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N° 1331

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

 

 

RAPPORT D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-7 alinéa 3 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

sur l’évaluation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019
pour une école de la confiance

 

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

Mme GÉraldine BANNIER et M. JÉrÔme LEGAVRE,

 

Députés.

 

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. La position de la rapporteure Géraldine Bannier

II. La position du rapporteur jérôme Legavre

première partie : L’instruction et la formation

I. L’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction de six à trois ans

A. Les objectifs de la mesure

1. Favoriser la maîtrise précoce du langage par les élèves de tous les milieux sociaux

2. Conforter le rôle pédagogique de l’école maternelle, dans le cadre d’une politique éducative centrée sur les premiers apprentissages

B. Des effets limités, voire nuls, sur le taux de scolarisation des enfants de moins de six ans

1. À l’échelle nationale, une absence d’effets sur le taux de scolarisation des jeunes enfants

a. Avant 2019, la très grande majorité des enfants âgés de trois à cinq ans étaient déjà scolarisés

b. La poursuite du recul de la scolarisation avant l’âge de trois ans

2. En Guyane et à Mayotte, la mise en œuvre de l’obligation d’instruction connaît une lente progression

a. À Mayotte, la croissance du taux de scolarisation reste limitée par la saturation des écoles

b. En Guyane, la capacité d’accueil et l’implantation des établissements ne permettent pas de répondre à la croissance démographique

C. des conséquences significatives pour les acteurs chargés de l’éducation des jeunes enfants

1. Une modification des conditions d’accueil des jeunes enfants dans les écoles maternelles

2. Les jardins d’enfants : un modèle remis en cause, une dérogation provisoire appelée à expirer à la fin de l’année scolaire 2023-2024

a. Des établissements spécialisés dans l’accueil des enfants âgés de deux à six ans

b. Un modèle remis en cause par l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction

c. Des solutions jugées peu satisfaisantes par les responsables et les usagers de certaines catégories de jardins d’enfants

3. De nouvelles obligations pour les communes

a. Des obligations administratives : l’établissement des listes scolaires et le contrôle de l’instruction dans la famille

b. Le financement des écoles par les communes

II. Le renforcement du contrôle de l’instruction en famille

A. Un mode d’instruction très minoritaire, mais qui s’est développé au cours des dernières années

B. Une liberté ancienne reconnue aux parents, qui fait l’objet d’un encadrement de plus en plus strict

C. L’extension du régime de l’instruction dans la famille aux enfants âgés de trois à six ans

D. Le renforcement du contrôle annuel de l’instruction par les services de l’Éducation nationale

1. Un contrôle fondé sur des objectifs pédagogiques

2. Un contrôle effectivement mis en œuvre, mais que certaines associations de parents jugent inadapté

III. L’obligation de formation : une nouvelle politique publique de lutte contre le décrochage scolaire

A. Une obligation pour tous les jeunes âgés de seize à dixhuit ans

1. Une disposition introduite par voie d’amendement par le Gouvernement

2. Le contrôle du respect de l’obligation de formation a été confié aux missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes

a. La loi a prévu les situations dans lesquelles l’obligation de formation est respectée et a confié aux missions locales le contrôle de son respect…

b. … selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État, qui ne la sanctionnent pas réellement

B. Malgré une diminution du nombre de décrocheurs scolaires, le dispositif de suivi demeure perfectible

1. La mise en place de l’obligation de formation : une nouvelle étape franchie dans la lutte contre le décrochage scolaire grâce à une meilleure identification des jeunes décrocheurs…

2. … qui reste à consolider par une meilleure coordination des acteurs locaux

deuxiÈme partie : les personnels de l’Éducation nationale

I. La formation des enseignants

A. Les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation

1. Des écoles normales aux Inspé

a. À l’origine, une séparation de la formation des enseignants du premier et du second degré

b. Un rapprochement mené dans le cadre d’un ancrage universitaire accru de la formation des enseignants

c. Le remplacement des Espé par les Inspé : une réforme de la gouvernance, au service du renforcement du cadre national de la formation

2. Les Inspé et la réforme de la formation des enseignants

B. Le dispositif de prÉ-professionnalisation des Assistants d’éducation

II. Les accompagnants des élèves en situation de handicap et l’école inclusive

A. Une augmentation rapide du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, qui s’est poursuivie après 2019

B. Le recrutement et la formation des AESH

1. Un objectif de professionnalisation de l’accompagnement des élèves en situation de handicap

2. Des divergences de vues persistent quant aux moyens de lutter contre la précarité des AESH

C. Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés

TroisiÈme partie : L’institution scolaire

I. Les Établissements publics locaux d’enseignement international

A. Un nouveau statut visant à dynamiser l’enseignement des langues étrangères

1. Des établissements d’excellence dérogeant au droit commun du code de l’éducation et tournés vers l’enseignement des langues vivantes

2. Un nouveau cadre juridique encore peu mis en œuvre par les collectivités territoriales, mais ayant vocation à se développer dans les années à venir

a. Quatre établissements publics ont acquis le statut d’EPLEI

b. Plusieurs académies et collectivités territoriales portent des projets d’EPLEI

B. Le premier bilan du statut d’EPLEI : deux principaux points de vigilance

1. Le recrutement des personnels enseignants, une difficulté non résolue à ce jour

a. Les écoles européennes agréées doivent veiller au très haut niveau de compétence linguistique de leurs enseignants…

b. … cette exigence se heurtant à de réelles difficultés de recrutement

2. Enseignement international d’excellence pour tous ou pour quelques-uns ? La problématique de la mixité sociale

II. Le recours À l’expÉrimentation pÉdagogique

A. La loi pour une école de la confiance a opéré une clarification du cadre juridique des expérimentations pédagogiques

1. Les dispositions applicables aux expérimentations sont désormais regroupées dans un chapitre unique du code de l’éducation

a. Le constat de 2019 : un cadre juridique obsolète

b. La loi pour une école de la confiance : un « toilettage » des dispositions relatives à la recherche et aux expérimentations pédagogiques visant à en faciliter l’application

B. Un nouveau dispositif réglementaire plus souple et prévoyant une évaluation systématique des expérimentations

C. La simplification du recours aux expérimentations a produit les effets attendus par le projet de loi : faciliter le recours à l’expérimentation

1. Le dynamisme des expérimentations a été confirmé et amplifié par la réforme de 2019

2. Si les expérimentations académiques sont en stagnation, celles déployées dans les écoles et les établissements scolaires sont en hausse par rapport à 2019

a. Les expérimentations académiques : un dynamisme à confirmer dans la durée

b. Les expérimentations pédagogiques déployées dans les écoles et les établissements scolaires : un dynamisme inégal selon les domaines

III. Le conseil d’Évaluation de l’École

A. À l’origine de la création du conseil d’évaluation de l’école : introduire une culture de l’évaluation dans le système éducatif français

1. Le projet de loi a entendu renforcer l’évaluation des écoles et des établissements scolaires, sur le modèle de pays européens

a. Plusieurs rapports ont préconisé de renforcer et de mieux structurer la fonction d’évaluation du système éducatif français

b. La montée en puissance de l’autonomie des établissements scolaires

2. Le CEE : une institution chargée de veiller à l’effectivité de la nouvelle démarche d’évaluation dans les écoles et établissements scolaires

a. Le renforcement de l’indépendance du CEE au cours de la navette parlementaire et la transformation du Cnesco

b. Après une installation retardée par la crise sanitaire, le CEE a défini deux cadres d’évaluation pour les premier et second degrés

B. Une nouvelle démarche d’évaluation qui peine à convaincre

1. L’interrogation sur l’utilité des évaluations, dans un contexte de crise des vocations au sein du ministère de l’Éducation nationale : une réception mitigée par les personnels enseignants

2. La dimension « chronophage » de l’évaluation : une critique récurrente

Liste des recommandations

Travaux de la commission

ANNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par lEs rapporteurs

 


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   Introduction

En septembre 2022, le bureau de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation a créé une mission d’évaluation de l’impact de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, en application du troisième alinéa de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale. Mme Géraldine Bannier (Dem) et M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES) ont été désignés rapporteurs de cette mission.

Entre novembre 2022 et mai 2023, les rapporteurs ont réalisé vingt-quatre auditions, au cours desquelles plus de cent personnes ont été entendues. Ils se sont aussi rendus le 15 mai dernier au site Molitor de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de l’académie de Paris, où ils se sont entretenus avec des étudiants et des professeurs stagiaires.

I.   La position de la rapporteure Géraldine Bannier

La confiance était assurément le bon terme à faire figurer au fronton de cette loi car c’est bien dans ce domaine que « le bât blesse », pour ainsi dire.

Naturellement, la confiance ‒ sa construction, son renforcement ‒ ne relève pas des seules dispositions de la loi ‒ dont la mise en œuvre exige de toute façon du temps ‒ et nécessite une pleine et profonde prise de conscience sociétale, car il n’y a pas de réussite possible, individuelle comme collective, sans confiance dans l’école et ses acteurs – les professeurs au premier chef, ainsi que l’ensemble des personnels : agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), assistants d’éducation (AED), personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé (Atoss), personnels de direction…

Avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire de six à trois ans, ainsi que la création d’une obligation de formation pour tout jeune jusqu’à 18 ans, assorties d’une garantie de maîtrise des savoirs fondamentaux ‒ lire, écrire, compter et respecter autrui ‒ à la sortie du primaire, c’est la mission même de l’école qui a été réaffirmée par la loi pour une école de la confiance, dite loi Blanquer.

Si la première mesure était déjà en application pour 98 % des écoliers en métropole, elle est un levier non négligeable d’amélioration de la scolarisation pour Mayotte et la Guyane, territoires qui nécessitent un accompagnement, par ailleurs en cours ‒ sur le bâti ou les transports ‒ pour que les conséquences pratiques de la loi s’y déploient réellement.

L’abaissement de l’âge d’instruction a également bouleversé ‒ cela avait été peu anticipé lors des débats ‒ la philosophie selon laquelle tout enfant accueilli à l’école devait avoir acquis « la propreté ». C’est l’âge qui détermine désormais l’entrée à l’école, et non plus cet acquis transmis, dans la mesure du possible et dans l’immense majorité des cas, par la famille.

Cette nouvelle modalité d’accueil doit donc se faire avec les conditions matérielles adéquates et l’accompagnement humain suffisant. Il est aussi essentiel que les parents conservent cette part de l’éducation du jeune enfant afin de favoriser le passage à la vie collective. L’éducation ne se réduit pas à l’école et il est parfois bon de le rappeler, tant les professionnels de l’éducation ont besoin de la continuité éducative avec les actions menées en la matière au sein des familles.

Pour les familles qui font le choix de l’instruction en famille (IEF) ‒ très peu nombreuses, seulement 0,4 % des enfants étant concernés, et souvent pour un temps court ‒ le renforcement des contrôles, dès trois ans, et surtout l’injonction de rescolarisation après deux contrôles « négatifs », sont une contrainte. Mais celle-ci peut être bien vécue si les acteurs de l’IEF ont le sentiment que l’évaluation est juste, si ses critères sont bien compris et surtout si l’exigence en matière d’instruction prodiguée en famille n’est ni plus ni moins forte que pour celle dispensée à l’école et qu’elle n’est pas moins-disante sur les questions de socialisation, de respect, ou d’acquisition des valeurs de la République.

L’obligation de formation est a contrario récente, puisqu’instaurée par la loi pour une école de la confiance. Sa mise en œuvre va nécessiter une systématisation du suivi des jeunes ainsi qu’une coordination efficace et une lisibilité des dispositifs afin de pouvoir offrir rapidement des solutions au décrochage, à l’échec d’une voie choisie ou au renoncement. Ce sont ceux qui perdent le fil qui doivent être le plus vite accompagnés et remis en « confiance » par leurs professeurs.

Ces derniers sont le pilier de l’institution ; ils vivent au quotidien ‒ et cela s’est accentué en quelques décennies ‒ une profonde défiance à leur endroit. Sans cesse on veut les former, les faire travailler différemment, voire plus, leur dicter parfois leur pédagogie… Ils ressentent mal le fait de voir leur profession décriée et de ne pas se sentir toujours totalement soutenus par leurs autorités de tutelle. Cette défiance, majeure, n’est pas étrangère à la crise actuelle de recrutement. Des gestes arrivent enfin, attendus, pour une meilleure reconnaissance salariale. Ils doivent aussi s’accompagner d’une réflexion sur les conditions de travail de personnes que leur métier use sans doute davantage qu’autrefois…

Le piédestal des professeurs est fragilisé. Or c’est d’abord des enseignants que découle la réussite du système éducatif : il faut en avoir bien conscience. Aussi commençons, comme ce rapport le propose, par mieux accompagner et encourager les vocations.

La loi pour une école de la confiance a créé un dispositif de pré-professionnalisation des AED. Ainsi, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), issus de cette loi, ont remplacé les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé). Il existe désormais des entrées diversifiées dans le métier d’enseignant, au moyen des différentes options du master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (Meef), avec ou sans alternance, ou dans le cadre d’un master disciplinaire obtenu la même année que le concours.

Alors que, il y a encore quelques années, on était fonctionnaire-stagiaire, pair parmi ses pairs, dès le niveau bac +3 ou bac +4, avec un traitement, il faut désormais, depuis 2022, un bac +5 pour accéder au même statut. Il est impératif, dans un contexte de crise de recrutement, de revenir sur ce dispositif et – pourquoi pas ? ‒ d’inciter au besoin nos étudiants à rejoindre l’Éducation nationale par un système de bourses adéquates.

Pour ce qui est de l’école inclusive, la même tension persiste sur le recrutement, essentiellement liée aux conditions de recrutement (par contrat à durée déterminée) et de rémunération des AESH. Néanmoins, la situation s’améliore et doit continuer de le faire. La question du déploiement des AESH au gré des besoins, et compte tenu des évolutions qui peuvent intervenir dans l’autonomie des élèves, doit se faire au plus près du terrain et avec une attention de l’administration sur l’aspect humain.

On ne doit pas passer sous silence un débat de fond : quel équilibre entre le nombre d’élèves dans la classe et le nombre d’adultes présents ? Quel est le meilleur cadre de progression pour l’élève en situation de handicap ? Pour certains élèves, une mixité du parcours entre établissements spécialisés et établissements « ordinaires » est certainement préférable à une présence à temps plein dans des groupes à effectif trop important…

La souplesse doit primer, comme l’adaptation à chaque situation. L’outil de gestion administrative qu’est le pôle inclusif d’accompagnement localisé (Pial) doit être proche des réalités, des situations, au risque, sinon, d’être mal vécu par les personnels.

La loi pour une école de la confiance a instauré un nouveau type d’évaluation : à l’analyse des performances scolaires des élèves, désormais bien ancrée, ‒ maîtrise des compétences et des savoirs mesurée notamment par les résultats aux examens, avec en regard, la prise en compte de l’indice de position sociale (IPS) ‒ s’ajoutent désormais les évaluations des établissements scolaires conduites par le Conseil d’évaluation de l’école (CEE).

L’idée est de mesurer « l’effet établissement » : son climat scolaire, son fonctionnement, ses relations partenariales et institutionnelles, sans remettre en cause directement l’équipe pédagogique ni faire publicité de ces résultats ‒ cela a été bien rappelé lors des auditions conduites par les rapporteurs. Toutefois le caractère chronophage et lourd de l’exercice, unanimement constaté, interroge…

Il existe des instances, comme le conseil d’école ou le conseil d’établissement, au sein desquelles ces sujets sont abordés ; les journées pédagogiques sont précisément faites pour favoriser les échanges entre les équipes, la réflexion d’ensemble. Il faut être vigilant sur la tendance générale à la complexification administrative en tous sens alors que, précisément, les conditions de travail dégradées nécessitent un plein déploiement de première ligne des personnels. Il faudra donc mesurer pleinement la valeur ajoutée de ce type d’évaluation et les progressions auxquelles elle peut aboutir au vu du temps consacré à l’exercice.

S’agissant des expérimentations, enfin, en observant, lors de nos travaux, celle mise en place à Marseille dans le cadre du dispositif « école du futur » ‒ dispositif qui ne relève pas, au demeurant, des dispositions de la loi pour une école de la confiance, lesquelles concernent les expérimentations pédagogiques ‒ on voit que celle-ci permet, grâce aux déploiements de moyens corrélés, une amélioration non négligeable des situations.

Mais est-ce l’innovation en elle-même qui permet ces progrès ? Faut-il affecter des moyens en fonction du degré des innovations ou expérimentations entreprises sur le terrain ? La rapporteure ne le croit pas, et tient à rappeler que ce sont d’abord les situations socio-économiques complexes qui font obstacle à l’acquisition des connaissances et compétences.

Ce sont ces situations qui doivent s’accompagner de dispositifs éducatifs pas nécessairement innovants, mais au moins reconnus comme positifs, qu’ils viennent « d’en haut » ou « du terrain » : classes-orchestres, sections bilingues, partenariats avec des associations ou collectivités… Un encadrement humain et matériel renforcé, condition sine qua non de la réussite, des élèves comme des établissements, est par ailleurs indispensable.

C’est ce renforcement, bienvenu, qui est à l’œuvre depuis 2017 dans le dédoublement des classes opéré au sein des réseaux d’éducation prioritaire (REP) et réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP +) – même si cette mesure n’est pas directement liée au texte législatif que nous avions pour mission d’évaluer.

Pour conclure, cette loi, qui n’a que quatre ans d’existence, ne peut bien sûr suffire à elle seule à rétablir un climat de confiance à l’école. Ce climat s’améliorera d’abord par une prise de conscience essentielle de l’importance du sujet, du soutien impératif à accorder aux acteurs de première ligne qui délivrent l’instruction et contribuent à l’éducation des jeunes qui leur sont confiés. Le présent rapport comporte des préconisations pour améliorer les dispositifs mis en œuvre, et par là, favoriser la réussite d’un système éducatif qui est le premier pilier de notre démocratie.

II.   La position du rapporteur jérôme Legavre

À la rentrée 2022, selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, plus de 4 000 postes d’enseignants n’ont pas été pourvus à l’issue des différents concours de recrutement. Au même moment, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, qui avait reconnu qu’en Seine-Saint-Denis, par exemple, la rentrée se ferait avec « les moyens du bord », organise des « job dating » : il s’agit de recruter, dans la panique, des professeurs sélectionnés au terme d’un entretien de trente minutes, avant de les jeter dans les classes sans aucune formation…

Ces quelques faits, parmi beaucoup d’autres, fournissent un état des lieux. L’école publique va très mal : cette immense conquête démocratique et sociale censée garantir l’égalité du droit à l’instruction, de l’accès au savoir, aux diplômes, aux qualifications, est en danger.

Les racines du mal sont profondes. Elles trouvent leur origine dans les politiques menées par les gouvernements successifs contre l’enseignement des connaissances, contre le cadre national de l’école et des diplômes. Mais, avec la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants ([1]) et la réforme du lycée et du baccalauréat, le quinquennat précédent aura marqué le franchissement très net d’une étape. Après cinq années à la tête du ministère de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer aura conduit l’école à une situation chaotique. La loi pour une école de la confiance s’inscrit dans ce cadre.

Plusieurs des dispositions contenues dans la loi relèvent de ce qu’il faut bien appeler une marche à la privatisation de l’école.

L’obligation de scolarisation dès trois ans a inscrit dans la loi ce qui était déjà une réalité pour 98 % des écoliers en métropole. Comme on le verra dans les recommandations du présent rapport, il conviendra de créer les moyens publics nécessaires pour que cette obligation devienne réalité, particulièrement en Guyane et à Mayotte. Mais il y a un problème. Au cours des auditions, les syndicats, le Réseau français des villes éducatrices, l’Association des maires de France, la Ligue de l’enseignement, la Fédération nationale de la libre-pensée, ont pointé l’introduction de l’obligation de financement du privé par les collectivités territoriales. Cette mesure a représenté un effet d’aubaine pour l’enseignement privé : une organisation syndicale (SE-Unsa) estimant à 150 millions d’euros les sommes lui bénéficiant chaque année depuis 2019. En 2020, à Paris, 11,9 millions d’euros supplémentaires ont été versés afin de financer les écoles maternelles sous contrat associatif. L’adjoint à la maire de Paris chargé de l’éducation, de la petite enfance, des familles et des nouveaux apprentissages, M. Patrick Bloche, a par ailleurs alerté les rapporteurs sur les taux de scolarisation dans les écoles privées qui atteindraient plus de 50 % à Paris à la rentrée prochaine. Il conviendrait d’abroger cette disposition en faveur de l’enseignement privé.

L’article 40 de la loi a instauré le Conseil d’évaluation de l’école (CEE) et mis en place les évaluations des écoles et des établissements scolaires. Au cours des auditions, de très nombreuses critiques ont été formulées contre ce nouveau système mis en place par la loi du 26 juillet 2019. Un reproche revient constamment, relatif au caractère chronophage de ces évaluations qui suscitent une large réticence des personnels, quand ce n’est pas un net rejet… C’est que la logique même de l’évaluation des établissements pose gravement problème. Au moment où les moyens en personnels qualifiés (professeurs, infirmières et médecins scolaires, psychologues scolaires, assistantes sociales, conseillers d’orientation, etc.) manquent partout, ce dispositif revient à transformer les enseignants, les représentants de parents, etc., en co-gestionnaires d’une situation qui leur est imposée et qui est le résultat direct des politiques et des choix gouvernementaux. De plus, intrinsèquement liée à l’autonomie des établissements, cette mesure conduit tout droit à un pilotage des établissements scolaires à partir d’objectifs fixés localement, et in fine à l’attribution de moyens en fonction de la réalisation ou non de ces objectifs. Elle tourne donc le dos à la logique qui seule devrait prévaloir : la création des moyens nécessaires en fonction des besoins, sur tout le territoire national.

De même, l’article 38 favorise et encourage les expérimentations pédagogiques locales. En apparence, ce terme d’expérimentation est inoffensif. Mais la réalité est autre. Tout d’abord, il convient d’effectuer une précision. Qu’un enseignant expérimente, dans le cadre de la liberté pédagogique, partie intégrante du statut de professeur, qu’une équipe d’enseignants, sur la base du libre choix de chacun, décide de mettre en œuvre un projet qu’ils ont élaboré, défini ensemble… tout cela, bien évidemment, ne fait nullement débat. Mais il convient d’entendre par exemple cette représentante syndicale des Bouches-du-Rhône qui s’exprimait au sujet de l’expérimentation conduite à Marseille et qui expliquait que la pénurie de moyens et de personnels est telle que des équipes ont fini par accepter l’expérimentation, non par adhésion, mais dans l’espoir d’avoir les moyens nécessaires à un fonctionnement normal. De fait, il s’agit d’attribuer des moyens en fonction de tel ou tel projet local, d’en attribuer plus aux établissements qui expérimentent qu’aux autres. Cela ne peut que déboucher sur une mise en concurrence des écoles entre elles. Une mise en concurrence d’autant plus dangereuse que le système mis en place ouvre la voie à des dérogations au cadre national des horaires et des garanties statutaires des personnels.

Parfaitement cohérente avec ces expérimentations : la création des établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI), conçus pour scolariser, notamment, les enfants des personnels des institutions de l’Union Européenne. Au sein des écoles européennes, les enfants relevant des cinq autres catégories d’admission sont sélectionnés à la suite de tests de compétences linguistiques et admis en fonction des places disponibles. Autant dire que ces EPLEI aux indices de position sociale (IPS) très élevés excluent d’office les enfants des secteurs ou des quartiers populaires. C’est la mise en place d’une école à deux vitesses, d’une véritable ségrégation scolaire. Pour ne prendre qu’un exemple, le financement sur fonds publics de la future cité scolaire internationale de Marseille s’élève à 100 millions d’euros. Est-il normal que les impôts financent ces établissements mais que les élèves du secteur ne puissent pas accéder à cet enseignement d’excellence ? Autre problème d’ampleur : ces établissements autonomes relèvent d’un cadre dérogatoire et, de fait, s’émancipent du cadre national en ce qui concerne les personnels recrutés, majoritairement contractuels et précaires.

En résumé : des dispositions qui reviennent à atomiser l’école, à la morceler sous la forme d’une addition de projets locaux concurrents entre eux, concurrents avec l’enseignement privé qui se trouve bénéficier avec cette loi de cadeaux somptueux. Il n’est pas surprenant que la loi pour une école de la confiance soit l’exacte contemporaine de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([2]) qui a mis en concurrence les lycées professionnels et centres de formation des apprentis (CFA) publics avec les CFA privés dont le nombre a littéralement explosé au cours des dernières années. Ces mesures mettent en danger le caractère national, républicain, public, laïc de l’école. La seule solution consiste en leur abrogation.

Concernant les personnels de l’Éducation nationale, les mesures de la loi du 26 juillet 2019 ont eu des effets dévastateurs. Ajoutées notamment à la rémunération notoirement insuffisante des personnels, qui attendent toujours une réelle augmentation de leurs salaires, les réformes en matière de formation et de recrutement des professeurs ont une responsabilité immense dans la crise de recrutement que traverse aujourd’hui l’école publique. Les décisions prises par le ministre Jean-Michel Blanquer ont conduit au désastre.

Les étudiants, les stagiaires, les alternants, les organisations syndicales ont été unanimes dans la description du tableau alarmant de leurs conditions d’études en master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef), de leurs stages en institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) et d’alternance. Ils ont mentionné l’état psychologique de nombre d’entre eux, littéralement « lessivés » par la charge de travail. Ils doivent en effet mener de front des préparations de cours, la gestion de la classe, les formations à l’Inspé, le travail de recherche nécessaire à la rédaction d’un mémoire et la préparation au concours. Ils ont témoigné de la précarité à laquelle ils doivent faire face. Les étudiants optant pour l’alternance sont parfois utilisés comme variables de remplacement. Comment accepter la situation décrite au cours de ces auditions : une proportion très importante d’étudiants sous antidépresseurs, contraints de se mettre en arrêt, préférant pour nombre d’entre eux démissionner, renoncer au concours, voire devenir contractuels le temps de trouver « autre chose » ?

La loi du 26 juillet 2019 a donc eu pour conséquence de constituer un vivier de contractuels en lieu et place des personnels titulaires. Cet effet était prévisible. Il n’est pas surprenant que la loi pour une école de la confiance soit contemporaine de la loi de transformation de la fonction publique ([3]) qui ouvre la voie à la contractualisation et aux transferts de fonctionnaires vers le privé.

Les associations de défense des disciplines et la Société des agrégés, entendues par les rapporteurs, ont toutes pointé les menaces que la loi fait peser sur l’existence même des concours.

Il convient de réaffirmer que les concours nationaux adossés aux disciplines doivent rester la voie de recrutement des professeurs du premier et du second degrés.

Il importe en outre de revenir sur l’obligation de passer le concours à la fin du master 2 et sur le fait de conditionner la titularisation à l’obtention de ce master 2.

De ce point de vue, le passage du concours à la fin du master 1 serait un premier progrès par rapport à la situation actuelle. Les professeurs stagiaires suivraient une formation niveau master 2 rémunérée après leur recrutement par concours.

Un modèle de recrutement des professeurs qui a largement fait ses preuves a existé par le passé. C’est celui des écoles normales, des instituts de préparation aux enseignements de second degré (Ipes), des écoles normales nationales d’apprentissage (Enna). Y revenir serait un progrès considérable.

C’est pourquoi le rapporteur est favorable à un pré-recrutement permettant à des titulaires du baccalauréat ou d’une licence de suivre une formation avec le statut de fonctionnaire stagiaire et d’être rémunérés en conséquence.

Concernant les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), la loi était censée améliorer leur situation. Or aujourd’hui tout un chacun constate le manque alarmant d’AESH avec des conséquences désastreuses pour les enfants en situation de handicap et leurs familles. La cause en est connue : des salaires de misère, des conditions de travail déplorables, la précarité de l’emploi que la CDIsation récemment annoncée ne règlera nullement.

Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) n’ont fait qu’aggraver la situation et les personnels concernés en demandent l’abandon.

Pour mettre un terme à la situation intolérable que nous connaissons aujourd’hui, le rapporteur recommande la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH, ainsi que la titularisation de ceux en poste dans les établissements du premier et du second degrés.

Au moment où le rapport d’information de la présente mission d’évaluation est restitué, le chef de l’État et le Gouvernement confirment leur intention de mener à terme la réforme de l’enseignement professionnel. L’objectif est clair : les bassins d’emploi et leurs besoins dirigeront désormais les académies et l’enseignement qui devra s’adapter aux exigences du patronat.

Concomitamment, un accord entre l’État et l’enseignement catholique a été signé le 17 mai 2023. Le contenu de cet accord est simple : école publique et école privée constituent pour le Gouvernement un seul et même réseau, un seul et même ensemble. Les besoins scolaires seraient étudiés indistinctement dans le public ou dans le privé. Une volonté politique de privatisation de l’école est en marche. La loi du 26 juillet 2019 en a posé les jalons. Cette pente est destructrice pour l’école publique. Il est urgent d’y mettre un terme et de revenir sur les dispositions de la loi Blanquer dite « pour une école de la confiance ».


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   première partie : L’instruction et la formation

I.   L’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction de six à trois ans

L’article 11 de la loi du 26 juillet 2019 a modifié la rédaction du premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’éducation, qui prévoit depuis lors que « l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans ». Cette disposition du code de l’éducation est issue de l’article 4 de la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire – ou « loi Ferry » –, qui avait instauré l’obligation d’instruction de six à treize ans. Celle-ci avait déjà été étendue jusqu’à l’âge de quatorze ans par la loi du 9 août 1936 sur l’enseignement primaire obligatoire – dite « loi Jean Zay » –, puis à l’âge de seize ans par l’ordonnance du 9 mai 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire – parfois désignée comme la « réforme Berthouin » ou « de Gaulle ». Les différentes extensions de l’obligation scolaire ont accompagné l’allongement de la durée moyenne de formation, qui s’est poursuivie au cours de la seconde moitié du XXe siècle par l’élargissement de l’accès aux études supérieures. En revanche, aucun abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction n’a été opéré par le législateur entre 1882 et 2019.

A.   Les objectifs de la mesure

L’avancement du début de l’obligation d’instruction de six à trois ans était prévu par l’article 2 du projet de loi dans sa rédaction d’origine. Sa position parmi les premières dispositions du texte reflétait sa place dans l’économie générale de ce dernier, dont l’exposé des motifs liait l’acquisition précoce des savoirs fondamentaux à la « concrétisation de l’ambition républicaine » de garantir « l’égalité entre tous les enfants de France, sans distinction aucune » ([4]).

1.   Favoriser la maîtrise précoce du langage par les élèves de tous les milieux sociaux

Plus précisément, le même exposé des motifs mettait l’accent, d’une part, sur la consécration de « l’importance pédagogique de l’école maternelle dans le système éducatif français » et, d’autre part, sur « le rôle décisif de l’enseignement préélémentaire dans la réduction des inégalités dès le plus jeune âge, et notamment la première d’entre elles, celle de l’inégalité face au langage ». Ce dernier point était également relevé dans l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, qui soulignait que « l’acquisition de la langue orale et écrite notamment pour les enfants issus des milieux les moins favorisés […] contribue à garantir les principes d’égal accès à l’instruction et de droit à l’instruction » ([5]). L’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi mentionnait les fondements scientifiques du lien établi, dans ses documents préparatoires, entre la fréquentation de l’enseignement pré-élémentaire ([6]) et les performances ultérieures des élèves ([7]).

L’importance de la maîtrise précoce du langage pour les apprentissages ultérieurs et la réduction des inégalités fondées sur l’origine sociale des élèves a été soulignée à de multiples reprises lors de l’examen du texte ([8]). Cet enjeu trouve un écho dans d’autres dispositions de ce dernier, à l’instar de l’article 13, issu d’un amendement adopté lors de l’examen en commission au Sénat. Celui-ci a instauré une visite médicale obligatoire pour tous les enfants au cours de leur troisième ou de leur quatrième année, afin d’identifier les « troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral » (article L. 541-1 du code de l’éducation).

Plus généralement, la corrélation entre la scolarisation à l’âge de trois ans et les performances ultérieures des élèves est établie. Ainsi, la part d’élèves qui entrent en classe de seconde générale et technologique sans avoir redoublé est plus élevée parmi ceux ayant débuté leur scolarité à trois ans – pour qui cette proportion atteint 90,2 % – que pour les enfants entrés à l’école maternelle à l’âge de quatre ou de cinq ans – parmi lesquels ce taux est de 82,1 %. L’impact de la scolarisation à trois ans est au demeurant plus élevé, pour cette variable, parmi les enfants d’ouvriers – 7,4 points d’écart selon l’âge de début de l’instruction – que pour les enfants de cadres ou d’enseignants – la différence n’étant, pour cette catégorie, que de 3,1 points ([9])

2.   Conforter le rôle pédagogique de l’école maternelle, dans le cadre d’une politique éducative centrée sur les premiers apprentissages

La portée de la mesure ne devait pas se limiter à l’amélioration de la maîtrise du langage par les élèves de toutes origines sociales. En effet, en soulignant « l’importance pédagogique de l’école maternelle », elle constituait aussi le fondement d’une réorganisation du système éducatif à partir des premiers apprentissages, déplacés à un stade plus précoce de la formation. En ce sens, l’avancement de l’obligation d’instruction participait d’une conception générale de l’enseignement fondée sur l’apport décisif des premières étapes de la scolarité, dont témoignait également la qualification de « priorité des priorités » conférée au premier degré par le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, M. Jean-Michel Blanquer ([10]). De ce point de vue, cette mesure peut être rapprochée d’initiatives telles que le dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) et de première année du cours élémentaire (CE1) progressivement mis en œuvre, à partir de la rentrée 2017, dans l’éducation prioritaire, et dont l’extension aux classes de grande section de maternelle a débuté en 2020. Ce rapprochement était d’ailleurs effectué dans l’étude d’impact ([11]).

B.   Des effets limités, voire nuls, sur le taux de scolarisation des enfants de moins de six ans

L’abaissement à trois ans de l’âge de début de l’instruction obligatoire est entré en vigueur dès la rentrée du 2 septembre 2019, soit quelques semaines après la promulgation de la loi.

Les effets de la mesure sur le taux d’instruction des enfants de moins de six ans peuvent être évalués selon une distinction territoriale, elle-même opérée dans l’étude d’impact du projet de loi et les rapports législatifs auxquels il a donné lieu, entre, d’une part, l’ensemble de la population scolaire française et, d’autre part, les cas particuliers de la Guyane et de Mayotte. En effet, ces deux départements ultramarins se caractérisent de longue date par des taux de scolarisation des enfants nettement inférieurs à la moyenne nationale pour cette tranche d’âge. Ainsi, l’avancement du début de l’obligation d’instruction aurait dû produire ses effets les plus importants dans ces territoires.

1.   À l’échelle nationale, une absence d’effets sur le taux de scolarisation des jeunes enfants

En dépit de l’importance accordée à cette mesure, il apparaissait clairement, dès la présentation du projet de loi, qu’elle ne pourrait produire qu’un effet limité sur le taux de scolarisation des enfants de moins de six ans. Cette disposition ne concernait que des cas particuliers, identifiés dans les documents préparatoires du texte, correspondant à des territoires circonscrits – la Guyane et Mayotte – et aux franges de la population dans lesquelles la scolarisation précoce des enfants est inférieure à la moyenne. Ainsi, l’étude d’impact mentionnait les « niveaux de scolarisation différents selon les territoires et les milieux sociaux » que recouvre le taux d’instruction constaté à l’échelle nationale ([12]). À cet égard, on peut relever que si l’étude d’impact rendait compte avec précision des plus faibles niveaux de scolarisation des jeunes enfants à Mayotte et en Guyane, elle ne comportait pas d’éléments chiffrés faisant état de différences, sur ce point, entre les milieux sociaux.

a.   Avant 2019, la très grande majorité des enfants âgés de trois à cinq ans étaient déjà scolarisés

Si l’article 11 de la loi du 26 juillet 2019 a conféré un caractère obligatoire à l’instruction des enfants dès l’âge de trois ans, la scolarisation de ces derniers constituait déjà le cas général, et ne connaissait que des exceptions limitées. Ainsi, au terme des six premières années d’application de la mesure, l’impact de l’avancement de l’obligation d’instruction sur la part de jeunes enfants scolarisés apparaît – au moins à l’échelle nationale – limité, voire nul. De fait, en 2018, la très grande majorité – 96,6 % – des enfants de trois ans et la quasi-totalité – 99,3 % – des enfants de quatre ans avaient commencé leur instruction. Tous les enfants de cinq ans étaient scolarisés ([13]). Pour l’ensemble de la tranche d’âge de trois à cinq ans, ce taux atteignait 98,9 % avant l’entrée en vigueur de la loi ([14]).

Évolution du taux de scolarisation des enfants selon leur âge, en pourcentage, entre 2000 et 2020

 

2000

2005

2010

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2 ans

34,3

24,5

13,5

11,6

11,4

11,8

11,7

11,4

10,8

9,4

3 ans

100,0

99,3

97,4

96,7

96,6

96,4

96,6

96,6

97,3

96,6

4 ans

100,0

100,0

99,3

98,9

100,0

99,4

99,2

99,3

99,8

99,4

5 ans

100,0

100,0

100,0

99,8

99,5

100,0

100,0

99,9

100,0

100,0

6 ans

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Insee, novembre 2022.

À la rentrée 2019, correspondant à l’entrée en vigueur de la loi, le taux de scolarisation des enfants de trois ans a légèrement augmenté, atteignant 97,3 %. Il est cependant revenu en 2020 à son niveau de 2018, soit 96,6 %. Au total, 742 794 enfants de trois ans étaient inscrits dans une école maternelle à la rentrée 2020, tandis qu’environ 26 000 n’étaient pas scolarisés ([15]). Ainsi, en 2020, le nombre d’enfants de trois ans non scolarisés était identique au nombre d’enfants supplémentaires qui auraient dû l’être à la rentrée 2019 en raison de l’avancement de l’âge de début de l’obligation d’instruction ([16]). Pour les enfants de quatre ans, le taux de scolarisation a connu une évolution comparable : l’augmentation de 0,5 point observée en 2019 a été presque entièrement compensée par la baisse de 0,4 point constatée en 2020. La scolarisation des enfants de cinq ans, acquise de longue date, n’a pas été affectée par la loi.

Selon les termes employés par M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, au cours de son audition par les rapporteurs, l’allongement de l’obligation d’instruction pour les premières années de la scolarité n’a rencontré qu’un « faible écho » ([17]). Ce constat tient d’abord au niveau très élevé qu’atteignait déjà, avant l’entrée en vigueur de la loi, le taux d’instruction des enfants âgés de trois à cinq ans. Ainsi, en tout état de cause, la marge de progression était-elle nécessairement limitée.

b.   La poursuite du recul de la scolarisation avant l’âge de trois ans

Plus généralement, la scolarisation précoce a connu une trajectoire de repli au cours des deux dernières décennies, particulièrement marquée pour les enfants de moins de trois ans.

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation, dans la rédaction issue de l’article 8 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République : « dans les classes enfantines ou les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l’âge de deux ans révolus dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l’éducation nationale. Cet accueil donne lieu à un dialogue avec les familles. Il est organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer. »

Si la part des enfants de trois ans recevant l’instruction est passée de 100 % en 2000 à environ 97 % depuis 2010, la baisse est beaucoup plus importante pour les enfants de deux ans, mettant fin à une phase d’augmentation entamée lors des années 1960 ([18]). En effet, tandis que plus du tiers d’entre eux étaient scolarisés en 2000, cette proportion a fortement diminué au cours de la décennie suivante, avant de se stabiliser autour de 11 % durant les années 2010, puis de passer au-dessous de 10 % en 2020. Ainsi, l’abaissement de l’âge de début de l’instruction obligatoire est intervenu au terme d’une phase de régression de la scolarisation précoce des enfants, qu’il n’a pas enrayée.

Plusieurs explications peuvent rendre compte de la diminution du taux de scolarisation avant trois ans. Interrogé par les membres de la mission d’information sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat créée en 2021 par la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque soulignait que le développement des modalités de prise en charge des enfants en bas âge – notamment dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), tels que les crèches – a offert aux parents de nouvelles alternatives à l’accueil précoce de leurs enfants dans l’enseignement pré-élémentaire ([19]). Ainsi, dans un contexte de baisse de la natalité ([20]), et malgré une diminution du nombre de places disponibles à l’échelle nationale, la capacité d’accueil des enfants de moins de trois ans a atteint 59,8 places pour 100 enfants en 2019, contre 59,3 en 2018, 58,9 en 2017 et 57,7 en 2016 ([21]). Ce constat général doit cependant être nuancé, compte tenu des différences territoriales qui perdurent en la matière. De façon plus conjoncturelle, la crise sanitaire suscitée par la pandémie de covid-19 a également conduit certains parents à retarder l’entrée de leurs enfants à l’école, de même qu’elle a entraîné une augmentation temporaire du recours à l’instruction en famille ([22]).

De surcroît, il convient de rappeler que si l’accueil des enfants à l’école est obligatoire à partir de trois ans – il en était de même avant l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction –, la scolarisation des enfants de deux ans n’est possible – aux termes de l’article D. 113-1 du code de l’éducation – que « dans la limite des places disponibles ». Ainsi, des facteurs tels que le nombre d’écoles et de classes ou le taux d’encadrement des élèves par les enseignants dans un territoire donné déterminent la capacité de l’enseignement scolaire à mettre en œuvre l’accueil anticipé d’enfants qui ne sont pas encore soumis à l’obligation d’instruction. Dans une décision du 1er juillet 2022, le Conseil d’État a rappelé qu’il n’existe pas de droit pour les enfants de moins de trois ans d’être accueillis dans un établissement scolaire. Toutefois, le refus du maire d’affecter les enfants âgés de deux ans révolus dans une école de la commune doit être fondé sur la « situation particulière » de celle-ci, au regard notamment de l’absence de personnels, de projet pédagogique ou de locaux adaptés à la prise en charge de ces enfants ([23]).

Aussi d’importantes disparités territoriales persistent-elles en matière de scolarisation des enfants de deux ans. À titre d’exemple, les départements bretons présentent tous des taux de scolarisation supérieurs à 20 % pour cet âge. Cette proportion est même supérieure à 30 % dans le Morbihan. De manière analogue, le Nord et le Massif central ne se distinguent pas des taux supérieurs à la moyenne nationale, qui était de 9,4 % en 2020. À l’inverse, à l’exception du Val-d’Oise, l’Île-de-France présente des taux de scolarisation inférieurs à 5 % pour cette tranche d’âge. En outre-mer, la Martinique et la Guadeloupe connaissaient des taux respectifs de 26,2 et 32,8 % en 2020 ([24]). À l’inverse, la Guyane (1,8 %) et Mayotte (2,2 %) se distinguent par des taux de scolarisation à deux ans inférieurs à la moyenne, ce constat pouvant être étendu aux enfants de trois ans.

Taux de scolarisation des enfants de deux ans par département, en 2020

(en %)

Source : Onape, L’accueil du jeune enfant en 2020, 2021, p. 83. Données issues de DEPP-MEN, « Enquête dans les écoles publiques et privées de l'enseignement préélémentaire et élémentaire » in Repères et références statistiques, 2021.

Les facteurs explicatifs varient entre les territoires. D’une manière générale, la scolarisation à l’âge de deux ans est plus fréquente dans les écoles appartenant à un dispositif d’éducation prioritaire : à la rentrée 2020, la proportion d’enfants de cet âge scolarisés s’élevait ainsi à 15,5 % en réseau d’éducation prioritaire (REP) et 18,3 % en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP +) ([25]). Par ailleurs, le recul de la scolarisation à deux ans s’est avéré plus rapide dans les écoles publiques que dans l’enseignement privé. Ainsi, entre 2001 et 2012, alors que le secteur public a perdu les deux tiers de ses effectifs d’élèves de deux ans, cette baisse n’était que de moitié dans l’enseignement privé ([26]).

2.   En Guyane et à Mayotte, la mise en œuvre de l’obligation d’instruction connaît une lente progression

Parmi les enfants soumis à l’obligation d’instruction, plusieurs facteurs peuvent limiter le taux de scolarisation :

– la mise en œuvre de l’instruction dans la famille ;

– l’absence d’inscription sur les listes scolaires ;

– l’absence d’affectation dans une école.

En Guyane et à Mayotte, la relative faiblesse du taux de scolarisation des jeunes enfants résulte de la combinaison des deux derniers phénomènes, pour des raisons qui diffèrent en partie entre ces territoires.

a.   À Mayotte, la croissance du taux de scolarisation reste limitée par la saturation des écoles

Avant l’entrée en vigueur de la loi, la part d’enfants de trois à cinq ans non scolarisés atteignait, à Mayotte, le niveau le plus élevé de tous les départements français. En 2016, cette proportion était estimée à 21 % par les services du ministère de l’Éducation nationale, contre une moyenne d’environ 1 % sur l’ensemble du territoire ([27]). Au-delà de cette tranche d’âge particulière, qui n’était jusqu’alors pas soumise à l’obligation d’instruction, les phénomènes de non-scolarisation – qui désigne l’absence d’entrée dans le système scolaire – et de déscolarisation – qui recouvre les sorties précoces du système éducatif –, quoique minoritaires, y étaient plus fréquents qu’à l’échelle nationale.

Taux de non-scolarisation en fonction de l’âge, à Mayotte, en 2015-2016

Source : Tanguy Mathon-Cécillon et Gilles Séraphin, Non-scolarisation et déscolarisation à Mayotte : dénombrer et comprendre, étude de l’Université Paris-Nanterre et du Centre de recherche Éducation et Formation, février 2023, p. 37. Données issues d’une enquête de l’Institut national d’études démographiques et de l’Insee, réalisée en 2015-2016.

La prévalence du phénomène de non-scolarisation des jeunes enfants à Mayotte s’inscrit dans l’histoire longue du système éducatif mahorais.

i.   Une obligation d’instruction tardivement mise en œuvre

À partir de la seconde moitié du XXe siècle – notamment depuis le référendum du 22 décembre 1974, prévu par la loi n° 74-965 du 23 novembre 1974, ayant abouti au maintien de Mayotte dans la République –, le régime juridique de l’instruction et les moyens de l’éducation nationale y ont entamé un rapprochement progressif avec le reste du territoire. Ainsi, l’ouverture du premier collège de l’archipel mahorais ([28]) n’est intervenue qu’en 1963, et la poursuite de la scolarité au-delà de la classe de troisième n’y est possible que depuis 1980. Près d’un siècle a séparé l’ouverture d’une école élémentaire à Dzaoudzi, en 1864, de l’apparition du premier établissement secondaire mahorais. Les premières écoles maternelles publiques ont ouvert en 1993. Aussi le développement tardif de la capacité de scolarisation des enfants de moins de six ans explique-t-il une grande partie des difficultés que rencontre le système éducatif mahorais dans la prise en charge de cette catégorie – le décalage entre la croissance démographique de l’île et les progrès de son système d’enseignement n’étant pas encore comblé ([29]). En 2020, Mayotte comptait 188 écoles, 22 collèges et 11 lycées ([30]).

Le développement progressif de l’enseignement scolaire à Mayotte a précédé l’harmonisation du droit applicable en matière d’instruction. Entre 1976 et 2001, le statut provisoire de Mayotte – construction sui generis à laquelle le législateur ([31]) avait attribué certaines des compétences d’un département d’outre-mer (DOM), tout en y appliquant le régime de spécialité législative réservé par l’article 74 de la Constitution aux seuls territoires d’outre-mer (TOM) – permettait de larges dérogations au droit commun.

À cet égard, l’histoire de l’éducation à Mayotte est marquée par l’instauration tardive de l’obligation d’instruction, qui n’est intervenue qu’en 1988 ([32]). Depuis lors, la transformation de la collectivité de Mayotte en département régi par les dispositions de l’article 73 de la Constitution ([33]) a accéléré la convergence avec le droit commun ([34]). En matière d’instruction, celle-ci a été accomplie par étapes. Ainsi, l’ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l’adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives prévoyait que l’obligation, pour les écoles maternelles, de scolariser les enfants de plus de trois ans, prévue par l’article L. 113-1 du code de l’éducation et déjà mise en œuvre dans l’ensemble du territoire national, s’appliquerait à compter de la rentrée scolaire 2009 pour les enfants âgés de quatre ans et à compter de la rentrée scolaire 2010 pour les enfants âgés de trois ans.

ii.   Les progrès de la scolarisation, qui demeure incomplète dans un contexte de forte augmentation de la population d’âge scolaire

Malgré la persistance de taux de scolarisation inférieurs à la moyenne, la mise en œuvre de l’instruction s’est améliorée dans des proportions très importantes au cours des trois dernières décennies, alors même que le nombre d’enfants à scolariser augmentait rapidement. Ainsi, le nombre d’enfants scolarisés à Mayotte a été multiplié par dix entre 1980 – date à laquelle l’archipel comptait 10 000 élèves – et 2020 – 102 000 enfants ayant fait leur rentrée cette année-là. D’ici 2027, 15 000 élèves supplémentaires sont attendus ([35]). Les effectifs scolaires représentent 35 à 40 % de la population ([36]), contre une moyenne nationale de 18 %. La moitié des Mahorais sont âgés de moins de dix-huit ans, soit une proportion plus de deux fois supérieure à la moyenne (22 %) ([37]).

Parmi les enfants soumis à l’obligation d’instruction telle qu’elle était mise en œuvre avant 2019, le taux de scolarisation des enfants âgés de six à dix ans est passé de 90,4 % à 96,7 % entre 1997 et 2002, niveau auquel il s’est maintenu depuis. Pour les enfants de onze à seize ans, ce taux est passé de 87 % en 1997 à 95 % en 2016 ([38]). La catégorie des enfants âgés de trois à cinq ans est celle dont le taux de scolarisation a le plus augmenté depuis les années 1990, après l’ouverture des premières écoles maternelles publiques. Cette proportion est ainsi passée de 41,1 % en 1997 à 63,5 % en 2002, avant d’atteindre 77,9 % en 2019 ([39]).

Les dispositions de l’article 11 de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance sont entrées en vigueur à Mayotte dès la rentrée 2019, comme dans le reste du pays. À cette date, le taux de scolarisation des enfants de trois ans s’élevait à 72 %, contre une moyenne nationale de plus de 97 % ([40]). Il s’est maintenu à un niveau proche au cours des années suivantes, atteignant 73 % en septembre 2021. Dans le même temps, le nombre d’enfants âgés de trois à cinq ans dans la population mahoraise est passé de 16 000 à 19 375, soit une hausse de plus de 20 %. La croissance annuelle des effectifs scolaires a atteint 6,9 % en 2019 ([41]), soit une augmentation plus rapide que celle de la population de Mayotte, dont la hausse était en moyenne de 4 % par an au cours de la dernière décennie ([42]).

Taux de scolarisation par niveau d’études, à Mayotte

(en %)

 

2018

Depuis 2019

Petite section (enfants âgés de 2 à 3 ans)

49 %

59 %

Moyenne section (4 à 5 ans)

76 %

87 %

Grande section (5 à 6 ans)

78 %

93,5 %

Source : rectorat de l’académie de Mayotte.

Pour l’ensemble de la tranche d’âge concernée par l’obligation d’instruction – de trois ans à quinze ans révolus –, le nombre d’enfants non scolarisés se situe, selon la méthode de calcul utilisée ([43]), entre 5 500 et 9 500, ce qui représente 5 à 8,8 % du total. La majorité d’entre eux sont âgés de trois à cinq ans. Ainsi, entre 4 800 et 5 500 enfants en âge d’être inscrits en classe de petite ou de moyenne section ne seraient pas scolarisés. Ce nombre est en tout état de cause supérieur à celui mentionné dans l’étude d’impact du projet de loi, qui faisait état de 3 906 enfants supplémentaires à scolariser ([44]).

Ainsi, malgré l’augmentation du taux de scolarisation constatée depuis plusieurs décennies, celui-ci reste inférieur à la moyenne nationale. De plus, cette situation s’accompagne de conditions d’études et de performances scolaires dégradées par rapport au reste du pays ([45]).

iii.   Les obstacles à la scolarisation

Le principal facteur limitant la scolarisation tient au nombre insuffisant d’écoles au regard de la population de l’île. Ainsi, en 2018, avant l’entrée en vigueur de la loi, le nombre de salles de classe manquantes pour accueillir l’ensemble des enfants soumis à l’obligation d’instruction était estimé à 800. Après l’avancement de celle-ci à l’âge de trois ans, une nouvelle estimation fait état d’un besoin de 1 200 salles de classe supplémentaires ([46]). Dans un rapport de 2020, la Cour des comptes mentionnait 857 classes à construire et 1 000 classes à rénover d’ici 2027 ([47]). Dans l’enseignement secondaire notamment, l’état dégradé de la restauration et des transports scolaires a un impact négatif sur les conditions de vie des élèves. En 2020, seuls 8 200 des 48 000 collégiens et lycéens pouvaient bénéficier de repas chauds dans leur établissement ([48]).

La répartition des besoins de locaux scolaires n’est pas uniforme. Ainsi, lors de son audition, M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte jusqu’en décembre dernier, a fait état d’un manque de salles de classe particulièrement prononcé dans la zone urbaine de Mamoudzou – où entre 60 et 80 % des écoles fonctionnent avec des horaires décalés – et, à plus forte raison, dans l’est de l’île de Grande-Terre, où les écoles aux locaux « insalubres » et les classes appliquant un système de rotation sont les plus nombreuses.

Dans les écoles existantes, la capacité d’accueil est accrue par l’instauration d’horaires décalés pour une même classe. Ainsi, les heures de cours de chaque groupe d’élèves sont concentrées sur une demi-journée, au lieu d’une journée complète. D’après le rectorat, 41 % des classes sont concernées par un tel système de rotation, dont la mise en œuvre a débuté en 2008 ([49]).

De plus, le nombre d’élèves par classe à l’école maternelle est nettement supérieur à la moyenne nationale. Ce nombre, stable depuis 2020, oscille autour de 29,5 à Mayotte, alors qu’il diminue depuis plusieurs années à l’échelle nationale ; il était de 22 lors de la dernière rentrée ([50]).

Nombre d’élèves par classe en fonction du niveau d’études

 

2020

2021

2022

École maternelle

29,5

29,4

29,4

CP et CE1

13,2

13,2

13,2

CE2, CM1 et CM2

25,9

26,2

26,3

Source : rectorat de l’académie de Mayotte.

Le rectorat s’est donné pour objectif de ne pas dépasser le nombre de trente élèves par classe. Sous l’effet du dédoublement des classes de CP et de CE1 mis en œuvre dans les écoles qui relèvent d’un dispositif d’éducation prioritaire, ce nombre chute à l’entrée dans l’enseignement élémentaire ([51]). Il augmente à nouveau dès la classe de CE2. Durant leur audition, les représentants du rectorat ont indiqué que l’effort de réduction du nombre d’élèves par classe concernerait en priorité celles de grande section, dont le dédoublement a débuté en 2020 au sein de l’éducation prioritaire.

Outre la saturation des écoles, des obstacles de nature administrative ont été constatés. Ainsi, le Défenseur des droits a fait état de réticences de la part de certaines municipalités à inscrire sur les listes scolaires les enfants de nationalité étrangère, hébergés au domicile de tiers ou dans des quartiers d’habitat informel ([52]). Dans plusieurs décisions, le juge administratif a établi l’existence de pratiques discriminatoires consistant à exiger, pour la scolarisation d’enfants étrangers, des pièces justificatives non prévues par le code de l’éducation ([53]). À cet égard, il convient de rappeler – compte tenu de l’importance des mouvements de population entre Mayotte et le reste de l’archipel des Comores – que le cadre légal et conventionnel n’établit aucune différence entre les enfants quant à l’exercice du droit à l’éducation, quels que soient leur nationalité et leur statut migratoire. Ainsi, l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et l’article L. 111-1 du code de l’éducation garantissent à tout enfant la jouissance de ce droit.

iv.   Malgré des financements accrus, le rythme des constructions d’écoles reste insuffisant, ce qui accentue la saturation du système éducatif

Les efforts accomplis en matière d’ouverture d’établissements scolaires se heurtent en premier lieu à la faible disponibilité du foncier. À cet égard, il convient de rappeler que la densité de population à Mayotte atteignait 690 habitants par kilomètre carré en 2017, ce niveau n’étant dépassé qu’à Paris et dans cinq autres départements franciliens ([54]). À cette donnée démographique s’ajoutent les difficultés juridiques liées au statut incertain de certaines parcelles au regard du droit de propriété, tout particulièrement dans les zones littorales ([55]).

Des ressources financières ont été affectées à la construction de nouvelles écoles. Le plan pour l’avenir de Mayotte, élaboré en 2018 dans un contexte de crise sociale, prévoyait l’attribution de 500 millions d’euros supplémentaires en cinq ans pour le bâti et la restauration scolaires. Le contrat de convergence et de transformation (CCT) ([56]) de Mayotte y consacrait un budget annuel de 50 millions d’euros en 2021 et en 2022. Toutefois, les dispositifs de financement en vigueur ne sont que partiellement utilisés. Les moyens des collectivités territoriales en matière de maîtrise d’ouvrage et l’état des filières du bâtiment à Mayotte limitent la consommation des crédits alloués ([57]).

Parmi les solutions mises en œuvre par le rectorat figure notamment l’appui aux projets de constructions de bâtiments scolaires par les collectivités territoriales. Ainsi, à la date de l’audition des représentants du rectorat, une vingtaine de projets d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, menés conjointement avec l’Agence française de développement (AFD), étaient en cours d’élaboration. D’autres mesures, de nature plus palliative, sont également mises en œuvre. En particulier, des classes itinérantes sont installées temporairement dans le cadre de locations de salles ou d’utilisation des locaux de lycées. Certaines communes mahoraises tendent également à favoriser l’inscription des enfants sur les listes scolaires, en élargissant les horaires d’ouverture des mairies.

Recommandation n° 1 : À Mayotte, amplifier les efforts en matière de construction d’écoles et d’ouverture de classes, en particulier dans le premier degré. Poursuivre et accentuer les actions d’assistance à la maîtrise d’ouvrage que mènent les services de l’État auprès des collectivités territoriales. S’assurer que la croissance des effectifs de personnels de l’Éducation nationale soit à la mesure de l’augmentation du nombre d’élèves.

La création d’un rectorat de plein exercice à Mayotte

L’article 36 de la loi du 26 juillet 2019 prévoyait la création du rectorat de Mayotte, mise en œuvre par le décret n° 2019-1200 du 20 novembre 2019 relatif à l’organisation des services déconcentrés des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui a pris effet le 1er janvier 2020.

Auparavant, les services de l’Éducation nationale à Mayotte étaient placés sous la direction d’un vice-recteur et relevaient de l’académie de la Réunion. La transformation de l’archipel mahorais en académie autonome dotée d’un rectorat était prévue par le plan d’action pour l’avenir de Mayotte (2018), dont elle constituait la mesure n° 20. Celle-ci, qui a donné lieu à la création de vingt équivalents temps plein (ETP), visait notamment à renforcer les capacités de pilotage de l’Éducation nationale dans le département.

b.   En Guyane, la capacité d’accueil et l’implantation des établissements ne permettent pas de répondre à la croissance démographique

i.   Le taux de scolarisation progresse, alors même que la population d’âge scolaire augmente rapidement

À l’instar de Mayotte, la Guyane présente un taux de scolarisation inférieur à la moyenne, en particulier pour les enfants de moins de six ans ([58]). Celui-ci a cependant progressé au cours des quinze dernières années. Ainsi, la proportion d’enfants de trois ans inscrits dans une école est passée de 65 % en 2007 à 80 % en 2013 ([59]). Selon le rectorat de l’académie de la Guyane, ce taux serait désormais proche de 95 % ([60]).

Cette évolution est intervenue dans un contexte de croissance de la population. Entre 2014 et 2020, celle-ci a atteint en moyenne 2,3 % par an, contre 0,3 % à l’échelle nationale ([61]). Cette augmentation s’explique d’abord par le solde naturel, en présence d’un indice de fécondité qui était, en 2021, de 3,53 enfants par femme, soit près du double de la moyenne nationale (1,80) ([62]). En 2019, lors du dernier recensement, 32,4 % de la population guyanaise était âgée de moins de quatorze ans, contre une moyenne nationale de 18,5 %. En outre, les mouvements migratoires, notamment à partir du Brésil, du Surinam et des Caraïbes ([63]), contribuent à la croissance de la population d’âge scolaire en Guyane, dans des proportions qu’il est toutefois difficile d’évaluer ([64])

L’augmentation des effectifs scolaires se poursuit à un rythme soutenu : dans le premier et le second degré, ils sont passés de 76 493 à 88 665 élèves entre 2012 et 2022, soit une hausse de 16 % ([65]). Après une période de stagnation, marquée par l’absence d’augmentation des effectifs entre 2012 et 2018, le nombre d’enfants scolarisés dans le cycle 1 –  qui correspond aux deux premières années d’école maternelle – est passé de 15 397 à 18 513 entre 2018 et 2022, ce qui représente une croissance de 20 %. Durant la même période, le nombre de classes a augmenté de 25 % dans l’enseignement pré-élémentaire et de 40 % dans les écoles élémentaires ([66]).

Dans ce contexte marqué par la croissance rapide des effectifs, le nombre d’enfants non scolarisés est l’objet d’évaluations concurrentes. Ainsi, en 2023, le service de statistiques académiques (SSA) du rectorat estime à 2 300 le nombre d’enfants soumis à l’obligation d’instruction qui ne fréquentent pas un établissement scolaire. Un millier d’entre eux serait en âge d’être scolarisés dans le premier degré. En retenant cette hypothèse, le taux de non-scolarisation s’élèverait à 2,7 %. Cependant, une étude de l’Insee aboutit au nombre de 5 900 enfants non scolarisés, soit 6,9 % de la population concernée ([67]). En 2020, la Cour des comptes mentionnait une estimation de 10 000 enfants âgés de trois à seize ans non scolarisés, ce qui représenterait plus d’un dixième de cette tranche d’âge ([68]).

Ces estimations reposent sur des données distinctes qui, en tout état de cause, évoluent rapidement sous l’effet des changements démographiques ([69]). De surcroît, la non-scolarisation s’accompagne d’autres phénomènes plus difficiles à mesurer – tels que les absences répétées d’élèves tenus à distance du système d’enseignement par les contraintes de la géographie et la localisation des établissements –, de sorte que la description du système éducatif guyanais ne peut se limiter à cette seule variable. En effet, à l’instar ce que l’on observe à Mayotte, l’augmentation rapide des effectifs intervient dans un contexte de saturation d’une partie des établissements ([70]) et de moindre stabilité des équipes éducatives ([71]). En d’autres termes, l’enjeu du nombre d’élèves à scolariser, loin de se limiter à un problème d’inscription sur les listes scolaires et d’affectation dans les écoles, a une incidence sur les conditions de vie, d’études et de travail au sein des établissements. Le problème sous-jacent a trait à l’adéquation entre l’évolution de la population d’âge scolaire en Guyane et la capacité d’accueil du système éducatif dans l’académie.

ii.   La scolarisation à l’épreuve de la géographie, de la croissance démographique et de la répartition des moyens sur le territoire guyanais

Le terme d’éloignement résume, dans le discours d’une partie des acteurs ([72]), plusieurs des obstacles à la scolarisation qui caractérisent la Guyane. Dans ce département « très marqué par sa géographie » ([73]), la distance vis-à-vis de l’école s’inscrit d’abord dans l’espace. L’absence d’infrastructures de transport, qui impose le recours à la navigation fluviale, contribue à l’enclavement d’une grande partie du territoire. Dans certaines communes du littoral atlantique, les transports publics ne sont pas suffisamment développés pour répondre à l’ensemble des besoins et garantir l’accès aux établissements scolaires. Les absences répétées d’une partie des élèves peuvent être aussi interprétées comme une manifestation de l’éloignement géographique à l’égard de l’institution scolaire. En 2021, l’Unicef et le Défenseur des droits relevaient ainsi que « la durée, le coût et/ou la dangerosité des transports scolaires, qu’il s’agisse de la pirogue ou du bus, du taxi privé ou de l’autostop, sont des facteurs d’absentéisme et de décrochage » ([74]). À cet égard, l’absence de service de restauration dans une grande partie des établissements est particulièrement préjudiciable aux élèves dont le lieu de résidence est éloigné de l’école ([75]).

À la distance physique s’ajoute l’éloignement culturel et social d’une partie des familles à l’égard du système éducatif et de la « norme scolaire » ([76]). En témoigne, notamment, le recours à une scolarisation plus tardive dans une partie de la population, pour laquelle l’entrée dans le système éducatif intervient parfois en classe de CP ou de CE1 ([77]). En outre, la diversité linguistique de la Guyane – qui compte au moins une trentaine de langues et de dialectes ([78]) – tend à accroître la proportion d’élèves allophones. Sous l’effet des mouvements migratoires, entre 1 500 et 2 500 élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) sont scolarisés chaque année ([79]). Une nette majorité des élèves – de l’ordre de 70 % des effectifs – n’a pas le français pour langue maternelle ([80]). Afin d’améliorer les conditions d’accueil de ces enfants dans l’enseignement scolaire, le nombre d’intervenants en langue maternelle (ILM) a doublé à la rentrée 2017 ([81]), en application du Plan d’urgence pour la Guyane ([82]).

D’autre part, le nombre insuffisant et l’inégale répartition des établissements scolaires sur le territoire affectent aussi bien le niveau de la scolarisation que la qualité des conditions d’études. Ainsi, à la rentrée 2022, la Guyane comptait 53 collèges et lycées contre 80 dans l’académie de la Martinique, laquelle accueillait pourtant 6 000 élèves de moins dans le second degré ([83]). Dans ce contexte, de nouveaux établissements ont ouvert dans des zones soumises à une pression démographique plus faible que d’autres parties du territoire ([84]).

iii.   Des ouvertures d’établissements à amplifier

Des décisions d’aménagement ont été prises afin de remédier à la saturation des établissements scolaires. Ainsi, le Plan d’urgence pour la Guyane (2017) prévoyait une participation de l’État de 400 millions d’euros, répartis entre le premier et le second degré, à hauteur respectivement de 150 et 250 millions d’euros. Les calendriers étaient différents entre les deux niveaux : la part correspondant au second degré devait donner lieu à cinq versements annuels de cinquante millions d’euros entre 2017 et 2022, tandis que les 150 millions d’euros alloués aux communes et à leurs groupements au titre de la construction de nouvelles écoles seront versés jusqu’en 2027, par tranches annuelles de 15 millions d’euros ([85]).

Entre 2018 et 2021, le montant des dotations aux communes attribuées dans le cadre du Plan d’urgence a atteint entre 13 et 18 millions d’euros par an. Les versements à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) – qui exerce les compétences du département et de la région – s’élevaient à 285 millions d’euros au cours de la même période, soit 35 millions d’euros de plus que le montant prévu. Le dépassement de l’engagement initial de l’État s’explique notamment par l’attribution de crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance, dont 9 millions d’euros consacrés à la rénovation thermique des bâtiments scolaires.

Cependant, il convient de relever que la croissance de la population scolaire est appelée à se poursuivre au cours des années à venir. Ainsi, selon les projections réalisées par l’Insee en 2016, les effectifs de l’enseignement scolaire devraient atteindre 120 000 élèves en 2030 –  dont 65 000 dans le premier degré – soit une hausse de 35 % par rapport à 2022 ([86]). Dans ces conditions, il conviendrait qu’un nouveau programme de constructions soit élaboré, afin de succéder au plan d’urgence de 2017. Cette mesure paraît d’autant plus nécessaire que l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction est intervenu après le lancement du dernier programme de constructions d’écoles. Depuis, la croissance de la population scolaire s’est accélérée pour les enfants de moins de six ans.

En outre, la CTG, les communes et les services de l’État devraient s’assurer que ces investissements correspondent à la situation démographique propre à chaque partie du territoire guyanais. À cet égard, il y a lieu de porter une attention particulière aux régions soumises à la plus forte pression démographique. Ainsi, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a connu au cours des dernières années une croissance des effectifs scolaires plus rapide que le reste du territoire guyanais ([87]). Le taux d’occupation des établissements du second degré y atteignait 121 % en 2020. La ville de Cayenne présente une situation comparable, avec un taux de remplissage de 115 % pour la même catégorie d’établissements ([88]).

Recommandation n° 2 : En Guyane, amplifier l’effort de construction d’écoles, de collèges et de lycées, en veillant à ce que leur répartition sur le territoire soit cohérente avec l’implantation de la population.

C.   des conséquences significatives pour les acteurs chargés de l’éducation des jeunes enfants

Au-delà de ses effets quantitatifs sur la proportion d’enfants de moins de six ans inscrits à l’école maternelle, l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction a entraîné des modifications dans l’organisation de la prise en charge des jeunes enfants, y compris en dehors du système éducatif. En effet, le passage d’un régime de scolarisation facultative à l’instruction obligatoire devait restreindre le champ d’application des différentes modalités de prise en charge des enfants de moins de six ans alternatives à leur scolarisation à temps complet.

1.   Une modification des conditions d’accueil des jeunes enfants dans les écoles maternelles

En premier lieu, la loi tendait à mettre fin aux solutions intermédiaires permettant une scolarisation partielle des enfants âgés de trois à six ans, telles que la fréquentation de l’école par demi-journée en classe de petite section. L’étude d’impact du projet de loi mentionnait ainsi « l’assiduité irrégulière des élèves durant la journée » ([89]) comme un phénomène à combattre. Aussi l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction a-t-il entraîné une modification des conditions d’accueil des enfants dans les écoles maternelles, qui n’a pas été sans conséquences sur le travail des personnels de l’Éducation nationale et des agents des collectivités territoriales intervenant à leurs côtés. À cet égard, les rapporteurs soulignent les implications que peut revêtir, en particulier pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), la présence continue d’élèves de petite ou de moyenne section, dont certains n’ont notamment pas encore appris la propreté. Dans la mesure où l’obligation d’instruction confère à l’enfant le droit d’être accueilli dans un établissement scolaire, il en résulte un risque de déresponsabilisation des parents sur cette question. Or, il s’agit d’un facteur d’alourdissement de la charge de travail des personnels des écoles maternelles  en particulier des Atsem –, fréquemment aggravé par l’absence de matériel et de locaux adaptés à l’accueil d’enfants requérant une attention de cet ordre ([90]).

Recommandation n° 3 : Réduire la taille des classes de petite section pour permettre aux personnels de porter une attention particulière à chaque enfant. S’assurer que les Atsem soient suffisamment nombreux, formés, sous statut de la fonction publique territoriale, et qu’ils disposent d’un matériel adapté à la prise en charge des plus jeunes enfants.

Recommandation n° 4 : Développer des actions de communication rappelant le rôle essentiel des parents dans l’apprentissage, par leurs enfants, de la propreté, afin de faciliter la vie en collectivité au moment de l’entrée de ces derniers à l’école.

Pour tenir compte des besoins particuliers des très jeunes enfants, une dérogation partielle à l’obligation d’assiduité peut être délivrée au bénéfice des élèves de petite section. À cet égard, un amendement adopté lors de l’examen du texte en commission au Sénat prévoyait qu’un aménagement d’assiduité pourrait être mis en œuvre à la demande de la famille, au terme d’un dialogue avec l’équipe éducative. Tout en maintenant le principe de cette dérogation, le texte promulgué en conditionne la mise en œuvre à l’accord de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, « après avis du directeur de l’école arrêté dans le cadre d’un dialogue avec l’équipe éducative » ([91]). Aux termes de l’article R. 131-1-1 du code de l’éducation –  introduit par le décret n° 2019-826 du 2 août 2019 relatif aux modalités d’aménagement de l’obligation d’assiduité en petite section d’école maternelle –, cette dérogation « ne peut porter que sur les heures de classe prévues l’après-midi ». Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, les aménagements d’assiduité ont concerné entre 15 et 20 % des effectifs ([92]).

Les rapporteurs jugent cette dérogation bienvenue, dans la mesure où elle permet de mieux tenir compte de la situation particulière et des besoins de chaque enfant. Cette souplesse est d’autant plus appréciable qu’elle concerne une tranche d’âge – celle des enfants de trois à quatre ans –  au sein de laquelle le dépistage de certains troubles, pathologies et handicaps n’est, souvent, pas encore intervenu, de sorte que la prise en compte de ces situations particulières est alors plus difficile ([93]). Selon l’expression d’une représentante syndicale entendue par les rapporteurs, « l’école maternelle est le lieu où se révèle la différence » ([94]). Il en découle deux exigences pour le service public de l’éducation : d’une part, il importe que les équipes éducatives disposent de moyens suffisants pour porter une attention particulière aux besoins de chaque enfant. En particulier, il est nécessaire que les personnels puissent bénéficier de l’appui de la médecine scolaire et des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) ([95]). À cet égard, il convient de relever que le nombre de médecins scolaires est passé de 1 321 en 2016 à 944 en 2022 ([96]). Aussi paraît-il nécessaire de renforcer les moyens consacrés à la médecine scolaire pour répondre aux besoins.

Recommandation n° 5 : Renforcer les moyens alloués à la médecine scolaire et aux Rased.

Recommandation n° 6 : Renforcer les liens avec la médecine générale et spécialisée pour améliorer très concrètement la prise en charge des élèves présentant des difficultés particulières.

La procédure de délivrance des dérogations d’assiduité prévues pour les élèves de petite section pourrait être simplifiée. Aux termes de l’article R. 131-1-1 précité, toute dérogation doit faire l’objet d’une demande écrite des représentants légaux de l’enfant, adressée au directeur de l’école. Ce dernier transmet la demande, sur laquelle il émet un avis, à l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) de la circonscription dans laquelle est implantée l’école. L’aménagement entre en vigueur à titre provisoire. Il doit alors être définitivement confirmé par l’IEN.

Les rapporteurs estiment que l’avis favorable du directeur d’école, fondé sur des directives nationales claires quant aux motifs pouvant justifier la mise en œuvre d’un aménagement d’assiduité, devrait suffire à l’entrée en vigueur de ce dernier pour les élèves de petite section. D’une part, les équipes éducatives des établissements sont les mieux à même d’apprécier la situation particulière de l’enfant au regard des objectifs de la scolarisation. D’autre part, le taux d’acceptation des demandes – supérieur à 95 % ([97]) – tend à établir que cette procédure ne comporte le plus souvent ni difficultés particulières, ni véritable enjeu.

Recommandation n° 7 : Simplifier les modalités de délivrance des aménagements d’assiduité au profit des élèves de petite section.

Selon le rapporteur Jérôme Legavre, les difficultés que rencontrent certaines écoles maternelles dans l’accueil de très jeunes enfants témoignent de l’insuffisance des moyens de ces structures. Or, en l’absence de moyens suffisants alloués aux services de l’Éducation nationale et aux communes, la scolarisation des très jeunes enfants peut être préjudiciable à ces derniers comme aux personnels. Ainsi, pour améliorer les conditions d’accueil des enfants et les conditions de travail des personnels, il conviendrait de renforcer les effectifs d’enseignants, d’Atsem et de personnels de la médecine scolaire.

Recommandation n° 8 du rapporteur Jérôme Legavre : Renforcer les effectifs d’enseignants, d’Atsem et de personnels de la médecine scolaire au sein des écoles maternelles.

2.   Les jardins d’enfants : un modèle remis en cause, une dérogation provisoire appelée à expirer à la fin de l’année scolaire 2023-2024

Au-delà de ses effets sur le fonctionnement des écoles maternelles, l’obligation de faire instruire les enfants dès l’âge de trois ans devait nécessairement avoir un impact sur les structures, extérieures à l’école, consacrées à l’accueil des plus jeunes enfants. En effet, cette disposition tendait à faire de la scolarisation préélémentaire la modalité de droit commun d’accueil et de prise en charge des enfants âgés de trois à six ans. À cet égard, certaines des conséquences les plus notables de la loi ont concerné les jardins d’enfants.

a.   Des établissements spécialisés dans l’accueil des enfants âgés de deux à six ans

Ces structures relèvent du régime juridique des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans – parfois désignés comme les « établissements d’accueil de jeunes enfants », ou EAJE –, prévu aux articles L. 2324-1 et suivants du code de la santé publique. Aux termes du 3° de l’article R. 2324-17 dudit code, les jardins d’enfants constituent l’une des catégories d’EAJE, aux côtés des crèches collectives et haltes garderies (définies au 1°), des crèches parentales (2°) et des micro-crèches – lesquelles se distinguent des crèches par une capacité d’accueil limitée à dix enfants, et relèvent du 4° du même article. Les assistantes maternelles – éventuellement regroupées dans le cadre des « maisons d’assistantes maternelles » prévues par l’article L. 424-1 du code de la santé publique – participent également à la prise en charge des jeunes enfants, en particulier dans les territoires ruraux.

L’article R. 2324-17 susmentionné définit les jardins d’enfants comme des « établissements d’accueil collectif qui reçoivent exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans non scolarisés ou scolarisés à temps partiel ». Ainsi, parmi les acteurs de la prise en charge des jeunes enfants, ces structures se caractérisent par une double spécificité : d’une part, ces établissements ne prennent pas en charge les enfants de moins de deux ans, activité qui constitue la fonction principale des crèches ; d’autre part, les jardins d’enfants sont conçus soit comme un complément, soit comme une alternative à la scolarisation des enfants entre l’âge de deux ans – à partir duquel l’accueil à l’école maternelle devient possible – et l’âge de six ans –  qui marquait, jusqu’en 2019, le début de l’obligation d’instruction.

En 2020, la mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, conduite par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’IGÉSR, recensait 256 structures de ce type. Les jardins d’enfants disposaient de 8 200 places – soit 2 % de la capacité d’accueil de l’ensemble des EAJE ([98]). Si Paris (25 % des places), l’Alsace (14 %) et le Rhône (5 %) concentraient près de la moitié des effectifs en 2020, cinquante-trois départements disposaient alors d’au moins un jardin d’enfants. Le nombre de salariés ou d’agents de ces structures était de l’ordre de 1 000 à 1 100 équivalents temps plein (ETP). La plupart d’entre eux possédaient le statut d’éducateur de jeunes enfants (EJE) ([99]).

RÉpartition des places en jardins d’enfants par dÉpartement, 2020

Source : IGAS et IGÉSR, Mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, p. 12. Le tableau ne mentionne que les départements qui comportent plus de 2 % du nombre total de places en jardins d’enfants.

La notion de jardin d’enfants a d’abord été associée à l’œuvre du pédagogue allemand Friedrich Fröbel (1782-1852), qui a fondé en 1837 une première institution éducative sous cet intitulé. La désignation française de ces structures est une traduction littérale du nom allemand Kindergarten. Ainsi, lorsqu’ils décrivent leurs pratiques pédagogiques, les personnels des jardins d’enfants tendent à les rapprocher des méthodes de l’éducation nouvelle. Ce vaste ensemble de théories et de pratiques éducatives repose sur le principe fondateur selon lequel l’enfant doit être le sujet de l’action éducatrice – et non pas seulement le réceptacle passif de savoirs constitués. Ce postulat général se décline à travers l’attention portée par de nombreux éducateurs aux travaux et expériences pédagogiques – hétérogènes et contrastées – de Maria Montessori, Élise et Célestin Freinet ou Rudolf Steiner ([100]). Indépendamment de ces références théoriques, qui ne sont pas revendiquées par l’ensemble des jardins d’enfants, ces structures partagent des principes éducatifs et un mode de fonctionnement comparables. Ainsi, l’accent mis sur la socialisation des jeunes enfants, la continuité de la prise en charge des enfants par un même collectif d’adultes tout au long de la journée, un taux d’encadrement plus élevé qu’à l’école maternelle et l’importance des relations avec les familles sont autant de traits communs à la plupart des jardins d’enfants ([101]).

Bien qu’ils partagent une même appellation et relèvent tous des dispositions susmentionnées du code de la santé publique, les jardins d’enfants présentent des caractéristiques différentes. Une première distinction peut être opérée entre les structures gérées par une personne privée – c’est-à-dire, dans la quasi-totalité des cas, par une association – ou par une collectivité publique – à l’instar des 22 jardins d’enfants pédagogiques (JEP) de la Ville de Paris, qui sont exploités en régie dans le cadre d’une convention entre la Mairie et le gestionnaire de logements sociaux Paris Habitat. L’histoire des jardins d’enfants parisiens – implantés dans les arrondissements périphériques du nord, de l’est et du sud de la ville – est liée au développement de l’habitat social au cours des années 1920.

Le financement des jardins d’enfants

Les coûts de fonctionnement des jardins d’enfants – à l’instar de ce que l’on observe pour les autres catégories d’EAJE – sont pris en charge par la prestation de service unique (PSU), financée par le Fonds national d’action sociale (FNAS) de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). La PSU a été créée par la lettre circulaire de la CNAF n° 2002-025 du 31 janvier 2002.

En tant que système de tarification national, la PSU garantit l’homogénéité des coûts imposés aux familles et l’égalité de traitement entre les différentes catégories d’EAJE. Sa mise en œuvre est conditionnée à l’acceptation, par chaque structure, d’une tarification progressive fondée sur les ressources des familles, sur la base d’un barème national.

Le montant de la prestation est défini en référence à une fraction – 66 % – du prix de revient horaire du fonctionnement de l’EAJE. Les versements des CAF dans le cadre de la PSU complètent la contribution des familles jusqu’à atteindre ce montant.

Les EAJE peuvent aussi bénéficier de financements complémentaires des CAF, liés notamment à l’accueil de publics particuliers, à l’image du « bonus de mixité sociale » et du « bonus inclusion handicap » ([102]).

Une seconde distinction a trait à l’âge des enfants accueillis. Ainsi, une partie des établissements qui existaient au moment de l’entrée en vigueur de la loi se spécialisaient déjà dans l’accueil d’enfants de moins de trois ou quatre ans. En revanche, environ 70 jardins d’enfants proposaient une prise en charge se poursuivant jusqu’au début de l’obligation d’instruction telle qu’elle était alors définie.

Les établissements appartenant à cette seconde catégorie proposent une alternative à la scolarisation préélémentaire, en adoptant des objectifs pédagogiques présentés comme analogues à ceux de l’école maternelle, et préparent l’entrée des enfants en CP ([103]). Par ailleurs, il convient de relever que les jardins d’enfants de la Ville de Paris accueillent en moyenne plus d’enfants en situation de handicap que les écoles maternelles – ce qui ne semble pas être le cas dans la plupart des autres jardins d’enfants ([104]).

b.   Un modèle remis en cause par l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 131-2 du code de l’éducation, « l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés » ainsi que, à titre dérogatoire, par les parents, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 du même code. Dès lors, en abaissant à trois ans l’âge de début de l’obligation d’instruction, le législateur a réduit les possibilités de prise en charge des enfants âgés de trois à six ans dans toute structure qui, à l’instar des EAJE, ne possède pas le statut d’école ou d’établissement scolaire.

Les travaux préparatoires du projet de loi ne faisaient pas état de la volonté de remettre en cause le modèle des jardins d’enfants. Ainsi, ni l’exposé des motifs du projet de loi, ni l’extrait du communiqué du Conseil des ministres au cours duquel le ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports l’avait présenté ne prévoyaient expressément la suppression ou la transformation de ces établissements. Cependant, on peut relever que l’étude d’impact rapprochait les jardins d’enfants d’un « second modèle préscolaire » distinct du modèle de prise en charge des jeunes enfants fondé sur la transition, autour de l’âge de trois ans, de la crèche à l’école maternelle ([105]). Selon l’étude d’impact, la différence entre ces deux modèles reposerait sur la poursuite d’objectifs pédagogiques à l’école maternelle, ce qui ne serait pas toujours le cas dans les jardins d’enfants. Ainsi, sans remettre en cause l’existence des jardins d’enfants de manière expresse, les documents préparatoires du projet de loi présentaient ces derniers comme une alternative au modèle de scolarisation précoce que le texte visait à promouvoir.

Lors de l’examen du texte en première lecture, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, prenant acte de la particularité des fonctions pédagogiques assurées par les jardins d’enfants, avait adopté un amendement déposé par son Président, M. Bruno Studer, et par la rapporteure, Mme Anne-Christine Lang, tendant à permettre, à titre transitoire, la délivrance de l’instruction obligatoire par ces structures. Ainsi, l’article 18 de la loi du 26 juillet 2019 dispose que « l’instruction obligatoire peut, au cours des années scolaires 2019-2020 à 2023-2024, être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit "jardin d’enfants" qui était ouvert à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ». Durant la période de transition prévue par la loi, les services de l’Éducation nationale opèrent un contrôle de l’activité des jardins d’enfants afin de s’assurer que les pratiques pédagogiques y sont conformes aux « normes minimales de connaissance » prévues par l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, et qu’elles permettent l’exercice du droit à l’éducation de chaque enfant. Ainsi, la mission commune de l’IGAS et de l’IGÉSR mentionnée ci-dessus avait notamment pour objet de préciser la nature de ce contrôle pédagogique et son articulation avec celui des CAF et des services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements.

c.   Des solutions jugées peu satisfaisantes par les responsables et les usagers de certaines catégories de jardins d’enfants

Pour continuer d’exister après l’expiration de la période transitoire, les jardins d’enfants devront soit modifier la nature de leur activité, soit acquérir un nouveau statut avant le début de l’année scolaire 2024-2025. Ces établissements peuvent ainsi :

– conserver le statut d’EAJE et recentrer leur activité sur l’accueil d’enfants de moins de trois ans ;

– se transformer en écoles maternelles publiques ;

– devenir des écoles maternelles privées, éventuellement sous contrat d’association avec l’État ;

– instaurer un modèle mixte, fondé sur l’ouverture d’une école maternelle dans les mêmes locaux qu’un EAJE pour permettre la continuité de la prise en charge des enfants âgés de deux à six ans.

Les trois dernières solutions permettraient de préserver la dimension pédagogique de l’activité des jardins d’enfants, perçue comme un modèle complémentaire de celui de l’école maternelle, l’un et l’autre ayant pour objectif la préparation à l’école élémentaire.

Selon les associations de défense des jardins d’enfants entendues par les rapporteurs, chacune de ces solutions comporte des limites. En premier lieu, la transformation en écoles maternelles publiques ou privées sous contrat laisse craindre, en cas de baisse des effectifs dans les établissements concernés, la fermeture de classes, voire de l’école tout entière. En d’autres termes, l’intégration des jardins d’enfants au service public de l’éducation leur ferait perdre la maîtrise de leurs moyens. Ensuite, l’accession au statut d’école maternelle entraînerait le remplacement des personnels par des agents de l’Éducation et la perte de la continuité de la prise en charge de chaque enfant par un même adulte au cours de la journée.

Par ailleurs, adopter le statut d’école hors contrat priverait les jardins d’enfant de tout financement public et imposerait le remboursement aux caisses d’allocations familiales (CAF) des investissements réalisés au cours des dix années précédant le changement d’activité. Cette obligation découle des conventions conclues entre les EAJE et les CAF. En effet, la circulaire de la CNAF n° 2018-004 du 18 décembre 2018 relative au fonds de modernisation des EAJE prévoit que la « destination sociale » des équipements pris en charge par les CAF ne peut être modifiée pendant une période de dix ans à compter de la date de fin des travaux. La transition du statut d’EAJE à celui d’école hors contrat s’assimilerait à un changement de destination sociale de l’investissement.

En outre, le maintien du statut d’EAJE implique le recentrage de l’activité sur l’accueil d’enfants de moins trois ans. Dans l’esprit des responsables associatifs entendus par les rapporteurs, une telle évolution équivaudrait à un renoncement à la pédagogie originale des jardins d’enfants, élaborée à l’intention des enfants âgés de trois à six ans ([106]).

Plusieurs propositions de loi récemment déposées tendent à préserver les jardins d’enfants. Une solution consisterait à supprimer toute référence de durée dans la dérogation prévue par l’article 18 de la loi du 26 juillet 2019. Dans la mesure où cette exception ne bénéficie, en l’état du droit, qu’aux établissements qui étaient ouverts au moment de l’entrée en vigueur de la loi, une telle modification du droit applicable se bornerait à préserver les structures existantes. Ainsi, quatre propositions de loi récemment déposées tendent à pérenniser la dérogation prévue par la loi pour une école de la confiance, tout en limitant son champ d’application aux jardins d’enfants gérés, contrôlés ou majoritairement financés par une collectivité publique :

– Proposition de loi n° 919 visant à annuler les dispositions qui menacent l’existence des jardins d’enfants, déposée le 7 mars 2023 par M. Philippe Juvin (LR) et plusieurs de ses collègues ;

– Proposition de loi n° 964 visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant majoritairement de financements publics, déposée le 21 mars 2023 par Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC) et plusieurs de ses collègues ;

– Proposition de loi n° 1043 visant à pérenniser les jardins d’enfants bénéficiant de financements publics, déposée le 4 avril 2023 par Mme Eva Sas (Écolo) et plusieurs de ses collègues ;

– Proposition de loi n° 1153 visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique, déposée le 25 avril 2023 par M. Rodrigo Arenas et plusieurs de ses collègues.

À ce stade, le Gouvernement n’a pas fait état de la volonté de remettre en cause le caractère provisoire de la dérogation instaurée en 2019. Le 2 août dernier, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse avait indiqué vouloir « trouver un chemin pour préserver les jardins d’enfants » ([107]). Puis, répondant à une question écrite de M. Max Brisson, sénateur, le ministre faisait notamment valoir que « le programme d'enseignement de l’école maternelle prévoit intrinsèquement la prise en compte des besoins de l’enfant, le développement du plaisir d’apprendre, de la confiance en soi » – soulignant ainsi que les objectifs spécifiques des jardins d’enfants peuvent être atteints dans le cadre de l’enseignement préélémentaire délivré dans les écoles maternelles. Plus récemment, le ministre s’est prononcé en faveur de la prolongation, pour une année supplémentaire de la période transitoire qui, en l’état du droit, est appelée à expirer à la fin de l’année-scolaire 2023-2024 ([108]).

Cependant, certains responsables associatifs font valoir que la difficulté tient davantage à la finalité de la transition qu’à sa temporalité : les modifications imposées par la loi entraîneront un changement d’une ampleur telle que l’identité particulière des jardins d’enfants serait abolie, rendant illusoire toute continuité avec leur forme actuelle. Selon l’expression d’un représentant d’association entendu par les rapporteurs, « disposer d’une année supplémentaire n’est pas d’une grande aide lorsqu’il s’agit de transformer une maison de retraite en centre de loisirs » ([109]).

Selon la rapporteure Géraldine Bannier, les jardins d’enfants devraient bénéficier d’un accompagnement supplémentaire, harmonisé entre les départements et les académies concernés, de la part des services de l’Éducation nationale afin de favoriser leur transition vers l’une des catégories d’établissements susmentionnées. À cette fin, la dérogation provisoire prévue par la loi pourrait être prolongée. Par ailleurs, l’accueil d’élèves en situation de handicap – qui ne bénéficient pas toujours à cet âge d’une notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et que peuvent particulièrement recevoir certains de ces établissements – doit faire l’objet d’une vigilance accrue. Un accueil « en milieu ordinaire » ne doit pas aboutir à un moindre accompagnement de ces élèves. Au contraire, toute l’assistance nécessaire, assurée par les personnels et services concernés (Atsem, AESH, secteur médico-social) doit pouvoir être apportée à ce public particulier.

Recommandation n° 9 de la rapporteure Géraldine Bannier : Prolonger la période transitoire prévue par la loi pour permettre la transformation des jardins d’enfants.

Recommandation n° 10 de la rapporteure Géraldine Bannier : Porter une attention particulière aux enfants en situation de handicap accueillis dans des jardins d’enfants en veillant à la continuité de leur accompagnement.

Pour sa part, le rapporteur Jérôme Legavre souligne le risque que des opérateurs privés se substituent aux jardins d’enfants gérés par des collectivités publiques. Il est dès lors favorable aux propositions de loi tendant à pérenniser les jardins d’enfants gérés ou financés et conventionnés par des collectivités publiques.

Recommandation n° 11 du rapporteur Jérôme Legavre : Permettre aux jardins d’enfants gérés ou financés et conventionnés par des collectivités publiques de poursuivre leur activité, en pérennisant à leur profit la dérogation provisoire instaurée par la loi.

3.    De nouvelles obligations pour les communes

La portée de l’obligation d’instruction est double. En effet, si elle instaure un devoir pour les élèves et leurs représentants légaux, elle confère également à l’enfant un droit à l’éducation, opposable aux pouvoirs publics et aux tiers ([110]). La mise en œuvre de ce droit comporte des obligations tant pour le service public de l’éducation que pour les collectivités territoriales associées à son fonctionnement. Ainsi, l’inclusion des enfants âgés de trois à six ans dans le champ d’application de l’instruction obligatoire a modifié les conditions d’exercice, par les communes et leurs groupements ([111]), de leurs compétences en matière d’éducation.

a.   Des obligations administratives : l’établissement des listes scolaires et le contrôle de l’instruction dans la famille

Une première obligation concerne l’établissement des listes scolaires. Aux termes de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, « chaque année, […] le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire ». L’abaissement de l’âge de début de l’instruction a élargi la population concernée par cette disposition, en y incluant tous les enfants âgés d’au moins trois ans. Pour faciliter l’établissement et la mise à jour de cette liste, l’article R. 131-3 du code de l’éducation ([112])  dispose que « les directeurs des écoles ou les chefs des établissements scolaires, publics ou privés, doivent déclarer au maire et au directeur académique des services de l’éducation nationale agissant par délégation du recteur d’académie, dans les huit jours qui suivent la rentrée des classes, les enfants fréquentant leur établissement ». Cette obligation s’applique notamment aux directeurs d’établissements privés hors contrat. L’article R. 131-18 du code de l’éducation prévoit que tout manquement des personnes responsables de l’enfant à l’obligation de l’inscrire dans un établissement scolaire – sauf à ce qu’elles aient été autorisées à lui délivrer l’instruction en famille – est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Aussi, en application de l’article L. 131-9 du même code, le maire ou l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d’une infraction à l’obligation d’instruction.

À cet égard, la rapporteure Géraldine Bannier souhaite appeler l’attention sur le cas des « enfants fantômes » – c’est-à-dire des enfants soumis à l’obligation d’instruction qui ne sont ni scolarisés, ni instruits en famille. L’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et le décret n° 2022-184 du 15 février 2022 relatif à l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire ont prévu la création, dans chaque département, d’une structure consacrée à l’identification de ces enfants. Ainsi, aux termes de l’article D. 131-4-1 du code de l’éducation, cette instance départementale « favorise l’échange et le croisement d’informations entre les services municipaux, les services du conseil départemental, les [caisses d’allocations familiales] et la direction des services départementaux de l’éducation nationale ».

 

Ensuite, la mise en œuvre de l’instruction dans la famille est assortie d’un contrôle exercé par la commune de résidence. Ainsi, le premier alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit que, lors de la première année d’instruction dans la famille, puis tous les deux ans, une enquête est conduite par la mairie afin de s’assurer de « la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant pour obtenir l’autorisation » de l’instruire, et contrôler qu’il lui est donné « une instruction dans la mesure compatible avec [son] état de santé et les conditions de vie de la famille » ([113]). L’abaissement de l’âge de début de l’instruction obligatoire a étendu le champ d’application de ce contrôle aux enfants âgés de trois à six ans.

b.   Le financement des écoles par les communes

À ces deux premières conséquences de la mesure s’ajoute un ensemble d’implications financières.

i.   L’augmentation attendue des effectifs et la contribution aux dépenses de fonctionnement des écoles maternelles privées

En premier lieu, dans la mesure où l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction est susceptible d’accroître le nombre d’enfants de moins de six ans scolarisés, cette disposition entraîne une extension des compétences des communes en matière de bâti scolaire et de service des écoles. En effet, aux termes de l’article L. 212-4 du code de l’éducation, la commune « assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement » des écoles publiques. Par ailleurs, l’article L. 212-5 du même code prévoit que les dépenses de fonctionnement des écoles sont à la charge des communes. La « rémunération des personnels de service » – catégorie d’agents qui comprend en particulier les Atsem –, ou encore l’acquisition et l’entretien du mobilier, relèvent de ces dépenses obligatoires.

En outre, l’abaissement de l’âge de début de l’instruction a élargi le champ d’application des dépenses obligatoires des communes en faveur de l’enseignement privé sous contrat avec l’État. Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 442-5 du code de l’éducation ([114]) , « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ». Ce « principe de parité » ([115]) s’applique aussi bien à l’État – c’est-à-dire aux services de l’Éducation nationale – qu’aux collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences en matière éducative. Ainsi, l’article R. 442-44 du code de l’éducation ([116]) dispose que, pour les classes élémentaires et préélémentaires, « les communes de résidence sont tenues de prendre en charge, pour les élèves domiciliés sur leur territoire et dans les mêmes conditions que pour les classes correspondantes de l’enseignement public, les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l’État ». Cette obligation prend la forme d’une contribution forfaitaire de la municipalité, généralement désignée comme le « forfait communal ». Le montant de cette contribution, calculé par élève et par an, correspond au coût moyen de l’accueil d’un enfant dans les écoles publiques de la commune ou, à défaut, du département ([117]).

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2019, cette contribution n’était due qu’au titre du fonctionnement :

– des classes élémentaires, où étaient accueillis des élèves soumis à l’obligation d’instruction telle qu’elle était alors définie ;

– des classes préélémentaires – maternelles ou enfantines –, lorsque la commune avait donné son accord à la conclusion du contrat d’association liant ces dernières à l’État ([118]).

En d’autres termes, une commune pouvait refuser de prendre en charge les dépenses de fonctionnement matériel des écoles maternelles privées implantées sur son territoire. Il lui suffisait, pour cela, de ne pas donner son accord à la conclusion du contrat ([119]). Désormais, les communes sont tenues de verser une contribution forfaitaire pour chaque élève soumis à l’obligation d’instruction scolarisé dans une école maternelle privée. Cependant, la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées qui accueillent des élèves de moins de trois ans reste facultative.

Les deux catégories de dépenses supplémentaires qui peuvent résulter de l’abaissement de l’âge de l’instruction sont en partie corrélées. En effet, la prise en charge d’un plus grand nombre d’enfants de trois à six ans dans les écoles publiques est susceptible d’accroître les coûts de fonctionnement de celles-ci. Or, ces coûts constituent la base de calcul du forfait communal dont bénéficient les écoles privées. Ainsi, l’augmentation des dépenses des communes pouvait découler de deux effets distincts de la mesure : d’une part, l’éventuelle hausse des coûts liée à la croissance des effectifs, que l’on peut qualifier d’effet de volume ; d’autre part, l’intégration des écoles maternelles privées sous contrat dans le champ d’application du forfait communal – qui constitue un effet de périmètre.

ii.   Une compensation financière et des coûts difficiles à évaluer

Aux termes de l’article 72-2 de la Constitution, « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Selon l’étude d’impact et l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, la mesure constituait une extension de compétences déjà transférées aux collectivités territoriales ([120]). Sa mise en œuvre n’imposait donc pas au législateur d’attribuer aux collectivités concernées – c’est-à-dire aux communes – des « ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » ([121]), mais uniquement « d’accompagner [cette extension de compétences] de ressources dont il lui apparten[ait] d’apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales » ([122]).

Pour satisfaire à cette obligation constitutionnelle, le premier alinéa de l’article 17 de la loi du 26 juillet 2019 prévoit que l’État « attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’elle a prises en charge […] au titre de l’année scolaire 2019-2020 par rapport à l’année scolaire 2018-2019 dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire ». Le deuxième alinéa du même article confère aux communes le droit de demander « la réévaluation de ces ressources au titre des années scolaires 2020-2021 et 2021-2022 ».

Aussi la compensation des dépenses entraînées par la mesure est-elle assortie de plusieurs conditions. En premier lieu, pour donner lieu à l’attribution de ressources supplémentaires, l’augmentation des dépenses de la commune doit être intervenue entre l’année scolaire ayant précédé l’entrée en vigueur de la mesure et la première année scolaire durant laquelle celle-ci a été appliquée. En cas de demande de réévaluation des ressources par la commune, la période prise en compte peut s’étendre jusqu’à l’année scolaire 2021-2022, c’est-à-dire jusqu’à la troisième année de mise en œuvre de la loi. Ensuite, l’attribution de ressources est conditionnée à l’augmentation des dépenses obligatoires. Or, une hausse des dépenses dans les classes préélémentaires compensée, dans le budget de la commune, par une diminution des dépenses en faveur des classes élémentaires, ne donne pas lieu à une augmentation nette des dépenses obligatoires de fonctionnement. De manière analogue, en cas de baisse des coûts de fonctionnement des écoles publiques – sous l’effet, notamment, d’une diminution de la population scolaire –, la hausse des dépenses liées au versement du forfait communal aux écoles maternelles privées est susceptible de ne donner lieu à aucune compensation. En effet, lorsque la réduction des coûts de fonctionnement des écoles publiques est supérieure à l’augmentation des dépenses en faveur des écoles privées, aucune hausse des dépenses obligatoires des communes ne peut être constatée. En outre, les dépenses supplémentaires doivent résulter directement de l’abaissement de l’âge de début de l’instruction – ce qui exclut, notamment, les dépenses consacrées à la scolarisation d’enfants âgés de plus six ans.

Une ligne budgétaire est consacrée à la compensation de l’incidence financière de la mesure au profit des communes. Ainsi, dans la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, l’action 7 Scolarisation à trois ans du programme 230 Vie de l’élève de la mission Enseignement scolaire est dotée de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 29 millions d’euros en crédits de paiement. En 2021, alors même que la loi de finances initiale de l’année consacrait également 100 millions d’euros à cette action, seulement 14,7 millions d’euros avaient été versés à 182 communes. En 2022, le nombre de municipalités bénéficiaires a atteint 340, pour un coût total de 47,3 millions d’euros ([123]).

La sous-exécution des crédits prévus par les lois de finances successives tient d’abord à la procédure de compensation de la hausse des dépenses obligatoires des communes. En effet, l’article 2 du décret n° 2019-1555 du 30 décembre 2019 relatif aux modalités d’attribution des ressources dues aux communes au titre de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire prévoit que la demande de la collectivité est adressée au recteur d’académie « au plus tard le 30 septembre de l’année qui suit l’année scolaire au titre de laquelle elle sollicite cette attribution, après approbation des comptes financiers correspondants ». Ainsi, une période de deux ans peut séparer l’augmentation des dépenses de la commune et la transmission d’une demande de compensation des coûts supplémentaires liés à l’abaissement de l’âge de l’instruction. De plus, certaines collectivités qui ne versaient pas de contribution aux écoles maternelles privées ont pu retarder la mise en œuvre du forfait communal en raison de la crise sanitaire ([124]).

Par ailleurs, la diminution du nombre d’élèves constatée à l’échelle nationale peut entraîner une réduction des dépenses obligatoires des communes en faveur des écoles – ou, à tout le moins, limiter la croissance de ces coûts. Ce point était souligné dans l’étude d’impact du projet de loi, qui rappelait que « l’évolution démographique globale entraînera[it] mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs, une diminution significative, des dépenses obligatoires du bloc communal (y compris impact de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire) » ([125]).

Évolution des effectifs d’élèves du premier degré : constats et prévisions

(en milliers)

Source : DEPP, « Prévisions d’effectifs d’élèves du premier degré : la baisse des effectifs devrait se poursuivre jusqu’en 2027 », note d’information n° 23.10, mars 2023.

Cependant, comme le rappelait également l’étude d’impact, cette tendance générale n’exclut pas que certains territoires puissent connaître une hausse de leur population d’âge scolaire, à la faveur des dynamiques propres à chaque localité. Ainsi, la stagnation de la proportion d’enfants âgés de trois à six ans scolarisés et la baisse des effectifs à l’échelle nationale ont pu s’accompagner d’augmentations localisées, justifiant la compensation des dépenses supplémentaires imposées aux communes.

Par ailleurs, l’instauration d’un forfait communal au profit des écoles maternelles privées a une incidence sur le budget de l’État et d’une partie des communes. Le coût de cet aspect particulier de la mesure est difficile à évaluer à l’échelle nationale. En effet, la présentation des crédits dans le projet annuel de performances du programme Vie de l’élève ne permet pas de distinguer, dans la compensation de l’incidence financière de la mesure, les dépenses destinées respectivement aux écoles publiques et privées ([126]). De plus, certaines communes ont pu renoncer à demander cette compensation au regard de la complexité des critères d’éligibilité ([127]). Enfin, dans les communes contraintes d’instaurer une contribution au profit des écoles maternelles privées, la baisse des effectifs d’élèves du premier degré a pu compenser une partie du coût de la mesure, diminuant le montant de la compensation à laquelle elles pouvaient prétendre. Ainsi, en 2019, le Comité national d’action laïque (Cnal) estimait que le coût de la mesure atteindrait 150 millions d’euros ([128]). Le Gouvernement l’évaluait alors entre 40 et 50 millions d’euros ([129]). Les représentants du Réseau français des villes éducatrices (RFVE) entendus par les rapporteurs ont souligné que l’incidence budgétaire de la mesure avait été particulièrement importante pour certaines communes. En particulier, les villes de Brest et de Blois auraient connu une augmentation de leurs dépenses respectivement de l’ordre de 1,4 million et 300 000 euros par an ([130]).  

Ainsi, au-delà de l’augmentation des dépenses obligatoires constatée dans certaines communes, l’évaluation du coût du versement du forfait communal aux écoles maternelles privées sous contrat devrait tenir compte de la moindre diminution des dépenses des communes, qui réduit également leurs marges de manœuvre budgétaires.

Enfin, lors de l’examen du projet de loi, certaines critiques ont concerné la limitation du champ d’application de la compensation aux communes qui n’avaient pas donné leur accord au contrat d’association et ne versaient aucune contribution aux écoles maternelles privées. Ainsi, un amendement adopté par le Sénat prévoyait que le mécanisme de compensation tienne compte des dépenses de fonctionnement réalisées par certaines communes avant l’adoption de la loi. Celui-ci n’a pas été retenu dans le texte définitivement adopté. Le Conseil constitutionnel a eu à statuer sur la conformité à la Constitution du mécanisme de compensation prévu par l’article 17 de la loi. D’une part, le Conseil a relevé que la différence de traitement entre les communes est fondée sur une différence de situation entre ces dernières au regard des charges qu’elles supportaient au cours de l’année scolaire précédant l’entrée en vigueur de la mesure. À cet égard, l’absence de contribution de certaines communes aux dépenses de fonctionnement des écoles maternelles privées les place, pour la mise en œuvre de la mesure, dans une situation différente de celle des municipalités qui supportaient déjà ces charges. D’autre part, le Conseil constitutionnel a jugé que la différence de traitement entre ces deux catégories de communes est « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit », consistant à accompagner de ressources financières une extension de compétence. Dès lors, le juge constitutionnel n’a pas constaté de manquement au principe d’égalité ([131]). Néanmoins, les représentants d’associations d’élus locaux entendus par les rapporteurs ont rappelé les limites de la compensation de l’incidence financière de la mesure ([132]).

 

 

Selon le rapporteur Jérôme Legavre, l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction a constitué – selon l’expression employée par plusieurs responsables syndicaux ([133]) et représentants d’organisations laïques ([134]) auditionnés par les rapporteurs – un « cadeau à l’enseignement privé ». Dans un contexte marqué par les fermetures d’écoles et de classes, les suppressions de postes d’enseignants et l’évitement de l’école publique par une partie de la population, l’attribution de nouvelles ressources publiques aux écoles privées paraît injustifiable. M. Legavre soutient le principe selon lequel les financements publics doivent bénéficier au seul enseignement public : « à école publique, fonds publics ; à école privée, fonds privés ».

II.   Le renforcement du contrôle de l’instruction en famille

A.   Un mode d’instruction très minoritaire, mais qui s’est développé au cours des dernières années

Durant l’année scolaire 2022-2023, 53 000 enfants étaient instruits en famille ([135]). Par comparaison, les établissements du premier et du second degré accueillaient respectivement 6 422 000 et 5 652 000 élèves ([136]). Ainsi, la proportion d’enfants concernés par ce mode d’instruction est de 0,44 %. Quoique limités, les effectifs d’enfants instruits en famille sont significativement supérieurs à ceux mentionnés dans l’étude d’impact du projet de loi, qui en recensait environ 30 000 au cours de l’année scolaire 2016-2017 – soit 0,36 % des enfants soumis à l’obligation d’instruction. Plus de la moitié de ces enfants étaient alors inscrits au Centre national d’enseignement à distance (CNED) réglementé, au terme d’une procédure requérant l’avis favorable de l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’Éducation nationale (IA-DASEN) ([137]).

L’augmentation du nombre d’enfants instruits en famille peut d’abord s’expliquer par l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction, qui a entraîné la comptabilisation des enfants âgés de trois à six ans dans ces statistiques. En outre, la crise sanitaire semble avoir servi de déclencheur à la volonté de certains parents d’instruire eux-mêmes leurs enfants ou, à tout le moins, de différer leur entrée à l’école ([138]).

B.   Une liberté ancienne reconnue aux parents, qui fait l’objet d’un encadrement de plus en plus strict

L’article 4 de la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire a conféré aux parents le droit de choisir le mode d’instruction de leurs enfants, qui comprend la liberté de leur délivrer eux-mêmes cet enseignement. Dans le contexte de la fin du XIXe siècle, cette disposition visait avant tout à tenir compte du recours d’une partie des familles à des précepteurs ([139]). Depuis, le législateur et le juge administratif ont confirmé l’existence de ce droit en permettant aux parents de « choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public » ([140]).

Néanmoins, le souci que l’instruction dispensée dans les familles soit conforme au droit à l’éducation reconnu à chaque enfant a conduit le législateur et le pouvoir règlementaire à encadrer plus strictement l’exercice de cette liberté. L’article 16 de loi du 28 mars 1882 prévoyait déjà le contrôle des connaissances acquises par les enfants instruits en famille. Il intervenait dans le cadre d’un examen annuel réalisé par un jury désigné par l’inspecteur d’académie. L’article 11 de la loi du 11 août 1936 modifiant les lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886 quant aux sanctions de l’obligation scolaire avait remplacé cet examen annuel obligatoire par un contrôle dont la tenue était laissée à la discrétion de l’inspecteur primaire et de l’inspecteur d’académie. Ainsi, l’inspecteur d’académie pouvait « désigner des personnes aptes à se rendre compte de l’état physique et intellectuel de l’enfant », afin de « l’examiner sur les notions élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul ». L’opportunité d’organiser ce contrôle était appréciée au regard des résultats de l’enquête de la mairie.

La loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire a instauré le contrôle annuel de l’instruction en famille par les services de l’Éducation nationale. Cette loi a également précisé le contenu du droit à l’éducation et du droit à l’instruction, prévus par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 28 et 29 de la convention internationale des droits de l’enfant. Puis, le décret n° 99-224 du 23 mars 1999 relatif au contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat, pris sur le fondement de la loi du 18 décembre 1998, a énoncé les objectifs pédagogiques de l’instruction, dans un souci d’harmonisation des contenus de l’enseignement entre les différents modes d’instruction. La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a ensuite assimilé l’enseignement à distance au régime de l’instruction dans la famille, afin de renforcer le contrôle des connaissances acquises par les enfants. Après la modification, par la loi pour une école de la confiance, des conditions de déroulement du contrôle annuel de l’instruction par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, la loi  2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a substitué un régime d’autorisation préalable au système déclaratif en vigueur jusqu’alors.

Les justifications de ces mesures ont varié au cours des trois dernières décennies : si, dans les années 1990, la lutte contre les phénomènes sectaires revêtait une importance centrale dans l’approche des pouvoirs publics – comme en témoigne notamment la circulaire n° 99-070 du 14 mai 1999 relative au renforcement du contrôle de l’obligation scolaire –, la fin de la décennie 2010 a vu croître l’attention portée aux risques de radicalisation religieuse. Tout au long de cette période, des objectifs proprement pédagogiques ont aussi été mis en avant, dans le cadre du contrôle de l’instruction prévu par l’article L. 131-10 du code de l’éducation.

Aussi, deux effets de la loi du 26 juillet 2019 doivent être distingués :

– d’une part, l’inclusion des enfants âgés de trois à six ans instruits à domicile dans le champ d’application de l’instruction dans la famille ;

– d’autre part, le renforcement du contrôle de l’instruction délivrée dans la famille aux enfants d’âge scolaire, notamment lié à la faculté reconnue à l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-DASEN) de mettre en demeure les personnes responsables de l’enfant d’inscrire ce dernier dans un établissement d’enseignement scolaire si elles refusent deux fois de suite, sans motif légitime, de le soumettre au contrôle pédagogique prévu par l’article L. 131-10 du code de l’éducation. En effet, si cet article prévoyait déjà, dans sa rédaction antérieure à 2019, le contrôle annuel de l’instruction en famille par les services de l’Éducation nationale, le refus des parents de s’y plier ne pouvait aboutir à ce qu’ils soient mis en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement scolaire ([141]).

C.   L’extension du régime de l’instruction dans la famille aux enfants âgés de trois à six ans

L’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction a réduit la période de la vie de l’enfant au cours de laquelle ses parents sont susceptibles de l’instruire sans relever, pour autant, du régime particulier de l’instruction dans la famille, ni par conséquent subir les contrôles administratifs et pédagogiques qui s’attachent à ce dernier. Ainsi, alors même que le renforcement du contrôle de l’instruction délivrée dans la famille est l’objet de dispositions spécifiques de la loi pour une école de la confiance, cette mesure générale a également produit des effets significatifs sur la situation particulière des enfants de moins de six ans instruits par leurs parents. Le troisième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 14 de la loi du 26 juillet 2019, prévoit que l’obligation, pour les personnes responsables de l’enfant, de déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille « s’applique à compter de la rentrée scolaire de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de trois ans ».

D.   Le renforcement du contrôle annuel de l’instruction par les services de l’Éducation nationale

1.   Un contrôle fondé sur des objectifs pédagogiques

Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 18 décembre 1998, « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction par les personnes responsables de l’enfant […], faire vérifier, d’une part, que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et, d’autre part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction ». Défini à l’article L. 131-1-1 du même code, ce droit recouvre « l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique », ainsi que l’éducation permettant à l’enfant de « développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté ».

Aussi, l’article 19 de la loi pour une école de la confiance a modifié l’article L. 131-10 du code de l’éducation pour préciser que l’atteinte de ces objectifs pédagogiques est appréciée, d’une part, au regard du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (SCCC) défini à l’article L. 122‑1‑1 du code de l’éducation et, d’autre part, sur la base des acquis attendus à l’issue des différents cycles d’enseignement ([142]).

Lorsque les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, un nouveau contrôle est organisé. Si les résultats de ce dernier sont à nouveau insuffisants, les personnes responsables de l’enfant sont mises en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé. En outre, le huitième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 19 de la loi pour une école de la confiance, prévoit que lorsque les personnes responsables de l’enfant ont refusé à deux reprises, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est en droit de les mettre en demeure d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement scolaire.

Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 131-10 précité, le contrôle est « prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation selon des modalités qu’elle détermine ». À cet égard, l’article 19 de la loi pour une école de la confiance a prévu que ce contrôle soit « organisé en principe au domicile où l’enfant est instruit ». Ses conditions de mise en œuvre ont été précisées par le décret n° 2019-823 du 2 août 2019 relatif au contrôle de l’instruction dispensée dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat et aux sanctions des manquements aux obligations relatives au contrôle de l’inscription ou de l’assiduité dans les établissements d’enseignement privés. En particulier, les articles R. 131-12 et suivants du code de l’éducation – créés par ce décret – prévoient les modalités du contrôle de l’instruction et les conditions d’information des familles. Par ailleurs, un vademecum de l’instruction dans la famille a été élaboré par les services de la direction générale de l’enseignement scolaire. Ce document complète le guide interministériel sur le rôle des acteurs locaux dans le cadre de l’instruction dans la famille, qui concerne plus particulièrement l’enquête réalisée par les communes de résidence ([143]).

Le contrôle de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est généralement accompli, pour les enfants relevant du premier degré, par un inspecteur de l’Éducation nationale ou un conseiller pédagogique. Pour les enfants du niveau secondaire, le recteur d’académie, saisi par l’IA-DASEN, désigne au moins un membre des corps d’inspection pour réaliser le contrôle ([144]). Ce dernier se déroule en principe au domicile de l’enfant. Il peut être annoncé ou inopiné. L’autorité académique apprécie l’opportunité du mode de contrôle selon l’étude préalable du dossier ([145]). Néanmoins, en application de l’article R. 131-16-1 du code de l’éducation, tout second contrôle intervenant après que les résultats du premier contrôle ont été jugés insuffisants doit être annoncé aux personnes responsables de l’enfant.

2.   Un contrôle effectivement mis en œuvre, mais que certaines associations de parents jugent inadapté

Au cours de l’année scolaire 2021-2022, l’ensemble des enfants instruits en famille ont été l’objet du contrôle prévu par l’article L. 131-10 du code de l’éducation ([146]). Cette disposition de la loi est donc effective.

En revanche, lors de leur audition par les rapporteurs, plusieurs associations de parents assurant l’instruction en famille ont formulé des critiques ayant trait au principe et aux conditions de mise en œuvre de ce contrôle ([147]). En premier lieu, certains parents jugent le contrôle des connaissances inadapté aux enfants âgés de trois à six ans, que la loi pour une école de la confiance a inclus dans le champ d’application du contrôle de l’instruction. Ensuite, des disparités dans les conditions de réalisation de ce dernier auraient été constatées entre les départements. Cette remarque peut être étendue à la délivrance de l’autorisation de mettre en œuvre l’instruction dans la famille, instaurée par la loi du 24 août 2021 tendant à conforter les principes de la République. À cet égard, le 2 avril dernier, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse a reconnu l’existence de « variations selon les académies » ([148]). Afin de résorber ces écarts, un séminaire de formation des référents académiques et départementaux chargés du suivi de l’instruction en famille s’est tenu le 9 mai. Néanmoins, selon le ministre, le taux d’acceptation des demandes formulées au titre de l’année scolaire 2022-2023 est de 90 % en moyenne, 6 000 demandes sur 59 000 ayant été rejetées.

Les rapporteurs sont également attachés à une gestion harmonieuse des contrôles sur l’ensemble du territoire. Des familles disent parfois ressentir, de la part de certaines personnes en charge du contrôle, un a priori négatif sur l’instruction en famille, avec un passage abrupt à la partie évaluative. Sans doute cette modalité d’instruction qu’est l’instruction en famille nécessite attention en même temps que compréhension de l’État vis-à-vis des familles.

Recommandation n° 12 : Veiller à l’harmonisation nationale des modalités de contrôle et des conditions de délivrance de l’autorisation d’instruire les enfants dans la famille.

En outre, le rapporteur Jérôme Legavre préconise la constitution d’une commission d’enquête chargée de dresser un état des lieux précis de l’instruction en famille. Il constate que, dans certaines académies, les refus des demandes d’autorisation sont systématiques, ce qui ne manque pas d’interroger. En cas de refus, il insiste pour que les raisons soient communiquées aux intéressés. Enfin, il insiste sur la nécessité de reconquérir l’École de la république, ce qui passe par la mobilisation des moyens nécessaires à son fonctionnement.

Recommandation n° 13 du rapporteur Jérôme Legavre : Créer une commission d’enquête afin de dresser un état des lieux de l’instruction en famille.

 

III.   L’obligation de formation : une nouvelle politique publique de lutte contre le décrochage scolaire

A.   Une obligation pour tous les jeunes âgés de seize à dix‑huit ans

1.   Une disposition introduite par voie d’amendement par le Gouvernement

L’article 15 de la loi pour une école de la confiance a été introduit dans le texte par un amendement du Gouvernement présenté en première lecture à l’Assemblée nationale ([149]). Par conséquent, l’obligation de formation prévue par ledit article n’a pas été examinée par le Conseil d’État et n’a pas fait l’objet de développements dans l’étude d’impact jointe au projet de loi ([150]). L’amendement ayant été présenté en séance publique, la commission des affaires culturelles et de l’éducation n’a pas pu débattre, en première lecture, de cette disposition.

Cette disposition, présentée comme complémentaire de l’instruction obligatoire dès trois ans, visait à mettre en œuvre un engagement pris par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SPLP), présentée en octobre 2018.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté (SPLP)

Pilotée par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022) comprenait 35 mesures articulées autour de cinq axes :

– renforcer l’égalité des chances ;

– garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants ;

– garantir un parcours de formation pour tous les jeunes ;

– garantir l’accès aux droits sociaux ;

– investir pour l’accompagnement dans l’emploi.

Le suivi de sa mise en œuvre est assuré par France stratégie, qui a constitué en son sein un comité d’évaluation. Son troisième rapport, publié en juillet 2022, fait apparaître un bilan contrasté : parmi les 35 mesures, 4 ont été intégralement mises en œuvre, 2 ont été abandonnées, 29 ont été lancées, avec un état d’avancement inégal.

Si tous les jeunes de seize à dix-huit ans sont concernés par l’obligation de formation, la mise en œuvre de cette nouvelle politique publique visait spécifiquement les mineurs ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) ([151]), estimés à 60 000 en 2018. Motivée par trois constats ‒ une insuffisance de suivi des jeunes décrocheurs scolaires ([152]), l’inefficacité du droit au retour à la formation et le fonctionnement perfectible des dispositifs de suivi des
décrocheurs ‒, elle devait permettre, selon le Gouvernement, « de passer enfin d’un droit formel à la formation et au retour en formation, à un droit réel effectivement mis en œuvre et au bénéfice direct des jeunes les plus vulnérables » ([153]).

L’obligation de formation complète et amplifie le droit pour tout élève n’ayant pas, à l’issue de la scolarité obligatoire, atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel, de poursuivre des études, ainsi que le droit au retour en formation initiale pour tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme (article L. 122-2 du code de l’éducation).

Selon les estimations réalisées par le Gouvernement en 2018, l’obligation de formation devait concerner chaque année 20 000 décrocheurs scolaires, deux indicateurs de suivi devant permettre d’en mesurer le respect et l’efficacité :

– le taux de NEET de seize et dix-sept ans ;

– le nombre de sorties précoces du système scolaire de jeunes de seize et dix-sept ans.

Afin d’assurer sa mise en œuvre, la SPLP prévoyait une transmission plus régulière de la liste des décrocheurs aux plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (Psad) et aux missions locales, à charge pour ces dernières de proposer aux jeunes un parcours d’insertion professionnelle.

2.   Le contrôle du respect de l’obligation de formation a été confié aux missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes

a.   La loi a prévu les situations dans lesquelles l’obligation de formation est respectée et a confié aux missions locales le contrôle de son respect…

L’article 15 de la loi pour une école de la confiance a complété le titre Ier du livre Ier de la première partie du code de l’éducation, intitulé « Le droit à l’éducation », par un chapitre IV comportant un article unique, intitulé « Dispositions relatives à l’obligation de formation ».

Le premier alinéa de l’article L. 114-1 du code de l’éducation dispose que « la formation est obligatoire pour tout jeune jusqu’à l’âge de sa majorité ».

Le deuxième alinéa précise les situations dans lesquelles, à l’issue de l’instruction obligatoire jusqu’à seize ans, l’obligation de formation est respectée :

– lorsque le jeune poursuit sa scolarité dans un établissement d’enseignement public ou privé ;

– lorsqu’il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle ;

– lorsqu’il occupe un emploi ;

– lorsqu’il effectue un service civique ;

– lorsqu’il bénéficie d’un dispositif d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle.

En outre, depuis le 1er mars 2022, les missions locales mettent en œuvre, conjointement avec Pôle emploi, le contrat d’engagement jeune (CEJ) ([154]). Au 31 janvier 2023, 301 725 jeunes ont signé un CEJ, dont 188 715 dans les missions locales. Si ces premiers résultats sont encourageants, la rapporteure Géraldine Bannier souhaite relayer certaines préoccupations locales entendues dans le département de Mayenne dont elle est élue, relatives aux lourdeurs administratives excessives dans la constitution des dossiers des bénéficiaires des CEJ, qui freinent le travail des missions locales : il importe que le Gouvernement y prête une attention particulière dans les mois à venir, afin que le dispositif puisse poursuivre sa montée en charge dans les meilleures conditions.

Le troisième alinéa confie aux missions locales le soin de contrôler le respect de l’obligation de formation, à l’aide d’un dispositif de collecte et de transmission des données placé sous la responsabilité de l’État.

Les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes

Créées en 1982, les missions locales sont des acteurs du service public de l’emploi. Leur objet et leur fonctionnement sont régis par le chapitre IV du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail (articles L. 5314-1 à L. 5314-4).

Prenant la forme d’une association ou d’un groupement d’intérêt public, elles peuvent recruter des salariés et ont pour mission d’aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement à l’accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi. À ce titre, elles favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle et sociale.

En 2022, le réseau des missions locales, animé par 15 000 salariés, comprenait 440 structures et 6 800 lieux d’accueil sur le territoire métropolitain et ultramarin.

b.   … selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État, qui ne la sanctionnent pas réellement

Le dernier alinéa de l’article L. 114-1 prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État pour fixer les conditions de mise en œuvre de l’obligation de formation, ainsi que les motifs d’exemption. Ce décret, publié au Journal officiel du 6 août 2020 ([155]), complétant le titre Ier du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’éducation par un chapitre IV, a rendu l’obligation de formation applicable à compter de la rentrée scolaire 2020.

En application de l’article R. 114-3 du code de l’éducation, sont exemptés du respect de l’obligation de formation les jeunes âgés de seize à dix-huit ans attestant de difficultés liées à leur état de santé par un certificat médical.

L’article R. 114-4 détaille les finalités et les acteurs participant au dispositif de collecte et de transmission des données prévu par le troisième alinéa de l’article L. 114-1. Les établissements d’enseignement du second degré (enseignement public, enseignement privé sous contrat, enseignement agricole) et les centres de formation des apprentis (CFA) doivent ainsi transmettre aux acteurs de l’orientation et de l’insertion les coordonnées de leurs anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation ; il s’agit des listes de décrocheurs. Le traitement de ces données doit ainsi permettre :

– l’identification des jeunes ne respectant pas l’obligation de formation ;

– leur mise en relation avec les acteurs du service public de l’orientation afin que ces derniers leur apportent des solutions de formation, d’accompagnement ou d’accès à l’emploi ;

 le contrôle par les missions locales du respect de l’obligation de formation ;

– l’analyse et l’évaluation de la mise en œuvre de l’obligation de formation.

Déployé en 2011, le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) permet aux acteurs de l’Éducation nationale, du ministère de l’Agriculture, des CFA et des missions locales de partager leurs informations afin de repérer le plus tôt possible les jeunes décrocheurs.

Aux termes de l’article R. 114-6, les missions locales et les centres d’information et d’orientation (CIO) contactent le jeune décrocheur pour l’informer sur son obligation de formation et lui proposer un entretien avec son représentant légal visant à permettre un retour en scolarité ou en formation, ou l’accès à un dispositif d’accompagnement ou d’insertion.

L’article R. 114-7 a doté les missions locales d’un pouvoir de convocation du jeune et de son représentant légal dans trois hypothèses :

– en cas d’absence non justifiée à l’entretien prévu à l’article R. 114-6 ;

– lorsque le jeune abandonne précocement son parcours d’accompagnement ;

– lorsqu’il ne répond plus aux sollicitations de la mission locale.

Le renforcement de la coordination entre les acteurs de l’Éducation nationale, de l’orientation, de la formation et de l’insertion constitue le principal apport de l’obligation de formation, cependant imparfait.

B.   Malgré une diminution du nombre de décrocheurs scolaires, le dispositif de suivi demeure perfectible

Les États membres de l’Union européenne se sont engagés, dans le cadre de la stratégie Europe 2020 ([156]), à limiter le taux de sorties précoces du système scolaire ([157]) à 10 % des jeunes de 18-24 ans. La France, pour sa part, s’était fixé une cible à 9,5 % d’ici 2020.

Sorties précoces du système scolaire des 18-24 ans selon le sexe, en France et dans l’Union européenne

Source : Insee

Cet objectif a été atteint en 2013 et le taux de sorties précoces du système scolaire des 18-24 ans a continuellement diminué depuis lors, s’établissant à 7,8 % en 2021 (donnée provisoire). L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ne mesure cependant pas, au sein de cet indicateur, la part des 16-18 ans concernés par l’obligation de formation.

S’agissant du taux de NEET des jeunes âgés de seize à dix-huit ans, une comparaison entre les données de l’Insee portant sur la période 2015-2019, d’une part, et la période 2017-2021 ([158]), d’autre part, permet d’en mesurer la diminution :

– en moyenne annuelle, entre 2015 et 2019, 2,7 % des jeunes de seize ans, 4,3 % des jeunes de dix-sept ans et 8,5 % des jeunes de dix-huit ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation ;

– en moyenne annuelle, entre 2017 et 2021, 2,5 % des jeunes de seize ans, 3,9 % des jeunes de dix-sept ans et 8,3 % des jeunes de dix-huit ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Ces données sont cependant difficiles à interpréter, du fait de l’entrée en vigueur récente de l’obligation de formation (septembre 2020) et du choc de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi, ce dernier ayant fait repartir à la hausse le taux de NEET des 15-29 ans : 15,6 % au deuxième trimestre 2020, le taux diminuant ensuite pour s’établir à 11,6 % au troisième trimestre 2023, soit un taux inférieur à celui de 2019 (12,9 %).

Les rapporteurs d’une récente mission conjointe de contrôle du Sénat sur la délinquance des mineurs ([159]) ont estimé à 95 000 le nombre de jeunes concernés par l’obligation de formation. Au cours de leur audition, Mme la députée Christine Le Nabour, vice-présidente de l’Union nationale des missions locales (UNML), et M. Olivier Gaillet, directeur du pôle métier et partenariat, ont indiqué que sur les 157 000 jeunes de seize à dix-huit ans connus des réseaux des missions locales, 40 % ne la respectaient pas et étaient en cours d’accompagnement par les missions locales, soit un peu plus de 62 000 jeunes mineurs.

Aux termes de l’instruction ministérielle sur la mise en œuvre de l’obligation de formation ([160]), celle-ci « a pour premier objet d’éviter le décrochage en agissant avant la rupture scolaire ou, lorsque celle-ci est avérée, à " sécuriser " le parcours du jeune en permettant une intervention rapide des réseaux de l’éducation nationale et des missions locales ». La réussite de cette nouvelle politique publique repose sur « une logique partenariale et interministérielle de lutte contre le décrochage scolaire associant les acteurs de la formation, de l’emploi, de l’insertion et des politiques de jeunesse, coordonnées par la région au sein des plateformes du suivi et d’appui aux décrocheurs ».

1.   La mise en place de l’obligation de formation : une nouvelle étape franchie dans la lutte contre le décrochage scolaire grâce à une meilleure identification des jeunes décrocheurs…

Les acteurs locaux de la formation, de l’insertion et de l’emploi, ainsi que les autres acteurs pouvant contribuer à la prise en charge des jeunes décrocheurs, sont rassemblés au sein des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (Psad) : centres d’information et d’orientation (CIO), réseaux Foquale ([161]), missions locales, service civique, protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), établissements pour l’insertion dans l’emploi (Épide), service militaire volontaire (SMV), CFA, etc. Les Psad, qui agissent sous l’autorité de la région dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO), sont co-pilotées par les directions de la mission locale et du CIO territorialement compétentes.

En outre, les académies ont mis en place des missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS), chargées de prévenir les ruptures scolaires en participant, avec les groupes de prévention du décrochage scolaire (GPDS) constitués dans les établissements du second degré, à la mise en place des parcours aménagés de la formation initiale (PAFI), et de mobiliser les ressources de proximité avec les acteurs locaux de la formation et de l’insertion des jeunes.

Le déploiement de ces outils de « persévérance scolaire » a permis une meilleure coordination et un repérage plus rapide des jeunes décrocheurs depuis les années 2010.

Le système interministériel d’échange d’informations (SIEI), opérationnel depuis 2011 (cf. supra) et dont l’objet est d’identifier les jeunes ne respectant pas l’obligation de formation, a connu une évolution du fait de l’entrée en vigueur de cette dernière à la rentrée 2020. Jusqu’en octobre 2020, seules deux campagnes de repérage, en mars et en octobre, avaient lieu dans l’année, ce qui ne permettait pas d’identifier rapidement les jeunes décrocheurs afin de leur proposer une solution d’accompagnement. Un système de campagnes trimestrielles a donc été mis en place afin d’accélérer leur prise en charge. M. Olivier Gaillet, directeur du pôle métier et partenariat de l’UNML, a jugé au cours de son audition que ce rythme, bien que permettant une amélioration par rapport au système de la décennie précédente, n’était pas satisfaisant non plus du fait d’un laps de temps « très long » entre l’identification du jeune comme décrocheur scolaire et son arrivée dans le CIO ou dans la mission locale.

Des campagnes mensuelles de transmission des listes de décrocheurs scolaires ont donc été mises en œuvre en février 2022, avec à terme l’objectif d’une transmission en flux continu. Les rapporteurs remarquent que cette évolution du SIEI aurait dû, aux termes de l’instruction ministérielle précitée, être effective dès le mois de septembre 2021. Cette évolution n’a pas été possible en raison de dysfonctionnements persistants, sur lesquels sont revenus les représentants de l’UNML, regrettant un impact important sur l’accompagnement des jeunes. Ils ont souligné l’interopérabilité incomplète entre le système d’information « RIO », utilisé par l’Éducation nationale, et le système d’information « I-Milo », utilisé par le réseau des missions locales. Le système d’information « RIO » connaît des dysfonctionnements propres, ce que les rapporteurs de la mission de contrôle sénatoriale ont également relevé, recommandant aux ministères de l’Éducation nationale, de l’Agriculture et du Travail d’« assurer l’interopérabilité des systèmes d’information de suivi des jeunes décrocheurs, afin de permettre une prise en charge au fil de l’eau et un suivi entre les différents intervenants plus performants ».

La rapporteure Géraldine Bannier s’associe pleinement à cette recommandation et invite le Gouvernement à accélérer le développement d’un SIEI partagé par les missions locales et l’ensemble des acteurs des ministères de l’Éducation nationale et de la jeunesse, du Travail, du plein emploi et de l’insertion, et de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Si l’objectif de signalement plus régulier des élèves décrocheurs par les établissements scolaires et les CFA a été atteint, l’action des Psad et des missions locales pourrait ainsi encore gagner en efficacité et en rapidité.

Outre l’identification des jeunes concernés par l’obligation de formation au moyen de la transmission des listes de décrocheurs et la libre adhésion des jeunes aux missions locales, ces dernières effectuent des actions de repérage des jeunes « hors les murs ». Enfin, l’instruction ministérielle relative à la mise en œuvre de l’obligation de formation demande « à toute structure ayant repéré un jeune relevant de l’obligation de formation ou ayant accueilli un jeune se présentant spontanément de l’orienter vers la mission locale ou vers le CIO dont il dépend ; ou d’informer ces structures de ce repérage tout en continuant à remobiliser le jeune et à ne pas le perdre de vue ».

2.   … qui reste à consolider par une meilleure coordination des acteurs locaux

Malgré les atouts en termes de coordination que représentent, au plan local, les Psad, les multiples acteurs de la lutte contre le décrochage scolaire continuent souvent, pour reprendre les mots des rapporteurs de la mission conjointe de contrôle du Sénat, « de fonctionner en silos ». Une fois le jeune identifié, la Psad doit, conformément à l’instruction ministérielle, désigner l’acteur institutionnel (mission locale ou CIO) chargé d’établir un premier contact avec le jeune, afin de l’informer de l’obligation de formation et, en application de l’article R. 114-6 du code de l’éducation, de lui proposer un entretien de situation avec son représentant légal visant à permettre un retour en scolarité ou en formation ou l’accès à un dispositif d’accompagnement ou d’insertion et de s’assurer du suivi de ce parcours.

 

Les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle du Sénat « ont constaté l’existence de nombreux acteurs et structures, dont le rôle de chacun n’est pas forcément connu ». Leur ont notamment été rapportés « les problèmes rencontrés par certains réseaux Foquale pour tisser des liens avec d’autres établissements scolaires, ou encore avec les autres acteurs au sein des Psad », les rapporteurs concluant à la nécessité, pour l’ensemble de ces structures, de mieux se connaître.

Une meilleure coordination entre les départements et les missions locales apparaît également nécessaire.

Dans un délai de deux mois suivant la convocation et en l’absence de respect de l’obligation de formation, la mission locale, en application du dernier alinéa de l’article R. 114-7 du code de l’éducation, transmet au président du conseil départemental le dossier du jeune décrocheur, afin que celui-ci soit pris en charge par les services de l’insertion, de la prévention spécialisée ou de l’assistance éducative.

Cette transmission du dossier individuel du jeune ne s’accompagne cependant que rarement d’un retour vers les missions locales sur les modalités de prise en charge par le département, ce que Mme Le Nabour a regretté pendant son audition. Par conséquent, il semblerait opportun de compléter l’instruction ministérielle sur la mise en œuvre de l’obligation de formation, afin d’inciter les préfets à sensibiliser les services départementaux sur cet enjeu.

Recommandation n° 14 : Donner instruction aux préfets de sensibiliser les exécutifs départementaux à la nécessité d’établir un dialogue continu avec les missions locales, afin d’établir un suivi complet de chaque dossier individuel.

Pour le rapporteur Jérôme Legavre, il y a un lien entre le décrochage scolaire et le manque de plus en plus important de personnels qualifiés (assistants sociaux, infirmiers, médecins, conseillers d’orientation, psychologues) au plus près des élèves. De la même manière, la suppression de filières et de lycées professionnels est un facteur aggravant. Il importe donc en premier lieu de rétablir les postes nécessaires dans toutes ces catégories de personnels dans les établissements et les filières et lycées professionnels supprimés. En vingt ans, ces derniers ont perdu 100 000 élèves. Pour le rapporteur, il convient de substituer une véritable obligation d’instruction à l’obligation de formation, occuper un emploi, un service civique ou être apprenti ne pouvant être mis sur le même plan que le fait de poursuivre sa scolarité.


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   deuxiÈme partie : les personnels de l’Éducation nationale

La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a eu une incidence sur le recrutement, la formation et les conditions de travail de plusieurs catégories de personnels de l’Éducation nationale. Les rapporteurs ont choisi d’évaluer plus particulièrement :

– d’une part, les modifications apportées aux conditions de recrutement et à la formation des enseignants, liées à la création des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) et à l’introduction d’un dispositif de recrutement, sous le statut d’assistant d’éducation (AED), d’étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement et de l’éducation ;

– d’autre part, l’évolution du recrutement et des conditions de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), dont les missions déterminent la capacité du système éducatif à répondre à l’objectif d’inclusion de l’ensemble des élèves réaffirmé par la loi pour une école de la confiance.

I.   La formation des enseignants

Les dispositions de la loi pour une école de la confiance qui se rapportent à la formation des enseignants sont réunies au sein du titre III (« Améliorer la gestion des ressources humaines »). La formation initiale des professeurs est plus particulièrement abordée aux articles 43 à 47 – qui ont créé les Inspé – et à l’article 49 – à l’origine du dispositif de pré-professionnalisation des AED.

A.   Les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation

La création des Inspé par la loi pour une école de la confiance constitue la dernière des modifications apportées par le législateur à l’intitulé et aux missions des établissements chargés de la formation des enseignants. À l’exception du dispositif de pré-professionnalisation, qui ne concerne qu’une minorité d’étudiants, la loi du 26 juillet 2019 n’a pas réformé de façon substantielle l’organisation de la formation initiale des enseignants – qui relève, pour une large part, de dispositions règlementaires ([162]). Toutefois, l’organisation des structures chargées de la formation des enseignants a partie liée avec le contenu de celle-ci. Comme M. Jean-Michel Blanquer l’expliquait lui-même aux membres de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation lors de son audition du 23 janvier 2019, la création des Inspé devait constituer « la partie législative d’un chantier fondamental : celui de la transformation de la formation des professeurs » ([163]).

Plusieurs enjeux récurrents sous-tendent l’histoire des structures de formation des enseignants. Ceux-ci concernent notamment :

– la part respective de la formation disciplinaire et de l’apprentissage pratique du métier ;

 la relation entre les établissements chargés de la formation des enseignants et l’université ;

 le degré d’harmonisation entre la formation des enseignants de l’enseignement primaire et du secondaire.

1.   Des écoles normales aux Inspé

L’histoire de la formation des enseignants peut être considérée, d’une part, au regard des établissements qui l’ont mise en œuvre et, d’autre part, en fonction des concours et des diplômes qui en conditionnent l’accès.

a.   À l’origine, une séparation de la formation des enseignants du premier et du second degré

Après la création, par le décret du 17 mars 1808 portant organisation de l’Université, de « classes normales […] destinées à former des maîtres pour les écoles primaires » dans les collèges et les lycées, l’article 11 de la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire – dite « loi Guizot » – prévoit l’entretien, dans tout département, d’une « école normale primaire » pour la formation des instituteurs. Puis, dans un contexte marqué par les progrès de la scolarisation, la loi du 9 août 1879 relative à l’établissement des écoles normales primaires – dite « loi Paul Bert » – vise à garantir la création, dans chaque département, d’une école normale de garçons et d’une école normale de filles, dans le but de remédier au manque d’institutrices. Le décret du 29 juillet 1881 relatif à l’organisation des écoles normales primaires confère à la formation des instituteurs ses principales caractéristiques, qui ne connaissent pas de transformations majeures jusqu’aux années 1960 : les écoles normales sont soustraites au contrôle des communes et des départements et placées sous celui du recteur ; les élèves sont recrutées à un âge précoce ; la durée de la formation est fixée à trois ans, avant d’être portée à quatre ans en 1944 ([164]). Le recrutement des élèves des écoles normales après le baccalauréat n’est généralisé qu’en 1968 ([165]).

Le recrutement des enseignants de l’enseignement secondaire a d’abord été assuré par l’agrégation, instituée en 1808 et accessible dans le cadre d’un concours depuis 1821 ([166]). Après la fondation de l’École normale supérieure par le décret du 9 brumaire an III – 30 octobre 1794 –, les années 1880 ont vu l’ouverture des Écoles normales supérieures de Sèvres, Saint-Cloud, et Fontenay – destinées plus particulièrement, pour ces deux derniers établissements, à la formation des professeurs des écoles primaires supérieures et des écoles normales. En outre, des « professeurs chargés de cours », titulaires du baccalauréat ou de la licence, complétaient jusqu’aux années 1940 les effectifs d’enseignants du second degré ([167]). Dans un contexte de démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire et de croissance démographique, le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) est créé en 1950. Le décret n° 52-91 du 17 janvier 1952 institue les centres pédagogiques régionaux (CPR), où les titulaires d’une licence ou d’une maîtrise sont recrutés pour préparer le Capes ou l’agrégation. Les professeurs certifiés y sont rattachés durant l’année de stage qui suit leur réussite au concours et précède leur titularisation. De 1957 à 1979, les instituts de préparation aux enseignements de second degré (Ipes), rattachés aux universités, forment des élèves-professeurs rémunérés qui se destinent au métier d’enseignant. Leur création vise à répondre à d’importants besoins de recrutement dans le second degré.

b.   Un rapprochement mené dans le cadre d’un ancrage universitaire accru de la formation des enseignants

Le principe d’un rapprochement de la formation des enseignants des différents degrés s’est affirmé dans la continuité du plan Langevin-Wallon de 1947. Celui-ci prévoyait la fin de la séparation des corps d’enseignants du primaire et du secondaire – qui aurait été remplacée par la distinction entre « maîtres de matières communes » et « maîtres de spécialité » – et l’unification de leur formation ([168]). Entre 1968 et 1986, la durée de la formation des instituteurs passe d’une à quatre années après le baccalauréat. Elle est assurée conjointement par les écoles normales et les universités, notamment dans le cadre du nouveau diplôme d’études universitaires générales (Deug) « Enseignement du premier degré » ([169]). Ainsi, à partir de 1986 ([170]), la différence de durée entre les études préparant aux fonctions d’enseignant du primaire et du secondaire n’est plus que d’une année : les instituteurs préparent un Deug avant de suivre deux années de formation professionnelle ; les professeurs du second degré obtiennent une licence ou une maîtrise dans la discipline qu’ils ont vocation à enseigner, puis consacrent une année à la préparation du concours, avant d’effectuer une année de stage – soit entre cinq et six années de formation initiale. La volonté de renforcer la formation professionnelle des professeurs du secondaire et la formation disciplinaire des enseignants du primaire constituait un facteur supplémentaire de rapprochement. Ce projet a pris forme à partir du colloque d’Amiens de mars 1968 sur la formation des maîtres et la recherche en éducation ([171]).

Ainsi, la loi no 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation – dite « loi Jospin » – fusionne les structures de formation des enseignants du premier et du second degré en créant les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Rattachés aux universités – tout en possédant la personnalité juridique conférée par le statut d’établissement public administratif –, ils remplacent les écoles normales, les CPR et les écoles normales nationales d’apprentissage (Enna), qui formaient les professeurs des lycées professionnels. Les IUFM revêtent deux fonctions : d’une part, préparer les étudiants aux concours de l’enseignement ; d’autre part, assurer la formation professionnelle des professeurs stagiaires, préalablement à leur titularisation. La loi prévoit la création d’au moins un IUFM par académie. Ainsi, la répartition territoriale des instituts – qui est encore aujourd’hui celle des Inspé – se met en place : trente-deux établissements ouvrent à partir de la rentrée 1990. À la même époque, les réformes de la formation des enseignants ont une incidence sur leur statut. En particulier, pour tenir compte du rapprochement des conditions de recrutement et de formation entre les enseignants des premier et second degrés, les instituteurs deviennent un corps de catégorie A de la fonction publique, sous la désignation nouvelle de professeurs des écoles.

L’ancrage universitaire de la formation professionnelle des lauréats des concours de l’enseignement se distingue du modèle de formation d’autres corps de catégorie A de la fonction publique d’État. Celle-ci intervient généralement dans des écoles placées sous la tutelle du ministère d’emploi de ces fonctionnaires. Ainsi, les magistrats, les administrateurs et attachés d’administration de l’État ou encore les inspecteurs des finances publiques relèvent de ce modèle de formation, dans lequel l’État-employeur, représenté par l’administration de tutelle de chaque établissement, revêt un rôle prépondérant dans le pilotage administratif et l’organisation de la formation. Le rattachement des IUFM à l’université leur confère une plus grande autonomie de gestion à l’égard de l’administration de l’Éducation nationale, tout en favorisant la différenciation de l’enseignement dispensé dans chaque institut, en raison de la liberté pédagogique des enseignants-chercheurs qui composent leurs équipes ([172]). Le rapprochement entre la formation initiale des enseignants et l’université trouve une traduction supplémentaire dans la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école – dite « loi Fillon ». Privés de la personnalité juridique, les IUFM acquièrent alors le statut de composante des universités, prévu par le 2° de l’article L. 713-1 du code de l’éducation – et que possèdent aussi, en particulier, les instituts universitaires de technologie (IUT).

À partir de 2009, le fonctionnement et les missions des IUFM sont affectés par les réformes de la formation des enseignants qui sont engagées. La première d’entre elles concerne le niveau d’études auquel les enseignants sont recrutés par concours. Plusieurs décrets – modifiant les régimes statutaires des différentes catégories de professeurs du premier et du second degré – pris le 28 juillet 2009 prévoient que les enseignants justifient, au moment de leur recrutement par concours, d’un diplôme de master, et non plus d’une licence. Cette réforme dite de « mastérisation » tendait à rapprocher le niveau de recrutement des enseignants français de celui de leurs homologues étrangers. Ainsi, à compter de la session 2010, le recrutement intervient à l’issue d’une première année de master, et non plus d’une licence. En outre, l’année de stage – soit la deuxième année d’études au sein des IUFM, qui suit le passage des concours – est supprimée. La formation dispensée par les IUFM revêt la forme de masters professionnels préparant – selon leur intitulé initial – aux « métiers de l’enseignement ». La disparition de l’année de stage, en particulier, fait l’objet de critiques.

La loi no 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République a ensuite remplacé les IUFM par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé). Ces nouvelles structures conservent l’ancrage universitaire des IUFM. Ainsi, la volonté de placer la recherche universitaire en sciences de l’éducation au cœur de la formation des enseignants se trouve préservée. En revanche, la création des Espé tend à rétablir la formation professionnelle en deuxième année ([173]). Ainsi, la deuxième année du nouveau master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (Meef) repose, pour les lauréats des concours de l’année précédente, sur l’alternance entre un stage à mi-temps dans un établissement scolaire et un enseignement théorique et didactique reçu au sein de l’Espé.

Les missions principales des Espé, définies par l’article L. 721-2 du code de l’éducation, sont encore aujourd’hui celles des Inspé. Ainsi, ces derniers assurent des actions de formation initiale et continue au profit des enseignants et des personnels d’éducation ([174]). Les Inspé contribuent également à la formation initiale et continue des enseignants-chercheurs. En outre, ils participent à la recherche disciplinaire et pédagogique, ainsi qu’à des actions de coopération internationale.

c.   Le remplacement des Espé par les Inspé : une réforme de la gouvernance, au service du renforcement du cadre national de la formation

Selon l’étude d’impact du projet de loi, la création des Inspé visait, d’une part, à « tirer toutes les conséquences de [leur] ancrage dans l’enseignement supérieur » et, d’autre part, à « repenser les exigences et la gouvernance du dispositif » ([175]).

i.   L’harmonisation de la formation des enseignants à l’échelle nationale

Le premier de ces objectifs s’inscrit dans la continuité du rapprochement entre les structures chargées de la formation des enseignants et l’université. En mentionnant les insuffisances de la formation dispensée dans les Espé, l’étude d’impact énonce en creux les objectifs de la réforme. Celle-ci vise à suppléer :

– l’absence de lien suffisant entre la formation des enseignants et les données de la recherche universitaire ;

– le manque d’intégration des enseignants-chercheurs des autres composantes de l’université dans les Inspé ;

 la mobilisation imparfaite de « l’expérience des professeurs de terrain » ([176]).

Ces trois objectifs résument plusieurs des finalités que la formation des enseignants tend à concilier depuis la seconde moitié du XXe siècle : d’une part, la prise en considération des données de la recherche en sciences de l’éducation, sous la forme d’un enseignement théorique dispensé aux étudiants et professeurs stagiaires ; d’autre part, l’apprentissage du métier d’enseignant par la réalisation de stages et la transmission d’expérience entre praticiens.

La formalisation de ces objectifs a revêtu principalement deux formes dans la loi pour une école de la confiance. En premier lieu, la mention d’un nouveau référentiel national de la formation des enseignants a été insérée à l’article L. 625-1 du code de l’éducation. Ce dernier – qui définit les missions des Inspé – prévoyait déjà, dans sa rédaction antérieure à 2019, que les ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale arrêtent « le cadre national des formations liées aux métiers du professorat des premier et second degrés et de l’éducation ». L’article 43 de la loi pour une école de la confiance a précisé la portée de cette disposition en prévoyant l’élaboration, par les mêmes ministres, d’un « référentiel de formation ». Ainsi l’harmonisation de la formation dispensée dans chaque établissement justifie-t-elle la dénomination des nouveaux instituts nationaux.

Les actes réglementaires d’application de ces nouvelles dispositions législatives ont été pris au cours des deux années suivantes :

– l’arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l’arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » prévoit, pour les étudiants de première année, la réalisation d’un stage d’une durée de six semaines consacré à « l’observation et la pratique accompagnée » ([177]). Les étudiants en deuxième année peuvent suivre tout au long de l’année une formation en alternance, dont le volume horaire correspond au tiers de l’obligation réglementaire de service des enseignants. Les étudiants qui n’effectuent pas d’alternance doivent avoir réalisé, au cours des deux années de formation, dix-huit semaines de stage ([178]). La rédaction d’un mémoire de master articulant « une problématique, un cadre théorique et une méthodologie de recherche en relation avec une question pédagogique » est également prévue ([179]) ;

– l’arrêté du 25 novembre 2021 fixant le cahier des charges relatif aux contenus de la formation initiale pour les étudiants et les fonctionnaires stagiaires se destinant aux métiers du professorat et de l’éducation concernant la scolarisation des enfants à besoins particuliers, tend à « permettre aux étudiants inscrits en master [Meef] de développer leurs compétences à la mise en œuvre d’une scolarisation inclusive » ([180]). Il prévoit 25 heures de formation.

En outre, la composition des équipes pédagogiques des Inspé a été précisée par l’article 46 de la loi pour une école de la confiance, modifiant le dernier alinéa de l’article L. 721-2 du code de l’éducation. Celles-ci doivent désormais comprendre « des personnels enseignants, d’inspection et de direction en exercice dans les premier et second degrés ainsi que des enseignants-chercheurs. Elles intègrent également des professionnels issus des milieux économiques ».

ii.   Le renforcement du rôle de l’Éducation nationale dans la désignation des directeurs d’Inspé

Les modifications apportées à la gouvernance des instituts ont concerné le mode de désignation de leurs directeurs.

À cet égard, l’article L. 721-3 du code de l’éducation disposait, dans sa rédaction antérieure à 2019, que les directeurs d’Espé étaient nommés « pour un mandat de cinq ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, sur proposition du conseil de l’école » – dénommé depuis 2019 conseil de l’institut. Ce dernier est composé de représentants des usagers, des enseignants, des autres personnels et de l’université de rattachement, ainsi que de personnalités extérieures, dont au moins un représentant des collectivités territoriales.

Tout en maintenant la nomination des directeurs d’Inspé par arrêté conjoint des ministres de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale, l’article 45 de la loi pour une école de la confiance a modifié le processus de désignation prévu par l’article L. 721-3 susmentionné. Ainsi, depuis 2019, les candidats aux fonctions de directeur d’Inspé sont « auditionnés par un comité coprésidé par le recteur compétent et le président ou le directeur de l’établissement de rattachement » – c’est-à-dire, en règle générale, le président de l’université. Le décret n° 2019-920 du 30 août 2019 fixant les conditions de désignation des directeurs des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, pris sur le fondement de la loi pour une école de la confiance, précise le déroulement de la procédure de recrutement et la composition du comité de sélection des candidats. Outre le recteur d’académie et le président de l’université dont l’Inspé fait partie, ce comité comprend le président du conseil de l’institut et quatre ou six personnalités qualifiées ([181]). Dans la mesure où le président du conseil de l’institut est « élu parmi les personnalités extérieures désignées par l’autorité académique », laquelle fait partie de l’administration de l’Éducation nationale, le nouveau mode de désignation des directeurs d’Inspé devait conforter le rôle du ministre de l’Éducation nationale dans ce processus de recrutement.

Toutefois, selon M. Alain Frugière, directeur de l’Inspé de Paris et président du Réseau des Inspé, ces dispositions n’ont pas entraîné de modifications substantielles dans la composition des équipes dirigeantes des instituts ([182]).

2.   Les Inspé et la réforme de la formation des enseignants

La création des Inspé en 2019 est intervenue dans un contexte marqué par plusieurs réformes de la formation des enseignants, dont ils ont dû assurer la mise en œuvre. Outre la modification du contenu de la formation, prévue par les arrêtés des 24 juillet 2020 et 25 novembre 2021 susmentionnés, la poursuite de la « mastérisation » du recrutement a constitué une évolution d’importance.

L’augmentation du niveau de recrutement a été conduite par étapes. À partir de 2010, les candidats au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE), au Capes et à l’agrégation devaient avoir validé une première année de master (M1). Des étudiants inscrits en M1 pouvaient également s’y présenter, les lauréats devant – sous peine de perdre le bénéfice de leur admission – obtenir leur diplôme après le concours. Depuis la session 2022, la validation d’une deuxième année de master (M2) est exigée.

La mastérisation a eu plusieurs conséquences sur le déroulement de la formation des enseignants. En premier lieu, dans le système de recrutement en vigueur jusqu’en 2009, la condition de diplôme pour prendre part aux concours était satisfaite avant l’entrée des futurs enseignants à l’IUFM, dans la mesure où seule une licence était exigée. Les candidats pouvaient ainsi consacrer une année complète à la préparation des épreuves, sans devoir obtenir de nouveau titre universitaire. La concomitance entre la poursuite d’études en master Meef et la préparation au concours a mis fin à cette déconnexion. Il en résulte une augmentation de la charge de travail pour les étudiants, accentuée par la réalisation d’une alternance ou de stages et l’obligation de rédiger un mémoire en deuxième année de master. En outre, pour les étudiants, le passage des concours à la fin du M2 diffère l’accès au statut de fonctionnaire stagiaire et à la rémunération qui s’y attache.

Les représentants d’organisations étudiantes et les étudiants de l’Inspé de Paris rencontrés par les rapporteurs ont souligné les inconvénients de l’organisation actuelle de la formation des enseignants ([183]). En particulier, la concomitance, au cours de la deuxième année de master, entre la réalisation d’une alternance ou de stages, la préparation des concours, la rédaction d’un mémoire et la formation théorique suivie à l’Inspé est à l’origine d’un alourdissement excessif de la charge de travail. L’accession plus tardive aux garanties statutaires inhérentes au statut de professeur stagiaire constitue également une source de précarité.

Par ailleurs, l’harmonisation de la formation des enseignants que la loi pour une école de la confiance tendait à favoriser demeure limitée, compte tenu de la diversité des voies d’accès aux concours. Ainsi, environ la moitié des lauréats des concours de l’enseignement ne sont pas titulaires d’un master Meef ([184]). Pour ceux-là, la préparation des concours intervient généralement au terme d’un master disciplinaire. Elle s’effectue notamment dans les unités de formation et de recherche (UFR) des universités ou – en particulier pour les agrégatifs – dans les écoles normales supérieures ([185]).

À cet égard, les rapporteurs partagent la conviction que la formation des enseignants doit revêtir avant tout un caractère disciplinaire. En effet, seule la pleine maîtrise des connaissances académiques qu'ils ont vocation à transmettre peut donner aux professeurs l’assurance nécessaire à la délivrance de leur enseignement. Aucune formation professionnelle délivrée sous la forme d'un enseignement théorique ne peut suppléer la maîtrise d’un champ déterminé du savoir. C’est pourquoi le recrutement des futurs enseignants devrait intervenir au terme d’une formation théorique de trois ou quatre ans, à l’issue de laquelle ils passeraient les concours de l’enseignement. Ainsi, les lauréats accèderaient plus rapidement au statut d’élève-fonctionnaire. Les Inspé délivreraient aux professeurs stagiaires une formation centrée sur l’apprentissage des gestes professionnels des métiers de l’enseignement.

En outre, les rapporteurs s’accordent à souligner l’importance du maintien de concours nationaux, fondés sur des épreuves écrites dans les disciplines que les candidats ont vocation à enseigner.

Recommandation n° 15 : Déplacer les concours à la fin de la licence (pour le rapporteur Jérôme Legavre) ou de la première année de master (pour la rapporteure Géraldine Bannier). Les professeurs stagiaires poursuivraient une formation en master 2 après leur recrutement par concours.

 

Le rapporteur Jérôme Legavre préconise également la création d’une nouvelle voie de recrutement des personnels enseignants et de vie scolaire afin de favoriser l’accès des jeunes de tous les milieux sociaux aux métiers de l’Éducation nationale. Ce pré-recrutement serait ouvert aux titulaires d’un baccalauréat qui effectueraient une formation pendant cinq ans. Ce pré-recrutement serait également ouvert aux titulaires d’une licence qui effectueraient une formation pendant deux ans. Ces élèves auraient le statut de fonctionnaires stagiaires et seraient rémunérés en conséquence. Les formations seraient organisées au sein d’écoles professionnelles de l’enseignement, créées en lien avec le monde universitaire, sur le modèle des IPES, des ENNA et des Écoles normales.

Recommandation n° 16 du rapporteur Jérôme Legavre : Créer de nouvelles voies de pré-recrutement pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’Éducation nationale et leur conférer, durant leur formation, le statut de fonctionnaire stagiaire.

B.   Le dispositif de prÉ-professionnalisation des Assistants d’éducation

Outre les modifications apportées, à travers la création des Inspé, au cadre institutionnel de la formation des enseignants, la loi pour une école de la confiance tendait à diversifier les voies de recrutement de ces derniers. Ainsi, l’article 49 de la loi a modifié le statut des assistants d’éducation (AED), relevant de l’article L. 916-1 du code de l’éducation, pour prévoir le recrutement, sous ce statut, d’étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement et de l’éducation.

L’étude d’impact du projet de loi mentionnait deux objectifs ([186]) :

– d’une part, « diversifier le vivier de recrutement ». Instaurer un dispositif accessible dès la deuxième année de licence devait à la fois permettre de recruter plus tôt les étudiants intéressés par les métiers de l’enseignement et de l’éducation, et de faire découvrir ces derniers à d’autres étudiants ;

– d’autre part, « fidéliser les candidats aux métiers de l’enseignement », par la rémunération et l’accès progressif à des responsabilités pédagogiques. Le montant de la rémunération des assistants d’éducation est déterminé par référence à l’indice brut 398 pour les étudiants de deuxième année de licence, et de l’indice brut 408 aux niveaux supérieurs ([187]). Pour huit heures de service hebdomadaire durant trente-neuf semaines par an, la circulaire n° 2019-156 du 6 novembre 2019 relative aux assistants d’éducation en préprofessionnalisation prévoyait une rémunération brute mensuelle de 862 euros pour les étudiants de deuxième année de licence (L2), de 1 198 euros en troisième année (L3) et de 1 219 euros en première année de master. Cette rémunération peut être cumulée avec une bourse sur critères sociaux.

Le dispositif s’adresse aux futurs enseignants et conseillers principaux d’éducation (CPE). Ainsi, le deuxième alinéa de l’article L. 916-1 du code de l’éducation dispose que « les assistants d’éducation inscrits dans une formation dispensée par un établissement d’enseignement supérieur délivrant un diplôme préparant au concours l’accès aux corps des personnels enseignants ou d’éducation peuvent se voir confier progressivement des fonctions de soutien, d’accompagnement, d’éducation et d’enseignement ».

Leurs missions, qui évoluent en fonction du niveau d’études, ont été précisées par voie règlementaire.

Fonctions pédagogiques confiées aux assistants d’éducation en pré-professionnalisation

Année universitaire

Premier degré

Second degré

L2

– observation en école primaire ;

– interventions ponctuelles sur des séquences pédagogiques, sous la responsabilité du professeur ;

–  participation à l’aide aux devoirs et aux leçons.

– observation dans le second degré ;

– interventions ponctuelles sur des séquences pédagogiques, sous la responsabilité du professeur ;

– participation à l’aide aux devoirs et aux leçons, notamment dans le cadre du dispositif Devoirs faits.

L3

– activités mentionnées au titre de l’année précédente à l’exception de l’observation en école primaire ;

– autres activités éducatives.

En particulier,  activités pédagogiques complémentaires (APC)

– activités mentionnées au titre de l’année précédente à l’exception de l’observation dans le second degré ;

– participation à l’accompagnement personnalisé (volet soutien de la capacité de l’élève à apprendre et à progresser) au collège et au lycée, espaces pédagogiques interactifs (EPI) au collège et intervention dans les parcours éducatifs.

M1

– activités mentionnées au titre de l’année précédente ;

– enseignement de séquences pédagogiques complètes  (notamment, remplacement d’enseignants compatible avec la continuité pédagogique des enseignements en donnant priorité à des remplacements prévus à l’avance).

– activités mentionnées au titre de l’année précédente ;

– enseignement de séquences pédagogiques complètes (notamment, remplacement d’enseignants compatible avec la continuité pédagogique des enseignements, en donnant priorité à des remplacements prévus à l’avance, et compatibles avec la mention de licence obtenue par l’étudiant)

Source : Circulaire n° 2019-156 du 6 novembre 2019 relative aux assistants d’éducation en préprofessionnalisation.

L’objectif du ministère de l’Éducation nationale était de recruter 3 000 AED en pré-professionnalisation chaque année. Entre 2019 et 2021, le nombre de recrutements était d’environ 1 500 chaque année ([188]). Ainsi, en septembre 2021, 5 500 étudiants étaient concernés par le dispositif ([189]). À la rentrée 2022, une légère augmentation des effectifs a été constatée, 1 600 étudiants ayant été recrutés.

Parallèlement, un nouveau mécanisme de recrutement précoce a été créé en 2021. Ce parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) consiste, pour des étudiants de licence, à suivre un enseignement à l’université et au lycée – le temps consacré à la formation suivie dans l’enseignement supérieur augmentant au cours des trois années de licence. L’objectif est d’associer à la formation disciplinaire reçue à l’université la consolidation des acquis du lycée dans les autres matières que les futurs professeurs des écoles ont vocation à enseigner. La poursuite d’études au sein de l’option « premier degré » du master Meef constitue le « débouché naturel » de cette formation ([190]).

Selon le rapporteur Jérôme Legavre, si le recrutement précoce d’étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement et de l’éducation doit être encouragé, le régime de pré-professionnalisation instauré par la loi du 26 juillet 2019 ne constitue pas une solution. En premier lieu, l’exercice de fonctions d’enseignement présuppose la maîtrise d’une discipline que des étudiants de deuxième ou troisième année de licence ne possèdent pas encore. En outre, dans un contexte marqué par le manque d’enseignants statutaires, ce dispositif peut s’apparenter à un instrument de gestion de la pénurie par le recours à des personnels précaires. Pour répondre aux difficultés de recrutement que connaît l’Éducation nationale, il serait opportun d’organiser le recrutement de jeunes étudiants, qui percevraient une rémunération au cours de leurs études et ne se verraient confier des responsabilités pédagogiques qu’après avoir passé les concours de l’enseignement. Un tel dispositif renforcerait l’attractivité des filières de l’enseignement, tout en garantissant à ses bénéficiaires une sécurité matérielle liée à la rémunération qu’ils percevraient.

La rapporteure Géraldine Bannier, un système de bourses d’encouragement pour ceux qui se destinent aux métiers du professorat, assorti de possibilités de stages d’observation, pourrait être un bon levier d’incitation vers ces filières en plus de ce dispositif de pré-professionnalisation des AED. En cas de non-concrétisation du projet ou de changement de voie, ces bourses pourraient être rétrocédées.

Recommandation n° 17 de la rapporteure Géraldine Bannier : Instaurer un système particulier de bourses d’encouragement pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’Éducation nationale.

II.   Les accompagnants des élèves en situation de handicap et l’école inclusive

Les dispositions du projet de loi qui tendent, selon l’intitulé du chapitre où elles sont rassemblées, au « renforcement de l’école inclusive » (chapitre IV du titre Ier), ne figuraient pas dans le projet de loi au stade de son dépôt. Elles ont été intégrées au texte au cours de la navette parlementaire. Ces dispositions concernent en particulier :

 l’évolution du statut des AESH, liée à la généralisation du recrutement par contrats à durée déterminée (CDD) de droit public et la mise en œuvre d’actions de formation ;

 la création de pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) dans chaque département pour répartir et coordonner les AESH dans un territoire déterminé.

Les principes de l’école inclusive – c’est-à-dire de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap – sont antérieurs à la loi pour une école de la confiance. Ils ont reçu une première traduction législative dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Aux termes de l’article L. 111-2 du code de l’éducation – créé par cette loi –, « il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu’à sa famille, un parcours de formation qui fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire ». Ainsi, sans préjudice de la prise en charge de certains enfants dans des structures extérieures à l’école – les établissements médicaux et médico-sociaux –, le principe général est que la société – l’institution scolaire en l’occurrence – doit s’adapter aux besoins des enfants en situation de handicap, et non l’inverse. La notion d’inclusion scolaire est issue de l’article 2 de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République – dite « loi Peillon » –, qui l’a inscrite à l’article L. 111-1 du code de l’éducation. Aux termes de ce dernier, le service public d’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». Jusqu’en 2019, cet article disposait que l’école « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ». L’article 27 de la loi pour une école de la confiance a modifié le libellé de cet objectif, en remplaçant la mention de l’inclusion scolaire par celle de la « scolarisation inclusive » des enfants. Cette dernière participe de l’objectif général de compensation du handicap, énoncé à l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF), et qui donne lieu à un plan personnalisé de compensation (PPC). Le projet personnalisé de scolarisation (PPS), prévu par l’article D. 351-5 du code de l’éducation, constitue la composante éducative de celui-ci. Ce document précise en particulier l’établissement que l’enfant a vocation à fréquenter.

La scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire repose, en fonction des besoins de l’élève, sur l’adaptation de l’environnement scolaire – notamment du bâti – et l’accompagnement humain. Aux termes de l’article L. 351-1 du code de l’éducation, la définition du mode de scolarisation le plus adapté incombe à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), installée dans chaque maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Sur la base de l’évaluation réalisée par une équipe pluridisciplinaire, la CDAPH constate l’existence d’un handicap et détermine, le cas échéant, les modalités d’accompagnement de l’élève. Cette aide humaine est assurée par un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). À cet égard, les rapporteurs, auxquels des disparités territoriales ont été signalées dans ce domaine, souhaitent insister sur l’importance de l’harmonisation des critères de notification entre les départements.

Recommandation n° 18 : Veiller à l’harmonisation des critères de notification MDPH.

L’accompagnement peut être individuel ou mutualisé entre plusieurs élèves. La notification d’attribution de cette aide précise sa quotité horaire. L’article D. 35116-2 du code de l’éducation dispose que l’aide individuelle bénéficie aux élèves qui requièrent un accompagnement « soutenu et continu ». Les décisions de la CDAPH sont intégrées au projet personnalisé de scolarisation de l’enfant.

Les élèves en situation de handicap peuvent aussi être affectés dans une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis). Chaque Ulis rassemble un groupe restreint d’enfants qui, s’ils ne peuvent suivre de façon continue l’enseignement dispensé en milieu ordinaire, bénéficient néanmoins de temps de scolarisation dans un établissement scolaire.

A.   Une augmentation rapide du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, qui s’est poursuivie après 2019

Les modifications apportées au fonctionnement de l’école inclusive et au statut des AESH par la loi pour une école de la confiance sont intervenues dans un contexte de hausse du nombre d’élèves faisant l’objet d’une notification de la CDAPH.

Au cours des deux dernières décennies, le nombre d’élèves en situation de handicap en milieu ordinaire est passé de 140 000 en 2004 à 409 000 en 2022. La croissance annuelle des effectifs a atteint 7 % en moyenne. À l’inverse, cette période est caractérisée par la stagnation du nombre d’enfants accueillis dans des établissements spécialisés.

Effectifs d’élèves en situation de handicap (2004-2021)

Source : DEPP, Repères et références statistiques, 2022.

(1) Les enfants accueillis pour de courtes durées ne sont pas pris en compte dans les effectifs des établissements spécialisés.

Parmi les élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, seule une minorité – qui représente environ un quart des effectifs – est accueillie dans une Ulis. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2021-2022, 300 000 élèves en situation de handicap étaient pris en charge en classe ordinaire.

La croissance du nombre de notifications est inégalement répartie entre les différents types de troubles. Ainsi, entre 2004 et 2020, les troubles intellectuels et collectifs (+ 7 %), du psychisme (+ 6 %) et, à plus forte raison, du langage et de la parole (+ 10 %) ont connu une augmentation annuelle moyenne particulièrement soutenue ([191]).

 

 

Effectifs d’élèves en situation de handicap selon le type de troubles et le mode de scolarisation (année scolaire 2021-2022)

L’Inspection générale des finances (IGF) et l’IGÉSR ont cherché à déterminer les facteurs associés à la reconnaissance d’un handicap et la mise en œuvre d’un accompagnement par un AESH ([192]). Ainsi, une enquête conduite auprès des MDPH et des services déconcentrés de l’Éducation nationale de vingt et un départements a mis en lumière une corrélation significative entre le recours aux AESH et plusieurs variables, parmi lesquelles le rapport entre le nombre de places dans les établissements et services médico-sociaux et les effectifs d’élèves en situation de handicap. À cet égard, il convient de relever que la capacité d’accueil de ces établissements a stagné au cours des deux dernières décennies, passant de 77 141 places en 2004 à 77 503 en 2020.

Tout en souscrivant à l’objectif de scolarisation en milieu ordinaire de l’ensemble des enfants dont l’état de santé le permet, les rapporteurs soulignent le besoin de modalités de prise en charge alternatives. Ainsi, pour qu’aucune décision de scolarisation en milieu ordinaire ne découle du manque de places dans d’autres structures – en particulier au sein des instituts médico-éducatifs, des Ulis et des UEEA –, il convient de s’assurer que la capacité d’accueil de ces dernières, ainsi que le nombre de personnels, soient à la hauteur des besoins. À cet égard, le 3 avril dernier, lors d’un débat sur l’école inclusive organisé à l’initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Éducation nationale a formulé l’objectif que chaque collège dispose d’une classe Ulis avant la fin du quinquennat.

La ministre Geneviève Darrieussecq a aussi annoncé le déploiement de 100 projets d’IME dans les écoles, lors de la récente Conférence nationale du handicap.

La rapporteure Géraldine Bannier estime que cette intégration d’établissements spécialisés au sein même des EPLE peut permettre de mieux adapter la scolarisation à chaque élève et de faciliter pour les élèves concernés, pour lesquels le groupe-classe comprenant entre 25 et 30 élèves ne constitue pas toujours la meilleure solution pédagogique, les va-et-vient parfois nécessaires entre ces structures spécialisées et les structures classiques.

Recommandation n° 19 : Accroître le nombre de classes dans les établissements spécialisés afin d’augmenter la capacité d’accueil.

B.   Le recrutement et la formation des AESH

À la rentrée 2022, 132 000 AESH – dont 93 % de femmes – étaient en fonction ([193]). Leur quotité de travail moyenne était de 62 %, seulement 2 % d’entre eux disposant d’un emploi à temps complet – à raison de 1 607 heures annuelles, réparties entre 41 et 45 semaines.

1.   Un objectif de professionnalisation de l’accompagnement des élèves en situation de handicap

L’article 25 de la loi pour une école de la confiance a modifié le statut de ces personnels, prévu par l’article L. 917-1 du code de l’éducation. Ce dernier a été créé par l’article 124 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 pour conférer un statut spécifique aux personnels chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Auparavant, ils étaient généralement recrutés en qualité d’assistant d’éducation, sous la désignation usuelle d’assistants de vie scolaire (AVS). Par dérogation au statut des assistants d’éducation – dont la durée d’engagement était limitée à six ans jusqu’en 2022 –, les dispositions introduites en 2014 ont permis le maintien en fonction, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI), des AESH justifiant de six années d’exercice. Puis, l’article 2 du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap prévoit que les AESH sont recrutés « parmi les candidats titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne ». Les candidats titulaires du baccalauréat ou d’un titre équivalent, ou qui justifient d’une expérience professionnelle de neuf mois dans le domaine de l’aide à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap – en particulier les anciens AVS –, sont dispensés de cette condition de diplôme. Pour ces derniers, le décret n° 2018-666 du 27 juillet 2018 a introduit une formation de soixante heures incluses dans le temps de service effectif ([194]). Parallèlement, les missions des AESH ont été précisées par la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017. Elles concernent en particulier les actes de la vie quotidienne, le déroulement et l’accès aux activités d’apprentissage à caractère éducatif, culturel, sportif, artistique ou professionnel, ainsi que la conduite de la vie sociale et relationnelle ([195]). Ainsi, la professionnalisation des AESH engagée en 2014 repose à la fois sur la pérennisation de leur engagement – en permettant leur recrutement par CDI – et l’exigence de qualifications préalables.

La loi pour une école de la confiance a d’abord modifié le type et la durée des contrats par lesquels les AESH sont recrutés. Tout en maintenant la condition de six années d’exercice pour l’accès au CDI, l’article 25 de la loi du 26 juillet 2019 a prévu le recrutement des AESH par CDD de trois ans, renouvelable une fois. Auparavant, les AESH étaient généralement recrutés dans le cadre de contrats aidés, tels que le contrat unique d’insertion (CUI) prévu par l’article L. 5134-19-1 du code de l’éducation. Conclus pour une durée plus courte, généralement inférieure à un an, ces contrats étaient jugés particulièrement précaires. Par ailleurs, depuis 2019, le quatrième alinéa de l’article L. 917-1 du code de l’éducation dispose que « l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation et les collectivités territoriales peuvent s’associer par convention en vue du recrutement commun [d’AESH] ». Cette disposition revêt une importance particulière depuis que le Conseil d’État a jugé, dans une décision du 20 novembre 2020, qu’il incombe à la collectivité territoriale compétente – et non à l’Éducation nationale – de prendre en charge l’accompagnement des enfants en dehors du temps scolaire, en particulier lors de la pause méridienne ou des activités périscolaires. Il en découle un risque de rupture de la continuité de l’aide, qu’il appartient à l’État et aux collectivités territoriales d’éviter par le recrutement conjoint ou la mise à disposition d’AESH ([196]).

En outre, la loi du 26 juillet 2019 a prévu l’élaboration d’un référentiel national pour la formation professionnelle des AESH. Sur ce fondement, l’arrêté du 23 octobre 2019 fixant le cahier des charges des contenus de la formation continue spécifique des AESH a déterminé les principaux objectifs de cette dernière, à savoir le développement des compétences liées à l’accompagnement des élèves en situation de handicap et à la prise en compte des besoins éducatifs particuliers, ainsi que le « renforcement de la coopération entre les acteurs (AESH, professeurs, personnes intervenants auprès de l’élève) au service de l'école inclusive ». Ce cahier des charges est décliné dans les plans académiques et départementaux de formation.

2.   Des divergences de vues persistent quant aux moyens de lutter contre la précarité des AESH

Depuis, la loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation a modifié l’article L. 917-1 du code de l’éducation pour permettre l’accès des AESH à un contrat à durée indéterminée dès trois ans d’exercice. Toutefois, le décret d’application correspondant n’a pas encore été pris. Par ailleurs, le décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 a étendu aux AESH et aux AED le bénéfice du régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les établissements relevant d’un dispositif d’éducation prioritaire ([197]). Cette modification du cadre règlementaire est intervenue à la suite d’une décision du Conseil d’État enjoignant au Premier ministre d’inclure les AED dans la liste des catégories de personnels concernées par ce régime indemnitaire ([198]). La proposition de loi, déposée par Mme Michèle Victory et plusieurs de ses collègues, à l’origine de la loi du 16 décembre 2022, prévoyait déjà l’extension du bénéfice de cette mesure aux AESH et aux AED ([199]).

Afin d’améliorer les conditions de rémunération des AESH, une nouvelle grille indiciaire est entrée en vigueur le 1er janvier 2022, après une première revalorisation intervenue le 1er septembre 2021 ([200]). Toutefois, en raison de la quotité horaire et du calcul de la rémunération sur la base de 1 607 heures de service annuel, la rémunération moyenne des AESH n’est que de 850 euros par mois ([201]). Pour répondre au problème persistant du faible niveau de rémunération des AESH, le ministre de l’Éducation nationale a notamment précisé, par une circulaire du 4 janvier 2023, les modalités de cumul du temps de travail accompli lors d’activités scolaires et périscolaires ([202]). Ainsi, l’augmentation de la rémunération moyenne de ces personnels passerait, pour ceux d’entre eux qui le peuvent et le souhaitent, par l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail.

Selon la rapporteure Géraldine Bannier, les modifications apportées au cours des dernières années au statut et aux conditions de rémunération des AESH constituent autant de progrès qu’il convient d’approfondir. En particulier, la revalorisation de la rémunération indiciaire devrait être poursuivie. Par ailleurs, la généralisation du recrutement conjoint d’AESH par l’Éducation nationale et les collectivités territoriales renforcerait la continuité de la prise en charge des élèves, tout en permettant une meilleure répartition et une augmentation du temps de travail hebdomadaire des personnels.

Pour le rapporteur Jérôme Legavre, le statut des AESH se caractérise avant tout par sa précarité. La généralisation du travail à temps partiel et du recrutement par CDD, ainsi que le très faible niveau de rémunération de ces personnels, sont autant d’obstacles à l’attractivité du métier et à la professionnalisation des AESH. En outre, au temps exercé en classe auprès des élèves accompagnés, s’ajoutent diverses tâches invisibles et très peu reconnues comme la participation aux formations, aux réunions ou bien un travail de préparation et de suivi de cours. Aussi, compte tenu du rôle décisif de ces personnels au service des objectifs de l’école inclusive, il serait opportun de conférer aux AESH le statut de fonctionnaire au sein d’un nouveau corps de catégorie B de la fonction publique d’État, comme le prévoyait notamment la proposition de loi visant à créer un corps de fonctionnaire pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap déposée par Mme Nadège Abomangoli et plusieurs de ces collègues ([203]). Ce corps serait rattaché à l’Éducation nationale pour garantir la continuité de l’aide apportée aux élèves.

Recommandation n° 20 du rapporteur Jérôme Legavre : Créer un corps de fonctionnaires pour les AESH.

La stabilisation des emplois d’AESH devait s’accompagner de la répartition des accompagnants dans un ressort territorial déterminé, au sein des nouveaux pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial).

C.   Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés

Aux termes de l’article L. 351-3 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue du 4° de l’article 25 de la loi pour une école de la confiance, un pôle inclusif d’accompagnement localisé est créé dans chaque département. Ces structures ont pour objet « la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat ». Outre les services de l’Éducation nationale, ils associent des professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et services médico-sociaux.

Les Pial ont été instaurés à titre expérimental dès la rentrée 2018, avant que leur mise en œuvre ne soit généralisée en 2019 par la loi pour une école de la confiance. À la rentrée 2021, on dénombrait plus de 4 000 Pial ([204]). La circulaire de rentrée de 2019, qui porte plus particulièrement sur l’école inclusive, précise leur organisation ([205]). Leur ressort territorial varie, un Pial pouvant être mis en place dans une circonscription, un établissement scolaire ou un regroupement d’écoles et d’établissements. Leur pilotage est assuré, dans le premier degré, par l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) de la circonscription et, dans l’enseignement secondaire, par le chef d’établissement. Le responsable du Pial arrête l’emploi du temps des AESH, en les répartissant entre les écoles et établissements qui constituent le pôle.

Selon la circulaire précitée, les Pial ont « notamment pour objectif d’apporter de la souplesse dans l’organisation de l’accompagnement humain pour les écoles et les établissements scolaires ». Ils devaient également constituer l’unité de référence pour constituer des équipes stables d’AESH. Néanmoins, dans un contexte de croissance rapide des besoins d’accompagnement, la répartition des AESH entre plusieurs établissements a donné lieu à un éclatement excessif de leur temps de travail entre plusieurs lieux de travail et enfants pris en charge. Ainsi, le rapport de l’IGÉSR et de l’IGF susmentionné relève que les Pial « sont parfois utilisés à des fins de régulation d’une ressource insuffisante en raison de l’importance du flux continu de demandes à traiter » ([206]).

Selon le rapporteur Jérôme Legavre, les Pial ont avant tout conduit à une dégradation des conditions de travail des AESH en raison de la répartition de leur temps de travail entre plusieurs établissements et des conséquences de cette organisation (temps de trajets supplémentaires, adaptation aux différents fonctionnements des équipes pédagogiques et des établissements). Cet aspect a notamment été souligné par les syndicats de l’Éducation nationale au cours de leur audition ([207]). Ainsi, dans le cadre de la création d’un corps de la fonction publique pour les AESH, il conviendrait de supprimer les Pial et d’affecter les personnels directement au sein des établissements. Il est également nécessaire de procéder au recrutement des AESH à partir de notifications en nombre d’heures délivrées par les MDPH. Dans le cas inverse, on assiste à une déscolarisation d’élèves comme en Indre-et-Loire où, en novembre 2022, 1 100 élèves qui bénéficiaient d’une notification attendaient encore une place à l’école, faute d’AESH, ou en structure spécialisée ([208]).

Recommandation n° 21 du rapporteur Jérôme Legavre : Supprimer les Pial.

La rapporteure Géraldine Bannier souhaite qu’une réflexion soit menée sur le principe de « souplesse » des interventions des AESH. Si chaque élève en situation de handicap peut avoir un besoin évolutif, en fonction de la nature de son handicap, de son niveau, des enseignements suivis, de l’autonomie acquise, il est nécessaire que les AESH – surtout dans un contexte de tension des recrutements – soient d’abord déployés au plus près des besoins, et non en fonction de constructions administratives de type Pial. C’est sur le terrain même, en tenant toujours compte des conditions de travail – des déplacements notamment – des AESH, que doit être organisée cette « souplesse ».

À cadre légal constant, Mme Géraldine Bannier estime qu’il conviendrait à tout le moins de limiter le ressort territorial des Pial.

Recommandation n° 22 de la rapporteure Géraldine Bannier : Limiter l’étendue du ressort territorial des Pial et le nombre d’établissements dans lequel un même AESH est amené à intervenir.

S’agissant de l’inclusion, Mme Géraldine Bannier considère qu’une réflexion globale est impérative quant à l’équilibre à trouver entre effectif dans la classe et accompagnement par des AESH. Vaut-il mieux une classe à 20 élèves avec deux AESH présents, ou une classe à 28 élèves avec quatre AESH ? Ce sujet de fond doit être appréhendé.

Une réflexion est aussi à engager sur la frontière entre handicaps, troubles et difficultés de type comportemental. Chaque besoin doit être bien identifié, et les moyens adaptés.


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   TroisiÈme partie : L’institution scolaire

I.   Les Établissements publics locaux d’enseignement international

A.   Un nouveau statut visant à dynamiser l’enseignement des langues étrangères

L’article 32 de la loi pour une école de la confiance a créé une nouvelle sous-catégorie d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) : les établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) ([209]). Auparavant consacrée à l’École européenne de Strasbourg (EES), la section III bis du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation fixe désormais les règles relatives à la constitution, à l’organisation et au fonctionnement des EPLEI.

En proposant la création de ce nouveau statut complétant le dispositif des sections binationales, européennes et internationales, le Gouvernement poursuivait plusieurs objectifs :

 donner la possibilité aux collectivités territoriales de développer l’attractivité économique de leur territoire en y renforçant l’offre d’enseignement international ;

– valoriser des parcours d’excellence orientés vers l’international ;

 faciliter l’accueil et l’intégration d’élèves étrangers dans le système éducatif français et leur éventuel retour dans leur système d’origine, d’une part, et permettre aux élèves français de pratiquer une langue étrangère de manière approfondie et de renforcer leurs connaissances dans la culture des pays partenaires, grâce à des parcours éducatifs unifiés de l’école primaire jusqu’au lycée, d’autre part ;

– favoriser l’élaboration de projets éducatifs ambitieux en regroupant au sein d’une entité administrative unique des classes du premier et du second degrés, afin de renforcer la gouvernance et la mutualisation des moyens de fonctionnement.

1.   Des établissements d’excellence dérogeant au droit commun du code de l’éducation et tournés vers l’enseignement des langues vivantes

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 421-19-1 du code de l’éducation, les EPLEI « sont constitués de classes des premier et second degrés et dispensent tout au long de la scolarité des enseignements en langue française et en langue vivante étrangère. Ils préparent soit à l’option internationale du diplôme national du brevet et à l’option internationale du baccalauréat, soit au baccalauréat européen ». Les EPLEI peuvent également préparer, au sein d’une section binationale, à la délivrance simultanée du baccalauréat et du diplôme ou de la certification correspondant dans le pays de la section (section Abibac pour l’Allemagne, section Bachibac pour l’Espagne et section Esabac pour l’Italie).

Le deuxième alinéa du même article affirme le caractère plurilingue et international de l’enseignement dispensé dans les EPLEI, en limitant la proportion des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat non assortis de l’option internationale ni préparés dans une section binationale. Cette proportion a été fixée à un tiers des effectifs de l’établissement par le décret n° 2019887 du 23 août 2019 portant organisation et fonctionnement des établissements publics locaux d’enseignement international (article D. 421-161 du code de l’éducation). Cependant, cette disposition ne s’applique pas réellement aux écoles européennes, tous les élèves scolarisés dans ces établissements préparant et passant exclusivement l’examen du baccalauréat européen.

Les EPLEI sont créés par arrêté du préfet de département sur proposition conjointe de la région, du ou des départements, de la ou des communes et du ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de fonctionnement des écoles, après conclusion d’une convention. Celle-ci fixe notamment la durée de son application, la répartition des charges incombant à chacune des collectivités pour la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement, le fonctionnement de l’établissement et les dépenses de personnel. Elle désigne une collectivité de rattachement de l’établissement, chargée d’assurer les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’établissement, ainsi que le recrutement et la gestion des personnels. La création d’un EPLEI ne résulte donc pas d’un accompagnement de la démographie scolaire mais d’une volonté politique de développer l’enseignement des langues vivantes étrangères et de bénéfices attendus en termes d’attractivité du territoire concerné.

Signe de cette volonté politique, les collectivités territoriales parties à la convention sont davantage représentées au sein du conseil d’administration de l’EPLEI qu’au sein d’un EPLE traditionnel ([210]). En application de l’article L. 421‑19‑4 du code de l’éducation, le conseil d’administration de l’EPLEI comprend, outre le chef d’établissement et deux à quatre représentants de l’administration qu’il désigne, de vingt-quatre à trente membres, dont :

– un tiers composé de représentants des collectivités et EPCI parties à la convention et une ou plusieurs personnalités qualifiées ;

– un tiers de représentants élus du personnel de l’établissement ;

– un tiers de représentants élus des parents d’élèves et des élèves.

La gouvernance de l’EPLEI, unifiée de la maternelle au baccalauréat, est assurée par un conseil d’administration qui exerce à la fois les compétences du conseil d’administration d’un EPLE et celles du conseil d’école ([211]). Parallèlement, le chef d’établissement exerce à la fois les compétences d’un chef d’établissement d’EPLE et d’un directeur d’école ([212]).

En application de l’article L. 421-19-10 du code de l’éducation, l’admission des élèves dans un EPLEI est soumise à la vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dispensés dans la langue de la section, dans des conditions adaptées à leur âge. Cette exigence linguistique privilégie les enfants de parents de professions et catégories sociales (PCS) supérieures, comme l’a mis en évidence un rapport de mai 2020 de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ([213]).

2.   Un nouveau cadre juridique encore peu mis en œuvre par les collectivités territoriales, mais ayant vocation à se développer dans les années à venir

a.   Quatre établissements publics ont acquis le statut d’EPLEI

Les deux écoles européennes « historiques » en France, l’École européenne de Strasbourg (EES) et l’École internationale Provence-Alpes-Côte d’Azur (EIPACA), se sont transformées en EPLEI après la publication de la loi pour une école de la confiance. Depuis, deux autres EPLEI ont été créés sous ce statut : l’École européenne de Lille Métropole et l’École européenne Paris La Défense.

i.   L’École européenne de Strasbourg (EES)

Née en 2008, l’EES est la plus ancienne école européenne française. Les dispositions relatives à son statut, introduites dans le code de l’éducation par l’ordonnance n° 2014-238 du 27 février 2014 relative à l’établissement public local d’enseignement dénommé « École européenne de Strasbourg », ont été abrogées par le nouveau statut des EPLEI résultant de l’article 32 de la loi pour une école de la confiance, qui s’est fortement inspiré des dispositions relatives à l’EES. L’EES a acquis le statut d’EPLEI dès la parution du décret n° 2019-887 précité.

ii.   L’École internationale Provence-Alpes-Côte d’Azur (EIPACA)

L’EIPACA a ouvert ses portes en 2007 à Manosque pour accompagner le lancement du projet ITER et accueillir, de la maternelle au lycée, les enfants du personnel de l’organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion ([214]). L’école scolarise 1 000 élèves de trois à dix-huit ans, représentant trente et une nationalités.

Le projet pédagogique offre aux élèves six sections linguistiques : anglais, allemand, espagnol, italien, chinois et japonais, et prévoit un enseignement paritaire : 50 % en français et 50 % dans la langue de la section. La moitié des enseignants de l’école sont des professeurs étrangers.

Depuis 2009, l’EIPACA accueille également une école européenne, qui compte une seule section anglophone à partir du secondaire uniquement.

Les élèves de l’EIPACA préparent ainsi l’option internationale du baccalauréat (section britannique, italienne, chinoise, japonaise), un baccalauréat binational (Abibac et Bachibac) ou le baccalauréat européen.

Conformément au code de l’éducation, l’EIPACA bénéficie d’une gestion unifiée sous l’autorité d’une directrice, assistée par une directrice adjointe au secondaire et par une adjointe en charge du premier degré.

Les écoles européennes

Les écoles européennes sont des établissements publics créés conjointement par l’Union européenne et par un État membre. Aux termes de l’article premier de la convention portant statut des écoles européennes, leur mission est l’éducation en commun des enfants des personnels des institutions européennes, à travers un enseignement multilingue et multiculturel, de la maternelle jusqu’au baccalauréat.

Il existe actuellement 13 écoles européennes réparties dans 6 pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) et accueillant 28 750 élèves. Outre ces établissements historiques, le Conseil supérieur des écoles européennes, instance suprême des écoles européennes, peut agréer des établissements qui, sans faire partie du réseau des écoles européennes, offrent un enseignement européen conforme aux exigences pédagogiques fixées par la convention portant statut des écoles européennes. Ces écoles européennes « de type II » proposent à leurs élèves une structure d’études similaire, organisée en cycles à partir de quatre ans : un cycle maternel de deux ans, un cycle primaire de cinq ans et un cycle secondaire de sept ans.

L’enseignement des langues vivantes constitue le cœur des principes pédagogiques des écoles européennes, qui prévoient de trois à seize sections linguistiques. L’étude de la première langue étrangère commence en première année de primaire (français, anglais ou allemand) et celle de la deuxième langue étrangère commence en première année de secondaire (sixième). Une troisième langue étrangère peut être étudiée à partir de la quatrième année de secondaire (troisième), ainsi qu’une quatrième en sixième année de secondaire (première). Chacune des langues officielles de l’Union européenne peut être choisie à partir de la deuxième langue vivante étrangère, à l’exception du gaélique irlandais et du maltais.

Les écoles européennes doivent également mettre en valeur la dimension européenne dans leurs programmes d’études. L’emploi du temps des trois dernières années du cycle primaire intègre ainsi des « heures européennes ».

La finalité des écoles européennes est la préparation du baccalauréat européen, qui comporte cinq épreuves écrites et trois épreuves orales comptant pour la moitié de la note finale, l’autre moitié résultant du contrôle continu.

Comme toutes les écoles européennes agréées, l’EES est soumise à un audit d’accréditation triennal du Conseil supérieur des écoles européennes, obligatoire en vue du renouvellement de l’agrément ([215]) et réputé pour son caractère scrupuleux. Cet audit porte notamment sur la pédagogie et le respect des curricula, l’organisation des politiques obligatoires de soutien et de support, la mise en œuvre d’actions de promotion de la dimension européenne, d’une politique d’orientation, ainsi que sur le niveau de diplôme et les qualités professionnelles des enseignants, tout particulièrement leurs capacités en langues.

L’EES scolarise 1 060 élèves de la maternelle jusqu’au baccalauréat européen, représentant 58 nationalités, dans trois sections linguistiques : francophone, anglophone et germanophone.

L’école est dirigée par un proviseur, assisté de deux directeurs adjoints pour l’école maternelle et primaire ainsi que pour le secondaire.

Les admissions des élèves sont arbitrées par une commission de sélection, qui rend ses décisions selon plusieurs critères :

– une priorisation liée à une scolarité antécédente dans une autre école européenne ;

– une priorisation de l’accès en fonction de l’existence de fratries ;

– un strict contrôle des capacités et connaissances linguistiques pour tous les élèves dès la catégorie B1 (cf. infra) dans une voire deux langues de travail en fonction des niveaux d’admission.

Les élèves candidats à l’admission sont classés selon six catégories d’appartenance, qui leur confèrent divers degrés de priorité (cf. infra).

iii.   L’école européenne de Lille Métropole (EELM)

Inaugurée sur un site provisoire à Marcq-en-Barœul à la rentrée scolaire 2019, l’EELM assurait alors les deux premiers niveaux de maternelle (M1 et M2), le premier niveau du cycle primaire (P1) et le premier niveau du cycle secondaire (S1). Le calendrier d’ouverture des classes doit s’étaler jusqu’à la rentrée scolaire 2025, année d’ouverture du dernier cycle du secondaire (S7). L’école déménagera sur son site définitif dès la rentrée 2023. L’offre pédagogique comprend deux sections linguistiques, anglophone et francophone.

La directrice de l’école est assistée par deux adjoints, l’un pour le premier degré et l’autre pour le second degré.

iv.   L’École européenne de Paris La Défense (EEPLD)

L’École européenne de Paris La Défense a ouvert ses portes à la rentrée scolaire 2019, afin d’accompagner le déménagement à La Défense, dans le contexte du Brexit, de l’Agence bancaire européenne (ABE), qui emploie 208 personnels.

Elle présente la particularité d’être établie sur deux sites, l’un pour les cycles maternel et primaire (site du Val Caron), le second pour le cycle secondaire, partagé avec le lycée Lucie Aubrac. Cohabitent ainsi sur un même site un EPLE classique et un EPLEI, situation qui devrait prendre fin en 2028 lorsque l’EEPLD intégrera ses locaux définitifs, qui accueilleront les élèves des trois cycles.

Comme son homologue lilloise, l’EELPD propose deux sections linguistiques, anglophone et francophone.

b.   Plusieurs académies et collectivités territoriales portent des projets d’EPLEI

i.   La Cité scolaire internationale de Marseille

Initialement souhaitée par l’académie Aix-Marseille, rejointe par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), le département des Bouches-du-Rhône et la Ville de Marseille, la Cité scolaire internationale Jacques Chirac, représentant un investissement de 100 millions d’euros, devrait être inaugurée à la rentrée scolaire 2024, sur un site de 27 000 m² dans le quartier d’Arenc (deuxième arrondissement de Marseille).

Sa construction a été présentée comme une nécessité par le conseil régional de la région PACA, dans sa délibération n° 18-373 du 29 juin 2018, considérant « que l’absence d’un établissement d’enseignement international à Marseille est une anomalie historique dans l’une des villes les plus cosmopolites de France (70 consulats présents à Marseille). Notre capitale régionale doit disposer d’un tel équipement pour conforter son attractivité et sa compétitivité économique, celles de la région, et plus globalement, améliorer les apprentissages linguistiques dans le système éducatif français ». Le conseil régional rappelle que la construction d’un établissement d’enseignement international est évoquée depuis vingt ans et en défend le principe, espérant l’émergence d’« un puissant vecteur de qualification de la jeunesse et de rayonnement international de la région ».

La structure pédagogique définie avec le rectorat permettra la scolarisation de 2 100 élèves (400 élèves en primaire, 700 collégiens et 900 à 1 000 lycéens) et cinq sections linguistiques devraient leur être proposées : anglais, allemand, espagnol, mandarin et arabe.

Au cours d’une conférence de presse tenue le 17 février 2021, le recteur de l’académie Aix-Marseille a promis que la nouvelle école serait accessible à tout élève marseillais « qui aura le niveau pour entrer » et que « cette cité a été conçue pour tous les élèves du territoire ».

La rapporteure Géraldine Bannier sera très attentive à la réalisation de cette promesse, la constitution d’un enseignement international d’excellence ne pouvant être dissocié, dans leur esprit, de la mixité sociale : tous les élèves, quelle que soit leur origine, doivent pouvoir en bénéficier. Or à ce stade, force est de constater que les deux ne vont pas de pair dans les EPLEI déjà constitués (cf. infra).

ii.   D’autres projets sont en cours de gestation

L’IGÉSR, dans son rapport précité, qualifie le développement des EPLEI de « dispositif confidentiel qui néanmoins a vocation à se développer, même modestement, pour répondre aux objectifs soit de faciliter l’accueil et l’intégration d’élèves étrangers dans le système scolaire français, soit de permettre aux élèves français un parcours international d’excellence linguistique et d’ouverture internationale et interculturelle, et de valoriser ce parcours ».

La mission de l’IGÉSR a étudié plusieurs EPLE, recrutant leurs élèves principalement sur secteur, offrant une formation internationale à travers des sections internationales ou binationales qui pourraient se transformer en EPLEI. C’est le cas de la cité scolaire internationale de Lyon, par exemple, dont la création a été décidée en 1988 pour accompagner la demande d’enseignement international et l’implantation d’Interpol dans la ville. Ouverte en 1992, l’école propose neuf sections internationales : anglaise, arabe, chinoise, espagnole, allemande (Abibac), italienne, japonaise, polonaise et portugaise.

Il s’agit également de la cité internationale du lycée Honoré de Balzac, dans le 17e arrondissement de Paris, qui comprend six sections internationales : allemande, anglaise, arabe, espagnole, italienne et portugaise. Sa transformation en EPLEI nécessiterait d’y adjoindre une école primaire, la cité internationale n’accueillant actuellement que des collégiens et des lycéens. Ce changement de statut aurait pour conséquence, selon l’IGÉSR, une diminution de la mixité sociale, afin de ne pas dépasser la proportion maximale d’élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat non assortis de l’option internationale ni préparés dans une section binationale, fixée à un tiers. En effet, en 2019-2020 sur 911 élèves scolarisés au collège, seulement 502 étaient scolarisés dans les sections internationales (55 %) et sur 950 élèves scolarisés au lycée, seulement 340 préparaient l’option internationale du baccalauréat (OIB) (36 %). Les élèves des EPLE non scolarisés en section internationale bénéficient aussi de l’environnement international de leur établissement scolaire, par les 5événements culturels qui s’y tiennent, par leurs contacts avec leurs camarades scolarisés en sections internationales, etc., et ont souvent des parents de PCS plus modestes.

Selon l’inspection, toutefois, « ces difficultés ne semblent pas insurmontables dans la mesure où l’académie de Paris paraît décidée à s’engager sans réserve dans son projet de créer deux EPLEI à Paris, le lycée Honoré de Balzac et le lycée Montaigne, pour répondre à la nécessité d’équité sur son territoire académique ».

De ce fait, certains EPLE devraient continuer, à court et à moyen terme, à proposer des sections binationales et internationales sans opter pour le statut d’EPLEI. La cité scolaire internationale de Ferney-Voltaire, par exemple, qui offre six sections internationales au collège et au lycée (allemande, britannique, espagnole, italienne, néerlandaise et suédoise), compte 40 % de collégiens et 60 % de lycéens suivant un cursus scolaire général. La rapporteure Géraldine Bannier exprime une préférence pour les solutions qui privilégient la mixité entre EPLE et EPLEI ou l’intégration de sections binationales et internationales au sein d’EPLE, la proximité de sections élitistes pouvant être bénéfiques pour tous.

Le rapporteur Jérôme Legavre se prononce pour la suppression des EPLEI qui sélectionnent les élèves. La politique de l’offre, appliquée à tous les niveaux du système éducatif, exacerbe la concurrence entre les établissements et renforce la ségrégation scolaire. Le rapporteur propose en revanche la création des options binationales et internationales dans tous les établissements afin de développer largement l’apprentissage des langues vivantes et d’en permettre l’accès à l’ensemble des élèves.

Recommandation n° 23 du rapporteur Jérôme Legavre : Supprimer le statut d’EPLEI.

B.   Le premier bilan du statut d’EPLEI : deux principaux points de vigilance

1.   Le recrutement des personnels enseignants, une difficulté non résolue à ce jour

a.   Les écoles européennes agréées doivent veiller au très haut niveau de compétence linguistique de leurs enseignants…

Le directeur de l’École européenne de Strasbourg (EES), M. Olivier Tedde, et la directrice de l’École européenne de Paris La Défense (EEPLD), Mme Valérie Ficara, ont fait part aux rapporteurs de leurs difficultés en matière de ressources humaines, déjà identifiées par l’IGÉSR dans son rapport de mai 2020.

Dans les écoles européennes agréées, les compétences linguistiques des enseignants sont vérifiées tous les trois ans dans le cadre de l’audit d’agrément. Les directeurs des écoles européennes doivent en principe recruter des personnels enseignants et d’éducation locuteurs natifs, pour l’enseignement des langues comme pour celui des autres matières. Dans une décision de 2018, le Conseil supérieur des écoles européennes a jugé que « l’introduction de règles concernant le contrôle du niveau des compétences linguistiques dans les cas de détachement ou de recrutement local d’enseignants qui ne sont pas des locuteurs natifs est une nécessité. Toutefois l’engagement d’un locuteur non natif devrait rester une réponse pragmatique et exceptionnelle à une situation de pénurie. » ([216])

De ce fait, les écoles européennes agréées recourent très fréquemment à des contractuels : 50 % des enseignants à l’EEPLD et 42 % à l’EES selon les données communiquées aux rapporteurs, proportions que le directeur et la directrice de ces établissements ont justifiées par la nécessité de recruter des enseignants natifs de langue 1. S’agissant de l’enseignement des langues étrangères L2, L3 et L4, un niveau C2 ([217]) est requis. Pour les disciplines non linguistiques, enfin, le Conseil supérieur des écoles européennes exige un niveau C1 pour les disciplines artistiques et un niveau C2 pour les matières scientifiques, l’histoire et la géographie.

b.   … cette exigence se heurtant à de réelles difficultés de recrutement

L’IGÉSR relève que « le recrutement de personnes qualifiées (niveau de diplômes, compétences pour enseigner) peine à aboutir. Les personnes recrutées ne connaissent pas les processus de gestion des contractuels de l’éducation nationale et auraient besoin d’être davantage accompagnées dans la période comprise entre la décision de recrutement et la signature du contrat, ce dernier étant souvent nécessaire à la signature d’un bail. Des candidats de qualité ont abandonné le poste proposé, faute de pouvoir réunir tous les documents nécessaires en temps et heure ».

Selon Mme Ficara et M. Tedde, la problématique des ressources humaines n’a pas été assez prise en compte lors de la création du statut d’EPLEI. M. Tedde a déploré la difficulté des écoles européennes à recruter des personnels spécifiques en dehors des viviers académiques ou nationaux et à proposer des parcours professionnels attractifs.

Les personnels contractuels ne peuvent être recrutés en contrat à durée indéterminée (CDI) qu’à l’issue de six ans de service, une durée excessive au regard des besoins des écoles européennes. Si les rapporteurs s’associent à la recommandation de l’IGÉSR d’identifier au niveau académique une personne chargée de suivre les recrutements nécessaires aux EPLEI, ils appellent le ministère de l’Éducation nationale à aller plus loin et à engager une réflexion sur les options envisageables en vue d’offrir de meilleures conditions de travail aux contractuels des EPLEI. Un statut spécifique pourrait être de nature à sécuriser leur parcours, notamment via une « CDIsation » plus précoce et, conformément à la loi, dans l’intérêt du service. Les professeurs associés, quant à eux, recrutés via le rectorat « pour apporter des compétences complémentaires à celles détenues par les agents d’un des corps de fonctionnaires relevant du ministre de l’éducation nationale » ([218]), ne peuvent pas être recrutés en CDI, même après six ans de service, cette possibilité étant exclue par l’article L. 932-2 du code de l’éducation.

Recommandation n° 24 de la rapporteure Géraldine Bannier : Engager une concertation sur les conditions de travail des contractuels au sein des EPLEI et sur l’opportunité d’un recrutement en CDI plus rapide.

2.   Enseignement international d’excellence pour tous ou pour quelques-uns ? La problématique de la mixité sociale

En préambule, les rapporteurs souhaitent affirmer leur intérêt pour le développement d’un enseignement plurilingue en France, à même de renforcer l’attractivité des collectivités territoriales qui les accueillent ainsi que l’esprit critique et la curiosité des élèves qui y suivent leur scolarité, au développement desquels les langues étrangères contribuent puissamment.

Cependant, ils s’interrogent sur la compatibilité entre le statut d’EPLEI et l’exigence de mixité sociale. Au cours des débats sur le projet de loi, en commission ([219]) comme en séance publique ([220]) la rapporteure Géraldine Bannier avait ainsi rappelé « l’importance de la mixité sociale pour servir l’égalité des chances » et son désir « de permettre à tous les enfants d’avoir accès aux langues vivantes ». Consciente que « les langues vivantes sont une inégalité de fait » et que « selon les familles, tout le monde n’a pas le même accès aux stages à l’étranger ou aux cours privés », elle avait déposé un amendement visant à ce que chaque EPLEI inscrive dans son projet d’établissement une stratégie de promotion en faveur des objectifs de mixité sociale, jugeant que les EPLEI devaient « accueillir des élèves de milieux divers, et ce, au bénéfice de tous » ([221]).

En dépit de son inscription dans la loi ([222]), la mixité sociale dans ces établissements apparaît aujourd’hui très faible, comme l’étude de l’indice de position sociale (IPS) ([223]) permet de le mesurer.

Indice de position sociale des EPLEI (rentrée scolaire 2022-2023)

 

Dans chacun des quatre EPLEI, l’IPS apparaît considérablement plus élevé que la moyenne départementale ou académique, signe d’une mixité sociale très faible.

Cette situation s’explique d’abord par les modalités de recrutement des élèves des écoles européennes.

Les critères d’admission des écoles européennes

Les commissions d’admission des écoles européennes fondent leurs décisions sur une classification des dossiers des enfants, en fonction de la catégorie d’appartenance des familles.

– catégorie A : enfants des personnels des agents et institutions de l’Union européenne ;

– catégorie B1 : enfants des personnels des agents et institutions européennes et internationales non communautaires, comme le Conseil de l’Europe ;

– catégorie B2 : enfants des personnels des représentants diplomatiques et consulaires ;

– catégorie B3 : enfants des familles résidant à Strasbourg dont l’un des parents exerce ses responsabilités à l’international ;

– catégorie B4 : enfants ayant comme langue maternelle unique ou partagée une langue européenne autre que le français ;

– catégorie B5 : enfants dont la famille a un projet de mobilité européenne ou un projet d’éducation conforme à l’esprit de l’enseignement des écoles européennes.

En application de l’article premier de la convention portant statut des écoles européennes, les enfants de catégorie A sont prioritaires sur les autres. Ils sont notamment dispensés de tests de compétences linguistiques. Pour les enfants des autres catégories, les tests sont obligatoires et déterminent leur admission, en fonction des places disponibles.

Comme l’a rappelé M. Olivier Tedde au cours de son audition, les écoles européennes agréées ont peu de marges de manœuvre, du fait de la priorité accordée aux élèves de catégorie A, qui représentent à l’EES 51 % des élèves scolarisés. Selon l’IGÉSR, « ces modalités très strictes ont pour conséquence de limiter très fortement la diversité du public scolaire ».

L’EES, dans le cadre d’un plan triennal, a toutefois décidé d’augmenter ses capacités d’accueil de 600 places, afin de recruter davantage d’enfants strasbourgeois des catégories B3, B4 et B5. La rapporteure Géraldine Bannier salue ce projet qui devrait permettre d’améliorer la mixité sociale de l’établissement et souhaite que les collectivités territoriales parties prenantes aux autres écoles européennes s’en inspirent : les EPLEI ne peuvent pas être des établissements « hors sol » mais doivent bénéficier à tous, y compris aux enfants du secteur.

Le caractère relatif, pour ne pas dire inexistant, de la mixité sociale, s’explique ensuite par la limitation au tiers des effectifs de l’établissement de la part d’élèves ne préparant pas l’option internationale du baccalauréat ou un baccalauréat binational. Une première mesure opérationnelle visant à accroître la mixité sociale au sein des EPLEI pourrait donc consister en un assouplissement de ce plafond, qui pourrait être fixé à 50 %.

Recommandation n° 25 de la rapporteure Géraldine Bannier : Relever la proportion maximale des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat non assortis de l’option internationale ou préparés dans une section binationale à la moitié des effectifs de l’établissement.

Enfin, la rapporteure Géraldine Bannier rappelle que le législateur a confié aux recteurs le contrôle de l’effectivité de la mixité sociale au sein des EPLEI. Comme l’a souligné l’IGÉSR, le ratio de 33 % d’élèves préparant les diplômes nationaux est « très souvent interprété comme un garde-fou favorisant la mixité » et doit être « relativisé ». L’inspection juge qu’il « ne garantit nullement la mixité s’il n’est adossé à la politique académique arrêtée en matière de recrutement des élèves ». La rapporteure Géraldine Bannier invite le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse à donner des directives claires aux recteurs, afin de favoriser le recrutement d’élèves sur secteur, notamment boursiers. Il convient également de définir, au niveau académique, une stratégie de remise à niveau et de soutien intensif pour tous les élèves, souvent issus de milieu modeste, qui ne satisferaient pas à la compétence exigée dans la langue de leur section.

Recommandation n° 26 de la rapporteure Géraldine Bannier : Rappeler aux recteurs leur obligation de veiller à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des EPLEI et définir une stratégie, accompagnée de moyens adaptés, pour que les élèves candidats à l’admission ne remplissant pas les conditions d’aptitude à suivre les enseignements dispensés dans la langue de la section bénéficient d’une remise à niveau.

II.   Le recours À l’expÉrimentation pÉdagogique

A.   La loi pour une école de la confiance a opéré une clarification du cadre juridique des expérimentations pédagogiques

1.   Les dispositions applicables aux expérimentations sont désormais regroupées dans un chapitre unique du code de l’éducation

a.   Le constat de 2019 : un cadre juridique obsolète

Avant l’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance, les dispositions législatives relatives à la recherche et aux expérimentations pédagogiques étaient dispersées dans deux livres différents de la deuxième partie du code de l’éducation, ce qui nuisait à la lisibilité du cadre juridique.

L’article L. 314-1 du code de l’éducation prévoyait des expériences de recherche pédagogique dans les établissements publics ou privés selon des conditions dérogatoires précisées par décret.

L’article L. 314-2 autorisait les établissements scolaires à déroger aux dispositions du code de l’éducation pour la réalisation d’expériences pédagogiques à durée limitée, dans des conditions définies par décret. Le cadre réglementaire distinguait des « établissements expérimentaux » et des « établissements chargés d’expérimentation », l’étude d’impact du projet de loi soulignant les « contraintes importantes » pesant sur les premiers : application de programmes de recherche décidés par le ministère de l’Éducation nationale, qualification d’établissements expérimentaux de plein exercice après enquête du ministère, accord du conseil d’administration et de la collectivité territoriale concernée, signature d’une convention avec une équipe de recherche, etc., tandis que le cadre applicable aux seconds était plus souple. Les rapporteures de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang, avaient qualifié ce cadre de « très formel » et « dépassé », relevant que ces dispositions n’étaient plus appliquées depuis 1994.

L’article L. 401-1, introduit dans le code de l’éducation par la loi n° 2005‑380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, autorisait les écoles et les EPLE à prévoir, dans leur projet d’école ou d’établissement, la réalisation d’expérimentations, pour une durée maximale de cinq ans, dans certains domaines limitativement énumérés : l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’utilisation des outils et des ressources numériques, l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements d’enseignement scolaire.

Ce dernier article posait le principe d’un bilan annuel des expérimentations pédagogiques par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) ([224]), que ce dernier n’a jamais réalisé.

Une actualisation des dispositions relatives aux expérimentations pédagogiques apparaissait donc nécessaire et la rapporteure Géraldine Bannier l’a soutenue lors des débats parlementaires.

b.   La loi pour une école de la confiance : un « toilettage » des dispositions relatives à la recherche et aux expérimentations pédagogiques visant à en faciliter l’application

Les dispositions législatives relatives à la recherche et aux expérimentations pédagogiques ont été regroupées par l’article 38 de la loi pour une école de la confiance au sein d’un chapitre unique du code de l’éducation : le chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation (articles L. 314-1 à L. 314-3).

L’article L. 314-1 précise désormais que, lorsque des travaux de recherche impliquent des expérimentations conduisant à déroger aux dispositions du code de l’éducation, ces dérogations sont mises en œuvre dans les conditions prévues à l’article L. 314-2. L’article 38 de la loi pour une école de la confiance a ouvert aux écoles la possibilité de mener des travaux de recherche.

L’article L. 314-2 comprend désormais les dispositions relatives à l’expérimentation de l’article L. 401-1, dont l’objet principal est la définition des modalités d’adoption et de la portée du projet d’école ou d’établissement. Ce dernier article a ainsi été amputé de ses deux derniers alinéas, déplacés à l’article L. 314-2.

Sur le fond, le champ des expérimentations a été élargi à de nouveaux domaines. La version initiale du projet de loi ajoutait deux champs supplémentaires :

– la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire, afin de permettre des aménagements à l’emploi du temps des élèves, par exemple en concentrant certains enseignements sur une partie de l’année. Le deuxième alinéa de l’article L. 314-2 précise que la périodicité des obligations réglementaires de service des enseignants concernés ne peut être modifiée, le cas échéant, qu’avec leur accord, garantie que les rapporteurs jugent utile et qui ne semble pas avoir posé de problèmes d’application dans le déploiement des expérimentations au sein des 71 écoles concernées par le plan « Marseille en grand » (cf. infra) ;

– les procédures d’orientation des élèves.

Deux nouveaux domaines d’expérimentation ont été ajoutés au cours de l’examen du projet de loi par le Parlement. À l’initiative de Mme Anne-Christine Lang, rapporteure, le champ des expérimentations pédagogiques a ainsi été élargi, en commission des affaires culturelles et de l’éducation, à :

– la liaison entre les différents niveaux d’enseignement, afin de limiter les ruptures dans la scolarité des élèves et assurer un continuum tout au long de la scolarité, de la maternelle au baccalauréat ([225]). La rapporteure souhaitait ainsi encourager les échanges d’enseignants, les mises en commun d’enseignements et la conduite de projets éducatifs par des classes de différents établissements ;

– la participation des parents d’élèves à la vie de l’école ou de l’établissement, afin de favoriser les initiatives visant à promouvoir cette participation ([226]). Sur ce point, la rapporteure Géraldine Bannier souhaite rappeler que si les parents d’élèves, usagers du service public de l’éducation, ont naturellement vocation à s’impliquer dans l’organisation et le fonctionnement des écoles et des établissements scolaires, notamment via les conseils d’école et d’administration ou lors de campagnes annuelles d’évaluation conduites par le Conseil d’évaluation de l’école (CEE), les considérations pédagogiques relèvent des seules équipes enseignantes : chaque membre de la communauté éducative doit rester dans son rôle.

 

En outre, un amendement de la rapporteure a prévu, avant la mise en œuvre d’une expérimentation, une concertation obligatoire avec les équipes pédagogiques, afin de s’assurer que les expérimentations recueillent l’adhésion des personnels concernés, c’est-à-dire les enseignants dans la grande majorité des cas ([227]).

Les députés ont également souhaité, en séance publique, systématiquement associer les collectivités territoriales à la définition des grandes orientations des expérimentations ainsi qu’à leurs déclinaisons territoriales ([228]). En pratique, les collectivités territoriales sont informées des projets d’expérimentation les concernant par le directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) ([229]).

Un amendement portant article additionnel, présenté par M. Bruno Studer, alors président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et adopté en séance publique, a complété le chapitre du code de l’éducation relatif à la recherche et aux expérimentations pédagogiques par un article L. 314-3, prévoyant que les résultats des travaux de recherche en matière pédagogique et d’expérimentations sont aisément accessibles à des fins statistiques et de recherche dans le champ de l’éducation ([230]). Il ouvre la possibilité, pour les établissements où ont lieu des expérimentations, d’inviter un chercheur à siéger au sein du conseil d’école ou du conseil d’administration, sans bénéfice du droit de vote, pour la durée des expérimentations.

La durée maximale des expérimentations pédagogiques n’a pas été modifiée par la loi et demeure fixée à cinq ans.

Enfin, l’article L. 314-2 prévoit que les modalités d’évaluation des expérimentations pédagogiques et de leur éventuelle reconduction sont fixées par décret.

B.   Un nouveau dispositif réglementaire plus souple et prévoyant une évaluation systématique des expérimentations

Le décret n° 2019-1403 du 18 décembre 2019 ([231]) a fixé le nouveau cadre applicable aux recherches et aux expérimentations pédagogiques (articles D. 314-1 à D. 314-7 du code de l’éducation).

 

L’article D. 314-1 prévoit, pour les recherches effectuées au sein des écoles et des établissements, la signature d’une convention entre, d’une part, le Dasen, s’agissant d’une école, ou le chef d’établissement, s’agissant d’un EPLE et, d’autre part, le responsable de chacune des institutions apportant son concours. La convention précise l’objet des recherches et définit les modalités de collaboration entre les signataires. Elle est soumise, préalablement à sa signature, à la consultation des équipes pédagogiques concernées et à l’accord des autorités académiques.

Les articles D. 314-2 et D. 314-4 définissent les modalités de présentation, d’adoption, de mise en œuvre et d’évaluation des expérimentations pédagogiques, suivant quatre étapes :

 la présentation du projet d’expérimentation par le directeur d’école ou le chef d’établissement, sur proposition des équipes pédagogiques. Le projet doit faire l’objet d’une concertation au sein du conseil d’école ou du conseil pédagogique. Il précise le périmètre de l’expérimentation, sa durée, l’équipe responsable, le diagnostic initial porté sur la situation pédagogique ou éducative, les objectifs visés et les éventuels partenaires impliqués. Il comporte obligatoirement un protocole d’évaluation qui précise les indicateurs retenus pour mesurer les effets produits, les modalités de recueil des données, l’élaboration de bilans réguliers et d’un rapport final ;

– la transmission du projet d’expérimentation au Dasen en vue de son approbation ;

– l’adoption du projet d’expérimentation par le conseil d’école ou par le conseil d’administration ;

– l’information des représentants légaux des élèves des objectifs, puis des résultats, de l’expérimentation.

Aux termes de l’article D. 314-3, l’évaluation des expérimentations pédagogiques est menée sous l’autorité du recteur d’académie, dans les conditions fixées par le protocole d’évaluation, avec l’appui des corps d’inspection et, le cas échéant, de chercheurs désignés à cet effet. Les résultats des expérimentations sont présentés au conseil d’école ou au conseil d’administration, puis remis aux autorités académiques. Lorsque l’expérimentation est évaluée positivement par le recteur d’académie, ce dernier peut décider, sous réserve de l’accord du conseil d’école ou du conseil d’administration, de la reconduire pour une nouvelle période de cinq ans au plus, selon la procédure décrite supra.

Des expérimentations peuvent également être engagées au niveau national. Le ministre de l’Éducation nationale en définit les grandes orientations après consultation du Conseil supérieur de l’éducation. Ne peuvent y participer que les écoles et les établissements scolaires dont l’accord du conseil d’école ou du conseil d’administration a été formulé (article D. 314-4).

Enfin, l’article D. 314-7 charge les recteurs de la production annuelle d’un bilan des recherches et des expérimentations conduites dans les écoles et les établissements de leur territoire.

C.   La simplification du recours aux expérimentations a produit les effets attendus par le projet de loi : faciliter le recours à l’expérimentation

1.   Le dynamisme des expérimentations a été confirmé et amplifié par la réforme de 2019

Un an après l’introduction dans le code de l’éducation de l’article L. 401-1, fixant le cadre applicable aux expérimentations pédagogiques, une mission de valorisation des innovations pédagogiques a été créée au sein de la sous-direction des écoles, des collèges et des lycées généraux et technologiques ([232]). Cette mission a été intégrée à la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) en juin 2010, devenant le département de la recherche et du développement, de l’innovation et de l’expérimentation (DRDIE).

L’innovation et l’expérimentation pédagogiques : le plan « Marseille en grand »

La distinction entre l’innovation et l’expérimentation, qui visent toutes deux à améliorer le service public de l’éducation, n’est pas toujours aisée à établir. La première résulte de la mise en œuvre de la liberté d’organisation des enseignants et n’est pas régie par des dispositions légales spécifiques. L’expérimentation, quant à elle, déroge, pour une durée limitée et sous le contrôle des autorités académiques, aux règles en vigueur du code de l’éducation. Le lancement du plan « Marseille en grand », souvent qualifié d’ « expérimentation marseillaise », illustre la confusion souvent à l’œuvre dans l’appréciation de ces deux notions.

L’une des mesures de ce plan, présenté par le Président de la République en septembre 2021 et en cours de déploiement dans la cité phocéenne, sous la supervision de l’académie d’Aix-Marseille, consiste en la mise en place d’un réseau d’écoles innovantes. Les deux autres mesures du plan sont, d’une part, le financement d’un effort de rénovation de 174 écoles marseillaises à hauteur de 1,2 milliard d’euros, dont 400 millions d’euros par l’État, et la création de 20 nouvelles structures de retour à l’école (10 micro-lycées et 10 micro-collèges). Comprenant initialement 59 écoles, le réseau d’écoles innovantes en compte actuellement 75. Avec l’aide des conseillers pédagogiques et de l’académie, les équipes pédagogiques des écoles ont défini des projets innovants et ont bénéficié pour leur mise en œuvre de moyens financiers (près de 3 millions d’euros au total), notamment destinés à l’achat de matériel et à l’intervention de professionnels extérieurs. Les thématiques retenues sont diverses : développement de l’apprentissage des langues vivantes, de l’activité physique et sportive, partenariats avec des associations, etc. Certains projets étaient déjà en gestation voire mis en œuvre avant l’annonce du plan, ce dernier ayant pu les conforter. L’école maternelle du Parc des Chartreux, par exemple, mène depuis 2011 une expérimentation proposant des rencontres tout au long de l’année scolaire entre les élèves de l’école et les résidents de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes Notre-Dame. Plus de la moitié des écoles innovantes développent des « classes flexibles », qui visent à mieux prendre en compte le besoin de mouvement des élèves via un mobilier spécifique.

Les représentants de l’académie d’Aix-Marseille, auditionnés par les rapporteurs, ont précisé que les projets conduits dans le cadre du plan « Marseille en grand » relevaient de l’innovation pédagogique et non de l’expérimentation dérogatoire définie par l’article L. 314-2 du code de l’éducation. Ils ont par ailleurs souligné que l’innovation et l’expérimentation poursuivaient, malgré un cadre juridique différent, les mêmes objectifs.

Le Fonds d’innovation pédagogique, présenté par le Président de la République en août et doté de 500 millions d’euros afin de soutenir, au niveau national, des projets innovants et expérimentaux, s’appuie sur la méthode expérimentée à Marseille.

La rapporteure Géraldine Bannier salue les importants moyens accordés aux écoles innovantes, dont une proportion importante relève de l’éducation prioritaire (81 % des 59 écoles innovantes initiales, selon l’académie d’Aix-Marseille). Elle souhaite que la même philosophie soit à l’œuvre dans l’allocation des crédits du Fonds d’innovation pédagogique, tout en veillant à ne jamais oublier les établissements les plus en besoin qui doivent rester prioritaires, quand bien même les équipes pédagogiques n’auraient pas intégré le réseau mis en place. L’innovation n’est qu’un facteur parmi d’autres, jamais suffisant à lui seul, de la progression des élèves.

Le rapporteur Jérôme Legavre, pour sa part, bien qu’il ne puisse que se réjouir des financements accordés aux écoles participant au plan « Marseille en grand », constate que les autres écoles maternelles et primaires de l’académie, non parties à l’expérimentation, ne bénéficient pas des mêmes moyens, cette différence de traitement, inégalité de fait, favorisant la mise en concurrence des écoles. Le lieu naturel de l’innovation est la salle de classe, où s’exerce la liberté pédagogique des enseignants. Dès lors, plutôt que de distribuer des moyens conditionnés à la mise en œuvre de projets innovants ou expérimentaux, intéressants mais loin d’être prioritaires au vu de l’état de l’école publique, le rapporteur invite le Gouvernement à accorder les mêmes moyens, en premier lieu humain, à l’ensemble des écoles publiques : l’école de la République doit traiter de la même façon l’ensemble des usagers du service public de l’éducation. Le rapporteur estime ainsi que ce « chantage aux moyens », pour reprendre une expression entendue lors de l’audition de syndicats, doit cesser.

Le DRDIE, comptant en 2019 sept agents et transformé, après la promulgation de la loi pour une école de la confiance, en bureau de l’innovation pédagogique (BIP), est chargé de mener des partenariats avec des équipes de recherche afin d’enrichir les pratiques pédagogiques. Il organise la journée nationale de l’innovation ([233]), qui se tient chaque année dans une académie différente et permet à l’ensemble des acteurs de l’éducation (enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs, etc.) d’échanger sur les projets en cours et leurs résultats. En outre, le BIP pilote et anime le réseau des conseillers académiques recherche-développement, innovation et expérimentation (Cardie).

Le réseau des conseillers académiques recherche-développement, innovation et expérimentation (Cardie)

Les Cardie sont présents dans toutes les académies afin de soutenir et d’accompagner les projets d’innovation ou d’expérimentation des écoles et des établissements scolaires, en délivrant des informations et des conseils aux équipes pédagogiques.

Chargés du suivi des innovations et des expérimentations, les Cardie veillent au respect des règles applicables en la matière et recensent les pratiques innovantes susceptibles d’être diffusées dans d’autres écoles et établissments scolaires.

Les Cardie recensent et valorisent les projets innovants et les expérimentations sur la base nationale Innovathèque, qui a remplacé le portail Expérithèque après l’adoption de la loi pour une école de la confiance. L’ensemble des actions innovantes et expérimentales conduites à l’échelle académique, interacadémique et nationale y sont accessibles aux personnels de l’Éducation nationale.

2.   Si les expérimentations académiques sont en stagnation, celles déployées dans les écoles et les établissements scolaires sont en hausse par rapport à 2019

a.   Les expérimentations académiques : un dynamisme à confirmer dans la durée

La Dgesco recense chaque année dans une enquête nationale les expérimentations académiques déployées sur l’ensemble du territoire. Cette enquête ne comptabilise que les expérimentations académiques, c’est-à-dire initiées par le recteur et déployées dans plusieurs écoles ou établissements scolaires à l’échelle d’une académie, voire de plusieurs académies.

Nombre d’expérimentations académiques par année scolaire

 

Expérimentations

Académies répondantes

2015-2016

61

non renseigné

2016-2017

97

non renseigné

2017-2018

154

26

2018-2019

300

non renseigné

2019-2020

150

27

2020-2021

109

20

Source : enquêtes annuelles de la Dgesco

L’année scolaire 2020-2021 est décrite par la Dgesco comme une année exceptionnelle, les résultats portant sur vingt académies, onze académies n’ayant pas déclaré d’expérimentations pour l’année considérée. Le faible taux de réponse, qui peut s’expliquer par l’impact de la crise sanitaire, rend ainsi difficiles les comparaisons avec les années précédentes. La Dgesco relève cependant que le nombre d’expérimentations envisagées en début d’année était supérieur aux années précédentes. Parmi les 109 expérimentations, seules 34 ont été déclarées comme expérimentations dérogatoires relevant de l’article L. 314-2 du code de l’éducation.

En 2020-2021, les 109 expérimentations académiques, majoritairement déployées dans les écoles et concernant 142 977 élèves, se répartissaient inégalement sur le territoire. Si la moyenne observée était de 3,5 expérimentations par académie, certaines académies se démarquaient : 24 expérimentations dans l’académie de Nancy-Metz, 9 expérimentations dans les académies d’Aix‑Marseille, Bordeaux, Lille et Versailles et 7 dans celles de Besançon et Poitiers. Les expérimentations avaient pour principales thématiques les apprentissages fondamentaux, la confiance, le bien-être et le climat scolaires, ainsi que la formation des enseignants et le numérique.

b.   Les expérimentations pédagogiques déployées dans les écoles et les établissements scolaires : un dynamisme inégal selon les domaines

Selon les éléments exposés par les rapporteures de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi, le portail Expérithèque, devenu depuis Innovathèque, abritait début 2019 un stock d’environ 5 000 projets expérimentaux et innovants.

Au 23 mai 2022, Innovathèque recensait 7 828 projets en cours, dont 1 994 expérimentations. Parmi ces dernières, 650 ont débuté depuis 2019 et 105 ont été lancées en 2023. Les apprentissages fondamentaux demeurent le thème le plus souvent mis en avant par les expérimentations ([234]) (1 115 projets), suivi par l’évaluation des élèves (594 projets), le bien-être à l’école (415 projets) et la lutte contre le décrochage scolaire (360 projets).

Les écoles et les établissements scolaires se sont inégalement saisis des quatre nouveaux domaines d’expérimentation autorisés par la loi pour une école de la confiance, le portail recensant seulement 6 expérimentations ayant pour thème l’aménagement du temps scolaire, 43 expérimentations dans le domaine de la co-éducation école-famille, 52 expérimentations dans le domaine de l’orientation, 149 expérimentations dans le domaine des liaisons inter-degrés et inter-cycles.

La rapporteure Géraldine Bannier invite les autorités académiques et la Dgesco à prêter une attention plus soutenue aux modalités d’évaluation des projets expérimentaux, plusieurs personnes auditionnées ayant relevé l’insuffisance des protocoles et le manque de temps consacré à la démarche évaluative.

Recommandation n° 27 de la rapporteure Géraldine Bannier : Veiller à ce que les académies évaluent systématiquement les expérimentations pédagogiques et rendent publics les bilans annuels. Intégrer une synthèse de ces bilans au sein de l’enquête nationale sur les expérimentations académiques de la Dgesco.

La rapporteure Géraldine Bannier soutient la liberté des équipes pédagogiques d’initier des projets innovants ou expérimentaux et souhaite qu’ils soient dûment évalués par les autorités académiques, tout particulièrement lorsque des moyens spécifiques sont accordés aux écoles et EPLE afin d’accompagner leur déploiement. Le développement de partenariats avec des associations, des collectivités, peut bénéficier aux élèves, la rapporteure soulignant cependant que les intervenants extérieurs ne doivent en aucun cas se substituer aux équipes pédagogiques. En matière d’éducation physique et sportive (EPS), par exemple, l’intervention d’associations sportives dans les écoles résulte parfois de l’insuffisance de l’offre de formation continue à destination des professeurs des écoles. Selon la rapporteure, les moyens spécifiques accordés aux écoles et aux établissements scolaires afin d’accompagner le déploiement de ces projets doivent bénéficier en priorité aux écoles relevant de l’éducation prioritaire (REP et REP +).

 

 

Le rapporteur Jérôme Legavre juge problématique que les écoles et les établissements scolaires décidant de mettre en œuvre des projets innovants ou expérimentaux bénéficient de moyens supplémentaires par rapport aux autres. S’il n’est pas partisan de l’uniformité, qui n’a d’ailleurs jamais existé, et s’il est favorable par principe au droit de chaque enseignant, dans le cadre de sa liberté pédagogique, à expérimenter de nouvelles pratiques, il estime que l’attribution de moyens différents selon les projets d’école ou d’établissement risque de créer à terme une « école à géométrie variable ». Attaché au cadre national de l’école républicaine, le rapporteur souhaite l’abandon de cette logique.

III.   Le conseil d’Évaluation de l’École

A.   À l’origine de la création du conseil d’évaluation de l’école : introduire une culture de l’évaluation dans le système éducatif français

La création du Conseil d’évaluation de l’école (CEE) résulte de l’article 40 de la loi pour une école de la confiance, qui a modifié le chapitre Ier bis du titre IV du livre II de la première partie du code de l’éducation (articles L. 241-12 à L. 241‑15) relatif au Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Les articles de ce chapitre, dans leur rédaction résultant de la loi, définissent les missions, la composition et le fonctionnement du CEE. Le Cnesco, quant à lui, poursuit ses travaux au sein du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

L’origine de la création de ce nouvel organe est à rechercher dans le constat partagé par plusieurs acteurs (Cour des comptes, Gouvernement, parlementaires, OCDE, Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, etc.) de l’insuffisance de l’évaluation des établissements, considérée comme une exception française dans un contexte de généralisation de l’évaluation dans les pays de l’Union européenne.

1.   Le projet de loi a entendu renforcer l’évaluation des écoles et des établissements scolaires, sur le modèle de pays européens

a.   Plusieurs rapports ont préconisé de renforcer et de mieux structurer la fonction d’évaluation du système éducatif français

i.   L’évaluation du système éducatif français continue de reposer sur une pluralité d’acteurs

Les acteurs de l’évaluation dans le domaine de l’éducation sont multiples et la création du CEE, sans mettre fin à leurs responsabilités, visait à systématiser la démarche évaluative dans les établissements, via des évaluations régulières et cohérentes sur le plan méthodologique.

Le chapitre III du titre II de l’étude d’impact du projet de loi, consacré à « l’évaluation au service de la communauté éducative », recensait les différents acteurs participant aux évaluations du système scolaire :

– la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) : consacrée service statistique du ministère de l’Éducation nationale, la Depp joue un rôle majeur dans l’évaluation des politiques publiques éducatives. Outre sa mission de production de statistiques sur le système éducatif, la Depp conduit régulièrement des études rigoureuses et reconnues sur la performance de l’Éducation nationale, les résultats scolaires et les pratiques pédagogiques, l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, etc. ;

– l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ([235]) est chargée par la loi ([236]) de procéder à des évaluations départementales, académiques, régionales et nationales, prenant en compte les expériences pédagogiques afin de connaître les pratiques innovantes. L’IGÉSR établit un programme de travail annuel portant, d’une part, sur des thématiques qu’elle détermine elle-même et, d’autre part, sur des thématiques définies par les ministres compétents. Ses rapports procèdent ainsi à l’évaluation de nombreuses politiques publiques éducatives. Ils comprennent souvent des recommandations et participent ainsi pleinement de l’évaluation du système éducatif français ;

– la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) : chargée de l’élaboration et du suivi des politiques publiques en matière d’enseignement scolaire et de pédagogie, la Dgesco en évalue certains aspects, en application du principe général défini à l’article L. 211-1 du code de l’éducation, selon lequel l’État assume « le contrôle et l'évaluation des politiques éducatives, en vue d'assurer la cohérence d'ensemble du système éducatif » ;

– les organisations internationales, telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui conduit l’enquête généraliste rattachée au programme international pour le suivi des acquis des élèves de quinze ans (enquête PISA), ou l’Association internationale pour l’évaluation des résultats scolaires, qui mesure les résultats des élèves dans différentes matières, comme les mathématiques et les sciences (TIMSS) ([237]) ou la maîtrise de la lecture (PIRLS) ([238]) ;

– les académies, enfin, chargées de l’évaluation des établissements.

 

Le Cnesco, créé en 2013 ([239]) en substitution du Haut conseil de l’école (HCE), a été chargé par la loi de l’évaluation de l’organisation et des résultats de l’enseignement scolaire. Si le Gouvernement, dans l’étude d’impact, saluait l’action du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), il estimait dans le même temps que « son positionnement ne lui a pas permis de diffuser, au sein du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, une véritable culture de l’évaluation ni de coordonner les différents acteurs de l’évaluation au sein du ministère ». Ce constat a été partagé par les rapporteures du projet de loi à l’Assemblée nationale ([240]).

La création du CEE visait ainsi à installer durablement dans le paysage institutionnel un coordonnateur des travaux d’évaluation du système éducatif français.

ii.   Un défaut de coordination et de cadrage national de la politique d’évaluation

Ce défaut de coordination et de cadrage général a été souligné par plusieurs rapports, notamment par l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN) et l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (Igaen), qui ont constaté que si la mesure des acquis des élèves et des résultats du système éducatif français, notamment à travers les enquêtes internationales, s’était imposée au sein du ministère, il n’en allait pas de même pour l’évaluation des établissements eux-mêmes, celle-ci relevant de la seule initiative des académies ([241]). Analysant les pratiques d’évaluation des établissements, leurs objectifs et leurs méthodes, les deux inspections ont conclu à l’absence « d’évaluation systématique, régulière et cadrée des établissements scolaires en France ». Elles ont relevé une certaine méfiance des personnels vis-à-vis de l’évaluation des établissements, partagée par les rapporteurs de la mission d’évaluation, attachés au modèle républicain excluant tout classement et mise en concurrence des établissements scolaires. Selon l’IGEN et l’Igaen, si plusieurs académies avaient fait preuve de volontarisme en matière d’évaluation, rares étaient les dispositifs ayant été appliqués dans la durée, procédant à une analyse exhaustive des établissements scolaires et associant auto-évaluation et évaluation externe.

À la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a mené une enquête sur l’organisation et l’utilisation de la fonction d’évaluation au sein du ministère de l’Éducation nationale, qui a produit des conclusions similaires au rapport précité. Dans son rapport ([242]), la Cour constate un « éclatement des dispositifs d’évaluation », qui « aurait dû conduire à un système ordonné. Or la volonté d’organiser cette fonction primordiale avec clarté et selon des modalités pérennes a fait défaut ». Appelant à revoir l’architecture de l’évaluation du système scolaire, la Cour recommandait de revoir le cadre juridique et les moyens attribués au Cnesco, ainsi que de préciser son articulation avec l’Inspection générale et les directions du ministère.

Dans leur rapport ([243]), les rapporteurs du CEC appelaient pour leur part à renforcer les outils d’évaluation du système éducatif et à mettre en cohérence les instances ministérielles chargées de l’évaluation. Ils relevaient le caractère pratiquement inexistant de l’évaluation des établissements, rejoignant en cela les conclusions de l’Igen et de l’Igaen, celles-ci constatant l’émergence d’un modèle européen d’évaluation des établissements, reposant sur un cadre méthodologique commun et structuré autour de trois phases : l’analyse préalable de données statistiques et de questionnaires, la visite de la structure, et la restitution de l’évaluation (rédaction d’un rapport). Les rapporteurs du CEC appelaient ainsi à mettre en place une évaluation systématique des établissements, adossée au projet d’école ou au projet d’établissement ([244]) (cf. infra), prenant en compte toutes les dimensions de la vie scolaire (résultats scolaires, bien-être des élèves, relations entre les différents acteurs, gouvernance) et associant auto-évaluation et évaluation externe. Pour ce faire, ils proposaient de confier au Cnesco la régulation de l’évaluation du système scolaire, via l’établissement d’un programme pluriannuel d’évaluation, une consultation obligatoire sur les évaluations et les nouveaux outils envisagés par le ministère et l’augmentation de ses effectifs et de ses moyens de fonctionnement.

b.   La montée en puissance de l’autonomie des établissements scolaires

i.   L’autonomisation des établissements scolaires

L’étude d’impact du projet de loi présentait l’évaluation régulière des établissements scolaires comme le corollaire de leur autonomie accrue. Le renforcement de leur autonomie constituait une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, dont l’objectif n° 6 du programme pour l’éducation ambitionnait de « renforcer et encourager l’autonomie des établissements pour favoriser l’adaptation aux besoins de leurs élèves et aux situations locales et stimuler l’innovation. » L’octroi par l’État aux chefs d’établissement de « davantage de liberté dans l’élaboration de leur projet pédagogique » devait ainsi s’accompagner d’une contrepartie : « une responsabilisation accrue et une évaluation plus régulière ».

De fait, les marges de manœuvre des établissements scolaires se sont accrues depuis plusieurs décennies. Les collèges et les lycées, en acquérant le statut d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) ([245]), sont devenus des entités juridiques dotées d’une autonomie administrative et pédagogique.

Comme le soulignent l’Igen et l’Igaenr dans leur rapport précité, « cette autonomie de l’établissement ne saurait d’ailleurs être réduite à une autonomie administrative. Elle est une autonomie administrative et pédagogique qui inclut bien des décisions, notamment en matière d’organisation des enseignements et d’utilisation des dotations horaires, décisions qui doivent être sous-tendues par des choix pédagogiques. »

Si les écoles et les établissements scolaires disposent de marges de manœuvre importantes ([246]), la prise de conscience quant à l’existence de celles-ci est encore, selon le CEE, « balbutiante » ([247]). Les écoles ont ainsi des décisions à prendre sur la constitution des classes (double niveau ou plus, classes en parallèle), sur la mise en place et l’organisation des activités pédagogiques complémentaires (APC), les progressions de cycle et les programmations, la gestion des ressources humaines, les projets pédagogiques et culturels, l’orientation professionnelle des élèves, etc. Les établissements disposent librement d’une partie de la dotation horaire et bénéficient ainsi d’une liberté pédagogique réelle.

Les écoles, pour leur part, ne se sont pas vues reconnaître un statut juridique similaire à celui des collèges et des lycées. Néanmoins, la reconnaissance de leurs marges de manœuvre a été inscrite dans la loi, le VI de l’article L. 411-2 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, prévoyant que « le directeur administre l’école et en pilote le projet pédagogique ».

L’accroissement de l’autonomie et des marges de manœuvre des écoles et des établissements scolaires trouve son aboutissement dans l’obligation de rédiger un projet d’école ou un projet d’établissement.

ii.   Le projet d’école et le projet d’établissement

L’adoption par chaque école et établissement scolaire public d’un projet d’école ou d’établissement a été prévue par la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation. Désormais codifié à l’article L. 401-1 du code de l’éducation, ce projet « définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et précise les activités scolaires et périscolaires qui y concourent. Il précise les voies et moyens qui sont mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin. Il détermine également les modalités d’évaluation des résultats atteints. »

Le projet d’école ou d’établissement est élaboré avec les représentants de la communauté éducative et adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d’école ou le conseil d’administration. Il s’agit d’adapter l’organisation scolaire et pédagogique aux caractéristiques particulières des élèves de l’établissement.

Dans un récent rapport consacré à la portée du projet d’établissement ([248]), la Cour des comptes a relevé que seule la moitié des établissements s’étaient effectivement dotés d’un projet d’établissement, « et, parmi ceux qui le sont, la qualité de la démarche et la portée du document sont très inégales ».

Sur le principe, les rapporteurs ne sont pas opposés à la définition par les enseignants, dans le cadre de leur liberté pédagogique, de modalités particulières de mise en œuvre des orientations scolaires nationales : l’unité n’est pas synonyme d’uniformité. Cependant, ils constatent que la différenciation croissante des établissements scolaires n’a pas nécessairement fait ses preuves en matière de résultats scolaires et ils réaffirment leur attachement à un cadre national applicable à tous, sans exception. Par ailleurs, les différentes réformes qui se sont succédé ont multiplié les obligations pesant sur les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques, au point que beaucoup se déclarent surmenés ou démotivés. À titre d’exemple, une grande enquête « école et métier » menée en 2022 par le SNUipp-FSU auprès de 24 000 professeurs des écoles et 2 000 AESH ([249]) a mis en évidence un surmenage de ces personnels, 63 % d’entre eux se déclarant « pas satisfait » de leur temps de travail au sein de l’école (en classe et hors classe), 76 % de leur charge de travail et 89 % de la place des tâches administratives.

Une autre enquête du même syndicat sur le temps de travail des professeurs des écoles, réalisée du 14 au 19 mars 2023 et ayant recueilli 30 124 réponses ([250]), a conclu à une sous-évaluation du temps consacré aux 108 heures d’obligations de service : 96 % des professeurs des écoles consacrent un temps de travail supérieur aux 48 heures prévues pour les temps de concertation avec les partenaires de la communauté éducative, 52,5 % déclarent que la préparation et la participation aux conseils d’école les mobilisent davantage que les 6 heures prévues, 50,6 % déclarent consacrer un temps de travail supérieur aux 18 heures prévues pour l’animation et les sessions de formation continue et 37 % constatent un temps de travail dédié aux activités pédagogiques complémentaires (APC) supérieur aux 36 heures réglementaires.

Les enseignants du second degré, pour leur part, effectuent un temps de travail hebdomadaire médian de 43 heures, soit 3 heures de plus que les cadres A de la fonction publique ([251]).

Sans remettre en cause la capacité des écoles et des établissements scolaires à s’adapter aux spécificités de leurs élèves, les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité du caractère obligatoire des projets d’école ou d’établissement. Le conseil d’école et le conseil d’administration sont les lieux naturels du dialogue entre les membres de la communauté éducative, compétents pour prendre des décisions pédagogiques et élaborer, s’ils le souhaitent, un projet pédagogique formalisé ou procéder à un examen contextuel. Par ailleurs, les rapporteurs s’interrogent sur la recommandation n° 5 du rapport précité de la Cour des comptes, qui propose de « laisser à la main du chef d’établissement une enveloppe permettant de valoriser l’investissement d’enseignants au regard des objectifs du projet d’établissement » : cette recommandation leur semble peu compatible avec la construction d’une véritable école de la confiance. Il apparaît problématique de critiquer un supposé manque d’engagement des EPLE dans la construction d’un projet d’établissement, alors même que les enseignants souffrent d’un manque de reconnaissance, particulièrement financière, de leur temps de travail effectif. Ce temps de travail, grignoté au fil des ans par des tâches administratives accrues, mériterait d’être avant tout consacré aux élèves et aux échanges au sein des équipes.

Enfin, le contenu des projets d’établissement examinés par la Cour des comptes paraît « souvent limité à l’expression de grands principes éducatifs consensuels, sans réelles pistes de mise en œuvre opérationnelle et sans indicateurs permettant d’en assurer le suivi », et peu d’enseignants semblent convaincus par son impact sur l’enseignement scolaire ou les résultats des élèves.

La démarche d’évaluation des écoles et des établissements scolaires, reposant sur une phase d’auto-évaluation et une phase d’évaluation externe, est censée s’articuler autour de la préparation ou de l’actualisation du projet d’école ou d’établissement, selon un cadre méthodologique défini par le CEE, qui veille à la cohérence des évaluations.

2.   Le CEE : une institution chargée de veiller à l’effectivité de la nouvelle démarche d’évaluation dans les écoles et établissements scolaires

a.   Le renforcement de l’indépendance du CEE au cours de la navette parlementaire et la transformation du Cnesco

i.   Si l’option d’une autorité administrative indépendante a été écartée, le CEE n’en demeure pas moins une institution dont l’indépendance est garantie par la loi

L’option de la création par la loi d’une autorité administrative indépendante n’a pas été retenue par le Gouvernement et le Parlement, l’étude d’impact du projet de loi avançant la nécessité de « placer la nouvelle instance au cœur du ministère afin de tenir pleinement son rôle de coordonnateur de l’évaluation auprès des différents acteurs ministériels impliqués ».

En cela, le Gouvernement suivait la recommandation de la Cour des comptes qui avait préconisé, en 2017, de revoir l’architecture de l’évaluation du système scolaire, tout en écartant le statut d’autorité administrative indépendante, ne jugeant pas ce dernier nécessaire « à partir du moment où des modalités propres à garantir concrètement l’exercice indépendant de ses missions [seraient] mises en œuvre ».

L’indépendance du CEE est effectivement garantie par le premier alinéa de l’article L. 241-12 du code de l’éducation, ainsi que par sa composition ([252]). Cette dernière a concentré une partie importante des débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat, de nombreux parlementaires craignant que le large pouvoir de nomination du ministre chargé de l’Éducation nationale ne nuise à l’indépendance fonctionnelle de la nouvelle instance et, in fine, à la qualité de ses travaux.

La composition du CEE

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le CEE comptait douze membres :

– quatre personnalités choisies par le ministre chargé de l’Éducation nationale pour leur compétence en matière d’évaluation ou dans le domaine éducatif ;

– deux députés et deux sénateurs ;

– quatre représentants du ministre chargé de l’Éducation nationale.

À l’issue de la navette, le CEE comprenait treize membres :

– deux personnalités désignées par le Président de l’Assemblée nationale en dehors de ses membres, après avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ;

– deux personnalités désignées par le Président du Sénat en dehors des membres de cette assemblée, après avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ;

– deux personnalités désignées par le chancelier de l’Institut de France ;

– deux députés et deux sénateurs respectivement désignés par les commissions permanentes mentionnées ci-dessus ;

– trois représentants du ministre chargé de l’Éducation nationale.

Le président du CEE est nommé par décret du Président de la République. Mme Béatrice Gille, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche de première classe, a été nommée présidente de l’institution par décret du 5 février 2020.

Aux termes de l’article L. 241-12 du code de l’éducation, le CEE « est chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire ». Sa mission principale consiste à veiller à la cohérence des évaluations conduites par le ministère portant sur les acquis des élèves, les dispositifs éducatifs, dont ceux en faveur de l’école inclusive, et les établissements d’enseignement scolaire. À ce titre, le CEE établit une synthèse des différents travaux d’évaluation sur le système éducatif.

La démarche d’évaluation comprend deux phases obligatoires, le législateur ayant souhaité, à l’initiative de la rapporteure de l’Assemblée nationale, Mme Anne-Christine Lang, inscrire dans la loi que les évaluations des établissements s’accompagnent nécessairement d’une auto-évaluation, reprenant en cela les recommandations de l’Igen, de l’Igaen et de la Cour des comptes ([253]).

Il revient au CEE, d’une part, de définir le cadre méthodologique et les outils à mobiliser pour ces deux phases, et, d’autre part, de veiller à la fréquence régulière des évaluations d’établissements, ainsi que de définir les modalités de leur publicité.

ii.   La transformation du Cnesco en chaire du Cnam

Conformément à ce qu’avait annoncé pendant les débats parlementaires le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, M. Jean-Michel Blanquer, le Cnesco – pour Conseil national d’étude des systèmes scolaires ([254]) – a été rattaché au Cnam le 1er septembre 2019, au sein du laboratoire « formation et apprentissages professionnels ».

Le Cnesco poursuit son rôle d’animation de la réflexion académique en matière de politiques et de pratiques scolaires, les formats d’activité originaux qu’il avait développés avant l’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance ayant notamment été maintenus.

L’activité du Cnesco

Le Cnesco a développé des activités et publie des travaux de différentes natures :

– les conférences de consensus : à la suite d’un échange avec des acteurs du monde éducatif, un jury est chargé de rédiger des recommandations sur une thématique éducative. La septième conférence de consensus a eu lieu en novembre 2022 sur le thème de l’évaluation comme soutien de l’apprentissage des élèves au quotidien ([255]) ;

– les conférences de comparaisons internationales : appuyées sur des ressources scientifiques, elles consistent en des ateliers participatifs réunissant des acteurs du monde éducatif et des décideurs afin de faire émerger des préconisations concrètes. La septième conférence de comparaisons internationales a eu lieu en novembre 2021 sur le thème de la gouvernance des politiques éducatives, en partenariat avec l’Université de Genève ([256]) ;

– les conférences jumelles, qui associent le Cnesco et une organisation locale ou internationale ;

– les conférences virtuelles, organisées en format mixte avec en présentiel et à distance sur une thématique donnée, afin de suivre la mise en œuvre des recommandations du Cnesco. Ce format semble avoir été abandonné depuis 2016 ;

– les rapports scientifiques, concluant les conférences ou publiés de façon autonome ;

– les notes d’actualité, analyses courtes de productions scientifiques.

Le dernier rapport d’activité du Cnesco, portant sur l’année 2021, présente, outre la conférence de comparaisons internationales sur la gouvernance des politiques éducatives, les trois grands axes qui ont guidé cette année :

– le lancement d’une série de quatre notes d’analyse sur les résultats des élèves en mathématiques ;

– la poursuite du travail initié en 2020 sur la place du numérique dans les apprentissages et la formation continue des personnels d’éducation ;

– la conduite de projets européens et internationaux, par exemple sur l’intelligence artificielle dans l’enseignement scolaire.

b.   Après une installation retardée par la crise sanitaire, le CEE a défini deux cadres d’évaluation pour les premier et second degrés

Du fait de la crise sanitaire et de la désignation tardive de certains membres, l’installation du CEE a pris du retard, qui n’a eu lieu qu’en juin 2020.

Un premier cadre d’évaluation des établissements du second degré a été publié en juillet 2020, puis actualisé en décembre 2020 et en juin 2021 afin d’intégrer l’évaluation des établissements relevant du ministère de l’agriculture et de prendre en compte les spécificités des établissements privés sous contrat.

S’agissant des écoles, un premier projet de cadre d’évaluation a été expérimenté de septembre à décembre 2021, conduisant à l’adoption d’un cadre définitif en janvier 2022, puis à la conduite d’une première campagne d’évaluation des écoles de février à juin 2022.

Les deux cadres d’évaluation présentent des principes communs, notamment l’articulation de la démarche entre une phase d’auto-évaluation associant l’ensemble des acteurs de la communauté éducative et une phase d’évaluation externe par une équipe extérieure à l’établissement.

Au cours de son audition par les rapporteurs, la présidente du CEE, Mme Béatrice Gille, a insisté sur la finalité des évaluations, qui doivent mesurer l’ « effet établissement », c’est-à-dire les décisions prises par les écoles et les établissements scolaires dans le cadre de leurs marges de manœuvre (pilotage interne, cf. supra). Il s’agit ainsi « d’opérer une distinction claire entre le contexte, qui s’impose à l’école et l’établissement (pilotage externe), et le périmètre de décision et d’action qui leur est propre (pilotage interne). »

Le CEE a décidé de fixer la durée des cycles d’évaluation à cinq ans, afin d’assurer l’évaluation de 20 % des écoles et des établissements scolaires par an. Le choix de cette temporalité s’explique par la volonté de l’institution d’assurer « la compatibilité [des évaluations] avec la périodicité des projets d’écoles et d’établissements ». Les auto-évaluations et les évaluations externes sont donc tournées vers la rédaction ou l’actualisation du projet d’école ou d’établissement. La liste annuelle des établissements évalués est établie par les recteurs d’académie.

Aux termes du 2° de l’article L. 241-12 du code de l’éducation, il revient au CEE de définir les modalités de publicité des rapports d’auto-évaluation et d’évaluation. Ces derniers, transmis aux académies et au CEE, ne sont pas pour autant publics, ce dont les rapporteurs se réjouissent. La question d’une publicité large des évaluations avait été posée lors des débats à l’Assemblée nationale. Dans leur rapport, Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang avaient souligné le risque d’une « ségrégation accrue dans certains établissements ». Les rapporteurs partagent cette analyse et ont été rassurés par les propos de Mme Gille, qui, au cours de son audition, les a assurés de l’absence de publicité des rapports à l’avenir, afin d’éviter tout classement ou mise en concurrence des écoles et établissements scolaires.

i.   Le cadre d’évaluation des établissements du second degré

Le cadre d’évaluation des établissements du second degré, adopté par le CEE au cours de sa séance du 8 juillet 2020, s’applique aux collèges, aux lycées généraux, aux lycées technologiques et aux lycées professionnels relevant du ministère de l’Éducation nationale. Il s’applique également aux ensembles scolaires de l’enseignement privé sous contrat et aux établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles.

Conçues par le CEE comme un « mécanisme d’apprentissage collectif », les évaluations doivent se référer à la mission de service public des établissements (projet national), à sa déclinaison au niveau académique (projet académique), au niveau de l’établissement (projet d’établissement), et aux objectifs à atteindre définis avec les autorités académiques (contrat d’objectifs).

La phase d’auto-évaluation associe l’ensemble des acteurs de la communauté éducative de l’EPLE.

Les acteurs de la phase d’auto-évaluation

Censée appréhender les établissements dans leur globalité, les auto-évaluations sont participatives et accueillent tous les membres de la communauté éducative :

– équipe de direction ;

– enseignants ;

– personnels de la collectivité territoriale concernée ;

– élèves ;

– parents d’élèves ;

– dans les établissements privés sous contrat, les bénévoles et les personnels de droit privé.

Afin d’assurer l’efficacité de la démarche, le CEE recommande aux établissements d’instituer un comité de pilotage réunissant des représentants de chaque catégorie d’acteurs et répartissant le travail entre commissions compétentes dans un domaine particulier.

Les comités de pilotage ont été assez largement constitués lors de la campagne d’évaluation des établissements 2021-2022, mais le CEE note qu’ils restent principalement du ressort de l’équipe de direction et des personnels enseignants, alors que la participation de tous ne pourrait que bénéficier à la qualité de l’évaluation. De façon plus significative, certains enseignants ont refusé de participer à l’auto-évaluation (17 % des établissements dans une académie non mentionnée) ([257]), signe de la réception peu enthousiaste par le corps enseignant de la démarche d’évaluation obligatoire, sentiment partagé par les rapporteurs (cf. infra).

Les auto-évaluations s’appuient sur des données fournies aux établissements par les services académiques. Il s’agit en particulier des indices de position sociale (IPS) et des indices de valeur ajoutée des lycées (IVAL) calculés par la Depp.

Les indicateurs de valeur ajoutée des lycées

Publiés par la Depp depuis 1993, les IVAL permettent de mesurer la capacité des lycées à accompagner leurs élèves jusqu’au baccalauréat (performance des lycées). Ils sont au nombre de trois :

– le taux de réussite au baccalauréat (rapport entre le nombre d’élèves du lycée reçus à l’examen et le nombre d’élèves qui s’y sont présentés) ;

– le taux d’accès mesure la probabilité, pour un élève, d’obtenir le baccalauréat à l’issue d’une scolarité entièrement effectuée dans le lycée, quel que soit le nombre d’années nécessaires ;

– le taux de mentions mesure la part de bacheliers avec mention parmi les élèves s’étant présentés au baccalauréat (rapport entre le nombre d’élèves du lycée reçus au baccalauréat avec mention et le nombre d’élèves qui s’y sont présentés).

Afin de pouvoir comparer les lycées entre eux en tenant compte des caractéristiques des élèves, un taux attendu est calculé pour chacun de ces trois taux, correspondant au taux moyen des lycées accueillant des élèves aux caractéristiques identiques. La valeur ajoutée d’un indicateur est l’écart entre le taux observé et le taux attendu : elle mesure l’action propre de chaque lycée.

Les services académiques transmettent également aux EPLE des indicateurs d’aide au pilotage et à l’auto-évaluation des établissements (Apae), portant sur les cinq dernières années et comprenant des données sur la situation socioéconomique des élèves, comme les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) des parents ou le taux de boursiers, et des données scolaires (effectifs des élèves, nombre de redoublants, choix des options, etc.).

Ces données permettent à l’établissement d’appréhender son contexte interne et externe, à travers son environnement social, économique, territorial et scolaire, avant de procéder à l’auto-évaluation dans quatre grands domaines définis par le CEE, guidant l’auto-évaluation comme l’évaluation externe :

– les apprentissages et les parcours des élèves, l’enseignement ;

– la vie, le bien-être de l’élève et le climat scolaire ;

– les acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’établissement ;

– l’établissement dans son environnement institutionnel et partenarial.

Le CEE a mis à disposition des EPLE un guide de l’auto-évaluation, qui propose des questions évaluatives pour chacun de ces domaines et prône l’utilisation de questionnaires. L’institution dresse un bilan mitigé de leur utilisation, quasiment systématique lors de la campagne d’évaluation 2021-2022. L’exploitation des questionnaires est ainsi « très variable d’un établissement à l’autre » et la présentation des résultats n’est pas toujours accompagnée d’une analyse. La participation des parents et des élèves, dans beaucoup d’établissements, s’est même limitée aux questionnaires. Les rapporteurs s’interrogent donc sur l’utilité de ces questionnaires dans la phase d’auto-évaluation, qui présentent une analogie problématique avec la relation entre un prestataire et son client : les élèves et leurs parents sont des usagers, non des clients, et l’école n’est pas une entreprise mais un service public.

Les quatre grands domaines de l’évaluation

Source : CEE

Enfin, un rapport, présenté au conseil d’administration de l’EPLE et transmis aux services académiques et à la collectivité de rattachement, conclut la phase d’auto-évaluation. Il comporte une description de la méthode définie par l’établissement, une synthèse des analyses et des réflexions par domaine, les éventuels points supplémentaires que l’établissement souhaite évoquer, une synthèse générale d’appréciation sur l’établissement, les orientations stratégiques qu’il préconise, assorties d’un plan d’action opérationnel et d’un plan de formation, ainsi qu’une appréciation générale sur le processus d’auto-évaluation.

Le CEE définit en ces termes la finalité de l’évaluation externe de l’établissement : « identifier ses forces, ses faiblesses et s’appuyer sur son potentiel pour explorer avec lui les marges de manœuvre et de progrès propres à garantir à l’ensemble des élèves des acquis solides, un parcours adapté à leur profil et leurs aspirations et une orientation ambitieuse et pertinente ».

S’appuyant sur les conclusions de la phase d’auto-évaluation, cette seconde phase se distingue de l’évaluation individuelle des enseignants et des personnels : c’est bien l’ « effet établissement » qu’il s’agit ici de mesurer.

La constitution des équipes d’évaluateurs externes est assurée par les recteurs d’académie.

Les équipes d’évaluateurs externes des établissements du second degré

Les évaluateurs externes sont choisis au sein des corps d’inspection, de personnels de direction, d’enseignants, de cadres académiques ou d’autres personnels ayant une connaissance du monde de l’enseignement scolaire. Ils ne peuvent faire partie de l’enseignement évalué ni avoir un lien personnel ou professionnel avec lui.

Comportant trois ou quatre évaluateurs, les équipes comprennent au moins deux inspecteurs ou chargés de mission d’inspection et un personnel de direction.

Les évaluateurs externes signent une charte de déontologie, qui les engage à demeurer impartiaux tout au long de l’évaluation et à ne pas divulguer les informations et les données recueillies.

Au cours de l’année scolaire 2021-2022, les inspecteurs ont représenté 43 % des évaluateurs externes, les chefs d’établissement 38 % et les cadres académiques 10 %. La place des enseignants demeure très faible : seulement 6 %. À cet égard, une forte disparité se dessine entre les académies : quatorze n’ont sollicité aucun enseignant pour faire partie de ces équipes, sept en ont sollicité entre zéro et dix, quatre en ont sollicité quinze et trente-deux et une en a sollicité plus de cent quarante. Les rapporteurs regrettent cette situation, les enseignants étant les plus à même de se prononcer sur les besoins des élèves. Dans le même temps, les académies peuvent être amenées à renoncer à solliciter des enseignants, au vu de la réticence d’un grand nombre d’entre eux à participer à la démarche d’évaluation (cf. supra), réticence qui s’explique en partie par la dimension chronophage de l’évaluation et un sentiment de valorisation insuffisante de leurs missions.

La phase d’évaluation externe se déroule en trois étapes :

– la préparation de la mission ;

– la visite de l’établissement ;

– la rédaction du rapport provisoire, une restitution auprès des équipes de l’établissement évalué, puis la rédaction du rapport définitif.

Le rapport d’évaluation doit identifier les « spécificités de l’établissement, les éléments de plus-value, les marges de progrès et les axes stratégiques qu’il recommande de mettre en œuvre ». Cette dernière dimension doit notamment permettre à l’établissement de rédiger son projet d’établissement.

ii.   Le cadre d’évaluation des écoles

Adoptée en janvier 2022 à l’issue d’une phase d’expérimentation (cf. supra), l’évaluation des écoles poursuit une finalité similaire à celle des établissements du second degré et est orientée vers l’actualisation ou le renouvellement du projet d’école. Le CEE indique ainsi que « la rédaction du projet d’école est en conséquence l’un des premiers buts de l’évaluation : celle-ci fournit à l’école tous les éléments dont elle a besoin pour la rédaction de son projet. Il est essentiel de veiller à synchroniser la campagne d’évaluation et celle d’écriture des projets d’école. »

L’évaluation des écoles diffère de celle des établissements du second degré en ce que le CEE a recommandé aux services académiques de procéder à des regroupements d’écoles, compte tenu du nombre de ces dernières ([258]). Cette difficulté pratique explique en partie le retard pris dans la mise en œuvre de l’évaluation des écoles.

Selon le CEE, les académies procèdent à des regroupements d’écoles « sur un mode vertical (logique de flux d’élèves) ou sur un mode horizontal (réseau pédagogique existant, école aux problématiques voisines au sein d’une aire géographique donnée, la commune ou l’EPCI par exemple, écoles aux pratiques collaboratives installées, etc.) ».

La première phase d’expérimentation, de septembre à décembre 2021, a été conduite avec un regroupement d’écoles par département. La première campagne d’évaluation, au printemps 2022, a adapté les jauges en retenant l’option d’un regroupement d’écoles ou deux par académie.

Les principes de l’évaluation des écoles sont les mêmes que ceux de l’évaluation des établissements : participation de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, analyse de l’école dans sa globalité, auto-évaluation, évaluation externe, rédaction de rapports.

Les équipes d’évaluateurs externes sont également constituées par le recteur d’académie.

Les équipes d’évaluateurs externes des écoles

Au nombre de trois ou quatre, les évaluateurs externes ne peuvent avoir aucun lien personnel ou professionnel avec l’école évaluée et sont choisis parmi les inspecteurs de l’Éducation nationale, les directeurs d’école, les personnels de direction, les inspecteurs du second degré, les cadres administratifs, les conseillers pédagogiques, les enseignants. Comme dans les établissements du second degré, ils s’engagent à respecter une charte de déontologie.

Au cours de la campagne d’évaluation 2021-2022, les inspecteurs de l’Éducation nationale ont représenté 30 % des évaluateurs externes, les directeurs d’école 30 %, les conseillers pédagogiques 25 %, les chefs d’établissement 5 % et les inspecteurs du second degré 3 %.

Les enseignants sont sous-représentés parmi les évaluateurs externes : un peu plus de 3 % seulement.

 

B.   Une nouvelle démarche d’évaluation qui peine à convaincre

L’installation du CEE a pris du retard, le cadre d’évaluation des écoles, par exemple, ainsi que le guide de l’auto-évaluation et le cahier des charges de l’évaluation externe l’accompagnant, n’ayant été adoptés qu’en janvier 2022.

La crise sanitaire, qui a perturbé le calendrier des évaluations, a eu un impact important sur l’année scolaire 2020-2021, au cours de laquelle seulement 9,5 % des EPLE ont été évalués (950 établissements). Du fait de la situation sanitaire, un certain nombre d’évaluations externes prévues pendant l’année 2021-2022 ont été reportées au premier trimestre de l’année 2022-2023, conduisant à un taux d’évaluation de 19 %.

Selon le CEE, au terme de l’année scolaire 2022-2023, 28 % des établissements du second degré (3 000) auront été évalués. Le premier cycle d’évaluation prendra donc fin en 2026-2027 ; ce n’est qu’à cette date qu’un bilan exhaustif pourra être tiré de la nouvelle démarche d’évaluation, de façon à mesurer ses apports pour le système éducatif français.

Le même constat s’impose s’agissant des écoles. Très peu ont été évaluées à ce stade : 735 à la fin de la campagne d’évaluation de l’année scolaire 2021-2022.

Nombre d’écoles publiques et privées sous contrat évaluées au titre de l’année scolaire 2021-2022

Source : CEE

L’évaluation des écoles devrait s’accélérer et trouver son « rythme de croisière » en 2022-2023, avec 7 500 écoles évaluées dans le cadre de plus de 2 500 regroupements.

Cependant, des premières conclusions peuvent d’ores et déjà être dégagées : une réception mitigée et une certaine méfiance des personnels enseignants, une difficulté à déceler le sens des évaluations, et l’incertitude quant à leur impact sur le système éducatif.

1.   L’interrogation sur l’utilité des évaluations, dans un contexte de crise des vocations au sein du ministère de l’Éducation nationale : une réception mitigée par les personnels enseignants

Si toute action mérite évaluation, les rapporteurs ayant entendu cette expression à plusieurs reprises au cours de leurs auditions, ils s’interrogent sur l’utilité d’un nouvel organe ad hoc.

Cela a été rappelé, le système éducatif français n’était pas, avant la promulgation de la loi pour une école de la confiance, caractérisé par une absence d’évaluation et d’outils de pilotage. (cf. supra). Les Ival, les Apae, les travaux de l’IGÉSR, de la Depp et de la Dgesco, du Cnesco, ainsi que les évaluations conduites par les organisations internationales, constituaient déjà un « écosystème de l’évaluation » institutionnalisé. À cela s’ajoute la réflexion, naturelle et continue, des équipes pédagogiques et des équipes de direction sur leurs méthodes et les meilleures orientations à mettre en œuvre pour améliorer le climat scolaire et la réussite des élèves.

Ces interrogations ont notamment été exprimées par plusieurs syndicats. Ainsi, dans un communiqué commun du 28 juin 2022, plusieurs organisations ([259]) ont exprimé la crainte « que les équipes se voient dorénavant imposer leurs axes de travail par les conclusions du rapport d’évaluation », censé préfigurer le projet d’école. Ils ont rappelé que les évaluations n’étaient pas réclamées par les enseignants et ont émis l’idée, partagée par les rapporteurs, que celles-ci, en « braquant les projecteurs » sur les marges de manœuvre des écoles (contexte interne), risquaient d’occulter les dysfonctionnements exogènes : le manque de professeurs, les défaillances de la formation continue et la perte d’attractivité du métier d’enseignant.

Ce malaise vis-à-vis de l’évaluation se traduit par le caractère assez largement descriptif des rapports d’évaluation. Dans son bilan de la campagne d’évaluation 2021-2022, le CEE constate ainsi que peu de rapports d’évaluation d’écoles proposent des axes de développement, définis par le CEE comme « la mise en cohérence d’actions répondant à une problématique identifiée, qui se fonde sur une analyse fine des besoins en contexte ». Sur 84 rapports d’évaluation d’écoles étudiés par le CEE, « 26 d’entre eux ne présentent pas d’axes de développement, 32 proposent des axes trop génériques, 18 présentent des actions plus que des axes de développement et, plus rarement, 8 présentent des axes en lien avec le contexte ».

S’agissant du second degré, l’analyse par le CEE de 160 rapports d’évaluation (80 collèges, 40 lycées généraux et technologiques, 40 lycées professionnels publics) conduit à un constat proche : « un rapport sur deux avec des orientations mentionnées a minima, un rapport sur trois avec une analyse, au sens d’une explicitation (variable) des orientations et un rapport sur six sans aucun élément. En d’autres termes, seul un tiers des rapports explicitent la pertinence des orientations proposées par les évaluateurs externes et seulement 3 % des rapports vont jusqu’au bout de la démarche de documentation de la réflexion ».

Dans ces conditions, il apparaît difficile de percevoir le sens des évaluations et il sera intéressant d’apprécier, à la fin du premier cycle d’évaluation de l’ensemble des écoles et des établissements, le nombre d’écoles et d’EPLE ayant adopté ou modifié leur projet d’école ou d’établissement.

2.   La dimension « chronophage » de l’évaluation : une critique récurrente

Dans un document de quatre pages publié en juin 2022 ([260]), le SNUipp-FSU a dénoncé l’absence de moyens, en temps comme en personnel, pour assurer l’évaluation, dont la phase externe mobilise fortement les directeurs d’école (cf. supra).

Selon le CEE, dans le premier degré, les phases d’auto-évaluation ont représenté en moyenne six semaines (quatre à huit semaines) et l’évaluation externe quatre semaines en moyenne (deux à six semaines).

Si le caractère chronophage de l’évaluation tient en partie, comme le souligne le CEE, « à la nouveauté de ces opérations pour la plupart des acteurs », il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tâche supplémentaire qui vient alourdir une charge de travail déjà dense (cf. supra). Dès lors, les rapporteurs s’interrogent une nouvelle fois sur le caractère obligatoire des évaluations ([261]).

À tout le moins, la rapporteure Géraldine Bannier souhaite relayer la proposition formulée par la présidente du CEE au cours de son audition d’intégrer le temps consacré par les professeurs des écoles à l’auto-évaluation aux 108 heures d’obligations de service, afin de valoriser leur engagement.

Le rapporteur Jérôme Legavre est opposé à un pilotage de l’Éducation nationale par l’évaluation. Il serait favorable à la suppression du CEE dont l’indépendance, tant dans la désignation de ses membres que dans le contrôle de cette instance, pose question. L’évaluation des établissements scolaires visant à accroître leur autonomie, la fixation d’objectifs par établissement puis l’allocation de moyens en fonction du respect ou non de ces objectifs est alors prévisible. La mise en place d’un système libéral tel qu’on le connaît au Canada ou en Grande-Bretagne ne peut que remettre en cause le cadre républicain de l’école et produire des inégalités sociales. Le rapporteur se prononce ainsi pour l’abandon des évaluations d’établissement.

Recommandation n° 28 du rapporteur Jérôme Legavre : Supprimer le CEE et mettre fin aux évaluations des écoles et des établissements scolaires.

Il tient également à dénoncer la mise en extinction, au 1er janvier 2023, des corps de l’inspection générale de l’Éducation nationale. À la place d’inspecteurs généraux indépendants, le ministre fait appel à des personnels détachés de leur administration pour une durée plus ou moins longue. Ces chargés de mission ne disposent plus de la liberté indispensable au jugement des politiques gouvernementales. Il est donc indispensable de rétablir le statut des corps de l’inspection générale de l’Éducation nationale intrinsèquement liés à l’existence des disciplines.

 


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   Liste des recommandations

Obligation d’instruction à trois ans

  1. À Mayotte, amplifier les efforts en matière de construction d’écoles et d’ouverture de classes, en particulier dans le premier degré. Poursuivre et accentuer les actions d’assistance à la maîtrise d’ouvrage que mènent les services de l’État auprès des collectivités territoriales. S’assurer que la croissance des effectifs de personnels de l’Éducation nationale soit à la mesure de l’augmentation du nombre d’élèves.
  2. En Guyane, amplifier l’effort de construction d’écoles, de collèges et de lycées, en veillant à ce que leur répartition sur le territoire soit cohérente avec l’implantation de la population.
  3. Réduire la taille des classes de petite section pour permettre aux personnels de porter une attention particulière à chaque enfant. S’assurer que les Atsem soient suffisamment nombreux, formés, sous statut de la fonction publique territoriale, et qu’ils disposent d’un matériel adapté à la prise en charge des plus jeunes enfants.
  4. Développer des actions de communication rappelant le rôle essentiel des parents dans l’apprentissage, par leurs enfants, de la propreté, afin de faciliter la vie en collectivité au moment de l’entrée de ces derniers à l’école.
  5. Renforcer les moyens alloués à la médecine scolaire et aux Rased.
  6. Renforcer les liens avec la médecine générale et spécialisée pour améliorer très concrètement la prise en charge des élèves présentant des difficultés particulières.
  7. Simplifier les modalités de délivrance des aménagements d’assiduité au profit des élèves de petite section.
  8. Renforcer les effectifs d’enseignants, d’Atsem et de personnels de la médecine scolaire au sein des écoles maternelles (rapporteur Jérôme Legavre).

Jardins d’enfants

  1. Prolonger la période transitoire prévue par la loi pour permettre la transformation des jardins d’enfants (rapporteur Jérôme Legavre).
  2. Porter une attention particulière aux enfants en situation de handicap accueillis dans des jardins d’enfants en veillant à la continuité de leur accompagnement (rapporteure Géraldine Bannier).
  3. Permettre aux jardins d’enfants gérés ou financés et conventionnés par des collectivités publiques de poursuivre leur activité, en pérennisant à leur profit la dérogation provisoire instaurée par la loi (rapporteur Jérôme Legavre).

Instruction en famille

  1. Veiller à l’harmonisation nationale des modalités de contrôle et des conditions de délivrance de l’autorisation d’instruire les enfants dans la famille.
  2. Créer une commission d’enquête afin de dresser un état des lieux de l’instruction en famille (rapporteur Jérôme Legavre).

Obligation de formation

  1. Donner instruction aux préfets de sensibiliser les exécutifs départementaux à la nécessité d’établir un dialogue continu avec les missions locales, afin d’établir un suivi complet de chaque dossier individuel.

Formation des enseignants

  1. Déplacer les concours à la fin de la licence (pour le rapporteur Jérôme Legavre) ou de la première année de master (pour la rapporteure Géraldine Bannier). Les professeurs stagiaires poursuivraient une formation en master 2 après leur recrutement par concours.
  2. Créer de nouvelles voies de pré-recrutement pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’Éducation nationale et leur conférer, durant leur formation, le statut de fonctionnaire stagiaire (rapporteur Jérôme Legavre).
  3. Instaurer un système particulier de bourses d’encouragement pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’Éducation nationale (rapporteure Géraldine Bannier).

Accompagnants des élèves en situation de handicap

  1. Veiller à l’harmonisation des critères de notification MDPH.
  2. Accroître le nombre de classes dans les établissements spécialisés afin d’augmenter la capacité d’accueil.
  3. Créer un corps de fonctionnaires pour les AESH (rapporteur Jérôme Legavre).
  4. Supprimer les Pial (rapporteur Jérôme Legavre).
  5. Limiter l’étendue du ressort territorial des Pial et le nombre d’établissements dans lequel un même AESH est amené à intervenir (rapporteure Géraldine Bannier).

EPLEI

  1. Supprimer le statut d’EPLEI (rapporteur Jérôme Legavre).
  2. Engager une concertation sur les conditions de travail des contractuels au sein des EPLEI et sur l’opportunité d’un recrutement en CDI plus rapide (rapporteure Géraldine Bannier).
  3. Relever la proportion maximale des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat non assortis de l’option internationale ou préparés dans une section binationale à la moitié des effectifs de l’établissement (rapporteure Géraldine Bannier).
  4. Rappeler aux recteurs leur obligation de veiller à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des EPLEI et définir une stratégie, accompagnée de moyens adaptés, pour que les élèves candidats à l’admission ne remplissant pas les conditions d’aptitude à suivre les enseignements dispensés dans la langue de la section bénéficient d’une remise à niveau (rapporteure Géraldine Bannier).

Expérimentations pédagogiques

  1. Veiller à ce que les académies évaluent systématiquement les expérimentations pédagogiques et rendent publics les bilans annuels. Intégrer une synthèse de ces bilans au sein de l’enquête nationale sur les expérimentations académiques de la Dgesco (rapporteure Géraldine Bannier).

CEE

  1. Supprimer le CEE et mettre fin aux évaluations des écoles et des établissements scolaires (rapporteur Jérôme Legavre).

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   Travaux de la commission

La commission des Affaires culturelles et de l’éducation a examiné le rapport d’évaluation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, lors de sa séance du mercredi 7 juin 2023.

 

Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; elle est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/Iriwi0

 

À l’issue de sa présentation, en application de l’article 145 du Règlement, la commission a autorisé la publication du rapport d’évaluation.

 

 

 


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   ANNEXE :
Liste des personnes auditionnÉes par lEs rapporteurs

(Par ordre chronologique)

       Première table ronde de syndicats d’enseignants :

 Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs, des écoles et des professeurs d’enseignement général de collège - FSU (SNUipp-FSU)  Mmes Nina Palacio et Aurélie Gagnier Boivin, membres

– Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) ‑ Mme Audrey Lalanne, déléguée nationale

 Syndicat général de l’éducation nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT)  M. Alexis Torchet, secrétaire national, et Mme Sylvie Perron, secrétaire fédérale

       Deuxième table ronde de syndicats d’enseignants :

– Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle (FNEC-FP-FO) – M. Christophe Lalande, secrétaire fédéral

 SUD Éducation  M. Jules Siran, co-secrétaire fédéral

 Fédération autonome de l’éducation nationale (FAEN) - Syndicat national des collèges et lycées (SNCL) – M. Norman Gourrier, secrétaire général du SNCL, co-secrétaire général de la FAEN

 Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) – M. Jean-Rémi Girard, président

 Syndicat national des écoles (SNE-CSEN) – MM. Laurent Hoefman, président, et Philippe Ratinet, secrétaire général

       Table ronde des fédérations de parents d’élèves :

 Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mmes Marie Hélène Guenego et Carine Ayadi, représentantes

 Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE)  Mme Magalie Icher, présidente, MM. Moulay-Driss El Alaoui et Grégoire Ensel, vice-présidents, et Mme Pascale Durand, directrice de la vie fédérale

 Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL)  MM. Gilles Demarquet, président, et Christophe Abraham, chargé des relations avec le Parlement

       Audition commune :

– Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – M. Edouard Geffray, directeur général, Mme Bérénice Hartmann, directrice de cabinet, et M. Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives

– Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – Direction générale des ressources humaines (DGRH) – MM. Vincent Soetemont, directeur général, et Marc Estournet, chef de service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire, adjoint au directeur général

       Conseil d’évaluation de l’école – Mme Béatrice Gille, présidente, et M. Thibaut de Saint Pol, secrétaire général

       M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane, et Mme Corinne Melon-Cléante, inspectrice de région académique, directrice académique adjointe des services de l’Éducation nationale

       M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte

       Association des maires de France (AMF) – M. Frédéric Leturque, maire d’Arras, président de la communauté urbaine d’Arras et co-président de la commission éducation de l’AMF

       Union nationale des missions locales (UNML) – Mme Christine Le Nabour, vice-présidente, et M. Olivier Gaillet, directeur du pôle métier et partenariat

       Fédération nationale des jardins d’enfants  Mme Aurélie Ira, co-présidente

       Mairie de Paris – MM. Patrick Bloche, adjoint à la Maire de Paris chargé de l’éducation, de la petite enfance, des familles et des nouveaux apprentissages, en charge du Conseil de Paris, Cyrille Peyraube, directeur de cabinet, et MM. Philippe Wehrung et Marc Bonneau, collaborateurs de M. Bloche

       Audition commune :

– Ligue de l’enseignement (*) – Mme Françoise Sturbaut, présidente, et M. Etienne Butzbach, vice-président à l’éducation et au numérique

 Fédération nationale de la libre-pensée – M. Dominique Goussot, vice-président

       Réseau français des villes éducatrices (RFVE)  Mme Emilie Kuchel, présidente du RFVE et ajointe au maire de Brest en charge de la politique éducative locale, M. Benjamin Vételé, vice-président du RFVE et adjoint au maire de Blois en charge de la cité éducative, et Mme Charlotte Denis, chargée de mission du RFVE

     Audition commune :

– École européenne de Paris La Défense – Mme Valérie Ficara, directrice

– École européenne de Strasbourg – M. Olivier Tedde, directeur

       Réseau des INSPÉ – M. Alain Frugière, directeur de l’INSPÉ de l’académie de Paris, Mme Elsa Lang-Ripert, vice-présidente en charge du pilotage

       DEfense COLLective des Amis des Jardins d’Enfants (Decollaje)Mme Marine Digabel, porte-parole, et M. Sébastien Thubert, responsable du plaidoyer

       Mme Cécile Rilhac et M. Alexis Corbière, députés, membres du Conseil de l’évaluation de l’école (CEE)

     Table ronde d’associations d’instruction en famille :

 Union nationale pour l’instruction et l’épanouissement des enfants (UNIE) – Mmes Armelle Borel, Karine Bunel et Magali Dumas, membres de l’association

– Les enfants d’abord (LED’A) – Mmes Sandrine de Chastellier et Gaëlle Messant-Spy, membres de l’association

– Libres d’apprendre et d’instruire autrement (LAIA) – Mme Mary Felkin, membre de l’association, et sa fille Irène Felkin, en IEF depuis sa naissance

– Fédération pour la liberté du choix de l’instruction et des apprentissages (FELICIA) – Mmes Sarah Michel et Julie Larcher

– L’école est la maison – Mmes Laurence Fournier, fondatrice, et Sandrine Vanlerberghe, représentante

– Liberté éducation – MM. Hubert Veauvy, président, et Jean-Baptiste Maillard, secrétaire général

– Collectif InES – Mmes Marina Barrera, membre d’INES et du collectif IEF93, et Mélodie Maroteaux, co-fondatrice d’INES

  Table ronde portant sur la formation des étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement et de l’éducation, tout particulièrement au sein des instituts nationaux de professorat et de l’éducation (Inspé) :

– L’Alternative – Union syndicale et associative – Mmes Thaïs Danel, membre de l’équipe nationale, et Eléonore Schmitt, porte-parole de l’Union étudiante et élue CNESER pour l’Alternative

 Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) – M. Félix Bodoule Sosso, porte-parole

  Table ronde des syndicats sur la question des expérimentations dans les établissements scolaires, en particulier à Marseille :

– FSU PACA – Mme Caroline Chevé, secrétaire départementale

– SNALC Aix Marseille – Mme Barennes Béatrice, membre

– Sgen CFDT Provence Alpes – Mme Carole Ferlet, membre

– FNEC FP FO Bouches-du-Rhône – M. Christophe Lalande, Mme Céline Felipe et M. Nicolas Duquerroy, secrétaires fédéraux

 SE-Unsa des Bouches-du-Rhône  M. Franck Deletraz, secrétaire départemental

  Table ronde sur la formation des enseignants :

– Société des agrégés – Mme Stéphanie Aydin, présidente, et M. Morgan Trouillet, membre de l’Association

 Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG)  Mme Joëlle Alazard, présidente, et M. Fabien Salesse, secrétaire général

 Association des professeurs de biologie et de géologie (APBG)  M. David Boudeau, président, et Mme Emilie Bacro, membre de l’Association

– Association des professeurs de lettres (APL) – M. Arnaud Fabre, membre

  Table-ronde des syndicats représentatifs de la fonction publique territoriale concernant la situation des Atsem et des AESH :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) –MM. Dominique Bruneau, secrétaire fédéral du Sgen-CFDT, et Jacques Lager, secrétaire général de la fédération Interco-CFDT

– Force ouvrière (FO) – M. Patrice Carre, secrétaire fédéral, et Mme Céline Jurick, ATSEM

– Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – Mmes Béatrice Laurent, conseillère UNSA éducation, et Josette Blain, conseillère Unsa territoriaux

– Fédération autonome de la Fonction publique territoriale (FA-FPT) – Mme Tanuja Gonneau, secrétaire générale FA FPT Guyancourt, et M. Pascal Kessler, secrétaire général FA-FPT

– Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Julien Fonté, secrétaire général, et Mme Virginie Cassand, AESH

  Equipes éducatives d’établissements impliqués dans le plan « Marseille en grand » :

– Mme Virginie Depretto Boffa, directrice de l’EM Fonscolombes

– M. Philippe Lucchesi, directeur de l’EEA Saint Charles 1

– Mme Véronique Blua et M. Dominique Leporati, directeurs académiques adjoints des services de l’Éducation nationale (IA DAASEN)

– Mme Mélanie Deldon, principale du micro collège Tillion, et M. Rachid Zerroucki, enseignant

– Mmes Valérie Ruel et Catherine Cipollini, enseignants coordonnateurs

  Dispositif « Marseille en grand » :

– Académie d’Aix-Marseille  M. Jean-Yves Bessol, directeur académique des services de l’Éducation nationale (IA-DASEN), Mme Véronique Blua et M. Dominique Leporati, directeurs académiques adjoints des services de l’éducation nationale (IA DAASEN)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([2]) Loi n° 20108-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([3]) Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

([4]) Projet de loi n° 1481 pour une école de la confiance, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale, le 5 décembre 2018, exposé des motifs.

([5]) Point 7 de l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi pour une école de la confiance, n° 396047, 5 décembre 2018.

([6]) La notion d’enseignement pré-élémentaire désigne l’éducation dispensée, dans le cadre scolaire, aux enfants de moins de six ans, correspondant au début de l’instruction élémentaire. Il comprend les écoles maternelles, dont les missions sont prévues au deuxième alinéa de l’article D. 321-1 du code de l’éducation, et les classes enfantines. À la différence des écoles maternelles, ces dernières ne constituent pas une catégorie d’établissement, mais un type de classes regroupant, au sein d’une école élémentaire, les élèves âgés de moins de six ans.

([7]) La page 19 de l’étude d’impact mentionne ainsi les études de Burger (2010) et de Cascio et Schazenbach (2013), ainsi que les résultats de l’enquête 2012 du Programme international de suivi des apprentissages (PISA), pour étayer la thèse d’une réduction des inégalités scolaires sous l’effet de la fréquentation d’une école maternelle, par comparaison avec des modèles éducatifs fondés sur une scolarisation plus tardive.

([8]) Durant son audition par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, M. Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, avait notamment déclaré que « c’est dans les milieux les plus défavorisés que se rencontrent le plus grand nombre d’enfants qui, faute d’avoir fréquenté l’école maternelle, souffrent de retards de langage sinon irrattrapables, en tout cas très dommageables pour la suite ». Voir rapport n° 1629 fait au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur un projet de loi pour une école de la confiance par Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang, tome III, p. 86.

([9]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse (MENJ), Repères et références statistiques 2022, août 2022, p. 133. On peut cependant relever que les motifs qui peuvent retarder le début de la scolarisation – tels que l’état de santé de l’enfant – sont également susceptibles d’influencer le cours ultérieur de sa scolarité. Ainsi, les deux variables que constituent l’âge d’entrée à l’école et les performances scolaires ne sont pas toujours indépendantes, ce qui conduit à nuancer l’ampleur de l’effet positif de la scolarisation précoce sur les résultats ultérieurs.

([10]) Cette expression a été employée le 21 octobre 2020 par M. Jean-Michel Blanquer devant la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, lors de l’examen des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2021.

([11]) Voir notamment les pages 5 et 19.

([12]) Étude d’impact, p. 18.

([13]) Insee, « Taux de scolarisation par âge – Données annuelles de 2000 à 2020 », novembre 2022.

([14]) Étude d’impact, p. 18.

([15]) DEPP, Repères et références statistiques 2022.

([16]) L’étude d’impact mentionnait le nombre de 26 000 enfants supplémentaires, âgés de trois à cinq ans, à scolariser à la rentrée 2019. Voir étude d’impact, p. 25.

([17]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, réalisée le 30 novembre 2022.

([18]) Le taux de scolarisation des enfants de deux ans est passé de 10 % en 1960 à 18 % en 1970, 27 % en 1975 et 35 % entre 1990 et 2001. Voir DEPP, « La scolarisation à deux ans » in Éducations et formations : conditions de scolarisation et facteurs de réussite scolaire, n° 82, 2012.

([19]) Rapport d’information n° 543 (2021-2022) de Mme Annick Billon, M. Max Brisson et Mme Marie-Pierre Monier, fait au nom de la commission de la Culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, déposé le 23 février 2022, au terme d’une mission d’information sur les mesures éducatives du quinquennat.

([20])  À l’exception de l’année 2021, marquée par un phénomène de rattrapage après les confinements de 2020, le nombre de naissances a diminué chaque année depuis 2015. En 2022, 723 000 enfants sont nés en France, soit 19 000 de moins que l’année précédente – ce qui représente une baisse de 2,4 %. Voir Insee, « Bilan démographique 2022 », Insee Première, n° 1935, 17 janvier 2023.

([21]) Observatoire national de la petite enfance (Onape), L’accueil du jeune enfant en 2020, 2021, pp. 25-26. Le nombre de places pour 100 enfants est calculé sur la base de la capacité de prise en charge des enfants de moins de trois ans par les assistantes maternelles, les EAJE, les salariés à domicile et les écoles maternelles. Entre 2016 et 2019, 22 600 places auprès de ces différents modes d’accueil ont disparu, mais cette diminution s’est révélée moins rapide que celle du nombre des naissances.

([22]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire.

([23]) Conseil d’État, 1er juillet 2022, Commune de Pluneret, n° 456625.

([24]) Rapport d’information n° 543 (2021-2022) fait au nom de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

([25]) Voir le rapport d’information n° 543 (2021-2022) fait au nom de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, ainsi que DEPP, « La scolarisation à deux ans : en éducation prioritaire, un enfant sur cinq va à l’école dès deux ans », note d’information n° 19, juin 2016.

([26]) DEPP, « La scolarisation à deux ans », loc. cit.

([27]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, octobre 2020, p. 63 ; voir également Étude d’impact, p. 18.

([28]) Si Mayotte est généralement désignée, d’un point de vue géographique, comme une composante de l’archipel des Comores, elle est elle-même constituée de plusieurs îles dont les deux plus étendues – Grande-Terre et Petite-Terre – concentrent la population et les établissements scolaires mahorais.

([29]) Insee, « La scolarisation à Mayotte par l’Éducation nationale (1975-2002) », Insee Infos, n° 15, février 2004.

([30]) Cour des comptes, Quel développement pour Mayotte ?, juin 2022, p. 52.

([31]) Par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l’organisation de Mayotte. Le principe de spécialité législative, mis en œuvre dans les collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, signifie qu’une loi doit, pour y être appliquée, comprendre des dispositions qui le prévoient expressément. Les statuts respectifs des départements et des territoires d’outre-mer ont été réformés par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, qui leur a substitué le régime des départements et régions d’outre-mer (DROM, régis par l’article 73 de la Constitution) et celui des collectivités d’outre-mer (COM, prévues par l’article 74).

([32]) Tanguy Mathon-Cécillon et Gilles Séraphin, Non-scolarisation et déscolarisation à Mayotte : dénombrer et comprendre, op. cit., p. 18.

([33]) Ce processus entamé au cours des années 1990 a abouti à la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 et à la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au département de Mayotte. L’intégration de ce dernier dans le champ d’application de l’article 73 de la Constitution est prévue par l’article L.O. 3511-1 du code général des collectivités territoriales.

([34]) À la différence des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, dont faisait partie Mayotte jusqu’en 2011, les départements et régions d’outre-mer, dont le régime est prévu à l’article 73, sont soumis au principe d’identité législative. Ainsi, les lois et règlements y sont applicables « de plein droit » et ne peuvent connaître que des adaptations limitées.

([35]) Cour des comptes, Quel développement pour Mayotte ?, p. 52-53.

([36]) Cette proportion varie en fonction de l’estimation de la population mahoraise, qui est l’objet d’évaluations concurrentes. Sur la base du dernier recensement exhaustif – mené en 2017 – et d’actualisations annuelles fondées sur les données de l’état civil et l’observation des mouvements migratoires, l’Insee estime que Mayotte comptait 300 000 habitants en janvier 2022. Les précédentes évaluations, réalisées en 2017, aboutissaient à une estimation de 256 500 habitants. Voir Insee, « 256 500 habitants à Mayotte en 2017. La population augmente plus rapidement qu’avant », Insee Analyses Mayotte, n° 15, décembre 2017 et « À Mayotte, un recensement adapté à une population aux évolutions hors normes », Le blog de l’Insee, janvier 2023.

([37]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020, p. 62.

([38]) Voir Insee, « La scolarisation à Mayotte par l’Éducation nationale (1975-2002) », loc. cit., ainsi que Tanguy Mathon-Cécillon et Gilles Séraphin, Non-scolarisation et déscolarisation à Mayotte : dénombrer et comprendre, op. cit., p. 37 sqq.

([39]) Rapport d’information n° 543 (2021-2022) fait au nom de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

([40]) Audition de M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte (2020-2022), réalisée le 7 décembre 2022.

([41]) Audition de M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte.

([42]) Insee, « À Mayotte, un recensement adapté à une population aux évolutions hors normes », loc. cit.

([43]) L’enquête précitée de Tanguy Mathon-Cécillon et Gilles Séraphin retient deux estimations différentes, qui reposent chacune sur une méthode de calcul distincte. Le nombre le plus élevé est obtenu au moyen d’une méthode par soustraction, qui évalue, pour un âge déterminé, la différence entre le nombre d’enfants recensés et celui des inscriptions sur les listes scolaires. La méthode par addition, qui consiste à agréger les décomptes d’enfants non scolarisés effectués dans chaque commune, donne un résultat plus faible.

([44]) Étude d’impact, p. 18.

([45]) L’académie de Mayotte occupe la dernière place des évaluations nationales en mathématiques et en français. En novembre 2017, 75,9 % des élèves avaient une maîtrise insuffisante ou fragile de la langue française, contre 14,7 % à l’échelle nationale ; cette proportion atteignait 89,2 % en mathématiques, contre 26,7 % en moyenne. Voir Cour des comptes, Quel développement pour Mayotte ?, p. 53.

([46]) Audition de M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte.

([47]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 52.

([48]Ibid.

([49]) Audition de M. Gilles Halbout. Voir également Tanguy Mathon-Cécillon et Gilles Séraphin, Non-scolarisation et déscolarisation à Mayotte : dénombrer et comprendre, p. 15.

([50]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire.

([51]) Toutes les écoles de l’académie font partie d’un dispositif d’éducation prioritaire – 69 d’entre-elles relèvent d’un réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) – , et sont à ce titre concernées par le dédoublement des classes.

([52]) Défenseur des droits, Établir Mayotte dans ses droits, 2019, p. 21.

([53]) Juge des référés du Tribunal administratif de Mayotte, 28 octobre 2021, n° 2104124, 2104125, 2104126, 2104127, 2104128, 2104129, 2104130, 2104131, 2104132, 2104133, 2104133, point 11.

([54]) Insee, « Mayotte en 2017 », août 2019.

([55]) Audition de M. Gilles Halbout, recteur de l’académie de Mayotte.

([56]) Prévus par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, les CCT constituent le pendant ultramarin des contrats de plan État-région (CPER). Ils visent plus particulièrement à réduire les écarts de développement.

([57]) Cour des comptes, Quel développement pour Mayotte ?, p. 53.

([58]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 63

([59]) Insee, « L’état de l’école en Guyane : des progrès à poursuivre », Insee Analyses Guyane, n° 4, décembre 2014.

([60]) Audition de M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane, réalisée le 7 décembre 2022.

([61]) Insee, « Dossier complet – département de la Guyane (973) », janvier 2023, et « Évolution et structure de la population en 2019 », juin 2022.

([62]) Insee, « L'essentiel sur… la Guyane », janvier 2023.

([63]) En 2015, une personne sur huit vivant en Guyane était de nationalité surinamaise ; les communautés haïtienne et brésilienne représentaient chacune 9 % de la population. Voir Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 62.

([64]) Lors de son audition par les rapporteurs, le recteur de l’académie de la Guyane, M. Gilles Dulbecco, a rappelé qu’une partie des migrations depuis les pays limitrophes ont un caractère saisonnier, et ne donnent pas toujours lieu à la scolarisation d’enfants. De plus, les mouvements migratoires peuvent connaître d’importantes modifications d’une année à l’autre, en fonction de la conjoncture économique et politique notamment.

([65]) Rectorat de l’académie de la Guyane, « Constats d’effectifs d’élèves du premier et du second degré pour l’année 2022-2023 », octobre 2022.

([66]) La plus forte augmentation constatée dans l’enseignement élémentaire s’explique en particulier par le dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire, effectif à la rentrée 2018 pour le CP et en 2019 pour le CE1.

([67]) Observatoire de la scolarisation et de la réussite éducative (OSRE) du rectorat de l’académie de la Guyane, réunion du 14 mars 2023.

([68]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 63.

([69]) Les données qui ont servi de base aux estimations respectives du rectorat et de l’Insee diffèrent tant par leur nature que par leur date. Le nombre avancé par l’Insee repose sur les résultats du recensement de 2019, au cours duquel les répondants étaient appelés à indiquer si leurs enfants étaient scolarisés. Les données utilisées dans l’enquête du rectorat sont postérieures : elles se rapportent à l’année scolaire 2022-2023. Au cours des quatre années qui séparent les deux séries de données, la proportion d’enfants scolarisés parmi ceux âgés de trois à cinq ans a augmenté, notamment sous l’effet de l’abaissement de l’âge de début de l’obligation d’instruction. De plus, l’estimation du rectorat repose sur le nombre de demandes d’affectation dans un établissement scolaire non satisfaites, ainsi que sur les sorties précoces du système d’enseignement. Ainsi, en l’absence de toute démarche tendant à scolariser un enfant, ce dernier échappe à l’observation des services de l’Éducation nationale et ne rentre donc pas dans le périmètre du calcul.

([70]) À Saint-Laurent-du-Maroni (ouest) notamment, le taux d’occupation des trois lycées de la ville atteignait, en 2018, entre 140 et 150 %. Voir « Le système éducatif en Guyane. Pour un état d’urgence éducatif », conclusions de la mission sur l’état de l’enseignement scolaire et agricole en Guyane, commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, par MM. Jean-Claude Carle, Antoine Karam et Laurent Lafon, sénateurs, note de synthèse n° DLC-102 (2017-2018), publiée le 8 juin 2018.

([71]) En particulier, les enseignants contractuels représentent 30 % des effectifs (entre 18 et 20 % dans le premier degré), contre 7,5 % à l’échelle nationale (audition de M. Gilles Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane).

([72]) Voir le rapport de recherche commun du Défenseur des droits et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), Guyane. Les défis du droit à l’éducation, avril 2021, sur l’éloignement physique des écoles ou la distance d’une partie des familles à l’égard de l’institution scolaire.

([73]) Au cours de son audition, M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane, a notamment cité le cas d’une partie de la population d’origine amérindienne et Bushinengué.

([74]) Défenseur des droits et Unicef, Guyane. Les défis du droit à l’éducation, synthèse, p. 7.

([75]) La Cour des comptes rappelle qu’en 2014, quatre élèves sur cinq ne bénéficiaient pas d’un accès régulier à la restauration scolaire. Voir Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 104.

([76]) Défenseur des droits et Unicef, Guyane. Les défis du droit à l’éducation, p. 68.

([77]) Audition de M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane.

([78]) Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’outre-mer et à Wallis-et-Futuna, 2020, p. 97.

([79]) Cour des comptes, La scolarisation des élèves allophones, mars 2023, p. 20. Les modalités particulières de prise en charge des EANA – qui bénéficient du droit à l’éducation et à la scolarisation au même titre que les autres enfants soumis à l’instruction obligatoire – sont précisées par la circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012.

([80])  Audition de M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de la Guyane.

([81]) Les fonctions d’ILM ont été créées par le rectorat de l’académie de la Guyane en 1998. Recrutés sous le statut d’assistants d’éducation, ces locuteurs de langues amérindiennes (wayana, kali’na, palikur, wayapi), nenge (aluku, ndyuka), hmong et européennes (portugais) assurent des fonctions éducatives et de médiation entre les élèves, leurs familles et les autres personnels de l’Éducation nationale. Leur nombre est passé de de 40 à 80 à la rentrée 2017. Voir D. Maurel, « Le dispositif académique des intervenants en langue maternelle », Revue française d’éducation comparée, n° 8, 2012.

([82]) Accord de Guyane du 21 avril 2017 – Protocole « Pou Lagwiyann dékolé », JORF, 2 mai 2017. Le plan d’urgence intégré à cet accord a été présenté en Conseil des ministres le 5 avril précédent, après plusieurs semaines de mouvements sociaux. L’Accord de Guyane a été conclu entre l’État, le président de la collectivité territoriale de Guyane, les parlementaires de Guyane, l’Association des maires de Guyane et le collectif Pou Lagwiyann dékolé, mouvement qui rassemblait des syndicats et des membres de la société civile. Le montant total des dépenses prévues par l’Accord atteignait 1,086 milliard d’euros.

([83]) DEPP, Repères et références statistiques 2022 et académie de la Martinique, « Effectifs des élèves du second degré public et privé à la rentrée 2022 », BrefStat n° 8, novembre 2022.

([84]) Lors de son audition, M. Philippe Dulbecco a mentionné le cas du lycée de lycée de Maripasoula (sud-ouest), qui a ouvert en 2022 et présente une capacité d’accueil de 800 élèves au cœur d’une zone faiblement peuplée. À l’inverse, les trois lycées de Saint-Laurent-du-Maroni sont saturés.

([85]) Préfecture de la région Guyane, « Bilan du Plan d’urgence pour la Guyane : Volet santé et éducation », 25 octobre 2022.

([86]) Insee, « Près de 120 000 élèves attendus dans les premier et second degrés d’ici 2030 », Insee Analyses Guyane, n° 13, janvier 2016.

([87]) Depuis 2018, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni demande l’expérimentation d’un système de rotation des classes et d’horaires décalés analogue à celui qui est en vigueur à Mayotte. Voir Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, p. 101.

([88]) Ibid., p. 66.

([89]) Étude d’impact, p. 5.

([90]) Audition de représentants d’organisations syndicales de l’Éducation nationale et de la fonction publique territoriale, réalisée le 17 mai 2023.

([91]) Article L. 131-8 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 14 de la loi du 26 juillet 2019.

([92]) Rapport d’information n° 543 (2021-2022) fait au nom de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

([93]) En février 2018, la Haute Autorité de santé (HAS) indiquait notamment que le dépistage des troubles du spectre autistique (TSA) intervient le plus souvent entre trois et cinq ans, alors même que les enfants sont déjà soumis à l’obligation scolaire. Voir HAS, « Autisme de l’enfant : accélérer les étapes jusqu’au diagnostic, agir sans attendre », 19 février 2018.

([94]) Audition de représentants d’organisations syndicales de l’Éducation nationale et de la fonction publique territoriale, réalisée le 17 mai 2023.

([95]) Constitués de psychologues et de professeurs des écoles, les Rased interviennent auprès des élèves des écoles maternelles et élémentaires. Les aides spécialisées qu’ils dispensent ont vocation à « prévenir et remédier aux difficultés scolaires persistantes qui résistent aux aides apportées par les enseignants des classes » (Circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014).

([96]) Rapport d’information sur la médecine scolaire et la santé à l’école, par M. Robin Reda, rapporteur spécial, déposé le 11 mai 2023.

([97]) Rapport d’information n° 543 (2020-2021) du Sénat.

([98]) IGAS et IGÉSR, Mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, rapport n° 2020-002R (IGAS) et n° 2020-109 (IGÉSR), juillet 2020, p. 10.

([99]) Le statut d’EJE est conféré par un diplôme d’État, dont le niveau est équivalent à celui d’une licence. Ces personnels sont formés pour intervenir auprès d’enfants de moins de sept ans. Selon que l’établissement est géré par une collectivité publique ou par une personne privée, ses personnels possèdent le statut d’agent public ou de salarié de droit privé.

([100]) Sur les spécificités des pédagogies mises en œuvre dans les jardins d’enfants, voir Marco Oberti et Carlo Barone, Les jardins d’enfants de la Ville de Paris, rapport de recherche, Observatoire sociologique du changement, 2019, p. 23 sqq.

([101]) IGAS et IGÉSR, Mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, p. 20.

([102]) Voir CNAF, « Les aides des CAF aux partenaires. Barème nationale 2022 », décembre 2021.

([103]) Audition de représentants de l’association Défense collective des amis des jardins d’enfants (Décollaje), réalisée le 17 avril 2023.

([104]) IGAS et IGÉSR, Mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, p. 19.

([105]) Étude d’impact, p. 21.

([106]) Audition de représentants de l’association Décollaje, réalisée le 17 avril 2023.

([107]) Audition de M. Pap Ndiaye par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.

([108]) Lors de l’examen en séance publique au Sénat de la proposition de loi n° 91 (2022-2023) pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, le 11 avril 2023.

([109]) Audition de représentants de l’association Décollaje, réalisée le 17 avril 2023.

([110]) La notion de droit à la scolarité opposable aux tiers était présente dans d’autres dispositions du texte. Ainsi, en instaurant, au profit des élèves, une protection juridique contre le harcèlement scolaire, l’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 visait aussi à conforter la position de l’enfant dans ses rapports avec ses pairs. Ces dispositions ont depuis été modifiées par la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.

([111]) En application des articles L. 212-7 et L. 212-8 du code de l’éducation, la charge des dépenses de fonctionnement des écoles peut être transférée à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

([112]) Dans sa rédaction issue du décret n° 2019-838 du 19 août 2019 portant diverses mesures de simplification pour le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

([113]) La mention des motifs d’autorisation a été introduite par l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La rédaction antérieure de l’article mentionnait les « raisons alléguées » par les parents pour délivrer l’instruction dans la famille.

([114])  Dans sa rédaction issue de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés, dite « loi Debré ».

([115]) Circulaire n° 2012-025 du 15 février 2012 relative aux règles de prise en charge par les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat.

([116]) Dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1555 du 30 décembre 2019 relatif aux modalités d’attribution des ressources dues aux communes au titre de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire.

([117]) Ibid.

([118]) En application du premier alinéa de l’article R. 442-44 susmentionné, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 décembre 2019.

([119]) Ainsi, le Conseil d’État avait jugé que les communes n’étaient tenues de financer les dépenses de fonctionnement des écoles préélémentaires privées que lorsqu’elles avaient donné préalablement leur accord à la conclusion du contrat (CE, 31 mai 1985, n° 42659). Il leur était aussi possible de retirer cet accord à tout moment lorsque le contrat ne comportait pas de limite de durée, ou, lorsque ce dernier était conclu pour une période déterminée, à son expiration.

([120]) Étude d’impact, p. 27 et avis du Conseil d’État sur un projet de loi pour une école de la confiance, point 10.

([121]) Selon la règle encadrant les transferts de compétences de l’État aux collectivités territoriales, énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005.

([122]) Conformément au principe régissant les extensions de compétences, issues des décisions du Conseil constitutionnel n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 et n° 2011-144 QPC.

([123]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2022. Mission interministérielle Enseignement scolaire, avril 2023, p. 48.

([124]) Rapport d’information n° 543 (2020-2021) du Sénat, p. 25.

([125]) Étude d’impact, p. 33.

([126]) Voir projet de loi de finances pour 2023, projet annuel de performance du programme 230 Vie de l’élève, p. 62-63.

([127]) Audition de représentants du Réseau français des villes éducatrices (RFVE), réalisée le 3 avril 2023.

([128]) Cnal, « Projet de loi de l’école de la confiance : un cadeau de 150 millions d’euros à l’enseignement privé », 8 février 2019. Cette estimation a aussi été mentionnée par plusieurs organisations syndicales entendues par les rapporteurs.

([129]) Réponse du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse à la question écrite n° 08215 de Mme Christine Prunaud, sénatrice, JO Sénat, 19 décembre 2019.

([130]) Audition de représentants du RFVE, réalisée le 3 avril 2023.

([131]) Décision n° 2019-787 DC du 25 juillet 2019.

([132]) Auditions de M. Frédéric Leturque, maire d’Arras et représentant de l’Association des maires de France (AMF), et de représentants du Réseau français des villes éducatrices, réalisées respectivement le 16 janvier et le 3 avril 2023.

([133]) Auditions de représentants des syndicats de l’Éducation nationale, réalisées les 14 et 21 novembre 2022.

([134]) Audition de représentants de la Ligue de l’enseignement et de la Fédération nationale de la libre-pensée, réalisée le 20 mars 2023.

([135]) Audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, le 4 avril 2023.

([136]) Depp, Notes d’informations n° 23.10 et 23.11, mars 2023.

([137]) Ce cas de figure concerne essentiellement les enfants de familles itinérantes, les sportifs de haut niveau, les artistes, ainsi que les enfants en situation de handicap ou éloignés de l’école pour des raisons de santé. L’instruction délivrée dans le cadre de l’accès règlementé au CNED est gratuite.

([138]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire.

([139]) Voir André D. Robert et Jean-Yves Seguy, « L’instruction dans les familles et la loi du 28 mars 1882 : paradoxe, controverses, mise en œuvre (1880-1914) », Histoire de l’éducation, n° 144, 2015, p. 29-52.

([140]) Conseil d’État, 19 juillet 2017, Association Les enfants d’abord, n° 406150.

([141]) Le Conseil d’État avait ainsi jugé que le refus du contrôle n’étant pas assimilé à un contrôle révélant une instruction insuffisante, il ne pouvait conduire à la mise en demeure d’inscrire l’enfant dans un établissement scolaire (CE, 13 janvier 2014, Ministre de l’Éducation nationale c/ Roberger, n° 370323).

([142]) Le socle commun a été introduit par la loi n° 2005-380 du 25 avril 2005 d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école. Il comprend les connaissances, les compétences et la culture que tout enfant doit avoir acquises à l’issue de l’instruction obligatoire. En outre, chacun des quatre cycles que compte l’enseignement scolaire rassemble trois niveaux : le cycle 1 correspond à la scolarité préélémentaire, le cycle 2 au CP, CE1 et CE2, le cycle 3 aux classes de CM1, CM2 et 6e, et le cycle 4 les trois dernières années de collège.

([143]) DGESCO, L’instruction dans la famille, novembre 2020 ; Ministère de l’Intérieur et ministère de l’Éducation nationale, Le rôle des acteurs locaux dans le cadre de l’instruction dans la famille, novembre 2017. Les associations de défense de l’instruction en famille entendues par les rapporteurs réclament l’actualisation de ces documents pour tenir compte des apports de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

([144]) Vademecum L’instruction dans la famille, p. 21.

([145]) Vademecum L’instruction dans la famille, p. 26.

([146]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire.

([147]) Audition de représentants d’associations d’instruction en famille, réalisée le 11 mai 2023.

([148]) Audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, le 4 avril 2023.

([149]) Amendement n° 675 du Gouvernement, déposé le jeudi 7 février 2019.

([150]) Conformément à l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

([151]) Not in education, employment or training.

([152]) Le ministère de l’Éducation nationale définit les décrocheurs scolaires comme les jeunes ayant quitté le système de formation initiale sans avoir obtenu une qualification équivalente au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle, de type certificat d’aptitude professionnelle (CAP).

([153]) Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

([154]) Conformément à l’article L. 5131-6 du code du travail.

([155]) Décret n° 2020-978 du 5 août 2020 relatif à l’obligation de formation des jeunes de seize à dix-huit ans.

([156]) Adoptée par le Conseil européen du 17 juin 2010, la stratégie « Europe 2020 » a succédé à la stratégie de Lisbonne adoptée par le Conseil européen des 23 et 24 mars 2000. Elle s’articulait autour de trois axes : une croissance intelligente, une croissance durable et une croissance inclusive.

([157]) L’Insee définit le taux de sorties précoces du système scolaire comme la proportion de jeunes de 18-24 ans qui, simultanément, n’étudient plus, ne sont pas diplômés du second cycle de l’enseignement secondaire et n’ont pas suivi de formation au cours des quatre dernières semaines. En France, il s’agit des jeunes de 18‑24 ans qui ne poursuivent plus ni études, ni formation et n’ont pas de diplôme supérieur au brevet.

([158]) « Après un pic dû à la crise sanitaire, la part des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation repart à la baisse », Insee focus, n° 285, 10 janvier 2023.

([159]) Rapport d’information n° 885 (2021-2022) de Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence Harribey et Muriel Jourda sur la délinquance des mineurs, enregistré à la présidence du Sénat le 21 septembre 2022.

([160]) Instruction ministérielle MENE2027186J du 22 octobre 2020 sur la mise en œuvre de l’obligation de formation.

([161]) Les réseaux Formation qualification emploi (Foquale), au nombre de 380, regroupent les établissements et les dispositifs relevant du ministère de l’Éducation nationale, comme les micro-lycées ou les écoles de la deuxième chance.

([162]) En particulier, le niveau d’études auquel les enseignants sont recrutés est défini par décret. Le contenu des masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (Meef) est fixé par arrêté. Si l’article 46 de la loi pour une école de la confiance a introduit, dans la formation initiale des enseignants, des modules portant sur le numérique, la protection de l’environnement et la transition écologique, ainsi que – dans les seules académies ultramarines – les enjeux du plurilinguisme et la scolarisation des élèves allophones, l’ajout de ces compléments thématiques n’était pas de nature à bouleverser l’économie générale de la formation définie par voie règlementaire.

([163]) Rapport n° 1629 de Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang, déposé le 31 janvier 2019, tome III, p. 12.

([164]) Voir Gilles Laprévote, Les écoles normales primaires en France (1879-1979), Presses universitaires de Lyon, 1984, p. 17-22.

([165]) Antoine Prost, Histoire des réformes de l’éducation, de 1936 à nos jours, Seuil, 2019, p. 258.

([166]) Une première agrégation avait été créée sous l’Ancien Régime pour le recrutement des professeurs des collèges royaux. Après sa suspension par la Révolution, le rétablissement de l’agrégation en 1808 marque le début de son histoire moderne.

([167]) Voir Yves Verneuil, « La création du CAPES : révolution ou innovation contrariée (1950-1952) ? », Carrefours de l’éducation, 2016, n° 41, p. 81-98.

([168]) Projet de la commission ministérielle d’études dite « commission Langevin-Wallon », section III : « Formation des maîtres », 1947.

([169]) Voir Francine Dugast, « La création des Instituts universitaires de formation des maîtres », in La formation des maîtres, op. cit., p. 211-225.

([170]) Décret n° 86-487 du 14 mars 1986 relatif au recrutement et à la formation des instituteurs.

([171]) Voir Antoine Prost, Histoire des réformes de l’éducation, op. cit., p. 256-257 et les actes de ce colloque : Pour une école nouvelle, Formation des maîtres et recherche en éducation, Dunod, 1969.

([172]) Cour des comptes, Devenir enseignant :la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés, février 2023, p. 50.

([173]) Voir L’an I des Espé : un chantier structurel, rapport d’information n° 579 (2013-2014) de M. Jacques-Bernard Magner, sénateur, déposé le 4 juin 2014.

([174]) L’article L. 625-1 du code de l’éducation dispose que les Inspé « organisent » la formation initiale des personnels et « participent » à leur formation continue. En effet, cette dernière est assurée principalement par les autorités académiques, dans le cadre de plans académiques de formation (PAF).

([175]) Étude d’impact, p. 90.

([176]) Ibid.

([177]) Article 14 de l’arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ».

([178]) Article 16.

([179]) Article 18.

([180]) Cahier des charges annexé à l’arrêté du 25 novembre 2021 susmentionné.

([181]) Article D. 721-11 du code de l’éducation.

([182]) Audition de M. Alain Frugière, réalisée le 3 avril 2023. Le Réseau des Inspé est une association régie par la loi de 1901 qui réunit les trente-deux Inspé et l’École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole (ENSFEA).

([183]) Audition de représentants d’organisations syndicales étudiantes, réalisée le 11 mai 2023 ; rencontre avec des délégués des étudiants et fonctionnaires stagiaires de l’Inspé de Paris, réalisée le 15 mai 2023. Les rapporteurs remercient M. Alain Frugière, directeur de l’Inspé, d’avoir organisé cette rencontre.

([184]) Audition de M. Alain Frugière, réalisée le 3 avril 2023.

([185]) Cour des comptes, Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés, op. cit., p. 51.

([186]) Étude d’impact, p. 101-102.

([187]) En application de l’arrêté du 6 juin 2003 fixant le montant de la rémunération des assistants d’éducation, modifié par les arrêtés du 24 septembre 2019 et du 9 août 2022.

([188]) Audition de M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, réalisée le 30 novembre 2022.

([189]) Cour des comptes, Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés, op. cit., p. 61-62.

([190]) Voir IGÉSR, La mise en place des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE) à la rentrée 2021, janvier 2022.

([191]) IGÉSR et Inspection des finances, Scolarisation des élèves en situation de handicap, avril 2022, p. 5.

([192]) Ibid., p. 4.

([193]) Rapport n° 171 (2022-2023) de Mme Marie-Pierre Monier, sénatrice, sur la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants des élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, déposé le 1er décembre 2022.

([194]) Décret n° 2018-666 du 27 juillet 2018 modifiant le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap.

([195]) Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017 relative aux missions et activités des personnels chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

([196]) Conseil d’État, 20 novembre 2020, n° 422248.

([197]) Décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 modifiant le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » et « Réseau d’éducation prioritaire ».

([198]) Conseil d’État, 12 avril 2022, Fédération SUD Éducation, n° 452547.

([199]) Proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants en situation de handicap et des assistants d’éducation, n° 4781 (XVème législature), déposée le 7 décembre 2021.

([200]) Arrêté du 24 janvier 2022 modifiant l'arrêté du 23 août 2021 relatif à l'échelonnement indiciaire des accompagnants des élèves en situation de handicap.

([201]) Rapport n° 171 (2022-2023) de Mme Marie-Pierre Monier, p. 10.

([202]) Circulaire du 4 janvier 2023 relative à l’accompagnement des élèves de l’enseignement public en situation de handicap durant les activités périscolaires.

([203]) Proposition de loi n° 326 (XVIème législature), déposée le 11 octobre 2022. Elle a été discutée par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation le 16 novembre 2022. Faute de temps, elle n’a pas été examinée en séance publique.

([204]) Rapport d’information n° 543 (2021-2022) du Sénat, p. 40.

([205]) Circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019.

([206]) IGÉSR et IGF, Scolarisation des élèves en situation de handicap, p. 8.

([207]) Auditions de syndicats de l’Éducation nationale, réalisées les 14 et 21 novembre 2022, ainsi que le 17 mai 2023.

([208]) Audition de syndicats de l’Éducation nationale, réalisée le 21 novembre 2022. Voir également La Nouvelle République, « Handicap en Indre-et-Loire : "Il faut que l’État ouvre des places" », 23 février 2023.

([209]) Les EPLEI ne peuvent pas être regardés comme une catégorie d’établissements publics à part entière. En effet, les EPLEI sont rattachés à la même tutelle administrative que les EPLE et ont une spécialité analogue. Si l’intervention du législateur est en principe nécessaire pour la seule création de nouvelles catégories d’établissements publics, en application de l’article 34 de la Constitution, le Gouvernement a cependant décidé de recourir à la loi du fait de la différence entre les règles constitutives des EPLEI et celles des EPLE.

([210]) Le conseil d’administration des collèges et des lycées comporte un représentant du département pour les collèges et un représentant de la région pour les lycées, ainsi que trois représentants de la commune siège de l’établissement ou, lorsqu’il existe un groupement de communes, un représentant du groupement de communes et deux représentants de la commune siège (article D. 422-12 du code de l’éducation).

([211]) Article L. 421-19-5 du code de l’éducation.

([212]) Article L. 421-19-3 du code de l’éducation.

([213]) IGÉSR, La mise en œuvre des établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI), mai 2020.

([214]) L’ouverture d’une école internationale était prévue par l’article 6 de l’annexe II de l’accord international sur l’établissement de l’organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER, signé le 21 novembre 2006 entre l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis.

([215]) Voir la section 4 du chapitre II du titre II du règlement sur les écoles européennes agréées.

([216]) « Contrôle du niveau des compétences linguistiques lors de la procédure de recrutement des personnels enseignants et d’éducation, locuteurs non natifs », Conseil supérieur des écoles européennes, avril 2018.

([217]) Le cadre européen de référence pour les langues (CECRL) classe la maîtrise des langues étrangères en plusieurs niveaux : A1, A2, B1, B2, C1 et C2, ce dernier correspondant à un niveau d’utilisateur expérimenté.

([218]) Décret n° 2007-322 du 8 mars 2007 relatif aux professeurs associés des établissements publics locaux d’enseignement relevant du ministre chargé de l’éducation nationale.

([219]) Compte rendu n° 30 (2018-2019) de la séance de 16 h 15 du mercredi 30 janvier 2019, commission des affaires culturelles et de l’éducation.

([220]) Journal officiel de la République française, compte rendu intégral de la 3e séance du jeudi 14 février 2019.

([221]) Amendement n° 804 de Mme Géraldine Bannier et plusieurs de ses collègues.

([222]) « L’autorité compétence en matière d’éducation affecte dans l’établissement public local d’enseignement international les élèves qui ont satisfait à cette vérification d’aptitude, en veillant à la mixité sociale des publics scolarisés au sein de celui-ci. » (second alinéa de l’article L. 421-19-10 du code de l’éducation).

([223]) L’indice de position sociale (IPS) est un indicateur statistique construit par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale. Il représente les conditions socioéconomiques et culturelles moyennes des professions des parents d’élèves, en déterminant des valeurs de référence pour chaque profession et catégorie sociale (PCS) des parents. La moyenne des PCS disponibles dans un établissement scolaire permet d’obtenir l’IPS moyen d’un établissement.

([224]) Désormais le Centre national d’étude des systèmes scolaires.

([225]) Amendement n° AC605 de Mme Anne-Christine Lang, rapporteure.

([226]) Amendement n° AC606 de Mme Anne-Christine Lang, rapporteure.

([227]) Amendement n° AC604 de Mme Anne-Christine Lang, rapporteure.

([228]) Amendement n° 449 de Mme Béatrice Descamps et plusieurs de ses collègues.

([229]) Article D. 315-5 du code de l’éducation.

([230]) Amendement n° 517 de M. Bruno Studer et plusieurs de ses collègues.

([231]) Décret n° 2019-1403 du 18 décembre 2019 relatif aux recherches et aux expérimentations menées dans les écoles et établissements d'enseignement publics et privés sous contrat et dans les établissements français d’enseignement à l'étranger.

([232]) Arrêté du 17 mai 2006 fixant l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

([233]) La treizième édition de la journée nationale de l’innovation a eu lieu à Grenoble le 17 mai 2023.

([234]) Plusieurs thèmes peuvent être renseignés dans la fiche des expérimentations mises en ligne sur le portail Innovathèque.

([235]) La création de l’IGÉSR résulte de la fusion de l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGÉN), de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) et de l’Inspection générale des bibliothèques (IGB).

([236]) Article L. 241-1 du code de l’éducation.

([237]) Trends in international mathematics and science study.

([238]) Progress in international reading literacy study.

([239]) Article 33 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

([240]) Rapport n° 1629 de Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi pour une école de la confiance, 31 janvier 2019.

([241]) « L’évaluation des établissements par les académies », Inspection générale de l’Éducation nationale et Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche, rapport n° 2017-080, décembre 2017.

([242]) « L’Éducation nationale : organiser son évaluation pour améliorer sa performance », Cour des comptes, décembre 2017.

([243]) Rapport d’information n° 1265 de M. Régis Juanico et Mme Marie-Tamarelle-Verhaeghe sur l’organisation de la fonction d’évaluation du système éducatif.

([244]) Le projet d’école ou d’établissement ne doit pas être confondu avec le contrat d’objectifs, signé entre les services académiques et les établissements publics locaux d’enseignement, afin de définir les objectifs à atteindre par l’établissement pour satisfaire aux orientations nationales et académiques. La collectivité territoriale de rattachement peut être partie au contrat d’objectifs, si elle le souhaite (article R. 421-4 du code de l’éducation).

([245]) Décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement.

([246]) Aux termes de l’article L. 311-2 du code de l’éducation, les principes de l’autonomie dont disposent les écoles, les collèges et les lycées dans le domaine pédagogique sont définis par décret.

([247]) Bilan national de la campagne d’évaluation 2021-2022 des écoles et des établissements, CEE.

([248]) « Mobiliser la communauté éducative autour du projet d’établissement », Cour des comptes, janvier 2023.

([249]) https://www.snuipp.fr/actualites/posts/grande-enquete-ecole-et-metier-les-resultats

([250]) https://consultation-temps-travail.snuipp.fr/

([251]) Note d’information n° 22.30 de la Depp, octobre 2022.

([252]) La composition du CEE est régie par l’article L. 241-13 du code de l’éducation.

([253]) Amendement n° AC610 de Mme Anne-Christine Lang, rapporteure.

([254]) Et non plus « Conseil national d’évaluation du système scolaire ».

([255]) https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2023/03/Cnesco-CC-Eval_Dossier-de-synthese.pdf

([256]) https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2022/10/CCI-Gouvernance_Rapport-de-synthese_Cnesco.pdf

([257]) Le CEE ne dispose pas de statistiques nationales agrégées relatives au refus des enseignants de participer aux campagnes d’auto-évaluation. Contacté, il a indiqué que ces refus étaient variables selon les établissements et les académies.

([258]) Selon les données de la Depp, on compte en France, en 2022, 48 580 écoles, 6 960 collèges et 3 720 lycées et établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA).

([259]) SNUipp-FSU, Snudi-FO, CGT Éduc’action, Snalc, Sud-Éducation.

([260]https://www.snuipp.fr/system/resources/W1siZiIsIjIwMjIvMDcvMDUvMm1pNXFpbHE4a19CRF9WM19BNF8yMDIyX0VWQUxVQVRJT05TLnBkZiJdXQ/BD_V3_A4_2022_EVALUATIONS.pdf

([261]) Rendre les évaluations facultatives nécessiterait de modifier la partie législative du code de l’éducation (chapitre Ier bis du titre IV du livre II de la première partie).