N° 1540

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur l’économie circulaire,

 

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Pierrick BERTELOOT ET Mme Félicie GÉRARD

Députés

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  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Mireille CLAPOT, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, Mme Barbara POMPILI, MM. Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIèRE PARTIE : Un plan d'action global de la Commission européenne pour instaurer une économie circulaire en Europe

I. LES DOMaines de RÉGLEMENTATION ENVISAGÉs

A. LA Promotion DES PRODUITS DURABLES

1. LA VALORISATION DE LA CONCEPTION DURABLE DES PRODUITS

2. LE RENFORCEMENT DE L’AUTONOMIE DES CONSOMMATEURS ET DES ACHETEURS PUBLICS

3. LA PROMOTION DE LA CIRCULARITÉ DANS LES PROCESSUS DE PRODUCTION

B. La Réduction des DÉchets

1. LA RÉDUCTION ET LE RECYCLAGE DES DÉCHETS COMME DES ÉLÉMENTS IMPORTANTS DANS LA MISE EN PLACE D’UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE

a. La révision de la directive-cadre sur les déchets, une initiative bienvenue pour conforter le dispositif français des REP

b. La proposition de règlement relatif aux batteries et à leurs déchets

2. LE DÉFI DES DÉCHETS TRANFRONTALIERS, UN APPEL À LA RESPONSABILITÉ EUROPÉENNE

a. Un cadre juridique en vigueur exigeant

b. Le nécessaire renforcement des règles existantes

II. Les AVantages de LA MISE EN PLACE D’UNE Économie circulaire

A. L'économie circulaire comme RÉPONSE À la triple crise mondiale du climat, de la pollution ET DE LA BIODIVERSITÉ

B. Le renforcement de l'autonomie stratégique européenne

C. Les opportunités de formation, d’emploi, d’innovation et de NumÉrIsAtion

III. LA Mise en œuvre de l’Économie circulaire EST CONFRONTÉE À DES OBSTACLES QU’IL doit être POSSIBLE DE LEVER À MOYENTERME

A. LE MANQUE d'incitation des acteurs économiques et LA Faible Utilisation des financements accordés

B. LE manque de sensibilisation des consommateurs dans leurs comportements d'achat et de consommation

C. LE manque de suivi de la transition des États membres vers une économie circulaire

D. LE NÉCESSAIRE DÉveloppement d’une économie de LA fonctionnalité À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

DEUXIèME PARTIE : L’Écoconception et le droit à la rÉparation, UNE LOGIQUE PRÉVENTIVE À DÉVELOPPER

I. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT ÉTABLISSANT UN CADRE POUR LA FIXATION D’EXIGENCES EN MATIÈRE D’ÉCOCONCEPTION APPLICABLE AUX PRODUITS DURABLES

A. L’extension du champ d’application des règles d’écoconception présente des avantages importants

B. La nécessité d'actes délégués pour les règles sectorielles

C. Les « points de vigilance »

1. ÉVITER UNE RÉGRESSION PAR RAPPORT À LA LÉGISLATION NATIONALE EXISTANTE

2. LA PRISE EN COMPTE ACCRUE DE L'OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE

II. la nÉcessaire promotion d’UN droit à la rÉparation

TroisIÈME PARTIE : LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF AUX EMBALLAGES ET AUX DÉCHETS D'EMBALLAGES, UN OUTIL POUR EN FINIR AVEC LE TOUT-EMBALLAGE

I. UNE proposition de règlement POUR LIMITER LES EMBALLAGES INUTILES ET FAVORISER LEUR RECYCLAGE

II. Les POINTS de vigilances

A. Au-DelA de La séparation CONTESTABLE du compostage et du recyclage, il est nÉcessaire de supprimer progressivement du marchÉ les emballages « non ou mal recyclables »

B. La consigne obligatoire pour les bouteilles et les canettes, UNe RIGIDITÉ AUX BÉNÉFICES INCERTAINS

C. Le LEVIER de la responsabilité Élargie des producteurs (REP)

D. Les obstacles pratiques AU DÉVELOPPEMENT DU recyclage

III. Une Approche complÉmentaire : UNE « taxe plastique » EUROPÉENNE QUI MANQUE SA CIBLE

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

L’économie circulaire regroupe un ensemble de pratiques, visant à produire des biens et des services de manière durable dans le but d’optimiser l’utilisation des matières et des énergies et de limiter la consommation de ressources et le gaspillage. En d’autres termes, l’économie circulaire est une vision systémique de l’économie, prenant en compte toutes les étapes de vie d’un produit. Il s’oppose au modèle linéaire (extraire, produire, consommer, jeter), qui affecte l’environnement de manière négative, entraînant des niveaux de pollution élevés et la diminution des ressources naturelles. L’économie circulaire repose sur les trois domaines d’action suivants, qui forment un cycle dans lequel chaque étape entraîne la suivante : (i) la production et l’offre des acteurs économiques, (ii) la consommation au travers de la demande et du comportement des consommateurs, ainsi que (iii) la gestion des déchets avec le recours prioritaire au recyclage.

 

FIGURE 1 – LES DOMAINES D’ACTION DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

http://www.economiecirculaire.org/data/sources/users/901/images/septpiliersec.png

Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)

 

L’Union européenne a lancé en 2015 plusieurs projets en lien avec l’économie circulaire ([1]). Vos rapporteurs regrettent toutefois qu’aucun découplage entre la croissance économique et la croissance de l’utilisation des ressources n’ait été constaté à ce jour. En effet, il s'avère que la consommation de ressources augmente au même rythme que la croissance économique. Dans de nombreux cas, le développement de nouvelles technologies ne résout pas les problèmes environnementaux, mais les déplace ([2]). Selon le rapport spécial de la Cour des comptes européenne du 3 juillet 2023 ([3]) « un nombre limité d’informations probantes attestent que les plans d’action pour une économie circulaire (PAEC) de la Commission, et notamment les actions concernant la conception circulaire des produits et des processus de production, ont eu une véritable incidence sur les activités relatives à l’économie circulaire dans les États membres ». La Cour des comptes européenne constate dans son rapport que, si la législation de l’Union a incité à accorder des financements européens en faveur de l’économie circulaire, le taux de circularité n’a cependant augmenté que de 0,4 point de pourcentage entre 2015 et 2021, pour atteindre 11,7 % ([4]). En outre, les progrès réalisés varient considérablement d’un État membre à l’autre. L’objectif ambitieux de l’Union européenne, à savoir doubler le taux de circularité d’ici à 2030, semble donc très difficile à réaliser.

La plupart des acteurs économiques travaillent encore avec une circularité faible, c'est-à-dire avec une très faible proportion de matériaux recyclés. Le modèle économique n’a pas changé, et la plupart des décisions des entreprises sont fondées sur des considérations de croissance et de rentabilité. À l’inverse, il est opportun de promouvoir une circularité forte afin de réduire l’empreinte matérielle de l’activité économique, en créant des ressources autrement, en fabriquant moins de produits, et en développant de nouvelles activités de services dans les domaines de la maintenance, de la réparation, du reconditionnement et du réemploi ([5]). Une réglementation ambitieuse sur la circularité serait une opportunité pour les entreprises qui veulent mettre en avant l'économie circulaire.

Le défi consiste désormais à réduire la consommation de ressources et la production de déchets, sans basculer dans la décroissance économique. En conséquence, il convient de distinguer deux enjeux en matière de circularité. Du côté de l’offre, il faut se diriger vers des stratégies favorables à la durabilité des produits. Du côté de la demande, il est nécessaire de faire évoluer les modèles de consommation, avec des approvisionnements plus locaux, et en favorisant la consommation de produits de seconde main et reconditionnés et de partager l’usage des produits.

Dans ce contexte, des actions ambitieuses sont mises en œuvre au niveau européen avec le plan d’action pour une économie circulaire, adopté en mars 2020 ([6]). Ce nouveau plan concerne aussi bien, en amont, la production de biens et la fourniture de services que la réduction et le recyclage des déchets en aval. Au stade de la production, l’écoconception est un levier important de promotion de l’économie circulaire. Cette approche vise à privilégier les ressources renouvelables et à favoriser la réparabilité et la recyclabilité d'un produit lors de sa phase de conception afin de réduire son incidence environnementale tout au long de son cycle de vie. Vos rapporteurs se félicitent que la France se soit pleinement engagée sur la voie de l'économie circulaire par l’intermédiaire de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020, dite « AGEC » ([7]).

Face à l’ampleur des défis à relever dans le cadre de la transition vers une économie circulaire, vos rapporteurs sont favorables aux efforts importants entrepris par la Commission européenne tout en soulignant des points de vigilance.

Le plan d’action pour une économie circulaire, qui est le point de départ de la stratégie actuelle de l'Union européenne, fait l'objet de la première partie de ce rapport. Le rapport analyse, dans une deuxième partie, les mesures européennes en matière d'écoconception et de droit à la réparation. Enfin, la troisième partie du rapport examine la proposition de réglementation européenne en matière de recyclage des emballages.

 


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   PREMIèRE PARTIE : Un plan d'action global de la Commission européenne pour instaurer une économie circulaire en Europe

I.   LES DOMaines de RÉGLEMENTATION ENVISAGÉs

Le nouveau plan d’action pour une économie circulaire ([8]) est l’une des pierres angulaires du pacte vert pour l’Europe destiné à promouvoir une croissance durable. La Commission européenne souhaite mettre en place une « politique ambitieuse », avec des objectifs contraignants, afin de réduire l’utilisation de matières premières. Parmi les différents domaines législatifs envisagés, deux axes de travail de la Commission requièrent une attention particulière : la promotion des produits durables et la réduction des déchets.

A.   LA Promotion DES PRODUITS DURABLES

Le plan d’action vise, entre autres, à encourager le développement de marchés pilotes pour les produits durables et neutres pour le climat, notamment dans des secteurs où la contribution à l’économie circulaire est importante (matériels électroniques, batteries et véhicules automobiles, emballages, textiles, construction et bâtiment, etc.).

Le plan d'action prévoit un cadre pour une politique durable des produits dans les trois domaines principaux suivants : la valorisation de la conception durable des produits, le renforcement de l’autonomie des consommateurs et des acheteurs publics et la promotion de la circularité dans les processus de production.

1.   LA VALORISATION DE LA CONCEPTION DURABLE DES PRODUITS

La conception de produits durables constitue un premier aspect. La Commission européenne estime que le modèle linéaire actuel consistant à « extraire, fabriquer, produire, consommer et jeter » n'incite pas suffisamment les producteurs à rendre leurs produits plus durables. De manière générale, les produits introduits sur le marché intérieur cessent trop rapidement de fonctionner, ne peuvent pas être facilement réutilisés, réparés ou recyclés et sont conçus pour un seul usage ([9]). En même temps, le marché unique offre une masse critique qui permet à l'Union européenne de fixer des normes mondiales pour la durabilité des produits et d'influencer la conception des produits et la gestion des chaînes de valeur dans le monde entier.

Pour remédier à cela, la Commission propose d’étendre la portée de la directive sur l’écoconception ([10]) au-delà des produits liés à l’énergie, de manière à ce que le cadre fixé par ce texte s'applique à la gamme de produits la plus large possible et qu'il respecte les principes de l'économie circulaire. L'accent sera mis entre autres sur l’amélioration de la durabilité, du caractère réutilisable, de l’évolutivité et de la réparabilité des produits. La présence de substances chimiques dangereuses dans les produits sera contrôlée, tandis que l’amélioration de l’efficacité des ressources, en particulier énergétiques, utilisées dans les produits et l'augmentation de la teneur en matières recyclées des produits seront recherchées. Ces évolutions ne doivent pas affaiblir les garanties apportées aux consommateurs, en particulier en termes de performance et de sécurité des produits.

2.   LE RENFORCEMENT DE L’AUTONOMIE DES CONSOMMATEURS ET DES ACHETEURS PUBLICS

Un autre élément avancé par la Commission européenne est de placer les consommateurs et les acheteurs publics au cœur des mécanismes de l’économie circulaire. Dans le cadre de son plan d’action sur l’économie circulaire ainsi que de sa communication « nouvel agenda du consommateur » du 13 novembre 2020, la Commission prévoit de renforcer la législation européenne en matière de protection des consommateurs ([11]). La Commission rappelle que le principe selon lequel les consommateurs doivent pouvoir choisir en connaissance de cause et à moindre coût est l'un des fondements du cadre d'action pour des produits durables. Pour ce faire, la Commission propose une révision de la législation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs afin de garantir que les consommateurs reçoivent des informations fiables et pertinentes sur les produits au point de vente, y compris sur leur durée de vie et sur la disponibilité de services de réparation, de pièces de rechange et de manuels de réparation ([12]).


La Commission européenne a ensuite proposé de modifier la directive relative aux droits des consommateurs ainsi que la directive sur les pratiques commerciales déloyales (DPCD) ([13]). Ces deux directives avaient déjà été amendées par la directive (UE) 2019/2161 dans le cadre de la révision de la législation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs et de l’initiative européenne « Une nouvelle donne pour les consommateurs » du 11 avril 2018 ([14]).

La révision de la directive relative aux droits des consommateurs vise ainsi à inciter les professionnels à fournir aux consommateurs des informations sur la durabilité et la réparabilité des produits ([15]). Par ailleurs, la modification de la directive sur les pratiques commerciales déloyales prévoit une extension de la liste des caractéristiques du produit afin d’informer les consommateurs des incidences environnementales et sociales, de la durabilité et de la réparabilité des produits ([16]). De plus, de nouvelles pratiques sont ajoutées à la « liste noire » des pratiques commerciales déloyales interdites.

Par la modification de cette directive, la Commission européenne aspire à une interdiction totale de l'écoblanchiment (« green washing »), qui consiste pour une organisation à présenter une image trompeuse de sa responsabilité écologique, et de l'obsolescence programmée, qui consiste pour un producteur à réduire délibérément la durée de vie d’un produit ([17]).

 

Recommandation no 1 : placer les consommateurs et les acheteurs publics dans une position où ils peuvent prendre des décisions d'achat sur la base d'informations pertinentes sur les produits, y compris des informations sur la durée de vie des produits et la disponibilité de services de réparation, de pièces détachées et d'instructions de réparation.

3.   LA PROMOTION DE LA CIRCULARITÉ DANS LES PROCESSUS DE PRODUCTION

La promotion de la circularité dans les processus de production est un élément essentiel d’une transformation plus large de l’industrie visant à atteindre la neutralité climatique et la compétitivité à long terme.

Dans son plan d'action, la Commission prévoit de promouvoir une plus grande circularité dans l’industrie en évaluant les possibilités de promouvoir davantage la circularité dans les processus industriels dans le cadre de la révision de la directive relative aux émissions industrielles, en développant le système de déclaration et de certification mis en œuvre par les entreprises et en promouvant le recours aux technologies vertes au moyen d’un système de vérification solide par l'enregistrement du système de vérification des technologies environnementales de l’Union européenne en tant que marque de certification de l’Union ([18]).

Vos rapporteurs soutiennent l'approche de la Commission européenne pour la promotion de la circularité dans les processus de production.

B.   La Réduction des DÉchets

Un deuxième domaine législatif, prévu dans le plan d'action présenté par la Commission européenne, est la réduction des déchets ([19]). Parmi d'autres aspects, vos rapporteurs souhaitent attirer l'attention sur l’enjeu de la réduction accrue des déchets ainsi que sur le contrôle des exportations de déchets.

1.   LA RÉDUCTION ET LE RECYCLAGE DES DÉCHETS COMME DES ÉLÉMENTS IMPORTANTS DANS LA MISE EN PLACE D’UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE

La réduction et le recyclage des déchets sont indispensables à la mise en place d'une économie circulaire efficace. Vos rapporteurs reconnaissent que les mesures relatives aux déchets, qui interviennent au terme du cycle de production et de consommation, ne suffiront pas à elles seules à diminuer la pression sur les ressources naturelles. La production de déchets est intimement liée à un système économique et social, dont dépendent en partie les habitudes de consommation. En revanche, une meilleure incorporation des matières premières recyclées dans le processus de production contribue à la bonne gestion des déchets et répond à la demande croissante de matières, en réduisant l’utilisation de matériaux primaires.

a.   La révision de la directive-cadre sur les déchets, une initiative bienvenue pour conforter le dispositif français des REP

La directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, dite « directive-cadre sur les déchets », a institué un cadre légal pour le traitement des déchets dans l’Union européenne. Ces règles visent à protéger l’environnement et la santé humaine, en rappelant l’importance de l’utilisation de techniques appropriées pour la gestion, la valorisation et le recyclage des déchets.

La directive-cadre a établi une hiérarchie des modalités de gestion des déchets, favorisant de jure la prévention de la production de déchets en amont à l’élimination de ceux-ci en aval.

Le texte a également confirmé le principe du « pollueur-payeur » selon lequel le producteur de déchets initial doit supporter les coûts de la gestion des déchets. Cette obligation prend la forme des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP). Concrètement, les responsables de la mise sur le marché de certains produits sont rendus responsables du financement ou de l’organisation d’un système de prévention et de gestion des déchets afférents. Les producteurs peuvent, en France, mettre en place des structures collectives pour la gestion des déchets issus de leurs produits, les « éco-organismes ». La directive-cadre a aussi fixé les objectifs de recyclage et de valorisation à atteindre d’ici à 2020 pour les déchets ménagers (50 %) et les déchets de construction et de démolition (70 %). De nouveaux objectifs de recyclage pour les déchets municipaux ont été créés à l’occasion de la révision de la directive-cadre en 2018 ([20]). D’ici à 2025, au moins 55 % en poids des déchets municipaux, tels que les piles et les déchets encombrants, doivent être recyclés. Cet objectif passera à 60 % d’ici à 2030 et à 65 % d’ici à 2035.

La Commission a présenté récemment, le 5 juillet 2023, une révision de la directive-cadre de 2008 ([21]). Le texte se concentre sur le gaspillage alimentaire et sur les déchets textiles, qui comptent parmi les secteurs les plus consommateurs de ressources naturelles. Parmi les mesures envisagées, la création d’un système de REP pour la prévention et la gestion des déchets textiles et des chaussures usagées serait obligatoire dans tous les États membres. Une filière REP existe depuis 2007 en France pour les produits textiles d’habillement, les chaussures et le linge de maison. La collecte des textiles usagés atteint près de 230 000 tonnes par an aujourd’hui, soit environ 35 % des textes initialement mis sur le marché français.

Vos rapporteurs se félicitent que la Commission propose la création d’une REP obligatoire pour les déchets textiles, tout en appelant la France à défendre un dispositif européen qui soit compatible avec la solution en vigueur au niveau national. En effet, il convient de garantir une forme de stabilité de la norme et de sécurité juridique aux producteurs, à peine plus de trois ans après la promulgation de la loi AGEC, qui prévoit la création de 11 nouvelles filières REP, le 10 février 2020. Toute initiative européenne incompatible avec le modèle français des REP, en particulier pour les déchets textiles, serait préjudiciable à nos filières.

b.   La proposition de règlement relatif aux batteries et à leurs déchets

La première étape du plan d’action sur l’économie circulaire de 2020 a été la proposition de règlement visant à moderniser la législation européenne relative aux batteries ([22]), présentée en décembre 2020 par la Commission européenne. Son objectif est de faire en sorte que les batteries mises sur le marché intérieur soient durables, compatibles avec une économie circulaire, performantes et sûres tout au long de leur cycle de vie, et qu’elles soient collectées, réaffectées et recyclées. La proposition de règlement établit des exigences en matière de développement durable et de sécurité, ainsi qu’en matière de marquage et d’information. Par ailleurs, le texte fixe des objectifs de recyclage ambitieux s’agissant des matières premières critiques. La part de matériaux issus de la valorisation de déchets dans les nouvelles batteries doit atteindre respectivement 16 % pour le cobalt, 85 % pour le plomb, 6 % pour le lithium et 6 % pour le nickel dans un délai de 8 années après l’entrée en vigueur du texte.

Vos rapporteurs saluent l’adoption formelle du règlement relatif aux batteries par les colégislateurs en juillet 2023. Ces règles favorisent non seulement la mise en place d’une véritable économie circulaire dans l’Union, mais également l’atteinte des objectifs européens de développement du parc automobile électrique. Il convient de noter que la proposition de règlement se fonde sur la base législative relative au marché intérieur prévue par l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), obligeant ainsi à une harmonisation maximale entre les États membres. En effet, la mise en place d’un cadre européen pour la production de batteries et le traitement de leurs déchets doit prévenir toute règle nationale moins-disante, qui serait source de concurrence déloyale pour les opérateurs économiques.

2.   LE DÉFI DES DÉCHETS TRANFRONTALIERS, UN APPEL À LA RESPONSABILITÉ EUROPÉENNE

Un problème fondamental se pose quant à l’exportation des déchets produits au sein de l’Union européenne vers les pays tiers. En effet, ces transferts sont contraires à l’objectif de relocalisation des chaînes de valeur sur le sol européen, qui comprend un fort potentiel de création d’emplois. Par ailleurs, les déchets exportés créent des risques sanitaires, environnementaux et sociaux importants dans les pays destinataires qui ne disposent pas des installations adaptées pour les traiter.

a.   Un cadre juridique en vigueur exigeant

Le transfert de déchets à l'étranger est soumis à un ensemble de règles destiné à protéger la santé humaine et l’environnement. Le cadre juridique des transferts de déchets est tout d’abord régi par la convention de Bâle ([23]), adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992. Les 184 États parties à cette convention sont tenus de respecter des principes fondamentaux, tels que la proximité de l’élimination des déchets, leur gestion écologiquement rationnelle, la priorité donnée à la valorisation et le consentement préalable en connaissance de cause à l’importation de substances potentiellement dangereuses. La convention de Bâle a été modifiée en mai 2019 à l’occasion de la quatorzième Conférence des parties (COP14), pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Seuls les déchets plastiques non dangereux et facilement recyclables, c'est-à-dire triés et non contaminés par d'autres déchets, pourront désormais être exportés vers des pays tiers pour recyclage.

La convention de Bâle ainsi que la décision correspondante de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([24]) établissant un système de contrôle ont été intégrées dans le droit de l'Union ([25]). Au niveau français, le plan d’inspection national des transferts transfrontaliers de déchets, actualisé pour la dernière fois le 1er janvier 2022, met en œuvre les règles prévues par le droit international et le droit européen pour lutter contre les transferts illicites.

b.   Le nécessaire renforcement des règles existantes

S’il existe un cadre juridique robuste, la question des transferts transfrontaliers de déchets fait toujours l'objet de vives discussions. Le commerce mondial de déchets tend à décroître depuis 2012, mais il demeure conséquent et s’élevait à 178 millions de tonnes en 2020. Les deux acteurs majeurs de ces flux sont la Chine, côté importateur, et les États-Unis, côté exportateur.

L'Union européenne est pleinement insérée dans le commerce mondial de déchets. En 2021, les exportations de déchets de l’Union vers des pays tiers ont atteint 33 millions de tonnes, en hausse de 77 % par rapport à 2004. Les déchets de métaux ferreux (fer et acier) et non ferreux (cuivre, zinc, etc.) ainsi que les déchets de papier, de plastique, de textile et de verre sont les plus exportés. En 2021, 45 % des déchets de l’Union ont été exportés vers la Turquie (14,7 millions de tonnes), suivie de l'Inde (2,4 millions de tonnes) et de l'Égypte (1,9 million de tonnes).

L'Union européenne exporte ainsi une partie de la pollution due aux déchets plastiques vers des pays dont les capacités réelles de traitement de ces déchets sont faibles, voire inconnues. La comptabilisation des déchets transfrontaliers qui sort des frontières européennes doit ainsi être renforcée. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les textiles de qualité médiocre liés à la « fast fashion », qui sont exportés en masse vers l'Afrique. Dans de nombreux cas, il est impossible de savoir si des mesures de recyclage sont prises dans les pays d'accueil et, le cas échéant, sous quelle forme ([26]).

Les règles existantes devraient donc être renforcées afin d'éviter que les déchets ne quittent l'Union européenne pour des pays où le recyclage ou le traitement adéquat ne sont pas suffisamment développés ou réglementés. Le traitement des déchets par des pays tiers ne devrait notamment être autorisé que si les pays tiers ont démontré leur capacité à traiter les déchets. Pour ce faire, il faudrait également mettre en place des audits sur le traitement de ces déchets.

La Commission européenne a utilement proposé, en novembre 2021, de renforcer le cadre existant applicable aux transferts de déchets ([27]). Les négociations interinstitutionnelles ont débuté dans le cadre des trilogues. Parmi les mesures clés du texte, les colégislateurs devraient s’accorder sur la proposition d’interdiction des exportations de déchets dangereux vers des pays non-membres de l’OCDE. En revanche, le Parlement européen a également proposé d’interdire à court terme les exportations de déchets plastiques hors de l’OCDE. Cette interdiction serait étendue à l’ensemble des pays dans un délai de quatre ans, sauf pour les exportations à destination des États membres de l’Association européenne de libre-échange. Cet espace de libre-échange avec l’Union comprend l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, pays vers lequel 1,7 million de tonnes de déchets européens ont été exportées en 2021. À l’inverse de la France, les États membres sont majoritairement opposés à cette interdiction générale d’export, finalement exclue du mandat de négociation du Conseil.

Vos rapporteurs soutiennent la révision en cours du règlement relatif aux transferts transfrontaliers et appellent les colégislateurs à parvenir à un compromis ambitieux. À cet effet, il apparaît opportun d’inclure l’interdiction générale d’export des déchets plastiques dans le texte final, assortie d’un dispositif de contrôle et d’inspection robuste. Une période transitoire suffisante serait prévue afin de permettre aux opérateurs européens d’adapter leurs capacités de traitement et d’élimination des déchets. L’Union gagnerait ainsi à prévenir les effets néfastes des transferts de déchets vers les pays tiers, tout en constituant un véritable marché intérieur des déchets.

 

Recommandation no 2 : interdire l’exportation des déchets plastiques hors de l’Union européenne à l’occasion de la révision du règlement sur les transferts de déchets, en prévoyant une période de transition suffisante pour permettre aux parties prenantes de s’adapter

II.   Les AVantages de LA MISE EN PLACE D’UNE Économie circulaire

A.   L'économie circulaire comme RÉPONSE À la triple crise mondiale du climat, de la pollution ET DE LA BIODIVERSITÉ

Le plan d’action pour une économie circulaire propose un modèle permettant de réduire l’empreinte environnementale et climatique de la production et de la consommation dans l’Union européenne. À terme, il vise notamment à doubler le « taux d’utilisation circulaire des matières » en Europe, c’est-à-dire le rapport entre les matériaux recyclés et réintroduits et l’utilisation globale des matériaux, économisant ainsi l’extraction de matières premières primaires. Un taux de circularité plus élevé indique que davantage de matières secondaires se substituent aux matières premières primaires. Selon le rapport spécial de la Cour des comptes européenne sur l’économie circulaire, le taux de circularité atteint 11,7 % en 2021 dans l’Union.

Vos rapporteurs se félicitent de la trajectoire encourageante de l’économie européenne, dont le taux de circularité était inférieur à 8,5 % en 2004. L’Europe est également mieux-disante que ses partenaires internationaux, alors que le taux de circularité moyen a chuté de 9,1 % à 7,2 % au niveau mondial entre 2018 et 2023 ([28]).

Il convient également de saluer le volontarisme et l’exemplarité de la France en la matière. Notre pays est certes le deuxième producteur de déchets en Europe en valeur absolue derrière l’Allemagne, avec un total de près 310 000 tonnes produites en 2020. Le taux de circularité atteint toutefois 19,8 % en France, contre 12,7 % en Allemagne, et a continué de progresser entre 2015 et 2021 alors que d’autres États membres ont régressé sur la période, tels que la Pologne et le Danemark.

L’Union et les États membres se sont dotés des normes les plus ambitieuses en matière de protection de l’environnement. Or la préservation de l’environnement est un bien public mondial au sens de l’historien de l’économie Charles P. Kindleberger, soit la catégorie « des biens accessibles à tous les États, qui n'ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire » ([29]). La coopération entre pays souffre des phénomènes de « passager clandestin », à savoir que certains États privilégient l’inaction climatique afin de bénéficier des efforts de leurs partenaires sans en supporter le coût. Par conséquent, l’Union ne peut se contenter de promouvoir une réglementation mieux-disante sur le sol européen alors que l’économie circulaire constitue un levier de portée mondiale pour protéger l’environnement.

Vos rapporteurs saluent par conséquent les négociations engagées en mars 2022 lors de la cinquième session de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-5). Celles-ci doivent aboutir à l’horizon 2025 à un traité international juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution plastique, alors que 460 millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année dans le monde. La France, qui a accueilli le deuxième cycle de négociations du 29 mai au 2 juin 2023, et l’Union jouent un rôle majeur pour obtenir un traité ambitieux dans le cadre de la « Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique » (HACEPP). Le mandat de négociation de l’Union est ambitieux et vise notamment la mise en place d’obligations inspirées du droit européen, telles que l’écoconception.

 

Recommandation no 3 : adopter un accord international juridiquement contraignant sur la pollution par les plastiques, à la hauteur des bonnes pratiques mises en œuvre par les États membres et des objectifs portés par la Commission européenne dans le cadre de son plan d’action pour une économie circulaire.

Le plan d’action pour une économie circulaire engage donc une transformation du système de production et de consommation afin de résoudre la triple crise planétaire du climat, de la pollution et de la perte de biodiversité. En effet, l’objectif est de limiter l’utilisation des ressources afin de réduire l’empreinte environnementale sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

B.   Le renforcement de l'autonomie stratégique européenne

La mise en place d’une économie circulaire contribue à l’objectif d’autonomie stratégique européenne, conformément à la stratégie industrielle européenne présentée par la Commission en mars 2020 et mise à jour en mai 2021 dans le contexte de la crise sanitaire ([30]). Dans un rapport sur les perspectives mondiales des ressources matérielles, l’OCDE indique que l’utilisation de matières premières devrait pratiquement doubler dans le monde en quarante ans, de 89 gigatonnes en 2017 à 167 gigatonnes en 2060 ([31]). Certains matériaux, tels que le cuivre, le fer et les terres rares, connaîtront une forte augmentation de leur volume d’extraction et de transformation. Or ces matières premières sont identifiées par l’Union comme critiques ou stratégiques par l’Union européenne, c’est-à-dire qu’elles sous-tendent la double transition écologique et numérique et/ou qu’elles sont confrontées à un risque élevé de rupture d’approvisionnement.

Les ressources en matières premières sont extrêmement concentrées au niveau mondial. Par exemple, la République démocratique du Congo représente 70 % des capacités d’extraction du cobalt, tandis que la Chine détient en aval près de 70 % des capacités de transformation et de raffinage ([32]). Ce matériau, présent dans les aimants des turbines des éoliennes et dans les cathodes des batteries lithium-ion des véhicules électriques, est clé pour la production de technologies vertes.

Les tensions sur les maillons critiques des chaînes de valeur mondialisées, provoquées par la crise sanitaire et par la guerre en Ukraine, ont souligné l’importance des stratégies de diversification de l’approvisionnement. La promotion du recyclage des matières premières en fait partie intégrante, alors que leur taux de recyclage est aujourd’hui insuffisant dans l’Union. Calculé comme l'apport de matériaux secondaires rapporté à l'apport total de matériaux (primaires et secondaires), le taux de recyclage est supérieur à 50 % pour seulement deux métaux, le plomb et le cuivre ([33]).

Face à ces fragilités, la course aux nouvelles technologiques et la géopolitique des matières premières reposent sur une forme d’instrumentalisation des dépendances par les grandes puissances. La Chine impose ainsi, à partir du 1er août 2023, des restrictions à l’exportation de deux substances chimiques stratégiques, le gallium (lampes LED, panneaux photovoltaïques, etc.) et le germanium (fibre optique, laser infrarouge, etc.). Vos rapporteurs rappellent que l'objectif de réduction de l'utilisation des matières premières primaires comporte également un volet géostratégique, qui conditionne l’autonomie de l’Union à l’égard des pays tiers. Cet aspect est insuffisamment intégré dans le plan d’action de la Commission européenne pour l’économie circulaire.

C.   Les opportunités de formation, d’emploi, d’innovation et de NumÉrIsAtion

Outre les opportunités déjà mentionnées, l'économie circulaire devrait offrir aux citoyens européens de nouvelles possibilités en termes de formation et de création d'emplois locaux de qualité. Les indicateurs de suivi de l’office statistique de l’Union, Eurostat, indiquent que la transition vers une économie circulaire constitue un important gisement d’emplois. Les activités de recyclage, de réparation et de réemploi représentent ainsi près de 4,3 millions d’emplois en Europe en 2021, soit une hausse de 11 % par rapport à 2011. L’économie circulaire est plus intensive en facteur travail que les secteurs industriels classiques, qui ont connu de forts gains de productivité. Une étude menée par des chercheurs belges conclut par exemple que les activités liées à l’économie circulaire créeraient 30 000 emplois supplémentaires dans la région flamande à l’horizon 2030, ces derniers étant majoritairement peu ou moyennement qualifiés. Les caractéristiques d’âge et de salaire sont équivalentes à la moyenne de la Flandre ([34]).

Vos rapporteurs estiment que la granularité des données fournies par Eurostat gagnerait à être affinée afin d’apprécier la qualité des emplois associés à l’économie circulaire et adapter l’offre de formations en conséquence. Les indicateurs traditionnels d’évaluation de la qualité de l’emploi (rémunération, sécurité sur le marché du travail, nature et contenu des tâches effectuées, etc.) permettraient utilement d’objectiver les opportunités professionnelles de l’économie circulaire.

 

Recommandation no 4 : affiner les données publiées par Eurostat sur l’emploi associé aux activités de l’économie circulaire en Europe, en accordant une attention particulière à la qualité de l’emploi.

Il s'agit notamment d'exploiter pleinement les possibilités offertes par la numérisation. Il faut préconiser une combinaison de l'économie circulaire et de la numérisation, car cela permettrait de mettre en relation les fournisseurs et les demandeurs. Cela créerait des marchés et permettrait une « maintenance prédictive ». À partir d’un rapport de l’Institut national de l’économie circulaire (INEC), il est possible d’identifier quatre grandes pistes de numérisation de l’économie circulaire : plateformes et partage (économie de la fonctionnalité et non plus de la propriété) ; information sur les produits et traçabilité ; collecte et partage des données (optimisation de l’usage des ressources) ; réduction de l’impact de la filière numérique (application de l’écoconception, du réemploi et de la réparation aux produits numériques) ([35]).

III.   LA Mise en œuvre de l’Économie circulaire EST CONFRONTÉE À DES OBSTACLES QU’IL doit être POSSIBLE DE LEVER À MOYEN‑TERME

A.   LE MANQUE d'incitation des acteurs économiques et LA Faible Utilisation des financements accordés

Les auditions réalisées par vos rapporteurs ont rappelé que les entreprises agissent, en premier lieu, de manière rationnelle. Tant que les matériaux recyclés seront plus chers que les matériaux nouvellement produits ou que les matériaux achetés à l'étranger, les entreprises privilégieront ces derniers. La mise en place d'un système d'incitations pour les acteurs économiques est donc un facteur non négligeable pour l'introduction d'une économie circulaire. Le déploiement d’un système d’incitations efficaces, qui mobilise à la fois les leviers réglementaire et financier, ne doit toutefois pas donner lieu à une « capture du régulateur » par des intérêts privés ([36]). En ce sens, vos rapporteurs appellent les autorités européennes et nationales à adopter des mesures incitatives qui soient conformes aux objectifs environnementaux de l’Union, sans que les industriels puissent définir pour eux-mêmes des règles excessivement favorables à leurs intérêts.

Par ailleurs, le manque d'investissement constitue un obstacle à la mise en place de l'économie circulaire. Il conviendrait de mettre en place des actions collectives et publiques afin d’accompagner les entreprises vers une économie circulaire. Les pouvoirs publics disposent de leviers pour offrir des débouchés aux éco-entreprises. Ainsi, le rôle de la commande publique dans certains secteurs, tels que le bâtiment et les travaux publics, pourrait être développé.

Parallèlement, la Cour des comptes européenne constate la faible utilisation des financements accordés par l’Union en faveur de l’économie circulaire ([37]). L’Union s’était engagée à consacrer plus de 10 milliards d’euros entre 2016 et 2020 pour accompagner la transition vers une économie circulaire, en particulier en faveur de l’innovation et de l’adaptation de la base industrielle. En dépit de l’importance des montants mobilisés, la Commission et les États membres assurent un suivi lacunaire des projets financements, notamment dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER) relevant d’une gestion partagée. Les instruments faisant l’objet d’une gestion directe par la Commission, tels que l’ancien programme de recherche et de développement Horizon 2020, sont également peu sollicités pour des projets liés à l’économie circulaire. L’évaluation intermédiaire des programmes de l’Union, prévue au plus tard pour 2025 dans le cadre d’Horizon Europe par exemple, doit permettre de corriger ces défaillances.

 

Recommandation no 5 : mieux intégrer les enjeux liés à l’économie circulaire dans les objectifs stratégiques des financements européens, en profitant de l’évaluation intermédiaire des programmes correspondants.

B.   LE manque de sensibilisation des consommateurs dans leurs comportements d'achat et de consommation

Le manque de sensibilisation des consommateurs quant à leur comportement d'achat et de consommation constitue un obstacle à l'introduction de l'économie circulaire.


Les consommateurs doivent être plus sensibilisés à leur comportement d'achat et de consommation. Le modèle économique dominant de la « fast fashion » ([38]) contrevient fortement aux objectifs de l’économie circulaire, alors que le textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde. Cela résulte, d'une part, des méthodes de production courantes qui utilisent intensivement des ressources non-renouvelables et, d'autre part, d'une forte augmentation du volume de production ([39]).

Dans ce contexte, il ne faut pas confondre la réutilisation avec la durabilité des produits. Par exemple, dans le secteur du textile, de nombreuses entreprises se focalisent sur la seconde main. Or cette orientation bienvenue aura une incidence positive limitée si l’on incite les gens à changer leurs pratiques de consommation, sans améliorer la durée de vie des vêtements. Il s’agit d’un prérequis pour réduire au maximum la consommation initiale des matériaux primaires.

L'interaction entre l'industrie et les habitudes des consommateurs joue donc un rôle prépondérant. Par exemple, la réduction voire la suppression des emballages en plastique impliquent de promouvoir des solutions de substitution, par exemple la vente en vrac.

Vos rapporteurs rappellent que les autorités françaises ont mis en place des campagnes nationales d’information en lien avec l’économie circulaire, par exemple sur la signalétique « Info-tri » prévue par la loi AGEC de 2020. Cette opération de sensibilisation a été instaurée en décembre 2022 par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et les éco-organismes mis en place dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP).

La Commission, en lien avec les États membres et les parties prenantes, pourrait utilement répliquer cette approche au niveau européen une fois adoptées les mesures législatives relevant du plan d’action pour l’économie circulaire. Une campagne de communication et d’information dédiée, rappelant les objectifs de l’Union, l’apport des nouveaux textes et les bonnes pratiques individuelles à adopter, pourrait être envisagée. Le cas échéant, l’opération pourrait être ciblée sur les pays dont le taux de circularité et le plus faible.

 

Recommandation no 6 : envisager le déploiement d’une campagne d’information européenne pour sensibiliser les consommateurs aux évolutions de la législation européenne en matière d’économie circulaire et aux bonnes pratiques à mettre en œuvre individuellement.

C.   LE manque de suivi de la transition des États membres vers une économie circulaire

Selon le rapport spécial de la Cour des comptes européenne, les instruments de surveillance de l'Union européenne ne sont pas suffisants pour évaluer l’état d’avancement de la transition des États membres vers une économie circulaire ([40]).

La pratique actuelle de l'Union européenne en matière de suivi n'est donc pas de nature à permettre à la Commission de prendre des décisions éclairées sur les nouvelles politiques, initiatives et mesures relatives à la transition vers une économie circulaire, et notamment de mieux prendre en compte la conception circulaire des produits.

Vos rapporteurs saluent toutefois la mise à jour du cadre de suivi de l’économie circulaire de la Commission européenne (« circular economy monitoring framework »), dévoilée en mai 2023. La Cour des comptes européenne relève que le cadre de suivi en vigueur depuis 2018 ne contenait aucun indicateur lié à la conception circulaire des produits, témoignant d’une conception encore linéaire de l’économie centrée sur la gestion des déchets. Le nouveau tableau de bord fournit désormais davantage de données en phase « amont » sur la consommation de matières au niveau de l’Union et de chaque État membre. Parmi la nouvelle génération d’indicateurs mesurés, l’empreinte matérielle évalue la demande mondiale d’extraction de matériaux déclenchée par la consommation européenne et la productivité des ressources, qui met en rapport le produit intérieur brut (PIB) et la consommation intérieure de matières (DMC), décrit l’efficacité avec laquelle le système productif transforme les ressources naturelles en produits utiles.

 

Recommandation no 7 : évaluer le nouveau cadre de suivi de l’économie circulaire de la Commission européenne dans les trois ans suivant sa mise en œuvre et renforcer, le cas échéant, les indicateurs liés à la conception circulaire des produits.

 

D.   LE NÉCESSAIRE DÉveloppement d’une économie de LA fonctionnalité À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

L'économie de la fonctionnalité, aussi appelée « économie servicielle », est une approche économique qui vise à établir une nouvelle relation entre l’offre et la demande, en mettant l'accent sur l'utilisation des biens et des services en fonction des besoins réels des utilisateurs, plutôt que sur la vente d'un produit.

L'économie de la fonctionnalité permet de développer des solutions durables pour les modes de production des biens et des services. Selon l’Ademe, qui accompagne les entreprises vers cet horizon, l’économie de la fonctionnalité procède d’un « véritable changement de culture consistant à sortir de la logique transactionnelle immédiate entre un fournisseur de produits et son client pour passer à un contrat de confiance évolutif et sur le plus long terme » ([41]).

Concrètement, l'accent n'est plus mis sur le transfert de propriété, mais sur la mise à disposition de possibilités d'utilisation payantes. Contrairement au concept de location, l'économie de la fonctionnalité inclut la notion de durabilité. Elle concilie ainsi la compétitivité économique des entreprises et les principes du développement durable, en permettant de créer une valeur d'usage aussi élevée que possible à long terme, tout en consommant aussi peu de ressources matérielles et d'énergie que possible. Le 28 juin 2023, au travers d’un avis adopté à la quasi-unanimité, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a insisté sur la pertinence du concept d’économie de la fonctionnalité pour renforcer l’autonomie stratégique aux échelles française et européenne, mais aussi pour soutenir la réindustrialisation des territoires ([42]).

Le secteur du transport de particuliers illustre les potentialités que recèle l’économie de la fonctionnalité. Des sociétés proposent notamment des alternatives à la possession d'un véhicule à moteur thermique, en mettant à disposition des flottes de véhicules électriques en libre-service. C’est par exemple le cas de la filiale Free2Move du groupe Stellantis, spécialisée dans l’autopartage. Cependant, à ce jour, l'économie de fonctionnalité ne s'est pas encore imposée à grande échelle en dépit des efforts déployés ([43]). Les entreprises ont besoin d’importants fonds de roulement pour financer des investissements rentables sur le long terme, tandis que les consommateurs doivent faire évoluer leur comportement de la propriété à l’usage.

Vos rapporteurs plaident donc pour un renforcement des efforts en faveur de l'économie de la fonctionnalité, qui peut contribuer efficacement à une utilisation durable des ressources à l’échelle européenne. La mise en réseau des acteurs de l’économie de la fonctionnalité est essentielle pour nouer des partenariats et partager les bonnes pratiques. C’est le sens de la plateforme de l’économie circulaire soutenue, en France, par l’Ademe et le ministère de la Transition écologique. Un tel dispositif gagnerait à être développé au niveau européen, par exemple en mobilisant l’Institut européen de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (IEEFC).

 


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   DEUXIèME PARTIE : L’Écoconception et le droit à la rÉparation, UNE LOGIQUE PRÉVENTIVE À DÉVELOPPER

I.   LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT ÉTABLISSANT UN CADRE POUR LA FIXATION D’EXIGENCES EN MATIÈRE D’ÉCOCONCEPTION APPLICABLE AUX PRODUITS DURABLES

La proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables ([44]) s’inscrit dans le cadre du plan d’action en faveur de l’économie circulaire, visant à transformer l’économie pour faire des produits durables la norme dans l’Union européenne. Cette proposition de règlement vise à étendre le champ d’application de la directive sur l’écoconception en vigueur depuis 2009 ([45]) audelà des seuls produits liés à l’énergie, afin de couvrir l’ensemble des produits échangés sur le marché intérieur de l’Union européenne

Son approche fixe avant tout un cadre pour la législation spécifique aux produits. Les mesures prévues visent notamment à rendre les produits adaptés à une économie circulaire neutre pour le climat et efficace dans l’utilisation des ressources, à réduire les déchets et à veiller à ce que les performances les plus avancées en matière de durabilité deviennent progressivement la norme. Il est porté une attention particulière au cycle de vie complet des produits. À titre d'exemple, on peut citer les exigences en matière de durabilité, de fiabilité, de possibilité de réemploi, ou encore de possibilité d’amélioration ou de réparabilité.

Le règlement sur l’écoconception est une priorité puisqu’il a également vocation à assurer et à affermir la compétitivité des entreprises européennes, ainsi qu’à renforcer leur résilience en créant un marché des matières premières. Cet objectif s’inscrit en cohérence avec la proposition de règlement de la Commission européenne sur les matières premières critiques ([46]).

Le Conseil de l’Union a adopté, le 22 mai 2023, son orientation générale sur le règlement relatif à l’écoconception pour des produits durables. Les discussions se poursuivent au Parlement européen, qui doit se prononcer en session plénière le 12 juillet 2023. Une approche similaire a été retenue par les députés européens pour interdire la destruction de certains produits invendus.

Les négociations interinstitutionnelles devraient permettre, dans le cadre des trilogues entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission, d’aboutir à un texte ambitieux pour l’économie circulaire en Europe. Vos rapporteurs identifient toutefois des points de vigilance qui gagneraient à être pris en considération dans la législation finale.

En préambule, vos rapporteurs rappellent que l'objectif devrait être, à terme, de viser « 100 % du produit en matière renouvelable ou recyclée, 100 % de réparabilité ou 100 % de recyclage sur les produits ». Si les modalités de l'écoconception étaient plus clairement définies et appliquées en amont, les difficultés apparaissant en aval (recyclage, gestion des déchets, etc.) seraient effectivement moins nombreuses.

A.   L’extension du champ d’application des règles d’écoconception présente des avantages importants

La directive sur l’écoconception de 2009 ([47]) a prouvé son efficacité pour réduire la consommation d’énergie liée à l’utilisation des produits couverts par la directive. La Commission européenne estime en effet que la directive a permis d’économiser environ 1 mégawattheure (MWh) d’électricité sur 50 produits représentant 50 % de l’énergie consommée par les consommateurs, soit une économie équivalente à la consommation annuelle de la Pologne en 2020.

La proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables élargit le champ d’application de cette directive, en visant tous les produits et tous les aspects de l’écoconception, et non plus seulement les enjeux liés à la consommation énergétique. L’objectif de cette proposition est d’étendre le champ de l’écoconception aux produits non couverts par la directive en vigueur et de réduire les impacts environnementaux de ces produits au-delà de la consommation d’énergie. Il s’agit notamment d’améliorer leur réparabilité, leur réutilisation, leur recyclabilité et leur contenu en matériaux recyclés, de réduire la présence de substances dangereuses, ou encore d’améliorer l’information disponible sur ces produits pour les consommateurs et les autres entreprises de la chaîne de valeur.

La Commission y voit des opportunités pour les consommateurs, afin de leur donner les moyens de réduire leur empreinte environnementale et carbone, mais aussi pour les industries pour leur permettre de disposer de davantage d’informations sur les matériaux et composants utilisés, et de faire valoir la qualité environnementale de leurs produits. Les autorités de surveillance des marchés auront un rôle accru dans la réglementation de ces produits et des moyens nouveaux liés à la numérisation des informations réglementaires.

Un autre point essentiel du futur règlement concerne l’interdiction de détruire des produits de consommation invendus. Cette interdiction est déjà réglementée en France, l’article 35 de la loi AGEC de 2020 interdisant la mise au rebut d’invendus non-alimentaires. Il est primordial que cette pratique soit harmonisée au niveau de l’Union, afin de créer un marché intérieur de l’écoconception et réduire les coûts de conformité des entreprises à de multiples législations nationales distinctes.

La proposition de règlement initiale prévoyait la simple divulgation, par les opérateurs, d'informations sur la destruction des produits de consommation invendus, tout en habilitant la Commission à adopter des actes délégués pour interdire ces pratiques pour des groupes de produits déterminés en cas « d’incidence environnementale significative ».

Dans ce contexte, l’ambition du texte a été rehaussée par les États membres, qui souhaitent notamment interdire la destruction des textiles, des chaussures et des vêtements invendus. Cette obligation ne vaudrait pas pour les petites et moyennes entreprises (PME). La France a défendu ce compromis concernant le textile, conformément aux objectifs défendus au niveau national. Plusieurs États membres ont toutefois exprimé des réticences, dont la Suède qui assurait la présidence du Conseil au premier semestre de l’année 2023.

Le Parlement européen est également favorable à une telle interdiction, permettant par conséquent aux colégislateurs de s’accorder sur des dispositions plus ambitieuses, en faisant figurer directement dans le règlement l’interdiction de détruire des articles textiles invendus. Les négociations se poursuivront en trilogues pour déterminer le périmètre final des produits concernés par cette interdiction, qui pourrait également inclure les équipements électriques et électroniques à la demande du Parlement européen.

Vos rapporteurs soutiennent le projet de règlement de la Commission européenne et l'extension du champ d'application de la directive existante de 2009 qui en résulte. Les trilogues devront permettre aux colégislateurs d’apprécier l’opportunité d’étendre encore davantage le périmètre des produits concernés par l’interdiction de destruction des invendus, en particulier pour les équipements indispensables à la transition numérique. Les charges administratives et le coût de mise en conformité afférents devront être proportionnés à la taille des entreprises.

 

Recommandation no 8 : examiner l’opportunité et la faisabilité d’une extension de l’interdiction de destruction des invendus au-delà des seuls produits textiles, en prévoyant une période de transition adaptée et d’éventuelles exemptions pour les PME et les microentreprises.

B.   La nécessité d'actes délégués pour les règles sectorielles

Au regard de l’ambition de la proposition de règlement sur l’écoconception, la question des moyens à disposition de la Commission européenne pour mettre en place cette réglementation doit faire l’objet d’une attention particulière. Pour que le futur règlement sur l’écoconception produise les effets désirés, il est nécessaire de mettre en place des actes délégués pour chacun des secteurs concernés par la législation.

Le règlement est donc une réglementation-cadre horizontale, faisant l’objet d’une déclinaison sectorielle. La Commission est habilitée à préciser les exigences d’écoconception pour des produits spécifiques en adoptant des actes délégués, soit des actes secondaires de nature non législative qui permettent de compléter les éléments dits « non essentiels » de l’acte législatif initial.

Or le recours croissant aux actes délégués fait l’objet de nombreuses controverses, car, par ce moyen, la Commission intervient dans des domaines sensibles et dans des conditions limitant la capacité des colégislateurs à formuler des objections – délais de transmission courts, association limitée des groupes d’experts représentant les États membres, etc. En témoignent les recours juridictionnels formés à l’encontre des actes délégués pris par la Commission sur le fondement de la taxonomie verte européenne, notamment par l’Autriche au sujet de la classification de l’énergie nucléaire ([48]).

Par anticipation, vos rapporteurs appellent les colégislateurs à faire preuve d’exigence dans la détermination des aspects non essentiels du règlement sur l’écoconception, en épuisant l’ensemble de leur compétence. L’habilitation donnée à la Commission pourrait utilement préciser que les parties prenantes, dont les groupes d’experts nationaux, devront être associés dans la mesure du possible en amont à l’élaboration de l’acte délégué.

C.   Les « points de vigilance »

La proposition de règlement sur l'écoconception s’accompagne de points de vigilance qui devront être pris en compte lors des trilogues. Vos rapporteurs souhaitent donc attirer l'attention sur les enjeux suivants.

1.   ÉVITER UNE RÉGRESSION PAR RAPPORT À LA LÉGISLATION NATIONALE EXISTANTE

Un premier point de vigilance a trait au risque de régression par rapport à la législation nationale.

La proposition de règlement se fonde sur l'article 114 du TFUE relatif à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur. Le texte sur l’écoconception prévoit ainsi l’harmonisation de la réglementation en vigueur dans les États membres. Par dérogation aux mesures d’harmonisation, la « clause de sauvegarde » prévue aux paragraphes 4 et 5 de l’article 114 du TFUE permet aux États membres de maintenir ou d’introduire des dispositions nationales spécifiques justifiées par diverses considérations, dont la protection de l’environnement.

Si la proposition de règlement est majoritairement conforme aux efforts ambitieux engagés par la France, vos rapporteurs alertent toutefois sur la nécessité de maintenir les dispositions nationales mieux-disantes. La France s’est dotée d’une législation ambitieuse pour interdire la destruction d’invendus nonalimentaires afin d’encourager les dons, en vigueur depuis le 1er janvier 2022. La Commission européenne s’en est inspirée mais prévoit à ce stade un champ d’application limité aux produits textiles, tandis que la législation française couvre de nombreux biens (produits d’hygiène et de puériculture, etc.).

Il convient de veiller à ce que les dispositions européennes, inspirées de législations nationales, n’entraînent pas une régression des règles en matière d’écoconception. Cela serait incompris du point de vue des consommateurs.

 

Recommandation no 9 : prévenir toute régression du droit européen relatif à l’écoconception par rapport aux droits nationaux mieux-disants en vigueur, en recourant si nécessaire à la clause de sauvegarde prévue à l’article 114 du TFUE.

2.   LA PRISE EN COMPTE ACCRUE DE L'OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE

Enfin, concernant les aspects non abordés par la proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables, on peut relever l’absence d’éléments relatifs à l’obsolescence programmée.

Cet enjeu attire de plus en plus l'attention des décideurs politiques mais aussi des tribunaux ([49]). La France a ainsi créé, par l’intermédiaire de la loi AGEC, un délit d’entrave à la réparation et au reconditionnement hors des circuits agréés par un metteur sur le marché. En outre, la lutte contre l’obsolescence programmée compte explicitement parmi les priorités législatives communes établies par les trois institutions de l’Union européenne pour 2023 et 2024 ([50]).

L'obsolescence programmée, en particulier pour les produits électroniques, entraîne un renouvellement fréquent de ces produits, qui pourraient être utilisés plus longtemps s'ils étaient conçus de manière adéquate ([51]).

Il convient notamment de prendre en compte les aspects relatifs aux logiciels informatiques. En effet, les discussions en cours au niveau européen restent focalisées sur les produits manufacturés (les produits « physiques »), alors même que beaucoup de produits ne pourraient pas fonctionner sans la couche « logiciel ». Ceci est notamment le cas pour les batteries, qui ne peuvent fonctionner sans logiciel. Dès lors, si le plan d’action vise à accroître la durée de vie des produits, il est nécessaire de tenir compte de la question des logiciels intégrés à ces produits.

Vos rapporteurs se félicitent que la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (dite « ENVI ») du Parlement européen, saisie au fond, ait proposé d’interdire explicitement l’obsolescence programmée dans le cadre du règlement sur l’écoconception ([52]). Cette mesure implique non seulement que les fabricants ne limitent pas la durée de vie d’un produit par des caractéristiques de conception, mais aussi qu’ils mettent à la disposition des consommateurs des mises à jour des logiciels et des pièces de rechange pendant une durée suffisante. Les trilogues seront l’occasion pour les colégislateurs de converger en la matière, alors que le Conseil n’a pas retenu cette mesure dans son orientation générale.

 

Recommandation no 10 : inscrire l’interdiction de l’obsolescence programmée dans le règlement sur l’écoconception, en s’inspirant des dispositions existantes dans le droit français et des mesures proposées par la commission ENVI du Parlement européen.

II.   la nÉcessaire promotion d’UN droit à la rÉparation

La Commission souhaite également travailler sur la création d'un « droit à la réparation ». Pour ce faire, la Commission a adopté, le 22 mars 2023, la proposition de directive relative à des règles communes visant à promouvoir la réparation des biens ([53]). L’objectif de cette proposition est de « faire en sorte que davantage de produits soient réparés dans le cadre de la garantie légale et que les consommateurs disposent d'options plus simples et moins coûteuses pour réparer des produits techniquement réparables ». Cela concerne à la fois les produits dont la garantie légale a expiré ou ceux ne fonctionnant plus.

Cette proposition de directive propose de réviser – entre autres – la directive du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens ([54]), qui imposait seulement aux vendeurs de réparer les biens en cas de défaut de conformité existant au moment de la livraison et apparaissant dans le délai de responsabilité. La réparation des défauts qui ne relevaient pas de cette obligation n’était pas de droit pour les consommateurs, si bien que « de nombreux biens défectueux, mais viables par ailleurs, étaient mis au rebut prématurément » ([55]).

Ainsi, l’objectif est de créer de nouveaux droits pour les consommateurs, afin de les encourager in fine à faire réparer leurs biens dans les cas qui n’étaient pas couverts par la directive du 20 mai 2019. La proposition introduit l’obligation pour les producteurs de réparer les défauts en dehors de la seule responsabilité du vendeur, à la demande des consommateurs et contre paiement. Le texte crée aussi l’obligation pour le vendeur de fournir des informations sur l’obligation de réparation. Les producteurs seraient alors tenus de réparer des biens, mais également d’informer les consommateurs de cette obligation et de les renseigner sur les services de réparation disponibles.

Le droit à la réparation constitue ainsi un complément essentiel aux dispositions en matière d'écoconception, auquel les rapporteurs apportent leur soutien.

 


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   TroisIÈME PARTIE : LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF AUX EMBALLAGES ET AUX DÉCHETS D'EMBALLAGES, UN OUTIL POUR EN FINIR AVEC LE TOUT-EMBALLAGE

I.   UNE proposition de règlement POUR LIMITER LES EMBALLAGES INUTILES ET FAVORISER LEUR RECYCLAGE

La proposition de règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages ([56]) doit mettre à jour le cadre législatif de l’Union pour les emballages et les déchets d’emballages, issu d’une directive de 1994 ([57]).

Ce soutien prend la forme d’un cadre réglementaire harmonisé qui favorise les investissements, réduit les déchets et encourage le recyclage de qualité.

Pour atteindre les objectifs précités, la proposition de règlement prévoit des exigences de durabilité pour les emballages, ainsi que des standards en matière d’étiquetage, de marquage et d’information des consommateurs, des obligations des opérateurs économiques. Vos rapporteurs saluent en particulier la possibilité pour les États membres d’imposer des restrictions supplémentaires à l’usage de sacs plastiques, dont la consommation annuelle par personne ne doit pas dépasser 40 unités – ou équivalent en poids – d’ici au 31 décembre 2025. La proposition de règlement est actuellement examinée par le Conseil et par le Parlement européen.

II.   Les POINTS de vigilances

A.   Au-DelA de La séparation CONTESTABLE du compostage et du recyclage, il est nÉcessaire de supprimer progressivement du marchÉ les emballages « non ou mal recyclables »

Vos rapporteurs estiment que l’approche de la Commission consistant à séparer les obligations de recyclage et de compostage est critiquable. La proposition de règlement prévoit que l’utilisation d’un format d’emballage compostable est obligatoire pour certaines applications, telles que les dosettes de café, les étiquettes autocollantes sur les fruits et légumes et les sacs en plastique très légers. Or l’opposition apparente entre les deux opérations semble contreproductive alors que certains emballages concernés par la future obligation de compostage font d’ores et déjà l’objet d’investissements importants pour développer les capacités de tri et de recyclage. C’est le cas notamment des capsules de café en aluminium.

Surtout, l'objectif à moyen terme devrait être d'éliminer totalement du marché les emballages non ou peu recyclables. Les cahiers des charges des éco-organismes, par exemple de la filière des emballages ménagers, prévoient l’application d’un malus (éco-modulation) pour les emballages dits « perturbateurs du recyclage ». Les mesures prises jusqu'à présent ne sont toutefois pas suffisantes pour permettre la réduction du volume de ces emballages.

Recommandation no 11 : interdire progressivement la mise sur le marché d’emballages « non ou mal recyclables », à l’instar des produits d'emballages mixtes qui rendent le recyclage difficile.

B.   La consigne obligatoire pour les bouteilles et les canettes, UNe RIGIDITÉ AUX BÉNÉFICES INCERTAINS

La proposition de règlement relatif aux emballages impose également aux États membres d’instaurer un système de consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes en aluminium d’ici au 31 janvier 2029. Cette obligation vaut pour les États membres dont le taux de recyclage est inférieur à 90 % du poids des emballages concernés mis sur le marché. En principe, le développement du système de consigne est bienvenu et a par exemple permis d’augmenter le taux de recyclage des bouteilles en plastique en Allemagne.

Recycler 90 % des bouteilles en plastique :
un objectif partagé avec la directive SUP

Les emballages et les produits en plastique à usage unique représentent tous deux des axes d’amélioration importants de la politique de recyclage.

La fixation d’un seuil de 90 % pour le taux de recyclage pour les bouteilles en plastique à l’horizon 2029 apparaît dès la directive du 5 juin 2019 sur les plastiques à usage unique, dite « SUP » ([58]). Ce texte vise à prévenir et à réduire l’impact de certains produits en plastique sur l’environnement. Il a notamment interdit, au 3 juillet 2021, la mise sur le marché de nombreux produits pour lesquels des solutions alternatives durables et abordables sont disponibles, notamment les couverts ou les assiettes en plastique.

Vos rapporteurs relèvent toutefois que la directive SUP est susceptible de provoquer un effet rebond. La transition vers une économie circulaire n’implique pas uniquement de changer les matériaux utilisés, mais surtout de réduire l’utilisation d’emballages et de produits à usage unique. Il convient de susciter un changement dans les pratiques des producteurs et consommateurs, qui repose sur la réduction des emballages à usage unique et sur l’incitation à recourir au réemploi et à la recharge.

La Commission gagnerait à évaluer en temps voulu les effets de la directive SUP sur l’utilisation des plastiques à usage unique et, plus généralement, des emballages.


Vos rapporteurs alertent toutefois sur le changement d’habitude important qu’il implique pour les consommateurs et le risque d’éviction, constaté en Allemagne, des bouteilles en verre et en plastique réutilisables au bénéfice des bouteilles en plastique à usage unique. Par conséquent, vos rapporteurs soutiennent la position de la France dans le cadre des négociations entre États membres au Conseil. Il convient de privilégier une approche technologiquement neutre des systèmes de reprise et de collecte plutôt que la généralisation de la consigne.

 

Recommandation no 12 : prévoir le caractère facultatif du système de consigne, en privilégiant une approche technologiquement neutre des systèmes de reprise et de collecte.

C.   Le LEVIER de la responsabilité Élargie des producteurs (REP)

Le système de la responsabilité élargie des producteurs (« REP ») est reconnu par l'Union européenne comme une politique clé pour accélérer l'économie circulaire, qui figure dans la directive-cadre sur les déchets de 2008 ([59]). Par le passé, l’Union s’est progressivement dotée de législations sectorielles prévoyant la responsabilité élargie des producteurs pour la gestion de la fin de vie des produits qu’ils mettent sur le marché, par exemple pour les piles et accumulateurs ([60]).

La révision, en 2018, de la directive-cadre sur les déchets de 2008 a permis de fixer des exigences opérationnelles minimales aux REP afin de prévenir les disparités excessives entre États membres ([61]). En parallèle, la révision de la directive de 1994 sur les déchets d’emballages prévoit que des régimes de responsabilité élargie des producteurs d’emballages doivent être mis en place d’ici au 31 décembre 2024.

La proposition de règlement sur les emballages et les déchets d’emballages prolonge cette dynamique en harmonisant davantage les règles applicables aux producteurs d’emballages au titre de leur REP. Un registre unique sera établi dans chaque État membre pour suivre le respect par les producteurs de leurs obligations financières et organisationnelles au titre de la gestion des déchets. Le texte prévoit également d’harmoniser la modulation des redevances prélevées au titre de la REP, versées en France sous la forme d’une éco-contribution aux éco-organismes chargés de la collecte et du traitement des déchets de chaque filière.


Vos rapporteurs estiment de nouveau que la stabilité du système des REP doit être recherchée à court terme, en offrant suffisamment de flexibilité aux États membres pour maintenir le mécanisme de redevances en vigueur s’il est suffisamment efficace.

À moyen terme, vos rapporteurs appellent la Commission européenne à explorer des options ambitieuses, susceptibles de renforcer le principe « pollueur-payeur » au cœur des REP. Il est envisageable d'inclure le coût total des déchets d'emballages dans la redevance prélevée au titre des REP. Cette mesure inciterait les producteurs à renforcer leurs efforts pour améliorer la collecte sélective et la mise en œuvre de solutions complémentaires, telles que le tri des déchets mixtes, en particulier pour les emballages destinés à la consommation nomade. En outre, les organisations de responsabilité des producteurs (OPR), soit les éco-organismes en France, pourraient être chargées d'atteindre des objectifs de collecte sélective des emballages et s’acquitter des coûts de nettoyage des déchets d'emballages. Ils pourraient également être tenus de consacrer une partie minimum de leur budget au financement d'actions de réduction, de prévention, et déploiement de systèmes de réutilisation.

Par ailleurs, vos rapporteurs relèvent que la France est la championne d’Europe de la responsabilité élargie du producteur. C’est le sens de conclusions du rapport de Jacques Vernier, alors président de la commission inter-filières REP ([62]), qui constate que la France a mis en place davantage de filières REP que l’Union ou ses voisins européens. Sur le modèle de la filière textile, vos rapporteurs appellent à étendre le champ des filières REP couvertes par la législation européenne harmonisée à l’ensemble des produits disposant d’un fort potentiel de réemploi et de recyclage. La position avant-gardiste de la France lui confère un avantage comparatif en la matière.

Recommandation no 13 : envisager à moyen terme le renforcement du système européen des REP, en créant de nouvelles filières REP obligatoires au niveau européen.

D.   Les obstacles pratiques AU DÉVELOPPEMENT DU recyclage

Outre les points de vigilance susmentionnés, des obstacles pratiques perdurent également en matière de recyclage des déchets.

En France, des lacunes subsistent en matière de collecte sélective des déchets d’emballages. Par exemple, le manque de poubelles pour les déchets recyclables – les fameux bacs ou poubelles « jaunes » – ou la fréquence insuffisante de collecte ont été cités lors des auditions menées par vos rapporteurs.

De manière générale, vos rapporteurs estiment que la mise en place d’une économie circulaire au niveau de l’Union implique de corriger certaines disparités entre États membres. La prise en charge des opérations de gestion des dépôts illégaux de déchets gagnerait à être davantage précisée au niveau européen, tandis que les méthodes de calcul des taux de recyclage pourraient être harmonisées. En effet, les quantités de recyclage sont calculées alternativement en fonction du poids des matériaux en sortie de centre de tri – en France – et en entrée de centre de tri – en Allemagne. Par ailleurs, cette approche volumétrique ignore les enjeux de quantité des emballages unitaires ou de qualité des matériaux utilisés.

Enfin, il apparaît nécessaire que les enseignes de grande distribution prennent leurs responsabilités pour réduire le recours aux emballages, en proposant davantage d’alternatives, via le vrac par exemple. La France fait figure d’exemple en la matière, la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoyant que 20 % de la surface de vente de produits de grande consommation des supermarchés soit consacrée à la vente de produits sans emballage au 1er janvier 2030.

III.   Une Approche complÉmentaire : UNE « taxe plastique » EUROPÉENNE QUI MANQUE SA CIBLE

Le budget de l’Union est abondé, depuis le 1er janvier 2021, par une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés ([63]). Concrètement, il s’agit d’une contribution nationale calculée sur la base des quantités de déchets d’emballages en plastique non recyclés, avec un taux d’appel uniforme de 0,80 euro par kilogramme. Les recettes générées par cette ressource représentaient environ 4 % du budget de l’Union en 2022, soit 6 milliards d’euros. La France y contribue à hauteur de près de 1,3 milliard d’euros en 2022. Si la contribution nationale n’est pas assimilable à un « impôt européen », elle prend toutefois la forme d’une « taxe plastique ».

Vos rapporteurs, s’ils sont partagés sur la légitimité des ressources propres abondant le budget de l’Union, estiment que l’intention de la « taxe plastique » est louable. Le dispositif devrait inciter les États membres à réduire les déchets d’emballages, conformément à l’agenda de l’Union sur l’économie circulaire, tout en laissant à chaque pays une marge de manœuvre importante pour mettre en œuvre les politiques appropriées.

Or la « taxe plastique » manque sa cible en faisant peser la charge financière sur les États membres. À l’inverse, il serait opportun de responsabiliser les donneurs d’ordre qui mettent sur le marché les emballages plastiques, dans la logique des filières REP. La contribution fondée sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés pourrait être réorientée vers les opérateurs économiques, ainsi incités à réduire leur utilisation de matières plastiques.

 


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   Conclusion

 

Le plan d'action pour une économie circulaire, présenté par la Commission européenne en 2020, est le nouveau point de départ d'une véritable stratégie visant à sortir d’un modèle économique linéaire. Cette transformation conditionne en partie l’atteinte de nos objectifs climatiques et stratégiques alors que l’Union doit renforcer sa maîtrise des chaînes de valeur critiques.

Vos rapporteurs soutiennent les objectifs de l’Union, tout en soulignant que la France n’a pas attendu le plan d’action de la Commission pour accélérer les réformes utiles au déploiement de l’économie circulaire. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) et la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » sont révélatrices de l’engagement de l’ensemble des parties prenantes, qu’elles soient institutionnelles, économiques ou associatives.

La réduction de la production inutile, parfois frappée d’obsolescence programmée, est indispensable pour parvenir au découplage entre la croissance économique et la croissance de l’exploitation des ressources. La proposition de règlement sur l'écoconception, à laquelle vos rapporteurs sont favorables, doit y contribuer en élargissant le périmètre des secteurs couverts. La création d’un nouveau droit à la réparation, protecteur des consommateurs européens, s’inscrit dans la même dynamique.

Par ailleurs, la prévention de la mise sur le marché des emballages et la gestion de la fin de vie des produits gagneraient être améliorées à travers un cadre harmonisé. Le système de la responsabilité élargie du producteur (REP) pourrait être complété de manière incrémentale afin de ne pas déstabiliser un écosystème à l’origine de résultats probants, notamment en France.

De nombreux textes sont actuellement négociés au niveau européen, dans le cadre des trilogues voire au stade antérieur des discussions au sein du Conseil et du Parlement européen. Le temps presse au regard des échéances européennes de l’année 2024, marquée par l’élection de nos représentants au Parlement européen et par le renouvellement du collège des commissaires. Vos rapporteurs forment ainsi le vœu que ce rapport d’information contribue à éclairer les travaux en cours.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 19 juillet 2023, sous la présidence de M. Pieyre‑Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme Félicie Gérard, rapporteure. C’est avec plaisir que nous présentons aujourd’hui nos conclusions sur l’économie circulaire. Ce sujet est à la fois extrêmement politique et technique et je me félicite du travail mené en bonne intelligence par notre binôme.

L’économie circulaire regroupe un ensemble de pratiques qui visent à produire des biens et des services de manière durable, dans le but d’optimiser la consommation de ressources et de limiter le gaspillage. En d’autres termes, l’économie circulaire est une vision systémique de l’économie qui prend en compte toutes les étapes de vie d’un produit. Il s’oppose au modèle linéaire qui affecte l’environnement de manière négative.

L’économie circulaire repose sur deux idées principales : repenser la chaîne de production et de consommation, et optimiser l'utilisation des ressources, nouvelles ou existantes, des biens et des services. Cette approche doit permettre à l’Europe d’atteindre ses objectifs climatiques, d’engager une transition environnementale riche en emplois et de réduire nos dépendances aux matières premières importées.

Les efforts de l’Union européenne depuis une décennie n’ont pas encore produit de résultats suffisants. En 2014, l’Union européenne a lancé plusieurs projets en lien avec l’économie circulaire. Cependant, aucun découplage entre la croissance économique et la croissance de l’utilisation des ressources n’a été constaté à ce jour. La consommation de ressources augmente au même rythme que la croissance économique.

Notre analyse a été confirmée dernièrement par le rapport spécial de la Cour des comptes européenne du 3 juillet 2023, selon lequel le taux de recyclage en Europe n'a que légèrement augmenté entre 2015 et 2021. L'objectif de l'Union de doubler le taux de circularité d'ici 2030 semble donc très difficile à atteindre.

Les progrès réalisés par les différents États membres sont très variables, la France faisant figure de bon élève. Nous saluons les efforts collectifs de nos collectivités, de nos entreprises et de nos concitoyens. La France s’est pleinement engagée sur la voie de l'économie circulaire, en adoptant un cadre juridique exigeant. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020, dite « AGEC », et, plus récemment, la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021, vont dans ce sens.

Le défi consiste maintenant à réduire la consommation de ressources et la production de déchets, sans basculer dans la spirale dangereuse de la décroissance économique. Nous identifions deux enjeux en matière de circularité. Du côté de l’offre, il faut se diriger vers des stratégies favorables à la durabilité des produits. Du côté de la demande, il est nécessaire de faire évoluer les modèles de consommation, avec des approvisionnements plus locaux, de favoriser la mise sur le marché de biens reconditionnés et de partager l’usage des produits.

Le plan d'action de la Commission de 2020 donne une nouvelle impulsion, pour faire de l’économie circulaire une réalité en Europe. Ce nouveau plan concerne aussi bien la production de biens et la fourniture de services que la réduction et le recyclage des déchets. Au stade de la production, l’écoconception est un levier primordial. Nous devons privilégier les ressources renouvelables et favoriser la réparabilité et la recyclabilité d'un produit dès sa phase de conception.

Face à l’ampleur des défis à relever, nous sommes favorables aux efforts importants entrepris par l’Union européenne. En même temps, nous signalons plusieurs points de vigilance. Pour exploiter pleinement les opportunités de l’économie circulaire, ces aspects gagneraient à être pris en compte par les autorités européennes et françaises.

Le périmètre de nos travaux est extrêmement large. Nos auditions ont toutefois permis d’identifier deux actes législatifs majeurs en cours de discussion au Conseil et au Parlement européen : d'une part, la proposition de règlement sur l’écoconception et, d'autre part, la proposition de règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages.

M. Pierrick Berteloot, rapporteur. Tout d’abord, la proposition de règlement sur l'écoconception est un grand pas vers une conception durable des produits. La proposition de règlement sur l’écoconception pour des produits durables élargit le champ d’application de la directive en vigueur, qui date de 2009. Le texte vise tous les produits et tous les aspects de l’écoconception, et non plus seulement les enjeux liés à la consommation énergétique.

Il s’agit notamment d’améliorer leur réparabilité, leur réutilisation, leur recyclabilité et leur contenu en matériaux recyclés, tout en réduisant la présence de substances dangereuses. Le renforcement de l’information disponible pour les consommateurs et les autres entreprises de la chaîne de valeur est également pertinent.

Notre premier point de vigilance porte sur la mise en œuvre de la proposition de règlement sur l’écoconception. Il s’agit d’une réglementation-cadre horizontale, faisant l’objet d’une déclinaison sectorielle. La Commission est habilitée à préciser les exigences d’écoconception pour des produits spécifiques en adoptant des « actes délégués ». Ce sont des actes secondaires qui permettent de compléter les éléments dits « non essentiels » de l’acte législatif initial. Le recours croissant aux actes délégués est toutefois contestable, tant la Commission intervient dans des domaines sensibles et dans des conditions limitant la capacité des colégislateurs à formuler des objections.

Ensuite, le contenu du texte pourrait être précisé sur deux points.
Le Conseil, qui réunit les États membres, a déjà adopté sa position sur le texte, contrairement au Parlement européen. Les négociations interinstitutionnelles, les fameux « trilogues », devront ainsi être scrutés de près. Un premier axe d’amélioration consiste à éviter toute régression par rapport à la législation nationale existante. La France a par exemple interdit la destruction d’invendus non-alimentaires afin d’encourager les dons, disposition que la Commission européenne ne propose d’appliquer qu’aux produits textiles. Le texte devra préciser la faculté donnée aux États membres de maintenir des dispositions mieux-disantes. Un second axe de travail consiste à inscrire explicitement l’interdiction de l’obsolescence programmée dans le règlement, notamment en ce qui concerne les logiciels informatiques. Le Parlement a proposé cette option, qui figure dans le droit français et que nous soutenons.

Ensuite, la proposition de règlement relatif aux emballages et aux déchets d'emballages doit mettre un terme à l’ère du « tout-emballage ». Nous saluons l’intention de ce texte, qui fixe un cadre réglementaire harmonisé favorable aux investissements, à la réduction des déchets et à la promotion d’un recyclage de qualité. Chaque citoyen européen génère près de 180 kilogrammes de déchets d’emballages par an. C’est beaucoup trop, d’autant que les emballages captent largement les matériaux vierges mis sur le marché – jusqu’à 40 % du plastique et 50 % du papier utilisé en Europe.

Pour atteindre ses objectifs, la proposition de règlement prévoit des exigences de durabilité pour les emballages, ainsi que des standards en matière d’étiquetage, de marquage et d’information des consommateurs. Nous saluons en particulier la possibilité pour les États membres d’imposer des restrictions supplémentaires à l’usage de sacs plastiques, dont la consommation annuelle par personne ne doit pas dépasser 40 unités d’ici au 31 décembre 2025.

Nos travaux nous ont permis d’identifier plusieurs points sensibles, sur lesquels nous attirons l’attention des colégislateurs européens. En premier lieu, nous estimons que l’approche de la Commission consistant à séparer les obligations de recyclage et de compostage est hautement contestable. Certains emballages concernés par la future obligation de compostage ont déjà fait l’objet d’investissements importants dans les capacités de recyclage. Je pense notamment aux capsules de café en aluminium. Pourquoi, dès lors, leur imposer un nouveau cadre réglementaire ?

En deuxième lieu, nous sommes extrêmement vigilants quant à l’obligation faite aux États membres d’instaurer un système de consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes en aluminium, d’ici au 31 janvier 2029. Cette mesure ne concernera, certes, que les pays dont le taux de recyclage est inférieur à 90 %. Toujours est-il que la consigne implique un changement d’habitudes important pour les consommateurs et peut provoquer des effets contre-intuitifs. C’est le cas en Allemagne, où les bouteilles en verre et en plastique réutilisables ont été remplacées par des bouteilles en plastique à usage unique, moins vertueuses.

En troisième lieu, nous appelons la Commission européenne à privilégier à court terme la stabilité du système de responsabilité élargie des producteurs, qui prend la forme des filières REP en France. Plusieurs textes, dont les effets cumulatifs sont difficiles à mesurer, viennent modifier le cadre européen en vigueur. Donnons de la visibilité et de la stabilité aux parties prenantes ! En revanche, à plus long terme, il est utile d’explorer des options ambitieuses pour renforcer l’effectivité du principe « pollueur-payeur ». Je pense notamment à la possibilité d'inclure le coût total des déchets d'emballages dans la redevance prélevée au titre des REP. Cette mesure inciterait les producteurs à renforcer leurs efforts pour améliorer la collecte sélective et la mise en œuvre de solutions complémentaires, telles que le tri des déchets mixtes. Il est également important d’envisager une extension du nombre des filières REP au niveau de la législation européenne harmonisée, la France étant aujourd’hui mieux‑disante que l’Union et ses partenaires.

Tout ne se fera pas par la loi, nous en sommes convaincus. Des obstacles pratiques doivent être surmontés avec des mesures de bon sens. En France, par exemple, des lacunes subsistent sur la collecte sélective des déchets d’emballages. Le manque de poubelles pour les déchets recyclables – les fameux bacs « jaunes » – ou la fréquence insuffisante de collecte gagneraient ainsi à être corrigés.

Voici, brièvement, les principales conclusions que nous souhaitions vous présenter pour faire de l’économie circulaire une réalité en Europe.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme Nicole Le Peih (RE). Ce rapport éclaire un sujet important : la nécessité d’adopter un modèle de production et surtout de gestion de nos déchets qui les valorisent au mieux. Le sujet est global mais il est nécessaire que la Commission européenne s’engage à promouvoir la conception durable des produits en encourageant les industries à adopter des pratiques écoresponsables.

La transition vers une économie circulaire implique de revoir les processus de production pour minimiser les déchets et favoriser le recyclage. La transition vers une économie circulaire est une réponse cruciale aux défis actuels du changement climatique, de la pollution et de la perte de biodiversité. En favorisant la réutilisation, le recyclage et la consommation responsable, l’Europe contribuera drastiquement à réduire son empreinte écologique.

Pour instaurer une économie circulaire, il est essentiel de sensibiliser et d’encourager les consommateurs à faire des choix durables, tout comme les acteurs publics seront encouragés à privilégier des produits respectueux de l’environnement. Concrètement, quelles seront les mesures prises afin d’encourager tous les États membres à atteindre des objectifs ambitieux en matière de réduction des déchets et de recyclage ? Aussi, la mise en œuvre d’une économie circulaire dépend de l’engagement et de la coopération des États membres. Comment la Commission assure-t-elle un suivi régulier des progrès accomplis, tout en identifiant les domaines nécessitant un soutien supplémentaire ?

Mme Yaël Menache (RN). Le mondialisme économique et son libre-échange chaotique sont une idéologie mortifère pour nos tissus sociaux et économiques et pour notre environnement. Marine Le Pen et le Rassemblement national ont toujours dénoncé, combattu ces conséquences désastreuses. Nos industries et nos agriculteurs font face à une concurrence déloyale sur tous les fronts. Les différences de salaire, de protection sociale, de normes sanitaires et écologiques les affaiblissent tous les jours.

Le chancre du mondialisme s’est greffé sur la mondialisation de l’économie. Il est la négation du modèle économique plus harmonieux que nous appelons de nos vœux. Nous faisons en effet la promotion du localisme, c’est-à-dire d’une forme d’activité économique plus subsidiaire, destinée à réguler la mondialisation économique. Nous militons aussi bien contre les doctrines bureaucratiques chères aux « eurolâtres » qui méprisent les réalités qui forgent les peuples et les nations, que contre les positions incohérentes et mortifères de la décroissance, si chère aux extrêmes gauche, aussi irréalistes qu’intolérantes.

Ce rapport sur le plan d’action pour une économie circulaire présenté par la Commission européenne en 2020 est selon nous une étape intéressante. Il révèle un début de prise de conscience de l’échec de la dérégulation qui a prévalu pendant trop longtemps chez de nombreux gouvernants.

Nous saluons au passage le travail de nos rapporteurs et la contribution apportée par leurs travaux. Il faut soutenir un modèle économique plus subsidiaire, plus proche des réalités, à travers la promotion de ressources locales, l’optimisation de l’utilisation des matières premières et de l’énergie, et par la limitation de l’hyper consommation et du gaspillage. Entrent dans ce cadre, la réparation de biens et leur reconditionnement, et lorsque c’est possible, le traitement des déchets et leur recyclage.

Sur les déchets, principalement les métaux, le papier, le plastique, le textile et le verre, les exportations de déchets de l’Union européenne avaient atteint 33 millions de tonnes en 2021, soit une augmentation de 77 % par rapport à 2004. 45 % des déchets de l’Union européenne ont été exportés vers la Turquie, soit 14,7 millions de tonnes. Les autres principales destinations d’exportation sont l’Inde, avec 2,4 millions de tonnes, et l’Égypte, avec 1,9 million de tonnes. Il faut envisager de limiter significativement l’exportation de déchets, tout en favorisant des efforts de recherche quant à leur traitement et à leur recyclage.

Ces déchets sont des sources de trafic et de blanchiment sur lesquels prospèrent nombre d’organisations criminelles internationales, avec leur cortège de dégradation de l‘environnement et de corruption en tout genre. Il s’agit d’un point noir du mondialisme économique.

Il convient de se tourner vers un modèle plus protecteur et plus respectueux des peuples et de l’environnement. Restaurer une économie harmonieuse est une nécessité impérieuse. Si la promotion de l’économie circulaire, avec la proposition de règlement sur l’écoconception, la prévention de la mise sur le marché des emballages et la gestion de la fin de vie des produits peut constituer un pas dans la bonne direction, nous ne pouvons que nous en réjouir. Cependant, ces objectifs louables doivent s’inscrire dans une politique générale qui ne doit pas nuire à la France, et doivent d’abord partir des réalités françaises d’abord. L’appauvrissement général provoqué par l’idéologie mondialiste, irréaliste et inadaptée, tout comme les risques des ennemis décroissants de l’activité économique nous mettent en danger.

M. Vincent Seitlinger (LR). Je remercie nos deux rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Le sujet de l’économie circulaire est aujourd’hui crucial au regard du volume vertigineux de déchets jetés chaque jour.

Nous constatons un recul dans ce domaine, depuis plusieurs années. Je prendrai pour exemple la pratique des bouteilles consignées, largement répandue en Alsace et en Moselle pendant des dizaines d’années. Cette tradition locale s’est un peu ralentie dans les années 2000. Si elle revient aujourd’hui en force, elle a néanmoins perdu de la vigueur durant un certain nombre d’années.

La mise en œuvre de l’économie circulaire dépend de plusieurs paramètres, au nombre desquels figure l’information. En effet, force est de constater la méconnaissance par nos concitoyens de nombre de ces enjeux tels que le développement de la « fast fashion » ou les dangers relatifs à l’utilisation du plastique. Comment mieux les sensibiliser ? Existe-t-il véritablement une volonté de l’Union européenne de mieux les sensibiliser et les informer des conséquences de la production de déchets ? D’un point de vue économique, comment mieux sensibiliser nos partenaires commerciaux pour ne pas nuire à la compétitivité de nos entreprises ? En effet, imposer des contraintes à nos entreprises n’est pas sans conséquences par rapport à leurs concurrents chinois ou américains.

Mme Louise Morel (DEM). Je remercie également les deux rapporteurs pour ces travaux qui intéressent tout particulièrement nos concitoyens. Je souhaite partager un ordre de grandeur afin de mieux mesurer les défis qui nous attendent. Selon une étude d’Olivier Vidal, parue en 2018, la quantité cumulée de métaux à produire dans les cinq prochaines années pour assurer la transition énergétique dépasserait la quantité produite cumulée depuis l’Antiquité.

Face à ce défi, comme vous l’avez rappelé, trois solutions s’imposent, sous la forme des trois « R » : réduire, réutiliser et enfin recycler.

Je suis surprise que, dans la présentation de votre rapport, vous n’évoquiez pas la question du « passeport numérique des objets » qui fait pourtant partie de la proposition de règlement de la Commission. Il s’agit d’une fiche numérique produit, comparable à un code-barres. Il indique des informations sur l’origine, les options de réparation et de démontage des produits ainsi que les différentes options en matière de recyclage des composants afin de permettre aux différentes parties prenantes de la chaîne de valeur d’avoir accès aux données permettant la mise en place une économie circulaire.

Dans votre rapport, vous évoquez quatre pistes de numérisation de l’économie circulaire. Vous êtes-vous intéressé à la mise en œuvre de ce passeport numérique ? Dans l’affirmative, sur quelle norme devrions-nous nous appuyer ? Aujourd’hui, la norme ISO, développée par GS1, est souvent mise en débat. Qu’en pensez-vous ?

M. Henri Alfandari (HOR). Je tiens, tout d’abord, à vous remercier pour ce rapport qui aborde la question de l’économie circulaire de manière globale. En général, ce sujet est traité de manière partielle en abordant seulement la question de la réduction, du réemploi ou du recyclage de la quantité de déchets issus des biens de consommation en fin de cycle. La législation européenne et française en la matière est abondante.

Votre rapport porte sur l’économie circulaire dès la conception des produits pour en renforcer la durabilité, la réparabilité et le réemploi dès l’amont. Sur ce sujet, il existe déjà un règlement européen sur l’écoconception. Or, comme vous le rappelez à juste titre, ce règlement est davantage centré sur les aspects liés à l’énergie que sur ceux liés à la durabilité environnementale. Un nouveau règlement a été proposé par la Commission pour élargir le champ de l’écoconception. Vous soulignez le risque que cette nouvelle réglementation soit une régression par rapport aux règles déjà en vigueur en France ou qu’elle n’aborde pas le sujet de l’obsolescence programmée.

La législation européenne en la matière comporte ainsi des risques, mais représente également l’opportunité de créer des normes partagées entre États membres pour éviter de créer une concurrence déloyale, moins exigeantes que les normes environnementales françaises. Il faudra veiller à ce que ces nouvelles normes ne comportent pas des coûts difficilement supportables pour les producteurs européens, tout en étant attentif à ce que ces règles n’impactent pas négativement la qualité des produits européens. Quelles sont les opportunités présentées par ce nouveau règlement ? Comment peut-on produire différemment en amont tout en préservant la viabilité économique des chaînes de production européennes, sans affaiblir les garanties apportées au consommateur – en particulier en termes de performance et de sécurité des produits ?

M. Frédéric Petit (DEM). Je ne souhaite pas poser de question mais seulement réagir aux propos de notre collègue du Front national, Yaël Menache. Vous avez appelé à prendre en compte tant les réalités que le terrain. À ce titre, je souhaite revenir sur quelques points de détail. Concernant les salaires des agriculteurs, on ne peut pas parler de rémunération : je n’ai jamais vu la fiche de paie d’un agriculteur ! Vous parlez de dérégulation agricole à cause de l’Union européenne, alors que la politique agricole commune est la première politique européenne mise en place et la plus reconnue avec le programme Erasmus. Je ne comprends pas ce que vous entendez par « modèle économique subsidiaire » : qu’entendez-vous par ce terme ?

Vous évoquez le « mondialisme » comme une idéologie, alors qu’il s’agit d’un fait. Le mondialisme ne nous a pas appauvri, regardez les chiffres. Il est légitime de le critiquer, sous réserve de ne pas oublier les inégalités dans le monde. Je critique d’ailleurs la manière dont est conduite la mondialisation. Vous proposez une diplomatie égoïste, qui ne représente pas la France !

Mme Félicie Gérard, rapporteure. La question de la gestion des déchets, soulevée par Nicole Le Peih, constitue un point essentiel de ce rapport. La Commission envisage une révision de la directive de 2008 relative à la gestion des déchets. Parmi les mesures envisagées figurent un élargissement d’un système de responsabilité élargie du producteur, la mise en place du fameux principe « pollueur-payeur », la prévention de la gestion des déchets textiles ainsi que celle des chaussures usagées. Le champ d’application concerne tous les États membres. Le principe pollueur-payeur est un très bon principe car il responsabilise les producteurs sur la gestion de déchets qu’ils créent. Nous préconisons dans le rapport – il s’agit de la recommandation n° 13 – que la Commission étende ce principe à d’autres filières économiques et crée cette obligation dans tous les États membres. Il convient aussi d’assurer une véritable égalité au regard des contraintes qui pèsent sur les industriels et les entreprises à l’échelle européenne.

De manière plus globale, sur les moyens mis à disposition pour l’évaluation de ce dispositif, nous manquons à l’échelle européenne de suivi régulier ainsi que d’évaluation. C’est pourquoi le rapport propose une évaluation intermédiaire des programmes et des objectifs fixés afin de mieux évaluer l’application réelle de nos engagements engagés.

M. Pierrick Berteloot, rapporteur. En réponse à Yaël Menache, il importe de rappeler dans ce rapport l’ambition des normes européennes. Pour éviter une concurrence déloyale, il importe toutefois que l’harmonisation des normes se fasse dans le bon sens pour que notre pays ne soit pas pénalisé. Concernant l’encadrement du transfert des déchets hors territoire de l’Union européenne, l’Europe agit déjà et pourrait encore progresser.

Mme Félicie Gérard, rapporteure. Pour répondre à Vincent Seitlinger concernant la sensibilisation de nos concitoyens, il s’agit d’un point important qui fait l’objet de la recommandation n° 6 du rapport. Nous appelons au déploiement d’une campagne d’information européenne pour sensibiliser les consommateurs aux évolutions de la législation européenne en matière d’économie circulaire ainsi qu’aux bonnes pratiques à mettre en œuvre individuellement. Je partage votre vigilance sur les normes pesant sur nos entreprises. Il faut avoir une application progressive des contraintes pour éviter de mettre en danger nos industries et s’assurer d’une application équitable dans tous les États membres pour ne pas induire une concurrence déloyale. Le respect de ces deux préalables permettra de faire face aux autres puissances économiques.

Concernant le passeport numérique évoqué par Louise Morel, il s’agit seulement de l’un des aspects du règlement sur l’écoconception. Il ne s’agit pas de la mesure la plus fondamentale au regard de nos auditions. Je soutiens votre proposition sous réserve de simplicité pour nos entreprises.

Je partage le point de vue d’Henri Alfandari, il faut aller plus loin concernant l’écoconception. La proposition de la Commission d’élargir les règles existantes va dans ce sens. À terme, nous pensons que l’objectif fixé devrait viser 100 % du produit en matière renouvelable ou recyclé, 100 % de réparabilité ou 100 % de recyclage du produit. Si les modalités de l’écoconception étaient plus clairement définies et mieux appliquées dès l’amont de la production des produits, les difficultés qui apparaissent en aval, telles que le recyclage ou la gestion des déchets seraient de fait moins nombreuses. La recommandation n° 10 du rapport va dans ce sens puisqu’elle demande d’inscrire l’interdiction de l’obsolescence programmée dans le règlement relatif à l’écoconception.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je souhaite compléter votre recommandation n° 6. Le consommateur n’est pas uniquement un consommateur, il est également un acteur économique. Le consommateur acquiert un bien deviendra un déchet. Ce dernier déchet va devenir automatiquement, si l’on se trouve dans la filière du recyclage, une matière première secondaire. D’un point de vue économique, il n’est pas anormal que le consommateur soit rémunéré en tant que fournisseur d’une matière première secondaire. Cela correspond à l’usage de la consigne, en pratique disparue et qui revient un petit peu. Cela serait une incitation majeure au changement de comportement des consommateurs que de les rémunérer pour le dépôt de leurs déchets. Cela permettrait d’infléchir l’inertie des comportements que nous constatons en matière d’économie circulaire. Ce serait d’autant plus vrai pour les très petites entreprises (TPE) et pour les petites et moyennes entreprises (PME). Les métropoles et les intercommunalités disposent de budgets conséquents pour éliminer leurs déchets. Le partage de la matière première secondaire devra donc conduire au partage de sa valorisation entre les consommateurs-fournisseurs de déchets et les acteurs du recyclage. Il convient d’examiner la manière de mettre en œuvre ce modèle au sein de chaque État membre.

Mme Yaël Menache (RN). Je souhaite répondre à Frédéric Petit, qui m’attaque personnellement. Les agriculteurs n’ont peut-être pas de fiche de paie, mais le salaire qu’ils se versent à la fin du mois est lamentablement bas : il ne leur permet pas de survivre ! Les traités européens signés par les gouvernements antérieurs ont placé nos agriculteurs dans la situation actuelle. Nos agriculteurs souffrent et vous n’en assumez pas la responsabilité. Il serait peut-être temps de le faire !

M. Frédéric Petit (DEM). Le principe de la consigne est assoupli dans certains pays européens, dont l’Allemagne et plusieurs pays de l’Est. La rémunération du déchet ne revient pas directement au consommateur mais à la collectivité. La reconnaissance monétaire de la valorisation du déchet, même si cette valeur n’est pas directement rémunérée, est présente dans de nombreux pays européens. C’est un système intéressant que nous connaissons mal en France.

M. Denis Masséglia (RE). Est-ce que nos agriculteurs sont aujourd’hui en difficulté ? La réponse est oui, bien entendu. Nous avons depuis six ans adopté des lois visant à leur permettre de mieux vivre de leur métier, tels que les lois EGALIM 1 et 2.

Vous parlez de libre-échangisme, mais quelles sont les propositions du Rassemblement national ? La France n’exportera plus de produits agricoles si elle cesse d’en importer. Je rappelle que la balance commerciale agricole française est positive. La question n’est pas de savoir s’il faut mettre un terme ou pas au libre-échange, mais d’assurer à nos agriculteurs un revenu suffisant en mettant en place des outils d’accompagnement.

Cette discussion me rappelle le débat sur l’Accord économique et commercial global entre l’Union et le Canada, le CETA. Cet accord devait mettre à genoux l’agriculture française selon le Rassemblement national. Or la balance agricole française a progressé depuis la signature du CETA. Il est vrai qu’un accord avec le Canada offre davantage de garanties qu’un accord conclu avec d’autres pays. Il convient de déterminer, dans chaque cas, ce qui est bon pour notre nation et ce qui ne l’est pas. Ce n’est pas une opposition systématique, sans vision, qui permettra de répondre aux besoins de nos agriculteurs.

Mme Yaël Menache (RN). Nous ne sommes pas dans une opposition systématique, au contraire. Nous ne demandons qu’à travailler avec vous, mais vous le refusez. S’agissant de la betterave, la France va importer du sucre du Brésil alors que nous étions auparavant exportateurs de sucre. Or ce pays ne respecte pas les normes que l’on impose à nos agriculteurs, qui ne peuvent plus vendre leurs produits. Cette situation arrive à son terme puisque nous n’aurons plus de souveraineté alimentaire, plus d’agriculture, plus d’industrie. À ce rythme-là, nous n’aurons plus rien.

M. Denis Masséglia (RE). Je ne suis pas totalement en désaccord avec certains des propos du Rassemblement national. J’attends toutefois des propositions concrètes, alors que les annonces ne sont pas suivies de votes. Le Rassemblement national était par exemple opposé au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne.

M. Pierrick Berteloot, rapporteur. Je partage l’objectif de responsabilisation des consommateurs. Une initiative législative pourrait être expertisée en ce sens, en tenant compte de l’inertie des comportements de consommation. Je suis favorable au principe de la consigne, mais plus réservé quant au fait de rémunérer les consommateurs pour les déchets valorisés. Il faudrait évaluer un peu plus en détail le dispositif proposé par Joëlle Mélin.


Mme Félicie Gérard, rapporteure. Nous partageons l’idée du renforcement de la consigne et du réemploi. Il existe déjà des dispositifs améliorant la gestion des déchets dans le cadre de la REP. Le dispositif pourrait être élargi, c’est l’une des pistes envisagées dans le rapport.

S’agissant de la consigne, il faut donner de la flexibilité au système de valorisation dans chaque État membre. La consigne a parfois eu des effets contre-productifs, notamment en Allemagne. Les bouteilles en plastique réutilisable y ont été remplacées par des bouteilles en plastique à usage unique.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


  1  

 

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 

-          M. Aurel Ciobanu-Dordea, Directeur en charge de l’économie circulaire (ENV.B)

-          Mme Estelle Elizagoien, Économie circulaire, Production et Consommation durables (ENV.B.1)

-          M. Pierre Henry, Produits durables (ENV.B.4)

-          M. Gaël de Rotalier, Des déchets aux ressources (ENV.B.3)

 

-          M. Nicolas Encausse, Conseiller, Économie circulaire et déchets, substances chimiques, qualité de l’air, émissions des véhicules et carburants

-          Mme Indira Lemont Spire, Conseillère, Propriété intellectuelle

 

-          M. Vincent Coissard, Sous-directeur en charge des déchets et de l’économie circulaire

 

-          M. Jean Hornain, Directeur général

-          Mme Romane Colleu, Conseillère affaires européennes

 

-          M. Franck Aggeri, Professeur de management au Centre de gestion scientifique (CGS) de Mines Paris-PSL et codirecteur de la chaire « Mines urbaines »

 

-          M. Axel Darut, Public Affairs Associate

 


([1])  Voir communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Boucler la boucle - Un plan d'action de l'Union européenne en faveur de l'économie circulaire du 2 décembre 2015, COM(2015) 614 final.

([2])  Voir Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 111 et suivantes.

([3])  Cour des comptes européenne, Rapport spécial, Économie circulaire – Une transition lente dans les États membres malgré l’action de l’Union européenne du 3 juillet 2023.

([4])  Voir Figure 5 – Progrès accomplis par l’EU-27 dans la réalisation d’une économie circulaire dans Cour des comptes européenne, Rapport spécial, Économie circulaire – Une transition lente dans les États membres malgré l’action de l’Union européenne du 3 juillet 2023.

([5])  Voir Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 97 et suivantes.

([6])  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire. Pour une Europe plus propre et plus compétitive, du 11 mars 2020, COM(2020) 98 final ; voir Voir Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 111.

([7])  Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; voir aussi Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 94 et suivante.

([8])  COM(2020) 98 final.

([9])  La durée de vie d'un smartphone est généralement de 5 ans, voir le rapport de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), Renouvellement des terminaux mobiles et pratiques commerciales de distribution – Éléments de réflexion, du 3 juin 2021.

([10])  Directive 2009/125/ce du parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie, JO 2009, L285/10, version consolidée actuelle 04/12/2012.

([11])  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire. Pour une Europe plus propre et plus compétitive, du 11 mars 2020, COM(2020) 98 final , p. 6 ; Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Nouvel agenda du consommateur visant à renforcer la résilience des consommateurs en vue d'une reprise durable, COM(2020) 696 final, p. 8.

([12])  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire. Pour une Europe plus propre et plus compétitive, du 11 mars 2020, COM(2020) 98 final , p. 6.

([13])  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations, 30 mars 2022, COM(2022) 143 final.

([14])  Directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs (JO L 328 du 18.12.2019, p. 7).

([15])  COM(2022) 143 final, p. 2.

([16])  COM(2022) 143 final, p. 2.

([17])  COM(2022) 143 final, p. 2.

([18])  COM(2020) 98 final, p. 6 et suivantes.

([19])  COM(2020) 98 final, p. 14 et suivantes.

([20])  Directive (UE) 2018/851 du parlement européen et du conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, JO 2018, L 150/109.

([21])  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, 5 juillet 2023, COM(2023) 420 final.

([22])  Proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif aux batteries et aux déchets de batteries, abrogeant la directive 2006/66/CE et modifiant le règlement (UE) 2019/1020, du 10.12.2020, COM(2020) 798 final.

([23])  Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ; Protocole de Bâle sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux.

([24])  Voir pour une modification récente, OCDE, décision du Conseil concernant la révision de la décision c(92)39/final sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation du 21/05/2022 (C(2001)107/FINAL).

([25])  Règlement (CE) No 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets, JO du 12.7.2006, L 190/1.

([26])  Voir par exemple pour les pays d’Afrique de l’Ouest, « Le Ghana, poubelle de la « fast fashion » mondiale », Le Monde, 22 mai 23, p. 6.

([27])  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux transferts de déchets et modifiant les règlements (UE) nº 1257/2013 et (UE) 2020/1056, 17 novembre 2021, COM/2021/709 final.

([28])  Circle Economy, The Circularity Gap Report 2023, 2023.

([29])  Kindleberger Charles P., « International Public Goods without International Government », The American Economic Review, vol. 76, n° 1, 1986.

([30])  Communication de la Commission européenne, Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020: construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe, 5 mai 2021, COM(2021) 350 final.

([31])  OCDE, Global Material Resources Outlook to 2060: Economic Drivers and Environmental Consequences, 2019.

([32]) Agence internationale de l’énergie (AIE), Energy Technology Perspectives 2023.

([33]) Commission européenne, Study on the Critical Raw Materials for the EU 2023 Final Report, 16 mars 2023.

([34]) Willeghems Gwen, Bachus Kris, Modelling job creation in the circular economy in Flanders, Circular Economy Center, mai 2019.

([35])  Institut national de l’économie circulaire, Economie circulaire et révolution numérique – Pistes de réflexions, octobre 2017.

([36])  Stigler George J., The Theory of Economic Regulation, The Bell Journal of Economics and Management Science, vol. 2, n0 1, 1971.

([37])  Cour des comptes européenne, Rapport spécial, Économie circulaire – Une transition lente dans les États membres malgré l’action de l’Union européenne du 3 juillet 2023, p. 55.

([38])  Selon Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 82 et suivante, la « fast fashion » désigne le modèle dominant de l’industrie de la mode, qui se caractérise par un prix très bas et un renouvellement plus rapide de vêtements.

([39])  L'industrie textile dépend des combustibles fossiles, du pétrole pour les fibres synthétiques ainsi que des procédés de teinture et de tannage.

([40])  Cour des comptes européenne, Rapport spécial, Économie circulaire – Une transition lente dans les États membres malgré l’action de l’Union européenne du 3 juillet 2023, p. 53 et suivantes.

([41])  Paul Boulanger, Emmanuel Delannoy, Julien Valery, Panorama national et pistes d’action sur l’économie de la fonctionnalité. Recensement, analyse et éléments d'interprétation, Ademe, 2020.

([42])  CESE, avis adopté le 28 juin 2023, Pour une économie servicielle sociale et soutenable : de la propriété à l’usage, Patricia Blancard et Fany Ruin, rapporteures.

([43])  Ibid,, p. 5.

([44])  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits durables et abrogeant la directive 2009/125/CE du 30.03.2022, COM(2022) 142 final. La proposition se fonde sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui doit être utilisé pour les mesures destinées à établir ou à assurer le fonctionnement du marché intérieur.

([45])  Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie, JO du 31/10/2009, L285/10.

([46])  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour garantir l’approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) 168/2013, (UE) 2018/858, 2018/1724 et (UE) 2019/1020, COM(2023) 160 final).

([47])  Directive 2009/125/ce du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie, JO du 31/10/2009, L285/10.

([48])  Cour de justice de l’Union européenne, recours introduit le 7 octobre 2022 — Autriche c/ Commission, affaire T-625/22.

([49])  Voir par exemple « Obsolescence programmée : Apple attaquée pour la « sérialisation » de ses pièces détachées », Le Monde, publié le 17 mai 2023.

([50])  Voir sur ce point la déclaration commune 2023-2024 des trois institutions de l’Union européenne, 15 décembre 2022.

([51])  Voir Aggeri, Franck ; Beulque, Rémi ; Micheaux, Helen, L’économie circulaire, 2023, p. 86 et suivante.

([52])  Commission ENVI du Parlement européen, projet de rapport d’Alessandra Moretti, amendements de compromis sur la proposition de règlement sur l'écoconception des produits durables, 9 juin 2023.

([53])  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des règles communes favorisant la réparation des biens et modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et les directives (UE) 2019/771 et (UE) 2020/1828.

([54])  Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de bien.

([55])  Voir le considérant 11 de la proposition de directive COM(2023)155 final du Parlement européen et du Conseil relative à des règles communes favorisant la réparation des biens et modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et les directives (UE) 2019/771 et (UE) 2020/1828.

([56])  Proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE du 30/11/2022, COM/2022/677 final.

([57])  Directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages.

([58])  Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement.

([59])  Voir art 8 suiv . de la directive 2008/98/CE.

([60])  Directive 91/157/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, relative aux piles et accumulateurs contenant certaines matières dangereuses, JO 1991, L 078/38 abrogé par la Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE, JO 2006, L 266 /1.

([61])  Directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, JO 2018, L 150/109.

([62])  Jacques Vernier, Les filières REP, mars 2018.

([63])  Règlement (UE, Euratom) 2021/770 du Conseil du 30 avril 2021 relatif au calcul de la ressource propre fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés, aux modalités et à la procédure de mise à disposition de cette ressource propre, aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie ainsi qu’à certains aspects de la ressource propre fondée sur le revenu national brut.