N° 1683

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2023

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

sur le projet de loi pour le plein emploi,

 

PAR

M. Didier LE GAC,

Député

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 710, 801, 802 et T.A. 158 (2022‑2023).

Assemblée nationale : 1528, 1673.

 


 

 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

I. Le projet de loi intègre les collectivités territoriales dans un dispositif global d’activation des aides à l’emploi et positionne le bloc communal au cœur de la politique d’accueil du jeune enfant

II. L’article 4 du projet de loi : la consécration au travers du réseau France Travail du rôle des collectivités territoriales dans la politique de l’emploi

A. La nécessaire rationalisation des politiques de l’emploi autour d’une organisation commune rassemblant acteurs nationaux et territoriaux

1. La montée en puissance des collectivités territoriales au sein du service public de l’emploi

2. La préfiguration d’un réseau France Travail au service d’une meilleure lisibilité et efficacité de la politique de l’emploi

B. La consécration législative du réseau France travail piloté, aux côtés de l’État, par les collectivités

1. Les dispositions inscrites dans le projet de loi

2. Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

3. Les propositions du rapporteur

III. L’article 10 du projet de loi : l’affirmation d’un service public de la petite enfance porté par les communes et les intercommunalités

A. Des besoins toujours plus diversifiés face à une offre insuffisante et peu structurée

1. Une offre d’accueil du jeune enfant insuffisante et inégalement répartie sur le territoire

2. Une gouvernance peu lisible qui fait intervenir un nombre d’intervenants importants

a. L’État détermine la réglementation applicable, en lien avec la Caisse nationale d’allocations familiales

b. Le département joue un rôle d’évaluation, de coordination, d’autorisation et de contrôle des conditions d’accueil au niveau local

c. Les communes et leurs groupements sont en première ligne pour la mise en œuvre de l’accueil du jeune enfant au plus près des familles

B. Une redynamisation de la politique d’accueil du jeune enfant qui s’appuie sur le bloc communal

1. Les dispositions inscrites dans le projet de loi

a. La politique d’accueil du jeune enfant s’inscrit dans une stratégie nationale élaborée par le ministre chargé de la famille

b. Les communes se voient confier l’organisation de l’accueil du jeune enfant

c. Un contrôle des autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant exercé par le comité départemental des services aux familles et par le préfet

d. Régulation de l’offre d’accueil du jeune enfant selon les besoins des territoires

e. Dispositions diverses

f. Compensation financière et entrée en vigueur

2. Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

3. Les propositions du rapporteur

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


  1  

   INTRODUCTION

Le 10 octobre 2022, lors de son intervention de Château-Gontier, le président de la République a réaffirmé sa volonté décentralisatrice, considérant qu’il était nécessaire de « confier des fonctions [nouvelles] aux collectivités territoriales dans un partenariat pragmatique » avec l’État local. Quel que soit le domaine de politique publique, il s’agit de concrétiser cette citation bien connue qui prend son origine dans l’exposé des motifs du décret du 25 mars 1852 renforçant les pouvoirs du préfet, selon laquelle, si « l’on peut gouverner de loin, on n’administre bien que de près ».

La politique de l’emploi fait naturellement partie de ces domaines de l’action publique où, en dépit des résultats importants obtenus par le Gouvernement depuis 2017, des efforts supplémentaires doivent encore être accomplis. Dans la dernière enquête de l’IFOP consacrée aux priorités des Français, la lutte contre le chômage est encore citée par 51 % des personnes interrogées, entre la lutte contre l’immigration clandestine (49 %) et celle contre le dérèglement climatique (56 %).

Malgré son dynamisme actuel, le marché de l’emploi se caractérise encore par des carences dans l’accompagnement des populations les plus fragiles, qu’il s’agisse des personnes handicapées, des jeunes en difficulté d’insertion ou tout simplement des chômeurs en reconversion professionnelle. L’ajustement des dispositifs d’aide au plus près des besoins des populations concernées nécessite une connaissance fine des bassins d’emplois qui, par nature, sont ancrés dans les territoires.

Les collectivités sont donc pleinement légitimes à intervenir en matière d’emploi et c’est ce qu’elles font déjà, en réalité, depuis de nombreuses années. Il manquait probablement la reconnaissance de ces interventions et leur intégration dans un cadre de coopération organisé avec les services de l’État. C’est ce que fait précisément le projet de loi pour le plein emploi soumis actuellement au vote du Parlement.

En se saisissant pour avis de l’examen des articles 4 et 10 du texte, consacrés respectivement à l’organisation du réseau France Travail et au positionnement des communes comme autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a souhaité s’assurer que, derrière le souci légitime de structuration exprimé par le Gouvernement, il n’y avait pas de tendance à la « recentralisation » comme le redoutaient les associations d’élus locaux lors de la réunion du conseil national d’évaluation des normes (CNEN) du 25 mai dernier.

Votre rapporteur, qui a auditionné à cette fin l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF) ainsi qu’Intercommunalités de France, a veillé à ce que les dispositifs mis en place associent proximité et efficacité.

Très concrètement, dans la rédaction initiale du texte, on pouvait regretter quelques points de déséquilibre entre l’État et les collectivités territoriales, et des espaces de dialogue et de concertation un peu lacunaires entre les acteurs de ces politiques. À titre d’exemple, le texte initial prévoyait que la co-présidence des comités locaux France Travail serait conditionnée à la signature d’une « charte d’engagements » ; de même, le préfet pouvait substituer la caisse d’allocations familiales (CAF) à toute commune défaillante dans l’élaboration de son schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant.

Les modifications apportées par le Sénat en première lecture n’ont pas paru pour autant opportunes, dans la mesure où elles se contentaient de supprimer les mécanismes de régulation, tels que la carte d’engagement ou le pouvoir de substitution du préfet. Sans la mise en place d’un cadre de coordination entre les acteurs, l’ambition initiale du texte restait donc lettre morte.

Les travaux menés en commission des affaires sociales ont permis d’aboutir à un nouvel équilibre, cette fois beaucoup plus satisfaisant. En permettant, par exemple, aux élus du bloc communal d’être systématiquement représentés dans les comités territoriaux France Travail sans pour autant leur confier le pouvoir de désigner les co‑présidents des comités locaux, la nouvelle version du texte permet au réseau France Travail de mieux s’ajuster aux réalités des bassins d’emploi.

S’agissant plus spécifiquement de l’article 10, on peut également se féliciter de son entrée en vigueur dès 2025, au lieu de septembre 2026, ce qui permettra de ne pas charger inutilement les équipes qui se mettront en place à l’issue des prochaines élections municipales.

* * *

Compte tenu de ces différents éléments, votre rapporteur envisage de soutenir le texte issu de la commission des affaires sociales et veillera à ce que les débats en séance publique n’aboutissent pas à remettre en cause la place des collectivités territoriales dans les dispositifs de gouvernance.

 

 


  1  

I.   Le projet de loi intègre les collectivités territoriales dans un dispositif global d’activation des aides à l’emploi et positionne le bloc communal au cœur de la politique d’accueil du jeune enfant

Le dépôt au Sénat, le 7 juin dernier, du projet de loi pour le plein emploi intervient alors même que la situation française du marché du travail reste éminemment paradoxale.

Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) est ainsi descendu à 7,1 % de la population active en mars 2023, ce qui est un niveau proche de la performance du mois de mars 2008 (7,2 %) et n’avait pas été observé depuis le deuxième trimestre 1982 (7,1 %) ([1]). Pour autant, il s’agit là d’un taux qui reste supérieur à la moyenne de l’Union européenne (5,9 % au 30 juin 2023 ([2])) et les entreprises françaises sont parallèlement de plus en plus confrontées à d’importants besoins de recrutements : le nombre d’emplois vacants dans les entreprises de plus de dix salariés s’est ainsi accru de près de 80 % entre la fin de l’année 2019 (210 223) et la fin de l’année 2022 (373 254) ([3]).

Pour atteindre le plein emploi, il est apparu nécessaire d’aller plus loin en faisant progresser l’accompagnement proposé aux demandeurs d’emploi les plus éloignés et en améliorant la réponse aux besoins des entreprises. En ce sens, « l’activation » du revenu de solidarité active (RSA), c’est‑à-dire la mise à profit du dispositif d’aide pour orienter les bénéficiaires vers un emploi plus durable, est au cœur des préoccupations du projet de loi. Sur ce point, les marges de progression sont loin d’être négligeables, dans la mesure où, même aujourd’hui, moins de 50 % des allocataires bénéficient d’un suivi par Pôle Emploi ([4]).

Dans le prolongement des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) du 8 septembre 2022, le ministre chargé du travail, du plein emploi et de l’insertion a confié à M. Thibault Guilluy, Haut-Commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises une mission de concertation et de préfiguration visant à concrétiser l’engagement du président de la République de « mettre en commun les compétences » des acteurs de la politique d’insertion sociale et professionnelle des demandeurs d’emploi sous l’égide de Pôle Emploi, renommé « France Travail » ([5]).

Le rapport de synthèse ([6]), remis le 14 avril dernier au ministre, inspire très largement le projet de loi.

Neuf des onze articles du texte visent précisément à « activer » les dispositifs d’aide. Parmi les mesures les plus emblématiques figurent la systématisation de l’inscription à « France Travail » de tout demandeur d’emploi, y compris si celui-ci bénéficie du RSA, et la signature d’un contrat d’engagement unifié par lequel l’intéressé s’engage à suivre un parcours personnalisé de retour progressif, ou d’accès, à l’emploi.

Article

Objet

1

Inscription généralisée, en qualité de demandeurs d'emploi, auprès de l'opérateur France Travail, de toute personne en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'insertion.

2

Mise en place d’un nouveau contrat d’engagement pour tous les demandeurs d'emploi inscrits auprès de l'opérateur France Travail, y compris les jeunes suivis par les missions locales et les allocataires du RSA.

3

Définition d’un régime de sanctions plus progressif pour les bénéficiaires du RSA en cas de manquement au contrat d’engagement.

4

Regroupement de l’ensemble des acteurs dans un « réseau France Travail ».

5

Transformation de Pôle Emploi en « opérateur France Travail ».

6

Création d’une catégorie « d'organisme spécialisé dans le repérage et l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi ».

7

Aménagement des modalités d’intervention de l'État en matière de financement de la formation professionnelle en faveur des demandeurs d'emploi.

8 et 9

Simplification de l’accompagnement des personnes en situation de handicap et fluidification de leur parcours vers l’emploi.

Bien évidemment, au-delà de la relation entre le demandeur d’emploi et son accompagnateur, c’est la gouvernance du système qui doit contribuer à la pleine efficacité du dispositif « d’activation ». À cette fin, l’article 4 fait émerger un dispositif intégré, dénommé « réseau France Travail », au sein duquel les collectivités territoriales jouent, aux côtés de l’État, un rôle essentiel de pilotage et de coordination des acteurs, publics et privés, en prise directe avec les demandeurs d’emploi.

Tel qu’il a été conçu, ce « réseau France travail » marque à la fois la volonté de mieux coordonner l’action des pouvoirs publics tout en consacrant officiellement la légitimité des collectivités territoriales à intervenir dans la politique de l’emploi, y compris au niveau national.

En ce sens, il est naturel que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale ait décidé de se saisir pour avis de cet article 4.

À travers l’article 10 du projet de loi, le Gouvernement vise à promouvoir un véritable service public de la petite enfance, traduisant un engagement de campagne du président de la République : garantir l’accueil de chaque jeune enfant. Aboutissement des travaux du Conseil national de la refondation, cet article propose une nouvelle organisation de la politique de l’accueil du jeune enfant qui soit plus favorable à l’augmentation du nombre de places d’accueil et à l’amélioration de la qualité de l’offre. Il s’agit de concrétiser l’annonce faite par la Première ministre le 1er juin 2023 à Angers de la création de 100 000 places de crèches supplémentaires d’ici 2027 avec un objectif de 200 000 places supplémentaires à l’horizon 2030.

La présence de dispositions relatives à la gouvernance de la politique de l’accueil du jeune enfant dans un texte relatif à l’emploi peut surprendre. On relèvera cependant que les modes d'accueil et de garde des jeunes enfants de moins de trois ans constituent un véritable enjeu social à la croisée de différentes problématiques : celles de la socialisation des enfants dès le plus jeune âge, des inégalités territoriales de l'offre d'accueil pour les jeunes enfants, des inégalités sociales d’accès à ces modes d’accueil, mais aussi bien évidemment celles de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle des parents. L’accès pour chaque famille au mode de garde qui lui convient le mieux est primordial afin de permettre aux parents, en particulier à la mère de l’enfant, de rester dans l’emploi.

Le projet de loi fait des communes les « autorités organisatrices » de l’accueil de la petite enfance en leur confiant des compétences, obligatoires ou non en fonction de leur taille, pouvant éventuellement être transférées à l’échelon intercommunal. Dans les faits, près de 70 % des places ouvertes à l’accueil du jeune enfant sont d’ores et déjà portées par les communes, que ce soit en délégation de service public, en direct ou via une société publique locale (SPL), ce qui fait naturellement des communes l’acteur privilégié et l’échelon pertinent pour la gestion de ce service public.

Ces compétences sont articulées avec une stratégie nationale, arrêtée par le ministre chargé de la famille, qui définit des priorités et les objectifs pluriannuels en matière d’accueil du jeune enfant, et au niveau local, avec les actions conduites par la caisse d’allocation familiale (CAF) et par les comités départementaux des services aux familles.

Compte tenu du rôle essentiel attribué aux collectivités locales dans la mise en œuvre du nouveau service public de la petite enfance, il est apparu logique que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation se saisisse également de ces dispositions.

 


  1  

II.   L’article 4 du projet de loi : la consécration au travers du réseau France Travail du rôle des collectivités territoriales dans la politique de l’emploi

A.   La nécessaire rationalisation des politiques de l’emploi autour d’une organisation commune rassemblant acteurs nationaux et territoriaux

1.   La montée en puissance des collectivités territoriales au sein du service public de l’emploi

Dans son rapport de synthèse précité, la mission de préfiguration de « France Travail » souligne que le « champ de l’emploi » mobilise « de nombreuses politiques publiques connexes, obligeant à une nécessaire coordination continue, à tous les échelons, d’acteurs aux référentiels et pratiques très variés » ([7]). Or, bien que la politique de l’emploi reste fondamentalement une politique nationale, les collectivités territoriales ont été amenées à intervenir au travers de multiples dispositifs qui, aujourd’hui, en font des acteurs à part entière.

On peut rappeler, tout d’abord, que ces interventions dérivent en partie des transferts de compétences opérés en matière d’insertion sociale et de formation. Ainsi, depuis la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, les régions sont explicitement chargées de la « politique d'accès […] à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle » ([8]). En 2021, 318 152 demandeurs d’emploi sont ainsi rentrés dans un dispositif de formation professionnelle financé par une région, pour une dépense totale de 3,19 milliards d’euros ([9]). Quant aux départements, leur rôle en matière d’action sociale ([10]) les positionne au cœur d’une approche intégrée de la politique de l’emploi liant insertion sociale et professionnelle.

Par ailleurs, les collectivités territoriales, bloc communal compris, ont été amenées par l’État à participer à ses côtés au financement et à la gestion de dispositifs spécifiques d’aide à l’emploi des populations les plus en difficulté.

Dès l’année 1982, la volonté du Gouvernement d’offrir aux jeunes un soutien particulier a abouti à la mise en place de « missions locales » dont le rôle consiste à « informer les jeunes sur les possibilités d'entrée en formation et de proposer à leur choix un processus d'insertion sociale de qualification professionnelle » et auxquelles « concourent » les collectivités territoriales aux côtés de l’État ([11]). Aujourd’hui régies par les articles L. 5314-1 et L. 5314-2 du code du travail, les missions locales, au nombre de 436, accompagnent chaque année plus d’un million de jeunes de seize à vingt-cinq ans ([12]). Leur financement, qui reste principalement national, est assuré à hauteur de 35 % environ par les collectivités (essentiellement les communes et les régions([13]).

Dans une logique similaire, la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions instaure en son article 16 un dispositif destiné aux personnes en grande difficulté sous la forme de « plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi » (PLIE) consistant à offrir des « parcours individualisés permettant d'associer accueil, accompagnement social, orientation, formation, insertion et suivi ». La mise en place des PLIE relève de la compétence des communes et de leurs groupements, étant précisé que les autres collectivités territoriales, les entreprises et les organismes intervenant dans le secteur de l'insertion et de l'emploi peuvent s’y associer ([14]). On recensait 147 PLIE en mai 2021, dont 21 pour la seule région Île-de-France ([15]).

Plus globalement, la place des collectivités locales dans la mise en œuvre du service public de l’emploi a été explicitement consacré par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale en son article premier ([16]). Ainsi, en l’absence de bureau de Pôle Emploi ou d’organisme partenaire sur un territoire communal, le maire est invité à collecter les déclarations des demandeurs d’emploi et à les transmettre à cette entité ou à ces organismes. Les communes peuvent également réaliser des opérations de placement au bénéfice de leurs administrés sur le fondement d’une convention signée avec l’État et Pôle Emploi ([17]).

La loi de programmation pour la cohésion sociale offre également la possibilité aux collectivités qui le souhaitent de coordonner sur un bassin d’emploi donné, sous la forme d’une « maison de l’emploi », l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre en faveur de l’emploi, de la formation, de l’insertion et du développement économique ([18]). L’association Alliance Villes Emploi (cf. supra) recensait 77 maisons de l’emploi en avril 2022, créées quasi‑exclusivement par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des communes et, à titre résiduel, par des départements.

2.   La préfiguration d’un réseau France Travail au service d’une meilleure lisibilité et efficacité de la politique de l’emploi

Lorsque la mission de préfiguration de « France Travail » évoque dans son rapport les « difficultés » inhérentes à la multiplicité des acteurs et le « manque de lisibilité des services », elle ne fait que confirmer des constats effectués depuis de nombreuses années dans ce domaine. Dès 2012, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat indiquait dans un rapport consacré à la politique publique de l’emploi que ce secteur était probablement « l’un de ceux où le mille-feuille territorial se [manifeste] dans toute sa splendeur ([19]) ».

Le rapport de synthèse précité effectue donc plusieurs préconisations visant à consolider et clarifier le rôle de chaque acteur au sein d’un « écosystème » plus lisible pour les usagers et les acteurs. Dans sa recommandation n° 86 ([20]), il appelle à la constitution d’un « réseau France Travail » structuré autour :

– d’une « gouvernance stratégique, politique et financière » associant, au niveau national, l’État et les représentants des collectivités territoriales ;

– de trois opérateurs expressément désignés : Pôle Emploi, les missions locales et, s’agissant des personnes handicapées, des organismes de placement Cap Emploi.

L’insertion professionnelle des personnes handicapées : Cap Emploi

Consacrés par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en son article 26, les « Cap Emploi » sont des organismes de placement spécialisés (OPS), le plus souvent constitués sous une forme associative et cofinancés par l’Association de gestion du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) et le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

Régis actuellement par l’article L. 5214-3-1 du code du travail, ces OPS conseillent et accompagnent les personnes handicapées en vue de leur insertion durable dans le monde du travail. Ils sont actuellement au nombre de 1 161, répartis sur l’ensemble du territoire national et, de plus en plus souvent, installés au sein des locaux de Pôle Emploi (lieu unique d’accueil - LUA).

La mission de préfiguration (recommandation n° 88 ([21])) suggère de remplacer les actuelles structures de pilotage mises en place, pour l’essentiel, au niveau local de manière informelle par des comités France Travail à quatre niveaux : national, régional, départemental et « local », ce dernier échelon ayant vocation à être organisé au plus près des bassins d’emploi.

S’agissant plus spécialement de l’échelon régional, le rapport précise que le comité France Travail a vocation à se substituer au comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP), instance déjà chargée d’assurer la coordination des politiques d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région ([22]).

Chacun de ces comités doit contribuer, de manière plus ou moins opérationnelle, à la constitution d’un « patrimoine commun » entre les acteurs du réseau. Concrètement, il s’agit d’élaborer une « plateforme » informatique destinée à faciliter le partage de données entre opérateurs (recommandation n° 91 ([23])) ainsi qu’une « méthodologie » commune en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi et des employeurs.

Enfin, afin de créer les conditions d’une bonne collaboration entre les membres du réseau France Travail, il est préconisé de faire signer par chacun des acteurs une « charte d’engagements » conditionnant « la participation aux instances » ainsi que « les financements de l’État » (recommandation n° 87 ([24])).

B.   La consécration législative du réseau France travail piloté, aux côtés de l’État, par les collectivités

1.   Les dispositions inscrites dans le projet de loi

Le projet de loi, en son article 4, constitue la déclinaison juridique des recommandations précitées de la mission de préfiguration.

Après le chapitre Ier du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, le I de l’article 4 insère un chapitre Ier bis intitulé « Réseau France Travail » et structuré en trois sections, réparties en deux articles (L. 5311‑7 et L. 5311‑8) pour la section 1, deux articles (L. 5311‑9 à L. 5311‑11) pour la section 2, et un article (L. 5311‑11) pour la section 3.

Le I de l’article L. 5311‑7 crée le réseau France Travail, chargé explicitement « de l’accueil, de l’orientation, de l’accompagnement, de la formation, de l’insertion, du placement des personnes à la recherche d’un emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles et, s’il y a lieu, du versement de revenus de remplacement, d’allocations ou d’aides aux demandeurs d’emploi ».

Les II et III du même article fixent la liste des membres du réseau.

Le texte définit ainsi :

1° Des membres obligatoires : l’État, les régions, des départements, les communes et des groupements de communes disposant d’une compétence au titre de l’une des missions prévues au I, les missions locales et les organismes Cap Emploi, désignés « opérateurs spécialisés France Travail », ainsi que Pôle Emploi, renommé « opérateur France Travail » conformément au changement de dénomination opéré à l’article 5 du projet de loi ;

2° Des membres facultatifs :

– les organismes, publics ou privés dont l’objet est l’insertion, la formation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, les structures de l’insertion par l’activité économique et les entreprises de travail temporaire mentionnés à l’article L. 5311‑4 du code du travail ;

– les organismes chargés du repérage et de l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi, créés à l'article 6 du projet de loi ;

– les organismes et autorités compétents en matière d'insertion sociale des bénéficiaires du RSA ainsi que ceux en charge du versement des prestations (caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole) mentionnés à l’article L. 262‑29 du code de l’action sociale et des familles.

L'article L. 5311‑8 du code du travail résultant du projet de loi définit les missions et obligations des acteurs du réseau. Après avoir fixé un cadre général de complémentarité des compétences et de coordination des interventions, le I détaille cinq domaines d’action du réseau France Travail qui correspondent globalement aux préconisations du rapport de la mission de préfiguration, à savoir :

– la mise en œuvre de « procédures » et de « critères communs » d’orientation des personnes en recherche d’emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles (1°) ;

– la mise en œuvre de « méthodologies » et de « référentiels » communs, ainsi que d’un « socle commun de services » au bénéfice des demandeurs d’emploi et des employeurs (2°) ;

– la participation à l’élaboration d’indicateurs communs de suivi, de pilotage et d’évaluation de leurs actions (3°) ;

– le partage des informations et des données à caractère personnel nécessaires à l'identification des bénéficiaires de leurs services, notamment le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, à l'évaluation de leur situation, au suivi de leur parcours d'insertion, à la réalisation des actions d'accompagnement des bénéficiaires, ainsi qu'à l'établissement de statistiques (4°) ;

– la garantie d’une « interopérabilité » de leurs systèmes d’information avec les « outils et services numériques communs » développés par l’opérateur France Travail, c’est-à-dire, notamment, de la plateforme informatique évoquée par le rapport de synthèse dans sa recommandation n° 91 supra (5°).

Le II du même article L. 5311‑8 prévoit l’élaboration par le comité national du réseau (cf. infra) de la « charte d’engagements » mentionnée par le rapport dans sa recommandation n° 87 précitée.

Cette charte vise à décliner de manière opérationnelle les principes de complémentarité et de coordination mentionnés au I, c’est-à-dire à définir des modalités de mise en œuvre et de suivi des actions du réseau. Elle est signée par le ministre chargé de l'emploi et par les représentants nationaux des acteurs présents au sein du comité national France Travail. La charte peut également être signée par toute personne morale participant au réseau.

Le Gouvernement insiste sur le fait qu’au travers de ce dispositif, il n’est nullement question de remettre en cause l’autonomie des membres du réseau. Ainsi, les compétences propres à chacun des acteurs, notamment celles des collectivités territoriales, demeurent inchangées, mais peuvent désormais être mises en œuvre dans un cadre commun d’exercice défini collégialement.

Cela ne signifie pas pour autant que la signature de la charte n’entraînerait aucune conséquence structurelle pour les collectivités territoriales concernées. En effet, le III de l’article L. 5311‑10, dans sa rédaction résultant du projet de loi, subordonne à cette signature la possibilité pour le chef d’un exécutif local de présider un comité territorial France Travail (cf. infra).

Les articles L. 5311‑9 et L. 5311‑10 organisent la gouvernance du réseau France Travail en quatre échelons (national, régional, départemental et local), reprenant ainsi la recommandation n° 88 (supra) du rapport de la mission de préfiguration.

Le comité national France Travail (I de l’article L. 5311‑9) est chargé de fixer les orientations stratégiques de l’ensemble du réseau. Il dispose également d’un important pouvoir de décision, puisqu’il lui revient d’élaborer la charge d’engagements précitée et de définir les méthodologies, référentiels et socles de services communs destinés à être mis en œuvre par les acteurs du réseau ([25]).

Par ailleurs, il émet un avis sur l'arrêté ministériel fixant les critères d'orientation des demandeurs d'emploi en application de l’article 1er du projet de loi ([26]).

Enfin, il est habilité à faire réaliser des audits afin, notamment, de s’assurer du respect de la charte d’engagements et de la « qualité de l’offre de service » par l’opérateur France Travail, les organismes Cap Emploi et les missions locales.

Aux termes du II du même article L. 5311‑9, ce comité est présidé par le ministre chargé de l'emploi ou son représentant. Il est composé de représentants nationaux des personnes morales composant le réseau France Travail, qu’il s’agisse des membres obligatoires (État, collectivités territoriales, opérateur France Travail, missions locales et Cap emploi) ou des membres facultatifs, auxquels s’ajoutent les représentants des organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives (« partenaires sociaux ») et de l’organisme de gestion du régime d’assurance chômage (Unedic) mentionné à l’article L. 5427-1.

L’article L. 5311‑10 regroupe les dispositions relatives aux trois comités territoriaux.

S’agissant du comité régional, le projet de loi ne fait que l’intégrer par défaut au CREFOP en le substituant à l’actuelle « commission chargée de la concertation relative aux politiques de l'emploi sur le territoire » prévue par l’article L. 6123‑3 en son cinquième alinéa. Le CREFOP ne pourra prendre la dénomination et les compétences du comité régional France Travail qu’avec l’accord du préfet de région et du président du conseil régional (second alinéa du 1° du I de l’article L. 5311‑10).

Le II du même article L. 5311‑10 confie le soin aux comités territoriaux de coordonner la mise en œuvre des orientations arrêtées par le comité national (1°), de veiller à l’application par les membres du réseau des engagements figurant dans la charte qu’ils ont préalablement signée (2°), de participer au suivi de l’exécution des conventions conclues par l’État avec les départements dans le champ des missions du réseau France Travail ou avec les régions dans le cadre d’un programme national de mise en adéquation des qualifications des personnes en recherche d’emploi aux besoins des entreprises (3°) et d’organiser des conférences de financeurs pour l’insertion sociale et professionnelle (4°).

À l’instar du comité national, le comité départemental est spécifiquement habilité à faire réaliser des audits afin, notamment, de s’assurer du respect de la charte d’engagements et de la « qualité de l’offre de service » par l’opérateur France Travail, les OPS Cap Emploi et les missions locales (second alinéa du 2°).

Le III dudit article L. 5311‑10 précise que les comités régionaux et départementaux sont présidés par le représentant de l’État dans le ressort territorial concerné et par le président de l’organe exécutif de la collectivité concernée (ou son représentant) à condition que celle-ci ait préalablement signé la charte d’engagements.

Les dispositions relatives aux comités locaux France Travail illustrent les difficultés qui s’attachent à la définition et à la gouvernance d’une instance dépendant étroitement des bassins d’emploi d’un territoire donné.

Afin de permettre une certaine différenciation, le projet de loi confie au préfet de région le soin de :

fixer les ressorts géographiques des comités locaux après concertation avec le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux concernés (3° du I de l’article L. 5311‑10) ;

désigner le président de chacun de ces comités, choisi au sein d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités après avis des représentants des collectivités membres du comité local (3°du III du même article L. 5311‑10).

Sur ce dernier point, le Gouvernement insiste sur l’intérêt de l’approche régionale dans la constitution des comités locaux. Lorsque, par exemple, un projet d’implantation d’usine émerge sur un territoire, il peut être judicieux que la co-présidence revienne à la région, tandis que, s’il s’agit de mettre en place un plan d’action portant sur l’accompagnement de personnes rencontrant de grandes difficultés sociales, le département apparaît alors comme le niveau le plus pertinent.

L’article L. 5311‑11, dans sa rédaction résultant du projet de loi, renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités d’application du chapitre Ier bis, notamment les règles applicables au traitement des données à caractère personnel nécessaires à la mise en œuvre des actions du réseau, les modalités de fonctionnement du comité national France Travail et les conditions de réalisation des audits susceptibles d’être conduit par le comité national ou les comités départementaux.

Après quelques coordinations juridiques opérées au II ([27]), l’article 4 du projet de loi fixe au 1er janvier 2024 la date de son entrée en vigueur, à l’exception des modifications relatives aux missions des organismes Cap emploi et des missions locales, des modifications relatives aux missions et à la composition des CREFOP, de la création des comités territoriaux France Travail ainsi que des dispositions relatives à la charte d’engagements, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

L’article 4 a été adopté par le Sénat en première lecture sous réserve d’ajustements mineurs.

La principale modification a consisté à supprimer intégralement la charte d’engagements au stade de la commission des affaires sociales ([28]) au motif que ce dispositif ne serait ni utile, ni souhaitable. La charte peut, en effet, apparaître d’autant plus redondante que le I de l’article L. 5311‑8 du code du travail, dans sa rédaction résultant du projet de loi, fixe, d’ores et déjà, des objectifs précis aux membres du réseau France Travail (définition d’un socle commun de services, élaboration d’indicateurs de suivi et de pilotage, mise en œuvre d’un partage d’informations et d’une d’interopérabilité des systèmes d’informations, etc.).

Surtout, le Sénat s’est montré peu favorable aux dispositions visant à conditionner la co-présidence des comités territoriaux par les élus locaux à la signature de cette charte, estimant que les collectivités territoriales disposent de compétences en matière d’emploi et d’insertion qui légitiment leur positionnement aux côtés du représentant de l’État dans le pilotage territorial du réseau France Travail.

En dépit des arguments du Gouvernement mettant en avant l’intérêt opérationnel qui s’attache à la définition d’objectifs plus précis que les obligations générales inscrites dans la loi et à la co-construction de la complémentarité des actions des membres du réseau, l’amendement 595 de rétablissement du texte initial déposé en séance publique n’a pas été adopté.

Les sénateurs ont également tenu à accroître le poids des élus, notamment ceux du département et du bloc communal, dans la gouvernance des comités locaux France Travail, rompant ainsi avec l’approche résolument régionale proposée par le Gouvernement.

La commission des affaires sociales a, ainsi, adopté l’amendement COM‑219 de la rapporteure indiquant que la fixation par le représentant de l’État des ressorts géographiques d’un comité local ne pouvait s’effectuer que sur proposition d’un comité départemental ou régional France Travail. Elle a également adopté l’amendement COM-98 de Mme Françoise Gatel visant à :

– substituer le préfet de département au préfet de région dans la fixation des ressorts géographiques des comités locaux ;

– doter l’association départementale représentant les communes et intercommunalités du département du pouvoir de désignation du président du comité local en lieu et place du préfet de région.

En séance publique, le Gouvernement a déposé deux amendements de rétablissement du texte initial, le premier (601) sur la procédure de définition du ressort géographique, le second (618) sur la désignation du président du comité local. Ces deux amendements ont été rejetés.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales a élargi les compétences du comité national France Travail en lui permettant :

– d’identifier à son niveau les besoins de financement des membres du réseau pour réaliser les actions prévues par la loi (amendement COM215 de la rapporteure) ;

– de déterminer lui-même les critères d’orientation des demandeurs d’emploi sous réserve d’une approbation ministérielle, en lieu et place de la procédure prévue par le projet de loi, à savoir (cf. supra) l’adoption par arrêté ministériel après avis du comité national (amendement COM216 de la rapporteure) ;

– d’élaborer un cahier des charges identifiant les besoins des membres du réseau pour assurer l’interopérabilité de leurs systèmes d’information (amendement COM-217 de la rapporteure).

En séance publique, le Gouvernement a essayé, sans succès, de s’opposer à la définition des besoins de financement par le comité national (amendement 619) et de prévoir un arrêté ministériel en cas de carence du comité national dans la définition des critères d’orientation (amendement 622). Il ne s’est pas opposé, en revanche, aux dispositions portant sur le cahier des charges consacré à l’interopérabilité des systèmes d’information.

Enfin, on peut signaler que le Sénat a souhaité améliorer la lisibilité du dispositif France Travail en rétablissement la dénomination de « Pôle Emploi » au lieu de « l’opérateur France Travail » découlant du projet de loi, cette appellation étant trop similaire du nom de l’ensemble du réseau lui-même. Bien que les dispositions relatives à l’opérateur se situent principalement au niveau de l’article 5 du projet de loi, plusieurs amendements de coordination ont été déposés par la rapporteure en commission des affaires sociales à l’article 4.

3.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur partage l’ambition qu’incarne la création du réseau France Travail, c’est-à-dire la reconnaissance du rôle désormais central que jouent les collectivités territoriales dans la politique de l’emploi aux côtés de l’État. Il se félicite également du cadre proposé, propice à la collaboration entre des acteurs qui restent parfois cantonnés dans l’accompagnement des publics en difficulté relavant de leurs compétences (personnes handicapées pour les OPS Cap emploi, bénéficiaires du RSA pour les départements, etc.) sans nécessairement se coordonner entre eux.

Pour autant, il ne suffit pas d’inscrire dans la loi un principe et des domaines de coopération pour que des actions concrètes soient mises en œuvre au niveau local. Au-delà des objectifs généraux assignés au réseau France Travail (méthodologie et référentiel, socle commun de services, indicateurs de suivi et de pilotage, partage d’informations et interopérabilité des systèmes, etc.), chacun des membres doit pouvoir indiquer précisément comment il compte s’y prendre pour les réaliser. L’élaboration d’une « feuille de route » apparaît encore plus importante pour aider les acteurs « facultatifs » (associations, entreprises, etc.) à s’insérer dans le réseau.

En ce sens, votre rapporteur déplore que le Sénat ait procédé à l’abrogation de la « charte d’engagements » prévue initialement dans le projet de loi pour faciliter le pilotage et le suivi des objectifs du réseau et demande donc son rétablissement. Il s’interroge, toutefois, sur l’intérêt qui s’attache à conditionner la coprésidence des comités territoriaux France Travail, aux côtés du représentant de l’État, à la signature de la charte d’engagements. La mise en œuvre d’une démarche de contractualisation doit être motivée par des objectifs opérationnels et non par la seule volonté d’acquérir une position institutionnelle au sein du réseau.

Sous cette dernière réserve, votre rapporteur souhaite donc que le dispositif de la charte soit rétabli dans le texte de l’Assemblée nationale et, en ce sens, se félicite de l’adoption par la commission des affaires sociales de l’amendement AS1461 de son rapporteur, M. Paul Christophe. Il se félicite également du changement de dénomination du dispositif, désormais désigné sous les termes de « charte de coopération ».

S’agissant des comités locaux France Travail, il appelle les pouvoirs publics à tenir compte, dans la fixation de leurs ressorts géographiques, de la réalité des bassins d’emploi, c’est-à-dire de « l’espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l'essentiel de la main d'œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ([29]) ». L’Insee identifiait en 2020 306 bassins d’emploi en France, contre 321 en 2010 ([30]). Ces ensembles affichent des configurations différentes d’un territoire à un autre : certains correspondent, à quelques communes près, à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ([31]), tandis que d’autres (14 au total) sont constitués à cheval sur au moins deux régions, notamment lorsqu’une agence Pôle emploi se situe à proximité d’une limite régionale ([32]).

En ce sens, le choix opéré par le Sénat de confier au préfet de département le pouvoir de fixer, après concertation avec le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux concernés, le ressort géographique des comités locaux paraît contestable.

La position occupée par le préfet de région lui donne, plus encore que son homologue du département, la capacité d’ajuster la zone de compétences des comités locaux aux réalités économiques de son territoire. C’était précisément l’option privilégiée par le Gouvernement dans son texte initial, qu’il convient ici de rétablir. Par ailleurs, l’exigence d’une « proposition » émanant du comité régional ou du comité départemental pour fixer les limites du comité local ne paraît pas devoir être maintenue dès lors qu’elle ôte précisément au préfet sa marge de manœuvre et paraît redondante vis-à-vis de la concertation avec les élus départementaux et régionaux. L’amendement AS1465 adopté par la commission des affaires sociales sur proposition de son rapporteur va, dès lors, dans le bon sens dans la mesure où il ne rend plus la proposition obligatoire.

Enfin, dans un souci de cohérence, le pouvoir de nomination du coprésident du comité local devrait également être dévolu au préfet de région, après avis des collectivités membres du comité, et non, comme le propose le Sénat, à l’association départementale représentant les communes et intercommunalités de France. En garantissant, comme le fait l’amendement AS1464 du rapporteur de la commission des affaires sociales, une représentation du bloc communal au sein de chacun des comités territoriaux, le nouveau dispositif instaure une gouvernance équilibrée et respectueuse des territoires, ce dont se félicite votre rapporteur.


III.   L’article 10 du projet de loi : l’affirmation d’un service public de la petite enfance porté par les communes et les intercommunalités

Obtenir une place pour son enfant dans une crèche ou chez une assistante maternelle agréée est une préoccupation très forte des familles et les difficultés qui en découlent peuvent constituer un frein à l’emploi. Alors que la France compte près de 2,1 millions d’enfants de moins de trois ans, seul un enfant sur deux bénéficie d’un mode de garde. En promouvant un service public de la petite enfance largement confié aux collectivités territoriales et plus particulièrement, au bloc communal, le Gouvernement cherche à dynamiser et à structurer l’offre de places d’accueil en favorisant la proximité et la qualité.

A.   Des besoins toujours plus diversifiés face à une offre insuffisante et peu structurée

Dans le cadre de la politique familiale, les familles peuvent bénéficier de deux types de services qui ont pour objet de les aider à répondre aux besoins et au développement de l’enfant, de sa naissance jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans. Ces services comprennent les services de soutien à la parentalité et les modes d’accueil du jeune enfant ([33]). S’agissant de l’accueil de l’enfant de moins de trois ans, le constat est celui d’un manque de places d’accueil collectif (crèches, halte-garderie) ou individuel (assistante maternelle, garde d’enfant à domicile), et de disparités d’accessibilité financière et territoriale, malgré un nombre d’acteurs concernés non négligeable.

1.   Une offre d’accueil du jeune enfant insuffisante et inégalement répartie sur le territoire

Si, sur les vingt dernières années, la garde du jeune enfant par ses parents a significativement reculé, elle demeure le principal mode d’accueil, selon une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) parue en février 2023 ([34]).

Ainsi, en 2021, 56 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par l’un des parents pendant la journée en semaine. Les autres modes de garde les plus fréquent sont l’accueil chez une assistante maternelle (20 %) ou dans un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) (18 %). La part des EAJE a progressé de 9 points depuis 2002 et celle des assistantes maternelles, de 7 points, mais on constate une stabilité depuis plusieurs années. Dans 35 % des cas, les parents interrogés dans le cadre de l’enquête précitée qui gardent à domicile leur enfant auraient plutôt souhaité un accueil en EAJE.

Évolution du MODE DE GARDE OU D’ACCUEIL PRINCIPAL DES ENFANTS
DE MOINS DE 3 ANS EN SEMAINE (2002-2021)

Source : DREES, études et résultats, n°1257, février 2023.

La DREES constate également que le recours aux modes d’accueil formels, c’est-à-dire autres que par les parents ou un autre membre de la famille, accompagne la hausse de long terme du taux d’emploi des mères de jeunes enfants. Selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee ([35]), le taux d’emploi des mères d’au moins un enfant de moins de trois ans est passé de 55 % en 2003 à 63 % en 2020. Le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) de 2022 pour la branche famille relève toutefois que le taux d’emploi comme celui d’activité des femmes avec au moins un enfant de moins de trois ans demeure inférieur de plus de 8 points à celui des hommes, cet écart augmentant avec le nombre d’enfants de moins de trois ans mais diminuant avec l’âge des enfants ([36]).

La capacité théorique d’accueil par l’ensemble des modes d’accueil formels s’élève en 2020 à 1 307 700 places, soit 58,8 places pour 100 enfants âgés de moins de trois ans ([37]). L’offre représentée par les assistantes maternelles employées directement par les parents est majoritaire (710 500 places en 2020, soit 54 %) mais tend à reculer. L’accueil en EAJE représente 492 800 places, essentiellement en crèches et micro-crèches ; 10 000 à 15 000 places supplémentaires sont créées chaque année par les acteurs du secteur public, communes en tête, qui représentent 58 % des EAJE, et les acteurs privés (18 %) et associatifs (24 %).

Cependant, tous modes d’accueil confondus, la capacité d’accueil est en décroissance depuis 2020. En effet, la progression des places disponibles en EAJE ne suffit pas à compenser la baisse de l’offre en accueil individuel. La pénurie de professionnels de la petite enfance constitue un autre enjeu : le nombre d’assistantes maternelles diminue depuis une dizaine d’années et 120 000 d’entre elles prendront leur retraite d’ici 2030.

Évolution DE LA CAPACITÉ THÉORIQUE D’ACCUEIL FORMEL
DES ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS, DE 2015 À 2020

Source : ONAPE, décembre 2022.

La capacité d’accueil est également très variable selon le département. Ainsi, l’ONAPE relevait qu’en 2020, elle variait de 11,1 places pour 100 enfants de moins de trois ans pour la Guyane à 83,1 pour la Mayenne. D’une manière générale, les zones urbaines sont mieux dotées que les zones rurales. Les départements de l’ouest – Bretagne et Pays-de-la-Loire – sont ceux qui bénéficient du meilleur taux de couverture, alors que la couverture la plus faible est constatée dans les départements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), de l’Ile-de-France et des collectivités de Corse et d’outre‑mer.

2.   Une gouvernance peu lisible qui fait intervenir un nombre d’intervenants importants

Les acteurs de la politique de l’accueil du jeune enfant se situent à trois niveaux.

a.   L’État détermine la réglementation applicable, en lien avec la Caisse nationale d’allocations familiales

Le cadre réglementaire dans lequel s’inscrit la politique d’accueil du jeune enfant comprend les dispositions prévues au code de l’action sociale (rôle et composition du comité départemental des services aux familles, garantie d’accès aux EAJE, information des professionnels et des familles) et au code de la santé publique (établissement d’accueil des enfants de moins de six ans).

La convention d’objectifs et de gestion (COG) conclut avec la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) définit des objectifs pluriannuels en matière d’extension de l'offre d'accueil, d’accès à des places pour les familles défavorisées ou avec un enfant en situation de handicap, d’amélioration de la qualité de prise en charge du jeune enfant, avec une prévision des moyens financiers correspondants. Ainsi, la COG 2018-2022 avait fixé un objectif de création de 30 000 places supplémentaires en EAJE, les places créées en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), favorisant l’accès des familles modestes ou accueillant des enfants en situation de handicap bénéficiant d’une subvention sous la forme d’un « bonus ».

La CNAF est le principal financeur des modes d’accueil du jeune enfant de moins de trois ans en couvrant 67 % du coût global évalué à 15,1 milliards d’euros en 2021 selon l’ONAPE ([38]).

La création de nouvelles places s’effectue via le plan d’investissement pour l’accueil du jeune enfant (PIAJE), représentant entre 7 400 et 17 000 euros par place. Le gestionnaire d’un EAJE perçoit une prestation de service unique (PSU) tandis que le soutien aux modes d'accueil individuel est assuré par la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Un fonds « publics et territoires » géré par chaque CAF permet de soutenir un projet spécifique mis en place dans EAJE, par exemple pour un projet lié à l’accueil d’enfants porteurs de handicap, ou permettant l’accueil adapté à des horaires atypiques ; il peut, le cas échéant, soutenir ponctuellement un EAJE en difficulté financière. Par ailleurs, les CAF apportent un support technique à l’installation de nouveaux EAJE, que ce soit des crèches, des micro-crèches ou des maisons d’assistantes maternelles (MAM).

Selon l’ONAPE, les collectivités territoriales (essentiellement les communes) ont contribué en 2021 à hauteur de 2,6 milliards d’euros pour le fonctionnement et 176 millions pour l’investissement. Elles ont consacré également 245 millions d’euros au titre de l’accueil préélémentaire (notamment scolarisation des enfants de deux à trois ans).

b.   Le département joue un rôle d’évaluation, de coordination, d’autorisation et de contrôle des conditions d’accueil au niveau local

Le comité départemental des services aux familles, « instance de réflexion, de conseil, de proposition et de suivi concernant toutes questions relatives à l'organisation, au fonctionnement, au maintien et au développement des services aux familles » présidée par le préfet, avec comme vice-présidents le président du conseil départemental, un représentant des communes et intercommunalités et le président du conseil d’administration de la CAF ([39]), établit un schéma départemental des services aux familles (SDSF) pluriannuel qui évalue l'offre et les besoins territoriaux en matière de services aux familles et définit les actions à mener au niveau départemental sur six ans. La CAF est chargée de piloter de manière opérationnelle le SDSF.

Par ailleurs, la création, l’extension ou la modification d’un EAJE est subordonnée à l’autorisation du président du conseil départemental, après avis du maire de la commune d’implantation ([40]). Il revient également au service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) de délivrer les agréments d'ouverture des EAJE et assistantes maternelles, puis de contrôler le respect des normes d'accueil et de prise en charge des enfants dans ces établissements et auprès des assistantes maternelles.

c.   Les communes et leurs groupements sont en première ligne pour la mise en œuvre de l’accueil du jeune enfant au plus près des familles

Les communes participent activement à la politique d'accueil du jeune enfant sur le territoire, quand bien même elles disposent jusqu’à présent d'une compétence facultative en la matière. Les capacités d’accueil communales représentent environ 260 000 places.

Depuis 2021, les communes peuvent élaborer un schéma pluriannuel de développement des services aux familles ([41]). Ce schéma, adopté par le conseil municipal, fait l’inventaire des équipements, services et modes d’accueil existants pour les enfants de moins de six ans (y compris places dans l’école préélémentaire), recense les besoins et définit des perspectives de développement avec un calendrier et une estimation du coût.

Les communes peuvent conclure avec les CAF des partenariats de développement de projets locaux par le biais de conventions territoriales globales (CTG).

B.   Une redynamisation de la politique d’accueil du jeune enfant qui s’appuie sur le bloc communal

Le projet de loi vise à faciliter la redynamisation de l’offre d’accueil, conformément aux annonces gouvernementales.

1.   Les dispositions inscrites dans le projet de loi

L’article 10 du projet de loi structure le service public de la petite enfance en donnant aux communes un rôle privilégié dans son organisation.

a.   La politique d’accueil du jeune enfant s’inscrit dans une stratégie nationale élaborée par le ministre chargé de la famille

À cet effet, le I apporte plusieurs modifications notables au chapitre IV « Services aux familles » du titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles.

Le 1° du I complète l'article L. 214-1 du code de l'action sociale et des familles, qui définit les services aux familles, afin d'instituer une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant.

Cette stratégie nationale, arrêtée par le ministre en charge de la famille, déterminera des priorités et objectifs nationaux pluriannuels en matière :

– de développement quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil du jeune enfant ;

– d'emplois, de compétences et de qualification dans le secteur de l'accueil du jeune enfant, ainsi que de besoins nationaux de formation professionnelle qui en découlent.

L’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent à la politique d’accueil du jeune enfant en tenant compte des priorités et objectifs fixés par cette stratégie.

b.   Les communes se voient confier l’organisation de l’accueil du jeune enfant

Le 2° du I crée un nouvel article L. 214-1-3 du code précité qui fait des communes les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.

À ce titre, elles seront dotées de quatre compétences :

– recenser les besoins des enfants de moins de trois ans et de leurs familles en matière de services aux familles ainsi que les modes d'accueil (EAJE, assistantes maternelles) disponibles sur leur territoire ;

– informer et accompagner les familles ayant un ou plusieurs enfants de moins de trois ans ainsi que les futurs parents ;

– planifier, au vu du recensement des besoins, le développement des modes d'accueil du jeune enfant ;

– soutenir la qualité des modes d'accueil.

Le II de ce nouvel article donne un caractère obligatoire à l'exercice de ces compétences selon le nombre d'habitants de la commune :

– les missions de recensement des besoins et des offres et d'information et d'accompagnement des familles devront être assurées par toutes les communes ;

– les missions de planification du développement des modes d'accueil et de soutien à la qualité des modes d'accueil devront être exercées par les communes de plus de 3 500 habitants.

Pour remplir leur mission de planification du développement des modes d'accueil, les communes de plus de 3 500 habitants devront élaborer un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant.

Pour exercer les compétences d'information et d'accompagnement des familles ainsi que de soutien à la qualité des modes d'accueil, les communes de plus de 10 000 habitants devront mettre en place un relais petite enfance (RPE) ([42]).

Le III du nouvel article permet le transfert des compétences d’autorité organisatrice de la commune à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte. Dans ce cas, le transfert porte sur la totalité des compétences dévolues à la commune en tant qu’autorité organisatrice. L'EPCI ou le syndicat mixte devra mettre en œuvre la compétence d'autorité organisatrice en tenant compte des obligations posées selon les seuils de population, le nombre d'habitant dont il est tenu compte correspondant alors à la population totale de l'ensemble des communes ayant transféré leur compétence d'autorité organisatrice ([43]).

Le 3° du I procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 214-2 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit aujourd'hui qu'il peut être établi, dans toutes les communes, un schéma pluriannuel de développement des services aux familles.

Ce schéma est remplacé par le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant précité, obligatoire pour les communes de plus de 3 500 habitants.

Ce schéma communal doit faire l’inventaire des modes d’accueil de toute nature existants, recenser les besoins en matière d’accueil, et prévoir les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement de l'offre d'accueil, le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées ([44]). Le schéma devra aussi préciser les partenariats à développer pour permettre à l'ensemble de l'offre d'accueil de réaliser les missions qui leur sont confiées, et détailler les modalités d'accompagnement des modes d'accueil présents sur le territoire, notamment en matière de qualité d'accueil et d'amélioration continue des pratiques professionnelles.

Ce schéma communal, et ses actualisations, doivent être transmis au comité départemental des services aux familles dans un délai d’un mois après son adoption.

c.   Un contrôle des autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant exercé par le comité départemental des services aux familles et par le préfet

Le 5° du I opère une réécriture de l’article L. 214-3 du code précité.

Le I du nouvel article L. 214-3 prévoit qu'à compter de trois ans après l'adoption de la stratégie nationale, le comité départemental des services aux familles pourra saisir à tout moment l'autorité organisatrice s'il constate, sur la base des documents qui lui sont transmis :

– un manquement à l'obligation pour les communes concernées d'élaborer le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil et de mettre en place un relais petite enfance ;

– une incompatibilité de tout ou partie du schéma communal avec le schéma départemental des services aux familles ;

– un retard dans l'atteinte des objectifs d’offre d’accueil fixés par la commune dans son schéma communal.

Au II, il est prévu qu'au vu des réponses apportées par l'autorité organisatrice, le préfet de département pourra, après avis du comité départemental des services aux familles, préciser à la commune les éléments qu’il lui appartient de mettre en œuvre, dans le délai qu'il fixe, pour respecter ses obligations.

Le III prévoit qu'à défaut de mise en œuvre de tout ou partie des obligations au terme du délai fixé par le préfet, ce dernier pourra, après avis du comité départemental des services aux familles, demander à la CAF d’établir un projet de schéma communal (et/ou de relais petite enfance si la commune est soumise à cette obligation) qui sera soumis à la commune dans un délai de trois mois. Deux mois après réception par la commune du projet de schéma (et/ou de création de relais petite enfance), le préfet le rendra opposable, après avis du comité départemental des services aux familles, en y apportant, le cas échéant, ses amendements ainsi que ceux de la commune.

d.   Régulation de l’offre d’accueil du jeune enfant selon les besoins des territoires

Le 7° du I insère un nouvel article L. 214-5-1 du code précité qui prévoit que, sur le fondement du schéma départemental des services aux familles (SDSF), le préfet détermine :

– les zones caractérisées par une offre d’accueil insuffisante ou par des difficultés dans l’accès à l’offre, pour lesquelles la CAF pourra mettre en place des aides particulières ;

– à l’inverse, celles caractérisées par un niveau d’offre particulièrement élevé, où l’accord de la commune sera nécessaire avant la demande d’autorisation d’ouverture d’un EAJE formulée auprès du département.

e.   Dispositions diverses

Les II à V de l’article 10 effectuent des modifications mineures de coordination au sein de code de l’éducation, du code de l’urbanisme, du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale, pour y faire référence aux services aux familles.

f.   Compensation financière et entrée en vigueur

Le VI prévoit le principe d’une compensation de l’accroissement de charges résultant pour une commune de l’exercice de l’ensemble des compétences d’autorité organisatrice de la petite enfance, dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales.

Cette compensation devrait intervenir à compter du 1er septembre 2025, date d’entrée en vigueur (VII) de la mise en œuvre obligatoire des compétences d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant et des schémas communaux de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Lors de l’examen de l’article 10 en première lecture, la commission des affaires sociale du Sénat a adopté quatre amendements. Trois amendements ont été adoptés en séance publique.

Tout d’abord, la commission des affaires sociales a supprimé la référence à la stratégie nationale de la petite enfance (amendement COM236). Suivant la rapporteure, elle a considéré que « le Gouvernement n’avait pas besoin de cet outil pour prendre des orientations stratégiques en matière d’accueil du jeune enfant », au motif qu’il existe déjà d’autres dispositifs fixant des objectifs d’ordre national :

– la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et l’État pour la branche famille ([45]) ;

– depuis 2021, une charte nationale pour l’accueil du jeune enfant à destination des professionnels et mise à destination des parents ([46]) ;

– les conditions d’accueil du jeune enfant font partie intégrante des priorités pluriannuelles de la stratégie nationale de santé (SNS) ([47]).

En outre, les sénateurs ont fait valoir qu’il apparaît contradictoire de chercher à décentraliser davantage la politique d’accueil du jeune enfant et d’encadrer l’action des collectivités territoriales par une stratégie nationale fixée par un arrêté ministériel.

La possibilité pour le représentant de l’État de mandater la CAF afin d’élaborer le schéma communal pluriannuel d’accueil du jeune enfant et, le cas échéant, un projet de création de relais petite enfance, en lieu et place de la commune défaillante, a été supprimée par la commission des Affaires sociales sur proposition de la rapporteure (amendement COM238). Corrélativement, le Sénat a adopté en séance un amendement de la rapporteure qui supprime la possibilité donnée à la commission départementale des services aux familles de saisir la commune dans le cas où celle-ci n’élabore pas son schéma communal ou lorsque son schéma est incompatible avec le schéma départemental des services aux familles (amendement 636). Les sénateurs n’ont cependant pas envisagé de remplacer ces dispositions supprimées, qui permettaient d’obvier à une éventuelle carence de l’autorité organisatrice, par un dispositif alternatif.

Le Sénat a adopté un amendement de la rapporteure qui aligne le seuil de population à partir duquel les communes doivent élaborer un schéma pluriannuel d’accueil du jeune enfant, sur celui au-delà duquel la création d’un relais petite enfance est obligatoire (amendement 636 précité). Ce rehaussement du seuil de 3 500 à 10 000 habitants vise à ne pas faire peser une contrainte jugée excessive sur les communes de taille intermédiaire. Cela concerne environ 2 200 communes.

Par ailleurs, le Sénat a adopté contre l’avis du Gouvernement un amendement présenté en séance publique par M. Daniel Chasseing (amendement 124 rect.) qui supprime le principe du transfert « en bloc » des compétences d’autorité organisatrice de la commune à l’intercommunalité. Selon les signataires de l’amendement, le transfert de l’ensemble des compétences (recensement des besoins, information des familles, planification et développement des accueils) n’est pas adapté à la diversité des modes d’organisation de l’accueil de la petite enfance et créé une contrainte supplémentaire dans les relations entre les communes membres et l’intercommunalité.

Enfin, le Sénat a décalé du 1er septembre 2025 au 1er septembre 2026, c’est‑à-dire après le prochain renouvellement des conseils municipaux et intercommunaux, l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’attribution des compétences aux communes en tant qu’autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, de façon à laisser aux exécutifs nouvellement élus le soin d’élaborer et de déployer le schéma communal pluriannuel d’accueil du jeune enfant (amendement COM239).

Deux amendements sont rédactionnels et de coordination (amendements COM-237 et 634).

3.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur salue la volonté du Gouvernement de créer un véritable service public de la petite enfance, confortant ainsi la promesse faite par le président de la République, et de clarifier les compétences dévolues aux différents acteurs, ce qui permettra de relancer la dynamique de création de places, d’améliorer l’information des familles et la qualité de l’offre d’accueil.

Il accueille favorablement la reconnaissance du rôle majeur du bloc communal dans la politique d’accueil du jeune enfant, en faisant des communes, mais aussi, de manière explicite, de leurs groupements, les autorités organisatrices de cette politique essentielle pour permettre aux parents, en particulier les femmes, de concilier le mieux possible la vie professionnelle et la vie familiale. Les communes se sont emparées depuis longtemps, à la fois spontanément et très largement, de cette compétence, jusqu’à présent facultative, puisque plus de 60 % des établissements de crèches ou d’accueil en école maternelle sont gérés par elles. Cette reconnaissance est, du reste, saluée par les associations d’élus des communes et des intercommunalités (AMF, Intercommunalités de France), l’article 10 résultant d’une concertation étroite, dès l’automne 2022, au sein d’un groupe de travail composé de représentants des associations d’élus locaux, du ministère des solidarités et des familles, et de la CNAF.

La stratégie nationale est remplacée par des objectifs quantitatifs et qualitatifs partagés

La mise en place d’un nouveau service public nécessite que lui soient assignés des objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre. En ce sens, il est apparu à votre rapporteur que le texte aurait été incomplet s’il ne permettait pas la fixation d’objectifs nationaux pour la politique d’accueil de la petite enfance, l’État étant, en effet, le garant de l’égalité d’accès au service public de la petite enfance sur l’ensemble du territoire national, au plus près des familles. À cet égard, le rétablissement des dispositions, supprimées par le Sénat, relatives à l’élaboration la stratégie nationale était une option.

Pour rappel, la COG qui lie, pour la période 2023 à 2027, l’État et la CNAF n’établit pas une stratégie nationale à proprement parler. Elle décrit les enjeux de l’accueil du jeune enfant, définit des objectifs et des actions à conduire par les CAF en fixant des échéances, mais ces objectifs ne concernent que les caisses et n’englobent pas les autres acteurs. En outre, les modalités d’articulation avec d’autres politiques publiques fortement intriquées avec celle de la petite enfance ne figurent dans la COG que dans la mesure où celles-ci concernent les caisses, alors que les besoins doivent être évalués au niveau national : il s’agit notamment de l’inclusion et de la prise en compte du handicap, des compétences et des qualifications des professionnels de la petite enfance, etc.

Votre rapporteur était favorable à ce que l’on aille plus loin dans la décentralisation de la politique d’accueil du jeune enfant, en associant plus largement les acteurs chargés localement de la mise en œuvre de cette politique, notamment les collectivités locales. C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a soutenu la proposition de la rapporteure, Mme Christine Le Nabour, de ne pas rétablir les dispositions supprimées par le Sénat, mais de laisser au ministre chargé de la famille le soin d’arrêter des objectifs quantitatifs et qualitatifs de développement en matière d’accueil du jeune enfant, après consultation des représentants des collectivités territoriales, de la CNAF, de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et des professionnels et gestionnaires de structures et services concernés, en prévoyant un suivi annuel des objectifs et une évaluation pluriannuelle. Les objectifs ainsi fixés serviront à établir les schémas départementaux des services aux familles et à déterminer l’action des CAF. Cette rédaction est plus consensuelle et satisfaisante pour les associations d’élus locaux.

Le seuil de 3 500 habitants rendant obligatoire le schéma pluriannuel communal est rétabli

S’agissant du relèvement du seuil de population à partir duquel la commune doit réaliser un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant, de 3 500 à 10 000 habitants, les associations d’élus n’ont pas formulé de demande particulière en ce sens car les communes susceptibles d’être concernées par une telle exonération ont, pour un grand nombre, déjà mis en place des solutions d’accueil du jeune enfant et sont en capacité d’établir une planification d’accueil sur plusieurs années en tenant compte des besoins identifiés. Cependant, les communes en zone rurale ou périurbaine peuvent rencontrer des difficultés pour élaborer leur schéma. Votre rapporteur est favorable à ce que le seuil initial de 3 500 habitants soit rétabli, mais qu’il soit précisé que les modalités d’établissement du schéma pluriannuel de l’offre d’accueil du jeune enfant, qui sont fixées par voie règlementaire, soient adaptées pour les communes de moins de 10 000 habitants ([48]).

Le dialogue entre les communes carencées et la CAF est privilégié par rapport à une action coercitive du préfet

Dans sa rédaction initiale, le texte prévoyait que le préfet peut se substituer à la commune défaillante et confier à la CAF le soin d’établir le schéma pluriannuel précité. Les associations d’élus auditionnées par votre rapporteur sont défavorables à la faculté de substitution du préfet en cas de carence de la commune. L’AMF considère que les pénuries constatées de personnels de la petite enfance – 25 % des communes sont en situation « tendue » selon l’Observatoire national de la petite enfance (ONAPE), particulièrement en outre-mer – conduisent à des fermetures de berceaux, aussi bien dans le secteur privé qu’associatif, ce qui peut conduire certaines communes à ne pas être en capacité de produire un tel schéma, sans qu’il y ait de manque de volontarisme de leur part.

En cas de difficultés rencontrées par une commune, l’AMF a suggéré des échanges de constats entre le comité départemental des services aux familles, la commune et les familles. Pour Intercommunalités de France, la couverture des territoires par les CTG étant quasiment complète (96 % de la population est couverte par une CTG), les communes et intercommunalités sont dans un dialogue permanent avec leur CAF, de sorte qu’une procédure coercitive n’est pas nécessaire.

Votre rapporteur partage ces préoccupations, dans un contexte particulier de manque de personnels. Il lui paraît néanmoins nécessaire de trouver « une porte de sortie » en cas de blocage dû à des difficultés rencontrées par l’autorité organisatrice, car il est essentiel que toutes les familles puissent bénéficier d’une solution d’accueil, quel que soit leur lieu de résidence. Il considère cependant que la concertation et l’échange doivent être autant que possible privilégiés. L’amendement AS1526 du Gouvernement, adopté par la commission des affaires sociales, s’inscrit dans cette ligne en prévoyant un échange entre l’autorité organisatrice et la CAF pour exposer les causes des difficultés rencontrées dans la mise en place de l’offre d’accueil (recrutements de personnels, besoins financiers, etc.), puis en confiant au comité départemental des services aux familles le soin de proposer un plan d’actions pour remédier à ces difficultés. Cette démarche, qui donne toute sa place au dialogue et au diagnostic partagé, est constructive. Votre rapporteur se félicite de l’adoption de cet amendement qui apporte une réponse satisfaisante et équilibrée par rapport aux besoins des familles et aux contraintes auxquelles font face les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.

Le service public de l’accueil du jeune enfant doit entrer en vigueur le plus tôt possible

Le projet de loi prévoyait initialement une mise en œuvre du dispositif le 1er septembre 2025, date que le Sénat a reportée au 1er septembre 2026, estimant qu’il pourrait être déployé par les équipes élues au prochain renouvellement des conseils communaux et intercommunaux. Deux « écoles » s’affrontent : celle pour qui l’entrée en vigueur du service public de la petite enfance doit être reportée après les élections de mars 2026, celle pour qui il vaut mieux affranchir ce nouveau service public des enjeux politiciens des élections. Il peut être également tentant de « laisser du temps au temps » en espérant que la problématique de pénurie de personnels se résolve. Cependant, on sait que près de la moitié des assistantes maternelles agréées prendront leur retraite d’ici 2030.

Votre rapporteur considère qu’il faut distinguer, d’une part, l’organisation de l’accueil au niveau local, d’autre part, les conditions qui permettront de remédier à la pénurie de professionnels, qui relèvent de l’État, des régions et des départements (valorisation des métiers de l’enfance, accroissement de l’offre de formations, amélioration du socle social des professions de la petite enfance, etc.). En outre, la COG 2023-2027 s’accompagne d’une prévision de 5,5 milliards d’euros de crédits destinés à soutenir la politique d’accueil du jeune enfant, avec un levier important pour les communes et leurs groupements, en vue de réaliser l’objectif de création de 100 000 berceaux supplémentaires à fin 2027. Pour tenir cet objectif, il est opportun de faire preuve de volontarisme et de se mobiliser rapidement, tout en donnant un temps suffisant aux communes pour se préparer. Votre rapporteur est favorable à une entrée en vigueur du dispositif en 2025, ce qui paraît un bon compromis. En conséquence, il se félicite de l’adoption en commission de l’amendement AS1189 du Gouvernement qui, considérant qu’il y a « urgence à agir », propose une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2025.

Permettre le transfert « à la carte » des compétences d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant par les communes à leur intercommunalité

Votre rapporteur s’est également intéressé au transfert de la compétence d’autorité organisatrice des communes vers une intercommunalité. Tout d’abord, il faut relever que la compétence est aujourd’hui majoritairement exercée par les communes, même si les deux-tiers des EPCI à fiscalité propre ont signé une convention territoriale globale (CTG) avec leur CAF, et que plus d’un tiers (428 sur 1254 EPCI à fiscalité propre, auxquels s’ajoutent 32 syndicats communaux et 8 syndicats mixtes) ont d’ores et déjà pris la compétence de l’accueil du jeune enfant. La complémentarité entre la commune et l’intercommunalité en matière d’accueil du jeune enfant est déjà fortement affirmée. Le projet de loi vise à renforcer cette logique de coopération au sein du bloc communal.

Dans sa rédaction initiale, le texte prévoyait, par dérogation au droit commun, un transfert « en bloc » de l’ensemble des compétences d’autorité organisatrice (recensement des besoins, information des familles, planification du développement de l’accueil, soutien aux modes d’accueil) de la commune vers l’intercommunalité. Les petites communes peuvent rencontrer des difficultés à assumer certaines compétences tandis que certaines compétences peuvent être réalisées plus efficacement et à moindre coût de fonctionnement au niveau de l’intercommunalité : à titre d’exemple, l’information des familles et l’accueil peuvent être mieux réalisés dans la commune des familles tandis que la planification pourrait être élaborée à l’échelon intercommunal. Ce constat plaide en faveur d’une certaine souplesse ce qui conduit à privilégier un transfert « à la carte » des compétences.

Associer plus étroitement les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant à la régulation territoriale de l’offre de places

L’atténuation des déséquilibres territoriaux au niveau de l’offre d’accueil constitue un enjeu important que le projet de loi intègre correctement. Il prévoit une régulation par le préfet, sur la base du schéma départemental des services aux familles (SDSF), soit sous la forme d’aides de la CAF dans les zones où l’offre est insuffisante, soit en subordonnant à l’accord de l’autorité organisatrice l’ouverture d’un nouvel EAJE. Votre rapporteur considère que la procédure de régulation de l’offre d’accueil doit associer plus étroitement le préfet et les autorités organisatrices, quelles que soient les zones et leurs caractéristiques, autrement dit, dans un souci de cohérence, les autorités organisatrices de l’accueil de la petite enfance doivent en être également les autorités régulatrices.

Reconnaître la place éminente des départements dans la politique d’accueil du jeune enfant

Le service public de la petite enfance ne serait pas complet sans rappeler la place essentielle qu’occupe le conseil départemental et ses services via le schéma départemental et le comité départemental des services aux familles, et le service départemental de la protection maternelle et infantile (PMI). Cette place se trouve confortée par l’article 10 bis introduit par amendement du Gouvernement (AS1113) qui, suivant les recommandations formulées par l’IGAS ([49]), vient préciser le rôle joué par le président du conseil départemental et par la PMI en matière d’autorisation d’ouverture et de contrôle des EAJE. En conséquence, votre rapporteur a fait adopter par la commission des affaires sociales un amendement AS1060 qui prévoit que les communes et leurs groupements sont les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, en lien avec le département.

La place des collectivités territoriales dans la gouvernance de la CNAF est encore insuffisamment affirmée

Enfin, votre rapporteur fait le constat que les collectivités territoriales ne sont pas représentées au sein du conseil d’administration de la CNAF alors même qu’elles contribuent de façon décisive au déploiement de la politique familiale en général, et de celle de l’accueil du jeune enfant en particulier, à l’échelon local. Ainsi, l’article L. 223-3 du code de la sécurité sociale prévoit une représentation des assurés sociaux à parité avec celle des employeurs, la présence de représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et de personnalités qualifiées.

Il serait souhaitable que les associations représentant les élus des autorités organisatrices de l’accueil de la petite enfance (AMF, Intercommunalités de France) soient également représentées dans ce conseil d’administration dont le nombre de membres serait ainsi fixé à 37 au lieu de 35. Un amendement en ce sens sur l’article 10 du présent projet de loi n’est pas recevable, faute d’être rattaché directement à l’accueil du jeune enfant, mais votre rapporteur forme le vœu qu’un vecteur législatif approprié puisse rapidement être trouvé pour pouvoir porter cette disposition.

Pour conclure, votre rapporteur souhaite souligner que le texte de l’article 10 issu des travaux de la commission des affaires sociales apporte des améliorations significatives par rapport à la rédaction initiale, qui tiennent compte des observations des associations d’élus locaux dont une grande partie des propositions se trouvent d’ores et déjà satisfaites. Des échanges se poursuivent entre la ministre Mme Aurore Bergé et le président de l’AMF M. David Lisnard. Cette méthode de concertation avec les représentants des collectivités territoriales est constructive et votre rapporteur s’en félicite.

 

 


  1  

   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 13 heures 30, la Délégation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

 

https://assnat.fr/mudGyp

 

*

*     *

 


  1  

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Cabinet de la ministre des solidarités et des familles

– M. David Blin, directeur-adjoint du cabinet, chef du pôle enfance, parentalité, politiques sociales et familiales ;

– M. Maxime Cermack, conseiller parlementaire.

Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF)

– Mme Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale, éducation, culture, travail et santé ;

– Mme Sarah Reilly, conseillère en charge des dossiers petite enfance et affaires sociales ;

– Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement.

Intercommunalités de France

– Mme Charlotte Sorrin-Descamps, directrice générale adjointe, responsable du pôle économie ;

– M. Romain Briot, directeur général adjoint, responsable du pôle cohésion sociale ;

– Mme Marie Morvan, conseillère cohésion sociale ;

– Mme Montaine Blonsard, responsable des relations parlementaires.

 

 


([1]) Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) : la situation du marché du travail en France au premier trimestre 2023.

([2]) Eurostat (73/2023 - 30 juin 2023).

([3]) Étude de la DARES précitée.

([4]) Communiqué de presse du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion du 13 septembre 2022.  

([5]) Discours d’Aubervilliers (17 mars 2022).

([6]) France Travail : une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l’accès de tous à l’autonomie et à la dignité par le travail.

([7]) Rapport de préfiguration (page 193).

([8]) Sans préjudice, naturellement, des compétences de l’État en matière de formation professionnelle initiale des jeunes sous statut scolaire et universitaire et de service militaire adapté (art. L. 6121-1 du code du travail).

([9]) Chiffres-clefs des régions 2022 (Régions de France - 14 septembre 2022).

([10]) Art. L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([11]) Ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 (art. 1er).

([12]) Site Internet du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion.

([13]) Rapport d’information de la commission des finances du Sénat (n° 27 - 6 octobre 2021 - M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian) sur la situation et l’action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire (page 17).

([14]) Art. L. 5131-2 du code du travail.

([15]) Rapport d’activité 2021 de l’association Alliance Villes Emploi.

([16]) « Les collectivités territoriales et leurs groupements concourent au service public de l'emploi […] ». Ces dispositions sont aujourd’hui abrogées.

([17]) Art. L. 5322-1 et L. 5322-2 du CGCT.

([18]) Les maisons de l’emploi agissent en complémentarité avec Pôle Emploi dans le respect des compétences des régions et des départements (art. L. 5313-1 du code du travail).

([19]) Rapport d’information n° 625 (3 juillet 2012) de Mme Patricia Schilllinger (page 37).   

([20]) Rapport de synthèse précité (page 195).

([21]) Rapport de synthèse précité (page 200).

([22]) Art. L. 6123-3 du code du travail.

([23]) Rapport de synthèse précité (page 221).

([24]) Rapport de synthèse précité (page 199).

([25]) 2° du I de l’article L. 5311‑8 supra.

([26]) L’article 1er systématise l’inscription des différents publics en difficulté (demandeurs d’emploi au sens strict, bénéficiaires du RSA, jeunes de seize à vingt-cinq ans pris en charge par une mission locale, personne handicapée sollicitant l’intervention d’un OPS Cap Emploi) sur la liste des demandeurs d’emploi ayant vocation à être orientés vers une structure d’accompagnement.

([27]) Abrogation de dispositions qui deviendront sans objet ou incompatibles avec la création du réseau et des comités France Travail.

([28]) Amendement COM-214 de la rapporteure au fond, Mme Pascale Gruny.

([29]) Définition donnée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

([30])  https://www.insee.fr/fr/information/4652957

([31]) Celui de Quimperlé (29) regroupe 18 communes, dont 16 relèvent de la communauté d’agglomération de Quimperlé Communauté.

([32]) Celui de Mâcon (71) regroupe 159 communes, dont 35 situées dans le département de l’Ain (région Auvergne‑Rhône-Alpes).

([33]) II de l’article L. 112-2 du code de l’action sociale et des familles.

([34]) Enquête « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants » (MDG) de 2021, DRESS, Etudes et résultats, n°1257, février 2023.

([35]) Enquête Emploi en continu 2021 (EEC 2021). L’enquête Emploi a été refondue en 2021, les résultats sont disponibles jusqu’en 2020.

([36]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale 2022 - Annexe 1 Famille, édition 2023, pp. 105-107.

([37]) Lettre de l’Observatoire national de la petite enfance (ONAPE), n°7, décembre 2022, p. 4.

([38]) Op. cit., p. 14.

([39]) Articles L. 214-5 et D. 214-1 du code de l’action sociale et de la famille.

([40]) Article L. 2324-1 du code de la santé publique.

([41]) Article L. 214-2 du code de l’action sociale et de la famille dans sa rédaction résultant de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles.

([42]) Les relais petite enfance, définis à l’article L. 214-2-1 du code de l’action sociale et de la famille, sont des structures d’information des familles et des professionnels sur l’accueil des jeunes enfants.

([43]) Cette disposition est issue de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi.

([44]) Ces trois items sont ceux qui figurent actuellement à l’article L. 214-2. Les deux qui suivent sont proposés par le présent projet de loi.

([45]) La Convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche famille de la Sécurité sociale pour la période 2023-2027 a été signée le 10 juillet 2023. Cette convention définit les priorités d’intervention et les moyens des CAF pour cinq ans. La fiche n°1 de l’axe 1 décrit la stratégie mise en œuvre pour « Répondre aux besoins d’accueil diversifiés des jeunes enfants et de leurs familles dans le cadre du service public de la petite enfance », les actions à conduire et les échéances correspondantes, et propose onze indicateurs.

([46]) La charte nationale pour l’accueil du jeune enfant est prévue par l’article L. 214-1-1 du code de l’action sociale et des familles. S’adressant aux professionnels, elle définit, à travers dix principes, les conditions et l’environnement d’accueil favorables au développement et à l’épanouissement de l’enfant. L’article 6 du décret n° 2021-1131 du 30 août 2021 relatif aux assistants maternels et aux établissements d’accueil de jeunes enfants prévoit que le projet d’établissement ou de service met en œuvre cette charte nationale.

([47]) La stratégie nationale de santé 2023-2033 est en cours d’élaboration. La stratégie nationale de santé 20182022.

([48]) Lors d’un échange avec le cabinet de la ministre, il a été indiqué à votre rapporteur qu’un délai supplémentaire d’un an devrait être laissé aux communes de plus de 10 000 habitants qui n’ont pas encore mis en place de relais petite enfance (RPE) afin de satisfaire à cette obligation.

([49]) Nicole Bohic, Jean-Baptiste Frossard, Christophe Itier, Thierry Leconte, Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches, IGAS, mars 2023.