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N° 1543

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la dÉlÉgation aux outre-MER

 

sur l’autonomie énergétique des outre-mer

 

PAR

M. Davy RIMANE ET M. Jean-Hugues RATENON,

 

 

Députés

 

——



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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : LES OUTRE-MER SONT TRÈS DÉPENDANTS DES HYDROCARBURES

I. UNE AUTONOMIE ATTEIGNABLE POUR L’ÉLECTRICITÉ

A. vers une ÉlectricitÉ dÉcarbonÉe

1. Des conditions favorables dans la plupart des territoires

2. L’énergie renouvelable n’est pas toujours synonyme d’autonomie

B. Valoriser le recyclage des dÉchets

1. Les déchets peuvent produire de la biomasse

2. La contribution de la CRE à la valorisation du CSR

II. Les contraintes propres à la mobilitÉ

A. L’Électrification des vÉhicules : une fausse bonne idÉe

1. Le problème du recyclage des batteries

2. Le vrai bilan carbone des véhicules électriques est élevé

3. Les véhicules hybrides ne sont pas plus vertueux

B. Le difficile transport des vÉhicules Électriques

1. L’interdiction d’utiliser des navires rouliers

2. L’utilisation de containeurs réfrigérés

C. La nÉcessitÉ de varier les modes de transport

1. Véhicules individuels : vers un mix

2. Développer les transports en commun

3. Encourager les modes de transport alternatifs

III. Le rÔle des acteurs institutionnels

A. ÉlectricitÉ de France (edf) hors de l’hexagone

1. Les spécificités des zones non interconnectées (ZNI)

2. L’organisation particulière d’EDF dans les outre-mer

3. Le souci principal : la sûreté du système

B. La Commission de rÉgulation de l’Énergie (CRE)

1. L’autorité qui gère les tarifs réglementés et la CSPE

2. La CSPE doit devenir l’outil de décarbonation de l’énergie

3. Un arrêté tarifaire photovoltaïque S23 très attendu

4. La CRE doit davantage accompagner les projets

C. l’État

1. La direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC)

2. L’État doit accompagner les collectivités

D. Une indispensable Évolution de la fiscalitÉ de l’Énergie

1. La question taboue de la fiscalité des collectivités ultramarines

2. Financer la transition énergétique par le biais de la CSPE

deuxiÈme partie : L’ocÉan indien

I. la RÉunion

A. Une production d’ÉlectricitÉ en pleine Évolution

1. Un potentiel énergétique en voie d’exploitation

2. Des projets concrets pour développer le renouvelable sur l’île

3. Des choix discutables en matière de mobilité

B. Le dÉveloppement des Énergies renouvelableS

1. Les progrès de l’énergie solaire

2. Le rapport des particuliers avec les énergies renouvelables

3. L’émergence de l’éolien et l’utilisation de l’eau de mer

4. La géothermie, grande absente du mix énergétique

5. L’hydroélectricité a encore du potentiel

C. Le dÉveloppement de la biomasse

1. Le charbon cède la place à la bagasse et aux pellets québécois

2. Les déchets ménagers convertis en combustibles

3. Le biofioul bientôt utilisé dans la centrale du Port

4. La biomasse est-elle réellement vertueuse ?

II. Mayotte

A. Une Énergie carbonÉe et peu diversifiÉe

1. Un opérateur qui dépend du conseil départemental

2. Une production électrique basée sur le fioul

B. Un territoire en pleine expansion

1. Une hausse continue de la consommation

2. Le défi de la mobilité

C. Un vaste plan de dÉveloppement de l’Énergie solaire

1. Du retard par rapport aux autres départements ultramarins

2. Des objectifs qui restent modestes

3. L’absence de projets éoliens, hydrauliques ou géothermiques

troisième partie : Les antilles

I. LA GUADELOUPE

A. Une situation encore dÉfavorable

1. Une dépendance très forte aux ressources importées

2. Une électricité encore très dépendante des énergies fossiles

3. Une baisse continue de la consommation électrique

4. Bientôt la fin du charbon

B. Les efforts À consentir pour une ÉlectricitÉ propre

1. Les effets inattendus de la péréquation tarifaire

2. Une programmation pluriannuelle citée en exemple

3. L’épineuse question de la mobilité

C. La Guadeloupe, pionniÈre de la gÉothermie

1. La piste géothermique : une évidence ?

2. La géothermie nécessite des investissements lourds

II. LA MARTINIQUE

A. une Énergie carbonÉe encore largement dominante

1. La part des énergies renouvelables progresse lentement

2. La Martinique héberge la seule raffinerie des Antilles françaises

3. La piste de l’hydrogène

B. peu d’enthousiasme pour les Énergies renouvelables

1. Le développement de l’électrique n’est pas vraiment recherché

2. Le mariage prudent de l’agriculture et du photovoltaïque

3. Les déboires de la géothermie martiniquaise

4. Une PPE en cours d’élaboration

III. Saint-Martin

A. Une Énergie basÉe sur le fioul

1. Une électricité à 99 % carbonée

2. La reconstruction après Irma

3. Les réticences face à l’éolien et à la biomasse solide

B. Les enjeux Économiques et financiers

1. L’engagement de l’île pour la transition énergétique

2. EDF entre la taxation des produits pétroliers et la péréquation

3. Les inconvénients d’une frontière non contrôlée

C. UN projet d’interconnexion de grande envergure

1. La ressource géothermique existe en quantité

2. Coût et impacts attendus du projet

3. Des préventions qui méritent d’être surmontées

IV. Saint-barthÉlemy

A. Le rÈgne sans partage des Énergies fossiles

1. Des générateurs diesel qui devront être changés

2. Quand le manque d’eau augmente la consommation énergétique

3. Encore peu de place pour les énergies renouvelables

B. une consommation Électrique en hausse constante

1. Une clientèle aisée peu regardante sur la consommation

2. Favoriser l’électricité pour les transports

3. Une volonté de la part des élus d’économiser l’énergie

4. Des questionnements sur la CSPE

5. Une PPE en gestation

quatriÈme partie : les collectivitÉs du pacifique

I. La nouvelle CalÉdonie

A. un Énergie encore globalement trÈs carbonÉe

1. Une évolution favorable aux énergies renouvelables

2. Des carburants routiers bien moins chers qu’en Europe

B. Une électricité orientée vers la métallurgie

1. L’organisation du secteur de l’électricité

2. Une électricité aux trois-quarts carbonée

3. La métallurgique représente 75 % de la consommation électrique

C. la transition vers le renouvelable

1. La mise en place des outils juridiques

2. La prépondérance de l’hydraulique

3. L’éveil de l’énergie solaire

II. Wallis et Futuna

III. La polynÉsie française

A. Une très forte dépendance aux hydrocarbures

1. Une hausse régulière de la consommation

2. Le fioul disparaît au profit du gazole

3. Une compétence des communes et de la collectivité de Polynésie

B. Les transports dans la consommation d’Énergie

1. Des transports rendus nécessaires par la géographie

2. L’absence d’alternative rend la voiture individuelle indispensable

3. Des prix à la pompe en constante diminution

C. L’Émergence des Énergies renouvelables

1. Un recours encore faible aux énergies décarbonées :

2. Les instruments de la politique de diversification énergétique

cinquième partie : la Guyane et Saint-Pierre-et-miquelon

I. La guyane

A. Une production Électrique en cours de rÉorientation

1. Un potentiel énergétique renouvelable non négligeable

2. La construction d’une centrale à biomasse liquide au Larivot

3. Des zones non interconnectées

4. La lutte contre le gaspillage énergétique

B. Les particularitÉs Guyanaises

1. Une organisation spécifique et des coûts élevés

2. Un réseau parfois défaillant

C. des contraintes À l’autonomie ÉnergÉtique

1. Le défi de la mobilité

2. L’attente du plan de réglementation thermique

3. La sous-exploitation du bois

La situation du centre spatial guyanais (CSG)

1. Une consommation d’énergie peu écologique

2. Deux projets industriels d’envergure

3. La création de centrales solaires et l’utilisation de la biomasse

4. Un plan d’économie d’énergie

II. SAINT PIERRE ET MIQUELON

1. Une consommation déterminée par les conditions climatiques

2. Une importation totale des hydrocarbures

récapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

Examen par la dÉlÉgation

ANNEXES

Annexe n° 1 : liste des auditions

Annexe n° 2 : Contributions

 


—  1  —

 

 

   INTRODUCTION

 

La lutte contre le dérèglement climatique autant que la volonté de souveraineté énergétique imposent à la France et à ses collectivités, notamment ultramarines, de rechercher une autonomie énergétique basée sur des sources d’énergies décarbonées.

Dans les outre-mer, la tâche semble ardue tant l’économie et les habitudes de vie reposent en grande partie, parfois à 95 %, sur les hydrocarbures. Certaines collectivités ont commencé à promouvoir les énergies décarbonées comme l’hydroélectrique, la biomasse solide ou liquide, le solaire, l’éolien ou la géothermie. D’autres ne semblent pas avoir complètement pris la mesure de l’urgence et du travail à accomplir.

En poursuivant et en amplifiant les efforts entrepris, la transition vers une électricité décarbonée peut raisonnablement être considérée comme atteignable d’ici 2030. L’enjeu se reportera alors sur la mobilité, plus difficile à rendre vertueuse. Le basculement vers la voiture électrique, pour de multiples raisons (coût élevé, manque de bornes, filière en construction), est plus lent dans les outre-mer que dans le reste du pays. Surtout, il n’est pas sûr que le passage du « tout thermique » au « tout électrique » soit souhaitable.

En effet, basculer vers un parc automobile majoritairement électrique n’aurait de sens que si l’on est sûr que la production d’électricité pour les recharges soit suffisante et qu’elle soit décarbonée. Surtout se posera la question du recyclage des batteries usagées, actuellement inexistant sur place. Et comme les compagnies maritimes, pour des raisons de sécurité, n’acceptent plus de transporter des batteries usagées, les stocks de vieilles batteries chimiques polluantes vont commencer à s’empiler dans les outre-mer.

Aussi, la recherche d’une autonomie énergétique totale, une autarcie, est-elle sans doute illusoire et peut-être même malsaine par certains aspects. Même lorsqu’on privilégie l’électricité d’origine nucléaire, comme c’est le cas dans l’hexagone, on a toujours besoin d’importer de l’uranium. Sans doute sera-t-il nécessaire pendant encore quelques temps de conserver – en quantité raisonnable – des sources d’énergie fossiles afin d’assurer la sûreté et la sécurité d’approvisionnement des territoires.

Pour accomplir une transition énergétique aussi ambitieuse, les outre-mer ne pourront pas agir seuls. L’État, à travers ses multiples leviers (EDF, la Commission de régulation de l’énergie, la Direction générale de l’énergie et du climat, la contribution au service public de l’électricité, etc.) dispose d’un certain nombre d’outils qui sont déjà à l’œuvre mais dont le rôle devra être affiné. Les spécificités des outre-mer devront être mieux prises en compte ce qui n’est actuellement pas suffisamment le cas avec, à titre d’exemple, des tarifs de rachat de l’électricité solaire produite par les particuliers moins attractifs que dans l’hexagone, ce qui est discriminatoire.

Surtout, la transition énergétique conduira inévitablement à une révolution copernicienne en matière de fiscalité : les ressources des collectivités sont actuellement basées en grande partie sur la fiscalité liée aux produits pétroliers. Demander aux collectivités de promouvoir les autres énergies revient donc à leur demander d’amputer leur budget. C’est par exemple le cas de l’île de la Réunion qui a réduit le taux d’octroi de mer sur l’importation de voitures électriques, ce qui a dopé la demande. Ce faisant, la collectivité s’est privée d’une rentrée fiscale sur les importations de véhicules (d’autant que les importations de voitures thermiques diminuent) et a réduit également ses rentrées financières issues des ventes de carburants puisque les véhicules électriques n’en consomment pas. Il faudra bien trouver une compensation fiscale à ce phénomène.

Le plus difficile est devant nous.

 

*

 

Pour réaliser ses travaux, la mission d’information a organisé 17 auditions à Paris et 33 dans les collectivités qu’elle a visitées (La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Guyane), rencontrant plus d’une centaine d’interlocuteurs.

Elle regrette de ne pas avoir pu se rendre à Mayotte, mission annulée à cause des troubles sociaux engendrés par la réforme des retraites. Elle n’a pas pu, non plus, se rendre dans les collectivités du Pacifique pour des raisons autant financières que d’agenda.

 


 

   premiÈre partie : LES OUTRE-MER SONT TRÈS DÉPENDANTS DES HYDROCARBURES

La consommation énergétique des collectivités ultramarines doit être scindée en deux catégories : d’une part la consommation d’électricité liée à la vie et au fonctionnement des entreprises et des particuliers et, d’autre part, la consommation d’énergie liée à la mobilité. Si les énergies fossiles restent encore largement dominantes en matière d’électricité, les efforts consentis par la plupart des territoires laissent entrevoir la possibilité d’une quasi autonomie d’ici quelques années. Pour ce qui concerne la mobilité, la recherche de l’autonomie sera plus ardue.

I.   UNE AUTONOMIE ATTEIGNABLE POUR L’ÉLECTRICITÉ

Très dépendants des hydrocarbures, les outre-mer devraient raisonnablement atteindre une quasi autonomie en matière d’électricité d’ici 2030. La tâche sera en revanche plus ardue pour l’énergie liée à la mobilité qui restera, encore quelques temps, basée sur les énergies fossiles d’autant qu’une généralisation de la voiture électrique poserait au moins autant de problèmes qu’elle en résoudrait.

A.   vers une ÉlectricitÉ dÉcarbonÉe

1.   Des conditions favorables dans la plupart des territoires

La plupart des territoires sont situés dans des zones tropicales, subtropicales ou équatoriales où la présence du soleil est généreuse. La seule collectivité qui échappe à cette règle, Saint-Pierre-et-Miquelon, peut se targuer de bénéficier de vents fréquents et parfois violents favorisant les éoliennes.

Mais beaucoup de territoires ultramarins (La Réunion, Mayotte, les Antilles) sont aussi situés en zone volcanique, ce qui ouvre des perspectives en matière de géothermie. La Guadeloupe a ouvert la voie avec sa centrale de Bouillante, mais d’autres travaux de recherche se poursuivent sur cette île comme sur d’autres (Martinique, La Réunion).

La biomasse, qu’elle soit solide (pellets de bois ou CSR ([1]) ou liquide (biogaz) fait également l’objet d’un début de mise en œuvre, notamment à La Réunion, de plusieurs projets.

2.   L’énergie renouvelable n’est pas toujours synonyme d’autonomie

L’objectif national comme ultramarin en matière d’énergie est double :

– produire de l’énergie avec le bilan carbone le plus faible possible, c’est-à-dire en privilégiant les énergies renouvelables ;

– dépendre le moins possible des importations.

Si l’objet de ce rapport concerne essentiellement le second point, les rapporteurs ne peuvent pas faire l’impasse sur le premier qui est souvent un préalable. En effet, produire avec des énergies renouvelables implique souvent de produire localement : c’est par exemple le cas du solaire, de l’éolien ou de la géothermie.

La règle comporte toutefois une exception significative : la biomasse. Cette source d’énergie, qu’elle soit solide (bagasse, CSR, pellets de bois) ou liquide (biogaz à base de colza) est réputée renouvelable car les champs de colza repoussent chaque année et les arbres abattus pour produire les pellets sont censés être replantés. Toutefois, elle est en grande partie importée car la bagasse issue de la canne à sucre et les CSR produits localement ne sont pas suffisants sur le plan quantitatif. Importer des pellets de bois ou du biogaz ne réduira pas la dépendance énergétique des outre-mer, même si cela permet de réduire le bilan carbone de l’énergie consommée.

Les choix faits en matière d’énergie sont très onéreux d’autant qu’ils nécessitent parfois la construction ou la conversion de centrales thermiques ; ils engagent donc les collectivités pour des décennies.

B.   Valoriser le recyclage des dÉchets

1.   Les déchets peuvent produire de la biomasse

Les territoires ultramarins connaissent de réelles difficultés quant à la gestion des déchets. En effet, 67 % des déchets ménagers sont encore enfouis contre seulement 15 % à l’échelle nationale et la gestion de ces déchets coûte 1,7 fois plus cher que dans l’hexagone. L’objectif ambitieux de réduction de 50 % du tonnage de déchets enfouis d’ici 2025 devrait permettre, s’il est atteint, de détourner 12 millions de tonnes de déchets de l’enfouissement.

Les combustibles solides de récupération (CSR) peuvent être une part de la solution à ce problème. Ils sont préparés à partir de déchets non dangereux solides et permettent d’alimenter les industries et les collectivités en chaleur et/ou en électricité pour servir d’alternative aux combustibles fossiles comme le fuel ou le gaz. La production et la valorisation des CSR est une opportunité pour améliorer la gestion des déchets dans les outre-mer en dépit des contraintes techniques, réglementaires et financières. L’espace foncier limité de la plupart des outre-mer renforce le besoin de sortir du « tout-enfouissement » qui est un modèle non pérenne et gourmand en surface foncière. On estime qu’en 2025, 2,5 millions de tonnes de CSR seront produites annuellement sur l’ensemble du territoire national.

Le territoire réunionnais présente de nettes avancées puisque deux projets sont en cours. Pour l’ouest et le sud de l’île, RUN’EVA assurera la préparation et la valorisation des CSR en 2024. Pour le nord est l’est, l’usine INOVEST, visitée par la mission d’information, est déjà opérationnelle et produit des CSR depuis décembre 2020. Toutefois, comme l’unité de production d’électricité doit subir une conversion technique importante pour passer de l’incinération du charbon au CSR, la valorisation de la ressource, assurée par Albioma, ne commencera pas avant 2024.

2.   La contribution de la CRE à la valorisation du CSR

La valorisation des déchets combustibles sous forme de CSR est un moyen particulièrement vertueux d’atteindre deux objectifs : réduire le volume des déchets à enfouir ou incinérer et réduire la dépendance aux importations d’énergie puisque la ressource est produite sur place. Dans ces conditions, la participation au financement de ce genre de projets par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pourrait se poser dans la mesure où la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qu’elle gère contribue à promouvoir les projets qui participent de la décarbonation de l’énergie.

Interrogée, la CRE souligne l’intérêt réel des CSR, mais insiste sur le fait que le financement du ramassage et du tri des déchets ménagers n’entre pas dans ses compétences. Toutefois, la CRE participe financièrement à la coûteuse conversion des centrales à énergie fossile (charbon, fioul) en centrales susceptibles de brûler de la biomasse solide (bagasse, CSR, pellets). Dans ces conditions, même si elle ne finance pas directement le CSR, la CRE fait réaliser des économies aux collectivités en participant activement au développement de la filière d’élimination des déchets ménagers et en les débarrassant, pour partie, de ces déchets.

II.   Les contraintes propres à la mobilitÉ

Le secteur des transports consomme généralement la moitié de l’énergie produite sur un territoire. Il inclut à la fois les véhicules terrestres (voitures, bus, camions) présents sur le territoire et les transports aériens utilisés pour la desserte de la collectivité. Au niveau national, le secteur des transports est le seul dont les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures à leur niveau de 1990.

Dans les outre-mer, ce secteur économique consomme des énergies fossiles à 90-95 % : essence, diesel, kérosène. L’électrification du parc automobile peut-elle réduire la dépendance aux énergies fossiles ?

A.   L’Électrification des vÉhicules : une fausse bonne idÉe

Sortir du « tout pétrole » pour aller vers le « tout électrique » est un non-sens car la batterie, par nature, du fait de sa conception chimique, n’est pas renouvelable. En outre, son recyclage est très virtuel.

1.   Le problème du recyclage des batteries

Le recyclage des batteries est crucial afin de réduire la pression sur la demande de matériaux et ainsi limiter les impacts associés à leur extraction. Les batteries de voitures électriques – dites Li-ion, composée de lithium – sont en effet recyclables, actuellement à hauteur de 50 % et potentiellement jusqu’à 80-90 % avec de nouveaux procédés mécaniques.

Cependant, la théorie se distingue de la pratique puisque, dans les faits, moins de 5 % des batteries de voitures électriques sont effectivement recyclées. Cette faible proportion est due au fait que pour être récupérées et recyclées, les batteries doivent arriver en fin de vie. Les véhicules électriques émergeant sur le marché, la filière industrielle de recyclage n’est pas encore développée et ne permet donc pas de recycler efficacement et systématiquement ces composants.

Laissées à l’abandon dans des véhicules épaves ou ailleurs, les batteries finissent par libérer des métaux et autres produits chimiques nocifs pour la santé qui se retrouvent ensuite dans la terre, dans l’air ou dans l’eau.

Préconisation : créer dans les outre-mer des centres de recyclage des batteries et des panneaux solaires usagés.

2.   Le vrai bilan carbone des véhicules électriques est élevé

La voiture électrique dans les outre-mer doit faire face à plusieurs enjeux.

D’un point de vue financier, le coût de production de l’énergie en outre-mer est largement supérieur à celui du reste du pays, ce qui soulève l’enjeu de la charge financière de la recharge du véhicule : même si l’utilisateur final paie le même prix qu’à Paris, c’est la collectivité qui assume la charge du surcoût par le biais de la CSPE qui compense la péréquation tarifaire (cf. infra).

D’un point de vue écologique, les véhicules électriques et hybrides rechargeables présentent l’avantage de ne pas émettre de CO2 et d’être peu bruyants durant leur vie active.

La production de l’énergie électrique ainsi que la fabrication de la batterie nécessaire à leur fonctionnement sont cependant sources d’émissions. En effet, une voiture électrique n’est jamais « zéro carbone ». Ainsi, avant même d’avoir roulé, une voiture électrique a une « dette » carbone de cinq à quinze tonnes équivalent CO2, selon les modèles. Cette empreinte est deux à trois fois supérieure à celle d’un modèle équivalent fonctionnant à l’énergie thermique, indique l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

C’est donc à l’usage que l’intérêt de la voiture électrique apparaît. Le véhicule électrique émet logiquement moins de CO2 qu’une voiture thermique qui roule en brûlant de l’essence. Cette acception se vérifie si la production d’électricité est décarbonée, c’est-à-dire issue du nucléaire ou de sources renouvelables. A contrario, si l’électricité est produite en brûlant des énergies fossiles – comme c’est encore majoritairement le cas dans les territoires d’outre-mer – le gain est moindre. En Martinique par exemple, un véhicule électrique rechargé à partir du réseau émet autant de CO2 qu’un véhicule thermique. De nombreuses expérimentations – comme le Projet VERT à la Réunion (Véhicules Électriques pour une Réunion Technologique) – ont été mises en place afin de tester des infrastructures de recharge qui privilégient les énergies renouvelables.

3.   Les véhicules hybrides ne sont pas plus vertueux

Le véhicule hybride rechargeable semblerait constituer aujourd’hui une solution raisonnable pour répondre à l’enjeu climatique. C’est en effet une technologie rassurante pour les automobilistes qui se sentent concernés par les enjeux environnementaux, mais qui ne sont pas encore prêts à passer au 100 % électrique, notamment pour des raisons d’autonomie.

Pourtant, cette alternative présente plusieurs défauts qui la rendent difficilement compatible avec l’ambition de décarboner la mobilité individuelle. Le mode électrique est assez peu utilisé puisqu’il représente moins de 40 % des kilomètres parcourus. De plus, le moteur thermique est en général moins performant que celui des véhicules essence ou diesel comparables. Ainsi, le véhicule hybride rechargeable ne permet qu’un gain en carbone de 15 à 20 % (contre 60 à 70 % pour un véhicule entièrement électrique), ce qui est insuffisant par rapport aux enjeux climatiques, surtout si l’on prend en compte le bilan carbone lié à la construction des batteries et à leur recyclage.

B.   Le difficile transport des vÉhicules Électriques

Sur l’ensemble des outre-mer, près de 60 000 épaves de voitures, tout mode de propulsion confondus, seraient à l’abandon sur la voie publique ou sur des terrains privés. Ce chiffre pose la question de la gestion, du transport et du stockage des véhicules dans les collectivités ultramarines.

1.   L’interdiction d’utiliser des navires rouliers

En avril 2022, les compagnies maritimes ont pris la décision de ne plus transporter par navires rouliers – conçus pour le transport de voitures sur roues – les véhicules électriques d’occasion vers et depuis La Réunion. La mesure a ensuite été étendue à l’ensemble des outre-mer.

Cette disposition a fait suite à une catastrophe survenue en février 2022, lorsqu’un cargo de 200 mètres de long et transportant plus de 4 000 véhicules électriques d’occasion a pris feu au large des Açores. Le navire a finalement coulé et les 22 membres d’équipage ont pu être évacués sans être blessés. Les batteries en lithium des véhicules sont soupçonnées d’être à l’origine de ce sinistre. Depuis cet évènement, et pour des questions de sécurité, les compagnies maritimes refusent de transporter par navire roulier les véhicules électriques non neufs. Contrairement aux voitures d’occasion, les voitures neuves disposent d’un mode « transport » qui met les boîtiers électroniques des voitures en veille, réduisant les risques d’emballement intempestif des batteries.

Cette décision a eu un impact sur le prix des voitures électriques ainsi que sur le prix de leur transport. Si les véhicules d’occasion ne peuvent plus être transportés par roulier, la seule alternative est celle du conteneur, une option deux fois plus coûteuse que les bateaux rouliers.

En juillet 2022, l’armateur CMA-CGM annonçait sa décision de ne plus transporter des véhicules électriques et hybrides (neufs ou d’occasion) à bord de ses navires à destination des outre-mer pour des raisons de sécurité.

2.   L’utilisation de containeurs réfrigérés

Le 1er août 2022, l’armateur est finalement revenu sur son choix. Pour réduire les risques d’incidents, il a accepté le transport de ces véhicules en containeurs réfrigérés, avec une température maintenue à 20°C. Autre condition : les batteries ne doivent pas être chargées à plus de 40 %. Ces deux modalités doivent permettre d’éviter toute surchauffe.

Cette décision soulève cependant plusieurs interrogations d’ordre environnemental. En effet, si la pollution générée par les batteries des voitures électriques avait déjà fait l’objet de critiques, tant au niveau de leur création que de l’élimination de leurs composants, la question de leur transport ne s’était toutefois jamais posée. En l’occurrence, transporter des véhicules « propres » dans des containeurs réfrigérés semble à première vue assez contradictoire. Pour une traversée de dix jours, un containeur réfrigérant consomme en moyenne 2,4 Mégawattheures (MWh). Le principe du refroidissement des véhicules nécessiterait donc environ deux tonnes équivalent CO2, soit l’équivalent de 740 litres d’essence.

En complément de ce coût environnemental, le choix de l’armateur suppose un coût financier important et risque d’engendrer une pression inflationniste complémentaire à celle du coût de la vie en outre-mer, déjà largement supérieur à celui de la France hexagonale.

C.   La nÉcessitÉ de varier les modes de transport

Passer du « tout-pétrole » au « tout-électrique » ne sauvera pas la planète pour les raisons que nous venons de développer. Chaque source d’énergie pollue plus ou moins et parler d’« énergie verte » est une forme de malhonnêteté intellectuelle, à de très rares exceptions près. En revanche, moins consommer d’énergie ou mieux la consommer constituera un premier pas concret, à la fois pour la planète et pour le portefeuille des intéressés.

1.   Véhicules individuels : vers un mix

L’usage de l’hydrogène est pertinent en complément de l’électrique. En effet, le rendement énergétique de l’hydrogène est moins bon que l’utilisation directe de l’électricité avec un véhicule électrique à batterie. Il faudrait environ 2,3 fois plus d’électricité pour faire rouler un véhicule à hydrogène qu’un véhicule électrique. Cette moindre efficacité démultiplie les coûts en électricité ainsi que les émissions à l’usage des véhicules, surtout si l’électricité utilisée n’est pas très faiblement carbonée.

Si les voitures à hydrogène sont donc peu efficaces énergétiquement, l’hydrogène pourrait cependant se montrer utile pour les véhicules plus lourds (comme les bus, les poids lourds…) et lorsque les distances sont trop longues pour l’électrique à batteries.

Sur le plan environnemental et en comparaison du véhicule électrique, le principal avantage de l’hydrogène concerne les moindres capacités de batteries nécessaires. Cela réduit la pression sur les ressources et les pollutions engendrées par l’exploitation du lithium, du cobalt ou du nickel. Mais l’intérêt de cette ressource dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre dépendra de la manière dont il sera produit : pour l’instant, l’hydrogène reste principalement produit à partir d’énergies fossiles.

Toutefois, sans être considéré comme une solution miracle pour décarboner les transports, l’hydrogène pourrait jouer un rôle pour les véhicules les plus lourds dans un mix énergétique raisonné qui associerait aussi les véhicules électriques ou thermiques les moins polluants. La meilleure énergie étant celle qui n’est pas utilisée, les transports en commun et autres modes alternatifs devront être promus.

2.   Développer les transports en commun

Les territoires ultramarins se distinguent par la pauvreté de leurs transports en commun. Aucun d’entre-eux ne dispose plus de chemin de fer alors que certaines collectivités en exploitaient au siècle dernier : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie disposaient de voies de chemin de fer destinées au transport de produits agricoles ou industriels, toutes fermées au cours du vingtième siècle au profit du camion. La Réunion, pour sa part, avait même construit un réseau mixte, servant à la fois au transport de marchandises et de passagers qui faisait presque le tour de l’île, desservant 13 gares sur 126 km. Lui aussi fut abandonné au cours du vingtième siècle.

Certaines collectivités consentent d’importants efforts pour développer l’offre de transports en commun en site propre :

– un ambitieux projet de tramway et deux projets de téléphériques ont été lancés à La Réunion ;

– la Martinique et la Nouvelle-Calédonie ont mis en place avec succès des bus à haut niveau de service (BHNS) en site propre depuis quelques années ;

– la Guyane achève la construction de ses deux premières lignes de BHNS en site propre qui circuleront dès janvier 2024. 20 000 voyageurs devraient emprunter chaque jour ces bus nouvelle génération.

–               Mayotte a entrepris les travaux d’aménagement d’un réseau de quatre lignes transports collectif urbain (Caribus). Une ligne de bus à haut niveau de service en site propre et trois lignes de bus régulières, sur lesquelles sont placés quarante-trois arrêts, constitueront le premier réseau de l’histoire du territoire.

Ces projets doivent être encouragés et généralisés au plus grand nombre de territoires : la part des transports en commun dans les trajets domicile-travail, proche de 5 % ([2]) dans les outre-mer, est encore trop faible comparativement à la moyenne nationale qui s’établit à 16 % ([3]).

3.   Encourager les modes de transport alternatifs

Deux pratiques rencontrent du succès en Europe et mériteraient d’être encouragées dans les outre-mer :

– le covoiturage, même si cette pratique peut se heurter à des obstacles culturels. Le bénéfice financier qu’en retirent les adeptes de cette pratique ne laisse plus de doute sur son intérêt, autant pour le niveau de vie de populations aux revenus modestes que pour la fluidification de la circulation et la qualité de l’air ;

– les modes de transport « doux » que sont les trottinettes et autres vélos, sur des distances courtes de quelques kilomètres. L’argument selon lequel ces modes de transports ne sont pas adaptés à la déclivité et au climat chaud des outre-mer tombe lorsqu’on évoque le confort apporté par l’assistance électrique dont sont maintenant équipées la plupart des bicyclettes et des trottinettes vendues, ce qui adoucit les efforts demandés. En outre, si la plupart des territoires ont, en effet, un relief tourmenté, les principales agglomérations (Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis, Cayenne, Papeete…) sont en grande partie plates et permettraient un usage professionnel ou récréatif de ces modes de transport.

Seules manquent des pistes cyclables sécurisées qui soient de nature à rassurer les usagers, actuellement tenus de cohabiter avec les voitures individuelles, encore reines de la route.

Préconisation : mettre en place une prime pour tout achat d’un moyen de transport « doux » (vélo, trottinette, etc.).

III.   Le rÔle des acteurs institutionnels

A.   ÉlectricitÉ de France (edf) hors de l’hexagone

1.   Les spécificités des zones non interconnectées (ZNI)

Ces collectivités et départements français, non interconnectés avec le réseau électrique hexagonal ni avec celui d’un pays voisin, doivent produire sur place la totalité de l’énergie électrique consommée. La loi française les identifie comme des « zones non interconnectées au réseau métropolitain continental » (ZNI). Le coût de production de l’électricité y est plus élevé que ceux obtenus en France continentale et le coût de revient de l’électricité, dans le meilleur des cas, y est deux fois plus élevé que son prix de vente au tarif garanti par la péréquation tarifaire.

Une dérogation européenne, applicable par tous les pays concernés, prévoit la mise en place d’une organisation adaptée aux régions non interconnectées (Corse et outre-mer pour la France, mais aussi les Canaries pour l’Espagne et les Açores pour le Portugal). En France, un système compensatoire, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), dont le montant est proposé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), permet d’assurer l’équilibre économique des producteurs.

CSPE et péréquation tarifaire

La contribution au service public de l’électricité (CSPE), ex-taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), est un prélèvement fiscal sur la consommation d’électricité en France, créé au début des années 2000. Il sert à dédommager les opérateurs des surcoûts engendrés par les obligations qui leur sont imposées par la loi sur le service public de l’électricité et vise à rendre ces obligations compatibles avec l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. Acquittée par le consommateur final d’électricité via sa facture, elle permet notamment la mise en œuvre du principe de péréquation tarifaire.

Le principe de péréquation tarifaire signifie que deux consommateurs ayant le même profil de consommation, avec le même fournisseur et la même offre, se verront facturer le même tarif, quelle que soit leur localisation géographique sur le territoire français. Il n’y a ainsi par exemple pas de différence en termes de tarifs appliqués dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines, ni dans les outre-mer par rapport au reste du territoire, bien que les coûts de production soient différents.

18 % des recettes de la CSPE financent la péréquation tarifaire des ZNI.

La petite taille des réseaux des ZNI ne permet pas l’émergence d’une véritable concurrence dans le secteur de l’énergie, même si les producteurs d’électricité sont multiples. Sur ces territoires, le gestionnaire de réseau (EDF dans les DOM) se retrouve dans une situation particulière : il peut exercer la fonction de producteur, en concurrence avec d’autres industriels, mais doit intégrer les missions de service public de gestionnaire de l’équilibre offre/demande, de gestionnaire de réseaux de transport et de distribution, et de fournisseur.

2.   L’organisation particulière d’EDF dans les outre-mer

EDF SEI (systèmes énergétiques insulaires) a une mission historique de gestionnaire de réseau dans les zones non-interconnectés (ZNI) françaises suivantes : la Corse, quatre départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique), trois collectivités ultramarines (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) ainsi que plusieurs îles bretonnes et normandes.

EDF n’est pas présente dans les collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et Polynésie), même si elle est actionnaire minoritaire d’Enercal (à hauteur de 15,98 %), une société d’économie mixte néo-calédonienne assurant des missions de production, distribution et commercialisation d’électricité.

Dans les ZNI, EDF SEI cumule plusieurs missions : produire de l’électricité, même s’il n’est pas le seul ; distribuer l’électricité, une mission confiée dans l’hexagone à Enedis ; transporter l’électricité, une mission dévolue à RTE dans le reste du pays ; gérer l’équilibre entre la hausse et la demande. Entre autres missions, EDF est acheteur et vendeur unique : l’entreprise est tenue d’acheter l’ensemble de la production, qu’il s’agisse d’électricité produite par d’autres entreprises ou par des particuliers, et de la vendre au prix réglementé fixé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). On ne peut donc pas évoquer stricto sensu une « concurrence », dans la mesure où les prix sont administrés ; pour autant, il existe une pluralité de producteurs. En Guadeloupe par exemple, 25 % de l’électricité est produite par la Compagnie Thermique du Moule (CTM), société privée, et 7 % par la Centrale export diesel de Jarry, autre producteur thermique privé.

Le rôle d’EDF est dominant puisque l’entreprise est en situation de monopole pour la distribution et la vente de l’électricité, contrairement à ce qui se passe dans le reste du pays. Pour autant, EDF a la responsabilité d’assurer l’approvisionnement des particuliers et des professionnels à un tarif garanti.

Cette absence de concurrence tarifaire n’a pas que des inconvénients : en 2022, alors que les factures d’électricité enregistraient de très fortes hausses (parfois multipliées par dix) dans l’hexagone en raison du conflit ukrainien, celles des ZNI n’augmentaient « que » de 20 % à 30 % grâce aux tarifs garantis. Le mécanisme en place qui combine une situation de monopole (tout au moins pour la vente), des tarifs garantis et une péréquation tarifaire permet d’émettre des factures qui ne reflètent certes pas le coût de la production, mais semble donner satisfaction. Les audits réguliers de la CRE en témoignent.

3.   Le souci principal : la sûreté du système

Le souci principal du gestionnaire de réseau qu’est EDF est d’assurer le bon fonctionnement de tous ces systèmes de production, de transport et de distribution d’électricité, bâtis au fil du temps sur des territoires dont la consommation a parfois fortement augmenté.

L’objectif est d’éviter les défaillances de production supérieures à trois heures, mais aussi que de petites perturbations (panne, coupure de ligne…) n’aient des conséquences en cascade sur des réseaux non interconnectés. En cas de grave difficulté en Europe, on peut toujours importer de l’électricité aux pays limitrophes, le temps que le problème soit résolu. Dans les outre-mer, cela n’est pas possible en raison de l’absence de connexion, ce qui incite à la plus grande prudence : une climatisation indisponible plusieurs heures ou des malades sans assistance électriques peuvent poser de graves problèmes de santé publique.

B.   La Commission de rÉgulation de l’Énergie (CRE)

1.   L’autorité qui gère les tarifs réglementés et la CSPE

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) est une autorité administrative indépendante française créée le 24 mars 2000, chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l’énergie et d’arbitrer les différends entre les utilisateurs et les exploitants, en suivant les objectifs de la politique énergétique. Sa compétence de régulateur s’étend aux marchés du gaz et de l’électricité.

La CRE a été créée pour permettre la mise en œuvre des directives européennes de 1996 et 1998 constituant le « paquet énergie », organisent l’ouverture du marché de l’énergie au niveau communautaire et prévoyant :

– pour les consommateurs, le libre choix du fournisseur ;

– pour les producteurs, la liberté d’établissement ;

– et pour les réseaux de distribution et de transport, le droit d’accès dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour tous les utilisateurs.

Le rôle de la CRE est d’assurer le bon fonctionnement de la concurrence sur le marché de l’énergie en France. Cela passe par plusieurs missions, notamment :

– la fixation des tarifs réglementés et des tarifs d’acheminement du gaz et de l’électricité ;

– la bonne information des consommateurs ;

– la construction du marché européen en synergie avec les autres régulateurs de l’Union européenne ;

– l’encadrement des marchés de gros et des marchés de détails.

Enfin, la CRE gère le mécanisme de compensation des charges de service public, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE).

2.   La CSPE doit devenir l’outil de décarbonation de l’énergie

La contribution au service public de l’électricité (CSPE) est une taxe perçue pour le compte des Douanes et désormais intégrée au budget de l’État.

Elle abonde le compte d’affectation spéciale « transition énergétique » (CAS TE), aux côtés de la Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), de la Taxe intérieure sur les houilles, lignites et cokes (TICC) et de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Elle sert à financer :

– les politiques de soutien aux énergies renouvelables (dont 32 % pour le solaire photovoltaïque et 19 % pour l’éolien) ;

– une partie des surcoûts de production d’électricité dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique ;

– la cogénération (production de chaleur et d’électricité) ;

– les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, remplacés par le chèque énergie ;

– le soutien à l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz.

Cette taxe est prélevée directement sur les factures d’électricité des consommateurs particuliers ou professionnels. Le taux, d’abord fixé à 22,50 euros par MWh, quel que soit le fournisseur, a été fortement réduit pour amortir la hausse du prix de l’électricité : c’est le fameux « bouclier tarifaire pour l’électricité ». Il devrait remonter à son taux d’origine une fois le dispositif levé, en 2024.

3.   Un arrêté tarifaire photovoltaïque S23 très attendu

Le tarif de rachat de l’électricité produite par les particuliers est fixé par un arrêté gouvernemental élaboré par la CRE en concertation avec la DGEC. Actuellement, l’arrêté en vigueur pour les outre-mer date du 4 mai 2017. Il a été actualisé en 2021 pour le territoire hexagonal sous le nom de S21. L’actualisation relative aux outre-mer devait être publiée dans la foulée avant d’être reportée à mai 2023, raison pour laquelle elle porte le nom de « S23 ». Deux mois après cette échéance, au moment de publier le présent rapport, la mission d’information n’a pu apprendre à quelle échéance serait publié cet arrêté très attendu et prévu « pour bientôt ».

La réglementation en place depuis 2017 prévoit un rachat obligatoire par EDF (ou ses filiales) pour toute installation inférieure à 100 Kilowattheures (KWh), ce qui constitue une première discrimination dans la mesure où l’obligation d’achat s’impose pour les installations jusqu’à 500 KWh dans l’hexagone. Cette mesure réduit la taille du marché des installations photovoltaïques ultramarines alors qu’il conviendrait plutôt d’encourager son développement.

Une seconde discrimination concerne les prix de rachat : alors que l’arrêté de 2021 a rehaussé ce tarif à 18 ou 19 centimes le KWh dans l’hexagone, en fonction de la puissance de l’installation, le tarif prévu par l’arrêté de 2017 reste globalement inférieur : 16 centimes le KWh à La Réunion, 17 en Guadeloupe et en Martinique et 18 centimes en Guyane. Au lieu de mettre en place des tarifs plus avantageux pour les outre-mer qui sont confrontés aux difficultés spécifiques que nous connaissons (coût de la vie plus élevé), c’est l’inverse qui se passe : l’électricité produite par les particuliers dans les outre-mer est – pour l’instant – moins bien rémunérée que celle produite dans le reste du pays. Et les tarifs sont inchangés depuis six ans alors que l’inflation est galopante depuis deux ans.

Il importe donc que le gouvernement publie le plus rapidement possible le nouvel arrêté S23 relatif à la tarification du rachat de l’électricité produite par les particuliers et que les nouveaux tarifs fixés soient suffisamment attractifs pour susciter une hausse significative de la surface photovoltaïque dans les outre-mer.

Préconisation : le gouvernement doit publier le plus rapidement possible le nouvel arrêté tarifaire photovoltaïque relatif aux outre-mer (dit « S23 »). Comme c’est le cas dans le reste du pays, l’obligation d’achat doit s’imposer pour les installations jusqu’à 500 KWh. Les nouveaux tarifs doivent être suffisamment attractifs pour relancer la pose de panneaux solaires dans les outre-mer.

4.   La CRE doit davantage accompagner les projets

L              a CRE joue également un rôle d’accompagnatrice de projets de particuliers et d’entreprises en matière d’énergies renouvelables. Grâce à la CSPE, elle participe financièrement aux investissements à condition qu’ils apportent une économie en matière énergétique supérieure à leur coût.

La petite équipe de cinq personnes qui « priorise » et traite les nombreux dossiers reçus n’est manifestement pas assez étoffée pour traiter de manière satisfaisante tous les dossiers. Les dossiers les plus ambitieux sont traités en priorité, ce qui peut se comprendre sur un plan logique mais n’est pas satisfaisant sur le plan de l’équité, d’autant que les projets ultramarins figurent souvent parmi les plus modestes. La mission d’information souhaite que la CRE apporte une attention toute particulière aux projets ultramarins et les accompagne sur la voie de la décarbonation de l’énergie.

Préconisation : la CRE doit mieux accompagner les projets dans les territoires, notamment ultramarins, ce qui permettra le développement de filières locales. Le coût des investissements constitue souvent un frein aux volontés locales.

Enfin, les collectivités doivent davantage solliciter les aides de la CRE, au lieu de financer leurs actions de maîtrise de l’énergie sur leurs crédits propres. Il existe une procédure que trop peu utilisent.

Préconisation : les collectivités doivent s’inscrire comme acteurs du territoire pour la maîtrise de l’énergie (MDE) dans leurs territoires respectifs au travers des programmations pluriannuelles pour l’énergie (PPE) afin de bénéficier du cadre de compensation mis en place par la CRE.

C.   l’État

Évoquer le rôle d’EDF et de la CRE sans parler de l’État serait vain dans la mesure où l’électricien historique appartient désormais à 100 % à la République et où la CRE est une autorité administrative qui émane également de l’État et dépend de son budget par le biais de la CSPE.

L’État, grâce à la DGEC, sa Direction générale de l’Énergie et du Climat semble omnipotent : directement ou indirectement, il fixe les normes, donne les autorisations, finance ou cofinance les projets, réalise les contrôles, etc.

1.   La direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC)

La direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) est une direction d’administration centrale française qui définit et met en œuvre la politique énergétique de la France ainsi que la politique d’approvisionnement en matières premières minérales. Elle dépend du ministère de la Transition écologique.

Elle élabore et met en œuvre la politique destinée à assurer la sécurité et la compétitivité de l’approvisionnement de la France en énergie. Elle assure le bon fonctionnement des marchés de l’énergie (électricité, gaz, pétrole) dans des conditions économiquement compétitives et respectueuses de l’environnement. Elle a aussi la responsabilité de la politique française en matière d’énergie nucléaire. Dans ces domaines d’action, elle intègre les enjeux du changement climatique et veille au développement de technologies propres. La direction met en œuvre les décisions du gouvernement relatives aux énergies renouvelables.

Dans ces secteurs, ses principales missions peuvent être regroupées autour de trois axes :

– l’ouverture des marchés de l’énergie, notamment électrique et gazière ;

– le suivi des secteurs clés de l’énergie et des matières premières ;

– la tutelle des entreprises (EDF, Orano, Framatome) et établissements publics (CEA, ANDRA, IFPEN, ANGDM, CANSSM).

La mission d’information constate qu’une seule personne au sein de cette administration est plus spécifiquement chargée de suivre les outre-mer. Si les compétences de l’intéressé ne sont mises en cause, ce chiffre « est dramatiquement insuffisant », selon les termes même d’Hervé Mariton, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fédom).

2.   L’État doit accompagner les collectivités

Chaque territoire, dans l’hexagone mais encore plus dans les outre-mer, doit pouvoir définir sa stratégie en fonction de ses réalités, de son climat, de son relief et de ses potentialités. Imposer une transition qui ne prendrait pas en compte cette diversité – et ne serait pas accompagnée – est voué à l’échec.

Tous les territoires ne pourront peut-être pas atteindre une autonomie complète sur le plan énergétique, notamment en matière de mobilité : cette éventualité doit être intégrée dans les perspectives.

Préconisation : chaque territoire doit pouvoir définir sa stratégie en fonction de sa réalité. L’État doit accompagner les décisions prises localement.

Les énergies renouvelables sont souvent intermittentes (solaire, éolien). Aussi, investir dans des centres de stockage de l’énergie, c’est-à-dire dans des batteries industrielles (exemple en Guadeloupe) ou des STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage), semble opportun. Un projet de STEP en Martinique est en bonne voie de finalisation. Mais ces centres de stockage sont rares dans les autres territoires ultramarins.

Il apparaît donc judicieux de permettre aux communes ou à leur groupement d’investir dans des sociétés commerciales exploitant des centres de stockage d’électricité ; actuellement, le cadre législatif permet aux communes d’investir dans des sociétés commerciales produisant des énergies renouvelables, ou de l’hydrogène renouvelable ou bas carbone, mais pas dans les installations de stockage.

La mission d’information préconise donc de compléter le code général des collectivités territoriales afin d’inclure les installations de stockage d’électricité parmi les investissements autorisés pour les communes et leurs groupements

Préconisation : modifier l’article 2253-1 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes ou à leur groupement d’investir dans des sociétés commerciales exploitant des centres de stockage d’énergie.

D.   Une indispensable Évolution de la fiscalitÉ de l’Énergie

1.   La question taboue de la fiscalité des collectivités ultramarines

La fiscalité sur les carburants fossiles constituant l’une des principales ressources des collectivités territoriales, les freins au développement de la mobilité électrique sont puissamment serrés.

Si certains évoquent des « zones d’ombre » qui empêchent d’avancer, d’autres parlent même d’« hypocrisie », dénonçant le silence des pouvoirs publics sur l’impasse financière qui se profile : les collectivités doivent financer la mise en place d’une filière de mobilité électrique qui les privera d’une part importante de leurs ressources. De toute évidence, une évolution fiscale ambitieuse est nécessaire si l’on souhaite que les collectivités luttent vraiment contre l’utilisation des produits pétroliers.

2.   Financer la transition énergétique par le biais de la CSPE

Les collectivités locales ne mettront pas de zèle à investir dans les énergies renouvelables si le premier effet de la baisse de consommation des produits pétroliers consiste à réduire leurs ressources.

Pour éviter de léser les collectivités, la Nation doit s’engager à garantir le niveau de ressources qui leur est apporté par les taxes sur les produits pétroliers. La solution pourrait consister à demander à la CRE, via la CSPE, d’apporter cette compensation. Il revient à l’État d’assurer cette responsabilité et de trouver la compensation des pertes.

Compte tenu des enjeux financiers, une hausse de la CSPE serait probablement nécessaire. Et cette hausse devrait logiquement avoir pour vertu de réduire encore la demande, la marge d’économie étant encore substantielle. Comme l’objectif est de « basculer » la consommation d’énergie des produits pétroliers vers les énergies renouvelables, il y aurait une certaine logique à ce que la fiscalité aussi change de vecteur.

Préconisation : garantir les ressources des collectivités qui s’engagent dans la transition énergétique en compensant la baisse des ressources basées sur la taxation des produits pétroliers par le versement d’une compensation financée par la CSPE, ajustée en conséquence.


 

Le surcoût des zones non interconnectées (ZNI)

calculés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE)

(Délibération publiée 13 juillet 2023)

La CRE divise les surcoûts des zones non interconnectées en deux catégories : ceux relevant de la transition énergétique et ceux relevant des mécanismes de solidarité.

La transition énergétique :

- les surcoûts de production d’électricité supportés par l’opérateur historique pour l’électricité produite par les installations en énergies renouvelables (EnR) qu’il exploite (installations hydrauliques notamment) ;

- les surcoûts d’achat d’électricité renouvelable supportés par l’opérateur historique (obligation d’achat et gré à gré) ;

- les surcoûts liés aux ouvrages de stockage d'électricité pilotés par le gestionnaire du système électrique ;

- les coûts supportés en raison de la mise en œuvre d’actions de maîtrise de demande de l’énergie (MDE) portant sur les consommations d'électricité ;

- les coûts d’études ou de développement de projets d’approvisionnement d’intérêt public renouvelables, mentionnés respectivement au e) et au f) du 2° de l’article L. 121-7 du code de l’énergie.

 

Les mécanismes de solidarité :

- les surcoûts de production d’électricité supportés par l’opérateur historique pour l’électricité produite par les installations qu’il exploite et qui fonctionnent à partir d’énergies fossiles ;

- les surcoûts d’achat d’électricité produite à partir d’énergies non renouvelables supportés par l’opérateur historique (gré à gré) ;

- les coûts d’études ou de développement de projets d’approvisionnement d’intérêt public non renouvelables, mentionnés respectivement au e) et au f) du 2° de l’article L. 121-7 du code de l’énergie.

 

Les derniers chiffres de la délibération de la CRE du 13 juillet 2023 :

- charges au titre de 2021 en ZNI : 2,224 milliards d’euros dont 588 millions pour la transition énergétique et 1,636 milliard pour les mécanismes de solidarité ;

- charges au titre de 2022 en ZNI : 2,486 milliards d’euros dont 548 millions pour la transition énergétique et 1,938 milliard pour les mécanismes de solidarité ; en 2022, les charges relatives aux seuls outre-mer (hors Corse et îles bretonnes) représentent 1,94 milliard d’euros ;

- charges prévisionnelles au titre de 2023 en ZNI : 2,458 milliards d’euros dont 796,2 millions pour la transition énergétique et 1,662 milliard d’euros pour les mécanismes de solidarité ;

- charges prévisionnelles au titre de 2024 en ZNI : 2,206 milliards d’euros dont 1,040 milliard d’euros pour la transition énergétique et 1,166 milliard d’euros pour les mécanismes de solidarité.

 


 

   deuxiÈme partie : L’ocÉan indien

Malgré la proximité géographique des deux îles, La Réunion et Mayotte présentent des profils très différents sur le plan énergétique. Tandis que La Réunion investit massivement dans une production d’électricité décarbonée, Mayotte dépend encore quasi exclusivement du fioul et se « hâte lentement » vers un développement modeste du solaire et de la biomasse.

I.   la RÉunion

Au début des années 1970, La Réunion était totalement autonome en électricité grâce à la production hydraulique et à une population moins nombreuse. Après des années de hausse, la consommation d’énergie est maintenant en cours de stabilisation, la population n’augmentant plus qu’à un rythme faible. Les économies d’énergie, motivées par la hausse du coût de l’électricité, contribuent également à ce début de sobriété. Alors que le territoire vise l’autonomie énergétique – en matière électrique – à l’horizon 2030, il reste encore très dépendant des énergies fossiles.

Mais l’électrique ne représente que 50 % de l’énergie consommée, l’autre moitié étant constituée par les transports, encore carbonés à 95 %.

A.   Une production d’ÉlectricitÉ en pleine Évolution

1.   Un potentiel énergétique en voie d’exploitation

Le territoire réunionnais bénéficie d’un atout considérable en matière d’énergie du fait de l’abondance de ses ressources naturelles (soleil, vent, eau, géothermie…). En dépit de ce potentiel, La Réunion demeure fortement dépendante des importations de produits énergétiques. En effet, les ressources d’énergies primaires utilisées sont à 87 % composées d’énergies fossiles importées, quand seulement 13 % proviennent de sources naturelles.

Malgré une progression de la production d’énergies renouvelables au fil des années (photovoltaïque, éolien et biogaz, notamment), la part du renouvelable dans le bouquet énergétique reste relativement stable. En 2021, elle enregistre une légère baisse, passant de 31 % en 2020 à 28 % en 2021. Le reste est quant à lui issu des énergies fossiles, principalement de charbon et de fioul, ce dernier enregistrant une nouvelle hausse.

Le secteur des transports et la production d’électricité concentrent l’essentiel des besoins, avec des parts respectives de 61 % et 25 % de la consommation totale. Ces deux domaines représentent à eux seuls 95 % des émissions de CO2 du département. Plus précisément, le secteur des transports est responsable de 50 % des émissions de gaz à effet de serre de La Réunion et représente la moitié de ses besoins énergétiques. Cette consommation est principalement issue du secteur routier et aérien.

 

Si l’opérateur historique, EDF, reste le principal producteur d’électricité, il n’est pas le seul, des sociétés comme Albioma et Akuo étant également présentes sur place. 4 000 particuliers contractuels équipés de panneaux solaires et qui revendent leur électricité à EDF peuvent également être considérés comme des producteurs indépendants. EDF est également le seul distributeur et la seule entreprise de commercialisation d’électricité. Contrairement au reste du pays, la concurrence en matière électrique n’a pas été instaurée à La Réunion.

 

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)

La PPE est la traduction concrète de la politique française et en constitue le document de référence. Elle a été instituée par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’article L. 141-1 du code de l’énergie prévoit que « la programmation pluriannuelle de l’énergie, fixée par décret, définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental, afin d’atteindre les objectifs [de la loi] ». La PPE contient des volets relatifs à la sécurité d’approvisionnement, à l’efficacité énergétique, au développement des énergies renouvelables, au stockage des énergies, au développement de la mobilité propre et au pouvoir d’achat des consommateurs. Elle est révisée tous les cinq ans.

Les zones non interconnectées (ZNI) que sont la Corse et les outre-mer bénéficient de dispositions spécifiques et doivent établir leur propre PPE, en collaboration avec les services de l’État. À La Réunion, une première PPE couvrant les périodes 2016-2018 et 2019-2023 a été validée par le Conseil régional le 19 décembre 2016. Par délibération du 29 mars 2019, un projet de révision la PPE portant sur la période 2019-2028 a été adopté.

2.   Des projets concrets pour développer le renouvelable sur l’île

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 prévoit de réduire la part des énergies fossiles dans la consommation finale d’énergie à 53 % en 2028. La PPE espère atteindre une production d’électricité composée à 99,7 % d’énergies renouvelables dès la fin de l’actuelle année 2023, alors que cette proportion n’était que de 28 % en 2021.

Cette évolution semble réalisable du fait du remplacement prévu des énergies fossiles par de la biomasse dans les trois principales centrales du département. Dans un premier temps, la biomasse utilisée dans cette transformation sera toutefois largement importée.

Sources de production d’électricité de l’île de La Réunion

3.   Des choix discutables en matière de mobilité

La Réunion a disposé jusqu’en 1976 d’un chemin de fer bien pratique dont le réseau s’étendait sur 128 km et qui reliaient les plus grandes villes du littoral entre elles et jusqu’au Port. Ce réseau a été sacrifié sur l’autel de la voiture individuelle, considérée alors comme un progrès absolu.

Lorsque le projet de route du littoral, considérée comme la plus onéreuse du monde, a été lancé dans les années 2010, les autorités ont poursuivi dans la même logique en écartant toute variante permettant son utilisation par un moyen de transport ferroviaire, pourtant moins polluant.

Les Réunionnais ne disposent donc de nos jours que de moyens de transports individuels, la plupart du temps thermiques, et perdent de nombreuses heures dans les interminables bouchons qui se forment aux entrées des villes, singulièrement du chef-lieu, Saint-Denis. Les trop rares bus ou autocars interurbains ne permettent pas de se déplacer avec la fluidité que rend possible un transport par voie ferrée.

La mission d’information regrette les choix discutables réalisés au vingtième siècle lorsqu’il s’est agi de démanteler le réseau existant, autant que ceux réalisés au début du vingt-et-unième siècle, lorsque les pouvoirs publics ont décidé de poursuivre dans la politique du « tout voiture », sans laisser au transport ferroviaire une chance de réapparaître pour fournir une alternative de déplacement durable à la population.

Si, pour beaucoup de Réunionnais, « le rail reste un rêve à réaliser » comme la mission a pu l’entendre au cours de son déplacement, la PPE ne consacre pas une ligne à cette thématique.

Afin de réduire la consommation de fioul et de sortir du tout automobile à La Réunion, il est essentiel de développer les transports en commun, en particulier le transport ferroviaire. Les trains offrent une alternative efficace et durable pour le déplacement des personnes et des marchandises. En investissant dans l’expansion et l’amélioration des infrastructures ferroviaires, nous pouvons encourager davantage de personnes à opter pour ce mode de transport plus respectueux de l’environnement. Les trains sont plus économes en énergie par passager que les voitures individuelles, réduisant ainsi les émissions de CO2. De plus, en favorisant les trajets en train, nous pouvons réduire les embouteillages et améliorer la qualité de l’air dans nos villes.

Préconisation : relancer l’offre de transport ferroviaire dans les outre-mer et, en particulier, à La Réunion.

B.   Le dÉveloppement des Énergies renouvelableS

1.   Les progrès de l’énergie solaire

Le solaire est une source d’énergie concurrentielle et relativement bon marché pour les collectivités, moins pour les particuliers. Son coût est généralement inférieur au coût marginal de l’électricité produite par les autres sources d’énergie.

Sa difficulté, c’est son intermittence. Le rendement maximal des panneaux photovoltaïques est enregistré entre 12 et 14 heures, au moment où la demande est relativement faible. À ce moment-là, la valeur du KW solaire est proche de zéro. En revanche, lors des pics du matin et du soir, les panneaux solaires ne produisent pas. Par ailleurs, le moindre passage nuageux réduit sensiblement son rendement.

Pour autant, cette source d’énergie renouvelable présente l’avantage d’engendrer des coûts de fonctionnement et d’entretien particulièrement faibles. Plusieurs projets sont en cours de réalisation à La Réunion.

Le 30 juin 2023 a été inaugurée une centrale solaire de 20 000 panneaux photovoltaïques sur plusieurs dépendances de l’aéroport de Pierrefonds. L’installation d’une centrale solaire de cette taille sur un terrain d’aéroport est une première à l’échelle nationale. Cette unité de production solaire va permettre d’économiser 7 000 tonnes de Co2 par an, et de produire l’équivalent de la consommation annuelle de 8 400 personnes.

L’installation, qui a nécessité un investissement à hauteur de 15 millions d’euros, s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique engagée par le territoire. Particularité de l’installation : une partie du financement du projet a été ouverte à la participation des Réunionnais qui ont réuni plus de 130 000 euros. Enfin, le projet a également été conçu en considération de la biodiversité environnante, une étude de terrain ayant été menée pour s’assurer de la préservation d'espèces endémiques présentes sur les trois zones de l'aéroport concernées.

2.   Le rapport des particuliers avec les énergies renouvelables

Si l’énergie solaire peut présenter une réelle opportunité pour les collectivités ou les entreprises, elle constitue un investissement onéreux pour la plupart des particuliers. L’installation de panneaux photovoltaïques représente un investissement moyen d’environ 15 000 euros, hors de portée de la plupart des ménages. Malgré les aides du conseil départemental, seuls les plus aisés, quelques milliers de foyers tout au plus, ont pu s’équiper de panneaux solaires. Pour sa part, le conseil régional a mis en place un plan intitulé « Un toit solaire pour chaque réunionnais ».

Les chauffe-eau solaires, en revanche, connaissent un franc succès. Toute construction individuelle neuve doit être équipée d’un chauffe-eau solaire. La Réunion qui en compte déjà 180 000 est le département français le mieux équipé. Toutefois, le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) souligne que la qualité des chauffe-eau solaires installés s’est avérée décevante : la plupart sont remplacés au bout de seulement six à sept ans d’utilisation alors que leur longévité annoncée était de quatorze ans. Et le caractère « difficilement recyclable » des chauffe-eau usagés est également pointé par le CCEE.

Enfin, le nombre de véhicules électriques qui ne s’élevait qu’à 1 000 sur l’île en 2019, devrait dépasser 10 000 fin 2023 avant d’atteindre 33 000 unités en 2028. Parallèlement, le nombre de bornes de recharge publiques est passé de 100 en 2019 à 550 en 2023 et devrait atteindre les 1 700 en 2028.

Cette évolution, qui réduit la consommation d’énergie fossile, présente une difficulté : les premières voitures électriques ou hybrides construites dans les années 2005-2010, notamment de type Prius, commencent à arriver en fin de vie. Aux dires même des autorités réunionnaises, les concessionnaires ne les reprennent pas et certaines voitures commencent à rouiller dans les arrière-cours, avec un risque avéré de pollution. Compte-tenu des restrictions mises par les transporteurs maritimes au transport de ces épaves, ces véhicules ne repartiront pas de La Réunion, ni des autres outre-mer d’ailleurs. Il est donc urgent de créer sur place une filière pour le recyclage des batteries usagées.

3.   L’émergence de l’éolien et l’utilisation de l’eau de mer

Il existe deux fermes éoliennes à La Réunion, celles de Sainte-Rose et celle de Sainte-Suzanne dont les 37 mats ont été remplacées courant 2022 par 9 de nouvelle génération. Seules quatre de ces mats sont actuellement en état de fonctionner, les cinq autres devant être mis en service au cours de l’année 2023. Lors de sa venue sur l’île, en mars 2023, la mission d’information a pu constater le faible nombre de mats éoliens en état de fonctionner sur un territoire de près de 900 000 habitants.

Plusieurs projets d’éoliennes en mer sont en cours de finalisation. L’ADEME confirme que beaucoup d’entreprises innovantes participent à la mise en œuvre de ces projets ainsi qu’à la prise de risque. En effet, les fonds sous-marins deviennent rapidement profonds et les éoliennes flottantes positionnées à quelques encablures de la côte ne reposeront pas sur le sol mais devront être ancrées à des profondeurs de 800 à 1 000 mètres. Elles devront en outre résister aux cyclones tropicaux, ce qui constitue un défi de taille. Confiant, le Conseil régional a confirmé à la mission d’information que le développement de l’éolien maritime constituait une priorité absolue pour les années à venir. Les projets sont menés à échéance de dix ans.

 

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De plus, un projet de climatisation marine est en cours au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Pierre. Le projet repose sur la technologie du SWAC (Sea Water Air Conditioning), une alternative peu énergivore permettant d’utiliser les eaux froides puisées entre 800 et 1 000 mètres sous le niveau de la mer pour faire fonctionner les climatiseurs de grands bâtiments.

Le projet relatif au CHU se Saint-Pierre reposerait sur une récupération d’eau à 5°C se trouvant à 1 000 mètres de profondeur. La proximité de la mer et l’implantation durable du site du CHU participent à la viabilité économique de ce projet. L’étude énergétique menée sur le CHU prévoit une réduction de la consommation électrique globale de l’établissement de 30 %, la climatisation étant le principal poste de consommation. En s’appuyant sur une ressource locale, renouvelable et disponible en continu, ce projet sera une contribution majeure aux objectifs d’efficacité énergétique fixés par la PPE de La Réunion.

4.   La géothermie, grande absente du mix énergétique

La mission d’information ne peut que regretter que les recherches ne soient pas davantage poussées en matière de géothermie, l’île étant « assise » sur un volcan particulièrement actif. Le coût des forages (un à deux millions d’euros chacun) ainsi que la présence du parc national rendent les recherches très difficiles.

Des premiers forages réalisés il y a quelques années dans la région du Piton de la Fournaise s’étaient avérés décevants. De la chaleur avait été logiquement trouvée à proximité de ce volcan encore actif. Mais la quantité d’eau nécessaire pour effectuer l’échange d’énergie jusqu’à la surface n’avait pas été suffisante. En outre, ces premiers forages, situés à proximité immédiate du parc naturel, avaient été accueillis de manière plus que réservée par la population.

Pour autant, les industriels ne renoncent pas puisque d’autres tentatives sont à l’ordre du jour : Albioma envisage de réaliser des forages à 1 000 ou 2 000 mètres de profondeur dans le secteur du Piton des Neiges au cours des deux années à venir ; Engie a également déposé des demandes de permis de recherches exclusives pour les secteurs de la plaine des Cafres et de la Plaine des Palmistes.

Les délais avancés interrogent toutefois : il faudrait plusieurs années à l’administration pour instruire un dossier et délivrer un permis de recherche. On comprend dans ces conditions que le moindre projet en matière de géothermie s’inscrive sur un horizon de quinze ans.

Le coût élevé des forages de recherche constitue également un frein : tout échec entraîne la perte de plusieurs millions d’euros dépensés en vain. C’est la raison pour laquelle existe au niveau européen un fonds de garantie pour les forages géothermiques, destiné à dédommager les entreprises malheureuses. Pour le plus grand malheur des outre-mer, ce fonds ne s’applique pas à la géothermie volcanique. La mission d’information demande donc à la diplomatie française d’user de son influence auprès des instances européennes pour lever cette restriction.

Préconisation : demander à la diplomatie française d’user de son influence auprès des instances européennes pour étendre le fonds de garantie relatif aux forages à la géothermie de nature volcanique.

5.   L’hydroélectricité a encore du potentiel

Déjà exploitée à La Réunion grâce au relief tourmenté de l’île, l’électricité d’origine hydroélectrique peut encore être développée. Si l’ère des grands barrages est révolue, de petits aménagements plus légers, parfois qualifiés d’hydrauliques « au fil de l’eau » peuvent encore être aménagés à mi-pente des principaux massifs. Ces petites retenues peuvent permettre un doublement de la production d’électricité en utilisant à plusieurs reprises l’eau d’une même rivière, l’eau étant reversée dans son milieu naturel, ce qui permet de régénérer la faune et la flore.

Préconisation : étudier la possibilité d’installation d’usines hydroélectriques « au fil de l’eau » pour permettre la fabrication d’électricité avec des machines plus performantes.

C.   Le dÉveloppement de la biomasse

1.   Le charbon cède la place à la bagasse et aux pellets québécois

Acteur présent dans tous les DROM (départements et régions d’outre-mer) la société Albioma développe l’utilisation de la biomasse à La Réunion, notamment en remplacement du charbon importé d’Afrique du sud. L’un des combustibles utilisés, hors charbon, est la bagasse, ce résidu issu de la canne à sucre. Mais les quantités produites ne sont pas suffisantes et la disparition du charbon nécessite l’importation de pellets de bois.

Les conversions des deux centrales Albioma de Bois Rouge, au nord, et du Gol, au sud, sont bien engagées et la dernière importation de charbon est programmée pour le début de l’année 2024, date à laquelle le bois canadien, ajouté à la bagasse, prendra le relai. En effet, c’est de son usine québécoise qu’Albioma importera les pellets : l’industriel a acquis cette usine afin de maîtriser toute la chaîne, depuis l’abattage des arbres et leur replantage jusqu’à l’incinération du bois dans ses centrales ultramarines, notamment celle de La Réunion.

Préconisation : renoncer à l’importation des pellets en circuits longs et privilégier l’importation en provenance des bassins régionaux (Madagascar ou l’Afrique du sud, pour La Réunion, par exemple), sans déforestation.

L’objectif est de brûler 100 000 tonnes de biomasse dans les deux usines de l’île. Malgré les 15 000 km de trajet maritime que les pellets auront à effectuer depuis le Québec, ce projet est considéré comme permettant de décarboner la production d’électricité réunionnaise à défaut de contribuer à rendre l’île plus autonome.

Ce changement de combustible n’est pas anodin. Sur le port, par exemple, les espaces de stockage doivent être aménagés et couverts pour abriter les pellets importés, car le bois humide perd ses qualités calorifiques. Le charbon, en revanche, était stocké à l’air libre.

2.   Les déchets ménagers convertis en combustibles

Pour réduite au strict nécessaire les importations de pellets, Albioma a commencé à utiliser également les résidus combustibles des déchets ménagers triés en déchèterie. Cette matière, appelée CSR (combustible solide de récupération), pourrait être produite sur l’île à hauteur de 170 000 tonnes par an selon les scénarios les plus optimistes. Mais même dans une telle hypothèse, ce ne sera pas suffisant pour pouvoir se passer de l’importation des pellets québécois. Par ailleurs, le prix de revient du CSR est malheureusement beaucoup plus élevé que celui du charbon ou même de la biomasse solide.

Lorsque la mission d’information s’est rendue à La Réunion, en mars 2023, la biomasse représentait 25 % de la production électrique actuelle, soit environ 66 Gigawattheures (GWh) par an sur les 425 GWh produits.

La directive européenne RED III

Le 14 septembre 2022, le Parlement européen a voté la directive « RED III » sur l’efficacité énergétique, décidant de porter à 45 % d’ici 2030, au lieu de 22 % alors, la part des énergies renouvelables dans la consommation électrique de l’Union européenne, soit cinq points de plus que l’objectif approuvé par le Conseil de l’Union européenne en juin 2022.

Ce texte, toujours en cours de négociation entre les différentes instances européennes, fixera les critères de durabilité de la biomasse, notamment l’intensité calorifique des pellets. La directive supprimera également les subventions pour certains biocarburants ou biogaz dont la production contribue à la déforestation dans les pays producteurs (huile de palme et soja).

3.   Le biofioul bientôt utilisé dans la centrale du Port

La centrale EDF PEÏ du Port, pour sa part, est en cours de conversion : elle doit passer du fioul au biogaz. Il s’agit d’une évolution d’une source d’énergie fossile importée vers une source d’énergie renouvelable (à condition que les champs de colza nécessaires ne contribuent pas à la déforestation) mais tout aussi importée. Ce n’est donc pas un progrès en matière d’autonomie énergétique.

4.   La biomasse est-elle réellement vertueuse ?

La biomasse, qu’elle soit solide (pellets de bois) ou liquide (biogaz) est présentée comme vertueuse dans la mesure où les arbres et le colza consommés pour produire l’électricité sont présentés comme renouvelables, même si leur régénération s’inscrit sur le long terme, surtout concernant les arbres.

Les producteurs assurent que la production de pellets, essentiellement d’origine canadienne, est parfaitement traçable et s’inscrit dans le cadre d’une gestion saine des forêts de ce pays, les arbres abattus étant replantés. La mission d’information entend ces arguments de la même manière qu’elle a entendu d’autres acteurs indiquer que le Canada n’était pas le seul fournisseur mais que d’autres pays, moins impliqués dans la traçabilité et davantage dans le déboisage (Madagascar, l’Indonésie) fournissaient également des pellets de bois aux usines de biomasse. Et même si l’on admet que les pellets canadiens, parfaitement traçables, ne participent pas au déboisement de la planète, il n’en reste pas moins que ces pondéreux doivent parcourir 15 000 km par voie maritime pour arriver sur l’île de La Réunion, ce qui ne présage pas d’un bilan carbone exceptionnel.

EDF nous a assuré que la biomasse liquide était choisie avec soin : il s’agirait d’un sous-produit d’alimentation animale issu de la culture du colza respectant déjà la directive européenne RED III, qui n’est pourtant pas encore adoptée (cf. supra). Cette biomasse a été préférée à l’huile de palme, moins respectueuse de l’environnement et responsable, dans certains pays, de déforestation.

Mais ce sous-produit du colza, acheté en Europe, au Canada ou en Australie est-il réellement vertueux ? Une fois arrivée à Sète ou la matière est transformée en biomasse, elle repart pour les outre-mer, effectuant parfois un tour du monde complet par voie maritime avant d’arriver à destination. Énergie renouvelable peut-être, mais le bilan carbone du colza moissonné en Australie, transformé dans l’Hérault puis brûlé à La Réunion reste à calculer.

Autre problème posé par la biomasse liquide : les capacités de raffinage françaises en la matière sont de l’ordre de deux millions de tonnes par an. Or, selon l’association Guyane Nature Environnement, l’approvisionnement des centrales ultramarines en biomasse liquide représenterait un volume de 770 000 tonnes annuelles, une charge non négligeable représentant plus du tiers des capacités. L’industrie française parviendra-t-elle à faire face à une telle demande ?

Préconisation : actualiser le schéma régional biomasse dans tous les outre-mer pour explorer les différentes ressources.

 


II.   Mayotte

Cumulant les handicaps en terme de niveau de vie et de développement, l’archipel de Mayotte reste très éloigné des objectifs d’autonomie énergétique. Son électricité reste très largement dépendante des importations de fioul et les objectifs de diversification vers le solaire et la biomasse apparaissent modestes.

A.   Une Énergie carbonÉe et peu diversifiÉe

1.   Un opérateur qui dépend du conseil départemental

Du fait de sa dimension insulaire, le réseau électrique de Mayotte n’est pas connecté et donc plus vulnérable que les réseaux continentaux interconnectés. Il existe un opérateur unique pour l’île de Mayotte, la société Électricité de Mayotte (EDM), créée en 1997. EDM assure à la fois la production, le transport et la distribution de l’électricité du territoire.

Le capital social de l’entreprise se décompose comme suit :

– 50,01 % appartient au conseil général de Mayotte ;

– 24,99 % appartient à EDEV, filiale du groupe EDF spécialisée dans la gestion de participations dans le secteur de l'énergie ;

– 24,99 % appartient à Quaero Capital, une société de gestion de fonds privée ;

– 0,01% appartient à l’État français.

EDM exerce la mission de service public de production, distribution et commercialisation de l’électricité sur l'île de Mayotte. Ses activités entrent entièrement dans le domaine régulé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). La direction générale de l’entreprise ainsi que l’ensemble des postes de responsables des pôles opérationnels sont assurés par des agents du Groupe EDF. La gouvernance est assurée par l’État, l’ADEME, et EDM.

2.   Une production électrique basée sur le fioul

Mayotte dispose d’une puissance électrique installée d’environ 112 MW. Sur ce total, 38,1 MW proviennent de la centrale thermique à fioul des Badamiers en Petite-Terre, qui compte douze moteurs de puissance variant de 750 KW à 7 MW. Certains de ces générateurs ne sont plus conformes aux normes industrielles, en termes de pollution ou de bruit, mais fonctionnent, au moins jusqu’à la fin de l’année 2023, avec une dérogation temporaire de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL).

Une seconde centrale installée à Longoni en Grande-Terre, dispose de cinq moteurs d’une puissance de 8 MW et de trois moteurs de 11 MW chacun, soit un total de 73 MW.

Par ailleurs, l’île dispose de 81 centrales photovoltaïques réparties sur l’ensemble du territoire, auxquelles vient s’ajouter la première centrale de biogaz de Mayotte, fonctionnant également grâce à l’incinération de déchets, inaugurée en décembre 2018.

La production et la consommation d’électricité à Mayotte augmentent constamment, simultanément à l’évolution démographique et économique du département. Elle reste toutefois largement issue de ressources fossiles, tendance qui semble se confirmer au fil des années. En effet, en dépit d’une hausse de 11,6 % de la production photovoltaïque sur la période, la contribution de cette énergie dans la production totale demeure minoritaire.

B.   Un territoire en pleine expansion

1.   Une hausse continue de la consommation

Ainsi que le montre le tableau ci-après, le nombre d’abonnés a augmenté fortement ces dernières années (+12,3 % entre 2017 et 2021), de même que la consommation (+11,8 % sur la même période). Ces hausses corroborent l’importante hausse de la population que connaît Mayotte.

Les confinements de 2020 et 2021 liés à la crise sanitaire n’ont pas ralenti la hausse de la consommation électrique à Mayotte alors qu’une stagnation de l’activité économique a été enregistrée dans la plupart des autres territoires (ultramarins ou pas).

2.   Le défi de la mobilité

Hors consommation électrique, le deuxième poste de consommation d’énergie est constitué par les transports. Sans surprise, les véhicules à énergie fossile représentent la quasi-totalité du parc mahorais, les premières voitures électriques ayant été importées en 2019, en nombre très limité.

 

Comme le montre le tableau ci-dessus, la consommation d’essence et de gazole a connu une hausse effrénée entre 2017 et 2021, avec des taux d’augmentation respectifs de 13,9 % et 19,6 %. Si la crise sanitaire a ralenti la hausse de la consommation d’essence en 2020, elle n’a eu aucune influence sur la hausse vertigineuse de la consommation de gazole. La consommation de carburéacteurs, en revanche, a fortement diminué en 2020 et 2021, ce qui traduit une baisse de l’activité aérienne liée à la pandémie.

C.   Un vaste plan de dÉveloppement de l’Énergie solaire

Électricité de Mayotte poursuit sa transition avec son plan solaire. Depuis plusieurs mois, le service transition énergétique et innovations s’emploie pour déployer des centrales photovoltaïques sur le territoire. D’ici 2030, le département a pour ambition de produire 30 % d’énergie renouvelable, contre seulement 5.5 % actuellement.

1.   Du retard par rapport aux autres départements ultramarins

En installant 294 panneaux photovoltaïques sur le toit de son siège, Électricité de Mayotte (EDM) souhaite montrer l’exemple pour développer l’offre sur le territoire et par la même occasion réduire son empreinte carbone. Un projet qui complète celui finalisé sur le poste source de Longoni, en attendant l’imposante couverture de la centrale thermique située sur la même commune. Un virage vertueux que la société aspire à consolider dans le temps. « Nous ne sommes pas là pour faire un one-shot », assure Christian Freu, le chef du service transition énergétique et innovations qui dirige une équipe de six salariés opérationnelle depuis deux ans.

Cette diversification est surtout une manière de réduire la dépendance du département aux hydrocarbures importés. À l’heure actuelle, « les 5.5 % d’énergie renouvelable produites absorbent les 3 % de croissance annuelle de la demande en électricité », avoue Claude Hartmann, le directeur délégué d’EDM. Des énergies renouvelables encore peu utilisées par comparaison aux autres départements ultramarins que les acteurs locaux justifient par l’étroitesse de « l’île aux parfums » et la difficulté à dénicher du foncier pour implanter des fermes solaires.

2.   Des objectifs qui restent modestes

Après une période creuse, de 2013 à 2018, le photovoltaïque revient en force avec le soutien de la Commission de régulation de l’énergie. Mayotte comptabilisait 120 installations en 2020 pour une puissance cumulée de 23 MW, contre 93 un an plus tôt. Pour autant, le tarif d’achat évalué à 15,24 centimes le KWh s’avère insuffisamment incitatif.

Malgré tout, le département a pour ambition d’atteindre 30 % d’électricité renouvelable d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif qui reste modeste par comparaison avec les autres collectivités ultramarines, EDM entend bien continuer à sensibiliser particuliers, entreprises et administrations pour la pose de panneaux photovoltaïques. Avec un taux annuel d’ensoleillement de près de 365 jours, Mayotte bénéficie d’un avantage certain.

3.   L’absence de projets éoliens, hydrauliques ou géothermiques

Hors du solaire, et à l’exception d’une centrale fonctionnant avec de la biomasse importée dans le nord de l’île, aucune autre source d’énergie renouvelable ne semble exploitée à Mayotte.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) recense pourtant quatre sources d’énergie décarbonée : la biomasse, le biogaz, la géothermie et l’hydraulique, mais peu de projets concrets semblent être portés.

La mission d’information ne peut que regretter l’absence de projets en matière d’énergie éolienne, hydraulique ou géothermique. Pourtant, Mayotte est un archipel d’origine volcanique « assis » sur un ensemble de volcans sous-marins très actifs. Les potentialités géothermiques mériteraient, à tout le moins, d’être explorées.

L’éruption du Fani Maoré en 2018

En 2018, l’archipel de Mayotte a été secoué par de nombreux séismes d’origine volcanique dont le plus sérieux, le 15 mai, a atteint une magnitude de 5,9 sur l’échelle de Richter provoquant des dégâts sur certains bâtiments. Les travaux des scientifiques ont révélé que Mayotte, loin d’être un archipel paisible et endormi comme on le pensait, était un haut lieu d’activité volcanique.

C’est à 50 kilomètres de l’île que les chercheurs ont découvert le responsable des secousses, un volcan sous-marin crachant jusqu’à 400 m3 de lave par seconde. En quelques mois, Fani Maoré, comme on l’a baptisé par la suite, s’était fabriqué un cône de 800 mètres de hauteur et de 2 km de diamètre. Au cours de cette éruption, il a expulsé pas moins de 6 km3 de lave. Les volumes de magma en jeu étaient tels qu’au cours de ces éruptions sous-marines, Mayotte s’est déplacée de 24 centimètres vers l’est et s’est enfoncée de 19 centimètres.

Les relevés ont révélé l’existence de centaines de volcans sous-marins : une province volcanique sous-marine jusqu’alors insoupçonnée s’étalant sur un corridor de 50 kilomètres de long et d’une dizaine de kilomètres de large, à proximité immédiate de Petite-Terre.


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   troisième partie : Les antilles

I.   LA GUADELOUPE

La Guadeloupe est l’une des collectivités qui dépend le plus des importations et des produits fossiles. Dans le cadre d’une PPE très ambitieuse, le développement de la géothermie, source d’énergie très prometteuse, pourrait améliorer la recherche d’une autonomie qui apparaît encore bien lointaine.

A.   Une situation encore dÉfavorable

1.   Une dépendance très forte aux ressources importées

Entre 2019 et 2020, selon l’Observatoire régional de l’énergie et du climat (OREC), les ressources importées représentent 92,9 % du total des énergies du territoire en 2020, qui classe la Guadeloupe parmi les territoires les plus dépendants des importations. Au niveau national, ce chiffre ne dépasse pas 45 %.

Le territoire guadeloupéen, à l’instar des autres zones non interconnectées (ZNI), est marqué par une forte dépendance aux produits pétroliers. Les besoins sont assurés par les importations depuis la Martinique où est implantée la raffinerie de la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), en situation quasi monopolistique, qui importe et raffine ces produits.

Les ressources locales ne représentent quant à elles que 7,1 % du bouquet énergétique. Le graphique ci-dessous démontre la répartition des ressources exploitables sur le territoire guadeloupéen.

2.   Une électricité encore très dépendante des énergies fossiles

En 2020, la consommation primaire d’énergies – c’est-à-dire l’ensemble des consommations d’énergies non transformées après leur extraction – s’élevait à 8 396 GWh. Les énergies fossiles représentaient 92,7 % de cette consommation, contre 7,3 % pour les énergies renouvelables produites localement.

En 2020, à la suite de la crise de covid, la consommation finale d’énergie a enregistré une baisse de 15,6 % par rapport à 2019. Les restrictions de déplacement ont naturellement impacté le secteur des transports, avec une chute de 39,9 % de la consommation d’énergie du transport aérien, de 12,7 % pour le transport routier et de 15,4 % pour le transport maritime. La mobilité, qui représente 64 % de la consommation, reste le premier poste d’utilisation de l’énergie.

Une exception toutefois : l’île de la Désirade, à l’est de l’archipel, qui dispose d’un parc d’éoliennes, produit plus d’électricité renouvelable qu’elle n’en consomme et en envoie donc une partie sur les îles principales de Guadeloupe.

3.   Une baisse continue de la consommation électrique

Les secteurs les plus consommateurs d’électricité sont le secteur dit « domestique » qui concerne 49,9 % du total en 2020 et le secteur professionnel (secteurs tertiaires privé et industriel) représentant 41 % en 2020.

La consommation d’électricité semble très corrélée à l’évolution démographique du territoire. Depuis le milieu des années 1980 et jusqu’en 2010, la consommation d’électricité avait enregistré une hausse presque continue. Durant la période, la population de l’île continuait à croître, de même que le nombre de foyers et le taux d’équipement des ménages progressait.

Les années 2010 ont été marquées par le début d’une baisse démographique, accompagnée d’une nette réduction de la consommation d’électricité. Depuis 2020, la crise sanitaire a accentué cet affaiblissement. Le tableau ci-après souligne la diminution constante de la production d’électricité depuis le pic observé en 2016.

 

Les chiffres de l’année 2022, qui ne figurent pas sur le tableau ci-dessus, confirment une nouvelle baisse de la production de 1,5 %, à 1 636 GWh.

La production d’électricité se fait essentiellement à partir d’énergies fossiles, pour une part équivalente à 66,3 % du total. La production est assurée à 51 % par la centrale d’EDF PEI située à Jarry et fonctionnant au fioul et à 14 % par la centrale de la société Albioma au Moule qui abandonne progressivement le charbon pour se reconvertir à la biomasse solide.

4.   Bientôt la fin du charbon

La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables a connu récemment une progression impressionnante passant de 23 % en 2020 à 33 % en 2021. Cette évolution est principalement liée au passage, en 2020, d’une partie de la production de la centrale d’Albioma du charbon à la biomasse solide. Si cette évolution est positive d’un point de vue environnemental, l’importation des pellets de bois qui alimentent la combustion des chaudières n’améliore pas l’autonomie de la Guadeloupe sur le plan énergétique.

Et encore faut-il être sûr que les pellets importés proviennent bien de forêts gérées de manière durable et n’alimentent pas la déforestation sauvage que l’on observe dans de nombreux pays exportateurs de bois.

Cette transition de la centrale Albioma se poursuit, l’abandon total du charbon étant programmé pour la fin de l’année 2023. L’objectif est de réduire de 87 % les émissions de gaz à effet de serre de la centrale et de promouvoir la part renouvelable du mix énergétique pour atteindre 35 %. Pour cela, la société compte valoriser un maximum de bagasse (déchet en bois issu de la canne à sucre), mais restera néanmoins tributaire des importations de pellets, la production locale de bagasse étant insuffisante.

B.   Les efforts À consentir pour une ÉlectricitÉ propre

1.   Les effets inattendus de la péréquation tarifaire

La Guadeloupe dispose d’une vraie dynamique en faveur des énergies renouvelables, notamment du solaire et de l’éolien. Le marché compte beaucoup d’acteurs et il existe sur l’île un tissu entrepreneurial composé à la fois de grands groupes et de PME, malgré la relative modestie de la demande. La concurrence y est donc effective.

Une école d’ingénieur a récemment ouvert ses portes au sein de l’Université des Antilles avec une spécialisation sur les énergies renouvelables. Elle forme trente ingénieurs par an, ainsi que des techniciens en BTS ou en BUT. Une véritable filière de formation est en train de se mettre en place, ce qui est la condition sine qua non à la promotion des énergies renouvelables.

Pour développer ce secteur, les acteurs économiques souhaiteraient en premier lieu que la puissance publique allège les contraintes règlementaires pour rendre plus facile l’installation des centrales solaires et éoliennes.

Mais les critiques fusent également à l’égard de la péréquation tarifaire, mécanisme qui permet à tous les consommateurs de payer leur électricité au même prix, quel que soit l’endroit où ils sont situés. Ainsi, les Guadeloupéens paient le KWh à 15 centimes alors que la production d’électricité sur l’île revient entre 30 et 40 centimes. La péréquation tarifaire, qui est un instrument d’égalité et de justice sociale a pour effet négatif de masquer le vrai prix de la ressource.

Dans ces conditions, pourquoi un particulier investirait-il dans l’achat de panneaux solaires longs à rentabiliser alors qu’une électricité lui est vendue à un prix finalement pas si élevé ? Ce mécanisme est d’autant plus pervers que l’électricité subventionnée qui lui est vendue est à 80 % d’origine fossile… Et comme EDF rachète l’électricité produite par les particuliers à un prix jugé trop faible, investir dans des panneaux photovoltaïques est souvent considéré comme un surcroît de tracas pour peu de revenus. Encore convient-il de ne pas oublier l’objectif qui consiste à rechercher une transition énergétique et non économique.

2.   Une programmation pluriannuelle citée en exemple

La Guadeloupe est la première collectivité ultramarine à avoir mis en place une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), souvent citée en exemple et source d’inspiration pour les autres collectivités. Ce document, en cours de « révision simpliée », va laisser la place à une « PPE 2 » qui devrait être signée fin 2023 ou début 2024.

Les objectifs de ce document en cours de finalisation sont ambitieux puisque la décarbonation complète de la production d’électricité est fixée à 2032. D’ici-là, la production d’électricité d’origine éolienne devra tripler, passant de 60 MW aujourd’hui à 180 MW en 2032 ; la production d’électricité d’origine solaire devra également tripler, passant de 90 MW à 270 MW ; enfin, la production d’origine géothermique devra être multipliée par cinq, passant de 15 MW à 75 MW.

3.   L’épineuse question de la mobilité

En l’absence de transports en commun performants, les Guadeloupéens, comme beaucoup d’ultramarins, restent très dépendants de la voiture individuelle. Or, le secteur des transports est le plus grand consommateur de produits pétroliers.

Pour de multiples raisons, le développement de la voiture électrique est lent : les véhicules sont plus chers, les bornes encore rares, etc. Pour autant, les voitures électriques commencent à arriver : ainsi, en 2022, 1 208 véhicules électriques à quatre roues ont été immatriculés, ce qui représente une hausse de 19 % par rapport à 2021. Les véhicules électriques ont représenté 6,9 % du marché l’an dernier.

Le développement de la mobilité électrique soulève toutefois un sujet inattendu : celui du poids social des stations-services dans les outre-mer. En effet, contrairement à ce qui se pratique en Europe, ce ne sont pas les automobilistes qui remplissent le réservoir de leur voiture, mais des employés, souvent peu qualifiés, parfois en rupture de ban avec la société, et pour qui ce type d’emploi même mal valorisé représente une opportunité réelle d’insertion sociale. Remplacer ces emplois, estimés au nombre de 600 sur l’archipel, par des bornes de recharge électriques risquerait de mettre en difficulté un nombre important de foyers avec des conséquences imprévisibles.

C.   La Guadeloupe, pionniÈre de la gÉothermie

1.   La piste géothermique : une évidence ?

Nombreux sont les observateurs qui considèrent que l’avenir énergétique de la Guadeloupe et, au-delà, des Antilles est lié à la géothermie. La Guadeloupe héberge la seule usine géothermique de notre pays, sur la commune au nom révélateur de Bouillante. Dans cette partie de l’île, l’eau bouillante se situe à quelques mètres de profondeur et certains prétendent qu’elle est même en contact avec la mer, rendant la baignade sur la plage de Bouillante particulièrement agréable.

La mission d’information a visité l’usine géothermique et a été surprise par la simplicité de l’installation, infiniment plus petite et plus simple qu’une raffinerie pétrolière. Et en l’absence de tout processus chimique, le risque d’incendie n’existe pas, ce qui rend inutile la présence de pompiers. L’exploitation et l’entretien d’une telle centrale est particulièrement simple, même si les forages de départ restent coûteux. L’investissement de départ de l’installation de Bouillante a été estimé à 100 millions d’euros

2.   La géothermie nécessite des investissements lourds

En géothermie, la France peut compter sur des entreprises (Ormat, Storengie, Albioma, etc.) disposant de compétences d’ingénierie et de logistique que les autres îles de la Caraïbe nous envient.

La particularité de la géothermie, c’est qu’elle ressemble au pétrole, avec les mêmes risques financiers en cas de forages infructueux, avec les mêmes risques d’exploitation, avec la mise en œuvre de machines lourdes, mais sans les formidables rémunérations liées au pétrole. Selon les spécialistes que la mission a rencontrés, la rémunération de l’activité pétrolière serait de l’ordre de 15 % par an quand celle de la géothermie ne dépasserait pas 7 à 11 %. En outre, un projet géothermique nécessite entre 15 et 20 ans de gestation pour être mis en œuvre.

Pour autant, des projets existent : deux permis exclusifs de recherches (PER) ont été délivrés à des entreprises privées qui procèdent actuellement à des forages sur deux secteurs prometteurs : la commune de Vieux-habitants, près de Bouillante, et le secteur du Sud-Soufrière. Le potentiel de géothermie en Guadeloupe est estimé entre 50 et 120 MW.

La géothermie reste une énergie d’avenir pour des territoires volcaniques. Un mix énergétique décarboné ne pourra pas se construire uniquement avec de l’énergie solaire ou éolienne et la géothermie y a toute sa place. Sans doute faudra-t-il que la puissance publique s’implique davantage pour accompagner les porteurs de projet.

II.   LA MARTINIQUE

De toutes les collectivités visitées par la mission d’information, la Martinique est celle qui a paru le moins promouvoir le remplacement des énergies fossiles par l’électricité. La réduction de la consommation des produits pétroliers sonnerait comme une double peine pour cette collectivité dont les finances sont largement tributaires des taxes sur la consommation des produits pétroliers et dont près d’un millier d’emplois, directs et indirects, dépendent de la raffinerie du Lamentin.

A.   une Énergie carbonÉe encore largement dominante

1.   La part des énergies renouvelables progresse lentement

Le réseau électrique de la Martinique se compose d’unités de production thermique (deux centrales diesel et six turbines à combustion fonctionnant au gaz) et de moyens de production basés sur les énergies renouvelables (une centrale de biomasse-bagasse, un incinérateur d’ordures ménagères, deux centres de production de biogaz, un parc éolien et des parcs de panneaux photovoltaïques).

Origine de l’électricité produite en Martinique en 2019

La part des énergies fossiles dans le mix énergétique s’inscrit dans une diminution depuis plusieurs années, en dépit d’une production d’électricité par énergie thermique encore prépondérante. En 2012, les énergies fossiles comptaient pour 93,7 % de la production totale d’énergie. En 2021, cette proportion était de 74,3 %, ce qui illustre le net engagement du territoire à la réduction de l’usage des énergies non-renouvelables.

L’augmentation de l’emploi d’énergies renouvelables ne signifie pas que l’île se dirige vers son autonomie énergétique. Comme la biomasse est en grande partie importée des forêts canadiennes, l’Observatoire territorial de la transition écologique et énergétique considérait, en 2021, que seule 8,2 % de l’énergie consommée était d’origine locale, 91,8 % étant d’origine extérieure.

En 2021, la part des énergies renouvelables était estimée à 25,7 %, chiffre qui se situe bien en deçà des 50 % prévus pour 2020 par la PPE 2018-2023. La production issue du parc photovoltaïque augmente néanmoins en puissance et en production et représentait, en 2021, 5,8 % du mix électrique.

Répartition du parc de production électrique en 2021, hors photovoltaïque

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Lorsqu’elles n’ont pas de système de stockage, les énergies solaire et éolienne restent des sources dites « intermittentes », par opposition aux sources d’énergies renouvelables dites « stables » comme la biomasse, le biogaz, la géothermie, l’hydraulique, ou le photovoltaïque et l’éolien avec système de stockage. Ces sources « stables » sont dominantes dans la production d’énergies renouvelables : la production issue de la biomasse et de l’éolien avec stockage compte en effet pour 71,6 % de la production d’énergies renouvelables.

2.   La Martinique héberge la seule raffinerie des Antilles françaises

À l’instar de la Guadeloupe et de la Guyane, la Société Anonyme de Raffinerie des Antilles (SARA) intervient en Martinique, où se situent la raffinerie et les unités de production. La SARA importe du pétrole brut en Martinique et le transforme sur place en produits finis réexportés dans toute la région.

Cette entreprise, implantée au Lamentin depuis 53 ans emploie directement 350 personnes et, indirectement, fait travailler 650 sous-traitants.

En 2021, la pandémie a fortement perturbé l’activité de la SARA et a notamment entraîné la prolongation de l’arrêt technique quinquennal, commencé fin septembre 2020, et qui n’a pris fin qu’à la fin du mois de juin 2021. Ces difficultés ont été renforcées par un deuxième arrêt des unités de raffinage en août 2021 en raison de problèmes techniques.

Dans les outre-mer, le prix des carburants est fixé par décret par les autorités préfectorales, avec une marge fixe de 3 centimes par litre de carburant octroyée aux distributeurs. Le mécanisme de fixation du prix peut être considéré comme complexe par certains observateurs, mais il n’est pas opaque. La taxation des produits pétroliers rapporte entre 70 et 120 millions d’euros aux différents départements ultramarins. Dans ces conditions, même si tous les acteurs s’accordent sur la nécessité de réduire la consommation de carburant, on peut comprendre que certaines autorités locales craignent d’être mises en difficulté par une éventuelle baisse de cette consommation et, donc, de leurs ressources.

3.   La piste de l’hydrogène

La Martinique, sous l’impulsion de la SARA, réfléchit à la promotion de l’hydrogène, une source d’énergie considérée comme propre dans la mesure où son usage ne dégage que de la vapeur d’eau.

Face au pétrole dont chacun s’accorde à dire que la part doit diminuer, l’énergie électrique n’apparaît pas comme une solution miracle : les bornes de recharge ne sont pas suffisantes ; l’électricité utilisée pour recharger les véhicules est souvent d’origine pétrolière ; la filière de recyclage des batteries est inexistante sur la plupart des territoires ultramarins ; et le relief tourmenté de l’île ne permettra pas aux véhicules les plus lourds (camions, bus), de disposer d’une autonomie raisonnable.

D’ailleurs, devant les déboires des quatorze bus électriques en site propre qui desservent l’agglomération de Fort-de-France, la collectivité a mis à l’essai trois bus à hydrogène destinés à valider une bascule complète du parc d’ici 2030, si la technologie le permet.

Par conséquent, l’usage d’hydrogène décarboné, qui pourrait être produit en partie avec des déchets locaux commence à faire son chemin sous l’impulsion de la SARA qui y voit une possibilité de se reconvertir face à la réduction programmée de la consommation des produits pétroliers.

B.   peu d’enthousiasme pour les Énergies renouvelables

1.   Le développement de l’électrique n’est pas vraiment recherché

Personne ne pousse réellement vers les véhicules électriques à la Martinique pour deux raisons principales :

– le nombre de bornes de recharge est largement insuffisant ;

– l’électricité utilisée est à 99 % carbonée. La mise en place de bornes approvisionnées par l’énergie solaire est balbutiante ;

– le coût d’un véhicule électrique est relativement élevé alors que la population martiniquaise dispose d’un revenu inférieur à la moyenne nationale.

De la même manière, l’éolien ne se développe pas autant qu’il le pourrait. La plupart des projets sont rejetés par la population en raison du préjudice esthétique ou des nuisances sonores supposées. Le manque de volontarisme de la collectivité de Martinique peut être illustré par le fait qu’elle n’a jamais sollicité la CRE pour obtenir les autorisations ou les dérogations nécessaires aux projets qui dépassent un certain seuil.

2.   Le mariage prudent de l’agriculture et du photovoltaïque

Comme cela existe déjà sous d’autres latitudes, des champs de cellules photovoltaïques sont en cours d’installation sur des exploitations agricoles. Les réalisations ne sont pas encore très nombreuses mais des projets existent et certains se concrétisent. Ce sont principalement des producteurs de vanille ou des éleveurs de volaille voire d’ovins qui accueillent ces champs de panneaux solaires.

S’il est encore trop tôt pour tirer des leçons de ces expérimentations, les autorités préfectorales mettent en garde contre un écueil : les agriculteurs ne doivent pas changer de métier et devenir « rentiers du photovoltaïque ». Ils doivent continuer à produire pour l’alimentation des Martiniquais. Un vrai danger existe d’autant que nombre d’agriculteurs, âgés, approchent de la fin de leur carrière. Il ne faudrait pas que l’installation de panneaux solaires les incite à arrêter leur activité prématurément : le photovoltaïque est un plus mais ne doit pas devenir une activité de substitution.

La collectivité de Martinique est, elle, franchement opposée à l’utilisation de terrains agricoles pour la production d’électricité solaire, arguant du fait que ces projets auraient pour objectif principal de contourner la législation sur l’utilisation des terres agricoles.

3.   Les déboires de la géothermie martiniquaise

Territoire volcanique, la Martinique semble prometteuse en matière de géothermie. Deux permis de recherche exclusifs (PER) ont été demandés en 2020 par une entreprise auprès de l’administration, sur les communes du Lamentin et de l’Anse d’Arlet. Trois ans plus tard, ces permis n’ont pas toujours été délivrés. Si cette lenteur paraît accabler une administration qui pourrait sembler peu réactive, la réalité est plus complexe : les services de l’État font valoir que l’entreprise privée à l’origine de la demande ne met pas beaucoup de zèle à coopérer pour l’instruction de ses demandes.

Cette même entreprise s’est déjà retirée d’un projet pourtant prometteur sur l’île indépendante de la Dominique, à mi-chemin entre la Guadeloupe et la Martinique. Pour les services de l’État, sa volonté réelle de forer pour rechercher de l’eau chaude n’est donc pas clairement établie. C’est la raison pour laquelle l’octroi de ces permis trainent : une fois délivrés, ces permis permettent à leur bénéficiaire de jouir pendant cinq ans de l’exclusivité des recherches et donc d’écarter tout concurrent. Leur délivrance n’est donc pas anodine.

Préconisation : modifier la législation pour que le récipiendaire d’un permis exclusif de recherche, en matière de géothermie, perde le bénéfice de l’exclusivité s’il ne se livre à aucune recherche dans un délai raisonnable suivant la délivrance du permis.

4.   Une PPE en cours d’élaboration

Une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est en cours d’élaboration. Elle fixera l’objectif officiel d’atteindre l’autonomie à échéance 2030, du moins en matière de production électrique. Ce document fait l’objet d’une co-écriture entre l’État et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM).

La difficulté vient du fait que l’habilitation de la CTM est devenue caduque à l’issue des élections territoriales de juin 2021 qui ont enregistré un changement de gouvernance. Une nouvelle habilitation doit être mise en place et tout porte à penser que les intéressés se « hâtent lentement », d’autant que d’autres habilitations (transports, emploi…) doivent également être renouvelées.

Comme souvent, les entrepreneurs que la mission d’information a rencontrés ont regretté, selon leurs termes, « le manque de visibilité stratégique des autorités publiques qui n’ont pas de vision claire » alors que le secteur privé, à les entendre, serait prêt à investir.

III.   Saint-Martin

Saint-Martin est une île partagée en deux collectivités, l’une française, l’autre dépendant du Royaume des Pays-Bas. La coopération entre les deux entités, très autonomes, est excellente. Pour autant, l’énergie ne fait pas l’objet d’accord particulier entre les deux collectivités et les réseaux électriques ne sont pas connectés.

A.   Une Énergie basÉe sur le fioul

1.   Une électricité à 99 % carbonée

Sur la partie française de l’île, EDF produit l’électricité par l’intermédiaire de trois centrales thermiques diesel situées à Galisbay. La plus ancienne de ces tranches est en cours de fermeture. Très polluante, elle n’était autorisée à fonctionner qu’en secours et pas plus de 500 heures par an. EDF, qui souhaite s’orienter vers des énergies renouvelables n’envisage pas de la remplacer par un autre moteur diesel. En revanche, l’électricien souhaite transformer la seconde tranche pour lui permettre de fonctionner à la biomasse liquide.

 

Comme le montre le graphique ci-dessus, la production d’électricité qui dépassait les 200 000 MWh jusqu’en 2017 a connu une chute brutale en 2017 et 2018, en raison du passage de l’ouragan Irma le 5 septembre 2017. Depuis cette époque, l’activité de l’île et donc la production d’électricité est repartie à la hausse. En 2021, une augmentation de la production de 2,6 % par rapport à 2020 a été enregistrée.

La part de production totale d’électricité provenant de l’énergie solaire est très faible, ne représentant que 1 % du total. Afin de développer la part de cette source, le groupe EDF Renouvelables envisage la création de deux nouvelles centrales photovoltaïques qui devraient alimenter 3 250 personnes.

2.   La reconstruction après Irma

Les réseaux et centrales ont été gravement endommagés par le passage du cyclone Irma en septembre 2017. Les capacités de production et de distribution d’électricité ayant subi d’importants dégâts, EDF a engagé un programme d’enfouissement des réseaux électriques entre 2018 et 2022 à hauteur de 25 millions d’euros. L’objectif de ce programme est de rendre les raccordements clients plus résilients face aux aléas climatiques. EDF poursuit en parallèle son projet de modernisation du réseau.

 

Les dévastations causées par l’ouragan Irma en 2017

L’ouragan Irma, classé en catégorie 5 (la plus élevée) avec des rafales de vent mesurées à 287 km/h, a frappé le nord des Antilles du 5 au 10 septembre 2017. L’ouragan a successivement dévasté Antigua-et-Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Christophe-et-Niévès, Anguilla et les îles Vierges britanniques. Il est ensuite passé à proximité de Puerto Rico, d’Hispaniola (Saint-Domingue et Haïti), de Cuba et des Bahamas, moins touchées, avant d’obliquer vers le nord et de remonter la Floride.

L’ouragan a directement provoqué la mort de 136 personnes dont 11 sur les seules îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le coût des dégâts a été évalué à 67,8 milliards de dollars, dont plus de 3 milliards pour les deux collectivités françaises. C’est la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire de l’assurance outre-mer.

Les communications et l’électricité ont été totalement coupées sur les deux îles en raison des dégâts importants sur les deux centrales thermiques au fioul et, en conséquence, les usines de désalinisation de l’eau ont cessé de fonctionner, privant totalement d’eau potable une population fragilisée : 95 % des constructions ont été endommagées et 20 % des maisons et infrastructures publiques entièrement détruites, dont la préfecture déléguée à Saint-Martin. 10 000 personnes (30 % de la population) se sont retrouvées sans toit à Saint-Martin.

3.   Les réticences face à l’éolien et à la biomasse solide

Comme souvent, l’énergie éolienne fait face à des réticences de la part des riverains, notamment pour des raisons esthétiques. En conséquence, aucune éolienne n’a été installée sur l’île. Se pose alors la question de l’éolien maritime. Mais la présence d’une réserve naturelle classée aux abords de l’île de Saint-Martin rend difficile ce genre de construction.

Certains font valoir que les éoliennes sont sensibles aux vents violents et aux pluies torrentielles associées aux cyclones. C’est oublier que les progrès techniques permettent désormais d’ériger des éoliennes capables de résister à des vents très violents, comme celles qui ont été implantées à Sainte-Rose, en Guadeloupe. Et, heureusement, les cyclones ne sont pas si fréquents.

Les réserves que les habitants de Saint-Martin manifestent à l’égard de la biomasse solide (essentiellement du bois) sont d’un autre ordre : l’île étant aride, peu d’arbres y poussent. Construire une unité fonctionnant à la biomasse nécessiterait donc d’importer 100 % des pellets de bois nécessaires à son fonctionnement. Cette logique ne répondrait ni à l’objectif d’autonomie énergétique, car l’île serait dépendante d’importations, ni probablement à celui d’utilisation d’une énergie renouvelable tant les doutes subsistent sur le caractère « raisonné » et « durable » du défrichement des forêts canadiennes ou brésiliennes d’où proviennent la plupart de ces pellets.

Il en irait différemment pour la biomasse liquide qui est une matière organique liquide produite par les êtres vivants, tels que les algues, les déchets organiques et les déchets animaux. Cette biomasse conviendrait à la collectivité de Saint-Martin, surtout si les matières utilisées proviennent de son territoire ou des îles voisines.

B.   Les enjeux Économiques et financiers

1.   L’engagement de l’île pour la transition énergétique

Dans le cadre d’une volonté de réduction des besoins énergétiques et de la promotion d’un développement plus durable, Saint-Martin s’est engagé dans divers projets tels que le recours au photovoltaïque chez les particuliers ou la modernisation de l’éclairage public. La généralisation d’installations photovoltaïques sur les établissements publics (écoles, administrations, logements sociaux…) fait partie des objectifs.

La collectivité se fixe pour objectif de porter à court terme de 2 % à 22 % le taux d’énergies renouvelables installées sur le territoire. Cette décision fait suite à la rédaction de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de la convention cadre sur l’énergie signée par l’État et la collectivité en juillet 2021.

Le président de la collectivité, M. Louis Mussington a indiqué à la mission d’information que si le code de l’énergie de Saint-Martin avait bien été adopté il y a peu la PPE, elle, était toujours en cours d’élaboration. Ce document aura notamment pour objet de créer un dispositif incitant financièrement les particuliers ou les entreprises à s’équiper en panneaux solaires.

Le préfet délégué Vincent Berton affirmait à ce titre que « la volonté nationale de s’engager dans la transition énergétique s’applique aussi à Saint-Martin. […] On ne peut pas continuer sur cette lancée d’augmentation de la consommation ». Cette trajectoire sera possible grâce à un mix énergétique plus diversifié. L’énergie solaire semble être la piste principale pour le développement de sources d’énergies décarbonées, du fait d’un fort taux d’ensoleillement sur le territoire.

2.   EDF entre la taxation des produits pétroliers et la péréquation

L’octroi de mer n’existant pas à Saint-Martin, la collectivité a créé une taxe sur les produits pétroliers, particulièrement préjudiciable pour EDF dont la production d’électricité se fait essentiellement à partir de fioul. La situation de l’électricien est d’autant plus inconfortable qu’il est tenu par la loi de mettre en œuvre la péréquation tarifaire, c’est-à-dire d’appliquer à ses clients, quelle que soit leur position géographique, la même tarification. Comme les coûts de production sont plus élevés dans les outre-mer, l’entreprise considère que ses clients ultramarins bénéficient de tarifs plus avantageux que s’ils devaient payer l’électricité en fonction de son coût de production. En conséquence, l’électricien déclare facturer le KWh au prix de 6 euros quand sa production lui revient à 35 euros à Saint-Martin.

Ayant fait valoir cette contrainte, EDF a obtenu un accord sous l’égide de l’État : la taxe est progressivement supprimée en contrepartie de la prorogation de la péréquation tarifaire.

3.   Les inconvénients d’une frontière non contrôlée

Saint-Martin n’est pas un territoire de l’Union, c’est pourtant un territoire français soumis aux normes françaises. La partie néerlandaise est officiellement devenu « un pays au sein du royaume des Pays-Bas » depuis le 10 octobre 2010. Cette entité n’est pas, non plus, un territoire de l’Union européenne. Très autonome par rapport au gouvernement de La Haye, la partie hollandaise importe un grand nombre d’appareils électriques (climatiseurs, ventilateurs, chauffe-eau, luminaires…) qui ne sont pas conformes aux normes de l’Union européenne car trop consommateurs d’énergie.

Mais en l’absence de contrôle douanier sur la frontière entre les deux parties de l’île, ces produits se retrouvent facilement du côté français où ils contribuent à l’augmentation de la demande en électricité.

Ce laxisme entraîne aussi des conséquences sur d’autres plans : les bouteilles de gaz pour climatiseurs les plus anciennes, qui présentent un danger pour la couche d’ozone, sont interdites à l’échelle internationale dans la plupart des pays. Or, on les trouve en grand nombre dans les deux parties de Saint-Martin.

 

La situation de Sint-Maarten, la partie néerlandaise de l’île

Du côté néerlandais, la situation est comparable à celle du territoire français. Les panneaux photovoltaïques y sont rares et, en l’absence totale de production électrique d’origine éolienne, hydroélectrique ou issue de la biomasse, la quasi-totalité de l’énergie électrique provient d’une grande centrale fonctionnant au fioul. La plupart des hôtels de luxe qui font la renommée de la partie néerlandaise sont, en outre, équipés de leurs propres groupes électrogènes.

La sobriété énergétique ne semble pas être une des priorités de la partie néerlandaise qui, pour une population supérieure d’à peine 17 % (43 459 habitants contre 37 264), consomme 86 % d’électricité en plus que la partie française (99 MW contre 53,2 MW).

C.   UN projet d’interconnexion de grande envergure

La plupart des petites îles caraïbes représentent des marchés trop petits pour intéresser les industriels. Les unir en les interconnectant apparaît donc comme une nécessité. C’est le cas d’un projet international d’exploitation de la géothermie qui pourrait concerner, entre autres, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

1.   La ressource géothermique existe en quantité

La ressource géothermique permet une production électrique décarbonée, insensible aux variations climatiques et à un coût très inférieur au diesel. Toutefois, cette ressource n’est pas toujours disponible là où la demande existe. Dans la région, plusieurs îles disposent d’une ressource selon des quantités variables :

– Nevis : des études de préfaisabilité ont confirmé l’existence d’une ressource. Sur cette base, une puissance installée de 40 MW paraît réaliste ;

– St Kitts : les études de faisabilité indiquent qu’une puissance installée de 20 MW serait possible ;

– Saba : les études préliminaires laissent à penser qu’une centrale d’une puissance de 30 MW pourrait être installée.

L’interconnexion des Leeward Islands permettrait d’exploiter et de valoriser pleinement ce potentiel. En première approche, les contraintes géographiques, les gammes de puissance et le coût moyen de production de l’électricité pour la géothermie rendent une telle infrastructure réaliste.

De plus, la création d’un réseau électrique interconnecté basé sur une production principalement d’origine géothermique facilitera l’intégration d’énergies renouvelables intermittentes, notamment le photovoltaïque et l’éolien fortement liés aux aléas climatiques. Elle apportera plus généralement à chacun des réseaux interconnectés une meilleure résilience face aux variations de la demande et de la production d’électricité. Enfin, le développement de la géothermie entraînera une diminution et une harmonisation des coûts de l’électricité. Cette sécurisation de l’approvisionnement énergétique constitue un vecteur essentiel au développement économique de la zone.

L’interconnexion de ces îles permettra également, et à moindre coût, une interconnexion numérique qui profitera de la pose de câbles électriques équipés de fibres optiques pour créer l’infrastructure réseau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le projet d’interconnexion géothermique dit des « Leeward Islands »

2.   Coût et impacts attendus du projet

Selon les promoteurs du projet, la construction de deux unités géothermiques produisant un total de 50 MW aurait le coût suivant :

– investissements liés aux équipements de surface pour la production d’électricité : 300 millions d’euros ;

– investissements liés aux réseaux d’interconnexion : 327 millions d’euros ;

Le taux de rentabilité interne estimé pour le réseau d’interconnexion serait de l’ordre de 9 à 19 % ; la substitution d’une énergie décarbonée à l’actuelle production, basée quasi exclusivement sur le diesel, aboutirait à une réduction des rejets polluants de 250 000 tonnes de CO².

Préconisation : inclure, au même titre que les départements ultramarins et la Polynésie, la collectivité de Saint-Martin dans la « stratégie nationale de développement de la filière géothermie » définie à l’article 215 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

3.   Des préventions qui méritent d’être surmontées

Si la collectivité de Saint-Martin est favorable au projet, celle de Saint-Barthélemy semble plus réservée dans la mesure où une interconnexion leur permettant de recevoir une énergie produite sur une autre île les rendrait en grande partie dépendantes de leur fournisseur. Dépendre de l’île de Saba ou de celle de Saint-Eustache n’est-il pas antinomique avec la recherche d’une autonomie énergétique ? Pour autant, on comprend intuitivement que dépendre d’une île située à une quarantaine de kilomètres et connectée par câbles sous-marins n’est pas la même chose que dépendre du fioul importé d’Arabie saoudite ou d’Angola par des pétroliers qui doivent parcourir la moitié de la planète avant de livrer leur marchandise.

Le souci d’une rupture d’approvisionnement est pourtant bien réel : que se passerait-il en cas de panne de l’usine géothermique, en cas de mauvais entretien, en cas d’arrêt de la production pour maintenance ? Les hôtels de luxe qui font la richesse de certains territoires ne peuvent se permettre de se passer, fut-ce pendant une heure, d’électricité sans perdre leur clientèle et leur réputation.

La mission d’information entend ces arguments mais considère toutefois que dépendre d’un territoire voisin et semblable est moins risqué que dépendre d’un pays lointain aux stratégies géopolitiques difficilement prévisibles. En outre, il ne fait aucun doute que l’utilisation de l’énergie géothermique est beaucoup plus écologique que l’actuelle solution « tout fioul », qui ne pourra être que marginalement modifié par l’éolien, dont personne ne veut, ou par le solaire, balbutiant. Pour toutes ces raisons, elle est favorable au projet de géothermie des « îles Leeward » dont elle soutient l’approfondissement.

 

Préconisation : approfondir les études sur la faisabilité du projet d’exploitation géothermique des « îles Leeward » et, le cas échéant, participer à cet investissement écologique international qui réduira la dépendance de Saint-Martin et Saint-Barthélemy à des énergies fossiles importées.

 


IV.   Saint-barthÉlemy

Les délégations parlementaires qui se rendent sur l’île de Saint-Barthélemy sont rares, à la fois en raison de son éloignement et du coût de la vie qui rend les nuitées hors d’atteinte pour le budget du Parlement. Même s’ils n’y ont passé que quelques heures, les rapporteurs ont beaucoup appris sur le fonctionnement de cette collectivité qui est certainement l’une des plus atypiques de France. Et pas seulement pour l’excédent budgétaire (en fonctionnement) de 78 millions d’euros que cette collectivité de 10 000 habitants a enregistré en 2022.

A.   Le rÈgne sans partage des Énergies fossiles

1.   Des générateurs diesel qui devront être changés

La production d’électricité à Saint-Barthélemy est entièrement assurée par la centrale thermique diesel d’EDF à Gustavia. La puissance installée sur l’île dépasse les 30 MW répartis sur huit moteurs.

 

En 2013, EDF a renforcé les capacités de la centrale de Gustavia en y installant deux nouveaux moteurs qui ont engendré une hausse de la production. En effet, d’une puissance unitaire de 7,5 MW ces deux générateurs se sont ajoutés aux six moteurs plus anciens disposant chacun d’une puissance de 2,6 MW. Ces deux nouveaux moteurs, non seulement plus puissants, sont en outre dotés d’un système moins polluant que les anciens, ce qui a permis à la centrale thermique de Saint-Barthélemy de devenir le premier site de production d’EDF ayant obtenu la certification environnementale ISO 50001.

Ces deux nouveaux moteurs ont également permis de démanteler en 2015 le second site de production dont disposait l’électricien, l’usine d’appoint Aggreko. La question se pose maintenant du renouvellement des six moteurs les plus anciens de la centrale par des générateurs de nouvelle génération plus performants et moins polluants. La décision est attendue avec impatience par la collectivité.

En conséquence de cette dépendance totale au fioul, l’île doit stocker le carburant importé alors que le foncier y est rare et que chaque m² coûte très cher. Or, EDF consomme 100 m3 de carburant par jour pour produire l’électricité nécessaire. Un stock stratégique est donc indispensable pour assurer la continuité du service.

La capacité de la centrale thermique d’EDF est, en principe, suffisante pour faire face à la consommation habituelle des habitants. Lors des pics les plus élevés, si elle voit qu’elle risque de ne plus faire face, l’électricien peut solliciter de grands hôtels avec lesquels elle a passé des contrats et qui se mettent alors à produire avec leurs groupes électrogènes. Mais cette pratique coûte cher car EDF rachète l’électricité ainsi produite à un niveau élevé d’environ 41 centimes le KWh.

2.   Quand le manque d’eau augmente la consommation énergétique

L’eau étant rare à Saint-Barthélemy, une usine de dessalement de l’eau de mer gérée par la SIDEM a été construite. C’est cette installation, très énergivore, qui est aujourd’hui le premier consommateur de l’île.

Les élus ont fait remarquer à la mission que la législation sur l’eau, applicable sur l’ensemble du territoire national, n’était pas adaptée à Saint-Barthélemy. La législation interdit en effet d’utiliser l’eau de pluie recueillie et conservée dans des citernes, sauf pour les sanitaires ou l’arrosage. L’aridité du territoire est telle que la plupart des constructions, depuis très longtemps, sont dotées d’une telle citerne. Et, beaucoup d’usagers filtrent cette eau pour la consommer – en toute illégalité – sans jamais avoir enregistré d’effet secondaire.

La collectivité demande donc à ce que la loi nationale soit adaptée pour qu’une exception soit consentie pour Saint-Barthélemy : autoriser les habitants de la collectivité à consommer l’eau des citernes après filtrage permettra de moins solliciter l’usine de dessalement et, donc, de réduire la consommation électrique de l’île.

 

Préconisation : modifier la législation sur l’eau pour permettre aux habitants de la communauté de Saint-Barthélemy de consommer, après filtrage, l’eau de leurs citernes.

3.   Encore peu de place pour les énergies renouvelables

Si chacun s’accorde à reconnaître que l’énergie solaire, sous un climat aussi propice, mériterait d’être développée, l’absence de stockage rend cette option difficile, l’énergie photovoltaïque étant par définition intermittente. En outre, l’île est fortement urbanisée et les terrains plats disponibles susceptibles d’accueillir des fermes solaires sont rares.

Pour les mêmes raisons, l’énergie éolienne est inexistante sur ce petit territoire. Implanter des mats éoliens nécessiterait de trouver des terrains disponibles, fort rares, et aboutirait à changer la physionomie de l’île, ce que personne ne souhaite. La seule possibilité pour développer l’éolien consisterait à implanter des installations en mer ou sur l’un des îlots désertiques qui se trouvent au nord de Saint-Barthélemy. Mais même dans cette hypothèse, le préjudice esthétique qui résulterait d’une telle implantation risque de bloquer tout projet.

L’installation de panneaux photovoltaïques chez les particuliers semble plus envisageable : dans la plupart des cas, couvrir 30 % de la surface du toit suffit à rendre une maison autonome. Malheureusement, l’une des caractéristiques architecturales de Saint-Barthélemy réside dans ses maisons carrées dotées de toits ayant quatre faces triangulaires, souvent ornées de fenêtres et mal conçues pour y poser des panneaux.

Au-delà de cette circonstance, pittoresque mais réelle, l’absence d’une vraie filière solaire ralentit la démarche : rien n’est produit en France, tout est importé ; si les marques sont parfois européennes, la fabrication est généralement chinoise. Les batteries doivent être recyclées aux États-Unis, mais aucune filière n’existe pour le recyclage des panneaux solaires ou du lithium.

B.   une consommation Électrique en hausse constante

En parallèle de la hausse de la production, la consommation en électricité de l’île augmente régulièrement. Entre 2020 et 2021, elle a progressé de près de 8 % et cette tendance s’est poursuivie en 2022 avec une croissance à deux chiffres se rapprochant des 15 %.

1.   Une clientèle aisée peu regardante sur la consommation

Ayant misé sur le tourisme de très haut de gamme, l’île accueille une clientèle fortunée qui s’avère être peu regardante sur sa consommation énergétique. Elle consomme beaucoup et gaspille aussi énormément. La consommation d’électricité à Saint-Barthélemy est 2,5 fois plus élevée que dans le reste des outre-mer.

Avec ses 10 000 habitants, Saint-Barthélemy consomme 160 GWh par jour quand sa voisine de Saint-Martin, avec 37 000 habitants, en consomme 142.

À Saint-Barthélemy, le premier poste de consommation électrique des particuliers est constitué par la climatisation.

Le second poste de dépense, c’est le chauffage des piscines. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la clientèle ne se satisfait pas d’une eau naturellement chaude à 22-25 degrés toute l’année : les touristes exigent des piscines chauffées à 26-28 degrés… D’après les édiles, la possibilité de chauffer l’eau des piscines serait l’un des principaux critères de choix des touristes.

Ces deux premiers postes (climatisation + chauffage des piscines) représentent 50 % de la consommation électrique de Saint-Barthélemy.

Le troisième poste de consommation électrique est constitué par le repassage des draps et serviettes dans les hôtels.

Architectes et équipementiers ont tendance à surdimensionner les équipements, notamment les climatiseurs, pour ne prendre aucun risque et prévenir les désirs de leurs clients. Il en résulte une surconsommation évidente.

De la même manière, une partie de la population aisée utilise des berlines de luxe à moteur thermique plutôt polluants sur une île de moins de 10 km de long où la vitesse est limitée à 30 km/h et où l’étroitesse des rues rendrait l’utilisation de petits véhicules électriques bien plus raisonnable.

2.   Favoriser l’électricité pour les transports

Si les véhicules électriques sont généralement critiqués en raison de leur autonomie réduite, la question ne se pose pas sur une île aux dimensions aussi réduites que Saint-Barthélemy. La collectivité envisage donc de favoriser ce mode de transport en multipliant les bornes de recharge. Encore faut-il que la production, principalement d’origine thermique, suive.

Les automobiles ne sont pas les seules à consommer du pétrole. Les yachts, même à l’arrêt dans le port continuent à faire tourner leurs moteurs diésel pour continuer à produire de l’électricité et, notamment, à profiter de la climatisation. Il en résulte une double pollution, physique et sonore. La collectivité réfléchit donc à équiper ses quais de manière à rendre obligatoire le branchement des navires lorsqu’ils sont amarrés.

3.   Une volonté de la part des élus d’économiser l’énergie

Depuis 2010, la Collectivité de Saint-Barthélemy encourage les économies d’énergie en favorisant l’accès à certaines techniques de réduction de la consommation. Elle facilite par exemple la pose de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires. Par ailleurs, plusieurs partenariats avec EDF permettent d’améliorer l’efficacité énergétique du territoire.

La collectivité a aussi rendu obligatoire l’installation de systèmes de couverture des piscines dans le but de réduire les déperditions de chaleur et d’eau. Mais il est difficile, au quotidien, de vérifier si ces systèmes sont réellement utilisés. Essayer de maîtriser la consommation électrique tout en conservant l’étiquette de « grand luxe » peut paraître antinomique. Les solutions passent souvent par les comportements individuels.

Un travail est fait à l’égard des hôtels de luxe, grands consommateurs d’énergie dont la taxation augmente régulièrement. Certains établissements ont commencé à installer des panneaux photovoltaïques jumelés à des batteries de stockage.

4.   Des questionnements sur la CSPE

Tous les consommateurs, y compris à Saint-Barthélemy, paient la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui permet de bénéficier de la péréquation tarifaire, qui rend certes l’accès à l’électricité plus facile aux ménages modestes, mais rend le coût de l’énergie « scandaleusement bas », selon certains observateurs, pour les hôtels de luxe.

Ce système, qui permet donc aux plus aisés de consommer sans regarder, mériterait d’être corrigé. L’une des difficultés provient du fait l’État a intégré la CSPE dans son budget. Sortir cette contribution de son budget permettrait à la CRE de regagner des marges de liberté et d’envisager un autre mécanisme.

5.   Une PPE en gestation

En septembre 2020, l’État et la collectivité ont signé une convention-cadre sur l’énergie et ont commencé tracer les grandes lignes d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ce qui a permis de fixer les grands axes de la politique énergétique de l’île sur deux périodes successives (2021-2025 et 2026-2030) afin d’y préparer la transition énergétique.

Cette PPE a été votée par la collectivité en fin d’année 2022 et n’attend plus que la validation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ce document, qui doit notamment fixer les normes thermiques applicables aux bâtiments est attendu avec impatience par les entrepreneurs et professionnel du BTP. En son absence, architectes et clients disposent d’une grande marge de liberté, par exemple en matière d’isolation thermique.

De la même manière qu’à Saint-Martin, le cyclone Irma en 2017 a occasionné d’importants dégâts sur les réseaux et les centrales. EDF a également mis en place un programme d’enfouissement des réseaux électriques s’étendant sur 41 km au total sur plusieurs années.


   quatriÈme partie : les collectivitÉs du pacifique

I.   La nouvelle CalÉdonie

Bénéficiant de produits pétroliers peu fiscalisés et d’un charbon australien abondant, la Nouvelle-Calédonie a assis son développement sur des énergies fossiles particulièrement polluantes. La prise de conscience récente de la nécessité de développer des énergies alternatives conduit le territoire à privilégier l’énergie solaire, l’éolien étant encore balbutiant.

A.   un Énergie encore globalement trÈs carbonÉe

1.   Une évolution favorable aux énergies renouvelables

En 2021, le mix énergétique néo-calédonien était composé à 95,6 % d’énergies fossiles et à 4,4 % d’énergies renouvelables. Mais l’utilisation des énergies fossiles s’inscrit malgré tout dans une tendance à la baisse, puisqu’elle recule pour la deuxième année consécutive (-10,6 % en 2021 après -9,7 % en 2020), même si les confinements liés à la crise sanitaire perturbent la lecture des statistiques. En parallèle, l’utilisation des énergies renouvelables augmente sensiblement avec une hausse de 27,5 % en 2021 après celle de 9,3 % en 2020.

La dépendance énergétique du territoire est directement liée à la présence de l’industrie – notamment métallurgique – particulièrement énergivore. Ce secteur représente en effet près de 55 % de la consommation finale d’électricité. En 2021, la consommation primaire de la Nouvelle-Calédonie s’élevait à 1,352 million de tonnes équivalent pétrole, en baisse de 9,4 % par rapport à 2020.

L’énergie primaire est celle, non transformée, mesurée après son extraction. L’énergie finale est celle réellement consommée et facturée à l’utilisateur, en tenant compte des déperditions qu’elle a subies durant sa production, son transport et sa transformation.

2.   Des carburants routiers bien moins chers qu’en Europe

En matière pétrolière, la Nouvelle-Calédonie s’approvisionne auprès de trois compagnies (Total Pacifique, Mobil IPC et la Société de services pétroliers) qui importent des hydrocarbures liquides principalement depuis des raffineries de Singapour et de Corée du Sud. La Société Le Nickel (SNL) gère par ailleurs directement ses approvisionnements en fioul lourd destinés à sa centrale électrique.

Les prix des produits pétroliers sont uniformes sur le territoire et réglementés par la DIMENC. Les prix de vente de l’essence et du gazole suivent les variations des cours mondiaux, avec un décalage lié aux délais d’acheminement. En 2021, le prix moyen de l’essence a augmenté de 8,9 % par rapport à l’année précédente pour s’établir en moyenne à 137,2 francs Pacifique le litre (1,15 euros) tandis que celui du gazole s’est accru de 7,6 % à 115,3 francs Pacifique (0,96 euros) le litre.

B.   Une électricité orientée vers la métallurgie

1.   L’organisation du secteur de l’électricité

Le système électrique de Nouvelle-Calédonie est organisé en trois ensembles :

 la production d’électricité est soumise au régime de la concurrence. Enercal, société d'économie mixte, détenue majoritairement par la collectivité de Nouvelle-Calédonie depuis 2008, est le principal producteur, mais se trouve en concurrence avec d’autres entreprises comme Total, Quadran, Alizés Énergie, Prony Énergies ou Wineo ;

 le transport de l’électricité est assuré exclusivement par Enercal ;

 la distribution est exercée par Enercal ou EEC-Engie, sous concession de service public.

2.   Une électricité aux trois-quarts carbonée

La capacité de production du système électrique néo-calédonien s’élève à 1 092 MW à fin 2021. La quasi-totalité des centrales de la Grande Terre sont reliées au réseau de transport et peuvent, en cas de besoin, fournir les industries comme les particuliers.

Les centrales thermiques représentent 809 MW soit 74 % de la puissance installée (contre 77 % en 2020), générant un fort degré de dépendance aux énergies fossiles importées. Une grande partie de leur production est réservée aux besoins des métallurgistes de la SLN qui disposent d’une capacité totale de 640 MW correspondant aux deux-tiers des capacités de production. La capacité restante utilise les énergies renouvelables.

Mais si les centrales thermiques représentent 74 % des capacités de production, les statistiques de 2021, les plus récentes, indiquent qu’elles ont produit 77,6 % de l’électricité consommée, preuve que les énergies renouvelables n’ont pas été sollicitées à leur maximum. Cela interroge s’agissant de solaire, d’éolien et d’hydraulique dont le coût marginal d’utilisation est quasiment nul.

Entre 2020 et 2021, la production totale d’électricité a reculé de 10 % et s’élevait à 2 910 GWh en 2021, ce qui correspond à un niveau proche de celui de 2015.

3.   La métallurgique représente 75 % de la consommation électrique

La consommation des industries métallurgiques et des sites miniers représente les trois quarts de la consommation finale d’électricité, le dernier quart restant étant destiné à la distribution publique (particuliers et autres entreprises).

 

  La métallurgie en Nouvelle-Calédonie

La Société Le Nickel (ou SLN) est une entreprise minière et métallurgique néo-calédonienne, détenue par la multinationale minière française Eramet et les provinces de la Nouvelle-Calédonie à travers la Société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI).

La SLN représente 2 200 emplois directs et plus de 8 000 emplois indirects et induits sur l’ensemble du territoire, contribuant ainsi à un rééquilibrage nord-sud et est-ouest sur l’île principale de la Nouvelle-Calédonie, du fait de l’éclatement des activités minières et métallurgiques de la SLN sur cinq sites différents.

Cinquième producteur mondial, la Nouvelle-Calédonie possède environ 9 % des réserves planétaires exploitables de nickel.

La consommation totale d’électricité, incluant la production autonome du secteur métallurgique, s’élève à 2 844 GWh en 2021, en baisse de 10,2 % sur l’année, qui s’explique principalement par le recul de la consommation issue de la métallurgie (-13,9 %).

C.   la transition vers le renouvelable

1.   La mise en place des outils juridiques

Le territoire s’engage dans la transition énergétique et tente de développer son recours aux énergies renouvelables pour produire son électricité. Depuis 2017, l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE) élabore des actions de la politique publique « Climat » qui repose sur deux axes :

– d’une part, le schéma pour la transition énergétique (STENC), qui définit la stratégie énergétique du pays jusqu’en 2030 afin de réduire le niveau de dépendance énergétique et de développer les énergies renouvelables. Le plan du STENC s’appuie sur trois objectifs : réduire la consommation énergétique, diminuer les émissions de gaz à effet de serre et accroître la contribution des énergies renouvelables dans le mix électrique du territoire ;

– d’autre part, le schéma d’adaptation aux changements climatiques, en cours d’élaboration.

2.   La prépondérance de l’hydraulique

L’hydroélectricité est la première source de production d’énergies renouvelables du territoire. En 2021, l’hydraulique représentait 65 % de la production décarbonée, en hausse de 39,3 % par rapport à 2020 du fait d’une pluviométrie plus importante liée à La Niña.

L’énergie éolienne est bien plus minoritaire et ne représentait que 6,3 % de la production d’énergies renouvelables en 2021. Cette production a enregistré une baisse de 15,6 % par rapport à 2020 en raison de vents moins vigoureux. Cette tendance est également renforcée par le fait que l’alizé – vent dominant en Nouvelle-Calédonie – a été présent 40 jours de moins qu’en 2020.

3.   L’éveil de l’énergie solaire

De son côté, la filière solaire est en forte croissance grâce au développement de nombreuses fermes photovoltaïques depuis 2015, date à laquelle l’énergie solaire n’était pratiquement pas utilisée sur l’archipel. Cette tendance, liée à la baisse des prix des panneaux solaires, se traduit par une hausse de la production d’énergie solaire de 24,7 % en 2021. Cette source d’énergie représente plus d’un quart de la production d’énergies renouvelables du territoire.

 


II.   Wallis et Futuna

L’archipel dépend à 97,5 % de l’énergie thermique pour sa production d’électricité même si un important potentiel photovoltaïque a été identifié. La faible disponibilité du foncier peut cependant limiter le développement de cette énergie sur le territoire.

La production et la distribution d’électricité à Wallis et Futuna s’effectue par le biais de la société Électricité et Eau de Wallis et Futuna, une filiale d’Engie, en partenariat avec l’Assemblée territoriale. La centrale thermique de Wallis est à l’origine de l’essentiel de la production d’électricité, en combinaison avec quelques installations photovoltaïques. Le volume d’énergie électrique consommé en 2021 est reparti à la hausse, d’une part en raison de la sortie de la pandémie qui avait réduit l’activité en 2020, mais aussi grâce à des conditions tarifaires favorables.

Le territoire s’est engagé dans la transition énergétique et vise 50 % d’énergie renouvelable en 2030, puis l’autonomie énergétique en 2050. Le déclin démographique pourrait faciliter l’atteinte de ces objectifs.

Le développement des énergies renouvelables pourrait toutefois être freiné par l’importance des ressources financières issues de la taxation des produits pétroliers. Un recours croissant aux énergies décarbonées aboutirait à une moindre utilisation des carburants fossiles et donc à une baisse des recettes de la collectivité territoriale.

 


III.   La polynÉsie française

Comme dans l’ensemble des outre-mer, l’énergie polynésienne est largement dominée par les énergies fossiles. Le gouvernement local, compétent en matière énergétique en vertu de l’article 74 de la Constitution, mène des efforts pour développer les sources d’énergie alternatives.

A.   Une très forte dépendance aux hydrocarbures

1.   Une hausse régulière de la consommation

En 2021, selon l’Observatoire polynésien de l’énergie (OPE), les énergies fossiles représentaient 94,2 % du mix énergétique du territoire. La Polynésie française est également très dépendante des importations, puisqu’en 2021, 93,5 % de l’énergie consommée était issue des importations. Bien que largement supérieur à celui des pays continentaux, le taux de dépendance énergétique polynésien est similaire à celui des autres régions ultramarines.

La vulnérabilité énergétique de la Polynésie est renforcée par la double insularité d’une partie de la population : l’île de Tahiti est le centre principal de consommation énergétique (77 %), de production énergétique (77 %) mais aussi d’approvisionnement en Polynésie française. Mais chacune des 117 autres îles réparties sur cinq archipels, constitue une ZNI, aucune île n’étant reliée à une autre.

Consommation d’énergie primaire en 2021

Carburéacteur : kérosène - GPL : Gaz de pétrole liquéfié - SWAC : Sea Air Water Conditioning - CES : chauffe-eaux solaires

L’évolution démographique de la Polynésie, selon les estimations de l’ISPF, suit une tendance de croissance de 0,5 % en moyenne depuis 2010. Cette croissance démographique associée à un phénomène de décohabitation des foyers tend à accroître la demande en énergie.

Destination de la consommation d’énergie primaire en 2021

En 2021, la consommation d’énergie était répartie majoritairement entre le transport (50 % dont 40 % pour le routier) et la production d’électricité (38 %).

2.   Le fioul disparaît au profit du gazole

Après une baisse de l’activité liée à la crise du Covid-19, l’année 2021 se caractérise par une reprise des importations d’hydrocarbures combinée à une augmentation des prix du gazole – à hauteur de 3,4 % – et de l’essence en hausse de 9,9 % par rapport à 2020.

Volume d’importations d’hydrocarbures (en tonnes)

Parallèlement, la structure des importations a été modifiée en 2021 : Électricité de Tahiti (EDT) a en effet décidé de remplacer le fioul lourd, utilisé pour faire fonctionner la centrale électrique de Punaruu (Tahiti), par du gazole. Ce dernier bénéficie en effet d’exonérations fiscales et émet significativement moins de soufre et de gaz à effet de serre que le fioul. Cette substitution de carburant a ainsi entraîné une chute des importations de fioul lourd de 93 % en 2021.

3.   Une compétence des communes et de la collectivité de Polynésie

La compétence de production et de distribution de l’électricité appartient aux communes ou le cas échéant à la collectivité de Polynésie, également compétente pour la réglementation relative à l’électricité.

Le territoire compte 62 réseaux électriques, organisés en 18 concessions, à ce jour toutes détenues par Électricité de Tahiti (EDT – filiale d’Engie), ou en régie communale ou affermage majoritairement dans les îles et atolls peu peuplés et une société publique locale (SPL) sur l’île de Raiatea. Ces réseaux alimentent environ 90 000 clients.

Les principales sources de production d’électricité de Tahiti

Les différents sites d’EDT implantés à Tahiti concentrent environ 75 % de la production électrique polynésienne. En majeure partie assurée par les huit générateurs de la centrale thermique de la Punaruu (Punaauia), la production est soutenue par la centrale de Vairaatoa (Papeete) ainsi que par 16 centrales hydroélectriques et deux installations solaires.

En 2021, la quantité d’énergie renouvelable produite a continué à augmenter en valeur absolue, mais a diminué en proportion pour s’établir à 28,2 % de la production. Cette chute s’explique d’une part par la reprise économique post-Covid – qui a eu pour effet l’augmentation du recours aux énergies fossiles – et d’autre part par la diminution de la production hydraulique, causée par de faibles précipitations.

Depuis décembre 2013, la production d’électricité est libre. Toute installation d’une unité de production inférieure à 100 KWh à Tahiti ou 50 KWh dans les autres îles doit simplement être déclarée au Service des énergies. Pour les installations plus importantes, une autorisation doit être délivrée après avis de la Commission de l’énergie.

Pour remplacer la péréquation interne à la société EDT entre ses différentes concessions, l’assemblée de Polynésie a adopté, fin 2020, la mise en place d’un dispositif de péréquation étendu à l’ensemble du territoire afin de stabiliser l’équilibre économique des régies et concessions en milieux isolés et de taille moyenne, qui étaient de fait déficitaires, en prélevant une taxe sur les usagers de la concession Tahiti Nord.

B.   Les transports dans la consommation d’Énergie

1.   Des transports rendus nécessaires par la géographie

À l’image d’autres zones non interconnectées, le principal secteur de consommation d’énergie finale correspond à celui des transports. Selon l’Observatoire polynésien de l’énergie, il représentait en 2021 plus des deux tiers de la consommation d’énergie finale (66 %).

Les transports routiers sont les principaux consommateurs, puisqu’ils représentent à eux seuls 52 % de la consommation d’énergie finale, et 79 % de la consommation dans le secteur des transports. Cette consommation de carburants s’élevait en 2021 à 158,5 ktep ([4]).

Les transports aériens et maritimes intérieurs (qui n’incluent pas les liaisons internationales) représentent 14 % de la consommation d’énergie finale en 2021, et 21 % de la consommation dans le secteur des transports. Ce chiffre qui peut paraître important s’explique par la géographie et par l’éparpillement des cinq archipels polynésiens sur une surface équivalente à celle de l’Europe. Par définition, le ravitaillement de la quasi-totalité des îles ne peut se faire que par voie aérienne ou maritime.

Les transports aériens intérieurs à la Polynésie représentaient en 2021, 7 % de la consommation de carburants dans les transports, chiffre qui s’inscrivait en baisse en raison de la crise sanitaire qui a fortement impacté le transport aérien mondial en 2020 et 2021. La reprise amorcée en 2022 et confirmée en 2023 devrait augmenter cette proportion.

La place des transports dans la consommation d’énergie finale

En 2021, les transports maritimes, c’est-à-dire les ferries, goélettes, plaisanciers et navires de recherche, représentent 14 % de la consommation de carburants dans le secteur des transports, soit le double de l’aérien.

La majeure partie de la consommation de carburants dans les transports maritimes relève de la consommation des ferries à destination de Moorea, et des goélettes transportant fret et passagers dans les autres archipels de la Polynésie française. En 2021, ces usagers représentaient 94 % de la consommation de carburants de ce secteur, en raison d’une baisse significative de la consommation des navires de recherche et de plaisance, selon les données fournies par la Direction générale des affaires économiques (DGAE) de Polynésie française.

La consommation de carburants dévolue aux ferries et aux goélettes est stable depuis 2011 (à l’exception des années 2020-2021 perturbées par la crise sanitaire), s’élevant en moyenne à 16,9 ktep.

2.   L’absence d’alternative rend la voiture individuelle indispensable

Les transports routiers représentaient en 2021, 79 % de la consommation de carburants du secteur des transports. Par ailleurs, ils représentaient à eux seuls 52 % de la consommation d’énergie finale de la Polynésie française. Les transports routiers sont de facto le secteur contribuant le plus à la dépendance énergétique de la collectivité.

Sont inclus dans les transports routiers les transports de passagers et de marchandises, ainsi que les transports en commun encore minoritaires et représentant seulement 3,5 % des déplacements domicile-travail à Tahiti. Cette proportion s’élève à 16 % au niveau national et à 5 % pour l’ensemble des outre-mer. Néanmoins, cette tendance pourrait s’inverser dans les années à venir suite à la mise en application du schéma directeur des transports collectifs et déplacements durables de l’île de Tahiti lancé en 2017 mais dont les effets concrets peinent à se faire sentir.

La consommation de carburants dans les transports routiers, après une tendance baissière de 2010 à 2014, augmente depuis 2015. En 2021, la consommation de carburants pour les transports routiers s’élève à 124,8 ktep, en légère baisse par rapport à 2019, mais la crise sanitaire de 2020-2021 doit nous inciter à considérer ce dernier chiffre avec prudence.

On note toutefois une baisse de la consommation de gazole, toujours dominant, au bénéfice de l’essence, le ratio passant de 61 %/39 % en 2010 à 57 %/43 % pour les années 2020 et 2021.

3.   Des prix à la pompe en constante diminution

Le prix de l’essence au litre a significativement diminué de 19 % entre 2011 et 2021 avec un prix maximal à 178 francs (1,49 euro) par litre en 2013 et 2014. Il s’est stabilisé à 130 francs (1,09 euros) le litre. Le prix du gazole a, quant à lui, connu une fluctuation entre 2011 et 2021 avant de revenir à 132 francs (1,11 euros) le litre.

Évolution des prix des carburants à Tahiti entre 2011 et 2021

Cette évolution des prix des carburants, bénéfique pour le pouvoir d’achat des Polynésiens, n’a pas été de nature à encourager la sobriété en matière de consommation d’énergie fossile. En 2021, seules 147 voitures électriques étaient immatriculées sur l’île contre 8 535 voitures à essence, 2 202 véhicules diesel et 988 voitures hybrides.

Sur la même période de douze ans, le pétrole a connu une baisse de sa valeur de 2,9 % tandis que le prix du gaz a augmenté de 8 %. Néanmoins, sur la période 2021-2023, la tendance à la baisse qu’avait le marché international a commencé à s’inverser, phénomène aggravé par la hausse du coût des transports, amplifiée par la forte reprise de l’économie mondiale qui a suivi la sortie de la pandémie de covid.

C.   L’Émergence des Énergies renouvelables

1.   Un recours encore faible aux énergies décarbonées :

En 2021, l’énergie renouvelable représentait moins de 6 % de l’énergie consommée en Polynésie française et ce, malgré les avantages indéniables de ses ressources naturelles (cours d’eau, ensoleillement, fraîcheur des eaux profondes…).

Production d’électricité renouvelable à Tahiti en 2021

CES : chauffe-eaux solaires - SWAC : Sea Air Water Conditioning.

En 2021, le mix des énergies renouvelables est resté proche de celui des années précédentes, avec une légère augmentation de la production photovoltaïque et un léger recul de l’hydroélectricité dû aux faibles précipitations du début de l’année. En dépit de cette baisse, la production hydroélectrique demeure la principale ressource alternative aux hydrocarbures. La société Marama Nui, filiale du groupe EDT-ENGIE, gère la majorité de ces installations hydroélectriques et assure près de 30 % des besoins électriques de Tahiti. Dans le cadre de la stratégie de sa maison mère, Marama Nui s’est fixée pour objectif de produire 75 % d’électricité renouvelable en 2030.

La technologie photovoltaïque, abondante et facilement exploitable, représente 21,9 % de la production d’énergie renouvelable locale. Son parc de production est composé de plus de 2 700 installations, dont la majorité est connectée aux réseaux de distribution. La plus grande partie du parc photovoltaïque se situe sur Tahiti, et le reste se trouve essentiellement dans les autres îles de la Société et aux Tuamotu-Gambier.

Un autre poste important de la consommation énergétique du territoire est la production de froid pour alimenter les systèmes de climatisation. Pour ce faire, la Polynésie a expérimenté un système vertueux, le SWAC (Sea Water Air Conditioning), qui récupère les eaux froides puisées entre 800 et 1 000 mètres sous le niveau de la mer pour faire fonctionner la climatisation de grands bâtiments. Ce système est déjà opérationnel dans des complexes hôteliers à Bora Bora et Tetiaroa, mais aussi au Centre hospitalier de Taoone depuis juillet 2022. Cette installation devrait permettre à terme de faire économiser 13 GWh par an, soit près de 2 % de la consommation d’électricité sur Tahiti. Devant le succès de cette technologie, la collectivité envisage de construire une installation similaire à Papeete pour y raccorder la climatisation des principaux bâtiments administratifs.

Enfin, la production d’énergie éolienne reste très marginale et n’excède pas 0,04 % de la production d’électricité sur l’ensemble du territoire. Cette faiblesse est liée aux caractéristiques météorologiques des différents archipels polynésiens assez peu favorables à son exploitation. En raison du relatif manque de vent, le site installé à Rurutu (Australes) en 1991 a été abandonné en 2006 et celui de Makemo (Tuamotu) a subi le même sort en 2011.

2.   Les instruments de la politique de diversification énergétique

Plusieurs programmes ont été élaborés et adoptés par le gouvernement polynésien afin de participer à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi pour réduire la dépendance du Pays aux hydrocarbures.

Le Plan de transition énergétique (PTE) pour la période 2015-2030 – faisant partie du Plan climat énergie (PCE) – a été adopté par le gouvernement local en 2013. Le PTE polynésien s’appuie sur trois axes : le premier vise à changer de modèle énergétique, afin de passer d’une production thermique centralisée à des producteurs d’énergies renouvelables diversifiés et nombreux ; le deuxième porte sur la maîtrise de la demande en énergie et le troisième a pour objectif d’augmenter la transparence des coûts et des prix grâce à un changement de modèle économique. Son objectif était d’atteindre 75 % de production renouvelable dans le mix électrique d’ici 2030, mais aussi de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 2013.

Le Plan climat de la Polynésie française (PCPF) pour 2021-2030, pour sa part, est en cours d’élaboration depuis 2021.

Enfin, la réglementation énergétique des bâtiments de Polynésie française (REBPF), adoptée en 2022, devra permettre de réglementer la conception de bâtiments neufs et doit être mise en application le 1er juillet 2023.

En parallèle de ces programmations, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d’atteindre ses objectifs de diversification de la production énergétique. Pour ce faire, il souhaite consacrer 7,4 milliards de francs Pacifique (62 millions d’euros) au Fonds de transition énergétique qui permet d’aider les projets d’investissement publics et privés susceptibles de contribuer au renforcement de l’autonomie énergétique du territoire. Ce Fonds sera notamment destiné à la construction de onze centrales hybrides.

 


   cinquième partie : la Guyane et Saint-Pierre-et-miquelon

I.   La guyane

La Guyane dispose d’un territoire vaste (84 000 km²) comparable à celui de l’Autriche, pour une population d’à peine 320 000 habitants. La densité du territoire est donc très faible avec des communes très éloignées du littoral et peu accessibles. La plupart des communes amazoniennes ne sont pas connectées, ce qui pose le problème de leur approvisionnement en énergie.

A.   Une production Électrique en cours de rÉorientation

1.   Un potentiel énergétique renouvelable non négligeable

En 2017, contrairement aux autres collectivités d’outre-mer, plus de la moitié de la production d’électricité guyanaise (55 %) est à la fois d’origine locale et renouvelable, notamment grâce à l’hydraulique (48 %) et au photovoltaïque (6 %). La Guyane dispose d’un grand potentiel en matière de ressources renouvelables pour approcher l’autonomie énergétique qu’elle ambitionne d’atteindre à l’horizon 2030, hors mobilité. Toutefois, les besoins en consommation sont souvent très éloignés des bassins de production.

Mix de production en 2017

Si l’on inclut les transports dans le calcul, en 2030 la Guyane ne sera autonome en énergie qu’à hauteur de 30 % dans la mesure où les transports en commun sont encore peu développés et où la voiture individuelle à moteur thermique est encore largement dominante.

Potentiel énergétique renouvelable de la Guyane

(en GWh)

Pour parvenir à être autonome sur le plan électrique, la Guyane pourra renforcer son utilisation de l’énergie hydraulique, encore sous-utilisée. Elle devra aussi accepter la mise en place de parcs d’éoliennes, pour l’instant inexistants. Il faudra pour cela surmonter les réticences de la population, très réservée en raison du préjudice esthétique causé par les appareils.

La part du photovoltaïque devra également augmenter, même s’il ne faut pas perdre de vue que le climat équatorial ne se caractérise pas par un fort ensoleillement, comme cela est le cas des zones arides ou désertiques, mais par de nombreuses pluies et de nombreux passages nuageux qui rendent le rendement des panneaux photovoltaïques bien plus aléatoire en Guyane qu’en zone sahélienne, par exemple.

2.   La construction d’une centrale à biomasse liquide au Larivot

Après avoir été mis en sommeil en raison de plusieurs recours judiciaires, le chantier de la centrale électrique à biomasse liquide du Larivot, a redémarré le 5 juillet 2023. L’entrée en service est désormais prévue pour fin 2026.

EDF PEI, filiale ultramarine d’EDF a rappelé qu’un oléoduc de 14 km serait construit entre le port de Degrad-des-cannes et l’usine afin de transporter la biomasse, principalement issue de cultures telles que le colza, depuis les bateaux vers la centrale. En effet, le besoin en biomasse sera de 100 000 tonnes par an ; la production locale étant insuffisante, l’électricien sera donc contraint d’importer la plus grande partie de sa matière première.

Cette installation prendra le relai de la centrale thermique de Degrad-des-cannes dont la durée de vie sera prolongée de près de trois ans, puisque ses turbines qui datent des années 80 auraient dû prendre leur retraite le 1er janvier 2024. Selon EDF, la centrale du Larivot qui sera équipée de sept moteurs pour une puissance installée totale de 120 MW permettra de diviser par trois des émissions de CO2.

Les rapporteurs se réjouissent bien sûr de la réduction des émissions de CO² permise par le remplacement d’un carburant fossile par de la biomasse. Ils relèvent toutefois que cette biomasse importée nécessitera, sur d’autres territoires, la mise en culture de grandes surfaces de champs de colza. Ils espèrent que la traçabilité mise en place par l’électricien permettra de garantir que ces champs ne contribueront pas à la déforestation que l’on constate dans certains pays, mais n’ont aucune certitude.

Enfin, ils regrettent que ce projet n’aille pas dans le sens d’une plus grande autonomie énergétique de la Guyane puisque le département restera dépendant des importations de biomasse liquide, comme il l’est actuellement des importations de fioul.

3.   Des zones non interconnectées

Le réseau électrique ne dessert actuellement que le littoral de la Guyane, où se concentre l’essentiel de la population. L’objectif consiste également à rendre autonomes les communes de l’intérieur, en leur fournissant des moyens de production d’électricité à base de panneaux solaires, d’éoliennes et de projets micro hydrauliques, destinés à desservir des populations peu nombreuses. Actuellement, les communes de l’intérieur dépendent quasi exclusivement de groupes électrogènes fonctionnant au fioul.

Selon les services de la collectivité, 15 % de la population guyanaise n’a pas accès à l’électricité.

La Guyane est, avec Saint-Martin, le seul territoire ultramarin à partager une frontière avec des pays voisins. Et comme Saint-Martin, la Guyane n’est pas connectée à ses voisins. Aucun raccordement électrique n’existe, ni avec le Suriname, ni avec le Brésil.

4.   La lutte contre le gaspillage énergétique

La collectivité de Guyane assure travailler sur la maîtrise de l’énergie et avoir dépassé ses objectifs grâce à l’aide d’EDF. L’équivalent de 30 GWh annuels ont été économisés, même si les efforts doivent être poursuivis.

Les entrepreneurs guyanais que la mission a rencontrés ont confirmé la stabilisation depuis une dizaine d’années de la consommation électrique, alors que la population augmente de 3 à 4 % l’an.

Ces économies ont permis de stabiliser la consommation (et donc la facture) malgré l’augmentation des coûts de l’électricité. En tout état de cause, si la population continue à augmenter, la consommation liée à la climatisation devrait devenir de plus en plus importante. Les véhicules électriques, s’ils se développent, contribueront également à l’augmentation de la consommation.

Les installations de production d’électricité d’EDF en Guyane

B.   Les particularitÉs Guyanaises

1.   Une organisation spécifique et des coûts élevés

Le marché de l’électricité en Guyane est segmenté : si la production d’énergie guyanaise est ouverte à la concurrence, en revanche le transport, la distribution et la commercialisation de l’électricité sont des monopoles d’EDF.

Sur le territoire guyanais, l’électricité est fournie grâce à seize installations différentes, ce qui constitue une réelle particularité sur le territoire français. Les principaux systèmes de production sont la centrale hydroélectrique de Petit-Saut, avec une puissance de 115 MW, et la centrale thermique de Dégrad des Cannes, avec 112 MW.

À l’instar des autres territoires ultramarins et de la Corse, les coûts de production d’électricité en Guyane sont supérieurs à ceux observés dans le reste du pays. En 2019, la Commission de Régulation de l’Énergie(CRE) a calculé un coût moyen de production de 312,50 euros par MWh pour la Guyane, contre 197,60 euros par MWh pour la Corse et 256 euros par MWh en moyenne pour les outre-mer.

2.   Un réseau parfois défaillant

La Guyane qui comptait 44 000 habitants en 1964 en dénombre aujourd’hui 320 000 et en prévoit environ 400 000 d’ici dix ans. Cette forte hausse, même si elle reste relativement maîtrisée à l’échelle du territoire, nécessite une croissance régulière de la production mais aussi du réseau de transport d’électricité. De toute évidence, des progrès restent à réaliser puisque deux black-out complets ont été enregistrés en deux ans sur le territoire.

Et ce sont les extrémités du réseau qui souffrent le plus du manque de puissance des lignes : en un an, Saint-Laurent-du-Maroni, la ville la plus occidentale de la Guyane, a enregistré 146 coupures (une tous les deux à trois jours) de plus de 15 minutes. Les hôpitaux et services publics sont tous dotés de groupes électrogènes, contrairement à la population pénalisée par ces ruptures.

Ce n’est jamais la production qui est en cause lors des coupures, mais l’acheminement de l’électricité. Chacun s’accorde à reconnaître la vétusté du réseau. D’ailleurs, les entrepreneurs locaux se plaignent de ne pouvoir y raccorder les panneaux solaires qu’ils posent chez les particuliers ou les ombrières installées sur les parkings des entreprises. Actuellement, le financement du réseau repose sur les collectivités, la CSPE et les porteurs de projets : l’État ne joue pas son rôle d’aménageur du territoire.

 

Préconisation : demander à l’État de participer au financement des travaux d’entretien et d’extension capacitaire du réseau électrique guyanais pour éviter les trop fréquentes coupures électriques, mieux desservir les populations et permettre le raccordement de producteurs privés.

Les autorités locales constatent que 4 % de l’électricité produite n’est pas payée, ce qui correspond, selon elles, aux branchements sauvages desservant l’habitat informel. Ce chiffre, qui ailleurs pourrait sembler significatif, témoigne en Guyane, selon les autorités, d’une hausse de la « population informelle » et donc de la consommation d’énergie « maîtrisée ».

En Guyane, seuls 62 % des potentiels bénéficiaires du chèque-énergie ont effectué les démarches pour obtenir la somme à laquelle ils avaient droit. Malgré les efforts déployés, l’administration n’a pas réussi à contacter tous les bénéficiaires. Les plus démunis sont aussi les moins informés.

C.   des contraintes À l’autonomie ÉnergÉtique

1.   Le défi de la mobilité

Comme partout, le vrai défi concerne la mobilité, encore largement dépendante des énergies fossiles. En Guyane, le développement de la voiture électrique est freiné par le faible nombre de bornes de recharges, surtout hors des agglomérations. Le parc de véhicules électriques, en Guyane, ne dépasse pas 1 %.

L’usage de véhicule hybride est donc encouragé. Leur autonomie en mode électrique excède rarement 60 km, mais les études montrent que les usagers roulent souvent moins de 60 km par jour. Mais toute une filière doit être mise en place, depuis l’installation des bornes de recharge jusqu’à l’entretien et au recyclage des batteries.

L’absence totale de pistes cyclables n’encourage pas l’usage du vélo alors que la Guyane (et Cayenne en particulier) est un territoire relativement plat où pourrait se développer l’usage ce mode de transport, à assistance électrique ou pas.

L’absence de transports en commun dignes de ce nom, et notamment de transports ferroviaires ne concourt pas à améliorer le bilan carbone de la collectivité, même si une ligne de Bus à haut niveau de service (BHNS) doit relier Saint-Laurent-du-Maroni à Cayenne via Kourou en 2024.

2.   L’attente du plan de réglementation thermique

L’absence d’adoption du plan de réglementation thermique, en Guyane, pénalise les acteurs économiques. Tous regrettent le retard pris par l’élaboration de ce document, indispensable, par exemple pour le choix des matériaux de construction.

Ce retard fait craindre que l’État impose une réglementation inspirée de celle adoptée dans une autre collectivité ultramarine, à peine retouchée et adaptée à la Guyane. Ce serait dommage car la Guyane a ses propres caractéristiques et tout doit être décidé en concertation avec les entrepreneurs, les architectes, les constructeurs. L’objectif consiste à édicter les règles de base pour permettre la construction des bâtiments les moins énergivores en Guyane.

Le savoir-faire existe, mais les élus, qui savent à quel point la mise en œuvre d’un tel plan a été difficile en Guadeloupe, ne font pas preuve d’un grand zèle et préfère jouer la prudence, voire l’attentisme.

Les entreprises du secteur de l’énergie font aussi remarquer que l’absence du schéma régional de la biomasse (SRB) et du schéma régional éolien (SRÉ) est préjudiciable à leurs activités car ces documents règlementaires sont indispensables pour guider les acteurs économiques dans leurs démarches.

 

Préconisation : les collectivités doivent adopter dans les meilleurs délais leur plan de règlementation thermique ainsi que le schéma régional de biomasse et le schéma régional éolien.

3.   La sous-exploitation du bois

Recouverte à 95 % par une forêt dense et riche de la diversité de ses arbres, la Guyane importe du bois, souvent de basse qualité. La mission a appris que la Guyane importait du bois de construction d’Indonésie ainsi que du pin des landes !

Au cours des deux dernières années notamment, la production de bois a fortement diminué en Guyane, alors qu’il était prévu qu’elle augmente. Mais la filière semble mal structurée et la formation n’est pas suffisante. Pourtant, les entreprises existent et utilisent des outils de pointe pour exploiter la forêt de manière raisonnable. L’abattage est robotisé et ce n’est plus la force musculaire qui aide les bûcherons, mais plutôt de la haute technologie.

Des problèmes d’accès aux sites, d’entretien du réseau des pistes sont évoqués pour expliquer l’échec de la filière bois. Il se dégage pourtant l’impression qu’en Guyane, abattre un arbre reste un geste qui n’est pas anodin, dans le cadre d’une forêt amazonienne qui est et doit demeurer protégée.

 

La Guyane importe beaucoup plus de bois qu’elle n’en exporte

L’industrie du bois est assez peu active malgré un fort potentiel (8,4 millions d’hectares de forêts, soit 96 % du territoire).

En 2021, 67 153 m3 de grumes (troncs encore pourvus de leur écorce) ont été exploités, soit une diminution de 21,2 % par rapport à 2020.

La balance commerciale de la filière bois est structurellement déficitaire en valeur, avec 1,1 million d’euros d’exportations contre 7,1 millions d’euros d’importations en 2021.

Entre 2018 et 2021, le secteur du bois a perdu progressivement plus d’un quart du volume de ses exportations, passant de 5 863 tonnes à 4 215 tonnes. En valeur, la tendance est similaire : 2,6 millions d’euros en 2018 contre 1,1 million d’euros en 2021. Les mauvaises conditions météorologiques expliquent en partie ces résultats. Ce paradoxe provient de l’importance des importations de mobiliers en bois, dont le coût est élevé par rapport à celui des produits non transformés exportés. Entre 2019 et 2021, la valeur des importations a progressé de 12,8 % alors que les exportations (principalement vers les Antilles françaises) ont baissé de 44,2 %.

 

 

 

La situation du centre spatial guyanais (CSG)

Avec une superficie de 650 km², équivalente à celle de Singapour ou à sept fois celle de Paris, le Centre spatial guyanais consomme 15 % de l’électricité du département. Représentant 1 700 emplois directs et 5 000 emplois indirects, doté de pas de tirs et d’usines énergivores, le CSG est le premier consommateur d’énergie de la collectivité. Sa facture d’électricité s’élève à 17 millions d’euros par an

  1.   Une consommation d’énergie peu écologique

Le Centre spatial guyanais est doté de 40 groupes électrogènes d’une puissance totale équivalente à 36 MW, pour une consommation moyenne de 15 MW, utilisée à 60 % pour la climatisation. Mais cette moyenne connaît de fortes variations : en période de lancement, la consommation électrique double.

S’il consomme habituellement l’électricité du réseau EDF, le CSG utilise systématiquement ses groupes électrogènes lors des phases de lancement, de manière à ne pas courir le risque d’être exposé à une coupure impromptue. Lors des pics de consommation, même hors période de lancement, il lui arrive aussi de « s’effacer » du réseau en mettant en route ses groupes électrogènes.

Ces groupes consomment un millier de mètres cubes de fioul par an, ce qui n’est pas très écologique : un salarié du CSG produit en moyenne 149 tonnes de CO2, contre 11 tonnes en moyenne par habitant en moyenne nationale.

Mais ces milliers de m3 de fioul consommés rendent aussi le centre spatial dépendant des importations. C’est pour cette double raison que deux projets industriels de sobriété énergétique vont être mis en œuvre dans les années à venir.

2.   Deux projets industriels d’envergure

L’objectif du Centre spatial guyanais est d’atteindre 95 % d’énergie décarbonée à l’horizon 2030, c’est-à-dire de ne plus utiliser que de manière résiduelle ses groupes électrogènes fonctionnant au fioul. Pour cela, deux projets industriels ont été mis en œuvre :

– le projet Hyguane, à échéance de 2024, consistera à produire de l’hydrogène par électrolyse et non plus par cracking, procédé jugé trop polluant. Cet hydrogène qui sera utilisé pour la propulsion des nombreux véhicules terrestres du CSG, nécessite le développement de toute une filière de techniciens formés pour l’entretien de tels véhicules. Ce projet ouvrira le centre spatial vers la collectivité guyanaise, très intéressée par l’utilisation de l’hydrogène pour certains véhicules comme les transports collectifs ;

– le projet Bifrost qui a pour objet la création d’une unité de biométhane par la valorisation des déchets, avec pour objectif de remplacer partiellement les carburants fossiles. La mise en service est prévue à l’horizon 2025.

3.   La création de centrales solaires et l’utilisation de la biomasse

Le Centre spatial a pour objectif de fermer progressivement ses 40 groupes électrogènes polluants et de ne les remplacer que par trois groupes, plus puissants mais globalement moins polluants.

Pour compenser la perte de puissance, le centre spatial construit actuellement cinq centrales solaires d’une puissance de 5 MW chacune les deux premières entreront en service dès 2024-2025, la troisième en 2026 et les deux dernières ultérieurement.

Deux centrales d’une puissance unitaire de 5 MW fonctionnant à la biomasse entreront en service de manière concomitante, la première en 2026, la seconde en 2027. L’objectif est de les faire fonctionner avec du bois 100 % guyanais, sans recourir à l’importation. L’ONF garantit un approvisionnement de 15 000 tonnes par an pendant au moins les cinq premières années tandis que le bois noyé lors de la mise en eau du barrage de Petit-Saut, récupéré par des entreprises spécialisées, pourrait être utilisé à raison de 30 000 tonnes par an pendant 30 ans.

La mise en œuvre de ces deux centrales à biomasse devrait faciliter la mise en place d’une filière bois, indispensable dans ce département recouvert à 95 % par la forêt mais qui reste importateur net de bois.

4.   Un plan d’économie d’énergie

Partant du constat que l’énergie la plus propre est celle qui n’est pas consommée, le Centre spatial réfléchit à la mise en œuvre d’un vaste plan d’économie. Comme la climatisation consomme les deux tiers de la production électrique, plusieurs mesures sont envisagées : remplacer les climatiseurs les plans anciens par des systèmes plus économes, améliorer l’isolation thermique des bâtiments les plus anciens, réduire, voire couper la climatisation pendant les nuits et les week-end.

Cette politique de décarbonation devrait réduire l’empreinte carbone du Centre spatial de 85 000 tonnes de CO2 par an, ce qui équivaut à la suppression de 240 vols aller-retour entre Paris et New York ([5]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La CÉOG : les déboires d’un projet photovoltaïque

Le projet de la Centrale électrique de l’Ouest guyanais (CÉOG) est né en 2016, à mi-chemin entre Mana et Saint-Laurent-du-Maroni, dans une région de 70 000 habitants en croissance démographique forte et qui pâtit de fréquentes coupures de courant.

Couplant énergie solaire et stockage d’hydrogène, la nouvelle usine dont le coût est estimé à 170 millions d’euros doit fournir de l’électricité à 10 000 foyers, « sans générer ni gaz à effet de serre ni particules fines » selon son promoteur.

Mais ce projet, en apparence vertueux, ne satisfait pas la communauté amérindienne kali’na implanté à proximité : il suppose, en effet, le déboisage de 75 hectares de forêt sur les 140 nécessaires au projet. Or, ces terrains constituent une zone de chasse pour les populations autochtones. Et malgré certaines avancées (réduction de 20 % de la surface des panneaux solaires, augmentation de l’indemnisation financière), les antagonismes restent profonds.

Prévue en 2024, l’entrée en service de la centrale, dont les travaux n’ont toujours pas commencé, n’aura pas lieu avant fin 2025 voire 2026, au mieux.


II.   SAINT PIERRE ET MIQUELON

1.   Une consommation déterminée par les conditions climatiques

La géographie et le climat des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon offrent un potentiel de développement de la production d’énergie éolienne. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de Saint-Pierre-et-Miquelon, adoptée en 2019 prévoit un minimum 30 % d’utilisation des énergies renouvelables, principalement éolienne, dans le bouquet énergétique d’ici à 2025.

C’est EDF qui assure à la fois la production, la distribution et la commercialisation de l’électricité. L’entreprise exploite sur chaque île une centrale thermique diesel ainsi qu’un réseau de distribution exclusivement souterrain. La saisonnalité de la consommation d’électricité est déterminante. En effet, la consommation annuelle d’électricité de l’archipel dépend de l’arrivée plus ou moins précoce ou tardive de l’hiver et donc des plus ou moins longues périodes de froid et de vent.

2.   Une importation totale des hydrocarbures

Le territoire importe la totalité de ses hydrocarbures car il ne dispose pas de capacité de raffinage. L’approvisionnement se fait par voie maritime par un importateur unique – la SWAFEPP, filiale de Total – qui assure également le stockage et la distribution.

Les importations de combustibles ont diminué de 13,3 % en 2020 puis à nouveau de 15,6 % en 2021, probablement en raison de la crise sanitaire et des différentes périodes de confinement. La consommation en hydrocarbures se destine aux groupes électrogènes des centrales électriques ainsi qu’à la consommation des véhicules, des navires et des foyers.


 

récapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

 

 

Préconisation n°1 : créer dans les outre-mer des centres de recyclage des batteries et des panneaux solaires usagés.

 

Préconisation n°2 : mettre en place une prime pour tout achat d’un moyen de transport « doux » (vélo, trottinette, etc.).

 

Préconisation n°3 : le gouvernement doit publier le plus rapidement possible le nouvel arrêté tarifaire photovoltaïque relatif aux outre-mer (dit « S23 »). Comme c’est le cas dans le reste du pays, l’obligation d’achat doit s’imposer pour les installations jusqu’à 500 KWh. Les nouveaux tarifs doivent être suffisamment attractifs pour relancer la pose de panneaux solaires dans les outre-mer.

 

Préconisation n°4 : la CRE doit mieux accompagner les projets dans les territoires, notamment ultramarins, ce qui permettra le développement de filières locales. Le coût des investissements constitue souvent un frein aux volontés locales.

 

Préconisation n°5 : les collectivités doivent s’inscrire comme acteurs du territoire pour la maîtrise de l’énergie (MDE) dans leurs territoires respectifs au travers des programmations pluriannuelles pour l’énergie (PPE) afin de bénéficier du cadre de compensation mis en place par la CRE.

 

Préconisation n°6 : chaque territoire doit pouvoir définir sa stratégie en fonction de sa réalité. L’État doit accompagner les décisions prises localement.

 

Préconisation n°7 : modifier l’article 2253-1 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes ou à leur groupement d’investir dans des sociétés commerciales exploitant des centres de stockage d’énergie.

 

 

 

Préconisation n°8 : garantir les ressources des collectivités qui s’engagent dans la transition énergétique en compensant la baisse des ressources basées sur la taxation des produits pétroliers par le versement d’une compensation financée par la CSPE, ajustée en conséquence.

 

Préconisation n°9 : relancer l’offre de transport ferroviaire dans les outre-mer et, en particulier, à La Réunion.

 

Préconisation n°10 : demander à la diplomatie française d’user de son influence auprès des instances européennes pour étendre le fonds de garantie relatif aux forages à la géothermie de nature volcanique.

 

Préconisation n°11 : étudier la possibilité d’installation d’usines hydroélectriques « au fil de l’eau » pour permettre la fabrication d’électricité avec des machines plus performantes.

 

Préconisation n°12 : renoncer à l’importation des pellets en circuits longs et privilégier l’importation en provenance des bassins régionaux (Madagascar ou l’Afrique du sud, pour La Réunion, par exemple), sans déforestation.

 

Préconisation n°13 : actualiser le schéma régional biomasse dans tous les outre-mer pour explorer les différentes ressources.

 

Préconisation n°14 : modifier la législation pour que le récipiendaire d’un permis exclusif de recherche, en matière de géothermie, perde le bénéfice de l’exclusivité s’il ne se livre à aucune recherche dans un délai raisonnable suivant la délivrance du permis.

 

Préconisation n°15 : inclure, au même titre que les départements ultramarins et la Polynésie, la collectivité de Saint-Martin dans la « stratégie nationale de développement de la filière géothermie » définie à l’article 215 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

 

 

Préconisation n°16 : approfondir les études sur la faisabilité du projet d’exploitation géothermique des « îles Leeward » et, le cas échéant, participer à cet investissement écologique international qui réduira la dépendance de Saint-Martin et Saint-Barthélemy à des énergies fossiles importées.

 

Préconisation n°17 : modifier la législation sur l’eau pour permettre aux habitants de la communauté de Saint-Barthélemy de consommer, après filtrage, l’eau de leurs citernes.

 

Préconisation n°18 : demander à l’État de participer au financement des travaux d’entretien et d’extension capacitaire du réseau électrique guyanais pour éviter les trop fréquentes coupures électriques, mieux desservir les populations et permettre le raccordement de producteurs privés.

 

Préconisation n°19 : la Collectivité territoriale de Guyane doit adopter dans les meilleurs délais son plan de règlementation thermique ainsi que le schéma régional de biomasse et le schéma régional éolien.


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Examen par la dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 19 juillet 2023, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport sur l’autonomie énergétique des outre-mer.

 

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/bBNB1A

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.


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ANNEXES

Annexe n° 1 : liste des auditions

Auditions de députés ultramarins

 

- le 24 novembre 2022, M. Jiovanny William, député de Martinique ;

- le 24 novembre 2022, M. Mansour Kamardine, député de Mayotte ;

- le 25 novembre 2022, M. Frantz Gumbs, député de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;

- le 25 novembre 2022, M. Perceval Gaillard, député de La Réunion ;

- le 25 novembre 2022, Mme Estelle Youssouffa, députée de Mayotte ;

- le 6 décembre 2022, M. Élie Califer, député de Guadeloupe ;

- le 6 décembre 2022, M. Nicolas Metzdorf, député de Nouvelle-Calédonie ;

- le 8 décembre 2022, MM. Max Mathiasin et Olivier Serva, députés de la Guadeloupe ;

- le 8 décembre 2022, Mme Nathalie Bassire, députée de La Réunion ;

- le 14 février 2023, M. Moetai Brotherson député de Polynésie, président de la Délégation aux outre-mer.

 

Auditions réalisées à Paris

 

Le 6 février 2023, Albioma :

- M. Frédéric Moyne, PDG ;

- Mme Charlotte Neuvy, responsable communication et relations institutionnelles.

 

Le 7 février 2023

- M. Laurent Guillaume, directeur du service de l’environnement de Saint-Martin

 

Le 10 juillet 2023, Électricité de France (EDF)

- M. Antoine Jourdain, directeur des systèmes énergétiques insulaires (DSEI) d’EDF.

 

Le 10 juillet 2023, Guyane nature environnement (GNE)

- Mme Garance Lecocq, coordinatrice.

 

Le 11 juillet 2023, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

- M. Pierre Fontaine, conseiller du directeur général ;

- M. Antonin Milza, conseiller énergies renouvelables et industries de la transition.

 

Le 11 juillet 2023, la Commission de régulation de l’énergie (CRE)

- M. Emmanuel Massa, directeur-adjoint ;

- Mme Ophélie Painchault, cheffe du département ZNI ;

- M. Adrien Munoz, chargé& de relations institutionnelles.

 

Le 13 juillet 2023, la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM)

- M. Hervé Mariton, président ;

- M. Samy Chemellali, chargé de mission en charge de la transition énergétique.

 

Auditions réalisées à La Réunion

 

Le 20 mars 2023, au siège du Syndicat mixte de traitement des déchets ménager du nord et de l’est de la Réunion (SYDNE) :

- M. Daniel Alamélou, président du SYDNE ;

- Mme Christine Parame, directrice générale des services du SYDNE ;

- M. Hervé Madiec, président d’Inovest ;

- M. Pascal Langeron, directeur général adjoint d’Albioma La Réunion-Mayotte ;

- David Carpaye, ingénieur projet-exploitation.

 

Le 20 mars 2023, visite de l’entreprise Inovest de traitement de déchets et de production de combustibles solides de récupération (CSR)

 

Le 21 mars 2023, rencontre avec l’Agence pour la transition écologique (ADEME) de La Réunion au Port

- M. Frédéric Guillot, directeur.

 

Le 21 mars 2023, au Conseil économique social environnemental et régional (CESER) de La Réunion :

- M. Dominique Vienne, président ;

- M. Marcel Bolon, président de la commission du développement durable ;

- M. Romuald Robert, chargé de mission ;

- M. Mathieu Poujade, chargé d’études ;

- M. Sébastien Gossard, chargé d’études ;

- M. Christophe Beyronneau, membre.

 

Le 21 mars 2023, au Conseil régional :

- Jean-Pierre Chabriat, conseiller général en charge de l’énergie ;

- M. Didier Aubry, directeur général adjoint chargé de l’énergie et du développement durable ;

- M. Mathieu Hoarau, directeur général en charge de la transition énergétique.

 

Le 21 mars 2023, au Conseil départemental :

- M. Cyrille Melchior, président ;

- M. Éric Ferrere, vice-président du conseil départemental ;

- M. Gilles Hubert, vice-président du conseil départemental

- M. Teddy Soret, directeur de cabinet du président.

 

Le 21 mars 2023, visite de la centrale d’Albioma Bois rouge à Saint-André

 

Le 21 mars 2023 au siège d’EDF :

- M. Olivier Meyrueis, directeur régional ;

- M. Frédéric Commins, chargé des relations avec les collectivités locales.

 

Le 21 mars 2023, au siège du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) :

- M. Kevin Samyn, directeur régional.

 

 

Le 21 mars 2023, à la préfecture :

- M. Jérôme Filippini, préfet ;

- M. Philippe Grammont, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion.

 

Le 22 mars 2023, au siège du Syndicat intercommunal d’électricité (SIDELEC) dela Réunion :

- M. Maurice Gironcel, président ;

- M. Yves Gigan, directeur général des services ;

- M. Yvan Déjean, directeur de cabinet du président ;

- M. Patrick Migneaux, directeur du pôle énergies nouvelles ;

- M. Mickaël Boyer, directeur du pôle électrification rurale ;

 

Le 22 mars 2023, au siège du Conseil dela culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) :

- M. Jean-François Beaulieu, vice-président ;

- M. Axel Hoarau, conseiller ;

- M. Mickaël Maillot, directeur.

 

Auditions réalisées en Martinique

 

Le 11 avril 2023, au siège de la Société Anonyme de Raffinerie des Antilles (SARA) :

- M. Olivier Cotta, directeur général de la SARA ;

- Mme Patricia Triplet et plusieurs autres collaborateurs.

 

Le 11 avril 2023, au siège de la Directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) :

- M. Jean-Michel Maurin, directeur ;

- Mme Véronique Lagrange, directrice-adjointe en charge des transports et de l’énergie ;

Mme Marie Hubert, chargée de mission Énergie-climat.

 

Le 11 avril 2023, à la collectivité territoriale de la Martinique :

M. David Zobda, conseiller exécutif en charge de l’énergie (et maire du Lamentin)

 

Le 11 avril 2023 au siège de « Contact Entreprises » :

- M. Pascal Fardin, délégué général, ainsi que plusieurs autres membres de l’association.

 

Auditions réalisées en Guadeloupe

Le 12 avril 2023, au siège d’EDF :

- M. Christophe Avognon, directeur EDF archipel Guadeloupe ;

- M. Frédéric Passif, chef-adjoint du service des systèmes électriques ;

- Mme Emma Dahomay, Déléguée Territoriale, cheffe du Service territorial innovation et communication.

 

Le 12 avril 2023, au siège de Sinergîles :

- M. Adrien Vielvoye, directeur ;

- M. Andrés Meziere, président.

 

Le 13 avril 2023, à la préfecture de Basse-Terre :

- M. Xavier Lefort, préfet de Guadeloupe ;

 

Le 13 avril 2023, à Bouillante, visite de la centrale géothermique.

 

Le 13 avril 2023

- M. Laurent Pflumio, directeur de la filiale Caraïbe d’Amarenco, responsable du syndicat des énergies renouvelables (SER) de Guadeloupe.

 

Le 13 avril 2023 au siège de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) :

- M. Philippe Edom, directeur ;

- Mme Catherine Perrais, directrice adjointe.

 

Le 13 avril 2023, au siège de la région Guadeloupe :

- Mme Sylvie Vanoukia, présidente de la commission de l’énergie ;

- M. André Bon, directeur général adjoint en charge de l’énergie ;

- M. Ludovic Osmar, chef du service énergie.

 

Auditions réalisées à Saint-Martin

 

Le 14 avril 2023

- M. Omar Morales, en charge de la coopération régionale ;

- M. Laurent Allemane, responsable EDF à Saint-Martin ;

- M. Raj Charbe, président de l’association Ensolus.

 

Le 14 avril 2023, à la collectivité de Saint-Martin

- M. Louis Mussington, président de la collectivité territoriale ;

- Mme Bernadette Davis, vice-présidente en charge de l’énergie ;

- M. Laurent Guillaume, responsable de la Direction environnement, eau et énergie à la collectivité.

 

Le 14 avril 2023, rencontre avec des entrepreneurs de l’association du BTP

- M Franck Fleming, président ;

- M Franck Viotty, vice-président ;

- M. Jocelyn Clemente, Directeur général de génie climatique SXM ;

- M. Samuel Garnier, secrétaire adjoint de l’association.

 

Auditions réalisées à Saint-Barthélemy

Le 15 avril 2023, à la collectivité de Saint-Barthélemy

- M. Xavier Lédée, président ;

- M. Maxime Desouches, vice-président en charge des questions liées à l’énergie ;

- M. Pascal Peuchot, responsable de l’innovation et de la transition numérique et énergétique à la collectivité.

 

Le 15 avril 2023, rencontre avec des entreprises impliquées dans la transition énergétique

- Rudi Laplace, représentant Lapelec ;

- M. Fabrice Links, représentant APB-Energy ;

- M. Vincent Lalanne, représentant Whattelse ;

- M. Arnaud Mangiavacca, représentant Saint-Barth Solar ;

- M. Thami Ait Ighil représentant SBDE / Helios SBH

- M. Franck Challaye, représentant Nordelektron.

 

Auditions réalisées en Guyane

 

Le 17 avril2023, à la collectivité de Guyane

- M. Gabriel Serville, président ;

- M. Jean-Paul Fereira, premier vice-président chargé du développement durable et de la transition énergétique ;

- M. Lucien Alexander, délégué à la fiscalité et à la performance budgétaire ;

- Jean-Bernard Nilam, directeur de cabinet du président ;

- M. Guillaume Bellemarre, chargé de mission énergie.

 

Le 17 avril 2023

Rencontre avec des entrepreneurs guyanais du domaine de l’énergie

 

Le 18 avril 2023, à la préfecture de Cayenne

- M. Thierry Queffelec, Préfet de Guyane ;

- M. Yvan Martin, directeur général des territoires et de la mer (DGTM)

 

Le 18 avril 2023, à l’Agence de la transition écologique (ADEME)

- Mme Ingrid Hermiteau, directrice régionale ;

 

Le 19 avril 2023 au Centre spatial guyanais (CSG)

- Mme Anne-Marie Clair, directrice du Centre spatial guyanais ;

-  M. Philippe Lier, sous-directeur opérations et moyens techniques ;

- M. Jérôme Yvanez, chef du service infrastructures.

 


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Annexe n° 2 : Contributions

  1.   Contribution de Mme Sandrine Rousseau, députée de Paris (9e circonscription)

 

Remarques sur le rapport

La Députée Sandrine Rousseau salue la qualité du travail présente dans ce rapport qui a le mérite de soulever un certain nombre d’enjeux sur la question du potentiel en termes d’autonomique énergétique et de renouvelable dans les différents territoires ultramarins. Les remarques proposent visent à enrichir les observations et débats posés dans le rapport.

Dans le deuxième paragraphe de l’introduction (p19), si les habitudes de vie et l’économie ont un rôle important dans la dépendance des territoires ultramarins aux hydrocarbures importée, cette dépendance semble surtout être la résultante de stratégies énergétiques menées par les pouvoirs publics (Etat et collectivité) qui ont globalement misé sur un modèle de production électrique basé sur de grosses infrastructures et peu diversifié et ont privilégié le développement de la voiture industrielle au détriment des transports en commun.

Le 5e paragraphe de l’introduction (p19) qui note Mériterait d’être nuancé. Si nous ne remettons pas en cause l’objectif du 100% énergie et 100% d'autonomie, il semble que cet objectif peut être une trajectoire, une potentialité, une opportunité sur les territoires ultramarins. Rappelons la formidable opportunité qu'offrent les territoires ultramarins en termes de déploiement d’énergies renouvelables. Soit des emplois de qualités, qualifiés et non délocalisables à créer. Soit aussi une opportunité de faire baisser les prix de l’énergie pour les particuliers donc un gain en pouvoir d’achat, en pouvoir de vivre.

Dans la même idée, page 24, plutôt que d’intégrer l’éventualité de ne pas arriver sur l’autonomie complète comme un préalable au déroulement d’une stratégie locale en matière d’énergie, il serait plus pertinent de faire de l’autonomie une perspective à tenter d’atteindre, un horizon mobilisateur face aux nombreux freins (économiques, politiques, culturels) à la transition vers un modèle plus vertueux. La diversité des territoires ultramarins implique évidemment de développer des stratégies propres à chacune de ces réalités locales.

Page 12, dans le dernier paragraphe du point 2), le rapport souligne à juste titre le caractère très onéreux de la transition énergétique dans les territoires notamment en termes de développement massif des énergies renouvelables qui iraient dans le sens d’une plus grande autonomie énergétique des territoires ultramarins. C’est justement tout l'enjeu qui se pose aujourd’hui. Au-delà de la volonté politique se pose aujourd’hui la question des financements qui ne peuvent évidemment pas reposer sur les seules collectivités - même si le rapport montre à juste titre que certaines collectivités pourraient davantage s’impliquer quand d’autres font preuve d’un volontarisme qui mériteraient d’être soutenu par des financements à la hauteur. Comme souligné pour la Réunion, le développement d’une production électrique des particuliers est un levier non négligeable pour nombre de territoires et encore plus au regard de la pression foncière qui s’exerce dans la majorité des territoires ultramarins.

Toujours page 12, le rapport mériterait d’être plus timoré sur le potentiel que représentent le recours aux combustibles solides de récupération (CSR) pour aller vers plus d’autonomie. Certes, les CSR offrent une alternative aux combustibles fossiles comme le fuel ou le gaz qui permettent de réduire certaines émissions de carbone et autres gaz à effet de serre. Toutefois, qui dit combustion dit émissions et aujourd’hui encore cette technologie est coûteuse et assez décriée du point de vue environnemental (normes insuffisantes, gaz sont générateurs de maladies et des fluides restants polluent durablement les sols). Toutefois la question des déchets est très importante et mérite de conduire des politiques publiques ambitieuse pour sortir du quasi tout enfouissement (67 % des déchets ménagers sont encore enfouis contre seulement 15 % à l’échelle nationale). Plusieurs leviers existent comme l’amélioration du recyclage, la réutilisation des déchets pour répondre à la problématique de l’enfouissement. De manière globale, les écologistes souscrivent à une stratégie de valorisation des déchets et le développement d’une politique ambitieuse en faveur de l’économie circulaire dans les outremers qui permet de diminuer les déchets, les émissions, la consommation de terres d’enfouissement et crée de l’emploi, de la valorisation de déchet. Par ailleurs concernant la Réunion il est fort probable que pour pouvoir être rentable l'usine d'incinération devra importer des déchets. La Réunion deviendrait la poubelle de l'océan Indien.

En tant qu’écologiste, on ne peut qu’adhérer à la remarque faite dans le rapport selon laquelle la simple conversion des véhicules « pétrole » vers le « tout électrique » est une impasse (P13, point A.). Le 100% électrique pose évidemment la question de la gestion et du recyclage des batteries usées. Grosse émettrice de gaz à effet de serre, la construction des voitures électriques consomme aussi une très grande quantité de métaux comme le Lithium, aluminium, cuivre, cobalt, terres rares dont les extractions sont polluantes et les réserves limitées. Notons pour compléter que les véhicules électriques sont nettement plus lourds et posent la question d’un entretien plus fréquent – donc plus coûteux- des infrastructures routières. Notons tout de même que la formulation du rapport sur les épaves est ambiguë puisque sur le comptage des épaves, la distinction n’est pas faite entre véhicule électrique et véhicule thermique. La question de la gestion des épaves est un fléau dont les pouvoirs publics doivent cependant se saisir, que ce soit sur la gestion des véhicules en fin de vie que sur la récupération et le recyclage des matériaux et composants des voitures. Par ailleurs - et cela aurait mérité d’être rappelé dans le rapport - il ne faut pas perdre de vue les nombreux inconvénients des véhicules thermiques que ce soit en termes de pollution de l’air notamment le long des axes routiers très fréquentés ; en termes de congestion des routes. Qui dit véhicules thermiques dit aussi dépendance au cours du pétrole et à l’importation avec toutes les conséquences que l'on connaît sur le pouvoir d’achat et cela de manière encore plus pesante pour les ménages dans la période d’inflation que nous traversons. Diminuer l’usage de la voiture individuelle vers d’autres modalités demeure l’un des enjeux principaux de la bifurcation énergétique dont nous avons besoin dans nos territoires ultramarins. Notons que nombre de territoires - notamment sur les petites îles où les distances sont courtes - ont un enjeu à améliorer leur installation (bornes électriques) en faveur de véhicules terrestres (voitures, bus, camions) électriques.

 Le rapport souligne à juste titre les marges de manœuvres énormes en matière de développement des transports collectifs : la part des transports en commun dans les trajets domicile-travail n’est que de 5 % dans les outre-mer, un chiffre bien trop faible comparativement à la moyenne nationale qui s’établit à 16 %. Le rapport rappelle les nombreux projets qui vont améliorer la situation comme par exemple le prolongement du tram-train et le périphérique à la Réunion, l’arrivée enfin d’un réseau de ligne de bus à Mayotte qui était le seul département français privé de transport en commun terrestre. Il est indispensable de développer ce genre de projet sur l’ensemble des territoires et d’étudier l’opportunité de développer de véritables stratégies ferroviaires sur le transport de fret et de passagers selon les territoires. Le rapport rappelle à juste titre qu’au siècle dernier les collectivités de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie disposaient de voies de chemin de fer toutes fermées aujourd’hui. Nous appuyons la nécessité d’étudier l’opportunité en termes de déplacement de redéployer des réseaux ferroviaires (train, tram-train) dans certains territoires ultramarins.

Le rapport souligne l’importance d’encourager les modes de transports alternatifs en évoquant le covoiturage et d’autres modes de transports. Le paragraphe mérite d’être complété. Nous préférons qualifier d’« actifs » plutôt que « doux » ces modes de transports alternatifs que sont par exemple le vélo ou la marche à pied parce qu’ils représentent aussi une opportunité de développement d’activité physique salutaire pour la santé. Développer l’usage du vélo dans l’ensemble des territoires d’outre-mer appelle la mise en place de véritables stratégies cyclables localement. Que ce soit par l’installation de pistes cyclables sécurisées, mais aussi la création d’espaces de stationnement sécurisés, d’arceaux vélo et l’adoption de mesures de soutien à un écosystème vélo (espaces de réparation, de formation à l’usage du vélo etc)… Non évoqué dans le rapport la question des services d’autopartage - avec ces voitures en libre services - qui peuvent être louées quelques heures pour un usage particulier offre aussi une autre alternative à la voiture individuelle à développer. L’ADEME montre par exemple qu'une voiture partagée en boucle remplace 10 voitures individuelles et permet ainsi d'économiser neuf places de stationnement. Cette alternative mériterait d’être expérimentée dans les outre-mer.

P23, nous partageons l’urgence partagée par le rapport sur la nécessité de publication par le gouvernement du nouvel arrêté tarifaire photovoltaïque relatif aux outre-mer (dit « S23 »). Cet arrêté doit être publié au plus vite et mettre fin au caractère discriminatoire des tarifs de rachat de l’électricité solaires produites par les particuliers dans les territoires ultramarins et qui sont beaucoup moins attractifs que dans l’hexagone. Fixer des prix suffisamment attractifs et étendre l’obligation d’achat d'électricité aux installations jusqu’à 500 KW/h sont des premières pistes d’action à largement soutenir. Dans la même idée, nous pourrions préconiser, pour encourager les collectivités locales à produire l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable (panneaux photovoltaïques sur les équipements publics par exemple), de leur permettre de vendre cette énergie sans être assujetties aux impôts commerciaux.

La montée en puissance du photovoltaïque - notamment chez les particuliers- est un enjeu crucial pour nombre de territoires ultramarins comme à Mayotte (où le taux annuel d’ensoleillement de près de 365 jours), à Saint-Martin et Saint-Barthélemy où les possibilités de développer d’autres énergies renouvelables sont limitées, en Guyane et en Polynésie du fait de l’éparpillement géographique et du nos raccordements aux réseaux. Le rapport pourrait donc davantage appuyer la possibilité de transposer des solutions qui ont fonctionné dans certains territoires à d’autres territoires. A la Réunion par exemple, l’installation de 20 000 panneaux photovoltaïques à l’aéroport de Pierrefonds vertueux sur le plan énergétique (avec d'immenses accumulateurs qui stockeront l'énergie) et qui se distingue dans son montage par la participation citoyenne au projet et par la prise en considération de la biodiversité mériterait d’être considéré comme un projet-pilote pour inspirer dans d’autres aéroports ultramarins. Avec ses aides départementales et le dispositif « Un toit solaire pour chaque réunionnais » qui doit encore être concrétisé sur l’île, la Réunion dispose par ailleurs de plusieurs mesures de soutien que le rapport pourrait préconiser pour les autres territoires ultramarins afin d’aider les particuliers. De manière plus globale, nous proposons comme nouvelle préconisation pour le rapport de faire davantage la publicité des différentes aides et dispositifs à disposition des particuliers pour développer le photovoltaïque dont le coût de l’installation reste un frein majeur à la montée en puissance de l’énergie solaire. Le rapport a, par ailleurs, montré avec l’exemple de la Guadeloupe que le dynamisme autour du solaire dans un territoire ultramarin dépendait en partie de la présence d’un tissu entrepreneurial dynamique sur le renouvelable et d’une offre de formation spécialisée sur ces énergies (école d’ingénieur, spécialités en BTS..). C’est un modèle à préconiser pour les autres territoires. Pour finir, il est essentiel de rappeler que le développement du photovoltaïque sur les exploitations agricoles (en Guadeloupe par exemple) doit être circonscrit et ne pas détourner l’utilisation principale des terres agricoles qui vise à produire de la nourriture. De nombreuses autres opportunités d’installation existent (sur les toits et sur le bâti, sur les parkings) et permettent de ne pas freiner un développement actif du solaire dans nos territoires. Les écologistes avaient proposé nombre d’amendements allant dans ce sens des débats sur la loi LOI n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

La géothermie représente un potentiel énorme de développement d’énergie locale et peu carbonée à la Réunion, en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin. Étendre le fonds de garantie relatifs aux forages à la géothermie de nature volcanique (comme préconisé page 33) est un levier important pour permettre à ces projets coûteux de se développer. Pour compléter la préconisation du rapport, il semble important de porter une attention particulière à ce que l’impact sur la ressource en eau (consommation, température de rejet) soit limitée pour développer de tels projets. La préservation des écosystèmes et de la biodiversité, riches et fragiles dans nombre de ces îles reste fondamentale.

Sur l’éolien, le rapport remonte à juste titre la réticence des populations locales à de telles installations. Il ne s’agit pas ici de l’ignorer mais l’écueil serait d’en faire un frein indépassable au développement de cette énergie locale et vertueuse. Cette énergie aurait mérité d’être moins écartée par le rapport. La question de l’insertion paysagère ou encore le respect des zones naturelles protégées doivent guider l’installation des éoliennes. Le dialogue par l’élaboration des projets en concertation et co-construction active des populations locales doit permettre de rendre les projets d’implantation plus acceptables. Le développement de l’éolien à l’échelle des particuliers avec des solutions innovantes comme les éoliennes verticales individuelles aurait pu être abordé par le rapport comme une piste possible de production locale d’électricité.

Les réserves apportées par la mission d’information sur la montée en puissance de la production d’énergie à partir de biomasse sont fondées. Ces projets de facilité, vendus comme écologiquement « responsables » posent en réalité de nombreuses questions. Nombre de territoires en font des piliers de la production d’énergie « locale » ce qui donne lieu à des projets surdimensionnés par rapport à l’apport local en termes de biomasse et nécessitera le recours à des importations massives. Le projet de Centrale du Larivot est un exemple parlant de l’impasse de ces projets en termes d’autonomie énergétique et d’émission de gaz à effet de serre. Surdimensionné et très mal situé (zone marécageuse et de mangroves, soumise à des risques d’inondation et de submersion marine qui nécessite la construction d’un oléoduc de 14km), la future centrale va nécessiter l’importation de grandes quantités d'agrogazole venus par bateaux de l’autre bout de la planète donc au prix d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Ce projet ne tire pas parti des ressources de la Guyane mais importe des carburants qui polluent. A la Réunion, la conversion de la centrale EDF PEÏ du Port du fioul au biogaz impliquera d’importante importation de biomasse liquide qui viendra d’Europe ou d’Australie. D’autres voies sur la biomasse auraient mérité d’être prises, sur des infrastructures de plus petite échelle, d’appoint qui se seraient uniquement appuyées sur des productions locales.

La situation énergétique de la Martinique remontée page 47 interpelle particulièrement. Si comme nombre de territoires ultramarins, la dépendance aux hydrocarbures est très forte, la Martinique se distingue par l’insuffisance de l’engagement à moyen-terme des politiques publiques en faveur des énergies renouvelables. Face à la réticence des responsables politiques inquiet quant aux conséquences sur l’emploi et sur le tissu industriel qu’aurait une baisse de l’exploitation des énergies fossiles sur l’île, le rapport aurait pu revenir sur : 1) les conséquences négatives sur la santé, sur l’environnement, sur la congestion routière, sur le partage de l’espace public, d’une énergie dépendante du fossiles 2) les potentiels en terme d’innovation, de création d’emplois, d’amélioration de la santé environnementale que provoquerait une transition énergétique vers plus de renouvelable et plus de sobriété.

C’est un fait indéniable : pour parvenir à être autonome sur le plan électrique, la Guyane doit renforcer son utilisation de l’énergie hydraulique. Il est souhaitable que le rapport soit plus précis sur le modèle de production hydraulique (échelle des installations) qui soit mise en place. Il nous semble incontournable que soient privilégiées des petites infrastructures de proximité qui alimentent localement et répondent aux enjeux de préservation et protection de la biodiversité et des écosystèmes (installations pour maintenir les continuités écologiques, système de décharge pour permettre l’évacuation des sédiments accumulés, turbines ichtyocompatibles qui ne blessent plus les poissons s’ils s’aventurent dans la turbine...). La Guyane historiquement a été marquée par des politiques de déploiement de l’hydraulique pas toujours vertueuse du point de vue environnemental avec un certain nombre d'externalités très négatives suite à l’installation du barrage de Petit-Saut.

Nous saluons le regard critique de la mission d’information sur le projet CEOG (centrale électrique de l’ouest guyanais, page 89) dont la construction pose un certain nombre de soucis à la communauté amérindienne Kali'Na implantée à proximité. Une meilleure association de cette population dans l’élaboration du projet et dans l’élaboration de solutions de compensation aurait permis de déboucher sur un projet plus respectueux de cette communauté. La situation est aujourd’hui localement explosive. Une remise totale à plat du projet serait un premier signe d’apaisement pour sortir du blocage.

              Le développement de systèmes de climatisation marine offre de belles perspectives pour des territoires particulièrement marqués par la chaleur et dépendant d’une activité touristique importante. Il faudra toutefois être particulièrement attentifs aux conséquences en termes d'altération de température de l’eau de tels dispositifs. Les conséquences du réchauffement des océans sont déjà importantes sur la biodiversité et sur des milieux qui font la fierté de nos territoires ultramarins. Leur préservation doit être une priorité.

              Pour conclure de manière globale le rapport souligne la potentialité de développement des énergies renouvelables et produite localement dans les territoires d’outre-mer et nous ne pouvons qu'appuyer cette observation. Nous partageons la nécessité de penser un développement équilibré de ces énergies en favorisant un mix énergétique diversifié. Un travail sur la question de la sobriété énergétique est incontournable pour aller vers l’autonomie énergétique et mériterait de faire l’objet d’un rapport complémentaire.


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  1.   Contribution du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires


([1])  CSR : combustible solide de récupération. C’est un type de combustible principalement préparé à partir de déchets ménagers combustibles pour être brûlés dans des chaudières ou des fours adaptés ou en usines d'incinération.

([2])  INSEE 2011. Aucun chiffre plus récent n’a été trouvé pour les outre-mer.

([3])  INSEE 2021.

([4])  Kilotonne équivalent pétrole, soit 1 000 tonnes équivalent pétrole (tep). C’est l’énergie produite en moyenne par la combustion de 1 000 tonnes de pétrole, ce qui représente 11 600 000 KWh.

([5])  Un avion consomme en moyenne une tonne de CO2 par passager pour un aller-retour entre ces deux villes. 85 000 tonnes de CO2 équivalent donc à la consommation de 240 avions effectuant un aller puis un retour avec à leur bord une moyenne de 350 passagers, soit 168 000 trajets.