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N° 1305

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

sur le financement de la transition énergétique au regard de l’efficacité de MaPrimeRénov’, de la limitation des charges énergétiques des consommateurs finals et du soutien à l’investissement dans l’énergie

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. David AMIEL et Emmanuel LACRESSE,
rapporteurs spéciaux

 

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux

introduction

PremiÈre partie : maprimerÉnov’, principal dispositif de soutien À la rÉnovation ÉnergÉtique, doit aujourd’hui Être complÉtÉe au regard du besoin de massification des travaux

I. le dispositif maprimerÉnov’ doit encore Être amÉliorÉ afin de pallier ses difficultés de mise en œuvre et le faible nombre de rénovations globales

A. Un investissement public massif et en croissance en faveur de MaPrimeRénov’

B. alors que LES difficultés de mise en œuvre du dispositif limitent sa montée en charge, les premières solutions apportées doivent être poursuivies

1. Le développement de la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique a entraîné un renforcement des contrôles

2. Des dysfonctionnements affectent le parcours des usagers et limitent les décaissements de crédits en cours de gestion

a. Des délais de traitement des demandes qui demeurent longs

b. Des dysfonctionnements techniques récurrents de la plateforme malgré des évolutions récentes visant à en faciliter l’usage

c. Les restes à payer sont en augmentation significative

C. Un accompagnement renforcé de l’usager a été mis en place afin de répondre aux limites identifiées

1. La mise en place du réseau France Rénov’ : un guichet unique en faveur de la rénovation

2. Poursuivre le développement de Mon Accompagnateur Rénov’ afin de simplifier le parcours des usagers

D. Le dispositif MaPrimeRénov’ doit davantage inciter à recourir à des rénovations performantes

1. Le nombre de rénovations globales reste insuffisant

2. Les options envisageables afin d’encourager les rénovations globales

a. Contribuer à la structuration de la filière de la rénovation énergétique

b. Développer la connaissance en matière de rénovation

II. afin de réduire le reste à charge pour les ménages, L’investissement public massif en matière de rénovation énergétique doit être complété par une mobilisation du secteur bancaire

A. Un reste à charge encore trop élevé pour les ménages dans un contexte d’inflation des coûts dans le secteur du bâtiment

1. Les tensions actuelles sur le secteur du bâtiment et la disponibilité du crédit représentent un risque pour la dynamique de rénovation énergétique

2. Afin de réduire le reste à charge, il convient d’augmenter les subventions publiques, notamment pour les ménages modestes, et de mobiliser davantage le secteur bancaire et des produits financiers innovants, notamment pour les ménages intermédiaires

3. De nombreux prêts conçus pour aider les opérations de rénovation existent mais l’engagement bancaire en faveur de leur diffusion demeure insuffisant

B. Les pistes À étudier afin de répondre aux difficultés de financement du reste à charge

1. Développer le financement bancaire en généralisant la possibilité de recourir au prêt avance rénovation

2. Poursuivre le travail d’harmonisation des prêts et développer le rôle des sociétés de tiers financement

III. inscrire MaPrimeRénov’ au cœur d’une stratégie de planification territorialisée afin d’étendre les opérations de rénovations au-delà du logement individuel

A. favoriser les travaux de rénovation énergétique au sein des COPROPRIÉTÉS afin d’amplifier les économies d’énergie en zone dense

1. Les opérations de rénovation énergétique restent concentrées sur les logements individuels

2. MaPrimeRénov’ Copropriété reste peu utilisée dans le logement collectif malgré une tendance à la hausse

3. De nombreux dispositifs ont été mis en place afin d’inciter à la rénovation dans les copropriétés

4. Engager une réflexion pour accélérer la prise de décision dans les copropriétés

B. mettre en œuvre une planification territoriale, par quartiers, de la rénovation énergétique

DeuxiÈme partie : tirer les enseignements du contexte de prix ÉlevÉs de l’Énergie, amortis pour les consommateurs finals grâce À des dispositifs efficaces, afin de rÉformer le soutien À la production d’Énergies renouvelables

I. Des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ont ÉtÉ introduites en rÉponse À la crise ÉnergÉtique depuis 2021

A. Une inflation massive des prix de l’Énergie observÉe en France et en europe depuis 2021

1. Une hausse massive des prix de gros du gaz et de l’électricité dès 2021

2. Les prix sur les marchés de gros sont restés élevés en 2022 en raison des incertitudes liées au contexte international

3. La crise des prix de l'électricité s'est trouvée exacerbée par une production d'électricité historiquement basse en 2022

B. La mise en place de dispositifs exceptionnels de soutien des consommateurs finals afin d’amortir la hausse des prix de l’Énergie

1. Le « bouclier tarifaire » sur le gaz

a. Le bouclier individuel sur le gaz

b. Le bouclier collectif sur le gaz

2. Le « bouclier tarifaire » électricité

a. Le bouclier individuel électricité

b. Le bouclier collectif électricité

3. Les aides à l’acquisition de carburants et les chèques énergie exceptionnels

C. Des dispositifs de soutien complÉtÉs pour les entreprises non Éligibles au bouclier tarifaire sur l’ÉlectricitÉ

1. Les aides en faveur des entreprises énergo-intensives

2. L’amortisseur et le suramortisseur : des dispositifs protecteurs pour les entreprises qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire électricité

II. GrÂce À un engagement budgÉtaire massif de l’État, les dispositifs mis en place ont permis de limiter l’impact de la hausse des prix de l’Énergie sur les consommateurs finals

A. Les dispositifs mis en œuvre ont dÉmontrÉ leur efficacitÉ face À la hausse des prix de l’Énergie pour les ménages et les entreprises

1. Un impact certain sur les ménages malgré la complexité de mise en œuvre des dispositifs

2. Les effets des aides sur les entreprises ont permis de préserver l’activité économique

3. L’exemple du secteur de la boulangerie : un effet réel sur les factures qui reste insuffisant pour certaines entreprises

B. L’impact des dispositifs a pour contrepartie leur coÛt budgÉtaire important pour l’État

1. Un soutien budgétaire massif de la part de l’État qui portera majoritairement sur l’année 2023 et sera partiellement compensé par les CSPE négatives

2. Une diminution du coût des dispositifs en raison de la baisse des prix de l’énergie depuis l’automne 2022

3. Maintenir les dispositifs de soutien aux consommateurs tant que l’incertitude sur la production électrique française demeure

III. Une rÉvision À venir des modalitÉs de soutien à l’investissement dans les Énergies renouvelables

A. faire du programme 345 le support de la stratÉgie de rÉsilience Énergétique française

1. Le fonctionnement du système des charges de service public de l’énergie est affecté par un environnement de prix durablement élevés

2. La gestion et le contrôle des contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération face au phénomène de résiliations anticipées

3. Au-delà du soutien à la transition énergétique, faire du programme 345 le support de la stratégie de résilience énergétique française

B. La rÉforme du marchÉ europÉen de l’Énergie : une occasion de rÉviser le cadre de long terme de soutien à l’investissement dans les Énergies renouvelables

1. La crise des prix de l’énergie a mis en lumière certaines limites de l’organisation du marché européen de l’électricité

2. Les objectifs portés par la France

3. Les discussions en cours autour de la proposition de la Commission européenne seront déterminantes afin d’encadrer l’investissement de long terme dans les énergies renouvelables

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 

 

 

 

 

 

 


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   SYNTHÈSE

Les rapporteurs spéciaux se sont intéressés dans le présent rapport au financement de la transition énergétique selon deux angles complémentaires : le développement du service public de la rénovation de l’habitat autour du dispositif MaPrimeRénov’, ainsi que l’efficacité des dispositifs de soutien aux entreprises, aux ménages et à l’investissement dans les énergies renouvelables dans un contexte d’inflation des coûts de l’énergie.

● Lancée en 2020, MaPrimeRénov’ a permis de financer près d’1,4 million d’opérations de rénovations énergétiques depuis sa création : si ce dispositif a été sollicité par un large public, il convient désormais de pallier ses insuffisances afin de poursuivre la massification des opérations de rénovation énergétique.

À ce titre, la réduction du reste à charge pour les ménages, à la fois par les subventions publiques mais également par un développement des prêts bancaires, est un impératif afin de résoudre les problèmes de trésorerie qui peuvent freiner les décisions de rénovation.

L’enjeu de la rénovation en zone dense devra inclure les collectivités territoriales au cœur d’une stratégie de planification : à la fois sur le plan budgétaire et réglementaire, pour donner de la visibilité au secteur et aux ménages, mais également sur le plan territorial, dans l’objectif de compléter la logique actuelle de rénovations individuelles par des rénovations à l’échelle des quartiers.

● Les prix du gaz et de l’électricité ont atteint en 2022 un pic inédit dans l’histoire du marché européen de l’énergie : le Gouvernement a mis en œuvre dès 2021 des mesures de « boucliers tarifaires » et d’aides au paiement des factures d’énergie qui ont permis de modérer l’augmentation des dépenses énergétiques des ménages et des entreprises.

Complétée progressivement, la protection offerte par ces nombreux dispositifs a pour contrepartie un engagement budgétaire massif de l’État estimé à 39 milliards d’euros pour la période 2022-2024, en partie financé par les recettes issues de la production d’énergies renouvelables.

Alors que le niveau des prix de l’énergie s’est éloigné des sommets d’août 2022 mais reste deux à trois fois supérieur aux montants d’avant-crise, la réforme du marché européen de l’énergie constitue une occasion majeure de révision des modalités du soutien de long terme à la production d’énergies renouvelables qui invite à repenser le périmètre du programme budgétaire 345 Service public de l’énergie.

 


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   RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux

Concernant le dispositif MaPrimeRénov’ :

1°) Poursuivre les efforts en matière de lutte contre la fraude, en renforçant la communication en amont et les contrôles en aval, ainsi qu’en matière de réduction des délais de traitement des dossiers de demande.

2°) Renforcer les moyens consacrés à Mon Accompagnateur Rénov’ et simplifier le processus d’agrément pour encourager davantage de professionnels qualifiés à occuper ce rôle d’accompagnateur.

3°) Faire évoluer les barèmes et conditions d’attribution des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique afin de cibler l’effort sur les rénovations les plus performantes et de soutenir davantage les ménages, des plus modestes aux intermédiaires, selon une programmation pluriannuelle et un calendrier partagé avec la filière.

4°) Contribuer à la structuration de la filière de la rénovation énergétique en accompagnant la formation des professionnels, en fiabilisant le DPE et en révisant le fonctionnement du label RGE.

5°) Étudier la généralisation de la réalisation d’un DPE à l’issue des travaux de rénovation énergétique les plus coûteux afin d’en mesurer les gains et d’améliorer la connaissance du parc immobilier français.

6°) Généraliser l’accès au prêt avance rénovation, en supprimant les plafonds de ressources, en proposant un taux d’intérêt bonifié par l’État et en introduisant pour les établissements de crédit une obligation de communication sur l’existence de ce produit.

7°) Poursuivre le travail d’harmonisation et de simplification des prêts, de développement des sociétés de tiers financement et de mobilisation du secteur bancaire.

8°) Poursuivre les réflexions afin d’accélérer la prise de décision relative au financement de travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés, dans la perspective d’une action plus large de soutien public aux copropriétés engageant des opérations de rénovation globale.

9°) Afin de donner un soutien public aux copropriétés privées en barres d’immeubles qui lancent des travaux de rénovation énergétique, envisager la constitution d’un « fonds tours » fournissant un service d’expertise technique et une solution d’appui aux copropriétaires pour le financement des opérations.

10°) Envisager l’élaboration d’une planification pluriannuelle du soutien à la rénovation énergétique afin de donner de la visibilité aux ménages et aux entreprises sur les dispositifs d’aide.

11°) Introduire une planification territoriale de la rénovation énergétique par quartier, notamment dans les zones urbaines denses.

Concernant les dispositifs de soutien aux consommateurs finals et à l’investissement dans la production d’énergies renouvelables :

12°) Maintenir les dispositifs de soutien aux consommateurs pour l’électricité tant que l’incertitude demeure sur le retour en service complet du parc nucléaire, avec une priorité donnée dans l’industrie aux entreprises exposées à la concurrence internationale.

13°) Engager une réflexion afin de faire du programme 345 le support budgétaire de la stratégie de résilience énergétique française, en y rassemblant notamment les crédits soutenant la recherche en matière d’hydrogène, de fusion nucléaire et de petits réacteurs nucléaires.

14°) Dans le cadre de la réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie, prévoir que l’investissement dans la recherche dans le nouveau nucléaire et dans la construction des EPR soit isolé dans un régime de financement spécifique par l’État, afin de le retrancher du futur calcul par la CRE du coût complet d’exploitation du parc nucléaire et d’éviter un niveau de prix trop élevé pour les industries sur le sol national.

15°) Dans le cadre de la réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie, prévoir que les capacités de production existantes, en particulier nucléaires, puissent être mises sous CfD, de façon à ce que les revenus de tous les producteurs d’énergie contribuent à l’objectif prioritaire de la diversification des sources d’énergie nationale.

 


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   introduction

Lors de ses vœux adressés aux Françaises et aux Français le 31 décembre 2022, le président de la République rappelait les efforts entrepris afin que la France soit en mesure de « gagner » la « bataille » de la « transition écologique ». Cette bataille, combat de notre siècle, sera remportée à condition d’y répondre par des dispositifs efficaces et de disposer des financements à la hauteur de l’enjeu.

À ce titre, les rapporteurs spéciaux ont décidé d’étudier en premier lieu la montée en charge du service public de la rénovation de l’habitat autour du dispositif MaPrimeRénov’ et les options disponibles afin de poursuivre la massification des travaux.

Dans un second temps, ils se sont intéressés à des aspects complémentaires de la transition énergétique, en s’interrogeant sur l’efficacité des dispositifs de soutien aux entreprises et aux ménages dans un contexte d’inflation des coûts de l’énergie, ainsi que sur les modalités de révision du soutien à l’investissement dans les énergies renouvelables.


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   PremiÈre partie : maprimerÉnov’, principal dispositif de soutien À la rÉnovation ÉnergÉtique, doit aujourd’hui Être complÉtÉe au regard du besoin de massification des travaux

Lancée en 2020, MaPrimeRénov’ a permis de financer près d’1,4 million d’opérations de rénovations énergétiques depuis sa création : si ce dispositif a été sollicité par un large public, il convient désormais de pallier ses insuffisances afin de poursuivre la massification des opérations de rénovation énergétique.

À ce titre, la réduction du reste à charge pour les ménages, à la fois par les subventions publiques mais également par un développement des prêts bancaires, est un impératif afin de résoudre les problèmes de trésorerie qui peuvent freiner les décisions de rénovation.

Enfin, l’enjeu de la rénovation en zone dense devra inclure les collectivités territoriales au cœur d’une stratégie de planification : à la fois sur le plan budgétaire et réglementaire, pour donner de la visibilité au secteur et aux ménages, mais également sur le plan territorial, dans l’objectif de compléter la logique actuelle de rénovations individuelles par des rénovations à l’échelle des quartiers.

I.   le dispositif maprimerÉnov’ doit encore Être amÉliorÉ afin de pallier ses difficultés de mise en œuvre et le faible nombre de rénovations globales

MaPrimeRénov’ a permis de financer près d’1,4 million d’opérations de rénovation énergétique grâce à un investissement public significatif et en croissance continue. Toutefois, certaines difficultés de mise en œuvre persistent et ont été partiellement traitées, notamment par la mise en place d’un service d’accompagnement renforcé des usagers. Si MaPrimeRénov’ a bien répondu au défi de la massification, l’objectif doit être désormais de renforcer la qualité des rénovations en donnant une priorité aux rénovations globales.

A.   Un investissement public massif et en croissance en faveur de MaPrimeRénov’

Issu de la réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), lequel avait été supprimé pour les dépenses effectuées depuis le 1er janvier 2021, le dispositif MaPrimeRénov’ est aujourd’hui la principale aide au financement des travaux de rénovation énergétique de l’habitat privé ([1]). Cette prime est distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Initialement limité au financement de travaux « par geste », c’est-à-dire pour une opération précise, en faveur des ménages modestes et très modestes, ce dispositif a été ouvert en 2021 à l’ensemble des propriétaires, aux copropriétés et au financement d’opérations de rénovation énergétique globale. Ainsi, les ménages propriétaires occupants ou titulaires d’un droit réel immobilier conférant l’usage du logement, dès lors qu’ils résident en France, peuvent bénéficier de MaPrimeRénov’ au titre des dépenses de rénovation énergétique du logement affecté à leur habitation principale. Les ménages propriétaires bailleurs ou titulaires d’un droit réel immobilier conférant l’usage d’un logement qui s’engagent à louer ce logement à titre de résidence principale pendant au moins cinq ans sont également éligibles.

Pour les particuliers, le montant de l’aide est fixé forfaitairement en fonction des revenus et des gains énergétiques attendus des travaux. Les travaux soutenus concernent le chauffage et l’eau chaude sanitaire, l’isolation thermique (qui n’est plus accessible depuis le 31 mars 2023 pour les ménages aux ressources supérieures), la ventilation mécanique contrôlée (VMC) et la réalisation d’un audit énergétique hors obligation réglementaire.

Plafonds des revenus des mÉnages et des aides maprimerénov’ en 2023

(en euros)

Nombre de personnes composant le ménage

Ménages aux revenus très modestes

Ménages aux revenus modestes

Ménages aux revenus intermédiaires

Ménages aux revenus supérieurs (*)

Ile-de-France

Autres régions

Ile-de-France

Autres régions

Ile-de-France

Autres régions

Ile-de-France

Autres régions

1

22 461

16 229

27 343

20 805

38 184

29 148

> 38 184

> 29 148

2

32 967

23 734

40 130

30 427

56 130

42 848

> 56 130

> 42 848

3

39 591

28 545

48 197

36 591

67 585

51 592

> 67 585

> 51 592

4

46 226

33 346

56 277

42 748

79 041

60 336

> 79 041

> 60 336

5

52 886

38 168

64 380

48 930

90 496

69 081

> 90 496

> 69 081

Par personne supplémentaire

+ 6 650

+ 4 813

+ 8 097

+ 6 165

+ 11 455

+ 8 744

+ 11 455

+ 8 744

 

Plafonds des aides

Geste unique

10 000

8 000

4 000

500

Rénovation globale

17 500

12 250

10 000

5 000

Aide cumulée par rapport au montant des travaux (**)

90 %

75 %

60 %

40 %

(*) Le nombre d’opérations éligibles à MaPrimeRénov’ est limité par rapport aux ménages des autres catégories de revenus.

(**) Montant hors taxes des travaux que l’aide cumulée, en incluant les certificats d’économies d’énergie (CEE), les aides locales et les aides d’Action Logement, ne peut dépasser.

Source : commission des finances.

Depuis le 1er janvier 2022, seules les habitations principales achevées depuis au moins quinze ans sont éligibles à MaPrimeRénov', contre plus de deux ans auparavant. Dans le contexte d’inflation des prix de l’énergie, les forfaits MaPrimeRénov’ relatifs à l’installation d’équipements de chauffage des locaux fonctionnant à partir d’énergies renouvelables (chaudières biomasse, systèmes solaires combinés, pompes à chaleur géothermiques ou solarothermiques, pompes à chaleur air/eau) ont été augmentés de 1 000 euros pour les dossiers déposés entre le 15 avril 2022 et le 31 mars 2023.

Parmi les principales évolutions réglementaires intervenues en 2023, on peut relever que :

– les plafonds de la prime ont diminué à compter du 1er février 2023 pour les dépenses portant sur les VMC et les poêles à granulés, tandis qu’ils ont été augmentés pour les rénovations globales réalisées par les ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs ([2]) ;

 le décret du 30 mai 2023 introduit la possibilité de rejeter une demande de prime « sur la base de l'intérêt technico-économique du projet au regard des équipements et prestations demandés pour un même logement » ([3]) ;

– l’article 4 du même texte ajoute désormais que, pour que la réalisation d’un audit énergétique – en dehors des cas où la réglementation le rend obligatoire – soit éligible à MaPrimeRénov’, au moins une prime pour une dépense éligible doit être attribuée simultanément, hors dépose d’une pompe à fioul et prestation d’assistance à maîtrise d’ouvrage.

● MaPrimeRénov’ fait l’objet d’un engagement budgétaire de l’État significatif et en forte croissance. Selon les informations transmises par l’Anah, le montant des crédits inscrits à son budget en 2022 au titre de MaPrimeRénov’ par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 était de 2 000 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 820 millions d’euros en crédits de paiement (CP) ([4]). Ces montants ont été portés respectivement à 2 400 millions d’euros en AE et 2 130 millions d’euros en CP par l’adoption de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (LFR 1). La loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022 (LFR 2) a ensuite réduit ce budget à 2 338 millions d’euros en AE et 1 900 millions d’euros en CP : en tenant compte des dégagements intervenus en 2022, les résultats d’exécution pour 2022 sont de 2 326 millions d’euros en AE (soit 97 %) et de 1 730 millions d’euros en CP (81 %).

En outre, la loi de finances pour 2023 prévoit un crédit de 2 450 millions d’euros en CP et 2 300 millions d’euros en AE en faveur de MaPrimeRénov’. Des crédits du programme 362 Écologie de la mission Plan de relance viennent également compléter pour 2023 ce montant à hauteur de 213 millions d’euros en CP. En incluant l’ensemble des crédits alloués à MaPrimeRénov’, dont ceux du programme 362, l’accroissement du financement du dispositif MaPrimeRénov’ par rapport à 2022 est de 707,5 millions d’euros en CP (+ 26,6 %).

● Les résultats de MaPrimeRénov’ traduisent le succès de la stratégie de massification portée par l’augmentation des crédits alloués au dispositif : depuis 2020, 1 704 940 dossiers ont été déposés et 1 390 885 dossiers acceptés. Parmi ces dossiers, 1 124 838 demandes de solde (sur facture après réalisation des travaux) ont été transmises et 959 173 dossiers ont été payés (soit environ 56 % des dossiers déposés), pour un montant de 2,9 milliards d’euros incluant les logements individuels et les copropriétés.

Après une montée en charge du nouveau dispositif en 2020, le nombre de dépôts de dossiers a été multiplié par trois en 2021, passant de 192 000 dossiers déposés en 2020 à 765 000 dossiers déposés en 2021. En 2022, le nombre de dépôts est du même ordre, avec 747 000 dossiers déposés. Près de 670 000 logements ont été rénovés en 2022 au titre des dispositifs MaPrimeRénov’ ([5]), contre 644 000 en 2021 et 141 000 en 2020 : 66,5 % des primes accordées ont financé un changement de chauffage et 20 % des travaux d’isolation.

● Selon les estimations de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), structure chargée de la mise à disposition de données en matière de rénovation, les travaux financés par l’ensemble des dossiers soldés auraient généré des économies d’énergie estimées à 5,3 térawattheures (TWh). Pour les travaux terminés en 2022, l’économie a été de 3,0 TWh. Les pompes à chaleur représentent 21 % des travaux MaPrimeRénov’ soldés en 2022 et 59 % des économies d’énergie (1,8 TWh/an), tandis que les autres systèmes de chauffage et l’eau chaude sanitaire représentent 51 % des travaux et 22 % des économies d’énergie en 2022 (0,7 TWh/an).

Ainsi, MaPrimeRénov’ est aujourd’hui un dispositif bien identifié par les Français qui a permis une augmentation très importante du nombre et de l’efficacité des travaux de rénovation énergétique.

B.   alors que LES difficultés de mise en œuvre du dispositif limitent sa montée en charge, les premières solutions apportées doivent être poursuivies

L’allongement des délais de traitement des demandes, en raison notamment d’une hausse de la fraude et de dysfonctionnement techniques de la plateforme de dépôt, est un frein au développement de MaPrimeRénov’ : le Gouvernement et l’Anah ont mis en place de premières réponses à ce phénomène afin d’améliorer la fiabilité du dispositif.

1.   Le développement de la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique a entraîné un renforcement des contrôles

La fraude est un phénomène massif au sein du secteur de la rénovation énergétique. Ainsi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ([6]) souligne que sa plateforme « Signal Conso », qui permet aux consommateurs de signaler leurs litiges avec les professionnels, a enregistré plus de 10 000 plaintes et signalements en 2022 sur le secteur de la rénovation énergétique. Le taux d’anomalie, c’est-à-dire de pratiques qui vont de manquements aux exigences du code de la consommation à l’escroquerie en bande organisée, concerne selon les années entre 50 et 56 % des établissements visités, soit un niveau très élevé : ce pourcentage n’est néanmoins pas représentatif d’un taux moyen applicable à l’ensemble du secteur de la rénovation, puisqu’il porte sur des opérateurs ciblés en amont par la DGCCRF sur le fondement de signalements.

Le secteur de la rénovation énergétique fait l’objet d’un nombre croissant de contrôles : si moins de 500 établissements ont été visités par la DGCCRF en 2018, l’objectif est de 1 200 pour l’année 2023. Le bilan des sanctions pour l’année 2021 recense 131 avertissements, 111 injonctions administratives, 34 procès-verbaux administratifs et 89 procès-verbaux pénaux, soit « un taux de verbalisation administrative et pénale très supérieur à la moyenne des autres secteurs ».

Le phénomène de la fraude s’adapte à l’évolution des politiques publiques et est donc difficile à endiguer. Dans le cadre de MaPrimeRénov’, le dispositif de lutte contre la fraude s’appuie sur deux approches complémentaires portées par un groupe de travail interministériel : des campagnes de sensibilisation et un processus de détection.

Une importante asymétrie d’information peut être constatée dans le secteur de la rénovation énergétique entre les consommateurs et les professionnels : afin d’y répondre, les mesures de sensibilisation des consommateurs constituent la partie amont de la stratégie de lutte contre la fraude.

S’agissant de la détection, l’ensemble des dossiers sont contrôlés sur pièces par l’Anah lors de la phase d’instruction des demandes d’aide comme lors de la demande de paiement. À partir des signalements effectués par les instructeurs, une analyse permet d’identifier les schémas de fraude. Des contrôles aléatoires et renforcés peuvent ensuite être réalisés : 10 % des dossiers font l’objet de contrôles sur place afin de confirmer la réalité des travaux financés. À titre d’illustration, une fraude sur l’utilisation de relevés d’identité bancaire (RIB) falsifiés a été détectée selon ce processus à la fin de l’année 2021 et rapidement traitée. En 2022, environ 40 000 contrôles sur place ont été réalisés.

En outre, des évolutions réglementaires récentes témoignent d’un renforcement du dispositif de lutte contre la fraude : désormais, seul le demandeur peut créer son compte lui permettant de s’identifier personnellement ([7]). Les risques d’erreurs sont également limités puisque le directeur général de l’Anah a la possibilité de procéder à un nouvel examen du calcul de la prime en cas de difficultés ou d’erreurs dans l’instruction des dossiers ([8]).

Si les rapporteurs spéciaux saluent l’ensemble des efforts entrepris en matière de lutte contre la fraude, ils considèrent pertinent d’augmenter le nombre de contrôles sur site en amont et en aval des travaux.

2.   Des dysfonctionnements affectent le parcours des usagers et limitent les décaissements de crédits en cours de gestion

a.   Des délais de traitement des demandes qui demeurent longs

De nombreux signalements des difficultés rencontrées par les demandeurs de MaPrimeRénov’ ont été effectués depuis le lancement du dispositif, même s’ils doivent être mis en regard de l’augmentation très importante du nombre de dossiers traités. Ainsi, en octobre 2022, après avoir été saisie de 500 réclamations, la Défenseure des droits relevait que « si l’Anah a amélioré́ globalement les délais de traitement des dossiers d’aide déposés ces derniers mois, la Défenseure des droits constate en revanche que les dossiers datant de 2020 ou 2021 ayant rencontré des difficultés peinent toujours à être résolus des mois, voire maintenant des années après » ([9]).

En avril 2023, la Défenseure des droits a reçu 900 saisines supplémentaires relatives à MaPrimeRénov’ et constatait qu’un nombre important de réclamations étaient en difficulté depuis plusieurs mois, soit parce qu’elles n’avaient obtenu aucune réponse, soit parce qu’elles n’étaient pas résolues ([10]).

Les contrôles renforcés mis en œuvre par l’Anah dans le cadre de la lutte contre la fraude ont aussi pu allonger les délais d’engagement et de paiement. En avril 2023, les délais moyens de traitement d’un dossier étaient de 28 jours pour la demande de subvention et de 45 jours pour la demande de paiement. L’Anah souligne que les retards dans l’instruction des demandes ont souvent pour origine des dossiers incomplets, ce qui renforce l’intérêt d’un accompagnement des ménages dans la conception de leur dossier de demande.

Un suivi a été mis en place et permet d’avoir une connaissance des dossiers qui ne seraient pas traités dans des délais raisonnables. Selon l’Anah, ses services répondent à environ 25 000 demandes chaque semaine pour un stock de 2 000 dossiers en difficulté qui font l’objet d’un traitement par un service dédié de l’Anah. Au-delà de ces dossiers en difficulté, les rapporteurs spéciaux considèrent que la réduction des délais de traitement des demandes doit être une priorité de l’action de l’Anah.

b.   Des dysfonctionnements techniques récurrents de la plateforme malgré des évolutions récentes visant à en faciliter l’usage

La plateforme de dépôt des demandes MaPrimeRénov’ a été critiquée pour les problèmes techniques rencontrés par les usagers. Plusieurs fonctionnalités ont ainsi été mises en place depuis la fin de l’année 2021 afin de fluidifier le parcours des usagers :

– mise en place de France Connect pour sécuriser l’accès au compte (février 2022) ;

– création d’une fonctionnalité « annuler ma demande » (mai 2022) ;

– création d’une fonctionnalité « demander une prorogation de mon dossier » (juillet 2022).

En outre, depuis l’été 2022, la plateforme a la capacité de répondre, d’informer et d’accompagner individuellement les demandeurs dans la réalisation de demandes d’annulation et de prorogation de leur dossier.

Toutefois, la Défenseure des droits relevait dans sa décision d’octobre 2022 qu’un grand nombre de dossiers pour lesquels elle avait été saisie « étaient liés aux problèmes techniques rencontrés par les demandeurs, contraints de faire face à des blocages informatiques ou confrontés aux limites de fonctionnement de la plateforme. » Il est donc nécessaire de poursuivre l’amélioration de la plateforme afin de répondre aux attentes des usagers et de fluidifier la gestion de leur demande.

c.   Les restes à payer sont en augmentation significative

Ces difficultés techniques entraînent des restes à payer importants au titre de MaPrimeRénov’ en 2022 : ainsi, 867 millions d’euros restaient à décaisser au 31 décembre 2022 sur les dossiers validés durant l’exercice 2022, illustrant l’impact des insuffisances techniques du dispositif sur son déploiement. L’Anah relève que des éléments conjoncturels expliquent également ces difficultés de décaissement : les délais de réalisation des travaux sont élevés en raison de la saturation des carnets de commande des artisans, tandis que la mise en œuvre de contrôles renforcés sur de nombreux dossiers a allongé les délais de paiement.

Recommandation n° 1 : poursuivre les efforts en matière de lutte contre la fraude, en renforçant la communication en amont et les contrôles en aval, ainsi qu’en matière de réduction des délais de traitement des dossiers de demande.

C.   Un accompagnement renforcé de l’usager a été mis en place afin de répondre aux limites identifiées

Le service public de la rénovation de l’habitat, incarné par le réseau France Rénov’ présent sur l’ensemble du territoire, a pour objectifs de simplifier le parcours de l’usager vis-à-vis des aides disponibles et d’harmoniser les pratiques entre les guichets. Le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ s’inscrit dans ce cadre en apportant une prestation de conseil aux ménages tout au long du processus de rénovation.

1.   La mise en place du réseau France Rénov’ : un guichet unique en faveur de la rénovation

La communication du Gouvernement à destination de l’ensemble des acteurs du secteur a permis de faire connaître les aides à la rénovation énergétique auprès d’un large public. Au regard de l’afflux des demandes auprès de l’Anah et de la complexité du parcours des usagers, l’amélioration de la lisibilité et des conditions d’octroi des aides est apparue comme une nécessité.

Le déploiement de France Rénov’ à partir du mois de janvier 2022 avait pour ambition de simplifier le parcours des usagers et de créer un service public de la performance énergétique de l’habitat avec une couverture nationale (en février 2023, on recensait 554 espaces conseil pour 2 337 conseillers, couvrant 96 % du territoire). L’objectif est de proposer un nouveau parcours unique, plus lisible pour les usagers, afin d’aider un maximum de personnes à réaliser la rénovation énergétique la plus efficace possible pour leur logement.

En 2022, la plateforme France Rénov’ a accueilli plus de 6,8 millions de visiteurs et a répondu chaque semaine à 35 000 appels sur sa plateforme téléphonique. Le taux de satisfaction globale des usagers d’un guichet France Rénov’ en février 2023 s’élevait à 93 %. En outre, la mise en place de la plateforme www.france-rénov.gouv.fr permet aux usagers d’avoir une plateforme unique d’informations neutres et gratuites sur les aides, de trouver un conseiller France Rénov’ proche de leur domicile ou un professionnel RGE.

L’Anah, qui est en charge de piloter ce service public et d’animer le réseau territorial unifié entre l’État et les collectivités territoriales, doit répondre à trois grands enjeux autour du guichet France Rénov’ :

– la consolidation du service public de l’habitat par le renforcement de l’offre d’information, de conseil et d’accompagnement pour la réalisation d’un projet de rénovation performante ;

– le renforcement du pilotage et du suivi de la performance du nouveau service public, dans une approche centrée sur les besoins des usagers ;

– l’anticipation et la construction d’une offre renouvelée de contractualisation entre l’Anah et les collectivités locales.

2.   Poursuivre le développement de Mon Accompagnateur Rénov’ afin de simplifier le parcours des usagers

Les aides à la rénovation énergétique, simples dans leur fonctionnement, sont inscrites dans un processus complexe. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat et résilience »), généralise l’accompagnement des ménages dans leur projet de travaux de rénovation énergétique par la mise en place de Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR) ([11]).

Mon Accompagnateur Rénov' est un assistant à maîtrise d’ouvrage ou un opérateur agréé par l’État ou désigné par une collectivité locale. Une plateforme de dépôt de demande d’agrément, ouverte le 2 mai 2023, a été déployée par l’Anah qui est en charge de l’instruction des demandes et de la délivrance des agréments. À compter du 1er janvier 2024, tous les acteurs qui souhaiteront exercer les missions de Mon Accompagnateur Rénov’ devront détenir l’agrément délivré par l’Anah.

Appuyé par l’Anah, ce professionnel est chargé d’assister les particuliers dans leur projet de travaux de rénovation énergétique. Selon le projet de travaux, le conseiller France Rénov’ pourra orienter les usagers vers les Accompagnateurs Rénov’ en capacité de les accompagner au plus près du logement.

Les objectifs du dispositif sont de :

– stimuler la demande et inciter à s’engager dans un projet de travaux grâce à la présence d’un tiers de confiance ;

– permettre de s’engager dans des projets de travaux plus ambitieux, grâce au conseil technique et à la mobilisation de l’ensemble des aides mobilisables ;

– simplifier le parcours de travaux en répondant aux difficultés identifiées.

L’accompagnement proposé par Mon Accompagnateur Rénov’ a vocation à traiter les questions techniques, sociales (situations de précarité énergétique, d’habitat indigne ou de perte d’autonomie), administratives et financières. Il intervient à toutes les étapes du projet, notamment avec la réalisation de l’audit énergétique, l’aide à l’élaboration du projet de travaux, du plan de financement, de la conception des dossiers de demande de subvention, et le suivi de la réalisation des travaux. Toutes ces missions devront être réalisées dans le cadre d’un contrat passé entre Mon Accompagnateur Rénov’ et le ménage. Certaines collectivités territoriales proposent la prise en charge du service de Mon Accompagnateur Rénov', tandis que l’Anah propose une aide allant jusqu’à 875 euros.

Conformément à la loi « Climat et résilience » et dans l’objectif de développer l’accompagnement afin de fiabiliser l’ensemble du secteur de la rénovation énergétique, le recours à MAR est désormais obligatoire pour bénéficier de certaines aides :

– depuis le 1er janvier 2023, pour une demande au titre de MaPrimeRénov’ Sérénité d’un coût supérieur à 5 000 euros toutes taxes comprises (TTC) ;

– au 1er janvier 2024, pour obtenir le bénéfice du forfait « rénovation globale » de MaPrimeRénov’ et pour les prestations obligatoires pour MPR Sérénité (audit énergétique, deuxième visite post-travaux, etc.).

Les rapporteurs spéciaux relèvent l’intérêt de ce dispositif, combiné au guichet France Rénov’, qui permet de simplifier l’accès à la rénovation pour les usagers. Les moyens consacrés à MAR devront être renforcés, notamment au regard de l’introduction de l’obligation d’accompagnement qui ne doit pas conduire à exclure certains usagers résidant dans des territoires où le coût de la prestation est insuffisamment pris en charge. En outre, il conviendrait de simplifier le processus d’agrément pour permettre à plus d’opérateurs de devenir MAR et d’inciter les professionnels les plus qualifiés à y participer.

Recommandation n° 2 : renforcer les moyens consacrés à Mon Accompagnateur Rénov’ et simplifier le processus d’agrément pour encourager davantage de professionnels qualifiés à occuper ce rôle d’accompagnateur.

D.   Le dispositif MaPrimeRénov’ doit davantage inciter à recourir à des rénovations performantes

Afin d’augmenter le nombre de rénovations globales et d’amplifier les économies d’énergie financées par MaPrimeRénov’, il convient d’accompagner la structuration de filière et de développer la connaissance et le suivi en matière de rénovation énergétique.

1.   Le nombre de rénovations globales reste insuffisant

Les rénovations globales visent à financer un ensemble de travaux de rénovation énergétique réalisés en même temps dans le logement, sur le fondement des recommandations réalisées par un diagnostic énergétique préalable.

Les conditions d’éligibilité à une aide pour la rénovation globale sont variables et dépendent du dispositif. L’Anah octroie deux primes, qui permettent de financer à la fois les travaux et l’audit énergétique préalable :

 le forfait de rénovation globale MaPrimeRénov’ pour les ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs, dont les travaux doivent générer un gain énergétique de 55 % minimum pour être éligibles et justifier de leur cohérence avec l’audit énergétique préalable ([12]) ;

 le dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité, à destination des ménages aux revenus très modestes et modestes, dont les travaux doivent générer un gain énergétique minimum de 35 % et atteindre au moins la classe E sur l’étiquette du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour être éligibles.

En plus de ces primes, les propriétaires peuvent obtenir deux bonus si l’ensemble des travaux permet au logement de changer de classe de DPE :

– prime « sortie de passoire thermique », si le logement atteint au moins la classe E ;

– prime « bâtiment basse consommation », si le logement atteint la classe A ou B.

Ces bonus sont cumulables et s’élèvent à 1 500 euros pour les ménages aux revenus très modestes et modestes, 1 000 euros pour les ménages aux revenus intermédiaires et 500 euros pour les ménages aux revenus supérieurs. En 2022, 23 687 ménages ont profité de la prime « sortie de passoire thermique ».

Le Coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle »

Le dispositif Coup de pouce « Rénovation performante d'une maison individuelle », introduit par l’arrêté du 8 octobre 2020, a pour objectif d’inciter financièrement les propriétaires de maison individuelle en France métropolitaine depuis plus de deux ans (à la date d’engagement de l’opération) à réaliser une rénovation globale performante de leur patrimoine immobilier.

Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE). Les primes sont versées par les signataires de la charte « Coup de pouce Rénovation performante d’une maison individuelle », principalement des fournisseurs d’énergie. Les signataires de la charte doivent proposer un accompagnement complet aux bénéficiaires pour la réalisation de leurs travaux.

Pour bénéficier des offres « Coup de pouce », les travaux de rénovation globale des maisons individuelles doivent respecter certaines exigences, comme le fait de comporter au moins un geste d’isolation ou d’atteindre une baisse de consommation annuelle en énergie primaire d’au moins 55 %.

L’incitation financière s’établit aux valeurs minimales suivantes (exprimées en euros par MWh de consommation conventionnelle annuelle d’énergie finale économisée de la maison rénovée) :

– pour les opérations relatives à des bâtiments dont la consommation annuelle d’énergie primaire après travaux est inférieure ou égale à 110 kWh/m² : 350 euros / MWh pour les ménages très modestes et modestes et 300 euros / MWh pour les autres ménages ;

– pour les autres opérations : 250 euros / MWh pour les ménages très modestes et modestes et 200 euros / MWh pour les autres ménages.

Source : direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

● Entre 2020 et le 1er janvier 2023, 176 067 rénovations globales ont été réalisées tous dispositifs confondus selon l’Anah ([13]), soit seulement 11 % environ du total des logements rénovés. En 2022, sur les 670 000 rénovations aidées par MaPrimeRénov’, près de 66 000 peuvent être considérées comme des rénovations globales (dont 34 000 au titre de MaPrimeRénov’ Sérénité), 70 % correspondent à la réalisation d’un seul geste de travaux, et le reste (environ 20 %) porte sur des rénovations d’au moins deux gestes dont la performance varie.

Ces données soulignent que les rénovations globales, qui sont celles qui génèrent le plus d’économies d’énergie, sont encore très minoritaires parmi l’ensemble des aides à la rénovation.

● La dynamique de rénovation globale se heurte à la nécessité de débloquer des freins simultanément, sur plusieurs champs :

– la capacité à mobiliser les maîtres d’ouvrage (propriétaires, syndicats de copropriétaires, etc.) et à les accompagner vers la rénovation globale de leur bâtiment, ce qui correspond à l’enjeu de Mon Accompagnateur Rénov’ ;

 l’existence d’offres fiables et pertinentes de travaux de rénovation globale sur les territoires ;

– le reste à charge pour les ménages, après le bénéfice des différentes aides, demeure important en raison du coût des travaux plus élevé que pour les rénovations mono-gestes (cf. infra). C’est un problème central pour les ménages les plus fragiles, malgré la croissance des aides. Pour les autres ménages, la difficulté demeure, notamment en termes de capacité à avancer la trésorerie nécessaire ;

 l’impact des travaux de rénovations sur l’organisation de la vie des ménages est non négligeable : il n’est pas toujours aisé pour les ménages de gérer les travaux en site occupé ou d’organiser un relogement pendant la période de travaux.

 Ainsi, l’enjeu demeure d’accroître la part de rénovations globales : la cible de 200 000 rénovations performantes en 2024 a été énoncée par la Première ministre en conclusion du Conseil national de la refondation « logement » le 5 juin 2023.

2.   Les options envisageables afin d’encourager les rénovations globales

a.   Contribuer à la structuration de la filière de la rénovation énergétique

Concernant la demande, les barèmes et les conditions d’attribution des dispositifs d’aide à la rénovation énergétique devront évoluer à terme afin d’encourager davantage les travaux multi-gestes et les rénovations globales. En tout état de cause, ces évolutions devront être réalisées selon un calendrier clair et partagé afin de permettre à la filière de se structurer en fonction de besoins prévisibles.

Recommandation n° 3 : faire évoluer les barèmes et conditions d’attribution des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique afin de cibler l’effort sur les rénovations les plus performantes et de soutenir davantage les ménages, des plus modestes aux intermédiaires, selon une programmation pluriannuelle et un calendrier partagé avec la filière.

Du côté de l’offre, la structuration de la filière sera déterminante afin de relever le défi de la massification. Cette situation invite à développer des plans de formation massifs, à fiabiliser le DPE et à assurer l’efficacité des travaux. Les auditions des rapporteurs spéciaux ont également révélé certaines réserves sur l’efficacité du label RGE. Il apparaît crucial de poursuivre les concertations pour identifier les leviers précis permettant d’assurer la qualification de davantage de professionnels.

Recommandation n° 4 : contribuer à la structuration de la filière de la rénovation énergétique en accompagnant la formation des professionnels, en fiabilisant le DPE et en révisant le fonctionnement du label RGE.

b.   Développer la connaissance en matière de rénovation

Afin de mieux cibler les évolutions futures des dispositifs, il importe de développer la production de données fiables en matière de rénovation énergétique. L’Observatoire de la rénovation énergétique (ONRE), créé à cet effet en septembre 2019, a pour mission d’améliorer la connaissance de la dynamique de rénovation des bâtiments résidentiels et tertiaires et pilote un groupe de travail sur l’évaluation du coût des travaux de rénovation.

En septembre 2022, l’ONRE a publié les résultats de l’enquête TREMI portant sur l’efficacité des travaux de rénovation énergétique dans les maisons individuelles. À l’automne 2023, elle lancera une enquête nationale à grande échelle pour collecter des informations sur l’efficacité des travaux de rénovation énergétique des logements (enquête TRELO). Les résultats de cette enquête attendus pour 2024 permettront de quantifier et de qualifier avec précision les rénovations énergétiques réalisées sur les logements. Ils contribueront à appréhender l’impact sur le terrain des politiques nationales et locales d’incitation à la rénovation énergétique des logements.

Une évaluation de l’efficacité des politiques de rénovation énergétique à partir des données de consommation anonymes et sécurisées issues des compteurs communicants Linky et Gazpar d’un million de logements est également attendue pour la fin de l’année 2023. Le recueil de ces données a été précédé d’une information des consommateurs, avec la faculté pour eux de s’y opposer.

Ces données de consommation réelles seront appariées aux données sur les aides à la rénovation ou aux données de l’enquête TRELO, ce qui permettra à terme de disposer d’un outil d’évaluation approprié. En outre, une analyse des sources mobilisables est en cours sur les rénovations dans le secteur tertiaire, afin de juger de l’opportunité d’une enquête sur ce champ. Une telle enquête pourrait être rendue en 2025.

Les rapporteurs spéciaux seront attentifs aux résultats des travaux en cours, qui permettront d’actualiser et d’enrichir les données en matière de rénovation énergétique. À ce titre, ils estiment qu’une réflexion pourrait être engagée afin de généraliser la réalisation d’un DPE à l’issue de travaux de rénovation énergétique les plus coûteux afin de mesurer les gains générés et d’améliorer la connaissance du parc immobilier français.

Recommandation n° 5 : étudier la généralisation de la réalisation d’un DPE à l’issue des travaux de rénovation énergétique les plus coûteux afin d’en mesurer les gains et d’améliorer la connaissance du parc immobilier français.

II.   afin de réduire le reste à charge pour les ménages, L’investissement public massif en matière de rénovation énergétique doit être complété par une mobilisation du secteur bancaire

Les travaux de rénovation énergétique demandent un investissement initial important pour des gains amortis sur le long terme : plusieurs facteurs pèsent aujourd’hui sur le reste à charge des ménages, qui demeure souvent trop élevé, pour les inciter à engager les travaux de rénovation les plus performants. Un financement bancaire en appui des subventions publiques permettrait de résoudre la majorité des problèmes de trésorerie. Si de nombreux dispositifs de prêts existent déjà, ils pourraient être mieux diffusés et leurs paramètres révisés afin de correspondre à un public élargi.

A.   Un reste à charge encore trop élevé pour les ménages dans un contexte d’inflation des coûts dans le secteur du bâtiment

Afin de modérer au maximum le reste à charge des ménages modestes et intermédiaires dans un contexte de tensions sur les coûts du secteur du bâtiment, la diffusion des dispositifs de prêts finançant des travaux de rénovation énergétique doit être encouragée.

1.   Les tensions actuelles sur le secteur du bâtiment et la disponibilité du crédit représentent un risque pour la dynamique de rénovation énergétique

La hausse du prix des matériaux, qui représentent 30 % des dépenses courantes des entreprises artisanales du bâtiment, ainsi que les difficultés d’approvisionnement constituent un frein potentiel à l’objectif de massification des travaux de rénovation énergétique.

Ainsi, selon une étude réalisée en janvier 2023 par la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ([14]), les entreprises artisanales du bâtiment ont observé une hausse moyenne des prix de 27 % entre janvier 2022 et janvier 2023. En outre, la proportion d’entreprises confrontées à des problèmes d’approvisionnement dans leur organisation et leur production a triplé entre le dernier trimestre 2021 et le troisième trimestre 2022, passant de 26 % à 78 %.

Cette hausse des coûts dans le secteur du bâtiment est mise en évidence par l’évolution de l’indice national BT01, composé des salaires et charges, coûts des matériaux, coût du matériel, frais de transport, frais d’énergie et frais divers du secteur, calculé chaque mois par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et sur lequel est souvent fondée la révision du prix dans les contrats de construction de maisons individuelles ([15]). Son augmentation de 11,2 % entre janvier 2021 et janvier 2023 témoigne de la tension sur les coûts pesant sur le secteur du bâtiment.

Évolution de l’indice bt01 depuis le 1er janvier 2020

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE.

En outre, la disponibilité du crédit bancaire pour les ménages s’est détériorée. Alors que l’accès aisé au crédit immobilier permettait aux ménages d’améliorer le rendement de leur capital en profitant d’un effet de levier, le coût du crédit au-delà de vingt ans est désormais supérieur à 3 % et ne permet donc plus de bénéficier d’un levier sur un investissement dont la rentabilité est inférieure au coût de la dette.

2.   Afin de réduire le reste à charge, il convient d’augmenter les subventions publiques, notamment pour les ménages modestes, et de mobiliser davantage le secteur bancaire et des produits financiers innovants, notamment pour les ménages intermédiaires

Les aides budgétaires, malgré les élargissements des dernières années, restent ciblées vers les ménages très modestes et modestes : pour MaPrimeRénov’, les ménages des déciles 1 à 2 représentent 46 % des dossiers financés et ceux des déciles 3 à 4 constituent 22 % des dossiers financés : ainsi, 68 % des dossiers de travaux subventionnés ont pour bénéficiaires des ménages des quatre premiers déciles, pour 84 % du montant total des primes accordées.

Le reste à charge après versement de MaPrimeRénov’ représente encore 51 % du montant moyen des travaux pour les ménages très modestes et 70 % pour les ménages modestes. Il apparaît donc nécessaire de compléter les dispositifs de subventions publiques directes en réduisant le reste à charge, notamment pour les catégories intermédiaires où le reste à charge s’élève à 88 % après octroi de MaPrimeRénov’.

Montants moyens des travaux, de l’aide et du reste À charge
selon le type de ménage en 2022

(montants en euros)

Revenus des ménages

Montant moyen des travaux

Montant moyen de la subvention MaPrimeRénov’

Montant moyen du reste à charge après versement de MaPrimeRénov’ (*)

Part moyenne du reste à charge sur le montant total des travaux (*)

Très modeste

11 226

5 551

5 675

51 %

Modeste

11 076

3 350

7 726

70 %

Intermédiaire

17 703

2 084

15 619

88 %

Supérieur

20 010

1 186

18 824

94 %

(*) Avant versement éventuel d’aides complémentaires.

Source : Anah.

L’objectif est de réduire davantage le reste à charge pour les ménages les plus modestes et de sécuriser leur accompagnement. En outre, un des principaux points de blocage structurant est l’absence de préfinancement des aides.

Pour les ménages intermédiaires, qui représentent 30 % des dossiers MaPrimeRénov’ versés et seulement 17 % des montants accordés, il paraît pertinent de compléter les aides publiques en leur proposant des modèles de financement privés adaptés : par exemple, en révisant certains paramètres des dispositifs de prêts et en renforçant la communication des établissements de crédit.

3.   De nombreux prêts conçus pour aider les opérations de rénovation existent mais l’engagement bancaire en faveur de leur diffusion demeure insuffisant

Le financement des travaux de rénovation énergétique par le biais de l’emprunt bancaire reste trop peu sollicité par les ménages alors que des dispositifs ont été prévus à cet effet : la mobilisation du secteur bancaire pourrait donc être renforcée par un travail de communication autour des outils existants.

 Le prêt avance rénovation ([16]), introduit à l’initiative du député François Brottes lors de l’examen de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, est un nouveau prêt hypothécaire proposé aux ménages depuis le 1er janvier 2022 pour leur permettre de financer des travaux de rénovation énergétique. Le remboursement du prêt se fait au moment de la vente du logement ou lors d’une succession. Les intérêts peuvent faire l’objet d’un remboursement périodique ou être versés au moment de la vente ou lors de la succession.

Afin de favoriser la distribution des prêts avance rénovation (PAR) dans le cadre de la massification des travaux de rénovation énergétique dont ils ont vocation à financer dans certains cas le reste à charge, notamment pour des publics rencontrant des difficultés d’accès aux crédits bancaires, la loi « Climat et résilience » permet au fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), géré par la société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) et abondé par EDF dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) ([17]), de garantir les PAR en couvrant 75 % de la différence entre la valeur finale du bien et la dette à rembourser, si celle-ci est négative.

Toutefois, malgré l’intérêt de ce dispositif, celui-ci n’a pas rencontré le succès attendu. Le PAR n’est aujourd’hui distribué que par deux établissements de crédit et moins d’une centaine de prêts ont été accordés depuis l’entrée en vigueur du dispositif. Le profil des bénéficiaires reflète une prédominance de ménages âgés, à revenus modestes et vivant en zone rurale. Le montant moyen des prêts est supérieur à ce qui avait été envisagé, ce qui suggère que les travaux entrepris sont de nature plus globale.

Évolution des Émissions des prêts avance rénovation garantis par le fonds de garantie pour la rÉnovation ÉnergÉtique en 2022

Trimestre

Effectif

Montant prêté

(en millions d’euros)

T1 2022

1

0,01

T2 2022

13

0,27

T3 2022

10

0,23

T4 2022

18

0,38

Cumul 2022

42

0,89

Source : Société de gestion des financements et de la garantie pour l’accession sociale à la propriété (SGFGAS).

En outre, le PAR est conçu pour des ménages âgés, qui n’ont plus accès au crédit, et pour des travaux de rénovation globale qui impliquent de déménager pendant la période : or ces ménages ne souhaitent souvent pas déménager et hésitent à lancer la rénovation alors que la solution de financement existe. Un accompagnement à l’hébergement temporaire durant la durée des travaux pourrait donc être envisagé.

 L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) est un prêt à taux d’intérêt nul et accessible sans condition de ressources, qui permet de financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique d’un logement utilisé à titre de résidence principale ([18]). La durée du remboursement ne peut pas dépasser 15 ans et 20 ans pour l’éco-PTZ « performance énergétique globale ». Le montant de l’éco-prêt à taux zéro est égal au montant des dépenses éligibles, dans la limite des plafonds indiqués dans le tableau ci-dessous.

Montant maximal de l’éco-ptz

(en euros)

 

Action seule

Bouquet de travaux

PrimeRénov’

Performance énergétique globale

Assainissement non collectif

2 travaux

3 travaux ou plus

Montant maximal d’un prêt par logement

15 000

(7 000 pour les parois vitrées)

25 000

30 000

30 000

50 000

10 000

Source : commission des finances.

En outre, l’éco-PTZ PrimeRénov’ permet de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique éligibles à MaPrimeRénov’ ([19]). Le montant d’un éco-PTZ Prime Rénov’ peut atteindre jusqu’à 30 000 euros afin de financer le reste à charge d’un ménage, après prise en compte du montant de l’aide MaPrimeRénov’. Ce dispositif simplifie la démarche du demandeur auprès de sa banque : en effet, il est possible de demander un éco-prêt PTZ Prime Rénov’ grâce à la notification d’accord de MaPrimeRénov’ transmise par l’Anah.

L’éco-PTZ reste aujourd’hui trop peu utilisé, même si les émissions ont fortement augmenté depuis 2018 : alors que 19 000 éco-PTZ étaient produits en 2018, 61 000 ont été émis en 2021 et 82 000 en 2022 selon le SGFGAS. L’éco-PTZ MaPrimeRénov, lancé en novembre 2022, connaît également un démarrage lent : en avril 2023, seulement 130 prêts avaient été octroyés. S’il est encore trop tôt pour établir un bilan, très peu d’établissements bancaires proposent ce dispositif.

● On peut également mentionner d’autres prêts disponibles pour aider au financement de travaux de rénovation énergétique, comme le prêt sur le livret développement durable, le prêt d’Action Logement, le prêt d’accession sociale et le prêt à l’amélioration de l’habitat.

Il existe donc de nombreux dispositifs de prêts afin de diminuer le reste à charge des ménages, mais ceux-ci sont peu distribués par les établissements de crédit et peinent à trouver leur public. La communication autour de l’éco-PTZ et l’éco PTZ PrimeRénov’ doit être renforcée, ces dispositifs permettant de réduire le reste à charge pour les ménages et de résoudre une partie significative de leurs problèmes de trésorerie.

B.   Les pistes À étudier afin de répondre aux difficultés de financement du reste à charge

Le prêt avance rénovation est un outil trop peu utilisé aujourd’hui qui représente pourtant une piste intéressante de développement du financement bancaire : ses paramètres pourraient être modifiés afin qu’il puisse être proposé à un public plus large. En complément d’un engagement bancaire renforcé, les expérimentations actuelles relatives aux sociétés de tiers financement devront faire l’objet d’une évaluation en vue de leur éventuel élargissement.

1.   Développer le financement bancaire en généralisant la possibilité de recourir au prêt avance rénovation

Le financement des travaux de rénovation énergétique se heurte aux horizons de temps de la transition : si le coût de l’investissement est massif et immédiat, son horizon d’amortissement est souvent de plusieurs décennies, le temps pour les économies d’énergie de compenser le coût initial.

Si l’interdiction de location des « passoires thermiques » est une incitation importante à effectuer les travaux, de nombreux propriétaires ne disposent pas de la trésorerie nécessaire.

À ce titre, le prêt avance rénovation pourrait s’avérer un instrument efficace de réduction du reste à charge pour les ménages qui inciterait à lancer des travaux de rénovations, aujourd’hui reportés faute de financement : l’enjeu serait de concentrer les incitations réglementaires et financières sur le moment clé de la mutation.

Les rapporteurs spéciaux envisagent ainsi une série de propositions autour du prêt avance rénovation afin de généraliser son usage et de davantage cibler les primo-accédants :

– supprimer les plafonds de ressources conditionnant l’accès au PAR assorti de la garantie du FGRE, correspondant actuellement à ceux définis pour MaPrimeRénov’ pour les ménages aux revenus très modestes et modestes ([20]) ;

– proposer un taux d’intérêt bonifié par l’État, qui pourrait par exemple être divisé par deux par rapport aux taux du marché ;

– introduire pour les établissements de crédit une obligation de communication sur l’existence de ce produit, et plus largement sur l’intérêt des dispositifs de prêts en faveur de la rénovation énergétique.

Recommandation n° 6 : généraliser l’accès au prêt avance rénovation, en supprimant les plafonds de ressources, en proposant un taux d’intérêt bonifié par l’État et en introduisant pour les établissements de crédit une obligation de communication sur l’existence de ce produit.

2.   Poursuivre le travail d’harmonisation des prêts et développer le rôle des sociétés de tiers financement

Un travail important a été mis en place depuis plusieurs années pour faire converger l’ensemble des aides existantes, c’est-à-dire aligner leurs critères d’attribution. Ainsi, au niveau des instruments financiers, le couplage de l’éco-PTZ et de MaPrimeRénov’ a été pensé afin de simplifier la demande de l’usager : des actes d’instruction ont été mutualisés afin de faciliter le déclenchement du prêt et donc de contribuer à la réduction du reste à charge.

Les sociétés de tiers financement ont aussi un rôle jouer. Elles proposent notamment un service financier adapté aux projets de rénovation en copropriété, à savoir la détermination du plan de financement des travaux comprenant l’identification des aides mobilisables et l’évaluation du montant restant à la charge du maître d’ouvrage des travaux, ainsi qu’une proposition pour effectuer les demandes d’aides publiques et les percevoir. Ce service financier peut également comprendre une offre de prêt qui peut être proposée soit directement par la société de tiers financement sous forme d’une offre de crédit ou d’une avance à titre gratuit, soit indirectement par des établissements bancaires.

Cette fonction des sociétés de tiers financement gagnerait à être étendue. Ainsi, une expérimentation est en cours jusqu’à fin 2023 concernant la distribution de l’éco-PTZ « Performance globale et copropriétés ». Dans ce cadre, l’Anah travaille avec l’association SERAFIN, qui regroupe les sociétés de tiers financements portées par les collectivités, afin de développer ce modèle et d’augmenter le nombre de ménages accompagnés.

Recommandation n° 7 : poursuivre le travail d’harmonisation et de simplification des prêts, de développement des sociétés de tiers financement et de mobilisation du secteur bancaire.

III.   inscrire MaPrimeRénov’ au cœur d’une stratégie de planification territorialisée afin d’étendre les opérations de rénovations au-delà du logement individuel

MaPrimeRénov’ est un instrument adapté aux maisons individuelles qui s’est révélé beaucoup moins efficace pour opérer la transition du parc de logements collectifs, notamment des copropriétés : il est désormais crucial de développer une approche spécifique à celles-ci afin de compléter la politique de rénovation énergétique.

A.   favoriser les travaux de rénovation énergétique au sein des COPROPRIÉTÉS afin d’amplifier les économies d’énergie en zone dense

Alors que les travaux de rénovation énergétique sont réalisés aujourd’hui en large majorité sur les logements individuels, il est nécessaire d’accélérer la prise de décision au sein des copropriétés et de mieux faire connaître les dispositifs existants afin de poursuivre les travaux de rénovation dans les immeubles collectifs.

1.   Les opérations de rénovation énergétique restent concentrées sur les logements individuels

MaPrimeRénov’ est une aide avant tout conçue pour la rénovation du logement individuel, où elle rencontre un succès indéniable. Or les copropriétés représentent environ 28 % du parc de logements en France : il est donc indispensable de les associer à la dynamique en faveur de la rénovation énergétique.

D’après la dernière grande enquête réalisée par l’ONRE sur la période 2016-2020, les rénovations aidées (CITE, CEE et MaPrimeRénov’) concernent en majorité des maisons individuelles (67 % des logements rénovés aidés sur la période 2016-2020 et 71 % des économies d’énergie associées). En 2022, sur les 670 000 logements dont les travaux de rénovation énergétique ont bénéficié d’une aide MaPrimeRénov’ (individuelle, MPR Copropriété et MPR Sérénité), seulement 25 938 l’ont été dans le cadre d’une rénovation à l’échelle de leur copropriété, pour un total de 523 copropriétés concernées, une prime de 190 millions d’euros et un gain énergétique moyen de 48 %.

2.   MaPrimeRénov’ Copropriété reste peu utilisée dans le logement collectif malgré une tendance à la hausse

MaPrimeRénov’ Copropriété est une aide réservée aux travaux effectués sur les parties communes de copropriétés et aux travaux sur les parties privatives déclarés d’intérêt collectif. Ces travaux sont votés lors des assemblées générales de copropriétés. Il reste également possible d’utiliser MaPrimeRénov' en geste par geste ainsi que MaPrimeRénov' Sérénité pour des travaux privatifs.

Cette prime est demandée par le syndic de copropriété et versée directement au syndicat de copropriétaires. L’aide dépend du coût des travaux, de la situation de la copropriété et du nombre de logements. L’aide MaPrimeRénov’ Copropriété est une aide socle de 25 % du montant des travaux (plafonné à 25 000 € par logement depuis 2023, contre 15 000 € auparavant).

Montants des primes de maprimerénov’ copropriété

Travaux éligibles

Aide pour les ménages

Travaux permettant d’obtenir un gain énergétique d’au moins 35 %

25 % du montant des travaux, plafonné à 25 000 € par logement

Forfait « bonus pour les travaux permettant de sortir du statut de passoire énergétique »

500 € par logement

Forfait « bonus bâtiment basse consommation »

500 € par logement

Primes individuelles pour les copropriétaires

3 000 € par logement pour les ménages aux ressources très modestes

1 500 € par logement pour les ménages aux ressources modestes

Prime pour les copropriétés fragiles

3 000 € par logement

(*) Sauf en Outre-mer.

Source : Anah.

Pour être éligible, la copropriété doit avoir au moins 75 % des lots, ou à défaut des tantièmes, correspondant à des logements à usage d’habitation principale, et réaliser des travaux permettant un gain énergétique d’au moins 35 % (excepté en Outre-mer). Or ce gain énergétique minimal peut être difficile à atteindre pour certains types de bâtis (petites copropriétés, centres anciens, immeubles classés).

Une aide est également prévue pour les copropriétés plus fragiles. Ainsi, une copropriété peut bénéficier d’une prime de 3 000 euros par logement si son taux d’impayés par rapport au budget à l’année N-2 est supérieur ou égal à 8 % ou si elle est située dans un quartier NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain).

Le dispositif MaPrimeRénov’ Copropriétés représente 252,1 millions d’euros en AE dans le budget initial de l’Anah en 2023, en forte progression depuis 2022. Si le recours est en augmentation depuis son lancement (environ 12 000 copropriétés rénovées en 2021 et près de 26 000 en 2022), cette aide demeure encore peu utilisée dans les copropriétés du parc privé, malgré des contraintes croissantes imposées aux propriétaires-bailleurs comme l’interdiction de location des passoires thermiques.

Il convient néanmoins de souligner les efforts réalisés par l’Anah afin de simplifier l’octroi de l’aide : l’ouverture d’un parcours dédié pour l’instruction des dossiers MPR Copropriétés facilite le dépôt de demandes pour les syndics et limite le risque de dossiers incomplets.

3.   De nombreux dispositifs ont été mis en place afin d’inciter à la rénovation dans les copropriétés

La loi « Climat et résilience » a institué l’obligation progressive de réalisation d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) pour les copropriétés de plus de 15 ans ([21]). Ce PPT a notamment pour objectif de programmer sur dix ans les travaux de rénovation énergétique nécessaires pour permettre aux logements de classes DPE E, F et G de sortir de l’état d’indécence énergétique.

La rénovation performante des copropriétés présente des difficultés particulières liées à la durée des travaux et à leur suivi, en particulier lorsqu’ils concernent des immeubles anciens (environ 27 % des logements en copropriété datent d’avant 1949 et 59 % d’avant 1975). Les missions des syndics portent essentiellement sur les aspects juridiques et non sur le volet technique (nature des travaux, choix des entreprises, conduite et coordination du chantier) : c'est pourquoi MaPrimeRénov' Copropriété requiert le recours à une prestation de maîtrise d’œuvre pour les travaux les plus importants.

Toutefois, malgré les dispositifs mis en place, les copropriétés ne s’engagent pas suffisamment dans des travaux de rénovation. Les syndics et les copropriétaires gagneraient à être mieux informés sur les dispositifs d’aides financières existantes, encore sous-mobilisés, comme par exemple :

– le coup de pouce certificats d’économie d’énergie (CEE) pour la rénovation performante des bâtiments résidentiels collectifs ;

– le coup de pouce chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires permettant le remplacement d’un système de chauffage en collectif ;

– le dispositif de déficit foncier dont le plafond est doublé pour les dépenses réalisées en 2023, 2024 ou 2025 ;

– le dispositif Loc'avantages de l’Anah qui permet de bénéficier d’aides financières pour réaliser des travaux de rénovation du logement en échange de sa location à des loyers inférieurs aux loyers du marché local.

Les copropriétés doivent surtout être mieux accompagnées dans le parcours de mobilisation de ces aides : des dispositifs d’accompagnement à la rénovation énergétique sont mis à disposition des copropriétés à travers le service public de la rénovation de l’habitat France Rénov'.

4.   Engager une réflexion pour accélérer la prise de décision dans les copropriétés

Il ressort des auditions des rapporteurs spéciaux que les délais de prise de décision en copropriétés, où il est nécessaire de concilier les intérêts de ménages aux besoins et ressources variés, représentent un frein majeur à l’accélération de la transition du parc. Au-delà de la nécessité de proposer à chacun un dispositif de financement adapté, la simplification des procédures pour accélérer la prise de décisions en copropriétés doit être un objectif prioritaire de la politique publique de rénovation énergétique.

 

Recommandation n° 8 : poursuivre les réflexions afin d’accélérer la prise de décision relative au financement de travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés, dans la perspective d’une action plus large de soutien public aux copropriétés engageant des opérations de rénovation globale.

Enfin, la création d’un « fonds tours », sur le modèle du « fonds friches », pourrait être envisagée afin de répondre aux difficultés spécifiques des travaux de rénovation énergétique au sein des très grandes copropriétés.

Un tel fonds serait destiné à créer des dynamiques territoriales entre les acteurs concernés, à l’appui des syndicats et copropriétaires, c’est-à-dire les agences nationales, les services de secours, les sociétés d’ingénierie et les administrateurs judiciaires. Ce fonds aurait pour objet :

– d’accompagner les copropriétés à tous les stades du diagnostic préalable, notamment en tant que tiers capable de fournir les éléments de comparaison de devis sur des enjeux tels que la remise aux normes, les travaux de structure et l’étanchéisation ;

– de faciliter l’analyse des financements disponibles pour les propriétaires ;

– de faire prendre en compte en priorité les travaux destinés à fournir le plus haut niveau possible de prévention du risque-incendie dans les immeubles de taille élevée.

Recommandation  9 : afin de donner un soutien public aux copropriétés privées en barres d’immeubles qui lancent des travaux de rénovation énergétique, envisager la constitution d’un « fonds tours » fournissant un service d’expertise technique et une solution d’appui aux copropriétaires pour le financement des opérations.

B.   mettre en œuvre une planification territoriale, par quartiers, de la rénovation énergétique

La rénovation énergétique doit aujourd’hui être déclinée selon une stratégie de planification incluant les collectivités territoriales comme relais des aides disponibles et comme porteurs de projet. Concernant la massification des travaux de rénovation, celle-ci devra changer de dimension et s’envisager à l’échelle des quartiers dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la production locale d’énergie et l’adaptation au changement climatique.

Les collectivités territoriales contribuent à l’effort en matière de rénovation énergétique en attribuant des aides financières aux ménages, qui varient selon les territoires. Par exemple, certaines collectivités territoriales se sont saisies de la possibilité d’exonération temporaire de taxe foncière pour des travaux de rénovation énergétique.

L’Exonération de taxe foncière pour des travaux
de rénovation énergétique

Type de construction

Montant des travaux

Durée de l’exonération

Taux de l’exonération

Logement achevé avant le 1er janvier 1989 ayant fait l'objet de travaux en faveur des économies d'énergie (article 1383-0 B CGI) ou logement nouveau pour financer des dépenses d'économies d'énergie.

Travaux supérieurs à :

10 000 € par logement au cours de l'année précédant l'application de l'exonération ;

15 000 € par logement au cours des 3 années précédant l'application de l'exonération.

3 ans à partir de l'année suivant celle du paiement du montant total des dépenses d'équipement (5 ans pour les délibérations déjà votées en 2019).

De 50 à 100 %

Logement achevé avant le 1er janvier 2009 dont le niveau de performance énergétique est supérieur à celui qu'impose la législation (article 1383-0 B bis CGI).

3 ans à partir de l'année suivant celle du paiement du montant total des dépenses d'équipement (5 ans pour les délibérations déjà votées en 2019).

De 50 à 100 %

Source : commission des finances.

Les objectifs de la France en matière de transition énergétique invitent à faire évoluer le rôle des collectivités territoriales au sein du service public de la rénovation de l’habitat. Il conviendrait de définir un cadre national pour répondre à l’exigence d’harmonisation du service public, tout en prenant en compte les dynamiques territoriales hétérogènes qui peuvent aussi représenter un atout pour les ménages.

Plusieurs leviers de mobilisation, d’animation et de construction avec les acteurs publics sont déjà mis en place :

– les collectivités territoriales sont impliquées dans plusieurs réflexions sur l’évolution des exigences réglementaires et techniques (label bâtiment basse consommation (BBC) rénovation, travail de convergence des audits, etc.) ;

– à la suite d’un diagnostic partagé en 2022 avec les collectivités territoriales et d’un travail sur une feuille de route du service public de la rénovation de l’habitat en 2023, une concertation nationale sera prochainement lancée pour permettre un dialogue avec les représentants nationaux, engager la réflexion sur l’organisation du service public et parvenir à une vision partagée de modèle cible.

Les collectivités territoriales sont indispensables pour conduire le changement de dimension de la rénovation énergétique. Les rapporteurs spéciaux sont conscients que cette démarche suppose une réflexion sur la gouvernance, la réglementation et la décentralisation qui va bien au-delà de la présente évaluation.

Ils soulignent que la planification écologique devrait permettre de mettre en place, en particulier dans les zones denses, une planification territoriale, quartier par quartier : cette stratégie globale traiterait les questions relatives aux économies d’énergie, à la décarbonation et à l’adaptation au réchauffement climatique propres à chaque territoire. Il convient, en particulier dans les milieux urbains denses, d’envisager la rénovation énergétique en lien avec l’évolution du quartier et son adaptation au changement climatique, par exemple avec la décarbonation du chauffage d’un immeuble en parallèle du développement des réseaux de chaleur, ou encore la rénovation thermique dans le cadre la lutte contre les « îlots de chaleur ». En effet, il convient de créer une dynamique locale qui inclut les habitants et permet donc de simplifier les travaux et d’optimiser leur coût.

À ce titre, le plan « Action Cœur de Ville » ou le programme « Quartiers Résilients » de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pourraient fournir des illustrations pertinentes en termes de coordination des financements et des acteurs impliqués.

Cette dimension territoriale viendrait compléter la dimension temporelle de la planification. La planification pluriannuelle du soutien à la rénovation énergétique, tant en matière de subventions publiques directes que de soutien à l’émergence de dispositifs innovants, permettrait de poursuivre l’harmonisation des dispositifs d’aide au financement des opérations de rénovation énergétique et d’améliorer la visibilité à l’ensemble du secteur.

Recommandation n° 10 : envisager l’élaboration d’une planification pluriannuelle du soutien à la rénovation énergétique afin de donner de la visibilité aux ménages et aux entreprises sur les dispositifs d’aide.

Recommandation  11 : introduire une planification territoriale de la rénovation énergétique par quartier, notamment dans les zones urbaines denses.

 


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   DeuxiÈme partie : tirer les enseignements du contexte de prix ÉlevÉs de l’Énergie, amortis pour les consommateurs finals grâce À des dispositifs efficaces, afin de rÉformer le soutien À la production d’Énergies renouvelables

Les prix du gaz et de l’électricité ont atteint en 2022 un pic inédit dans l’histoire du marché européen de l’énergie : afin de protéger les ménages et les entreprises d’une augmentation insoutenable de leurs dépenses énergétiques, le Gouvernement a mis en œuvre dès 2021 des mesures qui ont préservé les consommateurs finals. Complétée progressivement, la protection offerte par les nombreux dispositifs a pour contrepartie un engagement budgétaire massif de l’État, en partie financé par les recettes issues de la production d’énergies renouvelables.

Alors que le niveau des prix de l’énergie s’est éloigné des sommets d’août 2022 mais reste largement supérieur aux montants d’avant-crise, la réforme du marché européen de l’énergie constitue une occasion majeure de révision des modalités du soutien de long terme à la production d’énergies renouvelables qui invite à repenser le périmètre du programme budgétaire 345 Service public de l’énergie.

I.   Des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ont ÉtÉ introduites en rÉponse À la crise ÉnergÉtique depuis 2021

Alors qu’à l’été 2021 les prix de gros du gaz fluctuaient autour de 25 euros par mégawattheure (MWh) et ceux de l’électricité autour de 50 euros par MWh, les prix de gros du gaz à terme pour 2023 dépassaient 300 euros par MWh et ceux de l’électricité le seuil des 1 100 euros par MWh à la fin du mois d’août 2022. De nombreux dispositifs de soutien, portés par l’action 17 du programme 345 Service public de l’énergie, ont été mis en œuvre afin d’amortir le coût de cette forte inflation pour les consommateurs finals, tant les ménages que les entreprises.

A.   Une inflation massive des prix de l’Énergie observÉe en France et en europe depuis 2021

Au niveau français et européen, plusieurs facteurs ont entraîné depuis 2021 le développement d’une crise énergétique majeure :

– une forte hausse des prix du gaz, en raison de la reprise économique succédant à la crise sanitaire et accentuée par les craintes relatives à l’approvisionnement de l’Europe résultant de la crise ukrainienne à partir de février 2022 ;

– une crise française de la production d’électricité, avec une production nucléaire au plus bas depuis 1988, à la suite de la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte qui a conduit à de nombreux arrêts de réacteurs, ainsi qu’une production hydraulique en France à son plus bas niveau depuis 1976 en raison d’une sécheresse longue.

1.   Une hausse massive des prix de gros du gaz et de l’électricité dès 2021

Dès le printemps 2021, les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté de façon importante et rapide. Ces niveaux de prix inédits en Europe découlaient, d’une part, d’une demande importante dans un contexte de reprise économique au niveau mondial à la suite de la crise sanitaire et de faibles niveaux de stockages européens en gaz en raison d’un hiver 2020-2021 rigoureux, et, d’autre part, d’une offre contrainte par la diminution des exportations de gaz russe vers l’Union européenne et de la tendance décroissante de la production de gaz naturel sur le continent.

La relation entre le prix du gaz et le prix de l’électricité au sein du marché européen de l’énergie

Dans le cadre du marché européen de l’énergie, la formation du prix de gros de l’électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande, soit la centrale dite « marginale ». En pratique, il s’agit souvent d’une centrale à gaz en Europe en cas de pic de consommation. Ce principe dit de « l’ordre de mérite » explique une partie de la dépendance des prix de l’électricité aux fluctuations des cours du gaz. En outre, le prix de l’électricité sur les marchés à court terme dépend fortement des variations des prix des intrants alimentant les centrales électriques marginales, c’est-à-dire le plus souvent les centrales à gaz.

Cette règle, qui a pour vocation d’optimiser le fonctionnement du système électrique européen et son interconnexion, n’avait pas été conçue pour fonctionner dans un contexte d’inflation massive des prix de l’énergie. Ainsi, dès le second semestre 2021, les prix de l’électricité ont augmenté de façon très significative en France alors que les coûts de production de l’électricité y sont modérés, puisque l’électricité est produite à 69 % à partir d’énergie nucléaire et pour seulement 7 % à partir de gaz naturel (contre 19,7 % en Europe) en 2021 selon le bilan électrique de RTE.

2.   Les prix sur les marchés de gros sont restés élevés en 2022 en raison des incertitudes liées au contexte international

Dans la continuité de la hausse observée depuis 2021 et amplifiée par l’effet des menaces sur l’approvisionnement de l’Europe en gaz résultant de la crise ukrainienne, l’année 2022 a été marquée par une forte augmentation des prix de l’énergie, tant au niveau des prix pour livraison à très court terme (spot) que des prix pour des échéances de livraison plus éloignées (prix à terme).

La Russie représentant 40 % de la consommation européenne de gaz en février 2022, une réorganisation des approvisionnements a été rendue nécessaire depuis cette date. L’incertitude sur l’évolution de la situation géopolitique a créé des tensions très fortes sur les prix :

– à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le prix du gaz à terme est monté très rapidement à 220 euros par MWh et a même atteint 310 euros par MWh le 26 août 2022 ;

– concernant l’électricité, alors que la moyenne de prix s’établissait autour de 50 euros par MWh avant la crise, les prix de gros à douze mois se sont approchés des 1 200 euros par MWh en août 2022. Ponctuellement, les prix spot de l’électricité sur le marché de gros ont même dépassé les 3 000 euros par MWh au cours de l’été 2022.

Comme l’illustre le graphique ci-après, le marché à terme à douze mois a évolué entre octobre 2021 et octobre 2022 à des niveaux de prix jusqu’alors inconnus dans l’histoire du marché de l’électricité.

Évolution des prix de l'électricité à terme
entre les mois d'octobre 2021 et d’octobre 2022

https://www.senat.fr/rap/l22-115-311-1/l22-115-311-144.png

Source : site internet du courtier Opéra énergie.

3.   La crise des prix de l'électricité s'est trouvée exacerbée par une production d'électricité historiquement basse en 2022

En 2022, les prix spot en France ont reflété les fondamentaux économiques du marché, marqués par les augmentations des prix des combustibles fossiles mais également par la faible disponibilité des moyens de production décarbonés. Ils ont ainsi atteint la moyenne très élevée de 612 euros par MWh sur la semaine du 22 août 2022, alors que la production nucléaire et hydraulique était la plus faible.

Le volume total d’électricité produit en France en 2022 correspond à son plus faible niveau depuis 1992, alors que le parc nucléaire historique n’était pas encore complètement en service : 445 térawattheures (TWh), soit un recul de 15 % par rapport à l’année 2021.

Cette faible production s’explique d’abord par la moindre disponibilité du parc nucléaire français. En effet, le taux de disponibilité du parc nucléaire d’EDF s’est établi à 58,1 % en 2022, contre 73 % en moyenne entre 2015 et 2019. À l’occasion des opérations liées au programme de grand carénage, qui a pour objectif de prolonger l’exploitation des centrales construites dans les années 1970, EDF a découvert un phénomène de corrosion sous contrainte qui l’a conduit à interrompre le fonctionnement de nombreux réacteurs. L’impact du programme de contrôle et de réparations a été majeur sur la disponibilité du parc nucléaire : ainsi, 21 réacteurs ont été mis à l’arrêt pendant plus de 250 jours entre le 1er janvier 2022 et le 31 mars 2023.

Le programme de contrôles et de réparations mené par EDF afin de lutter contre le phénomène de corrosion sous contrainte

À la suite de la découverte sur les réacteurs de Civaux 1 et de Penly 1 de fissures générées par un phénomène de corrosion sous contrainte sur les tuyauteries de circuits auxiliaires au circuit primaire, EDF a déployé un programme de contrôles, d’expertises métallurgiques et de réparations.

Dans un premier temps, des portions de tuyauteries ont été prélevées sur des réacteurs du parc nucléaire afin de comprendre le développement du phénomène et d’identifier les réacteurs les plus sensibles. Ces contrôles ont permis d’engager le remplacement de portions de tuyauteries sur les seize réacteurs les plus sensibles à l’apparition du phénomène : les 4 réacteurs du palier N4 (1 450 mégawatts électriques) et les 12 réacteurs du palier P’4 (1 300 MWe). Les réparations sont complètement terminées sur les réacteurs N4 et le seront à la fin de l’année 2023 sur les réacteurs P’4. Des contrôles vont se poursuivre jusqu’en 2025 sur les réacteurs des autres paliers (900 MW et 1 300 MW-P4), moins sensibles au phénomène.

Au début de l’année 2023, les contrôles réalisés ont également mis en évidence la présence de corrosion sous contrainte sur des soudures ayant été réparées lors de la construction initiale des réacteurs, ce qui a conduit EDF à amender début mars 2023 sa stratégie afin de renforcer les contrôles sur les soudures réparées. Dans sa communication du 25 avril 2023, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a indiqué qu’elle considérait le calendrier proposé pour ces contrôles comme approprié. EDF va donc mettre en œuvre ce programme de contrôles sur les prochaines années, jusqu’en 2025.

Source : réponses d’EDF au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

La production du parc nucléaire français a baissé de 22,7 % en 2022 par rapport à 2021, avec un volume produit de 279 TWh (soit 62,7 % du mix énergétique français) contre 360,7 TWh en 2021 et 379,5 TWh en 2019. Pour 2023, EDF estime une reprise de la production entre 300 et 330 TWh.

En outre, la diminution des précipitations de l’ordre de 25 % par rapport aux normales attendues a eu un fort impact sur la disponibilité de la production hydraulique : avec un total de 49,6 TWh sur l’année, la production hydraulique est en recul de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019.

En mobilisant davantage les centrales à gaz et les importations, cette faible disponibilité de la production nucléaire et hydraulique a conduit à une hausse des prix de l’électricité. Les prix à terme observés en France à l’été 2022 pour une livraison à l’hiver 2022-2023 ont révélé l’existence d’une prime de risque spécifique à la France, qui traduisait une couverture élevée au regard des tensions sur la disponibilité des productions nucléaire et hydraulique. En 2023, l’évolution favorable de la production d’électricité en France, au regard notamment de l’amélioration de la disponibilité du parc nucléaire français, sera déterminante afin de faire baisser le niveau des prix et d’accroître la résilience du système électrique aux risques internationaux pesant sur les combustibles fossiles.

B.   La mise en place de dispositifs exceptionnels de soutien des consommateurs finals afin d’amortir la hausse des prix de l’Énergie

Afin de protéger les Français de la hausse sans précédent des prix de l’énergie, le Gouvernement a introduit de nombreuses mesures d’aides dès l’année 2021 : les « boucliers tarifaires » sur le gaz et l’électricité, mais également les aides à l’acquisition de carburants et les chèques énergie exceptionnels, ont été rapidement effectifs malgré des modalités complexes.

1.   Le « bouclier tarifaire » sur le gaz

Le « bouclier tarifaire » sur le gaz naturel a permis de geler les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) à leur niveau toutes taxes comprises (TTC) d’octobre 2021 jusqu’au 31 décembre 2022. La LFI pour 2023 a prolongé le « bouclier gaz » en limitant la hausse des TRVg à 15 % TTC pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023 et en précisant les modalités de continuité du bouclier pour le second semestre 2023 à la suite de l’extinction des TRVg. Une aide est également prévue pour les ménages en habitat collectif.

a.   Le bouclier individuel sur le gaz

● Concernant la période du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 a gelé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel (TRVg) d’Engie à leur niveau TTC d’octobre 2021. Cette mesure s’appliquait donc de manière obligatoire uniquement à Engie pour ses clients éligibles aux TRVg, c’est-à-dire les clients résidentiels consommant moins de 30 MWh par an et les propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation et petites copropriétés consommant moins de 150 MWh par an.

L’article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (LFI pour 2022) inscrit ce gel dans la loi et l’a étendu aux entreprises locales de distribution (ELD) dont les TRVg sont supérieurs à ceux d’Engie. Ce gel des prix du gaz s’impose aux fournisseurs historiques fournissant aux TRVg, qui sont compensés financièrement de l’écart entre le niveau « normal » des TRVg et le niveau réellement appliqué du fait du gel.

Les fournisseurs proposant des offres indexées sur les TRVg aux particuliers et aux petites copropriétés éligibles aux TRVg peuvent également bénéficier à leur demande d’une compensation du même montant que celle octroyée aux opérateurs historiques, de sorte qu’ils puissent répliquer pour leurs clients éligibles le gel tarifaire.

En vertu de ces dispositions, tous les fournisseurs appliquent le gel tarifaire imposé pour le TRVg aux offres qui lui sont indexées : tous les consommateurs qui ont des offres impactées par l’évolution des prix de marché sont ainsi protégés. Les consommateurs ayant des offres à prix fixe sont quant à eux protégés des fluctuations du marché par la nature même de leur contrat.

En outre, la LFI pour 2022 dispose que les fournisseurs de gaz naturel de moins de 300 000 clients concernés par le gel tarifaire peuvent bénéficier du versement d’un acompte : la CRE a évalué le montant de cet acompte à 80 millions d’euros ([22]), versé en février 2022.

L’arrêté du 25 juin 2022 a prolongé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022, dans l’attente des nouveaux aménagements du législateur.

● Pour la période du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022, l’article 37 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (LFR 1 pour 2022) a prolongé le gel des TRVg et les modalités de compensations des fournisseurs jusqu’au 31 décembre 2022.

Afin de tenir compte de la fin des TRVg au 30 juin 2023 et de l’arrivée à échéance des contrats à prix fixes qui protégeaient jusqu’à présent les consommateurs de la hausse de prix sur les marchés de gros, cet article a également étendu les modalités de compensation des fournisseurs pour leurs offres de marché à prix fixe aux clients éligibles aux TRVg pour les contrats signés à partir du 1er septembre 2022.

L’article 37 de la LFR 1 pour 2022 dispose que les fournisseurs de gaz naturel de moins de 500 000 clients concernés par le gel tarifaire peuvent bénéficier, sous certaines conditions, du versement d’un acompte sur les compensations de charges, dont le montant est évalué par la CRE.

La CRE a évalué un total de charges prévisionnelles à compenser pour le gel tarifaire du gaz au second semestre 2022 de 2 501,1 millions d’euros, dont 499,9 millions d’euros seront versés avant le 30 novembre 2022 ([23]). Le coût total prévisionnel du bouclier tarifaire gaz au titre de l’année 2022 est évalué à 3 549,3 millions d’euros.

● Pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023, le II de l’article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 (LFI pour 2023) a prolongé le bouclier tarifaire en limitant la hausse des TRVg à 15 % TTC par rapport au niveau du TRVg appliqué jusqu’alors pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023. Les nouveaux tarifs gelés ont été fixés par les arrêtés du 30 décembre 2022.

La loi prévoit que le niveau des TRVg peut être modifié par arrêté des ministres chargés de l’énergie, de l’économie et du budget. Il ne peut néanmoins pas être inférieur au TRVg gelé au 1er janvier 2023 ni excéder le TRVg non gelé.

La LFI pour 2023 a étendu le bouclier tarifaire aux clients domestiques consommant plus de 30 MWh par an et aux propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation et aux copropriétés consommant plus de 150 MWh par an.

Les fournisseurs sont compensés pour leurs pertes de recettes :

 pour tout contrat conclu à compter du 1er septembre 2022, pour les consommateurs finals domestiques ;

 pour tout contrat pour les propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation et les syndicats de copropriétaires d’un tel immeuble ;

 pour tous les contrats en vigueur au 31 août 2022, soit aux TRVg soit directement indexés sur les TRVg, sous réserve que la part variable du tarif ne dépasse pas la part variable du TRVg d’Engie niveau 2.

Pour les fournisseurs de gaz naturel de moins de 500 000 clients concernés par la mesure, les pertes de recettes évaluées entre le 1er janvier 2023 et le 28 février 2023 ont fait l’objet d’un acompte sur les compensations de charges, versé au plus tard le 28 février 2023.

Les pertes de recettes évaluées entre le 1er mars 2023 et le 30 juin 2023 par ces fournisseurs, ainsi que les pertes de recettes évaluées sur la totalité du premier semestre 2023 pour les autres fournisseurs, sont intégrées aux charges à compenser en 2023 sous forme d’acomptes mensuels jusqu’au 15 juillet 2023.

Dans sa délibération du 25 janvier 2023 portant évaluation des pertes des fournisseurs dans le cadre de la définition des acomptes à verser aux fournisseurs en compensation du gel des tarifs réglementés de vente de gaz naturel, la CRE a évalué les pertes à compenser sur la période du 1er janvier au 30 juin 2023 à 1 805,6 millions d’euros, dont 281,1 millions d’euros ont été versés avant le 28 février 2022.

● Concernant la période du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023, le III de l’article 181 de la LFI pour 2023 a prévu des modalités de poursuite du bouclier tarifaire en conséquence de l’extinction des TRVg au 30 juin 2023.

La loi prévoit qu’un décret peut imposer aux fournisseurs de gaz naturel de réduire leurs prix de fourniture à partir du 1er juillet 2023 et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023, au bénéfice des consommateurs finals domestiques, des propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation ainsi que des copropriétés.

Dès lors, tout client bénéficierait d’une réduction de prix égale à la différence entre le prix de référence du gaz sur les marchés, défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, de l’énergie et du budget sur proposition de la CRE formulée dans sa délibération du 25 janvier 2023, et le prix cible fixé par le Gouvernement – qui ne peut être inférieur au prix de la part du gaz des TRVg d’Engie en vigueur au 1er janvier 2023. Ce prix cible correspondrait au nouveau prix gelé. Les prix de fourniture de gaz pour les offres de marché de marché des fournisseurs seraient ainsi réduits, de telle sorte que la part approvisionnement en gaz de ces prix de fourniture tende, sans y être inférieure, vers le prix cible.

Les fournisseurs sont compensés de leurs pertes sur la base d’un montant unitaire calculé comme la différence entre une référence de prix du gaz sur les marchés, représentative des coûts d’approvisionnement des fournisseurs pour leurs offres de marché, et le prix du gaz cible.

b.   Le bouclier collectif sur le gaz

Le décret du 9 avril 2022 a institué une aide pour les ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz naturel pour leurs consommations du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022 ([24]). Cette aide a été prolongée une première fois du 1er juillet au 31 décembre 2022 ([25]), puis pour l’ensemble de l’année 2023 ([26]).

Cette aide spécifique, qui s’inspire du fonctionnement du bouclier tarifaire, vise à couvrir la hausse des prix du gaz sur les marchés de gros. Le dispositif d’aide bénéficie aux particuliers :

– résidant en immeuble d’habitation en copropriété, en location privée ou en logement social, ou dans une maison raccordée à un réseau de chaleur ;

– et dont le chauffage collectif est assuré par une chaudière fonctionnant au gaz naturel ou un réseau de chaleur utilisant du gaz naturel ;

– et pour lesquels le prix du gaz, fourni ou servant de référence à la facturation de la chaleur, est supérieur à celui de la part variable du tarif B1 niveau 2 des TRVg fournis par Engie en vigueur au 31 octobre 2021, rehaussés en moyenne de 15 % à partir du 1er janvier 2023.

Le dispositif d’aide est également ouvert aux résidences à caractère social ([27]). Les structures bénéficiaires de l’aide du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022 ont été élargies par le décret du 14 novembre 2022 ([28]), tandis que le décret du 30 novembre 2022 en a introduit de nouvelles pour la période allant du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 ([29]).

Cette aide forfaitaire, qui correspond à la différence entre le TRVg gelé et le TRVg non gelé, permet de réduire le prix du gaz ou de la chaleur facturé aux résidents dans leurs charges : elle apporte aux ménages en habitat collectif une protection équivalente à celle appliquée dans le cadre du bouclier tarifaire pour les particuliers ayant un contrat individuel de fourniture de gaz.

Les demandes d’aide sont formulées par les fournisseurs d’énergie auprès de l’Agence de services et de paiement (ASP) qui assure la gestion du dispositif. Les fournisseurs reversent l’aide aux gestionnaires d’habitat collectif, qui répercutent ensuite cette aide sur les charges des résidents : les ménages n’ont aucune démarche à effectuer pour bénéficier de cette aide.

Afin de renforcer le soutien aux structures qui ont été contraintes de souscrire des contrats à prix extrêmement hauts au second semestre 2022, une aide complémentaire est prévue : au-delà du TRVg non gelé (part variable) majoré de 30 %, la facture sera prise en charge à hauteur de 75 % par l’État.

Pour la période du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, 591,5 millions d’euros ont été versés au titre du bouclier gaz collectif.

Ce dispositif a fait l’objet de deux auditions, conduites par les rapporteurs spéciaux devant la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale le mercredi 18 janvier 2023 avec les bailleurs sociaux puis le mercredi 25 janvier 2023 avec les fournisseurs d’énergie.

2.   Le « bouclier tarifaire » électricité

Le « bouclier tarifaire » électricité correspond à la somme de trois mesures :

– une baisse de l’accise sur l’électricité à son niveau plancher (soit 1 €/MWh ou 0,50 €/MWh selon les catégories) ;

– un rehaussement exceptionnel de 20 TWh de la quantité d’accès régulé à l’électricité nucléaire d’origine historique (ARENH) cédée par EDF en 2022 ;

– enfin un blocage de la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) incluant une compensation des fournisseurs permettant de limiter la hausse des factures des consommateurs résidentiels et des petits professionnels. Ce blocage est décliné, comme pour le gaz, en un bouclier pour les clients individuels et un bouclier pour les clients collectifs.

a.   Le bouclier individuel électricité

En 2022, le gel de la hausse des TRVe a permis de limiter à 4 % TTC la hausse des tarifs pour les clients éligibles. À partir du 1er février 2023, la hausse est limitée à 15 % TTC en moyenne.

Ce dispositif a été instauré pour l’année 2022 par l’article 181 de la LFI pour 2022. Il consistait, comme pour le « bouclier tarifaire » gaz, en un gel des TRVe à + 4 % TTC en moyenne et en une compensation pour les fournisseurs, pour l’ensemble de leurs offres, égale à la différence entre le niveau du tarif qui aurait dû être appliqué sans le gel et le niveau du tarif gelé.

Les clients éligibles étaient l’ensemble des clients éligibles au TRVe, c’est-à-dire les clients résidentiels et les clients professionnels qui emploient moins de 10 personnes et dont le bilan ou le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros pour leurs sites dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (en pratique, les TPE) ([30]), ainsi que l’ensemble des clients dans les zones non interconnectées (ZNI).

L’article 181 de la LFI pour 2023 a prévu une prolongation du « bouclier tarifaire » individuel. Il consiste en un gel des TRVe à + 15 % TTC en moyenne par rapport à leur niveau de 2022, avec la mise en place d’une compensation par l’État à l’ensemble des offres des fournisseurs pour leurs clients éligibles d’un montant égal à la différence entre le TRVe qui aurait dû s’appliquer et le TRVe gelé. Il s’applique aux mêmes clients que le dispositif en place en 2022. Le montant de la compensation est de 143,20 €/MWh en 2023 pour les clients résidentiels et de 144,40 €/MWh pour les clients « TPE ».

L’application du « bouclier tarifaire » sur l’électricité aux bornes de recharge
de véhicule électrique

Afin de réduire les prix de l’électricité utilisée comme carburant pour tous les utilisateurs de véhicules électrifiés, une mesure d’aide est instaurée par le décret n° 2023-62 du 3 février 2023 au bénéfice de tous les aménageurs d’infrastructures de recharge électrique mentionnés dans le décret n° 2017-26 du 12 janvier 2017 à raison de l’électricité qu’ils achètent pour les services de recharge qu’ils proposent en 2023.

Ce bouclier tarifaire dédié aux « infrastructures de recharge de véhicules électriques » (IRVE), ouvertes ou non au public, apporte une aide équivalente au gel des TRVe et s’applique sur toute l’année 2023.

L’aide est demandée par les fournisseurs d’électricité auprès de l’ASP pour le compte de leurs clients aménageurs d’infrastructures de recharge électrique. Ces derniers sont tenus d’ajuster la tarification des services de recharge qu’ils proposent aux utilisateurs de véhicules électriques de manière à leur répercuter l’aide qu’ils perçoivent.

Source : DGEC.

b.   Le bouclier collectif électricité

Alors que le « bouclier tarifaire » sur le gaz a été mis en place pour l’habitat collectif à partir du 1er novembre 2021, le « bouclier tarifaire » sur l’électricité a finalement été étendu à tous les logements en chauffage collectif électrique non éligibles aux TRVe (c’est-à-dire au « bouclier tarifaire » électricité existant) par les décrets du 30 décembre 2022 ([31]), avec effet rétroactif au 1er juillet 2022.

Cette aide, qui s’inspire du fonctionnement du « bouclier tarifaire » électricité individuel, vise à couvrir la hausse des prix de l’électricité sur les marchés de gros et limiter ainsi les hausses de charges répercutées par les gestionnaires de logements collectifs aux résidents. Elle apporte aux ménages concernés une aide équivalente au gel des TRVe.

En 2022 et 2023, le dispositif d’aide bénéficie aux particuliers :

– résidant en immeuble d’habitation en copropriété, en location privée ou en logement social ;

 et dont le chauffage collectif est assuré soit par un contrat un contrat collectif de fourniture d’électricité soit par un contrat collectif d’approvisionnement en chaleur. Dans ce dernier cas, l’approvisionnement en chaleur doit se faire soit à partir d’un contrat collectif de fourniture d’électricité, soit par un exploitant d’une installation collective fonctionnant avec de l’électricité, soit par un gestionnaire de réseau de chaleur urbain utilisant en partie de l’électricité pour la production de chaleur ;

 et pour lesquels la part variable hors taxe et hors acheminement (ou « hors TURPE ») moyenne de l’électricité (en €/MWh) figurant dans le contrat collectif de fourniture d’électricité est supérieure à la part variable hors taxe et hors acheminement (en €/MWh) du TRVe dit « tarif bleu option base résidentiel ».

Le dispositif d’aide est également ouvert aux résidences à caractère social et aux établissements intégrés dans le champ des structures bénéficiaires du bouclier collectif gaz.

Pour la période allant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022, la compensation au titre du bouclier « collectif » correspond à 70 % de la facture au-delà du TRVe gelé, dans la limite d’un plafond unitaire d’aide de 130 €/MWh. En 2023, la compensation au titre du bouclier « collectif » correspond à 100 % de la facture au-delà du TRVe gelé, dans la limite d’un montant forfaitaire égal à la différence entre le TRVe et le TRVe gelé de 143,20 €/MWh.

Pour les structures ayant dû contractualiser à des prix extrêmement hauts au cours du second semestre 2022, une aide spécifique complémentaire à la compensation au titre du bouclier tarifaire sera apportée. Cette aide complémentaire sera versée lorsque le prix unitaire du contrat excédera de plus de 30 % le prix unitaire du TRVe non gelé. Au-delà de ce seuil, 75 % du prix de l’électricité contractualisé sera pris en charge par l’État. Cette aide couvre les consommations prises en charge par les boucliers à partir du second semestre 2022.

Le coût total du bouclier collectif électricité entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 est estimé à 900 millions d’euros.

3.   Les aides à l’acquisition de carburants et les chèques énergie exceptionnels

Si l’évaluation des rapporteurs spéciaux se concentre sur la mise en œuvre des « boucliers tarifaires », il convient également de mentionner le dispositif d’aide à l’acquisition de carburants, porté par l’action 17 du programme 345, ainsi que les chèques énergie soutenus par l’action 2 du programme 174, qui ont permis d’amortir le choc d’inflation des prix de l’énergie pour les consommateurs finals.

● Pour modérer l’impact de l’augmentation des prix des carburants à la suite de la crise ukrainienne, le Gouvernement a mis en place une aide exceptionnelle à l’acquisition de carburants ([32]).

Ainsi, à compter du 1er avril et jusqu’au 31 décembre 2022, les consommateurs de carburants ont bénéficié d’une aide pour chaque litre acheté. Cette aide s’est établie successivement à :

– 15 centimes hors taxes (HT) du 1er avril au 31 août 2022 ;

– 25 centimes HT du 1er septembre au 15 novembre ;

– 8,33 centimes HT par litre du 16 novembre au 31 décembre.

L’aide était directement versée aux opérateurs chargés de fournir ou mettre à la consommation les carburants. Elle était ensuite répercutée par ces opérateurs sur les prix, au bénéfice du consommateur final. L’État a assuré un contrôle de l’effectivité des répercussions de l’aide par les distributeurs de carburant, à la fois en procédant à des contrôles sur site et par le biais d’un suivi hebdomadaire des prix. La mesure semble avoir été correctement répercutée tout au long de sa mise en œuvre, comme l’illustre le graphique suivant :

évolution de l’écart entre prix théorique et prix réel du carburant
entre les mois d’avril et décembre 2022 (*)

 (en centimes d’euros par litre, TTC)

(*) Corrigé de la variation des coûts de transport et distribution par rapport à sa moyenne.

Source : DGEC.

L’ensemble du dispositif a coûté environ 7,5 milliards d’euros.

● Pour l’année 2023, le Gouvernement a souhaité mettre un terme au mécanisme indifférencié d’aide à l’acquisition de carburants pour le remplacer par un dispositif d’aide ciblé au bénéfice des personnes qui utilisent leur véhicule pour travailler et disposent de revenus modestes.

Le décret n° 2023-2 du 2 janvier 2023 a mis en place une « indemnité carburant » au bénéfice des personnes :

– résidant fiscalement en Métropole et dans les départements et régions d’outre-mer ;

– âgées d’au moins 16 ans au 31 décembre 2021,

– ayant déclaré au titre de 2021 des revenus d’activité ;

– appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence par part en 2021 est inférieur ou égal à 14 700 euros ;

– utilisant, à des fins professionnelles, un véhicule régulièrement assuré, à motorisation thermique ou électrique à deux, trois ou quatre roues (à l’exclusion des quads, tracteurs, véhicules lourds et véhicules de fonction).

L’aide était disponible jusqu’au 31 mars 2023 et fixée à 100 euros par bénéficiaire. Au 15 mars 2023, près de 380 millions d’euros ont été versés sur les 940 millions d’euros initialement prévus pour cette mesure.

● Dans le contexte de prix des énergies toujours très élevé, plusieurs chèques énergie exceptionnels ont été distribués :

– le chèque énergie exceptionnel 2021 : pour compenser l’augmentation du prix du gaz, un chèque de 100 euros a été adressé automatiquement en décembre 2021 aux 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie au titre de 2021. Au 1er mars 2023, le taux d’usage de ce dispositif était de 79,8 % ;

– afin d’accompagner la hausse de 15 % des TRVg et TRVe début 2023, un chèque énergie exceptionnel a été attribué en 2022 aux 40 % des ménages modestes (environ 12 millions de ménages). Les 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie ont reçu un chèque de 200 euros et les autres ménages un chèque de 100 euros. Les chèques ont été envoyés automatiquement entre décembre 2022 et février 2023. La LFR du 1er décembre 2022 (LFR 2) a accordé pour ce chèque énergie exceptionnel 1,8 milliard d’euros en AE et CP. Au 4 mai 2023, le taux d’usage était de 71,5 % ;

– un chèque énergie pour aider les ménages chauffés au fioul a été financé au moyen d’une enveloppe budgétaire de 230 millions d’euros ouverte lors de la LFR 1 du 16 août 2022. Cette aide s’adresse aux cinq premiers déciles des ménages, soit 1,6 million de ménages chauffés au fioul. Pour les ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie en 2022, le chèque est de 200 euros et de 100 euros pour les autres ménages. Début mai 2023, le taux de recours était de 19 % pour un taux d’usage de 53,4 % ;

– un chèque énergie pour aider les ménages chauffés au bois a été financé au moyen d’une enveloppe budgétaire de 230 millions d’euros ouverte lors de la LFR 2 du 1er décembre 2022. Cette aide s’adresse aux sept premiers déciles des ménages, soit 2,6 millions de ménages chauffés au bois. Le montant du chèque, de 50, 100 ou 200 euros, dépend des revenus, de la composition du ménage, et du type de combustible bois utilisé. Début mai 2023, le taux de recours était de 17 % pour un taux d’usage de 38 %.

Le « chèque fioul » et le « chèque bois » ne sont pas cumulables entre eux mais sont cumulables avec le chèque énergie exceptionnel 2022.

Il est encore tôt pour tirer des conclusions des taux d’usage des chèques énergie exceptionnels 2022, en particulier pour les chèques fioul et bois dont les demandes pouvaient parvenir respectivement jusqu’au 30 avril 2023 et au 31 mai 2023. Il est néanmoins probable que les taux d’usage de ces chèques, qui concernent des déciles de revenus supérieurs à ceux du chèque énergie usuel, soit inférieur à celui de ce dernier.

Les rapporteurs spéciaux saluent la réactivité du Gouvernement et de l’ASP, qui a permis de mettre en place dans des délais restreints ces chèques énergie exceptionnels afin d’accompagner les ménages les plus exposés aux hausses des prix. Ils regrettent néanmoins que l’impossibilité de cumuler le « chèque bois » et le « chèque fioul » ait produit un effet aussi significatif sur les taux de recours à ces deux dispositifs, qui s’établissent de façon prévisible à un niveau faible dès lors que leur usage, notamment en zone rurale, est complémentaire.

C.   Des dispositifs de soutien complÉtÉs pour les entreprises non Éligibles au bouclier tarifaire sur l’ÉlectricitÉ

Afin d’élargir le soutien public aux entreprises non éligibles au « bouclier tarifaire » sur l’électricité, en particulier à celles particulièrement exposées à la hausse de leurs dépenses énergétiques, des dispositifs spécifiques ont été introduits afin de préserver leur compétitivité.

1.   Les aides en faveur des entreprises énergo-intensives

L’aide mise en place par le Gouvernement dans le cadre du plan de résilience économique et sociale, disponible depuis le 4 juillet 2022 et prolongée jusqu’à la fin du mois de décembre 2022 et en 2023 ([33]), a pour objectif de soutenir les entreprises les plus fortement consommatrices de gaz ou d’électricité. Ce dispositif vise à soutenir la compétitivité des entreprises et d’éviter les arrêts de production des sites les plus consommateurs d’énergie.

Les conditions pour bénéficier de cette aide, qui ont été assouplies par rapport aux critères initiaux du mois de juillet 2022, sont les suivantes :

– le prix de l’énergie pendant la période de demande d’aide doit avoir augmenté de 50 % par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

– les dépenses d’énergie de l’entreprise pendant la période de demande d’aide doivent représenter plus de 3 % de son chiffre d’affaires de 2021.

Pour les entreprises qui présentent des dépenses d’énergie plus importantes, une aide renforcée peut être mobilisée pour un montant maximal de 50 millions d’euros, et jusqu’à 150 millions d’euros pour les secteurs exposés à un risque de fuite de carbone. Les critères sont les suivants :

– le prix de l’énergie pendant la période de demande d’aide (septembre et octobre 2022) doit avoir augmenté de 50 % par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

– avoir des dépenses d’énergie 2021 représentant plus de 3 % du chiffre d’affaires de 2021 ou des dépenses d’énergie du premier semestre 2022 représentant plus de 6 % du chiffre d’affaires du premier semestre 2022 ;

– avoir un excédent brut d’exploitation (EBE) négatif ou en baisse de 40 % sur la période.

En vertu du décret n° 2023-189 du 20 mars 2023, le bénéfice de cette aide est également ouvert aux entreprises créées après le 1er décembre 2021 et aux entreprises qui ont connu un événement exceptionnel ayant pour conséquence que leur consommation d’énergie en 2021 n’est pas représentative de leur activité normale à la date de dépôt de la demande.

détermination du montant des aides aux entreprises énergo-intensives

Montant maximum de l’aide (*)

Calcul de l’aide

4 millions d’euros

50 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée, dans la limite de 70 % de la consommation 2021

50 millions d’euros

65 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée, dans la limite de 70 % de la consommation 2021

150 millions d’euros

80 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée, dans la limite de 70 % de la consommation 2021

(*) Les périodes mars-avril-mai 2022 et juin-juillet-août 2022 conservent le régime d'aide plafonné à 2, 25 et 50 millions d'euros.

Source : commission des finances.

Les crédits du guichet énergo-intensifs ont été ouverts sur l’action 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et Régulations » et délégués à la direction générale des finances publiques (DGFiP), chargée de l’exécution des dépenses. 4 milliards d’euros ont été ouverts sur cette action par la LFI pour 2023 et 2,9 milliards d’euros de crédits non consommés au titre du guichet en 2022 ont été reportés.

2.   L’amortisseur et le suramortisseur : des dispositifs protecteurs pour les entreprises qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire électricité

● Un « amortisseur » a été introduit par l’article 181 de la LFI pour 2023 pour les consommateurs professionnels n’étant pas éligibles au « bouclier tarifaire » électricité :

– les structures assimilées à des « PME », y compris les « TPE » qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés de vente, c’est-à-dire les TPE ayant une puissance contractualisée strictement supérieure à 36 kVA ([34]) ;

– les structures qui n’ont pas une activité principalement économique : établissements publics, associations ;

– les collectivités territoriales et leurs groupements, sans condition de masse salariale ou d’activité économique.

L’État compense l’écart entre le prix de l’électricité hors acheminement et hors taxes et le seuil de 180 €/MWh, sur 50 % des volumes d’électricité consommés, et dans la limite d’une aide de 160 €/MWh maximum sur la consommation du 1er janvier au 31 décembre 2023.

● En outre, le « sur-amortisseur TPE » ou « garantie 280 » bénéficie à toutes les TPE et assimilés, y compris les petites collectivités territoriales, sans condition d’éligibilité relative à la puissance de leur compteur électrique, qui ont renouvelé ou souscrit leur contrat en 2022.

Ce dispositif assure à toutes les TPE et assimilées l’application de la formule de l’amortisseur, avec plafonnement du prix hors taxe et hors acheminement à 230 €/MWh sur l’année 2023. La seule démarche à réaliser pour bénéficier des dispositifs d’amortisseurs et de suramortisseur est une attestation des entreprises à leur fournisseur d’énergie, qui appliquera directement les mesures sur leurs factures.

Les TPE et les PME peuvent cumuler l’amortisseur électricité et le guichet énergo-intensif pour leurs dépenses d’électricité et de gaz, l’éligibilité au guichet étant calculée après prise en compte de l’amortisseur. En revanche, les ETI et grandes entreprises ne peuvent bénéficier que du guichet.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que l’ensemble des dispositifs à destination des entreprises permet d’assurer une couverture très complète du tissu économique, centrée sur les entités les plus fragiles et les plus exposées à la crise des prix de l’énergie. Cette situation est conforme à la nécessité de conserver le fonctionnement normal du marché de l’énergie, passant par le maintien de la concurrence et le recours à des aides directes aux consommateurs plutôt qu’à des tarifs réglementés.

II.   GrÂce À un engagement budgÉtaire massif de l’État, les dispositifs mis en place ont permis de limiter l’impact de la hausse des prix de l’Énergie sur les consommateurs finals

Au prix d’un engagement budgétaire important, les nombreuses mesures de soutien aux consommateurs finals, dont la mise en œuvre a pu se révéler complexe, ont permis d’assurer dans l’ensemble une protection efficace des ménages et des entreprises face à la hausse des prix.

A.   Les dispositifs mis en œuvre ont dÉmontrÉ leur efficacitÉ face À la hausse des prix de l’Énergie pour les ménages et les entreprises

Les mesures d’aides ont permis d’éviter une trop forte dégradation du pouvoir d’achat des ménages et de l’activité économique. Certains secteurs d’activité, particulièrement affectés par la hausse de leurs dépenses énergétiques, pourraient néanmoins faire l’objet de mesures complémentaires pour assurer la préservation de leur modèle.

1.   Un impact certain sur les ménages malgré la complexité de mise en œuvre des dispositifs

Les dispositifs introduits dès l’année 2021 ont permis de protéger les consommateurs de hausses majeures de leurs factures d’énergie. Dans une analyse publiée en septembre 2022, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) soulignait ainsi qu’en l’absence de bouclier, « l’inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été 3,1 points plus élevée ». Ces dispositions ont donc contribué à réduire l’inflation de moitié ([35]).

Entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, le prix de l’électricité a augmenté de 4,7 % pour les ménages et de 5,1 % pour les entreprises : il aurait augmenté de respectivement 36,9 % et de 38,6 % sans ce dispositif. Sur la même période, une hausse des prix du gaz de 37,6 % pour les ménages et de 35,3 % pour les entreprises a pu être observée : elle aurait été de 105 % et de 98,4 % sans les effets du bouclier tarifaire.

En outre, l’analyse de l’INSEE montre que les boucliers ont permis de « [limiter] plus fortement l’inflation due aux prix de l’énergie pour les catégories de ménages les plus exposées ». En effet, cette augmentation est réduite de 2,8 points pour les ménages du dernier décile de niveau de vie, contre 3,5 points pour les ménages des trois premiers déciles de niveau de vie.

En 2023, la couverture offerte par le « bouclier tarifaire » sur l’électricité, qui concerne au total 20,54 millions de foyers résidentiels et 1,45 million de petits professionnels, demeure large : les TRVe auraient dû augmenter de + 99 % au 1er février 2023 sans bouclier sur l’électricité. À cette même date, le bouclier tarifaire a permis une augmentation moyenne de l’ordre de 20 euros par mois pour les ménages se chauffant à l’électricité, au lieu de 180 euros sans « bouclier tarifaire ».

Concernant le gaz, les TRVg auraient dû augmenter de 60 à 80 % au 1er février 2023 sans « bouclier tarifaire » sur le gaz selon la CRE. Ce dispositif a permis une augmentation moyenne des factures de l’ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, alors que l’augmentation moyenne aurait été de 200 euros par mois sans cette mesure. En 2023, 6,2 millions de sites sont compensés en moyenne chaque mois par le bouclier gaz : le tableau ci-dessous illustre l’impact de la mesure de gel pour les consommateurs éligibles aux TRVg au plus fort de la crise en 2022.

comparaison des évolutions du trvg avec et sans bouclier tarifaire

Évolution du TRVg hors gel des TRV (au 8 juin 2023)

TRVg (ENGIE) gelé (en €/MWh TTC)

TRVg (ENGIE) (en €/MWh TTC)

TRVg + 15 % (ENGIE) (en €/MWh TTC)

Variation mensuelle

Mouvement octobre 2021

105,84

 

+ 12,64 %

Mouvement novembre 2021

105,84

126,48

+ 19,50 %

Mouvement juillet 2022

105,84

155,95

– 1,45 %

Mouvement octobre 2022

105,84

300,67

+ 37,70 %

Mouvement novembre 2022

105,84

285,55

– 5,03 %

Mouvement décembre 2022

105,84

236,71

– 17,10 %

Mouvement janvier 2023

 

198,02

122,06

– 16,30 %

Mouvement février 2023

192,74

122,06

– 2,67 %

Mouvement mars 2023

141,86

122,06

– 26,40 %

Mouvement avril 2023

124,13

122,06

– 12,5 %

Mouvement mai 2023

116,43

122,06

– 6,2 %

Mouvement juin 2023

113,99

122,06

– 2,1 %

Source : direction générale de l’énergie et du climat et commission des finances, d’après les données de la CRE.

Toutefois, l’attention des rapporteurs spéciaux a été attirée sur certaines difficultés de mise en œuvre soulignée par les fournisseurs et la CRE portant sur :

– la mise en place tardive des dispositifs, en particulier celle du « suramortisseur » TPE ;

– la complexité des règles de chaque dispositif ;

– la multiplicité des guichets d’aide, qui représente un travail administratif important ;

– l’ensemble des flux de trésorerie depuis 2022, s’ajoutant aux flux des dispositifs couverts par les charges de service public de l’énergie (CSPE), ce qui pose des difficultés de trésorerie à certains acteurs, notamment de petite taille.

La CRE a traité ces éléments en accompagnant au plus près les fournisseurs dans la mise en œuvre rapide de ces dispositifs complexes. Si des mesures de protection devaient être maintenues en 2024, les rapporteurs spéciaux considèrent que la poursuite des mécanismes introduits précédemment, avec des adaptations à la marge si nécessaire, devrait être privilégiée.

2.   Les effets des aides sur les entreprises ont permis de préserver l’activité économique

Les différentes aides apportées en matière de consommation d’énergie ont permis faire bénéficier les entreprises d’une relative stabilité de leurs dépenses d’énergie.

● 4,7 millions de petits sites, pour une consommation annuelle de l’ordre de 41 TWh, parmi lesquels ceux assimilés à une TPE, sont éligibles au bouclier sur l’électricité. Pour le « bouclier tarifaire » électricité, les volumes de consommation prévisionnelle déclarés entre le 1er février 2023 et le 31 janvier 2024 sont de 17 TWh de consommation pour les clients « petits professionnels ».

● Selon les estimations du ministère de la transition énergétique, entre 800 000 et 1,3 million de TPE seraient éligibles à l’« amortisseur ». Les PME, dont le nombre est évalué à 150 000 selon l’Insee, sont toutes éligibles à cette mesure.

À ce jour, 700 000 attestations d’éligibilité au dispositif ont été reçues. Elles se répartissent de la façon suivante : 69 % pour les TPE, 21 % pour les PME, 5 % pour les collectivités territoriales, et 5 % pour les personnes morales dont les recettes proviennent majoritairement de financements publics.

En outre, toutes les TPE, qu’elles soient éligibles au « bouclier tarifaire » électricité ou à l’« amortisseur », dès lors qu’elles ont signé un contrat à prix élevé au cours de l’année 2022, sont éligibles au dispositif de « suramortisseur ». Le non-recours devrait être faible sur ces dispositifs car la démarche pour en bénéficier et les conditions d’accès sont simples : une attestation disponible sur le site du fournisseur d’électricité, des impôts ou du ministère suffit.

Les volumes totaux de consommation prévisionnelle déclarés aux premiers guichets d’acompte simplifiés ont été de 55 TWh pour 2023, dont 51 TWh au titre de l’« amortisseur » et 4 TWh au titre du « suramortisseur ».

 

Le dispositif d’« amortisseur » apporte une aide importante dans les conditions de prix actuelles : ainsi, une entreprise ayant contractualisé à un prix de 250 €/MWh (hors taxes et hors réseau) sur l’électricité pour 2023, soit le prix moyen payé par les entreprises ayant souscrit une puissance basse d’après l’Insee ([36]), bénéficiera d’une subvention de 38 €/MWh, soit 13 % de sa facture. Toutefois, les prix payés par les entreprises sont très hétérogènes et dépendent des volumes d’énergie consommés, de la période de contractualisation et des conditions du contrat. Pour cette raison, la subvention associée à l’amortisseur pourrait être nulle ou très faible, de façon compréhensible, pour certaines entreprises : il conviendra d’évaluer les effets des dispositifs dans les prochains mois.

● L’aide aux industries énergo-intensives a permis d’apporter un soutien ciblé aux entreprises les plus affectées par la hausse des prix de l’énergie, dans le cadre fixé par la Commission Européenne le 24 mars 2022. Elle permet de soutenir de manière prioritaire les entreprises les plus exposées à la hausse des prix de l’énergie et notamment celles qui sont exposées à la concurrence internationale, pour lesquelles il est plus difficile de répercuter les surcoûts dans les prix de vente.

Le recul pour évaluer l’efficacité du dispositif est encore insuffisant, les demandes effectuées au titre de l’année 2022 n’étant pas encore traitées en totalité. La direction générale des entreprises (DGE) indique que le délai de traitement des demandes est d’environ 24 jours, pour un montant moyen d’aide autour de 90 000 euros. Si le dispositif n’a pas complètement atteint sa cible et que seulement 10 % de l’enveloppe de 7 milliards d’euros devrait être consommée en 2023 avec les dossiers traités et en cours de traitement, il a permis de protéger de nombreuses entreprises de taille modeste. Selon la DGE, beaucoup d’entreprises ont pu répercuter la hausse des prix sur leurs clients finals et n’ont finalement pas sollicité les aides à leur disposition. Une augmentation des demandes au premier semestre 2023 a néanmoins pu être observée.

● Eurostat a réalisé en avril 2023 une étude comparant les prix de l’électricité pour le second semestre 2022 en Europe. En France, le prix pour les ménages est d’environ 0,22 €/kWh, soit un prix inférieur à la moyenne européenne de 0,28 €/kWh. Pour les autres consommateurs, notamment les entreprises, le prix payé en France est nettement inférieur par rapport à la moyenne européenne : 0,12 €/kWh contre 0,21 €/kWh en Europe, ce qui met en perspective l’effet important des aides aux entreprises.

Au niveau micro-économique, le think tank Rexecode a effectué une comparaison européenne de la hausse des prix perçue par différents types d’entreprises ([37]). L’étude estime que les entreprises électro-intensives et les TPE sont mieux aidées en France qu’en Allemagne, tandis que les entreprises (hors TPE) non électro-intensives françaises sont moins aidées que les entreprises allemandes. Cependant, les difficultés de modélisations de l’étude (paramétrage de l’ARENH et des contraintes liées au cadre des aides d’État) limitent la portée des résultats.

3.   L’exemple du secteur de la boulangerie : un effet réel sur les factures qui reste insuffisant pour certaines entreprises

Les rapporteurs spéciaux ont souhaité s’intéresser à la situation des entreprises de boulangerie afin d’évaluer les effets concrets des dispositifs de soutien.

En premier lieu, le « bouclier tarifaire » sur l’électricité bénéfice à une minorité d’entreprises du secteur de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie artisanale : comme environ 80 % de ces entreprises disposent d’un compteur supérieur à 36 kVA, seules 20 % d’entre elles y sont éligibles. Si son périmètre demeure donc limité pour ce secteur, les entreprises bénéficiaires soulignent l’intérêt incontestable de ce dispositif.

L’« amortisseur » électricité est le dispositif applicable le plus sollicité par les entreprises ne bénéficiant pas du « bouclier tarifaire » : il permet en moyenne une baisse de 15 à 20 % de leur facture d’électricité. La fédération des entreprises de boulangerie (FEB) relève qu’un faible nombre de leurs adhérents ont vu l’« amortisseur » s’appliquer sur la facture de janvier 2023 malgré la transmission dans les délais prévus de l’attestation d’éligibilité aux fournisseurs d’énergie. En outre, la FEB souligne que la lisibilité des factures s’étant dégradée avec l’ajout de multiples lignes de régularisation, les effets réels des amortisseurs sont complexes à vérifier pour les clients. Ces difficultés, liées à l’initialisation de ces mécanismes, devraient s’atténuer au fil du temps.

Concernant le guichet d’aide au paiement des factures d’énergie, une grande partie des entreprises du secteur ne sont pas éligibles au regard du critère des 3 % de dépenses d’énergie par rapport au chiffre d’affaires. En outre, la complexité de la préparation de la demande d’aide est relevée par les fédérations comme pouvant freiner les sollicitations.

La confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) souligne qu’au regard des retours de ses adhérents, l’application des dispositifs aboutit à une augmentation de la facture d’électricité multipliée par 2,5 voire 3 par rapport à 2021 : malgré cette augmentation, l’activité des professionnels n’aurait pu être maintenue en l’absence de ces dispositifs. La FEB a donné en exemple aux rapporteurs spéciaux la situation d’une entreprise de boulangerie dont les dépenses énergétiques sont de près de 970 000 euros : le taux de prise en charge total estimé de l’« amortisseur » et de l’aide au paiement des factures d’énergie s’élève à 34 %, soit un niveau significatif.

Les fédérations reconnaissent la prise de conscience de l’urgence, l’effort de dialogue et l’esprit de concertation du Gouvernement, dès octobre 2022. Les aides mises en place sont jugées pertinentes, même si les modalités pour y avoir accès mériteraient d’être simplifiées. Concernant les facilités de paiement de la part des fournisseurs, conformément à la charte d’engagement signée entre l’État et les principaux fournisseurs d’énergie le 5 octobre 2022, un certain nombre d’entreprises ont sollicité un échelonnement de leurs factures qui n’est pas toujours respecté par certains fournisseurs. Des échanges avec le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont visé à inciter les fournisseurs à respecter ces engagements.

La principale difficulté réside aujourd’hui dans le fait que les professionnels ont signé des contrats d’énergie pour une durée d’un à trois ans lors des renouvellements de contrat avec des tarifs très élevés. Selon les éléments portés à la connaissance des rapporteurs spéciaux par la FEB et la CNBPF, les résiliations sans frais des contrats ne sont pas acceptées par les fournisseurs au motif qu’ils ne seraient pas tenus par l’annonce gouvernementale prononcée en ce sens : les propositions de frais de résiliation peuvent s’élever jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les PME les plus importantes.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que si le maintien des aides est indispensable pour le maintien de l’activité des entreprises du secteur, la première préoccupation rapportée par les fédérations est d’obtenir un cadre légal permettant aux professionnels de renégocier leur contrat lorsqu’il a été signé au début du second semestre 2022. Cette demande reflète des situations contrastées, que les guichets départementaux devront surveiller avec attention, au regard de la baisse en cours du coût de l’électricité.

B.   L’impact des dispositifs a pour contrepartie leur coÛt budgÉtaire important pour l’État

L’efficacité des mesures présentées a pour contrepartie un coût budgétaire significatif pour l’État, compensé partiellement par les recettes perçues au titre des CSPE négatives. Malgré la diminution des prix de l’énergie depuis l’automne 2022, les dispositifs devraient être maintenus pour l’essentiel tant que les incertitudes sur la production électrique française ne sont pas levées.

1.   Un soutien budgétaire massif de la part de l’État qui portera majoritairement sur l’année 2023 et sera partiellement compensé par les CSPE négatives

Afin de financer les mesures exceptionnelles destinées à limiter l’impact sur les consommateurs de la hausse des prix de l’énergie, le programme 345 a été marqué par la création des boucliers tarifaires (carburant, électricité, gaz) en cours de gestion qui ont profondément modifié l’exécution du budget 2022. En conséquence, les crédits portés par le programme ont sensiblement augmenté : 12,14 milliards d’euros de CP ont été consommés sur le programme 345 (contre 9,15 milliards d’euros en 2021), avec des dépenses compensées pour partie par la diminution des versements au titre des charges de service public de l’énergie (CSPE) consacrées au soutien aux producteurs d’énergies renouvelables.

Un montant de 4,62 milliards d’euros a été consacré en 2022 au financement des mesures exceptionnelles de soutien aux consommateurs en lien avec la crise énergétique, soit 38 % du montant total des crédits du programme 345. Regroupés dans une nouvelle action 17 Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs, ces crédits ont permis de financer la mesure de remise carburant pour 3,1 milliards d’euros, le bouclier gaz pour 1,3 milliard d’euros et le bouclier électricité pour 131 millions d’euros. Cette action agglomère les dépenses négatives au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale et les dépenses positives au titre des « boucliers tarifaires » et de l’« amortisseur » électricité. Pour les opérateurs qui ont à la fois des charges négatives et des charges positives au titre des « boucliers tarifaires » électricité et gaz et de l’« amortisseur » électricité en vertu des délibérations de la CRE, les charges négatives viennent en déduction des charges compensées.

Les montants décaissés en 2022 au titre des « boucliers tarifaires » gaz et électricité représentent le paiement de dispositifs d’avances de charges de service public. La majorité des charges au titre des boucliers gaz et électricité seront donc versées durant l’année 2023. Les reports de charges prévus dans la construction même des charges de service public de l’énergie permettent un ajustement sur trois années ([38]), ce qui lisse les variations en gestion.

Ainsi, les montants définitifs de la compensation au titre des dispositifs mis en œuvre pour l’année 2022 seront prochainement connus :

– une délibération de la CRE sera rendue avant le 15 juillet 2023 sur l’évaluation des charges de CSPE, incluant les dispositifs de boucliers et amortisseurs. Elle fixera le montant des acomptes qui seront versés mensuellement aux fournisseurs et le coût définitif des « boucliers tarifaires » en 2022. Pour les dispositifs au titre de l’année 2023, il s’agira d’une évaluation ;

– une délibération sera probablement publiée au quatrième trimestre 2023 au sujet de la réévaluation des charges liées au « bouclier tarifaire », prenant en compte les éléments collectés en septembre sur les coûts d’approvisionnement ;

– enfin, la dernière étape se déroulera en juillet 2024 lors de l’exercice d’évaluation annuelle des CSPE. Cette délibération arrêtera le montant définitif des charges à compenser aux fournisseurs par l’État dans le cadre des mesures de protection mises en œuvre en 2023.

Le montant total des dispositifs d’aide, réévalué à la baisse par rapport au PLF pour 2023, est estimé à près de 39 milliards d’euros sur la période 2022-2024, dont 25 milliards pour le bouclier électricité et 10 milliards pour le bouclier gaz.

Les rapporteurs soulignent le montant totalement inédit de ces variations de charges pour le budget de la Nation. Ils se félicitent que le cadre du programme 345 ait permis une telle flexibilité dans les dépenses, dans un contexte extraordinaire de cours élevés des prix de l’énergie. Le programme 345 devrait retrouver cette année un fonctionnement plus habituel (cf. encadré page 68), dans un contexte de récente diversification des approvisionnements en gaz de l’Union européenne et de retour à un niveau correct de la disponibilité du parc nucléaire français.

CoÛt estimÉ (en comptabilitÉ budgÉtaire) des dispositifs d’aide aux consommateurs finals face À la hausse des prix de l’Énergie

(en millions d’euros)

 

2022

2023

2024

TOTAL (A+B+C)

Montant au titre de l’année

Montant payé en 2022 (A)

Montant au titre de l’année

Estimation du montant à payer en 2023 (B)

Évaluation PLF 2023

Estimation du montant à payer en 2024 (C)

Bouclier électricité individuel

– 165 (*)

131

23 937

21 646

27 000

1 995

23 772

Bouclier électricité collectif

360

 

720

720

19 900

360

1 080

Bouclier gaz individuel

3 549

580

1 867

4 680

156

5 416

Bouclier gaz collectif

3 384

592

1 233

3 980

45

4 617

Mesure électromobilité

 

 

50

25

25

50

Amortisseur électricité

 

 

3 667

3 361

3 000

306

3 667

Dont suramortisseur TPE

 

 

605

555

 

50

605

Mesure TPE complémentaire (guichet ASP)

 

 

170

156

 

14

170

TOTAL dispositifs d’aide

7 128

1 303

31 644

34 569

49 900

2 900

38 772

Reliquats de charges 2022 à payer en 2023

 

 

 

2 100

3 100

 

 

Recettes CSPE (**)

 

 

 

– 15 000

– 32 000

 

 

TOTAL à payer

 

 

 

21 669

21 000

 

 

 (*) Ce montant total de – 165 millions d’euros de compensations de charges de service public se décompose en :

882,5 millions d’euros de pertes de recettes, dont 131,3 millions d’euros au titre des versements anticipés touchés par les fournisseurs de moins d’un million de clients résidentiels avant le 1er mai 2022 ;

– 1 047,3 millions d’euros au titre des montants dont sont redevables les fournisseurs à l’État en contrepartie de la « brique de rattrapage » intégrée dans les TRVe en 2023.

 (**) La délibération de la CRE attendue en juillet 2023 permettra de connaître le montant définitif des CSPE pour 2022, de réévaluer le montant attendu pour 2023 et de donner une première estimation du montant pour 2024.

Source : direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

En outre, il convient d’ajouter à ces dispositifs le coût de la baisse du tarif de l’accise sur l’électricité à son minimum autorisé par le droit de l’Union européenne, évalué à environ 7,4 milliards d’euros pour 2021 et 8 milliards d’euros pour 2022, ainsi que l’augmentation de 20 TWh du volume d’ARENH pour un montant estimé à 8,34 milliards d’euros par l’entreprise EDF ([39]).

2.   Une diminution du coût des dispositifs en raison de la baisse des prix de l’énergie depuis l’automne 2022

Les montants ouverts sur les dispositifs d’aides aux consommateurs d’énergie en LFI pour 2023, fondés sur des hypothèses de prix de marché de gros de gaz et d’électricité observés sur les marchés futurs en fin d’année 2022, prévoyaient des marges afin de se prémunir contre des retournements de prix de marché qui auraient pu conduire à tendre la contrainte de liquidité de certains fournisseurs de gaz et d’électricité ([40]).

Les prix à terme de l’électricité et du gaz pour la France actuellement observés sur les marchés ont fortement diminué depuis l’été 2022, mais restent en moyenne deux à trois fois supérieurs à ceux observés avant la crise énergétique : les prix du gaz pour 2024 se sont stabilisés entre 50 et 60 €/MWh, tandis que les prix de l’électricité pour 2024 fluctuent autour de 200 €/MWh.

Évolution des prix de gros du gaz à terme pour 2023 et 2024
(produit calendaire TTF)

(en euros par MWh)

Source : direction générale du Trésor.

Le recul des prix du gaz s’explique par un assouplissement des craintes sur les tensions d’approvisionnement, expliqué au premier trimestre 2023 par des arrivées de gaz naturel liquéfié (GNL) et des niveaux de stocks européens toujours à des niveaux élevés, ainsi qu’une consommation de gaz allégée par les températures et la réduction de demande en gaz. Le prix du gaz à terme au premier trimestre 2023 s’élevait à 74 €/MWh, tandis que le spot s’est établi en moyenne à 51 €/MWh au cours de ce même trimestre. La diminution des prix du gaz a eu un effet de propagation sur les prix de l’électricité, à travers le coût de production des centrales électriques fonctionnant au gaz.

Évolution des prix de gros de l’électricité à terme pour 2023 et 2024 (produit base France)

(en euros par MWh)

Source : direction générale du Trésor.

Depuis le début de l’année 2023, les prix de gros de l’électricité pour 2023 continuent leur diminution, dans le sillage de la baisse des prix du gaz : le prix pour le deuxième trimestre 2023 cotait à 115 €/MWh fin mars contre 185 €/MWh au 1er janvier, tandis que le prix du troisième trimestre 2023 s’élevait à 107 €/MWh au 3 mai contre 210 €/MWh au 1er janvier.

La détente observée sur les marchés de l’électricité s’explique également par la baisse de la consommation, due aux températures clémentes (à 7,4 °C en moyenne, soit 0,8 °C au-dessus des normales) et à la réduction de la demande (entre le 1er août 2022 et le 30 avril 2023, la consommation d’énergie par rapport à la même période en 2018-2019 a diminué de respectivement – 8% et – 17 % pour l’électricité et le gaz, hors variations liées au climat). Les prix de gros de l’électricité pour livraison au dernier trimestre 2023 sont eux aussi globalement orientés à la baisse même si celle-ci est moins marquée : cette situation suggère certaines inquiétudes des marchés sur le passage de l’hiver prochain, en raison notamment de la difficulté pour les marchés d’évaluer la capacité du parc nucléaire français à fonctionner conformément aux annonces de l’opérateur.

● Aujourd’hui, l’estimation du coût des boucliers pour 2023 par rapport à l’estimation sous-jacente au PLF pour 2023 est en baisse de l’ordre de 15 milliards d’euros, soit une diminution de 5 milliards d’euros sur le bouclier électricité et de 10 milliards d’euros sur le bouclier gaz.

L’impact est plus modéré sur l’électricité car il existe une forte inertie temporelle entre les prix de gros et les prix de détail :

– pour le « bouclier tarifaire » électricité, les dépenses prennent la forme de versements de compensations aux fournisseurs au maximum égales à la différence entre le niveau du tarif qui aurait dû être appliqué sans le gel (+ 99 % selon la CRE au 1er février) et le niveau du tarif gelé (dont la hausse a été limitée à 15 % TTC le 1er février 2023). Or, le montant maximal de la compensation est fixé pour l’ensemble de l’année 2023 (à 143,20 €/MWh pour les clients résidentiels et 144,40 € pour les clients TPE) et n’est donc pas affecté par la baisse actuelle des prix de l’énergie ;

– à l’inverse, si le « bouclier tarifaire » gaz fonctionne d’une manière analogue au bouclier électricité (hausse limitée et compensations aux fournisseurs fondée sur la différence entre le TRV gelé et non gelé), les contrats de gaz sont généralement indexés sur les marchés de court terme : c’est le cas du TRVg qui évolue tous les mois en fonction des cours sur les marchés de gros.

La fin des TRVg au 1er juillet 2023 dans un contexte de diminution des prix du gaz

Au 1er juillet 2023, avec l’extinction prévue des TRVg, le « bouclier tarifaire » sur le gaz prendra fin. Or au moment de la rédaction de ce rapport, les prix du gaz avec et sans gel tarifaire sont quasiment identiques, comme l’illustre le graphique suivant publié par la CRE.

TRVG AVEC ET SANS APPLICATION DU GEL TARIFAIRE

(en euros par MWh)

Source : CRE.

Après le 1er juillet 2023, en cas de forte hausse des prix de marchés, le rétablissement d’un « bouclier tarifaire » restera techniquement possible. La LFI pour 2023 prévoit en effet jusqu’au 31 décembre 2023 la possibilité de contraindre par décret les fournisseurs à appliquer une réduction aux tarifs appliqués aux consommateurs particuliers, ainsi que les modalités de compensation associées. Il est prévu que ce dispositif s’appuie sur les prix indicatifs que la CRE publie désormais en substitution aux TRVg, et pour lesquels elle a publié sa méthodologie de calcul (délibérations du 25 janvier et du 12 avril 2023).

Ce dispositif, à la différence de celui appliqué jusqu’ici, est un plafond de prix : si les prix constatés sur le second semestre sont effectivement inférieurs au prix cible, alors le bouclier ne s’applique pas et ce sont les prix réels qui s’appliquent pour les consommateurs. Aujourd’hui, le prix du gaz de référence sur les marchés qui sert à déterminer le montant de compensation du bouclier sur le second semestre, est inférieur au niveau actuel du bouclier tarifaire : le coût du bouclier gaz individuel serait alors nul sur le second semestre 2023.

En outre, concernant l’« amortisseur » électricité et les boucliers collectifs gaz et électricité, les aides de l’État s’opèrent sur la base du prix contractualisé entre le client et le fournisseur. L’impact de la baisse des prix de l’énergie devrait donc être limité dans la mesure où les contrats éligibles à ces dispositifs sont généralement fixés pour une durée minimale d’un an.

En parallèle, les recettes dues aux charges négatives de soutien à la production d’énergies renouvelables devraient être en forte baisse par rapport au sous-jacent du PLF 2023 qui estimait ces recettes à environ 32 milliards d’euros, sur la base de la délibération de la CRE du 3 novembre 2022. Le montant exact, aujourd’hui évalué autour de 15 milliards d’euros, sera précisé par une délibération de la CRE en juillet 2023.

3.   Maintenir les dispositifs de soutien aux consommateurs tant que l’incertitude sur la production électrique française demeure

Les dispositifs de soutien aux consommateurs finals ont été conçus pour maintenir une exposition partielle des consommateurs à la hausse des prix des énergies, en fonction de leur catégorie. Sur les « boucliers tarifaires », le principe est d’imputer une part relative de hausse aux consommateurs et de limiter également l’aide dans l’absolu par un plafond. Sur l’« amortisseur » électricité, l’aide ne porte que sur 50 % de la consommation, de telle sorte que le signal tarifaire reste directement transmis pour l’autre moitié de la consommation. Au travers de cette exposition partielle, les consommateurs sont donc sensibilisés à la hausse des prix et par conséquent incités à maîtriser d’autant plus leur consommation.

En préambule, il convient de préciser que l’encadrement temporaire de crise adopté par la Commission européenne le 23 mars 2022, qui conditionne notamment les aides aux PME et les modalités d’interventions sur les prix pour tous les consommateurs, n’est valable que jusqu’au 31 décembre 2023. La prolongation des dispositifs de soutien, si elle devait être envisagée, supposerait au préalable que cet encadrement de crise soit prolongé.

Si les consommateurs sont d’abord préoccupés par leur situation en 2023, certains s’interrogent déjà pour leurs factures des années à venir, notamment ceux qui ont conclu des contrats pluriannuels pendant les pics de prix à la sortie de l’été 2022. Sur ce point, les rapporteurs spéciaux sont favorables à la poursuite en 2024 des dispositifs introduits afin d’apporter de la visibilité aux ménages et aux entreprises. Comme en 2023, ces dispositifs pourront faire l’objet d’un ajustement de leur niveau en fonction des variations de prix observées sur les marchés.

En outre, les rapporteurs spéciaux considèrent que les mesures de soutien aux consommateurs pour l’électricité, particulièrement protectrices, doivent être maintenues tant que l’incertitude demeure sur le retour en service complet du parc nucléaire. À mesure que la situation se stabilise mais que le niveau des prix demeure élevé, l’objectif serait de cibler les dispositifs sur les ménages qui ne peuvent absorber les hausses des factures, ainsi que sur les entreprises énergo-intensives et exposées à la concurrence internationale.

À plus long terme, il conviendra d’assurer un rétablissement du signal prix pour assurer la capacité du système énergétique à s’adapter aux enjeux ponctuels de sécurité d’approvisionnement, comme aux enjeux plus structurels de sobriété et de décarbonation de la consommation énergétique pour tenir les objectifs de la France en termes d’émission de gaz à effet de serre. Il conviendrait à cet égard de profiter du cadre temporaire de crise et de transition adopté par la Commission européenne le 9 mars 2023, qui permet aux États membres, jusqu’au 31 décembre 2025, d’accorder des aides « destinée à favoriser la transition vers une économie nulle ». Ainsi, des aides peuvent notamment être octroyées pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables et décarboner les processus de production industrielle.

Enfin, la transition vers la sortie de toutes les mesures de soutien actuellement en vigueur devra tenir compte de l’attractivité relative des différentes énergies et des possibilités d’arbitrage entre gaz et électricité. Ces dernières sont en effet limitées par les perspectives, très inégales entre territoires, d’investissement suffisant dans les réseaux de courant faible visant à assurer la montée en charge de l’électrification du chauffage des ménages.

Recommandation n° 12 : maintenir les dispositifs de soutien aux consommateurs pour l’électricité tant que l’incertitude demeure sur le retour en service complet du parc nucléaire, avec une priorité donnée dans l’industrie aux entreprises exposées à la concurrence internationale.

III.   Une rÉvision À venir des modalitÉs de soutien à l’investissement dans les Énergies renouvelables

La réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie est l’occasion de réviser l’encadrement du soutien à l’investissement dans les énergies renouvelables et d’adapter en conséquence le périmètre du programme 345 Service public de l’énergie afin d’en faire le véritable support d’une politique énergétique française « souveraine, décarbonée et diversifiée », conformément à l’ambition portée par le président de la République lors de son discours de Saint-Nazaire du 22 septembre 2022.

A.   faire du programme 345 le support de la stratÉgie de rÉsilience Énergétique française

Alors que le programme 345 Service public de l’énergie a pour vocation de porter les CSPE soutenant la production d’énergies renouvelables, la lisibilité de l’investissement en faveur de la transition énergétique est perturbée par le contexte des prix élevés de l’énergie dans lequel les énergies renouvelables deviennent contributrices du budget de l’État, ont été affectés par un phénomène de résiliation anticipée des contrats de soutien public par certains producteurs.

1.   Le fonctionnement du système des charges de service public de l’énergie est affecté par un environnement de prix durablement élevés

Afin d’encourager la production d’énergies renouvelables et de garantir aux producteurs, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l’énergie produite, l’État a mis en place des dispositifs de soutien à la rémunération des producteurs d’énergie dont le coût budgétaire est imputé sur le programme 345 :

– l’obligation d’achat : prévu aux articles L. 314-1 à L. 314-13 du code de l’énergie, ce dispositif impose aux fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution – ELD) de conclure des contrats d’achat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables par les installations éligibles à l’obligation d’achat ou lauréates d’un appel d’offres. Ces contrats prévoient un tarif d’achat garanti pour le producteur ;

– le complément de rémunération : ce dispositif est encadré par les articles L. 314-18 à L. 314-27 du code de l’énergie. Les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération vendent leur énergie directement sur les marchés. Une prime, versée par EDF aux producteurs, vient compenser l’écart entre les revenus tirés de cette vente et un niveau de rémunération de référence. Ce dispositif vise à exposer les producteurs aux signaux des prix de marché de court terme, tout en leur garantissant une rémunération raisonnable.

Pour ces dispositifs, EDF et les ELD reçoivent des compensations de l’État dans le cadre du mécanisme des CSPE porté par le programme budgétaire 345. Avant la survenue de la crise des prix de l’énergie, les revenus garantis par les contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération étaient inférieurs aux prix de marché et les compensations versées par l’État au titre des CSPE évoluaient chaque année entre 8 et 9 milliards d’euros.

Toutefois, depuis le début de la crise des prix de l’énergie, les prix de l’électricité ont atteint des niveaux très supérieurs aux rémunérations garanties par les dispositifs de soutien public : ces rémunérations garanties se sont transformées en rémunérations plafonnées qui, pour toutes les installations concernées par ces mécanismes, se traduisent par un prélèvement mécanique de la rente infra-marginale perçue par les producteurs du fait de l’inflation des prix de l’électricité.

Ainsi, les crédits consommés par le périmètre traditionnel du programme 345 – c’est-à-dire hors « boucliers tarifaires » gaz, électricité, mesure carburants et dispositif de sécurisation des stockages de gaz – s’élèvent à 7,52 milliards d’euros contre 9,15 milliards d’euros en 2021. Cette baisse de 1,6 milliard d’euros s’explique par le montant moins important des CSPE liées au soutien des énergies renouvelables (4,3 milliards d’euros en 2022 contre 5,6 milliards d’euros en 2021).

 

Le coût pluriannuel des charges de service public de l’énergie

Le principe d’annualité ne permet pas de refléter l’ampleur des investissements publics dans la transition énergétique au sein du budget de l’État. Dans son quatrième rapport publié en février 2023, le comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE) évalue, en fonction des scénarios retenus pour l’évolution du prix de marché de l’électricité, le coût total des engagements pris par l’État entre le début des années 2000 et fin 2021 au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques et à la cogénération au gaz naturel à un montant compris entre 119 milliards d’euros et 192 milliards d’euros, dont 49 milliards d’euros ont déjà été payés.

 Eu égard aux dates d’engagements et à la durée des contrats, de 70 milliards d’euros à 143 milliards d’euros resteraient à payer d’ici 2048 selon le scénario de prix de marché retenu. Sur ces montants, le soutien à la production d’électricité (énergies renouvelables et cogénération au gaz naturel) représente entre 105 milliards d’euros et 174 milliards d’euros à fin 2021 (90 % du total).

La loi de programmation pluriannuelle de l’énergie sera le véhicule approprié pour opérer les transferts de ressources entre les différents modes de production de l’énergie en vue d’assurer la massification de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. Dans la loi de finances pour 2024, la Nation devrait renouveler son attachement à un mécanisme de formation des prix de l’énergie où la garantie tarifaire de l’État est le mécanisme clé de l’incitation à investir dans les énergies renouvelables, tant que les CfD (contrats pour la différence) n’auront pas été introduits dans le droit français (cf. infra).

2.   La gestion et le contrôle des contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération face au phénomène de résiliations anticipées

En période de prix élevés, pour les filières avec des tarifs de soutien faibles, la valorisation sur les marchés de l’électricité produite est plus élevée que le tarif garanti : cela conduit à des CSPE négatives, soit des recettes pour l’État. Depuis décembre 2021, certains producteurs, majoritairement en obligation d’achat, ont donc décidé de résilier de manière anticipée leur contrat de soutien pour valoriser eux-mêmes l’électricité produite à un prix plus avantageux.

Ainsi, la CRE alertait dans sa délibération du 3 novembre 2022 sur ce phénomène de résiliations anticipées :

– pour les contrats antérieurs à la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l’article 6 du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d’achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat mentionnait la possibilité de résiliation anticipée du contrat à l’initiative des producteurs ;

– pour les contrats postérieurs à la loi précitée, les résiliations anticipées sont encadrées par l’article R. 314-9 du code de l’énergie pour les contrats qui relèvent d’un arrêté tarifaire, ainsi que par l’article R. 311-27-3 du même code pour les contrats des installations lauréates d’un appel d’offres.

Les producteurs d’électricité qui ont décidé de résilier de manière anticipée leurs contrats de soutien entre avril et septembre 2022 étaient pour la plupart en fin de contrat et ont arbitré entre le risque lié à la sortie du dispositif de soutien et l’opportunité de conserver la rente inframarginale qu’ils auraient autrement dû reverser via le dispositif de CSPE. Ces installations n’ayant pu se développer qu’avec l’aide d’un dispositif public, leur sortie de contrats pour éviter de restituer leurs rentes inframarginales exceptionnelles constitue un effet d’aubaine injustifié.

● Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux se sont intéressés à la gestion par EDF-OA ([41]) de son portefeuille de contrats d’obligation d’achat (environ 483 000) et de contrats de complément de rémunération (au nombre de 1 087).

Pour chaque dispositif de soutien, EDF-OA élabore le modèle de contrat conformément au cadre réglementaire applicable et le soumet à la DGEC pour obtenir l’approbation du ministre chargé de l’énergie. EDF-OA veille ensuite au respect des contrats conclus avec les producteurs : en pratique, EDF-OA contrôle l’éligibilité du producteur au contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération demandé, établit les conditions particulières du contrat conformément au modèle approuvé, vérifie les factures et les avoirs émis par les producteurs ainsi que le respect de toute obligation prévue par le contrat. L’entité exerce par exemple des contrôles périodiques des installations pour les filières thermiques.

Lorsqu’un producteur titulaire d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération est débiteur d’EDF-OA, le contrat prévoit l’émission d’un avoir par le producteur. Compte tenu de la hausse des prix de marché de l’électricité et de leur maintien à un niveau élevé, les compléments de rémunération mensuels négatifs représentent l’essentiel des montants dus par les producteurs à EDF-OA.

Le tableau ci-dessous présente le nombre de contrats de complément de rémunération concernés et les montants associés pour les années 2021, 2022 et le premier trimestre 2023.

contrats ayant À Émettre des avoirs pour edf-OA depuis 2021 (*)

 

2021

2022

T1 2023

Nombre de contrats ayant à émettre des avoirs de complément de rémunération mensuel négatifs

658

1 080

1 034

Montant cumulé des compléments de rémunération négatifs (en millions d’euros)

264

2 258

168

(*) Les chiffres pour 2022 et 2023 incluent les effets du déplafonnement des avoirs.

Source : EDF-OA.

Le déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération

L’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit un mécanisme de partage de gain entre le producteur et l’État, articulé autour d’un prix seuil déterminé par arrêté. En fonction du niveau de ce prix seuil, les producteurs peuvent soit bénéficier totalement du plafonnement prévu par leur contrat, soit bénéficier partiellement de ce plafonnement, soit voir leurs compléments de rémunération négatifs entièrement déplafonnés. En pratique, le niveau du prix seuil fixé par l’arrêté du 29 décembre 2022 (44,78 €/MWh en 2022 et 45,68 €/MWh en 2023) conduit à déplafonner la totalité des contrats de complément de rémunération en 2022 et 2023.

Les recettes attendues de ce déplafonnement au titre des productions de 2022 sont de 1,75 milliard d’euros. Les dernières estimations d’EDF-OA, fondée sur un scénario de prix de marché pour 2023 établi en avril 2023 et envisageant un prix spot moyen de 152,33 €/MWh en 2023, évaluent les recettes du déplafonnement en 2023 à 818 millions d’euros, soit la quasi-totalité des recettes des contrats de compléments de rémunération estimées à 857 millions d’euros. Les recettes réelles du déplafonnement au titre des productions de 2023 dépendront des prix de marché et du volume d’électricité produit par les installations en contrat de complément de rémunération ([42]).

EDF-OA a constaté un pic de résiliations anticipées en 2022 pour les contrats d’installations de grande taille avec 711 résiliations – les petites installations photovoltaïques, souvent exploitées par des particuliers, ne sont pas décomptées.

Ces résiliations anticipées constituent un manque à gagner pour le budget de l’État, matérialisé par une moindre baisse des CSPE. Le tableau ci-dessous retrace l’impact de ces résiliations selon l’hypothèse d’un prix spot moyen de 152,33 €/MWh en 2023 :

impact des rÉsiliations anticipÉes

 

2023

Obligation d’achat

Énergie non achetée

10,0 TWh

Valorisation au tarif d’achat moyen

100,80 €/MWh

1 008 millions d’euros

Valorisation au prix de marché moyen

152,30 €/MWh

1 570 millions d’euros

Complément de rémunération

Énergie non soutenue

0,5 TWh

Avoir de complément de rémunération non versé par les producteurs

27,9 millions d’euros

Impact sur les charges de service public

590 millions d’euros

Source : EDF-OA.

À la fin du mois de mars 2023, le volume des résiliations anticipées était de l’ordre de 4,6 GW. Les filières les plus concernées par les résiliations sont la filière éolienne (271 contrats résiliés pour 2 619 MW), l’hydraulique (343 contrats résiliés pour 918 MW) et le solaire (28 résiliations pour 286 MW).

Ces valeurs sont intégralement exposées aux variations du prix spot pour les mois restants de 2023. Le manque à gagner pour l’État sera toutefois partiellement compensé par les indemnités de résiliation anticipée qui seront réglées lorsque les contrats en prévoient l’existence. Ces indemnités reflètent le coût implicite de la garantie des cours consenti par l’État au profit des producteurs d’énergies renouvelables.

● L’article R. 314-9 du code de l’énergie ne traite des indemnités de résiliation anticipée que depuis le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016. Cet article concerne les contrats récents alors que les résiliations anticipées concernent majoritairement des contrats anciens pour lesquels la réglementation, et par conséquent les contrats, prévoyaient rarement ces indemnités. EDF-OA a indiqué aux rapporteurs spéciaux que lorsque les contrats prévoient des indemnités de résiliation, le principe est généralement le remboursement du soutien perçu par le producteur depuis le début du contrat.

Pour les contrats d’obligation d’achat, ce soutien est évalué par différence entre la rémunération reçue par le producteur et la valeur cette production sur le marché de l’énergie et de la capacité. Or, les conditions générales des contrats ne mentionnent pas toujours avec précision la manière d’évaluer la valeur de marché de la production. EDF-OA a ainsi procédé à des échanges avec la DGEC et la CRE pour déterminer certains paramètres du calcul. Il en résulte ainsi un contentieux élevé, dont l’enjeu financier n’est pas négligeable pour l’État.

Fin avril 2023, EDF-OA recensait une centaine de contrats résiliés pour lesquels le producteur est redevable d’une indemnité pour neuf formules de calcul différentes. Le calcul des indemnités en vue de recouvrer les sommes dues était en cours à la date de rédaction de ce rapport.

● Dès sa délibération annuelle du 13 juillet 2022 relative aux CSPE, la CRE avait estimé que les sommes perçues par les producteurs au-delà des niveaux de tarif de référence constituaient des rentes indues, s’éloignant du principe d’une rémunération raisonnable sur la durée des contrats.

En application du règlement 2022/854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, la contribution sur la rente infra-marginale (CRI) des producteurs d’électricité prévue par l’article 54 de la LFI pour 2023 instaure un prélèvement sur les revenus dégagés par l’exploitation d’installations électriques excédant un seuil de prix forfaitaire.

Les installations produisant de l’énergie renouvelable n’évoluant pas dans le cadre d’un contrat de soutien public sont soumises à une taxe sur leurs revenus :

– la taxation concerne l’ensemble de l’électricité produite entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 ;

– le montant de la contribution est égal à la fraction des revenus de marché de l’exploitant de l’installation excédant un seuil forfaitaire, après application d’un abattement de 10 %.

L’adoption de cette taxe a permis d’endiguer le phénomène de résiliations anticipées de contrat, comme l’illustre le graphique ci-dessous présentant la dynamique des résiliations effectives à fin avril 2023 :

NOMBRE mensuel DE RÉsiliations anticipÉes (juin 2021-AVRIL 2023)

Source : EDF-OA.

La majorité des revenus issus de cette taxe devrait provenir des installations de production d’énergies renouvelables ayant résilié de manière anticipée leur contrat, ainsi que des installations dont le contrat de soutien est arrivé à échéance. En outre, la CRI permet de restituer aux finances publiques une partie importante du manque à gagner associé aux contrats résiliés de manière anticipée. Pour 2023, ses recettes sont estimées à 4,3 milliards d’euros par le programme de stabilité 2023-2027 : elles dépendront des prix de marchés qui se réaliseront d’ici à la fin de l’année 2023, mais également de la stratégie de vente par les producteurs de l’énergie soumise à la CRI.

3.   Au-delà du soutien à la transition énergétique, faire du programme 345 le support de la stratégie de résilience énergétique française

La directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, dont l’article 9 encadre le régime des CSPE, a été conçue dans un contexte où le prix garanti aux producteurs d’énergies renouvelables était bien inférieur au prix de marché. Aujourd’hui, les énergies renouvelables contribuent au financement des dispositifs de soutien via le programme 345 : les montants dus aux fournisseurs sur les boucliers tarifaires sont ajustés directement sur les montants dont ils sont redevables au titre des CSPE. En outre, la CRI confirme un changement de logique, puisque les énergies renouvelables deviennent désormais contributrices du budget de l’État.

Or il convient de souligner que malgré ce nouveau contexte, la transition énergétique se poursuit : l’année 2022 a été marquée par l’installation de 5 GW d’énergies renouvelables, soit un record de mises en service. À ce titre, RTE souligne dans son rapport « Bilan électrique 2022 » qu’une « accélération demeure nécessaire pour atteindre les objectifs du pays », mais que « la transition du système se poursuit et les énergies renouvelables en France contribuent désormais à la fois à la décarbonation structurelle du mix et à la sécurité d’approvisionnement ».

La lisibilité du soutien aux énergies renouvelables est aujourd’hui affectée par la situation de CSPE négatives : les rapporteurs spéciaux estiment que le périmètre du programme 345 pourrait donc être clarifié et élargi afin d’afficher le coût réel de la politique publique de soutien aux énergies renouvelables et d’investissement dans la transition énergétique.

Aujourd’hui, l’impact de la variation des prix de l’énergie sur les CSPE invite à faire plus largement du programme 345 le support budgétaire de la stratégie de résilience énergétique française grâce à la diversification des sources de production. Il pourrait ainsi être envisagé d’y faire figurer l’ensemble des crédits budgétaires relatifs au soutien à la production d’énergie sur le territoire, de l’hydrogène à la recherche dans le nouveau nucléaire (petits réacteurs et fusion nucléaire).

Recommandation n° 13 : engager une réflexion afin de faire du programme 345 le support budgétaire de la stratégie de résilience énergétique française, en y rassemblant notamment les crédits soutenant la recherche en matière d’hydrogène, de fusion nucléaire et de petits réacteurs nucléaires.

B.   La rÉforme du marchÉ europÉen de l’Énergie : une occasion de rÉviser le cadre de long terme de soutien à l’investissement dans les Énergies renouvelables

Le cadre du marché européen de l’énergie a permis au budget de l’État de répondre à la hausse de prix et de protéger ainsi l’économie réelle contre ce choc. Toutefois, le cadre actuel ne peut répondre à l’ensemble des problèmes posés par la crise énergétique récente : dans le contexte de la réforme proposée par la Commission européenne, à cette heure en cours de négociation, la France doit affirmer la pertinence de son mix énergétique et adapter son modèle de soutien de long terme à l’investissement dans les énergies renouvelables et à des prix maîtrisés pour les grands consommateurs d’électricité.

1.   La crise des prix de l’énergie a mis en lumière certaines limites de l’organisation du marché européen de l’électricité

L’organisation du marché européen de l’électricité a vu certaines de ses faiblesses exposées dans le contexte d’inflation exceptionnelle des prix de l’énergie.

Concernant la formation des prix sur le marché de gros, le mécanisme de « l’ordre de mérite », qui consiste à faire appel aux différentes unités de production électriques, au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants, a pour vocation d’optimiser le fonctionnement du système électrique européen et son interconnexion. Cette tarification au coût marginal permet de couvrir les coûts fixes des centrales dont le coût variable est moins élevé.

La France bénéficie grandement de ce système qui garantit un fonctionnement efficace du système électrique : pour la première fois depuis 1980, le solde des échanges français est importateur en 2022 avec un solde net de 16,5 TWh, soit environ 4 % de la consommation nationale d’électricité, pour des exportations de 40,5 TWh principalement vers l’Italie et la Suisse.

Toutefois, ce mécanisme n’a pas été conçu pour fonctionner dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie. Une meilleure corrélation entre coûts et prix est essentielle pour que les consommateurs bénéficient des conditions liées au coût du mix de production national largement décarboné et compétitif.

En outre, cette crise des prix de l’énergie a démontré les sérieuses limites de l’organisation du marché européen de l’électricité dans un contexte de tension sur une des sources d’énergie clé, c’est-à-dire le gaz. Il conviendrait que le signal prix de long terme soit conçu à partir du coût complet constaté de chaque source d’énergie, permettant ainsi aux producteurs d’investir dans des moyens de productions décarbonés et aux consommateurs d’investir dans l’efficacité, la sobriété et l’électrification des usages.

2.   Les objectifs portés par la France

La Commission européenne a présenté le 14 mars 2023 une proposition de réforme du marché de l’électricité. Pour la France, les objectifs fondamentaux de cette réforme, qui ont fait l’objet d’une réunion du Conseil des ministres le 19 juin 2023, sont les suivants :

 faire bénéficier tous les consommateurs français de la compétitivité du parc de production, en s’assurant que les coûts de production restent maîtrisés et en rapprochant leur facture d’un prix représentatif des coûts complets du mix électrique ;

 inciter les fournisseurs à une pratique d’approvisionnement prudente sur le long terme ;

 inciter les producteurs à investir dans des moyens décarbonés, en leur apportant notamment de la visibilité à long terme sur les prix de valorisation de la production.

Cette réforme servira également de cadre pour préparer la sortie de l’ARENH, prévue par le droit européen au 31 décembre 2025, et offrir aux consommateurs le bénéfice des faibles coûts de production moyen du parc français. En effet, les industriels électro-intensifs ont besoin d’une visibilité sur leur approvisionnement en électricité pour 2026 dès aujourd’hui, notamment ceux qui ont choisi une stratégie de décarbonation. À ce titre, les rapporteurs spéciaux jugent pertinent de prévoir que l’investissement dans la recherche dans le nouveau nucléaire et dans la construction des EPR soit isolé dans un régime de financement dédié par l’État. L’objectif est d’éviter que les dépenses d’investissement à ce titre soient agrégées aux autres éléments d’exploitation inclus dans le calcul du coût complet de la production d’électricité de référence par la CRE, qui risqueraient d’aboutir à un niveau de prix qui finirait par s'éloigner de celui supportable par l’industrie.

Recommandation n° 14 : dans le cadre de la réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie, prévoir que l’investissement dans la recherche dans le nouveau nucléaire et dans la construction des EPR soit isolé dans un régime de financement spécifique par l’État, afin de le retrancher du futur calcul par la CRE du coût complet d’exploitation du parc nucléaire et d’éviter un niveau de prix trop élevé pour les industries sur le sol national.

En outre, les derniers mois de l’année 2022 ont démontré la nécessité de renforcer la régulation pour accroître la protection des consommateurs. Il pourrait donc être intéressant de renforcer la régulation prudentielle des fournisseurs d’énergie, comme le propose la CRE dans sa réponse à la consultation publique de la Commission européenne sur la réforme du marché européen de l’électricité. L’objectif d’une telle régulation vise à obliger les fournisseurs à couvrir les volumes engagés auprès de leurs clients : si le fournisseur propose une offre fixe sur deux ans, il devra couvrir son approvisionnement en amont sur les marchés. L’enjeu est d’éviter les situations des faillites de certains fournisseurs, sans couverture lors de la crise et qui ne pouvaient pas acheter sur les marchés de gros les volumes d’énergie devenus trop chers nécessaires à leurs clients.

3.   Les discussions en cours autour de la proposition de la Commission européenne seront déterminantes afin d’encadrer l’investissement de long terme dans les énergies renouvelables

Alors que le système de « l’ordre de mérite » qui détermine les prix de gros de l’énergie en Europe n’est pas modifié par la proposition de la Commission, le sujet principal de discussion entre États membres concerne les outils de long terme auxquels devront être soumis les moyens de production, c’est-à-dire les contrats de long terme (Power Purchase Agreements – PPA, conclus librement par les producteurs avec une partie privée) et les contrats pour différence (Contracts for Différence ­ CfD, conclus avec une partie publique).

Dans la version actuelle du règlement en cours de discussion, les mécanismes de soutien aux moyens de production éoliens, photovoltaïques, géothermiques, hydrauliques au fil de l’eau et nucléaires sujets à de nouveaux investissements devraient obligatoirement prendre la forme de « CfD bidirectionnels ». Ces contrats fixeraient un prix garanti par l’État au producteur : les recettes (ou les pertes) issues de la différence entre ce prix et celui du marché seraient reversées à l’État (ou compensées par l’État). Les contrôles encadrant les aides d’État demeureraient nécessaires pour déterminer si le soutien apporté par le CfD est justifié.

Les revenus collectés au titre de ces CfD, qui correspondraient donc à l’écart entre les revenus issus de la vente directe de l’énergie produite sur les marchés et le prix régulé fixé ex ante selon des fondamentaux de coûts de production pour le nucléaire, ou à l’issue d’une procédure d’appels d’offres, devront ensuite être redistribués de façon équitable aux consommateurs finaux. En parallèle, des PPA pourront coexister avec ces instruments pour la part de production non soumise à CfD. Tel qu’envisagé par la version actuelle du règlement, le système des CfD serait compatible avec le dispositif existant des CSPE. La principale différence serait financière : les recettes collectées lorsque les prix sont supérieurs aux tarifs garantis par les CfD seraient redistribuées au consommateur final en €/MWh consommé et non au budget de l’État.

Certains États membres sont opposés à cette exclusivité des CfD pour le soutien des actifs sujets à de nouveaux investissements : le texte de compromis proposé par la présidence suédoise du Conseil prévoit des aménagements à cette disposition, qui ne s’appliquerait qu’aux contrats conclus dans le cadre de régimes de soutien public trois ans après la date d’entrée en vigueur du règlement. Des discussions ont également lieu concernant les modalités de répartition de la rente des CfD. En filigrane de ces discussions, la question du prix de l’électricité proposé aux industriels dans chaque État et de l’impact sur la compétitivité des entreprises énergo-intensives est un sujet majeur.

Les rapporteurs spéciaux sont favorables aux principales orientations retenues par la Commission européenne dans sa proposition de réforme du marché de l’électricité, notamment concernant le souci de préserver le fonctionnement des marchés interconnectés de court terme qui restent essentiels pour l’optimisation de la production et de permettre à la France de bénéficier de son rôle d’exportateur d’électricité tel qu’avant la crise de maintenance du parc nucléaire. Ils soutiennent également le renforcement du rôle des contrats de long terme (PPA et CfD), qui apportent à la fois la visibilité nécessaire à l’engagement de nouveaux investissements et la stabilisation des prix souhaitée par les consommateurs. Les CfD sont des outils pertinents pour développer des moyens de production décarbonés car ils permettent au producteur de bénéficier du soutien public et à la collectivité de récupérer la valeur de la production lorsque les prix de marché sont élevés. Ce système favoriserait le soutien aux investissements dans la production et les réseaux électriques destinés à renforcer la résilience du système énergétique, évitant à l’avenir de nouvelles hausses de prix non anticipées.

En outre, les CfD pourraient financer les nouveaux investissements sur des projets existants afin d’augmenter les capacités de production ou la durée de vie d’un réacteur. Les rapporteurs spéciaux sont ainsi favorables à ce que les actifs du mix énergétique français, incluant le parc nucléaire français historique, puissent être mis sous CfD.

Recommandation n° 15 : dans le cadre de la réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie, prévoir que les capacités de production existantes, en particulier nucléaires, puissent être mises sous CfD, de façon à ce que les revenus de tous les producteurs d’énergie contribuent à l’objectif prioritaire de la diversification des sources d’énergie nationale.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le 31 mai 2023, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux des crédits des programmes 174 Énergie, climat et après-mines, 345 Service public de l’énergie et du compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.

M. le président Éric Coquerel. Nous allons poursuivre la commission d’évaluation des politiques publiques (CEPP) entamée cet après-midi. Après avoir déjà examiné l’exécution budgétaire de la mission Écologie, développement et mobilité durables, en présence de M. le ministre Christophe Béchu et de M. le secrétaire d’État Hervé Berville, ainsi qu’une première thématique d’évaluation, en présence de M. le ministre Clément Beaune, nous examinons ce soir deux autres thématiques d’évaluation, en présence de la ministre de la transition énergétique, Madame Agnès Pannier-Runacher.

Nous allons d’abord nous intéresser avec MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, au financement et à l’efficacité du dispositif de soutien à l’investissement et de limitation des charges énergétiques des entreprises et des ménages.

M. David Amiel, rapporteur spécial (Énergie, climat et après-mines, Service public de l’énergie et compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale). Je souhaite concentrer mon intervention sur la question de l’efficacité de MaPrimeRénov’. Comme vous le savez, sa création et l’augmentation considérable de son budget ont marqué ces dernières années une rupture historique dans les modalités de soutien des ménages à la rénovation énergétique. En quelque sorte, cela a permis de faire entrer la rénovation énergétique dans les mœurs, avec une augmentation très importante du nombre de bénéficiaires de rénovations, près de 670 000 pour l’année 2022, et une efficacité accrue des gestes par rapport aux dispositifs antérieurs, en particulier le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Néanmoins, une accélération considérable de la rénovation est indispensable pour tenir nos objectifs de rénovation et de souveraineté énergétique. Madame la ministre, vous avez récemment évoqué le mur énergétique auquel nous faisons face. Dans cette optique, il faudra encore massifier notre accompagnement. Le premier élément qui ressort des auditions est qu’il faudra continuer à améliorer sa mise en œuvre. Ce dispositif doit continuer à être fiabilisé afin de pleinement pouvoir exploiter son succès.

Pour lutter contre la fraude, qui consiste notamment à usurper des identités de demandeurs ou d’entreprises, des contrôles renforcés ont été mis en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), avec toutefois des délais qui ont pu être allongés en conséquence. Je souhaite, Madame la ministre, pouvoir vous interroger sur la manière dont vous percevez ces efforts de lutte contre la fraude, mais aussi de simplification et de raccourcissement nécessaire des délais pour les entreprises et les ménages. Il faudra pouvoir poursuivre cette simplification et améliorer cet accompagnement.

Il faut noter plusieurs évolutions très positives ces derniers mois en la matière. Mon collègue Emmanuel Lacresse et moi-même nous félicitons du lancement de France Rénov’, qui permet la mise en place d’un véritable service public de la rénovation de l’habitat, offrant une couverture nationale avec 554 espaces-conseils, ainsi que de Mon Accompagnateur Rénov’, depuis le 1er janvier 2023. Ce dispositif permet de fournir aux ménages des conseils sur le diagnostic préalable aux travaux et sur le plan de financement, et ainsi de les aider dans ces procédures. À ce titre, je crois que le soutien aux dispositifs d’accompagnement, et en particulier à Mon Accompagnateur Rénov’, devra faire partie des priorités pour les années à venir.

Il faudra enfin prioriser le ciblage de MaPrimeRénov’ en 2022. Sur les 670 000 rénovations aidées, 10 % peuvent être considérées comme des rénovations globales. Il faudra sans aucun doute inciter davantage les ménages à s’orienter vers des rénovations globales multigestes. Mon Accompagnateur Rénov’ jouera son rôle, mais il faudra peut-être aussi modifier les paramètres de MaPrimeRénov’ pour la rendre plus incitative. Quelles sont les orientations à l’étude en ce sens ? Par ailleurs, il est apparu lors des auditions que MaPrimeRénov’ est un outil indispensable, mais pas pour autant un outil suffisant. Il faudra aussi développer de nouveaux outils, avec une nouvelle logique, pour affronter ce changement d’échelle.

MaPrimeRénov’ cible en effet les ménages très modestes et modestes, qui représentent 84 % du montant total des primes accordées. Cela traduit un objectif social important pour une telle aide budgétaire, ce qui constitue d’ailleurs un net progrès par rapport au CITE, mais il en découle aussi que de nombreuses classes moyennes n’ont pas forcément les moyens de financer la rénovation et les travaux auxquels elles doivent faire face. Il convient de changer de logique, ou en tout cas de prévoir une logique supplémentaire. L’État ne peut pas tout payer, mais les ménages ne peuvent pas tout avancer.

Il convient donc de mobiliser des instruments financiers innovants pour avoir des aides budgétaires. Parmi les propositions de notre rapport figurera la possibilité de généraliser le prêt avance rénovation, en supprimant par exemple le plafond de ressources qui le prive aujourd’hui d’une part de son effectivité. Le prêt avance rénovation délivré par les banques permet de rénover son logement et de n’avoir à rembourser ni le montant principal ni les intérêts, jusqu’à la revente de son logement, donc au moment de sa mutation (revente ou succession).

En outre, MaPrimeRénov’ est avant tout conçue comme une aide pour la rénovation du logement individuel et elle reste aujourd’hui peu utilisée dans les copropriétés et dans les milieux urbains denses.

Il conviendra bien sûr de simplifier les modalités de décision au niveau de la copropriété. Je sais que le gouvernement travaille à cette question. Le ministre Olivier Klein y a souvent fait référence, mais il faudra aussi, selon nous, mettre en œuvre dans les prochaines années une planification territoriale, quartier par quartier, qui organise la rénovation en la pensant avec la décarbonation et l’adaptation au changement climatique. Plusieurs outils budgétaires peuvent y contribuer. Cela peut notamment être le cas au niveau des grandes propriétés problématiques. Un « fonds tours » pourrait être constitué sur le modèle du fonds pour le recyclage des friches. Cette démarche peut aussi être envisagée au niveau du quartier. La réussite obtenue autour du plan « Action Cœur de Ville », en réunissant différents financeurs et acteurs, pourrait aussi nous inspirer pour la rénovation et la construction des quartiers verts.

Enfin, face à l’ampleur de l’enjeu et à la nécessité de structurer une filière, d’assurer l’existence d’instruments adaptés à la diversité des ménages et des territoires, une programmation pluriannuelle des aides à la rénovation énergétique nous semblerait utile pour donner de la visibilité aux ménages comme aux acteurs professionnels. Là aussi, Madame la ministre, nous souhaitions vous interroger sur la manière dont vous envisagiez les choses, notamment dans le cadre des travaux que vous conduirez sur la loi de programmation énergie-climat.

M. Emmanuel Lacresse, rapporteur spécial (Énergie, climat et après-mines, Service public de l’énergie et compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale). En ce qui concerne le programme 345, nous avons réfléchi, lors de nos auditions, sur la manière dont le service public de l’énergie fait face à ce contexte d’augmentation considérable des prix. En conséquence, les énergies renouvelables ne sont plus aidées, mais deviennent plutôt des aidants pour la politique de l’avenir.

Le deuxième constat est celui de l’augmentation désormais rapide de la production massive d’énergies renouvelables, conformément aux objectifs que le président de la République a fixés dans ses deux discours de Belfort et de Saint-Nazaire. De nombreux dispositifs de soutien, portés par l’action 17 du programme 345, ont été mis en place, comme les « boucliers tarifaires », les « amortisseurs », notamment pour les boulangers, les collectivités territoriales, mais aussi les entreprises énergo-intensives. Évidemment, nous avons commencé à nous pencher sur l’efficacité du dispositif, dont le coût budgétaire est significatif. Le montant total de ces mesures est exceptionnel, même s’il est réévalué à la baisse par rapport au projet de loi de finances pour 2023 puisque les prix ont commencé à se réduire largement depuis.

Ce coût budgétaire nous pose une question sur l’avenir. Quels enseignements devons-nous tirer de la crise et notamment sur la manière dont ce budget pourrait devenir un véritable budget de l’énergie ? N’est-il pas temps, au regard de l’évolution du programme 345 et surtout des cours de l’énergie, d’en faire le support budgétaire des objectifs de nos politiques énergétiques ? Le but est d’assurer notre souveraineté : aujourd’hui, toute l’énergie produite sur nos sols, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable, qu’il s’agisse de gaz décarboné ou non, permet la flexibilité d’un système global. Il s’agit également d’encourager la décarbonation de la production industrielle et de l’usage domestique de l’énergie, et, en dernier lieu, de fournir une énergie à des coûts abordables pour les ménages et les entreprises, parce que cette crise a révélé cette nécessité, notamment pour notre compétitivité économique.

Considérant ce programme 345, l’objectif du « Printemps de l’évaluation » est de faire cette réflexion prospective. Ne pourrions-nous pas instiller dans la stratégie de ce programme une notion de résilience énergétique française ? Les crédits en vue de la recherche sur l’hydrogène et le nouveau nucléaire, qui se trouvent dans d’autres chapitres, pourraient éventuellement réintégrer le programme 345, qui ne serait plus seulement la transposition pure de la directive très habile datant de début 2019. Il s’agit d’une réflexion prospective que nous vous soumettons.

La deuxième grande question qui anime l’hémicycle depuis qu’il débat de ces questions porte sur les règles européennes du marché de l’énergie, et notamment l’encadrement du soutien dans le domaine des énergies renouvelables. Au cours des auditions, nous avons étudié de très près la manière dont fonctionnaient les contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération, questions sur lesquelles nos prédécesseurs s’étaient déjà interrogés. Nous avons été fortement convaincus par la manière dont EDF gère ces aspects, mais il est clair qu’une nouvelle classe de contrats va voir le jour, à notre avis celle des contrats de long terme, pour lesquels EDF est motivé, avec la question du niveau auquel ces contrats seront calibrés.

Finalement, le programme 345 est destiné, sinon à fixer les cours de l’énergie, a minima à offrir un cadre grâce auquel les pouvoirs publics pourront constater un cours de l’énergie sur les marchés, après avoir fait en sorte d’assurer une production suffisante pour que ces cours soient les plus faibles possible, et à s’assurer de la manière dont le mécanisme fonctionnera, notamment à l’aune des ressources budgétaires susceptibles d’y être affectées. Ne faudrait-il pas y réfléchir de manière très prospective et très en avance, afin d’isoler l’investissement dans la recherche dans le nouveau nucléaire et dans la construction des EPR et ainsi éviter qu’un niveau de prix trop différent du niveau actuel de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) puisse à l’avenir exister ? En résumé, l’idée serait de ne pas financer par l’Arenh ce tarif réglementé du nucléaire et le nouveau nucléaire car sinon notre industrie ne pourra pas suivre. En conclusion, ne faudrait-il pas faire en sorte que ce contrat du programme 345 reflète un choix complet, souverain et décarboné de diversification de notre politique énergétique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. La première série de questions se concentre sur la rénovation thermique, avec un premier angle portant sur le processus, notamment les décisions prises pour lutter contre la fraude et les délais de contrôle induits pour l’Anah. En avril 2023, nous avons mesuré les délais moyens de traitement d’une demande de subvention, aujourd’hui de 28 jours pour la demande de subvention et de 45 jours pour la demande de paiement. Ces délais présentent évidemment un écart-type plus ou moins important, mais le suivi permet désormais d’avoir une notion très précise des dossiers qui ne seraient pas traités dans des délais jugés appropriés. Le plus souvent, ces retards sont liés à des pièces manquantes dans les dossiers.

L’Anah a, en trois ans, réussi à faire face à l’explosion du nombre de dossiers MaPrimeRénov’. Environ 670 000 dossiers ont été déposés l’an passé, soit dix fois plus en deux ans. Dès 2021, elle a mis en œuvre une cellule d’appui pour les dossiers individuels signalés, lesquels sont déposés par des gens qui écrivent directement à l’Anah. Ce sont d’ailleurs souvent des députés qui nous signalent certains dossiers pour s’enquérir des délais de réponse. Un double contrôle est institué pour s’assurer de l’absence de blocage. Tout au long de l’année 2021, un chantier de sécurisation globale de la plateforme informatique a permis de limiter au maximum la survenance d’anomalies informatiques et de résoudre les anomalies connues. Ce processus de stabilisation est arrivé à maturité, ce qui permet des délais réduits en dépit des contrôles complémentaires. Nous sommes très vigilants à ce que l’Anah déploie les efforts nécessaires pour traiter les problèmes à la racine. Signaler des dossiers posant problème permet de recueillir des signaux faibles d’éventuels dysfonctionnements.

Quant aux contentieux engagés ces dernières semaines autour de ces délais de traitement, plusieurs référés ont été déposés à l’encontre de l’Anah, notamment de la part d’une entreprise, Drapeau, qui invoquait d’excessifs retards de versements de l’aide MaPrimeRénov’. Un premier examen des référés a conduit le juge à constater que ces délais sont essentiellement liés à une problématique répétée, des dossiers incomplets déposés par l’entreprise mandataire, ne permettant pas à l’Anah de s’assurer en particulier du consentement du ménage. Or il existe des processus de fraude où ce consentement est un petit peu « accéléré », pour le dire ainsi. Les ménages se trouvent donc pénalisés en raison de ces démarches administratives incomplètes.

Dans ce contexte, nous travaillons aussi avec les professionnels, la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la fédération française du bâtiment (FFB), pour renforcer notre coopération sur le signalement de ces mandataires faisant peser un risque sur les ménages en question et sur les entreprises, afin de lutter contre la fraude et fluidifier les rythmes des paiements. Mon collègue, le ministre chargé des comptes publics Gabriel Attal, a entamé tout un cycle de travail sur le renforcement de la lutte contre la fraude.

Dans cette optique, il nous semble important de traiter rapidement les bons dossiers, mais également de faire la chasse à tous les mécanismes, parfois assez sophistiqués, de fraude portés par des groupes, qui cherchent à capter l’argent public et ne visent nullement à rénover thermiquement les bâtiments.

Quant à l’accompagnement, Mon Accompagnateur Rénov’ est un dispositif relativement récent. Vous mentionnez un besoin de renforcement. Mes collègues, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu et le ministre chargé de la ville et du logement Olivier Klein, et moi-même partageons cette analyse. Nous avons proposé un renforcement des moyens de l’Anah et des services déconcentrés d’environ 200 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2024, aux fins d’animer le réseau des accompagnateurs, de procéder à l’instruction des demandes d’agrément et d’opérer les contrôles nécessaires. Il apparaît en outre un enjeu de structuration de ce marché et de l’accompagnement dans la rénovation thermique. L’arrivée de nouveaux opérateurs aux côtés des opérateurs historiques est indispensable à cette aune. Un travail de qualification est mené pour faire face à la problématique liée au modèle économique. Cet accompagnement est-il correctement financé ? Différents niveaux de prise en charge de la prestation d’accompagnement seront proposés dans les prochaines semaines. Je confirme la réception de la demande invitant à rehausser ces forfaits afin de les convertir en accompagnement de qualité pour les ménages. Le paramétrage des aides est également étudié et fera l’objet de propositions de la part de mes collègues, Messieurs Olivier Klein et Christophe Béchu, et moi-même.

Je souhaite notamment que l’on travaille sur la question du reste à charge zéro, a minima pour les ménages les plus modestes, et d’une prise en compte des financements. Pour les autres ménages, il convient de bien accompagner l’avance financière, si c’est possible. Vous avez ainsi formulé plusieurs suggestions dans votre propos liminaire sur le prêt avance rénovation et sur la possibilité de le déplafonner. La position n’est pas arrêtée à ce stade, mais l’objectif doit être, collectivement de réduire au maximum la facture pour les ménages les plus modestes, et de sécuriser leur accompagnement. Pour les autres ménages, il convient de leur permettre de financer leurs travaux dans la durée, et non immédiatement, et de leur proposer des modèles de financement privés, dans un cadre public-privé qui fonctionne avec les banques. Tel est l’enjeu du dispositif éco-PTZ et de la combinaison de l’offre MaPrimeRénov’ et éco-PTZ.

Pour les copropriétés, comment débloquer les financements et faciliter le passage à l’acte ? Nous n’avons pas, à ce stade, prévu de « fonds tours », mais je pense que cette idée a déjà été soumise à mon collègue, Olivier Klein. En tout état de cause, là aussi, un travail est mené au ministère de la ville et du logement pour intégrer les copropriétés dans le dispositif. Il porte à la fois sur la décision, sur la question du mécanisme de la décision, sur la question des modalités de financement et sur le déblocage des crédits.

Concernant la programmation pluriannuelle, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », prévoit que la loi de programmation énergie-climat établisse des trajectoires pluriannuelles. Je serais surprise si cette dimension ne figurait pas dans la proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale et au Sénat. Dans les groupes de travail lancés, donner de la visibilité aux acteurs dans le cadre de certaines grandes actions fait partie des réflexions menées, sachant que le travail du projet de loi de finances est d’établir une vision budgétaire et la perspective de programmation des dépenses. Cependant, sécuriser une filière dans la réalisation de grandes actions, menées en appui de notre programme pluriannuel de l’énergie, me paraît assez fondé.

S’agissant du contexte des aides, comment le budget intervient-il en soutien pour encourager et reprendre toutes les actions de notre politique énergétique au service de trois objectifs : défendre notre souveraineté énergétique pour baisser notre dépendance, fournir une énergie à un prix abordable et encourager la production ? Il faut d’abord s’accorder sur la stratégie énergétique, objet des travaux que nous avons lancés. Il convient ainsi de se mettre d’accord sur le diagnostic relatif à notre positionnement énergétique. Les données dont nous disposons mettent en lumière le mur énergétique auquel nous serons confrontés en 2030, en 2050 et après 2050.

Après 2050, la situation ne sera pas stable. Il faudra continuer à s’interroger sur les modalités de production, puisque les réacteurs nucléaires arriveront, assez mathématiquement, en fin de vie. À quelle échéance ? Je l’ignore, mais on parle d’une capacité de production qui, suivant les années, varie entre 280 et 400 térawattheures, soit un écart conséquent.

De manière plus large, il convient de prendre en compte l’ensemble de notre système énergétique, afin de définir ce que l’on fait pour remplacer la variable gaz et la variable carburant, qui représentent l’essentiel de nos émissions de gaz à effet de serre dans notre mix énergétique. Quel est le programme mis en place pour produire de la chaleur renouvelable, du biogaz, des énergies renouvelables dans toute leur diversité ? On parlait de géothermie, d’éoliennes terrestres, marines et photovoltaïques et d’énergie nucléaire avec des échéances de nature différentes. Une décision qui serait prise aujourd’hui dans l’optique d’une production d’électricité avant 2030 ne peut concerner que le photovoltaïque, l’éolien terrestre et le biogaz, ou porter sur l’amélioration du fonctionnement de notre production nucléaire existante. Après 2030, une décision pourrait être prise aujourd’hui pour connecter de l’éolien marin sur notre réseau, puis du nucléaire. Il est nécessaire de bâtir simultanément le plan avant 2030 et le plan post 2030.

S’y ajoutent plusieurs enjeux majeurs. Comment accompagnons-nous la baisse de notre consommation d’énergie, en matière de sobriété énergétique ? Comment intégrer les incitations dans notre modèle d’accès à l’énergie ? Comment flexibilisons-nous nos besoins d’énergie, sujet également important ? Plus nous serons en mesure de flexibiliser notre consommation d’énergie, plus nous serons capables de produire sur notre territoire, plus les prix baisseront. Le premier levier de baisse des prix est d’être en capacité de produire de l’énergie à coût compétitif. Le mix énergétique nous le permet : les productions d’énergie photovoltaïque, d’éolien terrestre, d’éolien marin et d’énergie nucléaire sont compétitives. Nous devons en outre être capables de flexibiliser, c’est-à-dire de reporter une consommation ou d’interrompre pendant 20 minutes le chauffage dans un bâtiment qui a de l’inertie, parce qu’il a été rénové thermiquement.

Nous sommes en fait capables d’écraser la volatilité des prix du marché dès lors que nous sommes en pleine maîtrise de tout notre système énergétique. C’est vers cet objectif que nous devons tendre. Dans cette optique, il est important d’avoir une visibilité budgétaire sur les différents leviers dont nous disposons, à l’image du « fonds Chaleur », de la valorisation des appels à projets sur de nouvelles énergies. Vous avez raison d’affirmer que les énergies renouvelables sont plutôt contributives au financement de notre budget. Toutefois, il est nécessaire d’accompagner la maturité de la filière de l’éolien flottant et donc de consacrer des financements au portage de ces modèles. Ces démarches auraient vocation effectivement à s’inscrire dans une vision plus globale de la compréhension de notre politique énergétique.

Cet enjeu va de pair avec les investissements technologiques sur les prochaines générations de réacteurs dans le secteur nucléaire, sur la question des déchets et sur une vision complète des réseaux, puisqu’aujourd’hui, les réseaux s’appuient sur le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE). Ces derniers vont devoir être rebâtis dans les années qui viennent, ce qui suppose des niveaux d’investissement considérables. Il convient donc certainement d’instiller une notion de résilience dans le programme 345. De quelle manière, sachant que certains financements sont portés par l’entreprise EDF, et d’autres par l’actionnaire qu’est l’État, par le budget, par les charges de service public de l’énergie (CSPE) ou par le TURPE ?

Quant au cadre européen, je souhaite dire quelques mots sur la réforme du marché de l’électricité. Le texte présenté par la Commission européenne vise en particulier trois objectifs. Le premier objectif est de mettre en place des contrats de long terme, pour lutter contre la volatilité. Il s’agit soit de contrats par différence, c’est-à-dire le système qui existe aujourd’hui sur les énergies renouvelables, soit des contrats privés de gré à gré, mais qui donnent aussi une visibilité de long terme. Ces derniers contrats permettent d’écraser la volatilité, mais sont probablement des contrats plus destinés à des acteurs sophistiqués de type hyper électro-intensif ou électro-intensif. Ils valorisent non seulement l’accès à de l’électricité abondante, mais aussi leur capacité à effacer et à avoir des profils de consommation qui vont dans le sens contraire des pics de consommation. Enfin, il existe un système de protection du consommateur, un système prudentiel obligeant le fournisseur à avoir une couverture prudentielle, et à montrer qu’il a pris des contrats à long terme, de façon à garantir sa capacité à livrer de l’électricité sur le long terme. Il en découle différents sujets, notamment sur le rôle de l’autorité de régulation, pour lequel nous avons des propositions à faire : des discussions sont en cours entre les différents États membres. La prochaine réunion est programmée le 19 juin, afin de définir une orientation globale des États membres, ce qui permettrait ensuite d’engager le trilogue au cours du deuxième semestre 2023. Parallèlement, le Parlement européen a déjà démarré ses travaux avec des votes en commission qui sont prévus en juillet et un vote final en septembre, lui permettant ainsi d’aborder le triologue.

M. le président Éric Coquerel. Avec le ferroviaire, la question de la rénovation énergétique est un peu un des autres piliers d’une bifurcation écologique et s’avère absolument indispensable. C’est l’un des derniers débats que nous avions eus lors du projet de loi de finances 2023, l’augmentation des crédits alloués à MaPrimeRénov’ ayant été votée par toutes les oppositions en séance.

Pour reprendre la logique qui avait été celle de François Jolivet dans son rapport sur l’Anah, la question ne porte pas tant sur le nombre de rénovations dans le cadre MaPrimeRénov’, mais sur leur qualité. Si une chaudière est rénovée à l’intérieur d’un bâtiment catastrophique en termes d’isolation thermique, cette rénovation ne servira à rien. Tel est le principal problème à mes yeux. Il faut mener le nombre de rénovations de bâtiments nécessaires au regard des questions environnementales.

Par ailleurs, il faut s’interroger sur la nécessité de différencier le type d’aides. Selon les plafonds de ressources, il faudrait peut-être aborder la question des prêts. Il n’y a pas vraiment de raison d’attribuer des subventions à tous les propriétaires. La piste du prêt étalé dans le temps, avec un remboursement au moment de la revente, me semble constituer une piste intéressante, de façon à aider un peu plus ceux qui en ont vraiment besoin. Autant l’État peut être le garant d’un prêt, autant on peut s’interroger sur l’octroi d’une subvention dans ce cadre.

S’agissant de la poursuite des efforts en matière de réduction de délais d’instruction et de paiement et de lutte contre la fraude, cette question est corrélée à celle des effectifs chargés de ces missions. Dans le cadre du « fonds Chaleur », les personnels de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) indiquaient qu’en raison de l’insuffisance des effectifs, ils avaient l’impression de travailler dans un guichet recevant la demande, mais avec peu de possibilités de contrôle ou d’orientation. Pour mieux contrôler et mesurer les gains réalisés, la question des effectifs est fondamentale, de sorte qu’ils puissent assurer ces démarches de manière indépendante. Tout le monde s’accordera sur ce point. De même, l’État doit établir une planification pluriannuelle du financement de la rénovation énergétique.

Sur la question de l’énergie, je considère qu’il faut sortir l’énergie du marché, notamment des règles du marché européen avec l’alignement sur le prix du gaz. Nos collègues nous parlent de maintenir le régime des tarifs réglementés des particuliers, qui a été l’occasion d’un débat lors d’une proposition de loi. À mon sens, ce dispositif ne doit pas concerner uniquement les particuliers, mais doit être élargi aux très petites entreprises (TPE), aux petites et moyennes entreprises (PME), aux commerces, aux collectivités territoriales et aux bailleurs sociaux. En effet, l’augmentation des charges est une véritable catastrophe pour les locataires.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’ai trouvé ce rapport particulièrement intelligent dans ses recommandations. Le dispositif MaPrimeRénov’ a souffert de quelques défauts de jeunesse, désormais derrière nous. Ils se sont traduits par un taux d’exécution de 84 %, que l’on peut améliorer. Les rénovations complètes restent assez faibles, alors que la fraude est maintenant traitée. Cela va dans le bon sens. Ce dispositif est un succès, touchant en particulier les ménages modestes à hauteur de 84 %. Comment accélérer encore sur les rénovations complètes que nous appelons tous de nos vœux ?

En outre, il apparaît que le bouclier a tenu ses promesses et a permis de protéger nos concitoyens ainsi que les collectivités territoriales. Cela représente plus de 30 000 mairies, quelques centaines de milliers d’entreprises. Je constate que certains, à l’origine réticents, souhaitent maintenant étendre ce dispositif. L’autofinancement, qui ne s’élève pas à 100 %, a permis de récolter 15 milliards d’euros, ce qui est absolument essentiel pour l’équilibre global de nos budgets. Cependant, les effets de fluctuation sur le prix de l’électricité pour nos entreprises sont absolument incompatibles avec la stratégie de réindustrialisation de notre pays. Le drame vécu cette année avec certaines entreprises, couvertes sur un contrat de trois ans, a conduit à des inégalités et des écarts. Je sais que ce marché est ouvert, mais certains mécanismes permettent d’éviter ces effets de fluctuation.

M. Daniel Labaronne (RE). Notre majorité a fait le choix, dès la mandature précédente, d’augmenter considérablement les moyens dédiés à la transition écologique. Les rapporteurs ont évoqué l’exemple de MaPrimeRénov’. Par rapport au CITE utilisé par la majorité de gauche, MaPrimeRénov’ est plus juste socialement, bénéficiant en très grande majorité aux ménages modestes et très modestes, et constitue une aide bien plus massive, à la fois financièrement avec un budget qui atteindra 2,5 milliards d’euros, et en nombre de rénovations, avec un record de 670 000 rénovations aidées en 2022 avec des gestes plus efficaces.

Cela illustre plus généralement une leçon pour notre politique économique, qui doit nous inspirer pour les années à venir : stimuler la croissance et réduire les dépenses inefficaces permet de dégager des moyens beaucoup plus importants pour la transition écologique. Les rapporteurs sont revenus sur la manière d’améliorer MaPrimeRénov’ et la compléter par des instruments financiers nouveaux. Au-delà du soutien à la demande de la rénovation énergétique, comment pouvons-nous garantir que nous disposons d’une offre de qualité pour aller vers davantage de rénovations globales ?

Par ailleurs, pourquoi le prêt avance rénovation est-il sous condition de ressources ? Ne pourrions-nous pas envisager de lever cette condition, puisque c’est un prix hypothécaire passé entre une banque et quelqu’un qui dispose d’un bien immobilier : ne pourrait-on pas laisser le marché libre jouer là-dessus ?

Enfin, les rapporteurs sont revenus sur les dispositifs permettant d’apporter des protections aux ménages, aux entreprises face à l’explosion des prix. Les études réalisées notamment par le centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), montrent qu’ils ont été beaucoup plus efficaces macro-économiquement que les alternatives proposées par certains, notamment par rapport à l’indexation sur les salaires. Ils ont abouti à moins d’inflation et plus d’activité.

Les rapporteurs sont revenus sur les évolutions structurelles à apporter pour réformer la formation des prix de l’électricité. Quelles sont les évolutions dans les prochains mois que vous envisagez sur ces dispositifs ?

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Concernant MaPrimeRénov’, je dois saluer votre positionnement, Madame la ministre, puisque vous travaillez sur le reste à charge zéro pour les ménages modestes, et sur les prêts bancaires, afin de lever les difficultés actuelles pour emprunter. Pour le coup, nous sommes plutôt agréablement surpris.

Sur la rénovation complète, sachant que le reste à charge, quelles que soient les catégories, les déciles, est beaucoup plus important, devons-nous nous attendre à un renforcement des crédits alloués à MaPrimeRénov’ à l’automne dans le PLF pour 2024 ? Quant aux critères d’appréciation de ce que serait un ménage modeste, ma peur serait que l’on concentre peut-être un peu trop les aides sur des ménages très modestes, comme c’est actuellement le cas aujourd’hui pour les bonus écologiques et les primes à la conversion pour les voitures. Ces dispositifs s’arrêtent au salaire minimum de croissance (SMIC). Dès qu’un ménage se trouve à 20 euros au-dessus du SMIC, les aides chutent assez vite. Au regard de l’inflation, néanmoins, une personne gagnant 1 400 euros peut être considérée comme modeste. Avez-vous déjà discuté des seuils et d’une plus grande progressivité des aides ?

Ensuite, je serai moins enthousiaste concernant le marché européen de l’électricité, ce qui ne vous étonnera pas. J’ai été quand même assez surprise de voir l’écart de prix (spread) de l’automne sur le marché de l’électricité, notamment la différence entre l’Allemagne et la France. Le marché est plus cher en France, alors que le coût de production de l’électricité y est moindre qu’en Allemagne. Le prix de marché n’est plus du tout construit en fonction des coûts de production réels, mais des vulnérabilités. Nous avons effectivement besoin de faire des économies, mais après avoir écouté Monsieur Darmayan de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) nous dire tout le mal qu’il pensait du marché, on ne comprend pas comment on peut se satisfaire d’une solution soumettant de nombreuses TPE-PME, des centaines de milliers d’acteurs économiques à la volatilité du marché, alors que de grands groupes bénéficieraient d’un contrat spécial de droit privé avec des tarifs préférentiels. Ce dispositif serait finalement garanti par la puissance publique, et par EDF en définitive, tant en termes de production qu’en termes d’équilibre du réseau. Les fédérations de TPE-PME craignent de se diriger vers un monde de plus en plus inégalitaire économiquement.

Mme Véronique Louwagie (LR). Concernant MaPrimeRénov’, Madame la ministre, vous êtes satisfaite de l’évolution du nombre de dossiers et de la simplification, évoquant notamment une stabilisation au niveau de l’Anah. Le problème devrait être traité à la racine. Les marges d’amélioration sont toutefois extrêmement importantes, Nous avions déjà abordé ce sujet lors de l’examen du PLF. Le ministre en charge des comptes publics avait expliqué que le dispositif allait être amélioré, mais nous ne constatons pas d’amélioration importante dans le traitement des dossiers.

Plusieurs exemples le démontrent. Un usager, dont le revenu fiscal de référence était erroné, a tenté de modifier l’information auprès du service’instructeur. Il a finalement renoncé, réalisant ses travaux sans avoir recours au dispositif MaPrimeRénov’. Un autre dossier, complet depuis un an, fait l’objet d’un second contrôle. La personne est toujours en attente de paiement. Il existe d’autres dossiers de cette nature.

Nous sommes très loin de l’objectif fixé pour MaPrimeRénov’, 80 000 logements sortis du statut de passoire thermique. Selon un rapport du Sénat, seuls 2 100 logements en sont sortis, soit 3 % de l’objectif. Quant à l’éco-prêt à taux zéro, l’échec est également patent. 130 prêts seulement ont été accordés depuis sa création, alors que ce dispositif pourrait concerner tous les bailleurs et les occupants qui sont dans un logement depuis deux ans pour financer des travaux. 12 % des Français sont en situation de précarité énergétique et 27 % d’entre eux éprouvent des difficultés pour payer leur facture d’énergie. Pourquoi ce dispositif ne fonctionne-t-il pas ? Il est probablement trop coûteux et exige des garanties probablement trop importantes. C’est un vrai enjeu.

Mme Marina Ferrari (Dem). Concernant le maintien en l’état du calendrier d’interdiction de location des logements dits « passoires thermiques », il demeure des interrogations aujourd’hui sur l’échéance de 2025, puisqu’elle approche pour les logements classés G. Il en découle des inquiétudes à la réalisation de ce chantier d’ici cette échéance.

Ma deuxième question porte sur les remontées de terrain qui ont fait état de difficultés rencontrées sur le traitement de certains dossiers avec l’Anah, concernant notamment les copropriétés, puisqu’en 2022, seules 523 copropriétés ont été traitées dans leur intégralité, pour 25 000 dossiers. Quelles mesures pourriez-vous mettre en œuvre ?

Une question se pose quant au déploiement de France Rénov et à l’augmentation du nombre de guichets physiques et du nombre d’opérateurs Mon Accompagnateur Rénov’. Vous avez parlé de visibilité, sujet qui inquiète plus particulièrement les collectivités : est-il possible d’envisager une rebudgétisation des lignes et de sortir du programme Sare (service d’accompagnement pour la rénovation énergétique), qui a été prolongé pour un an, afin d’assurer une rebudgétisation et de donner de la visibilité à nos collectivités, qui sont très engagées ?

Enfin, concernant le volet de l’évaluation des aides économiques, et en particulier le soutien aux entreprises, dans leurs principales recommandations, les rapporteurs spéciaux indiquent qu’il est nécessaire d’obtenir un tarif de gros pour les contrats de long terme. Où en sont les négociations actuelles entre EDF et certaines industries électro-intensives ? J’ai par ailleurs été alertée sur ce sujet par les salariés de l’entreprise Trimet en Savoie, un de nos fleurons industriels.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Certes, les moyens alloués à MaPrimeRénov’ sont en hausse, mais ils ne représentent qu’un tiers du niveau nécessaire pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050, alors que l’accélération du changement climatique ne nous permet malheureusement pas de demeurer dans cette demi-mesure. Vous m’opposerez probablement le nombre important de dossiers de rénovations financés, mais les aides restent trop largement concentrées sur les propriétaires de maisons et sur les travaux partiels, les fameux mono-gestes. Vendredi dernier, à l’Agence locale Énergie Climat du Pays de Rennes, on me rapportait cet effet un peu pervers de MaPrimeRénov’, qui incitait plutôt les gens à faire des mono-gestes, sur lesquels il faut parfois revenir en arrière. En l’occurrence, il convient de travailler sur ce point et de privilégier des rénovations complètes, certes plus chères, en ciblant davantage les foyers, via le reste à charge zéro. Sinon, le risque est de passer à côté de l’essentiel. La sobriété solidaire est la seule ambition possible que nous devons viser pour assurer une indépendance énergétique et lutter réellement contre le changement climatique.

Aussi, nous appelons, Madame la ministre, à vraiment travailler sur ce reste à charge zéro et à consacrer plus de moyens à cette ambition. Les moyens que nous ne déployons pas aujourd’hui devront l’être plus tard.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je reviens aussi sur le dispositif MaPrimeRénov’, ayant entrepris un travail au niveau local sur cette question de la rénovation dans les centres des petites villes et des villages. Parmi les sujets remontés, on peut mentionner le thème de l’amélioration au droit. Il existe un guichet unique, mais il faut aussi aller chercher les personnes concernées. Le non-recours aux droits est une question extrêmement importante.

Un autre thème remonté porte sur le regroupement des financements. Il existe un acquis de financement entre les collectivités et l’État, mais il convient d’ordonnancer cet ensemble. La territorialisation des aides à la rénovation doit aussi être prise en compte, car une rénovation ne s’opère pas de la même manière dans un centre de village et dans l’ancien. Enfin, la dissociation du bâti et du foncier pourrait, sur les centres-villes anciens, en zone non tendue, permettre d’entreprendre des projets de rénovation globale dans le cadre de certains projets.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le président, vous mentionnez la question de la qualité de la rénovation, qui revient à plusieurs reprises. Les 2 500 logements sortis du statut de « passoires thermiques », selon le rapport du Sénat, bénéficient du bonus de soutien, mais il ne s’agit pas nécessairement de tous les logements sortis du statut de passoire thermique. En fait, il faut entreprendre un diagnostic d’un montant de 1 000 euros pour bénéficier de ce bonus. Or un certain nombre de logements dont nous savons qu’ils sont sortis du statut de passoire thermique ne font pas cet exercice. L’évaluation des rénovations permettant de sortir du statut de passoire thermique se situe plutôt autour de 70 000 à 80 000 logements, ce qui ne signifie pas pour autant que cela correspond à la trajectoire de baisse des émissions carbone pour tenir nos objectifs climatiques 2050.

Néanmoins, et c’est une question qui est assez récurrente dans vos différentes prises de parole et que nous partageons, comment faire en sorte d’avoir une incitation à réaliser deux, trois, quatre gestes efficaces, afin d’éviter les effets rebonds ? Sur ce premier pilier, nous allons faire évoluer les curseurs pour éviter les mono-gestes. Comment rendre plus accessible la rénovation globale, qui permet définitivement de sortir du statut de passoire thermique ? Il faut étudier les moyens de renforcer l’accompagnement. Lors de la discussion budgétaire sur ce sujet-là au moment du projet de loi de finances, les curseurs seront amenés à évoluer, aussi bien au niveau du reste à charge, des ménages modestes et du niveau d’accompagnement. En tout état de cause, nous partageons le diagnostic et la nécessité de faire évoluer les curseurs, mais il faut tenir compte de la notion de trajectoire des finances publiques.

L’objectif est de mettre le pied à l’étrier des ménages. Les plus modestes n’ayant pas des revenus réguliers, ont des difficultés à trouver des financements. Certes, les personnes rémunérées au Smic ne vivent pas très confortablement, mais elles peuvent se prévaloir d’avoir un revenu régulier et d’avoir un contrat de travail, ce qui peut être rassurant à l’aune des financements bancaires, type éco-PTZ. Il nous semble important aussi de proposer des systèmes de financement associant argent public et argent privé.

Monsieur le président, vous disiez qu’il n’était pas absurde que les subventions soient concentrées sur les ménages qui en ont le plus besoin et qu’en revanche, des incitations ne reposant pas forcément sur l’argent public soient prévues pour les autres ménages. Comment faire ?

La problématique des délais d’instruction ne m’a pas échappé. Je reçois également de nombreux courriers à ce sujet et j’y réponds régulièrement. En tout cas, je les transmets systématiquement à la directrice de l’Anah. J’ai mis en place un suivi régulier de ces dossiers qui ont été signalés pour m’assurer que des solutions ont été trouvées. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, les systèmes d’information n’étaient pas adaptés et les changements étaient très difficiles à faire. Cela peut expliquer certains blocages par le passé, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Nous renforçons les effectifs, comme cela a également été demandé. Nous demandons que les effectifs soient renforcés d’environ 200 ETP au sein de l’Anah. Ce sujet fera l’objet d’arbitrages interministériels. Il sera présenté début octobre, puis vous vous en emparerez pour faire vos propres propositions.

Concernant la question du marché européen de l’électricité, je m’inscris en faux sur l’existence d’une corrélation aujourd’hui avec les prix du gaz. Ce n’est pas le principal élément du prix de l’électricité. Ce n’était d’ailleurs pas le cas au mois de septembre, lorsque les prix se sont envolés. Le sujet de la perception du risque de difficultés de fournitures est le principal élément explicatif. Au cours du premier semestre 2022, le prix du gaz a fait augmenter les prix du marché de l’électricité, puis, au deuxième semestre 2022, les prix que nous avons connus et le pic enregistré au début de l’année 2023 étaient liés à l’appréhension qu’avait le marché sur la quantité d’électricité livrée par EDF du fait des tensions sur son système de production nucléaire. L’enjeu d’augmenter la production de notre parc nucléaire en améliorant son excellence opérationnelle et en réalisant plus rapidement les maintenances est un facteur clé de détente du prix du marché de l’électricité en France.

De même, vous avez raison de le souligner, la sobriété et le fait d’avoir prouvé que nous étions capables d’effacer jusqu’à sept gigawatts de puissance, soit l’équivalent de sept réacteurs moyens en France, ont immédiatement contribué à détendre le prix du marché. Le 12 décembre, le pic de consommation a été moins élevé de 7 gigawatts que ce qu’il aurait dû être dans le cadre d’une situation météo équivalente les années précédentes. Dès le lendemain, le prix a commencé à descendre parce que nous avons fait la démonstration de la résilience de notre système. C’est un élément essentiel si on veut maintenir les prix de l’électricité à des niveaux corrects. Outre le coût de notre mix électrique, notre capacité à effacer et à faire face à des pics de puissance est fondamentale.

Le texte de la Commission européenne, mis ce jour sur la table, prévoit de créer des instruments qui permettent d’avoir des prix à long terme. Plus les prix seront fixés à long terme, plus ils seront proches de la réalité du coût de revient du mix électrique. C’est notre objectif : éviter d’être affectés par la volatilité liée à des situations particulières de marché et de prix d’énergies fossiles qui remontent, de risques de ruptures ou de surprimes de risque. Le système de contrat par différence est un système de régulation qui garantit aux fournisseurs et aux consommateurs un niveau de prix dans la durée. Ce prix est établi en fonction des coûts de revient : il est distribué de manière homogène sur l’ensemble des consommateurs. Personne ne bénéficie donc d’un avantage par rapport aux autres.

Pour les fournisseurs alternatifs, la régulation prévoit une couverture prudentielle qui les oblige à couvrir leurs prix et à avoir acheté par anticipation, s’ils ne sont pas capables eux-mêmes de produire l’électricité qu’ils mettent sur le marché. Ils doivent avoir acheté une certaine quantité d’électricité avec une maturité longue, pour les obliger à être en situation de fournir leurs clients et à ne pas se retirer du marché au dernier moment. Ce sont deux mécanismes présentés dans le texte de la Commission européenne.

Vous soulevez en creux la question des TPE et des ménages. En France, les TPE bénéficient du tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVe) si elles sont équipées d’un compteur de moins de 36 kilovoltampères (kVA). Ce dispositif bénéficie ainsi à des centaines de milliers d’entreprises. Notre intention n’est pas de remettre en cause ces tarifs réglementés, lesquels sont aussi liés à l’évolution du marché. Lors de la crise traversée en 2022, le « bouclier » et « l’amortisseur » ont permis de limiter l’augmentation des prix auxquels ont dû faire face les ménages et les TPE, et non le tarif réglementé. Au niveau européen, l’Espagne propose un prix d’électricité moins élevé, mais c’était déjà le cas en avril 2021. Sinon, si l’on considère les prix aux Pays-Bas, en Belgique, au Royaume-Uni, en Allemagne, et en Italie, ils s’avèrent plus élevés pour les ménages qu’en France. Pour les entreprises, il existera nécessairement différentes catégories de contrats, comme actuellement. EDF peut proposer des contrats long terme pour certaines entreprises, mais ces consommateurs présentent des spécificités de consommation qui leur permettent d’apporter de la résilience au réseau. C’est aussi notre objectif. En concluant des contrats sur le long terme, ils renforcent aussi la stabilité dans les prix du marché.

Pour vous répondre, Mme la députée Marina Ferrari, les discussions entre EDF et les entreprises se poursuivent. Je suis régulièrement en contact avec les deux parties. Je crois néanmoins comprendre qu’il existe un chemin.

Plus vous donnez de signaux de long terme, plus il sera possible de fixer le coût des contrats en fonction des coûts de production, plus nous serons effectivement en capacité de parvenir à cette stabilité. La composante électricité du « bouclier » se situe, à dix euros près, au prix de notre mix électrique français, ce qui signifie que les mécanismes déployés en 2022, certes un peu conséquents, ont permis une reconstitution un peu frustre de ce que l’on prévoit de faire dans la réforme du marché de l’électricité. D’une part, on donne de la visibilité au prix, d’autre part, on récupère éventuellement les surprofits que l’on redistribue.

S’agissant du dispositif Sare, les financements postérieurs à 2024 ont été confirmés. J’ai écrit en ce sens aux élus. Concernant le non-recours aux droits, des points physiques ont été déployés, y compris les maisons France services, pour appuyer le dispositif MaPrimeRénov’. Il y a probablement d’autres actions à mener. J’ai peut-être quelques idées, mais je ne les évoquerai pas ici. Enfin, s’agissant de la dissociation entre bâti et foncier, je ne saurais pas vous répondre précisément parce qu’à titre personnel, je n’ai pas analysé ce point.

M. Emmanuel Lacresse, rapporteur spécial. Le débat d’aujourd’hui ne porte pas sur une loi de programmation énergétique. Nous débattons fondamentalement d’un système de prélèvement. Cet hiver, on nous demandera probablement de nous prononcer sur un nouveau système de prélèvement. Jusqu’à présent, dans le cadre de la directive du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité, nous procédions au fil de l’eau, au fil du mécanisme marché. Nous constations que les prix du nucléaire étaient fondamentalement assez inférieurs à ceux de l’énergie décarbonée d’origine éolienne et solaire. Nous devrons maintenant décider de manière volontariste entre deux grands systèmes. La conception du marché (market design) fera que le système des énergies renouvelables devra se développer avec un soutien volontariste en matière de recherche, mais surtout en matière de réseau de transport. Sans ce réseau de transport et donc un effort budgétaire, nous ne parviendrons pas à soutenir les objectifs d’une augmentation de la consommation d’électricité. ’

En deuxième lieu, le sujet est celui du prélèvement sur le nucléaire, c’est-à-dire l’Arenh. Si on intègre dans le mécanisme de formation des prix que demandera EDF – c’est-à-dire le prix cible que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) finira par fixer- –, tous les investissements pour le nouveau nucléaire et les EPR, les tarifs deviendront beaucoup trop élevés pour notre industrie. Il nous appartiendra probablement d’en rediscuter ici le moment venu.

M. David Amiel, rapporteur spécial. Je remercie Madame la ministre pour la clarté de ses réponses. Je tiens à rappeler l’utilité de ce Printemps de l’évaluation, qui nous permet aussi d’avoir un moment utile de réflexion collective sur des enjeux importants, en préparation notamment du projet de loi de finances. Je retiens aussi de nouvelles pistes depuis les débats de l’année précédente. Je pense notamment à l’accent à mettre sur les rénovations globales, à l’ambition d’arriver à un reste à charge zéro pour les plus précaires et aux instruments nouveaux à mettre en place pour réduire le reste à débourser pour les classes moyennes et intermédiaires. J’ai fait une proposition en ce sens, mais vous avez raison de souligner, Madame la ministre, qu’il y en a de nombreuses autres sur la table. En conclusion, ces moments-là permettent de définir en commun un diagnostic et des objectifs, et donc d’avancer de manière utile en prévision des prochains textes financiers.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de MM David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Agence nationale de l’habitat (Anah)

– Mme Valérie Mancret‑Taylor, directrice générale et M. Antonin Valière, chargé de relations institutionnelles.

Mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments

– M. Simon Huffeteau, coordinateur interministériel.

Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE)

– Mme Béatrice Sedillot, cheffe du service des données et études statistiques (SDES) au sein du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Banque des territoires

– MM. Olivier Sichel, directeur général délégué du groupe Caisse des dépôts, directeur de la banque des territoires, Gil Vauquelin, directeur de la transition énergétique et écologique en charge du plan de relance, Pierre Laurent, responsable du département développement à la direction des prêts et Mme Selda Gloanec, conseillère en relations institutionnelles.

Cour des comptes

– Mmes Catherine Périn, présidente de section, Souad Elgnaoui, conseiller référendaire, Fanny Tejedor, conseiller référendaire en service extraordinaire et M. Vindent Dedrie, auditeur.

Électricité de France (EDF)

– MM. Marc Benayoun, directeur exécutif groupe en charge du pôle clients, services et territoires et Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques.

Électricité de France – Obligation d’achat (EDF-OA)

– M. Fabrice Noilhan, directeur clients-marchés et gestion des actifs gaziers, Mme Anne Malot, cheffe de service mission obligations d’achat et Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques.

Direction générale des entreprises (DGE)

– Mme Orianne Chenain, sous‑directrice des matériels de transport, de la mécanique et de l’énergie et Mme Inès El Yakhlifi, chargée de mission compétitivité de l’énergie.

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

– M. Laurent Michel, directeur général.

Commission de régulation de l'énergie (CRE)

– Mme Emmanuelle Wargon, présidente, et MM. Théo Cladière, chef de projet de la cellule boucliers tarifaires et Aodren Munoz, chargé des relations institutionnelles.

Direction générale du Trésor

– M. Stéphane Sorbe, sous‑directeur des politiques sectorielles et Mme Nina Ganchou, adjointe au chef de bureau transports et énergie.

Direction des affaires financières du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

– MM. Vincent Moreau, directeur des affaires financières et Stéphane Prunier, chef du bureau de la synthèse budgétaire.

Cabinet du ministère de la transition énergétique

– M. Pierre Jérémie, directeur de cabinet adjoint, Mmes Roxane Mestrius, conseillère budgétaire, fiscale et aide publique à la rénovation énergétique et Célia Agostini, conseillère en charge des relations avec le Parlement.

 

Réponses aux questionnaires :

– Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF)*

– Fédération des entreprises de boulangerie (FEB)*

 

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* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Créé par l’article 15 de la loi  2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, le régime de l’aide est également encadré par le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 et l’arrêté du 14 janvier 2020 relatifs à la prime de transition énergétique.

([2]) Article 2 de l’arrêté du 29 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique.

([3]) Article 1 du décret n° 2023-416 du 30 mai 2023 modifiant le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique.

([4]) En incluant les crédits du programme 174 Énergie, climat et après-mines et ceux du programme 362 Écologie.

([5]) MaPrimeRénov’, MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov’ Copropriétés.

([6]) Table ronde sur les fraudes à la rénovation énergétique organisée le 12 avril 2023 par la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

([7]) Article 2 du décret du 30 mai 2023 modifiant le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique.

([8]) Article 3 du même texte.

([9]) Décision de la Défenseure des droits n° 2022-199 du 14 octobre 2022.

([10]) Audition de la Défenseure des droits organisée le 13 avril 2023 par la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

([11]) Articles L. 232-1 à L. 232-3 du code de l’énergie.

([12]) Depuis le 1er avril 2023, les dispositifs de chauffage fonctionnant principalement aux énergies fossiles sont exclus du forfait « rénovation globale ».

([13]) Cumul de plusieurs dispositions : forfait rénovation globale de MaPrimeRénov’, dispositifs MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov’ Copropriété.

([14]) Hausse des prix et difficultés d’approvisionnement chez les artisans du bâtiment, CAPEB et Xerfi, janvier 2023.

([15]) Articles L. 231-11 et L. 261-11-1 du code de la construction et de l’habitation.

([16]) Article L. 315-2 du code de la consommation.

([17]) Article L. 221-7 du code l’énergie.

([18]) Article 244 quater U du code général des impôts et articles D. 319-1 à D. 319-51 du code de la construction et de l’habitation.

([19]) Décret n° 2022-454 du 30 mars 2022 relatif aux avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation ayant ouvert droit à la prime de transition énergétique.

([20]) Annexe de la circulaire du 9 décembre 2022 relative aux plafonds de ressources applicables en 2023 à certains bénéficiaires des subventions de l’Anah (NOR : TREL2235366C).

([21]) Article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

([22]) Délibération n° 2022-27 du 27 janvier 2022.

([23]) Délibération n° 2022-272 du 3 novembre 2022.

([24]) Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du gaz naturel.

([25]) Décret n° 2022-1430 du 14 novembre 2022 modifiant le décret n° 2022-514 du 9 avril 2022.

([26]) Décret n° 2022-1762 du 30 décembre 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel en 2023.

([27]) Logements-foyers, résidences universitaires et résidences services, lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, centres d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale.

([28]) Casernes de gendarmerie, établissements hébergeant des personnes âgées (EHPAD) ou handicapées, logements en intermédiation locative, logements mobilisés pour l’accueil de personnes défavorisées visés à l’article L. 265-1 du code de l’action sociale et des familles.

([29]) Organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires visés à l’article L. 265-1 du code de l’action sociale et des familles, structures de l’aide sociale à l’enfance, établissements de la protection judiciaire de la jeunesse.                

([30]) Article L. 337-7 du code de l’énergie.

([31]) Décret n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix de l’électricité pour 2023.

([32]) Décret n° 2022-423 du 25 mars 2022.

([33]) Décrets n° 2022-967 du 1er juillet 2022, n° 2022-1250 du 23 septembre 2022, n° 2022-1279 du 30 septembre 2022 et n° 2022-1575 du 16 décembre 2022.

([34]) C’est-à-dire les personnes morales de droit privé qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros, ainsi que les personnes morales de droit public qui emploient moins de 250 personnes et dont les recettes annuelles n'excèdent pas 50 millions d'euros.

([35]) INSEE Analyse, n° 75, La flambée des prix de l’énergie : un effet sur l’inflation réduit de moitié par le « bouclier tarifaire », 1er septembre 2022.

([36]) Des prix de vente de l’électricité aux clients professionnels attendus en forte hausse en 2023, Insee Focus, février 2023, n° 290.

([37]) Les entreprises européennes face à la crise énergétique, Rexecode, 28 février 2023.

([38]) Les charges de service public de l’énergie sont payables sur un calendrier décalé, du 1er février de l’année N au 31 janvier de l’année N+1, conformément aux dispositions de l’article R. 121-33 du code de l’énergie.

([39]) 4,129 milliards d’euros au titre du mécanisme d’achat/revente à prix asymétriques, auquel s’ajouteraient 1,92 milliard d’euros liés aux effets de la mesure sur les TRVe et 2,29 milliards d’euros en raison de l’impact sur les offres de marché d’EDF.

([40]) Les cotations de prix observées lors de la deuxième quinzaine de septembre 2022 aboutissaient aux prix suivants pour 2023 : un prix de l’électricité de 574 €/MWh pour l’année 2023 et un prix du gaz de 172,10 €/MWh pour l’année 2023.

([41]) EDF est chargé par l’État de conclure les contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération avec les producteurs qui y sont éligibles en application d’un arrêté tarifaire ou à l’issue d’un appel d’offres. EDF-OA est l’entité d’EDF qui remplit cette mission de service public.

([42]) Le niveau d’incertitude est élevé sur l’évaluation des recettes du complément de rémunération, compte tenu de la volatilité des prix de marché. On estime qu’une variation de 10 €/MWh du prix spot moyen sur 2023 a un impact de 116 millions d’euros sur les recettes.