N° 1450

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

portant observations sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, (n° 1443),

 

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Charles SITZENSTUHL,

Député

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Mireille CLAPOT, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, Mme Barbara POMPILI, MM. Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : DÉVELOPPER L’INDUSTRIE VERTE EN EUROPE, UN IMPÉRATIF ÉCONOMIQUE ET CLIMATIQUE DESSERVI PAR L’ABSENCE DE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE EUROPÉENNE

I. le dÉveloppement de l’industrie verte, nouveau levier de la quÊte d’autonomie stratÉgique ET DE LA POLITIQUE CLIMATIQUE de l’union europÉENNE

A. l’urgence climatique impose de dÉcarboner L’INDUSTRIE et de satisfaire NOS besoins exponentiels en Énergies propres

1. L’Union européenne et la France se sont dotés d’objectifs climatiques ambitieux, qui exigent de renforcer et d’accélérer nos efforts pour décarboner l’industrie

a. L’industrie contribue significativement aux émissions de gaz à effet de serre

i. En dépit d’importants efforts de décarbonation, l’industrie demeure le deuxième secteur le plus émetteur en Europe

ii. L’industrie lourde, un défi en matière de décarbonation

b. La France et l’Union européenne, qui visent la neutralité carbone en 2050, se sont dotées d’ambitieux objectifs climatiques

i. Le Pacte vert relève les objectifs climatiques de l’Europe, conformément à nos engagements internationaux

ii. La France, à travers la SNBC, est à la pointe de l’action climatique européenne

2. Les conséquences de la guerre en Ukraine rappellent la nécessité de restaurer notre souveraineté énergétique

3. Les besoins en technologies vertes explosent au niveau mondial, alors que la rivalité stratégique s’intensifie pour maîtriser ces productions critiques

a. Les besoins en technologies vertes explosent alors que les grandes puissances engagent ou accélèrent leur transition écologique

i. L’augmentation de la demande mondiale en technologies vertes

ii. La nécessité de saisir les opportunités économiques et de réduire les risques associés

b. La course mondiale aux technologies vertes, à l’origine de mesures protectionnistes, implique de mieux maîtriser les chaînes de valeur

i. Une domination de la Chine, au détriment de la souveraineté industrielle européenne

ii. Des stratégies néo-protectionnistes dont souffre l’Europe

II. Pour une europÉanisation des objectifs et des outils de politique industrielle, dans le respect des prÉrogatives des États membres

A. Le soutien À l’industrie europÉenne, longtemps timide, repose aujourd’hui sur une vision et des outils fragmentÉs

1. L’Union européenne a longtemps pratiqué une politique de compétitivité au détriment d’une véritable politique industrielle

2. Le développement et la protection du tissu industriel européen sont désormais intégrés dans les considérations de droit de la concurrence et de politique climatique

a. Les PIIEC, un outil au service de la souveraineté industrielle européenne

i. Un régime juridique complexe, qui permet une différenciation budgétaire et industrielle au sein du marché intérieur

ii. Un bilan positif, marqué par le volontarisme de la France

iii. Une mise en œuvre stratégique des PIIEC à renforcer

b. Le MACF, un outil pour soutenir la compétitivité de nos entreprises et la dynamique de décarbonation de l’industrie au niveau mondial

i. Un instrument pour rétablir des conditions de concurrence équitable au niveau international

ii. Un risque de perte de compétitivité difficile à mesurer, qui implique d’élargir le périmètre des produits couverts par le MACF

B. Le respect des prÉrogatives et des spÉcificitÉs des États membres est compatible avec la crÉation de nouveaux instruments europÉens

1. La diversité du tissu productif européen et des politiques menées par les États membres doit être respectée

2. Le contexte de la réponse européenne à l’IRA offre de nouvelles perspectives

a. La fin de la naïveté européenne : l’émergence d’une réponse unie à l’IRA, qui doit contribuer à la transition de long terme de notre industrie

b. Une occasion manquée : la création d’un Fonds de souveraineté au rabais

DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI RELATIF À l’INDUSTRIE VERTE, une LÉgislation nationale au service d’une ambition europÉenne

I. La France conforte sa dynamique de rÉindustrialisation, engagÉe en 2017, par l’intermédiaire du projet de loi RELATIF À l’INDUSTRIE VERTE

A. La France SE RÉindustrialise avec l’ambition d’ÊTRE UN ACTEUR MAJEUR DE l’industrie verte EN EUROPE

B. Le dialogue au bÉnÉfice de l’industrie verte : un projet de loi construit À partir d’une dÉmarche innovante

II. LE PROJET de loi relatif À l’industrie VERTE, qui S’INSCRIT dANS une stratÉgie FRANÇAISE d’ensemble, doit Être examinÉ À la lumiÈre des enjeux industriels en europe

A. ACCÉlÉrer le dÉploiement de nouveaux sites de production de technologies vertes : la France, mieux-disante que l’europe

1. Un choc de simplification indispensable au renforcement des capacités de production de technologies vertes en France

2. Les mesures envisagées en France sont d’ores et déjà plus ambitieuses que le « fast-tracking » proposé par la Commission

B. VERDIR LA COMMANDE PUBLIQUE, TOUT EN DÉVELOPPANT LA PRÉFÉRENCE EUROPÉENNE

1. Le projet de loi relatif à l’industrie verte renforce les critères environnementaux de la commande publique

2. Le Buy European Act, une perspective réaliste et nécessaire à construire au plus tôt

C. MOBILISER LE LEVIER FISCAL EN FAVEUR DE L’INDUSTRIE VERTE, EN PÉRENNISANT L’ENCADREMENT TEMPORAIRE CRÉÉ EN 2022

1. Le crédit d’impôt « Investissement Industries Vertes » (C3IV), une incitation fiscale simple et robuste encouragée par la Commission européenne

2. Un encadrement « de crise » orienté vers les enjeux de long terme de l’industrie verte, qui gagnerait à être pérennisé

Conclusion

propositions du rapporteur

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

La réindustrialisation verte de la France et de l’Europe doit être une priorité des dix prochaines années afin d’atteindre nos objectifs de développement économique, de transition écologique, de réduction de nos dépendances stratégiques à l’égard des pays tiers et de pérennisation de l’emploi. Les investissements dans les technologies vertes aujourd’hui envisagés par les grandes nations industrielles sont insuffisants afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. La recherche de la maîtrise des chaînes de valeur mondialisées suscite un regain de tension entre les grandes puissances, à l’origine d’une nouvelle géopolitique des technologies vertes et des matières premières critiques. L’adoption de la loi américaine sur l’inflation, l’IRA, en août 2022, en constitue un exemple édifiant.

Le projet de loi relatif à l’industrie verte, présenté par le Gouvernement le 16 mai 2023, contribue pleinement à cette nouvelle ère industrielle. L’enjeu est non seulement de décarboner l’appareil productif existant, mais de développer de nouvelles capacités de production des composants et des équipements nécessaires à la transition écologique de notre économie. L’inauguration, le 30 mai 2023 dans les Hauts‑de‑France, de la première gigafactory française de production de batteries pour les véhicules électriques annonce de futurs succès industriels.

L’échelon européen est plus que jamais pertinent pour construire notre souveraineté industrielle et énergétique. Le ralliement d’une majorité d’États membres au projet français d’autonomie stratégique européenne, à la faveur de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, ouvre de nouvelles perspectives. Le plan industriel du Pacte vert, présenté par la Commission européenne le 1er février 2023, ne sera une réussite que si les États membres déclinent cette ambition au niveau national. C’est le sens du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui renforcera la capacité de la France à attirer les investissements productifs en matière de technologies vertes.

Dans ce contexte, votre rapporteur formule 10 propositions pour approfondir les efforts engagés. Parmi les axes de travail prioritaires, il convient de simplifier et de mieux cibler la mise en œuvre des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC). Nos secteurs stratégiques gagneraient à être soutenus massivement par un Fonds de souveraineté européen et dans le cadre d’un assouplissement durable des règles en matière d’aide d’État. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), héritage majeur de la présidence française du Conseil de l’Union, pourrait être élargi. Enfin, les négociations en cours sur la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » doivent aboutir à des dispositions ambitieuses, aussi bien sur le champ des technologies couvertes que sur le renforcement de la préférence européenne dans la commande publique.


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   PREMIÈRE PARTIE : DÉVELOPPER L’INDUSTRIE VERTE EN EUROPE, UN IMPÉRATIF ÉCONOMIQUE ET CLIMATIQUE DESSERVI PAR L’ABSENCE DE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE EUROPÉENNE

 

I.   le dÉveloppement de l’industrie verte, nouveau levier de la quÊte d’autonomie stratÉgique ET DE LA POLITIQUE CLIMATIQUE de l’union europÉENNE

A.   l’urgence climatique impose de dÉcarboner L’INDUSTRIE et de satisfaire NOS besoins exponentiels en Énergies propres

1.   L’Union européenne et la France se sont dotés d’objectifs climatiques ambitieux, qui exigent de renforcer et d’accélérer nos efforts pour décarboner l’industrie

a.   L’industrie contribue significativement aux émissions de gaz à effet de serre

i.   En dépit d’importants efforts de décarbonation, l’industrie demeure le deuxième secteur le plus émetteur en Europe

La décarbonation de l’industrie est un axe de travail important pour que la France et l’Union européenne atteignent leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu, comme le souligne le plan sectoriel du think tank The Shift Project, est de « décarboner l’industrie sans la saborder » via une trajectoire de transition soutenable ([1]).

Au sein de l’Union, l’industrie est le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre derrière l’industrie de l’énergie ([2]) et les transports, qui représentent respectivement 27 % et 23 % du total des émissions. Les gaz à effet de serre émis par l’industrie, qui comprennent notamment le dioxyde de carbone (CO2), représentent près de 21 % des émissions européennes ([3]). Ils sont issus à la fois de la consommation d’énergie par l’industrie (émissions de combustion), par exemple lors de l’utilisation d’une chaudière fonctionnant à partir d’un combustible fossile, et des procédés industriels (émissions de procédés), comme lors du chauffage du calcaire pour la production de ciment. En France, l’industrie est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, soit le troisième secteur le plus émetteur derrière les transports (31 %) et l’agriculture (19 %). Il s’agit d’une proportion supérieure au poids économique de l’industrie en France. Ce dernier peut être mesuré au regard de la part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut (PIB), qui s’établit à 13,4 %, et de la part de l’industrie dans l’emploi total, qui a chuté à 10 %.

Les filières industrielles ont engagé des efforts conséquents afin de réduire leur incidence négative sur l’environnement. En effet, l’industrie est le secteur économique qui a le plus réduit ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020. La baisse atteint 46,2 % dans l’Union et près de 51 % en France, contre une réduction de 31 % pour l’économie européenne dans son ensemble.

Si la récession de 2008 et la crise sanitaire ont accentué la trajectoire de décarbonation, la baisse des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie est principalement due à l’amélioration de « l’efficacité carbone » de la production ([4]). Ces résultats sont d’autant plus probants que l’évolution sectorielle de l’industrie française a contribué à augmenter ses émissions de CO2, avec une spécialisation de l’appareil productif dans des secteurs relativement plus émetteurs comme la chimie. L’effet de structure a donc été plus que compensé par les investissements dans la décarbonation de l’industrie. L’évolution de l’intensité carbone, qui rapporte la quantité de gaz à effet de serre émis au PIB, souligne les progrès réalisés (graphique 1). Les gains d’efficacité énergétique et l’électrification des procédés industriels thermiques y ont largement contribué.

Figure 1 – IntensitÉ d’Émission de gaz À effet de serre dans l’industrie manufacturiÈre et la construction en France

 

Note : indice base 100 en 1990. Source : ministère de la Transition écologique, Datalab-Climat, édition 2022.

Le rythme de décarbonation de l’industrie décélère toutefois en Europe et en France, nécessitant un effort renouvelé. Les émissions de gaz à effet de serre se sont réduites de 1,4 % par an entre 2013 et 2019 en France, contre un objectif annuel de -4,1 % pour atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisée en 2020. Cet essoufflement, constaté aussi bien aux niveaux français (figure 2) qu’européen (figure 3), concerne l’ensemble des secteurs industriels.

Figure 2 – ÉmissionS de gaz À effet de serre dans l’industrie manufacturiÈre EN France

 

Note : émissions exprimées en millions de tonnes métriques d’équivalent CO2 (Mt CO2 éq).

Source : ministère de la Transition écologique, Datalab-Climat, édition 2022.

FIgure 3 – ÉmissionS de gaz À effet de serre dans l’industrie manufacturiÈre DANS l’UNION EUROPÉENNE

 

Note : émissions exprimées en millions de tonnes métriques d’équivalent CO2 (Mt CO2 éq).

Source : ministère de la Transition écologique, Datalab-Climat, édition 2022.

ii.   L’industrie lourde, un défi en matière de décarbonation

Tous les secteurs industriels ne sont pas confrontés aux mêmes enjeux de décarbonation. En effet, une part significative des émissions industrielles est concentrée dans l’industrie lourde, spécialisée dans la transformation de matières premières naturelles en matériaux bruts. Celle-ci est située en amont de la chaîne de valeur et se caractérise par un nombre réduit de sites de production très émetteurs.

Les sous-secteurs de la métallurgie (acier, aluminium, etc.), de la chimie et de la fabrication de minéraux non métalliques (ciment, chaux, verre, etc.) représentent à eux seuls 74 % des émissions de l’industrie manufacturière en France, et 70 % à l’échelle de l’Union. Le concept des « facteurs d’émissions » permet de rapporter les émissions de gaz à effet de serre directement émises par une activité à une mesure de cette activité. Les facteurs d’émissions des secteurs intenses en carbone sont particulièrement élevés : pour une tonne de métal produite, l’acier contient ainsi 2,2 tonnes d’équivalent CO2 et l’aluminium près de 8 tonnes d’équivalent CO2.

Ces secteurs dits « durs à décarboner » nécessitent un soutien massif des pouvoirs publics. C’est le sens de l’action du Gouvernement à travers les plans France Relance et France 2030. Auditionnée par votre rapporteur, la fédération France Industrie appelle à ne pas négliger le pilier « décarbonation de l’industrie existante » au profit du pilier « soutien aux filières vertes ». La stratégie française en faveur de l’industrie verte repose bien sur ses deux jambes. Aucun aspect n’est sous-estimé, comme en témoigne l’instauration en novembre 2022 d’un plan de décarbonation des 50 sites industriels français les plus émetteurs de CO2, qui représentent 11 % de nos émissions nationales. Les deux bassins les plus émetteurs, spécialisés dans la production d’acier et situés à Dunkerque et à Fos-sur-Mer, bénéficient désormais du statut de « zone industrielle bas carbone » (ZIBAC) et d’un soutien public de 17 millions d’euros pour accélérer leur décarbonation.

Les coûts de la pollution industrielle dans l’Union : un appel à l’action

La pollution, exemple classique d’externalité négative en économie, induit un « coût social » supérieur au « coût privé » supporté par le producteur. Elle affecte notamment la santé humaine, le climat, la biodiversité et les infrastructures.

Une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) évalue, pour l’année 2017, que le coût de la pollution générée par l’industrie lourde en Europe est compris 75 et 120 milliards d’euros ([5]). Sur la période de 2013 à 2017, les usines sidérurgiques du groupe ArcelorMittal de Dunkerque (11e) et de Fos-sur-Mer (21e) sont classées parmi les 30 sites industriels les plus polluants d’Europe. Ces données justifient les mesures ciblées comprises dans la stratégie française de décarbonation.

b.   La France et l’Union européenne, qui visent la neutralité carbone en 2050, se sont dotées d’ambitieux objectifs climatiques

i.   Le Pacte vert relève les objectifs climatiques de l’Europe, conformément à nos engagements internationaux

L’Union européenne, troisième émetteur mondial de CO2 derrière la Chine et les États-Unis, s’est dotée d’objectifs climatiques ambitieux.

Le 10 décembre 2019, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé le Pacte vert pour l’Europe en ce sens ([6]). Celui-ci comprend 90 propositions visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’objectif intermédiaire a été rehaussé et vise une diminution des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990, contre 40 % précédemment. Le règlement du 30 avril 2021, dit « loi européenne sur le climat », confère un caractère juridiquement contraignant à ces objectifs  ([7]).

L’industrie fait partie intégrante du plan d’action de la Commission européenne. Le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 », présenté le 14 juillet 2021, comprend un ensemble de mesures concrètes afin d’aligner les moyens de l’Union sur ses ambitions. La création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et la révision du système d'échange de quotas d'émission de l'Union (SEQE-UE), qui concernent directement l’industrie, figurent parmi les propositions. Au-delà des initiatives législatives, la Commission identifie dans le Pacte vert la nécessité de soutenir les « investissements dans les chaînes de valeur stratégiques », en citant l’hydrogène et les batteries parmi les secteurs industriels clés.

Votre rapporteur se félicite du caractère résolument multilatéral de la politique climatique européenne, qui doit susciter des efforts comparables de nos partenaires. En effet, le Pacte vert pour l’Europe met concrètement en œuvre l’accord de Paris, adopté lors de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21) et ratifié par l’ensemble des États membres de l’Union. L’objectif principal de l’accord de Paris est de contenir « l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2° Celsius au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l'augmentation de la température à 1,5° Celsius au-dessus des niveaux préindustriels ». Le Conseil a transmis en décembre 2020, au nom de l’Union et de ses États membres, une version révisée de leur plan unique d'action climatique, appelée – improprement en l’espèce – contribution déterminée au niveau national (CDN)  ([8]). Ce document commun aux 27 pays membres souligne l’européanisation des enjeux environnementaux, à laquelle la politique industrielle peut utilement contribuer.

ii.   La France, à travers la SNBC, est à la pointe de l’action climatique européenne

La stratégie nationale bas-carbone, adoptée pour la première fois en 2015 en amont de l’accord de Paris, fixe la feuille de route intégrée de la France pour conduire sa politique d’atténuation du changement climatique. Actualisée pour la dernière fois en 2020, elle vise à atteindre la neutralité carbone sur le territoire français à l’horizon 2050.

La décarbonation de l’industrie est identifiée par les autorités françaises comme un axe prioritaire. La SNBC fixe un objectif ambitieux de réduction de 35 % des émissions du secteur en 2030 par rapport à 2015 et de 81 % à l’horizon 2050, sans toutefois viser la neutralité carbone du fait d’émissions « incompressibles » ([9]). La priorité donnée à l’industrie verte transparaît dans les axes de la SNBC, qui soutiennent la transition des entreprises « vers des systèmes de production bas-carbone » (orientation « I1 ») et souhaitent accélérer « le développement et l’adoption de technologies de rupture » (orientation « I2 ») pour la transition des filières.

Or le ralentissement du rythme de décarbonation de l’industrie menace l’atteinte de nos objectifs climatiques. Le maintien du rythme annuel moyen de réduction observé depuis 2015 permettrait d’atteindre une baisse totale des émissions industrielles de 17 % en 2030 par rapport à 2015, soit moins de la moitié de l’objectif de -35 % fixé par la SNBC pour l’industrie. Les cibles de la SNBC devraient être révisées à la hausse au cours de l’année 2023 afin de tenir compte des nouveaux objectifs établis par la loi européenne sur le climat. Par conséquent, les efforts du secteur industriel doivent être renforcés avec l’appui des pouvoirs publics. Les feuilles de route de décarbonation des filières, conclues pour les secteurs de l’acier de l’aluminium, du ciment, de la chimie et des matériaux ainsi que du papier-carton, sont des outils pertinents en l’espèce.

2.   Les conséquences de la guerre en Ukraine rappellent la nécessité de restaurer notre souveraineté énergétique

La résilience de l’industrie, qui représente 22 % du PIB européen, est fragilisée par sa dépendance aux énergies fossiles. Selon les données d’Eurostat de mai 2023, le gaz naturel, le pétrole, le charbon et les déchets non renouvelables représentaient près de 51 % de la consommation finale d'énergie de l'industrie en 2021. Les secteurs de la chimie et des matériaux non métalliques recourent massivement au gaz naturel, qui constitue à lui seul près de 33 % de la consommation finale d’énergie. Cette dépendance apparaît d’autant plus forte en intégrant l’électricité, dont plus du tiers est produit à partir de combustibles fossiles en Europe.

Cette dépendance énergétique se double d’une dépendance géopolitique. En 2021, environ 45 % des importations de gaz naturel des pays européens provenaient de Russie. L’Allemagne, dont l’industrie énergo-intensive a été fortement pénalisée par la crise énergétique, est particulièrement dépendante. Les importations depuis la Russie représentaient 55 % de sa demande en gaz en 2021, contre 17 % pour la France dont le mix énergétique est majoritairement décarboné du fait de l’énergie nucléaire.

La stratégie de diversification de l’Union, au cœur du plan REPowerEU présenté par la Commission en mai 2022, a permis de réduire cette exposition dans le contexte de guerre en Ukraine. Le gaz naturel liquéfié en provenance des États‑Unis et du Qatar, ainsi que le gaz naturel produit en Norvège se sont largement substitués aux importations de gaz russe. Ces dernières ont ainsi représenté moins d’un quart des importations totales de gaz en Europe entre janvier et novembre 2022.

L’inflation énergétique, initiée par la reprise économique post-pandémie et aggravée par la guerre en Ukraine, a fortement perturbé les stratégies d’approvisionnement des industriels : dépendance énergétique et résilience industrielle sont intimement liées. Une note du think tank La Fabrique de l’industrie précise que « les enjeux de compétitivité liés à l’énergie sont exacerbés » dans ce contexte ([10]). Ces difficultés affectent aussi bien la consommation directe d’énergie de l’industrie, à la manière d’une aciérie utilisant d’importants volumes de charbon, que les dépenses indirectes d’énergie par le biais des relations clients-fournisseurs. Un constructeur automobile subit, dans le cas de l’acier, un renchérissement de ses biens intermédiaires. L’étude souligne que les prix du gaz et de l’électricité produite à partir du gaz ont quadruplé en Europe entre le printemps 2021 et le printemps 2022. De manière générale, la facture énergétique totale de l’industrie, exprimée en fonction du chiffre d’affaires, a doublé dans toute l’Europe entre 2019 et 2022. La hausse des coûts de l’énergie est toutefois disparate, les industriels français subissant une inflation énergétique moindre que les entreprises situées en Pologne, aux Pays-Bas ou en Finlande.

Ces tensions sur le prix et l’approvisionnement d’énergie ont de graves conséquences sur l’attractivité de l’économie européenne pour les investisseurs de pays tiers. Dans son plan d’action en faveur de la compétitivité de mars 2023, la fédération patronale BusinessEurope indique que le prix de l’énergie est le premier obstacle fragilisant l’investissement en Europe, en particulier face aux États‑Unis ([11]). Le soutien des pouvoirs publics à la décarbonation de l’industrie et à la production de technologies vertes est indispensable à la transition vers une industrie durable et compétitive. À défaut, l’inadaptation de l’offre d’énergie bas‑carbone pour répondre à la sortie des énergies fossiles bon marché pourrait provoquer, selon l’expression d’Isabel Schnabel, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), une « inflation verte » (greenflation) ([12]).

3.   Les besoins en technologies vertes explosent au niveau mondial, alors que la rivalité stratégique s’intensifie pour maîtriser ces productions critiques

a.   Les besoins en technologies vertes explosent alors que les grandes puissances engagent ou accélèrent leur transition écologique

i.   L’augmentation de la demande mondiale en technologies vertes

La capacité de l’Union à satisfaire sa demande en technologies vertes conditionne, à moyen terme, l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 et la résilience de notre système énergétique.

Les technologies vertes ne font aujourd’hui pas l’objet de définition technique ou juridique précise. En Allemagne, le ministère fédéral de l’Environnement les définit comme des technologies dont l’incidence environnementale est faible et qui assurent une utilisation efficace des ressources ([13]). La Commission européenne en propose une définition plus exhaustive, en recensant une liste de « technologies zéro net » dans sa proposition de règlement pour une industrie « zéro net », présentée en mars 2023 ([14]). Ces technologies propres, qu’il s’agisse de produits finis, de composants ou de machines, sont requises pour l’atteindre l’ambition climatique de l’Union selon le texte. De manière générale, les technologies vertes recouvrent aussi bien la fourniture de combustibles, tels que les carburants renouvelables, la production d’électricité, en particulier via les filières éolienne et solaire, que les marchés d’utilisation finale, tels que les batteries pour les véhicules électriques.

 


Les technologies « zéro net » selon la Commission : un périmètre contestable

L’article 3 de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » propose une liste limitative de technologies « zéro net ». Sont qualifiées comme telles :

« Les technologies liées aux énergies renouvelables ; les technologies de stockage de l’électricité et de la chaleur ; les pompes à chaleur ; les technologies des réseaux électriques ; les carburants renouvelables d’origine non biologique ; les technologies liées aux carburants de substitution durables ; les électrolyseurs et piles à combustible ; les technologies avancées de production d’énergie à partir de processus nucléaires dans lesquels le cycle du combustible génère un minimum de déchets, les petits réacteurs modulaires et les combustibles connexes les plus performants ; les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone ; et les technologies à bon rendement énergétique liées au système énergétique. »

La France, soutenue par les 15 autres pays membres du groupe informel « Alliance du nucléaire », appelle à couvrir l’ensemble des technologies nucléaires dans le respect du principe de neutralité technologique. Le texte exclut à ce stade les technologies nécessaires à la construction de réacteurs de deuxième et de troisième génération. Votre rapporteur soutient pleinement la démarche française, qui doit permettre à l’Union de renforcer sa production d’électricité décarbonée et pilotable.

L’Assemblée nationale a déjà pris une position claire en faveur de l’énergie nucléaire en adoptant en mai 2023 une résolution européenne relative à l’énergie nucléaire comme enjeu de décarbonation du mix énergétique européen, déposée et rapportée par notre collègue Henri Alfandari  ([15]).

Le dernier rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur les « perspectives des technologies de l’énergie » éclaire utilement les besoins capacitaires sous-jacents à la neutralité carbone à l’horizon 2050 ([16]). La production d’énergies renouvelables et d’énergie décarbonée, via le nucléaire, doit augmenter très significativement pour compenser le recul des énergies fossiles, qui ne représenteraient plus que 15 % de la consommation finale – contre 65 % aujourd’hui (figure 4).


Figure 4 – approvisionnement mondial en Énergie primaire
pour atteindre la neutralitÉ carbone en 2050

 

Note : répartition, en exajoule (EJ), des sources d’approvisionnement énergétique – autres sources, renouvelables, nucléaire, gaz naturel, pétrole, charbon.

Source : AIE, « Energy Technology perspectives 2023 », janvier 2023.

Au regard des besoins croissants, l’ampleur et le rythme de déploiement des capacités de production de technologies vertes doivent être accentués. Selon l’AIE, la production mondiale de véhicules électriques sera multipliée par 15 d’ici à 2050, tandis que le déploiement des pompes à chaleur sera multiplié par plus de six. La production d’hydrogène par électrolyse – dit « vert » si l’électricité utilisée est produite à partir d’énergies renouvelables – et d’hydrogène à base de gaz naturel avec captage et stockage du carbone – dit « bleu – atteindra 450 millions de tonnes en 2050, contre 0,5 million de tonnes en 2021.

Les investissements nécessaires dans les technologies propres pour répondre à ces besoins sont considérables. L’AIE évalue à 1 200 milliards de dollars les investissements cumulés requis au niveau mondial pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Les annonces des différents gouvernements ne couvrent, à ce stade, que 60 % des besoins en financement. La majorité des investissements devra être déployée entre 2023 et 2025 pour respecter les trajectoires fixées.

ii.   La nécessité de saisir les opportunités économiques et de réduire les risques associés

Si la transition vers l’industrie verte représente un défi capacitaire et financier majeur, l’Union gagnerait à consolider sa position sur le marché mondial des technologies propres. Ce dernier devrait tripler d’ici à 2030 pour atteindre une valeur annuelle d’environ 650 milliards de dollars.

Le développement massif des technologies vertes a une incidence importante sur l’emploi industriel au niveau mondial, qui augmenterait de 6 millions à 14 millions dans les secteurs concernés d’ici 2030. La moitié de ces créations d’emplois seraient concentrées dans les secteurs des véhicules électriques, des pompes à chaleur et de l’énergie solaire photovoltaïque et éolienne. L’AIE précise que la demande de travail qualifié devrait augmenter fortement et que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée fragilise d’ores et déjà certains secteurs, notamment l’éolien et le solaire.

L’incidence de la réindustrialisation verte sur l’emploi net est difficile à apprécier. Une étude du Parlement européen sur l’avenir du secteur automobile souligne, par exemple, que la littérature est divisée quant aux conséquences sur l’emploi de l’électrification des véhicules ([17]). Les analyses concluent alternativement à d’importantes destructions d’emplois, qui pourraient atteindre 114 000 postes en Europe selon l’Institut allemand de recherche sur l’emploi ([18]), et à un effet neutre à long terme.

En tout état de cause, votre rapporteur rappelle que ces mutations industrielles impliquent une mobilité sectorielle et géographique importante des travailleurs afin de maximiser les gains nets d’emplois. Les compétences et les bassins d’emploi concernés ne seront pas nécessairement identiques. Pour la seule filière automobile, l’accroissement de la production de véhicules électriques mobilisera davantage certaines qualifications (logiciels, maintenance, etc.) et contribuera au développement de nouvelles filières (convertisseur, onduleur, etc.).

Or les données officielles sur les conséquences de la réindustrialisation verte sur l’emploi en Europe sont lacunaires. Les perspectives de suppression et de création d’emplois, les besoins en compétences et en formations ainsi que les potentiels de reconversion professionnelle par secteur ou par métier sont imparfaitement identifiés. Par exemple, l’annexe 5 de l’analyse d’impact de la Commission accompagnant la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » présente des données partielles, dont la granularité est insuffisante ([19]). Certains secteurs, tels que les technologies de l’éolien, présentent des hypothèses de créations d’emplois à l’horizon 2050 alors que d’autres ne s’appuient sur aucune donnée chiffrée, tels que les électrolyseurs.

Votre rapporteur appelle la Commission européenne, qui a fait de l’année 2023 « l’Année européenne des compétences », à présenter rapidement une étude prospective robuste sur les enjeux d’emploi liés à l’industrie verte. Les autorités européennes, dont la direction générale de l’emploi (DG EMPL) de la Commission et l’Alliance européenne pour l’apprentissage, pourraient utilement se coordonner avec les États membres et les partenaires sociaux. Une approche territorialisée, fondée sur les bassins d’emploi, pourrait être introduite en lien avec les collectivités compétentes, en particulier les régions en France. Cette analyse permettra d’objectiver les dynamiques à l’œuvre et d’identifier précisément les besoins de l’industrie européenne.

Proposition n° 1

Présenter une étude prospective sur les enjeux de l’industrie verte en matière d’emploi au niveau de l’Union, intégrant autant que possible une dimension territorialisée des ressources et des besoins en compétences et en formation.

b.   La course mondiale aux technologies vertes, à l’origine de mesures protectionnistes, implique de mieux maîtriser les chaînes de valeur

i.   Une domination de la Chine, au détriment de la souveraineté industrielle européenne

L’Europe est extrêmement dépendante des chaînes de valeur mondialisées pour son approvisionnement en technologies vertes. Au-delà de la forte concentration des capacités d’extraction et de transformation des matières premières critiques (lithium, cobalt, cuivre, nickel, etc.), la fabrication finale des équipements et des composants est largement dominée par la Chine (figure 5). Ce pays représente près de 40 % de la fabrication mondiale d’électrolyseurs et plus de 60 % des capacités de production de la majorité des produits stratégiques pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 (panneaux photovoltaïques, turbines d’éolienne, batteries, etc.).

L’Europe est actuellement importatrice nette de technologies propres. L’exposé des motifs de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » précise que l’Europe « importe environ un quart de ses voitures et batteries et la quasi-totalité de ses modules photovoltaïques solaires et piles à combustible, essentiellement en provenance de Chine ». Pour le solaire photovoltaïque, cette dépendance dépasse 90 % dans certains segments en amont de la chaîne de valeur, tels que les lingots produits à partir de polysilicium et leur découpe en plaquettes (wafers). Ces composants sont à la base de la fabrication de cellules photovoltaïques.

La production européenne demeure robuste dans quelques secteurs, tels que les éoliennes, les pompes à chaleur et les électrolyseurs pour la production d’hydrogène. En revanche, certains atouts productifs apparents de l’Union sont fragilisés par une maîtrise insuffisante des maillons critiques des chaînes de valeur. Par exemple, l’Europe produit le quart des véhicules électriques dans le monde, mais ne représente qu’une infime partie de la production des composants essentiels des cellules de batterie (anode, cathode).


Figure 5 – RÉpartition GÉographique
des capacitÉs de production de technologies propres

Note : répartition, en parts de marché régionales, des capacités de production de technologies propres. Par exemple, la Chine (barre rouge) représente près de 40 % de la production d’électrolyseurs.

Source : AIE, « Energy Technology perspectives 2023 », janvier 2023.


Europe v. Chine : la guerre des panneaux solaires a bien eu lieu

L’Europe représente moins de 0,2 % des capacités mondiales de production de panneaux solaires, contre près de 30 % en 2007. À l’inverse, la Chine représente aujourd’hui 70 % de la production mondiale et accueille les dix plus grands équipementiers mondiaux.

Confrontée à un « effet ciseau », la filière photovoltaïque européenne a souffert de la baisse des subventions publiques et de la réduction drastique des coûts de production en Chine durant la décennie 2000. Les autorités chinoises ont massivement octroyé des subventions à l’industrie domestique à partir du 10e plan quinquennal de 2001. Ces difficultés sont illustrées par le déclin de la Solar Valley en Allemagne, centre industriel majeur frappé par les distorsions de concurrence.

La réaction européenne a été trop faible et trop tardive. L’Union et la Chine ont engagé un contentieux devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2012, s’accusant mutuellement de subventionner leurs producteurs de panneaux solaires. L’Union a également mobilisé ses instruments de défense commerciale, en imposant entre 2012 et 2018 des mesures anti-dumping et anti-subvention sur l’importation de panneaux solaires, de cellules et de wafers en provenance de Chine.

Ces mesures restrictives, intervenues trop tardivement, n’ont pas permis à l’Europe d’enrayer le déclin de son industrie photovoltaïque.

ii.   Des stratégies néo-protectionnistes dont souffre l’Europe

Les grandes puissances se livrent une concurrence intense pour maîtriser la production des technologies propres et sécuriser leur approvisionnement. La course technologique mondiale se double d’une course aux subventions, dont la conformité aux règles multilatérales du commerce international est hautement contestable. L’AIE recense ainsi de multiples initiatives associant les enjeux de transition environnement, de sécurité énergétique et de souveraineté industrielle, dont le plan REPowerEU en Europe et le programme de transformation verte dit « GX » au Japon. La Chine et les États-Unis se distinguent toutefois par l’ampleur et par la nature des soutiens accordés à leur industrie verte nationale.

En Chine, les trois derniers plans quinquennaux (2011-2015, 2016-2020, 2021-2025) et le plan décennal Made in China 2025, annoncé en 2015, ont massivement soutenu l’offre et la demande de technologies vertes. Le plan Made in China 2025, qui identifie dix secteurs prioritaires, a par exemple fixé pour objectif aux constructeurs chinois de satisfaire 80 % de la demande domestique de véhicules électriques à l’horizon 2025. Les mesures ont pris des formes variées, de subventions accordées aux producteurs et aux consommateurs au déploiement de plaques d’immatriculation « vertes » facilitant la circulation des conducteurs de véhicules électriques.

Les États-Unis ont adopté, en août 2022, l’Inflation Reduction Act (IRA) pour soutenir l’industrie verte américaine à hauteur de 369 milliards de dollars sur 10 ans. L’IRA prévoit par exemple une réduction d’impôt allant jusqu’à 7 500 dollars pour les ménages achetant des véhicules électriques neufs. Seuls les véhicules assemblés en Amérique du Nord (Mexique, États-Unis, Canada) sont éligibles à ce dispositif, pénalisant les voitures fabriquées en Europe et en Asie. Les véhicules subventionnés par l’IRA doivent aussi être équipés de batteries fabriquées à partir de composants extraits ou transformés aux États-Unis, ou dans des pays avec lesquels les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange, ce qui exclut l’Union.

L’IRA et l’OMC : les limites du protectionnisme vert

Le caractère protectionniste de l’IRA, dénoncé par l’Union, est manifeste. Les exigences de contenu local de l’IRA, qui conditionnent l’octroi de subventions ou de dépenses fiscales, sont contraires à la clause de traitement national prévue à l’article 3 du GATT. Cette règle impose d’assurer un traitement égal entre les produits étranges et nationaux.

Face à l’affaiblissement du multilatéralisme commercial, votre rapporteur soutient l’approche européenne consistant à privilégier, autant que possible, les seuls critères environnementaux pour distinguer les produits. La révision annoncée du bonus écologique en France doit y contribuer.

Votre rapporteur rappelle que les initiatives des pays tiers en en faveur des technologies vertes contribuent, en l’espèce, à l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces initiatives bienvenues marquent le ralliement de nos partenaires et rivaux aux politiques de lutte contre le changement climatique menées de longue date par l’Union. La forme prise par ces politiques néo‑protectionnistes est toutefois préjudiciable aux intérêts industriels européens, qu’il convient de protéger et de promouvoir plus activement.

II.   Pour une europÉanisation des objectifs et des outils de politique industrielle, dans le respect des prÉrogatives des États membres

A.   Le soutien À l’industrie europÉenne, longtemps timide, repose aujourd’hui sur une vision et des outils fragmentÉs

1.   L’Union européenne a longtemps pratiqué une politique de compétitivité au détriment d’une véritable politique industrielle

Le concept de « politique industrielle » fait l’objet de multiples définitions dans la littérature académique et le débat public. À cet égard, les économistes Élie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi ont recensé une centaine de définitions de la politique industrielle ([20]), qui oscillent entre une vision défensive centrée sur la seule correction des défaillances de marché et une vision offensive orientée vers le soutien à la compétitivité globale de l’économie. Cette indéfinition nuit à la délimitation et à la compréhension des objectifs et des outils de politique industrielle de l’Union européenne.

Dans un rapport pour l’Assemblée nationale de novembre 2020, France Stratégie a proposé une définition large de la politique industrielle ([21]). Il s’agit de « l’ensemble des interventions publiques ciblant l’industrie au sens large [excluant les services et l’agriculture], pour en améliorer la performance, pour des raisons stratégiques ou encore pour maintenir la cohésion sociale et territoriale. » Cette acception, partagée par votre rapporteur, permet utilement de dépasser l’opposition traditionnelle entre les approches « horizontale » et « verticale ». D’une part, la conception « horizontale » de la politique industrielle correspond à l’ensemble des mesures visant à créer un environnement favorable à la compétitivité des entreprises, notamment par l’intermédiaire de la fiscalité et le soutien à la recherche et développement (R&D). D’autre part, les mesures « verticales » de politique industrielle renvoient à l’intervention directe et sélective de la puissance publique en faveur d’entreprises ou de secteurs identifiés comme prioritaires, par exemple à travers des subventions ou la prise de participation au capital d’une entreprise.

Or l’action de l’Union européenne en matière industrielle s’est historiquement réduite à la seule approche « horizontale ». L’objectif est, dans les années 1980 et 1990, d’assurer la compétitivité et l’efficacité du marché intérieur en cours de réalisation conformément à l’Acte unique européen de 1986. La politique de recherche doit alors y contribuer. C’est par exemple le sens du cinquième programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et développement technologique (1998-2002), dit « FP5 ». Conformément aux conclusions du groupe d’experts présidé par Étienne Davignon, ancien commissaire, la Commission européenne souhaite alors réorienter les objectifs du programme-cadre vers la satisfaction des « besoins sociaux et économiques fondamentaux » de l’Union, dont la compétitivité économique et la croissance durable ([22]). La stratégie de Lisbonne de 2000, qui visait à faire de l’Union « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » à l’horizon 2010, relève de cette approche.

Votre rapporteur regrette que l’importance accordée – voire concédée – à la politique industrielle ait jusqu’à récemment été limitée dans le droit et les politiques de l’Union européenne. Si le traité de Maastricht de 1992 consacre à l’industrie son titre XIII, composé du seul article 130, la mise en place d’une véritable politique industrielle européenne est confrontée à une double difficulté juridique.

En premier lieu, les politiques de l’Union en faveur de l’industrie européenne relèvent d’une « compétence d’appui » aux termes de l’article 6 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’Union ne peut qu’« appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » sur les sujets industriels, tandis qu’elle dispose d’une compétence exclusive en matière de politique de concurrence ou de politique commerciale conformément à l’article 3 du TFUE. La capacité des États membres à mener de manière autonome des politiques industrielles au niveau national n’est toutefois pas absolue. En effet, ces dernières sont encadrées par les règles budgétaires européennes et par le droit de la concurrence, qui limitent significativement la capacité des États membres à soutenir financièrement le tissu productif.

Si certaines contraintes sont donc partagées, le soutien des 27 États membres à leurs filières industrielles respectives présente des limites :

-         mise en œuvre de mesures potentiellement redondantes voire concurrentes entre les États membres et risque de saupoudrage des aides ;

-         marges de manœuvre budgétaires inégales entre les États membres pour soutenir l’industrie, alors que le ratio de la dette publique par rapport au produit intérieur brut (PIB) varie de 18,4 % (Estonie) à 171,3 % (Grèce) selon les pays au quatrième trimestre 2022 ;

-         difficulté à développer une approche en termes de chaînes de valeur, pourtant indispensable à l’identification des forces et des faiblesses européennes dans la production de biens critiques.

En second lieu, la primauté du droit de la concurrence sur la politique industrielle a entravé le déploiement de cette dernière. En effet, le bon fonctionnement du marché intérieur nécessite a priori la mise en œuvre effective des quatre libertés consacrées par l’Acte unique de 1986, qui garantit la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Or la légitimité et l’efficacité de l’intervention publique dans l’économie sont fortement contestées par les opposants de la politique industrielle, selon lesquels la concurrence libre et non faussée permet d’atteindre l’optimum collectif par l’intermédiaire du seul marché. L’État – et a fortiori, l’Union – seraient incapables d’identifier les produits, les entreprises et les secteurs les plus prometteurs, tout en faussant la fixation du prix et de la quantité d’équilibre par la confrontation de l’offre et de la demande.

La relégation de la politique industrielle conduit, selon l’expression utilisée par nos collègues Patrice Anato et Michel Herbillon, à un « déséquilibre normatif » ([23]). Pour Élie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi, la politique de concurrence a même progressivement acquis une « légitimité quasi-constitutionnelle » depuis le début de la construction européenne.

Votre rapporteur ne peut que partager ce constat à la lecture de l’article 173 du TFUE, qui constitue aujourd’hui la base juridique des initiatives de politique industrielle de l’Union. À trois reprises, le contenu de l’article 173 TFUE veille minutieusement à faire du soutien à l’industrie un levier de politique économique à la fois impensé et impensable au niveau européen. D’abord, il est précisé que l’Union et les États membres agissent « conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels » pour soutenir la compétitivité de l’industrie européenne. Ensuite, il n’est pas reconnu un statut autonome aux mesures de politique industrielle. L’Union doit se contenter d’agir en la matière « au travers des politiques et actions qu’elle mène au titre d’autres dispositions des traités. » Enfin, pour dissiper d’éventuels doutes, l’article 173 TFUE énonce expressément que le titre du traité consacré à l’industrie « ne constitue pas une base pour l'introduction, par l'Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ».

2.   Le développement et la protection du tissu industriel européen sont désormais intégrés dans les considérations de droit de la concurrence et de politique climatique

En dépit de ces obstacles, l’Union européenne a progressivement conçu des instruments de politique industrielle au titre des politiques pour lesquelles elle exerce une compétence exclusive ou partagée. Votre rapporteur estime que cette politique industrielle européenne « en creux », fondé sur un rehaussement de la base juridique applicable, constitue un palliatif intéressant en l’absence de véritable politique autonome.

Sans prétendre à l’exhaustivité, deux instruments d’application ou d’adoption récentes peuvent utilement être analysés. D’une part, les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) permettent aux États membres de subventionner des projets industriels par dérogation aux règles encadrant les aides d’État. D’autre part, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) vise à lutter contre le phénomène de « fuites de carbone » dans le cadre de l’action de l’Union pour la protection de l’environnement. Votre rapporteur se félicite que la France se soit pleinement mobilisée pour faire adopter et déployer ces instruments.

a.   Les PIIEC, un outil au service de la souveraineté industrielle européenne

i.   Un régime juridique complexe, qui permet une différenciation budgétaire et industrielle au sein du marché intérieur

Les aides d’État destinées à « promouvoir la réalisation d’un projet important européen commun » peuvent, sous certaines conditions, être compatibles avec les règles régissant le fonctionnement du marché intérieur. Cette dérogation, aujourd’hui prévue à l’article 107, paragraphe 3 du TFUE, rééquilibre les interactions entre la politique de concurrence et la politique industrielle en faveur de cette dernière.

La possibilité pour les États membres d’accorder des aides aux projets économiques transnationaux d’ampleur figure dès 1957 dans les traités européens, mais a été peu exploitée en pratique. Seuls deux projets d’infrastructures ont été approuvés par la Commission en tant que PIIEC avant 2017, le pont de l'Øresund entre le Danemark et la Suède et la liaison fixe du Fehmarn Belt entre le Danemark et l’Allemagne ([24]). Une communication de 2014 de la Commission européenne, révisée en 2021, a utilement permis de sécuriser le recours à l’article 107, paragraphe 3 du TFUE, et par conséquent, de (re)découvrir les PIIE  ([25]).

Pour être éligible au dispositif des PIIEC, un projet doit répondre à plusieurs critères d’admissibilité examinés par la Commission européenne :

-         les objectifs et les modalités d’exécution du projet, dont les participants et le financement, doivent être clairement définis au préalable ;

-         le projet doit présenter un « intérêt européen commun » ;

-         le projet doit avoir une « importance quantitative ou qualitative », par exemple du fait de sa taille ou d’un niveau de risque technologique et financier élevé.

Votre rapporteur estime que la révision, en 2021, de la communication sur les PIIEC a apporté des améliorations nécessaires. Les critères permettant d’apprécier la contribution du projet à l’intérêt européen commun ont été complétés, notamment pour tenir compte des objectifs du Pacte vert pour l’Europe.

Le relèvement du seuil d’États participants de deux à quatre (point 16) et la nécessité pour les entreprises bénéficiaires d’apporter un cofinancement « important » (point 19) ont pu être critiqués en ce qu’ils complexifient en apparence le recours au PIIEC. Votre rapporteur considère toutefois que ces évolutions sont bienvenues pour préserver l’intérêt et le soutien des petits pays européens à ce cadre dérogatoire aux règles en matière d’aides d’État. En effet, plus d’une dizaine d’États membres, dont le Danemark et les Pays-Bas, ont alerté sur la disparité des capacités financières, techniques et administratives pour participer aux PIIEC, qui créée un « accès inégal » aux initiatives lancées ([26]). La réticence de nos partenaires européens exige de ne pas circonscrire les PIIEC au seul bénéfice des industries française, allemande ou italienne pour prévenir le procès en fragmentation du marché intérieur, en veillant à l’ouverture du dispositif.

La Commission, chargée de veiller à la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, instruit les PIIEC notifiés par les États membres participants. La phase d’instruction, pilotée par la direction générale de la concurrence (DG COMP), met en balance les effets positifs et négatifs escomptés du PIIEC, par exemple en termes de distorsion de la concurrence et d’incidence sur les échanges au sein du marché intérieur. L’analyse de la Commission est particulièrement poussée puisque les États membres doivent notamment fournir la description complète d’un scénario contrefactuel, simulant l’hypothèse dans laquelle aucun pays n’octroie d’aide.

Votre rapporteur rappelle que les financements attribués aux entreprises participant à un PIIEC relèvent uniquement des États membres. Les PIIEC autorisés par la Commission ne bénéficient pas directement de fonds européens. Le plan de relance européen NextGenerationEU corrige en partie cette insuffisance, puisque les plans nationaux de relance et de résilience (PNRR) déployés par les États membres en réponse à la crise sanitaire ont servi à financer des aides d’État attribués dans le cadre de PIIEC. Une étude de l’Institut Jacques Delors identifie 12 pays utilisant leur PNRR, abondé par le volet « subventions » du plan de relance européen, pour financer les dépenses des PIIEC ([27]). Il est toutefois précisé que l’importance accordée aux PIIEC par les différents PNRR varie significativement selon le pays considéré : l’Allemagne consacre ainsi 14,6 % des subventions du plan de relance européen aux PIIEC, contre moins de 3 % pour la plupart des autres États membres. Surtout, le plan NextGenerationEU est un instrument contracyclique de relance, par nature temporaire et exceptionnel.

À l’inverse, le cadre dérogatoire des PIIEC s’inscrit résolument sur le long terme afin de contribuer aux objectifs structurels de l’Union européenne, tels que la protection de l’environnement et l’autonomie stratégique ouverte. La révision de la communication sur les PIIEC de 2021 a ainsi supprimé toute référence à la durée de validité du dispositif, alors que le texte initial de 2014 prévoyait que les lignes directrices exposées s’appliqueraient du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2020. Votre rapporteur salue la suppression de la référence temporelle, qui souligne l’engagement de la Commission à assouplir durablement les règles en matière d’aides d’État et envoie un message de stabilité aux filières industrielles européennes.

ii.   Un bilan positif, marqué par le volontarisme de la France

Votre rapporteur salue la contribution des PIIEC au financement de projets industriels stratégiques pour la double transition verte et numérique de l’Union européenne, dans un contexte de concurrence exacerbée pour la maîtrise des maillons critiques des chaînes de valeur mondialisées.

Depuis la communication de 2014, six PIIEC ont été autorisés par la Commission européenne et sont aujourd’hui en cours de mise en œuvre.

Le premier PIIEC approuvé porte sur la micro-électronique et s’étend de 2018 à 2024, avec un financement de 1,75 milliards d’euros de la part des États membres participants. Un second PIIEC sur la micro-électronique, étendu aux technologies de communication, a été validé en juin 2023 par la Commission européenne (PIIEC ME/CT). Il mobilise les financements publics les plus importants à ce stade, notifiés à hauteur de 8,1 milliards d’euros par les États membres.

Deux PIIEC couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur des batteries, de l’extraction de matières premières au recyclage des matériaux, sont en cours de déploiement. Le premier PIIEC, surnommé « l’Airbus des batteries » et doté de 3,2 milliards d’euros d’aides publiques entre 2019 et 2031, a notamment permis d’inaugurer la première gigafactory française, dans les Hauts-de-France, en mai 2023. Cette usine, construite par la co-entreprise Automotive Cells Company (ACC) de Stellantis, Saft et Mercedes-Benz, doit atteindre une capacité de production annuelle de 40 gigawatt-heures (GWh) et employer 2 000 personnes d’ici 2030. Le second PIIEC, intitulé European Battery Innovation, est centré sur la recherche et l’innovation dans le secteur des batteries. Les projets se déploient entre 2021 et 2028, soutenus par 2,9 milliards d’euros d’aides publiques.

Enfin, les projets déployés sur l’hydrogène ont été approuvés par la Commission européenne dans le cadre de deux PIIEC couvrant aussi l’ensemble de la chaîne de valeur. Ces dispositifs ne sont pas redondants. Le premier PIIEC, dit « Hy2Tech », a été validé en juillet 2022 et doté de 5,4 milliards d’euros d’aides publiques pour soutenir les utilisateurs finaux dans le secteur de la mobilité. Le second PIEEC, « Hy2Use » a été validé en septembre 2022 et doté de 5,2 milliards d’euros. Il vise davantage les infrastructures liées à l'hydrogène et les applications de l'hydrogène dans le secteur industriel, en particulier la décarbonation de secteurs fortement émetteurs de dioxyde de carbone.

Si les PIIEC présentent des durées, des configurations d’adhésion et des objets distincts, votre rapporteur souligne l’apport et l’évolution positive des projets en vigueur :

-         effet de levier significatif des aides d’État sur l’investissement privé, avec un ratio supérieur à 1 pour 3 dans deux cas – le premier PIIEC sur la micro-électronique, qui permettrait de mobiliser 6 milliards d’euros d’investissements privés pour 1,75 milliard d’euros d’aides publiques, et le second PIIEC sur les batteries, qui permettrait de mobiliser 5 milliards d’euros supplémentaires pour 2,9 milliards d’euros de financement public ;

-         priorité donnée aux projets renforçant les capacités de production de technologies propres en Europe, sur les batteries et l’hydrogène, ou contribuant directement à la transition écologique européenne via le soutien à l’industrie des semi-conducteurs – à la fois un gisement d’économie d’énergie et une composante essentielle de l’électrification automobile ;

-         rôle moteur de la France, qui a contribué à lancer les six PIIEC aujourd’hui autorisés par la Commission et y participe activement ;

-         ouverture croissante des PIIEC, qui réunissent progressivement davantage de pays et d’acteurs industriels – seulement quatre États membres et le Royaume-Uni participent au premier PIIEC sur la micro-électronique (2019), contre 15 États membres participants pour le second PIIEC sur l’hydrogène (2022).

iii.   Une mise en œuvre stratégique des PIIEC à renforcer

Si les PIIEC présentent un véritable intérêt pour la politique industrielle de l’Union, leur mise en œuvre gagnerait à être simplifiée et accélérée.

La dernière révision du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), en mars 2023, est une première étape. Le relèvement des seuils de notification et de l’intensité maximale admise des aides devrait inciter les petites et moyennes entreprises (PME) à davantage participer aux PIIEC. Les procédures en vigueur leur imposent aujourd’hui une charge administrative importante. En parallèle, cette simplification permet à la Commission de se concentrer sur les aides d’État ayant la plus forte incidence sur le marché intérieur.

Votre rapporteur alerte toutefois sur la lourdeur et la lenteur des quatre PIIEC en cours de (pré‑)notification par les États membres et d’instruction par la Commission européenne. L’inertie des expériences précédentes doit être corrigée. Par exemple, la durée observée entre la pré-notification des dossiers des entreprises et la décision d’autorisation des deux PIIEC sur l’hydrogène était de 9 mois (Hy2Tech) et 1 an (Hy2Use).

La France est particulièrement mobilisée, en tant que pays coordinateur pour faire aboutir les PIIEC sur le cloud et sur les industries de santé. Ce dernier a été dévoilé à en mars 2022 à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union (PFUE), dans le cadre d’un manifeste signé par 16 États membres. Les administrations compétentes en matière de PIIEC au sein des États membres ([28]) chargées d’identifier les acteurs susceptibles de participer aux projets et de notifier les aides versées, sont sous-dimensionnées. En parallèle, les équipes dédiées aux PIIEC au sein de la DG COMP de la Commission ne peuvent s’appuyer que sur une vingtaine de personnes.

Votre rapporteur recommande par conséquent de renforcer la dimension stratégique et sélective des PIIEC, qui ne constituent pas une solution miracle aux enjeux industriels de l’Union. Les États membres, en lien avec la Commission européenne et les écosystèmes économiques, gagneraient à identifier précisément les besoins industriels de l’Union et la valeur ajoutée de potentiels PIIEC afférents. Cette approche ciblée pourrait être fondée sur les études déjà menées par la Commission, dont l’analyse des dépendances et capacités stratégiques de l’Union de 2021 ([29]), et par les autorités nationales. En France, les 10 secteurs émergents identifiés en 2020 par le collège d’experts présidé par Benoît Potier, alors président‑directeur général d’Air Liquide, représentent une base de travail intéressante ([30]). La Commission européenne gagnerait à relancer dès cette année le « Forum stratégique pour les PIIEC », structure temporaire dont le mandat a expiré en 2020 et dont l’Autriche – soutenue par la France – demande le rétablissement. Un meilleur ciblage des secteurs critiques, qui offre des garanties en matière d’efficience de la dépense publique, assurerait également un portage politique fort par les parties prenantes.

Cette approche doit en parallèle s’accompagner du renforcement des moyens financiers, techniques et humains des administrations nationales et européennes compétentes. Ce redimensionnement des ressources doit permettre d’accélérer le calendrier des PIIEC, dont la durée d’autorisation est aujourd’hui excessive.

Proposition n° 2

Faire aboutir rapidement les quatre PIIEC en cours de discussion entre les États membres, les industriels et la Commission européenne.

Veiller au caractère stratégique et prioritaire de la prochaine génération de PIIEC, dont le nombre gagnerait à être resserré.

Renforcer les moyens financiers, techniques et humains des autorités nationales et européennes chargées de la notification et de l’instruction des dossiers d’aides d’État dans le cadre des PIIEC.

b.   Le MACF, un outil pour soutenir la compétitivité de nos entreprises et la dynamique de décarbonation de l’industrie au niveau mondial

i.   Un instrument pour rétablir des conditions de concurrence équitable au niveau international

Le règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF, ou CBAM pour Carbon Border Adjustment Mechanism) a été adopté par le Conseil et le Parlement européen en avril 2023 ([31]). La France a été force de proposition, soumettant plusieurs pistes de travail avant même que la Commission ne présente sa proposition de règlement en juillet 2021 ([32]). Le texte, sur lequel les États membres étaient parvenus à un accord lors de la PFUE, doit s’appliquer à partir du 1er octobre 2023.

Il s’agit d’une mesure clé du Pacte vert pour l’Europe présenté par la Commission européenne en 2021 et mis en œuvre dans le cadre du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ».

Le MACF doit renforcer l’efficacité des politiques climatiques européennes, tout en préservant la compétitivité de notre industrie. En effet, près de 11 000 centrales électriques et installations industrielles sont aujourd’hui régies par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE) établi en 2005. Celui‑ci impose un plafond d’émissions de CO2 aux secteurs très émetteurs de l’Union, qui reçoivent gratuitement ou acquièrent des quotas d’émissions individuels. Les entreprises concernées peuvent ensuite échanger ces quotas sur le marché secondaire selon leurs besoins. Or la divergence des politiques climatiques au niveau mondial crée une concurrence déloyale au détriment de l’industrie européenne.

Il s’agit du phénomène des « fuites de carbone », qui recouvre deux situations :

-         les fuites « directes » résultent des délocalisations d’entreprises vers des pays tiers moins-disants et des pertes de marché associées aux réglementations environnementales, qui réduisent la compétitivité des entreprises ;

-         les fuites « indirectes » sont provoquées par la baisse de la consommation d’énergies fossiles dans les pays soumis à des contraintes climatiques, qui réduit leur prix et stimule leur consommation dans les pays moins-disants.

Plusieurs études concluent à un effet compris entre 5 à 30 %, c'est-à-dire que, pour 10 tonnes d’émission de gaz à effet de serre évitées en Europe, les émissions dans le reste du monde augmentent de 0,5 à 3 tonnes ([33]). Ces résultats démontrent que les instruments de compensation antérieurs au MACF étaient insuffisants. D’une part, les secteurs fortement exposés au risque de fuites de carbone, tels que l’acier et le ciment, bénéficient de quotas gratuits au titre du SEQE-UE. Cela limite l’effet de la tarification carbone et l’incitation à investir dans la décarbonation des procédés en Europe. D’autre part, l’essentiel des produits intensifs en émissions importés dans l’Union ne fait pas l’objet d’une tarification carbone dans leur pays d’origine, qui n’est ainsi pas incité à verdir sa production.

Le MACF s’applique aux produits importés afin de compenser la différence de tarification carbone entre l’Union et ses partenaires commerciaux. La base juridique du dispositif est l’article 192, paragraphe 1 TFUE, qui prévoit que le Parlement européen et le Conseil statuent conformément à la procédure législative ordinaire pour prendre des mesures environnementales. L’action de l’Union pour protéger l’environnement, qui relève d’une compétence partagée en vertu de l’article 3, paragraphe 2 du TFUE, contribue en l’espèce à la résilience de l’industrie européenne.

Concrètement, le MACF fonctionne en « miroir » au SEQE-UE. L’importateur devra acheter des « certificats MACF » au moment où le bien franchit la frontière pour entrer dans l’Union. Les certificats MACF sont un prix du carbone calculé à hauteur des émissions de gaz à effet de serre contenues dans le bien importé, c’est-à-dire générées par la production des marchandises. Le prix des certificats MACF reflétera le prix du SEQE-UE, puisqu’il sera indexé chaque jour sur le prix moyen des quotas vendus aux enchères. Il ne s’agit toutefois pas d’une « taxe carbone » prélevée au moment du dédouanement des marchandises, l’Union ayant des prérogatives encadrées en matière de fiscalité.

Le MACF s’applique aux secteurs du ciment, de l’acier, du fer, de l’aluminium, aux engrais, à l’électricité et à l’hydrogène, qui sont dits énergointensifs et à risque de fuite de carbone. La mise en place du MACF est progressive. Du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025 (phase de transition, « à blanc »), les importateurs de produits couverts par le MACF devront calculer et déclarer chaque année le contenu en carbone intégré de leurs marchandises importées. Ensuite, les importateurs entrent dans la phase opérationnelle à partir du 1er janvier 2026. Ils continuent à calculer et déclarer leurs émissions importées chaque année, tout en achetant les certificats MACF correspondants auprès de l’État membre dans lesquels ils sont établis.

La création du MACF intervient en parallèle de la révision du SEQE-UE, avec la suppression progressive des quotas gratuits des secteurs désormais couverts par le MACF. Cette évolution permet d’assurer la conformité du MACF aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui prohibent toute discrimination à l’égard des importations. Les produits importés couverts par le MACF sont assujettis à un prix du carbone identique aux biens similaires produits dans l’Union, qui ne bénéficieront plus des quotas gratuits.

ii.   Un risque de perte de compétitivité difficile à mesurer, qui implique d’élargir le périmètre des produits couverts par le MACF

L’ambition de la stratégie industrielle de l’Union et du projet de loi relatif à l’industrie verte est d’accélérer la décarbonation de l’industrie lourde et de (re)localiser en Europe la production des technologies propres. La lutte contre le dumping environnemental, incarnée par le MACF, doit y contribuer.

Or le MACF présente aujourd’hui deux insuffisances principales, susceptibles de fragiliser l’industrie européenne. Les auditions menées par votre rapporteur révèlent que ces inquiétudes sont partagées tant par les industriels que par les pouvoirs publics.

D’abord, le MACF tend à grever la compétitivité européenne à l’export en ne couvrant que les importations. Les secteurs couverts par le MACF ne bénéficient plus de quotas gratuits et voient leur compétitivité réduite à l’export du fait du renchérissement de leurs coûts de production. En revanche, la concurrence extra-européenne ne sera pas soumise à une tarification carbone équivalente pour les produits ne franchissant pas les frontières européennes.

Ensuite, le MACF dégrade la compétitivité des secteurs dits « aval » du marché intérieur, c’est-à-dire orientés vers les clients finaux. En effet, de nombreux secteurs utilisent des intrants industriels soumis au MACF pour fabriquer des produits finis ou semi-finis. L’importation d’aluminium brut en Europe imposera par exemple d’acheter des certificats MACF, alors que l’importation de produits finis à base d’aluminium en sera exemptée, tels que les moteurs destinés aux véhicules électriques. Il existe un risque important de substitution de produits finis aux matériaux de base couverts par le MACF.

Votre rapporteur déplore que les données officielles sur l’incidence du MACF sur la compétitivité et l’emploi industriel soient lacunaires. L’analyse d’impact annexée à la proposition initiale de la Commission indique que l’option finalement retenue pour le MACF aurait un effet faiblement positif sur l’emploi des secteurs couverts et une incidence négative « minimale » sur les secteurs aval. Au total, l’emploi dans les 27 États augmenterait de 0,04 % par rapport au scénario de référence, fondé sur le maintien des allocations gratuites du SEQE-UE ([34]). Par ailleurs, l’analyse d’impact ne comprend pas de données territorialisées distinguant les effets du MACF par pays voire par région.

Ces estimations rassurantes diffèrent significativement des résultats présentés dans un récent document de travail du think tank La Fabrique de l’industrie ([35]). La mise en place du MACF et la suppression des quotas gratuits menaceraient « plus de 37 500 emplois industriels, soit 1,5 % du total des emplois industriels en France ». Les risques sur l’emploi, liés principalement à la répercussion du surcoût sur les marges des entreprises, sont concentrés sur les secteurs couverts par le MACF, dont la métallurgie et l’industrie chimique (près de 11 000 emplois menacés pour chaque secteur).


En tout état de cause, votre rapporteur estime que la Commission européenne gagnerait à publier une analyse d’impact mise à jour et affinée sur les conséquences industrielles du MACF et de la suppression des quotas gratuits. Cette étude devrait en priorité intégrer l’ensemble des secteurs inclus dans le MACF au terme des négociations entre le Conseil et le Parlement européen, y compris l’hydrogène pour lesquelles il n’existe pas d’évaluation ex ante. L’incidence économique du MACF pourrait également être distinguée selon les États membres.

Proposition n° 3

Publier une étude d’impact actualisée sur les effets du MACF et de la suppression des quotas gratuits au niveau de l’Union et de chaque État membre, notamment sur l’emploi industriel, intégrant le secteur de l’hydrogène.

De manière plus structurante, votre rapporteur estime que le réexamen du MACF, prévu au terme de la période de transition du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025, constitue une étape cruciale. La Commission, en concertation avec les États membres et les parties prenantes concernées, gagnerait à amender le dispositif sur deux volets.

En premier lieu, l’établissement d’un dispositif temporaire de soutien pour les industries exportatrices doit être envisagé. À l’exception du ciment, les secteurs couverts par le MACF exportent une part importante de leur production vers les pays tiers. Ce « rabais aux exportations », envisagé dans une analyse des économistes Oliver Sartor et Sylvain Sourisseau ([36]), permettrait de compenser la tarification carbone des produits exportés vers les marchés qui ne sont pas soumis à un système d’échange de quotas d’émission. Les États-Unis, la Chine et le Brésil sont par exemple concernés. Le rabais remplacerait temporairement les quotas gratuits pour les entreprises exportatrices et permettrait de financer les actions de décarbonation des secteurs concernés.

En second lieu, le périmètre du MACF pourrait être étendu aux produits finis et semi-finis pour couvrir le secteur aval et prévenir toute stratégie de contournement. Seuls les produits présentant un risque élevé de fuite de carbone seraient inclus, en particulier les produits métalliques composés de fer, d’acier et d’aluminium (équipements d’échafaudage, chaînes en acier, etc.). Une telle démarche a d’ores et déjà été engagée, puisque le MACF couvre un périmètre limité de produits finis, tels que les vis et les boulons.

Votre rapporteur est pleinement des difficultés méthodologiques de cette approche, qui impliquerait de mesurer les émissions lors de la production de marchandises finies. Cette option n’est toutefois pas inconnue des services de la Commission, qui ont examiné la faisabilité et l’opportunité d’intégrer « les matériaux à forte intensité de carbone qui font partie de produits semi-finis et finis » au titre de la cinquième option de l’analyse d’impact.

L’expertise française sur l’empreinte carbone sur le cycle de vie des produits pourrait utilement être partagée à cet effet. Le Gouvernement a annoncé en mai 2023 une révision ambitieuse du bonus écologique pour l’acquisition d’un véhicule électrique neuf, qui se limite aujourd’hui aux seules émissions de CO2 lors de l’utilisation du véhicule. Une conditionnalité environnementale sur l’ensemble du cycle de vie sera ainsi introduite afin de subventionner les véhicules dont l’empreinte carbone de fabrication est performante. Ces derniers sont de facto principalement produits en Europe. Selon les estimations communiquées par le Gouvernement à votre rapporteur, le verdissement du bonus écologique permettrait de diminuer l’empreinte carbone de la France à hauteur de 800 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par an en moyenne entre 2024 et 2027.

Cette évaluation robuste, validée par l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), reposera a priori sur trois critères : (i) émissions de CO2 lors de la fabrication des batteries et des principaux matériaux utilisés dans le véhicule ; (ii) émissions de CO2 du site d’assemblage final du véhicule ; (iii) utilisation de matériaux recyclés et caractère recyclable des composants du véhicule.

Proposition n° 4

Envisager, au terme de la phase transitoire, la mise en place temporaire d’un « rabais aux exportations » pour soutenir les industriels européens et l’extension du périmètre du MACF aux produits finis et semi-finis afin de prévenir un phénomène de substitution vers les secteurs aval.

B.   Le respect des prÉrogatives et des spÉcificitÉs des États membres est compatible avec la crÉation de nouveaux instruments europÉens

1.   La diversité du tissu productif européen et des politiques menées par les États membres doit être respectée

Si l’échelon européen est particulièrement adapté pour soutenir nos filières industrielles, votre rapporteur rejoint l’analyse faite par nos collègues Patrice Anato et Michel Herbillon dans leur rapport d’information sur l’avenir de la politique industrielle européenne. L’intervention de l’Union en matière industrielle doit demeurer une compétence d’appui au sens de l’article 6 du TFUE, dans une logique conforme au principe de subsidiarité.

Au regard du principe selon lequel une solution unique ne convient pas à toutes les situations (« one size does not fit all ») ([37]), il convient de prendre en compte la diversité du tissu productif européen et des politiques menées par les 27 États membres. Le poids de l’industrie dans l’économie domestique diverge fortement selon les pays, de près de 40 % de la valeur ajoutée brute (VAB) en Irlande à moins de 10 % à Malte, à Chypres et au Luxembourg. Par ailleurs, la spécialisation sectorielle de l’industrie, la présence des filières à l’export ou la taille des entreprises sont propres à chaque État membre.

Votre rapporteur se félicite toutefois du déploiement, à droit constant, de nombreux instruments de politique industrielle de dimension européenne. Les outils de coopération, tels que les PIIEC, et la définition d’objectifs communs l’illustrent. Une « nouvelle stratégie industrielle de l’Union » a ainsi été présentée par la Commission dans une communication de mars 2020, avant d’être mise à jour en mai 2021 pour tenir compte des enseignements de la crise sanitaire. L’accélération de la double transition écologique et numérique, ainsi que le renforcement de l’autonomie stratégique sont désormais des objectifs partagés.

Par ailleurs, la déclaration de Versailles, adoptée le 11 mars 2022 par les chefs d’État ou de gouvernement européens à l’occasion de la PFUE, identifie une première liste de secteurs prioritaires. La production des « composants essentiels » nécessaire au développement des énergies renouvelables y figure, de même que les matières critiques, les semi-conducteurs, les produits de santé, les technologies numériques et les produits alimentaires. Cette ambition se retrouve dès le discours de la Sorbonne du Président de la République, Emmanuel Macron, le 26 septembre 2017.

L’échelon européen est incontournable pour maîtriser les étapes clés des chaînes de valeur critiques. C’est le sens de la proposition de règlement sur les semi-conducteurs, qui doit permettre à l’Union de doubler sa part de marché au niveau mondial pour atteindre 20 % de la production de semi-conducteurs d’ici à 2030, ou la proposition de règlement relative aux batteries qui fixe des objectifs ambitieux d’incorporation de matières recyclées.

2.   Le contexte de la réponse européenne à l’IRA offre de nouvelles perspectives

a.   La fin de la naïveté européenne : l’émergence d’une réponse unie à l’IRA, qui doit contribuer à la transition de long terme de notre industrie

Mentionnée pour la première fois dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2013 au sujet de l’industrie de la défense ([38]), la notion « d’autonomie stratégique » s’impose désormais au niveau européen. Elle figure parmi les objectifs de la nouvelle stratégie industrielle de l’Union et dans le plan industriel du Pacte vert, présenté le 1er février 2023. Invitée en ce sens par le Conseil européen du 15 décembre 2022, la Commission a rapidement proposé des mesures pertinentes pour renforcer la compétitivité et la production de l’industrie verte Europe. Celles‑ci dépassent la seule réponse conjoncturelle à l’IRA américain et contribuent plus largement à l’alignement de l’appareil productif européen sur l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le plan industriel du Pacte vert s’articule autour de quatre axes complémentaires :

-         moderniser l’environnement réglementaire, notamment en réformant le marché de l’électricité pour améliorer la prévisibilité et la stabilité des coûts de l’énergie ;

-         améliorer l’accès de l’industrie aux financements, en particulier par l’assouplissement des règles encadrant les aides d’État ;

-         élever le niveau de compétence de la main-d’œuvre européenne, en appuyant l’offre de formations des États membres pour les métiers de la transition écologique ;

-         mobiliser la politique commerciale pour assurer des conditions de concurrence équitable.

Les principales initiatives législatives de la Commission relèvent du pilier « réglementaire » du pacte industriel du Pacte vert, dont deux textes présentés le 16 mars 2023 afin de sécuriser la maîtrise par l’Union européenne des chaînes de valeur des technologies vertes. Votre rapporteur relève avec intérêt que la base juridique de ces propositions de règlement est l’article 114 du TFUE, qui permet à l’Union de prendre des mesures d’harmonisation afin d’assurer le bon fonctionnement du marché unique. L’approfondissement du marché unique est utile au renforcement de l’appareil productif européen.

D’une part, au titre des secteurs « amont », la proposition de règlement sur les matières premières critiques fixe une liste de matériaux dits « stratégiques », qui sous-tendent les transitions écologiques et numériques (cobalt, terres rares destinées à la production d’aimants, etc.), et une liste de matériaux « critiques ». Il s’agit des matières premières stratégiques ou non (bauxite, phosphore, etc.) qui sont confrontées à un risque élevé de rupture d’approvisionnement. Le texte établit des niveaux d’autosuffisance de référence à l’horizon 2030. La capacité d’extraction de l’Union doit ainsi représenter 10 % de sa consommation annuelle, contre 40 % pour la capacité de transformation et 15 % pour la capacité de recyclage. Les projets portant sur les matières premières critiques, par exemple l’exploitation d’un site miner, peuvent être labellisés comme « stratégiques » par la Commission européenne et bénéficier de procédures d’autorisation administrative et environnementale accélérées.

D’autre part, au titre des secteurs « aval », la proposition de règlement pour une industrie « zéro net », dit Net Zero Industry Act (NZIA) vise à renforcer les capacités de production européenne de technologies vertes. Le texte prévoit notamment la rationalisation des procédures administratives à travers la désignation d’un guichet unique au sein des États membres. La procédure d’octroi de permis pour les projets de production de technologie « zéro net » doit respecter des délais maximums, à savoir 18 mois pour les installations d’une production annuelle supérieure à 1 gigawatt (GW) et 9 mois en dessous de ce seuil. À titre de comparaison, la gigafactory de l’entreprise McPhy en cours de construction à Belfort doit permettre d’atteindre une capacité de production d’électrolyseurs de 1 GW.

Votre rapporteur se félicite que la Commission ait présenté rapidement deux textes clés pour l’industrie européenne, dont l’accueil par les États membres et le Parlement européen est globalement favorable. La France veille toutefois légitimement à rehausser le niveau d’ambition des dispositions proposées à l’occasion des négociations au Conseil de l’Union, en particulier sur le règlement pour une industrie « zéro net ».

Votre rapporteur déplore que la Commission ait renoncé à intégrer l’ensemble des technologies nucléaires dans le périmètre du texte. Celles-ci doivent figurer non seulement parmi les technologies « zéro net » recensées à l’article 3 de la proposition de règlement, mais aussi dans l’annexe du texte identifiant plus spécifiquement technologies stratégiques « zéro net ». Ce statut ultra-prioritaire répond à trois critères supplémentaires, à savoir (i) le niveau élevé de maturité technologique, (ii) la contribution importante à la décarbonation et (iii) la réduction de la dépendance européenne aux importations. Ce choix, qui dessert les intérêts européens, va à l’encontre de notre stratégie de souveraineté industrielle et d’indépendance énergétique.

Concrètement, l’exclusion des technologies nucléaires du statut de technologie stratégique « zéro net » emporte de lourdes conséquences. Ces produits et composants ne pourront pas de bénéficier des facilités additionnelles prévues par le texte. Les délais maximums d’octroi de permis font par exemple l’objet d’un abaissement supplémentaire, respectivement à 12 mois pour les projets au-delà de 1 GW et à 9 mois en deçà. Surtout, la liste proposée écarte en creux les technologies nucléaires des projets d’investissement éligibles à de nouveaux financements européens. La Commission a proposé, le 20 juin 2023, la création d’une plateforme des « Technologies stratégiques pour l’Europe », dite STEP, afin de soutenir les investissements dans les technologies critiques relevant des secteurs du numérique, des « technologies propres » et les biotechnologies. Or le texte définit de nouveau les « technologies propres » de manière imprécise et renvoie à une liste indicative dans laquelle ne figure pas le nucléaire.

Proposition  5

Intégrer l’ensemble des technologies nucléaires dans la liste des technologies « zéro net » de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » et dans la liste des technologies stratégiques « zéro net » figurant en annexe du texte.

Veiller à l’inclusion des technologies nucléaires dans la liste des technologies éligibles aux financements généralistes de l’Union destinés à soutenir les investissements dans les technologies dites propres.

b.   Une occasion manquée : la création d’un Fonds de souveraineté au rabais

Votre rapporteur estime que la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union pour la période de 2021 à 2027 offrait l’opportunité de créer un Fonds de souveraineté européen pour soutenir nos investissements dans les secteurs stratégiques. C’est le sens de l’engagement pris par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2022. Les conclusions du Conseil européen du 23 mars 2023 rappellent cette ambition initiale, en suggérant que le Fonds de souveraineté pourrait en priorité être abondé par « les fonds disponibles et les instruments financiers existants » ([39]).

Or les mesures présentées par la Commission européenne le 20 juin 2023 ne sont pas à la hauteur des enjeux du renforcement de notre souveraineté industrielle. Aucune référence n’est d’ailleurs faite à un véritable « Fonds de souveraineté ».

Sur le volet programmatique, une proposition de règlement vise à créer une Plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe (Strategic Technologies for Europe Platform, STEP) ([40]). L’objectif de cette structure est de soutenir le développement de capacités de production en Europe dans les secteurs des technologies numériques, des technologies propres et des biotechnologies. Ces technologies sont jugées critiques si elles comportent un potentiel économique important pour le marché unique et si elles contribuent à réduire ou prévenir nos dépendances stratégiques. En pratique, la plateforme STEP est une coquille vide dont la mise en œuvre opérationnelle repose sur les financements européens existants, tels que le programme de recherche Horizon Europe, le fonds InvestEU (ex-plan Juncker) et le Fonds européen de développement régional (FEDER). La Commission pourra labelliser les projets d’investissement contribuant aux objectifs de la plateforme STEP (« Sovereigny Seal ») afin de prioriser l’attribution de financements et de faciliter le cumul d’aides. Enfin, un portail unique sera mis en place pour renforcer la visibilité auprès des investisseurs des projets contribuant aux objectifs de la plateforme STEP.

Sur le volet budgétaire, la principale proposition consiste à doter de 10 milliards d’euros supplémentaires les fonds et les programmes concourants aux objectifs de la plateforme STEP ([41]). Concrètement l’amendement au règlement établissant le CFP 2021-2027 relève, pour la fin de la période de programmation, les plafonds de dépenses des rubriques budgétaires afférentes aux dispositifs suivants :

-         programme Horizon Europe, par l’intermédiaire du Conseil européen de l’innovation (CEI) : 2,63 milliards d’euros de crédits d’engagement supplémentaires ;

-         Fonds pour l’innovation : 5 milliards d’euros supplémentaires ;

-         Fonds européen de défense : 1,5 milliard d’euros supplémentaires

-         Invest EU : 3 milliards d’euros supplémentaires, pour renforcer la garantie provisionnée.

Votre rapporteur est pleinement conscient du contexte budgétaire contraint dans lequel intervient la révision à mi-parcours du CFP 2021-2027. La forte hausse de l’inflation et des taux d’intérêt a affecté le budget de l’Union, tandis que la Commission a légitimement priorisé une augmentation des crédits dans certains domaines précis, tels que le soutien à l’Ukraine et la politique migratoire.

Par ailleurs, il convient de ne pas sous-estimer l’ampleur du soutien apporté aux filières vertes au sein de l’Union. La simple comparaison des nouveaux financements européens envisagés (10 milliards d’euros sur 4 ans) et des crédits du volet « énergie-climat » de l’IRA américain (369 milliards de dollars sur 10 ans) est réductrice. Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) de février 2023 précise que les dépenses en faveur des énergies propres de l’IRA représentent seulement 0,17 % du PIB américain par an ([42]). En comparaison, les dépenses correspondantes de l’Union et de ses États membres représentent 0,5 % du PIB européen.

En tout état de cause, la Commission aurait gagné à être plus ambitieuse sur les modalités et le montant des nouveaux financements de la plateforme STEP.

D’une part, les formes de financement gagneraient à être diversifiées. L’assouplissement des critères permettant au CEI de prendre des participations au capital d’entreprises stratégiques, aujourd’hui limitées aux entités n’ayant pas accès au crédit bancaire, pourrait par exemple être envisagé. Par ailleurs, il n’est pas certain que la mise en place d’un portail unique – sans rationalisation des programmes existants – contribue à l’accessibilité des dispositifs.

D’autre part, le montant des nouveaux crédits ouverts pourrait a minima être doublé pour mieux correspondre aux besoins de financement des filières vertes. La volonté et la capacité des États membres à s’accorder sur la prochaine génération de ressources propres seront déterminantes en la matière. Une enveloppe plus conséquente pourra être envisagée dans le prochain CFP, en parallèle de la création d’un véritable Fonds de souveraineté.

Proposition  6

Doubler l’effort budgétaire de la plateforme STEP pour le porter à 20 milliards d’euros et diversifier les modes de financement mobilisés, avant d’envisager la création d’un véritable Fonds de souveraineté européen à l’occasion du prochain cadre financier pluriannuel de l’Union.

 

 


   DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI RELATIF À l’INDUSTRIE VERTE, une LÉgislation nationale au service d’une ambition europÉenne

I.   La France conforte sa dynamique de rÉindustrialisation, engagÉe en 2017, par l’intermédiaire du projet de loi RELATIF À l’INDUSTRIE VERTE

A.   La France SE RÉindustrialise avec l’ambition d’ÊTRE UN ACTEUR MAJEUR DE l’industrie verte EN EUROPE

Votre rapporteur se félicite que le Gouvernement mène depuis 2017 une politique volontariste afin de renforcer la compétitivité et la productivité de l’industrie. La baisse des impôts de production, le soutien à l’apprentissage et à la formation et les financements publics massifs en faveur de la transition des filières industrielles se sont avérés efficaces. La crise sanitaire et les conséquences de la guerre en Ukraine n’ont pas interrompu cette dynamique positive, démontrant la résilience de l’économie française. Le défi est conséquent, alors que la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB français a été divisée par deux en 50 ans pour atteindre 13,4 % en 2020, contre plus de 25 % en Allemagne et près de 20 % en Italie.

Selon les données sur l’emploi salarié de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), plus de 100 000 emplois industriels nets ont été créés entre le premier trimestre 2017 et le premier trimestre 2023, pour atteindre près de 3,24 millions de salariés. La France a enregistré plus de créations que de destructions d’usines chaque année depuis 2017, à l’exception de 2020, année des confinements consécutifs à la pandémie de Covid-19. Ce solde positif s’établit à 80 ouvertures d’usines en 2022 selon l’Observatoire de l’investissement du cabinet Trendeo. À l’occasion du sommet Choose France de mai 2023, le cabinet EY a révélé que la France demeurait, en 2022, le pays européen le plus attractif en nombre de projets d’investissement étranger pour la quatrième année consécutive ([43]). Notre tissu industriel est un véritable levier d’attractivité pour la France : 547 des 1 259 projets d’implantation ou d’extension annoncés en 2022 concernaient l’industrie, soit près de 4 projets sur 10.

Ces résultats sont à mettre au crédit des mesures engagées en France et portées par les autorités françaises au sein de l’Union. L’industrie verte en profite pleinement, aussi bien au titre de la décarbonation de l’outil productif existant que de la production de technologies propres. Par exemple, le plan France Relance de 100 milliards d’euros a bénéficié, en 2021, de près de 40 milliards d’euros au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), principal véhicule du plan européen NextGenerationEU. Les appels à projet destinés à soutenir la décarbonation de l’industrie ont ainsi été dotés de 1,2 milliard d’euros. La France a également financé une partie des dépenses publiques allouées aux PIIEC, dont 1,5 milliard d’euros pour les projets portant sur l’hydrogène. Cette pratique répond à engagement pris par le Président de la République et la chancelière allemande, Angela Merkel, le 20 août 2020.

Le soutien à l’industrie verte, une priorité partagée par nos partenaires

La France ne mène pas seule la bataille industrielle pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Parmi les 27 États membres, les initiatives suivantes ont retenu l’attention de votre rapporteur.

L’Allemagne a mis en place un instrument extrabudgétaire, le Fonds spécial pour le climat et la transformation (KTF), qui a vocation à financer notamment les contrats de protection du climat. Les crédits d’engagement fléchés pour la décarbonation de l’industrie s’élèvent à près de 66 milliards d’euros entre 2023 et 2026.

En Italie, le plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) soutient l’investissement dans les technologies vertes à hauteur d’1 milliard d’euros entre 2022 et 2026. Les aides sont plus spécifiquement allouées pour le développement des capacités industrielles en matière de panneaux photovoltaïques (400 000 euros), d’éolien (100 000 euros) et de batteries (500 000 euros).

Aux Pays-Bas, le gouvernement néerlandais a proposé en 2022 la mise en place d’un fonds pour le climat afin de financer des projets d’infrastructures énergétiques et développer les techniques d’efficacité énergétique. La liste exacte des projets soutenus n’est pas encore définie. Les financements publics mobilisés atteindraient 35 milliards d’euros sur 10 ans.

B.   Le dialogue au bÉnÉfice de l’industrie verte : un projet de loi construit À partir d’une dÉmarche innovante

Votre rapporteur salue la méthode retenue par le Gouvernement pour construire le projet de loi relatif à l’industrie verte.

La mise en place de cinq groupes de travail thématiques, composés de parlementaires, d’une élue locale et de chefs d’entreprise, a permis de recueillir les attentes des parties prenantes. Cette phase de consultation, qui a duré plus de trois mois, a permis d’organiser 300 auditions et de recevoir près de 140 contributions écrites. Cette démarche d’écoute du terrain avait été pratiquée avec succès pour préparer en 2018 le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit PACTE. Une consultation en ligne a par ailleurs été organisée en avril 2023 afin de soumettre certaines propositions des groupes de travail à l’avis du public.

Par ailleurs, le Gouvernement a utilement évalué l’incidence sur l’empreinte carbone française de certaines mesures contenues dans le texte, telles que la réhabilitation des friches, ou relevant plus largement de sa stratégie en matière d’industrie verte, telles que la révision du bonus écologique. La mise en œuvre de l’ensemble des mesures permettrait d’abattre 41 millions de tonnes d’équivalent CO2 à l’horizon 2030 ([44]), l’empreinte carbone globale de la France étant elle estimée à près de 600 millions de tonnes d’équivalent CO2. Il s’agit d’une bonne pratique, qui permet d’éclairer la décision publique à la manière de la budgétisation environnementale de l’État (Green Budgeting) pratiquée depuis le projet de loi de finances pour 2021. La mesure de l’incidence des dispositions législatives ou réglementaires sur l’empreinte carbone de la France gagnerait à être étendue à d’autres textes. La méthodologie employée par le Gouvernement à cet effet pourrait être publiée pour davantage de transparence.

Le projet de loi relatif à l’industrie verte, présenté le 16 mai 2023 en Conseil des ministres et déposé en premier lieu au Sénat, reprend une partie des propositions de nature législative formulées par les groupes de travail. Il comporte, avant son examen au Sénat, 19 articles répartis en trois titres.

Les dispositions du projet de loi visent en priorité à accélérer les implantations industrielles et réhabiliter les friches pour un usage industriel, à renforcer la prise en compte des enjeux environnementaux par la commande publique et à soutenir le financement de l’industrie verte via l’épargne privée.

II.   LE PROJET de loi relatif À l’industrie VERTE, qui S’INSCRIT dANS une stratÉgie FRANÇAISE d’ensemble, doit Être examinÉ À la lumiÈre des enjeux industriels en europe

La stratégie du Gouvernement en faveur de l’industrie verte recouvre un ensemble structuré de mesures, articulée en quatre axes : faciliter, favoriser, financer et former. Une partie des actions envisagées est inscrite dans le projet de loi relatif à l’industrie verte, tandis que d’autres dispositions relèveront d’autres véhicules législatifs, seront mises en œuvre par voie réglementaire ou dépendront des pratiques administratives

Votre rapporteur a privilégié un examen sélectif de trois dispositions de nature législative ayant une forte dimension européenne.

A.   ACCÉlÉrer le dÉploiement de nouveaux sites de production de technologies vertes : la France, mieux-disante que l’europe

1.   Un choc de simplification indispensable au renforcement des capacités de production de technologies vertes en France

La longueur des procédures d’octroi d’autorisation pour la construction et l’extension des sites industriels, à travers des projets dits greenfield et brownfield, pèse sur l’attractivité économique des territoires en France et en Europe. Les investisseurs issus de pays tiers sont attentifs à la prévisibilité des financements, sur laquelle les États-Unis offrent de fortes garanties au titre des crédits d’impôt de l’IRA, mais également à la prévisibilité des démarches d’implantation. Ce critère de localisation a été identifié en amont par le Gouvernement, qui a labellisé 127 sites industriels « clés en main » à partir de 2020. Ce dispositif, recommandé dans un rapport de Guillaume Kasbarian ([45]), recense les sites pour lesquels les procédures relatives à l’environnement, à l’urbanisme et à l’archéologie préventive ont été anticipées afin d’offrir des délais d’instruction maîtrisés.

Si la France demeure le pays européen le plus attractif en termes d’annonces d’investissements étrangers manufacturiers, les délais d’autorisation des projets industriels demeurent trop élevés. Le rapport de Laurent Guillot sur l’implantation d’activités économiques souligne un différentiel de compétitivité défavorable à la France ([46]). S’appuyant sur une analyse des autorisations environnementales, la mission conclut que le délai réel des procédures est largement supérieur en France que parmi nos partenaires européens. L’autorisation environnementale est attribuée au porteur de projet par le préfet en moyenne 17 mois après confirmation de la réception du dossier par les services instructeurs, contre un délai théorique de 9 mois dans le droit commun. À l’inverse, les délais réels d’implantation constatés en Suède (13 mois au maximum), en Allemagne (12 mois au maximum) et en Pologne (6 mois au maximum) sont davantage maîtrisés. Les difficultés françaises sont principalement liées aux suspensions pour demandes de compléments d’information au porteur de projet, qui impliquent un accompagnement renforcé en amont, et par le lancement tardif de l’enquête public. En effet, la phase d’enquête publique d’une autorisation environnementale ne peut être lancée qu’après la phase d’instruction de la demande. Cette dernière est elle-même composée de deux temps distincts : l’examen du dossier par l’administration puis l’avis de l’autorité environnementale, mission exercée par l’Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) en France. Ce caractère séquentiel diffère de nos partenaires, le public étant consulté parallèlement à l’instruction en Allemagne et en Suède.

Au regard de ces éléments, l’article 2 du projet de loi tend à accélérer les procédures en matière d’autorisation environnementale afin de rapporter les délais réels de 17 à 9 mois. La consultation du public interviendra plus tôt dans la procédure, cette association anticipée permettant d’éclairer l’examen du dossier par l’administration. La consultation du public et l’instruction administrative seront conduites de manière simultanée à l’issue d’une seule étude recevabilité du dossier par les services compétents, et non plus réalisées en série. La mesure proposée est assortie de garanties importantes, dont l’allongement de la durée de l’enquête publique de 30 jours à 3 mois. Cette solution aligne utilement la procédure d’autorisation environnementale sur nos partenaires européens.

Votre rapporteur précise que le Conseil d’État n’a relevé aucun risque d’incompatibilité avec le droit de l’Union ([47]), en particulier au regard de la directive de 2011 sur l’évaluation des incidences sur l’environnement de certains projets ([48]). Le dispositif proposé assure une participative effective et précoce du public.

Enfin, il apparaît que la nouvelle procédure de consultation du public prévue par le projet de loi ne s’applique pas aux seuls projets industriels relatifs aux technologies vertes. Il semble peu opportun de conférer un statut particulier à ces projets, à l’exception des très grands projets dits « d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique » pour lesquels le Gouvernement envisage un cadre exceptionnel à l’article 9 du projet de loi. La multiplication des statuts dérogatoires nuirait à l’objectif de simplicité porté par le texte.

2.   Les mesures envisagées en France sont d’ores et déjà plus ambitieuses que le « fast-tracking » proposé par la Commission

L’accélération des procédures d’autorisation pour les projets relevant du champ de l’industrie verte constitue également l’axe principal de la proposition de règlement de la Commission pour une industrie « zéro net ».

Le texte impose aux États membres de veiller à ce que les procédures d’octroi d’autorisations concernant ces projets ne dépassent pas des délais de référence. Ces délais sont proportionnels à l’importance du projet de production de technologies « zéro net ». Ils sont de 18 mois pour les gigafactories et de 12 mois pour les projets plus modestes, voire respectivement de 12 et 9 mois si les projets sont qualifiés de « stratégiques ».

Votre rapporteur se félicite que les dispositions du projet de loi relatif à l’industrie verte permettent d’envisager des délais plus courts en France. Si la Commission souhaite établir des règles harmonisées, la proposition de règlement autorise naturellement les États membres à fixer des délais inférieurs aux prescriptions européennes.

Par ailleurs, les États membres seront tenus de désigner une autorité nationale chargée de coordonner le processus d’octroi de permis pour les projets industriels portant sur les technologies « zéro net ». Ce guichet unique serait « le seul point de contact pour le promoteur du projet » en vertu de l’article 4 du texte. Cette formulation imprécise suggère une autorité unique compétente pour l’ensemble de la procédure, une solution a priori incompatible avec le modèle français. En effet, l’autorisation environnementale relève des services de l’État, alors que l’autorisation d’urbanisme est délivrée par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI).

Une lecture attentive de l’étude d’impact de la Commission relativise le caractère contraignant ou uniforme du guichet unique. La création en France de l’autorisation environnementale unique pour les projets soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est citée en exemple. Le dispositif proposé consiste essentiellement à créer un point de contact unique pour le porteur du projet, qui lui délivre une décision globale. D’autres autorités – notamment locales – pourront instruire le dossier et prendre une décision relevant de leur périmètre de compétences, sous réserve de la communiquer au porteur du projet par l’intermédiaire du guichet unique.

Votre rapporteur alerte toutefois le Gouvernement sur la nécessité de clarifier ces dispositions lors des discussions au Conseil de l’Union. L’articulation des prérogatives dévolues aux autorités nationales ou aux collectivités territoriales doit être mieux définie pour sécuriser les procédures en vigueur dans les pays concernés, dont la France. Les marges de manœuvre reconnues aux États membres pour constituer et opérer leur guichet unique gagneraient à apparaître dans le dispositif de la proposition de règlement, et non simplement dans l’étude d’impact annexée.

Proposition n° 7

Sécuriser la procédure d’implantation industrielle en France, en clarifiant le fonctionnement du guichet unique prévu par la proposition de règlement européen pour une industrie « zéro net » au cours des négociations au Conseil de l’Union.

B.   VERDIR LA COMMANDE PUBLIQUE, TOUT EN DÉVELOPPANT LA PRÉFÉRENCE EUROPÉENNE

1.   Le projet de loi relatif à l’industrie verte renforce les critères environnementaux de la commande publique

Le droit de l’Union autorise les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices à intégrer des conditions et des critères environnementaux dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution des contrats de la commande publique. Cette faculté est prévue par les directives européennes du 26 février 2014 relatives à l’attribution de contrats de concession et à la passation des marchés publics, désormais transposées dans le code de la commande publique en France ([49]). Le critère de « l’offre économiquement la plus avantageuse » ne se réduit plus aux considérations de prix ou de coût.

Votre rapporteur se félicite que la commande publique soit désormais utilisée comme un levier de développement durable. Les enjeux économiques et environnementaux sont considérables puisque les contrats de la commande publique représentent chaque année près de 8 % du PIB français et 14 % du PIB de l’Union. En France, les clauses environnementales couvrent près de 26 % de la valeur des nouveaux marchés publics en 2021, en progression de 7 points par rapport à 2020 ([50]). Ces résultats sont encourageants mais doivent être amplifiés dans la continuité de la loi dite « Climat et résilience » de 2021 ([51]).

C’est le sens des mesures proposées par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à l’industrie verte, qui introduit notamment deux nouveaux motifs facultatifs d’exclusion des opérateurs. Les directives européennes du 26 février 2014 autorisent une personne publique, si elle l’estime nécessaire et proportionné, à exclure de la procédure de passation les entreprises qui méconnaîtraient certaines obligations. D’une part, l’article 12 du projet de loi habilite le Gouvernement à créer un nouveau dispositif d’exclusion à l’encontre des candidats qui ne satisferaient pas à leurs obligations de publication d'informations en matière de durabilité, issues de la directive européenne dite « CSRD » du 14 décembre 2022 ([52]). Cette dernière renforce les obligations d’information en matière de durabilité (reporting extra-financier) de près de 50 000 entreprises européennes. D’autre part, l’article 13 du projet de loi établit une nouvelle cause d’exclusion à l’encontre des entreprises qui ne satisferaient pas à l’obligation d’établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES). Ce dispositif concerne les entreprises de plus de 500 salariés ([53]).

2.   Le Buy European Act, une perspective réaliste et nécessaire à construire au plus tôt

Votre rapporteur estime que l’ensemble des mesures susceptibles de renforcer la « préférence européenne » dans la commande publique doivent être sérieusement envisagées.

L’Union s’est dotée d’un arsenal législatif conséquent pour favoriser la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics. L’instrument relatif aux marchés publics internationaux (IMPI), adopté en juin 2022 sous présidence française après dix ans de négociation, constitue une avancée majeure en la matière ([54]). Il permet de répondre aux pratiques restrictives de pays tiers, qui limitent l’accès de nos entreprises à leurs marchés publics et n’ont pas conclu avec l’Union d’accord multilatéral ou bilatéral sur les marchés. C’est notamment le cas de la Chine. Concrètement, la Commission pourra pénaliser ou exclure de certains marchés publics importants les entreprises issues des pays tiers concernés. L’enquête de la Commission peut être menée à son initiative ou sur la base d’une plainte d’une partie européenne intéressée. La mise en œuvre de l’IMPI devra être évaluée en temps utile afin de s’assurer que la Commission et les entreprises se saisissent pleinement du mécanisme.

Cet outil de politique commercial gagnerait à être complété par le renforcement des dispositifs permettant d’écarter les offres des pays tiers. Les acheteurs publics peuvent par exemple exclure, au cas par cas, les opérateurs économiques de pays tiers pour les contrats de la commande publique de défense ou de sécurité ([55]). Par ailleurs, un droit de préférence européenne est prévu par l’article 85 de la directive du 26 février 2014 sur les marchés publics des opérateurs de réseaux ([56]). Les entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux peuvent favoriser les offres européennes lorsque la part des produits originaires de pays tiers excède 50 % de la valeur totale des produits composant l’offre. Une préférence peut même être accordée à l’offre européenne si le différentiel de prix avec l’offre « pays tiers » ne dépasse pas 3 % du prix.

Votre rapporteur salue la position ambitieuse de la France, qui souhaite renforcer la portée des dispositions sur l’accès aux marchés publics de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net ». Un important travail de sensibilisation et d’acculturation est mené auprès des autres États membres, qui craignent des surcoûts liés aux produits « Made in Europe », un risque de contrariété avec le droit de l’OMC voire des représailles commerciales. Ces réticences doivent être levées au nom de l’autonomie stratégique européenne, alors que nos partenaires et rivaux internationaux n’hésitent aucunement à fermer leurs marchés.

Une mesure opérationnelle à court terme consisterait à étendre le droit de préférence européenne prévu pour les marchés passés par des opérateurs de réseaux aux contrats publics relatifs à l’acquisition de technologies vertes, par exemple pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur un bâtiment public. Le critère de l’équivalence des offres, aujourd’hui limité à une différence de prix inférieure à 3 %, pourrait être assoupli. Il s’agirait d’une première étape vers un véritable Buy European Act.

Proposition n° 8

Étendre le droit de préférence européenne aux marchés publics relatifs aux technologies « zéro net » par l’intermédiaire de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net ».

Relever à 10 % l’écart de prix maximum permettant de considérer comme équivalentes une offre européenne et une offre dont la part des produits originaires de pays tiers excède 50 % de la valeur totale des produits composant cette offre.

C.   MOBILISER LE LEVIER FISCAL EN FAVEUR DE L’INDUSTRIE VERTE, EN PÉRENNISANT L’ENCADREMENT TEMPORAIRE CRÉÉ EN 2022

1.   Le crédit d’impôt « Investissement Industries Vertes » (C3IV), une incitation fiscale simple et robuste encouragée par la Commission européenne

Dans le cadre de la présentation du projet de loi relatif à l’industrie verte, le Gouvernement a annoncé que le projet de loi de finances pour l’année 2024 créera un crédit d’impôt en faveur des entreprises qui investissent dans la production de technologies vertes.

L’assiette du crédit d’impôt couvrira les investissements corporels (machines, terrains, etc.) et incorporels (brevets, licences, etc.) réalisés par les entreprises implantées en France dans quatre secteurs stratégiques, à savoir les panneaux solaires, les turbines éoliennes, les batteries et les pompes à chaleur. Les investissements éligibles concernent la production des équipements finis ou des composants essentiels, ainsi que la production ou la valorisation des matières premières critiques nécessaires.

Le taux du crédit d’impôt sera compris entre 20 et 45 % du coût des investissements éligibles, dans la limite de 150 à 200 millions d’euros selon la localisation (ou non) du projet dans une zone d’aide à finalité régionale (ZAR).

La création du C3IV en France est rendue possible par l’adoption d’un nouvel « encadrement temporaire de crise et de transition » le 9 mars 2023 (Temporary Crisis and Transition Framework, TCTF). Ce dispositif a été adopté une première fois par la Commission européenne en mars 2022 pour permettre aux États membres de soutenir leur économie face aux conséquences de la guerre en Ukraine, avant d’être élargi et prorogé à trois reprises : le 20 juillet 2022, le 28 octobre 2022, puis le 9 mars 2023.

La France a porté une révision ambitieuse de l’encadrement temporaire, sur laquelle s’aligne largement la solution retenue par la Commission. Votre rapporteur se félicite que la France joue encore, dans la phase de mise en œuvre, un rôle moteur et exemplaire pour protéger l’économie européenne. Il s’agit du premier pays à notifier à la Commission un régime d’aide relevant de la nouvelle section II.8 de l’encadrement temporaire, qui encourage les investissements dans les technologies vertes indispensables à la « transition vers une économie à zéro émission nette ». Ces aides sont autorisées sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, point c du TFUE en vertu duquel « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités » peuvent être considérées comme compatibles avec les règles en matière d’aide d’État.

Votre rapporteur relève que le périmètre des secteurs qui seront éligibles au C3IV est plus restreint que les technologies retenues par la Commission dans l’encadrement temporaire. Celui-ci couvre également les électrolyseurs et les équipements de captage et de valorisation du CO2. Or le Gouvernement soutient d’ores et déjà massivement la production de ces équipements, en particulier les électrolyseurs dans le cadre des PIIEC relatifs à l’hydrogène. Un soutien complémentaire sera mis en place pour les secteurs non éligibles au C3IV, à travers des subventions pour les investissements productifs et les dépenses de R&D.

Un élargissement du C3IV ne semble, par conséquent, pas nécessaire à ce stade. Il pourrait toutefois être envisagé à l’avenir, par exemple à l’occasion du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025).

Proposition n° 9

Envisager, à l’occasion du PLF 2025, l’extension des secteurs éligibles au C3IV à la production d’électrolyseurs et d’équipements de captage et de valorisation du CO2.

2.   Un encadrement « de crise » orienté vers les enjeux de long terme de l’industrie verte, qui gagnerait à être pérennisé

L’encadrement temporaire de crise et de transition, initialement conçu pour répondre aux conséquences de la guerre en Ukraine, soutient désormais des objectifs structurels, tels que la production de technologies vertes. Or les aides déployées par les États membres, dont le C3IV en France, ne peuvent être octroyées que jusqu’au 31 décembre 2025. La décision d’investissement pour un tel projet devra donc intervenir avant cette date. Le décaissement de l’aide peut être postérieur au 31 décembre 2025.

Votre rapporteur estime que la borne temporelle retenue, le 31 décembre 2025, est trop proche. En comparaison, l’IRA offre une prévisibilité aux investisseurs sur 10 ans. Les traités ne font pas obstacle à ce que « l’encadrement temporaire de crise et de transition » soit pérennisé. Celui-ci pourrait évoluer vers un encadrement « pour la transition verte » par lequel la Commission autoriserait les États membres à soutenir durablement l’industrie verte. Il offrirait une meilleure visibilité aux entreprises, à la manière du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) ou la communication sur les PIIEC.

 

Proposition n° 10

Transformer l’encadrement temporaire de crise et de transition, aujourd’hui valable jusqu’au 31 décembre 2025, en « encadrement pour la transition verte » sans borne temporelle.

 


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   Conclusion

 

Le projet de loi relatif à l’industrie verte est un texte ambitieux, qui confère une légitimité supplémentaire à la France pour obtenir les évolutions nécessaires de la politique industrielle européenne. Si celle-ci doit demeurer en appui de l’action des États membres, une approche plus intégrée des questions industrielles doit être envisagée. La cartographie des transitions professionnelles, l’accès facilité aux aides d’État en faveur des coopérations industrielles ou l’attribution de financements issus du budget de l’Union sont autant d’axes d’amélioration.

Votre rapporteur alerte sur le caractère décisif de l’année 2023, qui pourrait conditionner en grande partie les rapports de force mondiaux de la prochaine décennie pour la production de technologies propres. La politique industrielle tend à devenir un prétexte pour le déploiement de mesures protectionnistes, qui fragilisent les chaînes de valeur mondialisées et accentue la domination de la Chine et, dans une moindre mesure, des États-Unis sur les secteurs critiques.

L’Europe se rallie à une approche volontariste et offensive du soutien à la production de technologies propres. C’est le sens du plan industriel du Pacte et, en France, du projet de loi relatif à l’industrie verte. L’ensemble des leviers réglementaires, financiers et commerciaux pertinents doivent être mobilisés et, le cas échéant, améliorés à cet effet.

 

 


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   propositions du rapporteur

Proposition n° 1

Présenter une étude prospective sur les enjeux de l’industrie verte en matière d’emploi au niveau de l’Union, intégrant autant que possible une dimension territorialisée des ressources et des besoins en compétences et en formation.

 

Proposition n° 2

Faire aboutir rapidement les quatre PIIEC en cours de discussion entre les États membres, les industriels et la Commission européenne.

Veiller au caractère stratégique et prioritaire de la prochaine génération de PIIEC, dont le nombre gagnerait à être resserré.

Renforcer les moyens financiers, techniques et humains des autorités nationales et européennes chargées de la notification et de l’instruction des dossiers d’aides d’État dans le cadre des PIIEC.

 

Proposition n° 3

Publier une étude d’impact actualisée sur les effets du MACF et de la suppression des quotas gratuits au niveau de l’Union et de chaque État membre, notamment sur l’emploi industriel, intégrant le secteur de l’hydrogène.

 

Proposition n° 4

Envisager, au terme de la phase transitoire, la mise en place temporaire d’un « rabais aux exportations » pour soutenir les industriels européens et l’extension du périmètre du MACF aux produits finis et semi-finis afin de prévenir un phénomène de substitution vers les secteurs aval.

 

Proposition n° 5

Intégrer l’ensemble des technologies nucléaires dans la liste des technologies « zéro net » de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net » et dans la liste des technologies stratégiques « zéro net » figurant en annexe du texte.

Veiller à l’inclusion des technologies nucléaires dans la liste des technologies éligibles aux financements généralistes de l’Union destinés à soutenir les investissements dans les technologies dites propres.

 

Proposition n° 6

Doubler l’effort budgétaire de la plateforme STEP pour le porter à 20 milliards d’euros et diversifier les modes de financement mobilisés, avant d’envisager la création d’un véritable Fonds de souveraineté européen à l’occasion du prochain cadre financier pluriannuel de l’Union.

 

Proposition n° 7

Sécuriser la procédure d’implantation industrielle en France, en clarifiant le fonctionnement du guichet unique prévu par la proposition de règlement européen pour une industrie « zéro net » au cours des négociations au Conseil de l’Union.

 

Proposition n° 8

Étendre le droit de préférence européenne aux marchés publics relatifs aux technologies « zéro net » par l’intermédiaire de la proposition de règlement pour une industrie « zéro net ».

Relever à 10 % l’écart de prix maximum permettant de considérer comme équivalentes une offre européenne et une offre dont la part des produits originaires de pays tiers excède 50 % de la valeur totale des produits composant cette offre.

 

Proposition n° 9

Envisager, à l’occasion du PLF 2025, l’extension des secteurs éligibles au C3IV à la production d’électrolyseurs et d’équipements de captage et de valorisation du CO2.

 

Proposition n° 10

Transformer l’encadrement temporaire de crise et de transition, aujourd’hui valable jusqu’au 31 décembre 2025, en « encadrement pour la transition verte » sans borne temporelle.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 28 juin 2023, sous la présidence de M. Pieyre‑Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur. Je vous présente aujourd’hui les conclusions du rapport portant observations sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. C’est un exercice qui nous permet d’apporter, lors de la commission spéciale et en séance, un éclairage européen. Je me réjouis que la commission des affaires européennes se saisisse pour la première fois d’un projet de loi portant sur l’industrie et l’attractivité économique. Ces sujets doivent, plus que jamais, être envisagés au niveau européen.

L’industrie verte consiste en premier lieu à décarboner l’appareil productif existant, en accompagnant les entreprises industrielles dans la réduction de leurs émissions de CO2. Le Gouvernement soutient déjà massivement les efforts de décarbonation de nos filières, en mobilisant par exemple cinq milliards d’euros dans le cadre de France 2030. L’industrie verte renvoie également à notre capacité à produire sur le sol européen les technologies propres indispensables à la transition écologique, qu’il s’agisse des batteries, des électrolyseurs pour l’hydrogène ou bien encore des panneaux solaires. Ce projet de loi vise à mieux orienter l’épargne privée vers le financement de l’industrie verte, à renforcer la dimension environnementale de la commande publique et à accélérer la délivrance des autorisations pour l’implantation de sites industriels. Les délais effectifs atteignent 17 mois en France, soit près du double qu’en Allemagne.

Ce texte intervient alors que nos indicateurs économiques sont satisfaisants. La France a enrayé, depuis 2017, la spirale de la désindustrialisation. Nous créons à nouveau des emplois industriels nets, plus de 100 000 en six ans. Les ouvertures d’usines sont désormais supérieures aux fermetures de sites. La France est, pour la quatrième année consécutive, le pays européen le plus attractif en nombre de projets d’investissement étranger.

Forte de ces succès, la France doit accélérer sa réindustrialisation verte. Trois défis se présentent à nous, dont les solutions résident en grande partie à l’échelon européen.

Premièrement, l’industrie demeure le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France et en Europe. Nos filières ont engagé des efforts conséquents, mais le rythme de décarbonation a faibli ces dernières années. Nous devons donc renforcer les politiques mises en œuvre pour atteindre nos objectifs climatiques sans fragiliser notre industrie et les emplois qui y sont liés. À défaut, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 ne sera pas atteint.

Deuxièmement, la décarbonation de l’industrie et le développement de nos capacités de production de technologies propres sont au cœur de notre souveraineté énergétique. La facture énergétique de l’industrie a doublé dans toute l’Europe entre 2019 et 2022, alors même que la guerre en Ukraine a révélé notre dépendance collective aux énergies fossiles et les choix stratégiques de certains de nos partenaires européens qui ont accru leur dépendance au gaz russe. Je tiens toutefois à souligner que nos entreprises sont moins affectées que leurs concurrents européens, grâce à l’électricité décarbonée produite par nos centrales nucléaires.

Troisièmement, la nouvelle donne géopolitique sape la résilience des chaînes de valeur mondialisées et donc la sécurité de nos approvisionnements. La Chine domine plus de 60 % de la production mondiale dans plusieurs secteurs critiques, en particulier les panneaux solaires, les technologies éoliennes et les composants de batteries électriques. Les États-Unis y répondent à leur manière par l’intermédiaire de l’Inflation Reduction Act (IRA), sans se soucier du respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce. Or, la demande en technologies vertes devrait exploser dans les prochaines années, au risque de renforcer notre dépendance à l’égard de nos rivaux et partenaires. L’Europe se situe à un tournant qui conditionnera ou non sa capacité à maîtriser son destin industriel et sa transition écologique. Le moment n’est plus à l’opposition stérile entre la politique industrielle, d’une part, et le bon fonctionnement du marché intérieur, d’autre part. À l’avenir, le marché intérieur fonctionnera d’autant mieux si les politiques industrielles des États membres sont coordonnées.

Je reviendrai simplement sur quatre propositions clés du rapport. La première consiste à rehausser l’ambition du fonds de souveraineté européen. C’est un engagement pris par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, lors de son dernier discours sur l’état de l’Union. Comme l'ont récemment dénoncé nos collègues du groupe Renew au Parlement européen, la proposition est plutôt décevante. En effet, la Commission propose de créer un portail unique pour faciliter l’accès aux financements européens existants, en se contentant d’injecter 10 milliards d’euros supplémentaires à l’occasion de la révision du budget pluriannuel de l’Union. Or il est dans l’intérêt de l’Union de mobiliser dès maintenant les financements nécessaires à la production de technologies vertes. Le coût de l’inaction sera bien supérieur si nous devons, dans quelques années, importer l’ensemble des composants ou des équipements nécessaires. Je propose, par conséquent, d’augmenter les nouveaux crédits qui abondent le fonds de souveraineté, au moins en les doublant à 20 milliards d’euros. De nouvelles formes de financement, par exemple avec des prises de participations au capital d’entreprises stratégiques, doivent également être développées.

Aussi, nous devons nous assurer que les États membres sont en capacité de soutenir efficacement les secteurs d’avenir. C’est l’objectif des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), qui permettent de soutenir des coopérations industrielles par dérogation aux règles en matière d’aide d’État. Ce dispositif est une réussite. Six PIIEC ont été autorisés par la Commission, sur la micro‑électronique, l’hydrogène et les batteries. Quatre PIIEC sont en cours de notification à la Commission, dont deux pilotés par la France sur le cloud et sur la santé. Les entreprises ont toutefois fait état de lourdeurs administratives et de difficultés à faire aboutir ces projets. Nous devons veiller à la simplicité des procédures applicables, notamment pour favoriser la participation des petites et moyennes entreprises (PME). Les moyens techniques, financiers et humains des services compétents doivent être renforcés en conséquence. Cela concerne aussi bien les États membres, chargés de la notification, que la Commission, chargée de l’instruction des dossiers.

Troisièmement, l’amélioration des régimes d’aide d’État impose également de réfléchir à la pérennisation du cadre temporaire adopté en 2022 par la Commission. Ce dispositif a été créé pour permettre aux pays européens de soutenir leur économie face aux conséquences de la guerre en Ukraine, avant d’être prolongé à trois reprises. La dernière actualisation, en mars 2023, permet aux États membres de soutenir des investissements plus structurels dans l’industrie verte. La France joue un rôle moteur en la matière : elle est à l’origine de ce dispositif et sera la première à l’appliquer. En effet, un crédit d’impôt de 20 à 45 % visant à soutenir l’investissement en faveur des technologies vertes sera présenté sur ce fondement et inscrit dans la prochaine loi de finances. Je regrette néanmoins que ce cadre européen temporaire, désormais orienté vers des objectifs de long terme, expire à la fin de l’année 2025. La Commission gagnerait à le pérenniser pour donner davantage de marges de manœuvre aux États et de visibilité aux investisseurs, à la manière de l’IRA américain qui se déploie sur une décennie.

Pour conclure, nous devons cesser d’avoir la préférence européenne honteuse et faire de la commande publique un levier de souveraineté industrielle. Des dispositifs existent déjà pour favoriser les offres émanant d’entreprises européennes ou contenant des produits européens. C’est le cas pour la défense et les industries de réseau. Je propose de les étendre aux marchés publics visant à l’acquisition de technologies vertes. C’est un premier pas, réaliste et nécessaire, vers un véritable Buy European Act. La France l’appelle de ses vœux mais se heurte encore à des oppositions politiques et idéologiques de certains États membres.

Le projet de loi relatif à l’industrie verte est un point de départ utile pour que notre commission continue à discuter des sujets industriels.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

Mme Constance Le Grip (RE). Le projet de loi relatif à l’industrie verte, déjà adoptée par le Sénat, sera prochainement en discussion à l’Assemblée nationale, d’abord en commission spéciale puis en séance publique. Il est bienvenu que la commission des affaires européennes sur ce texte ait décidé d’un rapport d’information portant observations. L’objectif de construire une nouvelle étape de la réindustrialisation, tout en poursuivant la décarbonation, doit être mis au service d’une ambition européenne partagée. C’est le sens du volet industriel du Pacte vert présenté par la Commission le 1er février 2023, dont il s’agit d’opérer la déclinaison nationale. Les mesures de ce plan visent à soutenir l’industrie dans sa transition écologique et d’apporter une réponse européenne à l’IRA, qui prévoit 369 milliards de dollars de subventions.

Le rapport d’information présenté par M. Charles Sitzenstuhl replace bien dans leur globalité les enjeux européens industriels et la série de défis à laquelle nous faisons face : l’urgence climatique, la résurgence du protectionnisme américain, l’agressivité économique et commerciale de la Chine, la nécessité vitale d’aller à la fois vers la décarbonation et vers la réindustrialisation du continent européen, ainsi que l’ambition d’une souveraineté industrielle pour sortir des dépendances que la guerre en Ukraine a révélé de manière cruelle.

Le groupe Renaissance de l’Assemblée nationale juge les dix propositions que vous présentez pertinentes et utiles, en portant une attention particulière sur deux propositions. D’une part, la quatrième proposition rappelle que la phase transitoire du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est une étape cruciale. Il conviendra certainement d’amender le mécanisme et d’étendre son périmètre aux produits finis et semi-finis. D’autre part, la cinquième proposition appelle toute notre vigilance. Elle vise à intégrer l’ensemble des technologies nucléaires dans la liste des technologies « zéro net » de la proposition de règlement européen pour une industrie « zéro net ». C’est un combat européen essentiel pour les enjeux industriels français.

M. Thibaut François (RN). Pour renforcer l’attractivité et la compétitivité de la France et placer les enjeux climatiques au cœur de son action, le Gouvernement propose de favoriser les projets de réindustrialisation des filières vertes. Le projet de loi relatif à l’industrie verte s’inscrit dans une nouvelle étape de réindustrialisation du pays, afin de faire de la France la championne de l’industrie verte en Europe. Cependant, ces mesures sont essentiellement les redites de mesures antérieures et ne promettent aucune réforme de fond de la politique industrielle du pays. Ce texte, qui est annoncé comme un grand texte du quinquennat, rate largement son ambition. Les mesures de financement sont plutôt indigentes et reposent essentiellement sur des gadgets, comme le « livret avenir climat » à destination des mineurs.

Nous continuons à préconiser le lancement d’un fonds souverain au service des Français qui contribuera au financement de la transition écologique. On peut constater une absence totale de solutions sur le nucléaire en tant que source d’énergie bas carbone, qui a contribué de façon significative à la réduction des émissions de CO2 et à la fourniture d’une électricité fiable, continue et à bas coût. Permettez-moi de citer Mme Élisabeth Borne, qui indiquait le 30 juin 2020 : « Cela fait des années que l’on disait qu’il fallait fermer les centrales nucléaires. Il y a ceux qui en parlent et il y a ceux qui le font. Nous, on le fait. » Voilà une phrase qui aura su marquer un point clef dans la politique et les investissements stratégiques du Gouvernement.


Le Rassemblement national, quant à lui, est pleinement investi dans le combat pour une énergie et un environnement qui soient propres. Ce sujet crucial figure au cœur de notre programme présidentiel et de celui de Marine Le Pen, qui a été la seule à proposer un référendum sur l’environnement. Nous jugeons que les décisions sur ce sujet ne doivent pas être prises contre les peuples. Le Rassemblement national continuera de proposer un projet écologique, innovant et respectueux des identités locales. Nous défendrons toujours le localisme en encourageant les initiatives environnementales aux niveaux régional et local et nous croyons en une approche décentralisée qui permet aux communautés de s’engager activement dans la protection de l’environnement.

Mme Sophia Chikirou (LFI–NUPES). Merci pour ce rapport d’information qui nous permet un premier « tour de chauffe » sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Il nous éclaire, à travers vos dix propositions, sur les manquements que vous avez pu vous-même constater sur le projet de loi qui nous est présenté.

Nous partageons avec vous le tableau des enjeux et des obstacles à lever pour mener une véritable politique industrielle. Tout le monde ici est d’accord pour retrouver notre souveraineté industrielle. Comment ne pas l’être après la crise du Covid, après l’invasion de l’Ukraine et la rupture des relations avec la Russie ou quand l’on constate que, parmi les secteurs stratégiques, les semi-conducteurs sont produits en Asie. Même le Japon annonce la nationalisation de sa principale entreprise du secteur. En matière écologique, je trouve le rapport un peu plus timide. L’urgence est là, et je ne vois pas dans vos propositions de mesures qui permettraient d’agir en conséquence.

Finalement, je suis au regret de vous dire que vous faites le constat des symptômes mais ne dites rien sur les causes. La réalité, que ce soit dans l’Union européenne ou en France, est que l’idéologie libérale fait du libre marché et du productivisme l’alpha et l’oméga de la politique industrielle européenne. Cela conduit à une concurrence à l’intérieur des frontières de l’Union européenne et à des faiblesses face à nos grands concurrents que sont aujourd’hui les États-Unis ou la Chine. Nous sommes donc dans le scénario 4 de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans son rapport sur la transition 2050, qui s’appelle « le pari réparateur » : on continue comme avant en priant pour que la technologie nous sauve. C’est le cas du projet de loi relatif à l’industrie verte et de la politique que mène toujours l’Union européenne.

Je suis plutôt favorable pour ma part au scénario 1 de l’ADEME, un scénario de sobriété qui est certainement le plus efficace puisqu’il prévoit de baisser la consommation, notamment énergétique, et de changer aussi bien les comportements et les organisations que la technologie. Je vais tout de même revenir sur deux aspects de votre rapport.


D’abord, le projet de loi relatif à l’industrie verte aurait dû être l’occasion de soutenir et de préciser le protectionnisme que nous devons appeler de nos vœux avec le Buy European Act. Il aurait également pu faire des propositions pour pallier les failles du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Il est nécessaire d’aborder à la fois le verdissement de l’industrie existante et le développement d’une nouvelle industrie verte, mais on ne peut pas englober les deux. Il faut pouvoir les distinguer pour pouvoir mener des politiques plus adaptées à l’une comme à l’autre.

Pourquoi ne pas recommander de renforcer le mécanisme de contrôle des investissements étrangers dans l’Union européenne en l’élargissant à des critères environnementaux ? Comme vous le savez, je vais présenter tout à l’heure un rapport sur la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises qui doit justement responsabiliser ces dernières tout au long de leur chaîne de valeur, notamment sur l’impact environnemental.

Que pensez-vous, par ailleurs, de l’idée de conditionner les investissements directs étrangers dans l’Union européenne à un contrat d’implantation qui pourrait s’appuyer sur des critères en matière environnementale, sociale et de création d’emplois ? Ce contrat d’implantation est inspiré par M. Xavier Bertrand qui le met en œuvre depuis plusieurs années dans les Hauts-de-France.

Pourquoi ne pas fixer des objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2, et, surtout, pourquoi limiter l’ambition d’une industrie verte à la décarbonation quand des enjeux aussi essentiels que la biodiversité, la pollution, les usages de l’eau, la sobriété foncière et énergétique font aussi partie de l’industrie verte ?

Pourquoi, enfin, ne pas proposer une harmonisation des normes écologiques au niveau européen, notamment dans le secteur agricole, mais surtout en matière d’écoconception ? On a déjà commencé à le faire dans l’Union européenne, mais on pourrait aller beaucoup plus loin et cela participe du verdissement de l’industrie.

Mme Nicole Le Peih (RE). Les termes « industrie verte » sont aujourd’hui entendus dans nos collectivités et dans nos entreprises. On ressent même une attente chez nos concitoyens. Même si l’ambition du fonds européen de dix milliards d’euros n’est sans doute pas suffisante pour répondre à tous les enjeux, comment nos acteurs pourraient-ils mesurer rapidement les progrès réalisés afin de répondre aux besoins de l’industrie verte et, surtout, regagner la confiance de nos concitoyens ?

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur. Je réponds d’abord à la remarque de M. François sur le nouveau livret vert que veut mettre en place le Gouvernement, et que je ne considère pas comme un gadget. On voit bien, même si c’est un débat franco-français, qu’il y a aujourd’hui un surplus d’épargne dans notre pays. De façon contre-intuitive dans une période de forte inflation, toutes les données transmises par la Caisse des dépôts et consignations chaque mois montrent qu’il y a beaucoup d’argent sur les livrets A et le livret de développement durable. Il s’agit donc, avec le livret vert, de proposer à nos concitoyens de continuer à épargner tout en permettant à cet argent de contribuer à la transition écologique. On verra à l’usage si c’est un succès, mais je trouve l’idée intéressante. On pourra en faire un bilan dans quelques années.

Sur le nucléaire, vous avez cité de façon malicieuse les propos de Mme Borne tenus dans un contexte qui était différent. Vous avez bien entendu oublié de dire que nous sommes la majorité qui a fait voter une loi de relance du nucléaire dans notre pays. La position que défend la France à Bruxelles, où le combat est difficile, notamment avec nos amis et partenaires allemands, consiste à défendre l’énergie nucléaire.

Sur le fonds souverain, je ne sais pas si celui que vous appelez de vos vœux est français ou européen, mais je vous précise que le fonds souverain français existe et a été lancé en 2020. C’est le fonds « Lac d’Argent » lancé par Bpifrance pour investir directement dans des entreprises. Sans doute Bpifrance doit-elle le faire connaître davantage et peut-être faudra-t-il un jour un fonds équivalent au niveau européen.

Pour répondre à Mme Chikirou, je suis en désaccord lorsque vous dites qu’il n’y a pas de mesures sur l’écologie. Ce projet de loi ne vise pas la politique écologique dans son intégralité. Il s’agit ici de la politique industrielle, qui est l’un de ses segments les plus complexes. L’objectif de ce texte est d’accompagner la baisse des émissions que pratiquent déjà les entreprises, même s’il y a eu un léger ralentissement du rythme de décarbonation récemment. Tout cela favorise la transition écologique et améliore le bilan carbone de l’industrie.

Concernant les PIIEC qui ont été lancés, la France a été à la manœuvre avec l’Allemagne sur les batteries. Ce PIIEC vise à réduire les émissions du secteur automobile et à faire en sorte que le bilan écologique des batteries soit meilleur, car elles seront produites en Europe et pas à l’autre bout de la Terre.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières européen, qui a mis beaucoup de temps à éclore, est ce qu’il est. Il n’est pas parfait mais il vise aussi à baisser les émissions dans certains secteurs. Concernant la technologie, nous considérons que la créativité et l’inventivité humaines, couplées à la sobriété, nous permettront d’affronter cette crise climatique. Le Gouvernement a appelé il y a quelques mois les citoyens, les collectivités et les entreprises à la sobriété, et cela a provoqué des ricanements sur certains bancs.

Concernant le contrôle des investissements étrangers, il n’était effectivement pas directement dans le champ de ce rapport. La Commission européenne a fait des annonces à ce sujet il y a quelques jours, et cela fait partie du programme de travail de la future Commission. Nous avons en France un dispositif exemplaire depuis près de vingt ans. Les premiers décrets relatifs aux investissements étrangers en France (IEF) ont été pris à la fin du mandat de Jacques Chirac, et ont été complétés lors de la dernière loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE ». Nous avons en France une vision propre des choses, avec des normes qui peuvent être opposées aux entreprises, alors que le mécanisme européen est plus déclaratif. La France va donc logiquement pousser pour que l’on renforce ce dispositif au niveau européen.

Conditionner les investissements étrangers à des normes écologiques est une idée intéressante. Vous avez ensuite mentionné les efforts que devait faire l’industrie en matière de sobriété. En France, nous avons adopté hier en première lecture la loi sur l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). La France est plutôt en avance en matière de sobriété foncière. Par ailleurs, l’écoconception figure déjà dans une proposition de règlement européen.

Mme Le Peih, le résultat des actions engagées se verra dans la baisse des émissions – aussi bien dans le domaine industriel que dans celui des biens de consommation courante. Dans le secteur automobile, par exemple, les constructeurs européens sont engagés depuis au moins cinq ans dans une transition vers de meilleurs bilans carbone. On verra d’ici une dizaine d’années si cette stratégie a été payante ou non.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Vous avez dit à plusieurs reprises que l’Union européenne a longtemps pratiqué une politique de compétitivité au détriment d’une véritable politique industrielle et cela est très fortement rappelé dans le rapport. Je pense que cette excellence européenne tire parti des spécificités anciennes des territoires et des savoir-faire. Cependant, vous notez que cette politique industrielle européenne est « en creux » et constitue un palliatif intéressant en l’absence de véritable politique autonome, notamment au moyen de deux instruments récents : les projets importants d’intérêt européen commun et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Je m’interroge sur les activités les plus intensives en carbone financées par le secteur bancaire. D’un côté, nous refusons l’endettement public pour nous protéger et prévenir les effets dévastateurs du changement climatique, et de l’autre côté, les grandes banques financent l’endettement privé et la poursuite d’activités industrielles qui n’ont aucune autre préoccupation que celle de produire – sans souci pour nos ressources communes limitées.

L'empreinte carbone des six plus grandes banques françaises représente près de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière et cela est également vrai pour l’Union européenne. Comme solution envisageable, je pense que l’information et la transparence des financements seraient nécessaires. L’État doit aussi avoir une stratégie pour influencer les banques pour verdir leurs investissements. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?


M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur. Je rappelle que l’industrie est une compétence d’appui de l’Union européenne. Je pense que l’Union doit monter en puissance sur ce sujet, l’industrie étant une des composantes de la politique économique au sens large. Cela doit être fait pour des questions de cohérence. Les communautés économiques européennes ont commencé par une union douanière. Ensuite il y a une bascule dans les années 1990 avec la monnaie unique à laquelle une majorité d’États de l’Union participe. La France considère qu’il faut une meilleure coordination des politiques économiques. Cela prend toujours beaucoup de temps, comme toujours en Europe, mais sur les dix dernières années nous avons fait des progrès spectaculaires dans ce domaine. Le couple franco-allemand est moteur. En 2019, pour la première fois, les ministres de l’Économie de nos deux pays se sont mis d’accord sur une doctrine autour de la politique industrielle. La France et l’Allemagne ont lancé les premiers PIIEC, notamment celui sur les batteries. Je pense, parce que je crois à la construction européenne, à l’euro et à sa solidité, que notre monnaie commune sera d’autant plus robuste quand nos politiques seront encore mieux coordonnées dans quelques années.

Je partage votre constat sur les activités intensives en carbone et leur lien avec le secteur bancaire. Il peut y avoir des positions très radicales sur ces questions, cependant il faut être réaliste : les secteurs très émetteurs en carbone existent. Des usines, des entreprises, des centaines de milliers d’Européens en vivent. La transition écologique est bien une transition, qui implique que les choses se fassent pas à pas. Le secteur bancaire français dans le domaine du financement de la transition écologique est plutôt exemplaire et en avance. La place de Paris peut toujours s’améliorer, elle est aujourd’hui l’une des places qui a intégré le plus tôt et le mieux la nécessité de réduire progressivement les financements défavorables à l’environnement et de monter en puissance sur ceux qui y sont favorables. Néanmoins, cela prend du temps et je peux comprendre l’impatience de l’opinion à ce sujet.

La commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Le projet de loi relatif à l’industrie verte sera examiné en commission spéciale mardi prochain, le 4 juillet, et sera discuté en séance publique à partir du 12 juillet.

 

 

 


—  1  —

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

 

 

-          M. Alexandre Saubot, président

 

 

-          Mme Morgane Weill, directrice adjointe de cabinet

-          M. Benjamin Buffault, conseiller en charge du Parlement et des élus locaux

 

 

-          M. Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe

-          M. Erwan Kerrand, chef de projet « Investissement et financement public »

-          Mme Solène Metayer, chargée de recherche « Investissement et financement public »

 

 

 


([1])  The Shift Project, Décarboner l’industrie sans la saborder, Plan de transformation de l’économie française, janvier 2022.

([2])  Le secteur de l’industrie de l’énergie recouvre les activités d’extraction, de production, de transformation et de distribution d’énergie, telles la production d’électricité et le raffinage du pétrole.

([3])  Ministère de la transition écologique, Datalab-Climat. Chiffres clés du climat. France, Europe, Monde, édition 2022. Les données utilisées portent, dans la mesure du possible, sur l’année 2019 afin d’écarter les conséquences conjoncturelles de la crise sanitaire sur l’activité économique et sur les émissions industrielles.

([4])  Bornstein A. et Faquet R., La décarbonation de l’industrie en France, Trésor-Éco n° 291, octobre 2021.

([5])  AEE, « Couting the costs of industrial pollution », Briefing, 29 septembre 2021.

([6])  Communication « Le pacte vert pour l’Europe » de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, 11 décembre 2019, COM(2019) 640 final.

([7])  Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.

([8])  Conseil de l’Union européenne, communication à la CNUCC, au nom de l’Union et de ses États membres, relative à l’actualisation de la contribution déterminée au niveau national, 17 décembre 2020.

([9])  Ministère de la transition écologique, Stratégie nationale bas-carbone, mars 2020, p. 111.

([10])  Mini C. et Bordigoni M., « L’Industrie face aux prix de l’énergie. Les marchés européens sont-ils en défaut ? », note de La Fabrique de l’industrie, novembre 2022.

([11])  BusinessEurope, « A call for action to boost competitiveness and create regulatory breathing space », 13 mars 2023.

([12])  Schnabel I., « A new age of energy infllation : climateflation, fossilflation and greenflation », discours pour la conference « La BCE et ses observateurs », 17 mars 2022.

([13])  BMU, GreenTech made in Germany 2021. Umwelttechnik-Atlas für Deutschland, février 2021.

([14])  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », 2023/0081 (COD).

([15])  Assemblée nationale, résolution européenne n° 120 relative à l’énergie nucléaire comme enjeu pour la décarbonation du mix énergétique européen.

([16])  AIE, « Energy Technologies Perspectives 2023 », janvier 2023.

([17])  Direction générale des politiques internes du Parlement européen, L’avenir du secteur automobile européen, octobre 2021.

([18])  Mönnig, A. et al., « Electromobility 2035 : Economic and labour market effects through the electrification of powertrains in passenger cars », Institute for Employment Research, 2019.

([19])  Rapport d’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil pour une industrie « zéro net », document de travail des services de la Commission, SWD(2023) 68 final, p. 102.

([20])  Cohen É. et Lorenzi J.-H., Politiques industrielles pour l’Europe, Conseil d’analyse économique, 2000, p. 66.

([21])  France Stratégie, Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales, Rapport pour l’Assemblée nationale, novembre 2020, p. 104.

([22])  Communication « Inventer demain : la recherche au service du citoyen » de la Commission, 10 juillet 1996, COM(96) 332 final.

([23])  Assemblée nationale, rapport d’information n° 4025 sur l’avenir de la politique industrielle européenne, présenté par Patrice Anato et Michel Herbillon, 25 mars 2021.

([24])  Poitiers N. et Weil P., « Opaque and ill-defined : the problems with Europe’s IPCEI subsidy framework », billet de blog, Bruegel, janvier 2022.

([25])  Communication de la Commission du 30 décembre 2021 sur les critères relatifs à l’analyse de la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État destinées à promouvoir la réalisation de PIIEC (2014/C, 188/02).

([26])  Non-papier de la République tchèque, du Danemark, de la Finlande, de l’Irlande, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, des Pays-Bas, de la Slovaquie, de l’Espagne et de la Suède, « Smart and selective use of the IPCEI instrument », 28 avril 2021.

([27])  Eisl A., Les projets importants d’intérêt européen commun. Une nouvelle forme de différenciation ? Une analyse des enjeux pour le marché unique de l’Union européenne, Institut Jacques Delors, Policy Paper n° 276, avril 2022.

([28])  En France, la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique est compétente pour piloter les PIIEC.

([29])  Rapport sur les dépendances et les capacités stratégiques de l’Union, document de travail des services de la Commission, SWD(2022) 41 final, p. 69.

([30])  Rapport du collège d’experts, « Faire de la France une économie de rupture technologique », 7 février 2020.

([31])  Règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

([32])  L’Heudé W. et al., « Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne », Trésor-Éco n° 280, mars 2021.

([33]) Ibid.

([34])  Rapport d’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, document de travail des services de la Commission, SWD(2021) 643 final, p. 69.

([35])  Charlet V. et al., Emplois industriels menacés par la crise énergétique, le MACF et l’IRA : une estimation, document de travail de La Fabrique de l’industrie, avril 2023.

([36])  Sartor O. et Sourisseau S., La proposition de la Commission européenne sur le MACF : analyse des modalités d’application, février 2022, p. 26.

([37])  Demerztis M. et al., One size does not fil all : European integration by differentiation, Bruegel, septembre 2018.

([38])  Conseil européen, conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013, EUCO 217/13.

([39])  Conseil européen, conclusions du Conseil européen du 23 mars 2023, EUCO 4/23.

([40])  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la plateforme STEP, 2023/0199 (COD).

([41])  Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) n° 2020/2093 du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, 2023/0201 (APP).

([42])  Bouët A., Inflation Reduction Act – Comment l’Union européenne peut-elle répondre ?, CEPII, février 2023.

([43])  Baromètre EY de l’attractivité de la France 2023, « La France devant. Et demain ? », 19 juin 2023.

([44])  Gouvernement, dossier de presse « Industrie verte », mai 2023.

([45])  Guillaume Kasbarian, rapport de mission gouvernementale, « 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles », septembre 2019.

([46])  Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », janvier 2022.

([47])  Conseil d’État, avis n° 407035 sur un projet de loi relatif à l’industrie verte, 11 mai 2023.

([48])  Directive n° 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

([49]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil sur l’attribution de contrats de concession, et directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

([50]) Observatoire économique de la commande publique, Recensement économique des contrats de la commande publique, 2021.

([51]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([52]) Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

([53]) Art. L229-25 du code de l’environnement.

([54]) Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022, dit « Instrument relatif aux marchés publics internationaux – IMPI ».

([55]) Art. L2353-1 et L2353-2 du code de la commande publique.

([56]) Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.