N° 1281

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mai 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

sur la délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performance

 

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Charles de COURSON,
rapporteur spécial

 

——

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Page

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAL

recommandations du rapporteur spécial

INTRODUCTION

I. la dÉlivrance des cni et des passeports connaÎt une vÉritable crise depuis 2022

A. des dÉlais qui s’allongent, principalement pour le dÉpÔt des demandes

1. Une succession de délais qui reflètent la composition de la chaîne de délivrance des titres d’identité

a. La prise de rendez-vous pour déposer une demande en mairie

b. L’instruction et la production des titres d’identité par l’État

2. Des données qui demeurent absentes de la mesure de la performance

a. L’unique indicateur de performance ne concerne que les CERT

b. La prise en compte de l’ensemble des délais liés à la délivrance des titres permettrait au Parlement de mieux analyser la réalisation des objectifs fixés en loi de finances

3. Le Gouvernement explique la crise actuelle des titres d’identité par plusieurs effets conjoncturels dont la sortie de la pandémie

a. Un effet de rattrapage post-crise sanitaire accentué par le cycle saisonnier des demandes

b. Un attrait pour la nouvelle CNI

c. Un allongement des délais qui incite à solliciter le renouvellement d’un titre au plus tôt

B. des mesures conjoncturelles qui peinent À rÉsoudre le problÈme

1. La priorité donnée à l’augmentation de l’offre de rendez-vous

a. En optimisant l’accueil des usagers

b. En augmentant le nombre de stations d’enregistrement des demandes

2. Le plan d’urgence entend également accélérer l’instruction et la production des titres d’identité

a. En réduisant certaines demandes d’usagers en amont

b. En renforçant les effectifs

c. En augmentant les moyens matériels

3. Les effets du plan d’urgence demeurent difficiles à mesurer

II. le système actuel de dÉlivrance des titres est responsable de l’allongement des dÉlais et appelle À Être réformÉ

A. la dÉlivrance des cni et des passeports repose sur le volontariat des communes

1. Un système déterritorialisé a progressivement été mis en place

a. La nécessité de recueillir les empreintes digitales pour les passeports biométriques est à l’origine du déploiement des dispositifs de recueil

b. La mise en place du plan « préfectures nouvelle génération » a achevé la transition vers le système actuel de délivrance des titres

c. Le dépôt des demandes de titres repose sur un réseau de communes volontaires sans ressorts géographiques

2. Une charge qui reste mal compensée pour les communes dotées de dispositifs de recueil

a. La dotation pour les titres sécurisés constitue une indemnisation principalement forfaitaire

b. La DTS ouvre droit à une compensation financière très partielle

3. Une délivrance du ressort de l’État mais sur lequel celui-ci n’a que peu de prises

a. La crise actuelle des titres d’identité est révélatrice du manque de moyens d’action de l’État sur le premier élément de la chaîne de délivrance

b. Dans une chaîne de délivrance aux acteurs multiples, l’action de l’État se concentre sur la lutte contre la fraude documentaire

B. À défaut de pouvoir rÉformer en profondeur le systÈme actuel, il convient de mieux indemniser les communes et d’encadrer davantage l’offre de rendez-vous

1. Rendre la délivrance des titres plus incitative financièrement pour les communes

a. Faire de la DTS une dotation proportionnelle au nombre de demandes recueillies

b. Augmenter les droits de timbre sur les CNI et les passeports

2. Encadrer l’offre de rendez-vous

annexe : la dÉlivrance des titres de sÉjour

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


—  1  —

   PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAL

En mai 2023, il faut attendre 67 jours, en moyenne, pour pouvoir déposer une demande de carte nationale d’identité ou de passeport dans une mairie. Une fois cette demande faite, il faut encore patienter 26,5 en moyenne pour recevoir son titre d’identité, soit donc au total plus de trois mois.

La délivrance des documents d’identité connaît en effet une crise sans précédent depuis plus d’un an, crise qui suscite de la colère et de l’incompréhension chez nos concitoyens. Elle a contraint le Gouvernement à mettre un plan d’urgence national à partir du mois de mai 2022 dont les mesures sont, pour l’essentiel, toujours en application.

Cette urgence qui dure a naturellement conduit le rapporteur spécial à consacrer ses travaux du Printemps de l’évaluation à cette problématique. Le programme 354 Administration territoriale de l’État porte, en effet, les crédits et les emplois des préfectures et donc des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT). Il a également pour opérateur l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Il ressort de ses travaux d’évaluation que l’allongement constaté des délais de délivrance résulte mécaniquement d’une hausse du nombre de demandes depuis la levée des restrictions sanitaires. En effet, 6,6 millions de dossiers d’établissement ou de renouvellement de CNI ont été déposés en 2022 contre 4,2 millions en 2020. Pour les passeports, ce chiffre est passé de 2,3 à 5,4 millions.

Le principal délai concerne la prise de rendez-vous dans une mairie équipée d’un dispositif de recueil où d’importantes disparités locales sont observées, celui-ci pouvant varier d’aucun délai à plus d’une centaine de jours.

Face à cette situation, le plan d’urgence mis en place priorise l’augmentation du nombre de dispositifs de recueil, de manière temporaire ou pérenne. Ce plan d’urgence a pris, depuis le mois de mars 2023, la forme d’un « engagement national pour les titres d’identité » en raison de la durée de cette crise.

Toutefois, cette situation ne saurait être imputable à ce seul phénomène mais trouve également son origine dans un défaut de conception du système de délivrance mis en place depuis 2017. Celui-ci repose sur un réseau de dispositifs de recueil déployés sur la base du volontariat des communes et pour lesquels il n’existe pas de ressort territorial.

Le rapporteur spécial appelle à mieux contrôler l’offre de rendez-vous et à mieux indemniser le service rendu via la mise à disposition de ces stations.

 


—  1  —

   recommandations du rapporteur spécial

Recommandation n° 1 : inclure l’ensemble des délais auxquels sont confrontés les usagers, de la demande de rendez-vous à la réception du titre d’identité, dans l’indicateur de performance.

Recommandation n° 2 : réformer le calcul de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) de manière à la rendre entièrement proportionnelle.

Recommandation n° 3 : mettre fin à la gratuité de la délivrance de la CNI en rétablissant un droit de timbre de 25 euros.

Recommandation n° 4 : fixer à 50 euros le droit de timbre pour le renouvellement d’une carte nationale d’identité (CNI) en cas de non-présentation de l’ancienne carte.

Recommandation n° 5 : augmenter le droit de timbre pour la délivrance d’un passeport.

Recommandation n° 6 : engager une réflexion sur l’opportunité de substituer aux timbres fiscaux sur la délivrance des passeports et des CNI une redevance pour service rendu.

Recommandation  7 : mettre en place des conventions État‑commune plus contraignantes concernant la mise à disposition de dispositifs de recueil de titres sécurisés, assorties d’objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Recommandation  8 : instaurer un malus sur la DTS en cas de non-respect des obligations de la convention de mise à disposition des stations d’enregistrement.

Recommandation n° 9 : mieux lutter contre les discriminations relatives au lieu de résidence que peuvent subir les usagers lors de leur demande de titre d’identité.

 

 

 

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Depuis plus d’un an, la délivrance des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports connaît une crise sans précédent. En moyenne, un Français doit actuellement attendre plus de trois mois pour accomplir cette démarche administrative.

Cette situation suscite de la colère et de l’incompréhension chez nos concitoyens qui peuvent se trouver empêchés dans leurs projets de séjour à l’étranger ou, tout simplement, gênés dans leur vie quotidienne, faute de pouvoir renouveler leurs documents d’identité dans un délai raisonnable.

C’est pourquoi le rapporteur spécial a choisi d’y consacrer ses travaux du Printemps de l’évaluation. En effet, la délivrance des documents d’identité est placée sous la responsabilité de l’État et fait intervenir les préfectures – dont les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) sont une émanation – et les maires en leur qualité d’agents de l’État ainsi que l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), opérateur du programme 354 Administration territoriale de l’État.

L’allongement considérable du temps nécessaire pour obtenir une CNI ou un passeport depuis un an et demi, résulte mécaniquement de la hausse du nombre de demandes de titres d’identité depuis la fin de la crise sanitaire et, notamment, de la levée des restrictions sur les voyages.

Toutefois, la gravité de la situation présente ne saurait être imputable à ce seul phénomène temporaire. Elle trouve, en réalité, son origine dans une mauvaise conception du système de délivrance qui a été mis en place depuis 2017.

 

 


—  1  —

I.   la dÉlivrance des cni et des passeports connaÎt une vÉritable crise depuis 2022

L’allongement excessif des délais de délivrance de ces titres d’identité a conduit le Gouvernement à mettre en place un plan d’urgence à compter du mois de mai 2022.

Ce dispositif, toujours en vigueur depuis un an, comprend des mesures ponctuelles et d’autres pérennes dont il est difficile de juger de l’efficacité à résoudre la crise.

A.   des dÉlais qui s’allongent, principalement pour le dÉpÔt des demandes

Le temps nécessaire pour obtenir une CNI ou un passeport correspond, en réalité, à l’enchaînement de plusieurs délais qui reflètent la composition de la « chaîne » de délivrance de ces documents d’identité.

Si celle-ci est de la responsabilité de l’État, elle fait également intervenir les communes. Leur rôle est d’ailleurs primordial dans la mesure où, sur le territoire national ([1]), ce sont elles qui sont chargées de recueillir les demandes de CNI ou de passeport des administrés.

La place importante qu’occupent ces collectivités territoriales explique pourquoi la mesure des délais de délivrance de ces titres d’identité par les indicateurs de performance attachés à la mission Administration générale et territoriale de l’État apparaît incomplète, dès lors que ces indicateurs ne concernent que l’activité des services des préfectures.

Or la dégradation sans précédent du temps d’obtention d’un rendez-vous en mairie pour déposer sa demande est la principale cause de l’allongement global des délais de délivrance.

Cette détérioration du service rendu à l’usager trouverait principalement son origine dans un effet de rattrapage post-crise sanitaire.

1.   Une succession de délais qui reflètent la composition de la chaîne de délivrance des titres d’identité

De manière schématique, le temps d’obtention d’un titre d’identité peut être découpé en deux délais :

– un premier correspondant au temps nécessaire pour obtenir un rendez-vous en mairie puis y déposer un dossier de demande de première délivrance ou de renouvellement d’une CNI ou d’un passeport ;

– un second renvoyant au délai de « production » du titre demandé faisant intervenir les services de l’État, qu’il s’agisse des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) rattachés aux préfectures ou de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), ainsi que l’Imprimerie nationale.

Si les deux ont connu une dégradation depuis le début de l’année 2022, elle est particulièrement importante pour le délai de dépôt en mairie.

a.   La prise de rendez-vous pour déposer une demande en mairie

Seules les communes dotées d’un dispositif de recueil (DR) sont habilitées à recevoir les demandes d’établissement ou de renouvellement d’une CNI ou d’un passeport biométrique ([2]) sur le territoire national, ce qui implique que l’usager doit prendre rendez-vous dans une mairie équipée.

L’absence de territorialisation de ce service de dépôt lui donne la faculté de choisir la commune de son choix. Par exemple, un Français peut très bien s’adresser à la mairie de son lieu de résidence – ou à la plus proche de celle-ci dans le cas où elle ne disposerait pas de DR – ou bien à la mairie de son lieu de travail ou encore à celle de son lieu de villégiature.

En avril 2022, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous pour déposer son dossier était de 65,6 jours en moyenne contre 27,1 jours au mois de janvier de la même année et 11,5 jours un an auparavant ([3]).

Il faudra attendre la fin du mois de juin 2022 pour que le délai moyen repasse en dessous de 60 jours puis la mi-août pour se stabiliser à une cinquantaine de jours jusqu’à la fin de l’année.

Le rapporteur spécial observe qu’il est difficile de juger si cette lente décrue est le résultat du plan d’urgence mis en œuvre par le Gouvernement ou, tout simplement, d’un effet saisonnier avec la fin des demandes liées aux départs en vacances.

La baisse du temps d’attente pour pouvoir adresser une demande de CNI ou de passeport en mairie apparaît d’ailleurs limitée puisque le niveau le plus bas atteint ne sera que de 48,52 jours au début du mois de septembre 2022, soit tout de même environ un peu plus d’un mois et demi. Dès le début du mois suivant, les délais sont repartis à la hausse en franchissant, à nouveau, le seuil de 50 jours.

évolution du délai moyen d’obtention d’un rendez-vous en mairie
par trimestre

(en nombre de jours)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

À la mi-avril 2023, soit près d’un an après le début de la « crise » des titres d’identité, le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous en mairie était revenu au même niveau puisqu’il était à nouveau supérieur à 65 jours (66,7 jours en moyenne au 15 avril), soit environ plus de deux mois.

Si cette crise concerne l’ensemble du territoire national, on observe des disparités locales. Par exemple, au milieu de l’année 2022 (semaine du 27 juin au 3 juillet), les temps d’attente pour déposer une demande dans les départements de la métropole pouvaient varier de 16 jours dans le Cantal ([4]) à 118 jours dans les Côtes-d’Armor alors que le délai moyen était de 60 jours.

délais moyens de prise de rendez-vous par département en janvier 2022

Source : réponses au questionnaire.

délais moyens de prise de rendez-vous par département en avril 2022

Source : réponses au questionnaire.

répartition par département des communes dU grand est en fonction
des délais d’obtention de rendez-vous en janvier 2022

Source : réponses au questionnaire.

répartition par département des communes dU grand est en fonction
des délais d’obtention de rendez-vous en avril 2022

Source : réponses au questionnaire.

Les disparités départementales semblent avoir été indépendantes du nombre d’habitants. S’il est vrai que dans des départements très peuplés comme les Bouches-du-Rhône et le Nord, il fallait respectivement attendre 97,26 et 70,51 jours, il fallait également patienter 74,55 jours en Ariège et 79,08 jours dans le Gers. À l’inverse, dans le Pas-de-Calais et les Alpes-Maritimes, deux départements de plus d’un million d’habitants, le temps moyen d’attente était respectivement de 45,79 et de 44,13 jours.

Au niveau infra-départemental, des disparités encore plus importantes ont pu être observées. Dans la Marne et dans les Yvelines, deux départements dans lesquels le rapporteur spécial avait effectué un déplacement en préfecture lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, les délais d’obtention d’un rendez-vous dans une mairie équipée d’un ou plusieurs DR varient de zéro (dépôt du dossier sans rendez-vous sur présentation du demandeur) à plus de 150 jours.

Dans la Marne, le temps d’attente pour pouvoir se rendre auprès d’un DR allait d’aucun délai de rendez-vous (Pargny-sur-Saulx et Saint-Rémy-en-Bouzemont) à 123 jours (Bazancourt) et 133 jours (Saint-Brice-Courcelles), pour un délai moyen de 48,4 jours au niveau départemental.

Dans les Yvelines où le délai moyen était de 87,23 jours un an plus tard (mai 2023), il fallait par exemple patienter 176 jours au Mesnil-Saint-Denis ou encore 160 jours à Chatou et à Viroflay tandis qu’il n’était pas nécessaire de prendre rendez-vous à Mantes-la-Jolie et que trois communes proposaient des créneaux dès le lendemain de la demande de l’usager (Aubergenville, Beynes et La Celle‑Saint‑Cloud) ([5]).

b.   L’instruction et la production des titres d’identité par l’État

La prise de rendez-vous en mairie dotée d’un DR ne constitue que la première étape pour obtenir l’établissement ou le renouvellement d’une CNI ou d’un passeport.

Après la réception d’un dossier complet – c’est-à-dire comprenant au moins une photographie d’identité récente et un justificatif de domicile voire, selon les cas de figure, un extrait d’acte de naissance, un justificatif de nationalité française et un timbre fiscal ([6]) – les services municipaux chargés du recueil transmettent, de manière dématérialisée, la demande de l’usager à un centre d’expertise et de ressources des titres (CERT).

Il existe actuellement un CERT dédié aux CNI et aux passeports ([7]) par région, sauf en Île-de-France ([8]), en Corse ([9]) et en outre-mer ([10]). Ces structures, créées dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) sont placées sous l’autorité du préfet du département dans lequel elles se trouvent. Par exemple, les dossiers transmis par les DR situés dans les Yvelines et le Val-d’Oise sont traités par le CERT de Versailles (préfecture des Yvelines). Ceux transférés par les communes de la région Grand Est – dont celles de la Marne – sont examinés par le CERT de Metz (préfecture de la Moselle).

Les CERT sont chargés de contrôler l’ensemble des pièces des dossiers déposés en mairie par les usagers. Dans ce cadre, ils jouent un rôle important dans la détection des tentatives de fraudes documentaires. Lorsqu’une demande est validée après instruction, elle aboutit à la mise en production du titre par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Dans le cas contraire, le dossier peut être renvoyé en mairie pour être complété ou rectifié par l’usager ou, dans les cas de fraudes avérées, faire l’objet d’une transmission à la justice ([11]).

La production de la CNI ou du passeport relève, quant à elle, directement de la compétence de l’ANTS ainsi que de l’Imprimerie nationale, en ce qui concerne plus particulièrement sa fabrication matérielle. Cette société nationale dispose d’un monopole, confié par le législateur, pour « réaliser les documents déclarés secrets ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d'identité [et les] passeports » ([12]).

Les missions de l’ANTS

L’ANTS est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Elle est implantée à Charleville-Mézières (Ardennes) depuis sa création en 2007 ([13]).

L’agence est conduite à intervenir tout au long du processus de délivrance des titres d’identité, aussi bien en appui aux mairies dotées de DR qu’aux CERT chargés d’instruire les demandes. En effet, elle est chargée :

– d’assurer ou faire assurer le développement, la maintenance et l’évolution des systèmes, des équipements et des réseaux informatiques permettant la gestion des titres sécurisés ;

– d’assurer ou faire assurer la mise en œuvre des services en ligne, de moyens d’identification électronique et de transmissions de données associée à la délivrance et à la gestion des titres sécurisés ;

– de procéder aux achats des titres sécurisés ;

– d’acquérir et mettre à disposition des administrations intéressées les matériels et équipements nécessaires à la gestion et au contrôle de l’authenticité et de la validité des titres sécurisés et en assurer la maintenance ;

– de mettre en œuvre des actions d’information et de communication ;

– de développer et mettre en œuvre des plateformes d’échanges sécurisés.

Une fois créés, les titres d’identité sont envoyés à la mairie du dépôt de la demande pour être remis en mains propres à l’usager, étape qui clôt le parcours de la délivrance de ces documents.

Depuis 2022, cette seconde phase du processus d’établissement ou de renouvellement des CNI et des passeports a également connu une dégradation de ses délais, quoique moindre que celle de la prise de rendez-vous en mairie.

En effet, ils sont passés de 19 jours en 2021 à 29 jours l’année suivante. Au début du mois d’avril 2023, ils s’élevaient à 26,5 jours en moyenne.

délais moyens de mise à disposition des cni et passeports depuis 2018

(à compter du dépôt du dossier)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

évolution du délai moyen de mise à disposition et du stock de demandes
à traiter depuis le 1er janvier 2023

(colonne de gauche : en nombre de jours)

(colonne de droite : en nombre de dossiers)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

D’importantes disparités régionales apparaissent en fonction des CERT concernés. En métropole, le délai moyen de mise à disposition des titres d’identité variait de 15 jours pour celui de Saint-Étienne (Auvergne‑Rhône‑Alpes) à 45 jours pour celui de Melun (Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis) en 2022.

Fin avril 2023, il variait encore de 17 jours à Paris à 50,5 jours dans le ressort du CERT de Créteil (Essonne et Val-de-Marne).

L’instruction en CERT représente l’essentiel du temps d’attente pour la mise à disposition d’une CNI ou d’un passeport une fois la demande déposée en mairie. En effet, le délai de production du titre sécurisé par l’ANTS et l’Imprimerie nationale n’est que de 4 jours environ.

évolution de l’instruction des demandes dans le cert de versailles

(colonne de gauche : en nombre de demandes ;

colonne de droite : en nombre de jours)

Source : commission des finances à partir des données fournies par la préfecture des Yvelines.

L’addition du délai d’obtention d’un rendez-vous en mairie et du temps d’instruction et de production du titre demandé aboutissait à un délai moyen de près de 94 jours, soit plus de trois mois au 1er juillet 2022. Dans le ressort du CERT de Melun, il fallait patienter près de 120 jours à la même date, soit plus de quatre mois.

En avril 2023, un demandeur choisissant de déposer sa demande au Mesnil‑Saint‑Denis dans les Yvelines devra encore attendre 90 jours, dont 68 jours pour pouvoir se rendre dans un lieu disposant d’un DR et ensuite 22 jours pour espérer recevoir son document d’identité.

2.   Des données qui demeurent absentes de la mesure de la performance

La difficulté, pour les usagers, d’obtenir un rendez-vous en mairie dans un délai raisonnable est le principal marqueur de la « crise » des titres d’identité.

Cette étape du processus d’obtention d’une CNI ou d’un passeport n’étant pas directement du ressort de l’État, mais des communes équipées de DR, elle n’apparaît pas dans les indicateurs de performance de la mission AGTE, ce qui nuit à la qualité de l’information donnée au Parlement dans les documents annexés au projet de loi de finances.

a.   L’unique indicateur de performance ne concerne que les CERT

En application de l’article 51 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le projet annuel de performances (PAP) de la mission Administration générale et territoriale de l’État présente les objectifs poursuivis ainsi que les résultats obtenus et attendus « au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ».

Conformément à l’état G annexé à la loi de finances pour 2023 ([14]), l’un des objectifs du programme 354 Administration territoriale de l’État est de « réaffirmer les préfectures en tant que garantes des libertés publiques et du respect de la loi ».

Quatre indicateurs ont pour but de mesurer la réalisation de cet objectif dont deux concernent la délivrance des CNI et des passeports :

– les délais moyens d’instruction des titres ;

– le taux de dossiers de fraude documentaire et à l’identité détectés par les CERT pour la CNI, le passeport, le permis de conduire et le certificat d’immatriculation, d’une part, et par les préfectures pour les titres de séjour, d’autre part.

Ces deux indicateurs du programme 354 Administration territoriale de l’État sont considérés comme stratégiques au niveau de la mission.

La mesure des délais moyens d’instruction des titres ne concerne que le traitement des demandes par les CERT. Le PAP précise, à cet égard, qu’elle « exclut les délais non imputables aux CERT (délai de rendez-vous auprès de la mairie, délai de fabrication, délai d’acheminement) ».

délai moyen d’instruction des titres en cert depuis 2020

(en nombre de jours)

 

2020

2021

2022

2023 (cible)

2024 (cible)

2025 (cible)

Passeports

5,7

10,4

18

15

15

15

CNI

7,5

13,8

21

15

15

15

Source : projets et rapports annuels de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

Jusqu’en 2019, cet indicateur n’était pas exprimé en nombre de jours d’instruction mais en pourcentage de titres délivrés dans un délai imparti (15 jours). Cette évolution a permis d’avoir une meilleure connaissance du temps nécessaire aux CERT pour contrôler l’exactitude des demandes de CNI et de passeport avant leur mise en production. Le rapporteur spécial regrette toutefois que les délais de production et d’acheminement ne soient plus mesurés, comme c’était alors le cas.

part des titres délivrés dans un délai de 15 jours jusqu’en 2019

 

2017

2018

2019

2020 (cible)

Passeports

69,6 %

53,2 %

37,3 %

80 %

CNI

-

58,1 %

28 %

82 %

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2019.

b.   La prise en compte de l’ensemble des délais liés à la délivrance des titres permettrait au Parlement de mieux analyser la réalisation des objectifs fixés en loi de finances

L’indicateur de performances attaché au programme 354 Administration territoriale de l’État s’avère donc lacunaire pour mesurer l’efficience « du point de vue de l’usager » du service de délivrance des titres d’identité.

En se concentrant sur la seule instruction des demandes en CERT, il omet les autres délais auxquels est confronté l’usager sollicitant l’établissement ou le renouvellement de sa pièce d’identité et, notamment, celui pour obtenir un rendez-vous dans une mairie équipée d’un DR.

C’est pourquoi, lors de l’examen du PLF pour 2023, la commission avait adopté l’amendement n° IICF1271, présenté par le rapporteur spécial, visant à inclure, dans cet indicateur, le temps de prise de rendez-vous pour déposer une demande de CNI ou de passeport.

Cette proposition n’a pas été retenue dans la version du texte sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le rapporteur spécial le regrette.

En effet, l’obtention des documents d’identité dans un délai raisonnable devrait être un objectif de performance majeur pour ce programme budgétaire qui regroupe les crédits destinés aux préfectures et présente les emplois qui leur sont affectés. Depuis 2022, ce thème constitue pourtant le principal sujet d’interrogation pour nos concitoyens en ce qui concerne la gestion de ces moyens.

Il est vrai que l’offre de créneaux pour recueillir les dossiers de demande des usagers est du ressort de chaque commune équipée de DR. Il n’en demeure pas moins que la délivrance des titres d’identité sécurisés est bien une compétence de l’État, d’autant plus que le déploiement des DR et l’assistance technique aux communes relèvent de la compétence de l’ANTS.

Dans son rapport spécial sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État au projet de loi de finances pour 2020, le sénateur Jacques Genest jugeait déjà qu’il n’était pas « judicieux de considérer que l’État n’a pas de responsabilité sur les opérations qui se trouvent exclues du champ de l’indicateur ». Il considérait que l’État étant « responsable de l’architecture de la délivrance des titres, il ne peut dégager sa responsabilité de quelques-uns de ces constituants ».

Recommandation n° 1 : inclure l’ensemble des délais auxquels sont confrontés les usagers, de la demande de rendez-vous à la réception du titre d’identité, dans l’indicateur de performance.

3.   Le Gouvernement explique la crise actuelle des titres d’identité par plusieurs effets conjoncturels dont la sortie de la pandémie

Dans leur communiqué de presse relatif à la mise en place du plan d’urgence en mai 2022 ([15]), le ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, expliquaient la hausse inédite des demandes de titres d’identité par « l’effet de la sortie progressive de la pandémie qui a conduit de nombreux Français à engager les démarches de renouvellement de leur carte nationale d’identité ou passeport en vue de déplacements personnels ou professionnels ».

À cet effet de rattrapage, ils ajoutaient « la hausse saisonnière des demandes de titre liée à l’approche de la période estivale et de la période des examens du mois de juin ainsi que l’attrait suscité par la nouvelle carte d’identité ».

a.   Un effet de rattrapage post-crise sanitaire accentué par le cycle saisonnier des demandes

La pandémie de covid-19 a donné lieu à un régime d’état d’urgence sanitaire qui a duré du 23 mars 2020 ([16]) au 31 juillet 2022 ([17]). Il s’est notamment traduit, selon les périodes, par des mesures de confinement et des restrictions sur les déplacements des personnes.

À l’étranger, de nombreux pays ont instauré des contrôles sanitaires plus ou moins drastiques, allant de l’interdiction de séjour à l’exigence de la preuve d’une vaccination en passant par l’obligation de se soumettre à des dépistages à l’arrivée, voire, le cas échéant, à des mesures de quarantaine.

L’ensemble de ces dispositifs a conduit les Français à déposer beaucoup moins de demandes d’établissement ou de renouvellement de leurs documents d’identité.

évolution annuelle du nombre de demandes de titres depuis 2019

(en nombre de dossiers déposés)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

évolution mensuelle du nombre de demandes de titres en 2022

(en nombre de dossiers déposés)

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

La levée progressive des restrictions aux séjours à l’étranger a fait de l’été 2022 la première période estivale post-crise sanitaire. Ainsi, dès le printemps de cette même année, un effet d’engorgement des demandes de titres d’identité a été constaté.

Ce phénomène de file d’attente a aussi bien concerné les CNI que les passeports. Il faut en effet rappeler que la CNI est suffisante pour circuler dans les États membres de l’espace Schengen mais aussi dans certains autres pays qui autorisent les Français munis de ce seul document à s’y rendre.

Par ailleurs, la plupart des mairies ne proposent pas des créneaux différenciés pour les CNI et pour les passeports. De plus, les mêmes CERT sont compétents pour ces deux documents ([18]). Il en ressort donc un effet de « contamination » des retards de traitement des demandes de passeport sur celles des cartes d’identité.

Enfin, l’approche de l’été a toujours constitué une période de hausse des demandes de titres. Le rattrapage post-crise sanitaire a aggravé un effet saisonnier récurrent, même avant la pandémie de covid-19. Dans une moindre mesure, la fin du printemps est également une importante période d’examen pour les lycéens et les étudiants qui se traduit par la nécessité de détenir une pièce d’identité.

b.   Un attrait pour la nouvelle CNI

Un nouveau format de la CNI a été mis en circulation à partir de l’été 2021 ([19]). D’ici 2036, date d’expiration des dernières anciennes versions délivrées, le nouveau modèle, électronique, remplacera progressivement les CNI plastifiées qui dataient de 1995.

Cette nouvelle CNI répond aux prescriptions du règlement de l’Union européenne (UE) du 20 juin 2019 ([20]) visant à ce que ce document d’identité soit doté d’un composant électronique permettant de stocker les données biométriques du détenteur, notamment ses empreintes digitales et sa photographie. Cette puce, qui donne à la nouvelle CNI son format dit de « carte de crédit » ([21]), a ainsi pour objectif de lutter contre l’usurpation d’identité lors des passages des frontières, à l’instar des passeports biométriques, ou des contrôles par les forces de l’ordre.

D’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer, l’engouement suscité par ce nouveau modèle est venu contribuer à l’engorgement du traitement des demandes de titres d’identité.

Le rapporteur spécial demeure circonspect quant à cet argument. Il observe que les services de l’État ne sont pas en mesure de quantifier la part de la hausse des demandes imputable à cet éventuel attrait pour la nouvelle CNI.

c.   Un allongement des délais qui incite à solliciter le renouvellement d’un titre au plus tôt

Un phénomène psychologique favorise également la hausse des demandes de titres d’identité. S’il n’est pas mentionné dans la communication officielle du ministère de l’intérieur et des outre-mer, il a été évoqué pendant les auditions du rapporteur spécial.

En effet, le fait que la délivrance des CNI et des passeports atteignent des délais particulièrement longs incite les usagers à anticiper leurs demandes de renouvellement, parfois longtemps avant la date d’expiration de leurs documents d’identité.

Ces comportements sont accentués par le fait que la validité des CNI délivrées aux personnes majeures avant 2014 a été prolongée de dix à quinze ans ([22]) sans que la date d’expiration ait pu être modifiée au verso du titre. En conséquence, de nombreux usagers n’ont pas conscience de la faculté qui leur est donnée de conserver leur carte ou préfèrent tout de même procéder à son renouvellement de peur d’être empêchés de circuler dans l’espace Schengen. Par exemple, les CNI délivrées en 2012 portent une mention d’expiration à l’année 2022 alors qu’elles sont désormais valables jusqu’en 2027.

Il faut préciser que la nouvelle CNI, au format électronique, comporte à nouveau une durée de validité de dix ans.

durée de validité des cni selon l’année de délivrance ([23])

Année de délivrance

Durée de validité inscrite sur la carte d’identité

Durée de validité réelle

jusqu’en 2003

10 ans

de 2004 à 2013

10 ans

15 ans

de 2014 à 2021

15 ans

depuis 2021 (nouvelle CNI)

10 ans

Source : commission des finances.

B.   des mesures conjoncturelles qui peinent À rÉsoudre le problÈme

Dès le mois de mai 2022, le Gouvernement a mis en place un plan d’urgence visant à réduire l’allongement des délais de délivrance des CNI et des passeports. Ses mesures sont toujours en vigueur à la date de publication du présent rapport et ont continué à être complétées tout au long des années 2022 et 2023.

Les actions du plan d’urgence visent à accroître l’offre de rendez-vous en mairie et à accélérer l’instruction des demandes au niveau des CERT, de l’ANTS et de l’Imprimerie nationale.

Le rapporteur spécial observe que leurs effets sont difficiles à mesurer. Dans la meilleure des hypothèses, elles ont au moins permis que les délais ne continuent pas à s’allonger au-delà des pics atteints au printemps 2022.

1.   La priorité donnée à l’augmentation de l’offre de rendez-vous

Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous en mairie pour déposer une demande d’établissement ou de renouvellement d’une CNI ou d’un passeport représente le délai le plus long et le plus dégradé. Le plan d’urgence entend donc s’attaquer à celui-ci.

Il est le fruit d’une concertation du ministère de l’intérieur et des outre-mer avec l’Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF).

a.   En optimisant l’accueil des usagers

Afin d’accélérer le dépôt des demandes dans les communes équipées de DR, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a diffusé :

– une grille d’analyse sur les modalités de recueil des dossiers prenant la forme d’un questionnaire adressé aux communes dotées de DR ;

– un guide d’accueil des demandeurs de CNI et de passeports détaillant un ensemble de « bonnes pratiques à l’attention des agents de mairie ».

La grille d’analyse consiste en un sondage de 34 questions visant à dresser un état des lieux de l’accueil des usagers pour les demandes de CNI et de passeports. Elles sont structurées autour de la connaissance de :

– l’organisation des services municipaux en charge du recueil de la demande de titre ;

– la prise de rendez-vous ;

– la gestion des flux ;

– les relations avec les acteurs de la chaîne de la délivrance des titres.

Compilées par les services des préfectures, les réponses ont permis d’identifier les axes d’évolution pour permettre d’optimiser les délais de rendez-vous. Pour le ministère de l’intérieur, ils doivent repasser en deçà de 30 jours, considéré comme un délai raisonnable.

Ce travail a abouti à la diffusion d’un guide d’accueil, document d’une cinquantaine de pages qui formule 49 recommandations pour :

– informer l’usager à l’aide de supports généralistes ou de manière individualisée tout au long de sa démarche ;

– organiser son accueil en mairie (avec ou sans rendez-vous) ;

– simplifier le travail des agents de façon à fluidifier les dépôts, limiter les recueils complémentaires et les rejets et optimiser l’emploi des ressources humaines sur un temps long.

À noter que les communes sont aussi incitées à mutualiser leurs plateformes de prise de rendez-vous en ligne, afin d’éviter les phénomènes de doublons. Face à l’allongement des délais, certains usagers peuvent en effet avoir un comportement opportuniste en réservant des créneaux différents dans plusieurs communes simultanément sans annuler ceux qui ne seront finalement pas honorés. Dans ce contexte, l’ANTS a mis en place un moteur de recherche de rendez-vous. Les communes qui acceptent de s’y raccorder ont droit à une compensation financière annuelle de 500 euros par DR, en application de la dernière loi de finances ([24]).

Enfin, la réception des demandes a été optimisée grâce à un effort de communication de la part des services de l’État et des communes visant à inciter l’usager à saisir une pré-demande sur le portail en ligne de l’ANTS afin d’éviter d’attendre le rendez-vous pour constater le caractère éventuellement incomplet d’un dossier.

b.   En augmentant le nombre de stations d’enregistrement des demandes

Le second volet de l’augmentation de l’offre de rendez-vous en mairie repose sur l’augmentation du nombre de DR, qu’elle soit temporaire ou pérenne.

De manière provisoire, une trentaine de centres temporaires d’accueil (CTA) ont été ouverts sur l’ensemble du territoire national, particulièrement dans les centres urbains fortement sollicités. Chaque CTA était équipé de cinq à dix DR.

En mai 2023, ce dispositif a été repris sous une nouvelle forme baptisée « opérations coup de poing ». Elles consistent également à déployer sur un même site cinq à dix stations de recueil pour une durée de quatre mois dans deux à trois communes volontaires dans chaque région métropolitaine, d’après les instructions de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. L’installation de DR temporaires entraîne une compensation financière ponctuelle de 50 000 euros pour cinq stations et de 150 000 euros pour dix stations.

De façon permanente, le plan d’urgence a déployé 183 nouveaux DR dans des espaces France Services gérés par des communes qui n’en étaient pas dotées. À cette première vague de déploiements a succédé le plan « 500 DR » à compter du second semestre de l’année 2022. Il entend cibler prioritairement les départements dont le taux d’équipement est inférieur à la moyenne nationale afin de parvenir à un nombre moyen de DR par habitant homogène.

L’augmentation des capacités de recueil de demandes passe également par un accroissement de la « productivité » de chaque DR afin d’éviter les phénomènes de sous-utilisation. Dans cette perspective, et ce de manière pérenne, la loi de finances pour 2023 ([25]) a réformé le calcul de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) versées aux communes en contrepartie de leur équipement, en application de l’article L. 2335‑16 du code général des collectivités territoriales (CGCT), en laissant au pouvoir réglementaire la faculté de déterminer les montants en fonction de seuils de demandes enregistrées.

Le décret n° 2023‑206 du 27 mars 2023 relatif à la dotation pour les titres sécurisés prévoit que la DTS peut atteindre jusqu’à 21 500 euros par DR lorsque celui-ci recueille plus de 4 000 demandes par an.

barème de la dts en 2023

Part forfaitaire

9 000 €

Part variable

de 1 876 à 2 500 demandes

5 000 €

de 2 501 à 3 999 demandes

8 500 €

plus de 4 000 demandes

12 500 €

Majoration pour l’inscription à un module dématérialisé et interopérable de prise de rendez-vous

500 €

Source : article D. 2335‑23 du CGCT.

montant de la dts en fonction du nombre annuel de demandes par dr

Source : commission des finances.

La question de la compensation financière du recueil des demandes de titres d’identité par les communes fera l’objet de développements ultérieurs dans le présent rapport.

Enfin, face à la recrudescence des difficultés importantes de prise de rendez-vous en mairie, le ministère de l’intérieur et des outre-mer, dans une instruction ministérielle du 31 mars 2023, a créé un « contrat urgence titres » (CUT). Il permet aux communes signataires de recevoir une dotation exceptionnelle si elles augmentent de 20 % les recueils effectués en mai et juin 2023 par rapport aux niveaux observés en janvier et février de la même année.

La commune a ainsi droit à une prime de 4 000 euros par DR. Pour atteindre cet objectif, le maire s’engage notamment à :

– mettre en œuvre une organisation idoine qui peut prendre par exemple la forme de plages horaires étendues et adaptées aux contraintes des usagers : accueil sur la pause méridienne, en début de soirée et/ou le week-end, remise de titres sans rendez-vous, durée de rendez-vous optimisée à 20 minutes maximum ;

– à faire fonctionner le DR par des agents individuellement désignés et dûment habilités et formés ([26]).

L’ensemble des compensations financières présentées ci-avant sont inscrites sur les crédits du programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

2.   Le plan d’urgence entend également accélérer l’instruction et la production des titres d’identité

Si les délais d’instruction, de production et d’acheminement, qui relèvent des CERT, de l’ANTS et de l’Imprimerie nationale, ne sont pas les plus dégradés, des gains de productivité non négligeables peuvent néanmoins être dégagés grâce aux mesures du plan d’urgence.

a.   En réduisant certaines demandes d’usagers en amont

En amont de l’instruction des demandes de CNI et de passeports, la dégradation importante des délais a incité le Gouvernement à suspendre provisoirement les demandes de renouvellement jugées non impératives.

Depuis le 12 avril 2023, il n’est temporairement plus possible de procéder au renouvellement d’un titre d’identité au seul motif d’un changement d’adresse du domicile afin de donner la priorité aux autres demandes (première délivrance, expiration, perte et vol).

De plus, il est rappelé aux usagers que les CNI délivrées avant 2014 demeurent valables pendant quinze ans au lieu de dix (cf. supra) malgré l’inscription qui figure au revers de la pièce d’identité.

Enfin, le ministère de l’intérieur et des outre-mer rappelle que l’expiration d’un document d’identité inférieure à cinq ans n’empêche pas l’accomplissement de certaines démarches administratives. Un candidat à un examen, à un concours ou encore au permis de conduire peut, par exemple, s’y inscrire même avec un titre qui n’est plus valide depuis moins de cinq ans.

Le rapporteur spécial pointe ici l’inconfort que cette situation peut représenter pour nos concitoyens dans leur vie quotidienne, y compris pour la souscription d’un abonnement (téléphonie, eau, gaz, électricité, internet…), la recherche d’un logement ou la demande d’un prêt auprès d’une banque pour ne citer que quelques exemples emblématiques.

b.   En renforçant les effectifs

Une fois le dossier déposé en mairie, c’est au niveau des CERT que se rencontre le délai le plus important et où se ressent le plus l’engorgement des demandes de CNI et de passeports (cf. supra).

Outre le renforcement de l’appui apporté à ces structures par l’administration centrale – et plus particulièrement la direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES) – et par l’ANTS, il a été décidé de renforcer temporairement leurs effectifs.

Cet apport repose sur le renfort de contractuels infra-annuels, c’est-à-dire dont le contrat d’engagement est inférieur à un an, à hauteur de 245 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2022 et de 240 ETPT en 2023, soit une augmentation de 42 % de l’ensemble des effectifs par rapport à l’année 2021.

Dans une instruction de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Mme Dominique Faure, adressée aux préfets en date du 4 mai 2023, il est précisé qu’« un nouveau plan de renforcement des effectifs des CERT est à l’étude » compte tenu de l’ensemble des mesures d’urgence reconduites ou instaurées au printemps 2023.

Le rapporteur spécial rappelle que les CERT ont été, en quelque sorte, victime d’une réallocation des effectifs au bénéfice des services dits « étrangers » des préfectures au moment de la crise sanitaire au cours de laquelle les demandes de titres s’étaient taries du fait de la pandémie.

Pour rappel, les emplois des CERT sont rémunérés par les crédits du programme 354 Administration territoriale de l’État inscrits à l’action 02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres ([27]).

c.   En augmentant les moyens matériels

À l’Imprimerie nationale, des équipements supplémentaires ont été installés pour renforcer les lignes de production. D’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer, cela a permis d’augmenter le volume quotidien de fabrication de titres d’identité à l’automne 2022.

3.   Les effets du plan d’urgence demeurent difficiles à mesurer

Comme indiqué précédemment, les délais de délivrance des CNI et des passeports ont baissé à compter du mois de juin 2022 après avoir atteint un pic au mois précédent. Toutefois, une stagnation a été observée du début de l’été 2022 à la fin de l’hiver 2023, période au cours de laquelle le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous est demeuré autour de 50 jours.

Le nouvel allongement des délais à l’approche de la période estivale de 2023 interroge la pertinence des mesures d’urgence mises en œuvre.

Le rapporteur spécial constate que les actions du Gouvernement n’ont pas permis de résoudre la crise des titres d’identité de manière durable. Il estime que les dispositifs pérennes mis en œuvre sont encore trop récents pour pouvoir être évalués sur le long terme. Il suppose que le plan d’urgence a dû au moins permettre à cette crise de ne pas empirer davantage.

En effet, la plupart des mesures présentées supra demeurent en cours de réalisation, voire à l’état de projet. La nomination d’un sous-préfet à l’engagement national pour la délivrance des titres depuis le mois de mai 2023 semble être la preuve d’une crise qui s’installe dans la durée.

D’après l’instruction ministérielle du 4 mai 2023, il a vocation à :

– participer aux instances de suivi organisées au niveau des préfectures ;

– conduire des missions d’appui et de conseil auprès des mairies identifiées comme étant en difficulté ;

– relayer les difficultés rencontrées au niveau local dans le cadre de l’utilisation quotidienne des DR.

De manière générale, le rapporteur spécial considère que le plan d’urgence ne contient que des mesures conjoncturelles alors que le problème de la délivrance des titres d’identité est, en réalité, structurel.

Celui-ci est révélateur d’une mauvaise conception initiale de la chaîne de délivrance mise en place en 2017.

Si le rattrapage post-crise sanitaire explique effectivement la hausse des demandes depuis 2022, l’incapacité de l’État et des communes à y faire face trouve son origine dans le fonctionnement même du processus d’établissement et de renouvellement des CNI et des passeports.

Il est intéressant de noter que le député Jacques Savatier observait, dans son rapport spécial sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État au projet de loi de règlement pour 2018, qu’il pouvait arriver que « l’organisation, voire les ressources des communes ne favorisent pas l’obtention des rendez-vous nécessaires à l’établissement d’une demande dans des délais brefs ». Bien avant le début de la pandémie, notre collègue précisait que ce « constat détermine d’ailleurs un nombre parfois significatif d’usagers à accomplir leurs démarches dans une commune autre que celle de leur lieu de résidence même si celle-ci possède un dispositif de recueil ».

 


II.   le système actuel de dÉlivrance des titres est responsable de l’allongement des dÉlais et appelle À Être réformÉ

Comprendre la crise actuelle de la délivrance des titres nécessite d’interroger la pertinence du fonctionnement de la chaîne de production des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports, dont la forme actuelle remonte à 2017.

La hausse des demandes consécutives à la fin de la période de pandémie de covid-19 ne saurait expliquer à elle seule les dysfonctionnements auxquels sont confrontés nos concitoyens. D’autant plus que les délais d’attente ont toujours été problématiques, même s’ils ont atteint, depuis l’année dernière, une importance sans équivalent par le passé.

Tant le député Jacques Savatier que le sénateur Jacques Genest, qui furent chacun rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État pour la commission des finances de leur assemblée respective, s’étaient inquiétés du caractère particulièrement long du temps de renouvellement d’une pièce d’identité bien avant le début de la crise sanitaire. Tous deux s’inquiétaient des conséquences de la réforme de 2017 sur la capacité des communes et de l’État à honorer leurs engagements.

Quant aux disparités locales importantes constatées, elles étaient déjà pointées du doigt par la Cour des comptes dans le chapitre de son rapport public annuel de 2020 consacré à la dématérialisation de la délivrance des titres par les préfectures.

En conséquence, le rapporteur spécial appelle à des réformes structurelles plutôt qu’à des mesures conjoncturelles pour éviter que de telles tensions surgissent chaque année. À défaut d’une remise à plat complète du système actuel de délivrance, il propose plusieurs pistes d’évolution en ce sens.

A.   la dÉlivrance des cni et des passeports repose sur le volontariat des communes

L’impact sur l’ensemble de la chaîne de délivrance de la dégradation considérable des délais d’obtention d’un rendez-vous pour déposer un dossier dans un dispositif de recueil (DR) met en exergue le rôle important joué par les communes.

Depuis 2008 pour les passeports et depuis 2017 pour les CNI, le recueil déterritorialisé des demandes d’établissement ou de renouvellement de ces documents d’identité repose sur le volontariat des communes.

Faute d’un contrôle suffisant de la part de l’État et d’une compensation financière adéquate, ce fonctionnement ne peut qu’induire des disparités locales et provoquer des tensions en cas de hausse des demandes de titres.

1.   Un système déterritorialisé a progressivement été mis en place

Si le système actuel date de 2017, ses prémices remontent à presque dix ans auparavant avec le déploiement des premiers passeports biométriques.

Depuis, il prend la forme d’environ 4 800 points de recueil répartis dans 2 600 communes de manière déterritorialisée.

a.   La nécessité de recueillir les empreintes digitales pour les passeports biométriques est à l’origine du déploiement des dispositifs de recueil

Le système actuel de délivrance des titres d’identité trouve son origine dans la généralisation du passeport biométrique en 2008-2009.

Afin de se conformer aux prescriptions du droit communautaire ([28]), le Gouvernement a rendu obligatoire le recueil des empreintes digitales du demandeur, celles-ci devant être contenues dans le composant électronique du document d’identité, par un décret du 30 avril 2008 ([29]). Cette puce sans contact contient également des données relatives à l’état civil et aux caractéristiques physiques de la personne (couleur des yeux et taille).

À cette fin, des dispositifs de recueil (DR) des empreintes digitales ont été progressivement déployés dans un nombre limité de communes, de l’ordre de 2 000 en juillet 2009, après avoir été expérimentés pendant près d’un an dans cinq départements (l’Aube, la Gironde, la Loire‑Atlantique, l’Oise et le Nord).

Ces DR n’ont aucun ressort géographique, chaque usager pouvant déposer sa demande dans une mairie, équipée, de son choix.

Auparavant, les usagers devaient se rendre aux guichets d’une préfecture ou d’une sous-préfecture pour demander l’établissement ou le renouvellement d’un passeport ([30]).

b.   La mise en place du plan « préfectures nouvelle génération » a achevé la transition vers le système actuel de délivrance des titres

Avant même la mise en place des nouvelles CNI (cf. supra), désormais également biométriques, il a été décidé, en 2017, de confier aux seules communes dotées de DR, initialement destinés au dépôt des demandes de passeports biométriques, le soin de recueillir les demandes d’établissement ou de renouvellement des CNI.

Auparavant, toutes les communes pouvaient assurer la réception et la saisie des demandes de CNI.

Cette réforme était le corollaire du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) qui entendait concentrer les moyens des services déconcentrés de l’État sur quatre missions jugées prioritaires :

– la gestion des crises ;

– la lutte contre la fraude documentaire ;

– l’expertise juridique et le contrôle de légalité ;

– la coordination territoriale des politiques publiques.

Le PPNG prévoyait de réformer profondément les modalités de délivrance des titres sécurisés (CNI et passeports mais aussi permis de conduire et certificats d’immatriculation des véhicules ([31])) « en s’appuyant sur la généralisation du recours aux télé-procédures ou à des tiers de confiance ».

La dématérialisation de l’instruction des titres d’identité devait permettre de dégager des gains de productivité. C’est pourquoi les anciens services « titres » des préfectures ont été fermés et remplacés par des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), à raison d’un centre par région de manière générale ([32]) pour le traitement des dossiers relatifs aux CNI et aux passeports (cf. supra).

En termes d’emplois, cette évolution devait d’accompagner :

– du transfert de 1 500 équivalents temps plein (ETP) des anciens services « titres » des préfectures au niveau départemental vers les CERT régionaux ;

– de la réallocation de 1 000 ETP vers les quatre missions prioritaires ;

– de la suppression de 1 300 ETP sur les 4 000 affectés jusqu’alors à ces tâches.

D’après la Cour des comptes, cet objectif avait globalement été atteint en 2020 bien que la hausse des flux migratoires ait nécessité de prélever environ 40 % des effectifs prévus pour les missions prioritaires au bénéfice des services dits « étrangers » des préfectures ([33]).

La question de l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’État sera étudiée de près par le rapporteur spécial à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances.

La numérisation de la demande de titre et des pièces justificatives, d’une part, et le renforcement de la lutte contre la fraude documentaire par le prélèvement des empreintes digitales ([34]), d’autre part, expliquent que l’habilitation à recueillir les demandes de CNI ait été limitée aux seules communes dotées de DR.

En plus de la diffusion de la nouvelle CNI biométrique depuis 2021, ce titre d’identité ne cessera pas de faire l’objet de réformes puisque une mission est sur le point d’être confiée à l’Inspection générale de l’administration (IGA), à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) « afin de travailler à la mise en œuvre technique et juridique de la fusion de la carte nationale d’identité et de la carte Vitale », d’après un communiqué de presse conjoint de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, daté du 30 mai 2023.

Eu égard aux difficultés actuellement rencontrées dans la délivrance des CNI et des passeports, le rapporteur spécial demeure circonspect quant à l’annonce d’une telle réforme.

c.   Le dépôt des demandes de titres repose sur un réseau de communes volontaires sans ressorts géographiques

Au 1er mars 2023, les usagers pouvaient déposer leurs demandes de CNI et de passeport dans 4 812 DR déployés dans 2 617 communes ([35]), soit 1,84 DR par mairie équipée en moyenne.

La décision d’équiper une petite partie seulement des communes (7,5 % en 2023) a été motivée par « la recherche de la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres d’identité et de rationalisation des moyens publics humains et financiers » ([36]). En effet, il semblait préférable au ministère de l’intérieur et des outre-mer de limiter le nombre d’accès au fichier des titres électroniques sécurisés (TES) comportant des données sensibles à caractère personnel.

Pour choisir les emplacements des DR, le ministère a souhaité « un maillage mesuré, équilibré et harmonisé entre les différentes régions ». En pratique, ce sont les conseils municipaux qui formulaient des demandes de déploiement de DR auprès du représentant de l’État qui, après un avis de ce dernier, étaient validés ou non par l’administration centrale.

Il existe donc actuellement un DR pour environ 14 000 habitants.

Néanmoins, d’importantes disparités d’utilisation apparaissent entre les DR, ce qui pose la question de l’égal accès des citoyens à ce service public. Le constat de ces inégalités est conforté par les écarts de délais d’obtention de rendez-vous, signe d’un maillage inégal.

Le rapporteur spécial s’interroge d’ailleurs sur la pertinence de la notion même de maillage territorial dans la mesure où les DR n’ont pas de ressort géographique, chaque usager étant libre de déposer sa demande où il l’entend, qu’il s’agisse d’une mairie proche de son domicile, de son lieu de travail ou encore de son lieu de villégiature.

D’après les données communiquées au rapporteur spécial, les 10 % des DR les plus utilisés traitaient 544 demandes en moyenne au mois de mars 2023 alors que les 10 % les moins utilisées n’en enregistraient que 31 seulement, soit presque vingt fois moins.

Ces écarts considérables s’expliquent, d’une part, par un déploiement géographique qui ne tient pas suffisamment compte du nombre d’habitants susceptibles d’y avoir recours et, d’autre part, par la disparité des moyens alloués par les différentes communes équipées. En effet, toutes les collectivités n’affectent pas le même nombre d’emplois par DR et chacune offre des créneaux de rendez-vous aux amplitudes variées, créneaux dont les modalités de réservation (par internet, par téléphone, sans rendez-vous…) et la fréquence de mise à jour diffèrent également.

Dans son rapport public annuel de 2020, la Cour des comptes observait que le réseau des DR était, dans sa globalité, sous-utilisé avec une moyenne de 58 % de leur capacité optimale, estimée à 3 750 recueils par an, mais qu’il laissait apparaître d’importantes disparités. D’après elle, « ces écarts s’expliquent en partie par une logique d’aménagement du territoire qui a conduit l’État à sur-doter certains départements ». La Cour pointait également le fait que « les modalités d’organisation sont à la libre initiative des communes, ce qui entraîne une très grande disparité dans l’accessibilité des services ».

En résumé, le rapporteur spécial estime que la déterritorialisation et la place trop importante laissée à l’initiative des communes sont les principaux maux du système actuel de délivrance des titres d’identité.

Il considère que le fait de confier aux communes ce service n’est pas un problème en soi puisque le maire est aussi un agent de l’État ([37]). En revanche, l’absence de contrôle approfondi des préfectures sur les services municipaux est à déplorer.

2.   Une charge qui reste mal compensée pour les communes dotées de dispositifs de recueil

La mise à disposition des DR aux communes par l’État s’accompagne d’une compensation financière censée couvrir une partie des charges représentées par l’enregistrement des demandes de titres d’identité, notamment en matière de dépenses de personnel

a.   La dotation pour les titres sécurisés constitue une indemnisation principalement forfaitaire

Dans la perspective du déploiement des premiers DR pour recueillir les demandes des passeports biométriques sur l’ensemble du territoire national, la loi de finances pour 2009 a créé une dotation pour les titres sécurisés (DTS) ([38]), dont les dispositions figurent à l’article L. 2335‑16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). D’un montant strictement forfaitaire à l’origine, elle s’élevait alors à 5 000 euros par station d’enregistrement et par an.

évolution des montants de la dts

Années

Part forfaitaire

Part variable

Dotation maximale par DR

2009-2010

5 000 €

aucune

5 000 €

2011-2017

5 030 €

aucune

5 030 €

2018-2022

8 580 €

3 550 € (> 1 875 demandes)

12 130 €

2023

9 000 €

5 000 €

(entre 1876 et 2 500 demandes)

22 000 €

8 500 €

(entre 2 501 et 3 999 demandes)

12 500 € (> 4 000 demandes)

500 €

(si module de rendez-vous national)

Source : commission des finances.

montant de la dts selon l’année et le nombre de demandes

Source : commission des finances.

Jusqu’au 31 décembre 2022, la DTS s’élevait à 8 580 euros, montant auquel pouvait s’ajouter une majoration de 3 550 euros pour chaque DR ayant enregistré plus de 1 875 demandes de CNI ou de passeports.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait appelé à réformer le calcul de cette dotation afin de la rendre proportionnelle de sorte à corriger les écarts d’utilisation des DR par les différentes communes équipées ([39]).

Cette préconisation a été, en partie, entendue puisque le Gouvernement a intégré, dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement introduisant la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer un barème en fonction du nombre de titres enregistrés pour le calcul de la part variable.

Ainsi, le décret n° 2023‑206 du 27 mars 2023 relatif à la dotation pour les titres sécurisés ([40]) dispose que celle-ci est composée d’une part forfaitaire s’élevant à 9 000 euros et d’une part variable, au-delà de 1 876 demandes traitées annuellement, pouvant aller jusqu’à 12 500 euros, voire 13 000 euros si l’on inclut la majoration de 500 euros de la DTS attribuée aux communes pour leur inscription à « un module dématérialisé et interopérable de prise de rendez-vous », c’est-à-dire au moteur de recherche de l’ANTS.

Les crédits destinés à la DTS sont regroupés sur le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

évolution des crédits consommés au titre de la dts depuis dix ans

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Source : rapports annuels de performances de la mission Relation avec les collectivités territoriales.

Le total des crédits disponibles pour la DTS en 2023 s’élève à 72,44 millions d’euros en incluant ceux dégelés en 2022 et reportés sur l’année suivante.

b.   La DTS ouvre droit à une compensation financière très partielle

L’objet de la DTS est de compenser financièrement les dépenses induites par le déploiement d’un ou de plusieurs DR par une commune volontaire. La maintenance logistique étant prise en charge par l’ANTS, il s’agit principalement de dépenses de personnel. Dans son guide des bonnes pratiques à l’attention des agents de mairie, le ministère de l’intérieur et des outre-mer considère qu’un maire doit « s’assurer de la présence d’un effectif suffisant (a minima deux agents par DR pour assurer un service continu à l’usager durant l’année) ». Il préconise également « la mise en place d’une organisation adaptée aux flux et le renfort du service titres lors des périodes de pics d’activité ».

S’il s’avère difficile de chiffrer avec précision le montant que peut représenter, en moyenne, la charge représentée par un DR pour une commune, l’AMF a toujours considéré que l’indemnisation du recueil des demandes de titres d’identité était loin de couvrir les frais réels engagés par ces collectivités territoriales pour accomplir cette mission.

En effet, la part forfaitaire, censée compenser le fonctionnement « normal » d’un DR (soit 1 875 demandes de titres par an au maximum) ne s’élève qu’à l’équivalent de 750 euros par mois, une somme très éloignée de la plus petite rémunération mensuelle brute d’un seul agent territorial à temps complet.

3.   Une délivrance du ressort de l’État mais sur lequel celui-ci n’a que peu de prises

L’État est responsable de l’édition des titres d’identité. Une CNI ou un passeport est d’ailleurs signé par son représentant dans le département où il a été remis. Pourtant, une partie importante de la chaîne de délivrance repose, non pas sur les services de l’État, mais sur des collectivités territoriales et ce, sur la base du volontariat.

Comme il a été dit précédemment, le rapporteur spécial rappelle que le fait de confier une mission aux maires, en leur qualité d’agent de l’État, n’est absolument pas nouveau. Toutefois, il ne peut que s’étonner que cette charge – facultative – qui peut leur incomber ne soit pas davantage encadrée.

a.   La crise actuelle des titres d’identité est révélatrice du manque de moyens d’action de l’État sur le premier élément de la chaîne de délivrance

L’allongement considérable des délais pour obtenir un rendez-vous en mairie pour déposer sa demande de CNI ou de passeport a révélé l’impuissance de l’État à, d’une part, prévenir une telle situation et, d’autre part, résoudre rapidement et durablement une telle crise qui affecte la vie quotidienne de nos concitoyens.

L’ensemble des mesures mises en œuvre par le plan d’urgence du Gouvernement témoignent des difficultés pour intervenir sur les délais de prise de rendez-vous en mairie. L’État semble finalement n’avoir que peu de prise sur la gestion des DR par les communes, l’effort pour endiguer l’allongement du temps d’attente pour le dépôt reposant sur la bonne volonté des communes à qui le ministère de l’intérieur et des outre-mer ne peut que formuler des préconisations ou promettre de nouvelles compensations financières.

À cet égard, la mise en place d’un contrat urgence titres (CUT) pour inciter les communes – là encore volontaires – à augmenter de 20 % le nombre de demandes enregistrées en contrepartie d’une prime de 4 000 euros par DR ([41]) est symptomatique du nombre restreint de leviers dont dispose les préfets pour augmenter la productivité des stations de recueil en mairie.

En axant sa stratégie sur la multiplication du nombre de DR, le Gouvernement propose une solution conjoncturelle à un problème structurel. Le rapporteur spécial estime que l’augmentation du nombre de stations d’enregistrement ne modifiera guère les dysfonctionnements inhérents au système actuel de délivrance des titres. Il en veut pour preuve que cette « crise » dure depuis plus d’un an et que l’urgence s’est installée dans la durée.

À ce titre, il faut noter que le ministère de l’intérieur et des outre-mer parle désormais moins de « plan d’urgence » que d’« engagement national » pour la délivrance des titres d’identité dans sa communication officielle.

La nomination d’un sous-préfet dédié à cet engagement national semble témoigner d’une prise de conscience du Gouvernement concernant le caractère long de cette crise.

Enfin, le rapporteur spécial regrette que les services du ministère ne soient pas en mesure de comparer le coût pour les finances publiques du système actuel de délivrance des titres par rapport à celui qui prévalait avant 2009 pour les passeports et 2017 pour les CNI.

La difficulté de calculer un ratio coût-avantage de ces réformes interroge en effet la démarche de performances de la gestion des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État. Au regard des travaux qu’il a conduit au cours de ce Printemps de l’évaluation, le rapporteur spécial n’est pas convaincu que le système actuel de délivrance des CNI et des passeports a constitué une avancée pour l’État comme pour les usagers, tant en termes de qualité du service rendu qu’en termes d’économies budgétaires.

b.   Dans une chaîne de délivrance aux acteurs multiples, l’action de l’État se concentre sur la lutte contre la fraude documentaire

L’idée du PPNG mis en œuvre en 2017 était que les services de l’État se concentrent prioritairement sur la lutte contre la fraude documentaire, ce qui est en partie l’objet des CERT créé à cette occasion en remplacement des anciens services « titres » des préfectures.

La lutte contre la fraude documentaire

Le projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État présente un indicateur mesurant le « taux de dossiers de fraude documentaire et à l’identité détectés par les CERT pour la CNI, le passeport, le permis de conduire et le certificat d’immatriculation d’une part et les préfectures pour les titres de séjour d’autre part ».

Ce ratio a atteint 1,1 fraude avérée pour 1 000 dossiers instruits suite à un soupçon en 2022. Il est stable depuis plusieurs années. Pour 2023, sa cible a été fixée à 1,3.

La lutte contre les contrefaçons ou les falsifications des pièces constitutives des demandes de CNI et de passeport est en enjeu majeur pour la délivrance des titres d’identité qui incombe principalement aux CERT qui disposent chacun d’une cellule fraude, en lien étroit avec le référent fraude départemental (RFD).

Toutefois, les agents des mairies chargés du recueil jouent également un rôle important dans la mesure où ils sont chargés de prélever les empreintes digitales et d’effectuer un premier contrôle des justificatifs, au stade du dépôt, puis de remettre en mains propres le titre délivré. À ce titre, ils sont sensibilisés par le CERT de leur région.

Parallèlement à ces contrôles humains, la sécurisation de la procédure de délivrance des titres est renforcée par le recours aux outils numériques, à l’instar du fichier des titres électroniques sécurisés (TES), de l’application Doc’Vérif ou du système d’information COMEDEC ([42]) pour l’état-civil.

En 2022, 3 924 fraudes ont été détectées au cours de l’instruction en CERT dont 2 215 dans des dossiers de CNI et 1 709 dans des dossiers de passeports.

D’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer, une CNI contrefaite peut être vendue entre 200 et 400 euros dans l’économie souterraine. Un passeport usurpé ou modifié peut s’échanger entre 400 et 600 euros.

Le 5 juin 2023, un réseau de faux papiers a, par exemple, été démantelé par la police. Selon des journalistes de France Télévisions, « la filière aurait bénéficié du soutien d’agents de préfectures en région parisienne » ([43]).

Ce recentrage autour de la prévention et de la répression des fraudes devait être associé à un effort important de dématérialisation pour permettre des gains de productivité, notamment en matière de dépenses de personnel. Toutefois, il est intéressant d’observer que c’est précisément au niveau de la seule étape du processus qui implique une présence physique ([44]) que se situe l’allongement le plus important des délais.

En effet, la nécessité de recueillir les empreintes digitales du demandeur empêche une dématérialisation complète de la procédure, contrairement à l’édition des permis de conduire ou des certificats d’immatriculation des véhicules par exemple. Le rapporteur spécial considère qu’il y a eu un impensé à ce niveau-là concernant l’impact potentiel de tout dysfonctionnement au niveau du dépôt en mairie sur l’ensemble de la chaîne de production.

B.   À défaut de pouvoir rÉformer en profondeur le systÈme actuel, il convient de mieux indemniser les communes et d’encadrer davantage l’offre de rendez-vous

Le rapporteur spécial déplore la conception du système actuel de délivrance des titres d’identité.

Faute de pouvoir procéder à une remise à plat complète de celui-ci dans un délai rapide, il propose d’apporter quelques éléments de correction visant, d’une part, à mieux assurer la compensation financière aux communes volontaires du déploiement des DR et, d’autre part, à favoriser un contrôle plus étroit de l’utilisation qui en est faite.

1.   Rendre la délivrance des titres plus incitative financièrement pour les communes

Assurer une meilleure compensation financière de la mise à disposition des stations d’enregistrement des demandes de CNI et de passeports tout en favorisant l’augmentation de l’offre de rendez-vous impliquerait la mise en application d’un calcul davantage proportionnel.

L’aggravation de cette charge publique pourrait être compensée par une hausse des droits de timbre acquittés par les demandeurs de titres d’identité.

a.   Faire de la DTS une dotation proportionnelle au nombre de demandes recueillies

Jusqu’en 2017, la DTS était strictement forfaitaire (5 000 euros par an et par DR de 2009 à 2010 et 5 030 euros de 2011 à 2018). Son calcul ne tenait en aucun cas compte du nombre de demandes de titres d’identité enregistrées en mairie.

La loi de finances pour 2018 ([45]) a introduit une majoration de 3 550 euros pour chaque DR ayant recueilli plus de 1 875 dossiers. Elle avait par ailleurs porté le montant forfaitaire à 8 580 euros.

Ce calcul n’apparaissait guère incitatif pour accroître l’utilisation des DR et ainsi réduire les délais d’obtention de rendez-vous pour les usagers. Quant à la majoration mise en place à compter de l’année 2018, elle induisait un effet de seuil trop important pour être réellement incitative.

C’est pourquoi le rapporteur spécial avait plaidé pour un système proportionnel (cf. supra). La DTS serait ainsi fonction du nombre de demandes enregistrées, sans l’application d’un montant forfaitaire et sans effets de palier.

La proportionnalité de la DTS aurait deux objectifs :

– inciter les communes à augmenter l’utilisation des stations d’enregistrement ;

– assurer une meilleure compensation financière des charges induites par le déploiement d’un DR, notamment en matière de dépenses de personnel.

Le rapporteur spécial a, en partie, été entendu par le Gouvernement puisque le montant maximal de la DTS est passé de 12 130 euros à 22 000 euros depuis le 1er janvier 2023 et que plusieurs seuils ont été mis en place pour le calcul de la part variable.

Il regrette toutefois que cette dotation comporte toujours une part forfaitaire et une part variable produisant des effets de paliers, même si ces derniers ont été atténués.

Recommandation n° 2 : réformer le calcul de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) de manière à la rendre entièrement proportionnelle.

Il est néanmoins intéressant d’observer que la logique du contrat urgence titres (CUT) correspond au raisonnement du rapporteur spécial dans la mesure où une augmentation de 20 % de nombre de recueils de demandes de CNI ou de passeports en mai et juin 2023 par rapport aux mois de janvier et février de la même année donnera droit à une prime de 4 000 euros, soit une majoration presque proportionnelle du montant maximal de la DTS (+ 18,6 %).

b.   Augmenter les droits de timbre sur les CNI et les passeports

Le financement d’une augmentation globale des crédits destinés à la DTS, qui devraient s’élever à 72,44 millions d’euros en 2023, pourrait être assuré par une hausse des droits de timbre sur les passeports et les CNI.

Actuellement, la délivrance d’un passeport coûte 86 euros à l’usager dans le cas général ([46]), en application de l’article 953 du code général des impôts (CGI).

La remise d’une CNI est, quant à elle, gratuite. Toutefois, si le demandeur n’est pas en mesure de présenter son ancienne carte lors d’une demande de renouvellement, notamment en cas de perte ou de vol, il doit s’acquitter d’un droit de timbre de 25 euros, conformément à l’article 1628 bis du CGI.

La gratuité de la délivrance de la CNI date du 1er septembre 1998. Auparavant, elle était soumise à un droit de timbre de 160 francs (24,39 euros). Le maintien d’un tarif de 25 euros en cas de perte de l’ancienne carte d’identité a pour but de responsabiliser le titulaire de la carte.

La suppression du timbre fiscal pour les CNI avait d’ailleurs submergé les préfectures à l’approche de l’été 1999. La presse faisait alors écho de « services noyés sous la paperasse et usagers excédés, contraints de patienter des mois, parfois de retarder leur départ en vacances » ([47]) et pointait du doigt « un petit cadeau fiscal décidé à la va-vite, un geste populaire et bon marché, l’État ne perdant que 600 millions de francs ([48]) dans l’affaire ».

Cette différence entre le coût, pour l’usager, d’un passeport et d’une CNI s’explique par le caractère quasi-indispensable de ce dernier titre. En effet, la carte d’identité demeure très utilisée et sollicitée dans la plupart des démarches courantes, qu’elles soient administratives, bancaires ou commerciales, bien qu’elle ne soit pas obligatoire depuis son institution en 1955 ([49]) ([50]). L’article 1er de la loi n° 2012‑410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité dispose que « l’identité d’une personne se prouve par tout moyen » et que « la présentation d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport français en cours de validité suffit à en justifier ».

Ces droits de timbre constituent des taxes affectées au profit de l’ANTS, opérateur du programme 354 Administration territoriale de l’État.

montant des taxes affectées à l’ants sur les cni et les passeports

(en millions d’euros)

 

2022

2023

Produit

Plafond

Reversement

Produit

Plafond

Reversement

Droit de timbre sur les CNI (perte et vol)

24,86

11,25

13,61

24,86

12,00

12,86

Droit de timbre sur les passeports

291,90

172,06

119,84

297,90

193,23

104,67

Source : Évaluations des voies et moyens, tome 1 (PLF 2023).

Afin de compenser un accroissement supplémentaire de la DTS pour les finances publiques, le rapporteur spécial préconise d’augmenter les droits de timbre sur la délivrance des CNI et des passeports sans modifier le plafond d’affectation à l’ANTS.

Il propose de mettre fin à la gratuité de la CNI qui pourrait retrouver sa tarification d’avant 1998, soit 25 euros. La non-présentation de l’ancienne carte d’identité lors d’une demande renouvellement pourrait, quant à elle, donner lieu à l’acquittement d’un droit de timbre de 50 euros, correspondant au double du nouveau tarif de droit commun.

D’après les calculs du rapporteur spécial, cette nouvelle tarification pourrait augmenter d’environ 120 millions d’euros cette recette fiscale.

Recommandation n° 3 : mettre fin à la gratuité de la délivrance de la CNI en rétablissant un droit de timbre de 25 euros.

Recommandation n° 4 : fixer à 50 euros le droit de timbre pour le renouvellement d’une carte nationale d’identité (CNI) en cas de non-présentation de l’ancienne carte.

Enfin, une progression de la tarification de la délivrance des passeports pourrait être envisagée. Une simple hausse d’un quart du montant du timbre fiscal, par exemple, porterait son prix de 86 euros à 107,50 euros et représenterait un gain d’environ 74,5 millions d’euros pour les finances de l’État.

Recommandation n° 5 : augmenter le droit de timbre pour la délivrance d’un passeport.

Le rapporteur spécial observe que le produit de la taxe sur les passeports qui est affecté à l’ANTS permet aussi le financement de la production des CNI.

D’après les estimations fournies par le ministère de l’intérieur et des outre-mer, le coût global d’un passeport pour l’État oscillerait entre 14,47 euros et 16,58 euros en se basant sur les frais de fabrication, les coûts d’acheminement ainsi que les dépenses de personnel et de fonctionnement des CERT et de l’ANTS. Le prix de revient de la CNI se situerait, quant à lui, entre 8,36 euros et 8,82 euros.

Ainsi, le coût pour l’État de la production d’une CNI représente environ la moitié de celui d’un passeport alors que le produit du droit de timbre sur les CNI (en cas de non-présentation de la carte précédente) n’équivaut qu’à 8,3 % de celui sur les passeports.

Aucune réflexion sur la tarification des titres d’identité n’est actuellement engagée d’après les réponses fournies au rapporteur spécial par le ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Le rapporteur spécial souhaiterait que le Gouvernement étudie également la possibilité de remplacer les timbres fiscaux sur la délivrance des pièces d’identité par des redevances.

En effet, ces taxes affectées constituent des impositions de toute nature. Une réflexion pourrait être engagée afin d’éventuellement leur substituer des redevances pour service rendu.

Recommandation n° 6 : engager une réflexion sur l’opportunité de substituer aux timbres fiscaux sur la délivrance des passeports et des CNI une redevance pour service rendu.

 

2.   Encadrer l’offre de rendez-vous

À défaut de revenir sur la déterritorialisation et le volontariat des communes pour le déploiement des DR, le rapporteur spécial souhaite mieux encadrer la disponibilité de ces stations d’enregistrement en mairie.

Alors que le Gouvernement privilégie une augmentation continue du nombre de DR au travers des mesures de son plan d’urgence et son « engagement national », le rapporteur spécial appelle à surtout mieux les utiliser. C’était déjà le sens du propos de la Cour des comptes en 2020 qui, dans son rapport public annuel, écrivait : « au total, pour améliorer l’accès au service public de la délivrance des titres d’identité, il convient non pas d’accroître le nombre de DR, mais d’optimiser leur utilisation ».

La mise à disposition d’une station d’enregistrement est actuellement encadrée par une convention entre le préfet et le maire.

Celle-ci ne fixe aucun objectif d’ouverture de créneaux d’accueil, les modalités d’organisation étant laissées à la libre initiative de la mairie. Concernant les rendez-vous, il est seulement stipulé que le maire s’engage « à accueillir tant les demandeurs de titre d’identité et de voyage domiciliés dans sa propre commune que ceux domiciliés dans d’autres communes ».

Le rapporteur spécial s’étonne du caractère peu contraignant de ces contrats entre l’État et les communes alors qu’ils sont censés régir le point de départ de la délivrance des titres d’identité.

Il regrette qu’un certain nombre de « bonnes pratiques » répertoriées dans le guide du ministère à l’attention des agents de mairie ne se traduisent pas par des stipulations au sein de ces conventions.

Le fait de proposer des créneaux plus nombreux sur des plages horaires attractives constitue un exemple parmi d’autres.

De manière générale, les conventions de mise à disposition des DR témoignent de l’absence d’objectifs qualitatifs et quantitatifs. Aucune durée minimale d’ouverture des guichets des DR, qu’elle soit exprimée en nombre de jours par semaine ou en nombre d’heures par jour, n’est inscrite, pas plus que le nombre d’emplois à leur affecter.

Recommandation  7 : mettre en place des conventions État‑commune plus contraignantes concernant la mise à disposition de dispositifs de recueil de titres sécurisés, assorties d’objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Le rapporteur spécial préconise le recours à des pénalités en cas du non-respect des stipulations de la convention. Ces sanctions pourraient prendre la forme d’un malus applicable sur le montant de la DTS perçu par la commune au titre de son DR.

Recommandation  8 : instaurer un malus sur la DTS en cas de non-respect des obligations de la convention de mise à disposition des stations d’enregistrement.

Il ressort des auditions du rapporteur spécial, ainsi que des travaux de la Cour des comptes menés en 2020, que l’obligation de traiter de manière égale les demandes de tous les usagers, qu’ils résident ou non dans la commune, n’est d’ailleurs pas toujours respectée. La Cour relevait ainsi que « plusieurs communes ont mis en place des systèmes différenciés limitant de fait l’accès au service pour les non-résidents » et jugeait que « ces pratiques, dont l’effet est discriminatoire, sont contraires à l’égalité d’accès au service public ».

Le rapporteur spécial s’étonne qu’aucune sanction ne soit prévue pour ce type de pratiques.

Conscient de l’existence de ces cas de figure qui peuvent, dans une certaine mesure, aggraver les phénomènes de file d’attente, le ministère de l’intérieur et des outre-mer « a demandé aux préfets par voie de circulaire en date du 11 octobre 2022 d'être très vigilants sur cette pratique et de rappeler aux maires les obligations leur incombant dans le cadre de la mission de recueil des demandes de titres qu’ils exercent au nom de l’État » ([51]).

Recommandation n° 9 : mieux lutter contre les discriminations relatives au lieu de résidence que peuvent subir les usagers lors de leur demande de titre d’identité.

 


—  1  —

   annexe : la dÉlivrance des titres de sÉjour

À l’occasion de ses travaux d’évaluation sur la délivrance des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports, le rapporteur spécial des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) a souhaité savoir ce qu’il en était pour le renouvellement des cartes de séjour. Bien que l’objet de ces titres soit de prouver l’autorisation de séjourner, de circuler ou d’exercer une activité professionnelle sur le territoire national, ils peuvent aussi servir à justifier l’identité des étrangers qui la détiennent dans leurs démarches, qu’elles soient administratives ou non.

Le rapporteur spécial avait également pu constater, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, qu’il existe un sujet important concernant les délais d’examen des demandes de renouvellement. À son initiative, la commission avait par ailleurs adopté un amendement visant à ce que l’indicateur de performance relatif aux délais de renouvellement des titres de séjour inclue celui de la prise de rendez-vous. Cette proposition a été retenue dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

La problématique des délais de renouvellement des titres de séjour est très différente de celle des CNI et des passeports, c’est pourquoi le rapporteur spécial a souhaité la présenter en annexe du présent rapport d’information.

Alors que la demande d’un titre sécurisé par un citoyen français n’implique que la vérification de son identité, celle d’une carte de séjour va au-delà de la prévention de la fraude documentaire, même si elle constitue une étape très importante de son instruction par les préfectures. La délivrance d’une autorisation temporaire de résider en France nécessite, de la part des services de l’État qu’ils s’assurent de la conformité de la demande aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Les demandes de titre de séjour concernent d’ailleurs uniquement l’administration territoriale de l’État et non les communes, à la différence des CNI et des passeports. Au niveau départemental, elles relèvent directement des services dits « des étrangers » des préfectures et non de structures régionales comme les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), chargés d’instruire les demandes de CNI et de passeports mais aussi des permis de conduire et des certificats d’immatriculation des véhicules (« cartes grises »).

I.   le traitement des demandes de sÉjour par les prÉfectures demeure sous tension

L’accueil des demandeurs étrangers en préfecture pour l’établissement ou le renouvellement de leur droit au séjour est un sujet important pour l’administration territoriale de l’État. Sous tension depuis plusieurs années, le traitement des demandes connaît des délais particulièrement élevés.

A.   La dÉlivrance des titres de sÉjour relÈve uniquement des services de l’État

Il existe quatre grandes catégories de titres de séjour. Ils peuvent être délivrés pour motifs professionnel, d’études, familial ou encore au titre d’une protection internationale ou pour un motif humanitaire. Les conditions requises et la durée de l’autorisation de séjourner, circuler et exercer une activité professionnelle varient grandement selon le titre en question.

La variété de ces cas de figure se traduit par une grille de six tarifs pour le timbre fiscal associé à la délivrance de ces documents : 0 (exemption totale de taxe), 25, 50, 150, 180 ou 200 euros ([52]).

Jusqu’en 2019, ils étaient au nombre de treize. Cette réduction de près de moitié de leur nombre, fixé en loi de finances pour 2020 ([53]), répondait aux préconisations du rapport d’information de la députée Stella Dupont sur la taxation des titres de séjour (juin 2019).

Le produit de l’ensemble de ces taxes sur les titres de séjour devrait s’élever à 16 millions d’euros en 2023 ([54]) dont 14,49 millions d’euros pourront être affectés à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), opérateur du programme 354 Administration territoriale de l’État. Avant la réforme de 2020, leur produit s’élevait à 18,09 millions d’euros.

En application de l’article R.122-1 du CESEDA, ce sont les préfets de département qui sont compétents en matière de séjour des étrangers en France. Les crédits destinés au traitement des demandes de titres de séjour sont ainsi regroupés à l’action 02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres du programme 354 ([55]).

L’accueil physique des demandeurs a lieu dans les préfectures et les sous-préfectures et n’impliquent ni les communes, ni les espaces France Services. Au cours de ses auditions, le rapporteur spécial a eu le sentiment que le ministère de l’intérieur et des outre-mer ne souhaitait pas reproduire la même erreur que pour les CNI et les passeports, autrement dit, celui-ci n’entend pas déléguer la gestion du prélèvement des empreintes digitales et du recueil des pièces justificatives à des collectivités territoriales volontaires.

B.   Les dÉlais de renouvellement des titres demeurent ÉlevÉs

Pour la première fois, le projet annuel de performances (PAP) de la mission AGTE annexé au projet de loi de finances pour 2023 comportait un indicateur relatif au délai de traitement des demandes de renouvellement de séjour, associé à l’objectif d’accompagnement des missions liées à l’entrée et au séjour des étrangers en France dans un contexte de dématérialisation des procédures. Seuls les renouvellements sont observés dans la mesure où la diversité des motifs du droit au séjour empêche le ministère de l’intérieur et des outre-mer de fournir un délai moyen qui soit représentatif pour les primo-demandes.

Cet indicateur ne prend en compte que le délai compris entre la date d’enregistrement de la demande et la date de décision, c’est pourquoi le Gouvernement a accepté de retenir un amendement de la commission, à l’initiative du rapporteur spécial ([56]), incluant les délais d’obtention d’un rendez-vous en préfecture.

Malgré l’effort de dématérialisation entrepris, un certain nombre de demandes font toujours l’objet d’un rendez-vous initial pour que l’étranger puisse déposer son dossier en préfecture, ce qui serait le cas de près d’un tiers des situations. La direction générale des étrangers en France (DGEF) estime que « si le dépôt des demandes se fait au cours d’un accueil physique, l’usager se présentera en moyenne trois ou quatre fois au guichet » (recueil du dossier, prélèvement des empreintes digitales, apport de justificatifs complémentaires, remise du titre en mains propres).

La cible a été fixée à 60 jours en 2023 et à 55 jours pour les deux années suivantes. Le PAP précise que celle-ci aurait normalement dû être fixée à 30 jours, « un standard raisonnable pour l’usager comme pour l’administration ». En raison de la crise sanitaire consécutive à la pandémie de covid-19 ainsi que de l’accueil des réfugiés ukrainiens suite à l’invasion de leur pays par la Russie, l’instruction des demandes de renouvellement de titres de séjour a connu un allongement de ses délais.

Le rapporteur spécial note toutefois que les délais de traitement sont largement supérieurs à 30 jours depuis plusieurs années, et ce, bien avant la pandémie. Dans un rapport publié en 2020, la Cour des comptes constatait déjà que « les délais moyens de décision [s’étaient] allongés de 10 % entre 2016 et 2018 pour les premiers titres et de 34 % pour les renouvellements » ([57]). Elle observait que « dans la plupart des préfectures, les conditions de délivrance des titres de séjour se dégradent, tant du point de vue des personnes qui y sont soumises que des agents de l’État qui en sont chargés ».

dÉlai moyen de traitement des demandes de renouvellement de sÉjour

Année

Délai moyen

2017

57 jours

2018

60 jours

2019

57 jours

2020

63 jours

2021

63 jours

2022

74 jours

Source : réponses au questionnaire.

Le rapporteur spécial s’étonne d’importantes disparités entre les préfectures quant aux délais de traitement des demandes de renouvellement. En 2022, ils variaient de 23 jours en Ardèche à 175 jours en Savoie. Ces écarts ne semblent pas strictement proportionnels à la population du département ou au nombre d’étrangers susceptibles d’adresser une demande de renouvellement.

dÉlais moyens de traitement des demandes de renouvellement de sÉjours dans les cinq dÉpartements les plus peuplÉs ([58]) et les cinq les moins peuplÉs ([59])

(en nombre de jours)

Département

Délai moyen

Nord

96

Bouches-du-Rhône

90

Rhône

58

Seine-Saint-Denis

84

Gironde

124

 

Lozère

39

Creuse

43

Hautes-Alpes

49

Cantal

55

Ariège

61

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

L’enjeu de l’instruction des demandes de reconduction de titres de séjour et de vérifier si le détenteur justifie des conditions lui permettant de prétendre au renouvellement de son droit à séjourner, circuler ou travailler sur le territoire français. À ces conditions s’ajoutent aussi des réserves liées à l’ordre public et à la polygamie ([60]). Cet enjeu a pour corollaire la prévention des tentatives de fraude documentaire. Si les délais d’instruction des demandes doivent rester raisonnables, ils n’ont pas non plus vocation à être les plus brefs possible, opinion que partage le rapporteur spécial.

II.   face aux difficultÉs, un effort de dÉmatérialisation est menÉ

L’administration numérique des étrangers en France (ANEF), progressivement déployé depuis quatre ans, est censée résoudre les problèmes des délais et de l’accès aux services « des étrangers ». Toutefois, elle ne peut complètement régler le problème de l’obtention des rendez-vous en préfecture.

A.   la mise en place progressive de l’administration numÉrique des Étrangers en France devrait amÉliorer les difficultÉs rencontrÉes

Afin d’accélérer le traitement des demandes de titres de séjour et de réduire le nombre de déplacements des demandeurs en préfecture, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en place l’administration numérique des étrangers en France (ANEF) depuis 2019. Son portail en ligne est accessible à toutes heures et tous les jours de la semaine. Il permet de saisir une demande de titre de séjour mais aussi d’autorisation de travail ou de naturalisation.

En 2023, environ 70 % des demandes de titres peuvent être effectuées par le biais de l’ANEF. L’objectif du ministère est d’avoir basculé la totalité des demandes relatives aux titres de séjour d’ici à 2025.

étapes de la mise en service de l’aneF

février 2019

validation visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS)

septembre 2020

titre étudiant

mai 2021

passeport talent

septembre 2021

visiteur / changement d’adresse / duplicata

janvier 2022

document de circulation pour étranger mineur

février 2022

changement d’état civil et de situation familiale

avril 2022

titre de voyage pour étrangers

mai 2022

bénéficiaires de la protection internationale

octobre 2023

lancement du module de la première version de saisie directe

automne 2023

complément immigration professionnelle, renouvellement de cartes de résidents

2024

carte recherche d’emploi/création d’entreprise (RECE), carte salarié, carte travailleur temporaire, carte de résident de longue durée de l’Union européenne (CRLD-UE)

Source : réponses au questionnaire.

La dématérialisation permet d’éviter au demandeur de se rendre en préfecture pour déposer son dossier et lancer la procédure. Toutefois, l’usager est amené à se présenter une à deux fois au guichet, pour la remise de son titre et, éventuellement pour le prélèvement de ses empreintes si elle n’a été faite auparavant.

Le rapporteur spécial observe que les longues files d’attente de demandeurs étrangers devant les préfectures et les sous-préfectures débutaient très tôt le matin, souvent plusieurs heures avant l’ouverture des guichets d’accueil. Dans ce contexte, la simplification et la dématérialisation de leurs démarches constituent une avancée, y compris pour l’administration elle-même.

Il s’interroge toutefois sur l’égal accès des demandeurs à ce type de démarche et à la possibilité d’interagir avec un interlocuteur.

La réalisation de demandes en ligne implique en effet de disposer d’un accès à internet et de maîtriser les outils numériques, problématique commune à l’ensemble des procédures administratives dématérialisées et qui conduisent l’administration à développer des points de contact avec les espaces France Services.

Au-delà de la question des titres de séjour, le rapporteur spécial appelle l’attention du Gouvernement sur l’illectronisme d’une partie de la population qui peut compromettre les efforts de dématérialisation des démarches administratives de manière générale.

Conscient de ces difficultés, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en œuvre un accompagnement aux télé-procédures qui relèvent de l’ANEF. Cette assistance technique est assurée par le centre de contact citoyen (CCC) de l’ANTS, joignable par téléphone, mais aussi par les points d’accueil numérique (PAN) déployés dans 42 préfectures et 8 sous-préfectures.

B.   l’effort de dÉmatérialisation se heurte À la question de l’accueil physique des demandeurs

Le Gouvernement avait, dans un premier temps, imposé aux étrangers souhaitant obtenir un titre de séjour le dépôt de leur demande sur le portail de l’ANEF. Le décret en question ([61]) a été annulé par le Conseil d’État le 3 juin 2022 ([62]) parce qu’il ne prévoyait pas de « solution de substitution » dans le cas où le demandeur étranger « se trouverait dans l’impossibilité d’utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil ou à son mode de fonctionnement ». Pour le Conseil d’État, cette condition vise à prendre en compte les caractéristiques et les situations particulières des étrangers qui pourraient perdre le droit de se maintenir sur le territoire français si leur demande n’était pas enregistrée. Si l’accompagnement de l’usager est possible grâce au CCC de l’ANTS et aux PAN (cf. ci-avant), il n’existait pas pour autant de procédure alternative en cas d’échec de la saisie.

C’est pourquoi le décret du 22 mars 2023 ([63]) crée une solution de substitution aux demandes dématérialisées sur le portail de l’ANEF. Conformément à la nouvelle rédaction de l’article R. 431‑2 du CESEDA, elle prend la forme « d’un accueil physique permettant l’enregistrement de la demande [mis en place] pour l’étranger qui, ayant accompli toutes les diligences qui lui incombent, notamment en ayant fait appel au dispositif d’accueil et d’accompagnement […] se trouve dans l’impossibilité constatée d’utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ».les contentieux liés à l’accès au rendez-vous.

Le rapporteur spécial considère que la décision du Conseil d’État et le décret du 22 mars 2023 viennent, en quelque sort, remettre la question des rendez-vous au cœur de la problématique du traitement des demandes de séjour des étrangers en France.

Il estime d’ailleurs que la modification de l’indicateur de performances de manière à intégrer la prise de rendez-vous se justifiait ainsi pleinement.

La prise de rendez-vous en ligne se heurte à des difficultés techniques liées aux pics de fréquentation et à sa fragilité face aux cyber-attaques, notamment dans la perspective de la revente illégale de créneaux de rendez-vous. La direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES) et la direction du numérique (DNUM) du ministère de l’intérieur et des outre-mer sont en train d’expérimenter un nouvel outil de prise de rendez-vous plus performant.

Il faut noter que la question de l’obtention de rendez-vous est à l’origine d’un grand nombre de contentieux portés devant les juridictions administratives. Les préfectures ont fait état de 7 417 référés conservatoires en 2022, soit près de 10 % des requêtes.

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 23 mai 2023, la commission des finances a entendu M. Charles de Courson, rapporteur spécial des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État, sur son rapport d’information sur la délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performance, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports connaît depuis plus d’un an une crise sans précédent. Le délai d’attente pour obtenir ces documents atteint des niveaux inégalés, qu’il s’agisse d’une première demande ou d’un renouvellement. Actuellement, il faut compter en moyenne plus de quatre mois pour espérer obtenir sa carte nationale d’identité ou son passeport, et il ne s’agit là que d’une moyenne.

Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’ai appelé l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce problème, en déposant un certain nombre d’amendements. Hélas, l’engagement de la responsabilité du Gouvernement avant l’examen des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État m’a empêché de vous interpeller à ce sujet, monsieur le ministre. C’est pourquoi j’ai choisi d’en faire ma thématique pour le printemps de l’évaluation. Comment en est-on arrivé à de tels délais pour une démarche administrative aussi banale ? Et comment améliorer les choses ?

Tout d’abord, il importe de bien comprendre de quoi il est question lorsqu’on parle des délais de délivrance. Il y a en réalité une succession de délais, qui débute par le temps d’attente d’un rendez-vous pour déposer son dossier dans une mairie équipée d’un dispositif de recueil, destiné à recueillir les empreintes digitales. Ce premier délai est le plus long et le plus dégradé : il est actuellement de 67 jours ouvrés, en moyenne, soit environ trois mois. Il est arrivé à ce niveau dès le deuxième trimestre 2022. Fin 2018, il n’était que de 11,5 jours. Mais il ne s’agit que d’une moyenne ; dans certaines communes, il faut patienter jusqu’à 150 jours, tandis que d’autres n’ont aucun délai ou proposent aux usagers de venir sans rendez-vous.

Une fois qu’un dossier complet a été déposé, il faut encore compter un temps d’attente de 29 jours en moyenne pour obtenir sa carte d’identité ou son passeport, contre 15,8 jours en 2018. Au total, le délai d’attente a augmenté de 69 jours en moyenne par rapport à 2018. Le temps d’attente recouvre lui-même toute une série de délais, qui commence par l’instruction du dossier dans un centre d’expertise et de ressources titres (Cert), dépendant d’une préfecture, se poursuit avec la mise en production du document par l’Agence nationale des titres sécurisés et se termine par sa fabrication à l’Imprimerie nationale, avant l’acheminement dans la mairie où la demande a été déposée.

Lorsqu’on met tous ces délais bout à bout, on obtient un temps d’attente d’environ 96 jours ouvrés, contre 27 en 2018. Cette attente suscite légitimement la colère des usagers, surtout à l’approche des vacances d’été. Lors des examens du PLF, j’avais été étonné par l’absence de véritable indicateur relatif à ces délais dans le projet annuel de performance de la mission Administration générale et territoriale de l’État. Il existe bien un indicateur, intitulé « délai moyen d’instruction des titres », mais il ne mesure en réalité que le temps d’instruction par les Cert. D’après le dernier rapport annuel de performance, ce délai était de 18 jours pour les passeports et de 21 jours pour les cartes nationales d’identité en 2022.

On me répondra sans doute que le temps d’obtention d’un rendez-vous en mairie n’est pas du ressort du responsable du programme 354 Administration territoriale de l’État. Pourtant, la délivrance des titres est bien une compétence de l’État, les communes n’étant finalement que les points de dépôt des demandes et, qui plus est, sur la base du volontariat.

Parlons maintenant des réponses que le Gouvernement a souhaité apporter à cette crise. En mai 2022, soit il y a un an, un plan d’urgence national a été lancé. Il comporte deux axes : accroître l’offre de rendez-vous en mairie, en augmentant le nombre de dispositifs de recueil et en optimisant l’accueil des usagers ; et accélérer l’instruction des demandes, ce qui a impliqué le renforcement temporaire des effectifs des Cert, l’achat de matériel pour l’Imprimerie nationale et la promotion du site de pré-demande en ligne de l’ANTS.

Dans le cadre de ce plan d’urgence a été récemment mis en œuvre le contrat urgence titre. Cette convention conclue entre un maire et le préfet promet une prime de 4 000 euros par DR à toute commune qui accroît le nombre de demandes qu’elle recueille d’au moins 20 %. Par ailleurs, les communes peuvent s’affilier, sur la base du volontariat, à une plateforme commune de prise de rendez-vous pour éviter les doublons, avec une majoration de dotation de 500 euros à la clé.

Ces mesures sont certes bienvenues, mais je ne suis pas certain qu’elles régleront le problème à moyen et long terme. Pour l’heure, il est difficile de bien évaluer leur impact sur les délais qui, après une lente décrue au second semestre 2022, sont repartis à la hausse. À mon sens, ce plan d’urgence ne peut avoir qu’un impact limité, précisément dans la mesure où il est conçu pour traiter une urgence : un problème conjoncturel uniquement provoqué par la hausse saisonnière des demandes de titres à l’approche de l’été et l’effet du rattrapage d’après-covid.

Or la crise actuelle me semble plutôt révélatrice d’un défaut de conception du système de délivrance des titres tel qu’il est mis en œuvre depuis 2017. La fin de la pandémie et la levée des restrictions de voyage n’ont fait qu’accentuer un dysfonctionnement préexistant. J’en veux pour preuve le fait que le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous se hissait déjà à 27,9 jours ouvrés en juin 2019.

L’origine des problèmes rencontrés réside dans le fait que nous sommes passés de 36 000 communes où accomplir ces démarches à 2 600, sur la base du volontariat. De plus, le système est déterritorialisé, chaque usager pouvant se rendre dans la mairie de son choix dès lors qu’elle est équipée d’un dispositif de recueil. La compensation financière pour l’installation d’une station d’accueil des demandes n’est guère intéressante pour les communes. Jusqu’à l’année dernière, la dotation forfaitaire pour les titres sécurisés (DTS) s’élevait à 8 580 euros par an et par DR, avec une majoration de 3 550 euros pour les DR enregistrant plus de 1 875 demandes par an.

Lors de l’examen du dernier PLF, j’ai plaidé pour un système strictement proportionnel. J’ai été en partie entendu : depuis le 1er janvier, la DTS se compose d’une base de 9 000 euros et d’une part fonction du nombre de demandes, qui peut atteindre 12 500 euros pour les DR enregistrant plus de 4 000 demandes par an, soit une dotation globale pouvant atteindre, en incluant la majoration de 500 euros attachée à l’adhésion à une plateforme commune de prise de rendez-vous, 22 000 euros par DR.

Je salue cette évolution, mais je continue de plaider pour une compensation entièrement proportionnelle – tant d’euros par titre – assortie d’un malus en cas de sous-utilisation d’un DR. J’ai en effet relevé des écarts considérables : les 10 % des DR les plus utilisés traitent en moyenne 500 demandes par mois, alors que les 10 % les moins utilisés n’en traitent qu’une vingtaine.

Le déploiement des DR dans les territoires n’est pas seul en cause ; les moyens alloués par les communes les expliquent aussi. Certaines proposent des rendez-vous toute la semaine, d’autres sur des créneaux réduits, d’autres enfin donnent la priorité – ce qui est en principe interdit – à leurs habitants ou à ceux de l’intercommunalité au détriment de ceux qui n’en font pas partie. Je recommande donc que les conventions signées avec les mairies fixent des objectifs quantitatifs en matière de délai de fixation des rendez-vous, au lieu de se borner à régir la gestion matérielle des DR.

Par ailleurs, je suis favorable à une augmentation des droits de timbre sur les titres d’identité, afin d’améliorer la compensation financière des communes. Je rappelle que la carte nationale d’identité est gratuite depuis 1998 – elle coûtait environ 25 euros auparavant, et tel est toujours le cas en cas de perte – alors même qu’il n’est pas obligatoire d’en détenir une. Sachant que 5,5 millions de cartes nationales d’identité sont produites chaque année et que la délivrance des passeports est payante, à un prix d’ailleurs très supérieur, rétablir ce montant représenterait une ressource de 137,5 millions d’euros.

Je précise pour terminer que mon rapport traite également des titres de séjour. La question étant très différente, puisque leur délivrance relève des préfectures et sous-préfectures et qu’ils ne font pas l’objet d’une actualité aussi brûlante que les cartes d’identité et les passeports, j’ai préféré concentrer mon propos sur ces derniers.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur de Courson, je vous remercie de votre travail. Nous partageons une grande part de vos constats, peut-être pas toutes vos conclusions.

Le rétablissement de l’impôt qu’est le droit de timbre toucherait en premier lieu les personnes les plus en difficulté, qui auraient à choisir entre les deux titres d’identité. C’est ce que faisaient certaines personnes auparavant, notamment dans les publics sociaux les plus touchés. Je ne suis donc pas favorable à son rétablissement.

Ce qui est sûr, c’est que l’État, par deux fois, a augmenté les moyens alloués aux communes. Il est exact qu’il n’avait pas, à l’époque où cela s’est fait, compensé l’intégralité du coût de la reprise par une partie d’entre elles de la délivrance des titres d’identité. Je vous remercie d’avoir rappelé que des moyens ont été alloués depuis.

Le parc de DR a augmenté de 30 % et 600 ont été installés depuis le début de cette année. Toutefois, le nombre de machines n’est pas tout : il faut que les communes acceptent de les installer, avec ce que cela suppose de personnel municipal et d’horaires étendus. Depuis 2022, année qui fait l’objet de votre rapport, l’offre de rendez-vous dans les mairies a progressé de 80 % : elle est passée de 780 000 rendez-vous offerts en janvier 2022 à 1,4 million en mars 2023, notamment grâce aux efforts des collectivités locales et de l’ANTS ainsi qu’à la fourniture de DR supplémentaires.

Les Cert instruisent désormais un nombre de titres au plus haut : 275 000 demandes par semaine, ce qui est inédit. Nous rattrapons ainsi notre retard, même si la situation reste difficile et même inacceptable dans certains territoires. Nous avons aussi déployé, sous la responsabilité de la ministre déléguée Dominique Faure, trente-et-un « titrodromes » pour améliorer encore la situation.

Enfin, l’une des difficultés constatées tenait à ce que certains prenaient des rendez-vous dans plusieurs mairies pour augmenter leurs chances d’obtenir une pièce d’identité, ce qui engendrait beaucoup de rendez-vous non honorés. Nous avons donc créé un site internet visant à éviter ces no show, auquel 60 % des mairies se sont affiliées, ce qui offre un gain de 30 %. Par ailleurs, nous avons réduit les cas où il faut produire un titre, par exemple pour la délivrance des diplômes, ce qui permet également de gagner du temps.

Cela dit, j’admets que le service public de la délivrance des titres d’identité est mal rendu, en raison de la crise du covid et peut-être aussi d’un défaut de prévision de tous les acteurs. Nous nous inspirerons des conclusions de votre rapport pour traiter, dans les semaines à venir, cette situation qui perdure de façon tout à fait inacceptable dans une partie du territoire.

M. le président Éric Coquerel. Je sais gré à Charles de Courson d’avoir choisi ce sujet car, par-delà les chiffres, monsieur le ministre, il s’agit d’un problème qui peut se révéler insurmontable pour certains de nos concitoyens. Des gens doivent renoncer à un voyage prévu plusieurs mois à l’avance faute de passeport, pour eux-mêmes ou leurs enfants. C’est devenu un sujet majeur dans ma circonscription.

Comment en est-on arrivé là, en partant d’un système qui était tout de même assez rapide ? Vous avez évoqué la possibilité d’obtenir des titres en un seul rendez-vous, voire sans. Quel objectif visez-vous à l’échelle nationale en matière de délais ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce qui est incompréhensible, pour les Français, ce n’est pas qu’il y ait des problèmes, mais que nous ne soyons pas capables de les résoudre en un an ni même en deux.

Les recommandations du rapporteur spécial me surprennent un peu. Rendre la carte d’identité payante touchera nos concitoyens les plus fragiles. Sa détention n’est pas obligatoire, or nous avons intérêt, compte tenu des exigences de sécurité auxquelles nous sommes soumis, que le plus grand nombre de nos concitoyens en aient une. Je ne comprends pas bien l’objet de cette mesure : s’agit-il de réduire la demande ou d’obtenir une recette supplémentaire ?

La reterritorialisation des demandes me semble assez contre-intuitive dès lors qu’il s’agit de résoudre un problème de délais : nous avons plutôt intérêt à massifier pour réduire les écarts entre mairies. Les Cert doivent, à l’échelon régional, améliorer la répartition de la charge de travail.

S’agissant de la compensation des collectivités territoriales, il peut être séduisant de la rendre proportionnelle, mais l’absence de part forfaitaire placerait les plus petites d’entre elles dans l’incertitude et les amènerait à ne plus rendre ce service public, ce que nous ne souhaitons pas. Cette mesure contredit la reterritorialisation des demandes proposée juste avant. Elle risque de créer un problème pour en résoudre un autre.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le groupe Renaissance s’opposera à la création d’impôt proposée par le rapporteur spécial.

Par ailleurs, les mesures coercitives proposées nous étonnent. Le rapport propose de reterritorialiser la délivrance des titres, de renforcer le contrôle de l’offre de rendez-vous, de rendre contraignantes les conventions de mise à disposition des DR et d’instaurer un système punitif de malus pour les communes. Je vois difficilement comment tout cela se conjugue avec une souplesse accrue, qui me semble nécessaire en matière de délivrance des titres.

Au nom du groupe Renaissance, je salue l’effort budgétaire consenti par l’État s’agissant du nombre de DR. La dotation est passée de 48 à 72 millions d’euros, ce qui a permis d’augmenter significativement le nombre de rendez-vous proposés en 2023.

Monsieur le ministre, s’agissant de la délivrance des titres de séjour, envisagez-vous d’adopter, pour les dossiers ne présentant aucune difficulté, une logique de back-office intégral, consistant à les traiter sans prise de rendez-vous ?

M. Emeric Salmon (RN). Il est question d’un délai moyen de délivrance des titres d’identité, mais il y a des communes où ce délai est bien plus long et d’autres où il est bien plus court. Une commune bretonne, que je ne nommerai pas pour ne pas la mettre en difficulté, est connue à l’échelle régionale, voire nationale, pour sa rapidité de traitement en la matière et reçoit en conséquence de nombreuses demandes.

Comment se fait-il que certaines communes parviennent à remplir leur mission de service public rapidement et d’autres non ? Est-il possible de répliquer ce qu’elles parviennent à faire ? Vos services les ont-ils contactées ?

M. Patrick Hetzel (LR). Certaines communes se sont montrées réticentes au déploiement de DR supplémentaires pour des raisons financières. Installer un appareil est une chose, disposer de personnel pour accueillir le public et faire le travail de recensement en est une autre. Certaines communes indiquent que la compensation versée par l’État ne leur permet pas de financer les postes nécessaires. Ne faut-il pas prévoir, de façon contractuelle et peut-être ponctuelle, une indemnisation plus importante ? On sait en effet que les retards de l’ANTS sont en cours de résorption : c’est en amont que les retards perdurent.

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous nous félicitons des mesures adoptées pour essayer de réduire le temps d’obtention et de renouvellement des papiers. Certes, il est de 67 jours en moyenne, mais n’oublions pas qu’il atteint cinq à six mois en certains endroits, comme à Nantes.

Nous ne pensons pas que rétablir ou augmenter le droit de timbre sur la délivrance des titres soit une solution. Peut-être faut-il envisager l’instauration d’un bonus-malus, en fonction du taux d’utilisation des DR, pour accompagner les communes.

S’agissant des indicateurs de performance, il s’avère que les délais de délivrance des titres d’identité ne tiennent pas compte du processus dans sa totalité, de la pré-demande en ligne à la récupération du titre par l’usager. Les délais de rendez-vous auprès des mairies, ainsi que ceux de fabrication, d’acheminement et de retrait du titre ne sont pas comptabilisés dans les indicateurs de performance. Monsieur le ministre, prévoyez-vous d’introduire un indicateur couvrant la totalité du processus ?

Mme Marietta Karamanli (SOC). Les indicateurs de performance ne devraient-ils pas intégrer la satisfaction des demandes présentées en urgence ? Ce sont des cas qui arrivent.

Par ailleurs, de quels moyens les mairies disposent-elles pour accompagner les personnes qui n’ont pas de connexion internet et qui doivent se rendre sur la plateforme en ligne créée par l’ANTS ? L’accompagnement par les maisons France Services est bienvenu mais encore insuffisant.

Enfin, le chantier de l’identité numérique facilitera-t-il la délivrance des titres ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Les difficultés datent pour l’essentiel des années du covid. Pendant deux ans, les gens n’ont pas renouvelé leurs titres : ils ne pouvaient pas voyager, voire sortir de chez eux, et de nombreux guichets des collectivités locales et de l’État avaient fermé.

Les titres d’identité étant valables dix ans, il a donc fallu renouveler trois fois plus de titres que les 10 % habituels depuis la fin de la crise du covid, soit depuis un an et demi – et encore faut-il tenir compte du développement du télétravail et des difficultés d’accès à certains services publics, dont certains ne sont revenus que très récemment à un accès physique intégral. De surcroît, la reprise a coïncidé avec les départs en vacances d’été.

C’est vrai, il y a des gens qui attendent depuis cinq ou six mois des pièces d’identité. Je suis le premier à le déplorer et à considérer que ce service public n’est pas rendu d’une manière normale et que nous devons son rétablissement aux Français. Nous faisons tout pour cela. Il y a aussi des gens qui déposent leur demande au dernier moment, alors même qu’ils ont leurs documents de voyage, et qui n’obtiennent pas satisfaction aussi rapidement qu’auparavant parce que nous faisons passer avant eux les gens qui attendent depuis un certain temps.

Il est exact que le temps d’attente est bien plus long dans certains territoires, la région nantaise par exemple, que dans d’autres. J’aimerais quand même rappeler que cette situation exceptionnelle se produit dans quasiment tous les pays du monde, sauf bien sûr ceux où la carte d’identité n’existe pas, tels le Royaume-Uni. Pour les passeports, la difficulté est accrue par le fait qu’il en existe plusieurs types.

Aurions-nous pu anticiper cette crise consécutive aux années covid ? Sans doute. Je n’étais pas en responsabilité lors de la crise aiguë du covid, mais j’admets sans réserves que nous aurions pu l’anticiper. Le Gouvernement essaie de rattraper le temps perdu, en lien avec les collectivités locales.

Pourquoi certaines communes sont-elles plus efficaces que d’autres ? La première raison est toute bête : certaines ont la fibre optique, d’autres non. Lorsque nous déployons des DR dans des communes qui n’ont pas la fibre, notre difficulté principale est de convaincre notamment le gestionnaire Orange – c’est ce que fait la ministre Dominique Faure – de l’installer. Le premier problème est donc l’accès à un bon débit internet.

Le deuxième, ce sont les horaires. Je constate parfois que certaines collectivités locales refusent d’étendre les horaires d’accueil. Or les gens qui demandent un titre d’identité affluent le samedi, car souvent ils ne travaillent pas ce jour-là. Nous avons suggéré à plusieurs reprises aux communes, par le biais des préfets, d’ouvrir l’accès aux DR non seulement en semaine, mais aussi le week-end et singulièrement le samedi. Que cela leur pose des problèmes de gestion des heures supplémentaires et des ressources humaines, je ne le conteste pas, mais il faut en passer par là si nous voulons résoudre le problème. Certaines mairies acceptent de faire travailler leurs agents le samedi, voire le dimanche.

Troisièmement, le temps d’attente dépend aussi beaucoup du territoire. Si vous êtes environné de communes équipées de DR, votre demande est traitée structurellement plus rapidement que s’il y en a peu. Je constate par ailleurs dans ma commune, qui est plutôt pauvre, que les populations ayant besoin de titres d’identité sont plutôt celles ayant un train de vie plus aisé, qui partent en vacances à l’étranger en famille, ou en déplacement professionnel. Les difficultés les plus importantes surviennent donc souvent dans les territoires les plus aisés, où les départs en vacances sont plus nombreux que dans les territoires les plus touchés socialement.

Il y a donc de nombreuses explications au fait que les choses ne se passent pas partout de la même façon. Mais certaines disparités restent difficilement compréhensibles ; elles s’expliquent notamment par une longue période au cours de laquelle les no show étaient nombreux. Anxieux de ne pas avoir de papiers d’identité, les gens prenaient plusieurs rendez-vous et ne les annulaient pas une fois qu’ils étaient servis. Cela a représenté 30 % des demandes dans certains départements, soit 30 % d’offre de rendez-vous en moins.

Monsieur le rapporteur spécial, vous dressez vous-même le constat que l’ANTS a respecté les délais qui lui ont été fixés. C’est donc en amont que le problème subsiste.

Sur les indicateurs de performance, je comprends la demande des parlementaires. Le Gouvernement, dans ses documents budgétaires, présente la performance de l’État et de ses agences. Je ne suis pas défavorable à la prise en compte de la chaîne du service public dans son ensemble ; les parlementaires peuvent y procéder. Prenons acte que, si telle est la volonté de la commission des finances, la chaîne du service public figurera dans les prochains documents budgétaires. Une telle évolution suppose de disposer d’éléments que nous n’aurons peut-être pas en totalité lors de la discussion budgétaire, mais elle nous semble importante.

Monsieur Lefèvre, je vous remercie d’avoir rappelé les efforts du Gouvernement et les annonces de la Première ministre. Il semble difficile de dématérialiser complètement la délivrance des titres d’identité, car il faut prendre les empreintes des demandeurs. Je n’exclus pas que la technique permette un jour de les prendre à distance par le moyen d’un système numérique non falsifiable, mais rien de tel n’est envisageable dans les prochaines années. Le « paluchage », comme on dit au ministère de l’intérieur, exigera toujours un passage d’ici là.

Madame Karamanli, l’identité numérique est une réponse, mais elle n’est pas la seule. Au demeurant, la pièce d’identité numérique stockée sur votre smartphone est complémentaire de la pièce d’identité physique, qui reste un préalable. La première ne remplace pas la seconde, mais elle permettra, demain, de voyager, de régler ses achats et de faire des duplicatas en cas de perte du titre d’identité physique.

À ce propos, les fortes difficultés du service public de délivrance des titres d’identité ne doivent pas faire oublier une grande réussite du ministère de l’intérieur : nous avons fourni 15 millions de pièces d’identité numérique, au format permis de conduire, qui empêchent l’usurpation d’identité grâce à une puce électronique.

D’ailleurs, les problèmes que nous rencontrons s’expliquent en partie par le fait que le covid est arrivé lorsque nous introduisions la carte d’identité numérique. Nous avons modifié les processus de l’ANTS, des mairies et de la production des pièces d’identité : il ne semble pas qu’un retard spécifique en ait découlé, mais il n’est pas interdit de penser que les équipes étaient en partie mobilisées par l’introduction de la carte d’identité numérique. C’est une évolution importante, car elle permet de lutter contre l’usurpation d’identité, laquelle fait 800 000 victimes par an, ce qui est énorme. Elle sera totalement déployée d’ici sept ans.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. J’ai soulevé la question de la gratuité de la carte d’identité – le passeport est payant, à 86 euros, soit un prix très supérieur au prix de revient pour l’État – parce que le cœur du problème réside dans les moyens mis en œuvre par les communes ayant volontairement choisi d’installer un dispositif de recueil et de délivrer les titres d’identité. Certaines y consacrent de gros moyens, ce qui réduit largement le temps d’attente.

Le Gouvernement a porté de 40 à 100 millions le montant alloué à l’indemnisation des communes. Soucieux que je suis des finances publiques, monsieur le porte-parole du groupe Renaissance, je propose un moyen de financer cette augmentation, d’autant que rien ne justifie le fait que les cartes d’identité soient gratuites et pas les passeports, dont le prix est élevé. C’est un moyen d’assurer une compensation aux communes, sans affectation bien sûr.

En ce qui concerne la territorialisation, j’ai dans mon département une commune équipée d’un DR dont les services prennent immédiatement en charge quiconque se présente. Temps d’attente : zéro. Des gens viennent de la région parisienne. Est-ce raisonnable ? La territorialisation permettrait de répartir l’effort, en disant quelles communes sont desservies par un DR. À défaut, l’hétérogénéité persistera.

Monsieur le ministre, les délais d’attente n’ont pas une cause technologique. Le vrai problème, ce sont les moyens. Et si je préconise d’adopter des critères qualitatifs, c’est parce qu’il n’est pas normal que l’État verse de l’argent sans fixer un objectif, éventuellement assorti d’un bonus-malus. D’ailleurs, l’État a commencé à introduire un bonus. Il faut aller plus loin. Je ne vois pas pourquoi l’État verse de l’argent sans fixer un objectif de délai, par exemple de trente ou quarante jours, entre la saisie de la pré-demande et l’obtention d’un rendez-vous.

Il y va de la qualité du service public, qui n’est pas sans importance, monsieur Lefèvre. Récompenser les bons, voire pénaliser les mauvais, est un principe de base de la bonne gestion des finances publiques.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

 

 

*

*    *

 

 

 


—  1  —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Secrétariat général du ministère de l’intérieur et des outre-mer

– M. Didier Martin, secrétaire général ;

– M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint, directeur du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES) ;

– Mme Stéphanie Marivain, cheffe du bureau de la performance de l’administration territoriale de l’État.

 

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

– M. Éric Jalon, directeur général.

 

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

– Mme Anne-Gaëlle Baudoin, directrice ;

– M. Bruno Jacquet, secrétaire général.

 

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF)

– M. Éric Verlhac, directeur général

– Mme Judith Mwendo, responsable du service Administration et gestion communales ;

– Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement.

 

*

*     *

 


([1]) À l’étranger, les Français expatriés qui souhaitent accomplir ces démarches administratives s’adressent aux services consulaires d’où relève leur lieu de résidence.

([2]) Toutefois, les demandes en urgence de passeports temporaires pour un motif d’ordre médical, humanitaire ou professionnel sont adressées directement auprès des préfectures.

([3]) Réponses au questionnaire adressé au ministère de l’intérieur et des outre-mer.

([4]) Les délais les plus bas ont été constatés dans le Territoire de Belfort (8 jours en moyenne). Compte tenu de sa superficie et de sa population, sa situation ne peut être comparable à celle des autres départements.

([5]) Réponses au questionnaire adressé à la préfecture des Yvelines.

([6]) La délivrance d’une CNI (sauf en cas de perte) est gratuite tandis que celle d’un passeport est payante.

([7]) Il existe également d’autres CERT destinés au traitement des demandes de permis de conduire et des certificats d’immatriculation des véhicules (« cartes grises ») dont le ressort territorial est différent.

([8]) L’Île-de-France dispose de cinq CERT dont trois sont compétents pour deux départements à la fois et deux le sont pour un seul département.

([9]) Les demandes de CNI et de passeports déposés dans des mairies en Corse sont transmises au CERT de Toulon, compétent pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

([10]) Cinq CERT sont déployés en outre-mer dont deux sont compétents pour plusieurs départements ou collectivités et trois le sont pour un seul département ou collectivité.

([11]) La question de la détection des fraudes fera l’objet de développements ultérieurs dans le présent rapport.

([12]) Article 2 de la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 relative à l’Imprimerie nationale.

([13]) Décret n° 2007‑240 du 22 février 2007 portant création de l’Agence nationale des titres sécurisés.

([14]) Article 134 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([15]) Ministère de l’intérieur, communiqué de presse du mercredi 4 mai 2022.

([16]) Loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([17]) Loi n° 2022‑1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19.

([18]) Ce qui n’est, par exemple, pas le cas pour les permis de conduire et les certificats d’immatriculation des véhicules qui sont traités par des CERT spécifiques.

([19]) Son déploiement a d’abord été expérimenté dans l’Oise, en Seine‑Maritime et à La Réunion en mars 2021.

([20]) Règlement (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union et des documents de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation.

([21]) Format qui est également celui des nouveaux permis de conduire mis en circulation depuis 2013.

([22]) Décret n° 2013‑1188 du 18 décembre 2013 relatif à la durée de validité et aux conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d’identité.

([23]) Pour les personnes majeures.

([24]) Article 201 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022.

([25]) Idem.

([26]) Modèle-type de CUT.

([27]) Cette action permet également de rémunérer les emplois affectés aux directions des préfectures dédiées à l’asile, à l’accueil et au séjour ainsi qu’à l’éloignement).

([28]) Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres.

([29]) Décret n° 2008‑426 du 30 avril 2008 modifiant le décret n° 2005‑1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques.

([30]) Ce qui est toujours le cas pour les passeports d’urgence.

([31]) Surnommés « cartes grises ».

([32]) Comme indiqué précédemment, il existe plusieurs CERT en Île-de-France. À l’inverse, un seul CERT est actuellement compétent pour les demandes déposées en Corse et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

([33]) Cour des comptes, rapport public annuel 2020, tome II « La dématérialisation de la délivrance de titres par les préfectures ».

([34]) Décret n° 2016‑1460 du 28 octobre 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité.

([35]) Réponses au questionnaire adressé au ministère de l’intérieur et des outre-mer.

([36]) Idem.

([37]) Il faut rappeler que le maire agit en tant qu’agent de l’État lorsqu’il intervient en tant qu’officier d’état civil, par exemple, ou encore lorsqu’il est chargé d’organiser les élections sur le territoire de sa commune.

([38]) Article 136 de la loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([39]) Le rapporteur spécial avait déposés deux amendements d’appel (n° II-CF183 et n° II-CF184) pour présenter son idée.

([40]) Codifié à l’article D. 2335‑23 du CGCT.

([41]) Montant qui correspond à une majoration de presque 20 % de la DTS pour une commune qui enregistrerait d’ores et déjà au moins 4 000 demandes par an.

([42]) Communication électronique des données de l’état civil.

([43])  Francetvinfo.fr, « Au cœur du trafic de faux papiers d’identité », 14 juin 2023.

([44]) Si l’on excepte la remise en mains propres du titre d’identité une fois acheminé vers la mairie où la demande avait été déposée.

([45]) Article 168 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([46]) Le montant du titre pour un mineur de quinze ans et plus est fixé à 42 euros et à 17 euros pour un enfant de moins de quinze ans.

([47]) Le Monde, « L’afflux de demandes de cartes d’identité submerge les préfectures », Stéphane Horel, 24 juillet 1999.

([48]) Soit 91,47 millions d’euros.

([49]) Décret n° 55‑1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d’identité.

([50]) Une première carte d’identité, obligatoire quant à elle, avait été instaurée sous le régime de Vichy (acte dit « loi » du 27 octobre 1940 instituant la carte d’identité de Français).

([51]) Réponses au questionnaire adressé au secrétariat général du ministère de l’intérieur.

([52]) Articles L. 436‑1 à L. 436‑9 du CESEDA.

([53]) Article 26 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([54]) Évaluations des voies et moyens (tome 1) annexées au projet de loi de finances pour 2023.

([55]) Cette action porte également les dépenses de personnel et de fonctionnement des CERT pour les CNI, les passeports, les permis de conduire et les cartes grises.

([56]) Amendement n° II-1445.

([57]) Cour des comptes, « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères », rapport public thématique, avril 2020.

([58]) Hors Paris.

([59]) Hors Territoire de Belfort.

([60]) Articles L. 412‑5 et L. 412‑6 du CESEDA.

([61]) Décret n° 2021‑313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titres de séjour.

([62]) Conseil d’État, section, 3 juin 2022, 452798.

([63]) Décret n° 2023‑191 du 22 mars 2023 créant une solution de substitution au téléservice mentionné à l’article R. 431‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.