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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2023.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur la restauration étudiante
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Thomas CAZENAVE,
rapporteur spécial
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Pages
RECOMMANDATIONs DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
I. La prÉcaritÉ alimentaire des Étudiants : une rÉalitÉ difficile À apprÉhender
A. La fragilitÉ financiÈre d’une partie des Étudiants peut conduire À la prÉcaritÉ alimentaire
1. Définir la précarité alimentaire et appréhender la pauvreté des étudiants
2. Les facteurs de fragilité financière des étudiants
3. L’effet des difficultés financières des étudiants sur leur alimentation
1. Les étudiants ont connu des pertes de revenu dans le contexte de la crise sanitaire
a. Les missions du réseau des œuvres universitaires et scolaires
b. Les ressources du réseau des œuvres universitaires et scolaires
c. Les dépenses du réseau des œuvres universitaires et scolaires
d. Le financement des activités marchandes du réseau des œuvres universitaires et scolaires
c. Les étudiants sont globalement satisfaits de la qualité des repas proposés par les CROUS
2. Des associations d’aide alimentaire fortement soutenues par l’État
A. Garantir l’accÈs de tous les Étudiants À un service de restauration À tarif modÉrÉ
C. Poursuivre la réforme des bourses pour améliorer la situation financière des étudiants
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
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Les étudiants constituent une population hétérogène : si certains sont fortement soutenus par leur famille, d’autres rencontrent plus de difficultés à financer leurs études. C’est la raison pour laquelle l’État, les établissements d’enseignement supérieur et le réseau des œuvres universitaires et scolaires déploient de nombreuses mesures de soutien aux étudiants afin d’améliorer leurs conditions de vie, au quotidien.
La crise sanitaire, depuis 2020, et le retour de l’inflation, depuis la fin de l’année 2021, ont aggravé la situation économique et sociale des étudiants déjà fragiles financièrement. En effet, certains ont connu une perte d’emploi ou des pertes de revenus du fait des mesures de restriction des activités pour lutter contre la Covid-19. Face aux tensions inflationnistes, en particulier sur les produits alimentaires, une partie des étudiants rencontrent également des difficultés à s’alimenter correctement et se tournent vers les associations de distribution d’aide alimentaire.
Néanmoins, la pauvreté et la précarité alimentaire ne concernent pas tous les étudiants. On estime en effet qu’un quart des étudiants rencontre d’importantes difficultés financières, et que 10 à 15 % des étudiants font face à la précarité alimentaire. La politique de soutien à la vie étudiante joue son rôle et permet de réduire le nombre d’étudiants en difficulté, et de limiter l’ampleur de leurs difficultés financières. Certains écueils persistent, et les travaux engagés par le Gouvernement et le Parlement, notamment au titre de la réforme des bourses sur critères sociaux, doivent permettre d’y remédier.
La politique de soutien à la vie étudiante passe notamment par des mesures en faveur de la restauration étudiante. C’est en premier lieu le cas des services de restauration gérés par le réseau des œuvres universitaires et scolaires, qui desservent 94 % des étudiants sur tout le territoire français. Ces derniers ont ainsi accès à des repas complets, équilibrés, de qualité, pour un prix modique. Deux tarifs sont appliqués : un tarif social, à 3,30 euros, et un tarif très social, à 1 euro, réservé aux étudiants boursiers et aux étudiants considérés comme précaires par les services sociaux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).
Les tarifs des services de restauration des CROUS ne sont toutefois pas les seules mesures de soutien aux dépenses d’alimentation des étudiants. Les diverses aides financières dont ils peuvent bénéficier contribuent également à soutenir fortement leur pouvoir d’achat. Les bourses sur critères sociaux sont à cet égard un levier majeur pour améliorer les conditions de vie des étudiants, et pour faire en sorte que les dépenses alimentaires ne soient pas la variable d’ajustement de leur budget en cas de difficultés financières.
Ainsi, le soutien à la restauration étudiante ne se résume pas aux restaurants universitaires gérés par les CROUS, et encore moins à la seule mesure des repas à 1 euro pour les étudiants boursiers ou précaires. Au contraire, le soutien de l’État et des opérateurs du ministère chargé de l’enseignement supérieur à l’alimentation des étudiants passe par un accompagnement global, qui repose sur différents leviers, afin de leur garantir autant que possible de bonnes conditions de vie pendant toute la durée de leurs études.
Dans le cadre du présent rapport, le rapporteur spécial a d’abord cherché à appréhender la réalité de la précarité alimentaire des étudiants (I) puis à évaluer l’ampleur et l’efficacité des politiques publiques de soutien à la restauration étudiante (II). Il a ainsi constaté que l’action de l’État en faveur des dépenses d’alimentation des étudiants est globalement performante, mais doit encore aller plus loin pour assurer à chacun de bonnes conditions de vie et d’étude (III).
RECOMMANDATIONs DU RAPPORTEUR SPÉCIAL ● Accélérer les démarches d’agrément, par le réseau des œuvres universitaires et scolaires, de structures de restauration collective afin de garantir l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration de qualité à tarif modéré. ● Poursuivre les investissements en faveur de la réhabilitation, de la rénovation et de l’agrandissement des restaurants universitaires pour y accueillir plus d’étudiants. ● Initier une réflexion stratégique sur le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires afin d’évaluer les besoins supplémentaires à financer dans le cadre d’une augmentation de sa subvention pour charges de service public. ● À compter du projet de loi de finances pour 2024, prévoir le financement d’une enveloppe spécifique favorisant l’application de la loi Egalim et de la loi Climat et résilience par le réseau des œuvres universitaires et scolaires. ● Poursuivre la réforme du système d’attribution des bourses sur critères sociaux, en conservant son caractère redistributif et en luttant contre le non-recours aux aides.
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I. La prÉcaritÉ alimentaire des Étudiants : une rÉalitÉ difficile À apprÉhender
S’il est difficile de déterminer avec précision l’ampleur de la précarité alimentaire des étudiants, qui est la conséquence directe des difficultés financières que rencontre une partie d’entre eux, il est certain que la crise sanitaire, puis le contexte inflationniste depuis la fin de l’année 2021 ont aggravé la situation économique et sociale des étudiants les plus fragiles.
A. La fragilitÉ financiÈre d’une partie des Étudiants peut conduire À la prÉcaritÉ alimentaire
La précarité alimentaire d’une partie des étudiants découle de leurs difficultés financières, qui peuvent les contraindre à réduire les dépenses consacrées à leur alimentation.
1. Définir la précarité alimentaire et appréhender la pauvreté des étudiants
La notion de précarité alimentaire ne connaît pas de définition stabilisée et ne relève pas d’une catégorie statistique officielle qui permettrait de mesurer le nombre de personnes concernées par cette situation, que ce soit au sein de la population générale ou plus spécifiquement au sein de la population étudiante.
La précarité se caractérise par la faiblesse, absolue, relative ou subjective, des ressources, mais aussi par l’irrégularité des revenus, et donc plus généralement par l’absence de sécurité dans la capacité d’une personne à répondre à ses besoins fondamentaux, dont le fait de se nourrir correctement. Dès lors, la précarité alimentaire peut être définie comme la situation dans laquelle une personne ne mange pas à sa faim, ou mange des aliments de moindre qualité, ponctuellement ou régulièrement, en raison d’un manque de ressources financières ou d’un accès difficile à des repas à tarif modéré et qualitatifs d’un point de vue nutritionnel.
La notion de précarité alimentaire renvoie donc intrinsèquement à la question des ressources économiques permettant à un individu d’accéder à une alimentation saine.
Or, ce lien intrinsèque entre le niveau des revenus et la qualité et quantité de l’alimentation rend plus difficile l’observation de la prégnance de la précarité alimentaire au sein de la population étudiante, en raison de la structure de leurs ressources, différentes de celles des actifs et de la population générale, mais aussi de leur situation familiale et sociale, qui dépend notamment des relations entretenues avec leurs parents.
En effet, les indicateurs utilisés pour mesurer l’importance de la pauvreté au sein de la population générale sont inadaptés à la population étudiante. Les étudiants, en s’orientant vers l’enseignement supérieur, choisissent en effet de percevoir, temporairement, de faibles revenus pour investir dans leur capital humain, afin de bénéficier de revenus plus élevés à l’issue de leurs études. En conséquence, ils sont « inévitablement en bas de la distribution des revenus » ([1]).
Ainsi, si l’on observe la population étudiante au prisme du seuil de pauvreté utilisé pour la population générale, soit 60 % du niveau de vie médian, ou un revenu mensuel autour de 1 100 euros, alors on peut considérer que 68,5 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % de la population générale. Certains auteurs préconisent l’utilisation d’un seuil de pauvreté spécifique aux étudiants, qui correspondrait à 60 % du niveau de vie médian des étudiants, soit 454 euros. Dans cette hypothèse, 27,1 % des étudiants vivraient sous le seuil de pauvreté ([2]).
Il n’est donc pas pertinent de comparer les étudiants aux actifs, puisque pour une grande partie d’entre eux, ils ne travaillent pas, continuent de vivre chez leurs parents et d’être entretenus par ces derniers, et parce que leurs études occupent l’essentiel de leur temps ([3]). La situation économique et sociale de la population étudiante est également loin d’être homogène et recouvre des réalités très variées. Dès lors, une approche par les seules ressources de la précarité des étudiants atteint vite ses limites.
2. Les facteurs de fragilité financière des étudiants
Olivier Galland propose une approche basée sur une mesure absolue de la pauvreté des étudiants, fondée sur un chiffrage du montant minimal de dépenses pour qu’un étudiant puisse mener une vie décente en poursuivant ses études, afin de mesurer ensuite la part des étudiants se situant en dessous de ce seuil minimum et de repérer leurs caractéristiques ([4]).
Sur la base des données issues de l’enquête Conditions de vie de 2020 de l’Observatoire de la vie étudiante, Olivier Gallaud choisit de retenir quatre grandes variables pour calculer le montant des frais mensuels de chaque catégorie d’étudiants :
– le fait d’étudier en Île-de-France ou dans une autre région française ;
– le fait de résider ou non chez ses parents : on parle alors d’étudiants « cohabitants » ou « décohabitants » ;
– le fait de bénéficier, ou non, d’une bourse sur critères sociaux ;
– la filière d’études (universités et assimilés, enseignement technique supérieur, classes préparatoires aux grandes écoles, écoles de commerce et d’ingénieurs).
Frais minimaux mensuels et part des étudiants
ayant un revenu inférieur à ce seuil
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Universités et assimilés |
Enseignement technique supérieur |
CPGE |
École de commerce et d'ingénieurs |
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|
Cohabitant |
Décohabitant |
Cohabitant |
Décohabitant |
Cohabitant |
Décohabitant |
Cohabitant |
Décohabitant |
||||
|
Boursier |
Non boursier |
Boursier |
Non boursier |
Boursier |
Non boursier |
Boursier |
Non boursier |
||||
ÎLE DE FRANCE |
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Part dans le total des étudiants |
3,0 % |
4,7 % |
1,7 % |
6,4 % |
1,3 % |
0,3 % |
0,1 % |
0,4% |
0,2% |
0,4% |
2,0% |
3,8% |
Total frais minimaux mensuels |
104 € |
115 € |
477 € |
648 € |
104 € |
467 € |
104 € |
104 € |
487 € |
460 € |
203 € |
666 € |
Revenu mensuel moyen |
624 € |
649 € |
966 € |
1 441 € |
561 € |
814 € |
559 € |
499 € |
837 € |
1 009 € |
900 € |
1 314 € |
Part des étudiants pauvres |
0,7 % |
3,4 % |
2,1 % |
9,4 % |
0,7 % |
0,8 % |
0,1 % |
0,3 % |
0,3 % |
0,8 % |
1,9 % |
6,7 % |
AUTRES RÉGIONS |
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Part dans le total des étudiants |
7,4 % |
8,7 % |
15,9 % |
26,3 % |
2,9 % |
2,9% |
0,2% |
0,4% |
0,7% |
1,0% |
1,3 % |
8,2 % |
Total frais minimaux mensuels |
90 € |
99 € |
414 € |
466 € |
90 € |
440 € |
90 € |
90 € |
423 € |
501 € |
293 € |
599 € |
Revenu mensuel moyen |
549 € |
583 € |
820 € |
1 113 € |
534 € |
798 € |
559 € |
519 € |
709 € |
822 € |
976 € |
1 189 € |
Part des étudiants pauvres |
0,1 % |
3,8 % |
14,9 % |
32,5 % |
0,8 % |
5 % |
0 % |
0,3 % |
1,2 % |
2,4 % |
1,3 % |
10,5 % |
Source : Commission des finances d’après les résultats calculés par O. Galland.
D’après les recherches menées par Olivier Galland, les étudiants décohabitants, surtout lorsqu’ils ne sont pas boursiers, sont plus exposés au risque de pauvreté. Ainsi, par exemple, les étudiants des filières universitaires et assimilés décohabitants en Île‑de‑France représentent 9,4 % des étudiants pauvres, alors qu’ils ne composent que 6,4 % des étudiants de cette catégorie ; ces mêmes étudiants hors Île-de-France représentent 32,5 % des étudiants pauvres, alors qu’ils ne composent que 26,3 % des étudiants. Les étudiants décohabitants qui ne bénéficient pas d’aide au logement ont ainsi 5 fois plus de risques d’être dans une situation de pauvreté que les étudiants cohabitants.
En revanche, Olivier Galland note que « l’octroi d’une bourse protège assez bien de la pauvreté, ou [en tout cas], réduit les risques de la subir puisque, à situations équivalentes, les boursiers ont des taux de pauvreté systématiquement inférieurs aux non boursiers ». Au cours de l’année universitaire 2021-2022, on décomptait 720 000 étudiants boursiers.
Parmi les autres facteurs de risques d’exposition aux difficultés financières, on retrouve le fait de résider en Île‑de‑France, notamment parce que les coûts du logement y sont plus élevés. Les étudiants ultramarins étudiant en métropole sont également plus exposés aux difficultés financières, en raison de l’éloignement de leur famille et de leur origine sociale souvent plus modeste ([5]). Enfin, les étudiants étrangers qui réalisent leurs études en France sont particulièrement touchés par la précarité, essentiellement en raison d’une aide financière moins importante de leur famille que les étudiants français.
Selon les calculs réalisés par Olivier Galland, 11 % des étudiants connaîtraient une situation de pauvreté. Toutefois, en fonction des études et des enquêtes, le chiffre avancé peut être plus élevé. Ainsi, dans le cadre de l’enquête Conditions de vie de 2020, 26 % des étudiants considéraient ne pas avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels, et 20 % déclaraient être confrontés à des difficultés financières importantes ou très importantes.
3. L’effet des difficultés financières des étudiants sur leur alimentation
Les ressources moyennes mensuelles des étudiants s’établissent à 919 euros en 2020.
Les trois grandes sources de revenus des étudiants sont :
– les aides de la famille, qui représentent en moyenne 42 % des ressources des étudiants ;
– les revenus d’activité, qui représentent en moyenne 25 % des ressources des étudiants ;
– les aides publiques, qui représentent en moyenne 23 % des ressources des étudiants.
Structure et montant des ressources moyennes mensuelles
des étudiants en 2020
Type de ressource |
Montant moyen mensuel |
Aides de la famille |
532 € |
Aides publiques |
334 € |
Revenus d'activité |
728 € |
Aides du conjoint |
401 € |
Prêt étudiant |
479 € |
Économie, épargne |
134 € |
Autres ressources |
597 € |
Revenus totaux |
919 € |
Source : OVE, Enquête Conditions de vie 2020.
N.B. : Le montant moyen total des revenus est inférieur au montant moyen mensuel de chaque type de ressources, car ce dernier montant est calculé pour les seuls étudiants bénéficiant de la ressource.
Les dépenses moyennes des étudiants s’élèvent à 635 euros par mois selon l’OVE. Les dépenses de loyer et les frais de vie quotidienne, qui sont essentiellement des dépenses d’alimentation, y occupent une place prépondérante.
Structure des dépenses moyennes mensuelles des étudiants
Source : Commission des finances d’après OVE, Enquête Conditions de vie 2020.
À ces dépenses moyennes qui concernent une part importante, voire la majorité des étudiants, peuvent s’ajouter, pour les étudiants et étudiantes qui ont des enfants, des frais de garde. Cette situation concerne seulement 2 % des étudiants, mais représente une dépense importante, à hauteur de 236 euros en moyenne par mois.
L’alimentation constitue le deuxième poste de dépenses des étudiants, après le logement. Or, lorsque les étudiants font face à des fragilités financières, ponctuelles ou structurelles, ce sont en premier lieu leurs dépenses d’alimentation qui servent de variable d’ajustement dans leur budget mensuel pour réaliser des économies, puisqu’il s’agit d’un poste de dépenses moins contraint que le loyer ou les transports.
Ainsi, les étudiants en difficulté financière vont être amenés à réduire leur nombre de repas ou la quantité des aliments achetés. Ils peuvent également être contraints à renoncer à des aliments de qualités (produits issus de l’agriculture biologique, produits locaux, produits labellisés, etc.).
Il existe peu d’études et d’enquêtes relatives aux pratiques alimentaires des étudiants et aux dépenses qu’ils consacrent à l’alimentation. Selon la dernière enquête Santé conduite par l’OVE en 2016, 48 % des étudiants déclaraient sauter des repas durant une semaine normale, principalement par manque de temps, par absence d’appétit, ou par manque d’envie de faire les courses ou de cuisiner. Toutefois, 16 % des étudiants déclarant sauter régulièrement des repas l’expliquaient par des difficultés financières. Par ailleurs, parmi les 13 % des étudiants qui déclaraient ne pas toujours manger à leur faim, 32 % faisaient part de difficultés financières ([6]).
Dans le cadre de l’enquête « Les pratiques alimentaires des étudiant.es » (ETUALIM), réalisée dans huit universités françaises en 2021, 10 % des 13 278 étudiants interrogés ont déclaré avoir sauté un repas depuis la rentrée par manque de moyens financiers. Concernant le recours à l’aide alimentaire, si 70 % des étudiants déclarent n’en avoir pas eu besoin, 9,8 % indiquent en avoir bénéficié, et 16 % affirment n’en avoir par fait la demande mais en avoir eu besoin.
B. La crise sanitaire et l’inflation depuis le dÉbut de l’annÉe 2022 ont contribuÉ À l’aggravation de la prÉcaritÉ alimentaire des Étudiants
Si une partie des étudiants est structurellement fragile d’un point de vue économique, ces difficultés ont été aggravées dans le contexte de la crise sanitaire, qui a entraîné des pertes de revenus, et dans le cadre des tensions inflationnistes actuelles, qui touchent particulièrement les produits alimentaires de première nécessité.
1. Les étudiants ont connu des pertes de revenu dans le contexte de la crise sanitaire
La crise sanitaire, à partir du printemps 2020, a fortement impacté les ressources des étudiants. La fermeture des établissements d’enseignement supérieur a conduit à la mise en place de nouvelles formes d’enseignement et d’évaluation, et la fermeture des sites d’une majorité d’entreprises a pu affecter les emplois étudiants et contrarier les projets de stages.
L’observatoire de la vie étudiante a mené une enquête sur la vie des étudiants confinés ([7]). Les résultats montrent que pendant le premier confinement, 33 % des étudiants interrogés ont rencontré des difficultés financières. 19 % ont indiqué avoir restreint leurs achats de première nécessité, et 23 % ne pas avoir mangé à leur faim pour des raisons financières. Les difficultés financières rencontrées touchent principalement aux dépenses alimentaires et au paiement du loyer.
Plus de 40 % des étudiants exerçaient une activité rémunérée en parallèle de leurs études avant le premier confinement. Or, 24 % des étudiants interrogés ont dû arrêter ou modifier leur activité rémunérée pendant le confinement, et 44 % d’entre eux ont également vu leurs projets d’emploi pour l’été 2020 se modifier à cause du contexte sanitaire. Ainsi, 27,7 % des étudiants déclaraient avoir connu une perte de revenus pendant le confinement allant jusqu’à 500 euros par mois, et 6,9 % indiquaient une perte de revenus de 500 à 1 000 euros par mois.
Avec la poursuite de la crise sanitaire sur l’année universitaire 2020-2021, la part des étudiants ayant un emploi rémunéré en parallèle de leurs études a augmenté par rapport au sortir du premier confinement, mais n’est pas revenue à son niveau d’avant crise. La structure des activités exercées a également été transformée par la crise : les emplois les plus stables et rémunérateurs sont parvenus à se maintenir à l’apogée des mesures sanitaires, alors que les « jobs étudiants » ont été particulièrement affectés. Les revenus des étudiants exerçant ces « jobs » ont également diminué de 40 % par rapport à la période 2019-2020 ([8]).
2. Le contexte inflationniste depuis le début de l’année 2022 affecte le pouvoir d’achat des étudiants
À partir du dernier trimestre de l’année 2021, les difficultés liées au contexte sanitaire se sont progressivement estompées. Néanmoins, cette période a également été marquée par le retour de l’inflation, sous l’effet de la reprise économique au sortir de la crise sanitaire, mais aussi de la hausse des prix de l’énergie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En avril 2023, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,9 % sur un an ([9]).
Évolution de l’indice général des prix à la consommation et de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur l’alimentation depuis 2015
Source : INSEE.
Désormais, ce sont les prix de l’alimentation qui constituent le principal facteur de l’alimentation. Les prix des produits alimentaires ont ainsi progressé de 15 % sur un an ([10]). Le sucre, les légumes frais, le beurre, les œufs, l'huile d’olive, le lait, le riz ou encore les pommes de terre font partie des produits les plus touchés par une forte inflation.
Compte tenu de la place qu’occupent les dépenses alimentaires dans les dépenses mensuelles des étudiants, ces derniers font partie des populations les plus touchées par l’augmentation des prix depuis le début de l’année 2022.
II. L’État et les opÉrateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche soutiennent fortement les dÉpenses alimentaires des Étudiants
Les difficultés économiques et sociales des étudiants sont largement identifiées et ont été mises en place, de longue date, des mesures de soutien à la vie étudiante, dont les financements sont portés, pour l’essentiel, par le programme 231 Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur.
A. Le service de restauration Étudiante gÉrÉ par le rÉseau des œuvres universitaires et scolaires est la premiÈre source de soutien au pouvoir d’achat des Étudiants
Les services de restauration étudiante gérés par les CROUS constituent une source de soutien majeur au pouvoir des étudiants, grâce à une offre de repas subventionnés, diversifiés, à tarif social ou très social.
1. Le réseau des œuvres universitaires et scolaires, premier prestataire de services à destination des étudiants
a. Les missions du réseau des œuvres universitaires et scolaires
Créé par une loi du 16 avril 1955 ([11]), le réseau des œuvres universitaires et scolaires est constitué d’un Centre national (CNOUS) et de 26 centres régionaux (CROUS), répartis sur le territoire français.
En application des articles L. 822-1 à L. 822-5 du code de l’éducation, le réseau des œuvres universitaires et scolaires « contribue à assurer aux étudiants une qualité d’accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation ». Le décret du 29 juillet 2016 ([12]) précise que, parmi ses missions, le réseau des œuvres universitaires favorise « l’amélioration des conditions de vie étudiante par ses interventions dans les domaines, notamment de l’accompagnement social des études et de leur financement, de la restauration, du logement, de la santé, de la mobilité, de l’action culturelle, des pratiques sportives et du soutien aux initiatives des étudiants ».
Le CNOUS pilote et contrôle la gestion des CROUS, et coordonne la stratégie nationale d’accompagnement des étudiants définie par le ministère chargé de l’enseignement supérieur. Il répartit les moyens alloués au réseau par l’État entre les différents CROUS.
Les CROUS proposent un accompagnement social global aux étudiants. Ils assurent ainsi un accompagnement social et financier au travers de l’instruction des demandes de bourses sur critères sociaux (BCS), d’aides spécifiques ou d’aides d’urgence. Ils mettent également à disposition des étudiants 174 077 places dans 779 résidences universitaires réparties dans toute la France et en assurent l’entretien. Ils sont également les acteurs de premier plan des services de restauration étudiante, au travers de 954 points de vente sur tout le territoire. Enfin, ils interviennent en matière culturelle, en contribuant à l’animation des lieux de vie étudiante.
b. Les ressources du réseau des œuvres universitaires et scolaires
Le réseau des œuvres universitaires est largement autofinancé : les revenus d’activités représentaient 65 % de ses ressources en 2022. Il bénéficie également d’une subvention pour charges de service public (SCSP), versée par le programme 231 Vie étudiante, et d’une part de fiscalité affectée au titre de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC).
Structure des ressources du rÉseau des œuvres universitaires
(en millions d’euros)
Source : Commission des finances, d’après RAP 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022.
La SCSP allouée au réseau des œuvres est destinée à financer l’activité de restauration ainsi que les activités considérées comme non marchandes telles que l’instruction des dossiers de bourses sur critères sociaux, les services sociaux, ou encore les services centraux des CROUS.
Le montant de la SCSP du réseau des œuvres universitaires a augmenté entre 2017 et 2023, passant de 290 millions d’euros à 431 millions d’euros. Cette augmentation a permis le financement de mesures nouvelles : fonctionnarisation des personnels, déploiement des repas à 1 euro en faveur des étudiants boursiers, mesures interministérielles de revalorisation des personnels, etc.
La SCSP est répartie par le CNOUS entre les CROUS sur la base des comptes financiers de l’année précédente. Ces données permettent de disposer d’un état de la situation financière de chaque établissement et de calculer le taux de couverture des activités de restauration et d’hébergement par les recettes propres de chaque établissement.
La SCSP disponible, après déduction du montant des crédits nécessaires au fonctionnement du CNOUS et au financement des projets nationaux ainsi que des crédits mis en réserve, est répartie entre les CROUS sur la base de deux critères :
– un montant forfaitaire de 49,5 millions d’euros est partagé entre les établissements afin d’assurer le financement d’une quote-part des activités non marchandes des CROUS ;
– le solde de la SCSP est destiné à couvrir une partie du besoin de financement de l’activité restauration de chaque CROUS, établi en fonction du montant des ressources propres ramenées aux frais de fonctionnement (dépenses de personnel, denrées, fluides).
Au cours de l’année, les crédits ouverts mais non répartis sont attribués aux CROUS en difficulté afin de garantir, sur tout le territoire, une offre de service public identique pour tous les étudiants.
c. Les dépenses du réseau des œuvres universitaires et scolaires
Les principales catégories de dépenses du réseau des œuvres universitaires sont les dépenses de personnel, à hauteur de 520,8 millions d’euros en 2022, et les dépenses de fonctionnement courant, qui s’élèvent à 810,6 millions d’euros en 2022.
Évolution des charges du rÉseau des œuvres universitaires
entre 2017 et 2021
(en millions d’euros)
|
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Dépenses de personnel |
464,9 |
456,1 |
465,2 |
473,1 |
483,9 |
520,8 |
dont contribution au CAS Pensions |
45,9 |
45,3 |
51,6 |
71,8 |
73,1 |
77,1 |
Autres charges de fonctionnement. |
657,7 |
689,7 |
733,3 |
664,1 |
718,6 |
810,6 |
Source : MESR.
Les dépenses de personnel concernent les rémunérations, les salaires et les cotisations des personnels employés par le réseau des œuvres universitaires et scolaires, qu’il s’agisse de fonctionnaires, comme les personnels administratifs ou de contractuels de droit public, comme les personnels ouvriers.
Les dépenses de masse salariale progressent sous l’effet de la fonctionnarisation d’une partie des personnels des CROUS et des mesures de revalorisation indemnitaire et indiciaire dont ils ont bénéficié.
Les charges de fonctionnement comprennent toutes les autres dépenses, hors dépenses d’investissement et de personnel. Il s’agit notamment des dépenses d’achat des denrées alimentaires, pour un coût de 110 millions d’euros en 2022, et de dépenses liées aux fluides énergétiques, pour un coût de 114 millions d’euros en 2022.
Ces dépenses de fonctionnement progressent en raison de l’application de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) ([13]) et de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([14]) qui contraignent les CROUS à l’achat de produits issus de l’agriculture biologique, labellisés ou issus de circuits courts, et à réduire la quantité de déchets produite par les sites de restauration.
Toutefois, l’inflation sur les prix des denrées alimentaires et sur les coûts des fluides énergétiques a également contribué à l’augmentation des charges de fonctionnement du réseau des œuvres universitaires.
Ainsi, entre 2021 et 2022, les dépenses de fluides énergétiques ont augmenté de 20,4 millions d’euros pour le réseau des CROUS, soit une hausse globale des dépenses de 30 %. S’agissant des denrées alimentaires, les évolutions liées à la crise sanitaire rendent plus difficile les comparaisons en raison de la faible fréquentation des structures des CROUS en 2020 et en 2021. Hors obligations liées à l’application de la loi Egalim, le CNOUS estime toutefois les surcoûts sur les denrées alimentaires à 10,5 millions d’euros, en lien avec la situation inflationniste.
d. Le financement des activités marchandes du réseau des œuvres universitaires et scolaires
Les activités de restauration et d’hébergement du CROUS génèrent des ressources propres qui contribuent largement au financement des missions du réseau des œuvres universitaires.
Toutefois, l’activité de restauration du réseau est structurellement déficitaire, en raison d’un prix de vente du repas à tarif social très inférieur à son coût de production. Ainsi, en 2022, le chiffre d’affaires de l’activité de restauration des CROUS s’est élevé à 170 millions d’euros, pour des dépenses liées aux services de restauration qui s’établissent 476 millions d’euros. En 2022, le taux de couverture de l’activité de restauration par les revenus d’activité dégagés s’établit donc à 35,8 %, soit une progression sensible par rapport au taux de couverture constaté en 2021 de 25,6 %.
Les économies réalisées sur les denrées alimentaires grâce à la centrale d’achat du réseau des œuvres constituent un atout majeur réduire pour limiter le déficit de l’activité de restauration. Pendant longtemps, son financement a également été facilité par l’excédent dégagé sur l’activité d’hébergement. Toutefois, depuis 2021, l’activité d’hébergement est elle aussi devenue déficitaire, avec un taux de couverture qui s’établit à 99,8 % en 2022. Le taux d’occupation des logements reste stable, mais l’absence de revalorisation des loyers depuis 2020 et une augmentation du coût des fluides ont contribué à une diminution des revenus tirés de cette activité.
2. Le service de restauration des œuvres universitaires et scolaires : un soutien majeur à l'alimentation des étudiants
Les étudiants choisissent de se restaurer dans les points de vente gérés par les CROUS pour trois raisons principales : le prix du repas, la volonté de manger un repas complet et équilibré et la proximité du lieu de restauration avec le lieu d’études.
a. Les lieux de restauration gérés ou agréés par les CROUS sont répartis sur l’ensemble du territoire
Les services de restauration proposés par le réseau des œuvres universitaires se caractérisent par une offre extrêmement diversifiée de points de vente et de lieux de restauration.
Les CROUS ont ainsi fait évoluer la restauration étudiante pour répondre aux nouveaux modes de consommation des étudiants. Aux cafétérias et restaurants universitaires traditionnels se sont ajoutées des structures de restauration rapide telles que des saladeries, des food trucks, ou encore des épiceries. En 10 ans, la part de la restauration rapide dans l’offre globale de restauration universitaire est passée de 25 à 45 %.
En parallèle, les CROUS poursuivent la démarche d’augmentation de l’offre de restauration. Ils disposent ainsi de plus de 700 implantations offrant 900 points de vente, soit 180 000 places assises, dans 221 villes étudiantes situées sur tout le territoire français. Des réhabilitations sont en cours, avec 139 projets visant à réhabiliter près de 70 000 places assises, pour un coût de 30 millions d’euros. L’existence de ces lieux de restauration gérés directement par les CROUS permet de répondre aux besoins de restauration de la grande majorité des étudiants.
Par ailleurs, afin de répondre aux besoins d’un plus grand nombre d’étudiants, les CROUS développent une politique partenariale avec les collectivités territoriales, les établissements hospitaliers et divers acteurs locaux afin de proposer une offre de restauration à tous les étudiants, quel que soit leur lieu d’étude. Ainsi, des structures de restauration collective, publiques, privées ou associatives, sont agréées par le réseau des œuvres et subventionnées afin de proposer un tarif social aux étudiants. L’agrément d’un restaurant est attribué sur décision du conseil d’administration du CROUS et soumis à renouvellement sur la base d’un compte rendu de gestion.
En 2022, le réseau des CROUS disposait ainsi d’une convention d’agrément avec 171 points de restauration qui ont bénéficié, en contrepartie de la fourniture d’un repas à tarif social aux étudiants, d’un financement à hauteur de 5,5 millions d’euros par le réseau. Cette politique partenariale permet d’accueillir les étudiants des villes moyennes, les étudiants des établissements confessionnels, ou encore les étudiants des institutions de formation en soins infirmiers.
Malgré cette présence étendue sur tout le territoire, l’ensemble des étudiants ne sont pas encore desservis par un lieu de restauration à tarif modéré.
Des travaux sont actuellement menés par le réseau des œuvres universitaires et scolaires et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche afin de cartographier précisément l’ensemble des lieux de restauration à destination des étudiants ainsi que le nombre d’étudiants qui ne sont pas desservis par une structure de restauration collective gérée ou agréée par les CROUS.
D’après les données recueillies pour l’année 2020-2021, 160 000 à 180 000 étudiants n’auraient pas accès à une structure de restauration à proximité de leur lieu d’études. Toutefois, ce nombre comprend les étudiants des brevets de technicien supérieur (BTS) et des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), soit 80 000 à 90 000 étudiants, qui réalisent leurs études au sein d’établissements scolaires qui disposent d’une cantine collective proposant des tarifs modérés.
Dès lors, le nombre réel d’étudiants pour lesquels l’implantation ou l’agrément d’un lieu de restauration collective est nécessaire serait réduit à environ 100 000 étudiants.
b. Les services de restauration étudiante gérés par les CROUS proposent aux étudiants des repas complets à tarif social
Les étudiants choisissent de se restaurer dans les points de vente gérés par les CROUS en raison d’une offre de repas complets et équilibrés à tarif très abordable. L’existence d’un tarif social, à 3,30 euros, et d’un tarif très social, à 1 euro, renforce l’attractivité des lieux de restauration du réseau des œuvres universitaires dans le contexte inflationniste actuel. Ainsi, plus de la moitié des étudiants déclare y déjeuner plusieurs fois par semaine.
Taux de frÉquentation des lieux de restauration
du rÉseau des CROUS par les Étudiants
|
Plusieurs fois par semaine |
Tous les jours |
Une fois par semaine |
Moins souvent |
Boursiers |
53,70 % |
33,50 % |
8,50 % |
4,30 % |
Non boursiers |
53,10 % |
30,50 % |
10,70 % |
5,70 % |
Source : Réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.
Le repas au tarif très social de 1 euro a été instauré à la rentrée universitaire 2020 pour les seuls étudiants boursiers. La crise sanitaire, qui s’est poursuivie au cours de l’année universitaire 2020-2021, a conduit à restreindre l’activité de restauration des CROUS à la seule vente à emporter. Le bénéfice des repas à 1 euro a alors été élargi à l’ensemble des étudiants durant un semestre, de fin janvier jusqu’au mois de juillet 2021. Par la suite, il a été décidé de revenir au périmètre d’origine, soit les seuls étudiants boursiers, en y incluant toutefois les étudiants non boursiers considérés comme précaires par les services sociaux des CROUS.
Ainsi, en 2022, le réseau des CROUS a servi plus de 35 millions de repas, dont 18,7 millions de repas au tarif de 1 euro, et 16,36 millions de repas au tarif de 3,30 euros.
Nombre de repas distribuÉs par les CROUS depuis 2020
(en millions de repas)
|
2020-2021 (année universitaire) |
2021-2022 (année universitaire) |
2022-2023 (année universitaire) |
2022 (année civile) |
Nombre de repas à 1 € |
14,69 |
17,66 |
9,06 |
18,70 |
dont étudiants boursiers |
7,85 |
17,15 |
8,61 |
17,96 |
dont étudiants non boursiers (mesure terminée) |
6,85 |
– |
– |
– |
dont étudiants non boursiers considérés comme précaires |
– |
0,51 |
0,45 |
0,74 |
Nombre de repas à 3,30 € |
4,04 |
15,13 |
8,45 |
16,36 |
Nombre de repas sociaux |
18,73 |
32,79 |
17,51 |
35,05 |
Source : Commission des finances d’après réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.
En 2021, la mise en œuvre du repas à 1 euro pour tous les étudiants s’est traduite par une hausse de la fréquentation, avec 13 millions de repas supplémentaires servis. Un effet de bascule de la restauration rapide vers la restauration assise a également été constaté, avec un nombre de passages constatés en restauration assise qui a progressé de 47 % en 2019 à 53 % en 2021.
Évolution du nombre de tickets de caisse Émis et du chiffre d’affaires
des services de restauration des crous entre 2019 et 2022
Source : Commission des finances d’après réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.
L’instauration du repas à 1 euro conduit à une baisse du chiffre d’affaires et des recettes d’exploitation des CROUS sur leur activité de restauration. Le taux de marge sur chaque repas est également en baisse car le coût des repas à 1 euro et à 3,30 euros est resté fixe malgré l’inflation. Or, le coût de production d’un repas a augmenté pour atteindre 8 euros en raison de l’évolution des prix et des dépenses de personnel.
L’État compense intégralement, par le biais de la SCSP du réseau des œuvres universitaires et scolaires, le différentiel entre le tarif social à 3,30 euros et le tarif très social à 1 euro. Ainsi, trois enveloppes de 49,5 millions d’euros pour 2021, de 50 millions d’euros pour 2022 et de 51 millions d’euros pour 2023 ont été versées au réseau pour prendre en charge le coût des repas à 1 euro.
Toutefois, cette compensation ne tient pas compte des effets de bord de la mesure sur le comportement des étudiants. En particulier, les CROUS ont constaté une baisse des ventes sur la restauration dite « diversifiée », c’est-à-dire hors formule du repas à tarif social, qui permettait pourtant de réduire le besoin de financement du réseau. À terme, une réflexion devra être engagée par l’État pour mieux financer les activités de restauration des CROUS compte tenu des contraintes de service public qui s’imposent à eux.
De manière générale, le rapporteur spécial constate que la restauration universitaire, qu’elle soit gérée en direct par le réseau des CROUS ou agréée dans le cadre de la stratégie de conventionnement avec des structures de restauration collective, répond à des enjeux essentiels de lutte contre la précarité alimentaire des étudiants et d’amélioration des conditions de vie. Pour les étudiants boursiers et les étudiants précaires qui bénéficient des repas à 1 euro, cela peut représenter une aide moyenne potentielle de 200 euros par mois.
Les tarifs sociaux pratiqués par le réseau des œuvres universitaires,
une exception en Europe ?
En Europe, la France n’est pas le seul pays à proposer des repas subventionnés aux étudiants. C’est aussi le cas en Allemagne, en Italie, en Finlande, en Croatie ou encore en Slovénie.
Toutefois, les services de restauration proposés par les CROUS sont uniques en Europe. Si une restauration à tarif social existe en Allemagne ou en Italie, les tarifs proposés sont supérieurs aux tarifs français et s’appliquent aux plats individuellement et non au repas entier. Par ailleurs, les services de restauration proposés ne sont pas universels et varient parfois d’une université à l’autre ou d’une région à l’autre. En France, les tarifs pratiqués sont les mêmes, en métropole comme en outre-mer, sur tous les territoires.
Durant la crise sanitaire, la France est le seul pays à avoir mis en place un dispositif vraiment attractif non seulement pour les étudiants boursiers ou en difficulté financière, mais aussi, de manière temporaire, pour l’ensemble des étudiants, au travers des repas à 1 euro.
c. Les étudiants sont globalement satisfaits de la qualité des repas proposés par les CROUS
Les CROUS s’engagent pour proposer une alimentation saine, complète, durable et responsable. Il ressort des enquêtes de satisfaction, réalisées chaque année, que les étudiants apprécient la qualité des repas qui leur sont offerts. Plus de 63 % disent en être satisfaits ou très satisfaits.
RÉponses des Étudiants À la question « Êtes-vous satisfait ? »
Source : Commission des finances d’après réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.
Le principal reproche des étudiants vis-à-vis des services de restauration proposés par les CROUS reste les files d’attente, souvent trop longues, alors même que la durée de leur pause déjeuner est parfois relativement courte. À cet égard, les CROUS travaillent en partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur afin de garantir aux étudiants des horaires de cours leur permettant de déjeuner de manière sereine.
Concernant la qualité des produits utilisés dans le cadre de ses activités de restauration, le réseau des CROUS est directement concerné par les dispositions de l’article 24 de la loi Egalim qui prévoit qu’à compter du 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.
Aujourd’hui, le réseau des œuvres universitaires et scolaires n’atteint pas ces objectifs. Au 1er décembre 2022, la part des produits durables et de qualité dans les repas servis s’établissait à 22,7 %, dont 5,56 % de produits d’origine biologique. Les efforts du réseau sont réels, mais le coût élevé de ces produits de qualité empêche désormais toute progression. Malgré le soutien de l’État, avec 4 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale pour 2023 pour la mise en œuvre de la loi Egalim au sein du réseau, le CNOUS affirme : « aucune montée en gamme ne pourra intervenir au cours des exercices 2023 et 2024, faute de financements afférents ».
Par ailleurs, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ([15]) impose qu’à compter du 1er janvier 2024, 100 % de la viande et du poisson servis dans les restaurants collectifs gérés par les établissements publics de l’État soit de qualité et durable. Ces exigences législatives ne pourront vraisemblablement pas être respectées par le réseau des œuvres universitaires et scolaires sans soutien financier de la part de l’État.
* * *
Les services de restauration étudiante proposés par le réseau des œuvres universitaires et scolaires sont néanmoins loin de constituer la seule mesure de soutien aux dépenses d’alimentation des étudiants. Si les étudiants se restaurent dans les restaurants des CROUS lors de leur pause déjeuner, les jours où ils sont présents sur les campus, les services de restauration étudiante n’ont pas nécessairement pour vocation de permettre aux étudiants de s’alimenter le matin, le soir, pendant les week-ends et les vacances scolaires.
B. Les autres aides sociales dont bÉnÉficient les Étudiants soutiennent Également leurs dÉpenses d’alimentation
Les étudiants bénéficient de différentes aides sociales qui favorisent l’amélioration de leurs conditions de vie et soutiennent leurs dépenses d’alimentation. Ces aides financières représentent en moyenne 23 % des ressources des étudiants.
1. Les bourses sur critères sociaux sont le pilier de l’action sociale de l’État à destination des étudiants
Les bourses sur critères sociaux (BCS) constituent l’aide financière directe de l’État à destination des étudiants la plus importante. Elles concernent plus de 700 000 étudiants chaque année, soit près de 40 % des étudiants.
Elles contribuent à garantir l’accès aux études supérieures et leur poursuite aux étudiants en difficulté matérielle. Elles constituent une aide complémentaire à celle qui peut être apportée aux étudiants par leur famille, et ne se substituent pas à l’obligation alimentaire qui impose aux parents d’assurer l’entretien de leurs enfants, même majeurs, tant que ces derniers ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins.
Les BCS sont attribuées aux étudiants en fonction de leurs ressources et de celles de leurs parents. L’éligibilité au statut du boursier et le montant de la bourse sont déterminés en fonction d’un nombre de « points de charge », liés à l’éloignement de l’établissement d’inscription de l’étudiant du domicile familial et au nombre d’enfants encore à la charge de ses parents. Ce nombre de points de charge est ensuite rapporté au revenu brut global du foyer fiscal auquel est rattaché l’étudiant. Les revenus retenus pour le calcul du droit à la bourse sont ceux perçus durant l’année N–2 par rapport à l’année de dépôt de la demande bourse. Un revenu fiscal élevé peut ainsi donner droit à une bourse si le nombre de points de charge relatifs à l’étudiant et à sa famille est, lui aussi, élevé.
Montant des plafonds de ressources relatifs aux bourses
sur critÈres sociaux pour l’annÉe universitaire 2022-2023
(en euros)
Points de charge |
Échelon 0 bis |
Échelon 1 |
Échelon 2 |
Échelon 3 |
Échelon 4 |
Échelon 5 |
Échelon 6 |
Échelon 7 |
0 |
33 100 |
22 500 |
18 190 |
16 070 |
13 990 |
11 950 |
7 540 |
250 |
1 |
36 760 |
25 000 |
20 210 |
17 850 |
15 540 |
13 280 |
8 370 |
500 |
2 |
40 450 |
27 500 |
22 230 |
19 640 |
17 100 |
14 600 |
9 220 |
750 |
3 |
44 120 |
30 000 |
24 250 |
21 430 |
18 640 |
15 920 |
10 050 |
1 000 |
4 |
47 800 |
32 500 |
26 270 |
23 210 |
20 200 |
17 250 |
10 880 |
1 250 |
5 |
51 480 |
35 010 |
28 300 |
25 000 |
21 760 |
18 580 € |
11 730 |
1 500 |
6 |
55 150 |
37 510 |
30 320 |
26 770 |
23 310 |
19 910 |
12 570 |
1 750 |
7 |
58 830 |
40 010 |
32 340 |
28 560 |
24 860 |
21 240 |
13 410 |
2 000 |
8 |
62 510 |
42 510 |
34 360 |
30 350 |
26 420 |
22 560 |
14 240 |
2 250 |
9 |
66 180 |
45 000 |
36 380 |
32 130 |
27 970 |
23 890 |
15 080 |
2 500 |
10 |
69 860 |
47 510 |
38 400 |
33 920 |
29 520 |
25 220 |
15 910 |
2 750 |
11 |
73 540 |
50 010 |
40 410 |
35 710 |
31 090 |
26 540 |
16 750 |
3 000 |
12 |
77 210 |
52 500 |
42 430 |
37 490 |
32 630 |
27 870 |
17 590 |
3 250 |
13 |
80 890 |
55 000 |
44 450 |
39 280 |
34 180 |
29 200 |
18 420 |
3 500 |
14 |
84 560 |
57 520 |
46 480 |
41 050 |
35 750 |
30 530 |
19 270 |
3 750 |
15 |
88 250 |
60 010 |
48 500 |
42 840 |
37 300 |
31 860 |
20 110 |
4 000 |
16 |
91 920 |
62 510 |
50 520 |
44 630 |
38 840 |
33 190 |
20 940 |
4 250 |
17 |
95 610 |
65 010 |
52 540 |
46 410 |
40 400 |
34 510 |
21 780 |
4 500 |
Source : Arrêté du 18 juillet 2022 fixant les plafonds de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2022-2023.
Ce calcul permet de déterminer si l’étudiant est éligible à une BCS, puis, en cas d’éligibilité, l’échelon de sa bourse. À ce jour, il existe sept échelons, permettant l’octroi d’une bourse d’un montant compris entre 1 084 euros et 5 965 euros par an.
Montant des bourses sur critÈres sociaux en 2022
(en euros)
Échelon |
Montant annuel |
Montant mensuel (sur 10 mois) |
0 bis |
1 084 |
108 |
1 |
1 793 |
179 |
2 |
2 701 |
270 |
3 |
3 458 |
346 |
4 |
4 217 |
422 |
5 |
4 842 |
484 |
6 |
5 136 |
514 |
7 |
5 965 |
597 |
Source : Réponses de la DGESIP au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.
Les bourses sur critères sociaux sont versées mensuellement, de septembre à juin, soit la durée de l’année universitaire. Par exception, les étudiants peuvent toucher leurs bourses sur 12 mois lorsqu’ils terminent leur année universitaire après le 1er juillet s’ils remplissent certaines conditions (domicile familial situé en outre-mer ou à l’étranger, étudiant orphelin de ses deux parents, étudiant réfugié, etc.), ce qui a pour effet de majorer le montant annuel perçu.
Entre 2019 et 2022, le montant des bourses sur critères sociaux a fait l’objet de revalorisations successives, pour une progression totale de 3,3 %. Au 1er juillet 2022, elles ont également été revalorisées de 4 % en vue de la rentrée universitaire. Le budget alloué au financement des bourses sur critères sociaux s’élève, en 2022, 2,17 milliards d’euros.
Le nombre d’étudiants bénéficiaires de bourses sur critères sociaux a progressé sur la dernière décennie ; il s’élevait à 720 043 boursiers pour l’année universitaire 2021-2022.
Évolution du nombre de boursiers sur critÈres sociaux et du budget allouÉ au financement des bourses et des prÊts Étudiants garantis par l’État depuis 2010
Source : Commission des finances d’après données transmises par le MESR.
Les bourses sur critères sociaux constituent une ressource essentielle pour les étudiants dont les familles ne sont pas en capacité de financer entièrement les études et les coûts associés (logement, dépenses d’alimentation, matériel de cours).
Aujourd’hui, le système d’attribution des BCS appelle une réforme pour répondre à certains écueils qui font l’objet d’un constat partagé : complexité, non-recours, effets de seuil. Un premier volet de la réforme envisagée par le Gouvernement a été dévoilé au mois de mars dernier, et sera à ce titre complété par un second volet à la rentrée 2023 (voir III.)
Les aides complémentaires aux étudiants
En complément des bourses sur critères sociaux, les étudiants peuvent bénéficier d’autres types d’aides telles que :
– les aides au mérite, qui sont accordées aux étudiants ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat et bénéficiant d’une BCS, s’élèvent à 900 euros par an, pendant trois ans ;
– les aides à la mobilité internationale, qui constituent un complément de bourse d’un montant de 400 euros par mois pour les étudiants boursiers sur critères sociaux qui suivent une formation supérieure à l’étranger dans le cadre d’un programme d’échange ou qui effectuent un stage international ;
– les aides à la mobilité Parcoursup, d’un montant annuel de 500 euros, qui visent à accompagner les élèves boursiers de l’enseignement scolaire dans le cadre de la procédure Parcoursup en cas de vœu confirmé hors de leur académie de résidence ;
– les aides à la mobilité master, d’un montant de 1 000 euros par bénéficiaire, qui visent à faciliter la mobilité géographique des étudiants bénéficiaires d’une bourse d’enseignement supérieur inscrits en première année du diplôme national de master dans une région académique différente de celle dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme national de licence.
2. Les aides d’urgence ponctuelles ou annuelles permettent de répondre aux besoins des étudiants en grande difficulté financière
Les étudiants qui font face à de graves difficultés financières peuvent solliciter, auprès des services sociaux des CROUS, l’attribution d’une aide d’urgence. Le montant de ces aides est situé entre 200 et 500 euros par mois. Elles peuvent être accordées aux étudiants boursiers comme aux étudiants non boursiers.
Ces aides permettent de soutenir les étudiants placés dans deux types de situations :
– une aide d’urgence ponctuelle peut être accordée aux étudiants qui rencontrent momentanément de graves difficultés ;
– une allocation annuelle peut être attribuée aux étudiants qui font face à des difficultés spécifiques durables, comme la rupture familiale ou la situation d’indépendance avérée.
Le budget moyen annuel alloué aux aides d’urgence s’élève à 50 millions d’euros par an. Toutefois, durant la crise sanitaire, pour soutenir les étudiants les plus en difficulté, ce budget a bénéficié d’un abondement de 10 millions d’euros en 2020, et d’un abondement de 15 millions d’euros en 2021. L’accès à ces aides a également été simplifié.
En 2022, plus de 92 000 aides ponctuelles d’urgence ont été attribuées à plus de 51 000 étudiants. On constate une diminution du nombre d’aides ponctuelles accordées par rapport à 2021 (112 569 aides attribuées), bien que leur niveau reste supérieur au nombre d’aides accordées avant la crise sanitaire (79 232 aides attribuées en 2019). Les principaux motifs d’attribution des aides sont l’aide alimentaire, pour 40 % d’entre elles, le logement (32 %) et d’autres difficultés particulières (11 %).
Par ailleurs, en 2022, 5 456 étudiants ont bénéficié de l’allocation annuelle en raison de difficultés spécifiques durables.
Enfin, durant la crise sanitaire, les recettes en provenance de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ont été mobilisées pour financer des actions de soutien en faveur de tous les étudiants (chèques alimentaires, bons d’achat pour du matériel informatique, etc.). Cela a représenté un coût de 38 millions d’euros pour les établissements d’enseignement supérieur et de 10 millions d’euros pour les CROUS entre le 17 mars 2020 et le 10 septembre 2021.
Ainsi, en cas de difficultés financières, l’État, les établissements d’enseignement supérieur et le réseau des œuvres universitaires et scolaires soutiennent largement les étudiants. Ce soutien implique une forte mobilisation des services sociaux des CROUS, dont les effectifs, renforcés à hauteur de 70 ETP depuis 2021, s’élèveront à 240 ETP à la fin de l’année 2023. Une montée en charge est par ailleurs prévue sur la période 2024-2026, avec le recrutement de 80 nouveaux assistants sociaux. Le rapporteur spécial se réjouit d’un tel renforcement des effectifs des services sociaux des CROUS, qui doit leur permettre de se montrer plus réactifs aux demandes d’urgence des étudiants faisant face à une situation de précarité.
3. Les aides exceptionnelles accordées aux étudiants dans le contexte de la crise sanitaire et du retour de l’inflation
Dans le contexte de la crise sanitaire, puis face au retour de l’inflation, l’État a attribué de nombreuses aides exceptionnelles aux étudiants pour limiter leurs difficultés financières.
Ainsi, en mai 2020, une aide financière de 200 euros a été créée au bénéfice des étudiants ultramarins restés en métropole et des étudiants ayant perdu leur emploi ou leur stage gratifié pendant le premier confinement.
Ensuite, une première aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros versée en décembre 2020 a concerné l’ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux, soit plus de 750 000 bénéficiaires, pour un coût de 113,6 millions d’euros.
En décembre 2021, les étudiants boursiers ont reçu une indemnité inflation de 100 euros, pour un coût total de 62 millions d’euros pour l’État. Enfin, une aide financière exceptionnelle de 100 euros, avec 50 euros supplémentaires par enfant du bénéficiaire de l’aide, a été versée à la rentrée 2022, pour un coût total de 60 millions d’euros.
Par ailleurs, à partir du 1er juillet 2022, les aides personnalisées au logement, dont bénéficie une grande partie des étudiants, ont été revalorisées à hauteur de 3,5 %. Pour les plus de 170 000 étudiants résidant dans les logements universitaires gérés par les CROUS, les loyers sont gelés depuis 2020. C’est également le cas des frais d’inscription à l’université qui n’ont pas progressé depuis 2019.
Par ailleurs, dans un objectif de lutte contre la précarité menstruelle, plus de 822 distributeurs de protection hygiéniques gratuites ont été installés en février 2022 dans les résidences universitaires des CROUS, les services de santé universitaires et sur les campus.
* * *
L’existence de ces diverses aides sociales directes ou indirectes montre que la fragilité financière des étudiants est une problématique bien identifiée par les services de l’État et par ses opérateurs. Le soutien de l’État aux étudiants est très substantiel et permet de limiter considérablement le nombre d’étudiants susceptibles de faire face à la précarité alimentaire. S’il est difficile d’estimer le nombre d’étudiants en difficulté financière majeure, il est encore plus complexe de déterminer le nombre d’étudiants que les diverses aides publiques perçues depuis le début de la crise sanitaire ont empêché, ou empêchent encore, de tomber dans la pauvreté.
C. L’Émergence de nouveaux acteurs, soutenus par l’État, pour venir en aide aux Étudiants les plus prÉcaires
Malgré le soutien très important de l’État en faveur de l’alimentation des étudiants, une partie d’entre eux rencontre de graves difficultés à se restaurer correctement, ce qui les conduit à s’orienter vers les distributions d’aide alimentaire.
1. L’apparition de nouveaux acteurs de l’aide alimentaire pour répondre aux besoins des étudiants les plus précaires
La crise sanitaire et les mesures de restriction de circulation et d’activités visant à limiter la propagation de la Covid-19 ont provoqué des pertes d’emplois et des pertes de ressources pour une partie des citoyens, parmi lesquels des étudiants. Les tensions inflationnistes observées depuis la fin de l’année 2021, en particulier sur les produits alimentaires, ont également provoqué une hausse substantielle des dépenses chez les ménages les plus modestes, et en particulier les étudiants.
Dans ces conditions, certains étudiants ont été contraints de se tourner vers des associations proposant une aide alimentaire, sous forme de distribution de denrées ou de repas. Ces associations observent toutes une augmentation du recours à l’aide alimentaire, en particulier chez les jeunes. Les Restaurants du Cœur, rencontrés par le rapporteur spécial, font état d’une augmentation de 22 % de la fréquentation de leurs structures au cours des trois premiers mois de l’hiver 2022-2023, tous publics confondus.
La crise sanitaire puis le contexte inflationniste ont conduit les grandes associations de l’aide alimentaire – Banque alimentaire, Secours populaire, Croix rouge française, Restaurants du Cœur – à s’adapter. Plusieurs initiatives innovantes à destination des étudiants ont vu le jour. La Croix-Rouge et la Banque Alimentaire d’Indre-et-Loire ont créé, en 2020, le dispositif « Le P’tit Kdi », service itinérant d’épicerie solidaire se rendant directement auprès des étudiants sur les quatre principaux sites de l’Université de Tours. La Banque Alimentaire du Cher a, quant à elle, décidé de financer, depuis 2020, l’aller-retour en transport en commun entre le campus et l’épicerie sociale et solidaire ESOPE qu’elle gère en centre-ville. Le Secours Populaire a également ouvert une épicerie sociale étudiante en partenariat avec le CROUS de Paris et le soutien de la Ville de Paris en janvier 2021.
Par ailleurs, de nouveaux acteurs de l’aide alimentaire sont apparus pendant la crise sanitaire, dont beaucoup d’associations portées par des étudiants pour des étudiants. La Banque alimentaire, qui approvisionnait déjà plus de 5 000 structures, a habilité environ 250 nouvelles associations pendant la crise.
Dans le cadre de la lutte contre la précarité alimentaire, les associations choisissent différentes modalités de délivrance de leur aide alimentaire en la conditionnant, ou non, à des critères sociaux. Ainsi, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) propose divers types de services, notamment 38 épiceries sociales et solidaires, connues sous le nom d’AGORAé. Ces épiceries sont accessibles sur critères sociaux et concernent les étudiants les plus précaires, boursiers ou non boursiers, sur la base du calcul d’un reste à vivre, une fois les dépenses contraintes réalisées (loyer, titre de transport, électricité, forfait de téléphone, etc).
D’autres associations font le choix de proposer une aide sans conditions de ressources. C’est le cas de Linkee, association préexistante à la crise sanitaire, qui demande une carte étudiante pour l’accès à ses paniers de denrées alimentaires. COP1, association créée par des étudiants en août 2020, propose également une aide alimentaire sans condition de ressources. Elle organise des distributions gratuites sous forme de paniers composés de denrées provenant d’achats, d’invendus, de collectes, de dons.
Le rapporteur spécial salue les différentes initiatives prises par ces associations, qui réalisent un travail essentiel auprès des étudiants. En effet, dans le cadre de ces distributions d’aide alimentaire, les étudiants ont également accès à des travailleurs sociaux et à des informations sur les aides auxquelles ils ont droit. Ces distributions d’aide alimentaires, lorsqu’elles sont organisées en partenariat avec les services sociaux des CROUS, peuvent dès lors permettre de repérer des étudiants en difficulté financière qui n’avaient jusqu’ici pas été identifiés par le réseau des œuvres.
2. Des associations d’aide alimentaire fortement soutenues par l’État
L’émergence et le maintien de ces acteurs associatifs de l’aide alimentaire sont favorisés par le soutien dont ils bénéficient de la part des pouvoirs publics, et en particulier de l’État.
En effet, 31 % des financements de l’aide alimentaire sont d’origine publique, qu’il s’agisse de l’Union européenne, de l’État ou des collectivités territoriales. Les associations d’aide alimentaire aux étudiants sont ainsi dépendantes des subventions publiques qu’elles perçoivent. Elles reçoivent également le soutien des CROUS, par le biais de subventions, mais aussi de prestations en nature, telles que la mise à disposition de locaux pour réaliser les distributions.
En loi de finances initiale pour 2022, 56,7 millions d’euros étaient inscrits au bénéfice de l’aide alimentaire sur le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Ce programme a bénéficié de deux abondements de 40 millions d’euros chacun en cours d’exécution. 1 million d’euros ont été spécifiquement consacrés à la lutte contre la précarité alimentaire des étudiants.
En fin d’année 2022, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement a également annoncé la création d’un Fonds pour une aide alimentaire durable, doté de 60 millions d’euros, afin de soutenir l’achat de produits frais durables et sous label de qualité pour les 4 millions de bénéficiaires de l’action des associations.
Par ailleurs, face à l’inflation qui pèse fortement sur le budget des étudiants, Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, et Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont annoncé le déploiement d’une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d’euros, soit le financement d’au moins 300 000 colis alimentaires permettant à un étudiant de se nourrir pendant une semaine.
Cette enveloppe d’urgence doit soutenir, en 2023, les associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires, pour compléter l’offre alimentaire accessible aux étudiants au plus près de leurs besoins, et structurer les réseaux de distribution.
III. Continuer À agir pour permettre aux Étudiants de s’alimenter correctement : les propositions du rapporteur spÉcial
Permettre à tous les étudiants de bien s’alimenter, à tarif modéré, est une priorité des politiques publiques de soutien à la vie étudiante. Face aux difficultés persistantes que peuvent rencontrer une partie d’entre eux, l’État, les opérateurs de l’enseignement supérieur et le réseau des œuvres universitaires et scolaires doivent poursuivre leurs efforts afin de garantir à tous les étudiants la possibilité de se restaurer à un tarif abordable.
A. Garantir l’accÈs de tous les Étudiants À un service de restauration À tarif modÉrÉ
Tous les étudiants n’ont pas accès à une structure de restauration collective à tarif social. Si les principaux lieux d’études sont aujourd’hui desservis par un point de vente géré par le réseau des œuvres universitaires et scolaires, ou par un lieu de restauration collective gérée par une personne publique ou privée avec laquelle les CROUS ont conventionné, il resterait 160 000 à 180 000 étudiants qui ne seraient desservis par aucune structure de restauration à tarif modéré.
Pour y répondre, le ministère et le réseau des œuvres universitaires et scolaires ont développé une stratégie de conventionnement avec des personnes publiques ou privées pour permettre l’accès des étudiants à leurs structures de restauration collective, en contrepartie du financement du tarif social qui leur est appliqué et du coût marginal supplémentaire que représente l’accueil des étudiants au sein de la structure. Cette compensation des CROUS s’élève en moyenne à 1 euro par repas, soit le prix des denrées supplémentaires nécessaires, considérant que les charges de fonctionnement de ces structures n’augmentent pas sous l’effet de l’accueil d’une dizaine ou d’une vingtaine d’étudiants en plus des usagers habituels.
En 2022, le financement des conventions d’agrément s’est élevé à 5,5 millions d’euros, dont 2 millions d’euros au titre du repas à 1 euro. Par ailleurs, pour la première fois, un soutien financier de l’État à hauteur de 1,3 million d’euros a été inscrit en loi de finances initiale pour 2023 afin de favoriser le développement de la stratégie de conventionnement des CROUS.
Par ailleurs, au cours de l’examen du projet de loi de finances 2023, en première lecture au Sénat, le Gouvernement a déposé un amendement, devenu l’article 194 de la loi de finances initiale pour 2023, ajoutant un nouvel alinéa à l’article L. 822-1 du code de l’éducation qui organise les missions du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Cet alinéa prévoit que les services de l’État, les établissements publics, ou les collectivités territoriales peuvent accéder à la centrale d’achat du CNOUS pour acquérir des denrées alimentaires, en contrepartie de l’accueil d’étudiants au sein de leurs services de restauration collective.
Cette évolution législative vise à faciliter la négociation de conventions entre le réseau des œuvres et les personnes publiques gérant des structures de restauration collective. Les CROUS favorisent l’accès des étudiants à une restauration à tarif modéré, et les structures agréées peuvent, en contrepartie, réaliser des économies d’échelle dans l’achat des denrées alimentaires nécessaires à leur fonctionnement.
La problématique des étudiants non desservis par une offre de restauration à tarif modéré est donc pleinement identifiée par le ministère de l’enseignement supérieur, qui travaille activement à l’accélération de la politique de conventionnement.
L’adoption récente de la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré ([16]) devrait également contribuer à l’octroi de moyens nouveaux au bénéfice de la politique de conventionnement. Cette loi prévoit en effet que « dans chaque territoire, les étudiants peuvent bénéficier d’une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d’études ». Cette offre est proposée par le réseau des œuvres universitaires ou par des organismes conventionnés par le réseau.
Cette loi prévoit également qu’une aide financière est proposée aux étudiants n’ayant pas accès à une structure de restauration universitaire, « pour leur permettre d’acquitter, en tout ou en partie, le prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’un organisme ayant conventionné, sur le territoire considéré, avec les établissements d’enseignement supérieur, les collectivités territoriales ou le réseau des œuvres universitaires et scolaires ».
Les services du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche travaillent actuellement à l’élaboration du décret d’application de cette loi. Deux enjeux pratiques sont notamment soulevés par ces dispositions législatives :
– la définition d’une offre de restauration « à tarif modéré », qui ne correspond pas, au sens strict, aux tarifs social et très social proposé par le réseau des CROUS, mais permettrait de considérer que les étudiants de classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) et de brevet de technicien supérieur (BTS), qui réalisent leurs études dans les enceintes de lycées, et bénéficient donc d’un accès à la cantine de ces établissements qui proposent des tarifs abordables et généralement adaptés à la situation économique et sociale de leurs usagers, sont ainsi desservis par une telle offre ;
– les termes « à proximité de leur lieu d’études » qui doivent faire l’objet d’une interprétation en termes de distance maximale et de temps de trajet entre le lieu de restauration et l’établissement d’enseignement supérieur.
Ce travail du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche doit aboutir avant la rentrée universitaire 2023. Le rapporteur spécial souhaite vivement que l’interprétation de ces dispositions permette d’encourager la démarche de conventionnement et de garantir à tous les étudiants la possibilité de s’alimenter à des tarifs raisonnables afin de répondre aux attentes des 100 000 étudiants actuellement sans solution.
Par ailleurs, le rapporteur spécial considère que l’aide financière accordée aux étudiants n’ayant pas accès à une structure de restauration universitaire doit rester exceptionnelle, en raison d’abord de son coût pour les finances publiques, qui selon les premières estimations, serait situé entre 130 et 250 millions, mais aussi parce que cette solution, qui s’apparenterait à une forme de ticket-restaurant pour les étudiants, ne garantit aucunement la qualité des repas. La restauration collective reste une meilleure option dans la mesure où les CROUS comme les organismes conventionnés doivent proposer des repas complets, équilibrés, incluant des produits de qualité, durables, d’origine biologique. C’est donc également un enjeu de bonne alimentation des étudiants.
Recommandation n° 1. Accélérer les démarches d’agrément, par le réseau des œuvres universitaires et scolaires, de structures de restauration collective afin de garantir l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration de qualité à tarif modéré.
Par ailleurs, l’augmentation des dépenses d’investissement du réseau des œuvres universitaires doit également être envisagée afin de garantir l’accueil des étudiants au sein des structures de restauration. Certains lieux de restauration sont en effet anciens, ou saturés en raison de l’augmentation du nombre d’étudiants. Les files d’attente dans les restaurants universitaires constituent à cet égard le motif d’insatisfaction le plus fréquent.
Or, ces files d’attente pourraient tendre à s’accentuer dans le contexte inflationniste actuel, dans la mesure où les étudiants sont conscients des tarifs très avantageux qui leur sont proposés par les CROUS. Une hausse de la fréquentation des points de vente des CROUS est ainsi constatée depuis la rentrée universitaire 2022.
Dès lors, le rapporteur spécial recommande à l’État de soutenir les démarches en faveur de la réhabilitation ou de l’agrandissement des restaurants universitaires, pour y accueillir plus d’étudiants.
Recommandation n° 2. Poursuivre les investissements en faveur de la réhabilitation, de la rénovation et de l’agrandissement des restaurants universitaires pour y accueillir plus d’étudiants.
B. Consolider le modÈle Économique du CNOUS pour permettre le maintien des mesures de soutien au pouvoir d’achat des Étudiants
Le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires a été fortement déstabilisé par la crise sanitaire. Les CROUS ont en effet subi des pertes d’exploitation importantes en raison des mesures de distanciation sociale mises en place durant la crise sanitaire, qui ont entraîné la fermeture des lieux de restauration du réseau ainsi qu’une moindre fréquentation des campus universitaires.
Par ailleurs, le financement des deux activités marchandes des CROUS que sont la restauration et l’hébergement a également été affecté par les mesures de soutien au pouvoir d’achat des étudiants décidées par le Gouvernement. Concernant l’activité de restauration, déjà structurellement déficitaire, la mise en place des repas à 1 euro pour les étudiants boursiers a contribué à réduire les recettes d’activité. En effet, bien que l’État compense, à hauteur de 50 millions d’euros par an, le différentiel entre le tarif social de 3,30 euros et le tarif très social de 1 euro, le réseau des œuvres constate des pertes de recettes liées à une évolution des comportements des étudiants, qui ont tendance à moins s’orienter vers des achats hors formule.
Concernant l’activité d’hébergement, excédentaire jusqu’en 2021, elle est devenue déficitaire depuis 2022 en raison du gel des loyers des résidences universitaires et de l’augmentation du coût des fluides énergétiques.
Les CROUS sont aujourd’hui en difficulté pour financer ces deux activités de service public aux étudiants avec la subvention pour charges de service public du réseau. Les différentes mesures de soutien au pouvoir d’achat des étudiants sont évidemment nécessaires, et doivent être maintenues dans le contexte inflationniste actuel. Toutefois, pour en assurer le financement, une revalorisation structurelle et pérenne de la SCSP apparaît inévitable.
Pour ce faire, le rapporteur spécial recommande que le ministère et le CNOUS entament une réflexion sur le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires, en lien avec le ministère de l’économie, pour identifier les conditions de la consolidation de son financement.
Recommandation n° 3. Initier une réflexion stratégique sur le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires afin d’évaluer les besoins supplémentaires à financer dans le cadre d’une augmentation de sa subvention pour charges de service public.
Par ailleurs, concernant l’activité de restauration, le réseau des CROUS ne parvient pas à atteindre, à moyens constants, les objectifs fixés par la loi Egalim et la loi Climat et résilience, qui lui imposent, dans l’élaboration des repas, une part croissante de produits durables, de qualité, et d’origine biologique.
Afin de permettre l’atteinte des objectifs fixés dans ces lois, et ainsi contribuer à l’améliorer de la qualité de l’alimentation des étudiants, le rapporteur spécial recommande qu’une enveloppe budgétaire spécifique y soit allouée, de manière pérenne, à compter du prochain projet de loi de finances.
Recommandation n° 4. À compter du projet de loi de finances pour 2024, prévoir le financement d’une enveloppe spécifique favorisant l’application de la loi Egalim et de la loi Climat et résilience par le réseau des œuvres universitaires et scolaires.
C. Poursuivre la réforme des bourses pour améliorer la situation financière des étudiants
Les services de restauration gérés ou agréés par les CROUS ne sont pas les seules mesures de soutien des pouvoirs publics à l’alimentation étudiante. Les aides financières, en particulier les bourses sur critères sociaux, constituent également un levier majeur pour soutenir le pouvoir d’achat des étudiants, notamment dans un contexte d’inflation élevée sur les produits alimentaires.
Dès lors, plus que par l’extension à tous les étudiants du dispositif des repas à 1 euro, mesure coûteuse et non ciblée sur ceux qui en ont réellement besoin, c’est par une réforme structurelle du système d’attribution des bourses sur critères sociaux que passe réellement l’amélioration des conditions de vie des étudiants.
En effet, le système actuel, bien qu’efficace dans sa globalité pour protéger les étudiants boursiers de la précarité, souffre de certains écueils.
Au cours des trente dernières années, il a connu différentes réformes paramétriques, s’enrichissant de nouveaux échelons pour aider plus d’étudiants, mais sans connaître de réforme structurelle permettant de simplifier les modalités d’attribution des bourses. Le système des points de charge et des échelons entraîne des effets de seuil : ainsi, une faible variation du revenu fiscal de référence des parents de l’étudiant peut conduire à de fortes évolutions du montant de l’aide qui lui est accordée. Par ailleurs, les seuils des barèmes de revenus permettant d’accéder aux différents échelons de bourses n’ont pas évolué depuis dix ans, sans tenir compte de l’effet de l’inflation sur le pouvoir d’achat des messages.
Prenant acte de ces imperfections, le Gouvernement a décidé d’engager une importante réforme du système de bourses sur critères sociaux. Au mois de mars 2023, la ministre de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, a dévoilé le premier volet de cette réforme, qui s’articule autour de plusieurs axes pour un montant de plus de 500 millions d’euros.
● D’abord, la réforme vise à élargir l’accès aux bourses, grâce à une revalorisation du barème d’éligibilité à hauteur de 6 %. Ainsi, 35 000 étudiants issus des classes moyennes vont pouvoir devenir boursiers dès la rentrée universitaire 2023. Pour tous ces nouveaux entrants, le gain annuel sera de 1 450 euros de bourse, versée sur dix mois.
L’attribution du statut de boursier à ces nouveaux étudiants leur donnera également accès aux avantages qui y sont associés : exonération des frais d’inscription universitaires ; exonération de CVEC ; bénéfice du tarif très social de 1 euro dans les points de restauration gérés par les CROUS ; accès prioritaire à un logement dans une résidence universitaire du CROUS ; allocations personnalisées au logement plus élevées.
Par ailleurs, cette revalorisation du barème d’éligibilité aura également pour effet de permettre à environ 140 000 étudiants d’accéder à un échelon de bourse supérieur à celui qui est actuellement le leur, et de bénéficier ainsi d’une augmentation nette du montant de leur bourse.
● Ensuite, la réforme permet la revalorisation du montant de toutes les bourses à hauteur de 37 euros par mois pour tous les échelons. Pour l’échelon 0 bis, soit l’échelon qui donne accès aux bourses dont le montant est le moins élevé, cela représente une augmentation de 34 % du montant de la bourse.
Montant des bourses sur critÈres sociaux
À compter de la rentrÉe universitaire 2023
(en euros)
Échelon |
Montant annuel à compter de la rentrée 2023 |
Montant mensuel (sur 10 mois) à compter de la rentrée 2023 |
Augmentation par rapport à la rentrée 2022 |
0 bis |
1 454 |
145 |
34 % |
1 |
2 163 |
216 |
21 % |
2 |
3 071 |
307 |
14 % |
3 |
3 828 |
383 |
11 % |
4 |
4 587 |
459 |
9 % |
5 |
5 212 |
521 |
8 % |
6 |
5 506 |
551 |
7 % |
7 |
6 335 |
634 |
6 % |
Source : Réponses de la DGESIP au questionnaire envoyé par le rapport spécial.
● La réforme vise également à mettre fin aux effets de seuils. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun étudiant ne voie sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents. L’objectif est de redonner de la valeur aux gains du travail des parents, en adaptant à la baisse le montant de la bourse de leur enfant de manière juste et proportionnée.
Ces premières mesures, qui entreront en vigueur dès la rentrée 2023, représentent plus de 500 millions d’euros alloués à l’amélioration du système de bourses sur critères sociaux, et à l’accès à la restauration et au logement.
Le rapporteur spécial se réjouit de ces premières annonces, qui vont contribuer, dès la rentrée universitaire 2023, à l’amélioration des conditions de vie des étudiants, et donc soutenir leurs dépenses d’alimentation.
Des arbitrages ministériels doivent intervenir au cours de l’été 2023 concernant le second volet de la réforme du système de bourses sur critères sociaux. Le rapporteur spécial rappelle à son attachement au caractère redistributif de ce système, et souhaite que la suite de la réforme conserve le principe selon lequel le montant de la bourse d’un étudiant reste dépendant des revenus de ses parents. Il s’agit d’aider mieux ceux qui en ont le plus besoin.
Le rapporteur spécial recommande, en outre, que ce second volet de la réforme permette de répondre à la problématique du non-recours aux droits chez les étudiants. Aujourd’hui, la constitution d’un dossier de bourse sur critères sociaux reste une démarche complexe, qui repose sur un système d’information historiquement daté. Un travail autour d’un système de solidarité à la source mériterait d’être engagé.
Recommandation n° 5. Poursuivre la réforme du système d’attribution des bourses sur critères sociaux, en conservant son caractère redistributif et en luttant contre le non-recours aux aides
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— 1 —
Lors de sa réunion de 21 heures, le jeudi 1er juin 2023, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante, sur son rapport d’information sur la restauration étudiante, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.
M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial (Enseignement supérieur et vie étudiante). Le sujet revient régulièrement dans nos débats : une partie des étudiants français rencontre de grandes difficultés financières qui peuvent les conduire vers une précarité alimentaire qui nous est insupportable. Garantir l’accès des étudiants à une alimentation saine et équilibrée à un tarif modéré est un objectif majeur de la politique publique de soutien à la vie étudiante. J’ai choisi ce thème d’évaluation pour tenter de mesurer l’ampleur et l’efficacité de la politique de soutien à la restauration étudiante.
Je ne peux pas laisser quiconque affirmer que l’État n’agit pas pour soutenir le pouvoir d’achat des étudiants et améliorer leurs conditions de vie. Ce sont plusieurs milliards d’euros qui financent chaque année une grande diversité de mesures visant à permettre aux étudiants de s’alimenter correctement. Je rappelle que nous consacrons plus de 3 milliards d’euros à la vie étudiante et que ce montant est en augmentation de 5,7 % par rapport à l’année précédente.
J’ai d’abord souhaité appréhender concrètement la réalité du phénomène de la précarité alimentaire des étudiants. Les étudiants ne constituent pas une population homogène d’un point de vue économique et social, selon qu’ils sont soutenus ou non par leurs familles, qu’ils soient titulaires d’une bourse sur critères sociaux ou qu’ils exercent en parallèle de leurs études, une activité rémunérée. Leur niveau de ressources est très variable. Par ailleurs, des facteurs contribuent à l’aggravation des difficultés financières d’une partie des étudiants, par exemple, le fait de ne pas résider chez ses parents ou le fait de réaliser ses études en Île-de-France. Les étudiants étrangers sont également très exposés à la précarité. De manière générale, environ un quart des étudiants rencontrent d’importantes difficultés financières, ponctuelles ou structurelles. Pour une partie d’entre eux, ces difficultés peuvent les conduire à réduire leurs dépenses d’alimentation. C’est alors qu’apparaît la précarité alimentaire. Le manque de ressources financières peut conduire les étudiants à manger moins ou à manger moins bien. Selon les travaux d’Olivier Galland, cela concernerait environ 10 % des étudiants.
Dans le cadre de ce travail d’évaluation, j’ai souhaité mesurer l’ampleur et l’efficacité du soutien apporté aux étudiants. Je constate que les services de restauration gérés par les Crous constituent un levier majeur de soutien à l’alimentation des étudiants. Ces services sont uniques en Europe. Si la France n’est pas le seul pays à proposer des repas subventionnés aux étudiants, puisque l’Allemagne et l’Italie le font aussi, c’est en tout cas le seul pays à proposer des tarifs aussi bas : 3,30 euros pour le repas au tarif social, un euro pour le tarif très social pour l’ensemble des étudiants boursiers et également ceux en précarité. En 2022, 18,7 millions de repas à un euro ont été servis, ainsi que 16 millions de repas à 3,30 euros, pour des repas complets équilibrés. Par ailleurs, en France, les tarifs pratiqués sont universels. Ils concernent tous les étudiants, quel que soit leur lieu d’études, à la différence par exemple de ce que l’on peut observer en Allemagne.
Par ailleurs, les services de restauration proposés par le réseau des œuvres ne sont pas la seule source de soutien aux dépenses d’alimentation des étudiants. L’État soutient en effet le pouvoir d’achat des étudiants au travers de nombreuses aides financières qui leur permettent de dépenser plus en faveur de leur alimentation.
En premier lieu, le financement des bourses sur critères sociaux représente 2,17 milliards d’euros. Leur montant a été revalorisé de 3,3 % entre 2019 et 2022, 4 % en 2022 et encore au mois de mars dernier.
Les étudiants peuvent également bénéficier d’aides d’urgence en cas de difficulté financière. En moyenne, près de 50 millions d’euros par an sont consacrés à ces aides ponctuelles ou structurelles.
Durant la crise alimentaire, les recettes en provenance de la CVEC ont également été mobilisées pour financer des actions de soutien en faveur des étudiants, notamment des chèques alimentaires. Cela représentait 48 millions d’euros entre mars 2020 et septembre 2021.
Enfin, les étudiants ont également bénéficié de plusieurs aides exceptionnelles depuis mars 2020 : aide financière de 200 euros pour les étudiants ultramarins restés en métropole et pour les étudiants ayant perdu leur emploi pendant le premier confinement., aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros pour l’ensemble des étudiants boursiers pour 113 millions d’euros, indemnité inflation de 100 euros pour les étudiants boursiers, aide financière exceptionnelle de 100 euros à la rentrée 2022 avec 50 euros supplémentaires par enfant du bénéficiaire de l’aide (pour 60 millions d’euros).
Je note comme vous le développement du recours à l’aide alimentaire et l’émergence de nouveaux acteurs, mais je constate que l’État soutient largement les différentes associations qui cherchent à limiter ou réduire la précarité alimentaire des étudiants et plus largement des personnes en difficulté financière. Plus de 130 millions d’euros ont été ouverts en 2022 pour soutenir l’aide alimentaire. Pour 2023, le Gouvernement a créé un fonds pour une aide alimentaire durable doté de 60 millions d’euros. Il a ouvert une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d’euros pour soutenir les associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires.
J’en viens maintenant à mes recommandations, qui s’articulent autour de trois grandes orientations.
La première consiste à garantir l’accès de tous les étudiants à un service de restauration à tarif modéré. L’une des difficultés que j’ai identifiées concernant les services de restauration des Crous a trait au fait que tous les étudiants ne sont pas desservis par un point de vente. Pour y répondre, le ministère et les Crous ont engagé une politique de conventionnement efficace qui permet de donner accès aux étudiants isolés à des structures de restauration collective gérées par des collectivités territoriales, des établissements hospitaliers ou encore des associations, en contrepartie d’un financement du tarif social par le réseau des œuvres et de l’accès à la centrale d’achat du Cnous, qui est très performante. Malgré ces efforts, il resterait entre 16 000 et 18 000 étudiants non desservis par un service de restauration étudiante, soit 6 % des étudiants. Je sais que le ministère travaille d’ores et déjà sur cette question, notamment à la suite de l’adoption de la loi du 13 avril 2023. Je ne peux qu’encourager le ministère à poursuivre cette démarche qui doit permettre à terme à l’ensemble des étudiants de bénéficier d’un service de restauration à tarif modéré.
La deuxième orientation consiste à consolider le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Le réseau des Crous est largement autofinancé par ces revenus d’activité, qui résultent de deux activités marchandes, la restauration et l’hébergement. La restauration est structurellement déficitaire en raison d’un prix de vente des repas. L’hébergement était excédentaire jusqu’en 2021 et permettait de compenser en partie le déficit résultant de l’activité de restauration. Toutefois, en raison du gel des loyers au sein des résidences universitaires gérées par les Crous et de l’augmentation du coût des fluides énergétiques depuis la fin de l’année 2021, l’activité d’hébergement est elle aussi devenue déficitaire. Sans revenir sur les nécessaires mesures de soutien au pouvoir d’achat que sont les repas à un euro et le gel des loyers dans les résidences universitaires, nous sommes obligés de constater que ces dernières ont déséquilibré le modèle économique du réseau des œuvres. Je recommande donc au ministère d’entamer une réflexion en concertation avec le ministère de l’économie et des finances, afin de restaurer structurellement les ressources du réseau des Crous et garantir sur le long terme leurs capacités d’investissement.
La troisième et dernière orientation consiste à poursuivre la réforme des bourses afin de remédier de manière plus structurelle à la précarité alimentaire des étudiants. Le système de bourses sur critères sociaux protège plutôt bien les étudiants qui en sont bénéficiaires. Une réforme de ce système est actuellement à l’œuvre pour mieux protéger et protéger plus d’étudiants. Madame la ministre vous avait présenté en mars dernier le premier volet de la réforme des bourses sur critères sociaux, qui se traduit par une revalorisation des bourses à hauteur de 37 euros par mois pour tous les échelons et par une augmentation à hauteur de 6 % des plafonds de ressources qui conditionnent l’attribution des bourses afin de rendre éligibles 35 000 étudiants supplémentaires. Je salue évidemment ces annonces et ces décisions. Je rappelle que c’est notamment le statut de boursier qui donne accès aux étudiants qui en ont besoin aux repas au tarif à un euro au sein des réseaux du Crous. Un deuxième volet doit être présenté pour la rentrée 2023, qui me semble nécessaire. Tous les étudiants qui en ont besoin doivent bénéficier du soutien de l’État.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la poursuite de la revalorisation des bourses qui permettront de soutenir massivement les étudiants les plus précaires ?
Comment développer l’offre de restauration de manière plus large et limiter ce qui est qualifié de zone blanche afin de toucher tous les territoires pour lesquels sont présents les étudiants ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. En matière de restauration, effectivement, l’année qui vient de s’écouler a donné l’occasion d’opérer des transformations essentielles. Je tiens à rappeler que nous sommes le seul pays à offrir une cette offre de restauration publique équilibrée à tarification sociale pour tous nos étudiants. J’en suis très fière et je crois que nous pouvons l’être collectivement parce que je crois que cela apporte cette plus-value majeure pour nos jeunes. Nous conservons des capacités d’évolution pour renforcer encore ce service.
En matière de tarification, le dispositif de repas à tarification très sociale, dit repas à un euro, va être non seulement maintenu pour la rentrée, mais pérennisé pour les étudiants boursiers ainsi que pour les non-boursiers qui seraient en situation de précarité. Cette réponse, née pendant la crise sanitaire, apporte un soutien essentiel aux étudiants qui ont le moins de ressources financières. Je veillerai particulièrement à ce que l’accès à ce dispositif se fasse dans les meilleures conditions pour les non-boursiers précaires. Nous accompagnons le réseau des œuvres pour compenser la différence de prix entre la tarification sociale à 3,30 euros et la tarification très sociale à un euro. Cette compensation a eu lieu en 2022. Elle aura lieu en 2023. 43 millions d’euros ont ainsi été versés en 2022 pour 18,7 millions de repas à un euro servis.
Je tiens par ailleurs à rappeler que la réforme des bourses que j’ai engagée en vue de la rentrée qui vient devrait permettre à 35 000 étudiants supplémentaires de devenir boursiers, augmentant mécaniquement le nombre d’étudiants directement éligibles à la tarification très sociale et diminuant vraisemblablement une fraction non négligeable des étudiants en situation de précarité non boursiers qui avait recours au dispositif.
Par ailleurs, au-delà des 750 points de vente de Crous, cette tarification est proposée dans plus de 170 points de vente conventionnés avec les Crous. Ces conventions sont nées d’un besoin identifié : améliorer le maillage territorial pour lutter contre les zones blanches. 5,5 millions d’euros ont été engagés l’an dernier pour financer ces conventions, dont la sécurité juridique a été confortée avec la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une restauration à tarif modéré. Avant l’adoption de cette loi, nous avions déjà augmenté le budget prévu pour 2023 pour ces conventions de 33 %, afin de sécuriser ces conventions existantes dans le contexte de l’inflation, mais de permettre aussi leur développement.
Nous avons créé un autre levier d’engagement des collectivités et autres opérateurs pour renforcer les conventions : la possibilité qui leur est ouverte de bénéficier des marchés de la centrale d’achat des Crous. Cette mesure technique revêt un intérêt pour de nombreux opérateurs. La construction juridique du dispositif est en cours, mais plus largement, cette loi nous permet de travailler à de nouvelles solutions pour les étudiants situés en zone blanche, afin que chaque étudiant puisse accéder à une offre de restauration et une offre de restauration à un tarif modéré, car les Crous géreront ces conventions. Si l’impératif est partagé, je ne suis pas en mesure aujourd’hui de vous indiquer précisément les voies et les moyens d’application, car son entrée en vigueur soulève de nombreuses questions d’opérationnalité. Mes services travaillent activement à ce sujet, en étudiant les dispositifs comparables, notamment du côté de l’Agence de services et de paiements. Je ferai le maximum pour déployer des solutions opérationnelles dès le début 2024.
En parallèle, nous continuerons d’accompagner le réseau des œuvres universitaires et scolaires pour la qualité du service rendu en matière de restauration. Je rappelle que pour la première fois, nous avons mobilisé des moyens pour accompagner les Crous dans la mise en œuvre des objectifs Egalim qui s’imposent au réseau comme à l’ensemble des services de restauration collective. Face à l’augmentation des prix de l’énergie, nous avons également mobilisé 20 millions d’euros pour leur permettre de surmonter cet enjeu, sans amoindrir la qualité du service rendu aux étudiants. Enfin, et je sais que la représentation nationale y est sensible, nous avons revalorisé les agents ouvriers des Crous régis par un quasi-statut, en particulier ceux des plus bas échelons, pour leur permettre d’avoir une revalorisation et d’accélérer leur carrière.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur, cette poursuite de la réforme des bourses dans la concertation : dans ce cadre, nous allons revoir entièrement le modèle, afin de le rendre plus redistributif et plus juste. Nous allons l’appliquer au plus tard pour la rentrée 2025, en lien avec le ministère des solidarités et en cohérence avec la solidarité à la source.
Concernant le développement de l’offre, il s’agira soit d’augmenter prioritairement les conventionnements dans ces zones blanches, soit d’apporter à tout étudiant une possibilité de se restaurer dans ces zones blanches.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour ce travail qui a le mérite de ne pas nier la réalité difficile des études, notamment en termes de précarité alimentaire. Il faut revaloriser encore davantage les bourses, même si l’augmentation du plafond des ressources en ce qui concerne l’attribution des bourses à hauteur de 6 % devrait rendre éligibles 35 000 étudiants supplémentaires.
Vous traitez à la fois la question alimentaire et celle de l’hébergement, qui sont effectivement liées. Tous les étudiants ne sont pas dans des résidences universitaires. Comme dans le logement social, il est nécessaire de consentir un effort bien plus accru en termes de construction de logements universitaires par rapport au développement du nombre d’étudiants. Par ailleurs, les étudiants qui ne sont pas en logement universitaire vivent de plein fouet la problématique du logement, notamment dans des centres urbains. Se pose également la question de la garantie pour obtenir une location ; il conviendrait de penser à une garantie universelle de l’État. Je relève également que la hausse des APL reste inférieure à l’inflation et intervient après une baisse au début du dernier quinquennat.
Plus globalement, au-delà des bourses, le statut des étudiants ne peut pas seulement être considéré par rapport au statut de leurs parents. Beaucoup d’étudiants ne sont pas boursiers, mais pour autant, vivent une situation précaire, doivent travailler. C’est la raison pour laquelle j’appuie l’idée d’un revenu d’autonomie étudiante qui permettrait de suivre des études sans avoir nécessairement recours à des petits emplois peu payés.
M. Emmanuel LACRESSE (RE). Vous avez souligné que le sujet de la restauration s’inscrivait dans l’ensemble plus vaste qu’est l’amélioration des conditions de vie étudiante menée par le Gouvernement depuis déjà de nombreuses années. Ont été évoqués notamment la revalorisation des bourses de façon constante et accélérée au regard de la situation récente, les aides ponctuelles, le chèque alimentaire, les aides exceptionnelles, notamment aux boursiers, et enfin l’aide alimentaire, avec l’émergence de nouveaux acteurs. Pour ce qui concerne le sujet strictement budgétaire, nous avons donc deux chiffres à retenir : 51 millions d’euros de différentiel entre le coût complet du prix de revient du repas et les recettes ; 6 % d’étudiants potentiellement non desservis dans les zones blanches.
Ma première question porte sur les transports. Le dialogue entre les ministères et la SNCF sur les offres Ouigo, les TET ou les trains de nuit est-il suffisant ?
Ensuite, sur le taux de recours aux aides, problématique qui traverse l’ensemble du champ social, la question est de savoir si la présence des services sociaux, notamment d’assistantes sociales, dans les Crous est suffisante et si elle a suivi la mise en place de ces dispositifs massifs et qui ont montré une très grande efficacité.
Enfin, l’amélioration constante de la qualité des repas depuis la loi Egalim fait-elle l’objet d’un effort structurel suffisant de la part de l’État, de façon à faire en sorte que la subvention pour charges de service public soit à hauteur des ambitions du Gouvernement en la matière ?
M. Émeric Salmon (RN). Je souhaite commencer mon intervention par un témoignage lu dans la presse : « La file d’attente devant les distributions alimentaires s’allonge. “C’est vrai que l’on a de plus en plus de nouveaux”, constate une des bénévoles de Cop1. “La demande de la part des étudiants ne fait qu’augmenter”, renchérit Inès El Houari, secrétaire général de l’association. On a ouvert une quatrième distribution alimentaire par semaine et malgré nos efforts, il y a encore des étudiants qui n’ont pas de quoi manger toutes les semaines. » Beaucoup trop d’étudiants ne mangent pas à leur faim ou sautent des repas à cause de l’inflation des prix des denrées alimentaires. Dans votre rapport thématique, il est indiqué que le Gouvernement a débloqué une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d’euros, soit le financement de 300 000 colis alimentaires pour soutenir des associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires, comme Cop1. C’est sur ce recours à l’aide alimentaire que je souhaite vous interroger, madame la ministre. N’est-ce pas un aveu montrant les limites des Crous ? Comment se fait-il que des étudiants soient contraints à avoir recours à l’aide alimentaire ? Pourquoi les étudiants aidés par ces associations, dont je salue l’action par ailleurs, ne sont-ils pas aidés directement à travers une prise en charge des repas par le Crous ? Y a-t-il des études sur ce point précis ?
Mme Marina Ferrari (Dem). Je salue le travail du rapporteur spécial. Nous partageons tous ces préoccupations en matière de précarité alimentaire des étudiants. Madame la ministre, tout d’abord, merci d’avoir rappelé la politique conduite en matière de restauration et d’avoir annoncé la pérennisation des repas à un euro pour les étudiants boursiers, une décision qui était fort attendue.
Dans son rapport, le député Cazenave fait état d’un objectif de lutte contre la précarité menstruelle. Nos étudiants rencontrent de grandes difficultés d’accès aux soins. Vous avez effleuré le sujet en annonçant un renfort de postes et une revalorisation des salaires. Auriez-vous un complément à nous apporter sur le sujet ?
Je partage les conclusions du rapporteur quant à la nécessité de déployer une offre de restauration collective pour les étudiants, puisque bien souvent, les files d’attente sont dans les endroits qui ne proposent pas de restauration collective accessible. Nous avons parlé du conventionnement, avec un budget en augmentation de 33 %, mais qu’en est-il de la production de restaurants universitaires ?
Enfin, vous l’avez rappelé, l’hébergement devient déficitaire du fait des nombreuses mesures de soutien qui ont été décidées. Monsieur le président, vous avez soulevé la question des Jeux olympiques. Sur certains territoires dits touristiques, nos logements étudiants se vident complètement l’été. Ne pourrions-nous pas les mettre à disposition, soit en tant qu’auberges de jeunesse, qui se traduiraient par des ressources complémentaires pour les établissements, soit pour le logement saisonnier, qui est une véritable problématique sur nos territoires ?
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Depuis plusieurs années, nous assistons à une explosion de la fréquentation des banques alimentaires par nos étudiants. La période du confinement a mis en lumière plus que jamais la grande précarité de nos jeunes. Le développement d’initiatives de solidarité étudiante en faveur de l’aide alimentaire, ainsi que les chiffres des Restos du Cœur sur la fréquentation étudiante, témoignent de la situation alarmante. En février dernier, je déposais une proposition de loi lors de la niche socialiste qui visait à étendre le repas Crous à un euro à tous les étudiants. Il aura manqué une voix pour que celle-ci soit adoptée, alors qu’elle aurait été tant utile. Aujourd’hui, le réseau des Crous n’apparaît pas comme suffisamment doté afin de permettre à tous les étudiants de manger à leur faim. Le réseau des œuvres doit être le rempart à la précarité alimentaire de nos étudiants. Or aujourd’hui, il ne peut être considéré comme tel.
Si les mesures de lutte contre la précarité étudiante vous apparaissent comme une dépense comptable, nous la voyons comme un investissement. En novembre dernier, nous considérions que l’investissement dans la restauration étudiante était insuffisant puisque celui-ci ne proposait pas le gel du tarif du repas à un euro pour tous les étudiants. Ainsi, madame la ministre, pouvez-vous nous transmettre les chiffres relatifs à la restauration universitaire entre janvier et mai 2023, à savoir la fréquentation des sites du réseau des œuvres ainsi que la répartition entre les tarifs boursiers et précaires et les tarifs pleins à 3,30 euros ? Une seule solution est envisageable : l’extension du repas Crous à un euro pour tous nos étudiants
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Sur les problèmes d’accès au logement et de santé, depuis le 7 octobre dernier, j’ai lancé une concertation à la fois nationale et territoriale sur l’ensemble des questions de vie étudiante, en parallèle d’une mission de Richard Lioger visant à identifier les obstacles à l’augmentation du nombre de logements. Il y a un niveau national de responsabilité sur ces questions, mais aussi un autre niveau, notamment territorial. C’est en conciliant ces niveaux que nous arriverons à améliorer l’accès au logement.
Le Gouvernement avait déjà mis en place une garantie locative gratuite, Visale, par Action logement, à laquelle tout étudiant peut avoir accès. Ce sujet rejoint celui de l’information. Il s’agit de porter auprès des étudiants le message selon lequel ils doivent déposer leur demande d’accès aux bourses. S’ils n’y ont pas accès, des aides ponctuelles et annuelles permettent d’avoir accès au repas à un euro et à des aides complémentaires. Nous avons ainsi initié un travail sur l’information et le non-recours.
Je voudrais revenir sur le repas à un euro pour tous les étudiants. Nous souhaitons donner accès au repas à un euro à ceux qui en ont besoin. Je pense qu’il s’agit d’une politique de gauche, mais aussi d’une politique éducative. En effet, nous faisons face à des adultes, qui doivent comprendre ce qu'est une politique de solidarité. Nous devons pour cela combattre le non-recours et faciliter cet accès. Il y a en l’espèce des marges de progression. Nous devons réaliser un benchmark. Le cas du Danemark est souvent cité. Nous pourrons étudier les enquêtes de reconnaissance vis-à-vis de ce qu’apportent les aides aux jeunes Français et aux jeunes Danois. Nous avons une politique consistant à aider davantage ceux qui en ont besoin et à inculquer à nos jeunes cette notion de politique solidaire et d’un modèle social basé sur la solidarité.
En ce qui concerne les services sociaux et les assistantes sociales, nous avons atteint 250 postes, avec une augmentation sur ces deux dernières années de 70 ETP. Il y a eu en 2023 une augmentation de 40 ETP. Nous continuerons à accompagner le réseau des œuvres et les Crous pour accompagner ces étudiants précaires dans l’accès à toutes ces aides qui sont déjà disponibles. S’agissant de la loi Egalim, nous consacrons chaque année des sommes supplémentaires, en l’occurrence 4 millions d’euros en 2023.
S’agissant des associations, des aides accompagnent la plupart d’entre elles. Nous avons ajouté cette année 10 millions d’euros, qui ont été directement versés à des associations nationales Cop1 et dont une partie a été consacrée à des associations territoriales, à travers les Dreets.
Sur le sujet des zones blanches, nous sommes en train, avec le réseau des Crous, de mettre en place des conventions et des accès centrales d’achats du Crous et d’identifier les zones blanches. Les opérateurs de restauration collective peuvent nous permettre d’accueillir ces étudiants. Le déploiement généralisé de Crous ne constitue pas une utilisation de l’argent public raisonnable. En revanche, nous travaillons sur le fait d’utiliser les lieux de restauration existants et de permettre aux étudiants d’y déjeuner au même prix que dans les Crous. De même, la loi qui a été votée va permettre de mettre en œuvre d’autres processus qui n'existaient pas pour permettre de façon individuelle aux étudiants d'avoir accès à la restauration. Je souhaite également signaler l’exemple de la restauration du soir. Des Crous ouvrent le soir, mais selon une enquête cela ne représente que 3 % de leurs revenus ou de leur activité. Certains campus continueront d’assurer cette ouverture le soir. Avec d’autres campus, nous travaillons avec les Crous pour que les étudiants puissent, le midi, récupérer un repas qu’ils emporteraient le soir. Dans d’autres cas, les associations peuvent intervenir. Nous menons donc des actions pour donner accès à la restauration, à des prix sociaux du Crous, dans des zones blanches. Nous menons également un travail avec ces associations, dont l’action doit devenir plus limitée et rester complémentaire.
L’accès aux soins et la santé constituent un point capital. Nous avons fait évoluer les services de santé universitaires en services de santé étudiants. Ainsi, les étudiants qui sont dans une plus petite école ou un plus petit établissement auront accès à un service de santé dans une grande université. Des conventionnements permettront d’accompagner ces services de santé étudiants et de mettre à disposition des postes. Nous avons injecté en 2023 8,2 millions d'euros pour accompagner la création de ces services de santé et pour la revalorisation de postes. Nous avons également ajouté 80 postes de psychologues et ouvert de nouveaux centres. Nous accompagnons un centre créé par les trois universités de Lyon, notamment avec un aspect psychologique et psychiatrique. Nous continuerons de suivre les services de santé étudiants et à évaluer les besoins. Ces services de santé ne sont plus uniquement des services de prévention, mais il s’agit désormais de services de soins.
En ce qui concerne la mise à disposition des logements Crous, ce dispositif existe et est peu connu. Les logements Crous sont effectivement fortement vidés pendant l’été. Ils sont mis à disposition pendant cette période, avec des tarifs préférentiels pour les étudiants. Ils sont également ouverts à d’autres personnes. Nous travaillons à mieux faire connaître cette utilisation des Crous l’été.
M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. J’espère que ce travail permettra d’objectiver et d’éclairer le débat sur ce sujet qui a parfois enflammé notre hémicycle. Nous aurons mis en évidence que notre système est perfectible, mais qu’il est probablement un des systèmes les plus protecteurs en Europe.
La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial.
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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Table ronde de syndicats étudiants :
– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) : M. Félix Sosso, porte‑parole
– Union nationale des étudiants de France (UNEF) : Mme Imane Ouelhadj, présidente
Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) : Mme Dominique Marchand, présidente et M. Clément Cadoret, directeur général délégué
France Universités* : M. Lamri Adoui, président de l’université de Caen Normandie
Observatoire de la vie étudiante (OVE) : Mme Marie‑Paule Couto, chargée de mission
Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) : Mme Laurence Lefèvre, sous‑directrice de la réussite et de la vie étudiante et M. Gaël Moricet, chef du département du pilotage et du financement de la vie étudiante
Table ronde Associations de distribution de l’aide alimentaire :
– Association Linkee
– Les Restaurants du Cœur du Cœur* : MM. Louis Cantuel, responsable des relations institutionnelles et Yves Mérillon, membre du Bureau National à confirmer
– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)* : Mme Sarah Biche, vice‑présidente en charge de l'innovation sociale
– COP1- Solidarités étudiantes : M. JR A’Weng, directeur général
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) O. Galland, « Qui sont les étudiants vraiment pauvres ? » in Être étudiant avant et pendant la crise sanitaire, 2023.
([2]) Belghith Feres, 2021, « La mesure de la précarité étudiante à travers les enquêtes Conditions de vie des étudiants », Semaine Data SHS : traiter et analyser les données en sciences humaines et sociales, Plateforme universitaire de données de Nanterre-MSH-Mondes, hal-03477808.
([3]) O. Galland, op. cit.
([4]) Ibid.
([5]) Hugo Breant, Céline Monicolle, Philippe Cordazzo, Fanny Jedlicki, « Les étudiants ultramarins : profils et conditions de vie avant et pendant le premier confinement », in Être étudiant avant et pendant la crise sanitaire, 2023.
([6]) OVE, Repères sur la santé des étudiants, 2018.
([7]) OVE, La vie d’étudiant confiné, 2020.
([8]) OVE Infos n° 45, Une année seuls ensemble. Enquête sur les effets de la crise sanitaire sur l’année 2020‑2021, Novembre 2021.
([9]) INSEE, « En avril 2023, les prix à la consommation augmentent de 0,6 % sur un mois et de 5,9 % sur un an », Informations rapides, mai 2023.
([10]) Ibid.
([11]) Loi n° 55-425 du 16 avril 1955 portant réorganisation des services des œuvres sociales en faveur des étudiants.
([12]) Décret n° 2016-1042 du 29 juillet 2016 relatif aux missions et à l'organisation des œuvres universitaires.
([13]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
([14]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
([15]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([16]) Loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.