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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2023.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])
sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement
et de l’accession à la propriété
et prÉsentÉ par
MM. Daniel LABARONNE et Charles de COURSON,
Rapporteurs
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La mission d’information est composée de : M. Daniel LABARONNE, rapporteur, M. Charles de COURSON, rapporteur ; MM. Mickaël BOULOUX, Dominique DA SILVA, Joël GIRAUD, François JOLIVET, Mohamed LAQHILA, Mme Karine LEBON, MM. Marc LE FUR, Philippe LOTTIAUX, Sébastien ROME, et Mme Eva SAS, membres.
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SOMMAIRE
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Pages
RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux
I. le logement bÉnéficie d’une variÉtÉ Étendue d’aides publiques qui pÈsent 1,5 % du pib en 2021
A. L’indispensable stabilisation du niveau des aides en faveur du logement
1. Une importante somme de 38,16 milliards d’euros en 2021
2. Une stabilisation des dépenses en faveur du logement à partir de 2010
B. Des dÉpenses en faveur du logement abondantes
2. 13,7 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2021 : une ingéniosité très française
II. La France : un champion europÉen des dÉpenses publiques en faveur du logement
A. Un niveau de dÉpenses sensiblement plus ÉlevÉ que les voisins europÉens
B. Un niveau de prÉlÈvements obligatoires jugÉ À tort ÉlevÉ par la filiÈre
A. Une Évaluation insuffisante
1. Des efforts récents mais insuffisants pour évaluer notamment les dépenses fiscales
2. La faiblesse de la recherche économique consacrée au logement
3. Des données existantes à compléter et insuffisamment exploitées
C. toujours plus d’argent public : une solution ?
2. La dépense publique ne sauvera pas seule le problème du logement !
a. Une pause réglementaire nécessaire
b. L’État ne peut pas tout : l’exemple de la rénovation énergétique
D. changer de méthode : territorialiser les politiques en faveur du logement
1. Des réalités territoriales très différentes
a. Objectiver les besoins réels et remonter les données statistiques
b. Réaliser un diagnostic partagé entre l’État et les acteurs locaux
a. Des compétences aujourd’hui largement décentralisées
b. Les effets positifs de la territorialisation qu’il faut amplifier
3. Aller au bout de la territorialisation
A. le principal poste de dÉpenses publiques en faveur du logement (15,68 milliards d’euros en 2021)
1. Le rôle croissant joué par les aides personnelles au logement
B. un outil qui a fait ses preuves mais dont le risque inflationniste interroge
1. Un taux d’effort limité pour les ménages les plus modestes grâce aux APL
2. Moduler les plafonds de loyers et de revenus selon les territoires
3. Un effet inflationniste en discussion
a. Un effet avéré au moment du bouclage des aides…
b. … qui est confirmé par les dernières études
A. la rÉduction de l’accession À la propriÉtÉ annonce-t-elle la fin du « tous propriÉtaires » ?
B. les principaux dispositifs d’accession sociale À la propriÉtÉ prÉsentent des rÉsultats contrastÉs
1. Une production en net recul pour les prêts conventionnés et le prêt à l’accession sociale
2. Le prêt social location-accession semble en perte de vitesse
3. Accélérer le développement prometteur du bail réel solidaire
1. Le PTZ est un instrument ancien en faveur de l’accession sociale à la propriété
3. Une efficacité en débat : les conclusions critiques de l’évaluation réalisée par l’IGF en 2019
5. Le PTZ doit être conforté durablement et recentré au regard du contexte de taux en forte hausse
A. un soutien public multiforme qui doit être complÉtÉ par de nouvelles ressources propres
1. Des avantages nombreux dont un, en particulier, interroge…
a. Les différentes aides publiques en faveur du logement
b. L’exonération d’impôt sur les sociétés : un dispositif mal ciblé
c. Des alternatives possibles : mettre le paquet sur les bailleurs qui investissent !
2. Un secteur mis à contribution ces dernières années alors que les défis sont nombreux
a. Les mesures d’économies assumées par le monde HLM ont été partiellement compensées
b. Des objectifs qui demeurent ambitieux
3. Des ressources propres à développer
a. Élargir les possibilités de vente de logements sociaux (les logements PLUS de plus de 15 ans)
b. Les difficultés à augmenter les loyers après la rénovation du logement social
c. Le supplément de loyer de solidarité (SLS)
4. Une évaluation du secteur à renforcer
B. l’embolie du parc social : un handicap majeur pour la fluiditÉ du parcours rÉsidentiel
1. Une demande qui augmente et un taux de rotation qui diminue
2. Un traitement de la mobilité aujourd’hui inadapté et trop peu contraignant
b. Des résultats encore insuffisants
3. Un effort à réaliser pour loger les plus précaires
C. Le dÉveloppement du logement intermÉdiaire : un complÉment utile au logement social
2. Des propositions pour accélérer le logement locatif intermédiaire institutionnel
3. Des obligations à faire respecter
IV. Une fiscalitÉ locative À revoir de fond en comble
1. Une revue nécessaire de l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif
a. Le dispositif « Pinel » : une mort programmée
c. L’échec du dispositif « Denormandie »
2. Le dispositif Loc’Avantages : une évaluation attendue
B. Revoir toute la fiscalitÉ locative
1. Le statut du propriétaire bailleur : une hypothèse intéressante mais qui reste coûteuse
2. Les locations meublées : un régime dérogatoire à faire évoluer
a. Les meublés touristiques de courte durée : des avantages fiscaux aujourd’hui inacceptables
b. Le rapprochement des fiscalités de la location nue et meublée de longue durée
3. Envisager une profonde réforme de la fiscalité : la proposition « Mattéi »
A. La participation des employeurs À l’effort de construction (PEEC) repose sur un hÉritage ancien
1. L’organisation du groupe Action Logement
2. De nombreux acteurs interviennent dans le fonctionnement de la PEEC
a. Les aides à l’accession au logement
b. Le soutien au secteur du logement social
c. Le financement du renouvellement urbain et des politiques locales de l’habitat
5. Une allocation des emplois de la PEC qui interroge sur le lien emploi-logement
1. Une augmentation massive des emplois de la PEC depuis 2019
2. Des critiques persistantes sur le coût et la gestion de la PEC
3. Action Logement a apporté des premières réponses aux critiques formulées
D. L’avenir du groupe est confortÉ dans le contexte de la nouvelle convention quinquennale 2023-2027
LISTE DES PERSONNES entendues par la mission d’information
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Alors que le secteur du logement est aujourd’hui marqué par une double crise de la demande et de l’offre, ce rapport vise à dresser un bilan de nombreux dispositifs mis en œuvre et à proposer, au-delà des solutions de court terme, des évolutions structurelles. En effet, les difficultés actuelles du secteur du logement ne pourront être résolues en reconduisant des dispositifs qui n’ont pas démontré l’efficacité de leur contribution à l’objectif fondamental de la politique publique du logement, à savoir permettre à chaque ménage de disposer d’un logement abordable et de qualité.
● Des dépenses publiques en faveur du logement élevées et insuffisamment évaluées
Alors que les dépenses en faveur du logement atteignaient 43,0 milliards d’euros en 2011 pour 2,1 % du PIB, les mesures d’économies réalisées ces dernières années ont permis de stabiliser le niveau des aides au logement à un niveau qui demeure élevé. Ainsi, avec des dépenses en faveur du logement à hauteur de 38,2 milliards d’euros en 2021 soit 1,5 % du PIB selon les données du compte satellite du logement (CSL), qui ne prend toutefois pas en compte les dépenses d’administration ni l’exonération de prélèvements obligatoires portant sur les intérêts des livrets d’épargne réglementée, le logement bénéficie de nombreuses aides publiques. Si les dépenses budgétaires représentent 23,6 milliards d’euros, composées à plus de 85 % de prestations sociales, le poids de dépenses fiscales est de 13,7 milliards d’euros et illustre l’ingéniosité française en matière de dérogations à la norme fiscale.
l’Évolution des dÉpenses publiques en faveur du logement en montant absolu et rapportÉe au produit intÉrieur brut (PIB)
(en millions d’euros)
Source : CSL.
S’il convient d’interpréter avec nuance les données d’Eurostat, dont la comptabilisation des aides personnelles en faveur du logement peut être discutée, la France confirme son statut de championne de la dépense par rapport à ses voisins européens : rapporté au PIB, c’est le troisième pays de l’Union européenne où l’on dépense le plus en faveur du logement (1,3 % du PIB en France en données Eurostat 2021, contre 0,53 % en Italie et 0,45 % en Allemagne). En raison de la diversité des systèmes de comptabilité nationale en ce qui concerne les dépenses publiques pour le logement, un travail d’harmonisation avec les autres pays de l’Union européenne est cependant nécessaire.
Recommandation : Fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement et renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE.
Le poids des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement, d’environ 90 milliards d’euros, ne saurait justifier à lui seul un tel niveau de dépenses publiques. Ce chiffre provenant du CSL ne prend pas en compte la suppression de la taxe d’habitation. Après prise en compte de la suppression de la taxe d’habitation, les prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement n’augmenteraient plus que de 33 % depuis 2010 et de 2 % depuis 2017, c’est-à-dire un peu moins vite que l’ensemble des prélèvements obligatoires (qui augmentent respectivement de 34 % depuis 2010 et 7 % depuis 2017). Par ailleurs, la forte hausse du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) est sans lien direct avec la production de logements. Un consensus semble néanmoins s’établir parmi les experts du logement pour reconnaître une fiscalité plus lourde en France que dans les pays voisins européens, le niveau élevé de la fiscalité sur le logement conduisant en parallèle à recourir davantage à des dépenses fiscales.
Si un niveau de dépenses publiques élevées n’est pas critiquable en soi, l’attention portée à leur efficacité doit être d’autant plus exigeante. Pourtant, des dépenses fiscales significatives n’ont fait l’objet d’aucune évaluation ces dernières années et leur pilotage est défaillant. Malgré des efforts récents, un manque étonnant d’études et de recherches économiques sur logement peut être constaté.
Recommandations :
– Renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA).
– Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques.
Le constat d’une recherche insuffisamment développée est paradoxal, dans la mesure où les données à disposition des chercheurs, en dehors des données à caractère fiscal, sont relativement nombreuses. L’accès à la donnée pourrait néanmoins être encore facilité afin d’encourager les travaux de recherche et le développement de la connaissance sur le secteur du logement. On peut également regretter que la dernière Enquête Logement réalisée par l’INSEE date de 2013 : si les résultats d’une nouvelle enquête devraient être prochainement publiés, le délai entre deux enquêtes est trop long pour permettre un suivi fin des évolutions.
Recommandation : Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement.
Malgré une dépense publique élevée en faveur du secteur logement, les résultats sont contrastés : si la qualité des logements s’améliore, le coût du logement est de plus en plus élevé pour les ménages et représente environ 28 % de leur consommation en 2021 contre 20 % en 1990.
part de la consommation des mÉnages
consacrÉe aux diffÉrents postes de dÉpenses
Source : INSEE, comptabilité nationale.
Entre 2001 et 2013, le taux d’effort des ménages en matière de logement est passé de 16,1 % à 18,3 %. Toutefois, la France ne fait pas mauvaise figure sur ce plan par rapport à ses voisins européens : le taux de surcharge (nombre de ménages dont le taux d’effort pour le logement est supérieur à 40 %) est l’un des plus faibles de l’Union européenne.
Au regard de l’argent public investi, les objectifs de la politique du logement doivent également être interrogés. Ainsi, la bonne santé du logement en France a longtemps été évaluée à l’aune de la construction. La France est le pays de l’OCDE où le nombre de logements par habitant est le plus important et où l’augmentation du nombre de logements est également la plus rapide sur la dernière décennie.
Nombre de logements pour 1 000 habitants en 2020
et Évolution moyenne du nombre de logements entre 2011 et 2020
Source : Pierre Madec (données OCDE).
Cette situation peut s’expliquer notamment par la croissance de la population française et par un phénomène de décohabitation croissante (la taille des ménages est en moyenne de 2,19 habitants en 2019 contre 3,08 habitants en 1968). Cependant, le nombre important de nouvelles constructions ne suffit pas à répondre à la demande de logements et à détendre la pression sur le marché immobilier dans un certain nombre de zones. Le taux de résidences principales dans le parc diminue ainsi continuellement depuis 2005. Le nombre de logements vacants a augmenté de 55 % entre 2005 et 2021. En 2022, 30,74 millions de logements correspondent à des résidences principales, 3,69 millions à des résidences secondaires et logements occasionnels et 3,12 millions à des logements vacants. Les efforts réalisés pour lutter contre la vacance en zone tendue (instauration d’une taxe sur les logements vacants) comme en zone détendue doivent être renforcés. De 2000 à 2022, ce sont près de 390 000 logements individuels et collectifs qui ont été mis en chantier chaque année, ce qui représente à peine plus de 1 % du parc existant (lequel comprend 37,6 millions de logements au 1er janvier 2022) et approximativement le nombre de logements devant faire l’objet d’une rénovation globale chaque année. La construction neuve ne constitue donc qu’une partie de la problématique du logement. La rénovation du bâti devient, à l’inverse, un enjeu majeur.
Recommandation : Fixer comme objectif prioritaire d’une politique de logement la remise sur le marché immobilier des logements vacants, en accession à la propriété ou à la location.
Les outils budgétaires et fiscaux sont souvent considérés comme les premiers outils pour régler des difficultés. Or, bien souvent, la réglementation, qui obéit à des objectifs propres, pèse fortement sur le coût du logement, avec des répercussions indirectes sur les politiques mises en œuvre : c’est par exemple le cas de la politique de « zéro artificialisation nette » ou de la réglementation environnementale. Il est nécessaire aujourd’hui de respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.
Recommandation : Respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.
En outre, si la politique du logement demande des financements, il est aujourd’hui nécessaire de mobiliser davantage les capitaux privés, notamment dans le cas des travaux de rénovation énergétique. L’éco-PTZ reste aujourd’hui trop peu utilisé, même si les émissions ont fortement augmenté depuis 2018 : seuls 82 000 prêts ont été émis en 2022. Les contraintes liées aux plafonds de ressources du prêt avance rénovation, dans la continuité des conclusions du conseil national de la refondation sur le logement, devraient par exemple être supprimées afin d’encourager une meilleure diffusion de ce dispositif utile.
Recommandation : Supprimer les conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation.
Enfin, face à l’ensemble de ces difficultés, un changement de méthode paraît pertinent. Un approfondissement de la territorialisation de cette politique permettrait de mieux prendre en compte les réalités locales et d’adapter les dispositifs aux besoins identifiés sur le terrain, par exemple en matière de révision des zonages où une large liberté d’action pourrait être laissée aux collectivités territoriales.
Recommandation : Dans le cadre des réflexions visant à réviser les zonages, qui doivent aboutir au plus vite, permettre aux acteurs locaux d’adapter la cartographie des zonages à leur territoire, à coût budgétaire constant pour l’État.
L’avenir de la politique du logement s’inscrit dans une déclinaison territoire par territoire de ses dispositifs. La réussite des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) et des programmes d’intérêt général (PIG) en matière de rénovation du bâti, dans le cadre de contrats des collectivités territoriales avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’État – la part des aides de l’ANAH ([2]) attribuées en secteur programmé représente 68 % du montant des aides totales de l’ANAH et 58 % des dossiers traités –, montre tout l’intérêt de poursuivre dans cette voie. Il faut encourager les acteurs locaux à s’emparer des dispositifs déjà existants.
Par ailleurs, les représentants des élus font part de lacunes, voire de difficultés à obtenir certaines données qui freinent leur capacité d’action en la matière. Enfin, il pourrait être intéressant d’envisager de renforcer les pouvoirs des collectivités en coopération étroite avec les services de l’État. Plutôt que de déléguer de façon uniforme sur l’ensemble du territoire de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, il s’agirait de donner davantage de marges de manœuvre à celles qui le souhaitent pour moduler ou expérimenter des dispositifs.
Recommandations :
– Améliorer et fiabiliser les outils d’estimation des besoins en matière de logement ainsi que la transmission des données aux acteurs locaux.
– Expérimenter un pouvoir de dérogation des collectivités territoriales relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux de la politique du logement.
● Au regard de la multiplicité des dispositifs engagés en faveur du logement, le choix d’étudier cinq aspects de la politique publique
Au regard du périmètre large de la mission d’information, qui ne pouvait prétendre à l’exhaustivité, les rapporteurs ont souhaité se concentrer sur cinq pans de la politique publique du logement.
Les APL : un dispositif incontournable dont l’effet inflationniste interroge
Les aides personnelles au logement (APL), qui atteignent en 2021 un montant de 15,7 milliards d’euros, représentent plus de 40 % des dépenses publiques en faveur du logement en France pour plus de 6 millions de ménages bénéficiaires.
Après une hausse constante du niveau des aides personnelles au logement depuis les années 1990, plusieurs réformes ont été mises en œuvre pour contenir l’augmentation spontanée de leur coût : au total, les réformes mises en œuvre depuis 2017 permettront d’économiser 4 milliards d’euros d’aides au logement par an à partir de 2024 (3,756 milliards d’euros en 2022), soit près du quart du montant des aides versés en 2016. Malgré leur coût, les APL sont des aides nécessaires qui permettent de limiter le taux d’effort des ménages les plus modestes.
Part des mÉnages du premier quintile (20 % des ménages les plus pauvres) dont le loyer reprÉsente plus de 40 % des revenus (overburdened renters)
Source : FMI d’après les Statistiques de l’enquête sur le revenu et les conditions de vie de l’UE (EU-SILC)
En outre, les APL en faveur des étudiants représentent actuellement une dépense de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an, soit 9 % du total des dépenses d’APL. Alors que les APL sont normalement calculées de manière progressive suivant le niveau de revenu et de loyer pris entre des planchers et plafonds, les étudiants bénéficient d’un traitement dérogatoire : tous les étudiants sont éligibles indépendamment de leurs revenus propres ou de celui de leur foyer fiscal. Il est aujourd’hui contestable que les étudiants, dont les parents ont des revenus confortables et les soutiennent financièrement, bénéficient des APL tout en permettant à leurs parents de bénéficier d’un avantage fiscal (demi-part ou part fiscale). La réforme des APL pour les étudiants issus de familles aisées, plusieurs fois mise sur le métier, doit aujourd’hui aboutir pour des raisons d’équité.
Recommandation : Rendre obligatoire le choix entre l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour leurs enfants étudiants.
En outre, la territorialisation des aides peut se décliner concrètement dans les APL par une modulation des plafonds de loyers plus fine que celle proposée par le zonage 123.
Recommandation : Territorialiser à l’échelle intercommunale les plafonds de loyers des aides personnelles au logement.
Le risque inflationniste, qui semble être confirmé par les dernières études, conduit à interroger la revalorisation automatique des aides en fonction de l’indice de référence des loyers, même s’il convient d’être très prudent pour ne pas pénaliser les ménages les plus modestes.
Alors que le PTZ va être recentré en 2024, la question de la relance de l’accession sociale à la propriété doit être posée
L’accession sociale à la propriété, qui vise à permettre aux ménages aux revenus modestes d’acheter leur résidence principale et de devenir propriétaire à des conditions avantageuses, semble aujourd’hui en panne : le taux de propriétaires occupants, de 57,4 % en 2022, ne progresse plus depuis dix ans, alors qu’environ 80 % des Français sont ou souhaitent devenir propriétaires de leur logement.
Ainsi, malgré la difficulté croissante pour les ménages, notamment les plus modestes, d’obtenir des prêts bancaires, la propriété reste un objectif attractif pour de nombreux Français alors que le marché locatif ne peut absorber seul la forte augmentation de la demande.
Si les effets de mesures récentes, comme la suppression de l’APL « accession » en 2018, semblent avoir eu des effets sur la progression du parcours résidentiel des ménages les plus modestes, les dispositifs en faveur de l’accession sociale à la propriété ne manquent pas. En effet, alors que le prêt à l’accession sociale (PAS) et le prêt social location-accession (PSLA) sont moins sollicités qu’auparavant, le bail réel solidaire (BRS) est un dispositif prometteur dont il convient d’accompagner la montée en charge en rehaussant ses plafonds de ressources.
Recommandation : Développer le bail réel solidaire en révisant à la hausse les plafonds de ressources.
Le prêt à taux zéro (PTZ) a pour objectif d’aider des ménages à revenus modestes ou moyens à acquérir leur premier logement, à la condition que leurs opérations contribuent à développer ou améliorer le parc de logements. C’est aujourd’hui la principale dépense de l’État en matière d’accession sociale à la propriété, avec environ 839 millions d’euros en 2022 selon les données de la SGFGAS.
Ce dispositif, dont les effets sur la primo-accession des ménages modestes font l’objet de débats, présente néanmoins un intérêt dans le contexte actuel de taux d’intérêt élevés. Sa prolongation annoncée est donc bienvenue, même si le recentrage également prévu semble nécessaire afin d’éviter l’augmentation insoutenable de son coût.
Le soutien au logement social, plus nécessaire que jamais, doit être réformé pour répondre à des besoins croissants
Le parc social doit permettre aux ménages modestes de se loger pour un coût abordable. Représentant 16 % des résidences principales, il permet de loger 11 millions de personnes. Plus de 6 milliards d’euros étaient consacrés au secteur social en 2021, ce qui représente environ 16 % des dépenses publiques en faveur du logement.
Avec 4,2 milliards d’euros, les dépenses fiscales constituent le premier poste de dépense publique en faveur des organismes de logement social (OLS) pour leur activité relative au logement locatif social (LLS). Au titre de ces dépenses fiscales, les rapporteurs soutiennent la recommandation de l’USH visant à ouvrir le bénéfice du régime d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de longue durée (25 et 30 ans) aux opérations dites de « seconde vie », qui permettent de donner un nouveau cycle à des bâtiments de plus de 40 ans en leur redonnant des propriétés équivalentes à celles du neuf.
Recommandation : Étendre le bénéfice de l’exonération de TFPB bénéficiant au LLS au dispositif « Seconde vie ».
Parmi toutes les dépenses fiscales au bénéfice du LLS, une seule n’est pas liée à l’activité productive des bailleurs sociaux et bénéficie à l’ensemble des acteurs, y compris les organismes investissant peu : l’exonération d’impôt sur les sociétés (IS). Ainsi, selon l’ANCOLS, les deux tiers des organismes ne prendraient pas la part qu’on peut attendre d’eux dans la construction neuve au regard de leur poids dans le parc actuel. Or, la seule justification de l’exonération d’IS repose dans le renforcement des fonds propres pour permettre d’investir davantage. Il est plus que nécessaire de soutenir l’investissement des bailleurs alors que le coût des nouvelles opérations est en forte croissance. Une large concertation doit aujourd’hui être menée sur le sujet.
Recommandation : Supprimer l’exonération d’IS dont bénéficie le secteur social et compenser cette suppression pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus (subventions, crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement, modulations des cotisations CGLLS).
En contrepartie des aides perçues, le logement social a assumé une part importante des économies réalisées par le secteur du logement ces dernières années. Ainsi, le « pacte constructif » du 24 avril 2019 a revu à 1,3 milliard d’euros l’objectif d’économie budgétaire annuelle sur la période 2020-2022 supportée par les bailleurs sociaux au titre de la réduction de loyer de solidarité (RLS) mise en œuvre à partir du 1er février 2018.
En parallèle, les objectifs d’agrément de nouveaux logements sociaux restent élevés alors que les résultats constatés demeurent en deçà des objectifs fixés depuis plusieurs années. La crise sanitaire de 2020 a constitué un point de bascule avec un nombre d’agréments tombé sous la barre des 100 000, les territoires les plus tendus étant particulièrement touchés. Avec 63 378 logements mis en service en 2021, un niveau qui n’avait pas été observé depuis plus de dix ans vient d’être atteint.
Aujourd’hui, les OLS doivent impérativement développer leurs recettes propres pour atteindre ces objectifs, dans un contexte financier fortement dégradé. Si le secteur HLM aborde la crise dans une situation financière robuste – son autofinancement global atteignant 18,4 % des revenus locatifs en 2020 selon les données de la Banque des territoires –, il doit faire face aujourd’hui à des défis majeurs avec notamment la hausse du taux du livret A qui a des conséquences importantes sur la charge de sa dette.
À ce titre, les rapporteurs estiment qu’il devrait être possible d’augmenter encore le nombre de logements sociaux vendus chaque année en offrant la possibilité de ventes en bloc de logements PLUS détenus depuis plus de 15 ans, ainsi qu’en envisageant, de façon plus systématique, en cas de rénovation, le recours à la troisième ligne ou à la hausse de loyer (a minima dans les PLUS et les PLS). Dans les dernières opérations de rénovation, environ un quart seulement des bailleurs sociaux aurait fait usage du dispositif de la troisième ligne.
Recommandations :
– Étendre la possibilité de vente en bloc des logements sociaux aux PLUS ;
– En cas de rénovation énergétique, systématiser le partage des économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire par une hausse du loyer.
En outre, une tension de plus en plus manifeste s’exerce aujourd’hui sur le logement social et entrave la fluidité des parcours résidentiels. Selon les estimations récentes de l’ANCOLS, ce sont près de 200 000 à 250 000 personnes qui demandent un logement social chaque année et ne voient pas leur requête satisfaite.
indicateur de performance 1.1.2 « taux de mobilitÉ dans le parc social »
du programme 135 Urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat
Source : Rapports annuels de performances du programme 135.
L’indicateur correspond au ratio du nombre d’emménagements dans les logements locatifs proposés à la location en service depuis au moins un an sur le nombre de logements locatifs loués ou proposés à la location depuis au moins un an.
Le risque est aujourd’hui d’assister à une véritable embolie du secteur HLM avec une fermeture progressive du parc social aux nouveaux entrants. Sans qu’il soit question de bouleverser le modèle « universaliste » du logement social qui inclut des objectifs de mixité sociale, le statu quo n’est plus possible.
Alors que les efforts de mixité sociale dans le parc locatif social ne sont pas respectés, puisqu’environ 16 % des attributions hors QPV bénéficient à des ménages du premier quartile contre une cible fixée à 25 %, il est nécessaire d’inciter les ménages du parc locatif social les plus aisés à en sortir.
Recommandation : Renforcer les incitations à quitter leur logement social pour les ménages les plus aisés qui en sont bénéficiaires :
– en baissant à 120 % du plafond PLS le seuil au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (contre 150 % aujourd’hui) ;
– en fixant le supplément de loyer de solidarité (SLS) en fonction de l’écart entre le prix de marché et le plafond de loyer ;
– en baissant le seuil de déclenchement du SLS (100 % des plafonds PLUS et PLS au lieu de 120 %) ;
– en supprimant l’exonération du SLS dans les ZRR.
Enfin, la priorité doit être donnée au logement locatif intermédiaire (LLI) institutionnel, qui permet de proposer une offre locative située entre le parc social et le marché libre dans les zones tendues où les loyers de marché sont nettement supérieurs aux plafonds de loyers du logement social (PLS). La dynamique observée depuis 2014 doit être prolongée.
Source : DHUP.
Avec des plafonds de loyers inférieurs de 10 à 15 % aux prix moyens du marché, le LLI est indispensable pour accompagner les ménages dans leur parcours résidentiel.
Recommandation : Favoriser le développement du LLI institutionnel en assouplissant le cadre réglementaire et en ouvrant son financement à l’épargne des particuliers.
Toutefois, le logement locatif intermédiaire ne fait pas l’objet d’un contrôle propre, contrairement au logement locatif social. Il n’existe aujourd’hui aucune donnée disponible sur les revenus des locataires à la suite de leur entrée dans le logement. Le développement du LLI par la levée des contraintes a priori doit avoir pour contrepartie le renforcement du contrôle du respect des plafonds de loyer et des plafonds de revenus par les bailleurs.
Recommandation : Formaliser un cadre de contrôle des obligations qui incombent au logement locatif intermédiaire institutionnel.
Une révision de l’intégralité de la fiscalité locative s’impose
L’investissement locatif fait l’objet de nombreuses dépenses fiscales, pour une dépense de près de 2,2 milliards d’euros en 2022. La plupart de ces dispositifs présentent des résultats perfectibles au regard de leur coût.
Lors de la conclusion du conseil national de la refondation portant sur le logement, la Première ministre a annoncé que le dispositif « Pinel » ne serait pas prolongé au-delà du 31 décembre 2024. Bien que cette nouvelle soit difficile à accepter pour la filière, cette décision est la bonne : le coût du « Pinel » est aujourd’hui trop élevé par rapport à l’efficacité du dispositif, notamment si on le compare aux dispositifs poursuivant des objectifs semblables (logements PLS, LLI).
Recommandation : Ne pas remettre en cause la suppression du dispositif « Pinel » qui arrive à expiration au 31 décembre 2024.
Aujourd’hui, il faut oser des mesures plus audacieuses et revoir dans son ensemble la fiscalité locative. Le statut du propriétaire bailleur privé, proposition émise par la Fédération française du bâtiment (FFB) et reprise par l’ensemble de la filière, vise à simplifier la fiscalité locative. L’idée est de remplacer l’ensemble des dépenses fiscales favorisant la location des logements par un mécanisme simple et lisible relevant d’un régime de droit commun. Les réflexions autour de ce statut sont cependant à poursuivre, tant son coût pourrait être élevé.
En outre, les avantages dont bénéficient les meublés touristiques de courte durée dans les zones tendues et littorales par rapport aux logements mis en location de longue durée ne sont plus acceptables au regard de l’attrition de l’offre de logements dans certains territoires. La réglementation mise en œuvre n’est pas suffisante : l’enjeu est d’éviter que les locations de longue durée disparaissent au profit de locations touristiques. Les travaux ouverts par la Première ministre doivent absolument aboutir à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
Recommandation : Aligner les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée.
Conforter le groupe Action Logement au regard des missions de plus en plus diverses qui lui sont assignées
Le groupe paritaire Action Logement, créé en 2017, est aujourd’hui le collecteur unique de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), aussi connue sous le nom de « 1 % logement », qui représentait 1,62 milliard d’euros en 2021.
Le principe de la PEEC est simple : les employeurs occupant au moins cinquante salariés doivent consacrer des sommes au financement d’actions dans le domaine du logement, soit sous la forme d’un versement représentant 0,45 % de leur masse salariale, soit en investissant directement en faveur du logement de leurs salariés.
Si la PEEC fait l’objet de critiques régulières sur son coût et la pertinence de ses emplois, la mise en œuvre de la convention quinquennale 2018-2022 par le groupe Action Logement est globalement satisfaisante alors que les emplois de la PEEC s’élèvent à un niveau inédit : plus de 24 milliards d’euros sur la période en incluant les avenants à la convention.
Action Logement, qui distribue des aides à l’accession au logement, soutient le secteur du logement social et les politiques de renouvellement urbain, est devenu un acteur incontournable de la politique publique du logement. Toutefois, le groupe propose désormais de nombreux dispositifs qui ne bénéficient pas seulement aux salariés des entreprises contributrices, remettant en question le lien emploi-logement au fondement de la PEEC.
Recommandation : Engager une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la PEEC sur les besoins des entreprises contributrices en matière de logement de leurs salariés.
La nouvelle convention quinquennale 2023-2027, signée avec six mois de retard, mobilise 14,4 milliards d’euros et conforte le rôle d’Action Logement dans un contexte dans lequel l’augmentation des taux rend la situation financière du groupe et du mouvement HLM complexe.
La PEEC doit être préservée comme ressource dédiée au logement. La décentralisation de sa collecte ne paraît pas pertinente à ce stade. Enfin, il convient de préserver la gouvernance paritaire du groupe et d’affirmer le rôle des partenaires sociaux en matière de définition des emplois de la PEEC.
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RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux 1°) Fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement et renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE. 2°) Renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA). 3°) Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques. 4°) Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement. 5°) Fixer comme objectif prioritaire d’une politique de logement la remise sur le marché immobilier des logements vacants, en accession à la propriété ou à la location. 6°) Respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires. 7°) Supprimer les conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation. 8°) Dans le cadre des réflexions visant à réviser les zonages, qui doivent aboutir au plus vite, permettre aux acteurs locaux d’adapter la cartographie des zonages à leur territoire, à coût budgétaire constant pour l’État. 9°) Améliorer et fiabiliser les outils d’estimation des besoins en matière de logement ainsi que la transmission des données aux acteurs locaux. 10°) Expérimenter un pouvoir de dérogation des collectivités territoriales relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux de la politique du logement. 11°) Rendre obligatoire le choix entre l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour leurs enfants étudiants. 12°) Territorialiser à l’échelle intercommunale les plafonds de loyers des aides personnelles au logement. 13°) Développer le bail réel solidaire en révisant à la hausse les plafonds de ressources. 14°) Étendre le bénéfice de l’exonération de TFPB bénéficiant au LLS au dispositif « Seconde vie ». 15°) Supprimer l’exonération d’IS dont bénéficie le secteur social et compenser cette suppression pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus (subventions, crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement, modulations des cotisations CGLLS). 16°) Étendre la possibilité de vente en bloc des logements sociaux aux PLUS ; 17°) En cas de rénovation énergétique, systématiser le partage des économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire par une hausse du loyer. 18°) Renforcer les incitations à quitter leur logement social pour les ménages les plus aisés qui en sont bénéficiaires : – en baissant à 120 % du plafond PLS le seuil au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (contre 150 % aujourd’hui) ; – en fixant le supplément de loyer de solidarité (SLS) en fonction de l’écart entre le prix de marché et le plafond de loyer ; – en baissant le seuil de déclenchement du SLS (100 % des plafonds PLUS et PLS au lieu de 120 %) ; – en supprimant l’exonération du SLS dans les ZRR. 19°) Favoriser le développement du LLI institutionnel en assouplissant le cadre réglementaire et en ouvrant son financement à l’épargne des particuliers. 20°) Formaliser un cadre de contrôle des obligations qui incombent au logement locatif intermédiaire institutionnel. 21°) Ne pas remettre en cause la suppression du dispositif « Pinel » qui arrive à expiration au 31 décembre 2024. 22°) Aligner les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée. 23°) Engager une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la PEEC sur les besoins des entreprises contributrices en matière de logement de leurs salariés. |
Les difficultés actuelles du secteur du logement, marqué par une double crise de la demande (augmentation rapide des taux d’intérêt sans baisse suffisante des prix de l’immobilier) et de l’offre (rareté du foncier, coût élevé de la construction lié à la réglementation et à l’inflation du prix des matériaux), sont réelles. Ce rapport d’information vise moins à apporter des réponses conjoncturelles qu’à faire le bilan de l’ensemble des dispositifs mis en œuvre en faveur du logement depuis plusieurs décennies et à proposer certaines évolutions structurelles de long terme : répondre à la crise du logement ne doit pas conduire à poursuivre des dispositifs qui n’ont pas prouvé leur efficacité et ont parfois même été contre-productifs au regard des objectifs fondamentaux assignés à la politique du logement, à savoir permettre à chaque ménage de disposer d’un logement de qualité et abordable.
Les enseignements de la mission d’information sont clairs : encore insuffisamment évaluée, malgré des efforts récents, la politique du logement coûte cher à la France pour des résultats qui, sans être catastrophiques, ne sont pas à la hauteur des investissements consentis. Des économies ont été réalisées ces dernières années sur le secteur du logement. Les efforts doivent être poursuivis : non pas nécessairement pour moins dépenser, mais pour mieux dépenser et dépenser autrement. La territorialisation de la politique du logement paraît en ce sens indispensable.
Après avoir dressé un panorama des aides publiques en faveur du logement et rappelé les principaux constats relatifs à la performance de la politique publique (partie I), le présent rapport aborde différents dispositifs et aspects de la politique du logement (partie II) qui couvrent la majeure partie des dépenses en faveur du logement : les aides personnelles au logement, les dispositifs d’accession sociale à la propriété, le logement social, les dépenses fiscales de soutien à la location et enfin le groupe Action Logement. Le rapport, sans viser l’exhaustivité – certaines problématiques majeures telles que le logement en Outre-mer ou le soutien public à la rénovation thermique des logements des particuliers n’ont pas été traitées, parce que de très nombreuses évaluations, notamment parlementaires, portent sur le sujet ([3]) –, couvre dans les faits la majeure partie des politiques publiques en faveur du logement.
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Partie I : les dÉpenses publiques en faveur du logement : un niveau ÉlevÉ pour des rÉsultats insuffisamment ÉvaluÉs et une efficacitÉ d’ensemble douteuse qui appellent À un changement de mÉthode
Les dépenses publiques pour le logement sont nombreuses et diverses : aides budgétaires, aides financières (avantages de taux), dépenses fiscales. Le niveau de dépenses en faveur du logement, dont le niveau a été stabilisé ces dernières années, paraît relativement élevé par rapport aux autres pays européens même si des études complémentaires devraient être réalisées par les administrations centrales pour objectiver cet état de fait. Le niveau des prélèvements obligatoires portant sur le logement, jugé élevé par la filière, ne peut justifier des dépenses publiques dont l’efficacité doit par principe être démontrée.
Si les résultats sont loin d’être catastrophiques, la politique du logement ne semble pas enregistrer des résultats à la hauteur des investissements consentis et qui demeurent bien trop peu évalués. La politique du logement est aujourd’hui à un tournant où la méthode comme les objectifs doivent être profondément transformés.
I. le logement bÉnéficie d’une variÉtÉ Étendue d’aides publiques qui pÈsent 1,5 % du pib en 2021
Le compte satellite du logement (CSL) constitue une source de données précieuse pour suivre la situation du logement en France. Fondé sur un système de comptabilité additionnelle et exhaustive, cohérente avec les règles d’enregistrement propres à la comptabilité nationale, le CSL permet de suivre au cours du temps :
– la dépense totale en faveur du logement (dépenses courantes et dépenses d’investissement) ;
– la place du logement dans l’économie nationale ;
– le parc de logements, en précisant les différents modes d’occupation.
Outre le chiffrage de l’activité immobilière et des loyers dits « imputés » ([4]), le compte satellite du logement permet de retracer l’effort de l’ensemble des agents économiques en faveur du logement depuis 1984, et notamment les dépenses publiques. L’ensemble des séries de données sont publiques ([5]). Un rapport du CSL publié chaque année à l’automne permet de donner une vision macroéconomique synthétique et pédagogique de l’année passée.
Les rapporteurs sont partis des données du compte satellite du logement pour retracer les dépenses en faveur du logement versées aux agents économiques (ménages et entreprises) sans retraitement des données. Il convient cependant d’indiquer que ne sont pas comptabilisées dans le compte satellite du logement les dépenses d’administration de la politique du logement, c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement et d’investissement du ministère en charge de la politique du logement et des opérateurs en charge de sa mise en œuvre, ainsi que les coûts de gestion des différentes aides.
Par ailleurs, le calcul des dépenses publiques en faveur du logement par le CSL n’est pas identique à la comptabilité budgétaire des lois de finances : à titre d’exemple, les prêts à taux zéro (PTZ) sont calculés à partir de l’avantage de taux dont bénéficient les particuliers et non du crédit d’impôt dont bénéficient les banques qui commercialisent les PTZ et qui constitue une dépense fiscale.
L’exonération de prélèvements obligatoires portant sur les intérêts des livrets d’épargne réglementée qui bénéficient au logement social (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire) n’est pas prise en compte dans le CSL alors que cette exonération rend attractif ces placements. Le fonds d’épargne peut ainsi répondre aux besoins de financement du logement social, étant rappelé qu’une partie seulement du fonds d’épargne est consacrée au logement social ([6]). Si le CSL prend bien en compte un coût « public » relatif à l’épargne populaire, son raisonnement est inverse : il considère que les ménages participent au financement du logement social (302 millions d’euros en 2021) en obtenant une rémunération inférieure aux taux du marché.
Enfin, les garanties bénéficiant au logement social (garanties locales, garanties de la Caisse de garantie du logement locatif social – CGLLS) ou des différents prêts permettant l’accession à la propriété (garanties accordées par la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété – SGFGAS) ne sont pas prises en compte dans le calcul du CSL.
A. L’indispensable stabilisation du niveau des aides en faveur du logement
Les dépenses en faveur du logement atteignent 38,16 milliards d’euros en 2021, ce qui représente environ 1,5 % du PIB. En ordre de grandeur, elles s’élèvent à un montant total comparable à un dixième des dépenses du budget de l’État.
1. Une importante somme de 38,16 milliards d’euros en 2021
Après avoir connu une hausse importante de 1990 au début des années 2000, avec un sommet atteint en 2011 (43,02 milliards d’euros soit 2,1 % du PIB), le niveau des dépenses publiques en faveur du logement s’est stabilisé à un niveau élevé.
l’évolution des dépenses publiques en faveur du logement en montant absolu et rapportée au produit intérieur brut (PIB)
(en millions d’euros)
Source : CSL.
L’ensemble des prestations sociales accordées aux ménages représente près de 53 % du total des dépenses publiques en faveur du logement. Les dépenses fiscales représentent 36 % du total (30,4 % au bénéfice des producteurs de logements et 5,5 % au bénéfice des ménages).
répartition des aides au logement par contributeur
(hors subvention d’exploitation)
Source : CSL
Si l’État est le principal contributeur aux aides publiques au logement, les employeurs contribuent également à hauteur de 14 % via Action Logement grâce au produit de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et aux cotisations versées au Fonds national d’aide au logement (FNAL) pour le financement des aides personnelles au logement (2,6 milliards d’euros en 2021). Les collectivités territoriales portent également une partie des prestations sociales et le poids des exonérations de taxe foncière (1,228 milliard d’euros en 2021), partiellement compensé par l’État.
2. Une stabilisation des dépenses en faveur du logement à partir de 2010
L’accélération de la hausse des dépenses en faveur du logement de 2004 à 2010 (avec un taux de croissance annuel des dépenses de 8 % par an) est principalement due à la forte hausse des avantages fiscaux, dont le niveau a doublé en six ans (de 7 à 14 milliards d’euros).
Les dépenses éligibles au taux de TVA réduit pour les travaux d’entretien et d’amélioration ont été élargies, ce qui a eu pour effet de faire passer le coût de cette dépense fiscale de 3,973 milliards d’euros en 2004 à 7,340 milliards d’euros en 2009. Par ailleurs, le crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) a été créé en 2005. Enfin, une déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier a été applicable aux achats immobiliers intervenus entre 2007 et 2010 (coût de 2 milliards d’euros en 2012). L’OCDE a rappelé lors des auditions l’inefficacité de ce dispositif des intérêts d’emprunts, qui profite davantage aux ménages les plus favorisés et participe à l’augmentation des coûts du foncier ([7]).
Les dépenses publiques en faveur du logement se stabilisent ensuite de 2010 à 2016 : la progression continue des prestations sociales, en particulier des aides personnelles au logement, compense le repli des subventions d’investissement (notamment celles liées aux prêts pour le logement social) et des avantages de taux dans un contexte de baisse des taux d’intérêts.
Une baisse significative est enregistrée de 2017 à 2019 (baisse moyenne de – 3,7 % par an), notamment portée par le logement social : la baisse du montant alloué aux aides personnelles au logement est liée à la mise en œuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS) à partir de 2018. La baisse d’environ 900 millions d’euros des dépenses fiscales entre 2016 et 2019 est à rapporter à la décélération rapide du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) et la restriction des taux de TVA réduit dont bénéficie le logement social. La baisse des taux d’intérêts conduit également mécaniquement à une baisse des avantages de taux : les aides de taux ont ainsi diminué de plus de 73 % entre 2016 et 2021.
Depuis 2020, on enregistre une certaine stabilité des aides publiques en faveur du logement : la progression des subventions d’investissement avec le lancement du dispositif « MaPrimeRénov’ » géré par l’ANAH compense la baisse des dépenses fiscales liée notamment à l’extinction du CITE.
La hausse des taux d’intérêts devrait mécaniquement augmenter les dépenses publiques en faveur du logement, même si elle est compensée par l’encadrement renforcé du PTZ annoncé par la Première ministre. Le montant des subventions d’investissement devrait croître à l’avenir avec la montée en puissance des dispositifs MaPrimeRénov’ mis en œuvre par l’ANAH.
B. Des dÉpenses en faveur du logement abondantes
Les dépenses publiques en faveur du logement sont nombreuses et diverses.
1. Les dépenses budgétaires : un poids important dans les dépenses publiques (23,56 milliards d’euros)
Les dépenses budgétaires peuvent à la fois bénéficier aux ménages (au moyen de prestations sociales ou d’aides à la rénovation énergétique) et aux personnes morales (notamment les organismes de logement social – OLS).
a. Les prestations sociales représentent plus de 85 % des dépenses budgétaires en faveur du logement (20,1 milliards d’euros)
Les prestations sociales, au sens du CSL sont composées en premier lieu des aides personnelles au logement (aides personnalisées au logement – APL, allocations de logement sociales – ALS, allocations de logement familiales – ALF) qui constituent le premier poste de dépenses publiques : les aides personnelles au logement, hors frais de gestion, représentent 15,7 milliards d’euros en 2021, soit 41 % du total des dépenses publiques en faveur du logement.
Les autres prestations sociales représentent néanmoins un montant non négligeable de 4,4 milliards d’euros. Elles incluent notamment les prestations sociales des collectivités territoriales, en particulier des départements (1,65 milliard d’euros en 2021) : ainsi, l’aide sociale à l’hébergement (ASH), versée par les départements pour prendre en charge les frais liés à l’hébergement d’une personne âgée en établissement ou chez un accueillant familial, représenterait une dépense nette de près de 1,3 milliard d’euros en 2020 selon les données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([8]). Les départements assurent également la gestion du fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui permet d’apporter une aide financière à toute personne ayant des difficultés à assurer certains frais liés à son logement (factures, frais de commissaires de justice, frais à l’installation dans le logement) pour un budget de plus de 220 millions d’euros en 2021. L’État prend également en charge certaines prestations sociales liées aux locaux d’hébergement collectif, comme les aides aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées versées par l’État à des associations ou des centres communaux et intercommunaux d’action sociale pour les personnes ne bénéficiant pas des aides au logement ou d’un hébergement. Le CSL inclut également les prestations versées au titre du chèque énergie ainsi que certaines aides et subventions d’Action Logement.
b. Les subventions d’exploitation et les subventions d’investissement au bénéfice des producteurs de logement (3,55 milliards d’euros en 2021) : un niveau modéré appelé à croître dans les prochaines années en lien avec la rénovation énergétique
Les subventions d’investissement (3,317 milliards d’euros), ainsi que les subventions d’exploitation dans une moindre mesure (232 millions d’euros), jouent un rôle important de soutien à la politique du logement même si le rôle des premières (les « aides à la pierre ») a fortement décru depuis plusieurs décennies (notamment avec la substitution dans les années 1990 d’un taux réduit de TVA aux aides à la construction). Les subventions d’investissement sont aujourd’hui principalement composées :
– des subventions de l’État, notamment au moyen du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), et de celles des collectivités locales liées aux prêts locatifs au logement social (construction de logements neufs, acquisition et rénovation de logements anciens), pour un montant de 1,267 milliard d’euros en 2021 ;
– des aides et subventions de l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH), notamment MaPrimeRénov’, pour un montant de 1,805 milliard d’euros.
D’autres dépenses peuvent être citées, comme les subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), les subventions d’Action Logement aux organismes constructeurs, ou la décote en cas de cession du foncier public.
Les nouveaux enjeux liés à la rénovation énergétique devraient conduire à rehausser le montant des aides à la pierre à l’avenir par une forte augmentation du budget de l’ANAH.
2. 13,7 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2021 : une ingéniosité très française
Les dépenses fiscales en faveur du logement sont nombreuses et représentent plus de 15 % du montant total des dépenses fiscales en France. Le CSL les comptabilise à partir des données du tome II de l’annexe Voies et moyens associée au projet de loi de finances et de celles transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour les exonérations de taxe foncière. Le CSL inclut les avantages de taux sur les prêts à taux zéro (PTZ) et éco-prêts à taux zéro (Éco-PTZ) au sein de la catégorie des avantages de taux. Par ailleurs, le CSL n’inclut pas les exonérations et dégrèvements de taxe d’habitation, comptabilisés en comptabilité nationale dans la catégorie des « autres impôts sur le revenu », qui sont de toute façon en extinction avec la suppression de cet impôt.
Les dépenses fiscales en faveur du logement peuvent être classées selon l’objectif poursuivi :
– l’amélioration de la qualité de l’habitat, avec l’encouragement des propriétaires, notamment bailleurs, à rénover leurs logements et à en augmenter les performances énergétiques ;
– le développement de l’offre de logements, en cherchant un meilleur équilibre entre l’offre et la demande avec une plus grande solvabilité des ménages et un appui à l’investissement locatif ;
– le soutien au logement social, en favorisant la production et la rénovation du parc social existant.
coût des principales dépenses fiscales EN FAVEUR DU logement
par objectifs *
(en millions d’euros)
Objectif |
Mesure |
Réalisé 2021 |
Prévision 2022 |
Prévision 2023 |
Total par objectif en 2023 (milliards d’euros) |
Amélioration de l’habitat |
TVA au taux réduit de 10 % pour les travaux entrepris sur des logements de plus de deux ans |
3 990 |
4 330 |
4 540 |
8,2 |
Déduction de l’IR des dépenses de réparation et d’amélioration |
1 700 |
nc. |
nc. |
||
Éco-PTZ |
30 |
34 |
42 |
||
TVA au taux réduit de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique |
1 760 |
1 910 |
2 000 |
||
Développement de l’offre de logements |
Dispositifs « Duflot » et « Pinel » |
1 117 |
1 378 |
1 516 |
2,4 |
Dispositifs « Louer abordable » et « Loc’Avantages » |
23 |
25 |
27 |
||
Crédit d’impôt pour les PTZ et PTZ+ |
1 063 |
878 |
779 |
||
Dispositif « Censi-Bouvard » |
93 |
62 |
62 |
||
Dispositif « Denormandie dans l’ancien » |
1 |
5 |
8 |
||
Soutien au logement social et intermédiaire |
TVA au taux réduit de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux |
990 |
nc. |
nc. |
2,8 |
TVA au taux réduit de 5,5 % pour les logements financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS) |
1 135 |
nc. |
nc. |
||
Exonération d’IS pour les organismes d’HLM |
1 075 |
860 |
800 |
(*) Ne sont pas comptabilisées dans le tableau les dépenses fiscales en faveur du logement rattachées au programme 175 Patrimoines (dispositif « Malraux » représentant une dépense de 32 millions d’euros en 2021), tout comme les exonérations ou abattements de TFPB au bénéfice du logement social et intermédiaire principalement à la charge des collectivités territoriales (cf. infra).
Source : rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements, annexé au projet de loi de finances pour 2023.
Les dispositifs en faveur de l’offre locative et d’exonération de TFPB ont des effets budgétaires courant plusieurs années après leur extinction : ainsi, la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire, ou dispositif « Pinel », aura une incidence budgétaire jusqu’en 2038 alors que son fait générateur prendra fin au 31 décembre 2024. La Cour des comptes notait en 2019 que le montant global affiché dans la loi de finances sous-estimait le volume réel des dépenses fiscales en faveur du logement, avec un taux d’erreur d’estimation des dépenses fiscales les plus importantes en faveur du logement compris entre 16 % et 37 % ([9]). À cet égard, les rapporteurs notent une amélioration récente de l’écart entre la prévision et la réalisation des principales dépenses fiscales en faveur du logement du programme budgétaire 135 : il était de seulement 3 % entre la LFI pour 2021 (12,6 milliards d’euros) et son exécution établie pour 2021 en 2023 (13 milliards d’euros).
3. Les avantages de taux (831 millions d’euros en 2021) ou « aides de circuit » : une augmentation attendue dans le contexte de remontée des taux d’intérêts
Les avantages de taux concernent principalement les bailleurs. Ils consistent en :
– des avantages de taux sur les prêts au logement locatif social accordés par la Banque des territoires – Caisse des dépôts et consignations ;
– des avantages de taux sur les autres prêts de la Banque des territoires pour la construction et la réhabilitation (comme les prêts de haut de bilan bonifiés) ;
– des avantages de taux sur les prêts d’Action logement aux bailleurs sociaux.
Les ménages bénéficient quant à eux du PTZ et de l’éco-PTZ. Toutefois, son coût prend la forme d’un crédit d’impôt pour les banques qui commercialisent ces produits financiers, ainsi que de certains prêts conventionnés à taux préférentiels (prêt accession d’Action Logement).
Ces avantages de taux correspondent aujourd’hui à l’écart existant entre le taux préférentiel bénéficiant au logement social et le taux de l’Euribor à 12 mois. Le calcul des avantages de taux ne correspond pas à la dépense fiscale calculée par la direction de la législation fiscale : le coût du PTZ et l’éco‑PTZ sont ainsi évalués à 404 millions d’euros en 2021 par le CSL alors que le crédit d’impôt dont bénéficient les banques représente en réalité une dépense fiscale de 1,107 milliard d’euros selon les données du tome II des Voies et Moyens.
II. La France : un champion europÉen des dÉpenses publiques en faveur du logement
La France dépense plus que ses voisins pour le logement, même si les données comparatives doivent être analysées avec prudence. Le niveau de prélèvements obligatoires n’est pas un motif suffisant pour justifier un niveau élevé de dépenses publiques.
A. Un niveau de dÉpenses sensiblement plus ÉlevÉ que les voisins europÉens
1. Un niveau de dépenses publiques en faveur du logement qui semble être un des plus élevés de l’Union européenne…
Comparé aux autres pays européens, le niveau de dépenses publiques en faveur du logement paraît comme l’un des plus élevés de l’Union européenne. Ainsi, la Cour des comptes souligne dans sa récente note thématique contribuant à la revue des dépenses publiques de juillet 2023 intitulée « Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis » que « la politique du logement mobilise, toutes administrations publiques confondues, 38,2 milliards d’euros en 2021, soit 1,5 % du PIB, part deux fois plus importante que la moyenne de l’UE (1,3 % en données Eurostat 2021 en France, contre 0,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne). »
Cette comparaison provient des données relatives aux statistiques annuelles des dépenses publiques de chaque État de l’Union européenne (GFS – Government Finance statistics) compilées par Eurostat sur la base du système européen de comptabilité nationale. Chaque État ventile les dépenses publiques en fonction de la classification des fonctions des administrations publiques (COFOG), ce qui permet d’identifier les dépenses publiques en faveur du logement (incluant les dépenses associées de fourniture et d’assainissement de l’eau ou l’éclairage des rues).
Dépenses publiques en faveur du logement dans les différents pays de l’UE comptabilisées par eurostat
Source : Eurostat. Données disponibles à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Government_expenditure_on_housing_and_community_amenities#Government_expenditure_on_.27housing_and_community_amenities.27_by_type_of_transaction
Pour davantage de détails sur les différents items, voir notamment : https://ec.europa.eu/eurostat/documents/3859598/10142242/KS-GQ-19-010-EN-N.pdf/ed64a194-81db-112b-074b-b7a9eb946c32?t=1569418084000.
Au regard des données d’Eurostat, le niveau des dépenses publiques en faveur du logement atteint près de 1,26 % du PIB (contre 1,5 % pour le CSL), soit plus du double de la moyenne européenne. Si on compare la France à ses voisins de taille similaire, à savoir l’Espagne (0,49 % du PIB de dépenses publiques consacrées au logement), l’Italie (0,53 % du PIB) ou l’Allemagne (0,45 % du PIB), l’écart est saisissant. Rapporté au PIB, la France est le troisième pays de l’Union européenne où l’on dépense le plus en faveur du logement… derrière Chypre et la Croatie !
2. … mais des travaux complémentaires devraient être menés pour disposer de données comparatives internationales fiables
Il convient d’analyser les données d’Eurostat avec prudence. Des dépenses qui ne sont pas directement en faveur du logement sont prises en compte, telles que celles relatives à l’eau et l’assainissement, ainsi qu’à l’éclairage communal. Contrairement au CSL, ces dépenses incluent également les dépenses d’administration (community development, housing and community amenities).
L’économiste du logement Claude Taffin a également souligné l’existence de plusieurs biais possibles :
– par définition, les aides fiscales ne sont pas prises en compte dans les données d’Eurostat, ce qui justifie la minoration des dépenses en faveur du logement par rapport aux données du CSL ;
– il est difficile de toujours identifier et isoler celles des prestations sociales qui bénéficient au logement. Dans la base de données AHD (Affordable Housing Database) de l’OCDE, constituée par des experts nationaux, les dépenses publiques d’aides personnelles au logement sont, en 2020, de 0,69 % du PIB en France et de 0,73 % en Allemagne, soit un niveau très différent des données extraites des comptes nationaux par Eurostat.
estimation du niveau des aides publiques à la personne rapporté
au PIB en 2020 dans les pays de l’OCDE
Pour l’Allemagne, l’explication d’un tel écart entre ces deux estimations semble être la suivante : l’allocation logement stricto sensu (Wohngeld) concernerait une minorité de ménages (0,6 million de ménages en 2016), tandis que diverses autres aides sociales versées à un nombre bien plus important de ménages (4,6 millions de ménages en 2016) sont classées par Eurostat en aides sociales, contrairement à l’OCDE qui les comptabilise comme étant des dépenses en faveur du logement. En France, l’instauration d’un revenu universel en remplacement de l’ensemble des prestations sociales pourrait ainsi diminuer fortement le poids des dépenses en faveur du logement de manière purement faciale.
Les travaux actuellement menés par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur la fragilité des comparaisons internationales et les erreurs éventuellement présentes quant au montant des aides et des prélèvements en matière de logement permettront de clarifier la situation.
3. Il est urgent d’investir davantage le champ des comparaisons internationales en matière de logement
La Cour des comptes, dans ses observations définitives sur Le recours aux comparaisons européennes en matière de logement rendues publiques en avril 2023 ([10]), a montré les insuffisances des comparaisons internationales en la matière et l’absence d’utilisation des comparaisons européennes dans le pilotage de la politique du logement. Elle note également que la direction centrale en charge du logement, la direction de l’habitation, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) est « peu insérée dans les réseaux européens spécialisés ».
Comme le précise le SDES, aucune disposition réglementaire européenne ne permet aujourd’hui d’établir de CSL harmonisés, le suivi du logement étant du ressort des États membres et non de la Commission européenne en application du principe de subsidiarité. La production de tels comptes supposerait que soit établie une collecte de données harmonisée entre pays, à partir de définitions et règles méthodologiques communes, ce qui ne peut être pris en charge, après l’accord des pays, qu’au niveau d’Eurostat, direction de la Commission en charge des statistiques européennes. Avec la Cour des comptes, les rapporteurs plaident donc pour que les administrations françaises, la DHUP en premier lieu, jouent un rôle moteur pour permettre une comptabilité harmonisée du logement à l’échelle européenne. Cette comptabilité permettra de mieux appréhender l’efficience des dépenses qui soutiennent des politiques publiques très différentes en faveur du logement en Europe (politiques plus ou moins décentralisées, poids relatifs des parcs locatifs social et privé, composition du marché locatif privé détenu en majorité par des personnes physiques en Espagne et au Royaume-Uni tandis qu’une représentation plus élevée des bailleurs institutionnels associatifs est observée en Allemagne et aux Pays-Bas). Plus largement, c’est la politique du logement dans son ensemble qui mériterait d’être mieux suivie dans ses différents aspects. Les parlementaires ne disposent aujourd’hui que des travaux de l’OCDE pour pouvoir comparer certains pans de la politique du logement entre les différents pays occidentaux.
Recommandations :
– fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement ;
– renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE.
B. Un niveau de prÉlÈvements obligatoires jugÉ À tort ÉlevÉ par la filiÈre
Le poids des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement a été opposé aux rapporteurs par l’ensemble des acteurs de la filière du logement durant les auditions de la mission d’information.
évolution des prélèvements fiscaux portant sur le logement
(en millions d’euros)
Source : CSL
Les prélèvements sur la consommation associée au service de logement incluent la TVA (énergie, charges) et les autres taxes sur l’énergie et les contrats d’assurance. Les prélèvements sur les producteurs de service de logement incluent les impositions sur les revenus immobiliers, l’IFI, la taxe foncière, diverses autres taxes (taxe d’enlèvement des ordures ménages, taxe sur les logements vacants). Les prélèvements sur l’investissement en logement incluent les taxes d’urbanisme et la TVA (sur les terrains, sur les logements neufs, sur les dépenses d’amélioration et de gros entretien). Les prélèvements sur les mutations incluent les DMTO bruts, la contribution de sécurité immobilière, la fiscalité sur les plus-values immobilières.
Le raisonnement consistant à lier directement le niveau de dépenses publiques en faveur d’un secteur et le poids des prélèvements obligatoires portant sur ce secteur est vicié à son fondement. Selon cette logique, le budget de l’État n’existerait plus ! C’est le principe même d’universalité budgétaire qui est en jeu : ce n’est pas parce qu’un secteur donne beaucoup qu’il doit recevoir beaucoup.
Par ailleurs, il faudrait conduire une étude comparative avec d’autres secteurs productifs pour déterminer dans quelle mesure le ratio entre les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques est réellement en défaveur du logement par rapport à d’autres secteurs.
En outre, selon le CSL, l’écart s’est creusé à partir de 2010 entre les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques en faveur du logement, avec une hausse des prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement de 56 % entre 2010 et 2021 selon le CSL, contre 34 % pour l’ensemble des prélèvements obligatoires, alors qu’on constate dans le même temps une baisse de 11 % pour les dépenses publiques en faveur du logement. Mais cette évolution à la hausse des prélèvements s’explique principalement par la hausse des prix de l’immobilier, qui a conduit à une forte augmentation du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui sont les principaux contributeurs de cette hausse à hauteur de 15 % (sur une hausse totale de 56 %) mais également par la nette augmentation de la taxe foncière. Or, le volume des aides publiques en faveur du logement devrait être plus directement rapporté aux seuls prélèvements liés à l’activité immobilière productive ou à la consommation de services, dont on peut imaginer qu’ils sont affectés par la fiscalité.
Enfin, et surtout, le CSL ne prend pas en compte la suppression de la taxe d’habitation, dont il paraît clair qu’elle porte sur le logement. Cette suppression, quoi qu’on pense de son bien-fondé, représente une baisse de 13 milliards d’euros sur la période 2010 – 2021.
Ainsi retraités, les prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement n’augmenteraient plus que de 33 % depuis 2010 et de 2 % depuis 2017, c’est-à-dire un peu moins vite que l’ensemble des prélèvements obligatoires (qui augmentent respectivement de 34 % depuis 2010 et de 7 % depuis 2017), selon les informations transmises par la direction du budget.
Toutefois, un consensus semble s’établir parmi les experts du logement pour reconnaître une fiscalité plus lourde en France que chez ses voisins européens, le niveau élevé de la fiscalité sur le logement conduisant en parallèle à recourir davantage à des dépenses fiscales. Le logement serait ainsi une des manifestations françaises du goût pour une fiscalité avec des taux élevés … mais mitée ! Les études comparatives sur la fiscalité entre pays européens sont cependant là encore peu nombreuses, souvent commandées par des acteurs économiques ([11]), ce que les rapporteurs ne peuvent que regretter.
La fiscalité du logement : un modèle à revoir entièrement selon Jean Bosvieux
Selon l’économiste Jean Bosvieux, la fiscalité du logement souffre de plusieurs défauts graves : distorsions en faveur de certains ménages et de certains types de comportement résidentiel, instabilité, complexité et obsolescence de certaines bases fiscales.
« Les distorsions résultent notamment de la non taxation des loyers implicites des propriétaires occupants et de la taxation de la mobilité des biens (DMTO et impôt sur les plus-values) : ces distorsions avantagent les propriétaires occupants et les ménages sédentaires au détriment des locataires du secteur privé et des ménages mobiles.
« L’instabilité et la complexité – le mode de taxation les plus-values a changé huit fois depuis 1963 – sont également sources de distorsions dans la mesure où elles influencent les comportements et où certains acteurs sont mieux armés que d’autres pour y faire face.
« En outre, la fiscalité sur le logement est de plus en plus lourde. Entre 1984 et 2019, les prélèvements sur le logement ont doublé en euros constants. Toutes les catégories d’impôts ont augmenté, à l’exception de ceux portant sur l’investissement. La hausse est particulièrement forte pour les prélèvements sur la détention (la taxe foncière dont le produit a été multiplié par huit) et sur les mutations (multipliées par dix). Seule une part de l’augmentation s’explique par la croissance de la population et du parc de logements.
« Sur la même période, le montant des aides fiscales en euros constants a été multiplié par 2,5. Il représente en 2019 18 % du montant des prélèvements. Plus la fiscalité s’alourdit, plus il est nécessaire d’accroître les exonérations : ainsi l’équilibre des opérations de logement social exige une exonération de longue durée de la taxe foncière. Les niches fiscales sont plus nombreuses en France, et leur coût beaucoup plus élevé, que dans les autres pays européens. »
Source : Réponse écrite de Jean Bosvieux, économiste.
Si la refonte de la fiscalité immobilière ne constitue pas l’objet des travaux de la mission d’information, le rapporteur Daniel Labaronne juge qu’une réflexion pourrait être menée sur la durée à partir de laquelle les mutations à titre onéreux ne sont plus soumises à l’impôt sur la plus-value, notamment en vue de lutter contre les phénomènes de rétention foncière. Aujourd’hui, la plus-value immobilière n’est plus taxée à l’impôt sur le revenu au bout de 22 ans et aux prélèvements sociaux au bout de 30 ans (hors cas spécifiques d’exonération). Aligner et réduire à 15 ans les délais de détention ouvrant droit à l’exonération des plus-values immobilières pourrait être, pour le rapporteur Daniel Labaronne, une idée pertinente. En 2011, lors de la précédente réforme d’ampleur de la fiscalité des plus-values immobilières, la ministre du budget entendue le 31 août 2011 par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, avait estimé à 2,2 milliards d’euros en année les recettes générées par le passage de l’ancien régime fiscal (abattement de 10 % à partir de la cinquième année générant une exonération au bout de 15 ans) au régime actuel. Toutefois, on peut aussi imaginer qu’une telle mesure permettra d’augmenter le nombre de transactions, à l’origine de DMTO pour les collectivités territoriales.
Recommandation : Après évaluation du coût du dispositif, aligner et réduire à 15 ans les délais de détention ouvrant droit à l’exonération des plus-values immobilières.
III. Des dispositifs peu évaluÉs et des rÉsultats macro-Économiques qui ne sont pas À la hauteur des investissements consentis obligent À se poser la question de l’efficience des dÉpenses publiques, des objectifs et de l’organisation des compÉtences
Une dépense publique élevée pour un secteur donné n’est pas néfaste en soi à partir du moment où son évaluation permet de démontrer son efficacité (les objectifs sont atteints) et son efficience (les objectifs sont atteints pour un niveau de dépense minimisé). La politique publique du logement ne fait pas exception en la matière : malgré des efforts réels, manifestés par l’augmentation des rapports d’évaluation réalisés par les corps d’inspection, de nombreux dispositifs dont le coût est massif demeurent non évalués. La recherche universitaire sur le sujet reste au demeurant très limitée. Cela est d’autant plus regrettable que, même si la situation est loin d’être catastrophique ces dernières années, la France ne se caractérise pas par une situation nettement meilleure que celle de ses voisins européens.
A. Une Évaluation insuffisante
1. Des efforts récents mais insuffisants pour évaluer notamment les dépenses fiscales
Des efforts récents ont été réalisés pour renforcer l’évaluation de différentes dépenses en faveur du logement. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2014 La politique du logement a constitué le point de départ de travaux nombreux et les corps d’inspection ont été régulièrement sollicités pour évaluer certains dispositifs.
Liste des rapports d’évaluation sur des dispositifs de la politique du logement réalisés par les administrations centrales et corps d’inspection depuis 2016
Évaluations passées
• IGF : Évaluation de politique publique – Mobilisation des logements et des bureaux vacants, janvier 2016
• IGF-CGEDD : Évaluation de politique publique – Le logement locatif meublé, janvier 2016
• CGEDD : Évaluation du prêt social de location-accession (PSLA), mars 2017
• IGF-CGEDD : Revue de dépenses 2017 – Aides à la rénovation énergétique des logements privés, avril 2017
• IGF-CGEDD : Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, novembre 2019
• IGF-CGEDD : Évaluation du prêt à taux zéro (PTZ), octobre 2019
• IGF-CGEDD : Propositions sur l’évolution du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, juillet 2020
• IGF-CGEDD : Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, avril 2021
• DGALN-DHUP : Rapport d’évaluation de l’expérimentation en région Bretagne de déconcentration de l’éligibilité au dispositif « Pinel », mars 2022
• IGF-CGEDD-IGA : Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, juin 2022
• IGF-CGEDD : Évaluation de la réduction d’impôt Censi-Bouvard, juin 2022
Évaluations à venir
• Rapport IGF-IGEDD-IGAC sur les dispositifs Denormandie et Malraux pour le 30 septembre 2023 ;
• Évaluation à venir sur les dispositifs d’abattement sur plus-value pour démolition-reconstruction prévu à l’article 150 VE du CGI et d’exonération des plus-values de cession de droit de surélévation et à un organisme HLM prévue aux 7° à 9° du II de l’article 150 U du CGI ;
• Rapport sur le dispositif Loc’Avantages avant le 30 septembre 2024 ;
• Rapport sur le logement locatif institutionnel avant le 30 septembre 2025 ;
• Rapport IGEDD sur la fragilité des comparaisons internationales en matière d’aide au logement.
Source : DHUP.
À ces rapports rendus publics s’ajoutent certains rapports confidentiels n’étant pas accessibles aux rapporteurs.
Par ailleurs, les travaux de la cinquième chambre de la Cour des comptes sont également nombreux sur l’ensemble de la politique du logement : rénovation énergétique, logement social, Action Logement, le plan « Logement d’abord ». On peut également évoquer les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) : leur étude sur la fiscalité du logement devrait être publiée à l’automne et sera à analyser de près.
Enfin, les nombreux rapports de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) permettent un suivi fin de l’activité des organismes de logement social. Ceux de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) analysent les effets des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique.
Ces efforts sont cependant insuffisants, notamment en ce qui concerne les dépenses fiscales : les corps d’inspection ont principalement analysé les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif. Des dépenses fiscales aussi importantes que les taux de TVA réduits pour les travaux de rénovation et d’amélioration, la déduction des dépenses de réparation et d’amélioration, l’exonération d’IS pour les bailleurs sociaux, les taux de TVA réduits pour le logement locatif social n’ont fait l’objet d’aucune évaluation notable depuis plus de dix ans.
En ce qui concerne le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur les locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans, qui reste la dépense fiscale la plus importante en faveur du logement (plus de 4,5 milliards d’euros), le constat de la Cour des comptes en 2019 est malheureusement toujours d’actualité : elle n’a fait l’objet d’aucune « étude d’efficacité sérieuse alors que le respect de ses contreparties ne peut matériellement pas être vérifié ». Des questions évidentes se posent concernant ses effets réels sur la lutte contre l’activité non déclarée, la création d’emplois ou son impact écologique.
Dans le cas du logement social, les modifications de taux de TVA (passage de 5,5 % à 10 % puis rétablissement du taux de 5,5 % pour certaines opérations, voir infra) auraient permis une évaluation « grandeur nature » des conséquences d’une telle modification, ce qui n’a pas été le cas.
Si tous les dispositifs ne sont pas aussi facilement évaluables, maintenir des dispositifs aussi importants sans évaluation laisse pour le moins dubitatif, d’autant que leur efficacité a souvent été questionnée. 45 mesures incluses dans le champ du rapport de 2011 du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume », figurent encore dans le périmètre retenu pour le rapport de la Cour des comptes de 2019 : le coût de ces mesures était alors évalué à 13 milliards d’euros. Au regard de ce rapport qui demeure la seule évaluation globale disponible, le coût annuel des dépenses fiscales en faveur du logement évaluées comme « inefficientes » ou « peu efficientes » était d’environ 8 milliards d’euros en 2019.
Cette absence d’évaluation des dépenses fiscales trahit également un pilotage défaillant, souligné tous les ans par la Cour des comptes dans ses notes d’exécution budgétaire. Les conférences fiscales qui ont lieu chaque année ne jouent pas leur rôle, les directions en charge du logement et la DLF se regardant en « chiens de faïence ». La DGALN juge qu’elle ne dispose ni des informations ni des compétences nécessaires pour mener à bien l’évaluation des dépenses fiscales, tandis que la DLF rappelle que c’est la DGALN qui est chargée de l’évaluation des dépenses rattachées au programme 135. Si l’instauration d’un jaune budgétaire annexé au PLF intitulé « rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements » n’est pas inutile, de grands progrès restent encore à accomplir.
Recommandation : renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA).
2. La faiblesse de la recherche économique consacrée au logement
Les rapporteurs ont été étonnés du faible développement de la recherche dans le domaine du logement. Les chercheurs qui se consacrent à la thématique du logement en économie sont relativement peu nombreux, sans qu’il soit possible d’identifier différentes écoles ou théories au sein d’une « économie du logement » constituée. Le logement constitue bien souvent une thématique parmi d’autres des « études urbaines » ne faisant pas l’objet d’une spécialisation au sein d’unités de recherche dédiées au sein des universités.
Cette situation peut être attribuée à plusieurs causes selon l’économiste Claude Taffin :
– le logement a rarement été prisé par les économistes, contrairement à d’autres champs comme celui de l’emploi, de la santé ou du travail. Souvent considéré comme une simple composante des conditions de vie, le logement « serait plutôt l’affaire des sociologues que des économistes ». Des initiatives existantes, comme le réseau « Socio-Économie de l’habitat » créé en 1991, laissent aujourd’hui davantage de place aux sciences sociales qu’à l’économie ;
– le logement entre difficilement dans les modèles macro-économiques car le terrain comme le marché de l’ancien sont exclus de la production et les loyers fictifs (ou imputés) se substituent aux remboursements d’emprunt dans la dépense des propriétaires. Dans cette perspective, les études significatives relatives à l’économie du logement sont souvent d’ordre micro-économique. En la matière, Étienne Wasmer remarque que les dispositifs sont en réalité difficiles à tester car ils n’ont pas été conçus à cet effet, avec peu de variations exploitables pour détecter leurs effets, rendant les évaluations scientifiques particulièrement fragiles ;
– le développement des marchés (marché de la location, marché des transactions) est relativement récent, et les instruments d’observation ont mis du temps à se mettre en place. Les bases notariales se sont constituées à partir des années 1980 et ne sont pas totalement exhaustives.
Dans ce contexte, il est crucial d’encourager la recherche économique.
Recommandation : Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques.
3. Des données existantes à compléter et insuffisamment exploitées
Le constat d’une recherche insuffisamment développée est paradoxal, dans la mesure où les données à disposition des chercheurs, en dehors des données à caractère fiscal, sont relativement nombreuses : le fichier de la demande des valeurs foncières, Sitadel (la base permettant de suivre la délivrance des permis de construire et les mises en chantier), le fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli), le système national d’enregistrement (SNE) pour la demande de logement social. La précision de ces données est cependant remise en cause.
Les enquêtes nationales du logement (ENL) de l’INSEE permettent de disposer de données statistiques nombreuses. Toutefois, la dernière enquête nationale du logement date de 2013. Les résultats d’une nouvelle enquête devraient être prochainement publiés, soit un délai trop long pour permettre un suivi fin des évolutions, même s’il convient d’indiquer que l’enquête SRCV (Statistiques sur les ressources et conditions de vie) permet un suivi annuel de certains agrégats.
La Cour des comptes ([12]) dresse dans un référé de mai 2022 plusieurs constats concernant la production et l’utilisation des données utiles à la politique du logement : faible interopérabilité des bases de données, faible partage des données entre administrations (notamment les données fiscales), insuffisante exhaustivité ou fiabilité des données (notamment pour les bases notariales), dépendance vis-à-vis des bases de données privées.
Le suivi des loyers (voir infra) est un exemple paradigmatique du suivi de la politique du logement, souvent délégué ou abandonné aux acteurs privés : un groupement de professionnels sous la direction du professeur Michel Mouillart a ainsi mis en place en 1998 le programme de suivi des loyers « CLAMEUR ». Les premiers observatoires publics de loyers se sont développés partir de 1986 avec des résultats d’abord modestes. Ils ont été améliorés avec l’extension de ce réseau sous l’égide de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), mais sans pour autant couvrir l’ensemble du territoire national. La publication d’une carte interactive par le ministère du logement, à partir des annonces de location, ne recoupe d’ailleurs pas le même périmètre ([13]).
Il est également regrettable que les chercheurs ne puissent pas avoir accès à un certain nombre de données. Le refus de la DHUP comme des administrations du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’envisager un meilleur partage des données à caractère fiscal est justifié par la nécessité d’assurer l’anonymisation de certaines données. Pourtant, l’exploitation de ces données serait particulièrement utile pour mener une analyse à l’échelle locale que ne permettent pas les enquêtes de l’INSEE en raison des tailles d’échantillon réduites.
Recommandation : Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement.
La France connaît une forte augmentation du coût du logement, semblable à celle des autres pays européens depuis plusieurs années.
1. Le coût du logement de plus en plus élevé pour les ménages est compensé par une amélioration de la qualité des logements
Les dépenses en service de logement (loyers, dépenses d’énergie, d’eau et d’entretiens et réparations) nettes des aides personnelles au logement constituent un poste important de la dépense de consommation finale des ménages. Leur poids dans la dépense totale des ménages suit une tendance haussière, contrairement à la plupart des autres postes de dépense, et a plus que doublé depuis le début des années 1960.
part de la consommation des ménages
consacrée aux différents postes de dépenses
Source : INSEE, comptabilité nationale.
Le taux d’effort des ménages (part du revenu disponible consacré au logement) a ainsi nettement augmenté entre 2001 et 2013. La nouvelle enquête « Logement » de l’INSEE, dont les résultats seront publiés prochainement, confirmera ou non cette hausse mais les statistiques sur les revenus et les conditions de vie permettent déjà de constater un accroissement des tensions du côté des locataires, notamment ceux des premiers déciles de revenus.
taux d’effort des ménages pour le logement selon leur statut
Source : Loïc Chapeaux d’après les données de l’INSEE.
Cette hausse peut être rapportée à différents facteurs : hausse des prix de l’immobilier (multipliés entre 2,5 et 3 entre 2000 et 2022), hausse des loyers (hausse d’environ 40 % entre 2000 et 2022), hausse des charges (impôts locaux, énergie, etc.).
évolution des loyers d’habitation