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N° 1536

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement
et de l’accession à la propriété

 

 

 

et prÉsentÉ par

MM. Daniel LABARONNE et Charles de COURSON,
Rapporteurs

––––

 

 


 

La mission d’information est composée de : M. Daniel LABARONNE, rapporteur, M. Charles de COURSON, rapporteur ; MM. Mickaël BOULOUX, Dominique DA SILVA, Joël GIRAUD, François JOLIVET, Mohamed LAQHILA, Mme Karine LEBON, MM. Marc LE FUR, Philippe LOTTIAUX, Sébastien ROME, et Mme Eva SAS, membres.


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  SOMMAIRE

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Pages

synthÈse

RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux

Introduction

Partie I : les dÉpenses publiques en faveur du logement : un niveau ÉlevÉ pour des rÉsultats insuffisamment ÉvaluÉs et une efficacitÉ d’ensemble douteuse qui appellent À un changement de mÉthode

I. le logement bÉnéficie d’une variÉtÉ Étendue d’aides publiques qui pÈsent 1,5 % du pib en 2021

A. L’indispensable stabilisation du niveau des aides en faveur du logement

1. Une importante somme de 38,16 milliards d’euros en 2021

2. Une stabilisation des dépenses en faveur du logement à partir de 2010

B. Des dÉpenses en faveur du logement abondantes

1. Les dépenses budgétaires : un poids important dans les dépenses publiques (23,56 milliards d’euros)

a. Les prestations sociales représentent plus de 85 % des dépenses budgétaires en faveur du logement (20,1 milliards d’euros)

b. Les subventions d’exploitation et les subventions d’investissement au bénéfice des producteurs de logement (3,55 milliards d’euros en 2021) : un niveau modéré appelé à croître dans les prochaines années en lien avec la rénovation énergétique

2. 13,7 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2021 : une ingéniosité très française

3. Les avantages de taux (831 millions d’euros en 2021) ou « aides de circuit » : une augmentation attendue dans le contexte de remontée des taux d’intérêts

II. La France : un champion europÉen des dÉpenses publiques en faveur du logement

A. Un niveau de dÉpenses sensiblement plus ÉlevÉ que les voisins europÉens

1. Un niveau de dépenses publiques en faveur du logement qui semble être un des plus élevés de l’Union européenne…

2. … mais des travaux complémentaires devraient être menés pour disposer de données comparatives internationales fiables

3. Il est urgent d’investir davantage le champ des comparaisons internationales en matière de logement

B. Un niveau de prÉlÈvements obligatoires jugÉ À tort ÉlevÉ par la filiÈre

III. Des dispositifs peu évaluÉs et des rÉsultats macro-Économiques qui ne sont pas À la hauteur des investissements consentis obligent À se poser la question de l’efficience des dÉpenses publiques, des objectifs et de l’organisation des compÉtences

A. Une Évaluation insuffisante

1. Des efforts récents mais insuffisants pour évaluer notamment les dépenses fiscales

2. La faiblesse de la recherche économique consacrée au logement

3. Des données existantes à compléter et insuffisamment exploitées

B. Des rÉsultats ambivalents

1. Le coût du logement de plus en plus élevé pour les ménages est compensé par une amélioration de la qualité des logements

2. Le taux d’effort en faveur du logement en France par rapport à ses voisins européens : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » ?

C. toujours plus d’argent public : une solution ?

1. Construire à tout prix ?

2. La dépense publique ne sauvera pas seule le problème du logement !

a. Une pause réglementaire nécessaire

b. L’État ne peut pas tout : l’exemple de la rénovation énergétique

D. changer de méthode : territorialiser les politiques en faveur du logement

1. Des réalités territoriales très différentes

a. Objectiver les besoins réels et remonter les données statistiques

b. Réaliser un diagnostic partagé entre l’État et les acteurs locaux

2. La territorialisation de la politique du logement : une réalité déjà existante qu’il convient d’approfondir

a. Des compétences aujourd’hui largement décentralisées

b. Les effets positifs de la territorialisation qu’il faut amplifier

3. Aller au bout de la territorialisation

Partie II : focus sur cinq dispositifs mettant en œuvre les politiques publiques en faveur du logement

I. Les apl, premier dispositif de la politique du logement : une aide incontournable dont les effets inflationnistes interrogent

A. le principal poste de dÉpenses publiques en faveur du logement (15,68 milliards d’euros en 2021)

1. Le rôle croissant joué par les aides personnelles au logement

2. Les réformes récentes ont permis de limiter l’augmentation spontanée des aides personnelles en faveur du logement

3. Une dernière réforme des aides personnelles au logement nécessaire : la prise en compte des revenus des parents pour les étudiants ?

B. un outil qui a fait ses preuves mais dont le risque inflationniste interroge

1. Un taux d’effort limité pour les ménages les plus modestes grâce aux APL

2. Moduler les plafonds de loyers et de revenus selon les territoires

3. Un effet inflationniste en discussion

a. Un effet avéré au moment du bouclage des aides…

b. … qui est confirmé par les dernières études

II. en raison du recentrage du prÊt À taux zÉro en 2024, il est désormais impÉratif de relancer l’accession sociale À la propriÉtÉ

A. la rÉduction de l’accession À la propriÉtÉ annonce-t-elle la fin du « tous propriÉtaires » ?

1. Alors que l’accession à la propriété reste synonyme de sécurité pour de nombreux Français, le taux de propriétaires occupants ne progresse plus

2. L’accession à la propriété, un objectif dont les effets sont discutés par les économistes qui négligent sa dimension sociale

3. La suppression de l’APL accession : une décision regrettable et symbolique de la crise de l’accession sociale ?

B. les principaux dispositifs d’accession sociale À la propriÉtÉ prÉsentent des rÉsultats contrastÉs

1. Une production en net recul pour les prêts conventionnés et le prêt à l’accession sociale

2. Le prêt social location-accession semble en perte de vitesse

3. Accélérer le développement prometteur du bail réel solidaire

C. Le prÊt À taux zÉro, dispositif devenu coûteux dont le recentrage est nÉcesSaire au regard d’une efficaciTÉ dÉbattue, peut-il participer À la relance de la politique d’accession sociale À la propriÉtÉ ?

1. Le PTZ est un instrument ancien en faveur de l’accession sociale à la propriété

2. Les réformes du PTZ mises en œuvre ces dernières années ont réduit le périmètre des opérations et du nombre de ménages éligibles

3. Une efficacité en débat : les conclusions critiques de l’évaluation réalisée par l’IGF en 2019

4. Dans un contexte de forte hausse des taux d’intérêt, le PTZ semble réduire le taux d’effort des ménages

5. Le PTZ doit être conforté durablement et recentré au regard du contexte de taux en forte hausse

III. le logement social : un acteur indispensable du logement qui doit aujourd’hui se rÉformer pour rÉpondre aux besoins des français

A. un soutien public multiforme qui doit être complÉtÉ par de nouvelles ressources propres

1. Des avantages nombreux dont un, en particulier, interroge…

a. Les différentes aides publiques en faveur du logement

b. L’exonération d’impôt sur les sociétés : un dispositif mal ciblé

c. Des alternatives possibles : mettre le paquet sur les bailleurs qui investissent !

2. Un secteur mis à contribution ces dernières années alors que les défis sont nombreux

a. Les mesures d’économies assumées par le monde HLM ont été partiellement compensées

b. Des objectifs qui demeurent ambitieux

3. Des ressources propres à développer

a. Élargir les possibilités de vente de logements sociaux (les logements PLUS de plus de 15 ans)

b. Les difficultés à augmenter les loyers après la rénovation du logement social

c. Le supplément de loyer de solidarité (SLS)

4. Une évaluation du secteur à renforcer

B. l’embolie du parc social : un handicap majeur pour la fluiditÉ du parcours rÉsidentiel

1. Une demande qui augmente et un taux de rotation qui diminue

2. Un traitement de la mobilité aujourd’hui inadapté et trop peu contraignant

a. Les moyens mis en œuvre aujourd’hui pour favoriser la mobilité au sein du parc social et contrôler l’éligibilité des bénéficiaires

b. Des résultats encore insuffisants

c. Des pistes de réforme audacieuses : calculer le SLS en fonction des prix du marché et abaisser le seuil à partir duquel la sortie du parc HLM est obligatoire

3. Un effort à réaliser pour loger les plus précaires

C. Le dÉveloppement du logement intermÉdiaire : un complÉment utile au logement social

1. Le développement du logement intermédiaire par les investisseurs institutionnels : une priorité politique

2. Des propositions pour accélérer le logement locatif intermédiaire institutionnel

3. Des obligations à faire respecter

IV. Une fiscalitÉ locative À revoir de fond en comble

A. des dÉpenses fiscales nombreuses en faveur de l’investissement locatif, À l’efficacitÉ rarement démontrÉe

1. Une revue nécessaire de l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif

a. Le dispositif « Pinel » : une mort programmée

b. Les conclusions provisoires de l’expérimentation du « Pinel breton » : un projet intéressant mais une évaluation intermédiaire peu concluante

c. L’échec du dispositif « Denormandie »

2. Le dispositif Loc’Avantages : une évaluation attendue

B. Revoir toute la fiscalitÉ locative

1. Le statut du propriétaire bailleur : une hypothèse intéressante mais qui reste coûteuse

a. Le chiffrage de la FFB

b. Les limites du dispositif

2. Les locations meublées : un régime dérogatoire à faire évoluer

a. Les meublés touristiques de courte durée : des avantages fiscaux aujourd’hui inacceptables

b. Le rapprochement des fiscalités de la location nue et meublée de longue durée

3. Envisager une profonde réforme de la fiscalité : la proposition « Mattéi »

V. Action Logement : un acteur essentiel de la politique du logement qui doit faire face À de multiples dÉfis

A. La participation des employeurs À l’effort de construction (PEEC) repose sur un hÉritage ancien

B. le groupe Action Logement, CRÉÉ en 2017, finance de nombreux dispositifs qui dÉpassent la vocation d’origine de la peec

1. L’organisation du groupe Action Logement

2. De nombreux acteurs interviennent dans le fonctionnement de la PEEC

3. La convention quinquennale 2018-2022 : des objectifs très ambitieux pour des résultats perfectibles

4. Action Logement propose aujourd’hui de nombreux dispositifs soutenant les politiques publiques du logement

a. Les aides à l’accession au logement

b. Le soutien au secteur du logement social

c. Le financement du renouvellement urbain et des politiques locales de l’habitat

5. Une allocation des emplois de la PEC qui interroge sur le lien emploi-logement

C. Alors que la pec fait l’objet de critiques rÉcurrentes sur son coÛt et sa pertinence, le groupe action logement a su globalement en améliorer la gestion

1. Une augmentation massive des emplois de la PEC depuis 2019

2. Des critiques persistantes sur le coût et la gestion de la PEC

3. Action Logement a apporté des premières réponses aux critiques formulées

D. L’avenir du groupe est confortÉ dans le contexte de la nouvelle convention quinquennale 2023-2027

1. La PEC et le groupe Action Logement : des acquis à préserver dans un contexte de fortes tensions sur le secteur du logement

2. La convention quinquennale 2023-2027 mobilise 14,4 milliards d’euros autour de trois axes stratégiques qui mettent en œuvre les conclusions du conseil national de la refondation sur le logement

3. Le reclassement éventuel d’ALS en ODAC, le renchérissement des taux et les prélèvements réguliers sur les ressources complexifient la situation financière du groupe et plus largement celle du mouvement HLM

CONCLUSION des rapporteurs

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE

GLOSSAIRE DES ABRÉviations

LISTE DES PERSONNES entendues par la mission d’information

 


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   synthÈse

Alors que le secteur du logement est aujourd’hui marqué par une double crise de la demande et de l’offre, ce rapport vise à dresser un bilan de nombreux dispositifs mis en œuvre et à proposer, au-delà des solutions de court terme, des évolutions structurelles. En effet, les difficultés actuelles du secteur du logement ne pourront être résolues en reconduisant des dispositifs qui n’ont pas démontré l’efficacité de leur contribution à l’objectif fondamental de la politique publique du logement, à savoir permettre à chaque ménage de disposer d’un logement abordable et de qualité.

 Des dépenses publiques en faveur du logement élevées et insuffisamment évaluées

Alors que les dépenses en faveur du logement atteignaient 43,0 milliards d’euros en 2011 pour 2,1 % du PIB, les mesures d’économies réalisées ces dernières années ont permis de stabiliser le niveau des aides au logement à un niveau qui demeure élevé. Ainsi, avec des dépenses en faveur du logement à hauteur de 38,2 milliards d’euros en 2021 soit 1,5 % du PIB selon les données du compte satellite du logement (CSL), qui ne prend toutefois pas en compte les dépenses d’administration ni l’exonération de prélèvements obligatoires portant sur les intérêts des livrets d’épargne réglementée, le logement bénéficie de nombreuses aides publiques. Si les dépenses budgétaires représentent 23,6 milliards d’euros, composées à plus de 85 % de prestations sociales, le poids de dépenses fiscales est de 13,7 milliards d’euros et illustre l’ingéniosité française en matière de dérogations à la norme fiscale.

l’Évolution des dÉpenses publiques en faveur du logement en montant absolu et rapportÉe au produit intÉrieur brut (PIB)

(en millions d’euros)

Source : CSL.

S’il convient d’interpréter avec nuance les données d’Eurostat, dont la comptabilisation des aides personnelles en faveur du logement peut être discutée, la France confirme son statut de championne de la dépense par rapport à ses voisins européens : rapporté au PIB, c’est le troisième pays de l’Union européenne où l’on dépense le plus en faveur du logement (1,3 % du PIB en France en données Eurostat 2021, contre 0,53 % en Italie et 0,45 % en Allemagne). En raison de la diversité des systèmes de comptabilité nationale en ce qui concerne les dépenses publiques pour le logement, un travail d’harmonisation avec les autres pays de l’Union européenne est cependant nécessaire.

Recommandation : Fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement et renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE.

Le poids des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement, d’environ 90 milliards d’euros, ne saurait justifier à lui seul un tel niveau de dépenses publiques. Ce chiffre provenant du CSL ne prend pas en compte la suppression de la taxe d’habitation. Après prise en compte de la suppression de la taxe d’habitation, les prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement n’augmenteraient plus que de 33 % depuis 2010 et de 2 % depuis 2017, c’est-à-dire un peu moins vite que l’ensemble des prélèvements obligatoires (qui augmentent respectivement de 34 % depuis 2010 et 7 % depuis 2017). Par ailleurs, la forte hausse du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) est sans lien direct avec la production de logements. Un consensus semble néanmoins s’établir parmi les experts du logement pour reconnaître une fiscalité plus lourde en France que dans les pays voisins européens, le niveau élevé de la fiscalité sur le logement conduisant en parallèle à recourir davantage à des dépenses fiscales.

Si un niveau de dépenses publiques élevées n’est pas critiquable en soi, l’attention portée à leur efficacité doit être d’autant plus exigeante. Pourtant, des dépenses fiscales significatives n’ont fait l’objet d’aucune évaluation ces dernières années et leur pilotage est défaillant. Malgré des efforts récents, un manque étonnant d’études et de recherches économiques sur logement peut être constaté.

Recommandations :

– Renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA).

– Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques.

Le constat d’une recherche insuffisamment développée est paradoxal, dans la mesure où les données à disposition des chercheurs, en dehors des données à caractère fiscal, sont relativement nombreuses. L’accès à la donnée pourrait néanmoins être encore facilité afin d’encourager les travaux de recherche et le développement de la connaissance sur le secteur du logement. On peut également regretter que la dernière Enquête Logement réalisée par l’INSEE date de 2013 : si les résultats d’une nouvelle enquête devraient être prochainement publiés, le délai entre deux enquêtes est trop long pour permettre un suivi fin des évolutions.

Recommandation : Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement.

Malgré une dépense publique élevée en faveur du secteur logement, les résultats sont contrastés : si la qualité des logements s’améliore, le coût du logement est de plus en plus élevé pour les ménages et représente environ 28 % de leur consommation en 2021 contre 20 % en 1990.

part de la consommation des mÉnages
consacrÉe aux diffÉrents postes de dÉpenses

Source : INSEE, comptabilité nationale.

Entre 2001 et 2013, le taux d’effort des ménages en matière de logement est passé de 16,1 % à 18,3 %. Toutefois, la France ne fait pas mauvaise figure sur ce plan par rapport à ses voisins européens : le taux de surcharge (nombre de ménages dont le taux d’effort pour le logement est supérieur à 40 %) est l’un des plus faibles de l’Union européenne.

Au regard de l’argent public investi, les objectifs de la politique du logement doivent également être interrogés. Ainsi, la bonne santé du logement en France a longtemps été évaluée à l’aune de la construction. La France est le pays de l’OCDE où le nombre de logements par habitant est le plus important et où l’augmentation du nombre de logements est également la plus rapide sur la dernière décennie.

Nombre de logements pour 1 000 habitants en 2020
et Évolution moyenne du nombre de logements entre 2011 et 2020

Source : Pierre Madec (données OCDE).

Cette situation peut s’expliquer notamment par la croissance de la population française et par un phénomène de décohabitation croissante (la taille des ménages est en moyenne de 2,19 habitants en 2019 contre 3,08 habitants en 1968). Cependant, le nombre important de nouvelles constructions ne suffit pas à répondre à la demande de logements et à détendre la pression sur le marché immobilier dans un certain nombre de zones. Le taux de résidences principales dans le parc diminue ainsi continuellement depuis 2005. Le nombre de logements vacants a augmenté de 55 % entre 2005 et 2021. En 2022, 30,74 millions de logements correspondent à des résidences principales, 3,69 millions à des résidences secondaires et logements occasionnels et 3,12 millions à des logements vacants. Les efforts réalisés pour lutter contre la vacance en zone tendue (instauration d’une taxe sur les logements vacants) comme en zone détendue doivent être renforcés. De 2000 à 2022, ce sont près de 390 000 logements individuels et collectifs qui ont été mis en chantier chaque année, ce qui représente à peine plus de 1 % du parc existant (lequel comprend 37,6 millions de logements au 1er janvier 2022) et approximativement le nombre de logements devant faire l’objet d’une rénovation globale chaque année. La construction neuve ne constitue donc qu’une partie de la problématique du logement. La rénovation du bâti devient, à l’inverse, un enjeu majeur.

Recommandation : Fixer comme objectif prioritaire d’une politique de logement la remise sur le marché immobilier des logements vacants, en accession à la propriété ou à la location.

Les outils budgétaires et fiscaux sont souvent considérés comme les premiers outils pour régler des difficultés. Or, bien souvent, la réglementation, qui obéit à des objectifs propres, pèse fortement sur le coût du logement, avec des répercussions indirectes sur les politiques mises en œuvre : c’est par exemple le cas de la politique de « zéro artificialisation nette » ou de la réglementation environnementale. Il est nécessaire aujourd’hui de respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.

Recommandation : Respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.

En outre, si la politique du logement demande des financements, il est aujourd’hui nécessaire de mobiliser davantage les capitaux privés, notamment dans le cas des travaux de rénovation énergétique. L’éco-PTZ reste aujourd’hui trop peu utilisé, même si les émissions ont fortement augmenté depuis 2018 : seuls 82 000 prêts ont été émis en 2022. Les contraintes liées aux plafonds de ressources du prêt avance rénovation, dans la continuité des conclusions du conseil national de la refondation sur le logement, devraient par exemple être supprimées afin d’encourager une meilleure diffusion de ce dispositif utile.

Recommandation : Supprimer les conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation.

Enfin, face à l’ensemble de ces difficultés, un changement de méthode paraît pertinent. Un approfondissement de la territorialisation de cette politique permettrait de mieux prendre en compte les réalités locales et d’adapter les dispositifs aux besoins identifiés sur le terrain, par exemple en matière de révision des zonages où une large liberté d’action pourrait être laissée aux collectivités territoriales.

Recommandation : Dans le cadre des réflexions visant à réviser les zonages, qui doivent aboutir au plus vite, permettre aux acteurs locaux d’adapter la cartographie des zonages à leur territoire, à coût budgétaire constant pour l’État.

L’avenir de la politique du logement s’inscrit dans une déclinaison territoire par territoire de ses dispositifs. La réussite des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) et des programmes d’intérêt général (PIG) en matière de rénovation du bâti, dans le cadre de contrats des collectivités territoriales avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’État – la part des aides de l’ANAH ([2]) attribuées en secteur programmé représente 68 % du montant des aides totales de l’ANAH et 58 % des dossiers traités –, montre tout l’intérêt de poursuivre dans cette voie. Il faut encourager les acteurs locaux à s’emparer des dispositifs déjà existants.

Par ailleurs, les représentants des élus font part de lacunes, voire de difficultés à obtenir certaines données qui freinent leur capacité d’action en la matière. Enfin, il pourrait être intéressant d’envisager de renforcer les pouvoirs des collectivités en coopération étroite avec les services de l’État. Plutôt que de déléguer de façon uniforme sur l’ensemble du territoire de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, il s’agirait de donner davantage de marges de manœuvre à celles qui le souhaitent pour moduler ou expérimenter des dispositifs.

Recommandations :

– Améliorer et fiabiliser les outils d’estimation des besoins en matière de logement ainsi que la transmission des données aux acteurs locaux.

– Expérimenter un pouvoir de dérogation des collectivités territoriales relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux de la politique du logement.

● Au regard de la multiplicité des dispositifs engagés en faveur du logement, le choix d’étudier cinq aspects de la politique publique

Au regard du périmètre large de la mission d’information, qui ne pouvait prétendre à l’exhaustivité, les rapporteurs ont souhaité se concentrer sur cinq pans de la politique publique du logement.

Les APL : un dispositif incontournable dont l’effet inflationniste interroge

Les aides personnelles au logement (APL), qui atteignent en 2021 un montant de 15,7 milliards d’euros, représentent plus de 40 % des dépenses publiques en faveur du logement en France pour plus de 6 millions de ménages bénéficiaires.

Après une hausse constante du niveau des aides personnelles au logement depuis les années 1990, plusieurs réformes ont été mises en œuvre pour contenir l’augmentation spontanée de leur coût : au total, les réformes mises en œuvre depuis 2017 permettront d’économiser 4 milliards d’euros d’aides au logement par an à partir de 2024 (3,756 milliards d’euros en 2022), soit près du quart du montant des aides versés en 2016. Malgré leur coût, les APL sont des aides nécessaires qui permettent de limiter le taux d’effort des ménages les plus modestes.

Part des mÉnages du premier quintile (20 % des ménages les plus pauvres) dont le loyer reprÉsente plus de 40 % des revenus (overburdened renters)

Source : FMI d’après les Statistiques de l’enquête sur le revenu et les conditions de vie de l’UE (EU-SILC)

En outre, les APL en faveur des étudiants représentent actuellement une dépense de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an, soit 9 % du total des dépenses d’APL. Alors que les APL sont normalement calculées de manière progressive suivant le niveau de revenu et de loyer pris entre des planchers et plafonds, les étudiants bénéficient d’un traitement dérogatoire : tous les étudiants sont éligibles indépendamment de leurs revenus propres ou de celui de leur foyer fiscal. Il est aujourd’hui contestable que les étudiants, dont les parents ont des revenus confortables et les soutiennent financièrement, bénéficient des APL tout en permettant à leurs parents de bénéficier d’un avantage fiscal (demi-part ou part fiscale). La réforme des APL pour les étudiants issus de familles aisées, plusieurs fois mise sur le métier, doit aujourd’hui aboutir pour des raisons d’équité.

Recommandation : Rendre obligatoire le choix entre l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour leurs enfants étudiants.

En outre, la territorialisation des aides peut se décliner concrètement dans les APL par une modulation des plafonds de loyers plus fine que celle proposée par le zonage 123.

Recommandation : Territorialiser à l’échelle intercommunale les plafonds de loyers des aides personnelles au logement.

Le risque inflationniste, qui semble être confirmé par les dernières études, conduit à interroger la revalorisation automatique des aides en fonction de l’indice de référence des loyers, même s’il convient d’être très prudent pour ne pas pénaliser les ménages les plus modestes.

Alors que le PTZ va être recentré en 2024, la question de la relance de l’accession sociale à la propriété doit être posée

L’accession sociale à la propriété, qui vise à permettre aux ménages aux revenus modestes d’acheter leur résidence principale et de devenir propriétaire à des conditions avantageuses, semble aujourd’hui en panne : le taux de propriétaires occupants, de 57,4 % en 2022, ne progresse plus depuis dix ans, alors qu’environ 80 % des Français sont ou souhaitent devenir propriétaires de leur logement.

Ainsi, malgré la difficulté croissante pour les ménages, notamment les plus modestes, d’obtenir des prêts bancaires, la propriété reste un objectif attractif pour de nombreux Français alors que le marché locatif ne peut absorber seul la forte augmentation de la demande.

Si les effets de mesures récentes, comme la suppression de l’APL « accession » en 2018, semblent avoir eu des effets sur la progression du parcours résidentiel des ménages les plus modestes, les dispositifs en faveur de l’accession sociale à la propriété ne manquent pas. En effet, alors que le prêt à l’accession sociale (PAS) et le prêt social location-accession (PSLA) sont moins sollicités qu’auparavant, le bail réel solidaire (BRS) est un dispositif prometteur dont il convient d’accompagner la montée en charge en rehaussant ses plafonds de ressources.

Recommandation : Développer le bail réel solidaire en révisant à la hausse les plafonds de ressources.

Le prêt à taux zéro (PTZ) a pour objectif d’aider des ménages à revenus modestes ou moyens à acquérir leur premier logement, à la condition que leurs opérations contribuent à développer ou améliorer le parc de logements. C’est aujourd’hui la principale dépense de l’État en matière d’accession sociale à la propriété, avec environ 839 millions d’euros en 2022 selon les données de la SGFGAS.

Ce dispositif, dont les effets sur la primo-accession des ménages modestes font l’objet de débats, présente néanmoins un intérêt dans le contexte actuel de taux d’intérêt élevés. Sa prolongation annoncée est donc bienvenue, même si le recentrage également prévu semble nécessaire afin d’éviter l’augmentation insoutenable de son coût.

Le soutien au logement social, plus nécessaire que jamais, doit être réformé pour répondre à des besoins croissants

Le parc social doit permettre aux ménages modestes de se loger pour un coût abordable. Représentant 16 % des résidences principales, il permet de loger 11 millions de personnes. Plus de 6 milliards d’euros étaient consacrés au secteur social en 2021, ce qui représente environ 16 % des dépenses publiques en faveur du logement.

Avec 4,2 milliards d’euros, les dépenses fiscales constituent le premier poste de dépense publique en faveur des organismes de logement social (OLS) pour leur activité relative au logement locatif social (LLS). Au titre de ces dépenses fiscales, les rapporteurs soutiennent la recommandation de l’USH visant à ouvrir le bénéfice du régime d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de longue durée (25 et 30 ans) aux opérations dites de « seconde vie », qui permettent de donner un nouveau cycle à des bâtiments de plus de 40 ans en leur redonnant des propriétés équivalentes à celles du neuf.

Recommandation : Étendre le bénéfice de l’exonération de TFPB bénéficiant au LLS au dispositif « Seconde vie ».

Parmi toutes les dépenses fiscales au bénéfice du LLS, une seule n’est pas liée à l’activité productive des bailleurs sociaux et bénéficie à l’ensemble des acteurs, y compris les organismes investissant peu : l’exonération d’impôt sur les sociétés (IS). Ainsi, selon l’ANCOLS, les deux tiers des organismes ne prendraient pas la part qu’on peut attendre d’eux dans la construction neuve au regard de leur poids dans le parc actuel. Or, la seule justification de l’exonération d’IS repose dans le renforcement des fonds propres pour permettre d’investir davantage. Il est plus que nécessaire de soutenir l’investissement des bailleurs alors que le coût des nouvelles opérations est en forte croissance. Une large concertation doit aujourd’hui être menée sur le sujet.

Recommandation : Supprimer l’exonération d’IS dont bénéficie le secteur social et compenser cette suppression pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus (subventions, crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement, modulations des cotisations CGLLS).

En contrepartie des aides perçues, le logement social a assumé une part importante des économies réalisées par le secteur du logement ces dernières années. Ainsi, le « pacte constructif » du 24 avril 2019 a revu à 1,3 milliard d’euros l’objectif d’économie budgétaire annuelle sur la période 2020-2022 supportée par les bailleurs sociaux au titre de la réduction de loyer de solidarité (RLS) mise en œuvre à partir du 1er février 2018.

En parallèle, les objectifs d’agrément de nouveaux logements sociaux restent élevés alors que les résultats constatés demeurent en deçà des objectifs fixés depuis plusieurs années. La crise sanitaire de 2020 a constitué un point de bascule avec un nombre d’agréments tombé sous la barre des 100 000, les territoires les plus tendus étant particulièrement touchés. Avec 63 378 logements mis en service en 2021, un niveau qui n’avait pas été observé depuis plus de dix ans vient d’être atteint.

Aujourd’hui, les OLS doivent impérativement développer leurs recettes propres pour atteindre ces objectifs, dans un contexte financier fortement dégradé. Si le secteur HLM aborde la crise dans une situation financière robuste – son autofinancement global atteignant 18,4 % des revenus locatifs en 2020 selon les données de la Banque des territoires –, il doit faire face aujourd’hui à des défis majeurs avec notamment la hausse du taux du livret A qui a des conséquences importantes sur la charge de sa dette.

À ce titre, les rapporteurs estiment qu’il devrait être possible d’augmenter encore le nombre de logements sociaux vendus chaque année en offrant la possibilité de ventes en bloc de logements PLUS détenus depuis plus de 15 ans, ainsi qu’en envisageant, de façon plus systématique, en cas de rénovation, le recours à la troisième ligne ou à la hausse de loyer (a minima dans les PLUS et les PLS). Dans les dernières opérations de rénovation, environ un quart seulement des bailleurs sociaux aurait fait usage du dispositif de la troisième ligne.

Recommandations :

– Étendre la possibilité de vente en bloc des logements sociaux aux PLUS ;

– En cas de rénovation énergétique, systématiser le partage des économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire par une hausse du loyer.

En outre, une tension de plus en plus manifeste s’exerce aujourd’hui sur le logement social et entrave la fluidité des parcours résidentiels. Selon les estimations récentes de l’ANCOLS, ce sont près de 200 000 à 250 000 personnes qui demandent un logement social chaque année et ne voient pas leur requête satisfaite.

indicateur de performance 1.1.2 « taux de mobilitÉ dans le parc social »
du programme 135 Urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat

Source : Rapports annuels de performances du programme 135.  
L’indicateur correspond au ratio du nombre d’emménagements dans les logements locatifs proposés à la location en service depuis au moins un an sur le nombre de logements locatifs loués ou proposés à la location depuis au moins un an.

Le risque est aujourd’hui d’assister à une véritable embolie du secteur HLM avec une fermeture progressive du parc social aux nouveaux entrants. Sans qu’il soit question de bouleverser le modèle « universaliste » du logement social qui inclut des objectifs de mixité sociale, le statu quo n’est plus possible.

Alors que les efforts de mixité sociale dans le parc locatif social ne sont pas respectés, puisqu’environ 16 % des attributions hors QPV bénéficient à des ménages du premier quartile contre une cible fixée à 25 %, il est nécessaire d’inciter les ménages du parc locatif social les plus aisés à en sortir.

Recommandation : Renforcer les incitations à quitter leur logement social pour les ménages les plus aisés qui en sont bénéficiaires :

 – en baissant à 120 % du plafond PLS le seuil au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (contre 150 % aujourd’hui) ;

 – en fixant le supplément de loyer de solidarité (SLS) en fonction de l’écart entre le prix de marché et le plafond de loyer ;

 – en baissant le seuil de déclenchement du SLS (100 % des plafonds PLUS et PLS au lieu de 120 %) ;

 – en supprimant l’exonération du SLS dans les ZRR.

Enfin, la priorité doit être donnée au logement locatif intermédiaire (LLI) institutionnel, qui permet de proposer une offre locative située entre le parc social et le marché libre dans les zones tendues où les loyers de marché sont nettement supérieurs aux plafonds de loyers du logement social (PLS). La dynamique observée depuis 2014 doit être prolongée.

Source : DHUP.

Avec des plafonds de loyers inférieurs de 10 à 15 % aux prix moyens du marché, le LLI est indispensable pour accompagner les ménages dans leur parcours résidentiel.

Recommandation : Favoriser le développement du LLI institutionnel en assouplissant le cadre réglementaire et en ouvrant son financement à l’épargne des particuliers.

Toutefois, le logement locatif intermédiaire ne fait pas l’objet d’un contrôle propre, contrairement au logement locatif social. Il n’existe aujourd’hui aucune donnée disponible sur les revenus des locataires à la suite de leur entrée dans le logement. Le développement du LLI par la levée des contraintes a priori doit avoir pour contrepartie le renforcement du contrôle du respect des plafonds de loyer et des plafonds de revenus par les bailleurs.

Recommandation : Formaliser un cadre de contrôle des obligations qui incombent au logement locatif intermédiaire institutionnel.

Une révision de l’intégralité de la fiscalité locative s’impose

L’investissement locatif fait l’objet de nombreuses dépenses fiscales, pour une dépense de près de 2,2 milliards d’euros en 2022. La plupart de ces dispositifs présentent des résultats perfectibles au regard de leur coût.

Lors de la conclusion du conseil national de la refondation portant sur le logement, la Première ministre a annoncé que le dispositif « Pinel » ne serait pas prolongé au-delà du 31 décembre 2024. Bien que cette nouvelle soit difficile à accepter pour la filière, cette décision est la bonne : le coût du « Pinel » est aujourd’hui trop élevé par rapport à l’efficacité du dispositif, notamment si on le compare aux dispositifs poursuivant des objectifs semblables (logements PLS, LLI).

Recommandation : Ne pas remettre en cause la suppression du dispositif « Pinel » qui arrive à expiration au 31 décembre 2024.

Aujourd’hui, il faut oser des mesures plus audacieuses et revoir dans son ensemble la fiscalité locative. Le statut du propriétaire bailleur privé, proposition émise par la Fédération française du bâtiment (FFB) et reprise par l’ensemble de la filière, vise à simplifier la fiscalité locative. L’idée est de remplacer l’ensemble des dépenses fiscales favorisant la location des logements par un mécanisme simple et lisible relevant d’un régime de droit commun. Les réflexions autour de ce statut sont cependant à poursuivre, tant son coût pourrait être élevé.

En outre, les avantages dont bénéficient les meublés touristiques de courte durée dans les zones tendues et littorales par rapport aux logements mis en location de longue durée ne sont plus acceptables au regard de l’attrition de l’offre de logements dans certains territoires. La réglementation mise en œuvre n’est pas suffisante : l’enjeu est d’éviter que les locations de longue durée disparaissent au profit de locations touristiques. Les travaux ouverts par la Première ministre doivent absolument aboutir à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Recommandation : Aligner les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée.

Conforter le groupe Action Logement au regard des missions de plus en plus diverses qui lui sont assignées

Le groupe paritaire Action Logement, créé en 2017, est aujourd’hui le collecteur unique de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), aussi connue sous le nom de « 1 % logement », qui représentait 1,62 milliard d’euros en 2021.

Le principe de la PEEC est simple : les employeurs occupant au moins cinquante salariés doivent consacrer des sommes au financement d’actions dans le domaine du logement, soit sous la forme d’un versement représentant 0,45 % de leur masse salariale, soit en investissant directement en faveur du logement de leurs salariés.

Si la PEEC fait l’objet de critiques régulières sur son coût et la pertinence de ses emplois, la mise en œuvre de la convention quinquennale 2018-2022 par le groupe Action Logement est globalement satisfaisante alors que les emplois de la PEEC s’élèvent à un niveau inédit : plus de 24 milliards d’euros sur la période en incluant les avenants à la convention.

Action Logement, qui distribue des aides à l’accession au logement, soutient le secteur du logement social et les politiques de renouvellement urbain, est devenu un acteur incontournable de la politique publique du logement. Toutefois, le groupe propose désormais de nombreux dispositifs qui ne bénéficient pas seulement aux salariés des entreprises contributrices, remettant en question le lien emploi-logement au fondement de la PEEC.             

Recommandation : Engager une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la PEEC sur les besoins des entreprises contributrices en matière de logement de leurs salariés. 

La nouvelle convention quinquennale 2023-2027, signée avec six mois de retard, mobilise 14,4 milliards d’euros et conforte le rôle d’Action Logement dans un contexte dans lequel l’augmentation des taux rend la situation financière du groupe et du mouvement HLM complexe.

La PEEC doit être préservée comme ressource dédiée au logement. La décentralisation de sa collecte ne paraît pas pertinente à ce stade. Enfin, il convient de préserver la gouvernance paritaire du groupe et d’affirmer le rôle des partenaires sociaux en matière de définition des emplois de la PEEC.


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   RECOMMANDATIONS Des rapporteurs spÉciaux

1°) Fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement et renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE.

2°) Renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA).

3°) Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques.

4°) Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement.

5°) Fixer comme objectif prioritaire d’une politique de logement la remise sur le marché immobilier des logements vacants, en accession à la propriété ou à la location.

6°) Respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.

7°) Supprimer les conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation.

8°) Dans le cadre des réflexions visant à réviser les zonages, qui doivent aboutir au plus vite, permettre aux acteurs locaux d’adapter la cartographie des zonages à leur territoire, à coût budgétaire constant pour l’État.

9°) Améliorer et fiabiliser les outils d’estimation des besoins en matière de logement ainsi que la transmission des données aux acteurs locaux.

10°) Expérimenter un pouvoir de dérogation des collectivités territoriales relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux de la politique du logement.

11°) Rendre obligatoire le choix entre l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour leurs enfants étudiants.

12°) Territorialiser à l’échelle intercommunale les plafonds de loyers des aides personnelles au logement.

13°) Développer le bail réel solidaire en révisant à la hausse les plafonds de ressources.

14°) Étendre le bénéfice de l’exonération de TFPB bénéficiant au LLS au dispositif « Seconde vie ».

15°) Supprimer l’exonération d’IS dont bénéficie le secteur social et compenser cette suppression pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus (subventions, crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement, modulations des cotisations CGLLS).

16°) Étendre la possibilité de vente en bloc des logements sociaux aux PLUS ;

17°) En cas de rénovation énergétique, systématiser le partage des économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire par une hausse du loyer.

18°) Renforcer les incitations à quitter leur logement social pour les ménages les plus aisés qui en sont bénéficiaires :

– en baissant à 120 % du plafond PLS le seuil au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (contre 150 % aujourd’hui) ;

– en fixant le supplément de loyer de solidarité (SLS) en fonction de l’écart entre le prix de marché et le plafond de loyer ;

– en baissant le seuil de déclenchement du SLS (100 % des plafonds PLUS et PLS au lieu de 120 %) ;

– en supprimant l’exonération du SLS dans les ZRR.

19°) Favoriser le développement du LLI institutionnel en assouplissant le cadre réglementaire et en ouvrant son financement à l’épargne des particuliers.

20°) Formaliser un cadre de contrôle des obligations qui incombent au logement locatif intermédiaire institutionnel.

21°) Ne pas remettre en cause la suppression du dispositif « Pinel » qui arrive à expiration au 31 décembre 2024.

22°) Aligner les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée.

23°) Engager une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la PEEC sur les besoins des entreprises contributrices en matière de logement de leurs salariés. 


   Introduction

Les difficultés actuelles du secteur du logement, marqué par une double crise de la demande (augmentation rapide des taux d’intérêt sans baisse suffisante des prix de l’immobilier) et de l’offre (rareté du foncier, coût élevé de la construction lié à la réglementation et à l’inflation du prix des matériaux), sont réelles. Ce rapport d’information vise moins à apporter des réponses conjoncturelles qu’à faire le bilan de l’ensemble des dispositifs mis en œuvre en faveur du logement depuis plusieurs décennies et à proposer certaines évolutions structurelles de long terme : répondre à la crise du logement ne doit pas conduire à poursuivre des dispositifs qui n’ont pas prouvé leur efficacité et ont parfois même été contre-productifs au regard des objectifs fondamentaux assignés à la politique du logement, à savoir permettre à chaque ménage de disposer d’un logement de qualité et abordable.

Les enseignements de la mission d’information sont clairs : encore insuffisamment évaluée, malgré des efforts récents, la politique du logement coûte cher à la France pour des résultats qui, sans être catastrophiques, ne sont pas à la hauteur des investissements consentis. Des économies ont été réalisées ces dernières années sur le secteur du logement. Les efforts doivent être poursuivis : non pas nécessairement pour moins dépenser, mais pour mieux dépenser et dépenser autrement. La territorialisation de la politique du logement paraît en ce sens indispensable.

Après avoir dressé un panorama des aides publiques en faveur du logement et rappelé les principaux constats relatifs à la performance de la politique publique (partie I), le présent rapport aborde différents dispositifs et aspects de la politique du logement (partie II) qui couvrent la majeure partie des dépenses en faveur du logement : les aides personnelles au logement, les dispositifs d’accession sociale à la propriété, le logement social, les dépenses fiscales de soutien à la location et enfin le groupe Action Logement. Le rapport, sans viser l’exhaustivité – certaines problématiques majeures telles que le logement en Outre-mer ou le soutien public à la rénovation thermique des logements des particuliers n’ont pas été traitées, parce que de très nombreuses évaluations, notamment parlementaires, portent sur le sujet ([3]) –, couvre dans les faits la majeure partie des politiques publiques en faveur du logement.


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   Partie I : les dÉpenses publiques en faveur du logement : un niveau ÉlevÉ pour des rÉsultats insuffisamment ÉvaluÉs et une efficacitÉ d’ensemble douteuse qui appellent À un changement de mÉthode

Les dépenses publiques pour le logement sont nombreuses et diverses : aides budgétaires, aides financières (avantages de taux), dépenses fiscales. Le niveau de dépenses en faveur du logement, dont le niveau a été stabilisé ces dernières années, paraît relativement élevé par rapport aux autres pays européens même si des études complémentaires devraient être réalisées par les administrations centrales pour objectiver cet état de fait. Le niveau des prélèvements obligatoires portant sur le logement, jugé élevé par la filière, ne peut justifier des dépenses publiques dont l’efficacité doit par principe être démontrée.

Si les résultats sont loin d’être catastrophiques, la politique du logement ne semble pas enregistrer des résultats à la hauteur des investissements consentis et qui demeurent bien trop peu évalués. La politique du logement est aujourd’hui à un tournant où la méthode comme les objectifs doivent être profondément transformés.

I.   le logement bÉnéficie d’une variÉtÉ Étendue d’aides publiques qui pÈsent 1,5 % du pib en 2021

Le compte satellite du logement (CSL) constitue une source de données précieuse pour suivre la situation du logement en France. Fondé sur un système de comptabilité additionnelle et exhaustive, cohérente avec les règles d’enregistrement propres à la comptabilité nationale, le CSL permet de suivre au cours du temps :

– la dépense totale en faveur du logement (dépenses courantes et dépenses d’investissement) ;

– la place du logement dans l’économie nationale ;

– le parc de logements, en précisant les différents modes d’occupation.

Outre le chiffrage de l’activité immobilière et des loyers dits « imputés » ([4]), le compte satellite du logement permet de retracer l’effort de l’ensemble des agents économiques en faveur du logement depuis 1984, et notamment les dépenses publiques. L’ensemble des séries de données sont publiques ([5]). Un rapport du CSL publié chaque année à l’automne permet de donner une vision macroéconomique synthétique et pédagogique de l’année passée.

Les rapporteurs sont partis des données du compte satellite du logement pour retracer les dépenses en faveur du logement versées aux agents économiques (ménages et entreprises) sans retraitement des données. Il convient cependant d’indiquer que ne sont pas comptabilisées dans le compte satellite du logement les dépenses d’administration de la politique du logement, c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement et d’investissement du ministère en charge de la politique du logement et des opérateurs en charge de sa mise en œuvre, ainsi que les coûts de gestion des différentes aides.

Par ailleurs, le calcul des dépenses publiques en faveur du logement par le CSL n’est pas identique à la comptabilité budgétaire des lois de finances : à titre d’exemple, les prêts à taux zéro (PTZ) sont calculés à partir de l’avantage de taux dont bénéficient les particuliers et non du crédit d’impôt dont bénéficient les banques qui commercialisent les PTZ et qui constitue une dépense fiscale.

L’exonération de prélèvements obligatoires portant sur les intérêts des livrets d’épargne réglementée qui bénéficient au logement social (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire) n’est pas prise en compte dans le CSL alors que cette exonération rend attractif ces placements. Le fonds d’épargne peut ainsi répondre aux besoins de financement du logement social, étant rappelé qu’une partie seulement du fonds d’épargne est consacrée au logement social ([6]). Si le CSL prend bien en compte un coût « public » relatif à l’épargne populaire, son raisonnement est inverse : il considère que les ménages participent au financement du logement social (302 millions d’euros en 2021) en obtenant une rémunération inférieure aux taux du marché.

Enfin, les garanties bénéficiant au logement social (garanties locales, garanties de la Caisse de garantie du logement locatif social – CGLLS) ou des différents prêts permettant l’accession à la propriété (garanties accordées par la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété – SGFGAS) ne sont pas prises en compte dans le calcul du CSL.

A.   L’indispensable stabilisation du niveau des aides en faveur du logement

Les dépenses en faveur du logement atteignent 38,16 milliards d’euros en 2021, ce qui représente environ 1,5 % du PIB. En ordre de grandeur, elles s’élèvent à un montant total comparable à un dixième des dépenses du budget de l’État.

1.   Une importante somme de 38,16 milliards d’euros en 2021

Après avoir connu une hausse importante de 1990 au début des années 2000, avec un sommet atteint en 2011 (43,02 milliards d’euros soit 2,1 % du PIB), le niveau des dépenses publiques en faveur du logement s’est stabilisé à un niveau élevé.

l’évolution des dépenses publiques en faveur du logement en montant absolu et rapportée au produit intérieur brut (PIB)

(en millions d’euros)

Source : CSL.

L’ensemble des prestations sociales accordées aux ménages représente près de 53 % du total des dépenses publiques en faveur du logement. Les dépenses fiscales représentent 36 % du total (30,4 % au bénéfice des producteurs de logements et 5,5 % au bénéfice des ménages).

répartition des aides au logement par contributeur
(hors subvention d’exploitation)

Source : CSL

Si l’État est le principal contributeur aux aides publiques au logement, les employeurs contribuent également à hauteur de 14 % via Action Logement grâce au produit de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et aux cotisations versées au Fonds national d’aide au logement (FNAL) pour le financement des aides personnelles au logement (2,6 milliards d’euros en 2021). Les collectivités territoriales portent également une partie des prestations sociales et le poids des exonérations de taxe foncière (1,228 milliard d’euros en 2021), partiellement compensé par l’État.

2.   Une stabilisation des dépenses en faveur du logement à partir de 2010

L’accélération de la hausse des dépenses en faveur du logement de 2004 à 2010 (avec un taux de croissance annuel des dépenses de 8 % par an) est principalement due à la forte hausse des avantages fiscaux, dont le niveau a doublé en six ans (de 7 à 14 milliards d’euros).

Les dépenses éligibles au taux de TVA réduit pour les travaux d’entretien et d’amélioration ont été élargies, ce qui a eu pour effet de faire passer le coût de cette dépense fiscale de 3,973 milliards d’euros en 2004 à 7,340 milliards d’euros en 2009. Par ailleurs, le crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) a été créé en 2005. Enfin, une déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier a été applicable aux achats immobiliers intervenus entre 2007 et 2010 (coût de 2 milliards d’euros en 2012). L’OCDE a rappelé lors des auditions l’inefficacité de ce dispositif des intérêts d’emprunts, qui profite davantage aux ménages les plus favorisés et participe à l’augmentation des coûts du foncier ([7])

Les dépenses publiques en faveur du logement se stabilisent ensuite de 2010 à 2016 : la progression continue des prestations sociales, en particulier des aides personnelles au logement, compense le repli des subventions d’investissement (notamment celles liées aux prêts pour le logement social) et des avantages de taux dans un contexte de baisse des taux d’intérêts.

Une baisse significative est enregistrée de 2017 à 2019 (baisse moyenne de – 3,7 % par an), notamment portée par le logement social : la baisse du montant alloué aux aides personnelles au logement est liée à la mise en œuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS) à partir de 2018. La baisse d’environ 900 millions d’euros des dépenses fiscales entre 2016 et 2019 est à rapporter à la décélération rapide du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) et la restriction des taux de TVA réduit dont bénéficie le logement social. La baisse des taux d’intérêts conduit également mécaniquement à une baisse des avantages de taux : les aides de taux ont ainsi diminué de plus de 73 % entre 2016 et 2021.

Depuis 2020, on enregistre une certaine stabilité des aides publiques en faveur du logement : la progression des subventions d’investissement avec le lancement du dispositif « MaPrimeRénov’ » géré par l’ANAH compense la baisse des dépenses fiscales liée notamment à l’extinction du CITE.

La hausse des taux d’intérêts devrait mécaniquement augmenter les dépenses publiques en faveur du logement, même si elle est compensée par l’encadrement renforcé du PTZ annoncé par la Première ministre. Le montant des subventions d’investissement devrait croître à l’avenir avec la montée en puissance des dispositifs MaPrimeRénov’ mis en œuvre par l’ANAH.

B.   Des dÉpenses en faveur du logement abondantes

Les dépenses publiques en faveur du logement sont nombreuses et diverses.

1.   Les dépenses budgétaires : un poids important dans les dépenses publiques (23,56 milliards d’euros)

Les dépenses budgétaires peuvent à la fois bénéficier aux ménages (au moyen de prestations sociales ou d’aides à la rénovation énergétique) et aux personnes morales (notamment les organismes de logement social – OLS).

a.   Les prestations sociales représentent plus de 85 % des dépenses budgétaires en faveur du logement (20,1 milliards d’euros)

Les prestations sociales, au sens du CSL sont composées en premier lieu des aides personnelles au logement (aides personnalisées au logement – APL, allocations de logement sociales – ALS, allocations de logement familiales – ALF) qui constituent le premier poste de dépenses publiques : les aides personnelles au logement, hors frais de gestion, représentent 15,7 milliards d’euros en 2021, soit 41 % du total des dépenses publiques en faveur du logement.

Les autres prestations sociales représentent néanmoins un montant non négligeable de 4,4 milliards d’euros. Elles incluent notamment les prestations sociales des collectivités territoriales, en particulier des départements (1,65 milliard d’euros en 2021) : ainsi, l’aide sociale à l’hébergement (ASH), versée par les départements pour prendre en charge les frais liés à l’hébergement d’une personne âgée en établissement ou chez un accueillant familial, représenterait une dépense nette de près de 1,3 milliard d’euros en 2020 selon les données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([8]). Les départements assurent également la gestion du fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui permet d’apporter une aide financière à toute personne ayant des difficultés à assurer certains frais liés à son logement (factures, frais de commissaires de justice, frais à l’installation dans le logement) pour un budget de plus de 220 millions d’euros en 2021. L’État prend également en charge certaines prestations sociales liées aux locaux d’hébergement collectif, comme les aides aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées versées par l’État à des associations ou des centres communaux et intercommunaux d’action sociale pour les personnes ne bénéficiant pas des aides au logement ou d’un hébergement. Le CSL inclut également les prestations versées au titre du chèque énergie ainsi que certaines aides et subventions d’Action Logement.

b.   Les subventions d’exploitation et les subventions d’investissement au bénéfice des producteurs de logement (3,55 milliards d’euros en 2021) : un niveau modéré appelé à croître dans les prochaines années en lien avec la rénovation énergétique

Les subventions d’investissement (3,317 milliards d’euros), ainsi que les subventions d’exploitation dans une moindre mesure (232 millions d’euros), jouent un rôle important de soutien à la politique du logement même si le rôle des premières (les « aides à la pierre ») a fortement décru depuis plusieurs décennies (notamment avec la substitution dans les années 1990 d’un taux réduit de TVA aux aides à la construction). Les subventions d’investissement sont aujourd’hui principalement composées :

– des subventions de l’État, notamment au moyen du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), et de celles des collectivités locales liées aux prêts locatifs au logement social (construction de logements neufs, acquisition et rénovation de logements anciens), pour un montant de 1,267 milliard d’euros en 2021 ;

– des aides et subventions de l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH), notamment MaPrimeRénov’, pour un montant de 1,805 milliard d’euros.

D’autres dépenses peuvent être citées, comme les subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), les subventions d’Action Logement aux organismes constructeurs, ou la décote en cas de cession du foncier public.

Les nouveaux enjeux liés à la rénovation énergétique devraient conduire à rehausser le montant des aides à la pierre à l’avenir par une forte augmentation du budget de l’ANAH.

2.   13,7 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2021 : une ingéniosité très française

Les dépenses fiscales en faveur du logement sont nombreuses et représentent plus de 15 % du montant total des dépenses fiscales en France. Le CSL les comptabilise à partir des données du tome II de l’annexe Voies et moyens associée au projet de loi de finances et de celles transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour les exonérations de taxe foncière. Le CSL inclut les avantages de taux sur les prêts à taux zéro (PTZ) et éco-prêts à taux zéro (Éco-PTZ) au sein de la catégorie des avantages de taux. Par ailleurs, le CSL n’inclut pas les exonérations et dégrèvements de taxe d’habitation, comptabilisés en comptabilité nationale dans la catégorie des « autres impôts sur le revenu », qui sont de toute façon en extinction avec la suppression de cet impôt.

Les dépenses fiscales en faveur du logement peuvent être classées selon l’objectif poursuivi :

– l’amélioration de la qualité de l’habitat, avec l’encouragement des propriétaires, notamment bailleurs, à rénover leurs logements et à en augmenter les performances énergétiques ;

– le développement de l’offre de logements, en cherchant un meilleur équilibre entre l’offre et la demande avec une plus grande solvabilité des ménages et un appui à l’investissement locatif ;

– le soutien au logement social, en favorisant la production et la rénovation du parc social existant.

coût des principales dépenses fiscales EN FAVEUR DU logement
par objectifs *

(en millions d’euros)

Objectif

Mesure

Réalisé 2021

Prévision 2022

Prévision 2023

Total par objectif en 2023 (milliards d’euros)

Amélioration de l’habitat

TVA au taux réduit de 10 % pour les travaux entrepris sur des logements de plus de deux ans

3 990

4 330

4 540

8,2

Déduction de l’IR des dépenses de réparation et d’amélioration

1 700

nc.

nc.

Éco-PTZ

30

34

42

TVA au taux réduit de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique

1 760

1 910

2 000

Développement de l’offre de logements

Dispositifs « Duflot » et « Pinel »

1 117

1 378

1 516

2,4

Dispositifs « Louer abordable » et « Loc’Avantages »

23

25

27

Crédit d’impôt pour les PTZ et PTZ+

1 063

878

779

Dispositif « Censi-Bouvard »

93

62

62

Dispositif « Denormandie dans l’ancien »

1

5

8

Soutien au logement social et intermédiaire

TVA au taux réduit de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux

990

nc.

nc.

2,8

TVA au taux réduit de 5,5 % pour les logements financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS)

1 135

nc.

nc.

Exonération d’IS pour les organismes d’HLM

1 075

860

800

(*) Ne sont pas comptabilisées dans le tableau les dépenses fiscales en faveur du logement rattachées au programme 175 Patrimoines (dispositif « Malraux » représentant une dépense de 32 millions d’euros en 2021), tout comme les exonérations ou abattements de TFPB au bénéfice du logement social et intermédiaire principalement à la charge des collectivités territoriales (cf. infra).

Source : rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements, annexé au projet de loi de finances pour 2023.

Les dispositifs en faveur de l’offre locative et d’exonération de TFPB ont des effets budgétaires courant plusieurs années après leur extinction : ainsi, la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire, ou dispositif « Pinel », aura une incidence budgétaire jusqu’en 2038 alors que son fait générateur prendra fin au 31 décembre 2024. La Cour des comptes notait en 2019 que le montant global affiché dans la loi de finances sous-estimait le volume réel des dépenses fiscales en faveur du logement, avec un taux d’erreur d’estimation des dépenses fiscales les plus importantes en faveur du logement compris entre 16 % et 37 % ([9]). À cet égard, les rapporteurs notent une amélioration récente de l’écart entre la prévision et la réalisation des principales dépenses fiscales en faveur du logement du programme budgétaire 135 : il était de seulement 3 % entre la LFI pour 2021 (12,6 milliards d’euros) et son exécution établie pour 2021 en 2023 (13 milliards d’euros).

3.   Les avantages de taux (831 millions d’euros en 2021) ou « aides de circuit » : une augmentation attendue dans le contexte de remontée des taux d’intérêts

Les avantages de taux concernent principalement les bailleurs. Ils consistent en :

– des avantages de taux sur les prêts au logement locatif social accordés par la Banque des territoires – Caisse des dépôts et consignations ;

– des avantages de taux sur les autres prêts de la Banque des territoires pour la construction et la réhabilitation (comme les prêts de haut de bilan bonifiés) ;

– des avantages de taux sur les prêts d’Action logement aux bailleurs sociaux.

Les ménages bénéficient quant à eux du PTZ et de l’éco-PTZ. Toutefois, son coût prend la forme d’un crédit d’impôt pour les banques qui commercialisent ces produits financiers, ainsi que de certains prêts conventionnés à taux préférentiels (prêt accession d’Action Logement).

Ces avantages de taux correspondent aujourd’hui à l’écart existant entre le taux préférentiel bénéficiant au logement social et le taux de l’Euribor à 12 mois. Le calcul des avantages de taux ne correspond pas à la dépense fiscale calculée par la direction de la législation fiscale : le coût du PTZ et l’écoPTZ sont ainsi évalués à 404 millions d’euros en 2021 par le CSL alors que le crédit d’impôt dont bénéficient les banques représente en réalité une dépense fiscale de 1,107 milliard d’euros selon les données du tome II des Voies et Moyens.

II.   La France : un champion europÉen des dÉpenses publiques en faveur du logement

La France dépense plus que ses voisins pour le logement, même si les données comparatives doivent être analysées avec prudence. Le niveau de prélèvements obligatoires n’est pas un motif suffisant pour justifier un niveau élevé de dépenses publiques.

A.   Un niveau de dÉpenses sensiblement plus ÉlevÉ que les voisins europÉens

1.   Un niveau de dépenses publiques en faveur du logement qui semble être un des plus élevés de l’Union européenne…

Comparé aux autres pays européens, le niveau de dépenses publiques en faveur du logement paraît comme l’un des plus élevés de l’Union européenne. Ainsi, la Cour des comptes souligne dans sa récente note thématique contribuant à la revue des dépenses publiques de juillet 2023 intitulée « Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis » que « la politique du logement mobilise, toutes administrations publiques confondues, 38,2 milliards d’euros en 2021, soit 1,5 % du PIB, part deux fois plus importante que la moyenne de l’UE (1,3 % en données Eurostat 2021 en France, contre 0,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne). »

Cette comparaison provient des données relatives aux statistiques annuelles des dépenses publiques de chaque État de l’Union européenne (GFS – Government Finance statistics) compilées par Eurostat sur la base du système européen de comptabilité nationale. Chaque État ventile les dépenses publiques en fonction de la classification des fonctions des administrations publiques (COFOG), ce qui permet d’identifier les dépenses publiques en faveur du logement (incluant les dépenses associées de fourniture et d’assainissement de l’eau ou l’éclairage des rues).

Dépenses publiques en faveur du logement dans les différents pays de l’UE comptabilisées par eurostat

https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/images/f/f5/Total_general_government_expenditure_on_housing_and_community_amenities%2C_2021_%28%25_of_GDP%29.png

Source : Eurostat. Données disponibles à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Government_expenditure_on_housing_and_community_amenities#Government_expenditure_on_.27housing_and_community_amenities.27_by_type_of_transaction

Pour davantage de détails sur les différents items, voir notamment : https://ec.europa.eu/eurostat/documents/3859598/10142242/KS-GQ-19-010-EN-N.pdf/ed64a194-81db-112b-074b-b7a9eb946c32?t=1569418084000.

Au regard des données d’Eurostat, le niveau des dépenses publiques en faveur du logement atteint près de 1,26 % du PIB (contre 1,5 % pour le CSL), soit plus du double de la moyenne européenne. Si on compare la France à ses voisins de taille similaire, à savoir l’Espagne (0,49 % du PIB de dépenses publiques consacrées au logement), l’Italie (0,53 % du PIB) ou l’Allemagne (0,45 % du PIB), l’écart est saisissant. Rapporté au PIB, la France est le troisième pays de l’Union européenne où l’on dépense le plus en faveur du logement… derrière Chypre et la Croatie !

2.   … mais des travaux complémentaires devraient être menés pour disposer de données comparatives internationales fiables

Il convient d’analyser les données d’Eurostat avec prudence. Des dépenses qui ne sont pas directement en faveur du logement sont prises en compte, telles que celles relatives à l’eau et l’assainissement, ainsi qu’à l’éclairage communal. Contrairement au CSL, ces dépenses incluent également les dépenses d’administration (community development, housing and community amenities).


L’économiste du logement Claude Taffin a également souligné l’existence de plusieurs biais possibles :

– par définition, les aides fiscales ne sont pas prises en compte dans les données d’Eurostat, ce qui justifie la minoration des dépenses en faveur du logement par rapport aux données du CSL ;

– il est difficile de toujours identifier et isoler celles des prestations sociales qui bénéficient au logement. Dans la base de données AHD (Affordable Housing Database) de l’OCDE, constituée par des experts nationaux, les dépenses publiques d’aides personnelles au logement sont, en 2020, de 0,69 % du PIB en France et de 0,73 % en Allemagne, soit un niveau très différent des données extraites des comptes nationaux par Eurostat.

estimation du niveau des aides publiques à la personne rapporté
au PIB en 2020 dans les pays de l’OCDE

Source : OCDE (https://www.oecd.org/els/family/PH3-1-Public-spending-on-housing allowances.pdf#:~:text=Housing%20allowances%20are%20a%20form%20of%20demand-side%20support,%20costs%2C%20temporarily%20or%20on%20a%20long-term%20basis.)

Pour l’Allemagne, l’explication d’un tel écart entre ces deux estimations semble être la suivante : l’allocation logement stricto sensu (Wohngeld) concernerait une minorité de ménages (0,6 million de ménages en 2016), tandis que diverses autres aides sociales versées à un nombre bien plus important de ménages (4,6 millions de ménages en 2016) sont classées par Eurostat en aides sociales, contrairement à l’OCDE qui les comptabilise comme étant des dépenses en faveur du logement. En France, l’instauration d’un revenu universel en remplacement de l’ensemble des prestations sociales pourrait ainsi diminuer fortement le poids des dépenses en faveur du logement de manière purement faciale.

Les travaux actuellement menés par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur la fragilité des comparaisons internationales et les erreurs éventuellement présentes quant au montant des aides et des prélèvements en matière de logement permettront de clarifier la situation.

3.   Il est urgent d’investir davantage le champ des comparaisons internationales en matière de logement

La Cour des comptes, dans ses observations définitives sur Le recours aux comparaisons européennes en matière de logement rendues publiques en avril 2023 ([10]), a montré les insuffisances des comparaisons internationales en la matière et l’absence d’utilisation des comparaisons européennes dans le pilotage de la politique du logement. Elle note également que la direction centrale en charge du logement, la direction de l’habitation, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) est « peu insérée dans les réseaux européens spécialisés ».

Comme le précise le SDES, aucune disposition réglementaire européenne ne permet aujourd’hui d’établir de CSL harmonisés, le suivi du logement étant du ressort des États membres et non de la Commission européenne en application du principe de subsidiarité. La production de tels comptes supposerait que soit établie une collecte de données harmonisée entre pays, à partir de définitions et règles méthodologiques communes, ce qui ne peut être pris en charge, après l’accord des pays, qu’au niveau d’Eurostat, direction de la Commission en charge des statistiques européennes. Avec la Cour des comptes, les rapporteurs plaident donc pour que les administrations françaises, la DHUP en premier lieu, jouent un rôle moteur pour permettre une comptabilité harmonisée du logement à l’échelle européenne. Cette comptabilité permettra de mieux appréhender l’efficience des dépenses qui soutiennent des politiques publiques très différentes en faveur du logement en Europe (politiques plus ou moins décentralisées, poids relatifs des parcs locatifs social et privé, composition du marché locatif privé détenu en majorité par des personnes physiques en Espagne et au Royaume-Uni tandis qu’une représentation plus élevée des bailleurs institutionnels associatifs est observée en Allemagne et aux Pays-Bas). Plus largement, c’est la politique du logement dans son ensemble qui mériterait d’être mieux suivie dans ses différents aspects. Les parlementaires ne disposent aujourd’hui que des travaux de l’OCDE pour pouvoir comparer certains pans de la politique du logement entre les différents pays occidentaux.

Recommandations :

 fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires concernant la politique du logement ;

 renforcer les comparaisons des différentes politiques publiques menées dans l’UE et l’OCDE.

B.   Un niveau de prÉlÈvements obligatoires jugÉ À tort ÉlevÉ par la filiÈre

Le poids des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement a été opposé aux rapporteurs par l’ensemble des acteurs de la filière du logement durant les auditions de la mission d’information.

évolution des prélèvements fiscaux portant sur le logement

(en millions d’euros)

Source : CSL 
Les prélèvements sur la consommation associée au service de logement incluent la TVA (énergie, charges) et les autres taxes sur l’énergie et les contrats d’assurance. Les prélèvements sur les producteurs de service de logement incluent les impositions sur les revenus immobiliers, l’IFI, la taxe foncière, diverses autres taxes (taxe d’enlèvement des ordures ménages, taxe sur les logements vacants). Les prélèvements sur l’investissement en logement incluent les taxes d’urbanisme et la TVA (sur les terrains, sur les logements neufs, sur les dépenses d’amélioration et de gros entretien). Les prélèvements sur les mutations incluent les DMTO bruts, la contribution de sécurité immobilière, la fiscalité sur les plus-values immobilières.

Le raisonnement consistant à lier directement le niveau de dépenses publiques en faveur d’un secteur et le poids des prélèvements obligatoires portant sur ce secteur est vicié à son fondement. Selon cette logique, le budget de l’État n’existerait plus ! C’est le principe même d’universalité budgétaire qui est en jeu : ce n’est pas parce qu’un secteur donne beaucoup qu’il doit recevoir beaucoup.

Par ailleurs, il faudrait conduire une étude comparative avec d’autres secteurs productifs pour déterminer dans quelle mesure le ratio entre les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques est réellement en défaveur du logement par rapport à d’autres secteurs.

En outre, selon le CSL, l’écart s’est creusé à partir de 2010 entre les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques en faveur du logement, avec une hausse des prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement de 56 % entre 2010 et 2021 selon le CSL, contre 34 % pour l’ensemble des prélèvements obligatoires, alors qu’on constate dans le même temps une baisse de 11 % pour les dépenses publiques en faveur du logement. Mais cette évolution à la hausse des prélèvements s’explique principalement par la hausse des prix de l’immobilier, qui a conduit à une forte augmentation du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui sont les principaux contributeurs de cette hausse à hauteur de 15 % (sur une hausse totale de 56 %) mais également par la nette augmentation de la taxe foncière. Or, le volume des aides publiques en faveur du logement devrait être plus directement rapporté aux seuls prélèvements liés à l’activité immobilière productive ou à la consommation de services, dont on peut imaginer qu’ils sont affectés par la fiscalité.

Enfin, et surtout, le CSL ne prend pas en compte la suppression de la taxe d’habitation, dont il paraît clair qu’elle porte sur le logement. Cette suppression, quoi qu’on pense de son bien-fondé, représente une baisse de 13 milliards d’euros sur la période 2010 – 2021.

Ainsi retraités, les prélèvements obligatoires pesant sur le secteur du logement n’augmenteraient plus que de 33 % depuis 2010 et de 2 % depuis 2017, c’est-à-dire un peu moins vite que l’ensemble des prélèvements obligatoires (qui augmentent respectivement de 34 % depuis 2010 et de 7 % depuis 2017), selon les informations transmises par la direction du budget.

Toutefois, un consensus semble s’établir parmi les experts du logement pour reconnaître une fiscalité plus lourde en France que chez ses voisins européens, le niveau élevé de la fiscalité sur le logement conduisant en parallèle à recourir davantage à des dépenses fiscales. Le logement serait ainsi une des manifestations françaises du goût pour une fiscalité avec des taux élevés … mais mitée ! Les études comparatives sur la fiscalité entre pays européens sont cependant là encore peu nombreuses, souvent commandées par des acteurs économiques ([11]), ce que les rapporteurs ne peuvent que regretter.

La fiscalité du logement : un modèle à revoir entièrement selon Jean Bosvieux 

Selon l’économiste Jean Bosvieux, la fiscalité du logement souffre de plusieurs défauts graves : distorsions en faveur de certains ménages et de certains types de comportement résidentiel, instabilité, complexité et obsolescence de certaines bases fiscales.

« Les distorsions résultent notamment de la non taxation des loyers implicites des propriétaires occupants et de la taxation de la mobilité des biens (DMTO et impôt sur les plus-values) : ces distorsions avantagent les propriétaires occupants et les ménages sédentaires au détriment des locataires du secteur privé et des ménages mobiles.

« L’instabilité et la complexité – le mode de taxation les plus-values a changé huit fois depuis 1963 – sont également sources de distorsions dans la mesure où elles influencent les comportements et où certains acteurs sont mieux armés que d’autres pour y faire face.

« En outre, la fiscalité sur le logement est de plus en plus lourde. Entre 1984 et 2019, les prélèvements sur le logement ont doublé en euros constants. Toutes les catégories d’impôts ont augmenté, à l’exception de ceux portant sur l’investissement. La hausse est particulièrement forte pour les prélèvements sur la détention (la taxe foncière dont le produit a été multiplié par huit) et sur les mutations (multipliées par dix). Seule une part de l’augmentation s’explique par la croissance de la population et du parc de logements.

« Sur la même période, le montant des aides fiscales en euros constants a été multiplié par 2,5. Il représente en 2019 18 % du montant des prélèvements. Plus la fiscalité s’alourdit, plus il est nécessaire d’accroître les exonérations : ainsi l’équilibre des opérations de logement social exige une exonération de longue durée de la taxe foncière. Les niches fiscales sont plus nombreuses en France, et leur coût beaucoup plus élevé, que dans les autres pays européens. »


Source : Réponse écrite de Jean Bosvieux, économiste.

Si la refonte de la fiscalité immobilière ne constitue pas l’objet des travaux de la mission d’information, le rapporteur Daniel Labaronne juge qu’une réflexion pourrait être menée sur la durée à partir de laquelle les mutations à titre onéreux ne sont plus soumises à l’impôt sur la plus-value, notamment en vue de lutter contre les phénomènes de rétention foncière. Aujourd’hui, la plus-value immobilière n’est plus taxée à l’impôt sur le revenu au bout de 22 ans et aux prélèvements sociaux au bout de 30 ans (hors cas spécifiques d’exonération). Aligner et réduire à 15 ans les délais de détention ouvrant droit à l’exonération des plus-values immobilières pourrait être, pour le rapporteur Daniel Labaronne, une idée pertinente. En 2011, lors de la précédente réforme d’ampleur de la fiscalité des plus-values immobilières, la ministre du budget entendue le 31 août 2011 par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, avait estimé à 2,2 milliards d’euros en année les recettes générées par le passage de l’ancien régime fiscal (abattement de 10 % à partir de la cinquième année générant une exonération au bout de 15 ans) au régime actuel. Toutefois, on peut aussi imaginer qu’une telle mesure permettra d’augmenter le nombre de transactions, à l’origine de DMTO pour les collectivités territoriales.

Recommandation : Après évaluation du coût du dispositif, aligner et réduire à 15 ans les délais de détention ouvrant droit à l’exonération des plus-values immobilières.

III.   Des dispositifs peu évaluÉs et des rÉsultats macro-Économiques qui ne sont pas À la hauteur des investissements consentis obligent À se poser la question de l’efficience des dÉpenses publiques, des objectifs et de l’organisation des compÉtences

Une dépense publique élevée pour un secteur donné n’est pas néfaste en soi à partir du moment où son évaluation permet de démontrer son efficacité (les objectifs sont atteints) et son efficience (les objectifs sont atteints pour un niveau de dépense minimisé). La politique publique du logement ne fait pas exception en la matière : malgré des efforts réels, manifestés par l’augmentation des rapports d’évaluation réalisés par les corps d’inspection, de nombreux dispositifs dont le coût est massif demeurent non évalués. La recherche universitaire sur le sujet reste au demeurant très limitée. Cela est d’autant plus regrettable que, même si la situation est loin d’être catastrophique ces dernières années, la France ne se caractérise pas par une situation nettement meilleure que celle de ses voisins européens.

A.   Une Évaluation insuffisante

1.   Des efforts récents mais insuffisants pour évaluer notamment les dépenses fiscales

Des efforts récents ont été réalisés pour renforcer l’évaluation de différentes dépenses en faveur du logement. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2014 La politique du logement a constitué le point de départ de travaux nombreux et les corps d’inspection ont été régulièrement sollicités pour évaluer certains dispositifs.

Liste des rapports d’évaluation sur des dispositifs de la politique du logement réalisés par les administrations centrales et corps d’inspection depuis 2016

Évaluations passées

 IGF : Évaluation de politique publique – Mobilisation des logements et des bureaux vacants, janvier 2016

 IGF-CGEDD : Évaluation de politique publique – Le logement locatif meublé, janvier 2016

 CGEDD : Évaluation du prêt social de location-accession (PSLA), mars 2017

 IGF-CGEDD : Revue de dépenses 2017 – Aides à la rénovation énergétique des logements privés, avril 2017

 IGF-CGEDD : Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, novembre 2019

 IGF-CGEDD : Évaluation du prêt à taux zéro (PTZ), octobre 2019

 IGF-CGEDD : Propositions sur l’évolution du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, juillet 2020

 IGF-CGEDD : Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, avril 2021

 DGALN-DHUP : Rapport d’évaluation de l’expérimentation en région Bretagne de déconcentration de l’éligibilité au dispositif « Pinel », mars 2022

 IGF-CGEDD-IGA : Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, juin 2022

 IGF-CGEDD : Évaluation de la réduction d’impôt Censi-Bouvard, juin 2022

Évaluations à venir

 Rapport IGF-IGEDD-IGAC sur les dispositifs Denormandie et Malraux pour le 30 septembre 2023 ;

 Évaluation à venir sur les dispositifs d’abattement sur plus-value pour démolition-reconstruction prévu à l’article 150 VE du CGI et d’exonération des plus-values de cession de droit de surélévation et à un organisme HLM prévue aux 7° à 9° du II de l’article 150 U du CGI ;

 Rapport sur le dispositif Loc’Avantages avant le 30 septembre 2024 ;

 Rapport sur le logement locatif institutionnel avant le 30 septembre 2025 ;

 Rapport IGEDD sur la fragilité des comparaisons internationales en matière d’aide au logement.

 

Source : DHUP.

À ces rapports rendus publics s’ajoutent certains rapports confidentiels n’étant pas accessibles aux rapporteurs.

Par ailleurs, les travaux de la cinquième chambre de la Cour des comptes sont également nombreux sur l’ensemble de la politique du logement : rénovation énergétique, logement social, Action Logement, le plan « Logement d’abord ». On peut également évoquer les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) : leur étude sur la fiscalité du logement devrait être publiée à l’automne et sera à analyser de près.

Enfin, les nombreux rapports de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) permettent un suivi fin de l’activité des organismes de logement social. Ceux de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) analysent les effets des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique.

Ces efforts sont cependant insuffisants, notamment en ce qui concerne les dépenses fiscales : les corps d’inspection ont principalement analysé les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif. Des dépenses fiscales aussi importantes que les taux de TVA réduits pour les travaux de rénovation et d’amélioration, la déduction des dépenses de réparation et d’amélioration, l’exonération d’IS pour les bailleurs sociaux, les taux de TVA réduits pour le logement locatif social n’ont fait l’objet d’aucune évaluation notable depuis plus de dix ans.

En ce qui concerne le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur les locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans, qui reste la dépense fiscale la plus importante en faveur du logement (plus de 4,5 milliards d’euros), le constat de la Cour des comptes en 2019 est malheureusement toujours d’actualité : elle n’a fait l’objet d’aucune « étude d’efficacité sérieuse alors que le respect de ses contreparties ne peut matériellement pas être vérifié ». Des questions évidentes se posent concernant ses effets réels sur la lutte contre l’activité non déclarée, la création d’emplois ou son impact écologique.

Dans le cas du logement social, les modifications de taux de TVA (passage de 5,5 % à 10 % puis rétablissement du taux de 5,5 % pour certaines opérations, voir infra) auraient permis une évaluation « grandeur nature » des conséquences d’une telle modification, ce qui n’a pas été le cas.

Si tous les dispositifs ne sont pas aussi facilement évaluables, maintenir des dispositifs aussi importants sans évaluation laisse pour le moins dubitatif, d’autant que leur efficacité a souvent été questionnée. 45 mesures incluses dans le champ du rapport de 2011 du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume », figurent encore dans le périmètre retenu pour le rapport de la Cour des comptes de 2019 : le coût de ces mesures était alors évalué à 13 milliards d’euros. Au regard de ce rapport qui demeure la seule évaluation globale disponible, le coût annuel des dépenses fiscales en faveur du logement évaluées comme « inefficientes » ou « peu efficientes » était d’environ 8 milliards d’euros en 2019.

Cette absence d’évaluation des dépenses fiscales trahit également un pilotage défaillant, souligné tous les ans par la Cour des comptes dans ses notes d’exécution budgétaire. Les conférences fiscales qui ont lieu chaque année ne jouent pas leur rôle, les directions en charge du logement et la DLF se regardant en « chiens de faïence ». La DGALN juge qu’elle ne dispose ni des informations ni des compétences nécessaires pour mener à bien l’évaluation des dépenses fiscales, tandis que la DLF rappelle que c’est la DGALN qui est chargée de l’évaluation des dépenses rattachées au programme 135. Si l’instauration d’un jaune budgétaire annexé au PLF intitulé « rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements » n’est pas inutile, de grands progrès restent encore à accomplir.

Recommandation : renforcer l’évaluation des dispositifs budgétaires et fiscaux (notamment les taux réduits de TVA).

2.   La faiblesse de la recherche économique consacrée au logement

Les rapporteurs ont été étonnés du faible développement de la recherche dans le domaine du logement. Les chercheurs qui se consacrent à la thématique du logement en économie sont relativement peu nombreux, sans qu’il soit possible d’identifier différentes écoles ou théories au sein d’une « économie du logement » constituée. Le logement constitue bien souvent une thématique parmi d’autres des « études urbaines » ne faisant pas l’objet d’une spécialisation au sein d’unités de recherche dédiées au sein des universités.

Cette situation peut être attribuée à plusieurs causes selon l’économiste Claude Taffin :

– le logement a rarement été prisé par les économistes, contrairement à d’autres champs comme celui de l’emploi, de la santé ou du travail. Souvent considéré comme une simple composante des conditions de vie, le logement « serait plutôt l’affaire des sociologues que des économistes ». Des initiatives existantes, comme le réseau « Socio-Économie de l’habitat » créé en 1991, laissent aujourd’hui davantage de place aux sciences sociales qu’à l’économie ;

– le logement entre difficilement dans les modèles macro-économiques car le terrain comme le marché de l’ancien sont exclus de la production et les loyers fictifs (ou imputés) se substituent aux remboursements d’emprunt dans la dépense des propriétaires. Dans cette perspective, les études significatives relatives à l’économie du logement sont souvent d’ordre micro-économique. En la matière, Étienne Wasmer remarque que les dispositifs sont en réalité difficiles à tester car ils n’ont pas été conçus à cet effet, avec peu de variations exploitables pour détecter leurs effets, rendant les évaluations scientifiques particulièrement fragiles ;

– le développement des marchés (marché de la location, marché des transactions) est relativement récent, et les instruments d’observation ont mis du temps à se mettre en place. Les bases notariales se sont constituées à partir des années 1980 et ne sont pas totalement exhaustives.

Dans ce contexte, il est crucial d’encourager la recherche économique.

Recommandation : Encourager la recherche économique à travers une section « économie du logement » en sciences économiques.

3.   Des données existantes à compléter et insuffisamment exploitées

Le constat d’une recherche insuffisamment développée est paradoxal, dans la mesure où les données à disposition des chercheurs, en dehors des données à caractère fiscal, sont relativement nombreuses : le fichier de la demande des valeurs foncières, Sitadel (la base permettant de suivre la délivrance des permis de construire et les mises en chantier), le fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli), le système national d’enregistrement (SNE) pour la demande de logement social. La précision de ces données est cependant remise en cause.

Les enquêtes nationales du logement (ENL) de l’INSEE permettent de disposer de données statistiques nombreuses. Toutefois, la dernière enquête nationale du logement date de 2013. Les résultats d’une nouvelle enquête devraient être prochainement publiés, soit un délai trop long pour permettre un suivi fin des évolutions, même s’il convient d’indiquer que l’enquête SRCV (Statistiques sur les ressources et conditions de vie) permet un suivi annuel de certains agrégats.

La Cour des comptes ([12]) dresse dans un référé de mai 2022 plusieurs constats concernant la production et l’utilisation des données utiles à la politique du logement : faible interopérabilité des bases de données, faible partage des données entre administrations (notamment les données fiscales), insuffisante exhaustivité ou fiabilité des données (notamment pour les bases notariales), dépendance vis-à-vis des bases de données privées.

Le suivi des loyers (voir infra) est un exemple paradigmatique du suivi de la politique du logement, souvent délégué ou abandonné aux acteurs privés : un groupement de professionnels sous la direction du professeur Michel Mouillart a ainsi mis en place en 1998 le programme de suivi des loyers « CLAMEUR ». Les premiers observatoires publics de loyers se sont développés partir de 1986 avec des résultats d’abord modestes. Ils ont été améliorés avec l’extension de ce réseau sous l’égide de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), mais sans pour autant couvrir l’ensemble du territoire national. La publication d’une carte interactive par le ministère du logement, à partir des annonces de location, ne recoupe d’ailleurs pas le même périmètre ([13]).

Il est également regrettable que les chercheurs ne puissent pas avoir accès à un certain nombre de données. Le refus de la DHUP comme des administrations du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’envisager un meilleur partage des données à caractère fiscal est justifié par la nécessité d’assurer l’anonymisation de certaines données. Pourtant, l’exploitation de ces données serait particulièrement utile pour mener une analyse à l’échelle locale que ne permettent pas les enquêtes de l’INSEE en raison des tailles d’échantillon réduites.

Recommandation : Faciliter l’accès en open data aux données statistiques et fiscales liées au logement.

B.   Des rÉsultats ambivalents

La France connaît une forte augmentation du coût du logement, semblable à celle des autres pays européens depuis plusieurs années.

1.   Le coût du logement de plus en plus élevé pour les ménages est compensé par une amélioration de la qualité des logements

Les dépenses en service de logement (loyers, dépenses d’énergie, d’eau et d’entretiens et réparations) nettes des aides personnelles au logement constituent un poste important de la dépense de consommation finale des ménages. Leur poids dans la dépense totale des ménages suit une tendance haussière, contrairement à la plupart des autres postes de dépense, et a plus que doublé depuis le début des années 1960.

part de la consommation des ménages
consacrée aux différents postes de dépenses

Source : INSEE, comptabilité nationale.

Le taux d’effort des ménages (part du revenu disponible consacré au logement) a ainsi nettement augmenté entre 2001 et 2013. La nouvelle enquête « Logement » de l’INSEE, dont les résultats seront publiés prochainement, confirmera ou non cette hausse mais les statistiques sur les revenus et les conditions de vie permettent déjà de constater un accroissement des tensions du côté des locataires, notamment ceux des premiers déciles de revenus.

taux d’effort des ménages pour le logement selon leur statut

Source : Loïc Chapeaux d’après les données de l’INSEE.

Cette hausse peut être rapportée à différents facteurs : hausse des prix de l’immobilier (multipliés entre 2,5 et 3 entre 2000 et 2022), hausse des loyers (hausse d’environ 40 % entre 2000 et 2022), hausse des charges (impôts locaux, énergie, etc.).

évolution des loyers d’habitation

Source : INSEE, indice des loyers d’habitation, France hors Mayotte.

évolution des prix de l’immobilier

Source : INSEE, Indice des prix (bases notariales et INSEE).

Cependant, l’augmentation du coût du logement peut également être rapportée à l’amélioration de la qualité des logements :

– la taille des logements a progressivement augmenté : entre 2013 et 2020, la surface habitable des résidences principales de France métropolitaine est ainsi passée de 92,3 m2 à 93,2 m² en moyenne, en cohérence avec la tendance de long terme. Les ménages disposent en moyenne d’une surface de 51,2 m² par personne en 2020 contre 49,7 m² en 2013 ;

– la part des logements présentant un défaut majeur de confort n’a également cessé de baisser.

Part des ménages occupant un logement présentant au moins un défaut majeur de confort, selon le statut d’occupation, le type de logement
et la période de construction

Source : INSEE – SDES.

2.   Le taux d’effort en faveur du logement en France par rapport à ses voisins européens : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » ?

Cette réalité du logement observée en France est constatée dans la plupart des pays européens : augmentation du taux d’effort, augmentation du prix de l’immobilier, augmentation de la qualité des logements.

Si l’on compare la France à ses voisins européens, le coût du logement pour les ménages semble contenu : le taux de surcharge (nombre de ménages dont le taux d’effort pour le logement est supérieur à 40 %) est l’un des plus faibles de l’Union européenne. L’analyse des aides personnelles au logement permettra de montrer que la France fait encore mieux pour les ménages les plus modestes.

Part des ménages qui consacrent plus de 40 % de leurs revenus au logement en 2022 dans les pays de l’UE

Source : Commission des finances d’après Eurostat (EU-SLIC).

La France est également un des pays où le taux de sur-occupation du logement reste relativement faible, notamment par rapport à l’Allemagne.

part de sur-occupation des logements en 2022 dans les pays de l’UE

Source : Commission des finances d’après Eurostat (enquête EU-SILC).

Ces indicateurs semblent montrer que pour quelques données fondamentales permettant de juger de l’accessibilité et de la qualité du logement, qu’il conviendrait d’affiner, la France est plutôt bien placée, sans se démarquer nettement par rapport à ses voisins.

C.   toujours plus d’argent public : une solution ?

La question du logement est peut-être moins celle de l’efficacité des dépenses en faveur du logement que de leur efficience : au regard de l’argent public investi dans le logement, les résultats obtenus sont-ils à la hauteur ? Cette question conduit à interroger les objectifs de la politique en faveur du logement mais également l’environnement extra-budgétaire et fiscal qui influence la mise en œuvre de cette politique.

Les priorités relatives à la politique du logement peuvent être contradictoires ([14]). En outre, la mise en œuvre des politiques du logement est confrontée, à des niveaux d’échelle différents, à des intérêts divergents. La densification des zones urbaines (« construction de la ville sur la ville »), nécessaire à l’échelle macro, s’oppose au besoin de respiration et de dédensification exprimé à l’échelle locale (espaces verts, limitation de la hauteur des bâtiments, etc.).

Au regard des tensions qui traversent le marché du logement et des objectifs qui se multiplient, il faut aujourd’hui trancher plusieurs questions : quels sont les besoins ? Quels sont les objectifs ? Comment doivent-ils être conciliés ? La dépense publique est-elle toujours adaptée pour répondre aux difficultés qui se présentent ?

1.   Construire à tout prix ?

La bonne santé du logement en France a longtemps été évaluée à l’aune de la construction. La France est le pays de l’OCDE où le nombre de logements par habitant est le plus important et où l’augmentation du nombre de logements est également la plus rapide sur la dernière décennie.

Nombre de logements pour 1 000 habitants en 2020 et évolution moyenne
du nombre de logements entre 2011 et 2020

Source : Pierre Madec, d’après OCDE.

Pourtant, l’actualité du logement met en évidence que ce nombre important de nouvelles constructions ne suffit pas à répondre à la demande de logements et à détendre la pression sur le marché immobilier dans de nombreuses zones.

– les logements construits ne sont pas nécessairement construits au bon endroit ou destinés au bon usage (la part des résidences principales diminue depuis 2010 au profit des résidences secondaires et des logements occasionnels ([15])) ;

– le taux de vacance a fortement augmenté au cours des dernières années (rythme supérieur à l’augmentation du nombre de logements). Les logements vacants augmentent nettement depuis 2007 (+ 2,7 % par an en moyenne entre 2007 et 2022), à un rythme supérieur à celui de l’ensemble du parc (+ 1,0 % par an en moyenne entre 2007 et 2022), même si cette augmentation s’atténue ces dernières années.

En 2022, 30,744 millions de logements correspondent à des résidences principales, 3,690 millions à des résidences secondaires et logements occasionnels et 3,119 millions à des logements vacants.

évolution du taux de vacance

Source : INSEE, SDES.

évolution annuelle moyenne du nombre de logements par catégorie

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Source : INSEE, SDES.

Le taux de résidences principales dans le parc diminue ainsi continuellement depuis 2005, passant de 83,9 % du parc en 2005 à 81,8 % en 2021, correspondant à 1,1 million de logements vacants et 0,7 million de résidences secondaires (et logements occasionnels) supplémentaires en 16 ans. Entre 2013 et 2018, 12 % des logements autorisés (soit 330 000 logements) étaient localisés dans des communes où la vacance a augmenté de plus de deux points entre 2013 et 2018. Ce constat interroge, même si cette augmentation de la vacance, particulièrement prononcée en zone détendue, ne correspond pas nécessairement aux logements récemment construits et peut renvoyer aux logements dégradés des centres bourgs qui ne sont pas immédiatement habitables.

carte des taux de logements vacants en 2013

Source : data.gouv.fr (d’après INSEE)

De nombreuses mesures participent à la lutte contre la vacance :

 la taxe sur les logements vacants (TLV) en zone tendue et la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) ciblée sur les communes ne disposant pas de la TLV ;

La taxe annuelle sur les logements vacants (TLV)

La taxe annuelle sur les logements vacants a pour objectif d’inciter les propriétaires à remettre sur le marché de la location ou de la vente des logements laissés en état de vacance.

Les logements imposables à la TLV sont les locaux à usage d’habitation non meublés (appartements ou maisons) et vacants depuis au moins une année au 1er janvier de l’année d’imposition. Il s’agit donc des logements qui ne sont pas soumis à la taxe d’habitation au titre de la même année.

Fixé à partir de la valeur locative de l’habitation, le taux de la TLV varie en fonction de la durée de vacance du logement.

Au 1er janvier 2023, les taux applicables sont les suivants :

– 17 % la première année où le logement devient imposable ;

– 34 % à compter de la deuxième année.

La TLV est due par toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé qui dispose d’au moins un logement imposable. Si un propriétaire dispose de plusieurs logements vacants, il doit payer la taxe pour chacun d’entre eux.

Le produit de la TLV est versé à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Source : site internet du ministère de l’économie et des finances.

– les dispositifs de soutien à la rénovation des logements dégradés (dispositif « Denormandie » pour les centres-villes, aides de l’ANAH, etc.) ;

– la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre les logements vacants depuis 2020 qui permet notamment d’outiller 68 collectivités territoriales pour mieux lutter contre la vacance (renforcement des crédits de l’ANAH, déploiement de la solution numérique « Zéro logement vacant », etc.) ;

Ces efforts doivent être renforcés : plus que jamais, remettre sur le marché immobilier les logements vacants, en accession à la propriété ou à la location, doit constituer une priorité. La remise en location de seulement 10 % des logements vacants correspond environ au besoin de constructions nouvelles identifiées au niveau national.

Recommandation : Fixer comme objectif prioritaire d’une politique de logement la remise sur le marché immobilier des logements vacants, en accession à la propriété ou à la location.

De 2000 à 2022, ce sont près de 390 000 logements individuels et collectifs qui ont été mis en chantier chaque année, ce qui représente à peine plus de 1 % du parc existant (lequel comprend 37,6 millions de logements au 1er janvier 2022). La construction neuve ne constitue donc qu’une part modérée de la problématique du logement. La rénovation du bâti devient, à l’inverse, un enjeu majeur alors que le secteur résidentiel concentre 11 % des émissions de gaz à effet de serre, soit près de 47 MtCO2eq par an : le nombre de logements construits chaque année correspond à peu près au nombre de logements devant faire l’objet d’une rénovation énergétique globale (objectif de 370 000 logements privés par an jusqu’en 2030) pour atteindre les objectifs de la France, alors même que le sujet des rénovations ne se limite pas aux rénovations thermiques : logement insalubre, rénovation des copropriétés dégradées, adaptation des logements au vieillissement de la population, etc. Indépendamment de l’efficacité des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique aujourd’hui existants, la politique du logement doit être fortement recentrée sur eux. Les acteurs économiques doivent s’adapter à ce nouvel état de fait.

2.   La dépense publique ne sauvera pas seule le problème du logement !

L’outil budgétaire et fiscal est souvent considéré comme le premier outil pour régler des difficultés. Or, cette approche n’est pas toujours judicieuse. Les promoteurs immobiliers, confrontés aux difficultés à construire de nouveaux logements dans les zones urbaines ou à un niveau de densité inférieur à ce que prévoient les documents programmatiques (PLUI et PLH), ont ainsi suggéré qu’une partie de la TVA générée par la construction de nouveaux logements supplémentaires dans les zones tendues puisse être fléchée vers les communes. Cette option n’en est pas une : impraticable et onéreuse, elle revient à penser que les élus locaux refusent aujourd’hui de construire pour de simples raisons fiscales.

En réalité, une politique fiscale et budgétaire en faveur du logement s’inscrit dans un environnement plus global, notamment financier et réglementaire, qu’il convient de prendre en compte pour s’assurer de son efficacité.

a.   Une pause réglementaire nécessaire

Bien souvent la réglementation, qui obéit à des objectifs propres, pèse fortement sur le coût du logement, avec des répercussions indirectes sur les politiques mises en œuvre. Deux exemples peuvent être cités :

– la lutte contre l’artificialisation (« zéro artificialisation nette » ou ZAN), sans doute indispensable du point de vue environnemental, conduit à raréfier le foncier, à encourager des comportements de rétention foncière et à augmenter son coût ;

– la réglementation environnementale (RE2020 et RE2022), qui s’applique à la construction de nouveaux logements pour diminuer l’empreinte carbone et la consommation énergétique des logements a fortement renchéri le coût des nouvelles opérations de construction.

Dans ces deux cas, la réglementation peut avoir pour conséquence l’augmentation du coût des politiques publiques (pour le logement social et l’accession à la propriété par exemple). Il est nécessaire aujourd’hui de respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.

Recommandation : Respecter une pause réglementaire alors que le marché du logement se tend dans de nombreux territoires.

b.   L’État ne peut pas tout : l’exemple de la rénovation énergétique

Si la politique du logement demande des financements, il est aujourd’hui nécessaire de mobiliser davantage les capitaux privés, notamment dans le cas des travaux de rénovation énergétique.

Le financement des travaux de rénovation énergétique se heurte aux horizons de temps de la transition : si le coût de l’investissement est massif et immédiat, son amortissement est souvent de plusieurs décennies, le temps pour les économies d’énergie de compenser le coût initial. Alors même que de nouvelles contraintes vont entrer en vigueur, à l’image de l’interdiction de la mise en location de « passoires thermiques », le soutien financier de l’État ne suffira pas à financer les travaux nécessaires sans un engagement des établissements bancaires.

 En premier lieu, les dispositifs de soutien public qui visent à soutenir le financement de travaux de rénovation énergétique et s’appuient sur le réseau de distribution des établissements de crédits doivent encore monter en charge.

Le prêt avance rénovation ([16]), introduit par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, est un nouveau prêt proposé depuis le 1er janvier 2022 : il permet à des ménages ayant des difficultés d’emprunt de souscrire un prêt hypothécaire sur une partie de la valeur de leur bien, remboursé avec intérêts lors de la mutation, afin de mener des travaux de rénovation énergétique. Toutefois, malgré l’intérêt de ce dispositif, celui-ci n’a pas rencontré le succès attendu. Le PAR n’est aujourd’hui distribué que par deux établissements de crédit et moins d’une centaine de prêts ont été accordés depuis l’entrée en vigueur du dispositif. Les contraintes liées aux plafonds de ressources, dans la continuité des conclusions du conseil national de la refondation sur le logement, devraient être supprimées.

Recommandation : supprimer les conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation.

L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) est un prêt à taux d’intérêt nul et accessible sans condition de ressources, qui permet de financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique d’un logement utilisé à titre de résidence principale ([17]). Le montant de l’éco-prêt à taux zéro est égal au montant des dépenses éligibles, dans la limite de plafonds. L’éco-PTZ reste aujourd’hui trop peu utilisé, même si les émissions ont fortement augmenté depuis 2018 : alors que 19 000 éco-PTZ étaient produits en 2018, 61 000 ont été émis en 2021 et 82 000 en 2022 selon le SGFGAS. La DHUP relève que la hausse des taux produit un effet de report des ménages qui préfèrent ce prêt réglementé aux autres produits financiers. En outre, l’éco-PTZ PrimeRénov’ permet de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique éligibles à MaPrimeRénov’ ([18]). Ce dispositif simplifie la démarche du demandeur auprès de sa banque : en effet, il est possible de demander un éco-PTZ Prime Rénov’ grâce à la notification d’accord de MaPrimeRénov’ transmise par l’ANAH.

Selon les premières analyses des banques les distribuant, le PAR et l’éco-PTZ sont des alternatives. Elles soulignent que les ménages solvables ont néanmoins tendance à souscrire à un éco-PTZ plutôt qu’à un PAR pour financer des travaux de rénovation énergétique en raison de l’avantage de taux.

● Le rapporteur Daniel Labaronne souhaite compléter ces dispositifs, qui demeurent insuffisants au regard des besoins de financement, en proposant que des réflexions soient engagées en faveur de la constitution d’une banque de place dédiée au financement de la rénovation énergétique.

Une telle banque de la rénovation énergétique, dont les actionnaires seraient des établissements de crédit privés, pourrait également bénéficier d’apports en capitaux d’institutions telles que la Banque des territoires, Bpifrance, la Banque européenne d’investissement, ou encore de fonds comme le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE). En contrepartie, des objectifs concrets lui seraient assignés en termes de contribution à l’effort de transition énergétique, par exemple avec des cibles portant sur le nombre de travaux de rénovations globales engagés ou du nombre de travaux permettant la sortie du statut de « passoire thermique ».

L’objectif de cet outil serait d’augmenter massivement les sommes consacrées à la rénovation énergétique et d’assurer un guichet unique en matière de financement. En contrepartie, cette banque permettrait aux établissements de crédit actionnaires d’émettre des « prêts verts », c’est-à-dire des prêts conformes aux critères du règlement européen sur la taxonomie ([19]). Les établissements bancaires pourraient ainsi remplir leurs objectifs européens en matière d’investissement durable, dont les exigences sont de plus en plus contraignantes avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2024 de la directive « CRSD » ([20]) qui impose notamment à certaines entreprises européennes un compte rendu annuel complet de la durabilité environnementale de leurs investissements.

D.   changer de méthode : territorialiser les politiques en faveur du logement

On évoque souvent l’existence d’« une » politique du logement : en réalité, il devrait exister autant de politiques qu’il existe de bassins de vie confrontés à des besoins et des réalités différentes. La territorialisation de la politique nécessite de disposer d’outils pour évaluer la situation au plus près du territoire. Les compétences données aux acteurs locaux, représentants de l’État et collectivités territoriales, pourraient être élargies sur la base du volontariat.

1.   Des réalités territoriales très différentes

a.   Objectiver les besoins réels et remonter les données statistiques

Il existe aujourd’hui un écart important entre les besoins de logement neufs identifiés par la filière (entre 400 000 et 500 000 logements par an) et les besoins identifiés par les pouvoirs publics : les travaux du secrétariat général à la planification écologique estiment les besoins liés à la démographie (croissance de la population, décohabitation ([21])) et à la résorption du mal-logement (lequel concerne un million de logements), sur 15 ans, entre 302 000 et 360 000 logements par an (soit un niveau inférieur aux moyennes de construction de logement des dernières années – environ 390 000 logements par an entre 2000 et 2022 selon les estimations du SDES).

Les besoins en logement neuf

Il existe aujourd’hui deux notions fondamentales de besoins en logement :

– les besoins de construction de logements neufs, qui nécessitent, pour être quantifiés, un exercice d’anticipation fondé principalement sur les projections démographiques, et qui correspondent à la « demande potentielle » selon l’INSEE ;

– le besoin en logements pour satisfaire le besoin d’un logement décent, au regard des décalages pouvant à l’instant présent être constatés entre les conditions réelles de logement (ou de non-logement) de la population et une situation virtuelle de logement adéquate et souhaitable.

Il s’agit de deux évaluations indépendantes qui peuvent se combiner : une fois estimé le besoin annuel de construction (notion 1), on peut lui ajouter un nombre de logements destinés à rattraper le « retard » (notion 2) sur un nombre d’années fixé par convention.

Les besoins en logements neufs ou « demande potentielle »

La méthode historique d’estimation des besoins est fondée sur des calculs en projection éprouvés qui consistent à extrapoler à moyen-long terme des tendances observées sur une période passée plus ou moins longue. Ces projections sont relatives à la démographie des ménages et à celle du parc de logements existants. Cette approche purement statistique vise à essayer d’évaluer un nombre de logements à construire pour maintenir en l’état l’adéquation quantitative globale du parc de logements à la population.

Le nombre de logements à construire est obtenu par l’addition des quatre éléments suivants : l’accroissement du nombre de ménages, le solde des désaffectations de résidences principales, le nombre de résidences secondaires et de logements vacants à produire pour obtenir en fin de période des taux de possession et de vacance déterminés.

Les besoins instantanés

La mesure des besoins instantanés, c’est-à-dire le dénombrement des mal-logés (y compris sans-domicile), donne lieu chaque année à un chiffrage détaillée publié dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre. Il s’appuie sur l’ensemble des sources disponibles (recensements et enquêtes logement de l’INSEE), tente de définir clairement les sous-populations concernées et leurs conditions d’hébergement (quand elles existent), élimine les doubles comptes dans la mesure du possible.

L’apparente précision des résultats ne doit toutefois pas occulter leur fragilité : difficulté de mesure, aléa du sondage, hétérogénéité des sources, hétérogénéité des unités statistiques (ménages ou individus) et dates variables des observations. Par ailleurs, les situations recensées par la fondation Abbé Pierre sont diverses : les critères qui les définissent peuvent être objectifs mais normatifs (inconfort, surpeuplement) ou subjectifs (hébergement contraint ou résigné). Elles peuvent être durables ou temporaires.

Enfin, certains acteurs considèrent que la question du mal-logement est majoritairement décorrélée de la construction neuve et appelle d’autres réponses : rénovation de l’habitat indigne, accompagnement et hébergement spécifique des personnes en situation de sans‑abrisme.


Les estimations de la filière

Le nombre de 500 000 logements à construire est issu originellement d’une étude de 2006 réalisée par l’Université Paris-Dauphine à la demande du Crédit Foncier ([22]). La méthode d’estimation des besoins a consisté à partir des différents éléments de la précédente estimation de l’Insee en les révisant systématiquement à la hausse (à l’exception de la pyramide des âges). L’estimation de 498 000 ne concerne que la période 2005-2010 ; l’estimation pour la décennie 2010-2020 était de 469 000.

Source : Réponse écrite de Claude Taffin et Commission des finances

En réalité, les rapporteurs considèrent qu’une estimation nationale n’a pas véritablement de sens en matière de logement : un logement construit à un endroit du territoire peut être vacant ou affecté à un usage de résidence secondaire sans remplir les besoins d’autres territoires (par exemple en zone tendue). La recherche et la statistique devraient impérativement embrasser la réalité des 1 700 bassins de vie pour réaliser un diagnostic à l’échelle du territoire.

Le calcul des besoins à des échelles politiques opérationnelles, telles que le groupement de communes, se heurte à un obstacle statistique : le modèle utilisé par l’INSEE pour les projections démographiques ne peut produire des résultats significatifs qu’à des niveaux suffisamment agrégés. Il existe aujourd’hui néanmoins de nombreuses estimations des besoins locaux qu’il conviendrait de renforcer et de fiabiliser ([23]).

b.   Réaliser un diagnostic partagé entre l’État et les acteurs locaux

Aujourd’hui, différents zonages doivent adapter la politique du logement au niveau de « tension » du territoire en matière de logement (et par voie de conséquence, à son coût) ([24]). Ainsi, la plupart des dispositifs sont aujourd’hui zonés : soutien à l’investissement locatif, subventions au logement social, accès au logement social et intermédiaire, aides personnelles pour le logement, etc. Le zonage permet de fixer les territoires éligibles aux dispositifs (le dispositif « Pinel » ou le logement locatif intermédiaire) tout en adaptant les plafonds de ressources, les plafonds de loyer, les paramètres de calcul des aides, etc.

Un zonage efficace est un zonage qui repose sur quelques critères clairs et se montre réactif aux évolutions réelles des marchés immobiliers locaux. Une révision des zonages est aujourd’hui en cours au niveau interministériel. Il importe qu’elle aboutisse au plus vite et qu’elle soit actualisée plus fréquemment.

Si ces zonages sont imparfaits alors qu’ils se rapportent tous à la mesure de la tension sur les territoires, c’est d’abord en raison de leur multiplicité.

liste des principaux zonages

Nom du zonage

Dispositifs concernés

Zonage 123

Aides personnelles au logement, plafonds de revenus et de ressources pour le LLS (PLAI et PLUS)

Zonage ABC

Dispositifs de soutien à l’investissement locatif intermédiaire (Pinel, Denormandie, Loc’Avantages, LLI), accession sociale à la propriété (prêt social location-accession, prêt à taux zéro, TVA à taux réduit en zone ANRU et quartier prioritaire de la politique de la ville, bail réel solidaire, PLS (plafonds de loyers).

« Zones tendues » (article 232 du CGI)

Taxe sur les logements vacants (TSV)

Zonage SRU

Obligation d’atteindre le seuil de 20 % de logements sociaux

Au-delà des incohérences liées à leur multiplicité (une commune « tendue » dans un zonage peut être « détendue » dans un autre), ces zonages sont trop peu actualisés. Ainsi, le zonage ABC n’a pas été actualisé depuis 2014, sauf par une révision flash en 2022 qui a conduit à l’intégration de quelques communes de Haute-Savoie en zone A bis. Ce zonage reflète donc imparfaitement la tension immobilière réelle des territoires, nuisant à l’efficacité de la politique publique du logement.

Au-delà de la nécessité d’unifier et d’actualiser plus fréquemment ces zonages, les rapporteurs soulignent l’intérêt de pouvoir confier des marges de manœuvre dans la cartographie des zonages aux acteurs locaux (représentants de l’État et collectivités territoriales), qui sont les plus à même d’identifier les besoins et les dynamiques locales. En effet, un zonage national n’est jamais parfaitement adapté à la réalité d’un territoire particulier. Par ailleurs, comme le souligne l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), il est peu compréhensible que les communes et intercommunalités soient compétentes en matière d’élaboration des documents d’urbanisme, sans pouvoir participer ou a minima être consultés pour l’élaboration des zonages administratifs des politiques publiques qui s’appliquent sur leur territoire. Cette flexibilité a pour corollaire la responsabilisation des acteurs locaux : l’entrée ou la sortie d’une zone pour un territoire doit se faire soit à coût constant, soit avec la prise en charge de l’éventuel surcoût par la collectivité territoriale.

Dans cette perspective, les rapporteurs jugent pertinent qu’une réflexion soit initiée sur l’ouverture aux collectivités de la possibilité d’ajuster la cartographie de certains dispositifs incitatifs avec les services de l’État compétents pour établir les zonages (dispositif « Denormandie », « Pinel », prêts à taux zéro, bénéfice du taux de TVA réduit pour certaines opérations autour des QPV). Sur le même principe, permettre également d’ajuster les périmètres des zonages des plafonds de ressource des demandeurs de logement social et des plafonds de loyer (zonages ABC et 123) devrait être envisagé. À partir du moment où les collectivités assument financièrement ce choix, la politique du logement gagnerait en efficacité.

Recommandation : Dans le cadre des réflexions visant à réviser les zonages, qui doivent aboutir au plus vite, permettre aux acteurs locaux d’adapter la cartographie des zonages à leur territoire, à coût budgétaire constant pour l’État.

2.   La territorialisation de la politique du logement : une réalité déjà existante qu’il convient d’approfondir

Les rapporteurs, comme l’immense majorité des personnes auditionnées, en sont convaincus : l’avenir de la politique du logement s’inscrit dans une déclinaison territoire par territoire de ses dispositifs, dans une démarche à la fois déconcentrée et décentralisée.

a.   Des compétences aujourd’hui largement décentralisées

L’État, premier financeur de la politique du logement, ne dispose plus d’une partie des compétences alors qu’il détermine les objectifs à l’échelle nationale (nombre de logements à construire, objectifs de mixité sociale par les quotas SRU, répartition des agréments, etc.) Cette disjonction des rôles entre un État, qui fixe les principes et objectifs des politiques de logement, et les collectivités territoriales chargées de leur mise en œuvre, semble aujourd’hui rencontrer ses limites. Au-delà de la délivrance des permis de construire, qui relève de la compétence des communes et se trouve au fondement de la politique publique du logement, les compétences des collectivités territoriales en matière de logement sont étendues.

● Les regroupements de communes (établissements publics de coopération intercommunale ou EPCI) élaborent aujourd’hui les documents programmatiques, comme le plan local de l’habitat (PLH) et le plan local d’urbanisme (PLU ou PLUI). À partir d’un diagnostic, le PLH définit les objectifs à atteindre, notamment en matière d’offre nouvelle de logements et de places d’hébergement. Il met en œuvre une stratégie foncière et un observatoire de l’habitat et du foncier sur le territoire. Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), qui permet aux EPCI de fixer les axes stratégiques d’aménagement du territoire, doit être articulé au PLH. Les politiques de logement s’articulent à un niveau supérieur avec les schémas de cohérence territoriale (SCoT), qui constituent le cadre de référence des groupements de communes pour les différentes politiques sectorielles relatives aux questions d’organisation de l’espace et d’urbanisme, d’habitat, de mobilités, d’aménagement commercial ou d’environnement.

● Les EPCI peuvent jouer un rôle opérationnel direct par la signature de conventions de programme avec l’ANAH : les opérations programmées de l’habitat (OPAH) permettent d’animer la politique de rénovation des logements, tandis que les programmes d’intérêt général (PIG) couvrent aussi bien le champ social que technique de l’habitat (PIG précarité, PIG insalubrité, PIG habitat durable). Les départements comme les EPCI à fiscalité propre peuvent se voir déléguer la gestion des aides à la pierre (agréments des logements sociaux, aides de l’ANAH pour les logements privés) : au 1er janvier 2022, 85 EPCI et 30 départements étaient délégataires des aides à la pierre.

● Les départements déploient aujourd’hui leur action sociale en faveur du logement dans le cadre de démarches contractuelles avec l’État (les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées), par des documents programmatiques propres (plans départementaux pour l’habitat), ainsi que par des mesures d’accompagnement financier via le fonds de solidarité logement (FSL).

● Les établissements publics fonciers (EPF) constituent une ingénierie au service des collectivités : ils permettent de définir une stratégie foncière d’anticipation pour acquérir puis gérer (assurer la sécurité ou le gardiennage), et éventuellement pré-aménager (démolition, dépollution, etc.), le foncier en amont de la réalisation de projets d’aménagement, avant de le rétrocéder à la collectivité (ou à l’opérateur qu’elle aura mandaté) dans le cadre d’une convention. Ils accompagnent la collectivité dans la définition du projet et favorisent l’optimisation du foncier (regroupement de parcelles, densité et qualité urbaine). Ils contribuent par ce biais à développer l’offre de logements en zone tendue.

Les autorités organisatrices de l’habitat (AOH) : un nouvel outil à développer

Les autorités organisatrices de l’habitat ont été créées par la loi dite « 3DS » ([25]). Ce statut est ouvert aux EPCI les plus avancés dans la gestion de la politique du logement, à savoir les EPCI qui :

– disposent d’un PLH exécutoire et d’un PLUI approuvé ;

– sont délégataires des aides à la pierre ;

– sont signataires d’une convention intercommunale d’attribution (logement social).

Cinq EPCI bénéficient aujourd’hui du statut d’AOH. Le rôle des AOH est cependant aujourd’hui encore limité :

– elles sont saisies pour avis concernant les arrêtés de zonage ABC ;

– elles sont signataires des conventions d’utilité sociale avec les OPH disposant de 5 % de leur patrimoine sur le périmètre ;

– elles peuvent organiser partiellement la reconstitution de l’offre de logements sociaux démolis dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain dans les communes déficitaires en logement social.

Plusieurs associations d’élus locaux et la Fédération des offices HLM souhaitent aujourd’hui élargir les capacités d’action des AOH en matière de régulation de la location des meublés de tourisme. Les AOH pourraient également bénéficier d’une capacité d’adaptation des zonages à l’échelle locale (voir infra), piloter et animer les dispositifs de rénovation énergétique pour les logements privés.

La question des moyens accordés aux AOH se posera à terme afin de leur permettre de monter en compétence et d’assumer des missions multiples.


b.   Les effets positifs de la territorialisation qu’il faut amplifier

Pour les collectivités qui l’ont souhaité, la territorialisation est clairement un atout. Ainsi, la contractualisation des EPCI avec l’ANAH et l’État concernant les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), lesquelles visent à établir un diagnostic précis sur un territoire en définissant les engagements de chaque signataire, permet une véritable accélération des opérations de rénovation. Grâce à ces OPAH, les collectivités territoriales peuvent contractualiser avec l’ANAH, pour les dispositifs MaPrimeRénov’ Sérénité (appui au financement de rénovations globales pour les ménages modestes et très modestes) et MaPrimeRénov’ Copropriétés (appui au financement des rénovations en copropriétés), des objectifs quantitatifs et des crédits délégués annuels qui leur permettent de moduler les subventions accordées aux ménages sur leurs territoires. La part des aides de l’ANAH ([26]) attribuées en secteur programmé représente 68 % du montant des aides totales de l’ANAH et 58 % des dossiers traités. Comme peut le témoigner le différentiel du montant d’aides par rapport au nombre de dossiers traités, ces aides en secteur programmé appuient principalement des rénovations plus ambitieuses, avec des montants d’aides plus importants réduisant plus fortement les restes à charge pour les bénéficiaires. 955 programmes sont recensés en 2022, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2021.

La délégation des aides à la pierre constitue également un succès pour le logement social. Depuis 2007, les sommes engagées pour le développement de l’offre de logement par les territoires délégués (au titre du FNAP) sont supérieures à celles engagées hors territoires de délégation.

Ces résultats positifs tirés de la délégation des aides à la pierre ou des OPAH peuvent être interprétés de deux manières différentes : soit le dispositif en lui-même permet d’améliorer les résultats de la politique du logement, soit la motivation et l’engagement des collectivités et groupements de collectivités qui ont demandé la délégation expliquent ce succès. Une généralisation contraignante des dispositifs existants (délégations des aides à la pierre du logement social et de l’ANAH, OPAH, etc.) ne suscite en ce sens pas l’adhésion des associations d’élus, qui craignent qu’elle ne s’accompagne pas du transfert financier et des ressources en ingénierie à la hauteur du transfert de responsabilité.

Encourager à tout le moins les collectivités territoriales à s’emparer des outils déjà existants (notamment les OPAH ou les programmes d’intérêt général) demeure une nécessité, en cohérence avec les objectifs de lutte contre la vacance des logements.

3.   Aller au bout de la territorialisation

Dans son référé de novembre 2020 intitulé « La territorialisation des politiques du logement : consolider les acquis pour franchir de nouvelles étapes », la Cour des comptes plaide également pour la construction de politiques publiques coopératives au niveau local. Cette territorialisation passe d’abord par l’intégration de données et d’outils relatifs aux dépenses fiscales portant sur le logement social et intermédiaire pour mieux appréhender la réalité de leurs territoires. Or, les représentants des élus font part de lacunes voir de difficultés à obtenir certaines données et interrogent leur fiabilité. Comme l’indique l’AMF, les données qui sont portées à la connaissance des communes et intercommunalités sont parfois contradictoires, à l’image des recensements des logements vacants et des résidences secondaires qui ne concordent pas.

Recommandation : Améliorer et fiabiliser les outils d’estimation des besoins en matière de logement ainsi que la transmission des données aux acteurs locaux.

Dans une perspective expérimentale, il pourrait être intéressant d’envisager de renforcer les pouvoirs des collectivités et de leurs groupements (et, le cas échéant, des AOH), en coopération étroite avec les services de l’État, dans les matières fiscales : modulation du taux sur la taxation des résidences secondaires et sur les logements vacants, modification des seuils et plafonds pour l’éligibilité au logement social, modifications des paramètres de calcul des aides au logement, etc.

Recommandation : Expérimenter un pouvoir de dérogation des collectivités territoriales relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux de la politique du logement.

Par ailleurs, les collectivités territoriales devraient voir leur rôle stratégique de gestionnaire du foncier public se renforcer : dans la continuité du conseil national de la refondation consacré au logement, il est envisagé de créer un nouveau droit de préemption urbain (DPU) dont le motif serait explicitement la « lutte contre la spéculation foncière » pour la mise en œuvre d’une politique publique d’intérêt général, notamment l’accès au logement. Ce nouveau droit de préemption serait mis à la disposition des communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale approuvée : elles pourraient l’instituer, par délibération, dans un ou plusieurs périmètres délimités pour maîtriser la spéculation foncière et immobilière. À l’instar du droit de préemption de la SAFER, ce droit se mettrait en œuvre « en contestation de prix » en imposant au vendeur (et non à l’autorité titulaire du DPU) de saisir l’autorité judiciaire en cas de désaccord.

 

 

 


— 1 —

   Partie II : focus sur cinq dispositifs mettant en œuvre les politiques publiques en faveur du logement

Les rapporteurs ont porté leur attention sur plusieurs dispositifs et pans de la politique publique du logement : les aides personnelles au logement, l’accession sociale à la propriété, le logement social, la fiscalité locative et Action Logement.

I.   Les apl, premier dispositif de la politique du logement : une aide incontournable dont les effets inflationnistes interrogent

Les aides personnelles au logement atteignent en 2021 un montant de 15,7 milliards d’euros après avoir atteint un pic en 2016 à hauteur de 18,1 milliards d’euros.

A.   le principal poste de dÉpenses publiques en faveur du logement (15,68 milliards d’euros en 2021)

Les aides personnelles représentent en 2021 0,63 % du PIB et plus de 40 % des dépenses publiques en faveur du logement en France. Après une hausse constante du niveau des aides personnelles au logement depuis les années 1990, plusieurs réformes ont été mises en œuvre, notamment depuis 2017, pour contenir l’augmentation spontanée de leur coût.

1.   Le rôle croissant joué par les aides personnelles au logement

Les aides personnelles au logement ont joué un rôle croissant au cours de l’histoire du XXème siècle ([27]). L’allocation de logement familiale (ALF) est créée en 1948 pour soutenir les familles face à la hausse des loyers liée à la fin de l’encadrement légal des loyers (1er septembre 1948). Les années 1970 constituent ensuite un tournant : l’État se désengage progressivement des aides à la pierre en augmentant les aides à la personne, principalement à destination des locataires (réforme dite « Barre » de 1977). L’allocation de logement sociale (ALS) à destination des personnes âgées ou handicapées et des jeunes travailleurs est créée en 1971 avant l’aide personnalisée au logement (APL) en 1977, afin de substituer à la logique catégorielle un soutien universel lié aux seules facultés contributives des bénéficiaires et au conventionnement entre l’État et le propriétaire bailleur. La généralisation se concrétise définitivement par le « bouclage des aides » à partir de 1986, qui étend le bénéfice des aides à tous les ménages répondant aux conditions de ressources en alignant vers le haut le montant des prestations (avant alignement de l’allocation de logement (AL) sur le barème des APL au début des années 2000). De 1991 à 2011, le niveau des aides personnelles au logement qui ont été versées a doublé.

Plus de 6 millions de ménages étaient allocataires d’une aide personnelle au logement en juin 2021 (soit 19,7 % des ménages et 45 % des ménages locataires).

Évolution du montant des aides personnelles au logement depuis 1990

(en milliards d’euros

Source : CSL.

2.   Les réformes récentes ont permis de limiter l’augmentation spontanée des aides personnelles en faveur du logement

Le niveau des aides personnelles versé évolue spontanément à la hausse par l’augmentation de l’indice des revenus locatifs (IRL) – la moyenne de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers, sur les 12 derniers mois hors intervention du législateur – qui détermine l’évolution des paramètres de calcul et d’éligibilité. Il dépend également du niveau de revenu des ménages : une dégradation de la conjoncture économique et une hausse du chômage engagent une hausse automatique du niveau total des aides versées – le revenu d’exclusion (c’est-à-dire le niveau de ressources au-dessus duquel l’aide devient nulle) étant au voisinage du SMIC pour une personne seule (de moins de deux SMIC pour un ménage avec deux enfants).

Les règles de calcul des aides personnelles au logement ([28])

Les règles de calcul en vigueur des aides personnelles au logement peuvent être formalisées de la manière suivante.

APL versée = L + C – (P0 + Tp * (R – R0)) – 5

L désigne le loyer éligible, correspondant au loyer principal pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté en fonction de la zone géographique et de la composition familiale, à partir desquels il y a d’abord dégressivité puis annulation des APL. Concrètement, si le loyer réel de l’allocataire est supérieur au loyer plafond, le montant retenu pour le calcul est celui du plafond pertinent. En sus, deux seuils de loyers ont été créés en 2016 (premier seuil à partir duquel l’aide est dégressive, deuxième seuil à partir duquel l’aide est annulée) pour lutter contre les loyers élevés et favoriser l’optimisation de l’occupation du parc de logements, selon les capacités financières et la taille des ménages. Les aides personnelles au logement et le niveau des loyers sont aujourd’hui décorrélés, la grande majorité des loyers du parc privé étant supérieurs aux plafonds fixés.

C désigne le montant des charges forfaitaires, dit « forfait charges », qui dépend de la composition du foyer.

P0 désigne la participation minimale du ménage.

R représente les ressources du ménage, arrondies à la centaine d’euros supérieure. Pour les étudiants et depuis la réforme du versement contemporain des aides, R est remplacé par une constante dite montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants. Il est à noter que les ressources des parents ne sont pas prises en compte dans le calcul des aides pour les étudiants bénéficiaires rattachés à leur foyer fiscal.

R0 est un abattement forfaitaire appliqué aux ressources du ménage, son montant étant donc déduit de celui des ressources du bénéficiaire.

Tp représente le taux de prise en compte des ressources du ménage, calculé en fonction de la composition du foyer, du loyer éligible L et d’un loyer de référence.

Depuis 2008, les variables L et C ainsi que le montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants sont normalement revalorisés chaque année suivant l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL), qui correspond à la variation de la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’indice des prix à la consommation (IPC). La variable R0 est quant à elle revalorisée selon l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPC).             
 

Source : Commission des finances.

Depuis les années 1990, l’augmentation spontanée des APL, liée initialement au bouclage des aides, a été contenue par une sous-indexation de plusieurs paramètres comme les loyers plafonds, les forfait charges, ou le forfait R0. Comme l’indique l’Union sociale pour l’habitat (USH) dans son rapport consacré au sujet ([29]),les loyers-plafond des aides personnelles avaient été revalorisés de 23,5 % entre 1990 et 2007 alors que sur la même période l’indice du coût de la construction et l’indice de référence des loyers augmentaient respectivement de 49 % et 56 %. Entre 1990 et 2003, le forfait de charges s’était accru de 15,5 % contre près de 42 % pour le panier des charges locatives défini par l’INSEE.

Au-delà des traditionnelles sous-indexations des paramètres de calcul des aides, plusieurs mesures ont été mises en œuvre depuis une dizaine d’années pour diminuer le coût des APL. En 2015 et 2016, l’indexation de R0 sur l’indice des prix à la consommation, l’introduction des seuils de dégressivité et d’annulation des aides personnelles, la non-éligibilité des étudiants dont les parents sont redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, sont les prémisses de premières réformes structurelles. À partir de 2017, les mesures d’économie s’accélèrent :

– la baisse forfaitaire de cinq euros des montants d’aides versés (à partir du 1er octobre 2017), compensée partiellement par l’abaissement du seuil de versement de la prestation de 15 à 10 euros. Cette mesure réduit la dépense d’aides au logement de 400 millions d’euros en année pleine ;

– la suppression des aides au logement à l’accession à compter du 1er février 2018 – les bénéficiaires de ces aides lors de l’entrée en vigueur de la réforme continuant à pouvoir en bénéficier jusqu’à l’extinction de leur emprunt. Une économie d’environ 300 millions d’euros par an devrait être générée à horizon 2024 ;

– les paramètres des aides n’ont pas été revalorisés en 2018 (contre une revalorisation légale prévue à 1,3 %) et l’ont été à hauteur de 0,3 % en 2019 et 2020, soit un taux inférieur à l’IRL constaté (1,5 % en 2019 et 0,7 % en 2020). Ces sous-indexations prises dans leur ensemble entraînent une économie cumulée de 600 millions d’euros par an en année pleine ;

– la réduction du loyer de solidarité (RLS) à partir du 1er février 2018, qui consiste en une diminution du montant de l’aide au logement versée aux locataires du parc social ayant pour contrepartie une baisse équivalente ou quasi-équivalente de loyer représente aujourd’hui une économie annuelle de 1,3 milliard d’euros ;

– enfin, la contemporanéisation des aides au logement à partir du 1er janvier 2021, qui consiste en la prise en compte des revenus en temps réels, actualisés chaque trimestre sur la base d’une année de revenus glissante (contre la prise en compte du revenu fiscal de référence de l’année N–2), représente un gain d’environ 1,4 milliard d’euros par an.

Au total, les réformes mises en œuvre depuis 2017 permettront d’économiser 4 milliards d’euros d’aides au logement par an à partir de 2024 (3,756 milliards d’euros en 2022), soit près du quart du montant des aides versés en 2016.

Toutes ces mesures n’ont pas le même degré de pertinence : le rabot de cinq euros n’a sans doute pas constitué la mesure la plus juste, à l’inverse de la contemporanéisation du calcul des aides qui lie équité, efficacité et rendement budgétaire. Le rapporteur Charles de Courson regrette par ailleurs vivement la suppression de l’APL accession (voir infra). Ainsi, les aides au logement auront été mises à contribution pour participer à l’effort de contenir l’augmentation de la dépense publique. Les pistes d’économie semblent aujourd’hui moins nombreuses.

3.   Une dernière réforme des aides personnelles au logement nécessaire : la prise en compte des revenus des parents pour les étudiants ?

Les APL en faveur des étudiants représentent actuellement une dépense de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an, soit 9 % du total des dépenses d’APL. Alors que les APL sont normalement calculées de manière progressive suivant le niveau de revenu et de loyer pris entre des planchers et plafonds, les étudiants bénéficient d’un traitement dérogatoire : tous les étudiants sont éligibles indépendamment de leurs revenus propres ou de celui de leur foyer fiscal. Leur situation financière n’est ainsi pas directement prise en compte et le calcul de leur APL repose sur un « forfait ressources » remplaçant le revenu effectif (salarié ou transfert familial) dans la formule usuelle. La seule progressivité consiste en la différenciation entre étudiants boursiers et non-boursiers. Ainsi, les APL des boursiers s’établissent en moyenne à 207 euros par mois, contre 151 euros par mois pour les non-boursiers en 2021.

Il est aujourd’hui contestable que les étudiants dont les parents ont des revenus confortables et les soutiennent financièrement puissent bénéficier des aides personnelles au logement tout en permettant à leurs parents d’obtenir un avantage fiscal. En effet, l’étudiant peut être rattaché fiscalement au foyer de ses parents jusqu’à l’âge de 25 ans, ce qui permet aux parents un moindre impôt, plafonné à près de 150 euros par mois pour les familles avec un ou deux enfants (demi-part part fiscale) et à près de 290 euros par mois pour les familles avec trois enfants ou plus (part entière), auquel on peut rajouter la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur pour 183 euros par an. La Cour des comptes ([30]), qui recommandait l’instauration d’un droit d’option entre aides au logement et rattachement fiscal, estimait qu’une telle réforme permettrait une économie de 120 millions d’euros en 2015. Une autre possibilité serait de prendre en compte les revenus des parents dans le calcul des APL. Elle pourrait représenter une économie d’environ 100 millions d’euros selon le rapport de la Cour des comptes (prise en compte de 10 % des revenus des parents). Les contraintes techniques soulevées par la Caisse nationale des allocations familiales tout comme le risque d’optimisation fiscale ne doivent pas faire obstacle à une telle refonte : le bénéfice de la déduction du revenu imposable correspondant aux pensions alimentaires versées à leur enfant, plafonnée à 6 368 euros par enfant en 2023, pourrait être exclusif du bénéfice des APL à leur enfant.

La réforme des APL pour les étudiants issus de familles aisées, plusieurs fois mise sur le métier, doit aujourd’hui aboutir pour des raisons d’équité. Les montants économisés, sans être substantiels, ne sont pas anecdotiques.

Recommandation : Rendre obligatoire le choix entre l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour leurs enfants étudiants.

B.   un outil qui a fait ses preuves mais dont le risque inflationniste interroge

1.   Un taux d’effort limité pour les ménages les plus modestes grâce aux APL

La France semble être un des pays où les ménages les plus défavorisés sont les moins mal lotis : la part des ménages locataires les plus pauvres qui dépensent plus de 40 % de leurs revenus pour se loger en France est ainsi l’une des plus faibles de l’UE.

Part des ménages du premier quintile (20 % des ménages les plus pauvres) dont le loyer représente plus de 40 % des revenus (overburdened renters)

Source : FMI d’après les Statistiques de l’enquête sur le revenu et les conditions de vie de l’UE (EU-SILC)

 

En visant les ménages les moins aisés, les aides personnelles au logement jouent en France un rôle redistributif important même si elles n’ont pas empêché la hausse tendancielle du taux d’effort des ménages modestes depuis 2000. En 2013, le taux d’effort net des ménages du premier quartile était de 31,3 % contre 23,3 % pour les ménages du deuxième quartile, 19,4 % pour les ménages du troisième quartile et 13,1 % pour les ménages du quatrième quartile. A contrario, en ciblant les deux premiers déciles (qui correspondent à plus de 98 % des bénéficiaires des APL en 2021) dont les adultes sont rarement en emploi à temps plein, certains acteurs analysent la participation des aides personnelles à une forme de « trappe à pauvreté » puisque les aides disparaissent avec l’entrée dans l’emploi.

Les aides personnelles au logement ne permettent cependant pas de corriger l’inégalité existante entre les locataires du parc privé et les locataires du parc social – les loyers plafonds étant aujourd’hui décorrélés du niveau réel des loyers pratiqués dans le parc privé comme dans le parc social, l’augmentation continue des loyers ne conduit plus à une augmentation des aides personnelles et augmente mécaniquement le taux d’effort des ménages dont les loyers sont les plus élevés (parc privé).

En 2013, le taux d’effort des ménages du premier quartile (les 25 % des ménages les moins aisés) était de 41 % pour les locataires du parc privé contre 27 % pour les locataires du parc social, soit un écart sensiblement supérieur à celui constaté dans les autres quartiles. La modulation du niveau des aides personnelles au logement entre logement social et logement libre a ainsi été évoquée au cours des auditions. Toutefois, une augmentation des aides pour les logements du parc privé risquerait fort d’être captée par les bailleurs privés.

2.   Moduler les plafonds de loyers et de revenus selon les territoires

Parmi les points d’interrogation, demeure la capacité des aides personnelles à être pleinement adaptée aux réalités territoriales. Le taux d’effort des bénéficiaires des aides personnelles est-il équivalent dans les différents territoires ? Les ménages les moins favorisés sont-ils bien ciblés partout sur le territoire ? Les écarts entre les taux de ménages locataires bénéficiaires des aides personnelles par zone, qui dépendent évidemment du niveau de revenu, pourraient être en partie expliqués par cette divergence territoriale. Le rapporteur Charles de Courson plaide ainsi pour une territorialisation renforcée des paramètres de calcul des aides personnelles, les plafonds des loyers pouvant être modulée à l’échelle locale, voire intercommunale, lorsqu’ils ne sont pas adaptés.

part des ménages du parc locatif (ordinaire et logements foyers) bénéficiant d’une aide personnelle au logement

Zone

Part des ménages bénéficiant d’une aide personnelle

1

36,6 %

2
(dont outre-mer)

52,7 %

3

45,1 %

TOTAL

46,6 %

Source : DHUP.

 

Recommandation : Territorialiser à l’échelle intercommunale les plafonds de loyers des aides personnelles au logement.

3.   Un effet inflationniste en discussion

La principale critique adressée aux aides personnelles au logement est celle de leur caractère inflationniste : en effet, une augmentation de leur niveau serait captée par les propriétaires.

a.   Un effet avéré au moment du bouclage des aides…

Plusieurs études économiques ont prouvé que le bouclage des aides personnelles au logement à la fin du XXème siècle a contribué à l’augmentation des loyers.

Dans plusieurs articles parus en 2005 et 2006 ([31]), Gabrielle Fack a ainsi montré que l’augmentation des aides au logement en France des années 1970 à 2001-2002 était captée principalement par les propriétaires bailleurs : une hausse d’un euro des aides personnelles au logement aurait ainsi conduit à une hausse de 78 centimes des loyers. Anne Laferrère et David Le Blanc en 2002 soulignent que les loyers des logements non aidés augmentent de 5,9 % contre 10,7 % pour les loyers des logements aidés entre le quatrième trimestre 1993 et le quatrième trimestre 1996 ([32]). Céline Gislain-Letrémy et Corentin Trevien ont mis en évidence en 2014 ([33]) la persistance à long terme de cette inflation, en cohérence avec les estimations de l’élasticité de l’offre de logement relativement faible en France.

b.   … qui est confirmé par les dernières études

La question de savoir si les aides personnelles au logement contribuent encore aujourd’hui à l’augmentation des loyers est discutée.

● D’un côté ([34]), certains font remarquer que la non-indexation intégrale des paramètres de calcul des APL n’a pas empêchée une hausse des loyers, comme en témoigne la hausse du taux d’effort : la revalorisation des paramètres au niveau de l’IRL serait le seul moyen de palier la hausse des loyers. La décorrélation des loyers plafonds des APL par rapport au niveau réel des loyers appliqués – le loyer plafond des APL a ainsi décroché de 14 % par rapport au loyer maximum du PLUS (logement financé par un prêt locatif à usage social) depuis 2000 et plus de 90 % des loyers du parc privé étaient au-dessus des loyers plafonds selon une étude de l’IGAS en 2012 ([35]) – démontrerait que l’augmentation des loyers est largement indépendante du niveau des aides personnelles. Par ailleurs, l’augmentation des loyers pourrait être expliquée pour une part par l’amélioration de la qualité des logements.

● De l’autre côté, de nombreuses études corroborent l’existence de cet effet inflationniste à l’étranger. Ainsi, entre 30 % et 80 % des indemnités versées ont été répercutées sur les loyers aux États-Unis (Susin, 2002), au Royaume-Uni (Gibbons & Manning, 2006), en Scandinavie (Kangasharju, 2010), en Finlande (Viren, 2013), en Israël (Sayag & Zussman, 2015), ou encore en Nouvelle-Zélande (Hyslop & Rea, 2019). Alors que les contempteurs de la thèse du caractère inflationniste des aides au logement en France mettent souvent en avant le caractère daté des études portant sur le cas français, Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trevien signalent à nouveau dans une étude parue en 2023 ([36]) un effet global significatif des aides personnelles au logement sur la hausse des loyers de 2000 à 2016, y compris pour les loyers des personnes non bénéficiaires de ces aides, notamment pour les logements de trois pièces. Alors que la qualité des logements ne serait pas améliorée grâce à la hausse des loyers, la hausse des aides personnelles aurait cependant également eu un effet positif sur le nombre de logements d’une pièce mis en location. Dans son ensemble, la hausse des loyers serait à rapporter à la faible élasticité de l’offre immobilière, notamment pour les logements d’une plus grande taille.

Dans ce contexte, la non-indexation partielle des paramètres de calcul des aides au logement pour les ménages les moins modestes, hors contexte de forte inflation, mérite d’être poursuivie car elle permet de limiter l’inflation des loyers causée par la faible élasticité de l’offre.

II.   en raison du recentrage du prÊt À taux zÉro en 2024, il est désormais impÉratif de relancer l’accession sociale À la propriÉtÉ

Les aides à l’accession sociale à la propriété, composées du prêt d’accession sociale (PAS), du prêt social de location-accession (PSLA), du bail réel solidaire (BRS) et surtout du prêt à taux zéro (PTZ), visent à soutenir l’accès à la propriété des ménages, en particulier les plus modestes.

Alors que le taux de propriétaires de résidences principales stagne depuis une décennie et que des contraintes importantes pèsent sur l’offre et la demande de logements, il convient de définir la forme et le ciblage que doivent revêtir de tels dispositifs afin de concourir à l’objectif d’accession à la propriété, défendu dans son principe par les rapporteurs.

A.   la rÉduction de l’accession À la propriÉtÉ annonce-t-elle la fin du « tous propriÉtaires » ?

L’accession sociale à la propriété ne progresse plus en France : si le soutien public à la propriété n’est plus aussi fort qu’il a pu l’être par le passé, l’objectif d’accession sociale à la propriété semble être remis en cause en dépit d’une aspiration forte des Français.

1.   Alors que l’accession à la propriété reste synonyme de sécurité pour de nombreux Français, le taux de propriétaires occupants ne progresse plus

Derrière le slogan politique du « tous propriétaires » se dessine une aspiration forte des Français, qui sont environ 80 % à être ou à souhaiter devenir propriétaires de leur logement.

Le fait d’être propriétaire de son logement est perçu comme un statut valorisant, une garantie contre les aléas du marché et un complément de revenu essentiel au moment de la retraite. D’autres vertus, réelles ou supposées, de l’accession à la propriété, sont souvent citées :

– c’est un facteur d’intégration sociale ;

– c’est l’un des moyens les plus efficaces pour favoriser le développement de l’offre de logements ;

– elle soutient l’activité du secteur du bâtiment ;

– les ménages étant disposés à consentir un effort financier plus important pour accéder à la propriété que pour payer un loyer, il est pertinent économiquement pour l’État de les y encourager.

● Afin de répondre à ces aspirations, le développement de l’accession sociale à la propriété permet aux ménages aux revenus modestes d’acheter leur résidence principale et de devenir propriétaire à des conditions avantageuses, dans une logique de progression du parcours résidentiel.

Les politiques publiques de soutien à l’accession ont rencontré un succès important puisque le taux de propriétaires occupants n’a cessé de croître depuis le milieu du XXème siècle, même si cette croissance s’est considérablement ralentie désormais. En effet, selon l’INSEE, la part des propriétaires de résidences principales représentait 57,8 % des acquisitions en 2014 : en 2022, elle atteignait 57,4 %. Cette baisse, bien que légère, est inédite depuis des décennies. En parallèle, la part des locataires atteint 40 % en 2022, soit un taux supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne (UE).  

● Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce ralentissement de l’accession à la propriété. D’après les données de l’INSEE, le taux d’effort des ménages est passé de 16,1 % en moyenne en 2001 à 19,7 % en 2017. La hausse la plus forte concerne les accédants à la propriété du premier quartile, avec une augmentation de 13,4 points pour un taux d’effort de 46 %.

Cette augmentation du taux d’effort tient à différents facteurs :

– l’inflation des prix des logements, à hauteur de + 189 % de 2000 à 2022 (+ 4,95 %/an en moyenne), alimentée essentiellement par la hausse des coûts du foncier et, dans une moindre de mesure, de la construction, à la faveur de taux d’intérêt maintenus à un niveau exceptionnellement bas pendant une longue période ;

– l’évolution faible du pouvoir d’achat des ménages au regard de ces hausses : + 18 % entre 2000 et 2022 (soit + 0,75 % par an) pour le pouvoir d’achat des ménages par unité de consommation.

● L’étude de la part des ménages ayant contracté un PTZ selon leur revenu fiscal de référence (RFR) illustre de manière concrète les freins à l’accession sociale à la propriété.

part du prÊt À taux zÉro SELON le revenu fiscal des mÉnages en 2019 (*)

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(*) Le revenu fiscal de référence correspond au revenu imposable en N-2 multiplié par 0,9.

Source : SGFGAS.

En 2019, le seuil haut du RFR du premier décile est de 6 891 euros, soit 7 656 euros de revenus annuels. Avec un taux d’endettement maximum de 33 %, sur une durée de 25 ans et un prêt à taux zéro, sans coûts annexes, la capacité maximale d’emprunt est de 63 000 euros. C’est le plus souvent insuffisant pour envisager un achat immobilier, même avec un apport de 20 000 euros. L’accession à la propriété est donc quasiment impossible pour le premier décile, sauf apport familial ou évolution significative à la hausse des revenus. Pour le seuil haut du second décile, le même calcul donne une capacité maximale d’emprunt théorique de 100 000 euros, généralement insuffisante également.

● L’accession à la propriété a été portée par des taux bas. La situation actuelle, marquée par un retour de l’inflation, un ajustement rapide des taux d’intérêts et une position d’attente d’un certain nombre d’acteurs, va remettre profondément en cause ce modèle. Malgré la difficulté croissante pour les ménages, notamment les plus modestes, d’obtenir des prêts bancaires, la propriété reste un objectif attractif pour de nombreux Français. Alors que le marché locatif ne peut absorber seul la forte augmentation de la demande, les rapporteurs souhaitent remettre la question de l’accession à la propriété au cœur du débat politique.

 

2.   L’accession à la propriété, un objectif dont les effets sont discutés par les économistes qui négligent sa dimension sociale

Le développement de l’accession à la propriété est un objectif de politique publique qui a fait l’objet de nombreuses analyses économiques ([37]). Au-delà des effets inflationnistes et d’aubaine associés aux aides, un débat existe sur le fait que le statut de propriétaire serait un frein à la mobilité géographique et entraverait l’ajustement entre l’offre et la demande d’emploi. Il ressort de l’examen des différents travaux sur le sujet que ni le sens de la causalité, ni les mécanismes précis à l’œuvre ne font consensus. Les auditions et les contributions d’économistes à la mission d’information ont néanmoins permis de mettre en évidence plusieurs éléments ([38]).

La thèse d’un lien entre le développement de la propriété occupante et l’accroissement du taux de chômage structurel a été présentée pour la première fois en 1996 par l’économiste anglais Andrew J. Oswald ([39]). Son étude comparative conclut qu’à une augmentation de dix points du taux de propriétaires correspond une hausse de deux points du taux de chômage : cette corrélation s’expliquerait par l’influence négative du statut de propriétaire sur la mobilité. D’autres études sur le lien entre chômage et propriété occupante mettent également en lumière une corrélation entre l’augmentation de la densité de propriétaires au niveau local et la hausse du taux de chômage ([40]).

Toutefois, corrélation n’est pas causalité : le choix d’être propriétaire peut ainsi être fait en anticipation de la non-mobilité. En outre, plusieurs études économétriques sur le lien entre le statut d’occupation et la durée du chômage montrent que « les propriétaires français au chômage retrouveront un emploi plus rapidement que les locataires » ([41]). Des travaux plus récents ([42]) conduisent à mettre en doute la conjecture d’Oswald, d’autant plus que son analyse présente des limites techniques. Les auteurs de ces recherches s’accordent sur deux résultats principaux : la propriété immobilière réduit à la fois le risque de chômage et la durée de retour à l’emploi.

Si les études plus fines concernant la France viennent confirmer que le statut résidentiel influe sur la mobilité professionnelle et le retour en emploi, avec des coûts liés au déménagement qui pénaliseraient l’appariement sur le marché du travail, l’hypothèse d’Oswald est contredite par les données empiriques montrant que les propriétaires ont une probabilité moindre d’être au chômage, en fréquence comme en durée, que les locataires du parc privé. La corrélation entre taux de chômage et taux de propriétaires n’est pas pour autant invalidée. En revanche, le fait que le coût de mobilité soit plus élevé pour les propriétaires occupants, notamment les non-accédants, que pour les locataires, ne suffit pas à démontrer un lien de causalité entre le développement de la propriété et celui du chômage.

Enfin, la priorité donnée à la propriété est parfois présentée comme un facteur de promotion de l’habitat individuel et de dispersion de l’habitat peu compatible avec les objectifs de « zéro artificialisation nette » à terme. Ainsi, le 14 octobre 2021, la ministre du logement Emmanuelle Wargon avançait dans un discours devant les professionnels du secteur que les maisons individuelles seraient un « non-sens écologique, économique et social », avant de déclarer quatre jours plus tard que « la maison individuelle, c’est le rêve des Français, et je le comprends ». Ces prises de position successives mettent en évidence les tensions autour de l’artificialisation des sols en France.

En 2016, la Cour des comptes dressait un constat sévère sur l’efficacité
des aides à l’accession

Dans une enquête réalisée en novembre 2016 sur les aides de l’État à l’accession à la propriété à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes souligne que « les aides à l’accession parviennent de moins en moins à atteindre leurs objectifs, que ce soit isolément ou de manière combinée ».

Représentant un montant cumulé d’environ 2 milliards d’euros, l’effort financier public en faveur de l’accession à la propriété est resté limité par rapport au montant total des dépenses publiques pour le logement. Dès lors, ces dispositifs peuvent « de moins en moins compenser la discordance croissante entre les revenus des ménages et les prix de l’immobilier d’habitation, en raison notamment de la forte progression des coûts du foncier ».

La Cour porte un regard critique sur l’efficacité de ces aides : elles créeraient de forts effets d’aubaine pour un effet déclencheur insuffisamment démontré, avec un impact « limité » sur le plan économique et « exposé à un risque d’effet inflationniste ». Surtout, elles joueraient « de moins en moins leur rôle d’appui aux primo-accédants ». En outre, l’intensité de ces tendances varie fortement d’un territoire à l’autre, faisant apparaître une pluralité de marchés immobiliers.

L’enquête de la Cour conduit à s’interroger sur la nécessité de pérenniser dans leur configuration actuelle ces instruments d’aide à l’accession qui ont montré de fortes limites, dont l’évolution des marchés du logement affaiblit l’impact, et dont l’ensemble des bénéficiaires est mal connu. À ce titre, la Cour recommandait de mettre en place les liaisons nécessaires entre les bases de données (SGFGAS, CNAF, etc.) pour permettre un suivi précis de l’efficacité et de l’efficience des différentes aides à l’accession.

La Cour des comptes recommandait également dans cette enquête une refonte globale du PTZ+ afin de recentrer cette aide sur les ménages les plus modestes, ainsi que d’envisager une suppression du PAS.

Enfin, au regard des divergences importantes entre territoires, la Cour préconisait de mettre en place une gestion déconcentrée des enveloppes d’aides à l’accession à la propriété afin de compléter les interventions des collectivités.

3.   La suppression de l’APL accession : une décision regrettable et symbolique de la crise de l’accession sociale ?

Les aides personnelles aux propriétaires, prises en compte lors de l’établissement d’un plan de remboursement auprès d’un établissement bancaire, peuvent être décisives pour l’obtention d’un prêt pour les ménages accédants les plus modestes.

À ce titre, le dispositif de l’« APL accession » permettait de favoriser le parcours résidentiel des ménages les moins favorisés : sa suppression depuis 2018 paraît fortement critiquable pour le rapporteur Charles de Courson.

● Avant le 1er janvier 2018, l’APL accession était accordée, au titre de la résidence principale, aux propriétaires :

– ayant souscrit un prêt conventionné (PC) ou un prêt à l’accession sociale (PAS), dont les conditions d’octroi étaient alignées depuis le 1er juin 2011 sur celles du prêt à taux zéro ;

– titulaires d’un logement faisant l’objet d’un prêt social de location-accession (PSLA), détenu par le bailleur puis par l’accédant et dédié au financement des opérations de location-accession.

Les opérations de construction, d’acquisition et même d’amélioration d’une résidence principale financées grâce à un prêt conventionné ouvraient également un droit à l’aide personnalisée au logement.

L’APL accession était directement versée à la banque prêteuse et réduisait donc la mensualité du crédit payée par l’emprunteur.

En 2016, les APL accession étaient versées à 113 000 bénéficiaires pour un montant de 249 millions d’euros.

● Au regard du constat formulé dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2018, selon lequel les aides personnelles au logement « ne tiennent pas compte du reste à charge des personnes logées, entretiennent des situations inégalitaires entre locataires et alimentent, de manière plus ou moins prononcée suivant les catégories de logement, un effet inflationniste sur les loyers », la loi de finances pour 2018 a exclu l’octroi de l’APL à compter du 1er février 2018 ([43]) pour :

– les logements occupés par leurs propriétaires, construits, acquis ou améliorés, à compter du 5 janvier 1977, au moyen de formes spécifiques d’aides de l’État ou de prêts dont les caractéristiques et les conditions d’octroi sont fixées par décret ;

– les logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière, lorsque ces logements ont été construits, améliorés ou acquis et améliorés au moyen de formes spécifiques d’aides de l’État ou de prêts dont les caractéristiques et les conditions d’octroi sont fixées par décret.

● Les rapporteurs ont sollicité des éléments d’évaluation sur les conséquences de la suppression de l’APL accession sur l’accession à la propriété. Si la DHUP ne dispose pas d’une analyse précise, plusieurs éléments peuvent être soulignés :

– la suppression de l’APL accession semble bien avoir eu un impact significatif sur la production de prêts PC et PAS (cf. infra) compte tenu de la liaison entre les deux dispositifs : ces prêts ouvraient l’accès à l’APL accession à leurs bénéficiaires. La production de PC et de PAS a ainsi baissé de 43 % entre 2017 et 2021 ;

– son effet sur la dynamique du PTZ est moins net, celle-ci ayant surtout été affectée par d’autres facteurs, dont l’impact ne peut être isolé de celui de la suppression de l’APL accession, liés notamment aux réformes du dispositif et à l’environnement de taux d’intérêt ;

– selon les données de la Banque de France, on ne constate pas de chute marquée ou durable de la part des primo-accédants dans la production de crédits à l’habitat après 2019 : en mars 2023, cette part s’établit à 49 %, un niveau proche de celui de mars 2018 (47,5 %) et mars 2019 (46,8 %). En revanche, sur la même période, la part des ménages modestes parmi les primo-accédants a baissé de 7,4 points, passant de 27 % en janvier 2020 à 19,6 % en mars 2023.

Part des primo-accÉdants dans la production de crÉdits à l’habitat pour l’acquisition d’une rÉsidence principale

Source : Banque de France.

La suppression de l’APL accession a ainsi pu contribuer à la réduction de la part des ménages modestes parmi les primo-accédants, hors PTZ – bien que d’autres facteurs tels que la hausse des taux d’intérêt et des prix immobiliers ainsi que le durcissement des conditions d’octroi des crédits immobiliers expliquent également cette baisse.

● Le rapporteur Charles de Courson considère que cette mesure a freiné la progression du parcours résidentiel des ménages les plus modestes. En diminuant la mensualité de remboursement, l’APL accession permettait de limiter le taux d’endettement des emprunteurs à un niveau acceptable pour les banques et était une des conditions de réussite du projet d’accession.

Les professionnels du secteur, comme la FFB et Procivis, critiquent également la fin de ce dispositif qu’ils jugeaient « précieux », notamment pour les ménages en sortie de parc HLM, et estiment que cette suppression aurait représenté en 2018 une perte de 20 000 logements en accession à la propriété. En outre, alors que, comme le relevait en 2016 la Cour des comptes, « l’effort financier public en faveur de l’accession à la propriété reste très limité » ([44]), l’enjeu budgétaire autour de la réforme était modeste et de court terme : environ 50 millions d’euros d’économies pour le FNAL en 2018.

Le rapporteur Charles de Courson est donc favorable au rétablissement du dispositif pour tout logement, neuf ou ancien.

B.   les principaux dispositifs d’accession sociale À la propriÉtÉ prÉsentent des rÉsultats contrastÉs

Malgré l’existence de nombreux dispositifs en faveur de l’accession sociale à la propriété, le succès rencontré demeure modeste et suggère la mise en œuvre de modifications pour en élargir le nombre de bénéficiaires.

1.   Une production en net recul pour les prêts conventionnés et le prêt à l’accession sociale

Les prêts conventionnés (PC) et le prêt à l’accession sociale (PAS) ont pour objectif de permettre à des ménages d’emprunter et d’acquérir leur résidence principale malgré leurs revenus modestes. Ils sont proposés par des établissements de crédit signataires d’une convention avec l’État et peuvent financer l’intégralité du coût de l’opération immobilière, sans apport demandé, ou être cumulé avec d’autres prêts.

● Les PC sont des prêts subventionnés qui présentent plusieurs avantages :

– leur taux d’intérêt est plafonné ;

– ils ne sont pas accordés sous conditions de revenus ;

– ils peuvent être sollicités pour le financement de travaux divers, comme la réalisation d’économies d’énergie ou l’extension d’un logement ([45]) ;

– ils sont cumulables avec d’autres prêts, comme le PAS et le prêt à taux zéro ;

– leur durée de remboursement est de cinq à trente ans : il est possible de réduire cette durée ou de l’allonger jusqu’à 35 ans au maximum.

● Le prêt à l’accession sociale (PAS) est un prêt conventionné (PC) spécifique, garanti par le Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS). Il est réservé à des ménages qui destinent le logement à leur résidence principale et dont les revenus ne dépassent pas des plafonds de ressources ([46]), en vertu du décret du 18 mars 1993.

Depuis le 1er octobre 2014, les plafonds de ressources pour l’éligibilité au PAS sont alignés sur ceux du PTZ+ pour la métropole et les départements d’outre-mer. Les autres conditions d’octroi du PAS sont celles prévues par la réglementation de droit commun des PC. Le PAS finance les mêmes opérations que le PC classique, à l’exception des investissements locatifs.

Dans le cadre des opérations PAS en 2021, le revenu mensuel moyen d’un ménage bénéficiaire est de 2 712 euros pour un montant prêté de 165 327 euros.

Revenus de l’ensemble des mÉnages bÉnÉficiaires

Effectifs

46 336

Coût moyen d’opération

205 378

Montant moyen prêté

165 327

Revenu mensuel moyen

2 712

Source : SGFGAS (déclarations reçues au 16/02/2022).

Le coût du PAS pour l’État, qui correspond à la garantie donnée, est mal identifié : il est retracé parmi les crédits de l’action 2 du programme 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État, qui ne sont pas ventilés par catégories de prêts et s’élevaient pour l’ensemble des prêts ainsi garantis à 39,7 millions d’euros dans le PLF pour 2023.

● Un recul net de la production de PC et de PAS est observé depuis 2017. Depuis la mise en extinction progressive de l’APL accession au 1er janvier 2018, on enregistre pour la distribution des PAS et des PC :

– un effet très net sur la production de ces prêts avec un recul de 43 % entre 2017 et 2021, dont une baisse de 38 % sur les seuls PAS ;

– un effet plus contrasté sur le montant des opérations : après une baisse en 2018 et en 2019, le montant moyen est en hausse de 11 % en 2020 et de 9 % en 2021.

Production de PC de 2009 À 2022

 

Année d’émission

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Effectifs

88 083

114 781

96 671

93 621

109 976

98 671

105 602

Montant prêté (en millions d’euros)

8 535,97

11 310,77

10 002,42

10 214,08

12 471,15

10 656,05

12 300,48

Année d’émission

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Effectifs

111 740

117 288

93 675

82 899

71 332

74 627

67 140

Montant prêté (en millions d’euros)

12 255,07

13 217,97

10 286,44

8 833,13

8 451,22

9 249,73

8 589,51

Source : SGFGAS.

La tendance de la production de PAS suit les mêmes fluctuations, comme indiqué dans le tableau ci-dessous.

production de pas de 2010 À 2022

Année d’émission

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs

62 491

62 100

61 915

72 186

73 158

88 964

91 338

Montant prêté (en millions d’euros)

5 653,07

5 591,15

5 977,38

7 355,44

7 319,42

9 617,74

9 297,56

Année d’émission

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Effectifs

102 331

88 213

71 828

59 884

63 556

54 533

Montant prêté (en millions d’euros)

10 803,93

8 971,86

7 319,37

6 590,41

7 372,76

6 578,21

Source : SGFGAS.

En somme, la disparition de l’APL accession, qui était cumulable avec le PAS, a fait perdre de son attrait à ce dernier dispositif : son taux est plafonné mais ce plafond se situe actuellement à un niveau supérieur au taux de l’usure.

● En effet, le taux d’intérêt des prêts conventionnés (PC) ne peut excéder un taux maximum égal à l’addition d’un taux de référence, publié par la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), et d’une marge des établissements de crédit ([47]). Les taux plafonds des PC et PAS applicables au 1er avril 2023 sont les suivants :

taux plafonds des pc et des pas au 1er avril 2023

 

Prêt à taux fixe

Prêt à taux révisable

Durée

12 ans et moins

13 à 15 ans

16 à 20 ans

plus de 20 ans

PC, y compris PAS

5,10 %

5,30 %

5,45 %

5,55 %

5,10 %

Source : SGFGAS.

Ces taux sont supérieurs aux actuels taux de marché des crédits immobiliers. Le plafonnement des taux des PC et PAS ne joue donc pas véritablement de rôle effectif.

Toutefois, bien que la suppression du PAS ait été recommandée en 2016 par la Cour des comptes, cette dernière n’a pas abouti car la conjoncture de l’époque présentait des taux d’intérêts très bas qui faisaient du PAS un dispositif peu coûteux, tout en contribuant à l’objectif de soutien à l’accession à la propriété. Dans le contexte actuel, les rapporteurs estiment que la forte et rapide remontée des taux d’intérêt renforce l’attractivité du PAS et justifie son maintien.

2.   Le prêt social location-accession semble en perte de vitesse

Institué en 2004 ([48]), le prêt social location-accession (PSLA) est un prêt conventionné consenti par un établissement de crédit à un opérateur, ce dernier devant au préalable signer une convention avec l’État et obtenir une décision d’agrément du préfet, afin de financer la construction ou l’acquisition de logements neufs qui feront l’objet d’un contrat de location-accession. L’objectif du dispositif est de faciliter l’accès à la propriété d’un ménage modeste sans apport initial.

● Le contrat de location-accession classique comporte deux phases : la phase locative et la phase d’accession. Au cours de la phase locative, le logement appartient à un opérateur auquel le ménage verse une redevance qui se compose d’une fraction locative, correspondant à un loyer plafonné, et d’une fraction acquisitive qui permet de constituer un apport et viendra en déduction du prix de vente. Pendant la phase locative, le ménage a la faculté de lever l’option sur son logement, c’est-à-dire de s’en porter acquéreur.

La levée de l’option d’achat sur le logement marque le début de la phase d’accession, au cours de laquelle le ménage devient propriétaire du logement et rembourse un emprunt. La fraction acquisitive accumulée pendant la phase locative s’impute sur le prix de vente, préalablement fixé dans le contrat de location-accession. En cas de levée de l’option, le ménage dispose, pendant une durée de quinze ans à compter du transfert de propriété, d’une garantie de rachat de son logement à un prix déterminé à l’avance et d’une garantie de relogement. En outre, le PSLA peut être transféré au ménage en cas de levée de l’option. Son montant maximum est égal à la différence entre le prix du logement et le montant de la fraction acquisitive.

Si le ménage ne lève pas l’option, il ne bénéficie pas d’un droit au maintien dans les lieux mais peut disposer d’une garantie de relogement. La fraction acquisitive accumulée pendant la phase locative lui est alors restituée.

● Les caractéristiques sociales des opérations financées à l’aide d’un PSLA font l’objet d’une convention conclue entre l’opérateur et l’État avant l’engagement de chaque projet. Depuis 2015, les plafonds de ressources pour bénéficier d’un PSLA sont révisés le 1er janvier de chaque année en fonction de l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation hors tabac ([49]).

Depuis la création du dispositif, le nombre de financement de logements en PSLA a crû progressivement. Toutefois, la tendance à la baisse constatée depuis 2019 se poursuit en 2022 avec une baisse de la production de 10 % en 2022, avec 5 648 agréments, imputée aux conséquences de la crise économique.

Nombre de logements agréés pour le psla (2009-2022)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre de logements agréés

2 266

2 941

6 909

5 965

7 232

7 355

8 080

7 467

7 322

7 665

6 549

6 294

6 234

5 648

Source : Infocentre SISAL.

La part des PSLA consacrés à des logements collectifs continue de diminuer pour atteindre 61 % des agréments en 2021 (hors opérations mixtes), contre 70 % en 2015, se rapprochant de ce fait de sa valeur en 2012 (60 % en 2012). Le flux de PSLA est majoritairement orienté vers les zones moyennement tendues, avec 67 % des PSLA conclus dans les zones B1 et B2. Ce sont principalement les coopératives HLM, les entreprises sociales pour l’habitat et, plus marginalement, les offices publics de l’habitat qui s’engagent dans des opérations de PSLA (80 % en 2020).

● La contribution du PSLA à la valorisation du foncier est à apprécier en fonction de la zone considérée :

– les communes de zones A et A bis ont des parcs fonciers très largement développés et le parc social y occupe une place importante. Dans ces communes, le PSLA visera justement à répondre à la forte progression des prix de l’immobilier, à laquelle le coût du foncier contribue, en proposant un parcours d’accession sécurisée à des ménages modestes ;

– dans les zones moins tendues, le PSLA peut favoriser la valorisation du foncier en étendant le vivier de ménages capables d’acquérir un logement. Le PSLA est ainsi majoritairement utilisé dans les zones moyennement tendues (B1 et B2), qui concentrent plus des deux tiers (67 %) des PSLA conclus au terme de l’année de 2021.

● Afin de renforcer son attractivité, le PSLA bénéficie d’avantages fiscaux :

– une TVA à taux réduit de 5,5 % est appliquée pour les opérations dont la date d’achèvement des travaux est postérieure au 1er janvier 2014 ([50]). Quand le locataire-accédant lève l’option dans les cinq ans suivant l’achèvement, la vente bénéficie également de ce taux réduit ;

– l’opérateur peut bénéficier, pour les logements anciens réhabilités, d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) d’une durée de 15 ans sur délibération de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent ([51]). Cette exonération continue également à s’appliquer, pour la durée restant à courir, au ménage qui lève l’option.

● Une tendance à la réduction de la période de location, trop peu utilisée pour tester la capacité de remboursement du bénéficiaire mais davantage pour bénéficier des aides fiscales attachées au PSLA, est identifiée depuis plusieurs années. En effet, sur la base des données recueillies par la société de garantie de l’accession des organismes HLM (SGAHLM), à fin mars 2023 :

– 21 % des opérations PSLA proposent une durée de phase locative d’un an ;

– 51 % de deux ans ;

– 10 % de trois ans ;

– 11 % de quatre ans ;

– 3 % d’une durée supérieure à quatre ans.

Quelques facteurs peuvent permettre d’expliquer la faible durée de la phase locative, comme les risques d’extinction des dispositifs qui ont pu inciter les bénéficiaires de PSLA à lever l’option au plus vite afin de pouvoir bénéficier du PTZ, la période passée de taux bas qui a réduit le temps nécessaire au ménage pour apprécier leur capacité de remboursement, enfin l’intérêt en période de hausse des taux de lever rapidement l’option pour obtenir un crédit.

Pour pallier cette levée d’option précoce, le décret n° 2020-1377 du 12 novembre 2020 a fixé la durée minimale de la phase locative à six mois. Les rapporteurs estiment néanmoins qu’une meilleure sécurité quant au coût du crédit constituerait une solution efficace pour conforter les bénéficiaires dans la phase locative.

● Dans ce contexte, des évolutions du dispositif sont envisagées. Conformément aux annonces de la Première ministre à l’issue du conseil national de la refondation consacré au logement de juin 2023, le relèvement des plafonds de ressources régissant l’éligibilité au BRS ainsi qu’au PSLA est en cours de préparation par voie réglementaire. Cette mesure, soutenue par les rapporteurs, pourrait contribuer à relancer l’accession sociale à la propriété et offrir l’occasion de favoriser une harmonisation des divers plafonds relatifs aux dispositifs de soutien au logement.

3.   Accélérer le développement prometteur du bail réel solidaire

Le bail réel solidaire (BRS), défini aux articles L. 255-1 à L. 255-19 du code de la construction et de l’habitation, est un dispositif d’accession sociale introduit en juillet 2016 ([52]) qui permet de dissocier sur longue durée le foncier et le bâti afin de minorer le prix des logements.

● En signant un BRS d’une durée comprise entre 18 et 99 ans, l’acquéreur achète uniquement le logement et loue le terrain à un organisme foncier solidaire (OFS) agréé par le préfet de région ([53]). Devenu détenteur des droits réels attachés au bâti, le signataire du BRS verse une redevance mensuelle à l’OFS qui est propriétaire du terrain. Le logement doit être utilisé en tant que résidence principale et le revenu fiscal de référence N–2 du ménage ne doit pas dépasser les plafonds de ressources indiqués dans le tableau ci-dessous.

Plafonds de ressources pour bénéficier d’un bail réel solidaire en 2023 (*)

(en euros)

Nombre de personnes qui occuperont le logement

Zone A

Zones B et C

1

35 515

26 921

2

49 720

35 899

3

56 825

41 525

4

64 638

46 014

5 +

73 732

50 489

(*) Revenu fiscal de référence de l’année N-2.

L’innovation juridique du bail réel solidaire tient au renouvellement de la durée du bail à chaque cession des droits réels, attachés au bâti, sous réserve que le nouvel acquéreur remplisse les conditions de ressources. Ce renouvellement du bail permet de neutraliser l’effet de baisse de la valeur du bâti à mesure que l’on approche de la fin du bail, comme dans un bail classique dont la durée ne peut être prorogée.

Avec le BRS, le propriétaire du bâti voit la valeur de ses droits maintenue dans le temps, dans l’objectif de permettre aux ménages modestes de se constituer un patrimoine immobilier. En contrepartie de l’effort consenti par l’OFS sur la redevance du foncier, la valeur de revente du bâti est plafonnée afin de permettre à un nouveau ménage modeste de se porter acquéreur et d’éviter tout effet spéculatif. Si le vendeur ne trouve pas d’acquéreur, le bail réel solidaire peut être résilié conventionnellement et le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels immobiliers.

Mis en place pour répondre à la forte progression du coût du foncier dans les zones tendues, le BRS s’adresse donc principalement à des zones où le foncier est déjà fortement valorisé.

Toutefois, le dispositif est également ouvert dans les zones détendues, où son développement pourrait contribuer à la revalorisation du foncier.

En outre, l’article 106 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », apporte un appui supplémentaire au BRS en permettant aux bailleurs sociaux de vendre des logements de leur patrimoine en contrats BRS, à l’exception de ceux situés dans des communes déficitaires au regard de la loi SRU.

 Si le nombre de BRS livrés reste aujourd’hui modeste, avec 690 BRS livrés au 20 juin 2023 depuis le lancement du dispositif contre 338 au 31 décembre 2021, il devrait continuer de croître rapidement. En effet, le BRS fait l’objet d’un fort intérêt des acteurs du logement social et des collectivités territoriales, comme le met en évidence la dynamique de création des OFS. Ainsi, 147 OFS sont désormais agréés à l’échelle nationale, alors qu’ils n’étaient que 52 à la fin de l’année 2021.

La plupart des ménages ayant acquis un logement en BRS en 2021 étaient auparavant locataires du parc privé ou locataires du parc social, avec des revenus fiscaux de référence bien en deçà des plafonds de ressources. Les premiers résultats communiqués pour l’année 2022 confirment ces résultats. Ce constat illustre le potentiel effet du BRS sur la solvabilité des ménages et confirme l’intention qui a présidé à la mise en place du dispositif, à savoir offrir une nouvelle étape dans le parcours résidentiel entre le parc locatif privé ou social et l’accession libre, avec une pérennisation des investissements publics. Le suivi des ménages acquéreurs dans la durée devrait permettre d’examiner dans quelle mesure le BRS constitue une voie d’accès vers le logement au marché libre.

● Plusieurs points d’attention sont aujourd’hui soulignés par les services de l’État et des acteurs du secteur du logement comme l’USH et le réseau Foncier solidaire France, tels que :

– une possible concurrence entre les OFS pour l’accès à un foncier limité, entretenant les mécanismes de hausse des prix du foncier : à ce titre, la mise en place d’un observatoire national du dispositif OFS/BRS est en cours ;

– un effet d’aubaine pour des populations qui pourraient accéder à un logement dans les conditions de marché, à l’image de jeunes actifs de catégories socio-professionnelles supérieures ou encore de retraités disposant d’un patrimoine important mais de faibles revenus.

En outre, malgré une tendance réelle en faveur du BRS, ce succès est à nuancer puisque les projections préalables à la crise sanitaire qui laissaient entrevoir un parc de 10 000 logements à l’horizon 2025 devraient être revues à la baisse. Les acteurs du secteur auditionnés par la mission d’information relèvent que les opérations peuvent être freinées par la réticence des banques à financer cette accession démembrée.

● Les conclusions du conseil national de la refondation sur le logement du 5 juin 2023 entendent favoriser le BRS afin de « développer une offre de logements en accession sociale pérenne » en révisant à la hausse les plafonds de ressources et donc élargir le dispositif à davantage de ménages. Les rapporteurs considèrent que cette proposition va dans le bon sens et permettra de renforcer l’accès au logement des classes moyennes, même si la dimension sociale du dispositif pourrait devenir moins évidente en fonction de l’ampleur du relèvement des plafonds.

Recommandation : Développer le bail réel solidaire en révisant à la hausse les plafonds de ressources.

C.   Le prÊt À taux zÉro, dispositif devenu coûteux dont le recentrage est nÉcesSaire au regard d’une efficaciTÉ dÉbattue, peut-il participer À la relance de la politique d’accession sociale À la propriÉtÉ ?

Le prêt à taux zéro (PTZ), distribué aux ménages par les banques sous conditions de ressources appréciées en fonction de leur zone de résidence, est un outil en faveur de l’accession sociale à la propriété qu’il convient de soutenir et d’adapter dans le contexte de hausse des taux d’intérêt.

1.   Le PTZ est un instrument ancien en faveur de l’accession sociale à la propriété

Le PTZ, prévu aux articles L. 31-10-1 à L. 31-10-14 du code de la construction et de l’habitation et à l’article 244 quater V du code général des impôts, permet à l’emprunteur de ne payer aucun intérêt, ni frais de dossier, à l’établissement prêteur ([54]). Il est destiné aux personnes physiques qui souhaitent acquérir ou faire construire un logement destiné à être occupé à titre de résidence principale pendant au moins huit mois dans l’année. En outre, les bénéficiaires ne doivent pas avoir été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux années précédant l’offre de prêt.

L’objectif assigné au PTZ est donc d’aider des ménages à revenus modestes ou moyens à acquérir leur premier logement, à la condition que leurs opérations contribuent à développer ou améliorer le parc de logements.

● Ce dispositif a connu plusieurs modifications importantes depuis son introduction en 1995 :

– de 1995 à 2005, le prêt à 0 % était réservé en priorité aux logements neufs achetés par des ménages modestes. Les banques distribuant les prêts recevaient, via la SGFGAS, une subvention de l’État pour compenser l’absence de perception d’intérêts ;

– en 2005, le dispositif est devenu « nouveau prêt à taux zéro » (NPTZ). Il a été étendu aux logements anciens. L’aide de l’État est versée désormais sous forme d’un crédit d’impôt sur les sociétés aux établissements de crédit, dont la SGFGAS assure le calcul ;

– le 1er janvier 2011, le dispositif a été renommé « PTZ renforcé » (PTZ+) et les montants de prêt ont été revus pour mieux correspondre aux prix des logements. Il a été rebaptisé « PTZ » en 2015.

 L’éligibilité au dispositif est soumise depuis le 1er janvier 2012 au respect de plafonds de ressources, comme c’était le cas pour le PTZ existant de 1995 à fin 2010, en fonction de la localisation du logement et de la composition du ménage. La réforme du PTZ, qui s’est appliquée aux prêts émis à compter du 1er janvier 2016, a rehaussé les plafonds de ressources sur l’ensemble du territoire. Les ressources du ménage sont calculées en faisant la somme des revenus fiscaux de référence de chaque personne le composant au titre de l’année « N-2 » par rapport à l’année de l’offre de prêt.

Afin de délivrer le montant d’aide le plus adapté et d’éviter les « effets d’aubaine » des bénéficiaires qui auraient vu leurs ressources augmenter rapidement d’une année à l’autre, il est prévu un niveau minimum de revenu des emprunteurs, calculé par référence au montant d’opération (le revenu ne peut être inférieur à ce montant divisé par 9 pour les PTZ émis depuis le 1er janvier 2015).

La loi de finances pour 2021, qui a prorogé jusqu’au 31 décembre 2023 le PTZ, prévoit qu’un décret définit les nouvelles modalités d’appréciation de la condition des ressources, dans une logique de contemporanéisation, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2022. Les difficultés de mise en œuvre opérationnelle ont conduit au report de cette mesure par les lois de finances pour 2022 et pour 2023, parallèlement à la prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2023.

● Dans toutes les modalités mises en place depuis 1995, le montant du prêt est fonction de plusieurs paramètres : type de logement (neuf ou ancien…), nombre de personnes devant l’occuper, et localisation.

À cette fin, les communes sont réparties en zones A (région parisienne notamment), B1, B2, et C. Le profil de remboursement du prêt est fonction du revenu des emprunteurs : plus le prêt est long et plus le différé est important, plus l’aide conférée par l’absence de taux d’intérêt est forte.

Le montant du PTZ est égal à une quotité du coût total de l’opération retenu, dans la limite d’un plafond et dans la limite du montant du ou des autres prêts (d’une durée supérieure ou égale à 2 ans) concourant au financement de l’opération. Un PTZ doit donc être obligatoirement accompagné d’au moins un autre prêt, accordé ou non par le même établissement.

● À la date de rédaction du rapport, le PTZ dans le neuf est ouvert partout en France. Son montant est, en revanche, variable. Il est limité à :

– 40 % du coût total de l’opération si le logement neuf se situe dans les zones A, A bis et B1 ;

– 20 % du coût de l’opération si le bien est en zone B2 et C.

Le PTZ dans l’ancien est, quant à lui, uniquement éligible aux biens anciens situés dans les zones B2 et C.

Le PTZ peut également être demandé dans le cadre d’une acquisition réalisée dans le cadre d’un contrat de location-accession défini par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 et des opérations réalisées dans le cadre du PSLA, à la condition que l’emprunteur soit le premier occupant à la date de la levée d’option ([55]).

Jusqu’au 1er janvier 2016, tant que le prêt n’était pas intégralement remboursé, le logement devait demeurer la résidence principale de l’emprunteur. Depuis la loi de finances pour 2016, le logement doit désormais demeurer la résidence principale de l’emprunteur pendant 6 ans. Cette mesure permet de faciliter la mobilité géographique des primo-accédants. En cas de mutation professionnelle, l’emprunteur peut, sous certaines conditions, conserver le bénéfice du prêt, sous la forme d’un transfert du capital restant dû, pour l’acquisition ou la construction d’une nouvelle résidence principale qui serait éligible au PTZ.

● Depuis 2005, la compensation de l’absence d’intérêts sur le montant du prêt, auparavant versée sous forme de subvention de l’État, fait l’objet d’un crédit d’impôt, étalé sur cinq ans, accordé aux établissements de crédit. Cette réforme n’a pas affecté le mode de calcul de la compensation : la subvention, puis le crédit d’impôt, recouvre à la fois le coût de la ressource pour les établissements de crédit et la marge qui leur est accordée. La dépense fiscale réelle est calculée après imposition du crédit d’impôt, qui constitue un « revenu » pour les établissements de crédit, à l’impôt sur les sociétés.

La garantie de l’accession sociale à la propriété

La garantie que l’État accorde aux prêts d’accession sociale (PAS) et, depuis octobre 1995, à certains prêts à taux zéro (PTZ), a pour objet d’indemniser les établissements de crédit des pertes qu’ils auraient à subir en cas de défaillance d’un emprunteur bénéficiaire d’une de ces catégories de prêts.

La définition très large du sinistre indemnisable permet, grâce à cette garantie, d’intervenir non seulement dans les cas classiques de contentieux débouchant sur une vente, mais également en amont des phases contentieuses, pour l’emprunteur de bonne foi qui se trouve, pour une raison particulière (chômage, divorce, maladie...), dans l’impossibilité de faire face à ses échéances.

La garantie reposait jusqu’en 2005 sur le fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS). Ce fonds était alimenté par une cotisation initiale de l’État, et par une cotisation initiale et une cotisation annuelle des établissements de crédit. Ces sommes, versées a priori, étaient placées sur le fonds et servaient à indemniser les sinistres.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2006, le dispositif de garantie a été modifié : la garantie accordée aux prêts émis antérieurement à 2006 a été ainsi intégralement assurée par l’État qui a reçu, en contrepartie, la totalité des disponibilités présentes sur le FGAS à la fin de l’année 2005. Pour les prêts émis à compter de 2006, l’État n’intervient plus comme auparavant en versant a priori une cotisation à un fonds, mais prend directement en charge, en cas de survenue d’un sinistre, 50 % de la perte en capital subie par l’établissement de crédit. Le solde de la perte est à la charge de l’établissement de crédit. Ce changement de mécanisme a été imperceptible pour les emprunteurs qui bénéficient toujours, sous conditions de ressources, d’une garantie de l’État facilitant leur accès au crédit immobilier.

La garantie est désormais gérée par la société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS). La SGFGAS est une société anonyme dont les statuts ont été approuvés par décret. Deux commissaires du gouvernement (un représentant du ministre chargé de l’économie et un représentant du ministre chargé du logement) assistent au conseil d’administration avec droit de veto sur les décisions affectant l’engagement financier de l’État. Les établissements adhérents au fonds et distribuant les prêts garantis doivent être actionnaires de la SGFGAS et doivent avoir signé la convention conclue entre l’État et la SGFGAS relative au FGAS.

2.   Les réformes du PTZ mises en œuvre ces dernières années ont réduit le périmètre des opérations et du nombre de ménages éligibles

En 2016 et 2017, le PTZ a été renforcé et les critères de son obtention ont été assouplis. Les plafonds de ressources pour y être éligibles ont été relevés, permettant à davantage de ménages de prétendre à ce prêt. La quotité financée a été rehaussée à 40 % contre 18 à 26 % en 2015. Les conditions de remboursement ont également été améliorées : tous les emprunteurs peuvent bénéficier d’un différé de remboursement et les durées de remboursement sont allongées. Enfin, le PTZ a de nouveau été ouvert à l’acquisition d’un logement ancien, sous conditions de travaux, partout en France (seules les zones rurales étaient concernées en 2015). La production a presque doublé dans le neuf et a été multipliée par 20 dans l’ancien avec travaux entre 2015 et les années 2016-2017.

Au 1er janvier 2018, le PTZ a été recentré dans les zones A et B1 pour le neuf et dans les zones B2 et C pour l’ancien. Les zones B2 et C devaient rester éligibles pour le neuf à titre transitoire en 2018 et 2019, avec une quotité réduite à 20 %. La production a mécaniquement chuté dans le neuf (– 33 %) et dans l’ancien (– 24 %).

En 2019, la production de PTZ neuf a augmenté de 6 %, portée par la production en B2 et C en augmentation de 21 %. L’annonce programmée de la fin du PTZ neuf dans ces zones a pu avoir un effet dynamisant sur le marché du crédit immobilier. Le PTZ ancien avec travaux avait également fortement augmenté (+ 24 %).

En 2020, l’extinction du PTZ neuf en zones B2 et C a finalement été abrogée. Le nombre d’émissions de PTZ a néanmoins chuté de 28,1 %, principalement à cause du premier confinement qui a gelé l’activité du marché immobilier et également en raison de l’application des recommandations du Haut conseil pour la stabilité financière du 20 décembre 2019 resserrant les conditions d’octroi de crédit immobilier par les banques.

Par ailleurs, le décret du 6 janvier 2020 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété conditionne l’octroi du PTZ dans l’ancien avec travaux à un niveau minimal de performance énergétique après travaux et permet que les travaux soient réalisés par le vendeur pour les logements faisant l’objet d’un prêt social de location-accession (PSLA).

● Le recours au PTZ dépend essentiellement de la conjoncture du marché immobilier et de l’accès au crédit, le PTZ étant un prêt complémentaire qui doit être couplé à un prêt principal.

Le tableau ci-dessous présente les opérations de PTZ en distinguant les offres émises des prêts mis en force, c’est-à-dire dont les fonds ont été débloqués.

volume de PTZ Émis et mis en force de 2011 À 2022

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

PTZ émis

351 932

79 116

43 167

47 192

58 800

114 943

121 639

87 834

92 890

66 677

73 153

63 647

dont PTZ avec PAS

34 582

19 013

14 123

18 319

21 318

31 628

31 836

17 737

16 871

11 887

12 942

10 568

PTZ mis en force

266 677

122 614

59 178

48 342

59 766

96 804

114 097

96 523

90 331

73 619

72 990

62 504

Source : SGFGAS, déclarations reçues au 31 mars de l’année n+1 en France métropolitaine

Les mesures de recentrage introduites en 2018 ont entraîné une baisse de la production, soutenue néanmoins par l’environnement de taux bas. Après une forte baisse de 28,1 % en 2020 (causée principalement par la crise sanitaire), le nombre d’émissions de PTZ a augmenté de 9,7 % en 2021, pour baisser à nouveau en 2022 dans le contexte de la guerre en Ukraine qui affecté la production de logements. Le montant prêté atteint 3,6 milliards d’euros en 2021, en hausse par rapport à 2020 (3,4 milliards d’euros). Le montant moyen de l’opération financée est stable par rapport à 2020 et se situe à 208 709 euros.

Évolution de la production de crÉdit immobilier et de ptz en 2022

Source : SGFGAS.

En 2023, la forte hausse des taux d’intérêt a entraîné une baisse de la production de crédit immobilier pour l’acquisition et la construction. La production de PTZ a diminué dans des proportions équivalentes.


3.   Une efficacité en débat : les conclusions critiques de l’évaluation réalisée par l’IGF en 2019

Dans un contexte de forte baisse des taux d’intérêt, un rapport conduit par l’IGF et le CGEDD en 2019 ([56]) a apporté plusieurs éléments critiques sur l’efficacité du PTZ au regard de son objectif de primo-accession des publics modestes.

L’effet du dispositif est considéré dans cette analyse comme décisif « lorsqu’une réduction significative du taux d’effort a pour effet de ramener des mensualités à un niveau compatible avec les exigences de solvabilité de la banque », c’est-à-dire que l’opération envisagée est rendue possible grâce au PTZ. Toutefois, cet indicateur d’impact décisif présumé « doit être interprété avec prudence, en évitant notamment de l’assimiler à l’effet déclencheur du PTZ ». En effet, le seuil de taux d’effort fixé à 33 % est une simplification des critères choisis par les établissements bancaires pour juger de la solvabilité d’un ménage et il n’est pas possible de présumer des adaptations (augmentation de l’apport personnel, réduction du coût de l’opération, allongement de la durée d’endettement) que pourrait choisir un ménage en l’absence de PTZ.

Parmi ses principales conclusions, le rapport relève que l’effet du PTZ vis-à-vis de son objectif de primo-accession des ménages modestes est « ambigu » et que des effets d’aubaine existeraient :

 en zones A et B1, l’accédant aurait certainement pu acquérir sans PTZ un logement ancien, ce dernier étant moins cher qu’un logement neuf à l’achat ;

– les ménages pour lesquels le PTZ est le plus décisif sont plus jeunes de trois ans en moyenne que les primo-accédants : avec l’évolution des revenus avec l’âge, une partie d’entre eux aurait sans doute pu acquérir un logement à l’âge moyen des primo-accédants (34 ans) dans les endroits où la croissance des prix immobiliers n’aurait pas été trop soutenue.

Alors que le rapport relève que « le concept d’un prêt sans intérêt conserve un attrait indéniable », son efficience est jugée « faible » : selon l’indicateur construit pour les besoins de l’étude, le PTZ a un effet présumé décisif pour 13 à 17 % de ses bénéficiaires de 2016 au premier semestre 2019. Le coût budgétaire semble élevé pour des effets très modérés : ainsi, sur les 1 924 millions d’euros que coûtent à l’État les PTZ accordés en 2017, seulement 305 millions d’euros sont présumés avoir eu un effet décisif.

Enfin, les conclusions de l’IGF et du CGEDD mettent en évidence la question du ciblage du dispositif : si le revenu moyen des ménages bénéficiaires du PTZ apparaît au moins égal au revenu moyen des ménages bénéficiant d’un crédit immobilier, il est également supérieur au revenu moyen de l’ensemble des primo-accédants et aux revenus moyens des ménages.

Pour le rapporteur Daniel Labaronne, cette étude souligne le faible impact du dispositif : le PTZ ne vient qu’en complément d’un prêt principal et n’est donc pas un outil efficace d’accession à la propriété pour les ménages aux revenus modestes et moyens. Si le dispositif n’est pas dénué d’intérêt, la question de son recentrage se pose aujourd’hui avec d’autant plus d’acuité que son coût croît considérablement avec la remontée des taux.

4.   Dans un contexte de forte hausse des taux d’intérêt, le PTZ semble réduire le taux d’effort des ménages

23 % des bénéficiaires du PTZ en 2022 ont des revenus modestes (moins de 1,5 SMIC pour les ménages d’une à deux personnes ou moins de 2 SMIC pour les familles de 3 personnes et plus), tandis que 13 % des bénéficiaires sont des ménages aisés (revenus supérieurs à 3 SMIC). Ces proportions étaient respectivement de 18,5 % et de 17 % en 2016, ce qui confirme le recentrage progressif du dispositif sur les catégories modestes sous l’effet, notamment, de la non-revalorisation des plafonds de ressources.

RÉpartition des effectifs de ptz par zonage gÉographique (*)

 

(*) La zone B a été remplacée par les zones B1 et B2 à compter de 2011.

Source : SGFGAS.

Le taux d’effort brut moyen des bénéficiaires du PTZ s’est élevé depuis 2013 à des niveaux supérieurs à 30 %([57]). Depuis 2018, il baisse à nouveau pour atteindre 31,3 % en 2021. Ces résultats soulignent l’intérêt du dispositif : l’absence du PTZ conduirait une part significative des ménages à dépasser le seuil de 33,3 % de taux d’effort, au-delà duquel le financement de l’opération est habituellement refusé.

En outre, la mission IGF/CGEDD de 2019 n’a pas mis en évidence d’impact propre du PTZ sur la nature ou la localisation des biens acquis ni d’effet inflationniste durable du PTZ sur les prix des logements ou du foncier.

Ainsi, pour le rapporteur Charles de Courson, le PTZ permet d’aider des ménages à accéder à la propriété dans un contexte général de forte hausse des prix de l’immobilier. L’effet solvabilisateur est réel, surtout dans le contexte actuel de taux élevés : la quotité du PTZ dans le plan de financement de l’opération représente en général un quart du montant total de l’opération. La quotité du PTZ est plus importante pour les ménages de la tranche 1 (30 %) que pour ceux de la tranche 3 (20,4 %), ce qui conforte le PTZ comme un outil de solvabilisation de l’accession à vocation sociale.

● Les rapporteurs ont demandé à la SGFGAS une étude sur la capacité des emprunteurs à se financer sans PTZ afin de disposer d’un contrefactuel pour identifier l’impact de ce dispositif sur la solvabilité des ménages.

Il convient de noter en préambule que la SGFGAS ne dispose pas du niveau précis des revenus de l’emprunteur au moment du prêt : les seuls revenus « certains » sont ceux correspondant au RFR 2020. Les autres données de revenus déclarées par les établissements sont indicatives et ne peuvent être considérées comme fiables.

● Le premier indicateur disponible est l’évolution du taux d’apport. Cette donnée est considérée comme fiable et on constate une hausse sensible en 2022 de 6,5 % à 8,5 %. L’apport personnel est calculé en déduisant du montant d’opération la somme des montants de tous les prêts de l’opération.

taux d’apport moyen par trimestre depuis 2021

Source : SGFGAS.

On note une hausse du taux d’apport en 2022 par rapport à 2021, alors que les primo-accédants ont généralement très peu d’apport et doivent conserver un fond de trésorerie pour prendre en charge les frais consécutifs à leur emménagement.

● Le deuxième indicateur est la part des emprunteurs ayant eu recours à un prêt libre d’une durée maximum de 25 ans. 54 % des emprunteurs en 2022 ont eu recours à ce prêt d’une durée maximum. Le diagramme ci-dessous montre que la durée moyenne des prêts principaux augmente, dans un contexte de hausse des taux qui les rend plus coûteux.

rÉpartition de la durÉe du prÊt principal en 2021 et 2022

Source : SGFGAS.

Compte tenu des différés du barème actuel (de 5 à 15 ans), cela signifie que les emprunteurs doivent simultanément commencer à rembourser le PTZ et continuer à rembourser le prêt libre après la période de différé. La SGFGAS n’a pas connaissance des éventuels paliers sur les prêts libres que les établissements de crédit mettent en place pour éviter des mensualités cumulées trop élevées après la période de différé.

● Le troisième indicateur correspond au taux d’effort, c’est-à-dire la première mensualité consolidée des prêts déclarés pour l’acquisition du bien immobilier bénéficiant d’un PTZ rapportée au revenu mensuel de l’année N (hors aides personnelles). Les revenus de l’année N insuffisamment renseignés et ceux qui sont inférieurs ou égaux au revenu de l’année de référence (l’année N–2) ont été écartés. Les observations éliminées (5 %) figurent sous la bissectrice du graphique suivant.

revenus des emprunteurs ptz en 2022

G:\2-Produits\1-PTZ\4-Statistiques\8-Diverses études\Taux d'effort\rannrani.png

Source : SGFGAS.

À titre indicatif, une droite pointillée a également été ajoutée : elle correspond aux revenus de l’année N avec abattement de 10 % égaux aux revenus de l’année de référence ([58]). Tous les revenus inférieurs à 15 000 euros et tous les revenus N déclarés ont conduit à un taux d’effort inférieur à 25 %. Sur cette base, le taux d’effort moyen est de 30 % avec l’aide du PTZ, contre 33 % si le PTZ était un prêt libre. Le PTZ améliorerait donc le taux d’effort des ménages, comme le montre le diagramme ci-dessous : sans PTZ, 20 % des ménages éligibles verraient leur taux d’effort être supérieur à 35 %, contre seulement 4 % avec le bénéfice d’un PTZ.

taux d’effort avec et sans ptz

Source : SGFGAS.

On observe sur le graphique ci-dessous un déplacement de la distribution des taux d’effort qui dénote une tension plus forte des taux d’effort en zone A et B1, plus particulièrement chez les ménages composés d’une seule personne. En effet, au-delà d’une personne, compte tenu des autres charges du ménage, le taux d’effort acceptable est plus faible.

taux d’effort en 2022 (par quartiles) selon les zones
et le nombre de personnes composant le mÉnage

Source : SGFGAS.

En prenant pour exemple les ménages composés d’une personne dans le neuf (soit 34 % de l’échantillon), le taux d’effort moyen avec l’aide du PTZ est de 31 % : il serait de 34 % si le PTZ était un prêt libre, soit proche de la limite des recommandations du Haut conseil de stabilité financière. Le PTZ permettrait donc de s’éloigner du maximum de taux d’effort admissible.

● Ainsi, les indicateurs utilisés dans cette étude indiquent que depuis la hausse des taux survenue en 2022, les contraintes sur les emprunteurs s’accroissent sensiblement, que ce soit en termes d’apport à mobiliser, de durée du prêt libre ou de taux d’effort. Si les constats apportés par cette étude du SGFGAS semblent suggérer que le PTZ contribuerait bien à réduire le taux d’effort des ménages, la question de son recentrage se pose au regard de la hausse des taux.

5.   Le PTZ doit être conforté durablement et recentré au regard du contexte de taux en forte hausse

Le PTZ contribue à soutenir les ménages, notamment modestes, dans leurs projets d’accès à la propriété ainsi que le secteur économique de la construction. Le contexte actuel de forte remontée des taux d’intérêt, couplé aux recommandations du HCSF, qui limite l’accès au crédit des ménages, devrait renforcer son effet déclencheur. En outre, le PTZ est un outil maîtrisé par les réseaux bancaires et doté d’un circuit de distribution efficace : il est pertinent de s’appuyer sur cette expérience et cette notoriété afin de favoriser l’accession à la propriété des ménages.

● Dans le contexte de taux en forte hausse, des nouvelles contraintes comme l’objectif « zéro artificialisation nette » et de la hausse sensible des coûts de construction, les paramètres du dispositif actuel méritent d’être adaptés. La hausse des taux a entraîné un surcoût de la dépense unitaire : le tableau ci-dessous illustre cette hausse pour les trois tranches de remboursement du PTZ.

hausse des tranches de remboursement du ptz depuis le T1 2022

(en  %)

Tranche

T1 2022

T4 2022

T2 2023

1 (300 mois dont différé de 180 mois)

16 

45

55

2 (264 mois dont différé de 120 mois)

11

37

46

3 (240 mois dont différé de 60 mois)

9

30

39

(*) Le pourcentage indiqué est appliqué au montant du prêt et permet de déterminer le montant de la compensation ; les barèmes sont trimestriels.

Source : SGFGAS.

Dans ce contexte, le coût fiscal du PTZ pour l’État a plus que doublé (839 millions d’euros) en 2022 par rapport à 2021, pour une production en baisse de 15 %. Dans le cadre d’une prorogation du PTZ dans ses conditions actuelles jusqu’en 2027, la dépense fiscale liée au PTZ devrait évoluer, sur la base d’une hypothèse d’un niveau de production de 65 000 prêts en 2023, conformément au tableau suivant :

CoÛt du PTZ en cas de prorogation dans ses conditions actuelles

(en millions d’euros)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Dépense fiscale

783

756

835

1 042

1 255

Source : DHUP.

Toutefois, ces estimations devraient être fortement revues à la baisse, compte tenu de la réforme actuellement prévue du PTZ qui interviendrait au 1er janvier 2024. Ces évolutions pourraient diviser la production de PTZ par près de 3 et réduire le coût générationnel du PTZ de plus de moitié. La dépense fiscale serait alors quasiment stabilisée entre 2023 et 2027, sous réserve des arbitrages définitifs du gouvernement sur le projet d’article qui sera présenté au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.

● Comme annoncé par la Première ministre dans le cadre du conseil national de la refondation sur le logement de juin 2023, plusieurs évolutions du dispositif devraient être portées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 afin d’assurer la cohérence du PTZ avec la politique de sobriété foncière et de le recentrer :

– la prolongation du dispositif jusqu’en 2027 ;

– l’extinction du dispositif dans le neuf individuel pour toutes les zones, en cohérence avec l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols ;

– l’extinction du PTZ dans le neuf dans les zones B2 et C, afin de le recentrer dans les zones tendues où sont concentrées les difficultés d’accès à la propriété.

Les rapporteurs sont favorables à la prolongation du dispositif, qui permet de donner de la visibilité pour plusieurs années aux acteurs du secteur. Si le rapporteur Daniel Labaronne partage la volonté du Gouvernement de mettre fin au dispositif dans le neuf individuel pour toutes les zones, le rapporteur Charles de Courson n’y est pas favorable.

● Le rapporteur Charles de Courson propose par ailleurs d’augmenter la période de trois ans à l’intérieur de laquelle les travaux financés par le PTZ doivent être réalisés : cette échéance est trop proche au regard des difficultés actuelles du secteur du bâtiment. Le délai pourrait donc être relevé à cinq ans afin de permettre aux entreprises et aux ménages de ne pas courir le risque de voir leur plan de financement remis en question.

III.   le logement social : un acteur indispensable du logement qui doit aujourd’hui se rÉformer pour rÉpondre aux besoins des français

Au 1er janvier 2022, le parc social était constitué d’environ 5,3 millions de logements déclarés en propriété par 638 organismes (hors logements-foyers) ([59]), soit environ 16 % des résidences principales. 11 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un logement social (soit 1 habitant sur 6).

Le parc social doit permettre aux ménages modestes de se loger pour un coût abordable. Le revenu moyen des locataires du parc social était, en 2016, de 13 800 euros par an et par unité de consommation contre 20 400 euros pour les locataires du parc privé et 28 900 euros pour les propriétaires ([60])

nombre de locataires du parc social

Source : INSEE, estimations annuelles du parc de logement 2021.

Outre les sociétés d’économie mixte et les sociétés coopératives qui représentent environ 10 % du parc social, deux types de structures gèrent l’essentiel du parc social :

– les offices publics de l’habitat (OPH), établissements publics locaux à caractère commercial et à but non lucratif ;

– les entreprises sociales pour l’habitat (ESH), sociétés anonymes privées dont l’objet social est strictement défini et délimité par le code de la construction et de l’habitation qui restreint le caractère lucratif de leur activité.

Il existe trois catégories de logements sociaux, soumis à la conclusion d’une convention APL avec l’État et encadrés par des plafonds de loyers et des plafonds de revenus propres. Ces trois catégories de logements bénéficient d’un prêt de la Caisse des dépôts et consignations – Banque des territoires – dont le taux diffère :

– les logements financés par le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) pour les publics les plus défavorisés ;

– les logements financés par le prêt locatif à usage social (PLUS) correspondant aux locations HLM ;

– les logements financés par le prêt locatif social (PLS) dans la poursuite d’un objectif de mixité sociale (pour les ménages censés disposer de revenus insuffisants pour se loger dans le parc privé mais ne pouvant pas prétendre aux locations HLM).

A.   un soutien public multiforme qui doit être complÉtÉ par de nouvelles ressources propres

Le logement social fait aujourd’hui l’objet d’un soutien multiforme de la part des pouvoirs publics. Selon les données du CSL, plus de 6 milliards d’euros étaient consacrés au secteur social en 2021, ce qui représente environ 16 % des dépenses publiques ([61]) en faveur du logement (13,88 milliards en incluant les dépenses de prestations sociales bénéficiant aux locataires du parc social). La baisse continue de ce niveau depuis 2014 est liée à plusieurs réformes structurelles et à la baisse des taux d’intérêt.

1.   Des avantages nombreux dont un, en particulier, interroge…

Le soutien financier de l’État aux différents bailleurs sociaux est multiple. Les deux graphiques suivants permettent de préciser la répartition des différents types de soutien de l’État (soutien fiscal, soutien budgétaire, soutien financier) pour les logements sociaux (PLUS) et très sociaux (PLAI) en fonction de leur prix de revient.

 

 

Source : DHUP.

Au-delà de l’État, les collectivités territoriales participent également au financement des organismes de logement social par des subventions directes accordées aux bailleurs et en garantissant les opérations des bailleurs. En outre, les OLS bénéficient des prêts bonifiés et des subventions d’Action Logement.

a.   Les différentes aides publiques en faveur du logement

  1.   Les aides à la pierre en faveur du logement social en 2021 (1,375 milliard d’euros en 2021)

Les subventions d’investissement sont d’origines diverses. Sur le budget de l’État, les « aides à la pierre » sont principalement distribuées par le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. En outre-mer, le mécanisme spécifique de ligne budgétaire unique permet également de financer la construction de logements sociaux.

Le Fonds national des aides à la pierre

Le conseil d’administration du FNAP, dont le fonctionnement est régi par le décret n° 2016-901 du 1er juillet 2016, a pour mission de répartir au niveau géographique et par type de logement les aides à la pierre. Il vote un budget initial incluant des objectifs nationaux et régionaux précis d’utilisation de ce fond dont l’enveloppe est fixée en loi de finances. Les montants de subvention sont plafonnés à 20 000 euros pour les logements financés à l’aide d’un PLUS et de 60 000 euros pour les logements bénéficiant d’un PLAI, hors majoration exceptionnelle (5 000 euros pour un PLUS et 20 000 euros pour un PLAI). Près de 351 millions d’euros ont été engagés au titre du FNAP en 2021.

Les collectivités territoriales participent au financement des logements locatifs moins soutenus par l’État, qui concentre son effort sur les logements PLAI. Ainsi, un logement PLUS bénéficiait en 2021 d’une subvention atteignant en moyenne 1 029 euros de la part de l’État, contre 5 586 euros pour les collectivités territoriales.

  1.   Les dépenses fiscales (4,241 milliards d’euros selon le CSL)

Les dépenses fiscales ([62]) constituent le premier poste de dépense publique en faveur des OLS pour leur activité relative au logement locatif social (LLS). Les principales sont les suivantes :

– les taux de TVA à taux réduits à 5,5 % (pour les logements financés en PLAI, pour les acquisitions et améliorations des logements PLUS et pour les opérations menées dans le cadre du NPNRU) ou à 10 % pour les autres logements sociaux et le logement intermédiaire (dépense évaluée à 2,125 milliards d’euros en 2021 ([63])  selon les données définitives du rapport annuel de performance 2022 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.

– l’exonération d’impôt sur les sociétés pour les organismes de logement social et les unions d’économie sociale pour l’accession à la propriété (dépense évaluée à 1,075 milliard d’euros en 2021 selon les données définitives du rapport annuel de performance 2022) ;

– le logement locatif social bénéficie également de diverses exonérations, abattements et dégrèvements de TFPB.

Les diverses exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) bénéficiant au logement social

Dans le cadre de la politique de la ville, les articles 1384 à 1384 D du code général des impôts prévoient différents régimes d’exonération de TFPB de longue durée en faveur de la construction, de l’amélioration et la rénovation ainsi que de l’acquisition de logements sociaux (ou structures d’urgence et hébergement temporaire).

Cette exonération de droit commun à 15 ans est portée à 25 ans pour les opérations de constructions neuves ayant fait l’objet d’une décision de prêt aidé par l’État ou de subvention entre le 1er juillet 2004 et le 31 décembre 2026, ainsi que pour les structures d’urgence et d’hébergement temporaire conventionnés entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2026. En outre, pour les constructions de logements sociaux qui respectent des critères de qualité environnementale et de performance énergétique, l’exonération est prolongée de 5 ans. Cette exonération, à la charge des collectivités territoriales à plus de 90 %, représente un coût de 918 millions d’euros en 2021 selon le rapport 2022 relatif au « Coût des mesures d’exonération et d’abattement d’impôts directs locaux » transmis au Parlement. Le coût générationnel sur 25 ans de l’exonération de TFPB pour une cohorte de 89 000 logements locatifs sociaux se situerait entre 2,5 et 3 milliards d’euros.

En outre, les constructions situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ayant bénéficié d’une exonération de longue durée bénéficient d’un abattement de 30 % de la base d’imposition à la TFPB jusqu’en 2023 (article 1388 bis du CGI), de même que les logements ayant fait l’objet de travaux d’amélioration achevés au 31 décembre 2021, avec une aide de l’État, situés en outre-mer (article 1388 ter du CGI). La première exonération représente un coût de 262 millions d’euros en 2021.

Enfin, les bailleurs sociaux peuvent bénéficier d’un dégrèvement de leur TFPB correspondant :

– au montant des dépenses d’accessibilité et d’adaptation des logements aux personnes handicapées (article 1391 C du CGI) ou des dépenses payées à raison des travaux prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques technologiques (article 1391 D du CGI) ;

– au quart des dépenses au titre des travaux de rénovation concourant à la réalisation d’économies d’énergie et de fluides (article 1391 E du CGI).             
 

Source : Commission des finances d’après la DLF.

En ce qui concerne l’exonération de TFPB pour les premières années suivant l’achèvement de la construction des logements sociaux, l’article 177 de la loi de finances pour 2021 a simplifié les dispositifs de compensation, conformément aux recommandations de la commission « Rebsamen », en garantissant aux collectivités une compensation intégrale de la perte de recettes pendant les dix premières années de bénéfice de l’exonération alors que cette compensation avait fait l’objet de minorations successives, réduisant d’autant l’incitation à la construction de nouveaux logements sociaux. La compensation effective des exonérations après minoration était de 21 millions d’euros en 2021, pour une compensation théorique de 306 millions d’euros et une dépense totale de 917 millions d’euros. Cette compensation correspond à la différence entre les montants exonérés et les compensations déjà perçues par les collectivités, les compensations perçues étant calculées comme la compensation brute de l’année « n » diminuée de 10 % (l’évolution du taux étant ainsi neutralisée).

Ces différentes dépenses fiscales n’ont pas fait l’objet d’évaluations précises depuis le référé de la Cour des comptes de juin 2017 sur les dépenses fiscales en faveur du logement. Les conséquences des modifications de taux réduits de TVA n’ont pas été analysées précisément en dehors des indications fournies par l’étude « Perspectives 2022 » de la Banque des territoires : entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019, le passage du taux de TVA de 5,5 % à 10 % pour toutes les opérations livrées sur cette période a engendré un surcoût d’environ 700 millions d’euros en 2018 (prix de revient de 145 000 euros par logement) et de 850 millions d’euros en 2019 (prix de revient de 147 000 euros par logement) par rapport à 2017 (138 000 euros par logement). Le rétablissement du taux à 5,5 % pour certaines opérations a permis de ramener le prix de revient au niveau de 2018 mais non au niveau de 2017 (145 000 euros par logement).

● Au titre de ces dépenses fiscales, les rapporteurs soutiennent la recommandation de l’USH visant à ouvrir le bénéfice du régime d’exonération de TFPB de longue durée (25 et 30 ans) aux opérations dites de « seconde vie » qui permettent de donner un nouveau cycle à des bâtiments de plus de 40 ans en leur redonnant des propriétés équivalentes à celles du neuf. Comparativement à une démolition-reconstruction, l’approche « Seconde Vie » permet de considérablement réduire la quantité de déchets de chantier, d’optimiser le coût carbone de l’opération, de réduire la mobilisation de matériaux et d’utiliser un foncier déjà exploité. Le dispositif « Seconde Vie » inscrit le patrimoine social dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), alors que la rénovation énergétique constitue une opération coûteuse.

Recommandation : Étendre le bénéfice de l’exonération de TFPB bénéficiant au LLS au dispositif « Seconde vie ».

  1.   Les aides de circuit

Enfin, les organismes de logement social bénéficient des prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Le financement du logement social par la CDC – Banque des territoires

En 2022, sur 12,8 milliards de prêts versés par le Fonds d’épargne, 11,2 milliards d’euros (soit 88 %) l’ont été au logement social et à la politique de la ville. L’offre de financement du fonds d’épargne dédiée au logement social (PLAI, PLUS et PLS), prend la forme de prêts à taux variables indexés sur le taux du livret A (TLA). Cette offre de financement, sans contrainte de volume, se singularise également par la durée de maturité des prêts proposés ainsi que par les modalités de remboursement.

Le PLAI, le PLUS et le PLS peuvent financer l’acquisition ou la construction de logements à usage locatif, ainsi que, le cas échéant, les travaux d’amélioration afférents. La durée d’amortissement est de 40 ans au maximum (50 ans pour une quotité représentative de la charge foncière pouvant être portée à 80 ans dans les zones tendues). Différentes options de versement du prêt existent (préfinancement avec différé de remboursement des intérêts et du capital, versement lissé avec différé de remboursement du capital). Le remboursement se fait par échéances annuelles progressives. Les taux d’intérêts, indexés sur le TLA, sont différents selon le type de prêt (plus faible pour les PLAI et plus élevé pour le PLS). À chaque variation du taux du livret A, les bailleurs sociaux ont la possibilité de lisser cette variation sur l’ensemble des échéances restantes en faisant varier le taux de progression des annuités dans le même sens (mécanisme de « double révisabilité »). Les prêts doivent être garantis à 100 % pendant toute leur durée par les collectivités territoriales, leurs groupements, la CGLLS ou, à défaut, par une caution bancaire ou une hypothèque. Il est à noter que les PLS, également indexés sur le TLA, peuvent être distribués par des organismes bancaires ayant signé une convention avec la CDC.

Le prêt PLUS Horizen, mis en place en août 2022 avec une enveloppe dédiée d’un milliard d’euros, est une nouvelle offre qui permet de garantir un taux fixe pendant les premières années de remboursement du prêt. Par ailleurs des prêts locatifs intermédiaires (PLI) sont également distribués par la CDC (1,5 milliard d’euros en 2022).

b.   L’exonération d’impôt sur les sociétés : un dispositif mal ciblé

Parmi toutes les dépenses fiscales, une seule n’est pas liée à l’activité productive des bailleurs sociaux et bénéficie à l’ensemble des acteurs, y compris les organismes investissant peu : l’exonération d’impôt sur les sociétés (IS).

Plusieurs acteurs ont nuancé l’idée qu’il existerait aujourd’hui encore des « dodus dormants » au sein du monde HLM, c’est-à-dire des OLS qui se contenteraient d’engranger les loyers de logements amortis sans investir ni dans la construction de logements neufs ni dans la rénovation.

Pourtant, un bailleur social qui n’investit pas voit ses indicateurs financiers s’améliorer automatiquement (baisse de l’endettement, augmentation de la capacité d’autofinancement) et ses bénéfices qui augmentent demeurent exonérés d’impôt. Or, la seule justification de l’exonération d’IS repose dans le renforcement des fonds propres pour permettre de davantage investir.

● Force est de constater que les besoins d’investissement, notamment dans la construction de logements neufs, ne sont pas similaires partout sur le territoire. L’ANCOLS fait ainsi remarquer qu’une cinquantaine d’OLS sont responsables de la mise en service de la moitié des nouveaux logements sociaux depuis les cinq dernières années. L’ANCOLS indique que « les deux tiers des organismes ne prennent pas, dans la construction neuve, la part qu’on peut attendre d’eux au regard de leur poids dans le parc actuel. »

● L’obligation de regroupement imposée par la loi dite « ELAN » ([64]) devait permettre une meilleure circulation des fonds propres pour mieux répondre aux besoins d’investissements de certains territoires : les organismes qui ont des besoins – notamment pour construire en zone tendue ou pour rénover un parc peu performant énergétiquement – ne coïncident pas toujours avec les organismes qui ont les moyens : or, l’ANCOLS, qui vient de rendre public un rapport dressant le bilan des obligations de regroupement des bailleurs sociaux ([65]), remarque que les capitaux entre membres d’un même groupe « ne circulent que très rarement et pour des montants infimes alors qu’il s’agit pourtant de la marge de manœuvre la plus importante du secteur HLM ».

La consolidation du secteur social encadrée par la loi ELAN

L’article 81 de la loi dite « ELAN » du 23 novembre 2018 prévoit que les bailleurs gérant moins de 12 000 logements doivent appartenir à un groupe d’organismes de logement social. Près de la moitié des 720 organismes HLM, gérant 28 % du parc social, étaient ainsi directement concernés par la mesure. Ce regroupement avait également pour objectif de renforcer la solidité des acteurs face aux contraintes économiques et réglementaires et de répondre à la nécessité de renforcer les fonds propres pour faire face aux besoins en matière d’investissement (construction et rénovation).

Si cette consolidation est aujourd’hui en voie d’achèvement ([66]), la possibilité laissée aux bailleurs de constituer une société de coordination (SAC), société anonyme à responsabilité limitée, pour atteindre le seuil fixé par la loi ELAN, maintient un niveau d’autonomie important pour chaque opérateur, ce qui conduit à réduire les gains d’efficience visés par la réforme selon certains observateurs.

Dans ce contexte, l’exonération d’IS paraît contreproductive en ce qu’elle désincite l’investissement et l’endettement et ce, d’autant plus que les cordes de rappel du marché n’existent pas nécessairement : en zone tendue, un moindre entretien ou un retard de réhabilitation n’entraîne pas automatiquement l’augmentation du taux de vacance et des pertes financières.

c.   Des alternatives possibles : mettre le paquet sur les bailleurs qui investissent !

Dans son rapport de 2019 sur la gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, la Cour plaidait pour la suppression de l’exonération d’IS « au profit d’aides ciblées pour les organismes qui investissent, minorant ainsi leur coût de construction et par conséquent les loyers offerts tout en orientant ces constructions/rénovations dans les zones les plus tendues ». Les rapporteurs proposent ainsi plusieurs pistes, en partie cumulatives, permettant de compenser partiellement ou totalement une éventuelle suppression de l’exonération d’IS au bénéfice des acteurs qui souhaitent ou ont le plus besoin d’investir :

– le renforcement du soutien budgétaire aux aides à la pierre ciblées vers les opérations les moins rentables (par exemple, la rénovation thermique des logements sociaux, la construction de PLAI et PLAI adaptés) ;

– l’instauration d’un crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement dans la construction de logements sociaux et la rénovation thermique dont le coût serait calibré aujourd’hui à partir du montant de la dépense fiscale ;

– une modulation des cotisations versées par les bailleurs à la CGLLS afin de favoriser les bailleurs qui investissent. À titre d’exemple, la cotisation principale versée par les bailleurs est aujourd’hui minorée en fonction du nombre de logements mis en service durant l’année ; il pourrait être envisagé de renforcer cette minoration même si le bénéfice financier est décalé par rapport à la décision d’investissement. Il pourrait aussi être envisagé d’alourdir la cotisation additionnelle assise sur l’autofinancement net des organismes. Dans ce cas, c’est le secteur lui-même qui contribuerait à soutenir les bailleurs qui investissent le plus.

Ces propositions, qui nécessitent d’être approfondies, ne semblent pas pour l’instant recevoir l’assentiment du monde HLM. Il n’est évidemment pas souhaitable d’imposer une solution par le haut : une suppression de l’exonération de l’IS non concertée inciterait les OLS à réduire leur résultat comptable sur lequel est assis l’IS par une réévaluation de leurs actifs. L’ANCOLS précise qu’il n’est pas toujours évident de distinguer dans les faits les dépenses de gros entretien des dépenses d’investissement (alors que du point de vue comptable, les premières maintiennent la qualité initiale du parc et les secondes augmentent sa valeur) : les OLS pourraient ainsi dégrader artificiellement les résultats d’exploitation et le résultat comptable pour minorer l’impôt sur les sociétés à verser.

Si les rapporteurs comprennent l’attachement historique du monde HLM à cette exonération et les risques de contournement, il est plus que nécessaire de soutenir l’investissement des bailleurs alors que le coût des nouvelles opérations est en forte croissance. Une large concertation doit aujourd’hui être menée sur le sujet.


Recommandation : Supprimer l’exonération d’IS dont bénéficie le secteur social et compenser cette suppression pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus (subventions, crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement, modulations des cotisations CGLLS). 

2.   Un secteur mis à contribution ces dernières années alors que les défis sont nombreux

a.   Les mesures d’économies assumées par le monde HLM ont été partiellement compensées

Le logement social a assumé une part importante des économies réalisées par le secteur du logement ces dernières années.

  1.   La réduction du loyer de solidarité

La réduction du loyer de solidarité (RLS), mise en œuvre à partir du 1er février 2018, consiste en une remise sur le loyer acquitté par certains locataires du parc social (sous condition de ressources) donnant lieu simultanément à une baisse d’APL correspondant à 98 % du montant de la RLS. Le rendement budgétaire pour l’État devait à l’origine suivre une trajectoire croissante (de 800 millions d’euros en 2018 à 1,5 milliard d’euros en 2022).

Le « pacte constructif » du 24 avril 2019 a revu à 1,3 milliard d’euros l’objectif d’économie budgétaire annuelle sur la période 2020-2022 supportée par les bailleurs sociaux au titre de la RLS. Ce niveau a été maintenu pour 2023.

  1.   Les mesures de compensation

Le « pacte constructif » signé en avril 2019, qui s’étend sur une période de trois ans (2020-2022), vise la construction annuelle de 110 000 logements sociaux par an (dont 40 000 PLAI) et la rénovation énergétique de 125 000 logements. Ces objectifs ont dans un second temps été rehaussés dans le cadre du plan de relance avec l’objectif d’une construction de 250 000 logements en 2021 et 2022 dont 45 000 logements PLAI. Pour cela, les bailleurs sociaux bénéficient de plusieurs mesures de compensation de la RLS :

– la baisse de la cotisation des bailleurs sociaux au FNAP à hauteur de 300 millions d’euros (intégralement compensée par Action Logement) ;

–  le rétablissement du taux de TVA de 5,5 % pour plusieurs types d’opérations dont le taux avait été rehaussé à 10 % par la loi de finances pour 2018 (voir infra) ;

 la mise en œuvre du plan « Logement 2 » par la CDC – Banque des territoires.

Le plan Logement 2 de la Banque des territoires

Le Plan « Logement 2 » annoncé pour le logement social en avril 2019 dans le cadre du « pacte d’investissement pour le logement social » débloque une enveloppe nouvelle de 10 milliards d’euros, après le plan Logement 1 qui avait déjà déployé une enveloppe de 10 milliards d’euros :

800 ([67]) millions d’euros de souscription entre 2019 et 2022 des titres participatifs émis par les OPH (115 organismes bénéficiaires entre 2020 et 2022) ;

4 milliards d’euros de prêts à taux fixe pour la réhabilitation, le développement et la restructuration du secteur et faciliter le réaménagement de la dette des organismes de logement social engagés dans des rapprochements ;

4,2 milliards d’euros de prêts fonciers en zone tendue allongés de 60 à 80 ans, via l’Octofoncier, sur 2019-2022 ;

1 milliard d’euros d’augmentation du volume d’éco-prêts consacrés à la réhabilitation thermique (prêts à 0 % sur 15 ans) mis à disposition par la Banque européenne d’investissement.

S’y ajoutent 2 milliards de dispositifs de prêts de haut de bilan de première et de deuxième générations après souscription, dont une partie est fléchée vers les constructions vertes, et 150 millions d’euros de remises commerciales d’intérêt sur 2020-2022.

Source : Caisse des dépôts et consignations.

b.   Des objectifs qui demeurent ambitieux

Alors que les objectifs d’agrément de nouveaux logements sociaux restent élevés, les résultats constatés demeurent en deçà des objectifs fixés depuis plusieurs années. La crise sanitaire de 2020 a constitué un point de bascule avec un nombre d’agréments tombé sous la barre des 100 000. Le nombre de logements mis en service a atteint en 2021 un niveau jamais atteint depuis plus de dix ans.

évolution du nombre de logements sociaux agréés
et mis en service de 2012 à 2022

 

Financement de logements sociaux en métropole hors ANRU

Nombre de logements ordinaires mis en service en métropole

2012

98 681

NC

2013

112 900

85 519

2014

103 603

76 393

2015

106 303

84 012

2016

122 859

86 987

2017

113 041

80 783

2018

108 612

73 415

2019

105 453

76 260

2020

87 501

72 470

2021

94 775

63 378

2022

95 679

-

Source : DHUP (Sisal) et CGDD/SDES (RPLS).

En 2021 et 2022, 190 454 logements (hors DROM et reconstitution des logements détruits par les programmes ANRU) ont ainsi été agréés, soit un niveau sensiblement moindre que les objectifs fixés (250 000). Plusieurs raisons peuvent l’expliquer : la baisse de capacité d’investissement des OLS liée à la RLS, l’augmentation du coût des opérations (prix du foncier élevé, surcoûts liés aux normes de construction, inflation du coût des matériaux) et la rareté du foncier disponible qui s’observe notamment dans les zones tendues où la baisse est la plus marquée. De façon inquiétante, la chute du nombre d’agréments par rapport à 2019 est en effet majeure dans les zones denses à forts besoins, notamment en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

Nombre de logements agréés par région de 2019 à 2022 (hors ANRU et DROM)

Source : USH.

Les besoins d’investissement pour le secteur du logement social ne se résument pas aux constructions de logements neufs. La loi dite « Climat et résilience » impose la disparition des « passoires thermiques » (dont l’étiquette de diagnostic de performance énergétique est E, F ou G) à l’horizon 2034 ([68]), ce qui nécessite, selon les estimations de l’USH, 105 000 rénovations de logements sociaux par an. L’État a soutenu à l’occasion du plan de relance la rénovation thermique des logements sociaux et une enveloppe exceptionnelle de 200 millions d’euros a été allouée à cet effet en 2023.

3.   Des ressources propres à développer

Aujourd’hui, les OLS doivent impérativement développer leurs recettes propres pour atteindre ces objectifs, dans un contexte financier fortement dégradé. Si le secteur HLM aborde la crise dans une situation financière robuste – son autofinancement global atteignant 18,4 % des revenus locatifs en 2020 selon les données de la Banque des territoires ([69])  il doit faire face aujourd’hui à des défis majeurs :

– la hausse du taux du livret A (TLA) a des conséquences importantes et directes sur les prêts à taux variables dont ils bénéficient : en quelques mois, le taux du PLAI est ainsi passé de 0,3 % à 2,8 % soit une multiplication par plus de 9, le taux du PLUS est passé de 1,1 % à 3,6 % soit une multiplication par plus de 3, le taux du PLS est passé de 1,6 % à 4,1 % soit une multiplication par plus de 2,5. L’USH évalue à près de 5 milliards d’euros par an les charges d’intérêts supplémentaires qui pèseront sur les OLS à l’avenir ;

– la hausse des dépenses d’exploitation (inflation des coûts de maintenance et hausse de la TFPB) ;

– la hausse des coûts d’investissement (coût des matériaux, coût du foncier, etc.)

Si cette augmentation des coûts est compensée en partie par la hausse des loyers, pouvant atteindre 3,5 % (en 2022 et en 2023), sur une masse des loyers atteignant 21 milliards d’euros, une baisse de la capacité d’autofinancement des OLS pourrait être observée durant les prochaines années. Par ailleurs, les différents plans de financement proposés par la Banque des territoires pour aménager la dette des organismes (allongement, mécanisme de double révisabilité), ont contribué à fortement alourdir l’endettement du secteur, multiplié par deux en 15 ans – de 80 à 160 milliards d’euros.

Il est donc, dans ce contexte, plus qu’urgent pour les OLS de développer des ressources financières propres, ce qui est encore trop peu le cas aujourd’hui. Au-delà des options traditionnellement mises en œuvre pour inciter les investisseurs institutionnels à investir dans le logement social (démembrement, vente de logements sociaux), différentes pistes sont explorées par le rapport CGEDD-IGF de 2019 sur la diversification des sources de financement du secteur du LLS, comme la création d’un véhicule d’investissement ad hoc avec possibilité pour l’investisseur de récupérer des logements en fin de conventionnement et la création du statut de foncière d’habitat social avec un rehaussement des niveaux de dividende pouvant être versés.

Les rapporteurs souhaitent quant à eux explorer les possibilités de cession des logements sociaux – qui rencontre parfois la réticence des bailleurs et des collectivités territoriales – et également la possibilité d’augmenter les loyers après une rénovation thermique.

a.   Élargir les possibilités de vente de logements sociaux (les logements PLUS de plus de 15 ans)

Les logements sociaux peuvent aujourd’hui être vendus à des personnes morales ou physiques :

– une personne physique peut acheter un logement construit ou acquis depuis plus de dix ans par un organisme HLM. Le logement doit être entretenu et énergétiquement performant (les étiquettes F et G sont exclues sauf dans le cas d’un contrat de vente d’immeuble à rénover). Le logement doit être inscrit au plan de mise en vente de la convention d’utilité sociale (CUS) ou faire l’objet d’une autorisation préfectorale. Un logement occupé ne peut être vendu qu’à son locataire s’il l’occupe depuis au moins deux ans ou, à sa demande, à son conjoint, à ses ascendants et descendants dont les ressources ne sont pas supérieures aux plafonds PLS. Un logement vacant peut être vendu à tout personne physique sous plafonds de ressources de l’accession sociale à la propriété, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales ;

– une personne de droit privé peut acquérir un logement PLS acquis ou construit depuis plus de 15 ans.

Après avoir oscillé entre 7 000 et 8 000 logements entre 2010 et 2016, le nombre de logements sociaux vendus chaque année a légèrement augmenté en raison des assouplissements rendus possibles par la loi dite « ELAN » ([70]) : 9 000 ventes en 2017, 10 000 en 2018, près de 11 000 en 2019, 2020 et 2021 pour près de 120 000 logements proposés à la vente par les bailleurs sociaux. En 2021, 5 612 logements individuels ont été vendus pour 5 271 logements acquis en bloc. Cette légère progression est inférieure à ce qui serait souhaitable pour renforcer les fonds propres des bailleurs sociaux.

Les rapporteurs estiment qu’il devrait être possible d’augmenter encore le nombre de logements sociaux vendus chaque année en offrant la possibilité de ventes en bloc de logements PLUS détenus depuis plus de 15 ans.

Recommandation : Étendre la possibilité de vente en bloc des logements sociaux aux PLUS.

b.   Les difficultés à augmenter les loyers après la rénovation du logement social

La rénovation du parc énergétique des bailleurs sociaux constitue tout à la fois une obligation légale et un investissement à faible rentabilité. Il existe pourtant des moyens pour les bailleurs sociaux d’augmenter les loyers en cas de travaux de rénovation :

– l’article L. 353-9-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en cas de travaux de réhabilitation notamment, l’autorité administrative peut autoriser, pour une durée qu’elle détermine, un organisme à augmenter les loyers pratiqués dans la limite de 5 % en sus de la variation de l’IRL, cette faculté restant conditionnée à l’accord des représentants de l’État ;

– l’article L. 442-3 du même code dispose que « lorsque des travaux d’économie d’énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d’un logement ou dans les parties communes de l’immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge peut être demandée au locataire. » Cette participation au titre de la « troisième ligne » de la quittance de loyer, limitée au maximum à quinze ans, doit être inscrite sur l’avis d’échéance et portée sur la quittance remise au locataire. Son montant, fixe et non révisable, ne peut être supérieur à la moitié du montant de l’économie d’énergie estimée. Le dispositif ne peut être mis en œuvre qu’après concertation avec les locataires (article R. 442-24 du même code).

Dans les deux cas, l’expérience montre qu’il est très difficile de mettre en œuvre cette modulation des loyers : résistance des associations des locataires et attitude variable des représentants de l’État, augmentation élevée du prix de l’énergie qui rend socialement peu acceptable cette modulation. Dans les dernières opérations de rénovation, environ un quart seulement des bailleurs sociaux aurait fait usage du dispositif de la troisième ligne. En cas de travaux de rénovation, les rapporteurs souhaitent donc que soit envisagé de façon plus systématique le recours à la troisième ligne ou à la hausse de loyer (a minima dans les PLUS et les PLS).

Recommandation : En cas de rénovation énergétique, systématiser le partage des économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire par une hausse du loyer.

c.   Le supplément de loyer de solidarité (SLS)

L’augmentation du SLS pour les ménages qui occupent un logement social et dépassent les plafonds de ressources (voir infra) est une possibilité de renforcer les recettes du secteur dans son ensemble (les recettes du SLS sont fléchées à hauteur de 85 % vers la CGLLS), même si un arbitrage doit être réalisé entre l’utilisation du SLS comme outil visant à favoriser la fluidité du parc social (le SLS doit être suffisamment élevé pour réduire l’intérêt du locataire à demeurer dans son logement social) ou comme outil visant à maximiser les recettes des bailleurs (auquel cas le SLS doit augmenter de façon progressive).

4.   Une évaluation du secteur à renforcer

L’ANCOLS constate une dégradation régulière des coûts de gestion en euros constants et rapportés au logement, même si elle a été masquée ces dernières années par des taux d’intérêt historiquement faibles. Le pilotage au niveau local et de chaque bailleur se fait au travers des conventions d’utilité sociale (CUS) qui fixent des objectifs sur l’ensemble des thématiques (rôle social, production, rénovation, coûts de gestion, accessibilité des logements, etc.), dans le cadre d’un dialogue de gestion entre le bailleur et le préfet, afin qu’ils soient adaptés au territoire et aux capacités du bailleur. Or, l’ANCOLS constate dans ses contrôles que ces conventions sont rarement évaluées et que leurs objectifs, souvent mal calibrés, sont rarement atteints. Il convient aujourd’hui de renforcer le contrôle. Les rapporteurs soulignent également que les contrôles relatifs à la surcompensation ne semblent pas être réellement mis en œuvre.

B.   l’embolie du parc social : un handicap majeur pour la fluiditÉ du parcours rÉsidentiel

Une tension de plus en plus manifeste s’exerce aujourd’hui sur le logement social qui entrave d’autant la fluidité des parcours résidentiels.

1.   Une demande qui augmente et un taux de rotation qui diminue

Le nombre de demandes enregistrées dans le système national d’enregistrement (SNE) est aujourd’hui en constante augmentation (2 423 000 ménages en 2022 soit une hausse de 7 % par rapport à 2021 et de 18 % par rapport à 2016). Cette hausse, multifactorielle, s’explique en partie par la baisse régulière du taux de rotation au sein du logement locatif social, notamment en zone tendue. Selon les estimations récentes de l’ANCOLS, ce sont près de 200 000 à 250 000 personnes qui demandent un logement social chaque année et ne voient pas leur requête satisfaite.

indicateur de performance 1.1.2 « taux de mobilité dans le parc social » du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

Source : Rapports annuels de performances du programme 135.  
L’indicateur correspond au ratio du nombre d’emménagements dans les logements locatifs proposés à la location en service depuis au moins un an sur le nombre de logements locatifs loués ou proposés à la location depuis au moins un an.

Le risque est aujourd’hui d’assister à une véritable embolie du secteur HLM avec une fermeture progressive du parc social aux nouveaux entrants. Sans qu’il soit question de bouleverser le modèle « universaliste » du logement social qui inclut des objectifs de mixité sociale, le statu quo n’est plus possible.

2.   Un traitement de la mobilité aujourd’hui inadapté et trop peu contraignant

Plusieurs moyens incitatifs et contraignants existent aujourd’hui pour favoriser la mobilité et adapter les logements sociaux aux besoins des ménages.

a.   Les moyens mis en œuvre aujourd’hui pour favoriser la mobilité au sein du parc social et contrôler l’éligibilité des bénéficiaires

La loi prévoit deux principaux cas de figure devant conduire un bénéficiaire à quitter un logement social : la sous-occupation et un niveau de ressource trop élevé.

● En cas de sous-occupation, définie comme l’occupation de locaux comportant un nombre de pièces habitables supérieur de plus d’une aux nombres d’occupants, un nouveau logement doit être proposé au ménage concerné ([71]). La mesure n’est pas applicable aux locataires de plus de soixante-cinq ans, aux locataires présentant un handicap (ou une perte d’autonomie) ou ayant à leur charge une personne présentant un handicap. Elle ne s’applique pas non plus aux logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Si la possibilité de revenir sur le droit du maintien dans les lieux des personnes âgées pourrait être envisagée, l’acceptabilité d’une telle mesure paraît limitée. Par ailleurs, le manque de logements de petite taille conduit à penser que la remise à disposition de logements de grande taille, qui correspondaient aux besoins des décennies passées mais sont moins adaptés à la société actuelle (taux de natalité moins élevé, décohabitation et séparation, etc.), constitue un enjeu de moindre importance.

● Concernant le niveau de ressources trop élevé, deux types de plafonds existent : un plafond à partir duquel doit être payé un supplément de loyer de solidarité (SLS) et un plafond à partir duquel le départ du logement social est imposé ([72]). 

Pour le SLS, les règles d’application peuvent être décrites schématiquement de la manière suivante :

– pour un logement attribué sous condition de ressources PLAI ou PLUS, le seuil de déclenchement du SLS est fixé à 120 % du plafond de ressources PLUS ;

 pour un logement attribué sous condition de ressources PLS, le seuil de déclenchement est fixé à 120 % du plafond de ressources PLS.

Le calcul du SLS est progressif en fonction d’un coefficient de dépassement, de la surface habitable et du supplément de loyer de référence. Le coefficient de dépassement de ressources dépend du niveau de dépassement des plafonds de ressources. Il est calculé à partir d’un barème, par l’application d’un taux marginal à chaque tranche de dépassement. Il peut être modulé (à la hausse) dans les zones tendues par les bailleurs sociaux, qui ne semblent pas s’être réellement emparés de cette possibilité. Le supplément de loyer de référence (SLR) est fixé selon un montant mensuel par mètre carré habitable, en fonction de la localisation. Le SLS est plafonné de telle sorte que le taux d’effort soit inférieur à 30 %. Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des zones de revitalisation rurale (ZRR) sont exclus du SLS.

Le calcul du SLS

La formule du calcul du surloyer est la suivante.

SLS = SH x CDPR x SLR.

SH correspond à la surface habitable du logement.

CDPR correspond au coefficient de dépassement du plafond de ressources d’attribution d’un logement locatif social. Sa valeur diffère selon quatre tranches marginales (coefficient de 0,27 appliqué à la part de revenu dépassant le plafond de 0 à 20 %, de 0,06 pour chaque nombre entier de l’intervalle entre la part dépassant le plafond de 21 % et celle dépassant le plafond de 59 %, de 0,08 pour chaque nombre entier de l’intervalle entre la part dépassant le plafond de 59 % et celle dépassant le plafond de 149 %, de 0,1 pour chaque nombre entier de l’intervalle pour la part dépassant de 150 % et plus le plafond).

SLR correspond au montant en euros au m² de surface habitable. Ce montant est fixé selon la zone géographique de localisation du logement. Il varie de 1,16 euro à 2,91 euros en Île-de-France et de 0,29 euro à 1,16 euro en dehors de la région parisienne.

Selon les informations transmises par l’USH, le SLS est aujourd’hui concentré dans les territoires les plus tendus. Environ 80 000 ménages versent aujourd’hui un supplément de loyer, soit 3 % des locataires logés dans des logements situés dans le champ d’application (près de 40 % des logements sont exonérés car situés en QPV, ZUS, ZRR, etc.) et un peu plus de 200 000 ménages logés en logement social ont des revenus qui les situent au-delà des plafonds d’entrée dans un logement social.

Deuxièmement, l’article L. 442-3-3 du code de la construction et de l’habitation dispose que, dans les zones tendues, les locataires dont les ressources sont supérieures à 150 % des plafonds pendant deux années consécutives de ressources PLS n’ont plus le droit au maintien dans les lieux à l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter du 1er janvier de l’année qui suit les résultats de l’enquête du SLS. Les locataires de plus de 65 ans, ou qui présentent un handicap ou une perte d’autonomie (ou ayant à charge des personnes présentant ces caractéristiques) ou dont le logement est situé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont exemptés de cette obligation.

Les différents moyens à disposition des bailleurs pour s’assurer du niveau de ressources des ménages locataires et du niveau d’occupation des logements

Les bailleurs sociaux réalisent chaque année une enquête SLS (supplément loyer de solidarité) qui vise l’ensemble des logements locatifs conventionnés sauf :

– les logements exclus par le législateur du SLS en raison de leur localisation : quartiers prioritaires pour la politique de la ville (QPV), zones de revitalisation rurale (ZRR) ;

– les logements occupés par des ménages bénéficiaires des aides personnelles au logement qui, par définition, ont des ressources inférieures aux plafonds de ressources.

En plus de cette enquête annuelle, l’enquête OLS (occupation du logement social) prévoit que les bailleurs recueillent tous les deux ans des renseignements sur les ressources et la situation familiale des locataires.

Enfin, l’article L. 442-5-2 du code de la construction et de l’habitation prévoit que, pour les logements situés dans des zones caractérisées par un déséquilibre important de l’offre et de la demande, le bailleur examine les conditions d’occupation des logements tous les trois ans à compter de la date de signature du contrat de location.

● Le développement d’incitations à la mobilité

Le mouvement HLM s’est engagé à renforcer son action pour la fluidité des parcours et à entamer une démarche proactive vis-à-vis des locataires susceptibles d’être intéressés par une mobilité. Ces incitations se traduisent par l’organisation d’une gestion active de la mobilité (bourse d’échanges, entretiens mobilité), le développement des démarches inter-organismes pour favoriser les mutations entre les parcs, la promotion des parcours vers l’accession, la facilitation des demandes de mutation par la mise en place de démarches expérimentales, notamment pour adapter les procédures et la gestion des contingents, consacrer jusqu’à 25 % des attributions (en fonction du contexte local) aux demandes de mutation, enfin par l’expérimentation des bourses d’échanges.

b.   Des résultats encore insuffisants

Les rapporteurs considèrent que les moyens mis en œuvre pour favoriser la mobilité sont insuffisants.

L’écart des loyers est aujourd’hui tel, notamment dans les zones tendues, qu’il est très faiblement incitatif de quitter un logement social sauf si son coût se rapproche effectivement du loyer de marché pour un bien équivalent.

Écart des loyers entre logement social et marché libre en 2013

Graphique : Source : INSEE – enquête logement 2013.

● Les plafonds de revenus permettent déjà à plus de 70 % de la population d’être éligible au PLS. Le plafond de 150 % du PLS, en deçà duquel un maintien dans un logement social (PLAI, PLUS ou PLS) n’est plus possible, paraît en ce sens particulièrement élevé. Une personne seule dont le revenu fiscal de référence annuel atteint plus de 49 000 euros (soit plus de 4 000 euros par mois après abattement de 10 %) peut conserver son logement social en Île-de-France, alors même qu’elle fait partie du décile des Français les mieux lotis.

plafonds des revenus au-delà desquels les locataires doivent quitter leur logement social

(en euros)

Catégorie de ménages

Paris et communes limitrophes

Ile-de-France hors Paris et communes limitrophes

Autres régions métropolitaines

1 - Une personne seule

49 072,5

49 072,5

42 661,5

2 - Deux personnes ne comportant aucune personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou une personne seule en situation de handicap

73 341

73 341

56 973

3 - Trois personnes ou une personne seule avec une personne à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou deux personnes dont au moins une est en situation de handicap

96 141

88 159,5

68 514

4 - Quatre personnes ou une personne seule avec deux personnes à charge ou trois personnes dont au moins une est en situation de handicap

114 787,5

105 600

82 713

5 - Cinq personnes ou une personne seule avec trois personnes à charge ou quatre personnes dont au moins une est en situation de handicap

136 570,5

125 010

97 300,5

6 - Six personnes ou une personne seule avec quatre personnes à charge ou cinq personnes Dont au moins une est en situation de handicap

153 678

140 677,5

109 525,5

Personne supplémentaire

17 125,5

15 673,5

12 232,5

Source : Commission des finances d’après les plafonds de ressources PLS en vigueur.

● Par ailleurs, près de 40 % des logements sont exonérés de SLS car situés dans des zones géographiques ayant des caractéristiques particulières (ZRR, ZUS, QPV, etc.). De la même manière, le droit au maintien dans le logement est garanti pour les habitants des quartiers prioritaires dont les revenus dépassent le plafond de 150 % du PLS. Si l’exigence de mixité sociale au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville semble aujourd’hui pertinente, le zonage des ZRR, particulièrement large, ne semble pas justifier de telles exemptions.

 Troisièmement, il conviendrait d’étudier plus précisément la manière dont le supplément de loyer de solidarité est calculé afin de rapprocher les loyers du logement social de ceux du marché libre en cas de dépassement significatif des seuils : s’il est logique que le niveau du taux d’effort des ménages les plus modestes au sein du parc social soit sensiblement plus bas que celui des ménages logés dans le parc privé – c’est la justification même du parc social –, on peut à l’inverse penser que les ménages les plus favorisés au sein du parc social n’ont pas vocation à bénéficier d’un avantage comparatif par rapport aux ménages équivalents dans le parc privé.

taux d’effort par ménage selon le statut d’occupation
et le revenu par unité de consommation

(en %)

Source : INSEE Références 2017

c.   Des pistes de réforme audacieuses : calculer le SLS en fonction des prix du marché et abaisser le seuil à partir duquel la sortie du parc HLM est obligatoire

Outre les différentes mesures proposées par l’USH qui pourraient permettre de favoriser la mobilité et une meilleure adéquation des logements occupés aux besoins des locataires, par exemple avec la proposition de mise en œuvre d’une bourse d’échange nationale de logements sociaux et, de manière plus prospective, la suggestion de création d’un service global d’orientation vers le logement ([73])), les rapporteurs jugent nécessaire de rendre plus contraignantes les conditions de maintien dans le logement pour les ménages du parc locatif social les plus aisés afin d’inciter ces derniers à sortir du parc social.

Le mouvement HLM semble aujourd’hui opposé à une augmentation du taux de rotation au sein du parc social, craignant un phénomène de paupérisation de l’occupation du parc social qui serait renforcée par l’augmentation du taux de rotation et entraînerait mécaniquement une baisse continue des recettes des organismes. Les rapporteurs considèrent à l’inverse que la hausse du SLS pourrait constituer une source de revenus supplémentaire.

Les rapporteurs proposent notamment :

 une baisse du plafond de ressources au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (par exemple à 120 % du plafond des PLS et non plus à 150 %) ;

 une amélioration du barème d’application du SLS pour le rendre plus progressif (augmentation du nombre de tranches de coefficient de dépassement) et se rapprochant des loyers de marché pour les ménages les plus favorisés ;

 une baisse du seuil à partir duquel se déclenche le SLS (par exemple selon les plafonds de ressources PLUS et PLS plutôt qu’à 120 % des plafonds PLUS et PLS comme aujourd’hui) ;

 la fin de la dispense du SLS dans les zones du territoire aujourd’hui exemptées et qui représentent 40 % des locataires du parc social – a minima dans les zones de revitalisation rurale qui couvrent une partie trop grande du territoire et des situations très diverses. La répartition de ces logements exemptés de l’application du SLS s’établit comme suit : 1,26 million de logements exemptés au titre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 75 000 logements exemptés au titre d’une localisation en zone urbaine sensible (hors QPV), 231 000 logements exemptés au titre d’une zone de revitalisation rurale (ZRR), 168 000 logements exemptés au titre d’un PLH adopté. Si les caractéristiques du SLS (part de logements soumis, montant moyen) étaient identiques dans les zones exemptées et dans les zones non exemptées, il y aurait 6 200 ménages concernés par la suppression de l’exemption en ZRR et 38 700 en QPV. Cela représenterait environ 240 000 euros de SLS par mois en ZRR et 5 300 000 euros par mois en QPV.

D’autres mesures d’améliorations techniques seraient également bienvenues : les administrations centrales du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique proposent également une automatisation du calcul du SLS assortie de sa contemporanéisation sur le modèle des aides personnalisées au logement (APL) afin de diminuer les coûts de gestion du SLS pour les bailleurs et de simplifier les démarches administratives pour les locataires. Enfin, est-il justifié de pouvoir être propriétaire de plusieurs appartements en location tout en étant soi-même locataire du parc social ? Est-il même justifié d’être propriétaire d’un logement, même non loué, en étant soi-même locataire du parc social ? Ces questions méritent d’être posées.             

 

Recommandation : Renforcer les incitations à quitter leur logement social pour les ménages les plus aisés qui en sont bénéficiaires :

  en baissant à 120 % du plafond PLS le seuil au-delà duquel une sortie du parc HLM est obligatoire (contre 150 % aujourd’hui) ;

  en fixant le SLS en fonction de l’écart entre le prix de marché et le plafond de loyer ;

  en baissant le seuil de déclenchement du SLS (100 % des plafonds PLUS et PLS au lieu de 120 %) ;

  en supprimant l’exonération du SLS dans les ZRR.

3.   Un effort à réaliser pour loger les plus précaires

Dans la lignée des travaux de la Cour des comptes, les rapporteurs estiment que le logement social doit bénéficier en priorité aux personnes les plus modestes. Même si des souplesses et une meilleure prise en compte du contexte local sont souhaitées par le monde HLM et mériteraient d’être étudiées (rendre facultatif le recours à la cotation de la demande pour les EPCI situés en zone B2 et C, simplifier la liste des publics prioritaires et adapter les objectifs d’attribution aux publics prioritaires à la réalité des territoires, permettre aux EPCI de définir la notion de travailleurs clés sur les territoires), les objectifs en vue de loger les ménages les plus précaires qui en ont le plus besoin ne sont pas atteints aujourd’hui :

– les demandeurs qui n’obtiennent pas de logement social sont en moyenne encore plus modestes que les ménages qui occupent le parc social (ANCOLS 2022) ;

– les efforts de mixité sociale dans le parc locatif social, édictés par la loi dite « Égalité-citoyenneté » ([74]), ne sont pas respectés : environ 16 % des attributions hors QPV bénéficient à des ménages du premier quartile contre un objectif de 25 % (ANCOLS 2020) ;

– seuls 30 058 et 30 576 logements PLAI ont été agréés respectivement en 2021 et 2022 contre un objectif de 40 000 agréments annuels alors que deux tiers des demandeurs de logement social sont éligibles aux PLAI ;

– les objectifs de construction des PLAI adaptés – loyer à très bas niveau de quittance pour loger les ménages les plus précaires – n’ont pas été atteints malgré une enveloppe dédiée sur le FNAP. Alors que la production de 4 000 PLAI adaptés était prévue à partir de 2022, seuls 2 462 ont été financés.

C.   Le dÉveloppement du logement intermÉdiaire : un complÉment utile au logement social 

En remplacement du dispositif « Pinel », dont l’inefficacité a été démontrée, la priorité doit être donnée au logement locatif intermédiaire institutionnel, indispensable pour accompagner les ménages dans leur parcours résidentiel. Des améliorations du dispositif sont encore attendues.

1.   Le développement du logement intermédiaire par les investisseurs institutionnels : une priorité politique 

Le logement locatif intermédiaire pour les investisseurs institutionnels permet de proposer une offre locative située entre le parc social et le marché libre dans les zones tendues où les loyers de marché sont nettement supérieurs aux plafonds de loyers du logement social (PLS). Les plafonds de loyers sont inférieurs de 10 à 15 % aux prix moyens du marché. Le public cible est plutôt constitué de jeunes ménages aux revenus compris entre les plafonds du PLS et les plafonds du PLUS (ménages ayant un niveau de ressources moyen de 3 200 euros par mois selon CDC Habitat).

● Institué à compter de 2014 afin de susciter une offre locative nouvelle de logements intermédiaires dans les zones les plus tendues du territoire, le dispositif fiscal de soutien à la production de logements locatifs intermédiaires pour les investisseurs institutionnels (« LLI institutionnel ») repose cumulativement sur l’application d’un taux réduit de TVA de 10 % ([75]) et une exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) remplacée par une créance sur l’IS.

Le dispositif est censé présenter des avantages plus nombreux que le « Pinel » : plus pilotable, sensiblement moins onéreux, garantissant un entretien du parc locatif de meilleure qualité. Comme pour le dispositif « Pinel », il est soumis à des plafonds de ressources et de loyers et n’est déployé qu’en zone tendue (A, A bis et B1). Contrairement au dispositif « Pinel », il est soumis à des règles de « mixité sociale » au sein des ensembles immobiliers dans lesquels les logements loués en LLI sont intégrés. Sa finalité est la même : proposer un logement abordable aux ménages qui ne sont ni éligibles au logement social ou ne peuvent y accéder, ni ne peuvent supporter les loyers du secteur libre. Il vise les salariés clés de première et seconde lignes pour lesquels la problématique du logement est souvent préoccupante ([76]).

Certains acteurs sont plus critiques ou dubitatifs concernant le LLI institutionnel.

● Une partie du secteur HLM considère qu’au regard des plafonds de revenus déjà élevés du LLS ([77]), la question du logement abordable pour les ménages d’actifs porte moins sur leur éligibilité au logement social (et donc le développement d’un autre dispositif) que sur la disponibilité de logements sociaux. La question serait davantage celle de l’effet levier différencié de l’argent public, sur la durée, entre un PLS et un LLI.

● Plusieurs spécialistes croient peu au retour des investisseurs institutionnels (banques, sociétés d’assurance et mutuelles, sociétés civiles immobilières) sur lesquels repose le développement du LLI institutionnel. Depuis 1984, la part des bailleurs institutionnels dans le secteur locatif de marché a été divisée par six, passant de 2,5 % en 2005 à 1,5 % en 2020. Ce retrait sur le long terme s’expliquerait par une rentabilité trop faible, une réglementation contraignante des rapports locatifs (expulsions complexes, plafonnement des loyers, obstacles à la vente à la découpe, etc.). Force est cependant de constater le dynamisme des deux grands groupes parapublics qui concentrent aujourd’hui la majeure partie du logement locatif institutionnel : CDC Habitat et la filiale In’li d’Action Logement ont levé ces dernières années plusieurs milliards d’euros pour le développement de leur offre en logements intermédiaires (fonds CRONOS d’In’li et fonds FLI de CDC Habitat). Le rachat de 47 000 logements neufs en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) – 30 000 pour Action Logement et 17 000 pour CDC Habitat –, dont une partie importante est destinée au logement intermédiaire, annoncé par la Première ministre en conclusion des travaux du conseil national de la refondation portant sur le logement, est un signe supplémentaire du développement fort du LLI institutionnel.

Alors que la remontée des taux d’intérêt à court terme risque de détourner les investisseurs institutionnels du logement intermédiaire ([78]), il est cependant urgent de favoriser et de simplifier l’offre du LLI.

2.   Des propositions pour accélérer le logement locatif intermédiaire institutionnel

Le rapport IGF-CGEDD d’avril 2021 sur le développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels a mis en évidence un besoin de production supplémentaire de logements à loyers intermédiaires compris entre 18 000 et 42 000 logements par an sur la prochaine décennie.

Source : DHUP.

Plusieurs évolutions ont favorisé un développement du LLI ces dernières années, comme l’abaissement du seuil d’application de la clause de mixité sociale de 35 % à 25 % de logements locatifs sociaux dans les opérations accueillant les LLI, l’extension des clauses d’exception au principe de mixité sociale, ou encore la substitution à l’agrément préalable de la transmission d’information à l’administration. Surtout, la loi de finances pour 2021 ([79]) a créé une créance d’impôt sur les sociétés en substitution de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour la construction de logements locatifs intermédiaires, qui désincitait jusqu’alors les collectivités territoriales à leur délivrer des permis de construire. Il s’agissait de la mise en œuvre d’une préconisation du rapport IGF-CGEDD d’avril 2021 sur le développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels.

Il faut aujourd’hui aller plus loin pour favoriser le développement du LLI alors que le dispositif « Pinel » est appelé à disparaître. Plusieurs mesures pourraient être mises en œuvre pour favoriser la construction de logements intermédiaires dans la lignée des annonces de la Première ministre en conclusion du conseil national de la refondation portant sur le logement : l’extension du bénéfice du LLI à de nouvelles communes, notamment en zone B2 (zones frontalières et cœurs de ville redynamisés), et l’extension du LLI à l’ancien pour permettre la rénovation des « passoires thermiques » du parc privé.

D’autres mesures pourraient également être envisagées :

– la neutralisation du LLI dans le calcul des quotas SRU (c’est-à-dire que les logements LLI ne soient pas comptabilisés dans le parc résidentiel libre de l’article 55 de la loi dite « SRU », qui impose un quota de 25 % de logements sociaux pour les communes des zones urbaines) à partir du moment où la collectivité n’est pas en déficit de logements sociaux ;

– la suppression de toute obligation de logements sociaux dans les programmes créant des logements relevant du LLI dès lors que la commune respecte les obligations de la loi dite « SRU » ;

– l’extension du LLI aux particuliers pour drainer l’épargne des Français vers le logement intermédiaire (par exemple, avec la création de fonds dédiés au logement intermédiaire ouverts aux épargnants) ;

Recommandation : Favoriser le développement du LLI institutionnel en assouplissant le cadre réglementaire et en ouvrant son financement à l’épargne des particuliers.

3.   Des obligations à faire respecter

Aujourd’hui le logement locatif intermédiaire (LLI) ne fait pas l’objet d’un contrôle en propre, contrairement au logement locatif social.

L’immense majorité du LLI est aujourd’hui détenue par des OLS : selon le rapport de l’IGF/CGEDD de 2021 ([80]), CDC Habitat et Action Logement Immobilier ont construit 64 % des LLI entre 2014 et 2020, contre 32 % pour les autres bailleurs sociaux. Or, le LLI peut être contrôlé par l’ANCOLS dès lors qu’il est porté par un opérateur qui entre dans son champ : le cadre des contrôles de l’ANCOLS est fixé par catégories d’organismes contrôlés et non pas par activité. Ainsi, les filiales d’Action logement, de CDC Habitat et les bailleurs sociaux qui gèrent des LLI, peuvent voir leur activité contrôlée par l’ANCOLS à ce titre : la quasi-totalité des logements locatifs intermédiaires (96 % des logements construits entre 2014 et 2020 selon les données de l’ANCOLS) peuvent donc être soumis à l’examen de l’ANCOLS.

Toutefois, l’ANCOLS considère que la contrepartie publique à l’activité LLI se résume à des exonérations fiscales qui peuvent faire l’objet d’un contrôle par les services de la DGFiP. Le contrôle de l’activité du logement intermédiaire n’est pas sa priorité. Par ailleurs, il n’existe aucune obligation d’enquête périodique sur les conditions d’occupation du logement, comme celles prévues pour le logement social. Aucune donnée n’est disponible sur l’occupation du parc intermédiaire des locataires, postérieurement à l’entrée dans le logement : les ménages dépassant les plafonds de loyer ne sont pas contraints de quitter leur logement. Dans son rapport annuel 2021, l’ANCOLS avait également porté l’accent sur le nécessaire contrôle des loyers pour les logements « Qwacio » de la filiale d’Action Logement In’li.

Le développement du LLI par la levée des contraintes a priori doit avoir pour contrepartie le renforcement du contrôle des obligations a posteriori à savoir le respect des plafonds de loyer et des plafonds de revenus par les bailleurs.

Recommandation : Formaliser un cadre de contrôle des obligations qui incombent au logement locatif intermédiaire institutionnel.

IV.   Une fiscalitÉ locative À revoir de fond en comble

La fiscalité locative présente aujourd’hui de nombreuses insuffisances qu’il convient de revoir en profondeur.

A.   des dÉpenses fiscales nombreuses en faveur de l’investissement locatif, À l’efficacitÉ rarement démontrÉe

Les dispositifs favorisant l’investissement locatif sont nombreux : dispositif « Pinel », dispositif « Loc’Avantages » sur conventionnement avec l’ANAH, dispositif « Denormandie », dispositif « Malraux », etc.

1.   Une revue nécessaire de l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif

Les dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement locatif visent principalement à encourager des investisseurs à investir dans la construction de nouveaux logements ou dans la réhabilitation et la rénovation de logements anciens. Ils permettent de bénéficier d’une réduction d’impôt en contrepartie d’une obligation de location devant respecter un plafond de loyer et un plafond de ressources pour les ménages locataires. L’ensemble des dispositifs représentait une dépense de près de 2,2 milliards d’euros en 2022.

montant des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif ou favorisant des locations à des loyers modérés en 2022

(en millions d’euros)

 

2022

Fin du fait générateur

Dernière incidence budgétaire

Duflot et Pinel

1 378

2024

2038

Scellier

264

2013

2024

Scellier intermédiaire

237

2013

2030

Censi-Bouvard

62

2022

2033

Borloo Ancien

50

2016

2027

Besson Ancien

30

2016

2025

Perissol

30

1999

2024

Robien

30

2009

2022

Borloo populaire

30

2009

2022

Cosse ("Louer abordable")

25

2022

2022

Loc’Avantages

Nc

2024

2024

Denormandie

5

2023

2035

Robien et Scellier ZRR

5

2008

2024

Besson neuf

1

2002

2022

Dispositifs Outre-mer (Scellier, Scellier intermédiaire, réhabilitation)

36

-

-

TOTAL

2 183

Source : Rapport annuel de performances 2022 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Le dispositif « Malraux » rattaché au programme 175 « Patrimoines », non inclus dans ce tableau, représente une dépense d’environ 30 millions d’euros.

a.   Le dispositif « Pinel » : une mort programmée

Lors de la conclusion du conseil national de la refondation portant sur le logement, la Première ministre a annoncé que le dispositif « Pinel », borné au 31 décembre 2024, ne serait pas prolongé. Bien que cette nouvelle soit difficile à accepter pour la filière, les promoteurs immobiliers en premier lieu, les deux rapporteurs sont convaincus que cette décision est la bonne.

● La présentation du dispositif

Le dispositif « Pinel » permet, dans sa version initiale, avant la modification introduite par l’article 168 de la loi de finances pour 2021, de disposer d’une réduction d’impôt à hauteur de 12 % (pour une durée d’engagement de location de 6 ans), 18 % (pour une durée d’engagement de location de 9 ans), 21 % (durée d’engagement de location de 12 ans) en France métropolitaine (les taux sont majorés en Outre-mer) du prix de revient d’un ou deux logements (montant total d’acquisition plafonné à 300 000 euros dans la limite d’un plafond par mètre carré de surface habitable qui varie selon les zones). Le logement est soit acquis en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) soit acquis et réhabilité (en cas de logement indécent notamment). Le dispositif a été réduit à partir de 2023 pour une sortie progressive « en sifflet » (extinction prévue au 31 décembre 2024) pouvant être supportée par les acteurs de la promotion immobilière.

évolution de la réduction d’impôt du dispositif « PINEL » (hors pinel +)

(en %)

 

Investissements réalisés en 2021-2022

Investissements réalisés en 2023

Investissements réalisés en 2024

Engagement de location de 6 ans

Première prorogation de 3 ans

Seconde prorogation de 3 ans

12

6

3

10,5

4,5

2,5

9

3

2

Engagement de location de 9 ans

Prorogation de 3 ans

18

3

15

2,5

12

2

Engagement de location en outre-mer

Période de 6 ans

Période de 9 ans

NB : les taux de prorogation ci-dessus sont également applicables en outre-mer

 

23

29

 

21,5

26

 

20

23

Source : DHUP.

Les taux de 2021-2022 sont maintenus pour les contribuables dans le cadre du dispositif dit « Pinel +», lorsque le logement est situé en QPV ou respecte un niveau de qualité élevé en matière de performance énergétique, d’usage et de confort (surface minimale, existence d’espace extérieur privatif, pluralité d’orientation pour les T3, respect de la réglementation environnementale « RE 2020 »).

Le bénéfice du dispositif est soumis à plusieurs conditions :

– une haute performance écologique du logement ;

– le plafonnement du loyer et des ressources du locataire. La contrepartie de loyers situés à un niveau « intermédiaire » entre le parc social et le parc privé, est équivalente au niveau moyen des loyers de marché minoré de 20 % avec un pouvoir de modulation à la baisse du préfet ;

– la localisation en zone tendue (A bis, A, B1). Les logements situés en zone B2 ne sont éligibles à la réduction d’impôt qu’en cas d’agrément de la commune accordé par le préfet de région.

Critiqué à de nombreuses reprises par la Cour des comptes ([81]), qui devrait publier prochainement un prochain rapport sur le sujet, le rapport IGF-CGEDD de novembre 2019 Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, constitue, à ce jour l’étude la plus complète du dispositif. Il permet pour la première fois de dénombrer les investissements et de décrire leurs caractéristiques (localisation, surface et prix) ainsi que celles des investisseurs (localisation, revenus).

Quelques données sur le dispositif « Pinel »

– Les investissements « Pinel » sont présents dans les principales métropoles françaises dynamiques, en termes de population (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes, Bordeaux ou Montpellier) ainsi que sur les côtes méditerranéenne et atlantique.

– Plus de la moitié des investisseurs « Pinel » se situent dans le dixième décile de revenu fiscal de référence.

– La surface moyenne (55m2) comme la surface médiane (57m2) des appartements « Pinel » est similaire à celle des appartements vendus en France mais les surfaces sont sensiblement moins dispersées autour de la médiane que l’ensemble des autres départements.

– Selon le CEREMA, les copropriétés contenant plus de 80 % de logements potentiellement en investissement locatif défiscalisé présentent un risque de fragilité et de dégradation.

– Les logements achetés avec les dispositifs fiscaux entre 2014 et 2017 représentent 48 % des réservations de logements (195 000 logements acquis destinés à bénéficier du CI « Pinel ») et 32 % du nombre de logements groupés et collectifs privés autorisés sur la même période.

– La décote des appartements anciens est estimée à 30 % du prix des investissements neufs « Pinel » de la même section cadastrale (soit un niveau de décote semblable à celui des logements neufs hors « Pinel »).

– En l’absence de hausse des prix de l’immobilier, le rendement net d’impôt après revente à neuf ans d’un logement « Pinel » moyen est négatif de plus de 16 000 euros (malgré une rentabilité annuelle très élevée avant revente).


Source : rapport IGF-CGEDD de novembre 2019 « Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel ».

Le rapport recense plusieurs lacunes fondamentales du dispositif :

– pour l’habitant, la concurrence sur l’acquisition des fonciers pousse les promoteurs à concevoir les logements pour attirer les investisseurs, conduisant à une standardisation des logements et parfois à une faible qualité d’usage ;

– pour le promoteur, le dispositif « Pinel » permet vraisemblablement de proposer un prix plus élevé pour le foncier ;

– au regard de la politique du logement, l’objectif de constituer une offre de logement intermédiaire n’est pas atteint : seule 9,3 % de la réduction d’impôt accordée au particulier investisseur se traduit par une baisse de loyer. Sur l’échantillon représentatif des logements pris en compte par la mission, seuls 57 % ont un prix plafond du loyer « Pinel » inférieur au prix du marché. Les plafonds « Pinel » sont définis par zone (A, A bis, B1) alors que le niveau des loyers au sein d’une même zone peut sensiblement varier. Les loyers peuvent également varier au sein d’une même ère urbaine voire communale et les préfets n’ont pas fait usage du droit de modulation qui leur avait été conféré par la loi ;

– pour l’État, le dispositif est très coûteux et financièrement peu pilotable. Le coût total moyen des aides accordées par l’État est de 38 108 euros par logement neuf construit avec le dispositif « Pinel » contre 28 200 euros pour l’investisseur institutionnel en LLI, soit un surcoût de 35 % pour les logements « Pinel » ;

– pour les collectivités, l’automaticité de la réduction fiscale ignore les priorités des politiques locales de l’habitat (localisation, nombre, types de logement). Une dégradation des copropriétés est parfois relevée lorsque la part de Pinel est trop élevée. Les communes exclues du dispositif pâtissent par ailleurs d’un effet d’éviction de l’investissement locatif ;

– pour l’investisseur, la décote des prix de l’ancien par rapport au neuf (environ 30 %) rend le dispositif peu avantageux en cas de revente (rendement global net après revente négatif de plus de 16 000 euros au bout de 9 ans). L’incitation fiscale prime sur la rentabilité de l’opération.

En revanche, l’existence d’une prise en charge indirecte du coût du logement social dont le prix de vente est sensiblement inférieur dans les opérations mixtes par les investisseurs « Pinel » (« impôt palier ») n’a pas pu être établie.

La fédération des promoteurs immobiliers (FPI) voit dans le dispositif « Pinel » un dispositif indispensable pour soutenir la création de nouveaux logements : elle juge sans doute à juste titre que les particuliers investiraient moins sans son existence. Toutefois, le dispositif « Pinel » n’a pas à soutenir le secteur de la construction immobilière : son rôle est de développer une offre de logements abordables. La FPI juge à ce titre qu’il revient à l’État de s’assurer du contrôle du plafonnement des loyers et de moduler les plafonds de loyers lorsque les différences avec le marché sont trop faibles. Or, dans le premier cas, les services de l’État ne disposent pas des moyens pour opérer un contrôle à grande échelle du dispositif « Pinel » (4 888 contrôles sur pièces et sur place en 2021) et la modulation des loyers à la main des préfets ne fonctionne pas.

De toute évidence, le coût du « Pinel » est trop élevé par rapport à son efficacité, notamment si on le compare aux dispositifs visant des objectifs semblables (PLS, LLI).

comparatif du coût pour les finances publiques d’un logement pls
et d’un logement pinel en 2020

(en euros)

DISPOSITIF

PLS

Pinel

Montant moyen TTC financé (logements ordinaires)

150 299

200 000

AIDES DE L’ÉTAT (logements ordinaires)

 

 

Subvention État (y c. surcharge foncière)

35

0

Réduction TVA

13 663

0

Exonération TFPB

438

0

Réduction d’impôt (coût générationnel)

0

32 000

Aide de circuit prêt CDC

0

0

Total des aides de l’État

14 136

32 000

Part de l’opération (%)

9,4

16

AUTRES AIDES

 

 

Subventions des collectivités locales et autres

1 294

0

Exonération TFPB

14 167

0

Part de l’opération (%)

10,3

0,0

ENSEMBLE DES AIDES

 

 

TOTAL

29 597

32 000

Part de l’opération (%)

19,7

16

Part des aides d’État (%)

47,8

100,0

Source : DHUP - Bilan 2020 des logements aidés.

La suppression du dispositif « Pinel » engendrera-t-elle une forte baisse des constructions neuves ?

La FPI indique qu’une baisse de 30 000 logements par an a été enregistrée entre 2010 et 2012 lorsque le taux de la réduction d’impôt du dispositif Scellier a été ramené de 25 % à 13 %.

Il est toutefois permis de douter de cet effet, notamment si le LLI institutionnel réussit à prendre son envol.

Recommandation : Ne pas remettre en cause la suppression du dispositif « Pinel » qui arrive à expiration au 31 décembre 2024.

b.   Les conclusions provisoires de l’expérimentation du « Pinel breton » : un projet intéressant mais une évaluation intermédiaire peu concluante

La déconcentration et la décentralisation des dispositifs fiscaux constituent une des pistes de la territorialisation des politiques du logement. L’expérimentation du dispositif « Pinel breton » est à ce titre intéressante : mise en œuvre en région Bretagne depuis 2020 et prolongée jusqu’au 31 décembre 2024, cette expérimentation confie au préfet de région la détermination des zones géographiques éligibles (zonage redessiné à l’échelle infra-communale) ainsi que la fixation des plafonds de loyer et de ressources du locataire, afin d’améliorer l’efficience du dispositif en l’adaptant au plus proche des enjeux et des situations de chaque territoire.

Un rapport d’étape remis au Parlement en mars 2022 permet de faire un premier bilan du dispositif. Le zonage a été redéployé en Bretagne selon un principe de solidarité territoriale impliquant pour chaque nouveau territoire bénéficiaire l’abandon, en contrepartie, de l’éligibilité pour d’autres territoires.

Malgré le manque de recul sur ce dispositif récent, le rapport établit plusieurs constats :

– la dépense fiscale n’est pas totalement maîtrisée : la déconcentration du zonage s’est principalement traduite par une ouverture du dispositif dans les zones B2 et C du territoire (les plus détendues), sans qu’un travail suffisant ait par ailleurs été conduit pour restreindre son application aux secteurs réellement en tension au sein de la zone B1 ;

– le choix des territoires éligibles au dispositif serait cohérent avec l’objectif de cibler les communes caractérisées par les tensions les plus fortes ([82]), notamment en matière de loyer, mais le rapport note en même temps que la dimension « intermédiaire » du dispositif n’est pas respectée : sur les 58 communes retenues dans le périmètre de l’expérimentation, 40 présentent un plafond « Pinel breton » supérieur au loyer de marché ;

– la définition du zonage « Pinel » à l’échelle du carreau (maille infra-communale) est vertueuse en ce qu’elle permet de favoriser la densité de l’habitat en centre-ville ainsi que sa rénovation, tout en limitant l’étalement urbain et l’artificialisation des sols en périphérie. Cependant, cette définition au carreau est contradictoire avec l’idée d’un zonage pérenne, peu lisible pour les investisseurs et difficilement maîtrisable d’un point de vue fiscal ;

– une hausse sensible de la construction de nouveaux logements est observée dans les nouveaux territoires concernés, sans compensation dans les territoires devenus non-éligibles.

Les services de Bercy contestent un certain nombre de conclusions du rapport provisoire et soulignent l’incapacité du dispositif à viser les zones les plus denses. Les communes qui auraient vu leur éligibilité limitée à une partie de leur territoire, à savoir Rennes, Dinard et Saint-Malo, auraient exclu les zones les plus tendues et paradoxalement conservé les zones moins tendues. Alors que les loyers y diminuent corrélativement avec l’éloignement de la commune de Rennes, les 25 communes constituant la métropole de Rennes ont obtenu un maintien de l’entière éligibilité de leur territoire, pendant que certaines zones de la commune de Rennes elle-même, plus en tension (mais constituées de zones non constructibles ou commerciales ou de parties historiques de la ville où le Pinel ne pouvait se développer) ont été exclues. 14 communes parmi ces 25 éligibles au dispositif « Pinel » disposent d’un plafond de loyer social supérieur au loyer de marché, ce qui n’a pas eu pour effet d’exclure ces territoires périphériques de l’expérimentation (exemple de Vézin-le-Coquet). L’idée que le maillage infra-communal ait pu constituer un moyen de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols est également contestée.

Un nouveau rapport devra être transmis au Parlement en septembre 2024. Les rapporteurs jugent particulièrement intéressant le caractère flexible et territorialisé de cette expérimentation qui permet de cibler les parties du territoire où de nouvelles constructions doivent être favorisées. Donner le pouvoir aux préfets, en collaboration étroite avec les élus, devrait permettre un meilleur pilotage du dispositif.

En contrepartie, il convient d’assurer une maîtrise stricte de la dépense fiscale en s’assurant que ce sont les zones les plus tendues qui bénéficient du dispositif. Sans préjuger des conclusions du rapport d’évaluation finale de l’expérimentation, il paraît peu probable que soit prorogée une expérimentation assise sur un dispositif qui doit disparaître.

c.   L’échec du dispositif « Denormandie »

Le dispositif « Denormandie », introduit en loi de finances pour 2019 et prolongé jusqu’au 31 décembre 2023, vise le développement d’une offre locative de qualité à loyers maîtrisés par l’incitation à la rénovation de logements locatifs dégradés dans les centres villes anciens situés hors zone de tension immobilière. Adossé à la réduction d’impôt « Pinel » ([83]) (même plafond total par investissement et par m2 habitable), il crée une réduction d’impôt s’appliquant aux dépenses liées à l’acquisition et la rénovation d’un logement, dont le taux varie selon la durée d’engagement de location (entre 6 et 12 ans). Les travaux d’amélioration du logement doivent représenter au moins 25 % du coût total de l’opération. Ils doivent améliorer la performance énergétique du logement d’au moins 30 % ou correspondre à certains travaux spécifiques. Le dispositif s’applique aux logements situés dans les communes dont le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué (inscrits notamment dans les programmes nationaux « Action Cœur de ville » et « Petites villes de demain »).

Malgré plusieurs assouplissements, comme l’extension à l’ensemble du territoire communal en loi de finances pour 2020, le dispositif n’a pas connu la montée en puissance attendue. Seuls 606 bénéficiaires du dispositif sont décomptés en 2021, pour une dépense fiscale qui ne dépassera pas quelques millions d’euros. Plusieurs raisons sont avancées par certains acteurs :

– le coût élevé des rénovations pour une rentabilité locative souvent plus faible qu’en zone tendue ;

– la complexité inhérente à la réalisation de travaux (formalisation du besoin, sélection et pilotage des artisans) ;

– le risque de vacance locative dans des villes moins dynamiques ;

– la complexité et la technicité du dispositif, peu commercialisé par les intermédiaires, renforcées par les restrictions du dispositif originaire (limitation au centre-ville, liste des travaux limitée).

Une évaluation devra être transmise au Parlement en 2023, afin d’objectiver les causes de cette faible montée en puissance. La fin de la concurrence du dispositif « Pinel » pourrait rebattre les cartes : quel est l’intérêt pour des investisseurs particuliers d’acheter en zone non tendue, avec des travaux coûteux dont les délais d’achèvement et la qualité sont incertains, alors qu’un dispositif soumis aux mêmes contraintes de location permet une meilleure rentabilité locative (charges annuelles moins élevées et niveau de loyer plus élevé) ?

Par ailleurs, l’échec provisoire du dispositif « Denormandie » n’enlève rien à la priorité que constitue la rénovation des centres des villes petites et moyennes, au cœur des programmes nationaux « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain ». Les rapporteurs relaient ainsi les propositions du député Sébastien Rome, membre de la mission d’information, afin d’étendre le BRS aux centres-villes dégradés.

Rénover le bâti des centres-bourgs par le BRS : une proposition du député membre de la mission d’information Sébastien Rome

Il est proposé d’étendre le bail réel solidaire aux centre-bourgs. Si cette idée peut paraître contre-intuitive, dans des territoires où l’évaluation du prix du foncier est parfois négative, la charge foncière peut en réalité être élevée :

– le terrain nécessite souvent des démolitions, confortements, frais de branchement, qu’il convient d’intégrer dans cette charge ;

– pour obtenir un habitat de qualité, les densités sont parfois inférieures à la densité de départ, répartissant le coût foncier sur une surface habitable plus réduite.

La séparation de l’amortissement du foncier et du bâti prend alors tout son sens. En assurant le portage du foncier, l’OFS peut :

– restructurer le centre-ville à l’échelle de l’îlot à moyen long terme (avec par exemple la démolition partielle pour la création d’un espace vert) ;

– mettre en œuvre des rénovations globales, permettre aux immeubles vacants de passer par plusieurs niveaux d’occupation, favoriser l’accession sociale à la propriété ;

– contrôler le risque spéculatif et l’organisation d’un habitat maîtrisé et mixte.

L’absence de dépenses budgétaires, en raison d’un financement par le crédit et une garantie, ainsi que la fixation de l’investissement public dans un foncier qui peut prendre de la valeur font du BRS un outil particulièrement intéressant d’un point de vue financier.

Afin de mobiliser l’ensemble des acteurs (bailleurs sociaux, établissements publics fonciers, banques), l’OFS pourrait bénéficier d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.
 

Source : Contribution écrite de Sébastien Rome.

2.   Le dispositif Loc’Avantages : une évaluation attendue

Le nouveau dispositif « Loc’Avantages », mis en œuvre par l’article 67 de la loi de finances pour 2022 en remplacement du dispositif « Louer abordable » (dispositif « Cosse ») qui bénéficiait surtout aux propriétaires bailleurs aisés – l’avantage prenant la forme d’une déduction sur les revenus locatifs et non d’une réduction d’impôt –, permet à des propriétaires bailleurs d’un logement mis en location de disposer d’une réduction d’impôt en contrepartie du respect d’un plafond de loyer et d’un plafond de ressources pour le locataire. Plus le niveau du loyer pratiqué est réduit – il existe trois plafonds de loyers, évalués à l’échelle communale ou infra-communale pour les métropoles (grâce aux observatoires locaux des loyers), et de ressources, correspondant au segment intermédiaire (décote de 15 % par rapport au marché), au segment social (décote de 30 %) et au segment très social –, plus la réduction d’impôt est importante. L’évaluation de la baisse de loyer par rapport au loyer constaté dans la commune ou de l’arrondissement pour Paris, Lyon, Marseille, plus précis que le zonage ABC, permet de corréler plus justement la réduction d’impôt à l’avantage fiscal consenti.

Le conventionnement peut également inclure des travaux. Le taux de la réduction d’impôt est également majoré lorsque le conventionnement avec l’ANAH repose sur l’intermédiation locative (IML) ([84]), obligatoire pour le dispositif très social avec le nouveau dispositif Loc’Avantages. L’intermédiation locative permet également de bénéficier d’une prime versée lors de la conclusion de la convention pouvant atteindre jusqu’à 3 000 euros. La convention conclue avec l’ANAH est signée pour une durée minimale de six ans pendant laquelle le propriétaire s’engage à louer nu à usage d’habitation principale son logement.

taux de la réduction d’impôt au titre du dispositif « Loc’Avantages » s’appliquant aux revenus locatifs bruts

(en %)

 

Loc’1 (location intermédiaire)

Loc’2 (location sociale)

Loc’3 (location très sociale)

Sans intermédiation locative

15

35

 

Avec intermédiation locative

20

40

65

Au 1er janvier 2022, soit avant le basculement automatique des conventions « Louer Abordable » vers le nouveau dispositif « Loc’Avantages », le nombre total de logements conventionnés avec l’ANAH s’établissait à 100 053. Entre 8 000 et 10 000 conventions sont signées chaque année, dont une moitié environ s’accompagnant de travaux de rénovation soutenus par l’ANAH. En 2022, le nouveau dispositif est resté à ces mêmes niveaux de conventionnements.

nombre de logements conventionnés (ancien dispositif Louer abordable)

 

 

Loc 1

(loyer intermédiaire)

Loc 2

(loyer social)

Loc 3

(loyer très social)

Ensemble*

2017

Nombre de logements conventionnés de typologie 1, 2 ou 3

2 538

4 793

222

7 553

Dont IML

nc

nc

nc

nc

2018

Nombre de logements conventionnés de typologie 1, 2 ou 3

2 897

5 771

317

8 985

Dont IML

32

1 568

134

1 734

2019

Nombre de logements conventionnés de typologie 1, 2 ou 3

2 141

5 663

374

8 178

Dont IML

30

1 623

128

1 781

2020

Nombre de logements conventionnés de typologie 1, 2 ou 3

1 707

5 214

368

7 289

Dont IML

34

1 271

102

1 407

2021

Nombre de logements conventionnés de typologie 1, 2 ou 3

2 049

5 827

384

8 260

Dont IML

19

1 437

94

1 550

Sources : DHUP. Rapports d’activité et de gestion de l’ANAH.

mise en œuvre du dispositif « Loc’Avantages » en 2022

2022

Loc 1

(loyer intermédiaire)

Loc 2

(loyer social)

Loc 3

(loyer très social)

Loyers libres

Ensemble

Nombre de logements rénovés

1 304

3 343

261

56

4 964

Conventions signées sans travaux au 10 janvier 2023

1 911

2 661

205

-

4 777

Total logements conventionnés avec ou sans travaux

3 215

6 004

466

56

9 741

Dont IML

21

1 548

180

-

1 749

Source : DHUP. Chiffres-clés de l’ANAH 2022.

Une évaluation du dispositif doit être rendue au Parlement avant le 30 septembre 2024. Il conviendra d’analyser si le dispositif permet de surmonter les limites précédemment rencontrées par le dispositif « Louer abordable ». Les simulations proposées par le rapport IGF-CGEDD de juin 2022 sur la lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental semblent montrer que le système « Loc’Avantages » est plus avantageux pour les ménages aisés dont le taux marginal d’imposition (TMI) est élevé (à partir de 30 %). Dans le cas d’un logement de 40 m2 loué à Saint-Malo avec le dispositif Loc’2 en intermédiation locative, le dispositif permet aux ménages dont le TMI est de 30 % un gain net de 438 euros par an (hors prime à la signature) et aux ménages dont le TMI est de 11 % un gain net de 360 euros par an (hors prime à la signature). Avec la prise en compte de la prime versée lors du conventionnement, les gains nets sur six ans atteignent respectivement 5 160 euros et 5 629 euros selon le TMI du propriétaire, contre une baisse du loyer atteignant plus de 19 000 euros au bénéfice du locataire. La réduction d’impôt semble ainsi préférable à une aide directe aux locataires qui risque d’être captée par le propriétaire par une hausse du loyer sans effet obligatoire sur l’offre ou la qualité du logement.

B.   Revoir toute la fiscalitÉ locative

Au-delà des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif et du logement abordable, c’est la fiscalité locative dans son ensemble qui est à revoir.

1.   Le statut du propriétaire bailleur : une hypothèse intéressante mais qui reste coûteuse

Le statut du propriétaire bailleur privé, proposition émise par la Fédération française du bâtiment (FFB) et reprise par l’ensemble de la filière, vise à simplifier la fiscalité locative. L’idée est de remplacer l’ensemble des dépenses fiscales favorisant la location des logements par un mécanisme simple et lisible relevant d’un régime de droit commun, sur le modèle du régime allemand ([85]). Il pourrait être réservé aux logements ayant une contrepartie d’intérêt général (plafonds de loyers et plafonds de ressources), sur le modèle des dispositifs de défiscalisation pour le logement intermédiaire prévus en zone tendue.

a.   Le chiffrage de la FFB

L’architecture de la réforme proposée, sans modification de la taxation de la plus-value, est la suivante :

– un amortissement du bâti pendant 50 ans, soit un taux de 2 % l’an, applicable dans le neuf et dans l’existant pour l’ensemble des logements locatifs privés (stock et flux) ;

– un amortissement des gros travaux sur 15 ans ;

– une déductibilité sans limite des intérêts d’emprunt, des petits travaux et des charges locatives des revenus fonciers bruts (comme existant déjà aujourd’hui) ;

– un déficit foncier imputable sans limite sur le revenu global positif.

La FFB estime le coût budgétaire d’une telle mesure à 4,2 milliards d’euros les premières années avant d’atteindre un niveau stable de 3,8 milliards d’euros par an, soit environ la somme des coûts de l’ensemble des aides fiscales locatives (les aides fiscales en extinction, les dispositifs actuels Pinel, Denormandie et Loc’Avantages, les aides spécifiques aux Outre-mer et la déduction des dépenses de réparation et d’amélioration des revenus fonciers).

évaluation du coût du dispositif de « propriétaire bailleur » par la ffb

(en milliards d’euros)

Amortissement du bâti sur 50 ans

3,9

Amortissement des travaux sur 15 ans

- 0,1

Imputation du déficit foncier sur le revenu global

0,4

TOTAL

4,2

Source : FFB.

● L’amortissement du bâti sur 50 ans est calculé à partir de la valeur du bâti des logements locatifs privés, estimés par la FFB en 2021 à 906 milliards d’euros, d’après une extrapolation du compte de patrimoine de l’INSEE (qui estime la valeur du bâti pour l’ensemble des logements appartenant aux ménages). Le calcul des équivalents actuariels des coûts budgétaires est estimé à partir des dates et valeurs d’origine des propriétés disponibles pour les années 1990. Aux clefs de répartition des ventes de logements en fonction de l’ancienneté de la détention des logements, déflaté par l’indice du coût de la construction à défaut de disposer d’un indice des prix des logements anciens, est appliqué un amortissement annuel à un taux de 2 % transformé en réduction d’impôt (taux d’imposition fixé à 15 % et taux de prélèvements sociaux de 16,2 % après déductibilité de la CSG). Le total est ainsi estimé à 4,3 milliards d’euros. La FFB fait cependant l’hypothèse que la moitié des « passoires thermiques » du parc locatif privé sont sorties du marché locatif en raison des dispositions de la loi dite « Climat et résilience », ce qui ramène le coût du dispositif à 3,9 milliards d’euros.

● Les conséquences budgétaires de l’amortissement des travaux sur 15 ans se répartissent en deux composantes :

– le coût de l’amortissement, calculé à partir des données relatives aux investissements des propriétaires bailleurs relatifs à de gros travaux en prenant en compte un équivalent actuariel du coût budgétaire du régime de droit commun et d’une réduction d’impôt (avec un taux moyen d’imposition supposé à 15 %) pour tous les investissements passés concernant des biens qui sont toujours la propriété du détenteur initial. Cette estimation conduit à un coût d’environ 500 millions d’euros ;

– le calcul des prélèvements sociaux conduit à l’inverse à une recette budgétaire de 600 millions d’euros. Dans la réforme proposée, la base taxable correspond aux revenus après déduction des charges et de l’amortissement des travaux. Il faut donc appliquer le taux de 16,2 % à la différence entre le montant des travaux déductibles (6,9 milliards d’euros en 2021 selon le CSL) et le montant de l’amortissement des travaux (3,4 milliards d’euros en 2021).

● L’imputation illimitée du déficit foncier sur le revenu global représenterait quant à elle un coût de 400 millions d’euros. Pour chiffrer ce surcoût, la FFB dispose des données de la DGFiP permettant d’établir qu’en 2018 505 000 ménages imputent un déficit foncier sur leur revenu global pour un montant de 1,8 milliard d’euros et 538 000 ménages n’ont pas encore pu imputer leurs déficits antérieurs pour un montant de 11,3 milliards d’euros (en raison du plafond en vigueur de 10 700 euros au-delà duquel il n’est pas possible d’imputer son déficit foncier de l’année sur son revenu global de la même année). Sous l’hypothèse d’une résorption de ce déficit en 4 ans et d’un taux moyen d’imposition des bailleurs toujours supposé à 15 %, on obtient le montant de 400 millions d’euros.

b.   Les limites du dispositif

Le développement du statut de propriétaire bailleur présente l’avantage de simplifier le paysage fiscal locatif et de favoriser l’investissement des particuliers. Toutefois, ce dispositif rencontre plusieurs limites :

– si la direction du budget n’a pas été en mesure de présenter un contre-chiffrage précis en justifiant les erreurs de calcul de la FFB, elle indique que le coût d’un tel dispositif serait sensiblement supérieur aux projections proposées ;

– par ailleurs, les administrations du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique jugent que le statut du propriétaire bailleur réduirait fortement les incitations des propriétaires à rénover leurs logements : le cadre fiscal actuel de la location nue incite davantage les propriétaires bailleurs à la réalisation de travaux dans leurs logements (par le mécanisme du déficit foncier, doublé en cas de travaux de rénovation énergétique). Si le bailleur peut déduire de ses revenus locatifs l’amortissement des travaux réalisés et ainsi réduire sa base imposable, l’incitation financière à rénover le bien serait moins importante, alors que les travaux de rénovation (notamment énergétique) constituent aujourd’hui une priorité absolue.

Plus généralement, il est probable que les difficultés observées pour le dispositif « Pinel » soient à nouveau observées : faible entretien des biens et priorité donnée à l’avantage fiscal plutôt qu’à l’investissement immobilier en tant que tel, impossibilité de maîtriser le choix de localisation des investisseurs. Le choix de prioriser l’investissement locatif des fonds institutionnels, à moyen budgétaire constant, ne semble pas compatible avec l’instauration d’un nouveau statut de propriétaire bailleur pour les particuliers. En cas d’échec du LLI institutionnel, la question du statut de propriétaire bailleur pourra néanmoins être réexaminée.

2.   Les locations meublées : un régime dérogatoire à faire évoluer

a.   Les meublés touristiques de courte durée : des avantages fiscaux aujourd’hui inacceptables

La concurrence présentée par les meublés touristiques de courte durée dans les zones tendues et littorales sur le marché des logements mis en location de longue durée est maintenant bien documentée ([86]).

Le rapport IGF-CGEDD-IGA de juin 2022 portant sur la lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental propose de revenir sur les avantages dérogatoires dont bénéficient notamment les meublés touristiques :

– réduire l’abattement au taux prévu pour les locations d’habitations meublées (passage de 71 % à 50 %, à l’instar du régime micro-BIC pour les locations meublées traditionnelles) ;

– ramener le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme classés au seuil des meublés d’habitation (77 700 euros au lieu de 188 700) ;

– supprimer la possibilité d’inclure les intérêts d’emprunt et l’amortissement des locaux dans les charges déductibles.

Pour la DLF, l’abattement de 71 % plus élevé s’explique par les prestations proposées – en principe de meilleure qualité, et donc induisant des coûts supérieurs – dans la location de meublés de tourisme classés. L’activité de location de courte durée se rapprocherait également des activités d’hôtellerie et de location de chambre d’hôte qui relèvent de la première catégorie de micro-BIC et bénéficient ainsi de l’abattement de 71 %. De même, le seuil des revenus pour la location de courte durée, plus élevé, s’expliquerait par un chiffre d’affaires moyen en principe plus important, en raison du niveau de prestation plus élevé que pour la location meublée non classée. Par ailleurs, la distinction juridique entre activité commerciale (location meublée) et civile (location nue) conduit à une distinction des régimes fiscaux : la prise en compte des amortissements dans la détermination du résultat fiscal au titre de la location meublée provient des règles comptables sur lesquelles s’appuie la détermination des bénéfices industriels et commerciaux.

Ces avantages ([87]) ne sont plus acceptables aujourd’hui au regard de l’attrition des logements dans certains territoires. La réglementation mise en œuvre n’est pas suffisante (limitation à 120 jours pour les résidences principales, soumission à un régime d’enregistrement préalable dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans la métropole de Paris). L’enjeu est d’éviter que les locations de longue durée disparaissent au profit de locations touristiques. Des travaux, lancés par la Première ministre, doivent absolument arriver à leur terme à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Recommandation : Aligner les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée.

b.   Le rapprochement des fiscalités de la location nue et meublée de longue durée

Au-delà de la question des avantages spécifiques liés à la location de courte durée, une réflexion plus générale doit également être conduite sur l’opportunité de rapprocher les régimes fiscaux de la location nue et de la location meublée, qui obéissent aujourd’hui à deux cadres juridiques distincts. La location nue obéit au régime des revenus fonciers quand la location meublée appartient au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Catégorie de bien

Location meublée de longue durée

Location nue

Régime

Location meublée non professionnelle

Location meublée professionnelle

Critères s’appliquant au régime

< 23 000 €

OU < 50 % des revenus globaux du foyer

> 23 000 €

ET > 50 % des revenus globaux du foyer

Impôt

IR

IR

IR ou IS

IR ou IS

IR

IR

Mode de déclaration

Micro-BIC

Réel

Micro-BIC

Réel

Micro-foncier

Réel

Critères s’appliquant aux produits issus de la location

<72 600 euros
 

>72 600 euros (ou sur option si < 72 600)

<72 600 euros

>72 600 euros (ou sur option si < 72 600)

<15 000 €

>15 000 € (ou sur option si < 15 000 euros)

Déduction des frais (charges, intérêts)

50 %

Frais réels

50 %

Frais réels

30 %

Frais réels

Incluant l’amortissement

Non

Oui

Non

Oui

Non

Non

Imputation et report de déficit

Non

Sur les revenus tirés de la location pendant 10 ans

Non

Illimité sur les revenus globaux durant 6 ans

+ possibilité de reporter les déficits liés à des charges engagées avant la location durant 3 ans

Non

Dans la limite de 10 700 euros par an sur les revenus globaux. Excédent reportable sur les revenus fonciers (pendant 10 ans) ou globaux (pendant 6 ans)

Régime de la taxation de la plus-value

Particuliers

Particuliers

Professionnels

Professionnels

Particuliers

Particuliers

Imposition à l’IFI

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Oui

tableau comparatif du régime fiscal de la location meublée de longue durée et de la location nue

Source : Commission des finances.

Le rapport IGF-CGEDD de janvier 2016 intitulé « Évaluation de politique publique : Le logement locatif meublé » justifiait en partie ce régime dérogatoire : la hausse continue du nombre de logements loués en meublé depuis 1990 correspond à une demande réelle d’un public précis (étudiants actifs en mobilité) et offre une souplesse appréciée pour les propriétaires (durée de bail inférieure). Toutefois, le rapport relevait également le coût représenté par la location meublée (près de 400 millions d’euros par an, principalement en raison des règles d’amortissement fortement avantageuses en cas de déclaration au réel), dépassant de loin le gain pour les locataires.

Le statut de la location meublée non professionnelle (LMNP) peut alors apparaître comme une niche fiscale et un moyen de contourner le régime fiscal de la location nue, sans corréler ses avantages à la demande de logements meublés. Le rapporteur Daniel Labaronne juge nécessaire de relancer un travail d’harmonisation des deux régimes d’imposition à partir des propositions du rapport IGF-CGEDD : abaissement du taux d’abattement à 40 % pour les contribuables déclarant leurs revenus locatifs meublés au micro-BIC, suppression de la CFE pour les locations meublées, amortissement pour les contribuables déclarant au réel restreint aux seuls meubles, harmonisation des règles de déficit foncier avec le régime de droit commun pour la location nue.

La DLF indique qu’un rapprochement du statut de la LMNP avec celui de loueur nu aurait pour conséquence d’accentuer la différence avec le régime applicable aux personnes exerçant à titre professionnel une activité de loueur en meublé, qualifiée d’industrielle et commerciale. Une autre piste est de mieux prendre en compte l’amortissement dans le calcul de la plus-value des LMNP au regard de la possibilité d’amortir le bien mis en location sans payer la plus-value à partir de la valeur comptable amortie du bien.

3.   Envisager une profonde réforme de la fiscalité : la proposition « Mattéi »

Le rapporteur Charles de Courson fait remarquer qu’avec l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU), le régime fiscal s’appliquant à location nue apparaît comme étant comparativement beaucoup plus lourd que la fiscalité s’appliquant aux revenus financiers, dont les actifs ne contribuent pas tous à « l’économie productive ». Pour un ménage dont le taux d’imposition marginal est de 30 %, les revenus locatifs sont taxés à hauteur de 47,2 % (sur les recettes nettes d’abattement) auxquels s’ajoute la TFPB. Pour les ménages plus fortunés imposés à l’IFI, le taux d’imposition peut apparaître comme étant quasiment confiscatoire.

Indépendamment de la question du niveau juste de taxation des revenus du capital, qui peut faire l’objet d’un débat politique, avantager autant les investissements financiers par rapport aux investissements locatifs témoigne, au sens du rapporteur Charles de Courson, d’une méprise fondamentale : si l’on peut justifier de taxer la « rente » représentée par la propriété foncière, la mise en location d’un logement n’est pas une rente mais bien un service produit qui participe de la richesse de la société. La location représente un coût et présente des risques (loyers impayés, vacance locative, coût du maintien en état d’un bien et rénovation). La théorie économique ([88]) avance ainsi qu’il ne faut pas taxer l’effort (de louer, de construire, de rénover) mais la chance liée à l’héritage ou l’appréciation de la valeur du terrain, comme l’indique l’économiste Étienne Wasmer dans sa contribution écrite à la mission d’information.

À ce titre, le rapporteur Charles de Courson souhaite qu’une réflexion large soit initiée sur la fiscalité locative. La proposition de Jean-Paul Mattei, député de la commission des finances auditionné par la mission d’information ([89]), qui vise à favoriser l’investissement locatif pour les nouveaux logements rénovés et mis en location mériterait d’être analysée de près : suppression des abattements sur la plus-value, imposition des revenus locatifs au taux forfaitaire unique, sortie de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière.

V.   Action Logement : un acteur essentiel de la politique du logement qui doit faire face À de multiples dÉfis

Le « 1 % logement » est une initiative paritaire ancienne qui a fait l’objet d’une réforme majeure avec la création du groupe Action Logement en 2017 : si les dispositifs en faveur du logement financés par la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et mis en œuvre par Action Logement font l’objet de critiques portant sur leur pertinence et leur lien diffus avec l’emploi, la nouvelle convention quinquennale 2023-2027 confirme leur rôle majeur dans la politique publique du logement.

A.   La participation des employeurs À l’effort de construction (PEEC) repose sur un hÉritage ancien

Dès la fin du XIXème siècle, de nombreux employeurs, à l’image de la Société mulhousienne des cités ouvrières (SOMCO), décidèrent de fournir des habitations à leurs salariés afin de lutter contre les effets de la pénurie de logement. Dans la continuité de ce mouvement, c’est en 1943 que le dirigeant de la Lainière de Roubaix, Albert Prouvost, propose, en lien avec le patronat et les syndicats de l’industrie textile du Nord, la création d’un comité interprofessionnel du logement (CIL) : son objectif est de regrouper des entreprises qui mutualiseraient une contribution volontaire équivalente à 1 % de leur masse salariale afin de construire des logements. Cette initiative paritaire marque les prémices du « 1 % logement ».

La démarche volontaire de certains employeurs en faveur du logement a été rendue obligatoire pour tous les employeurs exerçant une activité industrielle ou commerciale et occupant au minimum dix salariés par la loi du 11 juillet 1953 ([90]) et le décret du 9 août 1953 pris pour son application ([91]), qui ont ainsi créé la « participation des employeurs à l’effort de construction » (PEEC). Les entreprises pouvaient s’acquitter de cette obligation en effectuant des investissements directs dans la construction de logements ou en versant leur contribution à des organismes collecteurs.

Aujourd’hui, conformément à l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation, la PEEC est la traduction du principe suivant : les employeurs occupant au moins cinquante salariés ([92]) doivent consacrer des sommes au financement d’actions dans le domaine du logement sous la forme d’un versement, mais peuvent se libérer de cette obligation en investissant directement en faveur du logement de leurs salariés.

Alors que le nom de « 1 % logement » est resté dans le langage commun pour désigner la PEEC, son taux a été progressivement diminué de 1 % à 0,45 % en raison de l’affectation graduelle d’une fraction de 0,50 % au fonds national d’aide au logement (FNAL) pour financer les aides personnelles au logement (APL) ([93]) et d’une baisse de 0,05 % pour diminuer la contribution des entreprises.

La PEEC a fait l’objet de ponctions régulières de l’État destinées à contribuer au financement de la politique du logement : ainsi, entre 1995 et 2002, l’État a prélevé 5,1 milliards d’euros sur la PEEC, notamment afin de financer le nouveau prêt à taux zéro. Plusieurs mesures ont depuis été mises en œuvre afin d’assurer la survie du dispositif et de renforcer son utilité :

 placée depuis l’origine sous la responsabilité des partenaires sociaux, la gestion du dispositif de participation des employeurs à l’effort de construction a reposé à partir de 1997 sur l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) ([94]), organisme central fédérant de nombreux comités interprofessionnels du logement (CIL) chargés de collecter la ressource et de l’employer ([95]) ;

– la mise en place d’une relation partenariale avec l’État, à travers des conventions quinquennales dont la première a été signée le 3 août 1998 : en contrepartie du financement par l’UESL des politiques publiques du logement, en particulier le programme national de rénovation urbaine (PNRU) animé par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’État renonçait à tout prélèvement périodique ;

– la création de nouveaux produits à « droits ouverts », c’est-à-dire où l’aide est dissociée de la cotisation. L’objectif est de faciliter l’accès au logement des salariés et d’étendre une partie des aides offertes par la PEEC aux salariés des entreprises non assujetties, voire à des publics non-salariés (étudiants boursiers, primo-accédants au marché du travail, chômeurs).

● En complément de la PEEC, deux autres contributions constituent aujourd’hui un ensemble regroupé sous le nom de « participation à l’effort de construction » (PEC) :

– la participation supplémentaire des employeurs à l’effort de construction (PSEEC), qui désigne la participation volontaire que peuvent verser, au-delà de leur obligation légale, les entreprises assujetties à la PEEC, pour une collecte nette de 7,98 millions d’euros en 2021 ;

– la participation des employeurs agricoles à l’effort de construction (PEAEC), obligatoire depuis 2008 pour les employeurs d’au moins 50 salariés agricoles avec une obligation d’investissement d’un montant minimal de 0,45 % de la masse salariale en contrat à durée indéterminée (CDI) ([96]), dont la collecte nette s’est élevée à 30,4 millions d’euros en 2021.

B.   le groupe Action Logement, CRÉÉ en 2017, finance de nombreux dispositifs qui dÉpassent la vocation d’origine de la peec

La PEEC a changé de dimension avec la création d’Action Logement en 2017 et la convention quinquennale 2018-2022 qui a porté le niveau de ses emplois à un niveau inédit. Alors qu’Action Logement propose désormais de nombreux dispositifs à un large public, la question d’un recentrage autour du lien emploi-logement se pose.

1.   L’organisation du groupe Action Logement

Au regard de la nécessité de mettre fin à une concurrence inutile entre les CIL, de réduire durablement les frais de fonctionnement du réseau et d’articuler la gouvernance paritaire nationale et un dialogue social territorial, une réforme majeure a été menée à l’initiative des partenaires sociaux à partir de 2015 afin de créer un véritable groupe dirigé par une structure faîtière.

Cette volonté de transformation a été traduite par l’ordonnance n° 20161408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction, ratifiée par l’article 102 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « loi ELAN »).

L’ordonnance du 20 octobre 2016 prévoit que le groupe Action Logement remplace l’UESL et les CIL.

oRGANISATION DU groupe ACTION LOGEMENT depuis 2021

Source : rapport annuel statistique et financier 2021 de l’ANCOLS.

Le groupe est désormais composé :

– d’une structure faîtière dite « Action Logement Groupe » (ALG), au statut associatif, chargée du pilotage du groupe Action Logement, des relations avec l’État et de la communication institutionnelle. Elle a notamment pour mission de conclure les conventions quinquennales avec l’État relatives aux emplois de la PEEC, en vertu de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation ;

 d’un « pôle services » dit « Action Logement Services » (ALS), qui devient le seul collecteur de la PEEC et assure la distribution de ses emplois, la DGFiP assurant le recouvrement de cette contribution auprès des entreprises ;

 d’un « pôle immobilier » dit « Action Logement Immobilier » (ALI), qui détient des participations dans des sociétés immobilières, notamment les entreprises sociales pour l’habitat (ESH). Cette entité est chargée de veiller à la mise en œuvre par ses filiales immobilières de la politique immobilière définie par ALG, tout en respectant l’autonomie de gestion de celles-ci.

L’ordonnance n° 2017-52 du 19 janvier 2017 modifiant l’objet de l’Association pour l’accès aux garanties locatives et de l’association Foncière Logement, également ratifiée par la loi ELAN, intègre au groupe :

 l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), prenant notamment en charge la garantie de loyer gratuite VISALE ;

 l’Association Foncière Logement (AFL), en charge de la rénovation urbaine et de la lutte contre l’habitat indigne.

Trois commissaires du Gouvernement sont présents au sein des conseils d’administration de chaque entité du groupe (ALG, ALS, ALI, APAGL et AFL) et disposent d’un droit de veto conjoint sur certaines décisions.

● Malgré son organisation centralisée, principal apport de la réforme de 2016, Action Logement a conservé un ancrage local indispensable à la qualité des liens développés avec les territoires et les entreprises. En 2022, ALS est présent sur plus de 130 implantations, tandis que les filiales immobilières du groupe détiennent des logements répartis dans 5 300 communes et que 155 représentants des collectivités territoriales siègent dans leurs conseils d’administration. En outre, des représentants d’Action Logement sont présents dans 199 offices publics de l’habitat (OPH). Afin d’adapter les actions du groupe aux enjeux propres des bassins d’emploi et d’appuyer les politiques locales de l’habitat et de développement économique, les relations d’Action Logement avec les collectivités s’organisent également par le recours à la contractualisation : 135 conventions territoriales ont ainsi été signées depuis 2018 (hors ANRU).

 Enfin, Action Logement est soumis au contrôle de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS). Cet établissement public administratif a notamment pour mission de contrôler le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables aux organismes du réseau Action Logement ou bénéficiant de ses aides ([97]). L’ANCOLS a également pour compétence d’évaluer la contribution de la PEEC aux catégories d’emploi mentionnées à l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que l’efficience de la gestion, de l’organisation territoriale et de l’ensemble de l’activité consacrée à la mission de construction et de gestion du logement social et des organismes HLM.

L’ANCOLS évalue chaque année les emplois et les ressources de la PEC dans un rapport annuel statistique et financier (RASF) : celui qui porte sur l’exercice 2021 a été approuvé par le conseil d’administration de l’ANCOLS le 26 avril 2023 et publié le 3 juillet 2023.

2.   De nombreux acteurs interviennent dans le fonctionnement de la PEEC

L’utilisation des ressources de la PEEC et la mise en œuvre de ses emplois mobilisent de nombreux acteurs dont les interactions sont présentées dans le schéma ci-dessous.

synthÈse des relations entre les acteurs de la peec en 2021

Note : ce schéma n’inclut pas la société immobilière des chemins de fer français (SICF), filiale de la SNCF, organisme agréé à collecter et à utiliser la PEEC en application du 3° de l’article R.313-22 du code de la construction et de l’habitation.

Source : commission des finances, d’après le RASF 2021 de l’ANCOLS.

Le fonctionnement du secteur de la PEEC repose sur les acteurs suivants :

– ALS, collecteur unique de la PEEC auprès des entreprises après la disparition des CIL et de l’UESL ;

– l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), qui a pour mission de piloter la mise en œuvre de la garantie VISALE ;

– l’Association Foncière Logement (AFL), qui a notamment pour objectif de réaliser des programmes de logements contribuant à la mixité sociale des villes et de proposer aux salariés des entreprises assujetties à la PEEC des logements locatifs de qualité ;

– des agences nationales qui bénéficient de financements issus de ressources de la PEEC, comme l’ANRU ;

– des établissements publics administratifs qui bénéficient des ressources de la PEEC, à l’image du fonds national des aides à la pierre (FNAP) ;

– des personnes physiques : selon les données de l’INSEE, au 1er janvier 2020, environ 17 millions de personnes travaillant dans 253 503 entreprises d’au moins dix salariés peuvent potentiellement bénéficier des emplois de la PEEC ;

– des personnes morales, contrôlées financièrement ou non par le groupe Action Logement, qui sont éligibles à des fonds de la PEC et sont au nombre de 4 418 en 2021 ;

– les entreprises assujetties à la PEEC, qui participent également à travers leurs syndicats représentatifs à la gouvernance d’Action Logement ;

– enfin l’État, qui définit le cadre législatif et réglementaire applicable au secteur et participe à sa gouvernance avec la présence de commissaires du Gouvernement dans les organes de surveillance ou d’administration d’Action Logement.

3.   La convention quinquennale 2018-2022 : des objectifs très ambitieux pour des résultats perfectibles

Considérant les délais nécessaires à l’action dans le secteur du logement, les ressources de la PEEC perçues par ALS, la nature et les règles d’utilisation des emplois, ainsi que les enveloppes minimales et maximales consacrées à chaque emploi ou catégorie d’emplois, sont fixés par une convention conclue entre l’État et ALG pour une durée de cinq ans ([98]).

 L’activité du nouveau groupe a ainsi été régie d’abord par la convention 2015-2019, en vigueur lors de la réforme de 2016, puis par une nouvelle convention couvrant les années 2018-2022 signée le 16 janvier 2018 entre l’État et Action Logement pour un montant global de 15,02 milliards d’euros d’emplois PEEC.

Un premier avenant, intervenu en compensation du relèvement du seuil d’assujettissement à la PEEC de vingt à cinquante salariés et de l’extension de trois à cinq ans de la règle de gel des effectifs pour le passage des seuils, a été signé le 24 mai 2018 pour un montant d’1,2 milliard d’euros de ressources PEEC. Toutefois, alors que 620 millions devaient être versés au titre des années 2021 et 2022, ALS n’a bénéficié d’aucune compensation.

Un deuxième avenant, relatif au plan d’investissement volontaire (PIV), a été signé le 25 avril 2019 pour une enveloppe supplémentaire d’emplois PEEC de 9 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros ont été déclinés dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Ce plan vise à faciliter l’accès au logement des salariés et à favoriser leur mobilité.

Enfin, l’avenant dit « relance » conclu le 15 février 2021 modifie le montant du PIV dans un intervalle compris entre 8,9 et 9,2 milliards d’euros et augmente celui la convention quinquennale à 17,09 milliards d’euros.

 

RESSOURCES 2018-2021 D’ACTION LOGEMENT

(en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

Cumul 2018-2021

Contribution brute des entreprises (A)

1 803

1 866

1 665

1 615

6 949

Remboursement collecte en prêt (B)

– 140

– 160

– 126

– 170

– 596

Collecte nette (A–B)

1 663

1 706

1 539

1 445

6 353

Retours sur prêts

1 273

1 210

1 199

1 173

4 855

Compensation de l’État

0

0

238

0

238

Total ressources PEEC

2 936

2 916

2 976

2 618

11 446

Emprunts

0

1 000

0

2 000

3 000

Source : RASF 2020 et 2021 de l’ANCOLS.

Au titre du quatrième exercice de la période quinquennale 2018-2022, les emplois cumulés réalisés s’élèvent à 9,506 milliards d’euros, pour un montant des objectifs fixés à 14,741 milliards d’euros, soit 63,4 % d’avancement. Le taux de réalisation s’élève à 58,7 % pour les concours aux personnes physiques, 59,9 % pour les personnes morales et 83,8 % pour les politiques publiques nationales fin 2021. Les emplois cumulés réalisés dans le cadre du PIV s’élèvent à 1,736 milliard d’euros. Au regard du niveau de réalisation des engagements à la fin de l’année 2021 et des objectifs fixés pour 2022, l’ANCOLS juge « peu probable » qu’Action Logement puisse répondre à l’ensemble des engagements conclus avec l’État dans le cadre de la convention 2018-2022 et de ses avenants successifs.

Pourtant, le taux de réalisation des emplois de la convention quinquennale serait de 97 % et de 90 % pour le PIV à la fin de l’année 2022 selon Action Logement : 6,1 milliards d’euros d’aides auraient été apportés aux personnes physiques, 13,2 milliards d’euros pour la production de logements sociaux et intermédiaires et 4,8 milliards d’euros aux politiques nationales via le financement de l’ANRU, du FNAP et des agences départementales d’information sur le logement (ADIL). Malgré ce haut niveau d’exécution, des disparités sont à relever dans la consommation des différentes enveloppes : les aides du PIV DROM (69 % de l’objectif atteint) et les financements ACV (52 % de l’objectif atteint sur les subventions) ont ainsi fait l’objet de sous-consommations.

● Il convient de relever que des objectifs de la convention sont modifiés en cours de mise en œuvre par simple décision du conseil d’administration d’Action Logement depuis 2021 : ce fut le cas à deux reprises en 2021 et à trois reprises en 2022. En outre, l’avenant PIV et l’avenant « Relance » ne mentionnent plus d’enveloppes minimales et maximales. Pour l’ANCOLS, ces révisions successives des objectifs ainsi que les modifications in itinere des règles encadrant la pluriannualité et la fongibilité des emplois de la PEEC « complexifient (…) sans toujours se justifier, l’évaluation de la convention quinquennale ». Il en ressort un équilibre insatisfaisant, où les parties prenantes à la convention « ont privilégié la réactivité sur la réalisation de leurs engagements et les moyens de son suivi ».

À l’heure du bilan, le pilotage de la convention quinquennale 2018-2022 peut être remis en question. L’ANCOLS relève que les objectifs attribués à certains dispositifs d’emplois de la PEEC ont été « souvent mal définis » et ont donné lieu à des révisions et des redéploiements de crédits en cours d’exécution de la convention quinquennale : les objectifs de ventes de logements HLM ou de transformation de bureaux en logements n’auraient pas été correctement évalués selon les besoins et les contraintes opérationnelles, conduisant à une allocation sous-optimale des ressources de la PEEC. Ainsi, les rapporteurs seront attentifs à la qualité et aux modalités du suivi annuel des réalisations de la prochaine convention quinquennale.

 Concernant l’exécution du PIV, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève certains facteurs d’amélioration : ainsi, le lancement de filiales d’Action Logement immobilier (ALI) afin de répondre à des enjeux comme la transformation des bureaux en logements et la rénovation des établissements médico-sociaux auraient eu des résultats contrastés malgré les moyens importants mis à disposition.

4.   Action Logement propose aujourd’hui de nombreux dispositifs soutenant les politiques publiques du logement

Action Logement développe aujourd’hui de multiples dispositifs en faveur du logement destinés principalement, mais pas uniquement, aux salariés.

a.   Les aides à l’accession au logement

● ALS développe des aides afin de répondre aux besoins des salariés en matière d’accession au logement. Les engagements financiers (en subventions, prêts ou garanties) ont permis d’augmenter le nombre de ménages bénéficiaires ainsi que les montants engagés depuis 2018.

En 2022, le groupe a délivré 805 000 aides et services aux salariés des entreprises pour un montant de 1,3 milliard d’euros, dont un tiers en soutien à la mobilité professionnelle (+18 % par rapport à 2021), 282 541 garanties Visale pour permettre aux salariés à revenus modestes d’accéder au parc locatif privé et 105 241 attributions locatives.

montants engagés pour les aides aux personnes physiques
par action logement entre 2018 et 2022

Source : réponse d’Action Logement au questionnaire des rapporteurs.

Le nombre de salariés accompagnés est passé de 310 000 à 510 000 de 2018 à 2022. En y ajoutant les attributions locatives, les dispositifs du PIV et l’accompagnement des salariés en difficulté, le nombre de salariés aidés est passé de 550 000 à 800 000 de 2018 à 2022, soit une progression de 45 %.

Près de 16 000 salariés ont bénéficié de prêts afin d’améliorer la solvabilité de leur projet d’accession en 2022. À ce titre, le conseil d’administration d’ALG du 19 décembre 2022 a validé le principe d’une actualisation semestrielle des taux d’intérêts pour les prêts pratiqués par ALS : pour les prêts accession et les prêts travaux, les taux sont ainsi passés de 0,5 à 1,5 % au 1er mars 2022. Si l’impact de ce relèvement de taux est encore difficile à anticiper avec précision, Action Logement a indiqué aux rapporteurs que ces prêts « n’ont qu’un effet de levier » et ne sont « souvent pas suffisants pour obtenir un accord des banques sur un plan de financement global ».

Action Logement propose également un conseil en financement et en accession aux salariés qui souhaitent devenir acquéreurs : plus de 15 000 salariés ont pu bénéficier de ce service en 2022.

nombre de bénéficiaires des aides aux personnes physiques peec
entre 2018 et 2022

Source : réponse d’Action Logement au questionnaire des rapporteurs.

● La garantie Visale est une caution locative gratuite proposée par Action Logement qui dispense le locataire de présenter toute autre caution au propriétaire bailleur. En cas de défaillance de paiement, elle garantit le paiement du loyer et des charges locatives au propriétaire jusqu’à l’équivalent de 36 mensualités dans le parc locatif privé et de neuf mensualités dans le parc social. Ces sommes seront ensuite remboursées à Action Logement par le locataire selon un échéancier aménagé.

Ce dispositif est ouvert à un large public et concerne :

– les personnes dont l’âge est compris entre 18 et 31 ans, quelle que soit leur situation professionnelle, y compris étudiant ou alternant ;

– les personnes âgées de plus de 31 ans salariées d’une entreprise du secteur privé et justifiant d’un salaire mensuel net inférieur ou égal à 1 500 euros, ou les personnes en CDI en période d’essai ou en CDD depuis moins de 6 mois ou en promesse d’embauche ou en mutation ;

– les personnes bénéficiant d’un bail mobilité, sans condition d’âge.

La garantie Visale permet d’accompagner les populations solvables qui ne respectent pas les critères habituels exigés par les bailleurs et de faciliter l’accès au logement de candidats locataires qui, du fait de leur profil (jeunes ou salariés précaires), ont davantage de difficultés à convaincre les bailleurs.

En juin 2021, Visale a élargi son périmètre d’éligibilité (inclusion des salariés de plus de 31 ans disposant d’un revenu net mensuel inférieur ou égal à 1 500 euros) : plus de 13 600 contrats ont été émis à ce titre, soit un résultat supérieur à l’objectif fixé à 4 713 contrats pour 2022.

Avec 282 541 contrats souscrits en 2022, Visale a connu une croissance de 24 % par rapport 2021. En juin 2023, plus d’un million de ménages ont bénéficié de Visale depuis le lancement du dispositif.

évolution du nombre de contrats VISALE émis par public
au 1er janvier 2023 (en cumulé)

Note : les salariés figurent en pointillé car ils constituent une sous-catégorie répartie dans l’ensemble des publics.

Source : Action Logement.

La population cible, c’est-à-dire les salariés, en incluant les alternants, représente 47 % des bénéficiaires d’un contrat Visale : ce dispositif profite donc également largement à l’accès au logement de populations autres, comme les étudiants et les personnes sans emploi. Selon Action Logement, 79 % des contrats location conclus avec Visale ne l’auraient ainsi pas été sans ce dispositif.

Les partenaires sociaux s’opposent à tout élargissement de Visale qui « mettrait en péril à la fois l’équilibre financier du dispositif et l’avantage comparatif qu’il procure envers des candidats locataires hors marché ». Les rapporteurs partagent l’idée qu’une extension du dispositif Visale trop large, pouvant aboutir à une forme d’universalité de la couverture, ne permettra pas une action corrective efficace des inégalités d’accès et de maintien dans un logement locatif.

● En complément de la garantie Visale, d’autres dispositifs d’aide à la mobilité visent à favoriser l’accès au logement d’un public qui va au-delà des seuls salariés du secteur privé.

L’aide « MOBILI-JEUNES » est une subvention d’un montant compris entre 10 et 100 euros permettant de prendre en charge une partie d’un loyer chaque mois pendant toute la période de formation professionnelle, pour une durée maximale d’un an. Le demandeur doit avoir moins de 30 ans, être salarié d’une entreprise du secteur privé ou assimilé et être en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. 160 265 alternants ont bénéficié de cette aide et 41 % des bénéficiaires estiment que, sans cette aide, ils auraient peut-être dû refuser leur contrat d’apprentissage ou d’alternance.

L’aide « MOBILI-PASS » est distribuée sous forme d’une subvention allant jusqu’à 2 200 euros, afin de financer les frais d’accompagnement à la recherche d’un logement par un opérateur spécialisé, mais également d’un prêt au taux de 1 %, d’une durée maximum de 36 mois, visant à financer une partie des dépenses liées à la mobilité professionnelle (par exemple les frais d’agence immobilière). Elle est destinée aux salariés d’une entreprise du secteur privé non agricole d’au moins dix salariés qui doivent changer de résidence sur le territoire français à la suite d’une embauche, d’une mutation, ou d’un déménagement de l’entreprise. Dans le cadre de l’évaluation de la première partie de la convention quinquennale réalisée en 2021, il est apparu que 10 % des bénéficiaires estiment que, sans cette aide, ils auraient dû refuser l’emploi qui a induit leur mobilité professionnelle. L’enveloppe 2023 allouée à l’aide MOBILI-PASS a été épuisée le 30 juin 2023 après avoir bénéficié à plus de 16 000 salariés. Les partenaires sociaux ont décidé de mettre fin à ce dispositif, dont le budget était insuffisant au regard du million de salariés concernés chaque année par une mobilité professionnelle ([99]). Un nouveau produit lié à la mobilité devrait être proposé dans le cadre de la convention quinquennale 2023-2027.  

L’avance « LOCA-PASS » est un prêt à taux zéro qui permet de financer le dépôt de garantie exigé pour la signature du bail pour une résidence principale. Elle ne peut excéder 1 200 euros remboursables sur une durée de 25 mois maximum. Cette aide est accessible à un public élargi :

– les salariés du secteur privé non agricole, sans condition d’âge ;

– les personnes de moins de 30 ans en formation professionnelle ou en recherche d’emploi ;

– les étudiants salariés (CDD ou stage) et boursiers d’État.

55 % des aides LOCA-PASS sont mobilisées par un public de moins de 30 ans et 55 % des bénéficiaires ont des revenus inférieurs au SMIC.

Des réflexions en cours afin de développer une offre de logement au bénéfice des agents publics

Si les salariés du secteur privé sont les principaux bénéficiaires des dispositifs mis en œuvre par Action Logement, la problématique du logement des agents publics apparaît également comme un enjeu majeur pour les rapporteurs. En effet, il n’est pas acceptable que des agents qui remplissent des missions de service public essentielles se retrouvent contraints à faire des heures de trajet chaque jour pour rejoindre leur lieu de travail.

En 2015, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique avait confié à M. Alain Dorison une mission visant à proposer des mesures permettant de favoriser l’accès au logement des agents publics, dont les conclusions ont été présentées le 14 juin 2016. Les recommandations de M. Dorison, auditionné par les membres de la mission d’information, ont retenu l’attention des rapporteurs par leur caractère innovant.

Après un travail de recensement des besoins en matière de création de logements et des biens publics pouvant faire l’objet d’opérations de construction dans le cadre de cessions ou de baux, l’idée serait de conjuguer l’apport de foncier par les personnes publiques grâce à des instruments juridiques adaptés, comme le bail emphytéotique, avec les capacités de financement d’investisseurs extérieurs. Concernant le financement, le rapport de la mission proposait notamment la création d’un fonds dédié prioritairement au logement des agents publics réunissant l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), dont les conditions d’investissement immobilier seraient assouplies, et d’autres investisseurs institutionnels. Toutefois, à part l’apport de trois terrains provenant du ministère de la justice, aucune suite tangible n’a été donnée. Les rapporteurs estiment que des expérimentations de ce modèle pourraient être engagées dans les communes en tension avec les ministères volontaires.

Si certains dispositifs existent déjà au bénéfice du logement des agents de l’État, comme la prestation individuelle d’aide à l’installation des personnels de l’État (AIP) ainsi que les dispositifs de logement temporaire et de réservation des logements conventionnels, une réflexion est aujourd’hui menée par le ministère de la transformation et de la fonction publique afin de porter une politique interministérielle de l’accès au logement des agents publics. Ainsi, l’axe logement est un des six engagements du programme Fonction Publique +. Parmi les pistes d’actions à l’étude, sont identifiées notamment une amélioration de l’appariement entre l’offre et la demande dans le cadre de dispositifs existants (par exemple la bourse au logement des agents de l’État ou « BALAÉ »), une réflexion sur des baux destinés aux agents publics, soumis à clause de fonction, enfin le renforcement de partenariats permettant de mobiliser davantage de foncier à destination des agents publics.

Le 10 juillet 2023, le ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé quatre premières mesures portant sur le logement des agents publics :

– la mise en place d’une plateforme d’offres de logements dédiée aux agents publics, regroupant les aides et les informations à leur disposition ;

– la signature d’une convention entre l’État, l’Union sociale pour l’habitat (USH) et la fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM afin d’accompagner les agents dans leur parcours d’accès à la propriété ;

– une mission portant sur « les outils à mobiliser pour améliorer l’accès au logement des agents publics », confiée au député M. David Amiel ;

– la construction de 500 logements en Île-de-France.

b.   Le soutien au secteur du logement social

Action Logement, est aujourd’hui le premier producteur de logements sociaux en France. Les sociétés filiales d’Action Logement Immobilier (ALI) gèrent un parc de 1,1 million de logements, soit 18,3 % du parc social à la fin de l’année 2021. En cinq ans, elles ont obtenu 31,3 % des agréments de logements sociaux délivrés par l’État, soit presque autant que l’ensemble des autres ESH réunies et plus que l’ensemble des OPH (22,9 %), qui gèrent un parc de 2,4 millions de logements.

Action Logement, deuxième financeur du secteur HLM, a confirmé son apport à la construction et au secteur du logement social en 2022 avec notamment :

– 33 015 agréments pour des logements sociaux délivrés, ainsi que 10 029 autorisations à construire des logements intermédiaires grâce aux cinq filiales dédiées d’ALI ([100]) ;

– 28 157 logements neufs livrés et 30 346 nouveaux logements mis en chantier ;

– 3 200 millions d’euros en prêts, subventions et dotations en fonds propres des organismes du logement social (OLS), en faveur du logement abordable.

En outre, Action Logement loge chaque année, à travers les réservations d’ALS et le contingent de ses bailleurs, une majorité de salariés d’entreprises mais aussi plus de 23 000 ménages identifiés comme étant prioritaires, notamment dans le cadre du droit au logement opposable (DALO).

Dans son rapport d’octobre 2022 sur la contribution de la participation à l’effort de construction (PEC) au financement du logement social, l’ANCOLS souligne que l’apport d’Action Logement dans le financement du logement social « est en augmentation en 2021 par rapport aux années précédentes, mais reste modeste (6,6 % du total des financements) au vu des besoins du secteur du logement social ». 100 000 logements ont été financés en 2021 pour un total de 13,7 milliards d’euros : Action Logement y a contribué pour 897,3 millions d’euros.

Enfin, Action Logement a fait part aux rapporteurs d’une mesure qui permettrait de réaliser des économies substantielles, sans avoir toutefois transmis le détail de son calcul. En effet, l’administration fiscale communique chaque année aux services du ministre chargé du logement les informations nécessaires à la détermination et au contrôle de l’éligibilité des demandeurs d’accès à un logement social ([101]). Action Logement estime que l’automatisation du transfert des données fiscales pour assurer le calcul des surloyers permettrait une économie globale de 100 millions d’euros.

c.   Le financement du renouvellement urbain et des politiques locales de l’habitat

● Action Logement est également un financeur de la mise en œuvre de la politique publique du renouvellement urbain et des politiques locales de l’habitat, comme le souligne l’engagement de :

– 552 millions d’euros pour la revitalisation des centres-villes dans le cadre du programme national « Action Cœur de Ville ». Au total, 1,4 milliard d’euros ont été investis pour une offre nouvelle de 25 220 logements. « Action Cœur de Ville » a pour objectif de redynamiser le centre des villes moyennes : il a été prolongé jusqu’en 2026 et son financement est intégré à la convention quinquennale 2023-2027 entre l’État et Action Logement (cf. infra) ;

– 418 millions d’euros en prêts aux bailleurs sociaux pour financer des opérations de renouvellement urbain et 540 millions d’euros en subventions versées à l’ANRU pour le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). En contrepartie de ce financement, Action Logement obtient des droits de réservation sur les futurs logements ainsi que des terrains ou des droits à construire ;

– 1,1 milliard d’euros depuis 2019 pour l’habitat ultra-marin.

En outre, dans le cadre du PIV signé en avril 2019 avec l’État, Action Logement a mis en place un nouveau programme afin d’accompagner dans la réhabilitation énergétique de leur patrimoine les salariés du secteur privé (propriétaires occupants ou propriétaires bailleurs) ayant des ressources modestes correspondant aux plafonds de l’ANAH. Près de 70 000 dossiers ont été engagés pour 1,2 milliard d’euros. L’ANCOLS émet toutefois des réserves sur l’impact réel des prêts et subventions aux personnes physiques prévus dans le PIV pour favoriser la rénovation énergétique.

5.   Une allocation des emplois de la PEC qui interroge sur le lien emploi-logement

Les emplois de la PEC, qui déterminent son efficacité et son utilité, sont établis en tenant compte à la fois de la continuité́ des missions d’utilité́ sociale déployées par Action Logement et de la nécessaire allocation des ressources aux activités prioritaires.

Si le groupe Action Logement répond plutôt bien dans l’ensemble à la variété des objectifs qui lui sont fixés, les rapporteurs se demandent s’il ne serait pas pertinent de remettre le lien emploi-logement au cœur des dispositifs. En effet, les salariés des entreprises contribuant à la PEC ne sont pas forcément les principaux bénéficiaires des aides versées par Action Logement, ces dernières poursuivant des objectifs multiples de politiques publiques. Ainsi, les rapporteurs souhaitent souligner plusieurs enjeux d’efficience au regard des emplois de la PEC :

– le devenir des emplois dits « classiques », c’est-à-dire, d’une part, les prêts et subventions aux organismes de logement social, et d’autre part, les prêts directs aux salariés. Les premiers ont une efficience reconnue et font logiquement l’objet d’ajustements permanents dans leurs modalités. On peut toutefois s’interroger sur le non-recours des organismes de logement social hors Action Logement à certaines subventions, en raison de l’inadéquation de leur effet levier et du mécanisme de droits de réservation qui semble ajouter une complexité à la politique locale de droits d’attributions. Quant aux prêts directs aux salariés, du fait de la baisse des taux d’intérêt du marché intervenue depuis les années 2000, ils ont une efficacité très faible. La remontée des taux intervenus depuis 2021 n’a pas modifié ce jugement jusqu’ici. Pour autant, les résistances face à l’arrêt de ce type d’emploi restent fortes ;

– le ciblage sur les salariés et les territoires : le ciblage plus ou moins social est un point sensible alors que la liste des ménages en attente d’un logement social s’allonge et que les populations démunies ou en difficulté sont la cible privilégiée des politiques publiques, particulièrement depuis le début des années 1990. Si de telles aides s’éloignent du cœur du lien emploi-logement, les partenaires sociaux veillent à maintenir un soutien au logement des jeunes actifs et à la mobilité professionnelle ;

 le niveau « acceptable » de la participation aux politiques publiques : si les programmes nationaux contribuent à l’amélioration du cadre de vie et du retour vers l’emploi, le risque majeur serait de faire de la PEC une variable budgétaire d’ajustement pour compenser une forme de retrait de l’État.

L’ANCOLS souhaite qu’Action Logement poursuive les réflexions sur « les conditions d’éligibilité à ses produits afin d’améliorer leur distribution et leur efficacité en termes d’effet de levier ». En effet, les aides destinées aux personnes physiques sont concurrencées par d’autres dispositifs proposés par l’État et par les banques privées, notamment celles portant sur l’accession à la propriété ou la rénovation des logements. La mise en place d’un guichet unique pourrait permettre de répondre à la multiplicité des dispositifs d’aides existants.

Enfin, à l’instar de l’ANCOLS, les rapporteurs s’interrogent sur le lien très tenu avec la PEC de certains nouveaux emplois décidés à la suite du PIV : c’est le cas pour l’ENEAL, société foncière dont l’objectif est de racheter et de rénover des établissements médico-sociaux à but non lucratif, ou encore de la création d’espaces de coworking (« cotravail »).

Recommandation : Engager une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la PEC sur les besoins des entreprises contributrices en matière de logement de leurs salariés.

C.   Alors que la pec fait l’objet de critiques rÉcurrentes sur son coÛt et sa pertinence, le groupe action logement a su globalement en améliorer la gestion

Les ressources de la PEC, qui constituent aujourd’hui une source significative de financement de la politique du logement en France, font l’objet de critiques sur leur gestion et leur pertinence auxquelles Action Logement a su répondre progressivement.

1.   Une augmentation massive des emplois de la PEC depuis 2019

En 2020, selon les données indiquées dans le RASF pour l’année 2021 de l’ANCOLS, 45 607 entreprises d’au moins 50 salariés et employant 12,4 millions de personnes sont assujetties à la PEEC, tandis que 17 millions de personnes salariées de 253 503 entreprises d’au moins dix employés peuvent accéder aux emplois de la PEEC.

Ressources et emplois de la pec de 2019 À 2021

(en millions d’euros)

 

2021

2020

Évolution 2021/2020

2019

Évolution 2020/2019

Ressources PEEC

2 562,7

2 923,0

 12,3 %

2 863,6

+ 2,1 %

Total des emplois PEEC

Convention quinquennale 2018-2022

2 765,7

2 134,2

+ 29,6 %

2 009,5

+ 6,2 %

PIV

2 832,2

1 728,4

+ 63,9 %

Aides Covid

18,3

24,3

– 24,6 %

Loi de finances

1 000

500

+ 100 %

 

6 616,1

4 386,9

+ 50,8 %

2 009,5

+ 118,3 %

Total des ressources PEC (*)

2 623,2

2 985,6

 12,1 %

2 937,2

+ 1,6 %

Total des emplois PEC (*)

Convention quinquennale 2018-2022

2 789,9

2 247,2

+ 24,1 %

2 120,9

+ 6,0 %

PIV

2 869,6

1 741,0

+ 64,8 %

Aides Covid

19,05

24,8

– 23,2 %

Loi de finances pour le FNAL

1 000

500

+ 100 %

 

6 678,5

4 513,0

+ 48,0 %

2 120,9

+ 112,8 %

Ressources et emplois PEC (*)

 4 055,3

 1 527,3

+ 165,5 %

816,3

 287,1 %

(*) L’acronyme PEC désigne à la fois la PEEC (participation des employeurs à l’effort de construction), la PEAEC (participation des employeurs agricoles à l’effort de construction) et la PSEEC (participation supplémentaire des employeurs à l’effort de construction). 

Source : commission des finances, d’après le RASF 2021 de l’ANCOLS.

Les emplois de la PEC ont augmenté d’environ 50 % entre 2020 et 2021 : ALS a décaissé près de 6,7 milliards d’euros en 2021, contre 4,5 milliards d’euros en 2021, dans le cadre de la convention quinquennale 2018-2022, du PIV signé avec l’État en avril 2019 et de l’avenant « Relance » du 15 février 2021.

Dans le même temps, la collecte PEC brute est en diminution de 10,8 %, en raison principalement de la fin de la compensation par l’État des mesures introduites par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises dite « PACTE », et s’élève à 1 615 millions d’euros. Les ressources totales de la PEC, qui incluent les retours de prêts, s’établissent à près de 2,6 milliards d’euros en 2021.

Ainsi, en 2021, le solde des ressources et emplois de la PEC est en déficit à hauteur de 4,06 milliards d’euros alors qu’il était encore excédentaire à hauteur de 816 millions d’euros en 2019. Pour financer cet excédent d’emplois en 2021, ALS a émis deux emprunts obligataires pour un montant total de 2 milliards d’euros et utilisé à hauteur d’1,6 milliard d’euros sa trésorerie. Depuis 2019, ALS a levé au total 3 milliards d’euros de ressources.

L’ANCOLS juge néanmoins dans son RASF pour l’année 2021 que la situation financière d’ALS « reste solide ». Si la trésorerie d’ALS s’établit à 2,6 milliards d’euros fin 2021, en diminution d’1,6 milliard d’euros par rapport à 2020, les entités du groupe Action Logement représentent 70,8 % des 2,6 milliards d’euros accordés aux personnes morales en 2021 si l’on inclut les dotations en fonds propres : la diminution de la trésorerie d’ALS s’explique donc en partie par un transfert vers les filiales du groupe.

2.   Des critiques persistantes sur le coût et la gestion de la PEC

Plusieurs critiques sur le coût de la PEC ont été formulées dans des rapports successifs, comme celui du « Comité action publique 2022 » publié en juin 2018. Il était alors avancé que cette ressource dédiée devrait être diminuée, voire supprimée, puisqu’elle ne démontrerait pas sa pertinence et s’éloignerait du lien entre le logement et l’emploi.

Dans un rapport non publié de janvier 2020, l’IGF proposait de confier la collecte de la PEEC aux Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et de l’intégrer au budget de l’État, pointant un coût excessif. Toutefois, si en 2017 la collecte était au format papier, elle est depuis 2019 entièrement dématérialisée : son coût est désormais inférieur à 0,1 % des sommes collectées et s’élève à 1,5 million d’euros.

En outre, l’ANCOLS avait constaté en 2019 que l’ensemble des entreprises versait en moyenne un montant de PEEC qui représentait 0,43 % de la masse salariale, contre un taux réglementaire de 0,45 %. Selon les informations communiquées par l’ANCOLS aux rapporteurs à la suite de ses échanges avec la DGFiP, les services fiscaux ne réaliseraient pas de contrôle global du montant de la PEEC : cette dernière ne ferait l’objet de vérifications que lors des contrôles fiscaux des entreprises.

Si la mission-flash du Sénat de 2020 décrit Action Logement comme un « héritage à préserver » ([102]), elle énumère également plusieurs axes structurels d’amélioration partagés par les rapporteurs :

 le premier axe d’amélioration concerne une « ligne hiérarchique » insuffisamment identifiée qui empêche la fixation d’une stratégie de long terme et ne permet pas à l’État d’avoir un interlocuteur doté de pouvoirs suffisants pour lui garantir le respect de la convention quinquennale, notamment sur le volet des frais de fonctionnement ;

 le deuxième axe porte sur le lien avec les entreprises cotisantes et les salariés qui s’est pour partie perdu avec des structures nationales soumises à l’obligation de servir d’autres publics ;

 le troisième axe est celui du lien avec les territoires et les élus qui semble s’être dilué avec la réforme et qui gêne le déploiement des politiques et leur adaptation ;

 enfin, il subsiste une interrogation sur la part respective des interventions sous forme de prêts et sous forme de subventions. Action Logement a beaucoup développé les prêts, ce qui est pertinent dans de nombreux cas et permet de lisser les ressources financières du groupe. Toutefois, que ce soit pour assurer la construction de logements sociaux ou aider les particuliers, le contexte de taux en hausse et la crise économique pourraient conduire à modifier cet équilibre.

En outre, ALS est tenue d’intervenir de façon équitable aussi bien auprès des offices publics de l’habitat (OPH) que des entreprises sociales de l’habitat (ESH), contrôlées ou non par Action Logement. Comme le relève l’ANCOLS, des questions se posent sur le respect du principe législatif de non-discrimination des emplois de la PEC ([103]), puisque les deux tiers des 6,9 milliards d’euros versés aux personnes morales entre 2018 et 2021 l’ont été à des entités du groupe Action Logement, soit « très largement au-delà du poids de ces filiales dans le secteur ».

De son côté, Action Logement avance que les financements accordés par ALS aux bailleurs sociaux en 2022 respectent le principe de non-discrimination : les ESH du groupe et les In’li (filiales d’ALI chargées du logement intermédiaires) ont bénéficié de 31,3 % des fonds de la PEEC destinés aux personnes morales (soit 1 454 millions d’euros sur un total de 4 649 millions d’euros) pour 32,1 % des agréments de logements sociaux et intermédiaires obtenus. Les rapporteurs considèrent que cette question devrait faire partie des priorités des prochains contrôles de l’ANCOLS.

La Cour des comptes dresse un bilan contrasté de la réforme de 2016

Dans un rapport publié en 2021 ([104]), la Cour des comptes souligne que la réforme d’Action Logement adoptée en 2016 par voie d’ordonnance et mise en
œuvre en 2017 « n’a pas opéré de véritable rupture avec l’histoire et le modèle initial de la PEEC », le nouveau dispositif conservant en particulier sa gouvernance paritaire et ses principes d’action, réaffirmés dans la convention signée avec l’État en 2018.

Elle note qu’« une clarification dans la méthode et le fonctionnement du paritarisme semble nécessaire » et relève une « présence trop modeste de l’État dans le fonctionnement du groupe ».

Selon la Cour, des actions devront être menées afin de rendre l’organisation du groupe plus simple, plus économique et plus transparente, de déterminer les conditions d’un équilibre durable entre un pilotage efficace du groupe et une marge de manœuvre efficiente de ses entités et de renforcer la transparence et l’information du public sur l’utilisation de la ressource PEEC.

La Cour des comptes précise qu’un bilan des résultats obtenus sur la convention quinquennale 2018-2022 pourrait donner lieu au cours de l’année 2023 à l’établissement d’un nouveau rapport de la Cour à destination du Parlement.

3.   Action Logement a apporté des premières réponses aux critiques formulées

Action Logement, dont les difficultés de gouvernance ont pu être mises en lumière par différents rapports, a souhaité se moderniser ces dernières années. La DHUP note les efforts du groupe depuis 2020 : la nouvelle structuration de la gouvernance aurait permis d’améliorer l’efficience de l’ensemble de ses activités et conduit à une augmentation de 40 % des aides et services en faveur du logement des salariés.

Comme évoqué précédemment, la diminution du coût de la collecte de la PEEC (moins de 0,10 % dès 2019) grâce à la numérisation est une preuve de la rationalisation de l’activité d’Action Logement. En outre, les implantations immobilières d’ALS ont été réduites : ALS compte 138 implantations début 2023, contre 278 en 2016, et le nombre de filiales immobilières ESH ou de logement intermédiaire est passé de 86 avant réforme à 53 en 2022. Enfin, les participations minoritaires d’ALI ont été réduites de façon importante : alors que 427 filiales étaient détenues à plus de 50 % fin 2016, elles étaient 180 fin 2021.

En outre, depuis 2019, ALG et ALI ont déployé des procédures de gestion des risques, daudit, de contrôle interne et de protection des données personnelles. ALG a établi une politique en matière de rémunération, d’achat responsable et de développement des compétences, ainsi qu’un socle d’engagements relatifs à la responsabilité sociale des entreprises. L’ANCOLS relève que « la séparation des prérogatives entre ALG et ALS semble mieux appréhendée » et qu’ALG « apparaît mieux centrée sur ses prérogatives légales ».

Concernant la réduction des coûts de fonctionnement du groupe, le débat demeure, alors que l’ANCOLS relève que « la définition des frais de fonctionnement dans la convention quinquennale et l’avenant du PIV ne précise pas les rubriques du compte de résultat devant être intégrées dans le recensement des frais ».

Action Logement affirme avoir tenu ses engagements avec une baisse de ses frais de fonctionnement de 11 % entre 2018 et 2022 : les frais de fonctionnements réalisés en 2022 seraient de 302,7 millions d’euros, avec la majorité des économies portées par ALS, contre 339,5 millions d’euros en 2018. Le surcroît d’activité lié au PIV aurait généré 179 millions d’euros de frais de fonctionnement sur la période 2019-2022, soit des coûts nettement inférieurs à l’enveloppe de 278 millions d’euros négociée avec l’État. Ainsi, la trajectoire de coûts de la convention quinquennale et du PIV respecterait le plafond cumulé 2018‑2022 de 1,875 milliard d’euros.

Toutefois, la DHUP précise que le plafond cumulé intègre un relèvement lié au PIV : en comparant les frais de fonctionnement de 2018 (339,5 millions d’euros) aux frais totaux de 2022, convention quinquennale et PIV compris, qui s’élèvent à 360 millions d’euros, les dépenses de fonctionnement du groupe sont bien en hausse par rapport à 2018. Ainsi, la DHUP avance que les coûts de fonctionnement d’Action Logement auraient augmenté de 5 % entre 2018 et 2022, alors qu’ils devaient à l’origine diminuer de 10 % dans le cadre de la convention quinquennale.

D.   L’avenir du groupe est confortÉ dans le contexte de la nouvelle convention quinquennale 2023-2027

La nouvelle convention quinquennale 2023-2027 conforte le rôle d’Action Logement dans un contexte d’incertitudes pour les ressources du groupe, affectées par plusieurs éléments extérieurs, et de tensions globales sur le secteur du logement.

1.   La PEC et le groupe Action Logement : des acquis à préserver dans un contexte de fortes tensions sur le secteur du logement

La première exigence pour les rapporteurs est de préserver la PEC comme ressource dédiée au logement. À l’instar des conclusions de la mission flash du Sénat de 2020, les rapporteurs ne sont aujourd’hui pas favorables à la budgétisation de la PEEC. Concernant l’opportunité de baisser le taux de 0,45 % de la PEEC au regard d’une conjoncture passée favorable, les tensions actuelles sur le secteur du logement et la relative diminution de la collecte en 2021 appellent à ne pas modifier ce paramètre. La baisse du taux conduirait Action Logement à revoir son niveau d’intervention et notamment à diminuer le montant de ses versements aux programmes nationaux (ANRU, Action Cœur de Ville, aides aux DROM), alors qu’aucune ressource alternative crédible n’a pu être identifiée par les personnes auditionnées par les rapporteurs.

Certains acteurs auditionnés par la mission d’information, comme la fédération des OPH, plaident pour un fléchage différencié d’une partie de la ressource, par exemple en faveur des autorités organisatrices de l’habitat (AOH) ([105]) à la suite d’une application jugée non satisfaisante du principe de non-discrimination. Cependant, il semble que l’affectation d’une fraction de la PEEC aux AOH ne garantirait pas en elle-même une meilleure application du principe de non-discrimination. En outre, une telle affectation poserait une question de cohérence avec les aides à la pierre délivrées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP), dont une part est déjà déléguée aux collectivités. Au regard de la création récente des AOH et des résultats encourageants d’Action Logement, cette proposition d’affectation ne semble pas en mesure de répondre à court terme à l’amélioration des conditions de logement des salariés. Cette option présente par ailleurs un risque de dilution des moyens, facteur d’inefficience puisque les frais de gestion seraient multipliés.

Ainsi, les rapporteurs ne sont pas favorables, à ce stade, à une décentralisation de la collecte de la PEEC. En effet, une telle décentralisation présenterait des risques d’inégalités entre territoires. Certains territoires sont maillés d’un tissu de petites entreprises non cotisantes depuis le relèvement à 50 salariés du seuil d’assujettissement à la contribution et risqueraient dès lors d’être dépourvus de la mutualisation des moyens de la PEEC offerte par Action Logement.

La nouvelle organisation centralisée de la collecte autour d’ALS, en lieu et place des anciennes structures des comités interprofessionnels du logement (CIL), a favorisé la rationalisation du processus depuis 2017. Pour autant, des faiblesses, soulignées par la Cour des comptes dans son rapport de 2021, demeurent sur l’efficacité du recouvrement de la PEEC puisque ALS ne le contrôle pas et recueille simplement les données déclaratives des entreprises contributrices.

Enfin, il convient de préserver la gouvernance paritaire du groupe, qui permet de réunir dans le conseil d’administration d’une ESH locale des patrons et des salariés pour gérer le patrimoine commun qu’ils ont financé. Il convient de ne pas geler un partage de la PEEC entre ce qui reviendrait à l’État et ce qui serait laissé aux partenaires sociaux. En matière de définition des emplois, le rôle des partenaires sociaux doit être reconnu et conforté.

2.   La convention quinquennale 2023-2027 mobilise 14,4 milliards d’euros autour de trois axes stratégiques qui mettent en œuvre les conclusions du conseil national de la refondation sur le logement

Avec près de six mois de retard, et à la suite des conclusions du conseil national de la refondation (CNR) sur le logement rendues publiques le 5 juin 2023, l’État et Action Logement ont finalement signé le 16 juin 2023 la convention quinquennale qui les lie pour 2023-2027. Elle mobilisera 14,4 milliards d’euros sur cinq ans, contre 15,2 milliards pour le plan précédent, autour de trois objectifs fixés avec le gouvernement : accompagner les salariés dans leur « parcours résidentiel en lien avec l’emploi », développer le logement dans les territoires en tension ou en voie de réindustrialisation et contribuer à la transition écologique et à la réduction des émissions de dioxyde de carbone.

emplois et ressources d’action logement pour 2023-2027

 (en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2023-2027

Politiques nationales

 

Sub : 3,045 Mds €

Prêts : 2,25 Mds €

ANRU subventions

324

400

400

530

546

3 800

ANRU prêts

350

450

280

260

260

FNAP

300

150

450

ANIL-ADIL

9

9

9

9

9

45

ACV subventions

87

88

70

70

35

1 000

ACV prêts

163

162

130

130

65

Personnes morales

 

Sub : 2,065 Mds €

Prêts : 3,41 Mds €

 

Fonds propres et subventions aux organismes de logement social

255

260

260

260

265

1 700

Fonds propres aux organismes de logement intermédiaire

70

80

80

85

85

NPNRU (subventions AFL)

60

60

60

60

60

700

NPNRU (prêts AFL)

40

40

60

70

90

DIGNEO (prêts)

20

20

20

20

20

Prêts logement social

440

400

400

400

390

2 230

Prêts logement intermédiaire

50

40

40

40

30

Prêts DROM

152

157

157

157

157

780

Personnes physiques

 

Sub : 1,52 Mds €

Prêts : 2,15 Mds €

Accession et travaux

500

375

375

375

375

2 000

Mobilité subventions

150

135

135

140

140

850

Mobilité prêts

30

30

30

30

30

Garantie VISALE

111

100

100

104

105

520

Aides aux salariés en difficulté, ingénierie sociale

45

63

64

64

64

300

Innovation et ingénierie territoriale

10

14

14

14

13

65

Total emplois

3 166

3 033

2 684

2 818

2 739

14 440

Ressources nettes (*)

3 166

2 967

2 517

2 558

2 572

13 780

(*) En plus de ces ressources, ALS prévoit un programme d’émission d’un montant de 3,3 milliards d’euros afin de financer les engagements pris conformément à la convention quinquennale 2018-2022 modifiée.

Source : Gouvernement et Action Logement.

Parmi les principaux montants alloués, 3,8 milliards d’euros iront à l’ANRU et 1 milliard d’euros au programme « Action Cœur de Ville » avec la réhabilitation de logements dans les centres anciens.

2,23 milliards d’euros de prêts seront alloués à la construction et à la réhabilitation en métropole et 1,7 milliard d’euros de dotations en fonds propres et de subventions financeront le logement social et intermédiaire en métropole. Les bailleurs ultramarins bénéficieront de 780 millions d’euros de prêts. Le groupe s’engage également à produire 200 000 logements via les filiales d’ALI. La réhabilitation s’appuiera sur le plan de décarbonation du groupe, qui vise 200 000 logements rénovés durant la période de la convention et 340 000 d’ici 2030.

La nouvelle convention quinquennale prévoit 520 millions d’euros afin que la garantie Visale monte en charge, avec une prévision de plus de 2,1 millions de bénéficiaires sur cinq ans, à mettre en perspective avec le million de contrats signés depuis la création de Visale en 2016. De nouvelles extensions sont à l’étude pour les travailleurs saisonniers, les salariés logés chez des personnes âgées ou dans de l’habitat intergénérationnel, ainsi que pour les travailleurs indépendants.

Afin de soutenir la production de logements qui connaît un important ralentissement, les conclusions du conseil national de la refondation consacré au logement prévoient que CDC Habitat et Action Logement portent un plan d’investissement afin de répondre aux besoins en logement sur les territoires. Ce plan de soutien prévoit la commande de 47 000 logements neufs : 30 000 logements pour Action Logement et 17 000 logements pour CDC Habitat. Selon le communiqué publié par Action Logement, l’objectif est de faire avancer des opérations auprès des promoteurs et de « cibler des acquisitions de programmes de logements intermédiaires et sociaux en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), en cours de montage, voire en cours de chantier ».

Les rapporteurs seront attentifs à la mise en œuvre des axes de la convention quinquennale 2023-2027 et des mesures proposées par le conseil national de la refondation : si les ressources d’Action Logement sont pérennisées pour cinq ans, les nouveaux objectifs confiés au groupe semblent éloignés du lien emploi-logement – qui devrait pourtant être son cœur d’activité – et ont plutôt tendance à confirmer son rôle d’appui à la politique publique du logement.

3.   Le reclassement éventuel d’ALS en ODAC, le renchérissement des taux et les prélèvements réguliers sur les ressources complexifient la situation financière du groupe et plus largement celle du mouvement HLM

Un contexte nouveau influence aujourd’hui les ressources du groupe paritaire.

● En premier lieu, le directeur général de l’INSEE a pris la décision, le 31 août 2022, de classer la filiale ALS, responsable de la collecte et de la distribution de la PEEC, comme administration publique. Il a eu l’occasion d’expliquer, à l’occasion d’une audition par la commission des finances le 5 avril 2023, qu’il s’agissait ainsi de respecter des critères de classement qui s’imposent aux différents organismes statistiques européens.

Cette décision fait donc entrer le solde des comptes et de la dette d’ALS dans ceux de l’État au sens des critères du traité de Maastricht, pour un impact de 0,3 point de PIB d’endettement supplémentaire. Le ministre de l’action et des comptes publics pourrait ainsi être amené à prendre un arrêté, non publié à la date de rédaction du rapport, qui classerait ALS parmi les organismes divers d’administration centrale (ODAC) comme le fait aujourd’hui l’INSEE en matière statistique ([106]). L’une des principales conséquences en serait l’interdiction pour ALS de s’endetter à plus de 12 mois, sauf exception prévue par la loi de programmation des finances publiques, ce qui transformerait profondément son modèle de financement et menacerait sa capacité à remplir ses engagements.

Action Logement a déposé un recours gracieux auprès de l’INSEE, rejeté en décembre 2022, ainsi qu’un recours contentieux contre cette décision de classement auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en février 2023.

● L’impact de la hausse des taux d’intérêts est majeur, tant pour les filiales immobilières d’ALI que pour ALS. L’ampleur de cette augmentation a été inédite : le taux de l’OAT à 20 ans est passé de 0,64 % en début d’année 2022 à 3,30 % le 31 décembre.

Concernant le pôle immobilier, les forts investissements récents ont pour conséquence une augmentation de l’endettement des filiales immobilières, en hausse de 35 milliards d’euros fin 2017 à 46 milliards d’euros fin 2022. La remontée du taux du livret A à 2 % au 1er août 2022, puis à 3 % au 1er février 2023, aura un impact estimé à plus de 460 millions d’euros d’annuités d’emprunt par rapport aux prévisions du précédent plan à moyen terme.

Les conséquences pour le pôle services porté par ALS sont diverses et se neutralisent en partie :

– les intérêts de la dette de la Caisse des dépôts et consignations, inscrits pour un milliard d’euros au bilan d’ALS et indexés au taux du livret A, augmentent : 2 % de hausse en un an représentent 20 millions d’euros de charges annuelles supplémentaires. En outre, la dette obligataire, nécessaire au refinancement du PIV et du plan de relance, se renchérit. La hausse constatée en un an est de 3 %, représentant un coût supplémentaire d’environ 150 millions d’euros par an pour 5 milliards d’euros de dettes ;

– en contrepartie, près de 50 % des encours de prêts aux personnes morales, soit près de 6 milliards d’euros, sont indexés au taux du livret A. Ainsi, la hausse de 2 % entre février 2022 et février 2023 impacte les revenus à la hausse de 120 millions d’euros en année pleine. En rythme annuel, l’impact est une charge nette supplémentaire d’environ 50 millions d’euros par an.

● Enfin, le III de l’article 118 de la loi n° 2022-1176 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 contraint Action Logement à verser 300 millions d’euros au profit du FNAP : cette contribution est présentée comme s’inscrivant dans la continuité de l’accord trouvé autour de la réduction du loyer de solidarité (RLS). Pour Action Logement, le risque existe que cette participation imposée conduise le groupe à réduire sa participation dans le versement des aides ou dans ses investissements indispensables dans la construction et la rénovation. Par ailleurs, outre le fait que les aides à la pierre n’ont pas suffisamment d’effet déclencheur sur la production de logements sociaux, le financement du FNAP ne donne pas lieu à des contreparties en droits de réservation des salariés, à l’encontre de la logique de la PEEC qui constitue la principale source de financement du groupe.

Les versements d’Action Logement au FNAP

Le groupe Action Logement verse au FNAP une contribution annuelle de 50 millions d’euros prévue dans la convention quinquennale 2018-2022. Dans le cadre du plan d’investissement volontaire (PIV) 2020-2022, la contribution d’Action Logement au FNAP a été portée à 350 millions d’euros. Cela représentait 50,2 % des recettes du FNAP en 2022.

Alors que cet engagement n’était pas inscrit dans la convention quinquennale du groupe Action Logement, l’article 118 de la loi de finances pour 2023 prolonge le dispositif appliqué entre 2020 et 2023 en affectant à Action Logement la prise en charge à hauteur de 300 millions d’euros de cotisations des bailleurs sociaux à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Action Logement critique fortement cette reconduction : lors des discussions préalables à la conclusion du PIV, en 2019, il avait été considéré que la participation d’Action Logement au FNAP serait temporaire, le temps pour le secteur HLM d’absorber la baisse liée au dispositif de réduction du loyer de solidarité (RLS).

Source : rapport n° 292 « Cohésion des territoires : logement et hébergement » de M. François Jolivet, annexe n° 8 du rapport n° 273 sur le PLF pour 2023.

Les rapporteurs saluent l’accord trouvé dans le cadre de la nouvelle convention quinquennale 2023-2027, qui prévoit la sortie du groupe paritaire dans le financement du FNAP en 2025 après le versement de 300 millions d’euros en 2023 et une dernière contribution de 150 millions d’euros qui sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2024.

 

 


— 1 —

   CONCLUSION des rapporteurs

Conclusion de Daniel Labaronne

38,16 milliards d’euros : c’est le montant que représente la dépense publique en faveur du logement en France en 2021. Cette somme correspond à 1,3 % du PIB national, contre une moyenne de près de 0,6 % dans l’Union européenne selon les données d’Eurostat. Si aucune mesure d’économie n’est réalisée, le niveau de dépenses publiques en faveur du logement, contenu grâce aux mesures portées ces dernières années, risque à nouveau de croître alors qu’un effort budgétaire massif est attendu pour la rénovation énergétique des logements du parc privé comme du parc social.

Dans ce contexte, il n’est pas illégitime de s’interroger sur la manière dont l’argent public est dépensé. La crise actuelle du secteur, qui est sensible pour les Français comme pour la filière, ne doit néanmoins pas conduire à prolonger des dispositifs qui n’ont pas démontré leur impact.

Des efforts ont déjà été consentis ces dernières années, notamment avec la réduction de loyer de solidarité (RLS) assumée par les bailleurs sociaux ou la contemporanéisation des aides personnelles au logement (APL). Toutefois, des marges de progrès existent pour limiter la hausse incontrôlée des dépenses publiques en faveur du logement : ne pas revenir sur la fin du dispositif « Pinel », harmoniser le régime fiscal des locations meublées et des locations nues, recentrer le prêt à taux zéro (PTZ), dont les mérites doivent être nuancés, dans le neuf en zone tendue afin de l’adapter à l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols, ou encore supprimer l’exonération d’impôt dont bénéficient les bailleurs sociaux indépendamment de leurs besoins réels.

En outre, le soutien au logement locatif intermédiaire institutionnel (LLI), sera renforcé dans les prochains mois avec des mesures telles que l’élargissement des communes éligibles et l’assouplissement des contraintes réglementaires limitant son développement. Le développement du LLI permettra de proposer une offre de logements abordables, notamment au bénéfice des travailleurs de première ligne, tout en assurant un meilleur pilotage de l’offre sur le territoire et en maîtrisant la dépense publique bien davantage qu’avec des dépenses fiscales pléthoriques en faveur de l’investissement locatif des particuliers.

Efficience et efficacité doivent aujourd’hui être les maîtres mots en matière de politique du logement.

La recherche de l’efficience doit conduire à encourager ce qui fonctionne. Des dispositifs locaux, comme les opérations programmées d’amélioration de l’habitat ou les programmes d’intérêt général, ont fait leur preuve en matière de soutien à la rénovation énergétique comme de lutte contre l’habitat indigne : encourageons les collectivités à s’emparer des outils qui existent et donnent satisfaction.

Rendre plus efficace la politique publique du logement, c’est aussi s’assurer que l’argent dépensé va bien aux personnes qui en ont le plus besoin : les organismes de logement social doivent aujourd’hui donner une vraie priorité aux ménages les plus modestes et le parcours résidentiel doit retrouver sa fluidité en incitant davantage les ménages aisés à quitter le parc social. Les parents aisés d’étudiants bénéficiaires d’APL bénéficient d’un double avantage qui n’est pas justifié sur le plan socio-économique : un choix clair s’impose.

Il convient également d’interroger les objectifs de la politique publique en faveur du logement, trop longtemps réduite à la construction neuve : rénover et remettre sur le marché de la vente ou de la location les logements vacants constituent désormais de nouvelles priorités de l’action publique.

Enfin, le réflexe de l’appel à la dépense publique ne réglera pas les problèmes multiples du secteur du logement.

Avant de dépenser davantage, assurons-nous que les dispositifs mis en œuvre sont utiles. En effet, la politique publique en faveur du logement est bien trop peu évaluée. C’est un préalable indispensable : il faut encourager la recherche et améliorer l’accès aux données pertinentes, notamment fiscales.

Avant de dépenser davantage, assurons-nous également que l’environnement réglementaire ne conduit à une hausse permanente du coût du logement. Le temps d’une pause réglementaire, longtemps espéré, est venu.

Avant de dépenser davantage, assurons-nous enfin que le secteur privé est sollicité à la mesure des objectifs poursuivis car l’argent public seul ne pourra pas tout : l’élargissement du prêt avance rénovation, la création d’une grande banque de place dédiée au financement de la rénovation énergétique et la vente en bloc de logements sociaux à des institutionnels sont des pistes qui doivent être sérieusement envisagées.


Conclusion de Charles de Courson

Alors que le secteur du logement mobilise un niveau important d’argent public, la politique publique menée ne fait pas exception à une certaine tradition française : les données ne sont pas toujours fiables, les évaluations sont lacunaires, le pilotage des dépenses fiscales est insuffisant. S’il faut éviter tout catastrophisme, la hausse du coût du logement étant constatée partout en Europe, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des investissements consentis.

Il faut donc changer de méthode : il n’est plus possible de déterminer une politique du logement unique depuis Paris. Les fondements d’une territorialisation de la politique du logement sont posés et il convient désormais d’approfondir cette approche, par exemple en confiant aux collectivités territoriales et aux représentants de l’État la possibilité de moduler certains paramètres de la politique du logement comme la fiscalité, le bénéfice des aides, les plafonds et seuils, ou encore le zonage. Accumuler les normes sans réfléchir à leurs conséquences sur le coût du foncier ou de la construction, dont le renchérissement met inévitablement sous tension la dépense publique, ne permettra pas de résoudre la crise du logement.

En outre, quand la dépense publique est contrainte, il faut être attentif à ce qu’elle soit ciblée vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire en priorité les ménages les plus modestes : alors que l’accès au logement social est de plus en plus difficile, il n’est pas acceptable que les ménages les plus aisés bénéficient d’un logement dont le loyer est sensiblement inférieur à celui du marché. Il convient donc d’abaisser les seuils de déclenchement du supplément de loyer de solidarité (SLS) et de sortie obligatoire du parc. Les ménages les plus favorisés doivent assumer un SLS correspondant à la différence entre les loyers de marché et les plafonds de loyer du parc social. Dans la continuité de ce besoin de mieux cibler la dépense publique, est-il pertinent d’allouer plusieurs dizaines de millions d’euros au titre des aides personnelles au logement (APL) des étudiants dont les parents bénéficient de revenus confortables ? Il faut fixer une alternative claire : soit les parents bénéficient de l’avantage fiscal (demi-part ou part fiscale entière) lié au rattachement de leur enfant à leur foyer fiscal ou de la déduction de pension alimentaire, soit ce dernier bénéficie des APL. Cumuler ces deux mesures n’est pas acceptable.

Ceux qui en ont le plus besoin, ce sont aussi les acteurs du logement qui doivent investir : supprimons l’exonération d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les bailleurs sociaux et compensons-la par un crédit d’impôt qui soutiendra directement les organismes HLM qui construisent et rénovent. Cette justice fiscale passera également par la mise en œuvre rapide de la refonte de la fiscalité propre des meublés de tourisme.

Au-delà de ces mesures ponctuelles, il convient d’interroger plus fondamentalement les objectifs de la politique publique en faveur du logement.

À pas feutrés, les pouvoirs publics abandonnent toute ambition en vue de soutenir l’accession sociale à la propriété : la fin des APL « accession » depuis 2018 illustre une politique à rebours des besoins des ménages modestes, dont la part parmi les primo-accédants décroît sensiblement. Il est à craindre que le recentrage annoncé du PTZ pour le neuf dans les seules zones denses, justifié par la nécessité de contenir l’augmentation de la dépense publique, empêche l’accès à la propriété de nombreux ménages : près de 60 % des PTZ accordés en 2022 l’étaient en zone détendue (B2 et C). La technostructure considère que la propriété peut être un frein pour l’emploi et la mobilité des salariés. En réalité, comme exposé dans le présent rapport, les travaux des économistes n’ont jamais réussi à démontrer sérieusement cette hypothèse. De surcroît, la portée de la politique du logement dépasse ses seuls aspects économiques : le statut de locataire ne doit pas être le seul horizon envisageable pour les ménages modestes, alors que pour beaucoup d’entre eux la propriété représente un facteur d’insertion sociale et d’émancipation.

Enfin, veut-on encore encourager l’investissement locatif des particuliers ? La priorité donnée au logement locatif institutionnel est pertinente, mais elle ne remplacera pas l’investissement dans la pierre des particuliers. S’il ne faut surtout pas revenir sur la suppression de dépenses fiscales inutiles et illisibles, il convient de s’interroger sur le poids de la fiscalité qui s’applique sur les locations nues de longue durée.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 19 juillet 2023, la commission a examiné les conclusions de la mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons au second point de notre ordre du jour, qui est la présentation par Daniel Labaronne et Charles de Courson du rapport d’information de la mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété. Nous allons pouvoir écouter les rapporteurs nous présenter les conclusions de leur travail.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. En tout premier lieu, j’aimerais remercier mon collègue corapporteur Charles de Courson pour la qualité de son travail et de ses analyses. Je crois que notre travail en binôme a été fécond. J’aimerais aussi remercier l’ensemble des membres de la mission d’information qui ont nourri nos réflexions. De nombreux députés ont participé activement à nos travaux : Dominique Da Silva a aiguillé nos travaux sur la thématique du logement social et du logement des salariés. Sébastien Rome a contribué à nos réflexions sur les enjeux de rénovation du bâti dans les centres villes et centres bourgs. Philippe Lottiaux a également participé assidument à nos travaux. Nous ne serons pas d’accord sur tout, loin de là, mais ce travail collectif mérite d’être salué.

Le logement représente 38,2 milliards d’euros en 2021, hors dépenses d’administration, ce qui représente 1,5 % du PIB. Si ce niveau a été contenu depuis les années 2010, il reste très élevé. A titre de comparaison, l’Italie consacre 0,5 % de son PIB et l’Allemagne 0,45 % en faveur du logement. Et encore, ces chiffres n’incluent pas les dépenses fiscales, domaine dans lequel la France excelle. Une dépense publique élevée n’est pas un problème en soi. Mais c’est en revanche un problème de constater que les éléments d’évaluation sont tout à fait lacunaires. Une dépense aussi élevée que le taux réduit de TVA de 10 % pour les travaux d’amélioration et de transformation, qui représente une dépense fiscale de 4,5 milliards d’euros, n’a fait l’objet d’aucune évaluation depuis sa création. A-t-elle permis de lutter contre le travail non déclaré ? Contribue-t-elle à la création d’emplois ? Est-elle compatible avec la lutte contre le réchauffement écologique et la préservation de l’environnement ? Nous ne disposons d’aucun élément dans ces domaines.

Nous avons également été très étonnés du faible développement de la recherche économique : les économistes du logement en France sont si peu nombreux que nous avons presque réussir à tous les réunir dans une même salle. Il est urgent d’encourager le développement d’une recherche indépendante. Par ailleurs, beaucoup de chercheurs se heurtent au manque de données, notamment en matière fiscale. Il faut aujourd’hui développer l’open data en la matière.

Venons-en maintenant aux résultats d’ensemble. La bonne santé du logement en France semble devoir reposer sur la construction de logements neufs. Les chiffres sont parlants : nous construisons en moyenne 350 000 logements neufs par an en France. Ce chiffre est comparé aux 37 millions de logements existants, dont 30 millions en résidences principales, 3,5 millions en résidences secondaires et 3,5 millions en logements vacants. Les logements neufs représentent par conséquent moins de 1 % des logements en France. La rénovation du bâti existant devient à l’inverse un enjeu majeur, selon nous.

Alors certes, on nous dira que les logements vacants sont parfois difficiles à rénover, que de nombreux logements vacants sont dans des territoires où les gens ne veulent plus habiter. Mais notre priorité doit être donnée aujourd’hui à la remise des logements vacants sur le marché. Il s’agit à la fois d’augmenter l’offre locative abordable, répondre à l’impératif de sobriété foncière et participer à la rénovation énergétique.

Chers collègues, trop souvent on a considéré que la dépense publique devait régler le problème du logement. Or, l’expérience montre que cela ne suffit pas : il faut aujourd’hui agir sur le levier réglementaire, qui bien souvent renchérit le coût du logement. Il faut aussi faire appel aux capitaux privés, notamment pour la rénovation énergétique. La création d’une grande banque de place dédiée à la rénovation me paraît être une bonne idée pour massifier la rénovation énergétique des logements individuels ou collectifs, même si je reconnais que les banques commerciales commencent à prendre leur part dans le financement des rénovations privées.

M. Charles de Courson, rapporteur. Je remercie à mon tour mon cher collègue corapporteur pour nos échanges constructifs, ainsi que les deux administrateurs qui nous ont grandement aidé dans la réalisation de ce rapport. Daniel Labaronne vient d’indiquer que la dépense publique ne peut seule régler la question du logement. Nous devons changer de méthode et cela passe par la territorialisation des dispositifs existant aujourd’hui en faveur du logement.

Territorialiser n’est pas seulement déconcentrer et décentraliser de façon uniforme de nouvelles compétences, même si on peut aller plus loin en la matière. C’est d’abord pouvoir donner aux acteurs locaux un pouvoir d’expérimentation et d’adaptation concernant les aides budgétaires et fiscales. Modifier les seuils, les plafonds d’aides, parfois même le calcul des aides pour mieux coller aux réalités locales.

Territorialiser consiste aussi à permettre d’adapter les zonages à l’échelle locale. On le sait, les zonages actuels ne sont plus du tout adaptés. Même avec une refonte des zonages, qui doit aboutir au plus vite, des critères nationaux ne permettent pas toujours de saisir les dynamiques à l’œuvre. Territorialiser a enfin pour objet d’inciter les collectivités locales à s’emparer des outils qui marchent : les collectivités locales peuvent bénéficier de la délégation des aides à la pierre. Celles qui mettent en œuvre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat ou des programmes d’intérêt général, connaissent une véritable dynamique en matière de rénovation.

Mais pour que les collectivités locales puissent s’engager encore davantage dans la prise en main de la politique du logement, encore faut-il qu’elles disposent de données locales fiables. Et ce n’est malheureusement pas le cas. Enfin, la territorialisation ne va pas sans la responsabilisation des collectivités territoriales : les conséquences budgétaires des modifications des zonages ou des modalités d’éligibilité et de calcul des aides ne doivent pas être assumées par l’Etat.

Nous venons de dresser à grands traits les principaux enjeux de la politique du logement qui correspondent à la première partie de notre rapport. La deuxième partie est quant à elle consacrée à différents dispositifs spécifiques. Premièrement, nous avons analysé les aides personnelles au logement qui représentent 40 % du montant total consacré au logement. Indéniablement, elles jouent leur rôle puisque le taux d’effort des 20 % des ménages les plus modestes est en France l’un des plus faibles de l’Union européenne. La contemporanéisation des aides, qui a été mise en œuvre à partir de 2021, constitue la principale réforme de ces dernières années, alliant rendement budgétaire et équité.

Un problème majeur demeure pour nous : des étudiants bénéficient des aides personnalisées au logement (APL) tout en permettant à leurs parents de bénéficier d’un avantage fiscal, comme la demi-part, la part fiscale entière ou la déduction de la pension alimentaire versée à leur enfant (plafonnée à 6 368 euros en 2023) lorsque celui-ci n’est pas rattaché à leur foyer fiscal. Un choix doit être fait aujourd’hui : soit les parents bénéficient de l’avantage fiscal, soit l’enfant étudiant bénéficie des APL. Je parlais de la territorialisation des aides : je crois qu’il pourrait être utile de permettre aux collectivités locales de moduler les plafonds de loyers à l’échelle intercommunale, à la hausse comme à la baisse, lorsqu’ils ne correspondent pas du tout à la réalité des loyers pratiqués.

Deuxièmement, nous nous sommes penchés sur les dispositifs de l’accession sociale à la propriété. A titre personnel, je regrette la disparition des APL accession : le montant budgétaire économisé a été relativement faible mais les effets sur la baisse de l’accession à la propriété des ménages les plus modestes ont été réels, comme le montre notre rapport. Concernant les prêts à taux zéro (PTZ), je comprends la nécessité de le recentrer d’un point de vue budgétaire le dispositif. N’oublions pas qu’une majeure partie des bénéficiaires du PTZ dans le neuf le sont en zone détendue. Je m’interroge aujourd’hui sur la portée qu’on souhaite donner à l’accès à la propriété : est-ce oui ou non une priorité de notre politique publique du logement ?

Le bail réel solidaire constitue un outil intéressant, mais il est complexe à mettre en œuvre et demande une stratégie foncière de long terme. Nous proposons d’augmenter les plafonds de loyers pour rendre davantage de ménages éligibles.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Avec Charles de Courson, nous partageons un très grand nombre de constats. L’accession sociale à la propriété constitue peut-être le seul sujet sur lequel nos analyses divergent légèrement. Je ne suis vraiment pas sûr que le PTZ ait particulièrement donné satisfaction : selon le rapport de l’inspection des finances de 2019, le PTZ a un effet présumé décisif pour seulement 17 % de ses bénéficiaires. Dans la plupart des cas, il bénéfice à des ménages jeunes dont les revenus sont dynamiques et qui auraient pu accéder à la propriété, sans le PTZ, les années suivantes. Le recentrage du PTZ dans le neuf dans les zones tendues constitue en ce sens un bon compromis entre un outil utile pour le secteur et la nécessité de faire bon usage des deniers publics tout en luttant contre l’artificialisation des sols.

En dehors de l’accession sociale à la propriété, nous avons également porté notre attention sur le secteur social qui représente environ 6 milliards d’euros de dépenses publiques. Une dépense spécifique en faveur du logement social doit aujourd’hui être interrogée : il s’agit de l’exonération d’impôt sur les sociétés qui bénéficie autant aux bailleurs qui investissent qu’à ceux qui ne le font pas. Nous proposons de supprimer cette exonération et de la remplacer, à coût nul, par un dispositif ciblé sur les organismes qui investissent, par exemple, un crédit d’impôt sur les dépenses d’investissement.

Au regard des besoins en fonds propres pour faire face notamment aux besoins de financement pour la rénovation thermique, il faut que les bailleurs sociaux fassent feu de tout bois pour développer les ressources propres : la vente de logements sociaux en bloc doit aussi permettre de construire de nouveaux logements ou d’en rénover. Étendons cette possibilité aux logements PLUS pour les bailleurs qui le souhaitent. En cas de rénovation énergétique, il faut aussi systématiser le partage d’économies réalisées sur les charges entre le bailleur et le locataire.

M. Charles de Courson, rapporteur. Le logement social est aujourd’hui confronté à une baisse très importante de la mobilité au sein de son parc. Dans ce contexte, il faut renforcer les règles visant à contraindre les ménages aisés à le quitter. Il faut baisser le plafond à partir duquel le supplément de loyer de solidarité (SLS) s’applique et le calculer à partir de l’écart entre le loyer de marché et les plafonds de loyer du parc social et diminuer le seuil à partir duquel une sortie du parc HLM est obligatoire. En région parisienne, les loyers de marché sont deux à trois fois supérieurs aux loyers des logements sociaux. Est-il normal que quelqu’un à 120 ou 140 % de revenus par rapport au plafond éligible ait un SLS aussi faible ? Nous proposons aussi d’abaisser le seuil à partir duquel la sortie du parc est obligatoire, qui est actuellement de 150 %.

Si on veut favoriser la mobilité, il faut aussi créer une offre abordable pour les ménages qui ne peuvent pas prétendre au logement social mais pour lesquels les loyers du marché sont trop élevés, notamment en zone tendue. Nous soutenons l’idée de renforcer le logement locatif institutionnel intermédiaire, en élargissant le nombre de communes éligibles, en assouplissant le cadre réglementaire, et en sollicitant l’épargne privée. Cependant, il faudra veiller à renforcer le contrôle a posteriori du respect des plafonds de loyers et de revenus.

Le soutien au logement locatif institutionnel s’impose car le dispositif « Pinel » n’a pas donné satisfaction et s’est révélé beaucoup trop coûteux. Ne revenons pas sur sa mort programmée à partir de 2025. À titre personnel, je reste cependant persuadé qu’il faut revoir de fond en comble la fiscalité locative : ces derniers temps, on a largement évoqué la fiscalité des meublés de tourisme, que nous devons évidemment aligner au minimum sur la fiscalité des meublés d’habitation.

Mais je crois qu’il faut aujourd’hui repenser le statut du propriétaire bailleur. Notre collègue Jean-Paul Mattei a partagé certaines propositions sur ce sujet. Elles devraient être expertisées. Elles visent à sortir de l’assiette de l’impôt sur le fortune immobilière (IFI) la valeur des nouveaux logements financés par des personnes privées pour faire du logement locatif, à mettre sous prélèvement forfaitaire unique les revenus fonciers liés à ces logements et à calculer les plus-values immobilières relatives à ces nouveaux logements selon des règles de droit commun.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. J’en termine en évoquant un opérateur important dans cette politique publique du logement, Action Logement. Avec Charles de Courson, nous saluons la nouvelle convention quinquennale qui permettra de mobiliser 14,4 milliards d’euros entre 2023 et 2027. Le groupe Action Logement est né il y a six ans. Les critiques nombreuses adressées au groupe – les frais de gestion seraient trop élevés, la gouvernance serait opaque – doivent aussi être nuancés au regard de la jeunesse de cet acteur. Action Logement a su répondre présent en investissant plus de 24 milliards d’euros en cinq ans. Son rôle va croître encore avec l’élargissement de la garantie Visale ou le développement du logement locatif intermédiaire institutionnel.

Cela dit, la question du lien direct entre la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et le logement des salariés est toujours posée. L’effort des entreprises est-il suffisamment ciblé vers les salariés ? Les entreprises sont-elles en mesure de savoir où va leur argent ? Nous soutenons l’idée d’un recentrage d’Action Logement à partir de 2027 sur son objectif premier : aider les salariés à se loger.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour ce travail important. Je considère que la question du logement est devenue encore plus centrale qu’au début de cette mission. Cette question constitue sans doute la prochaine « bombe » dans ce pays, tant les difficultés sont grandes, notamment en termes d’accession à la propriété et de rénovation.

Parmi les mesures d’économies qui pourraient être proposées dans le prochain projet de loi de finances, plusieurs concernent le secteur du logement. Je suis assez d’accord pour la suppression de la niche Pinel, mais il faut s’interroger sur l’attribution de moyens supplémentaires, notamment pour les logements sociaux.

La remise sur le marché des logements vacants constitue effectivement un grave problème, notamment dans les zones tendues. Comment peut-on corriger la situation ? Ensuite, j’ignore si la proposition de dérogation pour les collectivités locales en matière d’outils fiscaux et budgétaires concerne également les zones tendues en raison de leur nature touristique. Nombre de résidents de ces zones ne peuvent plus continuer à vivre « chez eux », compte tenu du prix des logements.

Vous indiquez d’un côté que la France dépense beaucoup plus pour le logement que ses voisins européens, environ 1,3 % du PIB. Mais simultanément, vous indiquez que les données comparatives ne sont pas fiables. Sommes-nous vraiment sûr que la France dépense plus que ses voisins européens en la matière ?

Vous proposez que les économies d’énergie liées à une opération de rénovation énergétique soient mieux partagées entre le bailleur social et le locataire. Est-il vraiment souhaitable que, dans un contexte de hausse du coût de l’énergie, un ménage modeste du parc social assume une hausse supplémentaire de son loyer ? Ne faut-il pas juste aider davantage les bailleurs sociaux à rénover ?

Enfin, vous souhaitez supprimer l’exonération d’IS dont bénéficient les bailleurs sociaux pour la remplacer par un crédit d’impôt. Quels seraient l’assiette et le taux de ce crédit d’impôt ? S’agissant de la rénovation thermique et des aides proposées par l’État, avez-vous envisagé la piste de prêts hypothécaires remboursables au moment de la revente ou du décès des personnes plutôt que des subventions « sèches », en tout cas pour certains propriétaires ?

M. Charles de Courson, rapporteur. Nous avons découvert que le nombre de logements vacants s’est considérablement accru en France : il a augmenté de plus d’un million pour atteindre 3,2 millions contre 2 millions il y a quinze ans. Les causes sont multiples. Certains de ces logements ne disposent pas de conditions de confort suffisantes leur permettant d’être loués. Les phénomènes d’indivision et de succession doivent également être mentionnés.

Par ailleurs, le pourcentage de logements vacants est en moyenne de 6 %, mais il est très variable selon les zones. Cependant, l’augmentation globale du taux de vacance concerne aussi les zones tendues, par exemple en raison du coût de réhabilitation et de remise aux normes. Il nous semble donc nécessaire d’approfondir ce sujet, dans la mesure où la rénovation des logements coûte moins cher que la construction de logements neufs.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. La vacance est effectivement un phénomène complexe et multicausal, en raison de l’âge des propriétaires, de l’emplacement des logements ou de la difficulté de procéder aux rénovations.

Cependant, nous pensons que le plan national de lutte contre les logements vacants initié en 2021 n’est pas suffisamment connu, porté et déployé. Face à la problématique mise en avant par la filière du bâtiment et les promoteurs concernant les logements neufs, nous estimons que ces derniers ne sont qu’une des composantes de la situation. En effet, l’importance des logements vacants est indéniable. Si 10 % de ces logements vacants étaient mis sur le marché, cela correspondrait au nombre des 350 000 logements neufs produits en moyenne chaque année.

Par ailleurs, les EPCI qui ont la compétence en matière de logement et doivent mettre en place des programmes locaux de l’habitat, peuvent conventionner avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour mettre en place des opérations programmées de l’amélioration de l’habitat (OPAH). À ce niveau fin et territorialisé, il est possible de repérer les logements indignes, les logements insalubres et les logements vacants. On nous a indiqué que ce type d’opérations portées par l’Anah fonctionnait bien. Il est donc possible d’allier une approche « macro » à une approche « micro », plus territorialisée.

M. le président Coquerel, nous traitons la question de la fiscalité des logements meublés. Les données internationales ne sont pas toutes harmonisées et un rapport de l’IGEDD sur la comparabilité des données statistiques en matière de politiques publiques du logement sera d’ailleurs publié cet automne. Lorsqu’un logement HLM sera rénové, des économies seront obtenues en volume, mais la facture restera la même, compte tenu de la hausse des coûts l’énergie.

M. Charles de Courson, rapporteur. Cet aspect ne concerne pas que les logements sociaux mais l’ensemble des logements loués. La loi le permet, mais cela est peu appliqué, en raison de la complexité du dispositif. Il faut ainsi signer une convention préalable aux travaux pour se mettre d’accord sur le partage des économies entre le propriétaire et le locataire.

Je rappelle que les aides en faveur des économies d’énergie sur les logements sociaux sont considérables par rapport aux logements non sociaux, qui sont à la fois plus nombreux et dont l’état est plus dégradé. Nous sommes parmi les trois nations qui investissent le plus de fonds publics dans le logement. À ce titre, les APL sont l’un des facteurs les plus importants du différentiel, puisqu’elles sont modestes voire inexistantes dans certains pays.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. M. le président, l’exonération d’impôt sur les sociétés représente un montant de 800 millions d’euros pour l’État. S’agissant des prêts hypothécaires, le prêt accession rénovation (PAR) fonctionne mal : seulement 137 dossiers ont été déposés l’année dernière, en raison des conditions d’octroi restrictives. Dans la proposition que je formule en faveur d’une grande banque de la rénovation énergétique, à l’image de la BPI, il serait imaginable que cela soit adossé sur des prêts hypothécaires. Le bénéficiaire paierait les intérêts, et un remboursement du capital avancé pour l’opération de rénovation interviendrait au moment de la cession ou de la succession.

M. Charles de Courson, rapporteur. Je souhaite revenir sur l’idée de la substitution de l’exonération d’IS par un crédit d’impôt pour un montant équivalent. S’agissant de l’assiette, l’idée est que le crédit d’impôt porterait sur un pourcentage des investissements, comme par exemple les travaux neufs. Il n’est pas normal que des organismes logeurs qui n’investissent plus, parfois d’ailleurs car ils ne disposent pas de terrains constructibles mais parfois aussi par simple inaction comme dans le cas des « dodus dormants », bénéficient de cette exonération.  En droit constitutionnel français, une exonération doit avoir une contrepartie. Aujourd’hui, quelle est la contrepartie d’une exonération d’IS d’un organisme qui investit peu ou pas ? Il n’y en pas.

Nous proposons de remplacer ce mécanisme par un crédit d’impôt qui « dope » les organismes logeurs qui vont de l’avant et investissent. L’exonération fiscale doit être utile.

Mme Patricia Lemoine (RE). Je tiens tout d’abord à saluer la qualité du rapport, riche et précis, présenté par les rapporteurs Labaronne et de Courson. Mon intervention porte sur trois points évoqués dans votre rapport. Le premier concerne les taux réduits de TVA à 10 % pour les travaux d’amélioration et de transformation qui représentent une dépense de 4,5 milliards d’euros. Comme la Cour des comptes l’a rappelé à plusieurs reprises, votre rapport pointe que les éléments d’évaluation de cette dépense sont tout à fait lacunaires et ne permettent pas de savoir si les objectifs recherchés, tels que la lutte contre le travail non déclaré et la rénovation énergétique, sont atteints. Pire, selon la Cour des comptes, ces dépenses seraient disproportionnées par rapport aux objectifs. Vous proposez donc à juste titre une véritable évaluation de ces dépenses, vos auditions vous ont-elles permis de faire émerger des pistes pour rationnaliser cette dépense ?

Le deuxième point concerne les APL en faveur des étudiants qui représentent un dispositif de soutien important, dont le coût est évalué à 1,5 milliard d’euros par an et qui sont versés sans conditions de ressources. Ce régime dérogatoire spécifique soulève la question de l’équité entre familles modestes et familles aisées qui bénéficient de la même façon de l’APL et de l’avantage fiscal. Votre mission vous a-t-elle permis d’évaluer le nombre de familles concernées ? Seriez-vous favorable à un fléchage de ce dispositif sous condition de ressources ?

Enfin, ma dernière question concerne le nombre de logements vacants qui a augmenté de 55 % en quinze ans, atteignant 3,2 millions en 2022. La remise sur le marché de ces logements, notamment à travers leur rénovation, demeure donc un chantier majeur. En ce sens, la taxe sur les logements vacants s’applique de droit depuis le 1er janvier 2023 dans toutes les communes qui connaissent des tensions locatives, dont notamment les communes touristiques. Pensez-vous cette taxe est suffisante dans sa forme actuelle ? Avez-vous pu éventuellement identifier d’autres pistes permettant une remise sur le marché locatif plus efficace des logements concernés ?

M. Philippe Lottiaux (RN). Je voudrais tout d’abord saluer le travail de qualité réalisé par les rapporteurs, à l’issue de nombreuses auditions. Nous pouvons partager beaucoup d’éléments de ce rapport, d’abord sur le constat d’une politique pas assez évaluée et à l’efficacité discutable, mais aussi sur plusieurs propositions. Je ne les citerai pas toutes, mais mentionnerai la pause réglementaire, la révision du zonage et la territorialisation, la réduction du délai de non-taxation des plus-values et, plus largement, le fait de refaire de l’accession, notamment sociale, à la propriété un enjeu politique majeur, sur les mesures pour permettre une meilleure rotation du parc social, la relance du logement intermédiaire ou encore la refonte de la fiscalité de la location.

Cependant, nous avons plusieurs désaccords et regrettons l’absence de certains sujets. Je retiendrai trois points de désaccord. Tout d’abord, si la réduction du nombre de logements vacants doit être recherchée, comme le souligne le rapport, la construction neuve ne peut pas être considérée comme une « infime part » de la problématique. Elle a au contraire toute sa place et doit être relancée. La question des logements vacants doit par ailleurs s’accompagner d’une politique de lutte contre la désertification de certains territoires et de mesures pour redonner aux propriétaires l’envie de louer.

Ensuite, le recentrage du prêt à taux zéro, que vous validez, alors même que c’est bien aujourd’hui, quand les taux remontent, que ce prêt est utile. Le « recentrage », qui exclut à tort le neuf, donne l’impression que le gouvernement vous prête un parapluie quand il fait beau mais le reprend quand il pleut.

De plus, nous ne pouvons pas valider la suppression du dispositif Pinel, même s’il avait ses défauts, sans solution de remplacement telle que la création d’un statut du propriétaire bailleur évoqué à juste titre dans le rapport, et surtout en pleine crise de la construction. Cette crise est d’ailleurs un des trois thèmes dont on peut regretter l’absence dans le rapport. On ne peut pas faire comme si elle n’existait pas, elle est majeure et préoccupante, et il eût été intéressant de proposer quelques mesures conjoncturelles d’urgence pour relancer la construction. Ensuite, la question des impacts des diagnostics de performance énergétique (DPE) et du risque de sortie de centaines de milliers de logement du marché de la location aurait méritée d’être abordée.

Enfin, il semble indispensable aujourd’hui de trouver des mesures encourageant les maires à construire, comme le reversement d’une part de la TVA, qu’on ne peut balayer d’un revers de main, et aussi pour les encourager à construire du logement social, ce qui nécessite de leur donner un plus grand pouvoir en termes d’attribution, au bénéfice des demandeurs locaux. C’est aujourd’hui indispensable.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le travail des rapporteurs met en lumière l’existence de nombreux dispositifs qui ne bénéficient pas d’évaluation et ne répondent pas à l’urgence à laquelle font face 3,8 millions de personnes qui sont mal logées en France.

Les acteurs du logement ont indiqué que le gouvernement n’était pas à la hauteur des dispositions qu’il est nécessaire de mettre en place. Pour ma part, je me suis donné comme mission d’alerter sur le sujet des logements anciens au cœur des centres-villes anciens. On y trouve du logement social « de fait », c’est-à-dire du logement insalubre, mais qui est immédiatement accessible, peu onéreux et proche de nombreux services accessibles.

Je propose l’expérimentation de baux réels solidaires (BRS) dans les centres-villes anciens. Ils présentent plusieurs avantages, dont la rénovation globale et une mixité de logements. Il est également nécessaire d’avoir un taux de TVA identique, qu’il s’agisse de la rénovation d’un local commercial ou du logement situé au-dessus. Vous n’avez pas suffisamment parlé de la question du foncier. Quelles sont les différentes difficultés, mais aussi les réponses existantes pour traiter cette question majeure du foncier ?

M. Marc Le Fur (LR). Votre rapport intervient à un moment où la construction de logements est quasiment à l’arrêt et il importe donc de ne pas minorer la part de logements neufs à l’avenir. De fait, le logement devient bien souvent une assignation à résidence, quand il était question naguère d’un « parcours résidentiel ».

Ensuite, depuis un certain temps, il existe un décalage croissant entre les aspirations des Français (l’accession à la propriété et la maison individuelle) et les politiques publiques, qui promeuvent l’inverse, comme la fin du PTZ. Par ailleurs, vos propos sur la territorialisation me semblent pertinents. J’insiste sur le découragement des propriétaires bailleurs, à travers l’IFI, l’absence de flat tax et la montée de l’impôt foncier qui se substitue à la disparition de la taxe d’habitation. Nous constatons enfin l’échec de MaPrimeRénov, dont la mécanique doit être modifiée.

M. Luc Geismar (Dem). Le rapport que vous nous présentez aujourd’hui mentionne que des dépenses fiscales importantes n’ont pas fait l’objet d’évaluations notables depuis plus de dix ans, à l’instar du taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration, qui représente plus de 4,5 milliards d’euros de dépenses. D’après vous, comment pouvons-nous renforcer l’évaluation des dispositifs et mettre en place des mécanismes plus rigoureux pour mesurer leur impact réel sur les objectifs fixés ? De plus, il semblerait que la recherche économique soit limitée ce qui ne facilite pas le travail d’évaluation, comment promouvoir et développer la recherche dans ce domaine selon vous ?

D’autre part, comment envisageriez-vous d’adapter et de redéfinir les critères d’éligibilité du PTZ afin de garantir une véritable accessibilité pour les ménages modestes, notamment en ce qui concerne les plafonds de ressources, les zones géographiques éligibles et les conditions de remboursement ? D’après vous, quelles mesures ou dispositifs complémentaires permettraient de stimuler l’accession sociale à la propriété et favoriser une relance durable du secteur immobilier ?

Enfin, vous savez que la crise que traverse aujourd’hui le secteur du logement est un sujet de préoccupation majeur du groupe démocrate. Alors qu’il y a quelques jours une mission d’information a été lancée sur le sujet grâce à notre droit de tirage pour approfondir les nouveaux dispositifs à envisager de manière transversale, nous avions déjà proposé dans le cadre du PLF pour 2023 des mesures fiscales en faveur du logement, comme la création d’un statut de l’investisseur immobilier. Il s’agirait de faire en sorte que ce statut permette de bénéficier de la flat tax pour l’imposition des revenus fonciers sous conditions écologiques et sociales. Une autre de nos propositions serait de retirer de l’assiette de l’IFI les biens loués à plus d’un an répondant à des critères environnementaux et sociaux afin d’encourager l’épargne placée dans l’immobilier vers des produits plus vertueux. Que pensez-vous de ces deux propositions ?

M. Philippe Brun (SOC). Votre rapport démontre que la multiplicité des dispositifs résulte du renoncement de l’État à mener par lui-même une politique du logement et la délègue à un certain nombre d’acteurs, qu’ils soient privés ou publics. Une des pistes consisterait donc à faire assumer par l’État une telle politique, notamment pour les biens vacants, particulièrement dans la ruralité. En effet, je ne crois pas à l’idée selon laquelle on arriverait à résoudre les très nombreuses vacances par le simple truchement de politiques d’aménagement de l’habitat.

Parmi les 3,2 millions de biens cités par M. de Courson, la très grande majorité figurent dans les centre-bourgs ruraux, mais les communes et les offices n’ont pas les moyens de les rénover et les promoteurs ne s’y intéressent pas. À Louviers, le taux de vacance des logements est par exemple de 12 % en centre-ville. Il est donc nécessaire de créer une agence nationale de rénovation rurale, qui permettrait de mener à bien une politique du logement ambitieuse.

Par ailleurs, je souscris aux propositions qui sont faites en matière d’APL et de territorialisation. Quelle est votre position sur la taxation des loyers implicites des propriétaires occupants ? À quoi le pic de vacance des logements sur les périodes 2006-2011 et 2011-2016 est-il attribué ?

M. François Jolivet (HOR). Vous observez dans la première partie du rapport que le coût du logement en France est élevé et comporte des aides à la pierre et des aides à la personne. Parmi ces niches fiscales avec TVA réduite, l’une d’entre elles avait été imaginée pour lutter contre le travail au noir. Les 40 milliards évoqués rassemblent un grand nombre d’éléments, avec des objectifs parfois différents.

Ensuite, un certain nombre de vos propositions coûtent également très cher. Cela semble dire qu’on ne peut agir sur le logement qu’en lui associant de la dépense publique. M. Labaronne propose la création d’une banque de rénovation énergétique, mais il faudra bien sortir du cash et les hypothèques ne sont pas gratuites.

Vous proposez également de donner une seconde vie au patrimoine HLM lorsqu’il a plus de quarante ans, en l’exonérant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui constitue une recette pour les communes et les intercommunalités, mais qui compensera ? Sans doute l’État. Une autre de vos propositions porte sur la nécessité de soumettre à l’impôt sur les sociétés les organismes HLM, mais peut-être faudrait-il leur retirer la réduction du loyer de solidarité (RLS).

Je partage votre point de vue sur la nécessité de territorialiser les politiques du logement et l’on s’aperçoit que les maires disposent des documents de programmation dans ce domaine. Pourquoi n’êtes-vous pas allés jusqu’à imaginer la décentralisation de la compétence logement et hébergement ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Vous notez que le nombre de logements vacants a augmenté de 55 % entre 2005 et 2021 et préconisez de fixer comme objectif prioritaire la remise sur le marché de logements vacants. Que proposez-vous pour y parvenir, hormis la suppression des conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation ? L’augmentation de la taxe sur les logements vacants ne fait-elle pas partie des solutions ?

Ensuite, les réformes mises en œuvre depuis 2017 ont conduit à une diminution de 4 milliards d’euros des APL, que nous déplorons compte tenu des difficultés des ménages. Vous préconisez de clarifier le non-cumul de l’avantage fiscal des parents et le bénéfice des APL pour les enfants étudiants. Nous ne pouvons que soutenir cette proposition mais regrettons que vous ne fassiez aucune préconisation pour redéployer ces économies et augmenter les APL.

Enfin, le nombre de demandes de logement social est en constante augmentation (+7 % par rapport à 2021). Cette hausse s’explique en partie par la baisse du taux de rotation au sein du parc social. Vous préconisez de baisser les seuils de ressource à partir desquels s’appliquent les surloyers mais avez-vous d’autres recommandations ? Surtout, il faut encourager la rénovation et parfois la construction de logements sociaux. Quelles sont vos propositions, au-delà du crédit d’impôt sur les investissements, qui risque fort de se traduire surtout par une nouvelle ponction sur les bailleurs sociaux, puisque vous proposez de supprimer l’exonération d’IS dont ils bénéficient.

En conclusion, même s’il faut souligner l’intérêt de nombre de vos propositions, nous regrettons que votre rapport soit essentiellement orienté vers les économies à réaliser en matière de dépenses publiques sur le logement et non vers la réponse nécessaire à apporter aux ménages qui sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir se loger décemment, surtout en région parisienne.

M. Michel Castellani (LIOT). Le dispositif Pinel est très critiqué mais j’entends de nombreux professionnels me dire le contraire. Selon eux, il est indispensable pour favoriser la politique du logement et il a rapporté des rentrées fiscales non négligeables.

Ensuite, je souhaite évoquer les zones tendues, notamment en Corse où la population augmente de 4 000 à 5 000 habitants chaque année. Il existe des retards en matière de politique du logement, mais il faut également déplorer une spéculation extraordinaire que vous ne soupçonnez même pas. Cette spéculation est un bulldozer qui ravage tout, y compris les rapports sociaux. Je ne reconnais plus le village dans lequel je vis. Existe-t-il des moyens permettant de favoriser le logement tout en maîtrisant la spéculation ? Il existe bien d’autres réponses, mais elles ne sont pas très légales.

M. Dominique Da Silva (RE). Je veux également saluer la qualité de votre rapport de 200 pages, mais aussi le travail de la mission d’information à laquelle j’ai eu plaisir de participer. Ce rapport est une référence utile pour appréhender la complexité des mécanismes de dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement. Vous connaissez mon intérêt particulier pour le lien emploi-logement en faveur des salariés les plus modestes et le logement social qui bat des records de demandes. Une des recommandations de ce rapport préconise une réflexion autour d’un recentrage des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) sur le besoin des entreprises contributrices en faveur de leurs salariés.

Il est rappelé que 253 000 entreprises d’au moins dix salariés, soit 17 millions de salariés peuvent potentiellement bénéficier des emplois de la PEEC. En 2022, le groupe Action logement a délivré 805 000 aides et services aux salariés de ces entreprises pour 1,3 milliard d’euros dont 105 241 attributions locatives, soit seulement 0,6 % de la cible de salariés.

Or les ressources totales de la PEEC en 2021, incluant les retours de prêts, s’établissent à près de 2,6 milliards d’euros, soit le double des moyens délivrés l’année suivante. Cette réflexion pour un recentrage de la PEEC que vous appelez de vos vœux est pour moi une priorité. Comment et quand engager cette réflexion pour qu’un maximum de salariés soient concernés ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je m’associe aux remerciements adressés à nos deux corapporteurs. Vous n’avez pas évoqué le Portrait social édité en 2021 par l’Insee au sujet du logement. Il y est indiqué que 24 % de ménages détiennent 68 % des logements et que 3,5 % des ménages détiennent la moitié des logements en location. Que vous inspire cette concentration, qui doit beaucoup aux niches fiscales supportées par le budget de l’État ?

Ensuite, je suis totalement opposée au recentrage du PTZ. Dans la métropole de Clermont-Ferrand qui regroupe 21 communes, seules deux d’entre elles sont éligibles au PTZ. En conséquence, le PTZ agit sur le prix des loyers et fait encore augmenter le prix du foncier. Cette métropole est frontalière d’une communauté d’agglomérations qui n’est pas éligible au PTZ. Pourtant, pas une semaine ne se passe sans que quelqu’un ne vienne dans mon bureau pour soutenir une demande de logement sur cette agglomération. Il faut faire preuve de cohérence : soit on supprime le PTZ pour tout le monde, soit on le propose à tout le monde.

Mme Marina Ferrari (Dem). Avez-vous réfléchi à un dispositif en remplacement de l’aide Mobili-Pass, qui va disparaître ? Je souhaite également évoquer les avantages fiscaux dont bénéficient la location meublée touristique de courte durée. En zone de montagne, une disparition de l’abattement pourrait entraîner des conséquences dramatiques. Par ailleurs, j’aime l’idée qui consiste à défendre le maire-bâtisseur.

Enfin, avez-vous regardé la différence de fiscalité sur les frais de notaires entre les marchands de biens et les autres acquéreurs ? Sur certaines grosses opérations de réhabilitation, la différence est telle qu’elle se chiffre en millions, empêchant certaines collectivités d’intervenir par manque de moyens.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Le taux réduit de TVA à 4,5 % sur les travaux de rénovation énergétique (2 milliards d’euros) n’est pas le seul : il convient aussi de mentionner le taux réduit de 10% pour les travaux entrepris sur les logements de plus de deux ans (4 milliards), le taux réduit de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux, le taux réduit de 5,5 % pour le prêt social location-accession. Au total, 10 milliards d’euros de réduction de taux de TVA n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque évaluation. Nous plaidons en faveur de la réalisation d’une étude sérieuse dans ce domaine. À cet égard, nous avons appris que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) allait effectuer une étude, qui sera publiée à l’automne et dont les conclusions devront être scrutées.

M. Charles de Courson, rapporteur. Sur ce sujet, un immense problème d’évaluation de la baisse des taux de TVA est patent. La question porte en réalité sur les bénéficiaires de ces baisses. Certains considèrent que les petites baisses sont captées par les producteurs ou les distributeurs. La grande difficulté consiste donc à savoirs si la baisse du taux de TVA entraîne réellement une baisse du prix de revient TTC. De fait, les études économiques montrent une captation, souvent de la part des producteurs. Le rapport du CPO nous met en garde sur la manipulation des taux de TVA qui n’aboutissent pas à l’objectif poursuivi.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Ensuite, vous avez été nombreux à évoquer les logements vacants, pour lesquels il existe deux taxes. Dans le détail, les conditions sont tellement restrictives que les taxes ne sont pas ou peu opérationnelles. Je plaide donc pour la mise en place d’un dispositif fiscal très dissuasif, notamment à l’occasion de la loi de finances.

M. Charles de Courson, rapporteur. La taxe sur les logements vacants pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, elle ne peut être levée que dans des zones tendues. Or les logements vacants sont répartis un peu partout sur le territoire. Ensuite, le niveau de la taxe n’est pas dissuasif, notamment lorsque l’on le compare à un loyer mensuel. Certains plaident en faveur d’une forte augmentation, pour contraindre les intéressés à vendre. Mais le problème est plus compliqué, compte tenu de la diversité des raisons expliquant les vacances.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Dans le cadre du plan de relance, un dispositif a été mis en place pour aider les maires densificateurs. En 2022, l’aide a été ciblée vers les communes qui construisaient beaucoup, mais seulement 530 communes sur les 1 070 qui s’étaient engagées en 2022 ont bénéficié de cette aide. Seulement 141 millions ont été dépensés : la carotte budgétaire n’est pas suffisante pour inciter les maires à construire. D’autres raisons inhibent les maires dans leur démarche de construction.

M. Charles de Courson, rapporteur. Notre rapport s’interroge pour savoir si le système fiscal français incite à la rétention foncière. Dans le cadre d’une réflexion d’ensemble, ne faudra-t-il pas remettre dans le droit commun les plus-values foncières ? Je partage l’opinion de notre collègue Mattei, mais dans une réforme d’ensemble.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. La question d’une agence nationale de rénovation rurale a été évoquée par certains d’entre vous. J’estime que la capacité d’offres de logement ne doit pas se limiter uniquement au développement des zones économiques. Il faut aussi s’intéresser à la question du logement en milieu rural.

M. Charles de Courson, rapporteur. La création d’une agence nationale n’est pas forcément la panacée pour effectuer ce travail de dentelière. Je pense qu’il faut plus s’appuyer sur les élus locaux, à travers des opérations renforcées, c’est-à-dire cette idée de territorialisation, qui est partagée par de nombre de courants politiques. Les possibilités existent mais il faut les amplifier. Je ne pense pas pour autant qu’il faille aller jusqu’à la décentralisation, dans la mesure où l’État a une responsabilité en matière de fiscalité nationale.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. La question du statut de propriétaire bailleur a été évoqué par certains d’entre vous. Ce dispositif serait très coûteux (4,5 milliards d’euros) et l’efficacité des effets de leviers est difficilement mesurable. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas retenu ce dispositif dans nos recommandations, qui sont au nombre de quarante.

M. Charles de Courson, rapporteur. La taxation des loyers implicites existait jusqu’en 1963. Mais aujourd’hui, vouloir taxer les loyers fictifs entraînerait une révolution. Au-delà, une question essentielle consiste à savoir s’il faut encourager l’accession à la propriété. J’en suis persuadé pour des raisons économiques, mais aussi sociales de responsabilisation. En résumé, je pense que dissuader l’accession à la propriété est une mauvaise idée.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. M. Brun a évoqué la question de l’État délégataire. Dans mon territoire, un grand acteur privé du logement, qui a d’ailleurs été député pendant un certain nombre de mandats, estime qu’il faudrait nationaliser la question des HLM et faire en sorte qu’ils soient sous la responsabilité et l’autorité des préfets.

M. Jolivet, nous proposons effectivement de nouvelles dépenses, mais également des pistes d’économies. La banque de rénovation ne coûte pas nécessairement beaucoup d’argent. La proposition d’exonération de taxe sur le foncier bâti pour les opérations de seconde vie coûterait de l’argent, mais serait un moyen d’inciter les maires à s’engager dans cette direction. Enfin, le RAS coûte 1,3 milliards d’euros mais il est piloté à Bercy.

M. Charles de Courson, rapporteur. Aujourd’hui, l’exonération d’IS est estimée à 800 millions d’euros, contre un peu plus d’un milliard il y a cinq à six ans.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Mme Sas, notre rapport ne se préoccupe pas uniquement d’économies, mais surtout d’une meilleure efficacité de la dépense publique. Nous nous préoccupons également de certaines questions d’équité (APL contre la demi-part fiscale par exemple) et cherchons à mettre en évidence des priorités sur la politique publique du logement. Nous essayons de proposer des outils sur la question de la rénovation énergétique. Mais notre rapport ne porte pas spécifiquement sur cette dernière question. Nous nous sommes concentrés sur les dépenses budgétaires et fiscales en lien avec le logement.

M. Charles de Courson, rapporteur. La loi sur le DPE est inapplicable et devra être modifiée. Par exemple, à Paris intramuros 40 % des logements sont de classe E, F ou G.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Des questions ont porté sur la fiscalité. En fin de compte, le logement est beaucoup taxé et fait l’objet d’un grand nombre d’exonérations fiscales. Ne pourrait-on pas adopter une approche plus simple et plus efficace, qui consisterait à la dois à moins taxer le logement et à moins exonérer ? À ce titre, un certain nombre de niches fiscales s’éteignent à la fin de l’année et il serait opportun de nous mettre d’accord pour ne pas les proroger.

M. Charles de Courson, rapporteur. Selon les notaires que nous avons interrogés, le dispositif Pinel enrichit les promoteurs : un logement « pinelisé » est plus cher qu’un logement équivalent du parc privé.

M. Daniel Labaronne, rapporteur. Mme Ferrari, je crains qu’un dispositif ciblé « zone de montagne » ne soit pas constitutionnel. M. Castellani, de nombreuses études ont montré que le dispositif Pinel n’avait pas atteint les objectifs initiaux. Les évaluations ont montré qu’il fallait y mettre un terme.

M. Charles de Courson, rapporteur. La plupart de groupes partagent notre analyse sur l’APL. Mais je me rappelle qu’il y a vingt-cinq ans, nous avions déjà essayé de faire passer cette mesure, que la commission des finances avait appuyé. Mais nous nous étions faits rabroués par nos collègues en séance publique, et le gouvernement ne nous avait pas suivi.

S’agissant des meublés touristiques, nous ne proposons pas la suppression des 71 %, mais de les ramener aux 50 % des meublés non classés. Le problème des plafonds doit aussi être évoqué, puisqu’ils sont très élevés pour les meublés touristiques et beaucoup moins pour les meublés non touristiques.

Enfin, nous n’avons pas abordé la question de la fiscalité des marchands de bien dans notre rapport. Mais la question de l’éligibilité au droit de préemption urbain fait également partie de l’équation.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour le travail effectué.

En application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 


— 1 —

   ANNEXE

 

  1.   CaractÉristiques des principaux dispositifs d’accession À la propriÉtÉ

 

Dispositif

Coût budgétaire

(en millions d’euros, en 2022)

Conditions de revenus

Primo-accession

Localisation

Type

Montant

PTZ

839

Oui

Oui

Barème variable selon le zonage (A, B1, B2, C)

Neuf, ancien avec travaux, rachat HLM

– Neuf : 40 % du montant de l’opération (zones A et B1) / 20 % (zones B2 et C) ;

– Ancien : 40 % du montant de l’opération (B2 et C) / A et B1 non éligible ;

– HLM : 10 % du montant de l’opération

PAS

22

Oui

Non

Métropole + DOM

Neuf, ancien avec ou sans travaux, travaux seuls

100 % du montant de l’opération ;

Garantie de l’État à 50 % des pertes finales

PC

Non

Non

Métropole + DOM

Neuf, ancien avec ou sans travaux, travaux seuls

100 % du montant de l’opération

PSLA

Non connu

Oui

Non

Métropole + DOM

Construction ou acquisition de logements dans le cadre d’une location-accession.

Au moment de la levée de l’option, transféré au titulaire du contrat de location-accession.

Lors du transfert du prêt à la levée de l’option, pour le montant du capital restant dû.

Montant maximum égal à la différence entre le prix du logement et le montant de la fraction acquisitive.

  1.   CritÈres de dÉtermination du PTZ en 2023

De nombreux paramètres définissent l’éligibilité, le montant et les conditions de remboursement du PTZ.

Les zones éligibles au PTZ dans le neuf ou l’ancien

Le dispositif PTZ s’appuie sur un découpage de la France en plusieurs zones, définies par l’arrêté du 30 septembre 2014 pris en application de l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation.

– Zone A bis : Paris et 76 communes d’Île-de-France ;

– Zone A : agglomération parisienne, Côte d’Azur, Genevois, Ajaccio, Annemasse, Fréjus, Lille, Lyon, Marseille – Aix-en-Provence, Meaux, Menton, Montpellier, Nice ;

– Zone B1 : autres agglomérations de plus de 250 000 habitants, grande couronne parisienne, Annecy, Bayonne, Caen, Chambéry, Cluses, Dijon, La Rochelle, Le Havre, Saint-Malo, DOM, Corse ;

– Zone B2 : autres communes de plus de 50 000 habitants ;

– Zone C : reste du territoire.

La zone A bis est incluse dans la zone A, les zones B1 et B2 forment la zone B. Les zones A bis, A, et B1 sont considérées comme des zones « tendues », où l’offre des biens immobiliers est inférieure à la demande, tandis que les zones B2 et C sont des zones où l’offre de biens immobiliers est suffisante.

L’éligibilité au PTZ ne se fait pas dans les mêmes conditions selon la zone dans laquelle se situe le bien. Le PTZ dans le neuf est ouvert partout en France. En revanche, le PTZ dans l’ancien est uniquement éligible aux biens anciens situés dans les zones B2 et C : ainsi, l’octroi d’un PTZ n’est pas possible pour un logement ancien en zone A, A bis ou B1.

Les acheteurs éligibles au PTZ

Le PTZ est réservé aux foyers qui n’étaient pas propriétaires de leur résidence principale au cours des deux dernières années. Cette condition de primo-accession n’est toutefois pas exigée pour les personnes :

– titulaires d’une carte d’invalidité de deuxième ou troisième catégorie ;

– bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ;

– victimes d’une catastrophe naturelle ou technologique ayant conduit à rendre inhabitable de manière définitive leur résidence principale.

 

Les conditions de ressources

L’octroi du PTZ est soumis à des conditions de ressources : les emprunteurs doivent comparer leur revenu fiscal de référence (RFR) de l’année N–2 aux montants indiqués dans le tableau ci-dessous pour déterminer leur éligibilité au dispositif.

 

 

 

Les plafonds des revenus des mÉnages pour l’accès au PTZ

(en euros)

 

Nombre de personnes destinées à occuper le logement

zone A

zone B1

zone B2

zone C

1

37 000

30 000

27 000

24 000

2

51 800

42 000

37 800

33 600

3

62 900

51 000

45 900

40 800

4

74 000

60 000

54 000

48 000

5

85 100

69 000

62 100

55 200

6

96 200

78 000

70 200

62 400

7

107 300

87 000

78 300

69 600

8 et plus

118 400

96 000

86 400

76 800

Source : article D31-10-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

Afin de ne pas accorder un avantage excessif à des ménages dont les ressources ont fortement augmenté entre l’année de référence et la demande de prêt, le RFR du foyer est comparé au coût total de l’opération divisé par neuf : le montant le plus élevé est retenu pour déterminer l’éligibilité au PTZ.

 

Le montant du PTZ

Le montant du PTZ est égal à une quotité du coût total de l’opération retenu définie en fonction de la nature du logement et de la zone géographique (A, B1, B2, C) :

Quotité du PTZ selon les zones

 

Zone A

Zone B1

Zone B2

Zone C

Logement neuf

40 %

40 %

20 %

20 %

Logement ancien faisant l’objet de travaux d’amélioration

Exclu

Exclu

40 %

40 %

Logement ancien

acquis dans le cadre de la vente du parc social à ses occupants

10 %

10 %

10 %

10 %

Dans tous les cas, le montant du PTZ ne peut dépasser celui montant du ou des autres prêts (d’une durée supérieure ou égale à 2 ans) concourant au financement de l’opération.

En outre, les plafonds de montant d’opération sont retenus en fonction du nombre de personnes destinées à occuper le logement financé et de la zone géographique.

 


Plafonds de montants pour le calcul du PTZ

(en euros)

Nombre de personnes dans le foyer

ZONE A

ZONE B1

ZONE B2

ZONE C

1

150 000

135 000 €

110 000

100 000

2

210 000

189 000 €

154 000

140 000

3

255 000

230 000

187 000

170 000

4

300 000

270 000

220 000

200 000

5 et plus

345 000

311 000

253 000

230 000

Source : article R.31-10-10 du code de la construction et de l’habitation.

Les conditions de remboursement du PTZ

La durée totale d’un PTZ est comprise entre 20 et 25 ans. En fonction de leurs revenus, certains emprunteurs bénéficient d’un différé de remboursement. Concrètement, cela signifie qu’ils ne s’acquittent pas des mensualités de remboursement du PTZ immédiatement après le déblocage du prêt mais plusieurs années plus tard.

Afin de déterminer qui a droit à quel différé de remboursement, les ressources retenues pour l’octroi du prêt sont divisées par un coefficient familial variable selon la composition du foyer, indiqué dans le tableau ci-dessous.

Nombre de personnes

1 personne

2 personnes

3 personnes

4 personnes

5 personnes

6 personnes

7 personnes

8 personnes ou plus

Coefficient

1,0

1,4

1,7

2,0

2,3

2,6

2,9

3,2

Ce coefficient détermine la tranche de revenus d’appartenance du ménage. Les durées de remboursement et le calcul du différé d’amortissement varient selon le tableau ci-dessous :

Calcul du différé de remboursement

Tranches de revenus

Zone A

Zone B1

Zone B2

Zone C

Capital différé

Période de différé

Période de remboursement à l’issue du différé

Durée totale du prêt

1

≤ à 22 000

≤ à 19 500

≤ à 16 500

≤ à 14 000

100 %

15

10

25

2

 

De 22 001 à 25 000

De 19 501 à 21 500

De 16 501 à 18 000

De 14 001 à 15 000

100 %

10

12

22

3

De 25 001 à 37 000

De 21 501 à 30 000

De 18 001 à 27 000

De 15 001 à 24 000

100 %

5

15

20

Source : article R. 31-10-11 du code de la construction et de l’habitation.  

 

 

 

  1.   Logement social et logement intermÉdiaire 

Évolution de la proportion de ménages
pouvant accéder au PLUS/PLA-I/PLS/PLI

 

PLUS

PLA-I

PLS

PLI

1er janvier 2015

56,60 %

27,06 %

71,80 %

80,70 %

1er janvier 2016

56,00 %

26,74 %

71,20 %

80,20 %

1er janvier 2017

55,00 %

26,24 %

70,60 %

79,60 %

1er janvier 2018

54,40 %

25,78 %

70,00 %

79,20 %

1er janvier 2019

56,00 %

25,00 %

73,00 %

79,00 %

Source : enquête logement 2013 ; calculs DHUP/FE5 (FIDELI pour les taux au 1er janvier 2019).

 

 

 

France entière

Ile-de-France

Province

PLUS

 

 

 

 

 

1er janvier 2015(1)

56,60 %

57,10 %

57,30 %

 

1er janvier 2016(1)

56,00 %

56,50 %

56,60 %

 

1er janvier 2017

55,00 %

55,50 %

55,70 %

 

1er janvier 2018

54,40 %

54,70 %

54,80 %

 

1er janvier 2019

56,00 %

54,00 %

56,00 %

 

 

 

 

 

PLAI

 

 

 

 

 

1er janvier 2015

27,06 %

33,30 %

24,96 %

 

1er janvier 2016

26,74 %

32,94 %

24,64 %

 

1er janvier 2017

26,24 %

32,50 %

24,13 %

 

1er janvier 2018

25,78 %

31,83 %

23,74 %

 

1er janvier 2019

25,00 %

26,00 %

25,00 %

PLS

 

 

 

 

 

1er janvier 2015

71,80 %

73,90 %

74,60 %

 

1er janvier 2016

71,20 %

73,30 %

74,00 %

 

1er janvier 2017

70,60 %

72,60 %

73,20 %

 

1er janvier 2018

70,00 %

71,90 %

72,60 %

 

1er janvier 2019

73,00 %

70,00 %

73,00 %

PLI

 

 

 

 

 

1er janvier 2015

80,70 %

80,10 %

79,90 %

 

1er janvier 2016

80,20 %

79,60 %

79,40 %

 

1er janvier 2017

79,60 %

78,90 %

78,60 %

 

1er janvier 2018

79,20 %

78,30 %

78,00 %

 

1er janvier 2019

79,00 %

79,00 %

79,00 %

Source : enquête logement 2013 ; calculs DHUP/FE5 (FIDELI pour les taux au 1er janvier 2019).

 


— 1 —

   GLOSSAIRE DES ABRÉviations

 

ADIL : agence départementale d’information sur le logement

AFL : Association Foncière Logement

AHD : Affordable Housing Database – Base de données sur le logement abordable

AMF : Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité

ANAH : Agence nationale de l’habitat

ANCOLS : Agence nationale de contrôle du logement social

ANIL : Agence nationale pour l’information sur le logement

ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine

AL : allocation de logement

ALF : allocation de logement familiale

ALG : Action Logement Groupe

ALI : Action Logement Immobilier

ALS : allocation de logement sociale / Action Logement Services

ANIL : Agence nationale pour l’information sur le logement

APAGL : Association pour l’accès aux garanties locatives

APL : aide personnalisée au logement

ASH : aide sociale à l’hébergement

BIC : bénéfices industriels et commerciaux

BRS : bail réel solidaire

CAF : caisse d’allocations familiales

CDC : Caisse des dépôts et consignations

CDD : contrat à durée déterminée

CEREMA : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

CFE : cotisation foncière des entreprises

CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable

CGI : code général des impôts

CGLLS : Caisse de garantie du logement locatif social

CIDD : crédit d’impôt en faveur du développement durable

CIL : comité interprofessionnel du logement

CITE : crédit d’impôt transition énergétique

CNAF : Caisse nationale des allocations familiales

COFOG : Classification Of The Fonctions Of Governement – classification des fonctions des administrations publiques

CPO : Conseil des prélèvements obligatoires

CRSD : Corporate Sustainability Reporting Directive – directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises

CSG : contribution sociale généralisée

CSL : compte satellite du logement

CUS : convention d’utilité sociale

DALO : droit au logement opposable

DGALN : direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

DGFiP : direction générale des finances publiques

DHUP : direction de l’habitation, de l’urbanisme et des paysages

DLF : direction de la législation fiscale

DMTO : droits de mutation à titre onéreux

DPU : droit de préemption urbain

DREEES : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DROM : départements et régions d’outre-mer

Éco-PTZ : éco-prêt à taux zéro

ENL : enquête nationale du logement

EPCI : établissement public de coopération intercommunale

EPF : établissement public foncier

ERAFP : Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

ESH : entreprise sociale pour l’habitat

FFB : Fédération française du bâtiment

FGAS : Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété

FGRE : Fonds de garantie pour la rénovation énergétique

FNAIM : Fédération nationale de l’immobilier

FNAL : Fonds national d’aide au logement

FNAP : Fonds national des aides à la pierre

FPI : Fédération des promoteurs immobiliers

FSL : Fonds de solidarité pour le logement

GFS : Governement Finance Statistics – Statistiques des finances publiques

GIP-SNE : groupement d’intérêt public – système national d’enregistrement de la demande de logement social 

HCSF : Haut Conseil de stabilité financière

HLM : habitation à loyer modéré

IFI : impôt sur la fortune immobilière

IGEDD : Inspection générale de l’environnement et du développement durable

IGA : Inspection générale de l’administration

IGAS : Inspection générale des affaires sociales

IGF : Inspection générale des finances

INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

IPC : indice des prix à la consommation

IR : impôt sur le revenu

IRL : indice des revenus locatifs

IS : impôt sur les sociétés

LFI : loi de finances initiale

LLI : logement locatif intermédiaire

LLS : logement locatif social

LMNP : location meublée non professionnelle

NPNRU : nouveau programme national de renouvellement urbain

NPTZ : nouveau prêt à taux zéro

MtCO2eq : million de tonnes en équivalent dioxyde de carbone

OAT : obligation assimilable du Trésor

OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économiques

OFS : organisme foncier solidaire

OLS : organisme de logement social

ONRE : Observatoire national de la rénovation énergétique

OPAH : opération programmée d’amélioration de l’habitat

OPH : office public de l’habitat

PAR : prêt avance rénovation

PAS : prêt d’accession sociale

PC : prêt conventionné

PEC : participation à l’effort de construction

PEEC : participation des employeurs à l’effort de construction

PFU : prélèvement forfaitaire unique

PIB : produit intérieur brut

PIG : programme d’intérêt général

PIV : Plan d’investissement volontaire

PNRU : programme national de rénovation urbaine

PLAI : prêt locatif aidé d’intégration

PLF : projet de loi de finances

PLH : programme local de l’habitat

PLI : prêt locatif intermédiaire

PLS : prêt locatif social

PLU / PLUi : plan local d’urbanisme / plan local d’urbanisme intercommunal

PLUS : prêt locatif à usage social

PSLA : prêt social location-accession

PTZ/PTZ+ : prêt à taux zéro / prêt à taux zéro « renforcé »

QPV : quartier prioritaire de la politique de la ville

RE 2020/2022 : réglementation environnementale 2020/2022

RFR : revenu fiscal de référence

RLS : réduction du loyer de solidarité

SAC : société anonyme de coordination

SAFER : société d’aménagement foncier et d’établissement rural

SCoT : schéma de cohérence territoriale

SDES : service des données et études statistiques

SGAHLM : Société de garantie de l’accession des organismes d’HLM

SGFGAS : Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété

SGPE : Secrétariat général à la planification écologique

SLR : supplément de loyer de référence

SLS : supplément de loyer de solidarité

SMIC : salaire minimum de croissance

SNBC : stratégie nationale bas-carbone

SNE : système national d’enregistrement

SRCV : enquête « Statistiques sur les ressources et conditions de vie »

SRU : loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain

TFPB : taxe foncière sur les propriétés bâties

TLA : taux du livret A

TMI : taux marginal d’imposition

TSV : taxe sur les logements vacants

TVA : taxe sur la valeur ajoutée

UE : Union européenne

UESL : Union des entreprises et des salariés pour le logement

URSSAF : union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales

USH : Union sociale pour l’habitat

VEFA : vente en l’état futur d’achèvement

ZAN : zéro artificialisation nette

ZRR : zone de revitalisation rurale

ZUS : zone urbaine sensible

 

 


— 1 —

   LISTE DES PERSONNES entendues par la mission d’information

Table ronde :

 INSEE : Mme Valérie Albouy, cheffe du département des ressources et des conditions de vie des ménages, à la direction des statistiques démographiques et sociales

 CGDD/SDES :

– M. Jérôme Harnois, sous-directeur des statistiques du logement et de la construction ;

– M. Guillaume Rateau, responsable du Bureau des enquêtes et synthèses sur le logement et la construction (BESLC).

OCDE :

– M. Boris Cournède, chef par intérim, division des finances publiques, branche des études de politique économique, département des affaires économiques ;

– Mme Marissa Plouin, analyste des politiques, logement et politiques sociales, direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales ;

– M. Volker Ziemann, économiste au département des affaires économiques.

Commission européenne : Contribution écrite

Table ronde des économistes :

– M. Jean Boisvieux, ex directeur des études à l’ANIL, créateur du site politiquedulogement.com ;

– M. Pierre Madec, économiste à l’OFCE ;

– M. Michel Mouillart, professeur d’économie, FRICS.

Table ronde des professions de l’immobilier :

 Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM*) :

– Mme. Bénédicte Rouault, chef de cabinet du président ;

– M. Loïc Cantin, président.

 Fédération française du bâtiment (FFB*) :

– M. Olivier Salleron, président ;

– M. Loïc Chapeau, directeur des affaires économiques ;

– M. Benoît Vantsavel, directeur des relations institutionnelles.

 Fédération des promoteurs immobiliers (FPI*) :

– M. Jacques Ehrmann, directeur général Groupe Altarea*, membre du Conseil fédéral et du Comité directeur de la FPI ;

– Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles ;

– M. Didier Bellier-Ganière, délégué général.

 Syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI*) : Mme Anne-Catherine Popot, directrice du service juridique

Table ronde des propriétaires et locataires :

 Confédération générale du logement (CGL*) : M. Michel Fréchet, président

 Union nationale des professionnels immobiliers (UNPI*) : M. Christophe Demerson, président

 Union Sociale pour l’Habitat (USH*)/Union nationale des fédérations d’organismes HLM :

– Mme Marianne Louis, directrice générale ;

– M. Dominique Hoorens, directeur des études ;

– M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles ;

– Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement.

5ème chambre de la Cour des Comptes :

– Mme Catherine Démier, présidente ;

– M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller maître ;

– M. Denis Berthomier, conseiller maître ;

– Mme Perrine Tournade, conseillère référendaire.

Action Logement Groupe *:

– Mme Akila Mat, responsable des relations institutionnelles ;

– M. Bruno Arcadipane, président ;

– Mme Marion Oeschli, secrétaire générale ;

– M. Olivier Rico, directeur général Action Logement Services ;

– Mme Nadia Bouyer, directrice générale ;

– M. Edouard Quinchon, directeur territoires et affaires publiques.


Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) :

– M. Christophe Viprey, directeur général ;

– M. Brice Welti, secrétaire général de la SGFGAS.

Associations de lutte contre le mal logement / Fondation Abbé Pierre* : M. Manuel Domergue, directeur des études

Le droit au logement (DAL) : M Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole

CDC Habitat* :

– M Clément Lecuivre, directeur général ;

– Mme Anne Frémont, directrice des affaires publiques.

PROCIVIS* :

– M. Yannick Borde, président ;

– M.  Guillaume Macher, directeur général ;

– Mme Claire Dagnogo, directrice de l’engagement et des relations institutionnelles.

Table ronde des représentants des collectivités :

Autorité des Marchés Financiers (AMF) : Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Intercommunalités de France :

– M. Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement ;

– M. Jérôme Baloge, président de Niort agglo ;

– Mme Claire Delpech, responsable du pôle finances, fiscalité et habitat.

France Urbaine : M. Emmanuel Heyraud, délégué adjoint

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) : Mme Marianne Laurent, directrice générale

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) : M. Serge Bossini, directeur général

 

Table ronde des économistes :

– M. Pierre Madec, économiste ;

– M. Bernard Coloos, consultant ;

– M. Jean Bosvieux, économiste ;

– M. Claude Taffin, consultant en économie du logement ;

– Mme Irène Fossé, directrice recherche et stratégie chez AEW ;

– M. François Ecalle, président Fipeco ;

– M. Loïc Chapeaux, directeur affaires économiques, financières et internationales chez Fédération Française du Bâtiment (FFB*).

Fédération nationale des Offices Publics de l’Habitat (FNOHLM) :

– M. Marcel Rogemont, ancien député, président de la fédération nationale des offices d’HLM, président de l’association régionale des organismes d’HLM ;

– M. Laurent Goyard, directeur de la fédération.

Caisse des dépôts – Banque des territoires :

– Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles ;

– M. Pierre Laurent, responsable du département développement à la direction des prêts.

Fédération des ESH (entreprises sociales pour l’habitat) : M. Didier Poussou, directeur général

Table ronde :

 M. Bernard Monassier, président honoraire de la chambre des notaires de Paris, ancien maître de conférence à HEC, vice-président du cercle des fiscalistes, président de BM Family Office ;

– M. Jean-Paul Mattei, député.

Table ronde :

– M. Alain Dorison, inspecteur général des finances honoraires et commissaire aux comptes honoraires ;

– M. Jacques de Larosière, haut fonctionnaire et banquier français.


Conseil supérieur du notariat *:

– Mme Camille Stoclin-Mille, administratrice en charge des relations institutionnelles ;

– M. Olivier Compère, directeur économie du notariat ;

– Maître Bertrand Savouré, 1er vice-président.

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

 Direction du budget

– Mme Élise Calais, adjointe au sous-directeur ;

– M. Ulric de La Batut, chef du bureau logement, ville et territoires.

– Direction de la législation fiscale

– M. Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale ;

– M. Nicolas Chayvialle, chef du bureau de la fiscalité du patrimoine et de l’épargne.

– Direction générale du Trésor

– M Antoine Deruennes, chef du service des politiques publiques ;

– M. Gabriel Cumenge, sous-directeur des banques et des financements d’intérêt général ;

– Mme Sonia Delmas, adjointe au chef du bureau du financement du logement et des activités d’intérêt général ;

– M. Thomas Kergonou Jimenez, adjoint à la cheffe du bureau concurrence, numérique et économie du logement.

Ministère de la transition écologique

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

– M. François Adam, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages ;

– M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement du logement et de l’aménagement durable ;

– M. Sébastien Gorlin, adjoint au sous-directeur de la législation de l’habitat et des organismes de logement social.

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

([2]) Pour la question de la décentralisation ou de la décentralisation des politiques de rénovation énergétique, voir notamment : M. François Jolivet, Rapport d’information au nom de la commission des finances sur les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’ANAH, n° 1242, 17 mai 2023, Assemblée nationale ; MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, Rapport d’information au nom de la commission des finances sur le financement de la transition énergétique au regard de l’efficacité de MaPrimeRenov’, de la limitation des charges énergétiques des consommateurs finals et du soutien à l’investissement dans l’énergie, n° 1305, 1er juin 2023, Assemblée nationale.

([3]) Voir notamment le rapport d’information n° 5033 au nom de la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale sur l’habitat en Outre-mer (février 2022) ou le rapport de commission d’enquête n° 811 du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique (juin 2023).

([4]) La comptabilisation des loyers imputés (ou loyers fictifs) recouvre pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) le service de location que se rendent à eux-mêmes les propriétaires de leur logement, à savoir les loyers que les propriétaires auraient à payer s’ils étaient locataires du logement qu’ils habitent.

([5]) Données et graphiques disponibles pour l’année 2021 à l’adresse suivante : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/rapport-du-compte-du-logement-2021-0  

([6]) Une fiscalisation des intérêts des livrets d’épargne réglementée, qui pourrait diminuer les encours centralisés par le fonds d’épargne, n’aurait pas nécessairement d’impact sur le financement du logement social : fin 2022, le fonds d’épargne centralisait 325 milliards d’euros dont une partie seulement, 174 milliards d’euros, correspondait à l’encours de dette du logement social.

([7]) Cf. OCDE, Pierre par pierre, Bâtir de meilleures politiques du logement, chapitre 4 « Renforcer l’efficience du marché du logement, p.89 et suivantes.

([8]) Cf.https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-12/AAS22-Fiche%2016%20-%20L%E2%80%99aide%20sociale%20%C3%A0%20l%E2%80%99h%C3%A9bergement%20des%20personnes%20%C3%A2g%C3%A9es%20%28ASH%29.pdf. Le CSL calcule le montant total des ASH versées, comme pour d’autres aides, par application du taux d’évolution N-2/N-3 avant de disposer des données consolidées.

([9]) Cour des comptes, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur la gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, mars 2019.

([10]) Observations définitives disponibles à l’adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-recours-aux-comparaisons-europeennes-en-matiere-de-logement  

([11]) Au nom de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), le cabinet Fidal a ainsi produit une « Étude sur la fiscalité immobilière en Europe » en octobre 2014 comparant la fiscalité immobilière locale et nationale en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et en France, en ce qui concerne la construction et la détention d’un logement neuf à partir de simulations individuelles (prix de vente du logement, revenus du foyer, localisation). Le niveau de TVA et de droits indirects tout comme la fiscalité liée à la détention rend la construction et la vente d’immeubles collectifs plus taxée en France que chez l’ensemble de ses voisins. En revanche, l’étude montre que le régime de taxation des plus-values immobilières en France est similaires à celui des autres pays comparés.

([12]) Cour des comptes, Référé : La production et l’utilisation des données utiles à la politique du logement, mai 2022. Pour une analyse du référé et plus largement de la production et de l’analyse de données relatives au logement, voir l’article de Bernard Coloos de septembre 2022 disponible à l’adresse suivante : https://politiquedulogement.com/2022/10/la-production-et-lutilisation-des-donnees-utiles-a-la-politique-du-logement/

([13]) La carte est disponible à l’adresse suivante : https://www.ecologie.gouv.fr/carte-des-loyers  

([14]) Comme le rappelle la note de la Cour des comptes Restaurer la cohérence de la politique du logement en l’adaptant aux nouveaux défis de novembre 2021, les objectifs peuvent s’opposer :

– la défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique peuvent conduire à diminuer l’offre de logement ou à renchérir son coût ;

– la nécessité de contrôler les loyers s’oppose à la nécessité d’inciter les investisseurs à développer une offre locative rentable ;

– le logement social doit viser le logement des publics les plus modestes et en précarité tout favorisant l’accès au logement des travailleurs de première ligne et en atteignant les objectifs de mixité sociale.

([15]) cf. INSEE, Focus, « 37,6 millions de logements en France au 1er janvier 2022 », novembre 2022. Étude disponible à l’adresse suivante : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6653801.  

([16]) Article L. 315-2 du code de la consommation.

([17]) Article 244 quater U du code général des impôts et articles D. 319-1 à D. 319-51 du code de la construction et de l’habitation.

([18]) Décret n° 2022-454 du 30 mars 2022 relatif aux avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation ayant ouvert droit à la prime de transition énergétique.

([19]) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

([20]) Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

([21]) Comme l’indique la note de la Cour des comptes de juillet 2023, Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis, le nombre de personnes par ménages est passé de 3,08 en 1968 à 2,19 aujourd’hui.

([22]) Université Paris Dauphine – Crédit Foncier, « Logement : la demande sous le choc sociologique », , Observateur de l’immobilier hors-série, 2006.

([23]) CEREMA, « Le calcul des « besoins en logement », panorama des méthodes », juillet 2015.

([24]) Pour une présentation et une discussion des zonages, voir notamment : Rapport d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale n° 1083 sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (hors Île-de-France), avril 2023.

([25]) cf. art 92 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

([26]) Pour la question de la décentralisation ou de la décentralisation des politiques de rénovation énergétique, voir notamment : M. François Jolivet, Rapport d’information au nom de la commission des finances sur les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’ANAH, n° 1242, 17 mai 2023, Assemblée nationale ; MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, Rapport d’information au nom de la commission des finances sur le financement de la transition énergétique au regard de l’efficacité de MaPrimeRenov’, de la limitation des charges énergétiques des consommateurs finals et du soutien à l’investissement dans l’énergie, n° 1305, 1er juin 2023, Assemblée nationale.

([27]) Pour avoir un bon aperçu de l’évolution des aides au logement en longue période, voir notamment l’article de Michel Mouillart : Les aides au logement en longue période (1948-2018), L’observatoire de l’immobilier du crédit foncier (n° 96), juin 2018.

([28]) Les règles de calcul sont ici présentées hors cas particuliers (exemple des « APL foyers », ou APL accession).

([29]) USH, Rapport au Congrès 2022, Les aides personnelles au logement, pilier du modèle HLM, septembre 2022.

([30]) Cf. Cour des comptes, Communication à la commission des finances du Sénat, Les aides personnelles au logement, juillet 2015.

([31]) Voir par exemple : Gabrielle Fack, “Are housing Benefits an Effective Way to Redistribute Income Evidence from a Natural in France”. Labour Economics, 13(6), p. 747–771, 2006.

([32]) Anne Laferrère et David le Blanc, Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ?. In : Économie et statistique, n° 351, 2002. pp. 3-30.

([33]) INSEE - Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trevien , L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé, 2014.

([34]) Pour une défense du caractère non inflationniste des aides personnelles au logement, voir la note de Terra Nova, L’effet inflationniste des APL sur les loyers – Le risque d’une fausse piste, décembre 2017.

([35]) IGAS, Évaluation des aides personnelles au logement, 2012.

([36]) Banque de France, Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trevien, The Long-Term Impact of Housing Subsidies on the Rental Sector the French Example, working paper, septembre 2022.

([37]) « Le développement de la propriété est-il néfaste pour l’emploi ? » de Jean Bosvieux et Bernard Coloos, Métropolitiques, 17 juin 2011.

([38]) Les développements de cette partie du rapport reprennent notamment les éléments transmis par M. Bernard Coloos à la mission d’information.

([39]) Andrew J. Oswald, « A conjecture on the explanation for high unemployement in the industrial nations », par l’University of Warwich Economic Research Papers n° 475, 1996.

([40]) Charles-Marie Chevalier et Raphaël Lardeux in « Plus de propriétaires depuis cinquante ans : des effets secondaires défavorables à l’emploi ? » Insee Analyses n° 37, avril 2018, 4 pages.

([41]) Carole Brunet, Nathalie Havet, Jean-Yves Lesueur, « La propriété immobilière est-elle un obstacle pour sortir du chômage ? », Économie et prévisions n° 200-201, pp. 161 à 183, 2014.

([42]) Carole Brunet et Nathalie Havet, 2008. « Propriété immobilière et déqualification dans l’emploi », GATE, document de travail ; Carole Brunet et Nathalie Havet, 2009. « Propriété immobilière et déqualification dans l’emploi », Revue Française d’Économie, 24-1, pp. 121-155.

([43]) Article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([44]) Cour des comptes, enquête demandée par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de
l’Assemblée nationale sur Les aides de l’État à l’accession à la propriété, novembre 2016.

([45]) Article D. 331-63 du code de la construction et de l’habitation.

([46]) Ces plafonds de ressources, identiques à ceux prévus pour l’octroi du prêt à taux zéro (cf. annexe), sont indiqués à l’article D. 31-10-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

([47]) Article R. 331-74 du code de la construction et de l’habitation.

([48]) Décret n° 2004-286 du 26 mars 2004, arrêté du 26 mars 2004 relatifs aux prêts conventionnés pour des opérations de location-accession à la propriété immobilière et loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière.

([49]) Arrêté du 30 septembre 2014 relatif aux prêts conventionnés, au prêt social de location-accession, à l’accession sociale en zone ANRU et aux opérations d’accession des organismes d’habitation à loyer modéré.

([50]) Article 29 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([51]) III et IV de l’article 1384 A du code général des impôts, tels que modifiés par l’article 25 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([52]) Ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 relative au bail réel solidaire, prise sur le fondement de l’article 94 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([53]) Définis à l’article L. 329-1 du code de la construction et de l’habitation, les OFS ont été créés par l’article 164 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Ils ont pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs.

([54]) Des éléments complémentaires portant sur le cadre juridique du PTZ sont présentés en Annexe.

([55]) Le décret n° 2020-1377 du 12 novembre 2020 permet au second locataire-accédant d’un logement PSLA neuf de bénéficier du PTZ lorsque le premier locataire-accédant a quitté le logement dans les six premiers mois après son entrée dans les lieux (cf. Annexe).  

([56]) IGF et CGEDD, L’évaluation du prêt à taux zéro (PTZ), octobre 2019.

([57]) Le taux d’effort correspond à la division de la mensualité par le montant net perçu au cours de l’année d’émission.

([58]) Le revenu de référence de l’année N–2 est égal au revenu de cette année après abattement, ce dernier étant généralement égal à 10 %.

([59]) Rapport public annuel 2021 de l’ANCOLS.

([60]) Insee, Enquête Histoire de vie et patrimoine, 2017-2018.

([61]) Il est à noter que dans ces dépenses publiques en faveur du logement sont comprises des contributions du secteur lui-même : par exemple, l’apport financier de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), dont les ressources proviennent de cotisations supportées par les organismes de logement social, à l’ANRU pour le financement NPNRU représente chaque année 184 millions d’euros.

([62]) Outre les dépenses fiscales listées qui bénéficient directement au logement social, certaines dépenses fiscales bénéficient indirectement au logement social comme l’exonération d’impôt sur la plus-value réalisée par les personnes cédant un immeuble à un acquéreur s’engageant à réaliser des logements sociaux.

([63]) Ce montant inclut la dépense fiscale liée à l’accession sociale à la propriété.  

([64]) Article 81 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([65]) ANCOLS, Rapport public annuel de contrôle 2021 - Contrôle thématique sur les regroupements d’OLS, 2023.

([66]) Moins d’une trentaine d’organismes demeuraient sans aucun projet de regroupement identifié ou viable selon le rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 5121), mercredi 23 février 2022.

([67]) 1 milliard d’euros selon les réponses apportées par la Banque des territoires aux questionnaires budgétaires transmis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

([68]) Article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([69]) Étude 2022 Perspectives – L’étude sur le logement.

([70]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.  

([71]) Article L. 621-2 du code de la construction et de l’habitation.

([72]) Articles L. 441-3 et L. 442-3-3 du code de la construction et de l’habitation.

([73]) L’USH propose ainsi que soit créé un « véritable service global d’orientation vers le logement », coconstruit entre l’État, les collectivités locales et les réservataires, garantissant dans chaque territoire un service d’accueil complet avec des lieux d’accueils physiques, la possibilité de prise de rendez-vous en ligne (« doctolib du logement »), un service téléphonique. Le GIP-SNE aurait pour charge de définir un cadre, de développer un système de labellisation ou de certification des dispositifs d’accueil et de garantir une offre de formation homogène des personnels. Ces dispositifs seraient financés par les acteurs actuels du traitement de la demande, à savoir les bailleurs, les réservataires et les collectivités locales. Ce service, en complément des actions menées par les bailleurs, pourrait également être sollicité dans le cadre d’une demande de mutation ou de mobilité. Il pourrait également fournir des informations sur l’accession sociale, les garanties mobilisables pour évoluer vers le parc privé. Enfin, dans un objectif de simplification et de fiabilisation des transferts de données, l’USH propose la transmission automatique des données entre les services fiscaux, les CAF, le SNE et les organismes de logements sociaux.

([74]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([75]) Article 279-0 bis A du code général des impôts.

([76]) « Les données du CRÉDOC estiment par exemple, que, sur la période 2006-2011, près de 500 000 chômeurs inscrits à Pôle Emploi ont renoncé à un poste faute de pouvoir supporter des dépenses de logement plus importantes ». Rapport d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (hors Île-de-France) (n° 1083), avril 2023.

([77]) Environ 70 % de la population est aujourd’hui éligible au LLS. Les plafonds du logement intermédiaire sont supérieurs aux plafonds du LLS (en 2023, une personne gagnant moins de 32 715 euros est éligible au PLS en région parisienne alors qu’une personne gagnant moins de 41 855 euros est éligible au PLI).

([78]) Rapport IGF-CGEDD d’avril 2021 : « À titre de conclusion partielle, la mission estime que tant que l’environnement financier actuel caractérisé par des taux d’intérêt très faibles perdurera, la demande en logement intermédiaire manifestée par la majorité des investisseurs rencontrés devrait se maintenir. »

([79]) Article 81 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (art. 220 Z septies du CGI)

([80]) IGF-CGEDD, Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, avril 2021.

([81]) Dans son rapport La situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017, la Cour des comptes remarque au sujet du dispositif « Pinel » un « ciblage insuffisant dans les zones tendues, avec des plafonnements de loyers trop proches de ceux du marché pour avoir un impact. Dans les zones non tendues, ces dispositifs ont fait encourir aux bailleurs privés le risque de ne pas trouver de locataires, compte tenu de la surabondance de l’offre. » Elle souligne que « l’avantage fiscal risque d’avoir un effet inflationniste s’il est intégré par le promoteur dans le prix du logement, ce qui semble être en tout ou partie le cas dans les zones de forte demande. » Par ailleurs, ce dispositif aurait « constitué pour certains investisseurs particuliers, notamment en Île-de-France et dans les Outre-mer, un effet d’aubaine. » La Cour constatait également que ces dispositifs n’avaient aucun effet mesurable de modération des loyers.

([82]) La tension est caractérisée à partir de cinq indicateurs : loyer de marché, taux de vacance, prix, évolution de la population, évolution de l’emploi.

([83]) Article 199 novovicies du CGI.

([84]) La mise en œuvre d’une intermédiation locative se fait par le biais d’une location ou d’un mandat de gestion donné à un organisme agréé pour des activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale en application de l’article L. 365-4 du code de la construction et de l’habitation (agrément préfectoral) en vue d’une location ou sous-location à des ménages ayant des revenus modestes.

([85]) Selon les informations transmises par la FFB, le régime allemand est construit autour de quatre grands principes proches de la taxation française des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC), hors prise en compte spécifique des plus-values immobilières :

– un amortissement de 2 % du prix d’acquisition du bâti (ou de la valeur estimée dans le cas de transmission par héritage ou donation) par an, sur 50 ans, applicable dans le neuf et dans l’existant pour l’ensemble du stock de logements locatifs ;

– un amortissement de 100 % des travaux sur 15 ans ;

– une déductibilité sans limite des intérêts d’emprunt, des petits travaux et des charges locatives du revenu brut.

([86]) IGF-CGEDD-IGA : Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental - juin 2022. Rapport d’information n° 1083 de la commission des affaires économiques sur les moyens de faire baisser les prix en zones tendues, avril 2023.

([87]) Les meublés de tourisme bénéficient également d’une exonération de TVA, contrairement aux locations para-hôtelières (chambres d’hôte, gîtes).

([88]) Voir par exemple, Bonnet et al., Land is back, it should be taxed, it can be taxed, European Economic Review, 2021 : la fiscalité idéale est une taxe uniforme sur une assiette large (la valeur des terrains bâtis ou non bâtis est de 9 000 milliards d’euros en comptabilité nationale) rapportant des recettes facilement équivalentes à toutes les recettes du logement et a vocation à se substituer aux DMTG, taxes sur les loyers, TVA diverses etc.

([89]) Voir l’article des Échos : https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/il-faut-un-choc-fiscal-en-faveur-de-limmobilier-1950953

([90]) Article 7 de la loi  53-611 du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier.

([91]) Décret n° 53-701 du 9 août 1953.

([92]) À l’exception de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, ainsi que des professions relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale. Le seuil d’assujettissement à la PEEC a été relevé de 10 à 20 salariés en 2006, puis de 20 à 50 salariés par l’article 11 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([93]) À l’inverse de la PEEC, la contribution au FNAL est due non seulement par les employeurs d’au moins cinquante salariés (pour laquelle son taux s’élève à 0,5 % de la masse salariale), mais également par les employeurs de moins de cinquante salariés (pour laquelle son taux s’élève à 0,1 % de la rémunération des salariés dans la limite du plafond de la sécurité sociale).

([94])  Loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 améliorant la protection des acquéreurs de lots de copropriété.

([95]) Cette organisation a été complétée par l’Association foncière logement (AFL) à partir de 2002, l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) à partir de 2005, puis Action Logement formation (ALF).

([96]) Article L. 716-2 du code rural et de la pêche maritime.

([97]) Article L. 342-2 du code de la construction et de l’habitation.

([98]) Article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation.

([99]) Audition d’Action Logement Groupe par la commission des affaires économiques du Sénat le 24 mai 2023.  

([100]) Dans le cadre du protocole signé avec l’État en novembre 2021, Action Logement s’était engagé à produire 29 000 logements intermédiaires entre 2021 et 2023.

([101]) Article L. 135 ZH du livre des procédures fiscales.

([102]) Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur la situation d’Action Logement, 17 novembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r20-132/r20-1321.pdf

([103]) Article L. 313-17-3 du code de la construction et de l’habitation.

([104]) Cour des comptes, Action Logement : un premier bilan de la réforme, 3 juin 2021.

([105]) Les AOH ont été créées par l’article 92 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([106]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/6793644/Liste_ODAC_SD2021.pdf