N° 1804

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2023

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1),

sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

PAR

Mme Émilie CHANDLER,

Députée.

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 (1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.


 

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

 

Mme Véronique Riotton, présidente ; Mme Virginie Duby-Muller, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Sandrine Josso, viceprésidents ; Mme Julie Delpech, Mme Anne-Cécile Violland, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Anne-Laure Babault ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Soumya Bourouaha ; Mme Céline Calvez ; Mme Agnès Carel ; Mme Émilie Chandler ; Mme Mireille Clapot ; M. Jean-François Coulomme ; Mme Béatrice Descamps ; Mme Christine Engrand ; Mme Géraldine Grangier ; Mme Fatiha Keloua Hachi ; Mme Amélia Lakrafi ; Mme Élise Leboucher ; Mme Julie Lechanteux ; Mme Sarah Legrain ; Mme Marie-France Lorho ; Mme Pascale Martin ; Mme Graziella Melchior ; Mme Frédérique Meunier ; Mme Sophie Panonacle ; Mme Josy Poueyto ; Mme Anaïs Sabatini ; Mme Ersilia Soudais ; M. Emmanuel Taché de la Pagerie ; Mme Sarah Tanzilli ; M. Jean Terlier ; M. Stéphane Viry.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

SynthÈse des RECOMMANDAtions

I. DES Étapes supplÉmentaires dans la MISE EN PLACE D’UNE CULTURE DE LA PRÉVENTION INTÉGRANT PLEINEMENT LA SANTÉ DES FEMMES

A. Une avancée majeure dans la lutte contre les infections au papillomavirus (article 17)

1. Un problème majeur de santé publique pour lequel un vaccin efficace est pourtant disponible

a. Un virus multiforme très contagieux à l’origine de différents cancers

b. Un vaccin à l’efficacité éprouvée depuis plus de 15 ans et préconisé par 130 pays

2. Un taux de couverture vaccinale faible ayant conduit le Gouvernement à lancer une campagne d’ampleur

a. Une couverture vaccinale faible malgré une augmentation des cancers induits par les HPV

b. Une vaste campagne nationale auprès de l’ensemble des collégiens de 11 à 14 ans, dont certaines modalités sont précisées à l’article 17 du PLFSS

3. Pour être pleinement efficace, cette campagne nécessite une implication forte de l’ensemble des parties et doit s’inscrire dans le temps

a. Les parents et adolescents doivent être pleinement sensibilisés

b. L’ensemble des professionnels de santé concernés doivent pouvoir y prendre part

c. La vaccination et sa promotion doivent s’inscrire dans le long terme

B. La pÉrennisation de la gratuitÉ des prÉservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans par son inscription dans la loi (article 18)

1. Une recrudescence préoccupante des IST qui a déjà donné lieu à différentes mesures fortes

2. La gratuité des préservatifs semble rencontrer un certain succès chez les jeunes, qu’il convient de consolider

3. Une ouverture possible aux préservatifs internes, dont l’usage et l’utilité sont encore trop méconnus

C. Un parcours global de prévention qui se consolide et s’inscrit résolument dans une logique d’égalité femmes-hommes

1. Une préparation du déploiement des consultations tout au long de la vie qui a intégré les questions d’égalité (article 20)

2. Des avancées encourageantes sur le chantier de l’éducation à la vie sexuelle et affective, pilier de la prévention chez les jeunes

II. DEUX AVANCÉES CONCRÈTES POUR L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE VIE, DU BIEN-ÊTRE ET DE LA SANTÉ DES FEMMES

A. Un progrès majeur dans la lutte contre la précarité menstruelle (articles 19 et 21)

1. Une augmentation de la précarité menstruelle ayant un retentissement sur la qualité de vie voire sur la santé des plus jeunes et des plus précaires

a. Une augmentation de la précarité menstruelle dans un contexte inflationniste

b. De premières mesures ont été prises et doivent être renforcées

2. Une nouvelle mesure forte et bienvenue pour lutter contre la précarité menstruelle

a. Un dispositif concentré sur les plus jeunes et les plus précaires

b. La promotion de produits réutilisables qui devrait permettre l’augmentation de l’offre et de la qualité de ceux-ci

3. Des modalités de mise en œuvre qui devront être soigneusement étudiées et couplées à la mise à disposition de dispositifs jetables

a. Un dispositif qui demeure lacunaire et pose de réelles questions pratiques nécessitant une complémentarité avec des protections jetables

b. L’importance d’un cahier des charges centré sur la qualité des produits distribués

c. La nécessaire implication des mutuelles pour garantir la gratuité du dispositif

B. Une prise en charge facilitée des cystites simples

1. La prise en charge d’une cystite simple peut aujourd’hui se transformer en véritable parcours du combattant

a. Une forme d’infection urinaire bénigne mais courante et douloureuse, qui touche particulièrement les femmes

b. Des difficultés croissantes d’accès aux soins (désertification médicale, zones rurales, QPV, etc.)

2. Une mesure de simplification bienvenue, répondant aux attentes des patientes

3. Cette mesure doit s’accompagner de certains garde-fous pour éviter la non-détection d’affections plus graves

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

annexe 1 : personnes entendues par la rapporteure

annexe 2 : AMENDEMENTS DE VOTRE RAPPORTEURE  dÉposÉs en COMMISSION DES AFFAIREs SOCIALES

 

 


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introduction

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes se saisit pour la deuxième année consécutive du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Celui-ci comporte en effet à nouveau cette année des mesures fortes en faveur de la santé et du bien-être des femmes, et la Délégation a donc souhaité y apporter sa contribution et son regard spécifiques.

Votre rapporteure s’est en premier lieu intéressée aux mesures portant des avancées en matière de prévention de la santé des jeunes et plus particulièrement des jeunes femmes, à savoir :

-         la campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les collèges (article 17) alors que le taux de couverture vaccinale en France est bien plus faible qu’ailleurs ;

-         la gratuité des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans (article 18) dans un contexte de recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST).

En complément, dans une perspective de suivi des recommandations effectuées l’an passé, ce rapport évoque également les consultations de prévention tout au long de la vie, prévues par la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 et dont le PLFSS pour 2024 précise la mise en œuvre (article 20).

Le bien-être et la qualité de vie des femmes passent également par des mesures fortes de ce PLFSS :

-         en proposant des protections périodiques réutilisables pour les plus précaires et les jeunes de moins de 26 ans (article 19), ce projet de loi apporte une solution bienvenue aux 44 % de jeunes de 18-24 ans qui sont confrontées à la précarité menstruelle ([1]) ;

-         dans le même temps, la simplification du parcours de soins pour les cystites (article 25), dans un contexte de raréfaction du temps médical, permettra de soulager plus rapidement des infections le plus souvent bénignes mais très douloureuses.

Votre rapporteure salue l’ensemble de ces mesures contribuant à améliorer la prévention en santé, notamment sexuelle, des femmes, que la Délégation promeut. Toutefois, pour chacune d’entre elles, après de nombreux échanges avec les parties prenantes, votre rapporteure formule des recommandations pour aller encore plus loin et prendre en compte au mieux les besoins des femmes.

Parallèlement aux travaux d’élaboration du présent rapport d’information, votre rapporteure a également tenu à porter ses premières recommandations, à travers trois amendements déposés en commission des affaires sociales et qui sont donc annexés au présent rapport. Votre rapporteure forme le vœu qu’ils soient intégrés dans le texte définitivement adopté à l’issue de la navette parlementaire.

 

 


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   SynthÈse des RECOMMANDAtions

 

Recommandation n° 1 : sensibiliser les familles à l’innocuité et à l’importance de la vaccination contre les papillomavirus humains dans la prévention des cancers pour soi et pour les autres, en mobilisant l’ensemble des acteurs pertinents (médecins généralistes, gynécologues, médecins et infirmiers scolaires, sages-femmes, professeurs assurant l’éducation à la vie sexuelle et affective).

 

Recommandation n° 2 : étudier la possibilité de procéder à la vaccination avec l’accord d’un seul parent sur le modèle de ce qui a été fait pour la Covid-19.

 

Recommandation n° 3 : assurer à tous les professionnels de santé diplômés qui sont à la fois prescripteurs et réalisateurs de la vaccination une rémunération des vacations d’un montant équivalent à celui prévu pour les médecins.

 

Recommandation n° 4 : diffuser dans les meilleurs délais une circulaire à destination des rectorats précisant les professionnels habilités à prendre part à la campagne, en particulier les sages-femmes.

 

Recommandation n° 5 : le carnet de santé pourrait être utilisé comme support de communication sur les différents vaccins à réaliser tout au long de la vie, dont le vaccin Human Papillomavirus (HPV).

 

Recommandation n° 6 : mettre à disposition des médecins et gynécologues volontaires des doses de vaccin conservées en réfrigérateurs afin qu’ils puissent procéder, directement et de manière gratuite, à la vaccination dans leur cabinet, à la suite par exemple d’une consultation de prévention.

 

Recommandation n° 7 : développer, à partir des données de laboratoire, un outil statistique permettant de disposer du nombre de cas annuels des différentes infections sexuellement transmissibles (IST) et de mesurer leur évolution, afin d’adapter les politiques publiques destinées à les enrayer.

 

Recommandation n° 8 : proposer la délivrance gratuite d’une boîte de préservatifs lors de la délivrance de contraceptifs d’urgence à des moins de 26 ans en pharmacie d’officine.

 

Recommandation n° 9 : faire des campagnes nationales d’information régulières, relayées dans les établissements scolaires, les universités et les lieux d’accueil et de prévention et d’éducation en santé sexuelle et affective, pour promouvoir le préservatif externe et interne en tant qu’instrument de lutte contre la propagation des IST.

 

Recommandation n° 10 : inscrire sur la liste des produits et prestations (LPP) des marques de préservatifs internes ou préservatifs féminins de bonne qualité, à l’instar de ce qui a été fait pour deux marques de préservatifs externes ou préservatifs masculins.

 

Recommandation n° 11 : s’assurer que les programmes des cours de vie affective et sexuelle incluent les questions de prévention en santé sexuelle (protection contre les IST, vaccination HPV), en santé mentale (notamment prévention des violences et cyberviolences, question du consentement) et informent les jeunes sur leurs droits en matière d’accès à la prévention.

 

Recommandation n° 12 : rendre obligatoire, dans les nouveaux projets de construction d’établissements scolaires ou universitaires et dans les projets de restructuration et de réhabilitation impliquant les sanitaires, la mise à disposition de points d’eau à l’intérieur des toilettes individuelles, en particulier dans les toilettes réservées aux filles et aux femmes.

 

Recommandation n° 13 : accélérer et généraliser le déploiement, dans des lieux adaptés et discrets à proximité immédiate des toilettes femmes, des distributeurs de protections périodiques dans les établissements scolaires, universitaires et résidences des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).

 

Recommandation n° 14 : préparer un cahier des charges exigeant tant sur la composition des produits que sur leur capacité d’absorption, notamment en favorisant le coton biologique et en définissant clairement les capacités d’absorption.

 

Recommandation n° 15 : créer une catégorie dédiée pour les protections hygiéniques, distincte de la catégorie des dispositifs médicaux, mais permettant de garantir un seuil de sécurité sanitaire de ces produits.

 

Recommandation n° 16 : rendre obligatoire la prise en charge par les complémentaires santé des 40 % restant à charge pour garantir un accès aux protections périodiques à toutes les jeunes femmes et affirmer que la santé menstruelle est l’affaire de tous.

 

Recommandation n° 17 : informer systématiquement les patientes, lors de la délivrance directe d’un antibiotique par le pharmacien, de la nécessité de consulter un médecin et de procéder à des examens plus approfondis, en cas de cystites à répétition, d’absence de réponse au traitement ou dans les situations à risque.

Remettre aux patientes une brochure, indiquant de manière claire et concise les précautions à prendre pour éviter l’apparition des crises.

 

Recommandation n° 18 : conditionner la délivrance sans ordonnance d’un antibiotique à la consultation du dossier pharmaceutique et à la non-délivrance d’un tel antibiotique sans ordonnance dans les quatre derniers mois.

 

 

 


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I.   DES Étapes supplÉmentaires dans la MISE EN PLACE D’UNE CULTURE DE LA PRÉVENTION INTÉGRANT PLEINEMENT LA SANTÉ DES FEMMES

Dans la lignée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le PLFSS pour 2024 propose des mesures importantes et concrètes favorisant la culture de la prévention, à savoir la campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les collèges et la prise en charge à 100 % des préservatifs pour les moins de 26 ans. Parallèlement, le déploiement des consultations de prévention tout au long de la vie se prépare en tenant compte des préconisations formulées par la Délégation.

A.   Une avancée majeure dans la lutte contre les infections au papillomavirus (article 17)

1.   Un problème majeur de santé publique pour lequel un vaccin efficace est pourtant disponible

a.   Un virus multiforme très contagieux à l’origine de différents cancers

Les infections à papillomavirus (Human Papilloma Virus, HPV) font partie des IST les plus fréquentes au niveau mondial. Très contagieux, les HPV se transmettent par contact direct, peau contre peau ou muqueuse contre muqueuse, avec une personne infectée. Le virus étant présent sur toute la zone génitale, l’usage du préservatif n’en protège que partiellement. Ainsi, la plupart des femmes et des hommes sexuellement actifs seront infectés par ces virus au cours de leur vie.

Près de deux cents types différents de HPV ont été identifiés, dont une quarantaine infecte l’appareil génital. Si 90 % des infections détectées sont éliminées naturellement dans les deux ans et que la majorité des infections à HPV sont asymptomatiques ([2]), il arrive que l’infection devienne à risque. Les HPV à bas risque sont ainsi responsables de verrues anogénitales, fréquentes chez la femme comme chez l’homme (environ 100 000 individus touchés chaque année). Ces verrues sont bénignes mais récidivantes et leur prise en charge est particulièrement douloureuse. Les HPV à haut risque peuvent quant à eux entraîner le développement de lésions précancéreuses, puis cancéreuses en l’absence de détection rapide.

Suivant la localisation du cancer, l’implication des HPV est variable, elle est par exemple de 100 % pour les cancers du col de l’utérus, de 80 % pour les cancers de l’anus et peut aller de 20 % à 70 % pour les cancers de l’oropharynx. Au total, l’infection à HPV est ainsi à l’origine d’environ 5 % de l’ensemble des cancers dans le monde ([3]), touchant 625 600 femmes et 69 400 hommes ([4]). En 2020, le cancer du col de l’utérus était ainsi la quatrième cause de cancer et de décès par cancer chez les femmes à l’échelle mondiale ([5]).


Par ailleurs, les autres cancers provoqués ou favorisés par les HPV tendent à se développer : alors que les cancers oropharyngés étaient auparavant principalement causés par la consommation d’alcool et de tabac, les HPV en sont désormais à l’origine dans 50 % des cas. De plus, l’incidence de ces cancers a augmenté en Europe et aux États-Unis, en particulier chez les hommes.

Source : Institut national du cancer, « Vaccination contre les cancers HPV », août 2023. Disponible en ligne : https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques-de-cancer/Vaccination-contre-les-cancers-HPV

b.   Un vaccin à l’efficacité éprouvée depuis plus de 15 ans et préconisé par 130 pays

Au regard des risques que présentent les HPV et de la protection incomplète qu’offre l’usage des préservatifs, le meilleur moyen de se protéger est donc le vaccin. Ce dernier neutralise le virus avant sa pénétration dans l’organisme, coupant ainsi la chaîne de transmission. Il prévient à plus de 90 % les pré cancers et les cancers sur toutes les localisations chez la femme et l’homme ([6]). Effectuée avant le début de la vie sexuelle, la vaccination protège à près de 100 % contre les souches de HPV couvertes par le vaccin ([7]). Si elle est effectuée après le début de la vie sexuelle, l’efficacité est moindre, le vaccin ne pouvant protéger contre les infections antérieures.

S’il a été un moment soupçonné de provoquer comme effets secondaires des maladies auto-immunes et la sclérose en plaques, la sécurité du vaccin est désormais pleinement établie. En effet, en 2013, des jeunes filles précédemment vaccinées et porteuses de maladies auto-immunes ont porté plainte en invoquant les effets secondaires du vaccin, freinant de facto la vaccination. Face à ces craintes, le Japon a même suspendu sa campagne de vaccination avant de la rétablir en 2022. Toutefois, des études internationales et indépendantes conduites à grande échelle ont depuis conclu que l’apparition de maladies auto-immunes n’était pas plus fréquente chez les personnes ayant reçu le vaccin contre le HPV ([8]). Les autorités françaises et européennes ont, par exemple, retracé tous les effets indésirables signalés par les jeunes femmes après leur vaccination depuis la mise sur le marché des vaccins sans trouver de lien de causalité.

Par ailleurs, la vaccination contre les HPV a longtemps reposé sur les jeunes filles, le premier public ciblé. En effet, parce qu’ils sont liés au cancer du col de l’utérus, les HPV ont longtemps été assimilés, à tort, à des « problèmes féminins ». Or, ils peuvent être responsables d’une diversité de cancers atteignant également les hommes de sorte que 31 % des hommes de plus de 15 ans seraient atteints par au moins l’un de ces virus et 21 % d’entre eux seraient porteurs d’un HPV à haut risque et donc potentiellement oncogène ([9]). C’est pourquoi, il est essentiel de vacciner également les garçons. De plus, comme l’a rappelé lors de son audition par votre rapporteure Mme Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre national des sages-femmes (CNOSF), leur inclusion dans la vaccination contribue à la réduction des inégalités femmes-hommes en leur permettant de se protéger eux-mêmes contre la maladie et en responsabilisant les personnes des deux sexes sur la prévention en santé sexuelle.

Nonobstant ces freins et limitations ayant conduit à une couverture vaccinale encore faiblement avancée dans de nombreux pays, parmi lesquels la France, certains pays ont mené avec succès de vastes campagnes de vaccination concernant les deux sexes, et ce depuis plusieurs années. Ainsi, les couvertures vaccinales dépassent les 60 % en Autriche, en Belgique mais aussi au Royaume-Uni et en Australie où elle dépasse même les 80 % chez les filles (ayant reçu les deux doses nécessaires pour que le schéma vaccinal soit complet) et les garçons (ayant reçu seulement une seule dose) ([10]). L’Australie fait ainsi figure de modèle : la vaccination des filles y est préconisée depuis 2007 et celle des garçons depuis 2013, et se fait notamment dans les écoles. La couverture vaccinale y a permis une réduction de plus de 70 % de la circulation des génotypes responsables de 75 % des cancers du col de l’utérus et une diminution de plus de 50 % de l’incidence des lésions précancéreuses cervicales de haut grade chez les jeunes filles de moins de 20 ans ([11]). Dans ce pays, le succès des campagnes de vaccination, associées au dépistage, ouvre la perspective d’une éradication du cancer du col de l’utérus d’ici une quinzaine d’années.

2.   Un taux de couverture vaccinale faible ayant conduit le Gouvernement à lancer une campagne d’ampleur

a.   Une couverture vaccinale faible malgré une augmentation des cancers induits par les HPV

La France, a contrario, est bien loin de ces résultats et de l’objectif de 60 % de couverture vaccinale fixé à l’horizon 2019 dans le cadre du plan cancer 2014‑2019. Alors que le vaccin y est commercialisé depuis 2007 et préconisé pour les jeunes filles de 11 à 14 ans – et en rattrapage de 15 à 19 ans la couverture vaccinale des filles avec un schéma complet était de seulement 41,5 % en 2022 (47,8 % avaient reçu une dose). Les garçons, éligibles à la vaccination depuis 2021, n’étaient quant à eux que 12,8 % à avoir effectué une dose et seulement 8,5 % à avoir un schéma vaccinal complet ([12]).

Si la comparaison des couvertures vaccinales chez les jeunes filles entre 2021 et 2022 montre une dynamique positive ([13]),cette progression est cependant moins importante que lors des années précédentes et les taux de couverture restent faibles.

Santé Publique France relève quelques facteurs déterminants : par exemple la couverture vaccinale est plus élevée chez les filles aînées, en particulier lorsque les parents ont des hauts revenus et un niveau de diplôme élevé. De plus, comme le montre le tableau ci-dessous, il existe des inégalités territoriales, les jeunes femmes seraient ainsi moins vaccinées au sud de la Loire et très peu vaccinées en outre-mer.

Chez les garçons, la couverture vaccinale est encore plus faible et semble montrer les mêmes disparités territoriales, la couverture vaccinale étant de seulement 9,3 % en Provence Alpes Côte d’Azur et de moins de 5 % dans les régions d’outre-mer.

Dans ces conditions, l’amélioration de la couverture vaccinale en France répond à un double enjeu : d’un côté, il s’agit d’éradiquer à terme le cancer du col de l’utérus ([14]), en associant vaccination et dépistage. De l’autre, l’objectif est de réduire l’incidence et la mortalité des autres cancers HPV induits pour lesquels la vaccination est recommandée et pour lesquels il n’y a pas de dépistage ([15]).

b.   Une vaste campagne nationale auprès de l’ensemble des collégiens de 11 à 14 ans, dont certaines modalités sont précisées à l’article 17 du PLFSS

Dans ce contexte, le Président de la République a annoncé une campagne nationale de vaccination contre les infections à HPV des jeunes de 11 à 14 ans, dans tous les collèges publics (environ 7 000) et tous les collèges privés sous contrat volontaires (1 500 collèges privés comptent s’engager, sur un total de 1 660). Au total, 800 000 élèves de cinquième sont concernés par la mesure cette année, avec pour objectif de vacciner au moins 30 % des élèves au collège d’ici la fin de l’année scolaire.

L’annexe 9 du PLFSS pour 2024 mentionne une montée en charge du dispositif pendant les quatre prochaines années, ce qui semble indiquer une volonté de reconduite annuelle de la campagne sur cette période et constitue une excellente nouvelle dans la perspective d’atteindre une couverture vaccinale de 80 % chez les 11-14 ans à l’horizon 2030. Lancée le 2 octobre dernier, la campagne est conçue sur la base du volontariat des collégiens, avec l’accord écrit des deux parents. La première dose sera proposée à l’automne tandis que la seconde devrait être administrée avant la fin juin 2024. Votre rapporteure ne peut que se féliciter de cette mesure, qui rejoint les préoccupations exprimées par votre Délégation l’an dernier déjà, à travers deux recommandations de son précédent rapport sur le PLFSS ([16]) .

Les coûts de la campagne sont intégralement pris en charge par l’assurance maladie ([17]). Pour ce faire, la mesure crée une nouvelle exonération de participation des assurés à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale pour les vaccins administrés spécifiquement dans le cadre de la campagne. Au total, le coût de la campagne à schéma complet est estimé à 35 millions d’euros la première année.

En termes d’organisation, il incombe aux agences régionales de santé (ARS) et aux rectorats d’organiser le calendrier vaccinal. La planification des séances est effectuée par les structures désignées par l'ARS pour vacciner, notamment les centres de vaccination, en lien avec l’établissement concerné. La campagne sera en effet réalisée par des professionnels de santé à travers un système de vacations, sur le modèle de la campagne de vaccination contre la Covid-19. Les professionnels de santé sont donc directement rémunérés par les organismes locaux d’assurance maladie.

Votre rapporteure attire l’attention sur la place de la médecine scolaire dans cette campagne. Compte tenu de ses faibles moyens humains ([18]), celle-ci ne pouvait faire face seule à une campagne d’une telle ampleur et le syndicat des infirmiers scolaires a donc demandé à ne pas y prendre part. Dès lors, les médecins scolaires sont seulement chargés de l’information en direction des parents et des professionnels de santé prenant part à la campagne.

3.   Pour être pleinement efficace, cette campagne nécessite une implication forte de l’ensemble des parties et doit s’inscrire dans le temps

a.   Les parents et adolescents doivent être pleinement sensibilisés

La réussite de la campagne repose en grande partie sur l’adhésion des collégiens et surtout de leurs parents. Il est donc prioritaire de les sensibiliser et de pleinement les informer, en particulier dans les zones où la vaccination est la plus faible, par exemple inférieure à 30 %, pour les filles et à 8 % pour les garçons c’est-à-dire les départements du sud, la Corse et les départements d’outre-mer.

Comme l’ont suggéré les représentants du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique et de gynécologie médicale (CNPGO‑GM) lors de leur audition par votre rapporteure, la campagne de vaccination devrait s’accompagner d’une campagne d’information sur les conséquences réelles des infections à HPV, c’est-à-dire le risque de cancer. Les parents gagneraient également à être informés dès la classe de sixième que leurs enfants sont éligibles à la vaccination à l’école gratuitement l’année suivante. Dans le même temps, en s’appuyant sur l’expérience acquise à l’occasion de la pandémie de Covid-19 en termes de sensibilisation à la vaccination, la campagne devrait rappeler qu’en matière de HPV, se protéger soi-même permet également de protéger les autres.

 

Recommandation n° 1 : sensibiliser les familles à l’innocuité et à l’importance de la vaccination HPV dans la prévention des cancers pour soi et pour les autres, en mobilisant l’ensemble des acteurs pertinents (médecins généralistes, gynécologues, médecins et infirmiers scolaires, sages-femmes, professeurs assurant l’éducation à la vie sexuelle et affective).

Par ailleurs, sur le modèle de la vaccination contre la Covid-19, il serait intéressant d’étudier la possibilité que l’accord d’un seul parent ouvre le droit à la vaccination. Cette mesure pourrait être temporaire et s’éteindre au fur et à mesure que l’information sur les bienfaits de la vaccination progresse. Votre rapporteure relève avec inquiétude que l’une des premières suggestions des moteurs de recherche après les termes « vaccin HPV » est d’y ajouter le terme « danger », signe que les interrogations qu’a pu susciter le vaccin il y a désormais une décennie ont laissé des traces dans l’imaginaire collectif, et continuent de donner lieu à des campagnes de désinformation.

Recommandation n° 2 : étudier la possibilité de procéder à la vaccination avec l’accord d’un seul parent sur le modèle de ce qui a été fait pour la Covid-19.

b.   L’ensemble des professionnels de santé concernés doivent pouvoir y prendre part

En prévoyant le recours à un système de vacation, la mesure permet aux nombreux professionnels de santé disposant de la compétence vaccinale de prendre part à la campagne de vaccination, c’est-à-dire :

-         les professionnels de santé libéraux : médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens ;

-         les professionnels exerçant en centre de santé : salariés, retraités et agents publics ;

-         les étudiants de 3e cycle en médecine et en pharmacie.

Dans l’ensemble, les professionnels de santé interrogés par votre rapporteure semblent réticents à l’idée de participer à la campagne. Ils sont nombreux à signaler que le temps médical est rare et qu’ils s’assurent aujourd’hui de nombreuses missions entre lesquelles ils doivent souvent arbitrer.

Par ailleurs, les professionnels de santé pointent du doigt le niveau de rémunération proposé pour les vacations. En effet, par dérogation à la méthode conventionnelle habituelle, l’article 17 du PLFSS pour 2024 prévoit que la fixation des tarifs se fait par arrêté ministériel. Le tableau ci-dessous récapitule le tarif des vacations qui a été fixé :

 

Tarifs de vacations :

Tarif horaire

 

Médecin

75 €/h

Pharmaciens et sages-femmes

48 €/h

Infirmiers

37 €/h

Médecins retraités, sans activité, salariés ou fonctionnaires

50 €/h

Infirmiers retraités, sans activité, salariés ou fonctionnaires

24 €/h

Sages-femmes, pharmaciens, retraités, sans activité, salariés ou fonctionnaires

32 €/h

Source : tableau transmis par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) aux professionnels de santé.

Ce tableau de rémunération est problématique à plusieurs égards. Comme signalé plus haut, le temps médical étant rare, les professionnels qui prendront part à la vaccination devront choisir entre leur rémunération habituelle et cette vacation. Or, pour les médecins, et en particulier pour les spécialistes, cette rémunération est moins intéressante, certains ayant même été jusqu’à parler de « bénévolat ». En sens inverse, cette grille dénote un important écart de rémunération entre les médecins d’un côté et les pharmaciens et les sages-femmes de l’autre, alors même qu’ils ont tous la qualité de prescripteur. Il n’y a donc pas de justification objective à un tel écart de rémunération.

Il apparaît urgent de remédier à cette situation pour mobiliser tous les professionnels de santé prêts à s’engager, au risque que la campagne soit un échec.

Recommandation n° 3 : assurer à tous les professionnels de santé diplômés qui sont à la fois prescripteurs et réalisateurs de la vaccination une rémunération des vacations d’un montant équivalent à celui prévu pour les médecins.

En outre, il semble nécessaire d’améliorer l’information des rectorats sur les professionnels de santé autorisés à prendre part à la campagne. Le CNSOF a en effet alerté votre rapporteur sur le fait que des sages-femmes convaincues de la nécessité de participer à la vaccination en dépit de la faible rémunération qui leur est proposée ont été éconduites par certains rectorats qui les présumaient incompétentes pour la réaliser ; ce défaut manifeste d’information pourrait porter préjudice à la campagne de vaccination.

Recommandation n° 4 : diffuser dans les meilleurs délais une circulaire à destination des rectorats précisant les professionnels habilités à prendre part à la campagne, en particulier les sages-femmes.

c.   La vaccination et sa promotion doivent s’inscrire dans le long terme

À plus long terme, consolider la couverture vaccinale des HPV supposera de sensibiliser les parents et les enfants à l’intérêt de ce vaccin, qui devrait s’inscrire dans le parcours vaccinal des enfants. Les parents peuvent par exemple être réticents à vacciner leur enfant à un âge aussi précoce pour une pathologie liée à la sexualité. Or, tout l’intérêt du vaccin repose sur le principe d’une vaccination avant l’entrée dans la vie sexuelle. Une grande pédagogie auprès des parents est donc cruciale. Sous un angle pratique, le carnet de santé qui récapitule les vaccins à effectuer pourrait servir de support d’information et de pédagogie pour le vaccin HPV.

Recommandation n° 5 : le carnet de santé pourrait être utilisé comme support de communication sur les différents vaccins à réaliser tout au long de la vie, dont le vaccin HPV.

Par ailleurs, les professionnels de santé ont un rôle à jouer comme relais de cette campagne, de même que les médecins et infirmiers scolaires. Dans le cadre de leurs fonctions, ils constituent en effet des relais efficaces pour les messages de prévention, en particulier lorsqu’ils conduisent des entretiens individuels avec les collégiens.

Les médecins généralistes et en particulier les pédiatres, grâce au lien de confiance spécifique qu’ils entretiennent avec leurs patients et leurs familles, pourraient activement sensibiliser parents et enfants à l’intérêt de la vaccination HPV. Comme l’a rappelé MG France dans sa réponse au questionnaire écrit adressé par votre rapporteure, « le médecin généraliste est l’interlocuteur privilégié des patients face aux questions de vaccination, du fait d’une confiance construite au fil des années ». Il serait donc judicieux de leur garantir un approvisionnement en vaccins pour qu’ils puissent procéder à la vaccination directement en consultation et de manière gratuite.

Recommandation n° 6 : mettre à disposition des médecins et gynécologues volontaires des doses de vaccin conservées en réfrigérateurs afin qu’ils puissent procéder, directement et de manière gratuite, à la vaccination dans leur cabinet, à la suite par exemple d’une consultation de prévention.

B.   La pÉrennisation de la gratuitÉ des prÉservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans par son inscription dans la loi (article 18)

1.   Une recrudescence préoccupante des IST qui a déjà donné lieu à différentes mesures fortes

Comme le signalait déjà le rapport de votre Délégation sur le PLFSS pour 2023, on observe actuellement une recrudescence préoccupante des IST. Les infections à chlamydia ont, par exemple, augmenté de 29 % entre 2017 et 2019 ([19]). Cette recrudescence tient à des facteurs structurels tels qu’une méconnaissance des IST et du VIH, tant sur leur mode de transmission que sur les risques encourus, qui entraîne à terme une circulation croissante de ces virus ([20]). Ainsi, l’utilisation d’une contraception lors des rapports sexuels semble de moins en moins acquise, une enquête de 2021 soulignant par exemple que 26 % des jeunes interrogés n’utilisent « pas tout le temps » voire « jamais » de préservatif lorsqu’ils rencontrent un nouveau partenaire ([21]).

Il est donc important de remobiliser les professionnels de santé et les populations clés, en particulier les jeunes, sur l’importance de la contraception et du dépistage combiné pour prévenir et pouvoir traiter ces IST. Un dépistage précoce des personnes et de leurs partenaires, suivi d’une mise sous traitement rapide, est en outre indispensable pour interrompre les chaînes de transmission.

Par ailleurs, votre rapporteure regrette la forte baisse de la quantité de données de surveillance sanitaire fournies par les laboratoires et par les centres de dépistage dans les dernières années, rapportée par Santé publique France ([22]). Elle gagnerait à être améliorée pour permettre un suivi de la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030.

 

Recommandation n° 7 : développer, à partir des données de laboratoire, un outil statistique permettant de disposer du nombre de cas annuels des différentes IST et de mesurer leur évolution, afin d’adapter les politiques publiques destinées à les enrayer.

Face à ces constats, des mesures ont fortes ont déjà été prises pour améliorer l’accès au dépistage, une priorité de la stratégie nationale de santé sexuelle 2017‑2030. En effet, la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 a permis la généralisation de l’expérimentation « Au labo sans ordo » ou « VIH test » permettant de procéder à des tests sans avance de frais et sans ordonnance dans tous les laboratoires de biologie médicale. L’article 30 de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a étendu cette possibilité à d’autres IST et prévu leur remboursement à 100 % pour les moins de 26 ans.

2.   La gratuité des préservatifs semble rencontrer un certain succès chez les jeunes, qu’il convient de consolider

Dans cette lignée, la gratuité des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans, prévue par l’article 18 du PLFSS pour 2024, complète le dispositif existant. Cet article prévoit une prise en charge à 100 % par l’assurance maladie des frais liés à l’achat des préservatifs pour les moins de 26 ans. Un décret ultérieur devra préciser les modalités de délivrance et le nombre maximal de préservatifs délivrés.

Cette mesure constitue une avancée d’autant plus importante qu’avant l’adoption de cette mesure, la gratuité des préservatifs n'était possible qu’auprès des centres de dépistage, de certaines associations et des infirmeries scolaires pour les mineurs. Il s’agit donc d’un progrès indéniable, d’autant plus que la baisse du pouvoir d’achat due à l’inflation et les difficultés économiques touchent particulièrement les jeunes et peuvent constituer un frein à la contraception. Pour ces jeunes, demander le financement par un proche adulte pouvait s’avérer difficile, du fait du tabou entourant la sexualité dans de nombreuses familles.

En pratique, depuis le 1er janvier 2023, tous les jeunes âgés de moins de 26 ans peuvent obtenir les préservatifs masculins des marques Eden et Sortez couverts ! en se rendant en pharmacie. Toutefois, les jeunes majeurs doivent présenter leur carte Vitale ou une attestation de droits ou à défaut une pièce d’identité. Les titulaires de l’aide médicale de l’État (AME) peuvent également en bénéficier, en présentant leur carte AME, de même que les ressortissants de l’Union européenne en présentant leur carte européenne d’assurance maladie. Pour les mineurs, une simple déclaration sur l’honneur suffit à justifier leur âge ou leur statut d’assuré social (ou de bénéficiaire de l’AME). Les mineurs peuvent en outre demander le secret de la délivrance.

S’il est encore trop tôt pour en dresser un bilan, la mesure semble rencontrer un certain succès, au moins en termes de communication : 80 % des jeunes déclarent connaître cette mesure ([23]), un constat partagé par les médecins généralistes. Pour autant, 84 % des jeunes disent ne pas être allés chercher de préservatifs depuis l’entrée en vigueur de la mesure ([24]). De son côté, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) relève que, de janvier à début juin 2023, le nombre de préservatifs pris en charge a pratiquement triplé (11,2 millions de préservatifs contre 4,2 millions en 2022 sur la même période), précisant que cette hausse est portée par les moins de 26 ans : leur consommation a été multipliée par cinq sur la même période (7,8 millions de préservatifs remboursés contre 1,6 million en 2022) ([25]).

Toutefois, Mme Sarah Durocher, présidente du Mouvement français pour le Planning familial (MFPF), a rappelé au cours de son audition par votre rapporteure que les jeunes sont parfois mal à l’aise à l’idée d’évoquer les questions de sexualité avec les professionnels de santé. Une crainte partagée la Fédération nationale des pharmaciens de France, qui a de son côté indiqué que les jeunes fréquentent dans l’ensemble peu les officines. Il pourrait donc être utile que les pharmaciens remettent une boîte de préservatifs au moment de la délivrance d’une contraception d’urgence.

Recommandation n° 8 : proposer la délivrance gratuite d’une boîte de préservatifs lors de la délivrance de contraceptifs d’urgence à des moins de 26 ans en pharmacie d’officine.

Cette initiative permettrait de mieux faire connaître la mesure de gratuité des préservatifs, mais aussi de rappeler son rôle essentiel de protection, non seulement contre les grossesses non désirées mais également contre les IST, comme l’a justement signalé la présidente du CNOSF à votre rapporteure. En effet, les données disponibles soulignent que 86 % des jeunes déclarent utiliser les préservatifs plutôt en tant que contraceptif, et qu’ils sont seulement 58 % à le faire pour se protéger des IST ([26]).

Recommandation n° 9 : faire des campagnes nationales d’information régulières, relayées dans les établissements scolaires, les universités et les lieux d’accueil et de prévention et d’éducation en santé sexuelle et affective, pour promouvoir le préservatif externe et interne en tant qu’instrument de lutte contre la propagation des IST.

Votre rapporteure souligne le rôle essentiel des associations dans la sensibilisation et la distribution des contraceptifs. Il convient donc de leur assurer un approvisionnement régulier en dispositifs de contraception de qualité.

Par ailleurs, votre rapporteure suggère d’effectuer des enquêtes qualitatives sur les produits distribués. Certains auditionnés et en particulier la présidente du MFPF ont fait état de mauvaises remontées de terrain sur la qualité des produits distribués en pharmacie : certains jeunes ont en effet signalé que ces produits pouvaient être trop faiblement lubrifiés et donc rompre plus facilement.

3.   Une ouverture possible aux préservatifs internes, dont l’usage et l’utilité sont encore trop méconnus

Si l’article 18 du PLFSS pour 2024 ne mentionne pas explicitement les préservatifs féminins, également appelés préservatifs internes, l’annexe 9 du projet de loi de financement apporte cette précision d’importance pour les femmes, mais aussi pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. C’est pourquoi, votre rapporteure a déposé deux amendements à l’article 18 afin que celui-ci mentionne explicitement que la prise en charge concerne à la fois les préservatifs externes et internes. Votre rapporteure se réjouit de leur adoption en commission des affaires sociales.

Aujourd’hui, les préservatifs internes sont utilisés par environ 1 % des femmes. Les auditionnés ont expliqué ce faible taux par deux raisons principales : en premier lieu, ils nécessitent une bonne connaissance par les femmes de leur anatomie pour être utilisés de façon optimale et donc être efficaces à 95 % contre 98 % pour le préservatif masculin ([27]). Dans la pratique, leur efficacité l’Inserm estime toutefois plutôt leur efficacité à 79 %, du fait de certaines mauvaises utilisations, contre 85 % pour le préservatif masculin ([28]). En second lieu, et ce deuxième point n’est probablement pas sans lien avec le premier, ces préservatifs sont proposés par très peu de fabricants, et donc « introuvables » selon le terme de la présidente du MFPF, qui regrettait vivement cet état de fait. Il faut ajouter que le prix sensiblement plus élevé des préservatifs féminins constituait également très probablement un frein au développement de leur commercialisation ([29]).

L’inclusion des préservatifs internes dans ce dispositif de gratuité marque donc une avancée notable vers une meilleure connaissance et une plus grande utilisation de ceux-ci. Tout d’abord, elle donne aux jeunes la liberté d’explorer et de choisir le préservatif qui leur convient le mieux, sans freins financiers. La prise en charge des préservatifs féminins par l’assurance maladie devrait, par ailleurs, inciter les industriels à en augmenter la fabrication et la qualité, afin de s’emparer de ce nouveau marché.

De plus, le préservatif interne présente de réels avantages. En termes pratiques, il s’adapte plus facilement à l’anatomie féminine et est donc plus solide tout en offrant une plus grande sensibilité lors des rapports sexuels. Il est également compatible avec des lubrifiants à base d’eau et d’huile et souvent fabriqué en polyuréthane, convenant donc aux personnes allergiques au latex. Comme il peut être posé jusqu’à huit heures avant le rapport, il n’interrompt pas la spontanéité des rapports et apporte une solution utile aux femmes qui ne peuvent pas négocier leur contraception, en particulier les femmes en situation de prostitution.

Les remontées de terrain relayées à votre rapporteure par la présidente du Planning familial tendent à démontrer que les femmes ayant reçu une information sur les avantages du préservatif féminin et ses modalités d’utilisation sont nombreuses à l’adopter par la suite. Il y a donc un travail d’information et de pédagogie à effectuer autour du préservatif interne. Allant dans le même sens, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) soulignent que « le préservatif féminin contribue au besoin d’autonomie des femmes, spécialement lorsqu’il est accompagné par des activités d’éducation et d’information » ([30]).

Au vu de ces éléments, votre rapporteure considère que l’inclusion possible du préservatif féminin dans le champ d’application du texte est une très bonne mesure. Si des industriels ont formulé des demandes d’inscriptions de marques de préservatifs internes dans la liste des produits et prestations (LPP) remboursables par l’assurance maladie, aucune n’a encore définitivement abouti. Or, sans cette inscription, aucun remboursement n’est possible.

Toutefois, lors de son audition par votre Délégation, M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, a souligné que deux marques de préservatifs internes ont vu leurs demandes validées par la Haute autorité de santé (HAS), une étape importante avant l’inscription définitive sur la LPP. Votre rapporteur s’en réjouit et plaide pour une accélération dans le traitement de ces demandes afin que dispositif de gratuité prévu à l’article 18 du PLFSS soit pleinement effectif.

Recommandation n° 10 : inscrire sur la liste des produits et prestations des marques de préservatifs internes ou préservatifs féminins de bonne qualité, à l’instar de ce qui a été fait pour deux marques de préservatifs externes ou préservatifs masculins.

C.   Un parcours global de prévention qui se consolide et s’inscrit résolument dans une logique d’égalité femmes-hommes

Ces deux nouvelles mesures s’inscrivent dans une stratégie plus globale de diffusion d’une culture de la prévention en santé, que la Délégation soutient et pour laquelle elle a déjà formulé des recommandations, en particulier sur les consultations de prévention et les cours de vie sexuelle et affective.

1.   Une préparation du déploiement des consultations tout au long de la vie qui a intégré les questions d’égalité (article 20)

L’article 29 de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a introduit un nouveau dispositif instaurant des consultations de prévention tout au long de la vie, mesure largement étudiée par le rapport de votre Délégation de l’an dernier. Cette mesure se traduisait concrètement par l’instauration de trois consultations à des âges identifiés comme clés dans la vie (25, 45, et 65 ans).

Votre Délégation avait souhaité, à travers sa recommandation n° 8, que les sages-femmes, infirmiers et gynécologues soient associés à ce parcours de prévention. L’article 20 du PLFSS pour 2024 prévoit qu’un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé devra préciser la liste des professionnels pouvant réaliser les rendez-vous de prévention, ce qui ne permet pas encore de savoir si cette recommandation sera suivie. Votre rapporteure se félicite toutefois que les sages-femmes, comme le lui ont indiqué les représentantes du CNOSF, aient été associées aux échanges préparatoires au déploiement de ces nouvelles consultations de prévention. Mieux qu’associées, elles ont été entendues sur différents points parmi lesquels notamment :

-         l’inclusion d’un volet prévention et détection des violences dans les trois consultations, et non seulement dans les deux premières, conformément à la recommandation ([31]) de la rapporteure de la Délégation pour le PLFSS 2023 et aux conclusions du rapport de votre Délégation sur la santé mentale des femmes ([32]) : ce rapport établit nettement que les femmes séniors sont tout autant, sinon davantage touchées, par les violences multiformes faites aux femmes, y compris conjugales et sexuelles ;

-         l’inclusion d’un volet santé sexuelle pour la troisième consultation ; votre rapporteure s’en félicite puisque, malgré certains stéréotypes persistants, la vie sexuelle des femmes ne se limite pas à la période de fertilité ou préménopausique et la surveillance de leur santé affective et sexuelle ne doit pas se limiter à cette période.

Enfin, votre rapporteure tient à relayer le message des sages-femmes sur le fait que le choix des âges peut prêter à débat et ne pas toujours être parfaitement adapté, en particulier pour les femmes : le CNOSF considère par exemple que les âges clés optimaux pour les femmes seraient les suivants :

-         le premier rendez-vous pourrait avoir lieu dès 15 ans au moment de l’entrée dans la vie sexuelle ;

-         le deuxième aurait lieu au moment du désir (ou non) de grossesse, soit entre 25 et 35 ans ;

-         le dernier permettrait d’évoquer la ménopause aux alentours de 45 à 55 ans ([33]).

Votre rapporteure suggère en tout état de cause que le déploiement des parcours prenne en compte cette nécessaire souplesse dans l’appréciation de ce que sont les âges clés, tout en considérant que la première consultation longue obligatoire devrait effectivement intervenir bien plus tôt que ce qui est prévu, l’âge de 25 ans lui semblant bien trop tardif pour un premier rendez-vous de prévention. Elle réitère donc la recommandation formulée par sa prédécesseure, Mme Prisca Thévenot, selon laquelle une consultation consacrée à la vie sexuelle et affective ainsi qu’à la prévention des violences, dès 15-16 ans, soit spécifiquement prévue. Elle serait également l’opportunité d’aborder l’intérêt de la vaccination HPV avant l’entrée dans la vie sexuelle et d’effectuer, le cas échéant, des vaccinations de rattrapage.

2.   Des avancées encourageantes sur le chantier de l’éducation à la vie sexuelle et affective, pilier de la prévention chez les jeunes

Comme cela a déjà beaucoup été dit et écrit, la diffusion d’une véritable culture de la prévention va de pair avec la mise en œuvre effective des cours d’éducation à la vie sexuelle et affective et une sensibilisation dès l’adolescence permettant de promouvoir une approche positive des relations entre les femmes et les hommes et de la sexualité, qui se poursuit tout au long de la vie et garantit également une meilleure information sur les risques (IST, cancers, etc.).

Pourtant, en 2022, soit plus de vingt ans après la promulgation de la loi prévoyant les trois séances annuelles d’éducation à la vie sexuelle et affective, 67 % des jeunes de 15 à 25 ans disent ne pas avoir bénéficié de ces trois séances ([34]) ; ils seraient même 17 % à n’en avoir jamais reçues ([35]). Une situation d’autant plus inacceptable que les jeunes plébiscitent ces cours et y trouvent un intérêt. Selon une étude de l’association Nous Toutes, 51,4 % des jeunes interrogés pensaient que ces cours leur avaient effectivement permis d’améliorer leur capacité à gérer « les aspects pratiques d’une relation sexuelle » ([36]). Dans ce contexte, le Planning familial, Sidaction et SOS Homophobie ont saisi le tribunal administratif, en mars dernier, pour demander l’application de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Entendu en juillet 2023 par votre Délégation, le ministre de l’Éducation nationale a toutefois annoncé que l’élaboration de programmes pour ces cours d’éducation à la vie sexuelle et affective était en cours, ces programmes étant attendus pour la fin de l’année. Il a également annoncé que ces cours seraient dispensés par des enseignants, qui seraient spécifiquement formés dans cette optique ([37]). Les programmes étant enfin en cours d’élaboration, votre rapporteure salue le fait que ce pas ait enfin été franchi et rappelle qu’ils doivent impérativement couvrir les sujets fondamentaux que sont :

– la prévention en santé sexuelle : vaccination contre les HPV, contraception, protection contre les IST, etc., en renseignant les jeunes sur leurs droits, par exemple la possibilité d’accéder à des préservatifs ou des contraceptifs d’urgence gratuits en pharmacie ou d’effectuer gratuitement la consultation de contraception et de prévention en santé sexuelle pour les moins de 26 ans ;

– la sensibilisation et la formation à la détection de toutes les formes de violences, en particulier les violences sexistes et sexuelles ([38]) ; la question du consentement qui n’a pas été abordée dans 24 % des cas selon un sondage IFOP ([39]) ;

– l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment pour lutter contre les stéréotypes massivement colportés par les réseaux sociaux et la pornographie.

 

Recommandation n° 11 : s’assurer que les programmes des cours de vie affective et sexuelle incluent les questions de prévention en santé sexuelle (protection contre les IST, vaccination HPV), en santé mentale (notamment prévention des violences et cyberviolences, question du consentement) et informent les jeunes sur leurs droits en matière d’accès à la prévention.

 


II.   DEUX AVANCÉES CONCRÈTES POUR L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE VIE, DU BIEN-ÊTRE ET DE LA SANTÉ DES FEMMES

Outre la santé sexuelle des femmes, le PLFSS pour 2024 apporte des améliorations pour leur qualité de vie et leur bien-être. La lutte contre la précarité menstruelle, en particulier des plus jeunes, apparaît notamment comme une priorité. À celle-ci s’ajoute une volonté de faciliter le parcours de soins pour les pathologies simples telles que les cystites. Les femmes qui y sont particulièrement sujettes apprécieront cette solution pratique pour accéder rapidement à un traitement.

A.   Un progrès majeur dans la lutte contre la précarité menstruelle (articles 19 et 21)

1.   Une augmentation de la précarité menstruelle ayant un retentissement sur la qualité de vie voire sur la santé des plus jeunes et des plus précaires

a.   Une augmentation de la précarité menstruelle dans un contexte inflationniste

Les menstruations représentent un coût fixe et régulier allant de dix à cinquante euros par mois selon les estimations ([40]), qui s’impose à environ seize millions de femmes aujourd’hui en France ([41]). Si en 2021, deux millions de femmes rencontraient des difficultés pour assumer ce coût chaque mois, elles sont désormais près de quatre millions ([42]) à être en situation de précarité menstruelle.

La précarité menstruelle concerne différents profils : les femmes sans domicile fixe, les cheffes de famille monoparentale avec un ou plusieurs enfants ainsi que les jeunes femmes. 44 % des 18 à 24 ans sont en effet touchées, soit un million de personnes ([43]) dont plus de 350 000 ([44]) n’ont pas accès, et ce de manière régulière, aux protections périodiques.

En d’autres termes, ces femmes ne peuvent pas vivre et gérer dignement leurs périodes de règles et sont donc contraintes à de douloureux arbitrages : 21 % des femmes auraient ainsi renoncé à acheter des protections dans l’année ([45]) alors que 13 % d’entre elles auraient renoncé à d’autres biens essentiels pour s’offrir des protections périodiques ([46]).

D’autres femmes mettent en péril leur santé en utilisant des produits alternatifs non conçus pour cet usage à l’instar du papier toilette, ouvrant la porte à des infections et autres pathologies. Plus grave encore, certaines femmes pourraient garder trop longtemps des protections hygiéniques comme les tampons ou les coupes menstruelles et s’exposer à un risque de choc toxique, une maladie infectieuse rare mais parfois mortelle. Selon une étude du Centre international de recherche en infectiologie de Lyon et du Centre national de référence des staphylocoques, garder un tampon plus de six heures multiplie par deux le risque de choc toxique et le garder toute la nuit multiplie le risque par trois ([47]).

Une situation alarmante qui pourrait encore se détériorer : 86 % des femmes en situation de précarité menstruelle pensent ainsi que leur situation ne va pas s’améliorer dans les prochains mois ([48]) et que, dans le même temps, les tampons et serviettes font partie des produits non alimentaires dont le prix a le plus augmenté entre novembre 2022 et mars 2023 ([49]).

b.   De premières mesures ont été prises et doivent être renforcées

Pourtant, la précarité menstruelle est un objet de politiques publiques en France depuis plusieurs années. Inspirées par des exemples internationaux, les associations féministes françaises ont réclamé et obtenu la fin de la « taxe tampon ». Ainsi, au 1er janvier 2016, les protections périodiques auxquelles s’appliquait une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 20 % ont intégré la catégorie des produits de première nécessité, leur permettant de bénéficier d’une TVA de 5,5 %.

Par la suite, en 2020, le Gouvernement a décidé de lancer une expérimentation visant à installer des distributeurs de protections périodiques dans certains lieux publics ([50]), pour un coût d’un million d’euros. Des distributeurs de protections périodiques ont donc été installés dans les accueils de jour, foyers et centres d’hébergements fréquentés par les femmes en situation de grande précarité ([51]) mais également les établissements d’incarcération et dans les établissements de second degré et les universités.

Cette expérimentation a permis de lever le voile sur la précarité menstruelle des plus jeunes, jusque-là mal identifiée par les établissements scolaires. En Île-de-France par exemple, un proviseur de lycée professionnel relate s’être « d’abord demandé quel était l’intérêt de ce truc-là » avant de « faire le constat d’un réel besoin » ([52]). Ainsi, selon une étude de la marque Always de 2018 ([53]), environ 130 000 filles manqueraient régulièrement l’école en France, faute de pouvoir se procurer des protections hygiéniques. À cette difficulté financière s’ajoute une dimension de tabou et de honte liés aux menstruations, empêchant les jeunes filles de signaler leur besoin aux infirmiers scolaires, pourtant habilités à distribuer des protections hygiéniques.

Les distributeurs, auxquels 94 % des jeunes sont favorables, permettent de dépasser ce problème et ont ainsi rencontré un grand succès ([54]). C’est pourquoi de plus en plus de collectivités territoriales les déploient, à tel point qu’en 2022, 44 % des lycées publics et privés français en étaient équipés ([55]). Néanmoins, les modalités de mise en œuvre, par exemple entre les régions qui ont financé l’équipement et celles qui prennent également à leur charge son remplissage, peuvent varier et affecter l’efficacité de la mesure.

Face à ce succès, depuis septembre 2021, l’État a entrepris d’équiper de distributeurs les résidences universitaires gérées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et services de santé universitaires avant d’élargir la mesure à l’ensemble des campus universitaires. C’est donc un signe que la précarité menstruelle, longtemps un impensé des politiques publiques, n’est pas une fatalité et que l’État peut contribuer à l’enrayer.

2.   Une nouvelle mesure forte et bienvenue pour lutter contre la précarité menstruelle

Dans un contexte où l’inflation concerne en particulier les protections périodiques et face aux possibles conséquences sanitaires qu’une privation, même partielle, de protections hygiéniques peut entraîner, le Gouvernement introduit à présent une mesure supplémentaire, encore plus ambitieuse.

a.   Un dispositif concentré sur les plus jeunes et les plus précaires

Le 7 mars dernier, la Première ministre a annoncé le remboursement par l’assurance maladie des protections hygiéniques réutilisables pour toutes les femmes de moins de 26 ans. Les protections périodiques n’étant pas reconnues comme des dispositifs médicaux et leur remboursement n’étant pas prévu par la loi, l’article 19 du PLFSS pour 2024 donne corps à cette annonce en prévoyant ce remboursement à l’article L. 160-8 du code de sécurité sociale. Le texte élargit le dispositif aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), identifiées comme un public particulièrement touché par la précarité menstruelle.

Pour les jeunes de moins de 26 ans, l’assurance maladie prendra en charge 60 % du remboursement. Le texte prévoit également que le reste à charge pour ces assurées, de 40 % pourrait être pris en charge par les mutuelles, mais de façon facultative.

De leur côté, les femmes éligibles à la C2S bénéficieraient d’une prise en charge à 100 % par l’assurance maladie. Une mesure d’autant plus forte que l’article 21 du PLFSS étend l’attribution simplifiée de la C2S à une partie des bénéficiaires de minimas sociaux, afin notamment de limiter les nombreux cas de non-recours à cette prestation essentielle.

Pour rappel, la C2S a succédé en 2019 à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC-C) et a, dans le même temps, été ouverte aux personnes auparavant bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS). En d’autres termes, la C2S se décline sous deux formes, l’une gratuite et l’autre payante. Ainsi, les bénéficiaires de la CMUC-C y ont accès gratuitement tandis que les anciens bénéficiaires de l’ACS paient de faibles mensualités (moins d’un euro par jour et par personne). Cette complémentaire santé présente donc l’avantage de s’adapter à la diversité des situations des publics qui en sont bénéficiaires, et d’assurer une couverture santé complète à l’ensemble des personnes les plus précaires, les seuls critères d’éligibilité étant des critères de revenus ([56]).

Concrètement, les jeunes et les bénéficiaires de la C2S devraient se rendre en pharmacie et s’y faire délivrer soit trois culottes menstruelles soit deux coupes menstruelles, dont l’une serait renouvelable chaque année. À long terme, les commandes pourraient se faire à travers un site internet dédié, dont la mise en place est actuellement à l’étude.

La précarité menstruelle fait ainsi l’objet d’un soutien conséquent, puisque le coût de cette mesure est estimé à 93,7 millions d’euros pour 2024, 97,2 millions d’euros en 2025 à 53,5 millions d’euros en 2026 et à 55,8 millions d’euros en 2027 ([57]), ce qui en fait une des mesures les plus onéreuses du projet de loi de financement.

b.   La promotion de produits réutilisables qui devrait permettre l’augmentation de l’offre et de la qualité de ceux-ci

En outre, alors que plus de deux milliards de tampons et serviettes menstruels sont jetés en France chaque année ([58]) et que, de par la complexité de leur composition, ces produits ne sont pas recyclables, cette mesure propose une alternative durable.

Le choix de ces protections réalisables est d’autant plus bienvenu que ces dispositifs sont relativement récents et de ce fait, moins connus et peu utilisés. Selon Mme Maud Leblon, directrice de l’association Règles Élémentaires entendue en audition par votre rapporteure, seules 3 % des femmes utilisent aujourd’hui des coupes menstruelles et 7 % des culottes lavables. Un des freins à leur utilisation pourrait être leur prix, ces dispositifs nécessitant un investissement de départ conséquent que de nombreuses jeunes femmes ne peuvent assumer. En moyenne, le prix d’une coupe menstruelle oscille en effet aux alentours de vingt euros alors que chaque culotte lavable coûte environ trente euros. De fait, elles sont particulièrement plébiscitées par un public défini : les personnes de plus de vingt ans appartenant à des catégories socio-professionnelles supérieures et habitant en région parisienne ([59]). En participant largement à cet investissement de départ, l’État démocratise l’accès à ces produits et plus important encore, offre à toutes les jeunes femmes la même liberté de choix dans leurs protections périodiques.

De plus, les culottes menstruelles et les coupes relevant d’une technologie nouvelle qui se fait progressivement connaître, elles doivent encore faire la preuve de leur efficacité. De ce fait, l’intervention de la commande publique peut être bénéfique. Elle permettrait par ricochet de développer le marché des protections réutilisables en le tirant vers le haut.

Comme l’a constaté Règles Élémentaires, la mise à disposition de distributeurs dans les établissements publics a dynamisé le marché et mis en concurrence les entreprises pour fabriquer des produits de la plus grande qualité possible et ainsi remporter les commandes lancées par les collectivités territoriales. Les constats empiriques montrent que les protections hygiéniques disponibles dans les distributeurs sont d’une qualité supérieure à celles généralement vendues dans les supermarchés, où apparaissent cependant désormais davantage de produits de qualité (en coton biologique notamment). Il y a donc fort à parier que la prise en charge par l’assurance maladie de certaines protections réutilisables déclenche un effort similaire d’amélioration de la qualité de leurs produits par les industriels.

3.   Des modalités de mise en œuvre qui devront être soigneusement étudiées et couplées à la mise à disposition de dispositifs jetables

a.   Un dispositif qui demeure lacunaire et pose de réelles questions pratiques nécessitant une complémentarité avec des protections jetables

Malgré son bien-fondé, la mesure proposée à l’article 19 souffre de certaines limites et nécessite certaines précisions, pour lesquelles votre rapporteure entend proposer des recommandations concrètes.

Ce type de protections réutilisables rencontre en effet quelques limites d’utilisation. En premier lieu, la quantité proposée, à savoir, trois culottes, ne suffit pas pour couvrir toute la période de règles, pouvant aller de trois à sept jours ; de plus, bien que la capacité d’absorption des culottes menstruelles varie, il semble néanmoins qu’elles ne soient pas indiquées pour les premiers jours de règles pour les femmes ayant des règles très abondantes.

De leur côté, les coupes menstruelles requièrent une bonne connaissance de l’anatomie féminine. Leur utilisation suppose donc un apprentissage avant d’aboutir à une utilisation parfaite. Elles sont, de ce fait, peu indiquées pour les très jeunes filles peu familières de leur anatomie alors que l’arrivée des règles se fait de plus en plus tôt ([60]). Par ailleurs, une fois pleines (c’est-à-dire toutes les huit heures au maximum), les coupes nécessitent d’être vidées et nettoyées. Les jeunes femmes ont donc besoin, dans la journée, d’accéder à un point d’eau permettant l’intimité afin de gérer leurs règles confortablement. C’est pourquoi votre rapporteure, confortée par la position des professionnels de santé et des associations entendus, défend la nécessité de garantir l’accès à des points d’eau dans les établissements scolaires. Il serait donc opportun de rendre obligatoire, dans les nouveaux projets de construction d’établissements scolaires ou universitaires et les projets de restructuration et de réhabilitation impliquant les sanitaires, la mise à disposition de points d’eau à l’intérieur des toilettes individuelles.

Recommandation n° 12 : rendre obligatoire, dans les nouveaux projets de construction d’établissements scolaires ou universitaires et dans les projets de restructuration et de réhabilitation impliquant les sanitaires, la mise à disposition de points d’eau à l’intérieur des toilettes individuelles, en particulier dans les toilettes réservées aux filles et aux femmes.

En outre, ces deux protections supposent un entretien minutieux pour éviter la prolifération de bactéries, c’est-à-dire un lavage régulier voire journalier de l’ensemble des culottes et une stérilisation des coupes en début et en fin de cycle. La stérilisation peut se faire au micro-ondes avec une boîte de stérilisation dédiée ou bien à l’eau bouillante. Ce sont là des obstacles concrets et majeurs pour de nombreuses jeunes filles. Certaines d’entre elles ne bénéficient en effet pas de l’intimité nécessaire dans leurs logements tandis que dans certaines familles, les menstruations représentent un sujet tabou.

Au vu de ces limites pratiques, il semble difficile d’exclure à ce stade le recours complémentaire aux protections jetables. Ce dispositif sur les protections réutilisables gagnerait donc à être complété par la poursuite de la mise à disposition des distributeurs de protections jetables installés dans les établissements publics. En accélérant le déploiement de ces distributeurs, les deux dispositifs deviendraient complémentaires et permettraient aux femmes de choisir la protection qui leur convient le mieux. Ainsi, les publics très précaires qui n’ont pas un accès facile à des points d’eau et les jeunes filles qui apprennent à se familiariser avec les contraintes des menstruations, trouveraient une alternative satisfaisante.

Recommandation n° 13 : accélérer et généraliser le déploiement, dans des lieux adaptés et discrets à proximité immédiate des toilettes femmes, des distributeurs de protections périodiques dans les établissements scolaires, universitaires et résidences gérées par les CROUS.

b.   L’importance d’un cahier des charges centré sur la qualité des produits distribués

Rappelons tout d’abord que les protections périodiques ne sont pas des dispositifs médicaux : aussi le financement public d’une partie des protections périodiques doit-il impérativement constituer un levier pour améliorer la qualité de ces produits, dont la composition et les caractéristiques, par exemple en termes d’absorption, restent largement opaques., Il incombe donc à l’État de préparer un cahier des charges exigeant et protecteur de la santé des femmes. Dans l’idée du principe de précaution, ce cahier doit s’aligner sur les normes de production les plus élevées, en privilégiant les matières naturelles telles que le coton biologique.

En effet, les premières dérives concernant les protections réutilisables commencent à être connues. Aux États-Unis par exemple, Thinx, entreprise pionnière de culottes menstruelles, a récemment été condamnée à verser environ quatre millions d’euros de dédommagements à ses clientes. En effet, ses culottes promues avec le slogan « sans aucun ingrédient toxique » contenaient en réalité des per et polyfluoroalkylées (PFAS), c’est-à-dire des « produits chimiques éternels », suspectés d’être à l’origine d’un dérèglement du système hormonal, d’infertilité et de cancers ([61]).

De la même manière, le cahier des charges devra définir les capacités d’absorption, fluctuant trop souvent en fonction des marques. Il est révélateur à cet égard que les fabricants utilisent généralement de l’eau ou du sérum physiologique pour évaluer les capacités d’absorption de leurs produits ([62]). Or, le sang des règles présente une viscosité bien différente, puisqu’il contient des cellules sanguines, des sécrétions et des tissus de l’endomètre. Poser des règles claires sur les seuils d’absorption semble donc nécessaire pour améliorer l’information des femmes et leur permettre de choisir le produit qui leur convient le mieux.

Recommandation n° 14 : préparer un cahier des charges exigeant tant sur la composition des produits que sur leur capacité d’absorption, notamment en favorisant le coton biologique et en définissant clairement les capacités d’absorption.

Dans l’ensemble, votre rapporteure estime qu’il règne une trop grande opacité sur la composition des protections périodiques, qui sont pourtant des produits du quotidien pour les femmes. À terme, des solutions volontaires sont donc nécessaires. L’une d’entre elles consisterait à créer une catégorie de produits, distincte de celle des dispositifs médicaux, dédiée aux protections périodiques, afin d’assurer un niveau de sécurité sanitaire suffisant de ces produits.

Recommandation n° 15 : créer une catégorie dédiée pour les protections hygiéniques, distincte de la catégorie des dispositifs médicaux, mais permettant de garantir un seuil de sécurité sanitaire de ces produits.

c.   La nécessaire implication des mutuelles pour garantir la gratuité du dispositif

Dans le même temps, pour répondre pleinement à la précarité menstruelle, les mutuelles devraient participer de manière obligatoire à la prise en charge des protections périodiques. Le dispositif actuel prévoit que pour les jeunes filles de moins de 26 ans, les complémentaires peuvent prendre à leur charge les 40 % restants de façon facultative. Le dispositif n’est donc pas gratuit et reste tributaire de la bonne volonté des mutuelles.

Ce caractère facultatif sous-entend aussi d’une certaine façon que la charge des règles pourrait ne porter que sur les femmes, et non sur l’ensemble de la société, ce que votre rapporteure regrette d’autant plus que certaines mutuelles ont pris les devants et proposent déjà la prise charge partielle de protections périodiques ([63]). Faire participer les mutuelles de façon obligatoire constitue donc une solution simple pour renforcer l’efficacité du dispositif et affirmer le fait que la santé menstruelle est un sujet qui concerne l’ensemble de la société.

Votre rapporteure a déposé un amendement en ce sens en commission des affaires sociales.

Recommandation n° 16 : rendre obligatoire la prise en charge par les complémentaires santé des 40 % restant à charge pour garantir un accès aux protections périodiques à toutes les jeunes femmes et affirmer que la santé menstruelle est l’affaire de tous.

B.   Une prise en charge facilitée des cystites simples

L’article 25 du PLFSS pour 2024 prévoit une mesure efficace pour améliorer le bien-être et la qualité de vie des femmes, en simplifiant le parcours de soins en cas de cystite simple.

1.   La prise en charge d’une cystite simple peut aujourd’hui se transformer en véritable parcours du combattant

a.   Une forme d’infection urinaire bénigne mais courante et douloureuse, qui touche particulièrement les femmes

 

La cystite constitue une forme d’infection urinaire commune touchant environ une femme sur dix chaque année, avec un risque de récidive important dans 20 % des cas ([64]). Au-delà de quatre cystites par an, on parle de cystite récidivante.

Les femmes sont particulièrement exposées à cette infection urinaire pour des raisons anatomiques : la proximité entre l’anus et l’orifice externe de l’urètre ainsi que la courte taille de l’urètre féminin facilitent l’accès des bactéries à la vessie. D’autres spécificités féminines peuvent favoriser ces infections, par exemple la grossesse ou les règles, qui offrent un milieu de culture idoine pour les bactéries. De même, l’utilisation d’un diaphragme comme moyen de contraception augmente le risque de cystite.

Au quotidien, les crises de cystites se manifestent brutalement et peuvent devenir très douloureuses, en provoquant une sensation de brûlure lors de la miction. La fréquence de cette dernière peut augmenter de manière anormale, sans sensation de soulagement. Les cystites génèrent donc un inconfort majeur ; sans traitement, l’agent infectieux continue de coloniser les voies urinaires, pouvant déboucher à terme sur une pyélonéphrite, infection bien plus grave, particulièrement fréquente chez les femmes enceintes.

Dans la majorité des cas néanmoins, le médecin traitant prescrit un traitement qui est ensuite délivré par le pharmacien. La douleur disparaît alors en l’espace de vingt-quatre à quarante-huit heures.

b.   Des difficultés croissantes d’accès aux soins (désertification médicale, zones rurales, QPV, etc.)

Toutefois, les crises de cystites étant brutales et inopinées (week-end, nuits), ce parcours de soins a priori simple se heurte aux difficultés actuelles de notre système de santé. En effet, la baisse des effectifs de médecins libéraux et donc de la densité médicale accroît les inégalités d’accès aux soins. Ainsi, dans les zones identifiées comme des déserts médicaux, en cas de crise de cystite, les pharmaciens n’ont d’autre choix que de refuser le traitement aux femmes ou bien de les aiguiller vers les urgences, ce qui encombre inutilement le personnel hospitalier et contraint les patientes à attendre de nombreuses heures dans un inconfort cuisant avant que leur douleur soit soulagée. Même dans les zones moins concernées par la désertification, l’obtention d’un rendez-vous chez le médecin dans la journée s’avère souvent difficile, ou alors au prix d’une attente souvent très longue.

Pour répondre à cette problématique, depuis 2020, des protocoles locaux de coopération sont expérimentés. Ils permettent aux pharmaciens de prescrire et délivrer des traitements, par Délégation du médecin. Dans le cas de la cystite, ce dispositif a fait émerger 131 équipes sur tout le territoire, qui fonctionnent de la manière suivante : le pharmacien prescrit un test urinaire et en cas de résultat positif, délivre le médicament nécessaire. Il rend ensuite compte au médecin des prescriptions qu’il a faites. Si le dispositif était utile, la fédération nationale des pharmaciens de France souligne que le volet information du médecin était insatisfaisant puisque le pharmacien rendait compte au médecin délégataire et non nécessairement au médecin traitant.

2.   Une mesure de simplification bienvenue, répondant aux attentes des patientes

Dans ce contexte, l’article 25 du PLFSS pour 2024 propose une généralisation de ces parcours simplifiés. L’article L. 5125-1-1 du code de la santé publique est ainsi modifié pour simplifier le parcours de soins dans plusieurs cas, dont la cystite simple. La nouvelle rédaction permet aux pharmaciens de délivrer sans ordonnance certains médicaments, après réalisation d’un test. Il revient à un arrêté du ministre de la santé, pris après avis de la Haute autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament, de préciser les modalités de déploiement de la mesure.

En termes pratiques, sur le modèle des protocoles locaux de coopération, le pharmacien pourra désormais réaliser l’entretien d’orientation, réaliser le test au moyen d’une bandelette urinaire et délivrer les traitements, y compris lorsqu’il s’agit d’antibiotiques. Toutefois, et c’est là un progrès utile, le pharmacien devra en informer le médecin traitant, une solution plus satisfaisante pour assurer le bon suivi des patientes. M. Phlippe Besset, président de la Fédération des pharmaciens de France accueille favorablement la mesure, estimant que celle-ci s’aligne avec les pratiques des patientes, qui se rendent de fait souvent directement en pharmacie après avoir effectué leur propre diagnostic. Les femmes ayant déjà souffert d’une crise de cystite s’inscrivent pleinement dans ce scénario.

L’évolution proposée par l’article 25 du PLFSS est donc simple mais efficace : outre le gain pour le bien-être des femmes concernées, elle devrait, selon les estimations du Gouvernement, libérer du temps médical en épargnant trois millions de consultations par an liées aux cystites simples et ce faisant permettre une économie de quarante millions d’euros, dans l’hypothèse où le taux de recours serait de 100 %.

3.   Cette mesure doit s’accompagner de certains garde-fous pour éviter la non-détection d’affections plus graves

Cette mesure est d’autant plus bienvenue qu’elle s’accompagne de garde‑fous utiles pour éviter que des affections plus graves ne passent inaperçues. Selon l’annexe 9 du PLFSS pour 2024, l’assurance maladie devra en effet effectuer un suivi de la mesure en relevant :

-         le nombre de prescriptions d’antibiotiques associés à la réalisation d’un test avec résultat positif chez les pharmaciens ;

-         la comparaison entre le nombre de bandelettes urinaires et le nombre d’examens cytobactériologique des urines effectués suite à la réalisation de test urinaire chez le pharmacien et ceux effectués sans test préliminaire chez un pharmacien ;

-         le nombre de consultations chez un médecin et de passages aux urgences suite au recours au pharmacien.

Néanmoins, certains professionnels de santé réservent un accueil plus mitigé à la mesure. Ainsi, les représentants du CNPGO-GM estimaient, lors de leur audition par votre rapporteure, que la délivrance directe par le pharmacien ne permettait pas une prise en charge globale pour les femmes souffrant de cystites. Le syndicat des médecins généralistes MG France craignait quant à lui des prescriptions abusives, un risque de résistance accrue aux antibiotiques, voire le refus de certains médecins d’assurer le traitement d’une complication de cystite gérée initialement par un pharmacien.

Dans le même temps, il semble judicieux de relever le niveau d’information des patientes. Le pharmacien devrait assurer ce rôle en sensibilisant au risque de cystite récidivante, aux précautions à prendre pour les éviter et plus important encore, à la nécessité de consulter un médecin en cas de cystite à répétition ou si les symptômes persistent malgré la prise de l’antibiotique délivré.

Le pharmacien devra également délivrer aux femmes des informations de prévention, en leur décrivant notamment les précautions d’hygiène alimentaire et sexuelle permettent d’éviter les cystites. Ces informations pourraient être fournies à l’aide d’une brochure, les patientes pouvant être peu enclines à entendre de telles recommandations dans un lieu ne préservant pas nécessairement leur intimité, et dans un contexte de douleur les rendant peu réceptives.

Recommandation n° 17 : informer systématiquement les patientes, lors de la délivrance directe d’un antibiotique par le pharmacien, de la nécessité de consulter un médecin et de procéder à des examens plus approfondis, en cas de cystites à répétition, d’absence de réponse au traitement ou dans les situations à risque.

Remettre aux patientes une brochure, indiquant de manière claire et concise, les précautions à prendre pour éviter l’apparition des crises.

Compte tenu des risques associés aux infections urinaires mal prises en charge, votre rapporteure suggère enfin de limiter le recours à ce dispositif, à trois fois par an, pour s’assurer qu’aucune pathologie plus grave ne puisse passer inaperçue. Pour ce faire, le dossier pharmaceutique, accessible à tous les professionnels de santé, serait sans doute l’outil le plus adapté, d’autant que le décret n° 2023-251 du 5 avril 2023 a prévu d’automatiser sa création, sauf opposition du bénéficiaire de l’assurance maladie concerné. Ce dossier fait mention de tous les médicaments délivrés à l’assuré dans les quatre derniers mois.

Dès lors, votre rapporteure suggère de soumettre la délivrance d’antibiotiques à trois conditions :

-         que l’assuré ne se soit pas opposé à la création de son dossier pharmaceutique ;

-         et qu’il en accepte la consultation par le pharmacien concerné ;

-         qu’un tel antibiotique ne lui ait pas déjà été délivré sans ordonnance dans les quatre derniers mois.

Ainsi, la délivrance d’antibiotiques pour soigner une cystite sans consultation d’un médecin serait limitée à trois fois par an.

 

Recommandation n° 18 : conditionner la délivrance sans ordonnance d’un antibiotique à la consultation du dossier pharmaceutique et à la non-délivrance d’un tel antibiotique sans ordonnance dans les quatre derniers mois.

Assortie de ces précautions, cette mesure apportera un réel soulagement et une prise en charge rapide aux patientes concernées sans risque pour leur santé, ce qui contribue à réduire les inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux soins.

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 24 octobre 2023, sous la présidence de M. Guillaume Gouffier-Valente, la Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations présentées supra.

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/wR3puq

 

 


—  1  —

   annexe 1 : personnes entendues par la rapporteure

 Mardi 3 octobre 2023

– Conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF)

Mme Isabelle Derrendinger, présidente

M. David Meyer, chef de cabinet, conseiller technique

 

 Mercredi 4 octobre 2023

Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique et de gynécologie médicale (CNPGO-GM)

Dr Michèle Scheffler, présidente

Pr Sophie Catteau Jonard, présidente du collège des enseignants en gynéco médicale

Dr Marie Josée Renaudie, présidente du syndicat des gynécologues médicaux

– Maison des femmes

Dr Gadha Hatem, fondatrice

 

 Jeudi 5 octobre 2023

 Fédération des pharmaciens de France (FSPF)

M. Philippe Besset, président

Association Règles Élémentaires

Mme Maud Leblon, directrice

 

 Vendredi 13 octobre 2023

 Mouvement français pour le Planning familial (MFPF)

Mme Sarah Durocher, présidente nationale

 

 

 

 

 


—  1  —

   annexe 2 : AMENDEMENTS DE VOTRE RAPPORTEURE
dÉposÉs en COMMISSION DES AFFAIREs SOCIALES

 

ARTICLE 18

 

Compléter l’alinéa 3 par les mots :

« internes et externes ».

 

 

ARTICLE 18

 

Compléter l’alinéa 4 par les mots :

« internes et externes ».

 

 

ARTICLE 19

 

Supprimer l’alinéa 17.

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Enquête de Règles Élémentaires et Opinionway, «  Les protections périodiques, un luxe pour 4 millions de femmes en France », février 2023.

([2]) Haute autorité de santé (HAS), « Questions-réponses sur l’infection à papillomavirus humains, cause de cancer du col de l’utérus, et le dépistage », juillet 2020.

([3]) Organisation mondiale de la santé, « Virus du papillome humain (HPV) et cancer lié à une infection à HPV », août 2023.

([4]) Idem.

([5]) Organisation mondiale de la santé, « Virus du papillome humain (HPV) et cancer lié à une infection à HPV », août 2023.

([6]) Institut national du cancer, « Vaccination contre les cancers HPV », août 2023.

([7]) Il existe deux vaccins principaux efficaces contre les souches les plus dangereuses : si le Cervarix, réservé aux filles, protège contre les HPV 16 et 18, le Gardasil 9°, le plus commercialisé et désormais recommandé pour toute nouvelle vaccination, protège contre les HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58.

([8]) Institut national du cancer, Les éclairages, « La vaccination contre les virus HPV provoque-t-elle la sclérose en plaques ? », novembre 2020.

([9]) Le Monde, « Papillomavirus : pourquoi la vaccination des garçons est-elle aussi essentielle ? », octobre 2023.

([10]) Institut national du cancer, « La vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains (HPV) pour prévenir les cancers », août 2023.

([11]) Institut national du cancer, « La vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains (HPV) pour prévenir les cancers », août 2023.

([12]) Institut national du cancer, « La vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains (HPV) pour prévenir les cancers », août 2023.

([13]) Une progression de 4,1 points est observée chez les jeunes filles de 16 ans entre 2021 et 2022 (schéma complet) succédant à une augmentation de 4,7 points entre 2020 et 2021.

([14]) Sur notre territoire, le cancer du col de l’utérus est l’un des seuls dont le pronostic se dégrade, avec plus de 3 000 nouveaux cas détectés au stade invasif et 1 100 décès par an selon l’Institut national du cancer, « Dépistage du cancer du col de l’utérus : Repérer un cancer à un stade précoce et augmenter les chances de guérison », janvier 2021.

([15]) Il s’agit en particulier des cancers de la vulve, du vagin, de l’anus et du pénis.

([16]) Recommandation n° 4 et 10 du rapport d’information n° 371 de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([17]) Parallèlement, il a été annoncé que les pharmaciens pourraient prescrire et vacciner les jeunes à compter de septembre 2023. Une possibilité déjà ouverte aux sages-femmes depuis 2022. Sur prescription d’un médecin ou d’une sage-femme, les infirmiers peuvent également prendre à part à la vaccination.

([18]) On compte actuellement environ 900 médecins de l’éducation nationale soit, selon les territoires, soit un médecin pour 2000 à 46 000 élèves, et environ 7 700 infirmiers scolaires.

 

([19]) Santé publique France, « Surveillance du VIH et des IST Bactériennes », bulletin de santé publique, décembre 2022.

([20]) Sondage Ifop pour Sidaction, « Les jeunes, l’information et la prévention », février 2023.

([21]) Le Monde, « Chlamydia, gonorrhée : chez les jeunes, la flambée invisible des infections sexuellement transmissibles », janvier 2022.

([22]) Santé publique France, « Surveillance du VIH et des IST bactériennes », bulletin de santé publique, décembre 2022, page 19.

([23]) Sondage Ifop pour Sidaction, « Les jeunes, l’information et la prévention », février 2023.

([24]) Idem.

([25]) Projet de loi n° 1682 de financement de la sécurité sociale pour 2024, annexe 9, page 116.

([26]) Sondage Ifop pour Sidaction, « Les jeunes, l’information et la prévention », février 2023.

([27]) Inserm, « Contraception : À chacun et chacune sa méthode », janvier 2023.

([28]) Idem.

([29]) Le prix des préservatifs féminins s’établit entre 8 et 12 euros pour une boîte de trois, alors qu’une boîte de dix préservatifs masculins coûte environ 10 à 12 euros.

([30]) OMS et ONUSIDA, « Le préservatif féminin : guide pour planifier et mettre en place les programmes », 2002.

([31]) Recommandation n° 7 du rapport de la Délégation pour le PLFSS pour 2023 : « pour les femmes et les adolescentes, intégrer au contenu de l’ensemble des consultations un volet de prévention et de détection, le cas échéant, des situations de violence.

([32]) Rapport d’information n° 1522 de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pages 65 et suivantes.

([33]) Ce dernier rendez-vous est d’autant plus important que la ménopause est actuellement traitée sous le prisme de la pathologie ; il s’agit pourtant, selon la Haute Autorité de Santé, d’un état physiologique des femmes devant être accompagné de mesures hygiéno-diététiques.

([34]) Sondage Ifop pour Sidaction, « Les jeunes, l’information et la prévention », février 2023.

([35]) Selon une enquête IFOP pour Cas d’École réalisée en février 2023 auprès d’un échantillon de 1063 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans à 24 ans.

([36]) Enquête sur les séances d’éducation à la sexualité au collège et au lycée, #NousToutes, 2022.

([37]) La dispensation des cours de vie sexuelle et affective fait partie des missions pouvant être confiées dans le cadre du « pacte enseignant ».

([38]) 50 % des jeunes interrogés estiment que ces cours les aident à reconnaître des situations de violence alors que seulement 11 % des jeunes qui n’ont pas suivi ces cours s’estiment en mesure de reconnaître de telles situations, tel que le révèle l’Enquête sur les séances d’éducation à la sexualité au collège et au lycée, #NousToutes, 2022.

([39]) Sondage Ifop pour Sidaction, « Les jeunes, l’information et la prévention », février 2023. 

([40]) Si certaines estimations prennent en compte exclusivement le coût des protections périodiques, d’autres y intègrent les coûts liés au renouvellement du linge de lit, l’achat d’antidouleurs ou encore les visites médicales. Voir rapport d’information n°2691 de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Assemblée nationale, « Menstruations : déconstruire le tabou pour améliorer le vécu des femmes », Mmes Laëtitia Romeiro Dias et Bénédicte Taurine, février 2020.

([41]) Selon les données fournies par l’association Règles Élémentaires.

([42]) Enquête de Règles Élémentaires et Opinionway, « Les protections périodiques, un luxe pour 4 millions de femmes en France », février 2023.

([43]) Idem.

([44]) Ibid.

([45]) Ibid.

([46]) Enquête de Règles Élémentaires et Opinionway, « Les protections périodiques, un luxe pour 4 millions de femmes en France », février 2023.

([47]) Inserm, « Faudrait pas s’en tamponner : C’est quoi le choc toxique ? », septembre 2020. Disponible en ligne : https://www.inserm.fr/c-est-quoi/faudrait-pas-en-tamponner-c-est-quoi-choc-toxique/

([48]) Enquête de Règles Élémentaires et Opinionway, « Les protections périodiques, un luxe pour 4 millions de femmes en France », février 2023.

([49]) Franceinfo, « Inflation :la précarité menstruelle et le renoncement aux produits d’hygiène progressent fortement », avril 2023.

([50]) Cette décision fait suite à un amendement d’appel au projet de loi de finances pour 2019 déposé par la sénatrice Mme Patricia Schillinger. Elle demandait une expérimentation de distributions gratuites de protections périodiques. Si l’amendement n’a pas été adopté, il a néanmoins ouvert la voie à la préparation d’un rapport sur la possibilité d’expérimenter ce dispositif en France.

([51]) Les épiceries sociales ont également fait partie du dispositif tel que le relève Franceinfo, « En septembre, des protections hygiéniques seront distribuées gratuitement : « il était temps » confie Patricia Schillinger », juin 2020.

([52]) Ouest France, « Des distributeurs de protection hygiéniques gratuits dans les lycées d’Ile-de-France », janvier 2021.

([53]) Always, « Non à la précarité menstruelle, le mouvement d’Always pour aider les jeunes filles en situation de précarité ».

([54]) Chiffres fournis par l’association Règles Élémentaires, tirés de son baromètre annuel pour 2022.

([55]) Idem.

([56]) Pour une personne seule, au 1er avril 2023, les plafonds sont fixés à 10 817 € annuels pour bénéficier de la complémentaire sans participation financière, et à 14 603 € annuels avec participation.

([57]) Projet de loi n° 1682 de financement de la sécurité sociale pour 2024, annexe 9, page 120.

([58]) Selon Zero Waste France tel que cité par l’annexe 9 du PLFSS, page 121.

([59]) Selon les données fournies par Règles Élémentaires.

([60]) Aujourd’hui, les filles ont leurs règles pour la première fois à douze ans et deux mois en moyenne, c’est-à-dire cinq moins plus tôt qu’il y a trente ans () et 13 % d’entre elles ont leurs règles avant 11 ans tel qu’expliqué par Franceinfo, « Règles : 80 % des jeunes filles les ont avant 13 ans et sont, malgré tout, dépourvues d’information sur le sujet, dénonce une association », octobre 2023.

([61]) Pour rappel, la zone vaginale est particulièrement sensible ; les dernières études démontrent que le canal vaginal est extrêmement absorbant et capable de transmettre certains médicaments au flux sanguin tel que le rapporte The New York Times, « What to know about PFAS in period underwear », janvier 2023.

([62]) Bfmtv, « Une étude scientifique teste pour la première fois des protections hygiéniques avec du sang (et non de l’eau) », août 2023.

([63]) Le Monde, « Pour ses adhérents, la LMDE rembourse désormais les protections hygiéniques », avril 2018.

([64]) Assurance maladie, « Le diagnostic, le traitement et l’évolution de la cystite », juin 2022.