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N° 1315

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

sur la recherche polaire

 

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Mickaël BOULOUX,
rapporteur spécial

 

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SOMMAIRE

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Pages

Principales analyses du rapporteur spÉcial

I. La recherche polaire se situe au cœur d’enjeux majeurs et diversifiÉs

A. La recherche polaire est « essentielle À la comprÉhension du changement climatique » ()

B. D’autres domaines de recherche trÈs divers

C. La recherche polaire a une portÉe au-delÀ de son intÉrÊt scientifique

II. Une pluralitÉ de financements et d’acteurs dont la rÉpartition des compÉtences suscite parfois des incomprÉhensions

A. L’IPEV : une agence de moyens essentielle

1. Une gouvernance plurielle

2. Un rôle logistique important

3. Un sous-financement chronique

a. Des recettes provenant majoritairement de la subvention pour charges de service public du programme 172

b. Une réponse a été apportée aux besoins de financement les plus urgents

c. « Un déficit de personnels » () aux lourdes conséquences, en voie d’être résorbé

B. La relation IPEV-TAAF entre doublons et incomprÉhensions

1. Les conflits de compétence entre l’IPEV et les TAAF

a. La compétence générale et de sécurité des TAAF

b. Des ambiguïtés juridiques

2. Ces conflits de compétence se traduisent au quotidien par « des doublons organisationnels, des malentendus, des coûts redoublés, des tensions » ()

a. Une situation préjudiciable à l’IPEV

b. Le point de vue des TAAF

c. La nécessité d’une évolution pour sortir de l’impasse

d. Des missions ont été lancées pour sortir de l’impasse

C. Le financement sur projets de la recherche polaire

a. Un apport financier de 61 millions d’euros en 5 ans

b. Les projets financés par les crédits du programme 172

c. Les projets financés par les crédits du plan Investir pour la France de 2030 et les PIA

D. La coopÉration europÉenne et internationale en matiÈre de recherche polaire

1. Des partenariats bilatéraux privilégiés avec certains pays

2. La recherche polaire au niveau européen

3. La recherche polaire prend place dans un contexte géopolitique tendu

III. Redonner un nouveau souffle À la recherche polaire : des urgences et des besoins À long terme

A. Les besoins globaux : « revenir dans la cour des grands » ()

1. Les moyens très limités de la France par rapport aux autres pays investis sur les enjeux des pôles : « la France fait beaucoup avec peu » ()

a. D’autres pays réalisent des investissements conséquents dans la recherche polaire

b. En comparaison, la recherche polaire apparaît sous-financée en France

2. Donner de la visibilité à la recherche polaire

a. La visibilité législative

b. La visibilité culturelle

B. Les stations : une rÉnovation urgente

1. La station Dumont-d’Urville : des bâtiments essentiels dont la rénovation doit être engagée malgré les obstacles

a. Une station côtière

b. Une rénovation nécessaire

c. Une reconstruction souhaitable

2. La station Concordia

a. Une station à l’intérieur des terres

b. Une coûteuse rénovation qui grève le budget de fonctionnement de l’IPEV

c. Un avenir incertain

C. La flotte : un manque de moyens pour la recherche polaire

1. L’Astrolabe : un brise-glace à vocation exclusivement logistique

a. Une absence de brise-glace scientifique préjudiciable

b. Une adaptation nécessaire

c. L’investissement dans un brise-glace purement scientifique est souhaitable

2. Autant de jacuzzis que de chercheurs : l’impasse d’un brise-glace privé pour la recherche scientifique

3. Le Marion-Dufresne

TRAVAUX DE LA COMMISSION

liste des personnes auditionnées

 


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   Principales analyses du rapporteur spÉcial

À la suite des alertes formulées à l’automne 2022 au rapporteur spécial par l’Institut Paul-Émile Victor, l’agence française au service de la recherche polaire, sur sa situation financière difficile, le rapporteur spécial a décidé, dans le cadre des travaux du printemps de l’évaluation, d’approfondir cette thématique importante.

La recherche polaire est en effet fondamentale pour comprendre le réchauffement climatique. Elle présente également de nombreux autres enjeux surprenants, en matière d’anticipation des catastrophes naturelles ou de préparation des explorations spatiales par exemple.

Cette recherche polaire est en France permise par l’Institut Paul-Émile Victor (IPEV), dont les personnels effectuent un travail remarquable que le rapporteur spécial tient à saluer en premier lieu. Leur travail est d’autant plus admirable qu’ils l’accomplissent malgré des moyens insuffisants, particulièrement faibles en comparaison à ceux des autres nations, ce qui a pu mettre en péril leur sécurité. À ce manque de moyens, qui est le premier et principal problème, s’en ajoute un second, lié à la répartition floue des compétences entre l’IPEV et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui sape le moral des personnels sur le terrain et perturbe le bon déroulement des activités de recherche.

D’autres financements complètent ceux mis en œuvre par l’IPEV : les financements sur projets et les financements européens, pour lesquels le rapporteur spécial appelle à améliorer la lisibilité et la transparence.

Ayant dressé ce constat, le rapporteur spécial soutient un renforcement des moyens consacrés à la recherche polaire. Si l’augmentation de la subvention à l’IPEV semble indispensable, la rénovation des stations Dumont-d’Urville et Concordia et l’acquisition d’un navire brise-glace le sont tout autant. Pour autant, les montants concernés demeurent modestes (moins d’un milliard d’euros au total d’ici à 2030) au regard de l’importance des enjeux et des bénéfices à attendre d’un investissement dans la recherche polaire, au premier rang desquels la meilleure compréhension du réchauffement climatique. Plutôt que de s’en remettre au mirage du privé comme solution au désinvestissement de l’État, il convient de porter une véritable ambition transpartisane et de long terme pour la recherche polaire. C’est ce vers quoi le rapporteur spécial portera son attention dans la durée.

 

 


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I.   La recherche polaire se situe au cœur d’enjeux majeurs et diversifiÉs

A.   La recherche polaire est « essentielle À la comprÉhension du changement climatique » ([1])

La recherche polaire joue un rôle majeur dans l’appréhension du changement climatique, comme le rappelait M. Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, chef du cours de stratégie à l’École de Guerre : « Je voudrais insister sur deux régions révélatrices d’enjeux très importants que l’opinion publique métropolitaine mesure mal. Le premier est l’Antarctique. Comme il n’y a pas d'habitants sur ce continent, il n’entre pas dans notre champ de conscience. Mais grâce à son implantation en Antarctique, la France figure dans les pays de tête pour la recherche polaire. Or, c’est un secteur déterminant pour la compréhension des mutations climatiques qui sont un des enjeux majeurs du XXIe siècle. C’est donc un vrai facteur de puissance pour la France que d’avoir cette information polaire. » ([2]).

Mme Catherine Ritz, directrice de recherche au CNRS, a expliqué que les études menées sur les calottes glaciaires revêtaient un intérêt particulier dans la compréhension du changement climatique.

L’importance de la recherche sur les calottes glaciaires pour comprendre le réchauffement climatique

« Les calottes glaciaires sont les mémoires du climat passé. La neige s’accumule et se transforme progressivement en glace. Lors de ce processus, elle emprisonne définitivement quelques bulles d’air environnant et des poussières. Ainsi, des informations précieuses sur le climat et sur l’atmosphère se trouvent scellées sous forme de couches successives, que les carottages glaciaires permettent de reconstituer. Des carottages sur de la glace vieille de plus de 800 000 ans ont ainsi démontré l’alternance de périodes chaudes et froides corrélées à des alternances de valeurs hautes et de valeurs basses de méthane et de CO2. Mais ces enregistrements montrent clairement que les valeurs actuelles de ces gaz à effet de serre sortent de la gamme observée dans le passé : les quantités de CO2 et de méthane dans les glaces les plus récentes représentent respectivement le double et le triple des quantités du passé. »

Source : Rapport au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques « La recherche française en milieu polaire : revenir dans la cour des grands », par Mmes Huguette Tiegna, députée, et Angèle Préville, sénatrice, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2021, n° 4202, p. 13 [ci-après « rapport Tiegna Préville »]

C’est ainsi grâce à la recherche polaire que le lien entre carbone et réchauffement climatique a pu être établi ([3]).

Le rapport de l’OPECST sur la recherche française en milieu polaire explique que l’étude des calottes glaciaires permet d’anticiper l’élévation du niveau des mers, alors que l’Antarctique devrait contribuer à l’élévation de la mer de 12 centimètres d’ici la fin du siècle.

L’intérêt de la recherche au niveau des pôles pour mieux comprendre le changement climatique est attesté par Mme la directrice générale de la recherche et de l’innovation au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui rappelle qu’« une partie de l’incertitude sur l’élévation du niveau des mers provient de l’incompréhension des processus physiques à l’interface entre l’océan et les plateformes de glaces flottantes » ([4]), alors que, comme l’a signalé l’IPEV au rapporteur spécial, « la fonte des masses de glace terrestre et de banquise aux pôles sont les contributeurs principaux de la montée des eaux au niveau mondial. »

Les chercheurs du CNRS auditionnés par le rapporteur spécial ([5]) ont eux aussi abondé dans le sens d’une primauté des enjeux environnementaux pour la recherche polaire. M. Gaël Durand a ainsi expliqué au rapporteur spécial que « les pôles sont reconnus comme les sentinelles du changement climatique, les changements environnementaux y sont exacerbés en comparaison des autres régions du monde sous l’effet de l’amplification polaire : l’Arctique s’est localement réchauffé jusqu’à sept fois plus que la moyenne globale. »

B.   D’autres domaines de recherche trÈs divers

Des recherches en biomédecine sont conduites sur la station Concordia, du fait de ses caractéristiques particulières qui seront détaillées ultérieurement.

D’autres domaines de recherche sont plus inattendus, comme l’a détaillé l’IPEV au rapporteur spécial : « Il faut évoquer l’importance de certains observatoires comme les observatoires géomagnétiques ou sismiques dont les stations dans le Grand Sud représentent des sites clés pour le réseau d’observatoires mondial. En effet, les zones où de telles stations peuvent être déployées sont extrêmement rares dans l’hémisphère sud. Ces stations permettent donc d’affiner les mesures et les modèles de prédictions de tremblements de terre, de tsunamis et autres événements cataclysmiques au niveau mondial. Elles participent également à la surveillance des éruptions solaires aux conséquences dramatiques sur les appareils de navigation des avions ainsi qu’à la surveillance des essais nucléaires dans le monde. »

L’exploration des régions polaires, « hostiles, soumises à des conditions climatiques extrêmes et difficiles d’accès », « exige la levée de verrous technologiques liés à la disponibilité en énergie, à l’automatisation, à l’autonomie des capteurs ou encore aux technologies de communication. » Par conséquent, « la recherche polaire est un terrain privilégié pour les avancées technologiques et les bénéfices de ces avancées s’étendent bien au-delà des régions polaires » ([6]).

Les sciences humaines et sociales représentent également un pan de la recherche polaire, particulièrement en Arctique où vivent des populations autochtones.

C.   La recherche polaire a une portÉe au-delÀ de son intÉrÊt scientifique

Outre les domaines de recherche très variés qu’elle couvre, la recherche polaire a la particularité de faciliter le dialogue entre les nations du fait, notamment, de la gouvernance internationale des stations polaires. Dans les conditions climatiques extrêmes où se situent les bases de recherche en Arctique, en Antarctique et dans la zone subantarctique, les équipes de chercheurs sont amenées à coopérer, quel que soit leur pays d’origine.

 

Les rapprochements internationaux permis par la recherche polaire

« Les chercheurs et techniciens insistent aussi sur la force des rapprochements et convergences entre résidents, qui donnent à la base polaire les atours d’une Cité cosmopolite et scientifique idéale. Narrant son retour en Pennsylvanie après une longue campagne de forage, un scientifique états-unien se demande ainsi « pourquoi le “monde réel” ne ressemble pas plus » à la base qu’il vient de quitter (Alley, [2000] 2014, p. 30). […]

« Un exemple de coopération […] marquant est donné par les équipes de foreurs, qui, s’ils se livrent une concurrence internationale aussi ludique qu’acharnée […], ne rechignent pas à s’entraider en cas de panne et de blocage. L’histoire […] est marquée par de tels épisodes de solidarité scientifique scellée sur le terrain, proposant un contraste fort avec un monde « extérieur » défiguré par les frontières nationales. Il paraît évident que le partage des conditions de vie difficiles et la découverte d’objectifs scientifiques communs, dans le cadre d’une spécialité encore émergente, ont en effet permis de « tisser des liens très forts, en particulier pour ceux qui ont [eu] la chance de se retrouver sur le terrain » (Jouzel et al., 2008, p. 109). Et le contraste était certainement à son maximum lors de la Guerre froide, lorsque des chercheurs américains, français et soviétiques ont pu profiter du cadre du Traité de l’Antarctique pour développer « une coopération internationale dans un lieu sans patrie » (Lorius et Carpentier, 2010, p. 162). Le terrain apparaît alors comme le foyer d’une communauté capable d’atténuer, sinon de protéger, ses membres des accidents politiques de l’histoire. Ainsi, les liens noués en Antarctique entre chercheurs français et soviétiques expliquent que, lors de l’effondrement de l’URSS, en 1991, les premiers se soient mobilisés pour trouver des financements permettant aux seconds de poursuivre leurs activités (comme le montrent plusieurs documents d’archives). […]

« À la suite du Traité de l’Antarctique, la science est mobilisée comme un adjuvant politique de « dégel », afin de désamorcer un conflit territorial latent ; elle s’est affirmée depuis comme une source de connaissances incitant à une action internationale, la plus coopérative possible. »

Source : Jouvenet M. (2016). Des pôles aux laboratoires : les échelles de la coopération internationale en paléoclimatologie (1955-2015). Revue française de sociologie, 57, pages 563-590. https://doi.org/10.3917/rfs.573.0563 (page consultée pour la dernière fois le 9 mai 2023).

II.   Une pluralitÉ de financements et d’acteurs dont la rÉpartition des compÉtences suscite parfois des incomprÉhensions

A.   L’IPEV : une agence de moyens essentielle

1.   Une gouvernance plurielle

L’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) est l’agence de moyens permettant la mise en œuvre des projets de recherche polaire.

Il s’agit juridiquement d’un groupement d’intérêt public (GIP) ([7]). Fondé en 1992 ([8]), il a vu son existence prolongée en 2002 ([9]). Son fonctionnement actuel est régi par sa dernière convention constitutive, qui a, en application d’un décret de 2012 ([10]), été approuvée par un arrêté du 5 février 2014 ([11]) pour une durée de 12 ans.

Il est composé de plusieurs membres qui disposent d’un nombre de voix différent lors des votes à l’échelle de l’Institut :

Pourcentage de voix attribuÉes À chaque membre de l’IPEV lors des votes À l’assemblÉe gÉnÉrale et au conseil d’administration

 

Pourcentage de voix

Ministère chargé de la recherche

49

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

36

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

([12])

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)

5

Ministère chargé des affaires étrangères

1

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

1

Centre national d’études spatiales (CNES)

1

Météo France

1

Expéditions polaires françaises (EPF)

([13])

Source : article 7 de la dernière convention constitutive de l’IPEV.

Du fait du retrait du CEA et de la dissolution des EPF, le total des pourcentages de voix est actuellement de 94 %. Une nouvelle convention constitutive est en cours de négociation pour réattribuer les 6 % de voix restantes.

2.   Un rôle logistique important

Comme le résumait Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ([14]) : « L’IPEV n’est pas, en soi, un organisme de recherche. C’est un GIP qui permet de coordonner les missions de recherche au pôle Nord et au pôle Sud et de veiller à ce qu’elles se déroulent correctement. C’est une mission absolument essentielle. Les recherches en elles-mêmes sont menées de manière beaucoup plus large par l’ensemble des universités et des organismes de recherche. » Le rôle de l’institut consiste à permettre, par un appui logistique, la mise en œuvre des projets conduits par les organismes publics de recherche, comme le CNRS, dans les zones polaires difficiles d’accès. Les moyens qu’il offre sont humains, matériels, logistiques, techniques et financiers.

Les zones concernées sont l’Arctique (co-gestion de la station franco-allemande AWIPEV au Svalbard, appui logistique au Groenland, en Finlande, en Suède, en Norvège, au Canada et, jusqu’en 2022, en Russie), la zone sub-antarctique (appui logistique dans l’archipel des Crozet, aux îles Kerguelen, Amsterdam et Saint-Paul) et l’Antarctique (gestion de la station côtière Dumont-d’Urville et de la station continentale franco-italienne Concordia, appui logistique en Terre Adélie).

Les projets assistés par l’IPEV sont ceux que retient son conseil des programmes scientifiques et technologiques polaires (CPST) parmi ceux qui lui sont soumis, après évaluation de leur valeur scientifique. Ce conseil émet également des recommandations sur les actions scientifiques et techniques de l’IPEV et sa politique de coopération internationale en matières scientifique et logistique.

En 2021 (saison 2021-2022 pour l’Antarctique), 94 projets avaient été sélectionnés par le comité d’évaluation et jugés opérationnellement recevables par l’Institut. Toutefois, compte tenu de la pandémie de covid-19 qui a impacté les capacités opérationnelles de l’Institut, certains projets scientifiques ont dû être reprogrammés à une date ultérieure. L’Institut a tout de même pu déployer 64 projets de recherche dont certains sur plusieurs sites (17 projets en Arctique, 24 dans les îles Australes, 32 en Antarctique) ([15]). En matière de moyens humains, cela représentait, en 2021, 179 scientifiques, essentiellement français, originaires de toutes les institutions, que ce soit le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les universités ou encore le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Au total, cela représente 31 024 hommes-jours de missions scientifiques ([16]).

3.   Un sous-financement chronique

a.   Des recettes provenant majoritairement de la subvention pour charges de service public du programme 172

La principale recette de l’IPEV est la subvention pour charges de service public (SCSP) budgétée sur le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, auquel il est rattaché. En 2022, cette subvention a représenté 84 % du total des recettes (17,7 millions d’euros sur un total des produits de 21 millions d’euros).

Évolution des recettes de l’IPEV en CP ([17])

(en milliers d’euros)

Recettes (en milliers d'euros)

Compte financier 2018

Compte financier 2019

Compte financier 2020

Compte financier 2021

Compte financier 2022

Subvention pour charges de service public

13 900

13 971

14 046

14 229

14 709 ([18])

Participation des membres du GIP

506

483

483

483

483

Recettes propres ([19])

483

447

403

574

598

Recettes fléchées ([20])

643

267

296

544

180

Total des recettes

15 532

15 168

15 228

15 830

15 970

b.   Une réponse a été apportée aux besoins de financement les plus urgents

i.   Des surcoûts du fait d’un cumul de crises

Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2023([21]), le rapporteur spécial avait déjà alerté sur la situation financière critique de l’IPEV. Il avait en effet estimé que l’Institut était confronté à « une situation critique nécessitant des financements urgents », rappelant que « la crise sanitaire puis la crise énergétique ont eu un impact important sur l’IPEV. »

Les contraintes de la crise sanitaire (limitations d’accès à certains pays, protocoles sanitaires extrêmement stricts, notamment pour éviter toute propagation du virus en Antarctique) ont rendu nécessaire le report du quart des projets initialement programmés et un surcoût en raison des quatorzaines imposées aux expéditionnaires vers les îles subantarctiques et l’Antarctique. Ce surcoût a été estimé par l’IPEV à 0,5 million d’euros. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel ([22]) abonde dans le sens de l’IPEV et indique : « La pandémie de covid-19 a continué de peser sur l’activité de l’Institut polaire et sur l’organisation des campagnes en raison du maintien de quatorzaines strictes dans les hôtels. Les coûts directs occasionnés par la pandémie de covid-19 en 2022 sont estimés à 0,4 million d’euros contre 0,8 million d’euros l’année précédente. »

La crise énergétique a eu un impact encore plus important sur l’IPEV. Le CBCM rappelle ainsi que « l’IPEV a également été confronté à une augmentation importante des coûts de carburant, des transports (billets d’avion et fret) et des produits (alimentaires, articles d’habillement, petits et gros outillages et équipements motorisés). » L’ensemble de la partie mobilisable du fonds de roulement de l’Institut a été engagé pour couvrir les dépenses imprévues de l’exercice 2022.

Évolution du coÛt de certaines charges de l’IPEV entre 2021 et 2022

 

Carburant

+ 121%

Fret maritime

+ 251%

Fret aérien

+ 27%

Alimentation

+ 103%

Source : réponses de l’IPEV au questionnaire du rapporteur spécial.

ii.   Une dotation exceptionnelle à l’initiative du rapporteur spécial

Alors que le rapporteur spécial avait fait adopter un amendement au PLF 2023 en commission des finances pour augmenter de 3 millions d’euros la SCSP de l’IPEV pour 2023 ([23]), le Gouvernement ne l’avait malheureusement pas retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité le 2 novembre 2022.

À la suite du dépôt de plusieurs amendements du rapporteur spécial([24]) augmentant la SCSP de plusieurs organismes de recherche du programme 172 pour les aider à faire face à la hausse du coût de l’énergie, la seconde loi de finances rectificative pour 2022 ([25]) a prévu un fonds exceptionnel de soutien aux opérateurs du programme 172 qui, sans cela, se seraient trouvés en difficulté financière en 2022 ou 2023 en raison des surcoûts énergétiques.

L’IPEV a indiqué au rapporteur spécial avoir bien bénéficié des 3 millions d’euros dans ce cadre et ces crédits ont d’ores et déjà été intégralement consommés, afin de financer des dépenses de fonctionnement accrues du fait de la hausse des coûts des carburants.

c.   « Un déficit de personnels » ([26]) aux lourdes conséquences, en voie d’être résorbé

i.   Des effectifs historiquement insuffisants

Les effectifs de l’IPEV se répartissent entre :

– des agents mis à disposition par le CNRS, non comptabilisés dans le plafond d’emplois ;

– des emplois IPEV sous plafond ;

– des personnels contractuels sur le terrain ;

– des volontaires service civique (VSC) et volontaires internationaux en administration (VIA), non comptabilisés dans les emplois sous plafond mais inclus dans le calcul de la masse salariale, qui assistent les scientifiques et les personnels techniques.

Les effectifs de l’IPEV ont longtemps été nettement sous-dimensionnés. Son président Jérôme Chappellaz décrivait ainsi son travail en 2019 ([27]) : « Aujourd’hui, en tant que directeur de l’Institut polaire, je dois gérer des ressources humaines qui sont à bout, avec des personnes qui craquent et qui commencent à se mettre en disponibilité. Le miracle ne va pas se prolonger très longtemps avec les moyens dont nous disposons. »

L’IPEV a souffert d’une diminution du nombre d’agents mis à disposition par le CNRS. Ce nombre est ainsi passé de 28 en 2010 à 20 en 2021. L’IPEV a cependant précisé au rapporteur spécial qu’il prévoyait en 2023 un nombre de postes CNRS stable par rapport à 2021, à 20 agents.

ii.   Les graves conséquences de ces sous-effectifs

Le sous-dimensionnement de ces effectifs a eu des conséquences sur la qualité des conditions de travail des personnels. Le rapport Tiegna Préville ([28]) constatait ainsi que certains « personnels contractuels sur le terrain […] peuvent accumuler 20 à 30 heures supplémentaires par semaine non rémunérées », donnant comme exemple que « pendant les raids, les chauffeurs travaillent de 7h du matin à 21h30 tous les jours de la semaine. » Cette situation est à la fois non conforme au droit du travail et périlleuse pour la sécurité des employés.

De fait, la lettre de mission du 7 décembre 2022 précitée, communiquée à sa demande au rapporteur spécial, déplore la « situation de très grande fragilité » du GIP, « visible notamment via le turn over important des personnels. » De manière plus grave, elle reconnaît que le « déficit de personnels » a eu comme conséquence pour l’IPEV, outre « des difficultés accrues pour assurer ses missions, notamment pour entretenir ses infrastructures […], une menace pour la sécurité sur le terrain des personnels du GIP et des scientifiques dont l’IPEV assure le déploiement. » Elle invite dès lors en « urgence » à « imaginer dans les meilleurs délais un fonctionnement de l’Institut polaire français amélioré et pérenne, doté d’une organisation adaptée pour permettre aux personnels et aux scientifiques déployés sur le terrain d’œuvrer en toute sécurité tout en préparant les opérations de rénovation des différentes stations. » Il en ressort donc que le fonctionnement de l’IPEV ne permet pas aux personnels et scientifiques sur le terrain d’œuvrer « en toute sécurité. »

Sans faire de procès d’intention ni douter de l’implication de tous sur ce sujet, le rapporteur spécial rappelle avec vigueur que les choix budgétaires qui sont faits ne doivent en aucun cas faire peser des menaces sur la sécurité des personnels et des chercheurs.

iii.   Des efforts récents sur les emplois sous plafond qui ont porté leurs fruits 

Des relèvements du plafond d’emplois sont heureusement intervenus ces dernières années.

Évolution des emplois de l’IPEV

 

2018

2019

2020

2021 (LFI et LFR)

2022 (2022 hors correction technique ([29]))

2023 ([30])

Total

101

101

101

101

103 (103)

68

Sous plafond

15

15

15

17

46 (19)

53

Hors plafond

86

86

86

84

57 (84)

15

Source : PAP. Pour chaque année sauf 2023, le chiffre fait référence aux plafonds des autorisations d’emplois votés en LFI ou, le cas échéant, en LFR. Pour 2023, il s’agit du plafond de la LFI.

Une trajectoire d’augmentation du plafond d’emplois de l’ensemble des opérateurs du programme 172, dont fait partie l’IPEV, est prévue par le C. du rapport annexé à la loi de programmation de la recherche ([31]). C’est dans ce cadre que chacune des lois de finances pour 2021, pour 2022 et pour 2023 a accordé 2 ETPT sous plafond supplémentaires.

En parallèle de ces hausses liées à la LPR, une mobilisation transpartisane de députés a permis le vote à l’unanimité ([32]) d’une augmentation supplémentaire de 5 ETPT en 2022 ([33]).

Cependant, la LFI 2023 a prévu une baisse importante des emplois hors plafond, passés de 57 à 15. Le rapporteur spécial sera particulièrement vigilant sur les conséquences de cette baisse sur la capacité de l’IPEV à conduire ses activités de soutien logistique à la recherche.

Les recrutements permis par les 5 ETPT supplémentaires ont tous été soit effectués soit enclenchés.

Les recrutements permis par le relèvement de 5 ETPT du plafond d’emplois

Ont été recrutés sur des postes pérennes en 2022 :

– Le directeur du département exploitation le 16 mars ;

– La directrice adjointe le 1er juillet ;

– La responsable de la commande publique le 16 août ;

– Le responsable des installations et systèmes de génie thermique le 1er septembre.

Le retard pris dans la nomination du nouveau directeur de l’Institut n’a pas permis d’effectuer les embauches plus rapidement.

Le poste de directeur du département exploitation est fondamental pour le déploiement des expéditions polaires.

La création du poste de directrice adjointe a permis à l’Institut de se doter d’un profil opérationnel (issu du corps des ingénieurs des travaux publics de l’État) pour gérer l’Institut au jour le jour et déployer le projet de rénovation de la station Dumont-d’Urville. La directrice adjointe est à 100 % de son temps à l’Institut, par opposition au directeur (mis à disposition par le CNRS à 60 %), qui travaille plus sur les relations avec le monde de la recherche et les liens internationaux.

La responsable de la commande publique permet à l’Institut de fiabiliser ses procédures d’achat.

Le poste de responsable des installations et systèmes de génie thermique a été pérennisé à la fin du CDD en cours. C’est un poste indispensable au maintien en conditions opérationnelles des stations antarctiques. Il permet l’exploitation et la conception des installations et systèmes de génie thermique (chauffage, ventilation, climatisation) des stations, les installations de plomberie, ainsi que les réseaux et installations de transfert de fluides (carburant, eau douce, eau de mer, saumure).

L’arrivée de la directrice adjointe a permis de lancer le recrutement du 5e ETPT : le conducteur d’opération bâtiment pour reprendre le projet de rénovation de la station Dumont-d’Urville.

Source : réponses de l’IPEV au questionnaire du rapporteur spécial.

Ces recrutements nouveaux, ainsi que « la mise en conformité de l’Institut concernant certaines règles du droit du travail, le renforcement d’une direction stabilisée et une évolution de l’organisation fonctionnelle » (d’après les réponses de l’IPEV au rapporteur spécial) ont permis une évolution positive de l’environnement de travail pour les effectifs. Alors que le rapport sur la stratégie polaire évoquait des personnels « en attente d’un projet mobilisateur et valorisant », l’IPEV estime que « la stabilisation d’une nouvelle direction, l’adjonction de nouveaux personnels avec des profils différents et complémentaires des expertises existantes ont permis de relancer la dynamique de l’Institut et rassurer le personnel. »

Plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur spécial ont aussi alerté sur des difficultés de recrutement en lien avec l’évolution du rapport au travail. L’IPEV estime ainsi difficile de fidéliser des personnels sur le long terme, alors que leur formation nécessite un temps certain. Les chercheurs du CNRS auditionnés par le rapporteur spécial ont quant à eux partagé leur sentiment que les personnels n’étaient désormais plus prêts à accepter autant de sacrifices au profit de missions sur le terrain de longue durée, cette moindre motivation étant aggravée par le manque d’infrastructures et de moyens résultant du sous-financement chronique de la recherche polaire par l’État.

iv.   Des efforts à poursuivre

Si l’IPEV se réjouit du « fort soutien » dont il a bénéficié et qui lui a permis de « procéder à des recrutements importants et capitaux pour son fonctionnement », comme il l’a indiqué au rapporteur spécial, l’effet de ces hausses du plafond d’emplois a néanmoins été amoindri par la baisse du nombre de personnels mis à disposition par le CNRS. L’IPEV estime qu’il manque désormais 2 ETPT supplémentaires pour arriver (hors stratégie polaire) à un effectif cible pérenne.

De plus, afin de pouvoir apporter un appui logistique satisfaisant, l’IPEV soutient, suivant la recommandation de son contrôleur financier, une augmentation de sa SCSP. L’IPEV estime le montant approprié à 21 millions d’euros, contre 15,2 millions d’euros prévus par le PAP 2023.

B.   La relation IPEV-TAAF entre doublons et incomprÉhensions

1.   Les conflits de compétence entre l’IPEV et les TAAF

a.   La compétence générale et de sécurité des TAAF

Mentionnées au dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) forment un territoire doté de la personnalité morale, dont le statut et la gouvernance sont définis par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de La Passion-Clipperton.

L’article 2 de cette loi dispose que « ce territoire est placé sous l’autorité d’un représentant de l’État chef du territoire, qui prend le titre d’administrateur supérieur des TAAF. En sa qualité de représentant de l’État, l’administrateur supérieur assure l’ordre public […], dirige les services de l’État […] et assure, au nom de l’État, […] le contrôle des organismes ou personnes publics ou privés bénéficiant des subventions ou contributions de l’État. »

Un décret de 2008 ([34]) a précisé le rôle de l’administrateur supérieur. Aux termes de son article 1er, « dépositaire de l’autorité de l’État », il est en « charge des intérêts nationaux et du respect des lois » et « veille à l’exécution des lois, des engagements internationaux, des règlements et des décisions gouvernementales. » L’article 3 prévoit qu’il « a la charge de l’ordre public, de la sécurité et de la protection des personnes. » Enfin, l’article 9 indique qu’il « détermine […] les circonscriptions administratives du territoire, dénommées districts. Il nomme les chefs de districts et détermine leurs attributions. »

Ainsi, l’administrateur supérieur des TAAF est doté juridiquement de compétences qu’il exerce au nom de l’État dans le territoire des TAAF, notamment en matière de sécurité.

b.   Des ambiguïtés juridiques

i.   Un enchevêtrement de compétences

Aucun texte ne régit précisément la manière dont les compétences en matière de sécurité de l’administrateur supérieur des TAAF s’articulent avec celles dévolues à l’IPEV ; une situation qui est source de conflits de compétence.

Ainsi, l’article 10 du contrat constitutif du GIP IPEV prévoit que « l’Institut a la jouissance pleine et entière des biens mobiliers et immobiliers à finalité scientifique, acquis antérieurement à sa création. Il a la responsabilité de leur fonctionnement et de leur maintenance. » La « responsabilité de leur fonctionnement et de leur maintenance » peut se superposer avec la « charge de l’ordre public, de la sécurité et de la protection des personnes » dévolue aux TAAF, créant ainsi des conflits de compétences.

Si un récent rapport sur la stratégie polaire ([35]) faisait valoir que les TAAF « assurent la logistique, l’investissement et l’entretien des infrastructures dans les districts austraux », l’IPEV considère à l’inverse que cette attribution « n’est consacrée ni par le droit ni par la pratique. » Les conflits de compétence sont enfin aggravés par le fait que l’IPEV et les TAAF ne dépendent pas du même ministère : l’IPEV est en effet rattaché au ministère chargé de la recherche, et les TAAF au ministère chargé des outre-mer.

ii.   Des conventions confuses

Face à ces conflits de compétences, l’IPEV a indiqué au rapporteur spécial que « des conventions ont été rédigées et régulièrement actualisées », mais précise que « de telles conventions montrent leurs limites tant qu’aucune norme législative ou réglementaire ne vient clarifier les rôles, compétences et possessions de chacun. »

La convention de fonctionnement conclue entre les TAAF et l’IPEV a été signée le 19 décembre 2012 ; elle a été communiquée au rapporteur spécial. Selon les considérants de cette convention, « les textes en vigueur confient au Préfet administrateur supérieur des TAAF […] la représentation de l’État, laquelle comprend notamment […] l’administration de la collectivité des TAAF qui comporte en particulier la desserte logistique, la gestion et l’aménagement des bases subantarctiques et antarctiques. » Son article 3 prévoit qu’« en terre Adélie, les TAAF délèguent l’exercice des responsabilités énoncées à l’article 2 à l’IPEV », ces responsabilités incluant « l’infrastructure immobilière », « les équipements mobiliers, autres que scientifiques », « les équipements vestimentaires » ou encore « l’hébergement et la restauration. »

Extraits de textes juridiques concernant l’IPEV

Article 10 du contrat constitutif de l’IPEV

« L'Institut a la jouissance pleine et entière des biens mobiliers et immobiliers à finalité scientifique, acquis antérieurement à sa création. Il a la responsabilité de leur fonctionnement et de leur maintenance. »

Article 3 de la convention TAAF IPEV

« En Terre Adélie, les TAAF délèguent l’exercice des responsabilités énoncées à l’article 2 à l’IPEV » (dont « l’infrastructure immobilière »).

Source : documents communiqués au rapporteur spécial.

L’article 4 prévoit quant à lui que l’IPEV « est responsable de l’utilisation des infrastructures, équipements scientifiques et produits consommables, conformément aux normes de sécurité en vigueur sur les TAAF. » L’article 29 stipule que « l’IPEV nomme parmi ses personnels un responsable des opérations scientifiques », qui, sur le terrain, « travaille en étroite collaboration avec le chef de district pour permettre une bonne mise en œuvre des programmes scientifiques », mais précise explicitement que « les personnels de l’IPEV sont soumis à l’autorité des chefs de district à terre. »

Par ailleurs, une confusion majeure porterait sur ce qu’englobe le terme de « districts », mentionnés à de multiples reprises car l’objet de la convention est de préciser les conditions d’exercice des missions de l’IPEV lorsque celui-ci exerce son activité dans « les districts. » Cette expression peut en effet se référer tant aux terres subantarctiques et à la Terre Adélie qu’à cette seule dernière. Afin de clarifier cette situation, l’IPEV souhaite que deux conventions distinctes soient conclues, l’une pour la Terre Adélie et l’autre pour les districts subantarctiques. Une telle option serait cependant rejetée par les TAAF.

Plus globalement, l’IPEV a expliqué au rapporteur spécial que cette convention avait été signée dans un contexte de relations fluides entre l’IPEV et les TAAF, sans par conséquent que l’IPEV eût analysé avec exhaustivité les conséquences qu’une application stricte de ses stipulations pourrait entraîner.

De tels conflits de compétence sont également identifiés par les TAAF. Mme Florence Jeanblanc-Risler, préfète, administratrice supérieure des TAAF, a ainsi qualifié de « premier enjeu relatif à la mise en œuvre de [la] stratégie polaire » la « clarification des compétences entre l’IPEV et les TAAF […] afin d’éviter des doublons, notamment en matière logistique » ([36]).

2.   Ces conflits de compétence se traduisent au quotidien par « des doublons organisationnels, des malentendus, des coûts redoublés, des tensions » ([37])

a.   Une situation préjudiciable à l’IPEV

Des mesures prises sur le fondement des pouvoirs de sécurité et de protection des personnes ont constitué, selon les chercheurs, une atteinte à la liberté de la recherche et une immixtion de personnes hors du domaine de la recherche dans des processus de décision nécessitant pourtant des compétences scientifiques. Des tensions relatives au temps de travail, aux plans de couchage ou à l’emploi de certains véhicules ont été portées à la connaissance du rapporteur spécial.

Les tensions entre les personnels de l’IPEV et les TAAF du point de vue de l’IPEV

Les TAAF peuvent apparaître comme souhaitant « tout gérer de manière exclusive et être maîtres d’œuvre sur tous les sujets. » Le territoire détient le contrôle sur une partie des moyens d’accès, ce qui peut avoir des conséquences fortes sur les actions de l’Institut. Les tensions peuvent se manifester par :

– des arbitrages difficiles à admettre (par exemple remplacer un personnel scientifique sur une rotation hélicoptère dédiée à la science par un personnel TAAF) ;

– des décisions unilatérales sur l’utilisation des moyens sans consultation véritable préalable et sans co-construction (par exemple les visites médicales) ;

– des ingérences dans les missions de l’Institut par le biais des impératifs de sécurité. La sécurité, qui relève de la compétence des TAAF, ne se substitue normalement pas aux obligations de l’employeur qu’est le directeur de l’Institut polaire. De nombreux exemples illustrent les prérogatives actuelles des TAAF en terre Adélie sur la base Dumont-d’Urville : plan de couchage des locaux d’hébergement, organisation du planning des activités collectives dont la permanence incendie, gestion des alcools et vins, des effets de couchages, des effets vestimentaires, des produits ménagers, pilotage d’un CHSCT, fermeture ou restriction d’usage d’équipements ou locaux techniques, rédaction des plans de secours, formations aux premiers secours, constat d’ébriété, autorisation des programmes opérationnels et opérations scientifiques hors base…

– « une véritable mise en demeure à coups d’arrêtés » qui ne sont pas facilement applicables dans le contexte antarctique, voire pas du tout.

En conclusion, il pourrait sembler que « la clé du problème se situe au niveau hiérarchique supérieur », alors qu’au niveau des équipes sur le terrain une volonté de coopération aux fins d’optimisation des moyens logistiques existe entre les personnels des TAAF et ceux de l’IPEV et est recherchée, en tout cas dans certains secteurs et selon les interlocuteurs concernés. Ce qui est perçu par l’IPEV comme une « volonté hégémonique de certains administrateurs supérieurs » amène au ressenti d’une logique concurrentielle alors qu’il ne devrait pas y en avoir.

Source : commission des finances d’après les réponses de l’IPEV au questionnaire du rapporteur spécial.

b.   Le point de vue des TAAF

L’administratrice supérieure des TAAF a de son côté fait valoir auprès du rapporteur spécial que ses décisions rentrent dans le cadre de sa mission d’assurer la sécurité et de faire respecter le cadre juridique français, y compris dans des stations isolées. Elle réfute le terme de « tensions » avec l’IPEV et indique entretenir un dialogue régulier avec l’Institut « sur les conditions d’exercice de certaines recherches », tout en rappelant que la liberté de la recherche reste soumise au respect de l’autorité de l’État et de ses lois.

c.   La nécessité d’une évolution pour sortir de l’impasse

Le rapporteur spécial, tout en rappelant son attachement à la liberté de la recherche et son soutien au remarquable travail des personnels de l’IPEV, appelle l’IPEV et les TAAF à renouveler leurs efforts de dialogue pour aboutir à une solution concertée et consensuelle, pour la signature d’une nouvelle convention de fonctionnement TAAF – IPEV.

À défaut, il souhaite une clarification juridique des compétences de l’IPEV et des TAAF, afin que les querelles du quotidien ne perturbent plus le bon déroulement des indispensables travaux de recherche.

En ce sens, il s’associe à la recommandation de la stratégie nationale polaire, telle que résumée par la Cour des comptes ([38]) : « les relations entre les TAAF et l’IPEV doivent être rationalisées, non seulement pour éviter des doublons inefficients, mais surtout pour bâtir une organisation juridiquement solide et opérationnellement efficace pour présider à l’amplification de la présence scientifique et à la rénovation des bases. »

La recommandation du rapporteur spécial s’inscrit de surcroît dans la lignée de celle formulée dès 2007 par M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ([39]). Constatant que « de très nombreuses administrations ou institutions interviennent dans le domaine polaire en partageant toujours avec d’autres leurs compétences », M. Christian Gaudin en appelait à « une clarification des rapports entre les TAAF et l’IPEV. »

d.   Des missions ont été lancées pour sortir de l’impasse

Une mission conjointe entre l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a été lancée à la demande de plusieurs ministres ([40]) « pour clarifier les responsabilités respectives de l’IPEV et des TAAF au service de la recherche polaire en Antarctique et zones subantarctiques. » La lettre de mission, qui a été communiquée au rapporteur spécial, fait, elle aussi, le constat que « des divergences d’appréciation ou d’approche liées en partie à leurs missions respectives apparaissent régulièrement, notamment dans les travaux engagés de révision de la convention cadre entre l’IPEV et les TAAF. » Le rendu des travaux devrait intervenir en mai 2023.

Par ailleurs, une mission a également été confiée ([41]) aux présidents du CNRS et de l’IFREMER sur le devenir de l’IPEV et la structuration de la recherche polaire française. Le rendu des conclusions est attendu pour le mois de juin 2023.

Le rapporteur spécial effectuera un suivi attentif de ces différents travaux.

C.   Le financement sur projets de la recherche polaire

a.   Un apport financier de 61 millions d’euros en 5 ans

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est la principale agence publique de financement de la recherche sur projets en France.

Elle a indiqué au rapporteur spécial avoir financé 59 projets en lien avec la recherche polaire sur la période 2017-2022 via les crédits du programme 172 pour un total de 20,6 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les 40,6 millions d’euros de projets financés par les crédits des programmes d’investissement d’avenir (PIA) repris dans le plan Investir pour la France de 2030.

Le rapporteur spécial s’est étonné que ce chiffre qui lui a été communiqué diverge de celui avancé par Mme la directrice générale de la recherche et de l’innovation au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a indiqué ([42]) : « En dix ans, la recherche polaire a obtenu environ 150 millions d’euros de la part de l’ANR. »

D’après les explications qui lui ont été fournies par l’ANR, le soutien de cette dernière a bien représenté un total de 61,2 millions d’euros sur la période 2017-2022. Ces financements ont permis de mener des projets pour un coût total de 128,2 millions d’euros, ce chiffre incluant les autres apports que ceux de l’ANR, dont les salaires des personnels des organismes de recherche.

Le chiffre de 150 millions d’euros avancé par Mme la directrice générale représenterait une évaluation du coût total des projets sur la période 2012-2022.

b.   Les projets financés par les crédits du programme 172

Les projets financés par les crédits du programme 172 ont augmenté tant en nombre qu’en montant entre 2017 et 2021, du fait de l’augmentation du taux de succès des appels à projets de l’ANR sur cette période ([43]). Le total de l’aide apportée par l’ANR est ainsi passé de 2,4 millions d’euros en 2017 à 7,3 millions d’euros en 2021.

56 % des projets financés par le programme 172, représentant 70 % de l’aide allouée par l’ANR, ont été financés par le biais de deux instruments de l’appel à projets générique (AAPG) que sont les projets de recherche collaborative (PRC) ([44]) et jeunes chercheurs jeunes chercheuses (JCJC) ([45]).

Le CNRS est la principale tutelle, totalisant une aide allouée de 11 millions d’euros répartie dans 40 projets différents.

53 % des projets s’intéressent à la région Arctique, 20 % à la région Antarctique, 17 % à l’ensemble des régions polaires et 10 % à la région subantarctique. La prépondérance des projets sur l’Arctique peut s’expliquer par une plus forte mobilisation des communautés de recherche internationales.

Les projets financés s’intéressent essentiellement à la thématique du changement climatique. À l’inverse, les projets de recherche dans le domaine des sciences sociales ne représentent que 10 % des projets financés pour un montant de 1,5 million d’euros. L’ANR explique cette faible proportion « par le faible peuplement de ces régions et par le fait que la France gère très peu de territoires subarctiques, qui sont ceux abritant des populations humaines. »

Exemples de projets de recherche polaire financés par l’ANR

– Un millénaire d’interactions entre sociétés et environnement en zone arctique et subarctique (Canada et Groenland) ;

– Les micro-organismes marins influencent-ils les nuages ?

– Calibration des isotopes stable du silicium des radiolaires : développement d’un nouveau paléo-indicateur du cycle du silicium marin ;

– Fondements neurologiques et psychologiques de l’adaptation humaine en environnements extrêmes ;

– Impact de la fonte du pergélisol sur la dynamique du carbone des tourbières arctiques et subarctiques ;

– Conflits entre grands prédateurs marins et humains : la genèse et gestion des individus à problèmes.

Source : réponses de l’ANR aux questions du rapporteur spécial.

c.   Les projets financés par les crédits du plan Investir pour la France de 2030 et les PIA

Les projets financés par les crédits du plan Investir pour la France de 2030 (intégrant les PIA) sur la thématique de la recherche polaire sont au nombre de 10 depuis 2010, pour un total de 41 millions d’euros.

Le principal projet financé dans ce cadre est Polar Pod, coordonné par l’IFREMER. La Cour des comptes précise que ce projet consiste « à mettre en œuvre une plate-forme océanographique conçue pour naviguer en autonomie sur l’océan Austral » ([46]), pour une aide allouée de 28 millions d’euros. L’IFREMER anticipe quant à lui que « ce projet emblématique de recherche scientifique positionnera la France dans les nations leaders dans le domaine des sciences de l’océan, et démontrera sa capacité à bâtir un équipement à la pointe de nouvelles technologies » ([47]).

D.   La coopÉration europÉenne et internationale en matiÈre de recherche polaire

1.   Des partenariats bilatéraux privilégiés avec certains pays

L’Institut a des partenariats logistiques et opérationnels avec trois pays principalement : l’Italie, l’Australie et l’Allemagne.

En Italie, le partenaire principal est le Programma Nazionale di Ricerche in Antartide (PNRA), avec lequel il cogère la station Concordia et ses dépendances (le Raid et la station Robert-Guillard).

En Australie, le partenaire principal est l’Australian Antarctic Division (AAD), agence du gouvernement australien chargée de gérer les stations et territoires australiens de l’Antarctique et du subantarctique. Le port de départ de l’Astrolabe vers Dumont-d’Urville étant situé à Hobart en Tasmanie, l’IPEV entretient naturellement de nombreux échanges logistiques avec l’AAD. L’Astrolabe ravitaille ainsi lors de sa première rotation la station australienne située sur l’île de Macquarie à mi-chemin entre Hobart et Dumont-d’Urville. L’Institut utilise également l’Australie comme source d’approvisionnement pour de nombreux produits comme le fuel. Il se coordonne enfin avec l’AAD pour le traitement de certains déchets de retour d’Antarctique.

Enfin, l’Allemagne est un partenaire fort en Arctique puisque l’IPEV cogère la station de recherche AWIPEV dans l’archipel du Svalbard ([48]) avec l’Institut Alfred-Wegener (AWI). Cette cogestion, la seule en Arctique, est qualifiée par l’IPEV de « modèle de bonne entente » et par l’AWI de « partenariat exceptionnel » ([49]).

Ainsi, aussi bien en Arctique avec la station franco-allemande AWIPEV qu’en Antarctique avec la station franco-italienne Concordia, la France met la collaboration entre nations européennes au cœur de ses activités logistiques et scientifiques.

Outre ces trois principaux partenariats, l’Institut travaille avec d’autres partenaires dont les collaborations portent sur différents aspects logistiques, opérationnels ou scientifiques. Ces partenaires sont par exemple :

– les États-Unis : des vols sont opérés depuis la base antarctique McMurdo vers Concordia ;

– le Canada : l’Institut a signé un contrat de 3 ans avec une compagnie d’hélicoptères canadienne pour ses opérations à Dumont-d’Urville ;

– la Norvège : les échanges avec ce pays sont nombreux autour de la gestion de la station AWIPEV qui est située sur le territoire norvégien.

Enfin, des collaborations scientifiques existent avec quasiment toutes les nations polaires.

2.   La recherche polaire au niveau européen

Plusieurs projets soutenus par l’IPEV ont obtenu des bourses de recherche financées par l’Union européenne. S’il ne semble pas exister de « véritable stratégie de recherche » au niveau européen, « l’Europe fournit en revanche des financements importants via les crédits du programme Horizon 2020, devenu Horizon Europe, en particulier à travers le projet Epica » ([50]). Ce dernier consiste à forer dans les glaces profondes de l’Antarctique afin de mesurer les effets du changement climatique.

L’IPEV estime que les crédits dont il a bénéficié au titre de son soutien logistique à des projets subventionnés par l’Union européenne (UE) se sont situés entre 0,2 et 1 million d’euros par an sur la période 2017-2023.

Il existe également une envoyée spéciale de l’Union européenne pour l’Arctique, avec laquelle l’IPEV affirme n’avoir « pas de contact. » Son rôle consisterait en trois tâches :

« Travailler sur la politique arctique européenne ;

« Accroître la visibilité extérieure de ce que l’UE fait dans l’Arctique ;

« Travailler sur la visibilité interne des sujets liés à l’Arctique au sein de l’UE. »

À l’échelle européenne, l’Union européenne aurait dépensé « environ 200 millions d’euros » pour la science arctique sur la période 2013-2020 ([51]), ce qui constituerait une augmentation importante par rapport à la période 2007-2013 (20 millions d’euros ([52])). Le rapporteur spécial, dont les diverses demandes d’éclaircissements et d’actualisations des chiffres n’ont malheureusement pas obtenu de réponses, appelle à une meilleure transparence sur les montants consacrés par l’Union européenne à la recherche polaire.

3.   La recherche polaire prend place dans un contexte géopolitique tendu

Le rapporteur spécial a interrogé l’IPEV sur les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur la recherche polaire.

Le dialogue avec la Russie était déjà complexe avant son invasion de l’Ukraine, notamment depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Dès 2015, la Russie et la Chine se seraient ainsi opposées à la reconnaissance d’une aire marine protégée qui aurait été la plus grande jamais créée ([53]). Cette opposition a été renouvelée en 2021 ([54]).

L’IPEV a expliqué au rapporteur spécial que depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette dernière pratique une obstruction systématique sur tous les dossiers dans les enceintes du traité sur l’Antarctique, de la CCAMLR ([55]), et encore plus dans les enceintes arctiques, dans lesquelles il est observé une remilitarisation importante de la part de la Russie. L’invasion a coïncidé avec l’année où la France et la Russie devaient organiser conjointement un sommet rassemblant des chercheurs et les ministres de la recherche des États membres du Conseil de l’Arctique ([56]). Cette réunion a été annulée.

L’IPEV indique que cette invasion a porté un coup d’arrêt net aux projets déployés par l’Institut sur le territoire russe, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche lui ayant donné l’ordre de ne plus soutenir ni déployer de projets en territoire russe. Toutefois, au total seuls 4 projets ont été fortement affectés par cette décision. Pour deux d’entre eux le terrain ne concernait que la Russie ; ils ont donc été entièrement annulés. Les deux autres projets se sont redéployés sur les autres sites (Suède, Finlande, Canada) qui étaient prévus initialement en complément du territoire russe, leur permettant ainsi de se poursuivre.

Cette coopération difficile s’ajoute aux conséquences inflationnistes de l’invasion russe qui a eu en la matière des répercussions mondiales, et qui a contribué à la situation financière difficile de l’IPEV détaillée précédemment.

III.   Redonner un nouveau souffle À la recherche polaire : des urgences et des besoins À long terme

A.   Les besoins globaux : « revenir dans la cour des grands » ([57])

1.   Les moyens très limités de la France par rapport aux autres pays investis sur les enjeux des pôles : « la France fait beaucoup avec peu » ([58])

a.   D’autres pays réalisent des investissements conséquents dans la recherche polaire

Les moins de 20 millions d’euros de subvention pour charges de service public attribués par la France à son institut en charge de la recherche polaire sont à comparer avec ceux de son homologue allemand, l’Institut Alfred Wegener, qui « compte environ 1 350 employés et est doté d’un budget annuel de 160 millions d’euros. » Le gouvernement allemand a de surcroît manifesté son ambition pour la recherche polaire par sa décision de remplacer un brise-glace âgé de quarante ans par un navire plus moderne, performant et durable, qui « pourra être utilisé toute l’année en Arctique et en Antarctique et sera doté d’une propulsion hybride et d’un équipement de robotique sous-marine » ([59]).

Exemples d’investissements conséquents réalisés par d’autres pays en matière de recherche polaire

« Les États-Unis ont voté la modernisation de leur station de recherche côtière McMurdo pour un budget de 315 millions d’euros. L’Australie investit très fortement. […] Elle vient d’engager plus d’un milliard d’euros sur trente ans dans un nouveau brise-glace et pour son opération de recherche. Elle s’est lancée dans la modernisation de ses trois stations côtières pour un budget de 275 millions d’euros. Le Royaume-Uni lance un nouveau brise-glace pour 180 millions d’euros et vient de rénover sa station côtière, Halley. L’Italie est en train de construire une piste en dur pour permettre à ses avions d’atterrir sur la côte de l’Antarctique. La Russie bénéficie de fonds privés, ceux du milliardaire Leonid Mikhelson, […] qui investit son argent personnel pour reconstruire la station historique Vostok au cœur du continent antarctique pour un budget de 56 millions d’euros. La Pologne possède une station en péninsule Antarctique, la station Arctowski, et son gouvernement vient de voter 21 millions d’euros pour la rénover. »

Source : audition de M. Jérôme Chappellaz précitée, p. 7 du compte rendu.

b.   En comparaison, la recherche polaire apparaît sous-financée en France

M. l’ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor place la France au 15e rang en matière d’investissements pour la recherche polaire, alors qu’une étude norvégienne publiée en 2017 situait la France au 6e rang mondial en nombre de publications scientifiques produites en Arctique et en Antarctique, et au 2e rang mondial pour les index de citation des articles scientifiques ([60]). M. Jérôme Chappellaz affirmait quant à lui en 2019 : « Nous amenons sur ces terres à peu près autant de scientifiques pour des missions que la Corée du Sud, avec un budget deux fois et demie inférieur. Nous pouvons appeler cela un miracle. Je ne vous cache pas que le miracle arrive à ses limites » ([61]). Les scientifiques du CNRS auditionnés par le rapporteur spécial ont exprimé sur ce sujet un avis allant dans le même sens, indiquant : « Nous nous débrouillons avec des bouts de ficelle mais ça ne durera pas longtemps. »

Ce décalage entre moyens mis en œuvre et capacités d’action de l’IPEV avait déjà été identifié en 2019 par M. Jérôme Chappellaz : « avec la France, représentée par l’IPEV, nous disposons d’un budget d’environ 18 millions d’euros. Le budget de l’Italie est un peu au-dessus de 20 millions d’euros. La Corée du Sud se situe à 45 millions d’euros pour la même mission. L’Allemagne dépasse les 50 millions d’euros, et les Australiens sont également à 45 millions d’euros. Quand on regarde ce montant par rapport au nombre de personnels permanents gérant cette mission logistique – les personnels de l’IPEV – aujourd’hui, nous avons trente-huit permanents. Comparons avec l’Australie, qui a pratiquement soixante-quinze permanents. Nous amenons sur ces terres à peu près autant de scientifiques pour des missions que la Corée du Sud, avec un budget deux fois et demie inférieur. Nous pouvons appeler cela un miracle. Je ne vous cache pas que le miracle arrive à ses limites » ([62]).

Interrogé par le rapporteur spécial pour savoir s’il estimait cette analyse toujours appropriée, l’IPEV estime que, si « la France demeure une nation polaire reconnue et considérée dans la communauté internationale », « sans grands projets structurants [elle] risque de décrocher rapidement et devenir un acteur secondaire dans les années à venir. De nombreux projets internationaux voient en effet le jour et il est parfois difficile pour la France de prendre une position de leader sur ces sujets par faute de places sur les stations ou les moyens de transport. »

Auditionné par le rapporteur spécial, M. l’ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor a pour sa part estimé que l’enjeu majeur était celui des moyens globaux consacrés à la recherche polaire, que la clarification des compétences entre les TAAF et l’IPEV ne saurait occulter.

2.   Donner de la visibilité à la recherche polaire

a.   La visibilité législative

i.   Une meilleure information du Parlement

Le rapporteur spécial déplore que la recherche polaire ne soit pas considérée comme une priorité dans les débats budgétaires et législatifs. Par exemple, l’édition 2023 du rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures, dit « jaune enseignement supérieur et recherche » ([63]) ne consacre pas une seule de ses 425 pages à la recherche polaire. Le nom de l’Institut Paul-Émile Victor n’apparaît quant à lui que dans l’annexe 8, pour être intégré dans la « liste des organismes de recherche », au milieu du CNRS ou de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) !

Le rapporteur spécial souhaite une évolution législative afin qu’un document de politique transversale (« orange ») soit consacré à la politique polaire de la France. Il soutient en ce sens l’insertion des mots « Politique polaire de la France » au 20° du I. de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

À défaut, il souhaite que le « jaune » relatif aux politiques nationales de recherche et de formations supérieures soit complété afin que le Gouvernement présente chaque année au Parlement le bilan et les perspectives de son action et de celle des entreprises en matière de recherche polaire. Il souhaite à ces fins que le 12° du I. de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 soit complété par un e) rédigé comme suit : « Présente la contribution des administrations publiques, des associations et des entreprises au financement de la recherche polaire. »

ii.   Une meilleure visibilité des crédits

Le rapporteur spécial souhaite la discussion, au début de chaque législature, d’un projet ou d’une proposition de loi de programmation de la recherche polaire. Une telle proposition pourrait, de façon similaire à la loi de programmation de la recherche, fixer par un rapport annexé les orientations relatives à la politique de recherche polaire et aux moyens qui lui sont consacrés. Elle pourrait surtout apporter de la visibilité aux acteurs de la recherche polaire, au premier rang desquels l’IPEV, sur les financements qui leur seront attribués, au lieu de les laisser comme c’est actuellement le cas dans l’incertitude.

Le rapporteur spécial rappelle que l’ordre de grandeur des sommes nécessaires demeure très modéré au regard des bénéfices à attendre d’un réinvestissement de la France dans sa recherche polaire. La détermination du montant exact nécessitera une vaste concertation, mais les montants se situeraient entre 400 et 800 millions d’euros au total d’ici à 2030. Le rapporteur spécial aura l’occasion de les détailler dans une proposition de loi de programmation de la recherche polaire qu’il déposera.

b.   La visibilité culturelle

À l’évidence, l’importance des enjeux autour des pôles n’est aujourd’hui pas perçue à sa juste valeur. Le rapporteur spécial fait sienne la recommandation formulée par le rapport sur la stratégie polaire ([64]) de mener « une politique éducative et culturelle volontariste […] en recourant à tous les outils disponibles : enseignements, publications, événements, programmes culturels, fonds cinématographiques, échanges internationaux…. » Il partage également la prévision qu’« un musée pour honorer Charcot, les expéditions polaires tout comme pour expliquer les transformations actuelles des pôles trouverait certainement son public » ([65]).

Dans cette optique, la « mission d’interface entre les scientifiques, les acteurs polaires et la société civile » qu’exerce déjà l’IPEV devrait être renforcée, ce qui nécessiterait des moyens humains supplémentaires. Interrogé par le rapporteur spécial, l’Institut a en effet indiqué qu’actuellement il « s’engage dans une politique d’éducation qui privilégie la qualité du service plutôt que sa quantité », ce qui se comprend aisément eu égard aux effectifs qu’il peut lui consacrer : « deux personnels permanents, auxquels s’ajoutent des intérimaires ou des stagiaires selon les possibilités financières annuelles. »

B.   Les stations : une rÉnovation urgente

1.   La station Dumont-d’Urville : des bâtiments essentiels dont la rénovation doit être engagée malgré les obstacles

a.   Une station côtière

Présentation de la station Dumont-d’Urville par la stratégie polaire

Ouverte en 1956, la station Dumont-d’Urville se situe sur la côte. Elle peut accueillir jusqu’à 120 personnes l’été et une vingtaine d’hivernants. L’IPEV assure la gestion fonctionnelle de la station et la conduite des projets scientifiques.

Les recherches sur la biodiversité, notamment sous-marine, sur son évolution et son adaptation aux changements climatiques représentent une part importante des études menées à la station. Dumont-d’Urville est également une plate-forme réputée d’observation de l’atmosphère, de la calotte glaciaire et de la géophysique de la Terre. La station est enfin la porte d’entrée des activités de recherche et de logistique sur le continent, notamment via la station franco-italienne Robert Guillard, où sont préparés les convois de ravitaillement vers la station continentale Concordia et les raids d’exploration scientifique de l’Antarctique.

Source : rapport sur la stratégie polaire, p. 98

b.   Une rénovation nécessaire

La station Dumont-d’Urville, construite en 1956, est depuis longtemps identifiée comme ayant de forts besoins de renouvellement. Dès 2007, M. le sénateur Christian Gaudin ([66]) estimait que « la rénovation de Dumont-d’Urville ne peut plus être repoussée », la qualifiant de « suite désorganisée de bâtiments délabrés. » L’IPEV comme la DGRI ont cependant fait savoir au rapporteur spécial qu’ils estimaient cette expression désormais inadaptée voire « totalement exagérée » pour la DGRI.

La Cour des comptes ([67]) indique que « les TAAF ont conduit au début de l’année 2021 un contrôle informel des infrastructures du site, qui a mis en exergue des non-conformités : maintien de structures obsolètes, stockage et gestion du carburant partiellement inadaptés, gestion des déchets et eaux usées non maîtrisée et potentiellement génératrice de pollutions. » Les TAAF ont indiqué au rapporteur spécial que « certains progrès » ont été effectués depuis cette mission, en matière de formation des équipes, de lutte contre le risque d’incendie, de protection des travailleurs isolés, de limitation des activités polluantes et de gestion des eaux usées.

Une inspection de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sera conduite au début de l’année 2024 ([68]). Les TAAF ont indiqué au rapporteur spécial travailler avec l’IPEV pour élaborer une feuille de route de mise en conformité de la station dans les plus brefs délais.

Les besoins de financement pour la rénovation de la station Dumont-d’Urville sont estimés dans la stratégie polaire à 70 millions d’euros ([69]), le rapporteur spécial ayant quant à lui mentionné dans son rapport de novembre 2022 un chiffrage communiqué par l’IPEV entre 70 et 130 millions d’euros. L’IPEV avait à cette occasion précisé au rapporteur spécial « qu’il n’y a pas besoin de ressources financières supplémentaires dans l’immédiat, mais plutôt d’autorisation d’ETPT sous plafond pour enclencher études et travaux primordiaux, comme le remplacement de la centrale énergétique et la diminution des consommations d’hydrocarbures, ainsi que l’installation d’une unité d’incinération des déchets conforme aux rejets dans l’atmosphère prévus par le traité de l’Antarctique » ([70]). L’IPEV a d’ores et déjà procédé au recrutement d’un ingénieur des travaux publics de l’État spécifiquement pour la rénovation de la station.

De premiers financements ont déjà été versés à l’IPEV en vue de ces travaux ; ils sont inclus dans les dotations en fonds propres mentionnées dans la documentation budgétaire.

Évolution des financements versÉs À l’IPEV pour la rÉnovation de la station Dumont-d’Urville

(en millions d’euros)

 

AE

CP

2021

1

1

2022

6,7

1,9

2023

0

4,8 ([71])

Total

7,7

7,7

Source : RAP pour 2021 et 2022, PAP pour 2023, et les réponses de l’IPEV au questionnaire budgétaire.

La lettre de mission IGA-IGESR précitée faisait cependant le constat, au sujet des « opérations de rénovation de grande ampleur » de la station Dumont-d’Urville, que « ces travaux ne pourront être menés qu’avec une coordination optimale entre les TAAF et l’IPEV, ce qui n’est actuellement pas le cas. »

La lettre de mission du 7 décembre 2022 précitée indiquait quant à elle que l’IPEV « se trouve […] dans l’incapacité de dégager les ressources humaines nécessaires pour préparer les opérations d’investissement lourdes à venir sur les bases en Antarctique. » Mme la directrice générale de la recherche et de l’innovation au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a d’ailleurs reconnu que, si « ces sites nécessitent des financements » car « les stations antarctiques françaises sont vieillissantes et ne répondent plus pleinement aux exigences actuelles de science écoresponsable et ne permettent plus d’accueillir dans les meilleures conditions les communautés scientifiques françaises et étrangères », « les montants actuels alloués constituent des impasses sur lesquelles il convient de travailler » ([72]).

La DGRI a ainsi estimé auprès du rapporteur spécial que « rénover Dumont-d’Urville est devenu un impératif sanitaire, environnemental et scientifique. »

c.   Une reconstruction souhaitable

Le rapporteur spécial invite à interroger la pertinence d’une simple rénovation de la station par rapport à une éventuelle construction d’une nouvelle station.

Les enjeux autour de la construction d’une nouvelle station selon l’IPEV

« Construire une nouvelle station est certes plus onéreux mais prend en compte les impératifs et contraintes d’exploitation de la surface constructible et peut permettre sur le long terme de réduire la consommation énergétique associée, l’empreinte carbone, l’empreinte au sol et de se hisser au standard des nouvelles stations qui sont construites actuellement par nos homologues étrangers sur le continent (Royaume Uni, Pologne, Chine, Russie). »

Concernant la réduction de l’impact environnemental des activités de recherche, « le seul moyen d’approcher le zéro carbone pour Dumont-d’Urville implique de reconstruire la station complètement en planifiant dès sa construction les éléments techniques qui permettront d’obtenir une station propre.

« Toutefois, le fonctionnement d’une station ne peut être complètement décarboné en cas d’ouverture toute l’année et d’un nombre de scientifiques accueillis important. Il est en effet très difficile de ne reposer que sur les énergies renouvelables au-delà d’une cinquantaine de personnes sans sombrer dans le gigantisme (augmentation drastique du nombre de panneaux solaires ou d’éoliennes) et les énergies renouvelables ne sont essentiellement utilisables que pendant l’été (ensoleillement nul en hiver, vents catabatiques trop forts en hiver pour les modèles d’éoliennes existants). »

Source : réponses de l’IPEV au questionnaire du rapporteur spécial.

Les chercheurs du CNRS auditionnés par le rapporteur spécial ont de surcroît indiqué que des stations rénovées, donc plus automatisées, permettraient de limiter le nombre de personnels effectuant le trajet jusqu’aux pôles et séjournant sur place, aboutissant à une diminution de l’empreinte écologique de la recherche polaire. Cette remarque fait écho à une recommandation de la stratégie polaire : « À l’avenir, une évolution souhaitable consisterait à automatiser de manière accrue l’acquisition des données et la transmission, si possible en temps réel, de la donnée scientifique, avec la possibilité pour le chercheur d’intervenir à distance. En complément, les progrès de la robotique, qu’il s’agisse de robots sous-marins, terrestres ou aériens, pourraient amener à aborder le vivant ou des objets physiques et géologiques avec un niveau plus réduit d’intervention humaine en présentiel » ([73]).

2.   La station Concordia

a.   Une station à l’intérieur des terres

Concordia, construite sur une calotte glaciaire de 3 300 mètres d’épaisseur, est une station gérée conjointement par l’IPEV et son homologue italien. Habitée en continu depuis 2005, avec une quinzaine d’hivernants et jusqu’à 70 personnes pendant l’été austral, elle est l’une des trois stations permanentes implantées à l’intérieur du continent antarctique, la seule européenne.

Située à près de 1 000 kilomètres des côtes, elle bénéficie d’une situation géographique unique, au cœur du continent antarctique. Le rapport sur la stratégie polaire explique ([74]) qu’« en plus de son altitude élevée, la faible humidité de l’air, la basse pollution lumineuse et atmosphérique font de Concordia le site idéal pour l’astronomie. » Cette assertion est confirmée par l’ancien directeur de l’IPEV, M. Jérôme Chappellaz, qui indiquait ainsi en 2019 : « À Concordia, nous soutenons des travaux de recherche sur les exoplanètes. Il y a eu par exemple une publication il y a quinze jours dans Nature Astronomy sur la découverte d’une exoplanète […], qui repose en grande partie sur les observations que nous conduisons hiver après hiver dans cette station, au cœur du continent antarctique » ([75]).

M. Jérôme Chappellaz donnait un autre exemple de l’avantage de la situation géographique unique de Concordia : « Nous avons affaire à des milieux extrêmes où les hommes sont isolés dans des conditions qui se rapprochent des futures missions spatiales vers Mars. Nous avons, par exemple, un accord avec l’Agence spatiale européenne pour étudier les personnels que nous entretenons en hivernage dans la station Concordia sur un plan épidémiologique ([76]), toxicologique ([77]) et psychologique » ([78]). L’IPEV a abondé dans ce sens auprès du rapporteur spécial en lui expliquant que « des conditions comme celles rencontrées dans la station Concordia en hiver (haute altitude, nuit continue, froid intense ([79]), vie en petite communauté) permettent de tester les réponses physiologiques et psychologiques à des conditions proches de celles d’un séjour en station orbitale ou pour de futures missions sur la Lune ou Mars. »

b.   Une coûteuse rénovation qui grève le budget de fonctionnement de l’IPEV

Un plan d’actions chiffré à 33,9 millions d’euros sur 10 ans, dont 15 millions d’euros pour la France, a été acté en février 2020 par une déclaration commune franco-italienne. En l’absence de financement dédié, l’IPEV a dû utiliser son budget de fonctionnement pour financer les travaux déjà engagés, à hauteur de 5,61 millions d’euros au total depuis 2020.

Les besoins restent donc importants, atteignant presque 10 millions d’euros. La stagnation du budget annuel de l’IPEV et l’inflation du coût de ses charges diminuent les marges de manœuvre de l’établissement pour les financer.

c.   Un avenir incertain

D’après les informations communiquées au rapporteur spécial, une réflexion est également en cours sur l’opportunité de maintenir Concordia ouverte une fois le projet Beyond Epica terminé, la station étant en effet coûteuse et isolée.

Le corollaire de la situation géographique unique est en effet l’importance de ses coûts d’entretien, estimés à 10 millions d’euros par an par la direction générale de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation (DGRI), répartis entre la France et l’Italie.

Ces coûts s’ajoutent à ceux exposés précédemment relatifs à la rénovation de la station.

La DGRI a fait en outre valoir au rapporteur spécial que « si Concordia a été longtemps considéré comme une station scientifique unique, il apparaît que d’autres sites plus accessibles permettent de réaliser des études équivalentes. »

Enfin, « les défis scientifiques à relever en glaciologie après la réalisation du projet « Beyond Epica » sont moins évidents » d’après la DGRI.

Le rapporteur spécial n’a pas l’expertise scientifique pour arbitrer cette question, mais note que l’IPEV considère, lui, comme indispensable la station Concordia et s’oppose à son démantèlement, comme il l’avait expliqué dans son rapport spécial de l’automne 2022 : « Si cette station venait à être fermée, le processus serait irréversible car elle n’est pas conçue pour être inoccupée l’hiver. Ce choix aurait par ailleurs des implications géopolitiques affectant le rayonnement international de la France. De fait, il n’existe que trois stations permanentes à l’intérieur de l’Antarctique : Concordia, la station américaine Amundsen-Scott et la station russe Vostok. Enfin, fermer la station ne serait pas sans conséquences financières non plus, puisque la France et l’Italie devraient de concert soit procéder au démantèlement de la station, ce qui représenterait un coût de plusieurs millions d’euros, soit procéder à une transmission de cette station à une puissance étrangère. »

C.   La flotte : un manque de moyens pour la recherche polaire

1.   L’Astrolabe : un brise-glace à vocation exclusivement logistique

a.   Une absence de brise-glace scientifique préjudiciable

L’Astrolabe est l’unique brise-glace ([80]) public français. Il appartient aux TAAF, qui laissent l’IPEV l’affréter 120 jours par an en Antarctique pour ses missions logistiques et, de manière très marginale, scientifiques, les équipements scientifiques déployés à bord étant insuffisants ([81]). Il effectue ainsi 5 rotations par été entre Hobart en Australie et la station Dumont-d’Urville.

Le rapport sur la stratégie polaire note ainsi que « contrairement à de nombreux autres États […], la France n’a donc jusqu’à présent pas fait le choix de se doter d’un navire brise-glace en soutien à l’océanographie polaire », ce qui a eu comme conséquence que les chercheurs français investis dans les milieux polaires doivent « construire leurs campagnes scientifiques en milieu marin arctique ou antarctique en s’associant systématiquement à des projets émanant d’autres nations », de sorte « qu’il leur est difficile alors de revendiquer la primauté sur l’exploitation des résultats obtenus » ([82]).

b.   Une adaptation nécessaire

En raison du coût élevé de la construction d’un brise-glace, le rapport sur la stratégie polaire préconise « de mettre en place des accords avec les nations représentées au conseil de l’Arctique […] afin de faciliter l’accès aux chercheurs français », « en mettant dans la balance la possibilité d’échanger des services en utilisant les moyens français en Antarctique et dans le subantarctique. »

Cette recommandation s’inscrit dans la continuité de l’accord bilatéral conclu entre le Canada et l’IFREMER « pour améliorer les accès à la mer des deux partenaires en zone arctique », qui prévoit « par réciprocité, un accès de la partie française à l’Amundsen, seul brise-glace de la garde côtière canadienne entièrement équipé pour la science » ([83]).

M. l’ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor recommande également d’« équiper L’Astrolabe d’apparaux scientifiques dédiés et de lui accorder une vingtaine de jours sous autorité d’emploi de l’IPEV, afin de pouvoir conduire des campagnes océanographiques et hydrographiques dans l’océan austral et notamment en mer de Dumont-d’Urville, telles que l’IPEV les conduisait avec l’ancien Astrolabe dans les années 2000 » ([84]).

c.   L’investissement dans un brise-glace purement scientifique est souhaitable

Interrogé par le rapporteur spécial, l’IPEV répond que la possession d’un brise-glace scientifique « semble effectivement impérative pour être au niveau des autres nations », et rappelle que d’autres pays ont récemment consenti à des investissements massifs dans des brise-glace scientifiques, dont l’Allemagne, qui investira pour ce faire pas moins d’un milliard d’euros ([85]).

Le budget à prévoir pour la construction d’un brise-glace scientifique semble se situer entre 100 ([86]) et 200 millions d’euros ([87]).

L’absence de brise-glace est préjudiciable aux chercheurs français car elle les contraint à s’associer à des projets portés par d’autres nations, sans qu’ils puissent ainsi faire prévaloir leurs priorités.

2.   Autant de jacuzzis que de chercheurs : l’impasse d’un brise-glace privé pour la recherche scientifique

La compagnie privée Ponant a mis en service un brise-glace disposant de capacités d’accueil de programmes scientifiques, Le Commandant Charcot.

Il est cependant loin d’être garanti que les chercheurs puissent exercer leurs missions dans de bonnes conditions à bord d’un tel navire, qui vise avant tout à transporter des touristes. Cette crainte a été formulée au rapporteur spécial par les chercheurs du CNRS qu’il a auditionnés. M. Gaël Durand a ainsi expliqué que « ce n’est pas un navire océanographique qui permet des campagnes scientifiques, uniquement des petites opérations dites d’opportunité. » Ces inquiétudes semblent pleinement justifiées par le témoignage même d’un passager du Commandant Charcot.

Ainsi, si le nombre de passagers peut aller « jusqu’à 245 », d’après le site internet de la compagnie Ponant ([88]), dans son rapport de mission ([89]) (réalisé « en tant qu’observateur » sur la proposition du représentant de la compagnie Ponant), M. le député Jacques Maire, après avoir regretté que « la communauté scientifique [française] [soit] condamnée à se débrouiller et à aller à la chasse aux partenariats pour trouver des embarquements », se réjouit que Ponant « compte consacrer quatre places passagers à cette activité à ce stade » ([90]). Ce nombre de 4 places passagers consacrées à la recherche scientifique ne représente que 1,63 % du total des passagers. Le risque d’un tel navire est alors celui d’un écoblanchiment, d’une apparence de déplacement ayant des retombées positives pour la planète alors qu’il lui est intrinsèquement nuisible.

En effet, il ne peut être écologiquement souhaitable de développer le tourisme aux pôles, a fortiori en Antarctique. Dans son rapport de mission, M. le député Jacques Maire reconnaît ainsi que ce navire, faisant « près de 150 mètres de long pour plus de 30 000 tonnes de déplacement » ([91]), doté d’« une puissance de 34 mégawatts (celle d’une ville) », comptant « un hôtel de luxe de très grand confort, offrant aux passagers […] deux restaurants estampillés Alain Ducasse » ([92]) disposant de « quatre suites avec jacuzzi » avec « climatisation individuelle » ([93]), « [reste] encore très loin d’un bateau zéro émissions » ([94]) car « les technologies ne sont pas encore disponibles » ([95]) et à l’heure actuelle « le carburant principal est le gaz naturel liquéfié » ([96]). Par conséquent, il en conclut que « la croisière de luxe dans les glaces a un impact négatif certain sur l’environnement » ([97]).

Le tourisme est à l’Antarctique ce que les jets privés sont à l’Europe : une activité inutile, réservée à une infime minorité mais nuisible à toute l’humanité. Le rapporteur spécial ne pense pas qu’un navire comptant autant de jacuzzis que de chercheurs, et disposant d’une climatisation pour aller au pôle Nord, soit la solution pour une recherche polaire utile et avec un impact environnemental réduit. Il appelle donc plutôt à engager des études sur la construction d’un navire brise-glace public intégralement dédié aux activités de recherche. Il ne partage donc pas l’opinion exprimée par M. Poivre d’Arvor dans son rapport sur la stratégie polaire, qui considère que « le recours à ce navire de croisière […] est un plus très appréciable » ([98]).

3.   Le Marion-Dufresne

Le Marion-Dufresne est un navire de recherche et de logistique utilisé par :

– les TAAF 129 jours par an à des fins de transport et de fret ;

– l’IFREMER 208 jours par an pour ses missions de recherche océanographique.

Il ne peut toutefois naviguer dans la glace de mer, et est donc réservé à la desserte des îles et archipels de la zone subantarctique (archipels des Kerguelen et des Crozet, îles Saint-Paul et Amsterdam) et, de façon plus marginale, des îles Éparses de l’océan Indien.

Sa fin de service est prévue pour 2032 ([99]). Aucune des personnes auditionnées par le rapporteur spécial n’a été en mesure de lui indiquer l’état de réflexion sur son remplacement après cette date.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le jeudi 1er juin 2023, la commission des finances a entendu M. Michaël Bouloux, rapporteur spécial des crédits des programmes 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles, 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, 191 Recherches duales (civile et militaire), 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle et 193 Recherche spatiales, sur son rapport d’information relatif à la recherche polaire, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je scinderai mon propos en trois parties. J’évoquerai d’abord brièvement les enjeux de la recherche polaire. J’exposerai ensuite les divers financements, les acteurs qui concourent à cette recherche et les leçons que j’ai tirées de mes auditions. J’exprimerai enfin les besoins que j’ai identifiés afin de relancer la recherche polaire.

Commençons par rappeler brièvement les enjeux de la recherche polaire. Le premier réside dans son apport à l’appréhension du changement climatique, que l’étude des calottes glaciaires a permis d’identifier. Les changements climatiques peuvent d’autant mieux être étudiés aux pôles qu’ils y sont exacerbés. La recherche polaire couvre également d’autres domaines très divers. Diverses catastrophes naturelles y sont surveillées. Les sciences humaines et sociales y sont étudiées. La résilience de l’homme face à des conditions extrêmes similaires à celles de l’espace peut y être évaluée. La recherche polaire favorise enfin la coopération entre les nations. Au-delà des rapprochements entre chercheurs et chercheurs des différentes nationalités sur le terrain, les enjeux des pôles communs à toute l’humanité justifient une gouvernance unique par son caractère multilatéral.

Je vais maintenant vous exposer les divers acteurs et financements concourant à la recherche polaire dans notre pays.

L’institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEVIPEV) est l’agence de moyens permettant la mise en œuvre des projets de recherche polaire. Il ne s’agit ainsi pas d’un organisme de recherche. Son rôle consiste à coordonner les missions de recherche et veiller à ce qu’elles se déroulent correctement, grâce à son appui logistique et son expertise technique.

L’IPEV souffre d’un sous-financement chronique. Sa principale ressource est la subvention pour charges de service public, inférieure à 15 millions d’euros chaque année. Ce montant, qui était déjà insuffisant, l’est d’autant plus que l’Institut est confronté à des surcoûts importants du fait d’un cumul de crises : les contraintes de la crise sanitaire puis la crise énergétique ont cumulé leurs effets, ce qui a justifié, à mon initiative et à celle d’autres députés, une dotation exceptionnelle de 3 millions d’euros pour 2023. Cette dotation était indispensable, mais doit être pérennisée.

L’IPEV souffre également d’un déficit de personnel. Malgré les augmentations du plafond d’emploi qui lui ont été accordées ces dernières années, la situation demeure tendue. Ces sous-effectifs ont affecté la qualité des conditions de travail des personnels, même si les renforcements d’emplois sous plafond de ces dernières années ont amélioré la situation. Surtout, ces sous-effectifs ont pu menacer la sécurité sur le terrain des personnels de l’IPEV et des scientifiques.

En plus de ce sous-financement, l’Institut souffre de la relation difficile qu’il entretient avec les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Ces dernières sont en effet chargées du maintien de la sécurité et du respect de l’ordre public. Les personnels de l’IPEV et les chercheurs ont exprimé le sentiment que les TAAF pratiquent une forme d’ingérence dans leurs activités de recherche au nom de leurs missions de sécurité, ce qui se traduit au quotidien par des multiples tensions et des querelles significatives sur des sujets comme le plan de couchage, l’organisation des activités de recherche ou même la consommation d’alcool, ce qui est vécu comme une frustration et une infantilisation par l’IPEV. Les textes régissant les relations entre les TAAF et l’IPEV gagneraient donc à être clarifiés.

Signalons également que la recherche polaire bénéficie de financements via les appels à projets de l’Agence nationale de la recherche et du plan Investir pour la France de 2030, pour un total de 61 millions d’euros depuis 2017.

Concernant la coopération européenne et internationale en matière de recherche polaire, l’IPEV conduit des partenariats avec de nombreux pays. Il gère notamment, conjointement avec l’Allemagne, la station de recherche AWIPEV en Norvège. De plus, certains projets soutenus par l’IPEV bénéficient de financements européens pour un montant compris entre 200 000 et un million d’euros par an. Enfin, l’Union européenne finance des projets de recherche arctique pour des sommes qui auraient représenté environ 200 millions d’euros pour la période 2013-2020. La transparence et la lisibilité de ces financements gagneraient à être améliorées. L’agression de l’Ukraine par la Russie a complexifié le cadre de la coopération internationale. Certains projets de recherche impliquant la Russie ont dû être annulés, tandis que les instances de coopération internationale sont entravées dans leur fonctionnement quotidien.

Ma dernière partie est consacrée aux moyens que j’ai identifiés pour pérenniser et relancer la recherche polaire. Par rapport à d’autres pays, les moyens consacrés par la France à la recherche polaire sont particulièrement faibles. Les moins de 20 millions d’euros de subventions à l’IPEV peuvent être comparés aux 160 millions d’euros consacrés par l’Allemagne à l’homologue allemand de l’IPEV, le gouvernement allemand ayant de surcroît annoncé investir dans un nouveau brise-glace pour pas moins d’un milliard d’euros. Si les personnels de l’IPEV parviennent à maintenir le rang de la France dans la recherche polaire malgré ce manque de moyens, il s’agit d’un miracle qui ne s’éternisera pas. Il y a donc urgence à donner des moyens suffisants dans la durée à la recherche polaire.

Au regard de l’importance des enjeux qui y sont attachés, je considère aussi qu’il faut accroître la visibilité de la recherche polaire. Je développe pour ce faire plusieurs propositions dans mon rapport : consacrer un orange budgétaire à la recherche polaire ou à défaut, consacrer une partie du jaune budgétaire aux politiques nationales de recherche et de formation supérieure à la recherche polaire ; examiner un projet ou une proposition de loi de programmation de la recherche polaire en début de chaque législature. Les montants à consacrer en la matière demeurent modestes eu égard aux enjeux considérables, de l’ordre de 400 à 800 millions d’euros au total d’ici à 2030. La visibilité culturelle de la recherche polaire doit également être accrue. Une politique éducative et culturelle volontariste pourrait utilement sensibiliser les citoyennes et les citoyens aux enjeux en la matière. Sous réserve que les moyens nécessaires, financiers et humains lui soient affectés, l’IPEV pourrait se voir doté d’un rôle d’interface entre les scientifiques, les acteurs polaires et la société civile.

Les stations nécessitent une rénovation urgente. La station Dumont-d’Urville est située sur les côtes du continent antarctique. Elle permet de conduire des recherches sur la biodiversité et de mener des observations de l’atmosphère. Elle est une base logistique pour la station Concordia implantée à l’intérieur du continent. De nombreux rapports ont mis en évidence la nécessité de rénover la station Dumont-d’Urville, l’un d’entre eux la qualifiant même de « suite désorganisée de bâtiments délabrés ». Si cette expression ne semble heureusement plus d’actualité, des besoins importants demeurent, évalués entre 70 et 130 millions d’euros. Sa reconstruction pourrait être envisagée, notamment pour diminuer son empreinte écologique et énergétique.

La station Concordia est gérée conjointement par l’IPEV et son homologue italien. Située à près de 1 000 kilomètres des côtes, elle bénéficie d’une situation géographique unique qui la rend adaptée pour les travaux d’astronomie et pour évaluer la survie de l’homme en milieu extrême, dans des conditions qui se rapprochent de potentielles missions spatiales vers mars. Une rénovation de la station Concordia est nécessaire. Elle a été chiffrée à 34 millions d’euros sur dix ans, dont 15 millions d’euros pour la France. L’opportunité de maintenir la station ouverte sur le long terme est cependant questionnée par le ministère chargé de la recherche.

Je termine cette présentation en évoquant la flotte. L’Astrolabe est l’unique brise-glace public français. Il n’est toutefois pas affecté à des missions scientifiques, mais à des missions logistiques, les équipements scientifiques déployés à bord étant insuffisants. En raison de cette absence de brise-glace scientifique, les chercheurs français doivent s’associer à des projets émanant d’autres nations et bénéficient d’un temps limité. Il existe un brise-glace privé, le Commandant-Charcot. Il ressort cependant des auditions et de mes analyses que ce brise-glace, dont l’impact environnemental n’est par ailleurs pas négligeable, n’est pas du tout adapté aux chercheurs qu’il accueille de manière marginale. Ce navire doté de la climatisation pour aller au Pôle Nord compterait autant de chercheurs que de jacuzzi. Il s’agit d’écoblanchiment plutôt que d’une solution pour relancer la recherche polaire française, qui a besoin d’un brise-glace public.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le rapporteur spécial les recherches menées par la France et d’autres pays en milieu polaire, arctique, antarctique et dans les îles subantarctiques, sont essentielles. Ces recherches mobilisent plusieurs champs disciplinaires, en physique, étude de la cryosphère, en océanographie, glaciologie, écologie, mais aussi en sciences humaines et sociales. Elles fournissent des informations cruciales sur les enjeux globaux relatifs au rôle moteur des pôles dans la dynamique du climat, mais aussi sur l’adaptation dans les conditions extrêmes.

Quelques éléments issus d’une analyse bibliographique récente me paraissent importants à rappeler pour positionner ce champ de recherche, qui est pluridisciplinaire. Cette analyse montre qu’en dix ans, plus de 6 000 personnes rattachées à un laboratoire français ont été mobilisées, dont plus de 600 émargent régulièrement sur les publications en lien avec ces pôles. La recherche française portant sur les milieux polaires est portée en priorité par le CNRS en tant que troisième institution contributrice mondiale. Il représente 75 % des contributions françaises. L’IRD représente la deuxième contributrice française. Le réseau des universités de recherche française, Udice, est le quatrième contributeur mondial. La France, au total, est le huitième contributeur mondial, derrière quatre pays arctiques, deux pays nordiques, mais aussi la Chine.

Le ministère, en tant que tutelle principale, soutient fortement ceux dont les missions sont d’apporter logistique et soutien à ces nombreux chercheurs sur ces différentes implantations. Vous l’avez dit, l’IPEV n’est pas un organisme de recherche. Mon ministère assure donc le financement principal de l’IPEV. Il suit de très près sa mission et les moyens qui lui sont affectés. Il soutient effectivement les études actuellement menées quant à la rénovation de la station Dumont-d’Urville en Terre Adélie, mais aussi le devenir de la station franco-italienne de Concordia située à 1 000 kilomètres de Dumont-d’Urville. Je rappelle que mon ministère, en complément de la subvention qui est versée chaque année à l’IPEV, a effectivement apporté un soutien supplémentaire aussi bien humain que financier ces dernières années. Je voudrais rappeler le total de onze équivalents temps plein (ETP) supplémentaires entre 2021 et 2023 et plus de 7 millions d’euros d’investissements sur la période 2020-2023 pour ces études techniques visant à préparer cette rénovation de la station Dumont-d’Urville. Un des ETP recrutés vise d’ailleurs actuellement à affiner les coûts prévus pour la rénovation de cette station.

Par ailleurs, je suis aussi attentive à la situation actuelle de l’IPEV qui, malgré une amélioration récente, demeure fragilisé. C’est la raison pour laquelle j’avais lancé deux missions dont les résultats sont attendus prochainement. Une de ces deux missions est confiée au président du CNRS et de l’Ifremer et porte sur un possible adossement de l’IPEV à l’un de ces deux organismes. Cet adossement viendrait à terme apporter une plus grande stabilité et des facilités de fonctionnement par la mutualisation des services, tout en maintenant la souplesse du fonctionnement actuel. La deuxième mission est conduite conjointement par l’IGA et l’IGESR et a pour objectif de clarifier les responsabilités respectives des TAAF et de l’IPEV sur un plan opérationnel.

Pour terminer, j’aimerais rappeler ce qui guide mon ministère dans l’attribution de ces moyens à destination des groupements et infrastructures de recherche : contribuer à soutenir des recherches qui doivent rester ouvertes et de qualité sur tous les domaines et dans tous les milieux. Cela est vrai pour l’IPEV, qui contribue aux recherches sur les milieux polaires, comme ce soutien constant et attentif en témoigne.

M. le président Éric Coquerel. La question de la recherche polaire française bénéficie d’un soutien transpartisan à l’Assemblée. Un colloque récent a eu lieu, coanimé par Jimmy Pahun et Clémence Guetté, avec de nombreux acteurs de la recherche polaire. Comme vous le savez, des cris d’alarme justifiés ont été soulevés, notamment de l’IPEV il y a maintenant deux ans, sur la situation d’un pays qui est en théorie un des grands pays de la recherche polaire historiquement et au regard de sa présence en Antarctique, et qui n’a pas aujourd’hui les moyens de cette recherche polaire. Cela ne date pas de ce gouvernement mais cela ne peut pas durer. Les comparaisons qui ont été faites avec l’Allemagne sont parlantes.

Lors de la dernière discussion budgétaire, nous avions pu gagner quelques embauches de chercheurs pour l’IPEV, mais ces amendements conduisaient à choisir entre cette mesure et des équipements en matériels suffisants. J’entends vos propos, mais il sera nécessaire d’accélérer la démarche d’ici 2030. Je rappelle que les accords de Madrid, qui reconnaissent l’Antarctique comme une terre de paix dédiée à la science, dans lesquels la France a eu un poids très important, avec Michel Rocard, seront bientôt renouvelés. Il faut une France forte dans la recherche polaire eu égard à nos ambitions en la matière.

M. Emmanuel Lacresse (RE). Nous sommes reconnaissants du choix de ce thème et souhaitons souligner les enjeux qui y sont attachés, c’est-à-dire la recherche climatique, les enjeux éventuels d’exploration de Mars et, par votre comparaison des dépenses avec l’Allemagne, des enjeux géopolitiques non exprimés, mais qui sont présents à notre esprit. Nous nous souvenons de l’immense passion française pour ces découvertes maritimes lointaines.

Vous avez rappelé, Madame la ministre, que onze ETP supplémentaires avaient été affectés et que des investissements de 7 millions d’euros avaient été consentis, mais comme le souligne le rapporteur spécial, un déficit de plus de 3 millions d’euros est constaté, dans un cadre non seulement de crise énergétique dont nous avons déjà parlé sur d’autres aspects, mais aussi de problèmes de coopération internationale en raison de l’actualité géopolitique et d’un manque de soutien sur le brise-glace. Vous soulignez enfin le sujet de la relation avec les Terres australes et antarctiques françaises. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives d’investissement, notamment de la part du ministère des affaires étrangères ?

M. Émeric Salmon (RN). Je tiens d’abord à saluer le choix de la thématique, qui permet de mettre en lumière des missions méconnues dans la France du bout du monde. Comme Monsieur le rapporteur spécial nous l’a présenté, la Terre Adélie est administrée conjointement par les Terres australes et antarctiques françaises et l’IPEV, depuis la base Dumont-d’Urville. Le rapport met en lumière des difficultés conjoncturelles entre l’administration des TAAF et l’IPEV. Ces difficultés sont regrettables, mais elles ne doivent pas remettre en cause ce partenariat profond et historique entre ces deux organismes. Le rôle des TAAF reste indispensable dans la gestion de la Terre Adélie, dans la mesure où ce territoire est propriétaire de l’Astrolabe, navire polaire armé par la Marine nationale et effectuant le ravitaillement de la base Dumont-d’Urville. Par ailleurs, seules les TAAF ont la surface financière suffisante et la connaissance logistique pour l’acquisition et la gestion d’un nouveau brise-glace, comme l’appelle de ses vœux le rapporteur.

Ma question à Madame la ministre porte sur la concurrence des grandes puissances, notamment de la Chine, sur l’Antarctique. L’Antarctique regorge de ressources minières et d’hydrocarbures très convoités et protégés jusqu’en 2048 par un statut juridique international unique en son genre, qui permet de geler les revendications territoriales des grandes nations. L’institut de recherche polaire chinois mène des recherches poussées sur le potentiel en hydrocarbures, de même que la Russie. Sous couvert de science, la Chine investit massivement en Antarctique, pousse ses pions et vient de construire sa cinquième base. La France n’en a qu’une seule, doublée d’une station franco-italienne. Cette offensive récente intervient alors que la Chine est arrivée sur le tard en Antarctique. Elle ne fait pas partie des pays qui ont revendiqué la possession d’une partie du continent par le traité de 1957. Ma question est la suivante : dans quelle mesure la France tient-elle compte de l’offensive chinoise relativement récente en Antarctique ? Comment se prépare-t-on en France à l’expiration du traité de l’Antarctique en 2048 du point de vue des revendications territoriales ?

Mme Marina Ferrari (Dem). Merci, monsieur le député Bouloux, pour avoir mis en avant cet enjeu crucial de la question de la recherche polaire. Dans son dernier rapport, le GIEC soulignait l’importance de ce sujet, notamment lié au risque de la fonte des glaces, mais également au fait que l’océan austral soit la principale pompe à chaleur de notre planète, un puits de gaz carbonique très important et une réserve de biodiversité dont tout le monde connaît l’importance.

Madame la ministre, nous sommes au début d’une nouvelle aventure polaire puisqu’en avril 2022, Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des pôles et des affaires maritimes, a dévoilé la stratégie polaire de la France à l’horizon 2030, dont le titre est « Équilibrer les extrêmes ». Ce plan comprend des mesures très importantes : une augmentation des effectifs, passant de 320 à 500 d’ici 2030, un triplement des moyens financiers accordés à la recherche en Arctique, alors qu’aujourd’hui 90 % de nos moyens de recherche se concentrent plutôt sur l’Antarctique, l’installation d’une nouvelle base scientifique au Groenland et la rénovation des deux stations en Antarctique qui ont été évoquées par le rapporteur, Dumont-d’Urville pour 60 millions d’euros d’investissements et Concordia en collaboration avec l’Italie pour 30 millions d’euros d’investissements, et enfin le projet de construction d’un nouveau navire océanographique adapté, pour 35 millions d’euros. Madame la ministre, pourriez-vous nous proposer un panorama global du lancement de ce plan et des enjeux financiers qui correspondent à votre ministère sur le sujet ?

Enfin, sur une portée plus internationale, la Russie présidait le conseil de l’Arctique jusqu’en mai 2023. Du fait de la guerre en Ukraine, les travaux ont été suspendus. Ont-ils repris ?

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). À la suite des alertes soulevées par l’IPEV, Monsieur le rapporteur spécial, nous vous remercions d’avoir décidé d’approfondir cette thématique. La recherche polaire est en effet fondamentale pour comprendre le réchauffement climatique. Elle présente également de nombreux autres enjeux surprenants en matière d’anticipation des catastrophes naturelles ou de préparation des explorations spatiales par exemple.

Cette recherche polaire est, en France, permise par l’IPEV, dont le personnel effectue un travail remarquable. Leur travail est d’autant plus admirable qu’ils l’accomplissent malgré des moyens insuffisants et particulièrement faibles en comparaison de ceux des autres nations, ce qui a pu mettre en péril leur sécurité. À ce manque de moyens s’ajoute un autre problème, lié à la répartition floue des compétences entre l’IPEV et les TAAF, qui sape le moral des personnels sur le terrain et perturbe le bon déroulement des activités de recherche.

D’autres financements complètent certes ceux mis en œuvre par l’IPEV, les financements sur projet et les financements européens, mais il serait nécessaire d’en améliorer la lisibilité et la transparence : augmentation de la subvention à l’IPEV, rénovation des stations Dumont-d’Urville et Concordia, acquisition d’un nouveau brise-glace, etc. Il est donc essentiel de renforcer les moyens consacrés à la recherche polaire, tant à court terme qu’à plus long terme. Pour autant, les moyens concernés demeurent modestes : moins d’un milliard d’euros jusqu’à 2030. Madame la ministre, le recours aux financements privés n’est pas une solution au désinvestissement de l’État. Avez-vous donc une trajectoire financière plus ambitieuse à proposer, qui serait en mesure de répondre aux nombreux enjeux de la recherche polaire ?

Un aspect que le rapporteur spécial a souligné me semble essentiel, celui d’une meilleure compréhension du réchauffement climatique et d’une visibilité culturelle de la recherche polaire. Comment comptez-vous, Madame la ministre, travailler avec vos collègues pour mettre en place une politique éducative et culturelle volontariste afin de sensibiliser les citoyens à tous ces enjeux ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Premièrement, je voudrais préciser que pour 2022, en sus de la subvention qui est prévue en programmation initiale de 15 millions d’euros, le ministère a versé en gestion 3 millions d’euros à l’IPEV pour répondre à des besoins conjoncturels liés à l’énergie, aux matières premières, aux carburants, aux problèmes de fret, etc. Compte tenu de ce complément de subvention de 3 millions d’euros, la soutenabilité de l’opérateur pour 2022 n’a pas donné lieu à une alerte à ce stade. Il a ainsi pu subvenir à ses besoins et à ses missions.

Pour 2023, la subvention qui est prévue pour l’IPEV est constituée d’une part de la subvention de charges pour service public de 15 millions d’euros, qui incluent 5,5 millions d’euros pour la station Concordia, et d’autre part d’une dotation en fonds propres de 5 millions d’euros qui complète un premier versement de 2022. Ce financement représentera donc un total de 20 millions d’euros en 2023.

S’agissant ensuite de la stratégie polaire à horizon 2030, le premier point est relatif à la rénovation de nos stations. La présence de la France dans les pôles doit être assurée. Nous avons à ce sujet engagé une étude, qui permettra de finaliser le coût de la rénovation de Dumont-d’Urville. Nous devrons ensuite élaborer un plan de financement. S’agissant du financement de la rénovation de Concordia, nous devrons avoir une discussion avec nos partenaires italiens.

Concernant la présence d’autres pays, je suis en contact étroit avec la ministre allemande sur de nombreux sujets, en particulier celui de la recherche aux pôles. J’ai fait une mission récemment au Canada et je reviens du Japon. Avec ces trois pays, nous pouvons mener une politique polaire. Nous sommes en discussion. Nous avons au Canada et au Japon des laboratoires communs dans lesquels l’Ifremer conduit des missions. Pour le brise-glace, nous ne devons pas être seuls. Il s’agit d’investissements très forts.

Nous nous soucions également du verdissement de nos flottes et de leur utilisation optimale. Nos chercheurs ont l’habitude de travailler en collaboration. Ce n’est pas une charge, mais une valeur ajoutée. Le Canada a décidé de ne pas avoir de brise-glace pour l’instant. Le Japon y réfléchit. Je pense qu’il est important de se rassembler pour l’optimisation de l’utilisation de ces bateaux et de ces brise-glaces pour conduire les missions nécessaires au niveau de nos pôles.

Je vous rappelle qu’au niveau scientifique, nous pourrions ajouter l’investissement à l’Ifremer, dont le CNRS est le premier contributeur scientifique. L’Italie a un investissement de 18 millions d’euros par an et l’Allemagne un investissement de 53 millions d’euros, qui est toutefois consolidé au niveau de l’Alfred Wegener Institute. Cet effort de recherche global sur lequel nous travaillons porte donc à la fois sur l’effort financier sur les rénovations et sur la réorganisation de l’ensemble des acteurs, en vue d’une clarification des périmètres.

Je voudrais à nouveau m’associer à vos remerciements, car il s’agit d’un point important sur la recherche du futur, le climat et les enjeux de la recherche, sur lequel nous serons vigilants et nous aurons une trajectoire à la fois financière et scientifique à vous proposer.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Sur un tel sujet nous pouvons dégager un consensus autour d’un travail transpartisan. Nous avons besoin d’une approche pluriannuelle, pour une visibilité qui permettra de développer des carrières pour les personnes qui s’impliquent dans ce domaine.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial.

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   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

 

Institut Paul-Émile Victor (IPEV)

M. Yan Ropert-Coudert, directeur

M. Rémi Traverse, directeur administratif et financier

Direction générale de la recherche et de l’innovation, ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Cyril Moulin, chef du service de la stratégie, de la recherche et de l’innovation

Centre national de la recherche scientifique

Mme Amaëlle Landais, directeur de recherche, glaciologue au CNRS

M. Gaël Durand, directeur de recherche au CNRS

M. Joël Savarino, directeur de recherche au CNRS, à l’institut des géosciences de l’environnement

Mme Florence Jeanblanc-Risler, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises

M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des pôles et des affaires maritimes


([1]) Propos de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, auditionnée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, mercredi 2 novembre 2022 séance de 17 heures, p. 3 du compte rendu.

([2]) Rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées, portant recueil d’auditions de la commission sur l’évolution de la conflictualité dans le monde, présenté par Mme Françoise Dumas, présidente, n° 3283, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juillet 2020, p. 432.

([3]) “Polar ice evidence that atmospheric CO2 20,000 yr BP was 50 % of present”, Robert J. Delmas, Jean-Marc Ascencio et Michel Legrand, Nature, vol. 284 p. 155-157, 1980. « L’article démontre pour la première fois que le CO2 dans l’atmosphère glaciaire était largement inférieur à la période chaude préindustrielle. Le cycle du carbone est donc lié au climat. Et la glace fournit un enregistrement fidèle : c’est le seul matériau qui piège puis conserve des échantillons de l’atmosphère passée. » (Comment la carotte a révolutionné la climatologie, Anne-Sophie Boutaud dans CNRS le journal, 11 mars 2020, https://lejournal.cnrs.fr/articles/comment-la-carotte-a-revolutionne-la-climatologie (page consultée pour la dernière fois le 9 mai 2023).

([4]) Groupe d’études Arctique, Antarctique, Terres australes et antarctiques françaises et grands fonds océaniques, session inaugurale du mercredi 22 mars 2023, compte rendu, p. 19.

([5]) Mme Amaëlle Landais, M. Gaël Durand et M. Joel Savarino.

([6]) Rapport Tiegna Préville, p. 15.

([7]) L’article 98 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit donne la définition suivante d’un GIP : « Le groupement d'intérêt public est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l'État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l'une ou plusieurs d'entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé. Ces personnes y exercent ensemble des activités d'intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice. »

([8]) À la suite de l’arrêté du 13 janvier 1992 portant approbation d'une convention constitutive de groupement d'intérêt public, le contrat constitutif initial a été signé le 2 avril 1992.

([9]) Convention constitutive modificative en date du 14 janvier 2002, prorogeant de 12 ans la durée du GIP à partir du 16 janvier 2002 (publication au Journal officiel du 28 décembre 2001).

([10]) I. de l’article 1 du décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d'intérêt public.

([11]) Arrêté du 5 février 2014 portant approbation de la convention constitutive modificative du groupement d'intérêt public « Institut polaire français - Paul-Émile Victor. »

([12]) Le CEA s’est retiré du GIP le 1er janvier 2023.

([13]) Les EPF ont été dissoutes en 2021.

([14]) Compte rendu intégral de la deuxième séance du vendredi 29 octobre 2021 de l’Assemblée nationale, p. 36.

([15]) La somme des projets est supérieure à 64 car certains, se déployant sur plusieurs sites, sont comptabilisés deux fois.

([16]) Un homme-jour est une unité de mesure opérationnelle correspondant au travail d'une personne pendant une journée. Par exemple, un projet qui demande dix hommes-jours peut théoriquement nécessiter le travail d'une personne pendant dix jours, de dix personnes pendant un jour, ou encore de deux personnes pendant cinq jours.

([17]) Crédits de paiement.

([18]) La somme de 15,191 millions d’euros indiquée par la documentation budgétaire intègre en 2022 la SCSP proprement dite et la participation des membres du GIP.

([19]) Il s’agit de prestations de services : loyer adressé à un service occupant les locaux de l’Institut, refacturation de prestations de transport aux laboratoires.

([20]) Il s’agit de recettes perçues par l’IPEV en échange de sa participation à des projets scientifiques, notamment Beyond EPICA.

([21]) Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), annexe n° 32 « Recherche et enseignement supérieur : recherche », de M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial, n° 292, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

([22]) Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près les ministères de l’éducation nationale et de la jeunesse, de l’enseignement supérieur et de la recherche et des sports et des jeux olympiques et paralympiques, relatif à l’exécution budgétaire et aux situations financières et comptables ministérielles de l’année 2022, p. 138.

([23]) Amendement II-CF1054 (amendement II-1506).

([24]) Amendements n° 546, 547, 548 et 549.

([25]) Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

([26]) Lettre de mission de la directrice générale de la recherche et de l’innovation à M. Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, et M. François Houllier, président-directeur général de l’IFREMER, ayant comme objet le devenir de l’Institut polaire et la structuration de la recherche polaire française, 7 décembre 2022 (communiquée à sa demande au rapporteur spécial).

([27]) Compte rendu de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, mercredi 18 septembre 2019, séance de 9h30, p. 7 du compte rendu.

([28]) Rapport Tiegna Préville précité, p. 24.

([29]) Le PAP 2023 indique (p. 108) qu’au titre d’une correction technique, 27 ETPT ont été transférés des emplois hors plafond vers les emplois sous plafond.

([30]) Les chiffres intègrent la correction technique apportée en 2022.

([31]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

([32]) Scrutin public n° 4079.

([33]) Les amendements identiques n° 1350, 1412 et 1420 au projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale dans sa deuxième séance du vendredi 29 octobre 2021, ont alloué 500 000 euros supplémentaires à l’IPEV afin de financer le recrutement de 5 ETPT, qui se sont ajoutés aux 2 ETPT supplémentaires prévus en application de la LPR. Le relèvement du plafond d’emplois de l’IPEV en tenant compte de ces 5 ETPT supplémentaires est intervenu dans la LFI 2023.

([34]) Décret n° 2008-919 du 11 septembre 2008 pris pour l'application du statut des Terres australes et antarctiques françaises.

([35]) M. Olivier Poivre d’Arvor, Équilibrer les extrêmes, stratégie polaire de la France à horizon 2030, 2022, p. 44 [ci-après « rapport sur la stratégie polaire »].

([36]) Compte rendu de la session inaugurale du groupe d’études précité, page 13.

([37]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 69.

([38]) Cour des comptes, Observations définitives « Les Terres australes et antarctiques françaises et le groupement d’intérêt économique (GIE) Marion Dufresne II, exercices 2015-2020 », mai 2022, page 60.

([39]) Rapport sur « La place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l’Antarctique », par M. Christian Gaudin, sénateur, n° 3702, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2007, p. 109.

([40]) Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, et M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

([41]) Par la lettre de mission du 7 décembre 2022 précitée.

([42]) Compte rendu de la session inaugurale du groupe d’études précité, p. 20.

([43]) Le taux de succès moyen à l’ensemble des appels à projets de l’ANR est passé de 14,9 % en 2017 à 23,1 % en 2021.

([44]) L’instrument PRC finance des projets de recherche collaborative entre entités publiques nationales.

([45]) L’instrument JCJC finance des projets de recherche individuelle portés par des jeunes chercheurs.

([46]) Cour des comptes, Observations définitives « L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), exercices 2009-2017 », p. 28.

([47]) Communiqué de presse « Polar POD : le chantier est officiellement lancé ! », 21 décembre 2022, p. 3.

([48]) Le Svalbard est un archipel norvégien situé approximativement à mi-distance entre les côtes septentrionales du pays et le pôle Nord.

([49]) Compte rendu de la session inaugurale du groupe d’études précité, p. 14.

([50]) D’après M. Charles Giusti, ancien administrateur supérieur des TAAF, cité par le rapport Tiegna Préville, p. 38.

([51]) Quelle est la politique de l’Union européenne en Arctique ? Une conversation avec l’ambassadeur Michael Mann, 18 janvier 2021 (page consultée pour la dernière fois le 5 mai 2023), https://geopolitique.eu/2021/01/18/quelle-est-la-politique-de-lunion-europeenne-en-arctique-une-conversation-avec-lambassadeur-michael-mann/

([52]) Rapport d’information sur les stratégies européennes pour l’Arctique, fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, par M. André Gattolin, sénateur, enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2014, p. 146.

([53]) « La Russie et la Chine accusées d’empêcher la création de réserves marines en Antarctique », Jeremy Hance, 19 mai 2015, https://fr.mongabay.com/2015/05/la-russie-et-la-chine-accusees-dempecher-la-creation-de-reserves-marines-en-antarctique (page consultée pour la dernière fois le 25 mai 2023).

([54]) « La CCAMLR échoue à doter l’Antarctique d’une nouvelle aire marine protégée », Le Marin, 2 novembre 2021, https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/environnement/41375-la-ccamlr-echoue-doter-lantarctique-dune-nouvelle-aire-marine (page consultée pour la dernière fois le 25 mai 2023).

([55]) D’après son site internet, la Commission sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR) est une commission internationale fondée sur la convention du même nom, signée à Canberra en 1980 et entrée en vigueur en 1982. Sur la base des meilleures informations scientifiques disponibles, la Commission approuve une série de mesures de conservation déterminant l'utilisation des ressources marines vivantes de l'Antarctique afin de préserver les écosystèmes. Elle n’exclut pas l'exploitation, à condition que celle-ci soit menée de manière durable et qu'elle tienne compte des effets de la pêche sur les autres éléments de l'écosystème.

([56]) Appelé « Arctic Science Ministerial. »

([57]) Titre du rapport Tiegna Préville.

([58]) Audition de M. Jérôme Chappellaz dans le cadre d’une table ronde sur les pôles organisée par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, mercredi 18 septembre 2019, séance de 9 h 30, p. 7 du compte rendu.

([59]) Compte rendu de la session inaugurale du groupe d’études précité, p. 14.

([60]) M. Jérôme Chappellaz soulignait l’intérêt d’un classement par index de citation des articles scientifiques : « ce n’est pas seulement le nombre de citations, mais leur impact au niveau de la communauté scientifique, ce qui est quand même plus important » (audition par la commission des affaires étrangères susmentionnée, p. 6 du compte rendu).

([61]) Audition précitée, p. 7 du compte rendu.

([62]) Audition précitée, p. 7 du compte rendu.

([63]) La remise de ce document par le Gouvernement au Parlement est prévue par le 12° de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([64]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 47.

([65]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 48.

([66]) Rapport de M. Gaudin précité, pp. 127 et 129.

([67]) Rapport d’observations définitives précité, pp. 60 et 61.

([68]) En application de l’article VII du traité de Washington ou traité sur l’Antarctique, signé le 1er décembre 1959 et entré en vigueur en 1961, les États signataires inspectent mutuellement leurs stations. Pour promouvoir les objectifs et assurer le respect des dispositions du traité, les observateurs désignés par les parties peuvent inspecter à tout moment « toutes les régions de l’Antarctique, toutes les stations et installations, tout le matériel s’y trouvant, ainsi que tous les navires et aéronefs aux points de débarquement et d’embarquement de fret ou de personnel. »

([69]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 99.

([70]) Rapport p. 26.

([71]) La dotation en fonds propres s’élève d’après les documents budgétaires à 5 millions d’euros, mais l’IPEV a indiqué au rapporteur spécial que seuls 4,8 millions d’euros sont destinés au financement de la rénovation de la station Dumont-d’Urville.

([72]) Compte rendu de la session inaugurale du groupe d’études précité, p. 20.

([73]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 99.

([74]) Rapport sur la stratégie polaire précitée, p 100.

([75]) Audition précitée par la commission des affaires étrangères, p. 6.

([76]) L’épidémiologie est la science qui étudie, au sein de populations, la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l'espace, ainsi que le rôle des facteurs qui les déterminent.

([77]) La toxicologie est la science traitant des substances toxiques, de leurs effets sur l’organisme et de leur identification.

([78]) Audition précitée par la commission des affaires étrangères, p. 7..

([79]) La température annuelle moyenne à Concordia est de – 55 degrés Celsius (°C), variant entre – 30°C en été et – 80°C en hiver. De surcroît, le vent, même très faible, influence fortement la température ressentie.

([80]) Un brise-glace est un navire spécialement conçu pour ouvrir ou maintenir ouvertes des voies de navigation dans des eaux prises par la banquise.

([81]) Comme le précise le rapport Tiegna Préville (p. 26), L’Astrolabe « exerce le reste du temps des missions de souveraineté dans les espaces maritimes des Terres australes (Crozet, Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam) et des îles Éparses. »

([82]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 66.

([83]) Réponse du 5 octobre 2021 à la question écrite de M. Frédéric Reiss n° 37088 du 9 mars 2021.

([84]) Rapport sur la stratégie polaire précité, pp. 65 et 66.

([85]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 57.

([86]) « Si le nouvel Astrolabe n’a coûté « que » 45 millions d’euros, les derniers brise-glace performants ayant une activité de support aux bases et à la recherche ont coûté plus du double selon le leader du marché, le cabinet d’architecture navale Aker », extrait du compte rendu de mission de M. Jacques Maire, député, au nom du groupe d’études « Arctique, Antarctique et Terres australes et antarctiques françaises – droit des grands fonds », intitulé « Une première française : le Commandant Charcot au pôle Nord, une présence durable ? », 1er-15 septembre 2021, page 28.

([87]) D’après l’estimation communiquée au rapporteur spécial par M. Olivier Poivre d’Arvor.

([88]) https://www.ponant.com/le-commandant-charcot, page consultée pour la dernière fois le 8 mai 2023.

([89]) Compte rendu de mission de M. Jacques Maire précité.

([90]) Idem, p. 26.

([91]) Idem, p. 9.

([92]) Idem, p. 8.

([93]) La précision sur le nombre de suites dotées de jacuzzis et la climatisation individuelle n’est pas issue du compte rendu de mission mais du site internet de la compagnie Ponant : https://www.ponant.com/le-commandant-charcot.

([94]) Compte rendu de mission de M. Jacques Maire précité, p. 10.

([95]) Idem, p. 25.

([96]) Idem, p. 9.

([97]) Idem, p. 24.

([98]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 109.

([99]) Rapport sur la stratégie polaire précité, p. 15.