maximale de 30 jours. Selon la DGEF, « la durée moyenne de séjour dans les centres d’accueil temporaires […] a été ramenée de 100 jours en 2019 à moins de 30 jours en 2021 » ([40]). Les rapporteurs spéciaux partagent l’avis exprimé par le comité stratégique du SNADAR du 12 juillet 2021 selon lequel les CAES ont « retrouvé leur vocation » ([41]).

Le déploiement réussi de l’orientation directive s’est également appuyé sur l’actualisation, réussie mais encore incomplète, des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés. La DGEF a ainsi indiqué que « l’ensemble des régions métropolitaines disposent à ce jour d’un schéma régional. Néanmoins, seules 8 régions ont actualisé leur schéma depuis la publication du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés pour 2021-2023. Les régions Ile-de-France, Grand-Est, Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine sont toutes en train de réviser leur schéma régional » ([42]).

c.   Un intérêt pour les communes rurales

L’accueil dans les territoires ruraux a précédé le déploiement de l’orientation directive et, au-delà de tensions parfois importantes, peut présenter un intérêt pour les collectivités concernées.

Plusieurs opérateurs auditionnés, dont l’association Viltaïs spécialisée dans l’accueil des demandeurs d’asile dans les territoires ruraux, ont souligné que les demandeurs d’asile acceptent sans trop de difficultés de résider dans les territoires ruraux. Cette impression est corroborée par les chiffres transmis par l’OFII. Ainsi, le taux de non-présentation des demandeurs d’asile dans les lieux d’hébergement est nettement plus faible dans des régions rurales ou périurbaines comme la Normandie (13,4 %), la Bretagne (14,1 %) ou la Bourgogne-Franche-Comté (15,5 %) que dans une région plus urbanisée comme Provence-Alpes-Côte d’Azur (23,2 %).

Selon l’OFII environ 15 % des places du DNA sont aujourd’hui situées en zone rurale ([43]). Cette proportion significative s’explique par l’ancienneté relative des premières implantations et par la création récente de nombreuses places. L’accueil de demandeurs d’asile dans les territoires ruraux n’est pas apparu en 2021 avec le déploiement de l’orientation directive. Des centres ont été créés avant cette date. Lors de leurs auditions, les rapporteurs spéciaux ont ainsi entendu M. Pierre Coutaud, maire de Peyrelevade (800 habitants, Corrèze) à l’origine de la création d’un CADA dans sa commune en 2015. Ils ont également recueilli le témoignage de M. Régis Blanchet, maire de Buzançais (4 500 habitants, Indre) ayant connu l’ouverture d’un CADA sur sa commune en 2016.

Ces deux élus locaux ont mentionné les aspects positifs de la présence de ces structures sur leur territoire. Après certaines réticences initiales, les CADA se sont fondus dans le paysage et participent à l’activité et à la vie locales. À Peyrelevade, le CADA a été aménagé dans le cadre d’un projet de reconversion des locaux d’un EHPAD désaffecté appartenant à la commune. Le bâtiment est demeuré propriété de la ville et les deux tiers de la surface ont été affectés à un CADA qui verse un loyer à la commune. Le tiers restant a été aménagé en salle des fêtes et en logements passerelles. Selon M. Coutaud, « sans le CADA, il n’y aurait pas eu de salle des fêtes ». L’accueil de familles de demandeurs d’asile s’est également accompagné de la scolarisation d’enfants supplémentaires ce qui, selon le maire, a permis à l’école du village de passer de 50 à plus de 60 élèves et a contribué à maintenir une classe. Enfin, et comme la direction générale des collectivités territoriales l’a confirmé aux rapporteurs spéciaux, les demandeurs d’asile rentrent dans le calcul de la population ce qui, selon M. Coutaud, a pu avoir une incidence sur les dotations perçues par la commune.

Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux, M. Régis Blanchet a indiqué que « l’implantation de ce Cada a permis à Buzançais de maintenir des classes qui auraient pu être menacées de fermeture » et qu’« au niveau sportif, les enfants viennent gonfler les effectifs » ([44]).

Lors de son audition, l’association Forum réfugiés a confirmé ces éléments et a indiqué que « des maires sont venus nous chercher » pour favoriser l’accueil de CADA dans leur commune afin de favoriser le maintien de classes ([45]).

Si ces éléments n’occultent pas les tensions, parfois vives (cf. infra), susceptibles d’apparaître lors d’un projet d’installation d’un CADA ou d’un HUDA en zone rurale, ils permettent de les mettre en perspective au regard de l’intérêt représenté par ces établissements pour la vie économique et sociale des communes rurales.

3.   Sur la période 2021-2022, plus de 6 demandeurs d’asile sur 10 ont accepté l’orientation directive qui leur était proposée et ont rejoint leur lieu d’hébergement

Le bon fonctionnement de l’orientation directive s’apprécie également au regard de la proportion importante de demandeurs d’asile acceptant la proposition qui leur est formulée puis se présentent ensuite sur le lieu d’hébergement désigné. Sur la période 2021-2022, plus de 6 demandeurs d’asile sur 10 ont accepté l’orientation directive qui leur était proposée et ont rejoint leur lieu d’hébergement. Le taux de refus moyen observé en GUDA est inférieur à 25 % et le taux moyen de non-présentation en CAES avoisine 15 %.

a.   Les taux de refus en guichet unique et de non-présentation en CAES

i.   Le taux de refus en guichet unique

Le taux moyen de refus d’orientation directive en GUDA est inférieur à 25 % mais cette proportion est hétérogène selon les départements franciliens.

Le taux moyen de refus d’orientation directive en guichet unique s’est élevé à 17,8 % en 2021 et à 29,1 % en 2022, soit une proportion moyenne inférieure à 25 % sur ces deux années ([46]).

2021-2023 (janvier) - évolution du taux de refus en guichet unique
pour demandeurs d’asile

 

Taux de refus en GUDA

2021

17,8 %

Trimestre 1

11,4 %

Trimestre 2

16,3 %

Trimestre 3

15,5 %

Trimestre 4

24 %

2022

29,1 %

Trimestre 1

26,7 %

Trimestre 2

28,9 %

Trimestre 3

32,8 %

Trimestre 4

27 %

2023

 

Janvier

28 %

Total

24,9 %

Source : ministère de l’intérieur

La hausse du taux de refus observée en 2022 s’explique par la forte progression des demandes d’asile présentées par des ressortissants turcs et bangladais qui figurent parmi les nationalités refusant le plus les propositions d’orientation directive (cf. infra).

Si en 2021, 6 231 demandes d’asile bangladaises et 4 987 demandes turques ont été enregistrées en France en guichet unique, ces chiffres se sont élevés à 10 554 demandes pour les Bangladais et à 9 979 demandes pour les Turcs en 2022, en progression de 69,4 % et de 100,1 % ([47]). La très forte concentration en Île-de-France des demandes d’asile déposées par les Bangladais et les Turcs renforce ce phénomène. Ainsi, en 2022, selon les éléments communiqués par la préfecture de police de Paris, 93 % des demandes d’asile bangladaises et 48 % des demandes d’asile turques enregistrées dans les GUDA métropolitains ont été enregistrées en Île-de-France.

Le taux de refus de l’orientation directive est très hétérogène selon les départements franciliens.

Taux de refus observé en 2022 dans chacun des 8 guda franciliens

GUDA franciliens

Taux de refus

GUDA 75

19,8 %

GUDA 94

27,2 %

GUDA 91

27,6 %

GUDA 78

29,8 %

GUDA 77

31,4 %

GUDA 95

37,9 %

GUDA 92

43,3 %

GUDA 93

47,8 %

Source : OFII.

Le taux de refus observé dans le GUDA de Seine-Saint-Denis est ainsi plus de deux fois supérieur à celui observé dans le GUDA de Paris ce qui s’explique également par la forte présence de demandeurs d’asile bangladais et turcs en Seine-Saint-Denis. Sur ce point, l’OFII a fait observer qu’en 2022 « la nationalité bangladaise a été la première des nationalités représentée sur ce département durant 9 mois sur 12 en 2022 […] [et que] les Turcs […] étaient la première nationalité sur le GU93 sur les 3 autres mois de l’année 2022 » ([48]).

ii.   Le taux de non-présentation en CAES

En deux ans, 36 106 demandeurs d’asile ont accepté une proposition d’orientation directive formulée par l’OFII en GUDA et 30 402 ont rejoint leur lieu d’hébergement.


2021-2022 - évolution du taux de non-présentation en CAES
après acceptation de l’orientation directive en guichet unique

 

Taux de non-présentation en CAES

2021

14 %

Trimestre 1

22 %

Trimestre 2

18 %

Trimestre 3

14 %

Trimestre 4

16,5 %

2022

14,7 %

Trimestre 1

18,5 %

Trimestre 2

15,3 %

Trimestre 3

14 %

Trimestre 4

11,6 %

Source : ministère de l’intérieur.

Selon les éléments transmis par l’OFII :

    En 2021, 2 850 personnes ne se sont pas présentées dans leur territoire d’affectation ;

    En 2022, 2 854 personnes ne se sont pas présentées dans leur territoire d’affectation,

Le taux de non-présentation avoisine 15 %.

Les rapporteurs spéciaux observent que le taux de non-présentation est calculé au moment de l’arrivée en CAES (au jour 1). Afin de disposer d’une mesure plus fine, ils ont interrogé l’OFII pour connaître le taux de présentation au moment de la sortie du CAES (c’est-à-dire, en principe, au jour 30). L’OFII n’a pas pu fournir cette donnée ce qui est regrettable puisque, lors d’une visite dans un CAES en Moselle, il a été indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’en 2022, sur les 881 demandeurs d’asile orientés dans cette structure depuis Île-de-France, 662 se sont présentés au CAES mais 133 l’ont quittée sans prévenir durant la période d’accueil. Cette situation, qui se retrouve également, selon l’OFII, en CADA ou en HUDA, mériterait d’être mesurée afin de déterminer de manière objective la part des demandeurs d’asile qui acceptent l’orientation directive, se présentent bien dans l’hébergement mais n’y demeurent pas. Les données ainsi obtenues mériteraient d’être comparées au nombre de départs impromptus observés en CADA et en HUDA durant le séjour des demandeurs d’asile.

iii.   L’évolution du nombre de coupures des conditions matérielles d’accueil

Le refus d’une orientation directive et l’absence de présentation dans le lieu d’affectation sont susceptibles de motiver le refus ou l’interruption des conditions matérielles d’accueil. Les rapporteurs spéciaux ont souhaité connaître l’évolution du nombre de décisions de refus et d’interruption des CMA liées à la mise en œuvre de l’orientation directive. L’OFII a cependant indiqué que son système d’information ne permet pas de fournir ces données, ce qui est regrettable.

L’OFII a cependant pu communiquer des données relatives au nombre de refus et de cessation des conditions matérielles d’accueil notifiés en application des articles L. 551-15-2° (refus suite à une proposition d’hébergement) et L. 551-16-2° (cessation suite à un départ du lieu d’hébergement) du CESEDA sans qu’il soit cependant possible de savoir si l’hébergement concerné a été proposé dans le cadre d’une orientation locale ou d’une orientation directive. Le nombre de refus et de cessation des conditions matérielles d’accueil rattaché à ces motifs s’établit à 8 359 en 2021 et à 11 907 en 2022. La progression de ces décisions est réelle par rapport à 2019 et 2020 ou 2 583 et 2 645 refus ou cessation des conditions matérielles d’accueil avaient été recensés pour non-présentation, refus d’hébergement et abandon du lieu hébergement ou de résidence ([49]).

De manière logique et attendue, la mise en œuvre de l’orientation directive a donc eu pour effet d’accroître le nombre de décisions de refus ou de retrait des conditions matérielles d’accueil.

iv.   Tableau agrégé sur l’orientation directive

L’ensemble des éléments précités peuvent être agrégés dans le tableau synthétique suivant :

2021-2022 - Tableau synthétique sur l’orientation directive des demandeurs d’asile (hors exemptions) ([50])

 

2021

2022

Total 2021-2022

Nombre de propositions d’orientation directive formulées en GUDA

20 350

27 880

48 230

Nombre de propositions acceptées

16 728

19 378

36 106

Nombre de propositions refusées

3 622

8 502

12 124

Nombre d’absences de présentation en CAES

2 850

2 854

5 704

Nombre de présentations en CAES

13 878

16 524

30 402

Source : commission des finances.

b.   Des variations importantes constatées selon la nationalité des demandeurs d’asile et, de manière limitée, selon la zone géographique d’affectation

Sur la période 2021-2022, les rapporteurs spéciaux ont souhaité savoir si les taux de refus et d’acceptation de l’orientation directive et les taux de non-présentation en CAES étaient homogènes selon les nationalités des demandeurs d’asile et selon les territoires d’affectation. Les éléments fournis par l’OFII soulignent l’existence de fortes disparités selon les nationalités et des variations limitées selon les territoires.

i.   Des différences importantes selon la nationalité des demandeurs d’asile

Les éléments fournis par l’OFII soulignent l’existence de fortes disparités entre les nationalités.

S’agissant du taux de refus de l’orientation directive en guichet unique francilien :

    Les 3 nationalités présentant les plus forts taux de refus sont les suivantes :

– Turque : 64 %,

– Bangladaise : 60,9 %,

– Sri-Lankaise : 51,9 %.

    Les 3 nationalités présentant les plus faibles taux de refus sont les suivantes :

– Géorgienne (3,2 %),

– Afghane (3,5 %),

– Congolaise (R.D.) (7 %).

S’agissant du taux de non-présentation en CAES après acceptation d’une orientation directive en GUDA :

    Les 3 nationalités se présentant le moins au lieu d’hébergement prévu sont les suivantes :

– Turque : 60 %,

– Pakistanaise : 46 %,

– Bangladaise : 18 %.

    Les 3 nationalités se présentant le plus au lieu d’hébergement prévu sont les suivantes :

– Afghane : 97,3 % (taux de non-présentation : 2,7 %),

– Congolaise (R.D.) : 94,7 % (taux de non-présentation : 5,3 %),

– Guinéenne : 94 % (taux de non-présentation : 6 %).

Par ailleurs, comme plusieurs interlocuteurs l’ont souligné auprès des rapporteurs spéciaux, les nationalités refusant l’orientation directive sont peu présentes sur des campements. Dans sa réponse, la préfecture de la région Île-de-France souligne ainsi qu’en 2022, 54 % des hommes isolés présents sur les campements « étaient originaires d’Afghanistan » ([51]) et que les principales autres nationalités rencontrées (Soudanais, Guinéens, Éthiopiens, Ivoiriens, Érythréens, Maliens, Somaliens, etc.) représentent chacune moins de 10 % de la population observée sur les campements.

Les fortes singularités présentées par les demandeurs d’asile bangladais, turcs et sri-lankais en matière d’orientation directive, suggèrent que ces demandeurs d’asile sont accueillis par leur communauté, voire par des réseaux en Île-de-France. Ces considérations conduisent les rapporteurs à penser que cette migration semble reposer principalement sur des considérations économiques.

ii.   Des différences limitées selon la zone géographique d’affectation

Sur la période 2021-2022, les rapporteurs spéciaux ont souhaité savoir si la destination proposée aux demandeurs d’asile dans le cadre de l’orientation directive avait une incidence sur le taux d’acceptation des propositions et sur la proportion de non-présentation. Le système d’information de l’OFII ne permet cependant pas de répondre à cette double interrogation : seul le taux de non-présentation a pu être fourni au niveau régional (et non départemental). Il apparaît ainsi que :

    Les 3 régions d’affectation présentant le taux de non-présentation le plus élevé sont :

– Provence-Alpes-Côte d’Azur (23,2 %),

– les Pays de la Loire (19 %),

– Centre-Val-de-Loire (16 %).

    Les 3 régions d’affectation présentant le taux de non-présentation le plus faible sont :

– La Normandie (13,4 %),

– Grand-Est (14 %),

– Occitanie (14 %).

Les rapporteurs spéciaux soulignent la relative homogénéité de ce taux de non-présentation. Seule la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur se distingue par un taux nettement plus élevé que les autres régions.

Par ailleurs, et comme indiqué précédemment, les rapporteurs spéciaux soulignent l’absence de rejet des demandeurs d’asile pour une orientation vers les zones rurales.

B.   Les points de fragilitÉ et de tension

Le bon fonctionnement de l’orientation directive des demandeurs d’asile dépend, pour l’essentiel, de trois paramètres : l’évolution de la demande d’asile, l’évolution du DNA et l’évolution de la fluidité de ce même DNA. Certaines incertitudes affectent aujourd’hui ces paramètres et constituent autant de points de fragilité et de tension. Selon M. Mathieu Lefèvre, le bon fonctionnement de ce dispositif dépend également de l’acceptabilité de ces transferts pour les populations accueillantes.

Par ailleurs, une attention particulière doit être accordée à la situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive, à la question des élèves allophones et aux incidences éventuelles du récent dispositif des sas régionaux sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région.

1.   L’évolution de la demande d’asile : une demande d’asile soutenue et toujours concentrée en Île-de-France

a.   Une demande d’asile soutenue

L’évolution de la demande d’asile constitue une variable exogène de première importance : plus le nombre de demandes d’asile sera élevé, plus les demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive seront nombreux.

En 2021 et 2022, la politique d’orientation directive s’est déployée dans un contexte difficile marqué par les suites de l’épidémie de covid 19 puis par la reprise de la demande d’asile. En 2022, le nombre de demandes d’asile enregistrées en GUDA (156 103) a dépassé le pic historique de 2019 (151 283). Les premiers mois de l’année 2023 témoignent en revanche d’un certain ralentissement des flux. Si l’instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2023 indique que la demande d’asile devrait rester « particulièrement élevée cette année » ([52]), l’OFPRA a indiqué que « près de 37 000 demandes (réexamens inclus) ont été introduites […]  au cours de ce trimestre, soit une hausse de 25 % par rapport au premier trimestre 2022, mais une légère baisse (- 5 %) par rapport au dernier trimestre de la même année » ([53]). Le 23 mai 2023, lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a confirmé ce ralentissement.

Le nombre total de demandes attendues pour 2023 demeure encore incertain et comme M. Gautier Béranger, préfet délégué à l’immigration auprès du préfet de police de Paris, l’a rappelé lors de son audition, « la vraie difficulté c’est qu’on doit s’adapter en permanence à un flux qu’on ne maîtrise pas ».

b.   Une demande d’asile toujours concentrée en Île-de-France

La mise en œuvre de l’orientation directive n’est pas parvenue à remettre en cause la concentration du dépôt des demandes d’asile en Île-de-France. Selon les données transmises par le ministère de l’intérieur, cette région concentre toujours presque la moitié de l’enregistrement des demandes d’asile en GUDA.

2020-2022 - nombre des demandes d’asile enregistrÉes dans les GUDA en Île-de-France et proportion de ces demandes dans la demande d’asile nationale

Source : ministère de l’intérieur.

Selon M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, la permanence de la part élevée de la région Île-de-France dans l’enregistrement des demandes d’asile s’explique par le fait que « vue de l’étranger, la France, c’est Paris ». Quelles que soient les politiques mises en œuvre, la plaque francilienne demeure un fort pôle d’attraction.

Selon certaines personnes auditionnées, cette attractivité serait même involontairement entretenue par l’orientation directive. Ainsi, un demandeur d’asile désireux d’être hébergé dans le DNA aurait potentiellement plus de chances d’être hébergé en déposant sa demande d’asile en Île-de-France (afin d’être hébergé dans cette région ou, dans le cadre de l’orientation directive dans un autre territoire) qu’en déposant sa demande en région. Cette crainte repose notamment sur le fait que les places du DNA dans les territoires sont affectées en priorité aux demandeurs d’asile relevant de l’orientation directive.

Dans une publication récente, l’association Forum réfugiés a ainsi écrit qu’« on peut craindre que, constatant la difficulté d’être orientés dans un hébergement dans les métropoles régionales, les demandeurs d’asile se concentrent en Île-de-France, quitte à vivre dans l’attente en campement, afin d’être orientés rapidement vers un CAES dans une autre région » ([54]). L’OFII a également observé que « l’effet induit redouté serait qu’implicitement [l’orientation directive] encourage un demandeur de province à demander l’asile en IDF pour obtenir plus facilement un hébergement du fait du nombre de places d’hébergement préempté pour l’orientation directive en région » ([55]). D’une certaine façon, et comme M. Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés, l’a déclaré lors de son audition, « avec l’orientation directive, on desserre l’Île-de-France mais on risque de resserrer la situation dans les grandes métropoles ».

Les rapporteurs spéciaux ne disposent pas d’éléments permettant de confirmer ou d’infirmer cette crainte. Les données réunies sont ambivalentes. Ainsi, si l’orientation directive conduisait à renforcer l’attractivité de la région Île-de-France, le nombre de demandes déposées en GUDA dans les territoires serait en baisse mais si tel est par exemple le cas dans le Rhône et en Moselle ([56]), il n’en va pas de même dans le Maine-et-Loire (où la demande est restée stable) et en Côte-d’Or (où elle a crû) ([57]).

Sur ce point, des études complémentaires sont nécessaires.

2.   L’évolution du DNA : la poursuite souhaitable mais difficile de l’accroissement de la capacité d’accueil et de l’adaptation de sa composition à la sociologie des personnes accueillies

Le bon fonctionnement de l’orientation directive suppose de poursuivre l’accroissement de la capacité d’accueil du DNA et l’adaptation de ce dispositif à la sociologie des personnes accueillies mais cette évolution souhaitable se heurte à des difficultés croissantes.

a.   La poursuite de l’accroissement de la capacité d’accueil du DNA est souhaitable mais de plus en plus difficile à réaliser

La poursuite de l’accroissement de la capacité d’accueil du DNA est souhaitable pour répondre à la hausse renouvelée de la demande d’asile.

De 2020 à fin 2023, 8 500 places supplémentaires devraient être créées dans le DNA métropolitain et la poursuite de cette orientation est nécessaire à compter de 2024. Les rapporteurs spéciaux constatent cependant que l’ouverture de nouvelles places se heurte à des difficultés croissantes. Dans certains territoires, comme dans le Rhône, les tensions observées s’expliquent par la faible disponibilité du foncier. Dans d’autres départements, ces tensions tiennent à la rareté du bâti. Lors de son audition, Forum réfugiés a indiqué avoir « épuisé le gisement des anciens EHPAD et des anciennes casernes de gendarmerie ». Enfin, des tensions politiques croissantes sont observées, notamment dans l’ouest de la France.

L’installation d’une structure d’accueil pour demandeurs d’asile dans des territoires peu habitués à recevoir ce public suscite régulièrement des interrogations et des inquiétudes qu’il ne faut en aucun cas mésestimer, bien qu’elles ne soient pas nouvelles. Ainsi, et comme le rappelle un article récent, des « villages des Alpes-de-Haute-Provence ou du Var ont annulé leur fête nationale du 13 juillet, respectivement en 2016 à Champtercier et en 2018 à Châteaudouble, pour protester contre l’arrivée de migrants » ([58]). De la même façon, comme l’a rappelé M. Blanchet, maire de Buzançais, « au mois d’octobre 2015, le conseil municipal de Buzançais et l’association des maires de l’Indre avaient émis à l’unanimité un avis défavorable [contre l’installation du CADA] ».

Plus récemment, la question de l’installation ou du déplacement d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile a fait l’objet d’une instrumentalisation politique ayant conduit à des menaces et des violences physiques ou verbales inacceptables contre, notamment, des élus locaux. Le 16 mars 2023, les rapporteurs spéciaux ont pris contact avec deux maires confrontés à des tensions de ce type : M. Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique, 13 500 habitants) et M. Laurent Laroche, maire de Bélâbre (Indre, 1 000 habitants) et les ont auditionnés le 4 avril 2023. Les intéressés ont exposé la nature des tensions observées et la manière dont certains groupuscules politiques extérieurs à ces communes se saisissent de la question de l’accueil des demandeurs d’asile pour promouvoir des idées xénophobes. Ces comportements ont pu conduire certains individus à commettre des débordements verbaux ou physiques inacceptables. Des tracts injurieux ont été distribués (jusque, à Saint-Brevin-les-Pins, selon M. Morez, dans les cartables des écoliers) et le 22 mars 2023, un incendie d’origine criminelle a été perpétré contre les véhicules de M. Morez et son domicile a été touché par les flammes.

Lors de leur audition respective, M. Stéphane Rouvé, préfet des Côtes-d’Armor, M. Étienne Desplanques, préfet de Corrèze, et les responsables de l’association Viltaïs ont également évoqué les tensions observées lors de projets intéressant l’accueil de bénéficiaires de la protection internationale à Callac (Côtes-d’Armor) ([59]), de demandeurs d’asile à Beyssenac (Corrèze) et à Belâbre (Indre). À la suite d’une réunion publique organisée à Beyssenac, l’association Viltaïs a indiqué avoir reçu une quinzaine de messages électroniques et appels malveillants la conduisant, pour la première fois, à déposer une main courante.

Dans certains territoires, cette instrumentalisation politique et les débordements qui l’accompagnent transforment la question de l’accueil des demandeurs d’asile en un problème d’ordre public.

Sur ce point, les rapporteurs spéciaux soulignent l’importance de l’engagement de l’État aux côtés des acteurs de l’orientation directive. À ce titre, ils louent l’initiative de M. Étienne Desplanques, préfet de Corrèze, qui a organisé le 16 mars 2023 une réunion d’information publique à destination des habitants de Beyssenac et des communes avoisinantes. Au préalable, une lettre assortie d’une « foire aux questions » de six pages avait été adressée à la population. Ce document comprend 23 réponses à des interrogations diverses : qu’est-ce qu’un CADA ? Qu’en est-il de la scolarisation des enfants ? Comment est organisée l’alimentation des personnes ? Que font les personnes de leurs journées ? Est-ce que les troubles à l’ordre public seront plus nombreux avec la présence d’un CADA ? Quel impact économique pour le territoire ?

Outre son caractère pédagogique, ce type d’initiative témoigne de l’intérêt de l’accompagnement de l’État aux côtés des acteurs (élus locaux comme opérateurs) de l’orientation directive ([60]). D’une manière générale, les rapporteurs spéciaux considèrent que l’État doit se tenir aux côtés des élus locaux pour faire face à toute tentative d’instrumentalisation des questions migratoires. M. Mathieu Lefèvre souligne que les élus qui souhaitent procéder à ce type d’implantation doivent être accompagnés dans cette démarche et rappelle qu’en aucun cas il ne s’agit d’une démarche arbitraire de la part de l’État.

b.   La question de l’adaptation du DNA à la sociologie des personnes accueillies se pose

La question de l’adaptation du DNA à la sociologie des personnes accueilles se pose au regard de la vacance et de l’indisponibilité de certaines places et de la nécessité d’affiner la régulation infra-régionale.

i.   La question de la vacance et de l’indisponibilité de certaines places

Le compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 12 juillet 2021 relève une vacance significative de places dans le DNA. Ainsi, « l’OFII dénombre 3 000 unités d’hébergement vacantes, soit 5 500 personnes. 71 % de ces places sont destinées à héberger des familles ».

Le compte rendu du comité stratégique du SNADAR du 21 juin 2022 fait également état « d’une proportion notable de places du DNA non mobilisables pour pouvoir y orienter des demandeurs d’asile ». « Différents facteurs ont été identifiés parmi lesquels l’indisponibilité durable de places due par exemple à des travaux et une vacance frictionnelle liée à des enjeux d’appariement et de délais d’orientation. L’OFII indique que sur les 110 000 places du DNA, 6 396 apparaissent indisponibles (chiffre de mai 2022), soit environ 6 % du parc » ([61]). Cette situation pose notamment la question de la différence entre la nature des places existantes (régulièrement conçues pour recevoir des familles) et la sociologie des demandeurs d’asile accueillis notamment dans le cadre de l’orientation directive (61,8 % d’hommes isolés, 27,1 % de familles et 11,1 % de femmes isolées).

En août 2022, 7 % des places du DNA étaient indisponibles et 3 % étaient vacantes, soit 10 % de places inoccupées. Un plan d’action contre l’indisponibilité et la vacance de places a été lancé par la DGEF et l’OFII et a permis d’améliorer la situation ([62]). En février 2023, la proportion des places indisponibles a été abaissée à 4,7 % et celle des places vacantes a été réduite à 2 %. L’instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 demande aux préfets de « ramener le taux d’indisponibilité des places financées sous le seuil de 3 % d’ici la fin du premier semestre » et rappelle qu’une procédure de sanction financière devra, dans certains cas, être engagée contre les opérateurs concernés ([63]).

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette situation et de l’amélioration récemment observée.

ii.   La nécessité d’affiner la régulation infrarégionale

Plusieurs personnes auditionnées ont souligné que l’orientation directive pose la question de la régulation infrarégionale du DNA.

Un demandeur d’asile orienté dans le CAES d’un département doit pouvoir être orienté en sortie vers un HUDA ou un CADA d’un autre département de la même région. Ainsi, un demandeur d’asile orienté de Paris vers Lyon doit pouvoir être orienté vers un des départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes où la tension sur l’hébergement est moins forte que dans le Rhône ([64]).

En pratique, ces mouvements sont possibles et sont réalisés par les directions territoriales de l’OFII en lien avec les préfectures. Cependant, leur mise en œuvre est complexe et plusieurs interlocuteurs ont souligné l’intérêt d’intégrer au SNADAR les tensions existant en termes d’hébergement et de logement dans les grandes métropoles.

3.   L’évolution de la fluidité : l’accroissement des taux de présence indue affecte la nécessaire fluidité du DNA

Le bon fonctionnement de l’orientation directive est altéré par l’accroissement du taux de présence indue au sein du DNA.

i.   Une présence indue en accroissement

Les articles L. 551-11, L. 551-12 et L. 551-14 du CESEDA prévoient les conditions dans lesquelles la fin de l’hébergement des demandeurs d’asile s’opère après le rejet ou l’admission de leur demande d’asile. L’article R. 552-13 de ce même code prévoit également qu’une personne hébergée dans le DNA peut solliciter son maintien dans ce lieu d’hébergement au-delà de la date de décision de sortie prise par l’OFII :

– dans la limite d’une durée de trois mois à compter de la date de fin de prise en charge lorsqu’elle s’est vue reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; cette durée de trois mois étant prolongeable pour une durée maximale de trois mois supplémentaires avec l’accord de l’OFII,

– pour une durée maximale d’un mois à compter de la fin de prise en charge dans les autres cas (personnes déboutées de leur demande d’asile).

Au-delà de ces durées, les personnes concernées se trouvent en situation de présence indue.

Le SNADAR détermine un objectif cible de présence indue de 4 % pour les bénéficiaires de la protection internationale et de 3 % pour les personnes déboutées, soit 7 % au total ([65]). Cet objectif est également rappelé par l’information n° INTV2204885J du 14 février 2022 relative à la gestion du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2022 et par l’instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023.

À ce jour, cet objectif n’est pas respecté. En décembre 2022, la proportion des places occupées par des personnes en présence indue s’élevait à 21,3 % (12,5 % de bénéficiaires de la protection internationale et 8,3 % de déboutés) ([66]). Dans le DNA, moins de 8 places sur 10 sont occupées par des personnes autorisées.

Si les rapporteurs spéciaux ne disposent pas de statistiques sur l’évolution récente de ce taux sur l’ensemble de la France, plusieurs indicateurs suggèrent que celui-ci s’est dégradé. L’OFII a ainsi fourni une évolution de ce taux entre 2019 et 2022 pour 7 départements : la Corrèze, la Côte-d’Or, les Côtes-d’Armor, le Rhône, l’Essonne, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Dans ces départements, la proportion des personnes en présence indue a sensiblement progressé entre 2019 et 2022.

Évolution entre 2019-2022 du taux de présence indue
dans le DNA dans plusieurs départements

Départements

BPI en présence indue

Déboutés en présence indue

2019

2022

2019

2022

Corrèze

0,8 %

7,2 %

1,1 %

2,3 %

Côte-d’Or

6,0 %

12,4 %

5,8 %

7,3 %

Côtes-d’Armor

1,6 %

11,7 %

5,0 %

6,0 %

Rhône

9,4 %

14,4 %

8,7 %

13,3 %

Essonne

4,7 %

27,2 %

3,7 %

7,4 %

Seine-Saint-Denis

12,4 %

16,1 %

4,3 %

5,5 %

Val-de-Marne

14,9 %

26,6 %

5,3 %

10,4 %

Source : OFII.

Les éléments recueillis par les rapporteurs spéciaux lors de leurs auditions et déplacements confirment cette impression. À Metz, le CADA visité accueille 40 % de personnes en présence indue (majoritairement des déboutés) et, selon la responsable de site, « certains [demandeurs d’asile] passent plus de temps dans le CADA en présence indue qu’en présence régulière ». Dans le Maine et Loire, le taux de présence indue est supérieur à 30 % (19,4 % de bénéficiaires de la protection internationale et 11,1 % de déboutés).

L’OFII a confirmé ce sentiment en indiquant qu’« on observe une augmentation très forte de la présence des bénéficiaires de la protection internationale (BPI) qui ne peuvent quitter dans un délai raisonnable le DNA. […] Il est indispensable de faire de la place aux nouveaux demandeurs d’asile au risque de gripper à court terme le mécanisme de l’orientation directive » ([67]).

ii.   Les différents facteurs de cet accroissement

Plusieurs facteurs expliquent le fort accroissement du taux de présence indue : la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, les tensions observées en matière d’éloignement, les difficultés de sortie vers le logement et les difficultés d’emploi du référé mesures utiles.

La réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a paradoxalement pour effet d’accroître le taux de présence indue dans le DNA. En 2022, le délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA s’est établi à 159 jours contre 262 jours en 2020 ([68]). En 2022, le délai moyen constaté de traitement des affaires en procédure normale relevant de la CNDA s’est établi à 7 mois et 5 jours en amélioration d’un peu plus d’un mois par rapport à 2021 ([69]). En étant fixés plus rapidement sur leur requête, les demandeurs d’asile sont en principe tenus de quitter leur hébergement plus précocement qu’auparavant.

Les tensions observées en matière d’éloignement et de transfert des déboutés contribuent à accroître le taux de présence indue dans le DNA. Si, selon Eurostat, la France a réalisé 2,5 fois plus de transferts Dublin en 2022 (3 311) qu’en 2016 (1293) ([70]), cette progression ne suffit pas à faire sortir du DNA l’ensemble des Dublinés en présence indue. À ce titre, et pour tenir compte du bon fonctionnement des pôles régionaux Dublin, la DGEF a décidé de plafonner à 30 % la part des Dublinés dans l’orientation directive ([71]).

Les difficultés de sortie des bénéficiaires de la protection internationale vers le logement expliquent également, de manière importante, cet accroissement du taux de présence indue. Le nombre de sorties effectives vers le logement des intéressés progresse mais ne suffit pas à atteindre les objectifs fixés.

2019-2022 - objectifs et résultats de l’accès au logement
des bénéficiaires de la protection internationale ([72])

2019

2020

2021

2022

2023

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Objectif local([73])

13 361

8 001

8 200

9 255

13 000

12 534

14 767

12 236

 

Mobilité nationale

1 000

238

1 000

192

1 000

262

1 000

296

 

Réinstallation

1 639

1 219

800

371

-

315

1 233

691

 

Total de logements

16 000

9 458

10 000

9 818

14 000

13 111

17 000

13 223

17 000

Total de personnes

 

20 269

 

18 006

 

24 177

 

26 416

 

Source : Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL).

Les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux ont illustré ces difficultés, y compris, parfois, dans les territoires ruraux. En 2022, sur les 30 sorties de ménages enregistrées au CADA de Buzançais (Indre), 3 se sont faites vers un logement social (les autres sorties se faisant principalement vers des solutions d’hébergement personnel, des centres provisoires d’hébergement ou vers l’hébergement d’urgence).

À Metz, les responsables du CADA d’Adoma ont expliqué les difficultés rencontrées par les tensions sur le logement social, par :

- une offre de logement parfois inadaptée (il y aurait peu de studios dans le logement social alors que la majorité des demandeurs d’asile sont des personnes isolées),

- la difficulté à constituer des dossiers répondant aux critères des bailleurs sociaux ([74]).

Le déploiement progressif sur l’ensemble du territoire du programme Agir (26 départements fin 2022, 26 autres départements au premier semestre 2023) appelé à proposer un accompagnement individualisé, notamment social, aux bénéficiaires de la protection internationale, vise à permettre d’améliorer cette situation.

Enfin, les difficultés d’emploi du référé conservatoire (ou mesures utiles) contribuent à expliquer l’accroissement du taux de présence indue dans le DNA. Ce référé (qui permet d’enjoindre les personnes déboutées en présence indue de quitter un hébergement) peine à être mis en œuvre. La préfecture de Moselle a ainsi expliqué les faibles résultats obtenus par ce biais. Si les mises en demeure auxquelles elle procède sont régulières, la préfecture ne saisit le tribunal administratif que pour solliciter la sortie forcée du DNA de personnes isolées non vulnérables et, même dans cette hypothèse, le juge n’accorde pas toujours le concours de la force publique et, quand il l’accorde, celle-ci n’est pas toujours disponible. Enfin, le champ de ce référé est plus réduit pour les bénéficiaires de la protection internationale que pour les déboutés.

En dépit des difficultés d’emploi de ce dispositif, la DGEF a récemment invité les préfectures à se saisir pleinement de cet outil dont la mise en œuvre fera l’objet d’un suivi désormais mensuel ([75]).

La conjonction de ces facteurs explique le fort accroissement du taux de présence indue qui, s’il se confirme, constitue un goulot d’étranglement susceptible de compromettre le bon fonctionnement de l’orientation directive des demandeurs d’asile. Si le DNA est insuffisamment fluide, les entrées seront moins nombreuses ce qui, nécessairement, grippera le dispositif.

4.   Une attention particulière doit être accordée à la situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive, à la question des élèves allophones et aux incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région

Les rapporteurs spéciaux appellent l’attention des autorités sur la nécessaire attention devant être portée à la situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive, à la question des élèves allophones et aux incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région.

a.   La situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive

Lors de leurs auditions et déplacements, les rapporteurs spéciaux ont observé que des demandeurs d’asile orientés depuis l’Île-de-France souffraient de problèmes parasitaires.

Dans le CAES de Metz, sur les 101 problèmes parasitaires identifiés en 2022 auprès de la population accueillie, 100 concernaient des demandeurs d’asile orientés depuis l’Île-de-France, soit près de 15 % des personnes orientées de cette région vers le CAES. Des problèmes parasitaires similaires ont été portés à la connaissance des rapporteurs spéciaux dans les Côtes-d’Armor, dans le Rhône, à Besançon et en Meurthe-et-Moselle.

Dans ces différents territoires, les publics concernés par ces problèmes parasitaires étaient très souvent composés de jeunes hommes isolés de nationalité afghane ayant précédemment séjourné dans des campements informels en Île-de-France.

Ces difficultés sont traitées au niveau local. En Moselle, le CAES organise le passage régulier d’un médecin de ville. À Besançon, la permanence d’accès aux soins de santé du centre hospitalier a mis en place avec la Croix-Rouge une permanence au sein du CAES. Un opérateur a indiqué qu’une agence régionale de santé avait fait suspendre toute nouvelle arrivée dans un CAES pendant 3 semaines afin d’enrayer un foyer épidémique. La DGEF a indiqué suivre cette question avec attention en lien avec son médecin-conseil et les agences régionales de santé.

Mme Stella Dupont souligne le risque en matière de santé publique par contamination lorsque les demandeurs d’asile concernés sont orientés en région en utilisant les transports en commun, notamment sur de longues distances. Les rapporteurs spéciaux invitent la DGEF à solliciter une expertise sur ce sujet et à analyser les modalités et le coût éventuel de la prise en charge des soins par les CAES.

b.   La question des élèves allophones

L’orientation directive a pour effet d’organiser le déplacement dans des territoires, notamment ruraux, de familles de demandeurs d’asile comprenant des enfants en âge d’être scolarisés. Cette situation a une incidence sur le nombre d’élèves allophones dans ces départements et sur les effectifs enseignants spécialisés.

Les rapporteurs spéciaux ont ainsi interrogé le rectorat de Limoges pour connaître l’évolution du nombre d’élèves allophones en Corrèze entre 2019 (soit avant le début de l’orientation directive) et 2022 (à l’issue des deux premières années de l’orientation directive).

2019 – 2022 - Évolution du nombre d’ÉlÈves allophones nouvellement arrivÉs (EANA) dans les Établissements d’enseignement du 1er et 2nd degrÉs
de la CorrÈze pour les annÈes

 

2019

2021

2022

Nombre d’EANA

161

171

220 (dont 34 Ukrainiens)

Pays

Albanie – Angleterre - Arabie saoudite

Bangladesh – Belgique - Bulgarie

Côte d’Ivoire – Égypte - Espagne

Guinée – Hollande – Inde - Italie

Japon – Mali – Maroc – Pakistan

Portugal – Roumanie – Russie - Serbie

Soudan – Syrie – Tunisie - Uruguay

Afghanistan – Angleterre – Algérie Bangladesh – Cameroun - Côte d’Ivoire Égypte - Espagne – Géorgie - Guinée – Hongrie – Italie - Mali – Maroc – Pakistan

Portugal – RDC – Sénégal – Soudan - Syrie Thaïlande - Tunisie

Albanie – Afghanistan - Algérie - Angleterre - Arménie

Bangladesh – Bolivie - Cameroun

Côte d’Ivoire – Égypte – Espagne – Gambie - Géorgie - Guinée – Hollande Italie – Liban - Mali – Maroc – Nouvelle Zélande – Pakistan – Pays-Bas –Portugal – RDC – Roumanie - Rwanda

Sénégal - Sierra Léone – Syrie – Turquie - Ukraine

Adaptation des effectifs des enseignants concernés.

3 enseignants supplémentaires subventionnés par le FSE (accueil de 15 EANA supplémentaires)

6 enseignants (3 enseignants supplémentaires de plus qu’en 2019) subventionnés par le FSE (accueil de 30 EANA supplémentaires)

Maintien de l’adaptation des effectifs des enseignants 2021 sur 2022 soit 6 enseignants.

Source : rectorat de Limoges.

Ce tableau illustre le lien existant entre l’orientation directive des demandeurs d’asile et le nombre et la composition du public d’élèves allophones. Entre 2019 et 2022 le département de la Corrèze :

– A accueilli (hors élèves ukrainiens) 10 % d’élèves allophones supplémentaires ;

– A accueilli des élèves de nationalité afghane, congolaise (RDC) ou géorgienne qu’il n’accueillait pas précédemment ;

– A obtenu 3 enseignants spécialisés supplémentaires à ce titre.

Ces éléments sont intéressants puisqu’ils témoignent de l’incidence directe de l’orientation directive des demandeurs d’asile sur la prise en charge par l’Éducation nationale des élèves allophones en Corrèze. Une étude plus large, à l’échelle d’un plus grand nombre de départements, mériterait d’être conduite afin d’objectiver ce fait sur l’ensemble du territoire. Il est cependant probable que ces premières conclusions soient confirmées.

Ces éléments plaident pour que le ministère de l’Éducation nationale soit associé à l’élaboration du prochain schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés. À l’heure actuelle, en application de l’article L. 511-1 du CESEDA, le SNADAR est publié par « arrêté par le ministre chargé de l’asile, après avis des ministres chargés du logement et des affaires sociales », sans consultation du ministre de l’Éducation nationale. Les rapporteurs plaident pour que ce dernier y soit associé.

c.   Les incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région

L’orientation directive des demandeurs d’asile a permis de réduire, mais pas de supprimer, le nombre de campements insalubres recensés en Île-de-France. Pour ce motif, le Gouvernement a mis en place au printemps 2023 des « sas régionaux » susceptibles d’avoir une incidence indirecte sur le nombre de demandeurs d’asile hébergés dans le DNA en région ([76]).

En réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux, la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) a indiqué que « dans un contexte de forte saturation des capacités de prise en charge dans l’hébergement d’urgence et dans le DNA en Ile-de-France, des opérations de mise à l’abri étaient ponctuellement organisées avec une orientation vers un hébergement en dehors du territoire francilien. Organisées pour répondre à des situations de détresse urgente, ces opérations impliquaient une mobilisation forte des services déconcentrés dans des délais courts, sans permettre une prise en charge harmonisée des personnes une fois arrivées dans les territoires. La mise en place de SAS régionaux répond à ce contexte de saturation de l’Ile-de-France, en proposant un dispositif organisé qui vise à :

 Assurer une meilleure prise en charge des publics orientés en région […] ;

 Permettre une meilleure visibilité sur le calendrier des opérations […] ;

 Assurer un véritable traitement des situations des personnes » ([77]).

À cet effet, 10 structures d’accueil régionales (dites « sas régionaux ») de 50 places par région ont été instituées dans le but d’accueillir 500 personnes pour une durée maximale de 3 semaines au terme de laquelle les intéressés seront, selon la DIHAL, « orientées vers une solution correspondant à leur situation administrative (DNA ou hébergement d’urgence, DPAR) ».

Le déploiement de ce dispositif est susceptible d’avoir une incidence sur le nombre de demandeurs d’asile accueillis dans le DNA en région. L’instruction n° IOMK2305900J du 13 mars 2023 indique ainsi que « les demandeurs d’asile et les personnes souhaitant demander l’asile seront orientées dans le dispositif national d’accueil » ([78]).

À Angers, le premier mouvement organisé dans le cadre des « sas régionaux » a conduit à la prise en charge de 48 personnes. Lors du déplacement de Mme Stella Dupont, la préfecture de Maine-et-Loire avait procédé à l’instruction des 38 premiers cas et, parmi ces personnes, 21 étaient des demandeurs d’asile en cours de procédure (12) ou des demandeurs d’asile en procédure Dublin (9). Parmi les intéressés, certains devaient être orientés dans le DNA local et se rajouter au flux des 50 demandeurs d’asile franciliens orientés chaque mois dans ce département dans le cadre de l’orientation directive. À l’inverse, en Moselle, le premier mouvement réalisé au titre des « sas régionaux » a peu concerné des demandeurs d’asile. Sur les 29 personnes arrivées dans ce département, aucune personne n’avait antérieurement déposé une demande d’asile ([79]).

La mise en œuvre du dispositif des « sas régionaux » est encore trop récente pour mesurer son effet sur le nombre de demandeurs d’asile en provenance d’Île-de-France susceptibles d’être concernés par une proposition d’hébergement dans le DNA en région. Il est cependant probable que la mise en œuvre du dispositif des « sas régionaux » ne soit pas neutre et ajoute aux contingents de demandeurs d’asile franciliens pris en charge dans les territoires au titre de l’orientation directive, d’autres demandeurs d’asile en provenance d’Île-de-France au risque de tendre la situation dans le DNA local.

Ces différents éléments constituent autant de points de fragilité et de tension susceptibles de porter, dans une certaine mesure, atteinte au bon fonctionnement de l’orientation directive et justifient certains aménagements pratiques ou juridiques de ce dispositif.


III.   Des ajustements à envisager

Après deux ans de fonctionnement, l’orientation directive des demandeurs d’asile présente un premier bilan d’étape favorable. S’il est trop tôt pour savoir si les objectifs fixés en 2020 seront complètement tenus à la fin de l’année 2023, les rapporteurs spéciaux formulent d’ores et déjà différentes recommandations pratiques et juridiques visant à améliorer la mise en œuvre de ce dispositif. Si certaines de ces recommandations sont communes aux rapporteurs spéciaux, d’autres sont propres à Mme Stella Dupont ou à M. Mathieu Lefèvre.

A.   Des ajustements pratiques limitÉs

Plusieurs propositions d’ajustements pratiques sont formulées à destination de la DGEF et de l’OFII.

1.   Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux

a.   Propositions intéressant la DGEF

Les propositions communes intéressant la DGEF visent à améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires concernés par un projet d’implantation d’un lieu d’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune, à lutter contre l’augmentation du taux de refus d’orientation directive, à solliciter une expertise sur la question du risque parasitaire et à affiner les outils d’évaluation de cette politique.

i.   Améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires concernés par un projet d’implantation d’un lieu d’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune

À l’heure actuelle, les appels à projets lancés par les préfectures pour l’ouverture de places dans le DNA ne prévoient pas systématiquement l’information des élus locaux (cf. supra). Si, en pratique, cette information est très régulière, elle devrait être systématique et constituer un des éléments de l’appréciation des projets présentés par les opérateurs.

La DGEF est invitée à sensibiliser les préfectures sur ce point.

Les services de l’État accompagnent de manière variable les élus locaux concernés par des projets d’implantation de lieux l’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune. Sur ce point également, les préfectures devraient participer à toute réunion publique organisée par les municipalités sur ce sujet, que ces municipalités soutiennent ou contestent un projet d’implantation d’un lieu d’hébergement des demandeurs d’asile. À ce titre, la récente participation du préfet de Corrèze à une réunion publique à Beyssenac doit servir d’exemple, tout comme la lettre et la « foire aux questions » adressées par l’intéressé à la population.

La DGEF est invitée à sensibiliser les préfectures sur ce point et à travailler sur des supports de communication susceptibles d’être utilisés lors de ces réunions publiques.

L’installation d’un lieu d’accueil des demandeurs d’asile dans les territoires suscite des tensions croissantes et a pu conduire à des débordements inacceptables. La DGEF est invitée, en lien avec les préfectures, à participer pleinement au fonctionnement du nouveau Centre d’analyse de lutte contre les atteintes faites aux élus dont la création a été annoncée le 17 mai 2023 par le Gouvernement. Les préfectures sont également invitées à faire connaître ce dispositif aux élus locaux concernés par ces agissements. Les rapporteurs insistent pour que ce Centre d’analyse accorde une attention toute particulière aux élus locaux concernés par l’installation de structures d’accueil de demandeurs d’asile sur le territoire de leur commune.

De nouvelles mesures pour protéger les élus locaux

Le 17 mai 2023, Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité a lancé un centre d’analyse et d’action contre les atteintes aux élus dont la mission est de mieux protéger les élus locaux et de comprendre le phénomène des violences faites aux élus. Ce centre pilotera le déploiement d’un « pack sécurité » chargé de renforcer la sécurité des élus :

• Création d’un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans la gendarmerie nationale et la police nationale sur tout le territoire afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces ou des violences dont ils font l’objet ;

• Renforcement du dispositif « Alarme élu » qui permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie pour bénéficier d’un traitement rapide de leurs appels au 17 et d’une vigilance renforcée de la part des forces de l’ordre ;

• Amplifier la démarche « d’aller-vers » des forces de l’ordre pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand ils le souhaitent et où ils le souhaitent ;

• Développer des nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et désescalade de la violence à l’attention des élus ;

 Mobiliser la plateforme PHAROS pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne.

Pour mieux comprendre le phénomène des atteintes aux élus, et donc mieux le prévenir à l’avenir, le centre va permettre de :

• Compiler les données disponibles, les analyser et comprendre le phénomène, notamment à travers la publication d’un rapport annuel ;

• Faire remonter systématiquement toutes les situations individuelles d’élus menacés ou faisant l’objet de violences et d’en faire un suivi précis.

Sur le plan judiciaire, le Gouvernement souhaite que les sanctions pénales pour les auteurs de violences faites aux élus puissent être renforcées. Pour cela, le Gouvernement souhaite que les sanctions pénales pour les auteurs de violences faites aux élus soient alignées sur celles faites aux personnels en uniforme (gendarmes, policiers, pompiers).

Source : Gouvernement, communiqué de presse du 22 mai 2023

Selon Mme Stella Dupont, l’État devrait construire pour les maires une boîte à outils qui recenserait toutes les bonnes pratiques constatées dans les territoires. Une formation des élus pourrait être co-construite avec l’Association des maires de France ou avec l’Union nationale des centres communaux d’action sociale afin d’accompagner l’installation des structures d’accueil de demandeurs d’asile et faciliter la constitution d’un réseau de maires.

ii.   Lutter contre les refus d’orientation directive

Le taux de refus opposé par des demandeurs d’asile aux propositions d’orientation directive a fortement crû entre 2021 (17,8 %) et 2022 (29,1 %) à la faveur notamment de la progression des demandes d’asile présentées par des ressortissants bangladais et turcs.

Une action d’information spécifique devrait être engagée pour favoriser la bonne compréhension de l’orientation directive dans les GUDA. À ce titre, les rapporteurs spéciaux invitent la DGEF et l’OFII à préparer des supports vidéo de communication appelés à être diffusés dans les GUDA afin de présenter les enjeux de l’orientation directive. Cette proposition complète la préconisation formulée par le représentant du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés lors de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 12 juillet 2021 où la DGEF a été invitée à « documenter des « success story » de demandeurs d’asile ou de réfugiés pour lesquels l’orientation régionale serait devenue un facteur d’intégration régionale » ([80]).

De la même façon, il serait souhaitable que les documents concernant l’orientation directive mis à disposition en GUDA soient traduits en turc et en bengali. Lors de leur déplacement au GUDA de Paris, les rapporteurs spéciaux ont noté effectivement que les documents concernant l’orientation directive sont traduits en anglais, arabe, dari, pashto et russe mais pas en turc, ou en bengali (alors que les documents sur l’allocation pour demandeur d’asile sont bien traduits dans ces deux dernières langues). Ce point mérite d’être corrigé. Si, lors de l’entretien avec un auditeur de l’OFII, un ressortissant turc ou bangladais bénéficie systématiquement d’une traduction, il serait utile qu’il puisse se renseigner en amont de cet échange. Ces éléments mériteraient également d’être mis en ligne sur le site de l’OFII.

iii.   Solliciter une expertise sur la question du risque parasitaire

Les rapporteurs spéciaux invitent la DGEF à solliciter une expertise sur la question du risque parasitaire et à analyser les modalités et le coût éventuel de la prise en charge des soins par les CAES.

iv.   Affiner les outils d’évaluation de l’orientation directive

Les rapporteurs spéciaux invitent la DGEF à engager une étude visant à suivre une cohorte de demandeurs d’asile ayant fait l’objet d’une orientation directive pour savoir si les intéressés restent dans les territoires d’affectation après l’issue, favorable ou défavorable, de leur demande d’asile.

Cet examen permettrait de savoir si l’affectation des intéressés dans ces territoires est durable ou non. Les rapporteurs spéciaux ont noté que, selon M. Coutaud, les universités de Limoges et de Bordeaux projetaient de travailler sur une thématique proche.

b.   Propositions intéressant l’OFII

Les propositions communes intéressant l’OFII visent à assouplir les conditions d’organisation du transport des demandeurs d’asile en région et à affiner les outils d’évaluation de l’orientation directive.

i.   Assouplir les conditions d’organisation du transport des demandeurs d’asile

Lors de son audition, la direction territoriale de l’OFII de Metz a indiqué qu’à leur sortie du CAES de Metz Poncelet, les demandeurs d’asile étaient affectés dans des CADA ou des HUDA de la région. Leur déplacement de Metz à ce nouveau lieu d’hébergement se fait sur la base d’un accord conclu entre l’OFII et la SNCF.

Dans certains cas, l’orientation d’un demandeur d’asile du CAES de Metz-Poncelet se fait vers des villes (comme Langres ou Châlons-en-Champagne) dont les conditions de desserte ferroviaire ne coïncident pas avec les besoins de l’OFII, ce qui conduit cet établissement à organiser un transit du demandeur d’asile concerné vers Paris. Autrement dit, le demandeur d’asile effectuera en train un trajet Metz - Paris puis un autre trajet en train Paris – Langres alors même que des liaisons par bus, bien moins onéreuses, existent au départ de Metz. Selon l’OFII, cette situation se retrouve également en Centre-Val-de-Loire en raison d’un maillage ferroviaire insuffisant.

Les rapporteurs spéciaux invitent l’OFII à recenser les situations concernées et à aménager leurs procédures d’achat pour répondre à ces cas de figure. L’accord conclu entre l’OFII et la SNCF ne doit pas, en pareilles circonstances, être exclusif et interdire des solutions de bon sens avec des autocaristes.

ii.   Affiner le suivi de l’orientation directive

À l’heure actuelle, l’OFII ne mesure pas deux éléments importants :

– Le taux de présence en sortie de CAES (seul le taux lors de l’accueil en CAES est mesuré) afin de comparer celui-ci au nombre de départs impromptus observés en CADA et en HUDA durant le séjour des demandeurs d’asile.

– Le nombre de coupure des conditions matérielles d’accueil pour refus d’orientation directive.

Les rapporteurs spéciaux invitent l’OFII à mesurer ces éléments (en adaptant si besoin son système d’information).

De la même façon, l’OFII est invité à compléter les informations, sur le DNA figurant dans son rapport d’activité.

2.   Les propositions propres à Mme Stella Dupont : étudier la possibilité d’imposer l’attribution d’un nombre de logements par commune en faveur des demandeurs d’asile, mesurer le taux de maintien en CADA en région, adapter l’algorithme utilisé par l’OFII et aménager l’implantation territoriale de l’OFII

Mme Stella Dupont formule à titre personnel trois propositions à destination de la DGEF et de l’OFII :

– Pour la DGEF : étudier la possibilité d’imposer l’attribution d’un nombre de logements par commune en faveur des demandeurs d’asile afin de favoriser l’accroissement du nombre de places de CADA en diffus ;

– Pour l’OFII : mesurer le taux de maintien en CADA en région ;

– Pour l’OFII : adapter l’algorithme utilisé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration pour que cet outil tienne compte de l’existence d’attaches particulières du demandeur d’asile dans la région d’affectation ;

– Pour l’OFII et la DGEF : aménager l’implantation territoriale de l’OFII pour tenir compte du déploiement de l’orientation directive. À l’heure actuelle, certaines régions concernées par l’orientation directive peuvent sembler sous-administrées. En Occitanie, deux directions territoriales (situées à Toulouse et Montpellier) interviennent ainsi sur 13 départements.

B.   Des ajustements juridiques d’ampleur variable

Les rapporteurs spéciaux préconisent différents ajustements juridiques d’ampleur variable.

1.   Les propositions communes aux rapporteurs spéciaux

Quatre recommandations juridiques sont formulées : associer le ministère de l’Éducation nationale à la préparation du SNADAR, poursuivre la création de places dans le DNA, aménager la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile et faciliter l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile dans les limites prévues par le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration.

a.   Associer le ministère de l’Éducation nationale à la préparation du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés

À l’heure actuelle, l’article L. 551-1 du CESEDA n’associe pas le ministère de l’Éducation nationale à la préparation du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés. Cette absence mériterait d’être corrigée au regard des effets de l’orientation directive sur l’organisation de l’enseignement en faveur des élèves allophones dans les territoires, notamment ruraux.

Le ministère de l’Éducation nationale aurait tout intérêt à être informé le plus en amont possible des orientations envisagées afin d’en tenir compte dans la programmation du nombre et de la répartition géographique des enseignants spécialisés.

Par ailleurs, toujours en matière éducative, les rapporteurs spéciaux relaient les observations formulées récemment par la Cour des comptes dans un rapport sur la scolarisation des élèves allophones ([81]).

Dans cette étude, la Cour a relevé qu’« en dépit des dispositions de la directive 2013/33/UE de l’Union européenne 23 systèmes éducatifs européens, dont ceux de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, ne prévoient pas de délai maximal au terme duquel les élèves allophones doivent être inscrits dans un établissement scolaire. Son article 14 impose pourtant que les demandeurs d’asile mineurs (allophones ou non) aient accès au système éducatif dans les trois mois suivant la date d’introduction de la demande de protection internationale dans le pays d’accueil. Il est ainsi très souhaitable de se fixer un objectif de délai maximal, en prévoyant le cas échéant des adaptations pour la Guyane et Mayotte ». La Cour a également relevé que « l’Italie utilise massivement le fonds européen Asile, Migration, Intégration (FAMI) pour financer ses efforts spécifiques vis-à-vis des jeunes migrants. Il est regrettable qu’[en France] le ministère chargé de l’éducation n’y ait pas recours, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées à la Cour ».

Une association du ministère de l’Éducation nationale à la définition, voire au suivi, de l’orientation directive des demandeurs d’asile pourrait inciter ce ministère à faciliter la satisfaction des recommandations de la Cour des comptes.

b.   Poursuivre la création de places dans le DNA et dans les CPH

La croissance récente de la capacité d’accueil du DNA constitue un élément essentiel du bon fonctionnement de l’orientation directive.

Cette évolution mérite d’être poursuivie afin de répondre aux flux renouvelés de demandes d’asile. La croissance des places en centres provisoires d’hébergement est également souhaitée afin de favoriser la fluidité du DNA.

c.   Aménager la loi SRU pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile

Les rapporteurs spéciaux sont favorables à un aménagement de l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile.

Cet article 55 (IV, 4°), codifié à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, définit les conditions dans lesquelles les places en CADA et en CPH constituent des logements locatifs sociaux retenus pour l’application du taux de logements sociaux imposé aux communes.

Les rapporteurs spéciaux observent que ni les CAES, ni les HUDA ne sont aujourd’hui pris en compte au titre des logements locatifs sociaux alors qu’ils présentent des caractéristiques proches de celles des CADA. Une évolution législative en ce sens serait souhaitable.

Récemment, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, la commission des lois du Sénat a adopté un article 19 ter intégrant les places destinées à l’accueil des demandeurs d’asile dans le décompte du taux de 20 % à 25 % de logements sociaux imposé aux communes. Si la rédaction de cet article peut être améliorée (elle vise notamment les CPH qui, selon les rapporteurs spéciaux, sont d’ores et déjà couverts par l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation), le principe posé est intéressant.

Les rapporteurs spéciaux observent également que le III de l’article R. 302-15 du code de la construction et de l’habitation retient des modalités peu favorables de prise en compte des places de CADA comme logement locatif social. Ainsi, cet article prévoit que « pour le décompte des logements en structures mentionnées au 4° du IV de l’article L. 302-5, dès lors que ces structures ne sont pas constituées de logements autonomes, le nombre de logements équivalents est obtenu en retenant la partie entière issue du calcul effectué à raison d’un logement pour trois lits de logements-foyers, ou trois places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale ou de centres d’accueil pour demandeurs d’asile ». En pratique, trois places en CADA sont nécessaires pour constituer un logement social. Un assouplissement de ces critères pourrait être envisagé.

d.   Faciliter l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile dans les limites prévues par le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration

Les rapporteurs spéciaux considèrent qu’un accès plus aisé de certains demandeurs d’asile au marché du travail favoriserait l’acceptation de la présence des CADA dans les territoires, notamment ruraux.

Lors de son audition, le préfet de Corrèze a par exemple indiqué que durant la réunion publique qu’il a récemment organisée à Beyssenac, il avait été interrogé par plusieurs pomiculteurs sur la possibilité d’employer des demandeurs d’asile pour participer aux récoltes saisonnières et répondre aux difficultés de recrutement observées en ce domaine. De la même façon, l’association Viltaïs a indiqué que des viticulteurs l’avaient sollicité en ce sens pour participer aux vendanges en Bourgogne.

Les rapporteurs spéciaux soutiennent pleinement l’article 4 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration qui « instaure un dispositif d’accès au marché du travail sans délai pour les demandeurs d’asile dont il est fortement probable, au regard de leur nationalité, qu’ils obtiendront une protection internationale en France » ([82]).

Mme Stella Dupont considère cependant que l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile visés par l’article 4 de ce projet de loi ne constitue qu’un premier pas et qu’un accès plus large mériterait d’être envisagé.

2.   Les propositions propres à Mme Stella Dupont

Mme Stella Dupont formule à titre personnel trois propositions complémentaires.

a.   Supprimer la possibilité d’une orientation directive sans hébergement

Mme Stella Dupont est favorable à la suppression de la possibilité d’une orientation directive sans hébergement ouverte par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

En pratique, depuis 2021, l’orientation directive s’accompagne systématiquement d’un hébergement. Le droit mériterait d’être mis en accord avec les faits.

b.   Inciter financièrement les collectivités territoriales à accueillir des CAES, des HUDA, des CADA ou des CPH

Mme Stella Dupont est favorable à inciter financièrement les collectivités territoriales à accueillir des CAES, des HUDA, des CADA ou des CPH. Cette incitation financière pourrait prendre la forme de la réactivation du dispositif de soutien aux communes mis en place entre 2015 et 2017. Durant cette période, une aide à la création de places a ainsi été instituée à hauteur de 1 000 euros par place de CADA ouverte et par logement mis à disposition d’un bénéficiaire d’une protection internationale ([83]).

 

c.   Favoriser l’hébergement citoyen des BPI

Mme Stella Dupont souhaite favoriser l’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection internationale afin de favoriser l’intégration des intéressés et répondre à l’esprit de solidarité de nombreux Français, tout en permettant une plus grande fluidité du DNA. Un appel à projet spécifique devrait avoir pour objectif d’organiser la coordination, la formation des bénévoles et l’accompagnement social des familles volontaires.

Mme Stella Dupont rappelle que l’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection internationale existe en France depuis plusieurs années dans des proportions limitées ([84]) dans le cadre notamment du programme « Cohabitations solidaires » ([85]) et a prouvé son efficacité dans le logement des déplacés d’Ukraine.

Un nouvel élan devrait être donné à cette pratique.

3.   La proposition propre à M. Mathieu Lefèvre : réduire les possibilités de maintien en présence indue d’un débouté et d’un bénéficiaire de la protection internationale dans le dispositif national d’accueil

M. Mathieu Lefèvre est favorable à toute mesure réduisant les possibilités de maintien en présence indue des déboutés et des bénéficiaires de la protection internationale dans le dispositif national d’accueil au-delà des périodes autorisées par l’article R. 552-13 du CESEDA.

Il note ainsi que lors de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, la commission des lois du Sénat a adopté un article 19 quater :

– Interdisant le maintien des personnes déboutées du droit d’asile dans un hébergement du DNA sauf décision explicite contraire de l’administration ;

– Assouplissant la possibilité pour l’autorité administrative compétente de demander en justice, après mise en demeure restée infructueuse, qu’il soit enjoint à un occupant sans titre d’évacuer un hébergement du DNA.

Si le principe posé par cet article est intéressant, M. Lefèvre considère cependant que sa rédaction n’est pas satisfaisante. Il partage ainsi l’avis de la DGEF selon lequel « la procédure actuelle prévoit déjà que le demandeur sollicite l’OFII pour demander l’autorisation de se maintenir dans l’hébergement au-delà du mois pendant lequel son droit au maintien prend fin. L’ajout d’une décision d’acceptation motivée a donc peu de valeur ajoutée ». Par ailleurs, « la reformulation de la procédure de saisine du juge afin d’enjoindre la personne de quitter les lieux supprime la possibilité d’appliquer cette procédure aux bénéficiaires de la protection internationale qui ont commis des actes de violence ou des manquements graves au règlement du lieu d’hébergement » ([86]).

Une modification de la rédaction de l’article 19 quater semble donc nécessaire pour renforcer les instruments de lutte contre la présence indue dans le DNA et favoriser une plus grande fluidité de ce dispositif.

 

 

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   CONCLUSION

Inspiré du droit et des pratiques européennes, le principe de l’orientation directive des demandeurs d’asile a été introduit dans la loi française en 2015 puis, dans sa rédaction actuelle, en 2018.

Mis en œuvre pour la première fois en janvier 2021 sur les bases du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, publié en décembre 2020, le premier cycle de l’orientation directive des demandeurs d’asile arrivera à échéance fin 2023. Le présent rapport d’étape considère que ce dispositif a fait la preuve de son utilité et de son efficacité. S’il est encore trop tôt pour savoir si les objectifs déterminés en 2020 seront complètement atteints à la fin de l’année 2023, il apparaît d’ores et déjà que ce mécanisme est indispensable à la conduite de la politique française de l’asile.

En deux ans, 48 230 demandeurs d’asile se sont vus proposer une orientation directive, 12 124 l’ont refusé, 36 106 l’ont accepté et 30 402 ont rejoint leur lieu d’hébergement.

De manière certaine, l’orientation directive des demandeurs d’asile a favorisé un meilleur équilibre des demandeurs d’asile sur le territoire et a contribué à répondre à la polarisation de cette demande sur l’Île-de-France. Une première réduction de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo-demandeurs d’asile a été observée. La proportion des demandeurs d’asile hébergés a crû. La présence des demandeurs d’asile dans les campements et le nombre de campements se sont réduits. En région, les territoires sollicités ont su accueillir dans des conditions satisfaisantes les demandeurs d’asile orientés depuis l’Île-de-France en raison notamment de la création de places dans le DNA. L’implantation de lieux d’accueil de demandeurs d’asile dans les territoires, notamment ruraux, présente un réel intérêt sous réserve, selon M. Mathieu Lefèvre, de leur acceptation par les populations locales. Plus de 60 % des demandeurs d’asile adhèrent au dispositif. Ce bilan est d’autant plus favorable que l’orientation directive des demandeurs d’asile s’est déployée dans un contexte marqué par la reprise soutenue de la demande d’asile et par l’accueil de plus de 100 000 déplacés d’Ukraine.

Ces éléments satisfaisants n’occultent cependant pas certains points de fragilité et de tension relatifs au nombre élevé de demandes d’asile enregistrées, aux difficultés de création de nouvelles places dans le DNA, aux actes de violence perpétrés à l’encontre de certains élus locaux, ou à l’accroissement important du taux de présence indue dans le dispositif national d’accueil. Une attention particulière doit également être portée la situation sanitaire des demandeurs d’asile concernés par l’orientation directive, à la question des élèves allophones et aux incidences éventuelles du récent dispositif des « sas régionaux » sur le nombre de demandeurs d’asile orientés en région.

Les rapporteurs spéciaux formulent certaines recommandations pratiques et juridiques visant à améliorer les conditions de mise en œuvre d’un dispositif qui en l’espace de deux ans a, manifestement, fait ses preuves.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 23 mai 2023, la commission des finances a entendu Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, rapporteurs spéciaux des crédits des programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française et 303 Immigration et asile, sur leur rapport d’information sur l’orientation directive des demandeurs d’asile, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. La politique d’orientation directive des demandeurs d’asile mise en œuvre par le ministère de l’intérieur depuis janvier 2021 vise à rééquilibrer l’accueil des demandeurs d’asile à l’échelle du territoire national. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie en a fixé les principes.

Lors de l’élaboration du premier schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (Snadar), en 2020, un constat s’imposait : la région Île-de-France représentait 20 % des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile et concentrait 46 % des demandes d’asile. Vue de l’extérieur, pour de nombreux demandeurs d’asile, la France, c’est Paris, ou plutôt l’Île-de-France.

Afin de réduire la concentration des demandeurs d’asile en Île-de-France, un rééquilibrage de l’accueil dans les territoires s’imposait, d’autant que cette forte concentration était à l’origine de situations inacceptables marquées par la formation de campements insalubres et des conditions d’accueil indignes. Certes, les campements subsistent, ce que nous regrettons, mais la part de migrants – qui ne sont pas tous demandeurs d’asile – à la rue à Paris a diminué en 2022. Leur nombre, toujours trop élevé, dépasserait un peu 500, contre 2 400 en 2018. On mesure à ce chiffre le chemin parcouru.

Les récents événements survenus à Saint-Brévin-les-Pins, ayant poussé à la démission son maire, M. Yannick Morez, ont ramené au centre des débats la question de l’accueil des demandeurs d’asile dans les territoires. Lorsque j’étais maire, j’ai été à l’origine de la création d’un lieu d’accueil pour demandeurs d’asile dans ma commune de Chalonnes-sur-Loire, dans le Maine et Loire. Si les habitants ont d’abord soulevé des questions légitimes, nous avons pu y répondre, et elles n’ont jamais donné lieu au moindre débordement.

Dans le cadre de nos travaux, M. Lefèvre et moi-même avons échangé avec M. Morez, ainsi qu’avec M. Laurent Laroche, maire de la petite commune de Bélâbre, dans l’Indre, qui fait face lui aussi, avec courage et dignité, à des comportements inacceptables suscités par un projet d’implantation d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans sa commune. Nous leur réitérons tout notre soutien.

Monsieur le ministre, j’ai quatre questions. D’abord, comment envisagez-vous de renforcer la protection des élus locaux confrontés aux menaces et aux violences que je viens d’évoquer ? Quelle sera l’évolution de la capacité du dispositif national d’accueil (DNA) en 2024, sachant que la capacité d’hébergement est au cœur de notre politique publique de l’asile ?

Vous semble-t-il possible d’associer le ministère de l’éducation nationale à la préparation du prochain Snadar, sachant que l’accès des enfants à l’apprentissage du français est important partout sur le territoire ? S’agissant de l’hébergement citoyen des demandeurs d’asile, qui me tient très à cœur, ne pensez-vous pas que son développement pourrait contribuer à favoriser la fluidité du DNA, notamment pour les réfugiés, qui ont parfois du mal à accéder à un logement ? L’hébergement citoyen est une piste intéressante à explorer, dès lors qu’il est bien maîtrisé, bien encadré, bien accompagné et bien coordonné par des professionnels.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Stella Dupont et moi-même invitons nos collègues du Rassemblement national à lire notre rapport, ce qui leur évitera de confondre demandeur d’asile et étranger en situation irrégulière, et de parler de l’orientation directive comme d’une stratégie de repeuplement de nos campagnes, ce qu’elle n’est absolument pas. Je réaffirme la solidarité de notre groupe avec MM. Morez et Laroche, et j’invite ces mêmes collègues à s’inscrire dans le cadre de la stratégie du Gouvernement visant à protéger les élus concernés par l’implantation d’un centre d’accueil des demandeurs d’asile.

Nous dressons de l’orientation directive, après deux ans de mise en œuvre, un bilan plutôt positif. Les chiffres devraient vous en convaincre : en deux ans, elle a été proposée à 48 000 demandeurs d’asile, parmi lesquels 12 000 l’ont refusée. Sur les 36 000 qui ont accepté, un peu plus de 30 000 ont rejoint leur lieu d’hébergement.

Premier point positif, cela a permis de desserrer fortement la pression exercée sur l’Île-de-France, où la part de primo-demandeurs d’asile est passée de 46 % à 35 %, la cible pour la fin 2023 étant à 23 %. Le nombre de campements insalubres a été considérablement réduit. D’après la préfecture de l’Île-de-France, le nombre de migrants à la rue a diminué entre 2019 et 2022, passant de 3 500 chaque soir à environ 600.

Par ailleurs – second point positif – la part des demandeurs d’asile hébergés a fortement progressé, en raison notamment de la progression du nombre de places dans le DNA, non seulement en région parisienne mais aussi en région, où plusieurs milliers de places ont été créées.

Cette stratégie a bien fonctionné, en partie grâce à l’adhésion des demandeurs d’asile. Environ 60 % d’entre eux l’ont acceptée. Le taux de refus est plus élevé pour certaines nationalités, notamment parmi les Turcs et les Bangladais, en raison non de la protection dont elles bénéficient, mais de considérations d’ordre économique, ces nationalités étant bien insérées dans des réseaux préexistants.

Les fragilités de cette politique résident, comme nous l’ont indiqué les préfets, dans le volume de la demande d’asile et dans le nombre de maintiens indus dans le DNA, lesquels s’expliquent paradoxalement par la réduction des délais. La décision d’asile étant prise plus rapidement grâce aux efforts consentis par le Gouvernement, des gens qui sont déboutés ou qui obtiennent la protection internationale peuvent être maintenus indûment dans le DNA.

Stella Dupont et moi-même formulons plusieurs recommandations pour lutter contre ce phénomène, mais aussi pour mieux accompagner la situation sanitaire des demandeurs d’asile, mieux associer le ministère de l’éducation nationale à cette politique pour prendre en compte la situation des élèves allophones et mieux associer les élus locaux à l’implantation des centres pour demandeurs d’asile.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie M. Lefèvre et Mme Dupont de leur travail, et salue particulièrement l’engagement de longue date de cette dernière dans l’accompagnement des demandeurs d’asile.

Je condamne évidemment les agressions d’élus. Ils sont nombreux à connaître des difficultés, qu’il s’agisse d’agressions verbales ou, malheureusement, d’agressions physiques. Les faits évoqués par Mme Dupont seront bien portés à la connaissance non seulement du ministère de l’intérieur, mais aussi du ministère de la justice. Dans le cas du maire de Saint-Brévin-les-Pins, il s’agit à la fois d’assurer la protection du maire et d’assurer la réponse pénale, en veillant à faire en sorte que le procureur de la République échange en direct avec les élus, ce à quoi je sais que le garde des sceaux est très attentif. Pour ma part, j’ai pris le 16 mars dernier, donc avant les difficultés graves qu’a rencontrées le maire de Saint-Brévin-les-Pins, une instruction visant à protéger les élus, notamment dans le cadre de l’accueil des demandeurs d’asile sur leur territoire qui est souhaité et parfois imposé par l’État.

La capacité du DNA a augmenté. Elle est passée de 82 362 places en 2017 à 119 732 places en 2023, en comptant les 5 900 places qui doivent être ouvertes cette année. D’ici la fin de l’année, le nombre de places pour demandeurs d’asile aura donc augmenté de 45 % depuis l’élection du Président de la République et de la majorité parlementaire. Cet effort est d’autant plus remarquable qu’il a enjambé la période très particulière du covid, qui a exigé de loger des personnes qui n’auraient pas dû l’être en temps normal, et la période d’intensification des flux migratoires qui a suivi.

Les besoins sont très importants. La situation s’améliore, mais il reste du travail au ministère de l’intérieur, puisque ce sont 60 % des demandeurs d’asile qui vivent dans des conditions matérielles conformes au DNA. Il ne faut pas en déduire qu’il manque 40 % de places : certaines places sont occupées par des gens qui n’y ont pas droit. Sans doute faut-il mener un travail fin avec le ministère du logement. Au ministère de l’intérieur, nous sommes conscients des nombreux problèmes humains et d’accompagnement que pose cet état de fait, mais nous ne pouvons que le constater.

Nous avons donc prévu pour 2024, sous l’autorité de la Première ministre, de clarifier la situation en distinguant, parmi les demandes de logement, celles qui relèvent de l’asile, celles qui relèvent de l’hébergement des sans-abri et les autres. Par ailleurs, nous travaillons à l’inscription d’une augmentation du nombre de places dans le budget 2024, dont les arbitrages par la Première ministre sont en cours.

S’agissant de la participation du ministère de l’éducation nationale à l’élaboration du Snadar pour la période 2024-2027, elle est prévue pour les enfants en âge d’être scolarisés. J’espère pouvoir annoncer lors de la prochaine discussion budgétaire qu’elle a bien eu lieu.

L’hébergement citoyen a bien fonctionné pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. Pour les autres demandeurs d’asile ou de protection, il n’existe que de façon très limitée. Il faut l’étendre en l’encadrant pour éviter les abus, des deux côtés d’ailleurs. Enrichis de l’expérience de l’accueil des Ukrainiens, nous pouvons imaginer cette évolution.

Un dispositif exceptionnel a été adopté par l’État et les préfectures. Nous pourrions l’essayer dans deux ou trois départements pilotes avant de le généraliser – si le Maine-et-Loire est candidat, nous le sélectionnerons avec plaisir –, non sans prendre connaissance auparavant du retour d’expérience de l’hébergement des réfugiés ukrainiens, dont s’occupe la ministre Sonia Backès et que nous pourrons vous faire parvenir. Il faudra tenir compte du fait que 90 % des réfugiés ukrainiens sont des femmes, contrairement aux autres demandeurs d’asile, qui sont majoritairement des hommes. Nous pouvons néanmoins imaginer des dispositifs, dans le cadre d’une intégration citoyenne des réfugiés.

Quoi qu’il en soit, j’ai chargé la direction générale des étrangers en France et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) de réfléchir à l’hébergement citoyen. Une mission a été menée par Frédérique Lahaye de Fréminville et Thierry Tuot, qui a été remplacé après avoir été nommé président de la section de l’intérieur du Conseil d’État mais a eu le temps d’aborder le sujet avec moi. La Dihal a prévu un dispositif pour 110 personnes réfugiées, en attendant une expérimentation plus large dans quelques départements que je vous proposerai.

S’agissant des prévisions de consommation de crédits, la demande d’asile étant restée basse au premier trimestre et ayant baissé au second, nous ne consommerons sans doute pas l’intégralité des 321 millions alloués au financement de l’allocation pour demandeur d’asile par la loi de finances pour 2023. Bien entendu, cette prévision est soumise aux soubresauts de la vie diplomatique, aux éventuels franchissements de frontières et aux difficultés que peuvent connaître nos voisins. Je demeure donc prudent mais, pour l’heure, nous ne constatons aucune tension particulière sur les crédits de l’ADA.

On dénombre en moyenne, pour le premier trimestre de cette année, 83 675 bénéficiaires de la protection temporaire offerte aux Ukrainiens – des doubles comptes peuvent parfois se produire, notamment pour des enfants. Le nombre de bénéficiaires de l’ADA est donc à peu près comparable à celui de l’année dernière et nous pensons qu’il se maintiendra, avec peut-être une légère évolution positive en raison de l’évolution de la guerre en Ukraine.

Au-delà des aspects militaires, on observe que, malgré les propositions d’accueil de la France, notre pays n’a pas été la première destination choisie par les réfugiés ukrainiens. En effet, la communauté ukrainienne en France est de petite taille, à la différence par exemple de celles d’Espagne ou d’Italie, ou de l’Allemagne, qui est, après les pays frontaliers, celui qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés d’Ukraine. Nous avons, pour notre part, envoyé des bus et des fonctionnaires pour ramener des réfugiés en France, mais ils ont refusé de venir. Nous continuons à ouvrir nos portes mais, hormis le cas particulier de Nice, qui compte une population ukrainienne plus importante, il n’y a pas de raison que le territoire national connaisse une forte augmentation du flux d’Ukrainiens.

Enfin, oui, un problème particulier se pose pour l’Île-de-France. Comme je l’ai dit tout à l’heure, un desserrement est nécessaire, pour les demandeurs d’asile, pour les élus, pour l’intégration et pour le traitement des demandes, voire pour les refus et les reconduites aux frontières. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de laisser perdurer la situation actuelle en Île-de-France. Je rappelle qu’au 23 mai, sept sas d’accueil temporaire sont opérationnels.

M. le président Éric Coquerel. C’est à minuit vingt-cinq que nous abordons ce sujet important… Je remercie Stella Dupont et Mathieu Lefèvre pour leur rapport, qui pose de vraies questions. Je suis convaincu que la répartition sur le territoire des personnes arrivant en France est l’une des solutions pour une bonne politique migratoire.

La difficulté actuelle est de deux ordres. D’abord, il est ici question de demandeurs d’asile. Cela ne tient pas compte, notamment en Île-de-France, des personnes qui ne sont pas régularisées mais ne seront jamais expulsées parce qu’elles vivent et travaillent en France depuis des années – nous ne serons certainement pas d’accord sur cette question, monsieur le ministre. C’est très certainement ce qui explique que seulement 15 % des OQTF soient exécutées : il ne s’agit pas de laxisme, mais d’un mouvement normal lié au fait que de nombreuses personnes, pour diverses raisons, ne peuvent tout simplement pas quitter le territoire. Je vois tous les jours des personnes dont les parents sont français, qui font de brillantes études en France mais qui ont le malheur d’être arrivés après leurs parents, de telle sorte que leur situation ne peut pas être régularisée. Au lieu de vouloir expulser les personnes qui ne sont pas régularisées, mieux vaudrait peut-être chercher à les intégrer à la société, pour la plus grande satisfaction de tous.

Cette question complique les déménagements sur les territoires. Le relatif échec du départ vers les régions s’explique par l’absence de centres d’accueil dignes de ce nom en Île-de-France. Il devrait s’agir d’un véritable sas pour l’accueil administratif des personnes concernées, qui permettrait de mieux anticiper et mieux préparer leur déplacement vers les régions. Voilà peu de temps, dans ma circonscription, a eu lieu l’expulsion du squat Unibéton, le plus grand d’Île-de-France. Il est clair que les personnes expulsées d’un squat et envoyées en régions rencontrent le problème décrit par Mathieu Lefèvre et Stella Dupont : paradoxalement, le sentiment de déracinement qu’ils éprouvent tient moins au fait qu’ils viennent d’arriver qu’à l’absence d’une communauté pour les entourer. La solution à ce problème doit être préparée, et cela suppose en premier lieu l’existence d’un sas, comme c’est le cas dans de nombreuses capitales à travers le monde, qui disposent de centres d’accueil plus efficaces que les nôtres.

Plusieurs des préconisations formulées sont intéressantes, comme l’augmentation du nombre de centres d’accueil des demandeurs d’asile ou le fait de favoriser l’accès au travail pour certains d’entre eux. J’adhère aussi à certaines des propositions de Stella Dupont, qui me semblent propres à améliorer concrètement la situation des personnes qui, face à l’incertitude d’un déplacement, préfèrent retourner en Île-de-France ou dans les grands centres urbains. Il semble intéressant de supprimer la possibilité d’orientation directive sans hébergement, qui peut donner à ces personnes l’impression qu’il n’y a pas de retour possible, car cela contribue à une meilleure intégration. De même, l’idée d’enrichir l’algorithme utilisé pour déterminer la région d’affectation des demandeurs d’asile afin de tenir compte de leurs attaches particulières est également intéressante, comme celle d’un d’aménagement de l’implantation territoriale de l’Ofii. Ce rapport comporte donc des recommandations qui vont dans le bon sens.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les recommandations des deux rapporteurs spéciaux sur l’orientation directive des demandeurs d’asile visent à rééquilibrer la prise en charge de ces derniers sur l’ensemble du territoire national, objectif auquel nous souscrivons tous. Ils en dressent un bilan plutôt positif, avec six demandeurs d’asile sur dix qui acceptent l’orientation qui leur est proposée.

Je note tout de même qu’un certain nombre des demandeurs d’asile accueillis en Cada n’ont absolument aucune chance de recevoir une réponse positive, compte tenu de leur pays d’origine, et ne devraient à strictement parler pas se trouver là.

Dans quel but proposez-vous d’associer à cette réflexion le ministère de l’éducation nationale ?

Par ailleurs, vous proposez de réduire les possibilités de maintien indu dans le dispositif national d’accueil. Avez-vous chiffré le coût de cette présence indue ?

M. le président Éric Coquerel. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Xavier Roseren (RE). Je me félicite que la politique d’orientation directive des demandeurs d’asile appliquée depuis 2021 soit évaluée. Alors qu’historiquement la région Île-de-France concentrait à elle seule une grande majorité des demandeurs d’asile, ce qui nuisait à la qualité de leur accueil, l’orientation directive a équilibré la présence des demandeurs d’asile sur l’ensemble de notre territoire. Je me réjouis que le bilan en soit globalement favorable et souscris globalement aux propositions formulées.

Ma première interrogation porte sur le taux de refus de l’orientation directive : quatre demandeurs d’asile sur dix. Selon les rapporteurs, en deux ans, 48 000 propositions d’orientation ont été faites, pour 12 000 refus et 36 000 acceptations, sur lesquelles 30 400 des intéressés ont rejoint leur lieu d’hébergement. Quelles sont les raisons de ces refus et comment en réduire le nombre ?

Ma seconde question porte sur l’intégration de ces demandeurs d’asile : dispose-t-on d’éléments chiffrés qui permettraient de savoir si elle est meilleure en région qu’en Île-de-France ?

M. Emeric Salmon (RN). M. Lefèvre et M. le ministre nous ont parlé de la différence entre demandeurs d’asile et clandestins. Il est un point sur lequel nous ne sommes clairement pas d’accord : pour nous, quelqu’un qui franchit la frontière illégalement est un clandestin. Vous conviendrez en effet que, tant qu’il n’a pas rencontré une association et formulé sa demande d’asile, il est en situation illégale en France. Or nous considérons que toute personne qui entre illégalement en France ne peut plus demander l’asile.

Nous pensons que les demandes d’asile doivent être faites à l’étranger, dans les consulats et les ambassades. Les personnes se trouvant dans des pays tels que la Syrie par exemple peuvent le faire dans un pays voisin. Les intéressés pourraient être placés sous la protection de la France le temps de l’étude de leur dossier. C’est la France qui aurait la charge de faire venir ceux qui obtiendraient l’asile sur le territoire national, ce qui leur éviterait un voyage difficile – vous voyez que nous faisons preuve d’humanité.

Il a été question d’une commune dont 70 % de la population s’oppose à l’implantation d’un centre d’accueil. Or certains d’entre vous contestent ce chiffre. C’est simple : lorsqu’un centre d’accueil doit être déployé dans une commune, organisons un référendum local, afin que le dernier mot revienne au peuple !

Mme Perrine Goulet (Dem). Face à l’arrivée des réfugiés ukrainiens, nous avons été capables d’accélérer le traitement des demandes d’asile. À cette fin, l’Ofii a par exemple délocalisé des permanences dans certains territoires. Pourrait-on généraliser cette organisation pensée pour les réfugiés ukrainiens afin d’offrir une réponse plus rapide aux demandeurs d’asile ?

Mme Marietta Karamanli (SOC). L’orientation directive, qui permet, depuis janvier 2021, le transfert des primo-demandeurs d’asile de l’Île-de-France vers la province, se fait au moyen d’un algorithme. Est-il possible, comme la proposition en a été faite, de mieux prendre en compte les attaches particulières dans une région pour favoriser l’intégration et l’accompagnement de ces personnes ?

Comment faire en sorte que les différents types d’hébergement que l’on connaît depuis plus de dix ans s’intègrent dans un parcours normé et adapté à la situation du demandeur de la protection et à ses besoins ? Selon quel calendrier cette réforme pourrait-elle être menée ? On peut sans doute tirer les leçons du traitement d’un certain nombre de cas, comme celui des réfugiés ukrainiens. N’oublions pas que les personnes ayant obtenu l’asile apportent une richesse au pays et répondent à ses besoins.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Salmon, savoir si les étrangers qui n’ont pas encore déposé leur demande d’asile sont en situation régulière ou non n’est pas une opinion. C’est déterminé par le droit – sauf à décider de ne plus se conformer à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ni à notre Constitution : c’est un choix politique…

Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » En vertu de ce principe, on ne peut refuser à un demandeur d’asile l’accès au territoire français, hexagonal ou ultramarin. Les emprises consulaires ne sauraient représenter un substitut. Les membres du Rassemblement national, mais aussi des Républicains devront faire sortir la France de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et modifier en profondeur sa Constitution s’ils souhaitent externaliser les demandes d’asile. Vous ne citez d’ailleurs jamais de pays qui ait appliqué ce type de mesures. Il faudrait au moins avoir l’exemple d’un État démocratique qui en ait accepté le principe !

Les 120 à 140 000 demandeurs d’asile annuels ne constituent pas une difficulté majeure pour un pays de 70 millions d’habitants. La vraie question est de savoir de quelle manière on traite les demandes, dans quel délai et comment on reconduit les personnes déboutées. Si vous étiez aux responsabilités, vous ne feriez pas autre chose que nous, car un triple Frexit – de la CEDH, de la Constitution et de la Charte des Nations unies – nous placerait au ban des nations.

Monsieur le président, vous avez parfaitement raison, je dresse les mêmes constats que vous quotidiennement. Toutefois, si des gens ne sont ni régularisables, ni expulsables, ils ne figurent pas dans le dispositif national d’accueil géré par le ministère de l’intérieur. Les personnes sans abri dépourvues de titres de séjour sont prises en charge par le ministère du logement : je ne parle ici que des crédits budgétaires de mon ministère, qui gère les demandeurs d’asile. Ce qui est certain, c’est qu’entre 15 et 20 % des personnes qui se trouvent dans le DNA ne devraient pas y être, et qu’elles prennent donc la place de demandeurs d’asile. C’est une difficulté majeure à laquelle est confronté mon ministère. Il faut orienter ces personnes vers un autre dispositif géré, par exemple, par le ministère du logement. Pour reprendre votre exemple, il faut que l’intéressé se retourne vers ses parents, et l’État peut l’aider à le faire. Quant aux personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, elles font l’objet du projet de loi qui vient d’être présenté au Parlement, que tous les groupes d’opposition n’ont pourtant pas déclaré soutenir.

Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, les demandeurs de certaines nationalités n’ont à peu près aucune chance de l’obtenir l’asile, ce qui est un défaut de notre système. Alors, faut-il poursuivre la politique des pays sûrs ou non ? Je signale que leurs ressortissants sont susceptibles de remplir d’autres critères justifiant l’octroi de l’asile. Par exemple, les personnes homosexuelles ou transgenres, qui sont susceptibles de faire l’objet d’une condamnation pénale dans quasiment tous les pays de droit musulman, pourraient à ce titre demander l’asile dans notre pays. D’autres critères que la nationalité sont pris en compte lors de l’examen des dossiers par l’Ofpra – qui est indépendant – et par la CNDA – qui est un juge administratif.

Monsieur le président, je peux vous rejoindre en ce qui concerne le souhait d’avoir des centres d’accueil dignes de ce nom. Je pense que vous noircissez un peu le tableau, même si je peux comprendre votre impression compte tenu de l’état des centres en Île-de-France et singulièrement dans votre département. Depuis trois ans, le Gouvernement a créé des sas d’accueil. On peut certes discuter pour savoir s’ils sont assez nombreux ou assez équipés. Il faut faire attention à la manière dont nous accueillons les demandeurs d’asile, qui parfois attendent un accompagnement individualisé, ou parfois peuvent chercher à séjourner dans notre pays par un moyen détourné – c’est une des difficultés auxquelles il faut faire face. Cela étant dit, je suis d’accord avec vous et avec les propositions des rapporteurs : ces sas peuvent être mieux organisés.

Associer l’éducation nationale est une proposition intéressante pour mieux accompagner les enfants, monsieur le rapporteur général. La possibilité d’inscrire ses enfants est un sujet très important dans la répartition territoriale des demandeurs d’asile. Ces enfants font parfois face à de grandes difficultés éducatives, notamment lorsqu’ils ont dû effectuer des trajets très durs et qu’ils ont subi des sévices sexuels, comme c’est le cas d’une partie des jeunes filles que nous accueillons. L’éducation nationale devant ensuite s’en occuper, mieux vaut qu’elle soit associée en aval à la mise en place du dispositif, afin de pouvoir déterminer les endroits où le bon accompagnement pourra être organisé.

Pour répondre à Mmes Karamanli et Goulet, je dirai qu’agir plus vite est bien sûr notre problème principal. Je peux comprendre l’affirmation du président Coquerel : oui, il y a un problème d’accueil, personne n’a jamais dit le contraire. L’immigration pose plusieurs problèmes, dont une crise de l’accueil. Pour expliquer cette crise, vous allez me dire que nous n’avons pas dégagé suffisamment de moyens, je vais vous dire que nous mettons trop de temps pour répondre aux demandes d’asile. Ce délai excessif handicape aussi bien la personne à qui sera accordé l’asile que celle à qui il sera refusé.

Attendre un an et demi pour obtenir une réponse lorsque l’on cherche à faire valoir ses droits constitutionnels et conventionnels est inacceptable, car pendant cette période très longue l’intéressé ne peut pas travailler et ne peut pas se projeter dans l’avenir. C’est également inacceptable pour celui à qui l’on refusera l’asile, car entre-temps il aura pu faire sa vie en France, eu ou scolarisé un enfant, voire aura commencé à travailler clandestinement, autrement dit à se faire exploiter. On crée une situation où la personne n’est ni expulsable, ni régularisable.

La réponse réside dans la rapidité.

L’Ofpra et les préfectures ont fait d’énormes efforts, grâce d’ailleurs aux moyens budgétaires que vous leur avez accordés. Je suis fier que vous m’interrogiez désormais sur la répartition des demandeurs d’asile sur le territoire national, et non plus comme il y a trois ans sur le point de savoir pourquoi l’Ofpra met neuf mois pour examiner un dossier. Le délai de réponse aux demandeurs d’asile a été ramené à cinq mois, et parfois beaucoup moins.

Le problème, c’est la juridiction administrative. Ce n’est pas pour dire du mal de la CNDA en tant que telle, mais elle met encore, elle, entre neuf et douze mois pour répondre à une demande de l’Ofpra ou, le plus souvent, d’un demandeur d’asile débouté. Ces délais posent un problème d’accueil des personnes. L’objet du projet de loi que nous soumettons donc au Parlement est précisément de les réduire : il ne s’agit pas de limiter les possibilités de recours des demandeurs d’asile mais de faire en sorte qu’ils interviennent dans des délais raisonnables, compatibles avec nos capacités d’accueil – dont je crains qu’elles ne puissent pas être considérablement élargies.

L’immigration n’est pas une opinion. Être pour ou contre n’a pas beaucoup de sens puisque, quoi qu’il arrive, il y aura des vagues migratoires très importantes. Il a déjà été question ce soir des migrations climatiques auxquelles nous serons évidemment confrontés dans les prochaines années.

Bref, s’agissant des délais et puisque cela n’a pas été relevé, je constate que l’Ofpra a fait des efforts considérables, conformes aux engagements du Président de la République.

Je termine avec la protection que nous avons accordée aux Ukrainiens. J’entends parfois dire que nous avons fait beaucoup d’efforts pour eux et moins pour les autres réfugiés.

Premièrement, cette comparaison me paraît un peu douteuse. Je rappelle que les États européens ont décidé ensemble d’accorder une protection temporaire, qui présente beaucoup d’avantages par rapport à la demande d’asile classique. Car ce n’est pas un asile. Lorsque certains me demandent de donner à tous ce que nous avons accordé aux Ukrainiens, je veux bien dire chiche, mais je ne suis pas certain que cela rende beaucoup service aux intéressés. Ce que nous disons aux Ukrainiens, c’est qu’ils n’obtiendront pas l’asile, car leur pays ne sera plus en guerre dans quelques années, et qu’ils bénéficient de trois ans de protection. Est-ce que cela servirait la cause des Syriens, des Afghans et des Pakistanais ?

Deuxièmement, la protection accordée autorise les Ukrainiens à travailler immédiatement. Or, lorsque ce sujet a été évoqué récemment, j’ai compris que certains n’étaient pas favorables au fait que les demandeurs d’asile travaillent. Il faut être cohérent et se décider pour l’un ou l’autre. Pour notre part, nous pensons que les ressortissants de certains pays, comme les Afghans, qui sont à peu près certains d’obtenir l’asile, doivent pouvoir travailler sans attendre. C’est un débat politique. Mais on ne peut pas demander tout et son contraire.

Troisièmement, les situations ne sont pas comparables. Les Ukrainiens présents sur le territoire national sont moins de 100 000, et il s’agit pour 90 % de femmes avec des enfants, qui restent à quatre heures de trajet de leur pays et de leur famille. Cela n’a rien à voir avec les centaines de milliers de personnes qui ont traversé les mers pour venir, qui n’ont parfois absolument pas la même culture que nous et qui sont surtout des hommes, les familles venant dans un second temps.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Je voudrais souligner votre ouverture face aux recommandations que nous formulons, notamment en ce qui concerne l’hébergement citoyen. J’ai bien entendu votre intérêt pour cette mesure. Je salue aussi la mobilisation de tous les acteurs – agents des préfectures, Ofpra, CNDA. Même si nous souhaiterions que les choses aillent encore plus vite, on constate que les choses évoluent – l’orientation directive des demandeurs d’asile en est l’illustration. La qualité de l’accueil s’améliore, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, rapporteurs spéciaux.

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES, QUESTIONNAIRES TRANSMIS ET DÉPLACEMENTs EFFECTUÉs PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

1-     Auditions effectuées (par ordre d’audition)

 

Direction de l’asile, direction générale des étrangers en France, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer

– Mme Clémence Olsina, directrice de l’asile

 

Office français de l’immigration et de l’intégration

– M. Didier Leschi, directeur général

 

Association La Cimade

– M. Gérard Sadik, responsable thématique asile

 

Association Forum réfugiés

– M. Jean-François Ploquin, directeur général,

– M. Laurent Delbos, responsable plaidoyer.

 

Association Viltaïs

– Mme Juliette Lucot, directrice générale adjointe,

– Mme Karine Bouteleux, directrice du Pôle asile.

 

Préfecture des Côtes-d’Armor

– M. Stéphane Rouvé, préfet des Côtes-d’Armor

 

Préfecture de Corrèze

– M. Étienne Desplanques, préfet de Corrèze

 

Préfecture du Rhône

– Mme Vanina Nicoli, secrétaire générale

 

Préfecture de Côte-d’Or

– M. Frédéric Carre, secrétaire général,

– Mme Perrine Michel, directrice territoriale Bourgogne, OFII Bourgogne-Franche-Comté,

– Mme Guillemette Rabin, directrice adjointe de la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités,

– M. Sébastien Gauthey, directeur de l’immigration et de la nationalité.

 

Commune de Peyrelevade

– M. Pierre Coutaud, maire

 

Commune de Belâbre

– M. Laurent Laroche, maire

 

Commune de Saint-Brévin-les-Pins

– M. Yannick Morez, maire

 

Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement

– M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement,

– M. Manuel Demougeot, chef de la mission résorption des bidonvilles,

– Mme Elise Bedier, cheffe de projet migrants.

 

Pôle régional Dublin de la Préfecture du Doubs

– M. Philippe Portal, secrétaire général de la Préfecture du Doubs

– Mme Julie Wington, cheffe de pôle

 

France horizon

–  Mme Conception Mousseau Fernandez, directrice régionale.

 

2-     Déplacements effectués (par ordre de déplacement)

 

Préfecture de Paris – Guichet unique pour demandeurs d’asile

– M. Gautier Béranger, préfet délégué à l’immigration,

– Mme Josépha Dautrey, adjointe au chef du bureau de l’accueil de la demande d’asile,

– M. Mickaël Jery-Sautot, adjoint au chef du bureau de l’accueil de la demande d’asile.

 

– M. Antoine Troussard, directeur général adjoint,

– M. André Genteuil, directeur territorial DT Paris,

– Mme Bernadette Cézar, coordinatrice du GUDA.

CAES de Metz Poncelet

 

– OFII : Mme Sandrine Pannier, directrice territoriale,

– AMLI :

 

CADA de Metz Drogon

 

– OFII : Mme Sandrine Pannier, directrice territoriale,

– ADOMA :

 

Préfecture de Moselle

– Préfecture de Moselle :

– OFII : Mme Sandrine Pannier, directrice territoriale,

 

Préfecture de Maine et Loire

 Préfecture de Maine et Loire :

– OFII : Mme Anne Fabry, directrice territoriale,

 

3-     Questionnaires transmis / échanges (par ordre alphabétique)

 

– Association des maires de France,

– Centre européen de recherche et de documentation parlementaires,

– Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, direction générale des collectivités locales,

– Office français de protection des réfugiés et apatrides,

– Permanence d’accès aux soins de santé du centre hospitalier universitaire de Besançon,

– Rectorat de Limoges.

 

 

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—  1  —

   ANNEXE I - LETTRE ET « FOIRE AUX QUESTIONS » ADRESSÉES PAR M. ÉTIENNE DESPLANQUES, PRÉFET DE CORRÈZE, AUX HABITANTS DE BEYSSENAC ET DES COMMUNES AVOISINANTES PRÉALABLEMENT À L’ORGANISATION D’UNE RÉUNION PUBLIQUE RELATIVE À L’IMPLANTATION D’UN CADA DANS CETTE COMMUNE

 


([1]) Mme Stella Dupont considère cependant que l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile visés par l’article 4 de ce projet de loi ne constitue qu’un premier pas et qu’un accès plus large mériterait d’être envisagé.

([2]) Note d’instruction interministérielle DPM/ACI3 n° 2006-31 du 20 janvier 2006 relative aux procédures d’admission et aux délais de séjour dans le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, page 2.

([3]) Selon l’article 2 (g) de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale du 26 juin 2013, les conditions matérielles d’accueil doivent être entendues comme les « conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu’une allocation journalière ». L’article 17 de cette même directive prévoit que « Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale ».

([4]) Schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, page 6.

([5]) Schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, page 6.

([6]) Dans un communiqué de presse du 23 octobre 2019, l’Association des maires de France a souligné que les maires attendent que « le Gouvernement propose une répartition territoriale équilibrée des demandeurs d’asile et des réfugiés ».

([7]) Réponse du CERDP au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([8]) Ces dispositions ont été recodifiées par l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et par le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([9]) Ministère de l’intérieur, schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, décembre 2020, page 19.

([10]) Les CPH relèvent des articles L. 349-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles. L’article L. 349-1 dispose que « les étrangers s’étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire […] peuvent bénéficier d’un hébergement en centre provisoire d’hébergement. ». L’article L. 349-2 prévoit que « les centres provisoires d’hébergement ont pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des personnes qu’ils hébergent, en vue de leur intégration ».

([11]) La dernière modification de cet article résulte de l’article 38 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et a consisté en l’ajout d’une référence à des critères « socio-économiques ».

([12]) En application de l’article L. 522-3 du CESEDA, l’évaluation de la vulnérabilité « vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines ». Le SNADAR rappelle toutefois que « sauf cas spécifique, la vulnérabilité ne sera pas considérée comme faisant obstacle à l’orientation régionale » (page 18).

([13]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([14]) Conseil d’État, 27 novembre 2020, décision n° 428178. À l’inverse, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, le Conseil constitutionnel n’a pas été conduit à se prononcer sur ce sujet.

([15]) Conseil d’État, décision no 450551, 21 décembre 2021.

« Article 1er : Les arrêtés du 7 janvier 2021 et du 7 avril 2021 sont annulés en tant qu’ils n’incluent pas les collectivités d’outre-mer dans la répartition des places d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés entre régions. Article 2 : L’arrêté du 7 janvier 2021 est annulé en tant qu’il ne fixe pas la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région ».

([16]) Op. cit. page 2.

([17]) Ministère de l’intérieur, schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, décembre 2020, page 21.

([18]) Instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2023, page 2.

([19]) Les CAES situés en région n’ont pas pour seule mission de recevoir des demandeurs d’asile dans le cadre de l’orientation directive. Ils sont également destinés à recevoir des demandeurs d’asile enregistrés localement. En 2022, au CAES de Metz Poncelet, sur les 1 241 personnes accueillies, 662 provenaient de l’Île-de-France et 579 du Grand Est. D’autres CAES accueillent en revanche majoritairement des demandeurs d’asile provenant d’Île-de-France. Forum réfugiés a indiqué qu’en 2022, son CAES de Clermont-Ferrand, avait recensé 548 entrées dont 524 concernaient des demandeurs d’asile en provenance d’Ile-de-France.

([20]) Ministère de l’intérieur, schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, décembre 2020, page 8.

([21]) La région Île-de-France comporte 8 guichets uniques (un pour chacun des huit départements composant cette région).

([22]) DGEF, réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([23]) DGEF, réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([24]) Comme indiqué précédemment, l’article L. 551-15 s’applique également au demandeur d’asile refusant la région d’orientation déterminée en application de l’article L. 551-3 et au demandeur refusant la proposition d’hébergement qui lui est faite en application de l’article L. 552-8.

([25]) Comme indiqué précédemment, l’article L. 551-16 s’applique également au demandeur d’asile quittant la région d’orientation déterminée en application de l’article L. 551-3 ou quittant le lieu d’hébergement dans lequel il a été admis en application de l’article L. 552-9.

([26]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([27]) Compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 9 avril 2021, page 3 (document non publié).

([28]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux. Le SNADAR prévoyait que « l’identification des demandeurs d’asile orientés résultera d’une détermination aléatoire » (page 18).

([29]) L’article L. 552-15 dispose que « lorsqu’il est mis fin à l’hébergement dans les conditions prévues aux articles L. 551-11 à L. 551-14, l’autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement peut demander en justice, après mise en demeure restée infructueuse, qu’il soit enjoint à cet occupant sans titre d’évacuer ce lieu ». La demande est portée devant le président du tribunal administratif, qui statue sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l’ordonnance est immédiatement exécutoire. Cette procédure peut être engagée par un opérateur ou par l’État.

([30]) En pratique, les contacts avec les maires sont réguliers et sont pris en compte dans l’instruction des projets Ainsi, le point 3 « modalités d’instruction des projets et critères de sélection » de l’annexe 1 de l’appel à projet relatif à la campagne d’ouverture 2022 de places de CADA dans le département de la Corrèze inclut dans les critères d’évaluation et de sélection des projets « les démarches entreprises par les candidats auprès de la (ou des) commune(s) concernée(s) par une implantation ». Dans le département de l’Yonne, il est prévu que la réponse à l’appel à projets doit préciser « la position des élus locaux (maires) sur le projet, étant entendu que ces derniers devront systématiquement être informés de tout projet prévoyant une implantation dans leur commune ». Une mention de ce type n’est cependant pas systématique puisque les rapporteurs spéciaux ont par exemple noté son absence dans l’appel à projets publié par la préfecture de la région Centre-Val-de-Loire.

([31]) Ministère de l’intérieur, schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, décembre 2020, page 6.

([32]) Compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 21 juin 2022, page 5 (document non publié).

([33]) Document préparatoire au comité stratégique du SNADAR de mars 2023, page 1 (document non publié).

([34]) OFPRA, rapport d’activité 2022, page 19.

([35]) Les déplacés d’Ukraine n’ont certes pas été accueillis au sein du DNA mais les intéressés ont occupé des places d’hébergement dans des lieux qui auraient pu échoir à des demandeurs d’asile et leur accueil a fortement mobilisé le ministère de l’intérieur, l’OFII et leurs opérateurs. Par ailleurs, en 2022, la demande d’asile enregistrée en France a connu une très forte croissance : 156 103 premières demandes d’asile ont été déposées en GUDA (en hausse de 28,6 % par rapport à 2021) et 130 930 demandes d’asile ont été déposées à l’OFPRA (en progression de 26,9 % par rapport à 2021). Pour les GUDA : 137 046 premières demandes et 19 057 réexamens, nouvelles demandes Dublin et réouvertures en GUDA. Pour l’OFPRA : 114 710 premières demandes, 16 150 demandes de réexamen et plus de 70 réouvertures.

([36]) Rapport annuel de performances 2020 de la mission Immigration, asile et intégration, page 21.

([37]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([38]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux. À l’inverse, la préfecture a observé une augmentation concomitante de la présence des bénéficiaires d’une protection internationale dans les campements : si 12 % des personnes vivant dans les campements étaient des bénéficiaires de la protection internationale en 2019, cette proportion s’est élevée à 21 % en 2022. Les autres étrangers présents sur les campements peuvent être des primo-arrivants sans statut, des étrangers en situation irrégulière, des déboutés ou des mineurs non accompagnés non reconnus en tant que tels par le département ou bien tout juste sortis de l’aide sociale à l’enfance.

([39]) La préfecture de la région Île-de-France a indiqué que « dans le cadre d’une convention signée entre le Préfet de la région Île-de-France, Préfet de Paris, et l’association France terre d’asile (FTDA), cette dernière réalise deux maraudes par semaine […] sur les campements identifiés du public migrants à Paris et en petite couronne notamment sur les campements du département 93 à cheval ou limitrophes du territoire parisien. Ainsi, l’opérateur réalise un comptage général du nombre de personnes en situation de rue et un comptage par zone. […] FTDA indique le nombre de personnes visibles sur un campement, le nombre de tentes et le nombre de cabanes. Il en déduit une estimation basse du nombre de personnes présentes sur le site et une estimation haute ».

([40]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([41]) Compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 9 avril 2021, page 3 (document non publié).

([42]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([43]) Selon l’OFII, 231 structures du DNA (17 732 places) sont actuellement ouvertes en milieu rural (entendu comme les départements métropolitains de moins de 400 000 habitants).

([44]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([45]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([46]) Pour 2022, le calcul intègre le nombre de demandeurs d’asile exemptés (1 371).

([47]) Ministère de l’intérieur L’essentiel de l’immigration, Chiffres clefs, Les demandes d’asile, 26 janvier 2023, page 1.

([48]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([49]) Données figurant dans le rapport n° 4524, annexe XXVII présenté par Mme Stella Dupont et M. Jean-Noël Barrot sur le projet de loi de finances pour 2022, crédits de la mission Immigration, asile et intégration, octobre 2021, page 25.

([50]) Les exemptions concernent les publics vulnérables (femmes victimes de violences, personnes victimes de traite, public LGBTI vulnérable) et les demandeurs d’asile pouvant justifier d’une impossibilité de mobilité géographique (femmes enceintes proches du terme, conjoint d’une personne régulièrement hébergée dans le DNA de la région d’origine et/ou disposant un emploi stable dans la région). Selon la DGEF, il y a eu 394 exemptions en 2021 et 1 371 exemptions en 2022.

([51]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([52]) Instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2023, page 1.

([53]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spécaux.

([54]) Forum réfugiés, L’asile en France et en Europe, état des lieux 2022, page 142. Dans ce même document, il est indiqué (page 141) qu’« alors que 44 % des demandeurs d’asile reçus à la SPADA de Lyon après leur passage au GUDA étaient orientés vers un hébergement en 2020, ce taux est retombé à 25 % en 2021 ». En réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux, Forum réfugiés a précisé que cette proportion s’est établie à 26 % en 2022.

([55]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([56]) GUDA du Rhône : 6 874 demandes d’asile enregistrées en 2019 et 5 997 en 2022. GUDA de Moselle : 7 044 demandes d’asile enregistrées en 2019 et 5 237 en 2022

([57]) GUDA de Maine-et-Loire : 1 566 demandes d’asile enregistrées en 2019 et le même nombre en 2022. GUDA de Côte d’Or : 1 001 demandes d’asile enregistrées en 2019 et 1 070 en 2022.

([58]) L’accueil des migrants en milieu rural : une « orientation directive » pour combler les discontinuités territoriales ? Claire Courtecuisse, 2018. https://discontinu.hypotheses.org/laccueil-des-migrants-en-milieu-rural-une-orientation-directive-pour-combler-les-discontinuites-territoriales

([59]) Le projet Horizon à Callac n’était pas un projet conduit par l’État en lien avec l’orientation directive des demandeurs d’asile mais un projet porté par le fonds de dotation Merci et intéressant des bénéficiaires de la protection internationale.

([60]) Cette lettre et cette foire aux questions sont reproduites en annexe I.

([61]) Compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 21 juin 2022, page 4 (document non publié).

([62]) Le compte-rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 21 juin 2022 indique (page 4) que « face au constat d’une proportion notable de places du DNA non mobilisables pour pouvoir y orienter des demandeurs d’asile, la DGEF et l’OFII ont réalisé un diagnostic précis de la vacance de places au sein du DNA. À partir de ce diagnostic, différents facteurs ont été identifiés parmi lesquels l’indisponibilité durable de places dues par exemple à des travaux et une vacance frictionnelle liée à des enjeux d’appariement et de délais d’orientation. Une enquête a été réalisée sur la raison de l’indisponibilité de ces places, qui existent mais ne sont pas déclarées vacantes. […] Parmi les raisons de l’indisponibilité, on trouve des déclarations différées dans le DNA ou des travaux lourds. L’OFII compte contacter rapidement les principaux opérateurs pour partager des données actualisées et poursuivre plus globalement l’échange sur ce sujet. Il sera certainement nécessaire de se fixer une cible pour diminuer le chiffre actuel de 6 % et des règles de gestion qui seront suivies au plan local comme national pour les plus gros opérateurs ». 

([63]) Instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2023, page 2. L’instruction indique que « sous réserve de l’appréciation des justifications apportées par l’opérateur, l’absence de mise à disposition de places prévues par la convention liant l’opérateur à l’État, constitue une inexécution partielle de la convention. Si le taux d’indisponibilité d’un opérateur perdure malgré vos alertes, une procédure de sanction financière devra être engagée ».

([64]) Lors de son audition, Mme Vanina Nicoli, secrétaire générale de la préfecture du Rhône a indiqué que sur la plaque lyonnaise, le temps moyen pour accéder à un logement social est d’environ 18 mois.

([65]) Ministère de l’intérieur, schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, décembre 2020, page 23.

([66]) Rapport annuel de performances 2020 de la mission Immigration, asile et intégration, page 26.

([67]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([68]) Rapport annuel de performances 2020 de la mission Immigration, asile et intégration, page 26.

([69]) Rapport annuel de performances 2020 de la mission Conseil et contrôle de l’État, page 20.

([70]) Eurostat, : https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/MIGR_DUBTO/bookmark/table?lang=en&bookmarkId=d81f71c4-dd5f-426b-bef3-8884c150bf72 , mai 2023.

([71]) Le déploiement de l’orientation directive a pu accroître fortement l’activité de certains pôles régionaux Dublin. Lors de son audition, le PRD du Doubs (qui couvre les GUDA de Dijon, Besançon et Macon) a indiqué avoir traité 786 dossiers en 2020 (dont 200 en lien avec des orientations directives) et 1 340 dossiers en 2022 (dont 773 en lien avec des orientations directives).

([72]) Ces données intègrent les bénéficiaires de la protection internationale relevant du programme de réinstallation qui ne relève pas de l’orientation directive des demandeurs d’asile.

([73]) La définition de ces différents objectifs est, selon la DIHAL, la suivante :

([74]) Lors de son audition, Adoma a indiqué que les services fiscaux de la Moselle refusaient de délivrer aux demandeurs d’asile des avis de non-imposition pour les années N-1 et N-2. Les intéressés ne pouvaient dès lors pas présenter cette pièce pourtant demandée par certains bailleurs sociaux et par tous les bailleurs privés.

([75]) L’instruction n° IOMV2305068J du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2023 indique que « le nombre de référés mesures utiles fera désormais l’objet d’un suivi mensuel et par département. L’effort doit être à la mesure du niveau d’occupation indue dans chaque territoire ».

([76]) Instruction n° IOMK2305900J du 13 mars 2023 du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement relative aux lignes directrices pour la prise en charge administrative et l’orientation des personnes mises à l’abri au sein de sas d’accueil temporaire.

([77]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([78]) Instruction n° IOMK2305900J du 13 mars 2023 du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement relative aux lignes directrices pour la prise en charge administrative et l’orientation des personnes mises à l’abri au sein de sas d’accueil temporaire, page 4.

([79]) Dans le sas, deux personnes ont cependant fait part de leur intention de déposer une demande d’asile.

([80]) Compte rendu de la réunion du comité stratégique du SNADAR du 12 juillet 2021, page 2 (document non publié).

([81]) Cour des comptes, mars 2023, La scolarisation des élèves allophones, pages 36 et 62.

([82]) Étude d’impact sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, page 11.

([83]) Instruction interministérielle du 9 novembre 2015 relative à la mise en œuvre du programme européen de relocalisation, pages 14-15.

([84]) Lors d’une audition antérieure, la DIHAL a précisé que le programme Cohabitations solidaires a concerné moins de 1 500 personnes depuis son engagement, soit 300 personnes environ par an.

([85]) Sur ce sujet, voir : https://cohabitations-solidaires.fr/. Comme il est précisé sur ce site, « durant toute la période de la cohabitation, les réfugiés et les personnes accueillantes sont accompagnés par une association reconnue et financée par l’État. Cette dernière organise à la fois la préparation et la gestion des cohabitations mais également l’accompagnement social des personnes réfugiées afin de construire un projet de vie adapté à leur parcours. À l’issue du parcours, près de 70 % des personnes concernées trouvent une solution de relogement ou d’emploi adaptée ».

([86]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.