N° 1356

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur les suites de la conférence sur l’avenir de l’Europe,

 

 

ET PRÉSENTÉ

par M. Pieyre-Alexandre ANGLADE et Mme Julie LAERNOES

Députés

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice‑présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, Mme Barbara POMPILI, MM. Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : La confÉrence sur l’avenir de l’europe a fait Émerger les attentes collectives autour de l’Union, qu’il convient dÉsormais de mettre en œuvre pour en parachever le succÈs

I. la confÉrence sur l’avenir de l’europe est un premier pas important pour rapprocher l’union europÉenne des citoyens

A. l’union europÉenne est l’Échelon pertinent pour faire face aux crises internationales mais demeure parfois perçue comme une structure trop éloignée des citoyens

1. L’Union européenne ne peut plus être seulement un grand marché et a démontré la pertinence de son action dans un contexte de crises

2. L’Union européenne n’est toutefois pas encore perçue comme une véritable communauté sociale et politique

B. La ConfÉrence sur l’avenir de l’europe constitue un ÉvÈnement inÉdit menÉ À terme pour rapprocher les citoyens de l’union, malgré des limites inhÉrentes À l’exercice

1. La Conférence sur l’avenir de l’Europe constitue un premier essai de consultation citoyenne d’ampleur au niveau européen

2. Vos rapporteurs relèvent toutefois les limites de l’exercice de la conférence et du suivi de ses conclusions

a. L’exercice de consultation citoyenne peut être amélioré

b. La réussite de l’exercice dépendra de la réalité de la mise en œuvre de ses conclusions

3. La conférence doit instaurer une dynamique durable d’association des citoyens à la prise de décision européenne

II. La poursuite du travail sur les conclusions de la confÉrence doit Être une prioritÉ absolue pour les institutions europÉennes afin de renforcer la légitimitÉ de l’union

A. L’Union europÉenne a d’ores-et-déjà les moyens d’agir pour la mise en œuvre des conclusions de la confÉrence

1. Une partie importante des conclusions de la conférence est déjà mise en œuvre ou peut intervenir sans modification des traités

2. Les institutions de l’Union s’intéressent à la traduction législative des conclusions de la conférence

B. La mise en œuvre des conclusions de la confÉrence implique toutefois une poursuite du travail engagÉ, de façon à renouveler l’efficacitÉ, la légitimitÉ et le caractère concret des politiques europÉennes

1. L’efficacité et la légitimité de l’Union requièrent un approfondissement de la démocratie européenne

2. Le projet européen doit prendre en compte l’absolue nécessité de mener des politiques plus concrètes et plus écologiques, dans la lignée du travail entamé sur le Pacte Vert pour l’Europe

DEUXIÈME PARTIE : les conclusions de la confÉrence ne peuvent pas rester lettre morte et doivent rapidement aboutir À une renÉgociation des traitÉs, allant de pair avce une réflexion sur l’élargissement de l’union européenne

I. le recours aux clauses passerelles, un levier indispensable sur le court terme mais qui ne saurait À lui seul garantir la mise en œuvre des propositions fondamentales de la confÉrence

A. la rÉvision des traitÉs doit permettre de simplifier le processus dÉcisionnel et d’Étendre des compÉtences de l’Union europÉenne dans un sens plus concret

1. Le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil nécessite une révision des traités européens

2. Les traités européens doivent être révisés pour permettre l’extension des compétences de l’Union européenne

B. Le recours À une procÉdure simplifiÉe des traitÉs avec les clauses passerelles est nÉcessaire mais À la fois politiquement incertain et techniquement insuffisant pour la mise en œuvre des principales conclusions de la confÉrence

1. Le recours aux clauses passerelles est une solution partielle pour permettre le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil

2. La condition d’unanimité des États membres pour le déclenchement d’une clause passerelle limite également les possibilités de recours

II. L’ouverture d’une Convention pour la renÉgociation des traitÉs est indispensable pour garantir la poursuite du projet europÉen dans la perspective d’un Éventuel Élargissement

A. Le renouveau du projet europÉen passe par une indispensable rÉouverture des traitÉs pour faire suite à la confÉrence sur l’avenir de l’europe

1. Vos rapporteurs soutiennent le Parlement européen dans le lancement d’une procédure d’ouverture d’une révision des traités

2. La révision des traités permettra de mettre en cohérence les prérogatives de l’Union européenne avec les attentes des citoyens ayant participé à la conférence

B. Les Évolutions proposÉes de la structure institutionnelle doivent s’inscrire dans la rÉflexion pour un nouvel Élargissement

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Il y a un an s’achevait la conférence sur l’avenir de l’Europe. À l’issue d’un travail de consultation citoyenne d’une ampleur inédite au niveau européen, l’assemblée plénière présentait un rapport final regroupant 49 propositions, déclinées en 326 mesures. Malgré les différentes limites inhérentes à l’exercice de consultation, l’organisation de la conférence a permis de faire avancer le débat européen.

Le travail autour des conclusions ne fait cependant que commencer. L’esprit de la conférence sur l’avenir de l’Europe ne s’éteint pas avec le rapport final, mais doit encore infuser dans l’ensemble des politiques européennes, à la fois par la poursuite des exercices de consultations, mais aussi grâce à une mise en œuvre rapide de l’ensemble des recommandations.

Le rapport final nous livre un témoignage précieux : les citoyens impliqués dans sa rédaction appellent à une consolidation de la place des politiques européennes dans tous les domaines de l’action publique. « Plus d’Europe » est le message délivré par les citoyens ayant participé à la conférence : plus d’Europe par un approfondissement démocratique des institutions, plus d’Europe par la mise en œuvre de politiques concrètes de l’Union, plus d’Europe pour une meilleure protection de nos concitoyens dans un contexte international ponctué par les crises.

Les participants à la conférence ont placé des attentes très élevées dans l’Union européenne et lui attribuent des d’objectifs particulièrement ambitieux. Les institutions européennes, obligées par cette confiance, doivent en effet trouver la voie d’un compromis politique qui puisse doter l’Europe de demain de prérogatives suffisantes pour relever l’ensemble des défis climatiques, économiques, numériques, sanitaires, migratoires et militaires. Les institutions européennes ont d’ores-et-déjà débuté le travail de mise en œuvre des conclusions : le programme de travail de la Commission européenne pour 2023 reprend par exemple de nombreuses recommandations du rapport de la conférence.

Pourtant, l’Union est encore au milieu du gué, avec un décalage entre d’une part les espoirs des citoyens vis-à-vis de son action et d’autre part des compétences parfois trop limitées, ou des modalités de prise de décision parfois trop bloquantes.


Pour mettre fin à ce constat, vos rapporteurs plaident résolument en faveur du lancement d’une procédure de révision ordinaire des traités européens qui déboucherait sur la convocation d’une Convention. Quatorze ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la réforme du fonctionnement institutionnel et l’approfondissement des politiques communes est érigé en priorité par nos concitoyens : nous devons entendre cet appel.

La révision des traités doit également permettre d’envisager à moyen terme le fonctionnement de notre Union avec de nouveaux membres. L’Ukraine et la Moldavie ont rejoint les cinq autres pays candidats au mois de juin 2022. Fonctionner à 27 dans le cadre des traités actuels est déjà un défi et a démontré ses limites. Il apparaît donc particulièrement prégnant de faire coïncider l’élargissement de l’Union avec une réforme institutionnelle.

L’aboutissement du travail de la conférence sur l’avenir de l’Europe ouvre ainsi un momentum pour remodeler notre Union, à la fois d’un point de vue démocratique et du point de vue de l’efficacité des politiques mises en œuvre. Ce rapport et la proposition de résolution européenne qui en émane, ont pour objectif d’exhorter l’ensemble des parties prenantes au débat politique européen, à donner des retombées concrètes au remarquable travail réalisé par les participants à la conférence. Les citoyens, les acteurs de la société civile et notamment les partenaires sociaux, ont un rôle de vigie dans la mise en œuvre des recommandations : ne les décevons pas.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : La confÉrence sur l’avenir de l’europe a fait Émerger les attentes collectives autour de l’Union, qu’il convient dÉsormais de mettre en œuvre pour en parachever le succÈs

 

I.   la confÉrence sur l’avenir de l’europe est un premier pas important pour rapprocher l’union europÉenne des citoyens

A.   l’union europÉenne est l’Échelon pertinent pour faire face aux crises internationales mais demeure parfois perçue comme une structure trop éloignée des citoyens

1.   L’Union européenne ne peut plus être seulement un grand marché et a démontré la pertinence de son action dans un contexte de crises

L’Union européenne a d’abord été conçue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour assurer la paix en Europe, en prenant tout d’abord la forme d’un rapprochement économique entre les États membres, avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) ([1]) , puis la signature du traité de Rome en 1957 fondant la Communauté économique européenne (CEE) ([2]). Le marché unique, achevé le 1er janvier 1993, représente aujourd’hui 450 millions de consommateurs et représente 18 % du PIB mondial. Le marché a fondé la légitimité originelle de l’Union européenne sur les politiques économiques dans un contexte d’après-guerre.

Les périodes de crises ont toutefois permis à l’Union européenne de démontrer toute l’utilité et la pertinence de son action pour soutenir les États membres. Les institutions européennes ont en effet su prendre toute la mesure du contexte international difficile de ces dernières années, pour y apporter une réponse efficace, s’étendant parfois au-delà des compétences que les États ont attribuées à l’Union dans les traités :

-         en 2020, lors de la survenue de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, l’Union européenne a su rapidement organiser l’achat commun de vaccins, pour éviter une concurrence entre les États membres sur le marché mondial, alors même que ses compétences en matière de santé sont très limitées. L’Union européenne a également su adopter une réponse économique en un temps record, grâce au plan NextGeneration EU ([3]). Ce plan de relance temporaire, doté de 806,9 milliards d’euros, dont 30 % sont dédiés à la lutte contre le changement climatique, permet des versements monétaires directs du niveau européen vers le niveau national, renforçant de ce fait la solidarité entre les États membres. Ce fonds est par ailleurs alimenté par le lancement d’un grand emprunt européen. La gestion au niveau européen de la crise sanitaire et de son impact économique est ainsi une démonstration de la capacité de l’Union à agir de façon efficace en période de crise, mais aussi de la volonté des États membres de faire avancer la construction européenne dans des contextes difficiles ;

-         l’Union européenne a également apporté une réponse rapide et efficace à la question de la guerre en Ukraine, organisant une solidarité entre les États membres vis-à-vis de l’Ukraine. Cette action s’est traduite par l’adoption de dix trains de sanctions, l’octroi d’une aide macro‑financière massive et l’accueil de millions de réfugiés ukrainiens ;

-         l’Union européenne agit enfin contre la crise climatique, avec l’adoption d’objectifs ambitieux par la loi européenne sur le climat, qui prévoit une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990, et l’atteinte de la neutralité climatique à l’horizon 2050 ([4]).

Vos rapporteurs relèvent ainsi que l’Union européenne a toujours su agir en période de crise, et a même profité de contextes difficiles pour étendre les moyens de son action et démontrer toute son efficacité, au-delà du seul marché unique.

2.   L’Union européenne n’est toutefois pas encore perçue comme une véritable communauté sociale et politique

Malgré son action, l’Union européenne souffre aujourd’hui d’un déficit politique et d’une image trop libérale auprès d’une partie de la population, qui la perçoit comme éloignée des préoccupations des citoyens.

Pourtant, l’Europe est aujourd’hui le bon échelon pour agir en faveur du climat, de l’environnement, du social, de la santé, ou pour bâtir une défense commune à différents États. Pour agir face au défi écologique, l’Union peut en effet accompagner les États membres vers une transition juste, une nouvelle donne verte pour le plus grand bénéfice des citoyens européens et de leurs voisins. Seule l’Union a la taille critique sur la scène mondiale pour agir en faveur de la protection des droits humains, des droits des consommateurs, ou garantir une justice fiscale en imposant des règles aux géants du numérique. Le renforcement de l’Europe sociale doit également permettre de garantir à l’ensemble des citoyens et travailleurs de l’Union européenne un socle minimal de droits.

L’Union européenne ne parvient pas toujours à convaincre les citoyens de sa capacité d’action et à incarner une véritable communauté sociale et politique. Limitée dans ses moyens et ses compétences, l’Union européenne peine en effet à concrétiser des ambitions en matière de droits sociaux, qui permettraient de compléter la stratégie économique de marché mise en œuvre depuis les années 1990. Vos rapporteurs relèvent à ce titre que l’adoption en 2022 de la directive sur les salaires minimaux dans l’Union européenne adoptée est un premier pas important en ce sens ([5]) .

Le rejet par référendum en 2005 du traité établissant une constitution pour l’Europe dans deux États-membres, la France et les Pays-Bas a marqué le paradoxe entre l’utilité d’une action européenne protectrice des citoyens d’une part et la méfiance d’une partie de la population d’autre part. Ce rejet a d’ailleurs marqué un temps d’arrêt de la construction du projet européen, malgré l’adoption du traité de Lisbonne en 2007.

Vos rapporteurs, convaincus du besoin d’une Europe forte, appuient ainsi sur la nécessité de rapprocher les citoyens de l’Union, en les associant par exemple aux processus décisionnels et en complétant les politiques de marché par un volet social européen commun à l’ensemble des États membres. Cette action permettra de convaincre que l’Union est l’échelon idoine pour répondre aux grands défis auxquels les États membres font face.

B.   La ConfÉrence sur l’avenir de l’europe constitue un ÉvÈnement inÉdit menÉ À terme pour rapprocher les citoyens de l’union, malgré des limites inhÉrentes À l’exercice

1.   La Conférence sur l’avenir de l’Europe constitue un premier essai de consultation citoyenne d’ampleur au niveau européen

Lancée à l’initiative d’Emmanuel Macron, président de la République française, la conférence sur l’avenir de l’Europe a constitué un exercice inédit, tant par son ampleur que par l’originalité de sa structure, qui a regroupé les citoyens de l’Union européenne avec l’ensemble des acteurs institutionnels de l’Union européenne. La conférence est en effet le fruit d’une initiative commune du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne. Les Parlements nationaux étaient associés au pilotage de la conférence puisque les présidents passés, présents et futurs de la COSAC (Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires) disposaient d’un siège d’observateur au Conseil exécutif.

L’originalité du processus réside essentiellement dans le choix de placer les citoyens de l’ensemble des États membres au cœur de la conférence, avec :

-         la création d’une plateforme numérique en ligne, mise en ligne le 19 mars 2021, pour recenser les idées et contributions dans les 24 langues reconnues officiellement par l’Union. Cet outil a constitué l’une des pierres angulaires de la conférence, en étant le lieu de partage initial entre les différentes parties prenantes : citoyens, société civile, partenaires sociaux… 52 346 citoyens ont posté 17 671 idées sur la plateforme, suscitant 21 877 commentaires ([6]).

-         l’organisation de différents évènements décentralisés dans l’ensemble des États membres. La plateforme numérique multilingue recense ainsi 6 465 évènements, regroupant au total 652 532 participants. En France, le gouvernement a mené une consultation en ligne pour les jeunes, et a encouragé les associations, autorités locales, élus, représentants de la société civile, à organiser des évènements.

-         l’organisation de panels de citoyens, nationaux et européens. Au niveau européen, quatre panels de citoyens étaient l’un des piliers de la conférence et ont constitué la première expérience transnationale d’une telle ampleur. Quatre panels thématiques de citoyens européens ont été organisés, avec des participants choisis dans un objectif de représentativité de la diversité de l’Union, formulant des recommandations qui ont alimenté les débats de l’assemblée plénière. Concernant les panels nationaux, dix-huit panels de citoyens ont été organisés en France et ont regroupé plus de 700 citoyens, définissant quatorze recommandations prioritaires.

La diversité des participants de la conférence se matérialise par la composition de l’assemblée plénière, chargée de débattre des recommandations formulées par les panels citoyens et émises dans la plateforme. Parmi ses 433 membres, l’assemblée plénière regroupe ainsi 107 députés européens, 107 parlementaires nationaux, des représentants des panels citoyens européens et nationaux, du Conseil de l’Union, des partenaires sociaux, d’organisations de la société civile …

Vos rapporteurs saluent la réalisation d’un exercice transnational d’une ampleur inédite en termes d’interactivité et de multilinguisme à l’échelle continentale. Vos rapporteurs relèvent également la forte participation des jeunes dans les panels, composés au tiers de citoyens de 16 à 24 ans.

L’organisation de la conférence et le suivi de ses conclusions s’inscrivent dans un contexte sanitaire et géopolitique mondial perturbé

La conférence s’est tenue du printemps 2021 au 9 mai 2022, en période de pandémie mondiale liée à la Covid-19. Cette situation a conduit à des ajustements permanents dans l’organisation de la conférence : la session de l’assemblée plénière des 17 et 18 décembre 2021 qui devait se tenir à Strasbourg a par exemple été annulée.

L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, initiée le 25 février 2022, a également bouleversé les débats de la conférence. L’ensemble des discussions, en particulier sur les sujets liés à la défense européenne et à la transition numérique, ont pris en compte ce nouveau contexte, afin de proposer les recommandations les plus actualisées et pertinentes.

2.   Vos rapporteurs relèvent toutefois les limites de l’exercice de la conférence et du suivi de ses conclusions

a.   L’exercice de consultation citoyenne peut être amélioré

Vos rapporteurs relèvent que l’exercice de la conférence sur l’avenir de l’Europe n’a pas été parfait et peut faire l’objet d’améliorations.

La conférence a suscité peu de débats au-delà du cercle des participants. Si l’ampleur de l’exercice est inédite, sa résonance est restée relativement modeste, en particulier dans les médias. Outre ceux particulièrement informés sur les sujets européens, pas assez de citoyens européens ont entendu parler de l’organisation de la conférence ou des propositions du rapport final.

Vos rapporteurs relèvent ainsi que l’exercice de démocratie représentative peut être encore amélioré dans le cadre d’un nouveau processus de consultation qui réunirait un cercle plus large de citoyens, au-delà de ceux ayant déjà un intérêt pour le fonctionnement de l’Union.

L’indicateur du nombre de contributions déposées sur la plateforme multilingue ne peut par ailleurs être à lui seul un gage de réussite. Les messages déposés sont en effet de qualité très disparate. Les évènements nationaux de la conférence ont enfin eu un succès inégal selon les États membres, avec une audience plus ou moins large.

Si vos rapporteurs saluent le travail effectué par les citoyens ayant participé à la conférence, rappeler les limites de l’exercice doit constituer une remarque constructive visant à garantir la qualité des dispositifs de démocratie délibérative européenne à venir.

b.   La réussite de l’exercice dépendra de la réalité de la mise en œuvre de ses conclusions

La conférence a été un premier essai de consultation citoyenne d’ampleur au niveau européen, mais son succès ne peut pas encore être pleinement évalué. La réussite de la conférence sera en effet mesurée à l’aune de la mise en œuvre de ses conclusions : cet évènement ne peut en effet rester un exercice de méthode ou de style, mais doit déboucher sur des évolutions fortes et concrètes pour les citoyens européens. Retarder ou bloquer le travail sur les conclusions serait ainsi pour les institutions européennes un dévoiement du travail remarquable que les citoyens ont mené pendant plusieurs mois.

Vos rapporteurs appellent ainsi à parachever la conférence en mettant en application les 49 propositions, déclinées en 326 mesures, que les citoyens ont appelées de leurs vœux. Un tableau de bord en ligne pour suivre l’avancement dans l’application des propositions pourrait à ce titre être créé, pour garantir la pleine information de l’ensemble des citoyens.

 

L’exemple de la mise en œuvre des recommandations
relatives au Comité économique et social européen

Vos rapporteurs ont pu auditionner Mme Christa Schweng, présidente du Comité économique et social européen (CES). Les propositions 36 et 39 du rapport final de la conférence soulignent que le CES et la société civile figurent parmi les outils essentiels pour une vie démocratique plus inclusive. La proposition 39 suggère ainsi de réformer « le fonctionnement de l’Union européenne, notamment en associant les partenaires sociaux et les organisations de la société civile de manière plus étroite ».

Le projet de faire du CES un « hub » pour la société n’a pourtant pas encore été mis en œuvre. La Commission est par exemple le seul point de référence des panels citoyens de suivi.

Vos rapporteurs notent que les conclusions de la conférence appellent à donner aux acteurs de la société civile un rôle de vigie dans la mise en œuvre des conclusions. Les difficultés pour le CES de devenir le point névralgique de la démocratie participative européenne dénotent l’effort qu’il reste à fournir pour une application complète des recommandations des citoyens.

3.   La conférence doit instaurer une dynamique durable d’association des citoyens à la prise de décision européenne

L’exercice de consultation ne s’est pas arrêté avec la fin de la conférence : les citoyens ont été associés à diverses initiatives postérieures au 9 mai 2022.

Les dispositifs de consultation citoyenne mis en place lors de la conférence ont été pérennisés non seulement en raison de leur succès initial, mais aussi pour répondre aux recommandations du rapport final. Les citoyens proposent en effet de développer de nouveaux mécanismes de participation pour renforcer leur efficacité ([7]).

Dans son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2022, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen a ainsi annoncé que « les panels de citoyens, qui étaient un élément central de la conférence, vont maintenant devenir une composante permanente de notre vie démocratique ». Trois panels, composés de 150 citoyens chacun, ont ainsi été composés sur les thèmes respectifs du gaspillage alimentaire, des mondes virtuels et de la promotion de la mobilité étudiante. Chacun de ces panels a rendu un rapport comportant une vingtaine de recommandations sur chaque thème au premier semestre 2023. Cette nouvelle génération de panels de citoyens doit permettre d’inclure durablement la démocratie participative dans le processus décisionnel de l’Union.

La plateforme numérique multilingue a également été pérennisée et dénommée « Donnez votre avis » par la Commission européenne. Les citoyens, entreprises, associations et toutes les parties intéressées à la construction des politiques européennes, peuvent y rédiger des commentaires ou répondre à un questionnaire au sujet des propositions législatives de la Commission. Pour certaines initiatives, la Commission européenne publierait des rapports illustrant la façon dont les textes ont évolué en fonction des propositions issues de la plateforme.

Vos rapporteurs se réjouissent de l’association pérenne des citoyens au travail normatif européen et appellent à l’approfondir. Pour garantir le succès de ces différentes initiatives, vos rapporteurs proposent d’assurer une forte médiatisation au sein des États membres en s’appuyant sur notamment des entités déjà amenées à faire le lien entre les institutions et la société civile, tel que le Conseil économique et social européen. La participation accrue de cette institution a été demandée dans les conclusions de la conférence : y faire droit serait ainsi satisfaire les demandes des citoyens ([8]).

Par ailleurs, une réunion de suivi s’est tenue à Bruxelles le 2 décembre 2022, qui avait pour objectif de présenter aux citoyens le travail déjà effectué par les institutions européennes pour mettre en œuvre les 49 propositions contenues dans le rapport final. Vos rapporteurs regrettent cependant le caractère très institutionnel de ce premier évènement de suivi et relèvent que les prochains évènements de suivi pourraient se tenir à Strasbourg.

 

II.   La poursuite du travail sur les conclusions de la confÉrence doit Être une prioritÉ absolue pour les institutions europÉennes afin de renforcer la légitimitÉ de l’union

A.   L’Union europÉenne a d’ores-et-déjà les moyens d’agir pour la mise en œuvre des conclusions de la confÉrence

1.   Une partie importante des conclusions de la conférence est déjà mise en œuvre ou peut intervenir sans modification des traités

Dès le 10 juin 2022, soit un mois après l’évènement de restitution du 9 mai 2022, le secrétariat général du Conseil a publié une évaluation technique préliminaire des propositions et mesures spécifiques contenues dans le rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe ([9]). Ce document indique la façon dont chaque mesure pourrait être mise en œuvre et, le cas échéant, sur quelle base juridique.

La première conclusion de ce document est qu’un nombre important de propositions et de mesures connexes sont en voie d’être réalisées par les institutions de l’Union ou le sont déjà. En matière numérique par exemple, l’adoption du Digital Services Act (DSA) ([10]), qui était une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne anticipe plusieurs propositions et mesures spécifiques de la conférence. Le rapport final propose ainsi de sanctionner de manière plus stricte les fournisseurs de services numériques qui ne respectent pas le cadre juridique applicable à la protection des données ([11]). Le DSA a précisément permis d’augmenter de 4 % à 6 % le montant maximal de l’amende prévue.

La deuxième conclusion du document est que dans une grande majorité des cas, les propositions dont les institutions européennes ne se sont pas encore saisies peuvent intervenir dans le cadre des traités en vigueur :

-         certaines propositions nécessitent une modification du cadre législatif de l’Union pour renforcer certaines de ses dispositions, par exemple en matière de bien-être animal. La fixation de critères minimaux pour la protection des animaux d’élevage afin de garantir des normes de bien-être animal plus élevées ([12]) nécessite par exemple une révision de la directive sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ([13]) ;

-         d’autres propositions nécessitent le recours à différents outils, instruments, programmes et structures qui existent déjà au niveau de l’Union. Le rapport final de la conférence propose ainsi de faire évoluer le cadre de gouvernance économique pour mieux garantir les transitions écologique et numérique, la justice sociale et le progrès social ([14]). Le processus existant du semestre européen pourrait par exemple inclure des facteurs tels que les transitions vertes, numériques et sociales, tout en maintenant l’accent sur le suivi des politiques économiques des États membres ;

-         enfin, de nombreuses propositions pourraient être mises en œuvre au moyen d’une nouvelle législation de l’Union européenne, fondée sur le cadre des traités en vigueur. Le rapport final de la conférence propose ainsi de trouver des moyens de réduire l’utilisation de plastiques dans les films agricoles ([15]). L’article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui porte sur les déchets permet d’adopter un texte législatif relatif à la leur gestion en matière agricole.

Vos rapporteurs constatent ainsi qu’une grande majorité des propositions de la conférence sur l’avenir de l’Europe peut intervenir dans le cadre des traités existants, réduisant de ce fait les délais de mise en œuvre.

2.   Les institutions de l’Union s’intéressent à la traduction législative des conclusions de la conférence

Dès la publication du rapport final de la conférence sur l’avenir de l’Europe, les institutions de l’Union européenne ont intégré la mise en œuvre des conclusions dans leur programme de travail.

La Commission européenne a ainsi annoncé plusieurs initiatives répondant aux conclusions de la Conférence.

-         d’une part, certaines initiatives qui étaient déjà inscrites au programme de travail de la Commission, ont déjà été annoncées : le sujet de la réforme du marché de l’électricité était ainsi en cours de réflexion avant même le rapport final de la conférence, en tant que sujet de préoccupation commun des citoyens ayant participé à la conférence et des institutions ;

-         d’autre part, plusieurs textes législatifs répondant aux propositions du rapport final doivent être présentés dans le courant de l’année 2023 sur la santé mentale, l’espace européen de protection des données de santé, le bien-être animal, l’écologisation du transport de marchandises, la défense de la démocratie et la lutte contre la corruption.

Le Conseil de l’Union travaille à la mise en œuvre de plusieurs mesures autonomes. Plusieurs propositions concernent en effet des compétences d’appui de l’Union et nécessitent des actions de l’Union pour coordonner ou compléter les actions des États membres, notamment en matière d’éducation ou de sport. Le rapport final propose par exemple l’amélioration de l’éducation aux médias ([16]) et aux usages du numérique ([17]). En l’état actuel des traités, l’Union européenne n’a pas la compétence pour harmoniser le programme scolaire des États membres. Le Conseil travaille ainsi à l’adoption de recommandations pour inciter les États membres à inclure ces modules dans leurs programmes éducatifs.

Le 9 juin 2022, le Parlement européen a adopté une première résolution relative à la convocation d’une convention pour la révision des traités ([18]). Ce premier texte doit être suivi d’une seconde résolution, sur laquelle la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) du Parlement européen travaille, visant précisément les articles susceptibles d’être modifiés.

B.   La mise en œuvre des conclusions de la confÉrence implique toutefois une poursuite du travail engagÉ, de façon à renouveler l’efficacitÉ, la légitimitÉ et le caractère concret des politiques europÉennes

1.   L’efficacité et la légitimité de l’Union requièrent un approfondissement de la démocratie européenne

La conférence sur l’avenir de l’Europe appelle sans équivoque à un renforcement de la démocratie au niveau européen, tant par le renforcement des prérogatives des citoyens que par le renforcement des prérogatives des Parlements nationaux.

Les conclusions de la conférence rappellent d’abord la nécessité de donner aux citoyens européens des moyens d’exprimer plus directement leurs choix en matière de politique européenne. Plusieurs propositions émanent de cette volonté, que l’Union doit nécessairement prendre en compte pour renforcer sa légitimité :

-         l’instauration de la possibilité de convoquer un référendum dans l’ensemble de l’Union, à l’initiative du Parlement européen sur un thème particulièrement important pour les citoyens ([19]);

-         la possibilité d’élire certains députés au Parlement européen sur des listes paneuropéennes ([20]). Vos rapporteurs soulignent que l’établissement des listes transnationales doit permettre de faire émerger un véritable débat public au niveau de l’Union entre les États membres et de sortir de l’approche nationale qui préempte souvent les élections européennes.

-         le renforcement du poids des citoyens dans l’élection du président de la Commission, dans la continuité de la proposition d’établir des listes transnationales ([21]). Actuellement, le président de la Commission est proposé par le Conseil européen en tenant compte des résultats des élections européennes, avant que le Parlement européen n’entérine ce choix par un vote ([22]). Les conclusions de la conférence ouvrent la voie au système du Spitzenkandidat : la tête de liste du parti politique européen ayant remporté le plus grand nombre de suffrages aux élections européennes devrait ainsi être élue par le Parlement européen à la présidence de la Commission. Ce système renforcerait de fait le pouvoir de choix des citoyens dans cette procédure de nomination.

Les conclusions de la conférence appellent également à un renforcement des pouvoirs des institutions représentatives, c’est-à-dire le Parlement européen et les parlements nationaux.

Seule institution de l’Union étant élue directement par les citoyens, le Parlement européen a en effet une légitimité démocratique particulière qui doit permettre une extension de ses prérogatives. Le rapport final de la conférence propose ainsi d’octroyer au Parlement européen un droit d’initiative législative afin de proposer des textes nécessaires pour donner suite aux recommandations issues des débats et délibérations ([23]). La reconnaissance de ce droit au Parlement européen reviendrait à casser le quasi-monopole de l’initiative législative appartenant à la Commission ([24]).

Les participants à la conférence ont également affirmé leur volonté de renforcer le rôle des parlements nationaux, dont le rôle est relativement limité en l’état dans le processus décisionnel de l’Union. Le rapport final de la conférence propose ainsi d’introduire une procédure dite de « carton vert » selon laquelle les parlements nationaux devraient pouvoir inviter la Commission à proposer une initiative législative dans un domaine où une action au niveau européen serait plus efficace. La procédure de « carton vert » devrait également s’articuler avec le droit d’initiative du Parlement européen : si les parlements nationaux déclenchent la procédure, le Parlement européen pourrait y donner suite au titre de son nouveau droit d’initiative.


Vos rapporteurs partagent les préoccupations exprimées par les citoyens pour l’approfondissement de la démocratie européenne. La légitimité de l’Union vient en effet de son caractère démocratique : la place des citoyens et de leurs représentants doit ainsi être renforcée.

En parallèle de leur légitimité liée à l’expertise, il est absolument essentiel que les institutions européennes soient légitimées par l’élection pour avoir une action efficace et acceptée par l’ensemble des citoyens européens. La mise en œuvre des propositions décrites doit être une priorité en ce qu’elle permet de remplir à cet objectif :

-         le Parlement européen avec des prérogatives renforcées demeurerait élu directement par les citoyens ;

-         le président de la Commission européenne serait désigné en fonction des résultats des élections européennes ;

-         le Conseil européen continuerait de regrouper l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement désignés démocratiquement, tandis que le Conseil de l’Union européenne regrouperait toujours les membres de ces gouvernements.

Bien que la mise en œuvre de la plupart de ces mesures nécessite une révision des traités, vos rapporteurs les considèrent comme essentielles pour refonder collectivement la légitimité démocratique de notre Union.

2.   Le projet européen doit prendre en compte l’absolue nécessité de mener des politiques plus concrètes et plus écologiques, dans la lignée du travail entamé sur le Pacte Vert pour l’Europe

Le projet européen doit poursuivre son évolution dans un sens plus écologique et social, permettant de fonder des politiques publiques directement utiles pour les citoyens. Le caractère concret de l’action de l’Union doit permettre, au même titre que l’approfondissement démocratique des institutions, de renforcer sa légitimité et d’affirmer son ambition. À l’heure actuelle, l’Union demeure malheureusement encore un horizon lointain pour les habitants des États membres.

Pourtant, l’Union européenne a la capacité d’agir dans un sens très concret et utile et l’a déjà démontré, par exemple en actant la fin des frais d’itinérance pour l’utilisation des téléphones portables dans l’espace économique européen depuis le 15 juin 2017 ([25]). L’approfondissement des politiques de l’Union en matière d’écologie et de santé inclura nécessairement une dimension très concrète et compréhensible pour tous les citoyens.

 

Les aspects concrets de la politique environnementale et climatique de l’UE :
l’exemple du Pacte Vert pour l’Europe

Le Pacte Vert pour l’Europe, qui fixe notamment un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 pour parvenir à neutralité climatique du continent en 2050 ([26]), démontre la volonté de l’Union européenne de prendre en compte l’impact concret des politiques européennes sur les citoyens.

Le Pacte Vert comporte d’une part des mesures avec un impact très concret sur les citoyens. L’Union a par exemple adopté une directive relative au chargeur universel ([27]). D’ici fin 2024, tous les téléphones portables, tablettes et appareils photos vendus dans l’Union européenne devront être équipés d’un port de charge USB Type-C. Cette obligation concernera également les ordinateurs portables à partir du printemps 2026.

De même, dans le cadre du paquet « Fit for 55 », le Parlement européen et le Conseil ont adopté en mars 2023 une proposition de règlement prévoyant l’interdiction de vente de voitures thermiques neuves à l’horizon 2035 dans l’Union européenne.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une proposition de la conférence, l’adoption de ces textes démontre que les politiques écologiques de l’Union peuvent avoir un effet direct et extrêmement concret sur le quotidien des habitants des États membres.

Vos rapporteurs relèvent l’absolue nécessité de créer une véritable « Europe du concret » : ce souci transparaît du rapport final de la conférence. Plusieurs propositions incarnent ce souci d’adoption de mesures directement utiles aux citoyens dans les domaines de la lutte contre le changement climatique. Les participants à la conférence demandent par exemple un investissement dans les trains de nuit à grande vitesse ([28]) et le déploiement de programmes urbains dotés de zones spécifiques sans voitures dans les villes ([29]).

D’autres propositions de la conférence ont un impact social très concret sur les habitants de l’Union. Il en va ainsi de la création d’une véritable Europe de la santé, appelée de ses vœux par la conférence, en incluant par exemple les soins de santé parmi les compétences partagées entre l’Union et ses États membres ([30]).


Vos rapporteurs considèrent ainsi que les conclusions de la conférence sont une opportunité unique pour renforcer la légitimité de l’Union européenne, tant par une réforme institutionnelle permettant un approfondissement démocratique, que par la mise en œuvre de politiques concrètes et visibles pour tous. Citoyens, partenaires sociaux, gouvernements, parlementaires nationaux et européens, et plus largement l’ensemble des participants de la conférence sur l’avenir de l’Europe, doivent désormais travailler et veiller à la mise en œuvre des quarante-neuf propositions et des trois-cent vingt-six mesures du rapport final.

 

 

 


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   DEUXIÈME PARTIE : les conclusions de la confÉrence ne peuvent pas rester lettre morte et doivent rapidement aboutir À une renÉgociation des traitÉs, allant de pair avce une réflexion sur l’élargissement de l’union européenne

I.   le recours aux clauses passerelles, un levier indispensable sur le court terme mais qui ne saurait À lui seul garantir la mise en œuvre des propositions fondamentales de la confÉrence

A.   la rÉvision des traitÉs doit permettre de simplifier le processus dÉcisionnel et d’Étendre des compÉtences de l’Union europÉenne dans un sens plus concret

1.   Le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil nécessite une révision des traités européens

Le rapport final de la conférence relève que « la question du vote à l’unanimité mérite une attention particulière, car il rend difficile tout accord ». Le Conseil statue en effet à l’unanimité, selon des procédures législatives spéciales, dans plusieurs matières sensibles pour les États membres tels que la fiscalité, la sécurité sociale, la protection sociale, la coopération policière opérationnelle, la politique extérieure de sécurité commune et de défense commune et l’élargissement. La règle de l’unanimité dans ces différents domaines est inscrite dans les traités européens.

Le principe de l’unanimité au Conseil dans le cadre des procédures législatives spéciales donne ainsi à chaque État membre un pouvoir de veto pour rejeter ou bloquer un texte. L’exemple le plus récent concerne le veto de la Hongrie sur l’adoption de la directive transposant en droit européen l’accord de l’OCDE sur la taxation minimale de 15 % des bénéfices des entreprises ([31]). Le blocage visait à faire pression sur la Commission européenne et sur les États membres pour obtenir le versement des crédits du fonds de relance dont le versement avait été suspendu en raison des dérives liées à l’état de droit en Hongrie. Cette instrumentalisation du pouvoir de veto a retardé de plusieurs mois l’adoption de la directive.

Le rapport final de la conférence propose de fluidifier le processus de décision au Conseil en prévoyant que toutes les décisions actuellement prises à l’unanimité soient, à l’avenir, adoptées à la majorité qualifiée. Les seules exceptions devraient être l’admission de nouveaux États membres et la modification des principes fondamentaux de l’Union inscrits à l’article 2 du TUE ainsi que dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ([32]). Cette proposition serait également applicable au Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement ainsi que le président de la Commission.

Vos rapporteurs partagent les préoccupations des citoyens participant à la conférence qui s’inquiètent de voir le processus législatif de l’Union européenne ralenti ou bloqué au Conseil par le maintien de la règle de l’unanimité. Lorsque l’unanimité est la règle, la culture du compromis est mise de côté, les États étant dispensés de trouver un terrain d’entente commun. À l’inverse, le « risque » d’être en infériorité numérique dans un scénario de majorité qualifiée est une incitation suffisamment puissante pour que les États membres entrent en négociation ([33]). L’aboutissement de cette proposition de la conférence et la révision des traités pour simplifier le processus décisionnel doivent donc être une priorité pour les institutions européennes.

Afin de susciter l’adhésion des « petits » États membres à cette proposition et de répondre leur crainte de perte d’influence sur le processus décisionnel avec la fin du droit de véto, un changement des critères de la majorité qualifiée doit être apporté en garantie. Les seuils actuels inscrits dans les traités de 55 % des États membres, et surtout de 65 % de la population de l’Union favorisent en effet les États avec une grande population. Le seuil du nombre d’États membres pourrait ainsi être relevé à 66 %, tandis que le seuil de population pourrait diminuer, aux alentours de 50 %.

2.   Les traités européens doivent être révisés pour permettre l’extension des compétences de l’Union européenne

Un des grands enseignements du rapport final est également que les participants de la conférence sont disposés à renforcer les prérogatives de l’Union européenne. La lecture du principe de subsidiarité, doublé d’un fort sentiment politique d’appartenance à l’Europe, conduit en effet les citoyens à considérer que davantage de compétences doivent être déléguées par les États-membres à l’Union. L’un des messages politiques envoyé par les participants à la conférence est la recherche de « plus d’Europe ». Une expression de cette attente, à laquelle les responsables politiques sont tenus de répondre, est notamment la mise en œuvre de politiques concrètes.

Les citoyens participant à la conférence ont ainsi demandé une extension des compétences de l’Union européenne dans le domaine des soins de santé, de la santé ([34]) et de l’éducation ([35]). Ces trois politiques seraient ainsi incluses parmi les compétences partagées entre l’Union et ses États membres. L’inscription de ces nouvelles compétences requiert ainsi la modification de l’article 4 du TFUE.

B.   Le recours À une procÉdure simplifiÉe des traitÉs avec les clauses passerelles est nÉcessaire mais À la fois politiquement incertain et techniquement insuffisant pour la mise en œuvre des principales conclusions de la confÉrence

1.   Le recours aux clauses passerelles est une solution partielle pour permettre le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil

L’article 48 du traité sur l’Union européenne prévoit une procédure de révision simplifiée des traités européens. Certaines propositions et mesures connexes pourraient être mises en œuvre grâce à cette flexibilité prévue dans le cadre actuel des traités.

Les clauses passerelles

Prévues à l’article 48 du TUE, les clauses passerelles, ou procédure simplifiée de révision des traités, permettent de modifier les règles relatives à la prise de décision au Conseil.

Le recours à une clause passerelle générale ([36]), permet :

– soit le passage du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil pour toutes les dispositions relevant du TFUE et du titre V du TUE (qui concerne les dispositions générales de l’action extérieure de l’Union) ;

– soit le passage d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire.

L’activation d’une clause passerelle générale requiert l’unanimité au Conseil européen et l’approbation du Parlement européen à la majorité de ses membres. Chaque Parlement national dispose également d’un pouvoir de veto sur l’activation de la clause.

Plusieurs domaines sont toutefois exclus du champ d’application des clauses passerelles générales : les décisions relatives au système des ressources propres de l’Union, le cadre financier pluriannuel, la clause de flexibilité et le vote des États membres au titre de l’article 7 du TUE sur le mécanisme de défense des valeurs de l’Union.

L’article 48 du TUE prévoit également des clauses passerelles spéciales, qui concernent six politiques spécifiques de l’Union : la politique sociale, la politique environnementale, la politique extérieure de sécurité commune, le droit de la famille ayant une incidence transfrontalière, le cadre financier pluriannuel et les coopérations renforcées. L’activation des clauses passerelles spéciales doit permettre le passage d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire. Leur procédure d’adoption est moins contraignante que les clauses passerelles générales, dans la mesure où le Parlement est au mieux consulté dans cette procédure.

Le recours aux clauses passerelles pour la mise en œuvre des conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe est une solution permettant le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée. Dans son évaluation préalable des propositions, le Conseil a ainsi identifié 6 bases juridiques pour lesquelles une clause passerelle pourrait être mobilisée.

Le recours à ces clauses connaît toutefois des limites et ne permet pas un passage global à la majorité qualifiée, comme demandé par les citoyens et le rapport final de la conférence :

-         les clauses passerelles sont inapplicables dans plusieurs domaines, par exemple pour les décisions ayant des implications militaires et concernant les questions de défense ([37]).

-         les clauses passerelles concernent uniquement le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil, tandis que les conclusions de la conférence plaident également pour le passage à la majorité qualifiée au Conseil européen ([38]).

Vos rapporteurs soutiennent l’idée d’un recours aux clauses passerelles pour donner suite aux conclusions de la conférence mais relèvent que cette solution ne permet pas de satisfaire entièrement les demandes des participants à la conférence.

Le recours aux clauses passerelles doit ainsi être envisagé comme un premier pas à court terme, nécessairement complété par une révision des traités.

2.   La condition d’unanimité des États membres pour le déclenchement d’une clause passerelle limite également les possibilités de recours

Avec les élargissements successifs en 2004, 2007 et 2013, l’unanimité dans le processus de décision apparaît particulièrement protectrice pour les États membres, en particulier pour les plus petits pays qui disposent ainsi d’un pouvoir de veto sur chaque texte.

Or, le passage à la majorité qualifiée au Conseil dans les domaines couverts par les clauses passerelles nécessite l’unanimité au Conseil européen : il faut donc l’unanimité pour contourner l’unanimité. Au regard de la configuration politique actuelle et de la volonté de certains États membres de protéger leurs intérêts nationaux, la condition d’unanimité au Conseil européen apparaît difficilement atteignable.

Le seul recours à une clause passerelle est ainsi antérieur au traité de Lisbonne. En 2004, le Conseil a adopté une décision pour passer d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire dans le domaine des visas, de l’asile, de l’immigration et de la libre circulation des personnes ([39]). Aucune de ces clauses n’a été adoptée depuis.

Le Parlement européen s’est néanmoins montré particulièrement proactif pour le déclenchement des clauses passerelles. Un projet de rapport de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) sur la mise en œuvre des clauses passerelles dans les traités de l’Union européenne ([40]) propose une activation progressive des clauses passerelles, en recensant les domaines spécifiques pour lesquels leur activation représente une valeur ajoutée. Le rapporteur propose ainsi une activation échelonnée des clauses passerelles dans les domaines de la PESC, de l’environnement, de l’énergie et de la fiscalité, en identifiant des domaines prioritaires à court terme, à moyen terme et à long terme. Une résolution pourrait être adoptée en ce sens en juillet 2023 en session plénière du Parlement européen.

Vos rapporteurs apportent leur soutien politique à cette idée d’une activation progressive des clauses passerelles, tout en restant réalistes quant aux chances de succès de cette stratégie.

Au second semestre 2022, la présidence tchèque du Conseil avait ainsi annoncé, dans le cadre des discussions sur le suivi de la conférence sur l’avenir de l’Europe, que le Conseil examinerait les clauses passerelles dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Faute de consensus entre les États membres, cette annonce n’a toutefois pas été suivie de retombées concrètes.

La configuration politique au Conseil limite la possibilité d’unanimité, tandis que l’activation des clauses passerelles ne permettra pas de mettre en œuvre la totalité des propositions de la conférence. La révision des traités paraît ainsi être une solution plus adéquate d’un point de vue technique pour répondre aux préoccupations des citoyens. L’ouverture d’une Convention pour la révision des traités, qui nécessite une majorité simple des États membres, paraît en outre être politiquement plus réaliste.

II.   L’ouverture d’une Convention pour la renÉgociation des traitÉs est indispensable pour garantir la poursuite du projet europÉen dans la perspective d’un Éventuel Élargissement

A.   Le renouveau du projet europÉen passe par une indispensable rÉouverture des traitÉs pour faire suite à la confÉrence sur l’avenir de l’europe

1.   Vos rapporteurs soutiennent le Parlement européen dans le lancement d’une procédure d’ouverture d’une révision des traités

Lors de l’évènement restitutif de la conférence le 9 mai 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est dit favorable à la convocation d’une Convention pour réviser les traités et mettre en œuvre les conclusions de la conférence. Cette initiative est soutenue par l’Allemagne, l’Espagne, l’Irlande et la Grèce. Treize gouvernements ont toutefois fait part de leur opposition à ce projet : la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Suède.

Le 9 juin 2022, le Parlement européen a adopté deux résolutions, l’une sur la convocation d’une convention pour la révision des traités ([41]) et l’autre relative au droit d’initiative du Parlement ([42]). Le 14 septembre 2022, dans son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, s’est également prononcée en faveur de la convocation d’une Convention pour la révision des traités.

 

Procédure de révision des traités européens

La procédure de révision ordinaire des traités européens, prévue aux paragraphes 1 à 5 de l’article 48 du TUE prévoit que :

-          l’initiative de révision des traités appartient au gouvernement de tout État membre, au Parlement européen ou à la Commission, puis les « projets sont transmis par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux » ;

-          à la majorité simple, le Conseil européen peut alors convoquer une Convention, chargée d’adopter par consensus une recommandation sur la révision des traités ;

-          une conférence des représentants des États membres doit arrêter d’un commun accord les modifications à apporter aux traités, avant la ratification par chaque État membre.

Les résolutions du Parlement européen ont toutefois été considérées comme trop imprécises par le Conseil pour être transmises en l’état au Conseil européen.

La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO) est ainsi en cours d’élaboration d’une troisième proposition de résolution, précisant les objectifs de la révision des traités et les articles à modifier afin de parvenir à ces objectifs. Ce texte pourrait être adopté d’ici l’été 2023, lançant de ce fait la procédure de révision. Le Conseil européen pourrait alors, à la majorité simple, convoquer une Convention : malgré l’opposition initiale en mai 2022 de treize États membres à la révision des traités, cette majorité simple pourrait être atteinte.

La résolution du Parlement européen serait ainsi l’occasion de reprendre plusieurs conclusions de la conférence, en appelant à une révision des traités pour :

-         abolir l’unanimité au Conseil de l’Union européenne dans tous les domaines, à l’exception des décisions d’adhésions de nouveaux États membres. Cette révision pourrait aller de pair avec une évolution des modalités de calcul de la majorité qualifiée, de manière à garantir une meilleure inclusion des « petits » États membres dans le processus décisionnel ;

-         renforcer le principe de subsidiarité, en prévoyant un test de subsidiarité obligatoire dans chacune des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, mais aussi en créant un « carton vert » pour chaque Parlement national ;

-         consolider la place du Parlement européen dans la sphère institutionnelle de l’Union, en lui conférant un droit d’initiative législative et en renforçant son rôle budgétaire sur les recettes de l’Union ;

-         revoir le fonctionnement institutionnel de la Commission européenne. La diminution du nombre de commissaires européens, en deçà d’un commissaire par État membre, permettrait ainsi de ménager de la souplesse dans le fonctionnement de l’institution. Cette idée, déjà en germes dans le traité de Lisbonne ([43]), n’a en effet jamais été appliquée. Par ailleurs, dans l’objectif de renforcer le pouvoir des citoyens et de leurs représentants, la nomination du président de la Commission pourrait intervenir sur proposition du Parlement européen avant d’être confirmée par le Conseil européen, à l’inverse de la procédure actuelle ;

-         élargir les compétences de l’Union européenne à de nouveaux domaines, notamment la santé et la défense.

La prise en compte des élections européennes
dans le calendrier de mise en œuvre des conclusions

Les élections européennes auront lieu au printemps 2024, tandis que le Parlement européen cessera ses travaux quelques semaines auparavant pour la campagne.

Ce calendrier électoral ralentit mécaniquement la mise en œuvre des conclusions de la conférence, dans la mesure où la convocation d’une Convention ne peut se faire avant que les nouveaux parlementaires européens ne soient élus et que la nouvelle Commission européenne ne soit investie.

Ce temps démocratique sera révélateur de la volonté de nos concitoyens sur l’avenir de l’Union et doit nécessairement être respecté. En effet, la survenue des élections du Parlement européen permettra d’aborder la question de la révision des traités pour renouveler et approfondir le projet européen dans le cadre du débat électoral.

Le temps électoral doit être une occasion de poursuivre le travail entamé par la Conférence, notamment par la révision des traités.

 

Vos rapporteurs soutiennent ainsi les travaux en cours au Parlement européen et appellent à la convocation rapide d’une Convention pour renégocier les traités, tout en respectant le temps démocratique et électoral nécessaire au renouvellement des députés européens.

Vos rapporteurs entendent également les appréhensions selon lesquelles le rejet par référendum dans un des États membres du projet finalisé de révision des traités marquerait un coup d’arrêt du projet européen. Cette inquiétude, fondée sur l’expérience du rejet par référendum en France et des Pays-Bas du traité établissant une constitution pour l’Europe en 2005, ne doit toutefois pas empêcher toute volonté politique. La révision des traités est en effet nécessaire, pour renforcer l’efficacité et la légitimité de l’Union et étendre son champ d’action.

2.   La révision des traités permettra de mettre en cohérence les prérogatives de l’Union européenne avec les attentes des citoyens ayant participé à la conférence

Les résultats de la conférence sont en effet unanimes : les participants attendent que l’Union européenne réponde efficacement aux défis en matière de changement climatique, d’économie, d’immigration, de santé, de transformation numérique et d’éducation. L’Europe est considérée comme un échelon efficace pour défendre les valeurs communes aux États membres.

Le rapport final formule des recommandations pour renforcer la légitimité de l’Union au regard des attentes qu’elle suscite : un approfondissement démocratique de son fonctionnement et la possibilité de mettre en œuvre des politiques concrètes. Ces transformations, aussi espérées que nécessaires, renforceraient la légitimité démocratique et la légitimité d’action de l’Union.

Or, en l’absence de révision des traités, les institutions européennes seraient dotées d’objectifs dont l’ambition serait rehaussée par la traduction législative de certaines propositions de la conférence, tandis que leur fonctionnement resterait fortement empreint d’une logique intergouvernementale, parfois bloquante. Ce constat peut déjà être dressé en matière d’asile et de migration : le blocage des négociations au Conseil sur le Pacte européen sur la migration et l’asile s’explique par les oppositions de quelques États membres.

Le décalage entre les buts et la réalité des prérogatives de l’Union serait ainsi un facteur de déception pour les citoyens qu’il faut absolument éviter. De ce point de vue, la réouverture des traités est ainsi un levier essentiel pour combattre les discours populistes remettant en cause les fondements mêmes du projet européen.

B.   Les Évolutions proposÉes de la structure institutionnelle doivent s’inscrire dans la rÉflexion pour un nouvel Élargissement

Le contexte international a évolué depuis la publication des conclusions de la conférence : l’agression russe en Ukraine, unanimement condamnée par les États membres, a relancé l’intérêt de plusieurs pays pour adhérer à l’Union européenne. Le Conseil européen des 23 et 24 juin 2022 a ainsi accordé le statut de candidat à l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie. Ces deux pays rejoignent ainsi la Turquie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et l’Albanie qui sont officiellement candidats pour intégrer l’Union. Le Conseil européen a également annoncé qu’il accorderait ce statut à la Géorgie dès que son gouvernement aura concrétisé les priorités énoncées par la Commission européenne.


L’Union européenne pourrait ainsi connaître des élargissements à moyen terme, sous réserve que les États candidats remplissent les « critères de Copenhague », en matière politique, économique et de reprise de l’acquis communautaire.

L’ensemble des conclusions de la conférence doit ainsi être regardé en tenant compte des perspectives d’élargissement aux Balkans occidentaux et à l’Ukraine :

-         l’élargissement de l’Union européenne nécessite une révision institutionnelle pour ménager un équilibre entre l’efficacité du processus décisionnel européen et le respect de la souveraineté des États membres. Dans la perspective d’un élargissement, l’évolution des modalités de décision au Conseil et au Conseil européen proposé par la conférence est ainsi une priorité. Ce débat peut également s’étendre à la Commission : avec une trentaine d’États membres et sans doute autant de commissaires, les règles de fonctionnement de l’institution pourraient évoluer pour ménager de la fluidité dans son processus décisionnel interne ;

-         l’élargissement de l’Union européenne entraînerait également une évolution mécanique des équilibres budgétaires. Plusieurs États membres passeraient ainsi du statut de bénéficiaire net au statut de contributeur net, à l’image de la Pologne. L’intégration de nouveaux États renforcerait en conséquence le besoin de fixer de nouvelles ressources propres pour le budget européen, tel que proposé par la conférence ([44]).

Vos rapporteurs relèvent ainsi qu’une réforme de l’Union européenne au moyen d’une révision des traités doit envisager les futurs élargissements. Pour fonctionner correctement avec un nombre plus important d’États membres, les institutions et les politiques européennes doivent d’abord évoluer, afin d’éviter toute situation de blocage. Les conclusions de la conférence sont ainsi particulièrement utiles dans cette perspective et jettent les bases d’une première réflexion sur le format d’une Union européenne à 30 ou 35 membres.

 

 

 


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   Conclusion

 

Perturbée par la crise sanitaire et le contexte de guerre en Ukraine, la conférence sur l’avenir de l’Europe a suscité un réel intérêt des participants à la conférence. Cet exercice laisse néanmoins un héritage : une volonté générale de poursuivre et d’améliorer le recours à la démocratie participative dans le travail de l’Union européenne.

La conférence lègue également un rapport avec 49 propositions que nous devons collectivement traduire en politiques publiques concrètes et efficaces. Pour parvenir à cet objectif, les institutions européennes doivent mobiliser tous les leviers possibles, en particulier la procédure de révision des traités européens.

Redonner une impulsion au projet européen par la traduction législative des propositions permettra d’adapter notre Union aux défis de demain. La réforme institutionnelle doit également être ouverte sur l’exercice de réflexion qui s’ouvre autour d’un éventuel élargissement de l’Union européenne.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 14 juin 2023, sous la présidence de M. Charles Sitzenstuhl, vice-Président, pour examiner le présent rapport d’information.

 

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Nous avons mené avec Julie Laernoes depuis près de six mois des auditions pour établir les suites à donner à la conférence sur l’avenir de l’Europe.

Il y a un an, s’achevait sous présidence française de l’Union européenne, la Conférence sur l’avenir de l’Europe, à Strasbourg à laquelle j’avais participé en tant que représentant de l’Assemblée nationale. L’exercice lancé à l’initiative du président de la République Emmanuel Macron était totalement inédit et constituait une innovation politique et démocratique. Il s’agissait, pour la première fois dans l’histoire de notre Union, d’une initiative visant à réformer l’Europe autrement, à la penser différemment, en lien avec les citoyens, les parlementaires européens et les Parlements nationaux.

À l’issue de ces travaux, chacun s’accorde à reconnaître le succès que représentent les quarante-neuf recommandations, ayant recueilli tout à la fois l’assentiment de citoyens qui avaient été désignés, des parlementaires européens, des parlementaires nationaux, des représentants du Conseil et de la Commission, de la société civile et des partenaires sociaux.

Ce rapport qui est issu de la conférence est un premier pas important pour faire avancer le débat européen. Il envoie un message clair et sans ambiguïté : nous voulons adapter l’Europe aux défis de notre siècle, la changer pour plus de démocratie au sein de ses institutions et pour qu’elle protège mieux nos concitoyens face à un contexte géopolitique bouleversé par les crises.

Le travail mené par les citoyens au sein de la conférence ne doit toutefois pas se cantonner à un exercice de style : il exige que nous donnions une suite. Je crois que le président de la République avait la formule juste lorsqu’il parlait du « serment de Strasbourg » auquel nous devons être fidèles.

Le rapport et la proposition de résolution européenne que nous vous présentons aujourd’hui ont pour objectif de faire le point sur l’état d’avancement de la conférence et d’encourager la mise en œuvre des conclusions.

Nous devons être extrêmement clairs. Cette conférence a été un succès parce qu’elle a été capable de rassembler pendant un an, en période de crise sanitaire, des personnes venues de l’ensemble du continent européen. Ce ne sera toutefois un succès plein et entier que si les conclusions sont mises en œuvre. Rien ne doit s’opposer à ce que les quarante-neuf recommandations et trois cent vingt-six mesures soient mises en œuvre. La mise en œuvre peut intervenir pour la plupart d’entre elles à traités constants. Les institutions ont déjà lancé beaucoup de réformes mais les recommandations les plus emblématiques de la conférence nécessitent une renégociation ou une révision de nos traités.

Pourquoi revoir nos traités ? Au préalable je voudrais préciser que lorsqu’on mène des réformes, celles-ci doivent se concentrer sur des objectifs politiques et non pas sur les instruments. Un changement de traités n’est pas un projet, c’est un outil possible au service d’une ambition politique. On ne réforme pas les traités pour le plaisir de réformer.

La révision des traités doit permettre l’approfondissement démocratique de l’Union, en donnant davantage de prérogatives aux citoyens européens et aux institutions européennes. Je pense ici à la possibilité d’organiser un référendum à l’échelle de l’Union, à l’octroi au Parlement européen d’un droit d’initiative législative ou à la consécration du principe du Spitzenkandidat.

Il faut également changer les modalités de prise de décision dans l’Union européenne : il n’est plus acceptable qu’un État membre puisse bloquer l’ensemble des négociations. Il y a beaucoup d’exemples ces dernières années qui ont fait qu’un État, en raison de l’unanimité, avait un droit de veto sur des décisions européennes. Nous proposons de sortir de l’unanimité pour aller vers la majorité qualifiée.

Le changement de traités doit enfin contribuer à la préparation de l’avenir. Le retour de la guerre sur le continent européen change le contexte géopolitique. Il y a une urgence d’arrimer au projet européen des États qui sont l’objet de tentatives de déstabilisation, de contrôle, voire d’annexion par des puissances extra-européennes. Cette question de l’élargissement est un impératif pour protéger nos intérêts et une question géopolitique majeure.

Au fond, la question n’est pas de savoir si nous devons élargir l’Union, ni même quand nous devons le faire mais comment le faire. Nous devons avoir ces débats qui sont difficiles mais qui doivent nous permettre de construire une Europe plus agile, plus efficace et plus souveraine. Je crois que l’Europe des années 2030 à plus de trente membres ne pourra plus être l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de fonctionner avec de nouveaux États en gardant les règles d’aujourd’hui qui parfois se révèlent inefficaces ou freinent notre capacité à réagir.

Je pense que nous aurons aussi, si nous avons vocation à nous élargir à repenser toutes nos grandes politiques historiques : la politique agricole commune, la politique de cohésion, le fonctionnement du marché intérieur…

Voilà donc le principal atout de cette conférence : préparer l’avenir. C’est la raison pour laquelle nous portons ensemble cette volonté de refondation et de révision des traités. C’est ce que le Parlement européen a déjà demandé dans une résolution adoptée le 9 juin 2022. Une nouvelle résolution est en cours de préparation qui pourrait être adoptée prochainement.

Un an après la conclusion de la Conférence et un an avant les élections européennes de 2024, nous plaidons donc résolument en faveur du lancement d’une procédure de révision ordinaire des traités européens, qui déboucherait sur la convocation d’une convention. Le traité de Lisbonne, qui est entré en vigueur il y a 14 ans maintenant, doit être revu pour prendre la mesure de l’attente des citoyens.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Il nous semble effectivement que l’Union européenne est à un moment assez carrefour. Elle a été construite comme une solution pour amener la paix sur notre continent. Cela a commencé avec le traité sur le charbon et l’acier en partant du principe que l’imbrication de nos économies empêcherait les États de se faire la guerre. Sa philosophie a été poussée avec les élargissements successifs pour faire de l’Europe un territoire de prospérité.

Cependant, il y a eu un désamour progressif de l’Union européenne, caractérisé par l’échec du référendum sur le traité constitutionnel dans les deux pays européens où il a été mené. C’est un signal important que nous devons entendre : l’Europe pour beaucoup de nos concitoyens s’est éloignée de son objectif premier et est aujourd’hui perçue comme lointaine, technocratique et libérale.

Pourtant, l’Europe est un échelon essentiel pour faire face à tous les défis actuels et à venir, en matière de santé, de protection sociale ou climatique. Seule l’Europe bénéficie d’une taille critique suffisante pour garantir sur la scène internationale la paix, la justice fiscale, les droits humains, sociaux et environnementaux. Les crises vécues ces dernières années ont démontré que l’Europe était bel et bien l’échelon pertinent pour répondre à ces crises. La santé et la défense ne font pas partie des compétences de l’Union mais, en temps de crises, l’Union européenne sait unir ses forces pour agir de manière collective.

Nous avons donc besoin de plus d’Europe pour faire face à ces défis, en surmontant la doctrine libérale qui guide actuellement notre Union. Notre objectif est de redessiner le visage de cette nouvelle Union, de façon à favoriser sa transformation d’une alliance économique en une véritable communauté politique. Une Europe sociale doit faire de la lutte contre la pauvreté une de ses priorités : la Conférence propose en ce sens plusieurs mesures concrètes comme un pacte social européen ou un cadre commun pour le régime de revenus minimum.

Nous avons aussi besoin de l’Union européenne pour structurer les réponses et les industries dont nous avons besoin dans le monde de demain. L’Union a cédé à la Chine notamment sur le photovoltaïque et nous en payons aujourd’hui les néfastes conséquences. Nous avons besoin de résolument nous tourner vers l’avenir et de voir ce que nous pouvons faire en commun.

Enfin, la conférence appelle également à une action de l’Union dans le domaine de la santé avec l’inscription de celle-ci comme compétence partagée. La pandémie a montré que les enjeux sanitaires ne connaissaient pas de frontières, et de nombreux États membres, parfois même fondateurs, sont confrontés à des déficiences dans leurs systèmes de santé. Là encore, l’Europe doit inciter les États membres à garantir un accès universel aux services de santé, y compris mentale, notamment en luttant contre les déserts médiaux.

« Plus d’Europe », cela signifie essentiellement trois choses : plus de compétences, plus de décisions et plus de démocratie.

Pour devenir cette « Europe du concret » que nous appelons de nos vœux, l’Union européenne doit acquérir « plus de compétences » sur des sujets fondamentaux, tels que la santé, le social et l’environnement.

Ensuite, la capacité à prendre « plus de décisions » implique de renoncer au système du vote à l’unanimité – qui bloque souvent les négociations européennes – pour lui préférer un système de vote à la majorité qualifiée. Ceci permettrait d’éviter l’usage excessif du droit de veto et de faire avancer des sujets clefs, tels que la politique sociale et la politique fiscale.

Enfin, pour « plus de démocratie », les institutions européennes doivent permettre aux citoyens de peser davantage sur les décisions qui les affectent directement.

La conférence sur l’avenir de l’Europe constitue de ce point de vue une première tentative pour rapprocher les citoyens de l’Union. Cet exercice de consultation inédit a été mené à bien malgré les conditions difficiles liées à la pandémie.

Des pistes d’amélioration existent. Il faut tout d’abord se rendre à l’évidence : au-delà des citoyens particulièrement au fait des questions européennes, très peu sont ceux qui ont entendu parler de la conférence sur l’avenir de l’Europe. Par ailleurs, le choix éminemment politique du Président de la République de ne pas décaler la présidence française du Conseil de l'Union européenne, en dépit de la juxtaposition avec la période électorale, explique peut-être en partie le manque d’intérêt en France pour cette conférence.

Reconnaître les limites de la démarche n’est en rien une offense aux citoyens et à l’exercice mené, mais constitue au contraire une remarque constructive pour que les futurs dispositifs de démocratie délibérative européenne ne soient pas de simples exercices médiatiques et symboliques.

Comme l’a dit le Président et co-rapporteur Pieyre-Alexandre Anglade, pour plus de démocratie, il faut promouvoir des listes transnationales, permettre aux citoyens de l’Union européenne de peser davantage dans le choix de la présidente ou du président de la Commission européenne, et renforcer les droits du Parlement européen en le dotant notamment d’un droit d’initiative législative. Toutes ces mesures sont essentielles pour accroître la légitimité démocratique de l’Union européenne et renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

Je parviens donc à la même conclusion que celle des citoyens ayant participé à la conférence sur l’avenir de l’Europe. Pour plus d’Europe, il faut réviser les traités européens. Pour relever les défis auxquels elle est confrontée, l’Union européenne doit tendre vers plus de fédéralisme et réformer la manière dont fonctionnent les institutions. Pour parachever cet exercice démocratique, il convient de mettre en œuvre les propositions adoptées – dont une grande partie n’implique pas de révision des traités – et que toutes les institutions européennes se saisissent des conclusions pour y donner suite.

Toute impression de désintérêt de la part des institutions européennes ferait courir le risque d’un désengagement des citoyens, voire d’une montée de leur défiance. Nous sommes à un moment clef pour décider de ce que sera notre Union européenne. Le succès du projet européen dépend de notre capacité à susciter l’adhésion des citoyens à un projet résolument social et écologique. Nous ne pouvons pas construire l’Union par le haut, en restreignant le débat à une poignée d’intellectuels pro-européens.

Le principal legs de la conférence sur l’avenir de l’Europe est l’appel à construire, ensemble, une Europe qui protège. L’Union européenne ne doit pas être une instance obscure et distante des citoyens, alors qu’elle est absolument fondamentale pour relever les défis contemporains. La révision des traités doit permettre de donner un nouveau souffle au projet européen, pour fonder une Europe du concret et répondre aux différentes crises. Il nous appartient donc de faire sortir l’Europe de ses carcans libéraux pour redonner enfin du sens à cette Union.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme Brigitte Klinkert (RE). La conférence sur l’avenir de l’Europe est une initiative capitale, qui vise à ouvrir un vaste débat sur l’orientation et les réformes de l’Union européenne. Elle permet d’associer de manière inédite, dans une discussion approfondie sur les grandes questions européennes, les citoyens, la société civile, les institutions européennes et les États membres.

Des panels de citoyens, des conférences multilingues, des plateformes en ligne et différents outils participatifs ont été mis en place pour permettre une large participation et l’expression d’une diversité d’opinions. 49 propositions ont été adoptées sur des sujets aussi divers que l’énergie, la santé, l’éducation, puis présentées aux Présidentes et Présidents des institutions européennes le 9 mai 2022.

Ainsi, la conférence sur l’avenir de l’Europe a été conçue pour répondre aux aspirations des citoyens européens souhaitant s’exprimer sur les politiques de l’Union européenne, sur son fonctionnement démocratique, ses valeurs et sa place dans le monde. Néanmoins, et comme l’indiquent les co-rapporteurs, la conférence a suscité peu de débats au-delà du cercle des participants, et sa portée médiatique a été relativement faible.

Au sein du groupe Renaissance, nous plaidons pour instaurer une dynamique durable, qui impliquerait davantage et plus régulièrement les citoyens européens dans la prise de décision sur les politiques européennes.

Ma question sera la suivante : comment les travaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe pourront-ils se concrétiser, sachant que l’attente est forte de la part de nos concitoyens ?

M. Thibaut François (RN). Alors que cette initiative prétend façonner l’avenir de notre continent, il est essentiel d’aborder certains aspects de la politique européenne qui suscitent des préoccupations et de nombreuses inquiétudes pour les peuples d’Europe, et tout particulièrement pour les Français.

Tout d’abord, il importe d’évaluer attentivement les implications de la politique d’élargissement de l’Union européenne, notamment aux pays des Balkans. Des problèmes tels que la corruption, la criminalité organisée et les tensions ethniques subsistent dans certains pays de la région, ce qui suscite des doutes sur leur état de préparation pour rejoindre l’Union européenne. La route des Balkans occidentaux continue à être la plus empruntée par les migrants, avec une augmentation de 170 % sur une seule année. L’agence Frontex a dénoncé les migrations clandestines qui traversent les pays des Balkans, affirmant avoir détecté plus de 130 000 passages frontaliers irréguliers sur la route des Balkans occidentaux entre janvier et novembre 2022.

Le groupe Rassemblement national continuera à s’opposer à tout élargissement de l’Union européenne, et maintient sa volonté d’organiser un référendum pour demander l’avis des Français sur ce sujet. Ayez donc le courage de proposer ce référendum !

Sur la question des institutions européennes – qui sont technocratiques et bureaucratiques aux yeux de nos compatriotes – il est crucial de préserver un équilibre entre l’efficacité décisionnelle et la représentation démocratique, rompu depuis plusieurs années.

L’instauration de listes transnationales éloignerait encore le peuple de sa propre représentation au sein du Parlement européen. Nous constatons en outre trop souvent une centralisation du pouvoir dans des instances qui ne sont pas directement élues, ni même contrôlées, par les citoyens européens, à l’image de la Commission européenne. Il est essentiel de garantir que les décisions prises au niveau européen reflètent véritablement les préoccupations et les intérêts des citoyens de tous les États membres.

Le renforcement de la transparence et de la participation citoyenne sont des éléments indispensables pour construire une Europe libre et véritablement démocratique, respectant l’intégralité des décisions prises par les peuples. Au travers de cette conférence sur l’avenir de l’Europe, organisée par la France en pleine présidence tournante de l’Union européenne et en pleine campagne présidentielle, Bruxelles continue de promouvoir sa vision immigrationniste et sa défense de l’élargissement, avec le soutien total de la « Macronie », au détriment de politiques responsables au profit des nations, et de la France en particulier.

Sans surprise, cette conférence n’aboutira à rien de concret. Des réformes tangibles sont bien plus importantes que de simples recommandations qui finiront par être oubliées dans les méandres de la bureaucratie, comme je peux vous le prédire, et comme le démontrera le résultat des prochaines élections européennes.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Je salue l’initiative des co-rapporteurs consistant à présenter une résolution pour donner suite à la conférence sur l’avenir de l’Europe. La France occupe, du fait de son histoire, une place singulière en matière de paix, d’indépendance – tant aux plans diplomatique que de défense – et de service public.

Il est nécessaire de rappeler que les processus de décisions et de participation politique au niveau européen résultent de débats et de délibérations publics, à l’occasion desquels tous les citoyens doivent pouvoir se saisir pleinement des sujets.

Je prends particulièrement note de la proposition appelant à la révision des traités de l’Union européenne. Cela fait maintenant des années que notre groupe défend le respect de l’avis des Français en la matière.

Tout d’abord, ces traités sont antidémocratiques. Il est inutile de rappeler ici le camouflet qu’a représenté le référendum de 2005, sur lequel se sont assis aussi bien Nicolas Sarkozy que François Hollande. Où est le pouvoir du peuple lorsque les traités sont adoptés de force, sans son consentement ?

Ensuite, ces traités sont, dans leur substance, antisociaux. Ils permettent aux gouvernements successifs de justifier des politiques économiques « austéritaires », à savoir la casse des services publics et la privatisation de pans entiers de l’économie, à l’image du rail et du fret.

Ces politiques de contraction de la dépense publique ont des effets directs et implacables sur la vie de nos concitoyens. Il est donc temps de remettre l’édifice européen à plat, afin de le transformer en un instrument au service de l’intérêt général et non pas au service des plus riches.

Je salue, pour finir, le travail du Groupe de la Gauche au Parlement européen, coprésidé par l’eurodéputée Manon Aubry, qui a obtenu en avril 2023 le vote d’une directive ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales. Le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises à œuvrer pour prévenir les risques liés aux droits de l’homme et à l’environnement et à la santé tout a long de la chaîne de valeur. Cela signifie que ces entreprises ne pourront plus se cacher derrière des sous-traitants et seront directement responsables.

M. Henri Alfandari (HOR). La conférence sur l’avenir de l’Europe a été un bel exercice démocratique, où un grand nombre de citoyens a pu formuler une vision commune sur le chemin que notre Union doit tracer au cours des prochaines années. Nous partageons l’avis des rapporteurs sur la nécessité de valoriser le travail réalisé par les citoyens, en enjoignant les institutions européennes à se saisir des recommandations issues de la convention.

Le groupe Horizons et apparentés soutient les conclusions reprises dans le discours du Président de la République lors de la clôture des travaux de la conférence. La généralisation du vote à la majorité qualifiée au Conseil de l’Union européenne se justifie pour lever certains blocages et améliorer l’efficacité de nos politiques européennes, afin de permettre à chacun des États membres de participer à la réussite de nos objectifs communs.

Mais ces avancées doivent se faire en gardant à l’esprit le sens des traités qui nous lient, et qui nous obligent à impliquer nos peuples ainsi qu’à améliorer le processus démocratique et de contrôle. Il faudra alors envisager de changer les règles applicables à la majorité qualifiée avec une révision des seuils relatifs au nombre d’États et la population, comme vous le proposez dans votre rapport. Un pouvoir d’initiative législative pour le Parlement européen serait pertinent : les députés européens, élus par le suffrage universel direct, ne peuvent aujourd’hui être à l’origine de nouveaux règlements européens et directives européennes. Il y a donc une incohérence entre leur légitimité démocratique et leurs pouvoirs effectifs. Par ailleurs, nous devons faire attention à ne pas choisir un mode électoral qui sépare les députés européens de leurs territoires et de leurs concitoyens.

La convocation d’une convention pour la révision des traités européens, tant pour adapter les procédures d’adhésion que pour parfaire notre union, semble être une issue obligatoire à notre avenir commun. Notre groupe partage les constats de ce rapport et les ambitions de cette proposition de résolution européenne, et votera donc en faveur de son adoption.

Pour réinsuffler l’intérêt démocratique des concitoyens pour la construction européenne, il me semble nécessaire que celui-ci soit sollicité pour trancher à intervalle régulier les orientations, que celles-ci soient libérales ou sociales, à inscrire dans les traités et les textes. Qu’en pensez-vous ?

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Je remercie les co-rapporteurs pour ce travail important. Pour le groupe des Écologistes, la question d’une Europe citoyenne et des peuples est essentielle. C’est vers une Europe environnementale qu’il faut évoluer.

Les Écologistes proposent depuis longtemps un traité environnemental afin d’avancer enfin vers une Europe plus participative, plus sociale et plus environnementale. Il importe de restaurer la confiance nécessaire pour vivre et construire concrètement l’Europe.

Pourtant, nous entendons – y compris au sein de cette commission – des discours destructeurs, qui continuent à promouvoir l’unanimité afin que l’Union européenne ne puisse pas évoluer, et des discours contraires aux valeurs européennes d’accueil et de respect des droits humains.

J’espère que les outils de ce rapport permettront d’avancer de façon républicaine pour continuer à construire cette Europe qui façonne les citoyennetés de demain.

M. le Président Charles Sitzenstuhl. Je voudrais rebondir sur trois points. Le premier porte sur le mode de décision : nous devons encore développer les votes à la majorité qualifiée, parce que l’unanimité bloque le bon fonctionnement des institutions européennes dans un certain nombre de domaines, en particulier celui de la fiscalité. Le projet de taxation européenne des géants du numérique, projet soutenu par quasiment tous les partis politiques en France, a par exemple été bloqué à cause de l’unanimité.

Ma deuxième remarque porte sur la défense. Certains considèrent qu’européaniser davantage la défense n’a pas de sens ; d’autres pensent qu’il faut aller de plus en plus vers une mutualisation des forces et vers une convergence des défenses nationales en Europe, pour créer à terme une défense européenne. La crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine montre que nous sommes plus forts et beaucoup plus dissuasifs, lorsque nous sommes ensemble.

Ma dernière remarque vise à rappeler que l’Union Européenne est un projet en grande partie français à l’origine. Nous avons donc une responsabilité historique éminente dans la suite de la construction européenne. L’Union européenne est un démultiplicateur de puissance pour notre pays : nous sommes puissants dans le monde parce que nous sommes aussi puissants en Europe. Surtout, l’Union européenne est une modalité de règlement des conflits sur notre continent par la discussion et le dialogue, comme l’illustrent les débats actuels sur les sujets énergétiques.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Je voudrais souligner les pistes d’amélioration de la participation citoyenne : lors de la Conférence, les contributions des citoyens étaient variables selon les États. Dans la résolution que vous nous proposez, il faut chercher à repolitiser les débats sur l’Union et faire de l’Europe un choix politique lors des élections nationales. Nous parlons souvent de l’Europe lorsqu’il y a des élections européennes, mais pas suffisamment dans les autres temps forts de la vie démocratique de notre pays. Ce choix politique doit permettre aux citoyens de mieux percevoir les apports de l’Europe, et ainsi ne pas tomber dans le nationalisme, ou le protectionnisme. L’Europe n’est pas un plan B, ni une variable d’ajustement de la politique nationale. Il s’agit d’un espace politique important pour la protection et la prospérité de nos concitoyens. Ce sont ces axes-là que nous devons mettre en avant. Nous restons mobilisés et attentifs sur ce sujet et nous sommes pour l’Europe des citoyens.

M. Thibaut François (RN). Vous avez fait référence au fait que la France est un pays-fondateur de l’Union européenne, mais vous oubliez un détail : les Français ont été interrogés par un référendum sur l’opportunité d’une intégration plus poussée de l’Union européenne et ils ont voté « non ».

Par ailleurs, vous êtes pour la fin de l’unanimité au Conseil. Si nous avions une armée européenne et qu’il y avait la majorité qualifiée, qu’est-ce qu’on aurait fait lors de la guerre en Irak ? On serait parti en guerre contre la volonté du peuple et du gouvernement français ? J’aimerais avoir votre réponse dessus, parce que les Britanniques et les pays scandinaves étaient pour. Si on supprime le principe l’unanimité, la volonté du peuple ne serait pas respectée dans certains États sur un nombre important de sujets.

M. le Président Charles Sitzenstuhl. Sur le premier point évoqué, il y avait un référendum de 2005. En revanche, n’oubliez pas qu’il y a eu auparavant un référendum en 1992 sur le traité de Maastricht. C’est le référendum de Maastricht qui acte le passage d’une Europe essentiellement économique à une Europe politique, avec la création de l’Union européenne.

Sur le sujet du passage à la majorité qualifiée, je pensais prioritairement à la fiscalité. Sur les affaires étrangères et la défense, il faut rester à l’unanimité parce qu’il s’agit du cœur de la souveraineté des États. L’exemple que vous donnez de l’Irak est éloquent et justifie le fait que sur la diplomatie et la défense, il faut rester à l’unanimité. Aller vers une intégration plus poussée de l’Union européenne en matière de défense n’est d’ailleurs pas antinomique avec le fait de rester à l’unanimité.

Mme Liliana Tanguy (RE). J’ai compris qu’il fallait que la réforme des institutions aille de pair avec la perspective d’élargissement de l’Union. Faut-il mener les deux processus en même temps ?

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Mme Klinkert, vous posez une question concrète en demandant comment les travaux vont se concrétiser dans les mois à venir. Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en œuvre ou sont en train de l’être.

Environ 90 % des recommandations de la Conférence peuvent être mises en œuvre à traités constants. La Commission européenne, en lien avec le Parlement européen, a déjà lancé un certain nombre de projets, dont certains ont été adoptés. C’est le cas par exemple de la transformation numérique, avec le règlement européen sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA) qui ont été adoptés sous présidence française. Sur le thème du changement climatique, la politique 2023-2027 et les initiatives du Pacte Vert pour l’Europe avec le paquet « Fit for 55 » portent aussi de nombreuses mesures qui ont été incluses dans les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. D’autres propositions vont être faites par la Commission sur le recyclage des déchets et sur le bien-être animal.

Enfin, la révision des traités est en train d’être discutée au Parlement européen, au sein de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO). Un rapport devrait être présenté d’ici l’été 2023, pour un passage ensuite en plénière et la poursuite du processus législatif après les élections européennes de 2024. Le débat politique se poursuit.

Cela permet faire le lien avec les propos de M. Thibaut François qui relève que rien de concret n’est sorti de cette conférence. Cependant, les exemples que je viens de citer, en particulier sur la révision des textes et sur l’adoption du DSA et du DMA sont des révolutions majeures dans l’espace numérique. Ce ne sont pas de petites transformations dans le paysage politique européen. Les Européens sont en train de prendre un « leadership » sur la régulation de l’espace numérique, avec 49 mesures et 326 recommandations qui sont en train d’être mises en œuvre. Ce sera à la prochaine législature de Parlement européen et à la nouvelle Commission européenne d’être capable de les porter.

Concernant l’élargissement, certains pays ne sont peut-être pas prêts. C’est la raison pour laquelle ceux-ci ne sont pas encore membres de l’Union européenne et qu’il existe un processus progressif d’intégration des États membres qui sont candidats.

Nous pensons que l’Ukraine a vocation à devenir un membre à part entière de l’Union européenne parce que, par le combat qu’elle mène pour la démocratie, la liberté et la souveraineté de leur pays, elle défend aussi l’Europe. L’Ukraine n’aura, toutefois, pas vocation à y adhérer en 2024, éventuellement en 2030 si elle mène les réformes institutionnelles et sur l’État de droit nécessaires. Nous y sommes favorables parce que le contexte géopolitique a évolué et nous devons arrimer à l’espace européen des pays qui sont aujourd’hui la cible de déstabilisations, de tentatives d’ingérence, de contrôle, de manipulation et d’annexion.

L’Union européenne doit être capable de mener ses propres réformes. Tenant compte des difficultés dans la conduite de réformes à 27 États membres, il est difficilement concevable que l’Europe puisse fonctionner à 30 membres voire davantage, avec des institutions qui, parfois, ont des prises de décisions trop lentes ne permettant pas de réagir de manière suffisamment rapide à des évènements soudains. Nous devrons également être capables de repenser nos grandes politiques historiques, la politique agricole commune, la politique de cohésion et le fonctionnement du marché intérieur si l’on veut intégrer tous ces pays à l’avenir.

M. Amard, vous dites que la France joue un rôle singulier en Europe et vous avez raison. C’est la raison pour laquelle je salue l’initiative française d’organiser une telle conférence. L’évolution du fonctionnement de l’Union européenne ne pourra avoir lieu qu’avec un effet d’entraînement et non en dérogeant aux traités européens comme cela peut être présenté dans le débat politique national. La volonté de repenser nos traités peut être interprétée différemment par chacun, mais un consensus existe aussi dans la classe politique.

Vous qualifiez certains traités d’antidémocratiques. Le traité de 2005 a, certes, été rejeté mais je tiens à rappeler que les représentants du peuple français à l’Assemblée nationale et au Sénat ont ensuite approuvé un projet de traité signé à Lisbonne. Le traité de Maastricht de 1992 avait également été approuvé par référendum. Cela ne doit pas pour autant pleinement nous satisfaire. Si nous allons jusqu’au bout du processus, la révision des traités sera validée selon les procédures nationales et la France pourra, à cette occasion, convoquer un référendum sur cette question.

S’agissant de l’Europe sociale, je partage l’idée selon laquelle si l’Europe ne protège pas mieux les personnes les plus vulnérables et les travailleurs, alors la défiance envers les institutions augmentera et certains gouvernements pourraient faire le choix d’un retrait de l’Union. Toutefois, de grandes avancées ont été réalisées ces dernières années, notamment sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne à travers la directive sur les salaires minimaux adéquats, le socle européen des droits sociaux et la révision de la directive sur les travailleurs détachés. L’Europe, de ce point de vue là, est en train d’évoluer.

Enfin, je partage l’avis de Mme Karamanli sur la nécessité de « repolitiser » nos débats européens et de défendre une sphère publique européenne, notamment grâce la tenue d’élections qui seraient proprement européennes avec l’avènement d’une circonscription européenne. Nos représentants élus sur des listes nationales n’ont pas vocation à être remplacés par des listes paneuropéennes. Toutefois, nous avons besoin d’une liste unique par famille politique qui soit transnationale, à la tête de laquelle un candidat pourrait être, in fine, le président de la Commission européenne.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. J’entends que l’échec du référendum sur le traité constitutionnel européen a mis un coup d’arrêt à la construction européenne. L’Union européenne était, jusqu’alors, favorablement accueillie et les nouveaux États membres pouvaient bénéficier d’aides financières visant à construire des infrastructures, afin d’atteindre un niveau de prospérité uniforme sur l’ensemble du continent. Depuis 2005, le sentiment d’appartenance européen s’est fortement érodé. Nous sommes davantage animés par un repli sur soi.

M. Amard, vous relevez un certain nombre d’incohérences sur les politiques européennes, observables non seulement en tant que citoyen mais également en tant qu’élu local. Avoir un débat élitiste sur les réformes institutionnelles qui seraient à mener serait en décalage avec les revendications qui existent sur l’Union européenne.

Comment, y compris dans notre représentation nationale, pourrions-nous porter une meilleure considération à l’Union européenne ? Il importerait que chaque parlementaire français puisse mieux appréhender les lois et l’adaptation des décisions et directives européennes. Cela me semble essentiel pour donner une orientation aux ministres dans les négociations au Conseil. L’État français nous représente au Conseil de l’Union européenne et au Conseil européen. Pour autant, les travaux qui seront engagés au nom de notre pays ne font l’objet d’aucune validation par la représentation nationale. En outre, les bienfaits de l’Europe ne sont pas nécessairement visibles. La France est un des États membres qui sous-utilise les subventions européennes.

La question de l’énergie a, par ailleurs, été mise en lumière par le conflit ukrainien et les débats visant à s’affranchir de notre dépendance au gaz russe et décarboner nos économies. Je suis assez inquiète de voir un esprit français contraire à l’esprit européen, fustigeant régulièrement la politique énergétique menée en Allemagne. Chaque État est souverain dans sa stratégie énergétique et nos politiques doivent pouvoir être conjuguées. La France fait le choix de s’engager résolument dans l’énergie nucléaire tandis que l’Allemagne fait le choix inverse et pour autant, les Allemands ne critiquent pas la politique énergétique française. Nous devons travailler de concert, le couple franco-allemand ayant été et restant moteur dans la construction européenne. Enfin, j’alerte sur le sentiment de division qui prévaut entre les États membres face aux défis que nous ne parviendrons pas à relever seuls.

C’est dans ce sens-là que M. Anglade et moi-même avons formulé un certain nombre de recommandations. Vous l’avez évoqué à plusieurs reprises, le sentiment d’éloignement des institutions européennes peut être justifié par le fait que le président de la Commission européenne n’est pas directement élu par les citoyens européens. Élire le président de la Commission européenne de manière directe et présenter une liste transnationale nous paraissent être deux mesures en faveur de la promotion du dialogue et d’une meilleure compréhension de l’échelon européen.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Le traité de Maastricht n’avait pas de caractère politique, c’était un traité essentiellement économique. Le référendum de 2005 avait une grande importance et a été l’occasion pour ceux qui sont passés en force, de graver dans le marbre un caractère économique et libéral de la construction européenne.

Sur la question des travailleurs détachés, vous dites que nous avons progressé. Néanmoins je connais un exemple concret dénoncé par la Fédération nationale des transporteurs routiers. Les transporteurs routiers français souffrent de leur déficit de concurrence car les salaires ne sont pas les mêmes entre les États membres.

M. le Président Charles Sitzenstuhl. Dire que Maastricht traité n’était pas politique, n’est pas vrai. C’est le traité qui créé la citoyenneté de l’Union, c’est le traité qui acte le passage à l’euro. Quoi de plus politique que la monnaie ?

Amendement n° 3 de M. Thibaut François.

M. Thibaut François (RN). L’unanimité au Conseil européen est un élément essentiel qui permet la sauvegarde de la souveraineté des nations. La supprimer pourrait par exemple engager des pays au sein d’accords internationaux qui ne désireraient pas ou qui seraient même contraires à la volonté des peuples. La suppression de l’unanimité conduirait in fine à donner un plus grand pouvoir à la Commission européenne dans des négociations avec des pays tiers notamment sur des traités de libre-échange, sans posséder un mandat clair. Dans une conférence dont le but était d’augmenter « la démocratie participative en Europe », comment pouvez-vous justifier la suppression d’un mécanisme qui permet justement de ne pas aller à l’encontre de la volonté d’un peuple et de certains pays européens ?

D’ailleurs le président a convenu tout à l’heure qu’il fallait maintenir l’unanimité dans certains domaines, notamment pour la politique extérieure. L’alinéa 12 ne précise pas les domaines dans lesquels vous souhaitez abolir une unanimité au Conseil. Alors je vous propose d’amender en ce sens le texte, en ayant une liste exhaustive de ce que vous incluez ou non. Sinon cet article sera beaucoup trop restrictif.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Nous sommes pour la surpression de l’unanimité car nous voulons une Europe plus agile, efficace, qui réagisse rapidement. Nous voulons éviter de répéter le cas du véto hongrois sur l’accord international portant sur l’imposition minimale des sociétés.

J’ai du mal à comprendre vos peurs car, au fond, les décisions au Conseil se font toujours par une forme de compromis ou de consensus. La majorité qualifiée va inciter les États à rechercher le compromis, le consensus, à amender leur position afin d’avoir un accord qui soit le plus global possible. Je ne suis pas sûr que l’exemple que vous preniez tout à l’heure soit le plus pertinent : l’Allemagne était également opposée à la guerre en Irak. Le couple franco-allemand pèse politiquement en Europe.

Je pense que cette modification des règles est nécessaire afin de parvenir à plus d’efficacité. C’est pourquoi nous donnons un avis défavorable.

Mme Constance Le Grip (RE). Le groupe Renaissance s’opposera à cet amendement présenté par le groupe Rassemblement National. Je voulais simplement préciser qu’il ne saurait être question de brandir l’argument de la guerre pour faire peur à nos compatriotes. Les questions de déclaration de guerre, sont du ressort du Conseil européen dont le mode de gouvernance est différent de celui du Conseil.

L’unanimité au Conseil a incontestablement pour inconvénient de nuire à la rapidité, l’efficacité et l’agilité dans les prises de décisions.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Je voudrais apporter une nuance. Nous sommes en faveur du passage l’unanimité à la majorité qualifiée. Mais la question est plus subtile, car l’alinéa 20 ne mentionne comme exception que ce qui touche à l’admission de nouveaux États membres. Or, d’autres sujets pourraient exiger l’unanimité, par exemple en matière de défense.

Je voudrais également indiquer qu’il est important de préserver les prérogatives des parlements nationaux. Certains États membres cherchent ainsi à contourner leurs parlements, notamment en vue d’accords de libre-échange, en ne passant que par l’Union européenne. Il faudra donc être attentif à ne pas exclure les parlements, y compris le Parlement européen.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 1 de M. Thibaut François.

M. Thibaut François (RN). L'élargissement de l'Union européenne implique l'intégration de nouveaux membres avec leurs propres systèmes politiques, économiques et sociaux. Cela peut créer des défis considérables en matière d'harmonisation des lois, de coordination des politiques et de gestion des différences culturelles. Les expériences passées ont montré que l'intégration de nouveaux membres peut être un processus complexe et prolongé.

L'élargissement de l'Union européenne peut entraîner une instabilité économique, en particulier si les nouveaux membres ont des économies moins développées ou sont confrontés à des problèmes structurels importants. Les déséquilibres économiques entre les États membres peuvent compromettre la stabilité financière de l'Union européenne dans son ensemble. L'intégration de nouveaux membres implique souvent une assistance financière pour les aider à s'aligner sur les normes et les politiques de l'Union européenne. Cela peut représenter une charge financière importante pour les États membres existants qui doivent contribuer davantage aux budgets et aux fonds de l'Union européenne. Cela peut entraîner des tensions économiques et politiques entre les États membres.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis défavorable. On peut débattre de l’élargissement de l’Union européenne, même si la France a exprimé une position claire sur ce sujet. L’alinéa 14 ne porte cependant pas sur l’élargissement mais sur la réforme institutionnelle que ce dernier rendrait nécessaire. À 27 et à traités constants, c’est déjà un défi, mais l’Union ne pourra pas continuer à fonctionner ainsi si nous sommes plus.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 4 de M. Thibaut François.

Mme Annick Cousin (RN). Au-delà du fait que l’ensemble des participants à la conférence sur l’avenir de l’Europe représentent seulement 0,00001 % de la population européenne, le processus de sélection des citoyens à la Conférence de l’avenir de l’Europe a fait preuve d’une totale absence de transparence du processus de sélection des citoyens. Aucune voix critique vis-à-vis de la construction européenne n’a été audible, alors qu’on ne peut nier qu’il en existe en Europe. De cet élément, on peut se poser la question de la réelle représentativité́ des citoyens sélectionnés.


M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Les règles de constitution des panels de citoyens sont transparentes. Ils ont été constitués de façon aléatoire, contactés par les 27 instituts de sondages nationaux, sélectionnés d’après cinq critères : le genre, l’âge, l’origine géographique, le milieu socio-économique et le niveau d’éducation. Votre critique est sans objet. Mon avis est donc défavorable.

Mme Constance Le Grip (RE). Je souhaite ajouter que la conférence sur l’Avenir de l’Europe, dont j’ai été membre, était composée de représentants des citoyens, entre autres à travers les panels citoyens, mais également de représentants du Parlement européen, de tous les parlements nationaux, de tous les États, ainsi que d’organisations syndicales et associatives. Toutes les familles politiques étaient présentes, ce qui permettait d’entendre des voix extrêmement diverses.

M. Thibaut François (RN). Pour réagir aux propos de Mme Le Grip, le Rassemblement national n’y avait aucun représentant alors qu’il a eu quelques mois plus tard 89 représentants à l’Assemblée nationale et qu’il avait gagné les élections européennes.

La commission du contrôle budgétaire n’a d’ailleurs fait aucune réponse sur l’organisation de cette participation citoyenne par la société commerciale Kantar et nous n’avons aucune information sur la somme qu’elle a pu percevoir pour l’organisation de ces panels.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 5 de Mme Annick Cousin.

Mme Annick Cousin (RN). L’Europe a fait preuve d’une totale absence de transparence lors du processus de sélection des citoyens « tirés au sort », mais il est aussi remarquable que certains groupes politiques du Parlement européen n’aient pas pu être associés aux travaux et n’aient pas eu de présidence de groupes de travail comme cela a été le cas pour les autres groupes politiques. Le recours à la règle d’Hondt aurait été souhaitable afin d’augmenter la légitimité démocratique des institutions européennes. Pour rappel, la règle d’Hondt est la méthode de calcul assurant la proportionnalité, ce qui semble être le ba ba dans des institutions qui souhaitent promouvoir et défendre la démocratie.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Défavorable. Les panels citoyens et la présidence ont été régis par des règles propres à l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la répartition entre États-membres et entre les différentes institutions européennes. La règle d’Hondt a par ailleurs bien été appliquée. Du reste, l’objet de la résolution n’est pas de rappeler la règle de fonctionnement des panels citoyens.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 2 de M. Alexandre Sabatou

M. Alexandre Sabatou (RN). Les parlements nationaux sont le fondement de la souveraineté démocratique des pays membres. Ils sont élus directement par les citoyens et représentent leurs intérêts spécifiques, leur culture et leurs valeurs nationales. Réduire le poids législatif des parlements nationaux affaiblirait la capacité des citoyens à influencer directement les décisions politiques qui les concernent.

Les parlements nationaux sont plus proches des préoccupations quotidiennes des citoyens que les institutions européennes. Ils ont une meilleure compréhension des besoins et des réalités spécifiques de leur pays, de leurs régions et de leurs communautés. En conservant un poids législatif fort, les parlements nationaux peuvent mieux représenter les intérêts et les préoccupations des citoyens au niveau national attachés aux territoires.

Les décisions prises au niveau national par les parlements élus démocratiquement sont perçues comme légitimes par les citoyens. La perte de poids législatif des parlements nationaux pourrait entraîner une perte de confiance des citoyens envers les institutions européennes, perçues comme éloignées et déconnectées de leurs réalités nationales.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Le texte que nous présentons ici répond précisément aux critiques que vous formulez, puisqu’il s’agit de casser le monopole de l’initiative législative de la Commission européenne. Nous voulons donner un véritable poids politique au Parlement européen en lui permettant de lancer ses propres textes et ses propres initiatives. Pourquoi envoyez-vous des parlementaires au Parlement européen si vous ne souhaitez pas leur donner ce pouvoir ?

Le mécanisme que nous proposons n’enlève rien aux parlements nationaux puisqu’il ira de pair avec la procédure du « carton vert » qui permettrait aux parlements nationaux d’inciter le Parlement européen et la Commission à examiner une initiative législative dans un domaine où l’action de l’Union serait considérée comme nécessaire ou plus efficace. Les deux vont donc de pair.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 6 de M. Alexandre Sabatou.

M. Alexandre Sabatou (RN). Les conclusions ne tiennent pas compte des recommandations de la plateforme numérique. Or celle-ci a montré des positions de citoyens variés et, pour un nombre non négligeable, émettant des réserves sur la construction européenne que les conclusions des différents panels ne relèvent pas. Cela semble particulièrement notable pour les questions d’immigration. Ne pas intégrer une demande populaire, a minima la notifier comme l’expression d’une part non négligeable des citoyens européens est, ou serait, un véritable déni de démocratie alors que l’objet même de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est de renforcer la démocratie. Ne pas voter cet amendement montrerait que le visage de l’Europe que vous défendez est celui d’une construction qui ne se réclame de la démocratie que lorsqu’elle semble aller dans votre sens.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement est rejeté.

 

L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.

La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


—  1  —

   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de rÉsolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, et les députés du Rassemblement National

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ARTICLE UNIQUE

 

Supprimer l’alinéa 12 et 20

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’unanimité au Conseil est un élément essentiel qui permet la sauvegarde de la souveraineté des nations. La supprimer pourrait par exemple engager les pays dans des accords internationaux qu’ils ne désireraient pas, ou qui serait même contraire à la volonté des peuples qui ont élu un gouvernement pour appliquer un programme.

 

De plus, on sait très bien que la suppression de l’unanimité au Conseil est déjà une demande des affaires étrangères des gouvernements de Belgique, Finlande, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Slovénie et Espagne. La suppression de cette unanimité conduira in fine à donner un plus grand pouvoir à la Commission européenne dans ses négociations avec les pays tiers.

 

Dans une conférence dont le but est d’augmenter la démocratie, comment justifier la suppression d’un mécanisme qui permet justement de ne pas aller à l’encontre de la volonté des peuples de certains pays européens ?

 

C’est ainsi que l’on peut s’étonner qu’à l’alinéa 11, il soit fait état du manque de légitimité démocratique des institutions européennes, et qu’à l’alinéa 12 vous déploriez un mécanisme qui préserve la démocratie des pays membres.

 

Amendement rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de résolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, Pierrick BERTELOOT, Annick COUSIN, Joëlle MÉLIN, Yaël MÉNACHE, Thomas MÉNAGÉ, Alexandre SABATOU

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ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 14

EXPOSÉ SOMMAIRE

L'élargissement de l'Union européenne implique l'intégration de nouveaux membres avec leurs propres systèmes politiques, économiques et sociaux. Cela peut créer des défis considérables en matière d'harmonisation des lois, de coordination des politiques et de gestion des différences culturelles. Les expériences passées ont montré que l'intégration de nouveaux membres peut être un processus complexe et prolongé.

L'élargissement de l'Union européenne peut entraîner une instabilité économique, en particulier si les nouveaux membres ont des économies moins développées ou sont confrontés à des problèmes structurels importants. Les déséquilibres économiques entre les États membres peuvent compromettre la stabilité financière de l'Union européenne dans son ensemble.

L'intégration de nouveaux membres implique souvent une assistance financière pour les aider à s'aligner sur les normes et les politiques de l'Union européenne. Cela peut représenter une charge financière importante pour les États membres existants qui doivent contribuer davantage aux budgets et aux fonds de l'Union européenne. Cela peut entraîner des tensions économiques et politiques entre les États membres.

 

 

 

Amendement rejeté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de rÉsolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, et les députés du Rassemblement National

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ARTICLE UNIQUE

 

Ajouter après l’alinéa 16 :

« Souhaite que la démocratie participative puisse se faire en toute transparence et que les règles de sélections de citoyens « tirés au sorts » puissent être connues de tous ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Au-delà du fait que l’ensemble des participants à la conférence sur l’avenir de l’Europe représentent seulement 0,00001 % de la population européenne, le processus de sélection des citoyens à la Conférence de l’avenir de l’Europe a fait preuve d’une totale absence de transparence du processus de sélection des citoyens « tirés au sort » et des experts. Aucune voix critique vis-à-vis de la construction européenne n’a été audible, alors que l’on ne peut nier qu’il en existe en Europe. De cet élément, on peut se poser la question de la réelle représentativité́ des citoyens sélectionnés.

 

 

 

 

 

 

 

Amendement rejeté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de rÉsolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, et les députés du Rassemblement National

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ARTICLE UNIQUE

 

Ajouter après l’alinéa 16 :

« Souhaite afin d’augmenter la légitimité́ démocratique des institutions européennes que la règle d’Hondt pour la répartition des présidences d’organes ou de groupes de travail soit respectée lors de toute conférence impliquant une participation citoyenne ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’Europe a fait preuve d’une totale absence de transparence du processus de sélection des citoyens « tirés au sort », mais il est aussi remarquable que certains groupes politiques du Parlement européen n’aient pas pu être associés aux travaux et n’aient pas eu de présidence des groupes de travail comme cela a été le cas pour les autres groupes politiques. L’emploi de la règle d’Hondt aurait été souhaitable afin d’augmenter la légitimité démocratique des institutions européennes. Pour rappel, la règle d’Hondt est juste la méthode de calcul assurant la proportionnalité, ce qui semble être le b-a ba dans des institutions qui souhaitent promouvoir et défendre la démocratie.

 

 

 

 

 

 

Amendement rejeté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de rÉsolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, Pierrick BERTELOOT, Annick COUSIN, Joëlle MÉLIN, Yaël MÉNACHE, Thomas MÉNAGÉ, Alexandre SABATOU

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ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 21

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les parlements nationaux sont le fondement de la souveraineté démocratique des pays membres. Ils sont élus directement par les citoyens et représentent leurs intérêts spécifiques, leur culture et leurs valeurs nationales. Réduire le poids législatif des parlements nationaux affaiblirait la capacité des citoyens à influencer directement les décisions politiques qui les concernent.

Les parlements nationaux sont plus proches des préoccupations quotidiennes des citoyens que les institutions européennes. Ils ont une meilleure compréhension des besoins et des réalités spécifiques de leur pays, de leurs régions et de leurs communautés. En conservant un poids législatif fort, les parlements nationaux peuvent mieux représenter les intérêts et les préoccupations des citoyens au niveau national attachés aux territoires.

Les décisions prises au niveau national par les parlements élus démocratiquement sont perçues comme légitimes par les citoyens. La perte de poids législatif des parlements nationaux pourrait entraîner une perte de confiance des citoyens envers les institutions européennes, perçues comme éloignées et déconnectées de leurs réalités nationales.

 

 

 

 

Amendement rejeté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 juin 2023


Proposition de rÉsolution europÉenne relative aux suites de la confÉrence sur l’avenir de l’Europe

 

AMENDEMENT

No 6

 

 

présenté par

Thibaut FRANÇOIS, et les députés du Rassemblement National

 

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ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 22 :

Ajouter après :

« Exhorte les institutions européennes à se saisir pleinement des recommandations »

les mots

« de tous les participants, incluant celles de la plateforme numérique »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les conclusions ne tiennent pas compte des recommandations de la plateforme numérique. Or celle-ci a montré des positions de citoyens variés et pour un nombre non négligeable émettant des réserves sur la construction européenne que les conclusions des différents panels ne relèvent pas. Cela semble particulièrement notable pour les questions d’immigration. Ne pas intégrer une demande populaire, a minima la notifier comme l’expression d’une part non négligeable des citoyens européens est, ou serait, un véritable déni de démocratie alors que l’objet même de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est de renforcer la démocratie. Ne pas voter cet amendement montrerait que le visage de l’Europe que vous défendez est celui d’une construction qui ne se réclame de la démocratie que lorsqu’elle semble aller dans votre sens.

 

 

Amendement rejeté.

 


—  1  —

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 48 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la convocation d’une convention pour la révision des traités (2022/2705 (RSP)),

Vu la résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur le droit d’initiative du parlement (2020/2132(INI)),

Vu le rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe publié le 9 mai 2022,

Considérant le caractère inédit de la consultation citoyenne organisée dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, achevée sous présidence française de l’Union européenne ;

Considérant qu’une partie importante des conclusions fait l’objet d’un travail de mise en œuvre par les institutions européennes ;

Considérant que la majorité des conclusions de la conférence peut intervenir sans modification des traités mais que les recommandations les plus structurantes nécessitent l’ouverture d’une procédure de révision ;

Considérant que le contexte géopolitique européen et international a évolué depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, notamment avec la guerre en Ukraine ;

Considérant que les conclusions de la conférence soulignent la nécessité d’un approfondissement de la légitimité démocratique des institutions européennes par la revalorisation du rôle des citoyens et des organes représentatifs de l’Union ;

Considérant que le maintien de l’unanimité au Conseil dans plusieurs domaines des politiques européennes est la cause du ralentissement, voire dans certains cas du blocage des négociations européennes ;

Considérant l’absolue nécessité de mener des politiques plus concrètes et plus écologiques au niveau européen, dans la lignée du travail entamé sur le Pacte Vert pour l’Europe ;

Considérant que la perspective d’un élargissement de l’Union européenne va de pair avec une évolution de la structure institutionnelle de l’Union et des objectifs des politiques communes ;

1. Salue le travail mené par les participants à la conférence sur l’avenir de l’Europe, dans un contexte perturbé par la crise sanitaire et l’agression russe en Ukraine ;

2. Souhaite l’inclusion pérenne de la démocratie participative dans le processus décisionnel de l’Union avec la poursuite du système des panels citoyens et l’approfondissement de ces mécanismes ;

3. Appelle les institutions européennes à publier et actualiser un tableau de bord de la mise en œuvre des recommandations de la conférence ;

4. Soutient le recours aux clauses passerelles pour permettre le passage de l’unanimité à la majorité qualifié dans le processus décisionnel au Conseil de l’Union européenne ;

5. Demande une mise en œuvre rapide de l’ensemble des conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe, tout en respectant le temps démocratique ouvert par les élections du Parlement européen au printemps 2024 ;

6. Appelle à améliorer le processus de décision au Conseil en mettant fin au système actuel fondé sur l’unanimité et à y substituer la majorité qualifiée dans tous les domaines des politiques européennes, à l’exception des décisions concernant l’admission de nouveaux États-membres ;

7. Demande l’octroi d’un droit d’initiative législative au Parlement européen, complété par la possibilité pour chaque Parlement national d’inviter les institutions de l’Union à agir dans un domaine où une action au niveau européen serait plus efficace ;

8. Exhorte les institutions européennes à se saisir pleinement des recommandations de la conférence sur l’avenir de l’Europe en convoquant une convention pour la révision des traités, comme le dispose la résolution 2022/2705 du 9 juin 2022 du Parlement européen.

 

 

 


—  1  —

annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

-          Mme Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe

 

-          Mme Garance Pineau, conseillère Europe du Président de la République

 

-          M. Philippe Léglise-Costa, ambassadeur

-          M. Olric Izarn, chef du service Parlement européen

 

-          Mme Louise Bréhier, conseillère juridique, conseillère juridique de la secrétaire générale

-          M. Pierre-Marie Coupez, adjoint à la conseillère juridique

-          Mme Constance Deler, conseillère parlementaire.

 

-          M. Colin Scicluna, chef du cabinet de la vice-présidente de la Commission en charge de la démocratie et de la démographie, Mme Dubravka Šuica

 

-          M. Guy Verhofstadt, député européen et co-président de la conférence sur l’avenir de l’Europe ;

-          Mme Gwendoline Delbos-Corfield, députée européenne

 

-          Mme Christa Schweng, présidente

 

-          Mme Pascale Joannin, directrice générale


([1]) Traité de Paris signé le 18 avril 1951

([2]) Traité de Rome signé le 25 mars 1957

([3]) Règlement (UE) 2020/2094 du Conseil du 14 décembre 2020 établissant un instrument de l’Union européenne en vue de soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la Covid-19

([4]) Règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n°401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »)

([5]) Directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne

([6]) Rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe, mai 2022

([7]) Proposition 36, mesure 1

([8]) Propositions 36 et 39 du rapport final de la conférence

([9]) Note 10033/22 du 10 juin 2022 du secrétariat général du Conseil, actualisée le 30 novembre 2022

([10]) Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE

([11]) Proposition 26, mesure 1 du rapport final de la Conférence

([12]) Proposition 30, mesure 1 du rapport final de la Conférence

([13]) Directive (UE) 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques

([14]) Proposition 11, mesure 3 du rapport final de la Conférence

([15]) Proposition 1, mesure 8 du rapport final de la Conférence

([16]) Proposition 46, mesure 2

([17]) Proposition 32, mesure 1

([18]) Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la convocation d’une convention pour la révision des traités (2022/2705(RSP))

([19]) Proposition 38, mesure 2

([20]) Proposition 38, mesure 3

([21]) Proposition 38, mesure 4

([22]) Article 17 du TUE, paragraphe 7

([23]) Proposition 38, mesure 5

([24]) Article 17 du TUE, paragraphe 2

([25])  Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert

([26]) Règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n°401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »)

([27]) Directive (UE) 2022/2380 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 modifiant la directive 2014/53/UE relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques

([28]) Proposition 4, mesure 2

([29]) Proposition 4, mesure 6

([30]) Proposition 10, mesure 3

([31]) Directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 du Conseil visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union

([32]) Proposition 39, mesure 1

([33]) EPRS, Service de recherche du Parlement européen, Clauses passerelles dans les traités de l’Union européenne : possibilité d’une plus grande flexibilité dans la prise de décision supranationale, décembre 2020

([34])  Proposition 10, mesure 3

([35])  Proposition 46, mesure 1

([36]) Article 48, paragraphe 7 du TUE

([37]) Proposition 21, mesure 1 et proposition 39, mesure 1

([38]) Proposition 39, mesure 1

([39]) Décision du Conseil du 22 décembre 2004 visant à rendre la procédure définie à l’article 251 du traité instituant la communauté européenne applicable à certains domaines couverts par la troisième partie, titre IV, dudit traité (2004/927/CE)

([40]) Projet de rapport de M. Giuliano Pisapia sur la mise en œuvre des clauses « passerelles » dans les traités de l’Union européenne 2022/2142(INI)

([41]) Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la convocation d’une convention pour la révision des traités (2022/2705(RSP))  

([42]) Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur le droit d’initiative du Parlement (2020/2132(INI))

([43]) Article 17, paragraphe 5 du traité sur l’Union européenne

([44]) Mesure 16