N° 1842

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2023.

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des enfants (1)

en conclusion des travaux d’une mission flash portant sur

Les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Michèle Peyron et Mme Isabelle Santiago

 

Députées

 

(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.


La Délégation aux droits des enfants est composée de : Mme Perrine Goulet, présidente ; M. Paul Christophe, Mme Michèle Peyron, Mme Isabelle Santiago, Mme Isabelle Valentin, viceprésidents ; M. Philippe Dunoyer, Mme Maud Petit, secrétaires ; M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Anne-Laure Blin, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sophie Errante, M. Philippe Fait, M. Perceval Gaillard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, Mme Hélène Laporte, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, Mme Christine Loir, M. Laurent Marcangeli, Mme Alexandra Martin, Mme Marianne Maximi, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Alexandre Portier, M. Éric Poulliat, Mme Angélique Ranc, M. Hervé Saulignac, M. Olivier Serva, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Bruno Studer, M. Léo Walter.

 


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 SOMMAIRE 

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 Pages

introduction

I. un changement de paradigme corollaire au développement des neurosciences

A. privilégier les besoins fondamentaux de l’enfant à l’aune des neurosciences

1. Le développement des neurosciences permet une meilleure connaissance des besoins des jeunes enfants

2. La satisfaction de ces besoins fondamentaux doit constituer la boussole des modalités d’accueil en crèche

B. élaborer un écosystème de soutien à la parentalité visant la satisfaction de ces besoins

1. Soutenir la parentalité pour répondre aux besoins de l’enfant

a. Mettre un terme au parent « client »

b. Soutenir les aides à la parentalité par l’intermédiaire des entreprises

i. Valoriser la notion de parentalité dans le monde de l’entreprise

ii. Promouvoir le crédit d’impôt famille (Cifam)

2. Permettre aux parents qui le souhaitent de prendre eux-mêmes en charge leur enfant plus longtemps et dans de meilleures conditions

II. un investissement massif en faveur des professions de la petite enfance pour une prise en charge repensée

A. Répondre à la pénurie : former plus et mieux

1. La pénurie de professionnels : un secteur en crise

2. La nécessité d’investir massivement dans la formation

a. Former davantage de professionnels

b. Mieux former les professionnels

i. Mieux former les professionnels des structures

ii. Interdire le recours à du personnel insuffisamment diplômé pour combler les pénuries

iii. Renforcer la qualification des gestionnaires

B. répondre au déficit d’attractivité : investir dans les carrières

1. Gagner en attractivité par l’amélioration des conditions de travail

a. Améliorer les conditions matérielles de travail

i. Réduire la taille des groupes

ii. Disposer de matériel adéquat

b. Reconnaître du temps de travail « hors enfants »

2. Gagner en attractivité par la revalorisation des salaires et des carrières

a. L’urgence de revaloriser les salaires

b. La nécessité de revaloriser et de diversifier les parcours de carrière

i. Améliorer les perspectives d’évolution dans les métiers de la petite enfance

ii. Faciliter la reconversion et la sortie des métiers de la petite enfance

III. Une incompatibilité des besoins fondamentaux de l’enfant avec la logique de déréglementation du secteur

A. Remédier en urgence à la déréglementation à l’œuvre

1. Repenser les modes de financement des crèches

a. La prestation de service unique (PSU)

b. La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje)

2. Repenser les modalités de contrôle des crèches

a. Se doter d’un référentiel national

b. Réformer la culture du contrôle

i. D’un contrôle formel à un contrôle qualitatif

ii. L’instauration de Conseils de crèche

B. doter à long terme la petite enfance d’un pilotage global de l’État

1. Le service public de la petite enfance doit être l’occasion de créer un pilotage global

a. Un enjeu d’égalité

b. Un enjeu de continuité et de mutabilité

c. Un enjeu de transparence

2. Dépasser la seule problématique des crèches : créer une politique globale et cohérente de la petite enfance

a. Des enjeux de gouvernance : inscrire la question des crèches dans une politique globale

b. Une réflexion en écosystème : instaurer une « chaîne de sécurité »

Liste des recommandations

Examen par la délégation

Annexe : Liste des personnes auditionnées

 


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   introduction

Lors de sa réunion du 26 septembre 2023, la Délégation aux droits des enfants a décidé de la création d’une mission flash portant sur les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches, pour faire suite à l’audition de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) par la délégation ([1]) après la publication de son rapport d’avril 2023 sur les crèches ([2]) ainsi qu’à la parution de deux ouvrages sur les pratiques des crèches privées. ([3]) Les rapporteures ont ainsi réfléchi, s’enrichissant pour cela d’une vingtaine d’auditions dans le délai imparti par la mission flash, aux possibles évolutions de la prise en charge des enfants dans les crèches, sans distinguer selon le type d’accueil collectif mais en proposant une vision globale, applicable à toutes les structures, étant entendu que, comme le relève à juste titre la vice-présidente du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Mme Sylviane Giampino, « Il n’y a pas de compétition entre les différents modes d’accueil ; l’un n’est pas meilleur que l’autre. Le meilleur mode d’accueil, c’est celui qui est choisi par les parents ». ([4]) Construire et mener une véritable politique publique d’accueil de la petite enfance suppose donc de ne pas cloisonner les modes d’accueil mais de les appréhender dans une même réflexion globale.

L’accueil collectif représente aujourd’hui 460 000 places, parmi lesquelles 50 % relèvent des crèches publiques, 27 % des crèches privées et 23 % des crèches associatives. ([5]) Toutes ont, de manière égale, une responsabilité sociétale absolument cruciale en ce qu’elles façonnent, au bénéfice de l’enfant, un environnement dans lequel celui-ci va évoluer et se développer. Or, les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables et dépendants. Les professionnels opérant à leur contact doivent donc garantir à la fois leur sécurité physique, le respect de leurs rythmes et de leurs besoins premiers, mais aussi favoriser leur développement, leur sécurité psychique et affective par des approches éducatives adaptées.

L’actualité a révélé qu’un tel contexte propice ne profite toutefois pas à tous les enfants accueillis en crèche. Sans qu’il soit réellement question de pratiques individuelles ou de difficultés locales, le rapport de l’Igas a décrit une réalité parfois maltraitante qui découle avant tout de choix de politiques publiques depuis une vingtaine d’années, comme le montrent les co-présidents du syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), Pierre Suesser, Cécile Garrigues et Maryse Bonnefoy dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 23 février 2022. ([6]) La souffrance de certains enfants, particulièrement marquée dans le contexte post-pandémie, justifie dès lors un « engagement collectif fort » autour de la reconnaissance des besoins fondamentaux des enfants : il faut élaborer, en urgence, à leur bénéfice, une « chaîne de sécurité » et construire le « mode d’après » de garde des enfants à l’aune de ces considérations. ([7])

Dans cette logique, les rapporteures se sont donc attachées à réfléchir aux pistes d’évolution qui permettraient de construire une politique d’accueil collectif de la petite enfance centrée autour des besoins fondamentaux de l’enfant uniquement – à l’exclusion, donc des logiques financières.

 


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I.   un changement de paradigme corollaire au développement des neurosciences

Le développement des neurosciences et les changements sociétaux ont remis en cause le modèle de la prise en charge des enfants en se concentrant sur leurs besoins fondamentaux dès le plus jeune âge. En conséquence, les crèches doivent prendre en compte de manière obligatoire le bien-être des enfants, leurs méta-besoins, le développement de leurs compétences psychosociales et affectives, et les attentes des parents ainsi qu’accompagner le cercle de bienveillance autour de l’enfant sur les 1 000 premiers jours.

A.   privilégier les besoins fondamentaux de l’enfant à l’aune des neurosciences

Le développement des neurosciences et la vulgarisation des connaissances auprès du grand public ont permis de dessiner de plus en plus précisément les besoins fondamentaux des jeunes enfants et de les faire connaître plus largement. Les crèches doivent s’adapter à ces connaissances nouvelles et proposer des modalités d’accueil renouvelées répondant aux besoins des enfants.

1.   Le développement des neurosciences permet une meilleure connaissance des besoins des jeunes enfants

Le développement des connaissances en neurosciences a permis de mieux connaître les besoins de l’enfant pour favoriser son développement. Les modes d’accueil de la petite enfance constituent le premier lieu de socialisation instituée hors de la famille ; ils contribuent ainsi grandement à la santé des enfants et à leur développement. De ce fait, il est primordial de prendre en considération les apports des chercheurs pour comprendre les besoins des enfants.

Le rapport Martin-Blachais, en 2017 ([8]) , insistait sur le besoin de tout enfant de disposer d’une base de sécurité affective suffisante pour s’épanouir, s’ouvrir au monde, acquérir des habiletés physiques, psychologiques, langagières, d’estime de soi et de relation aux autres. La démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant reconnaît ainsi le « besoin de sécurité » de celui-ci comme méta-besoin qui conditionne la satisfaction des besoins fondamentaux universels de l’enfant. Sont identifiés comme besoins fondamentaux le besoin d’expériences et d’exploration du monde, le besoin d’un cadre, de limites et de règles, le besoin d’estime de soi ainsi que le besoin d’identité.

Boris Cyrulnik, dans son rapport de septembre 2020, ([9]) souligne que la croissance la plus importante du cerveau de l’enfant se déroule pendant la fin de la grossesse et les deux premières années de sa vie. Durant cette période, ses compétences sociales se complexifient rapidement et le développement des interactions sociales et l’attachement à un adulte pilier – le plus souvent, le parent – créent un cercle vertueux « de plaisir et de motivation mutuelle » où l’enfant, au contact de l’adulte avec lequel il entre en relation, développe des compétences sociales indispensables à son développement cognitif en ce qu’elles permettent l’exploration et les apprentissages. L’apport de Boris Cyrulnik a également été de faire savoir au grand public qu’un enfant de moins d’un an et un enfant de trois ans, par exemple, n’ont pas les mêmes besoins, alors qu’auparavant l’enfant était conçu comme un tout unitaire.

Les rapporteures soulignent ainsi la nécessité, pour les pouvoirs publics, de ne pas concevoir d’un seul bloc la question de la petite enfance et de réinterroger en conséquence les modalités d’accueil des jeunes enfants à l’aune des connaissances en neurosciences et des besoins fondamentaux de l’enfant en fonction de son âge.

2.   La satisfaction de ces besoins fondamentaux doit constituer la boussole des modalités d’accueil en crèche

Pour Boris Cyrulnik, en raison du manque de respect des besoins fondamentaux de l’enfant dans son plus jeune âge, 10 % de la population générale serait affectée de troubles du neuro-développement. ([10]) Il est donc nécessaire de faire évoluer les modalités d’accueil des jeunes enfants en crèche afin à la fois que leurs besoins fondamentaux soient effectivement respectés mais également qu’il y ait un repérage plus facile des troubles du neuro-développement, qui se matérialisent souvent avant 15 mois.

Il ressort en substance de tous ces travaux que les bébés ont des besoins affectifs spécifiques, qu’ils doivent tisser des relations de confiance avec un ou des adultes, qu’ils ont besoin qu’on les regarde, qu’on les écoute, qu’on leur parle dans le cadre d’une relation stable avec un nombre restreint d’adultes engagés auprès d’eux, sinon leur construction psychique peut être en danger.

Évoluer au sein d’une crèche est une chance et un facteur de lutte contre les inégalités, à condition que des relations privilégiées puissent être tissées avec des adultes repères et que l’environnement ne soit pas sur-stimulant, sinon les crèches produisent l’effet inverse. ([11]) Ainsi, notamment, au regard de la théorie de l’attachement, il est nécessaire pour les enfants de construire des relations affectives avec des adultes qui prennent soin d’eux.

À ce titre, le principe de référence est particulièrement important : l’enfant a besoin qu’un adulte identifié prenne soin de lui par des expériences répétées du quotidien qui lui permettent de prendre confiance en lui et vis-à-vis du monde extérieur. ([12]) Or, aujourd’hui, les crèches négligent souvent ce principe, alors qu’il s’agit d’un préalable nécessaire. ([13])

Par ailleurs, les changements fréquents de personnels ou d’espaces ne sont pas compatibles avec le besoin de repère du jeune enfant, qui a besoin d’avoir une figure d’attachement nécessitant de tisser des relations dans le temps long, et lent.

La notion de temps est essentielle : le rythme lent du tout-petit n’est pas celui du travail, de notre société de consommation et de la productivité. Les modes d’accueil doivent répondre avant tout aux besoins incompressibles des tout-petits et non uniquement aux besoins des parents, accueillis comme des clients. ([14])

Recommandation n° 1 : les rapporteures proposent d’interdire la pratique des places ponctuelles en crèche pour les enfants de moins de trois ans, cette pratique n’étant pas adaptée à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il est désormais admis de manière consensuelle que la priorité n’est plus de penser la garde de l’enfant comme permettant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais qu’il faut dorénavant collectivement nous concentrer sur le développement de l’enfant et ses acquisitions durant ces 1 000 premiers jours. Le bien-grandir, à travers le respect des besoins fondamentaux de l’enfant, est devenu la priorité à respecter dans les modalités de prise en charge des enfants au sein des crèches.

Or, selon la directrice de l’Institut de la parentalité, Anne Raynaud, actuellement, la politique de la petite enfance s’inscrit dans un « cercle d’insécurité », c’est-à-dire une lecture limitée aux symptômes. Les conséquences de cet état de fait sont importantes : dégradation de l’état de santé des enfants, particulièrement marquée depuis la crise sanitaire, épuisement des parents, soumis à des objectifs sociétaux irréalistes ainsi qu’à une pression sociale éprouvante, démotivation et épuisement des professionnels.

Appréhender les besoins fondamentaux de l’enfant, c’est interroger une construction, sociale, culturelle, clinique et juridique, qui s’inscrit dans une historicité, une temporalité et un contexte donnés. Ces besoins communs et universels sont reconnus fondamentaux, dans le sens où leur satisfaction permet la construction du sujet dans la plénitude de ses potentialités, du respect de ses droits et au service de son développement et de son accès à l’autonomie et à la socialisation.

Or, tout enfant a besoin pour grandir, de « s’individuer » et s’ouvrir au monde, d’une base de sécurité interne suffisante pour explorer et acquérir des habilités (physiques, psychologiques, langagière, d’apprentissage, d’estime de soi, et de relations aux autres), favorables à son autonomie et à sa socialisation. Il serait ainsi nécessaire, comme le préconise l’Igas, de se concentrer sur l’enfant, en appréhendant sa sécurité affective comme un objectif prioritaire.

Cela permettrait d’améliorer le comportement de l’enfant, son développement, sa santé, et donc son bien-être. Cela suppose également d’utiliser « une lecture écosystémique de l’enfance » ([15]) en reconnaissant la diversité des propositions, la pluralité d’acteurs et l’interconnaissance, générant un sentiment de reconnaissance.

Recommandation n° 2 : les rapporteures préconisent la centration des crèches autour des besoins fondamentaux de l’enfant, et notamment autour de sa sécurité affective, en respectant le principe de référence.

B.   élaborer un écosystème de soutien à la parentalité visant la satisfaction de ces besoins

Favoriser le bien-être des enfants passe également par un appui plus prononcé en faveur des parents. Les rapporteures considèrent que les crèches pourraient évoluer dans un sens qui permettrait de mieux y intégrer les parents de manière active.

1.   Soutenir la parentalité pour répondre aux besoins de l’enfant

Considérer qu’il faut que les crèches répondent en priorité aux besoins fondamentaux de l’enfant suppose également qu’elles adoptent une conception renouvelée faisant plus de place aux parents, avec lesquelles elles doivent devenir coéducateurs pour mettre un terme à la conception du parent comme « client » d’un simple « mode de garde ». Cela suppose donc également de promouvoir la notion de parentalité au sein des entreprises.

a.   Mettre un terme au parent « client »

Afin de favoriser un meilleur développement des enfants, les structures de crèche devraient aller au-delà d’un mode de garde pour également inclure un accompagnement à la parentalité et inciter les parents à s’impliquer dans leur fonctionnement. Le changement de paradigme permet, en effet, la vulgarisation d’un certain nombre de connaissances en neurosciences qui n’étaient auparavant réservées qu’à des experts. Ces connaissances sont désormais accessibles à tous, ce qui amène les parents à changer de regard sur les crèches.

Le collectif « Pas de bébés à la consigne » estime qu’il est dès lors nécessaire de repenser le modèle des crèches afin qu’elles intègrent dans leur projet des sensibilisations et des conseils donnés aux parents. Le collectif relève qu’en 2019, par exemple, lorsque la loi sur l’interdiction des châtiments corporels ([16]) a été votée, il aurait été opportun que les crèches fassent un vrai travail de communication et de sensibilisation auprès des parents. ([17]) Ce rôle de conseil pourrait jouer lors de modifications législatives, de connaissances nouvelles sur l’enfant ou pour sensibiliser à des problématiques particulières.

De manière générale, les rapporteures insistent sur le fait qu’il est nécessaire de créer de nouveaux liens, de redonner de la valeur aux crèches et aux professionnels qui y travaillent en reconnaissant que ceux-ci ne sont pas là pour « garder » des enfants mais pour satisfaire les besoins de ces derniers et donner de la confiance aux parents à travers un rôle de conseil et d’écoute. Parallèlement, les parents ne doivent plus être conçus comme des « clients » des crèches sollicitant un service mais doivent davantage être inscrits dans la gouvernance, la vie et les projets des crèches. ([18])

En découle, selon Romain Dugravier, président de l’Agence des nouvelles interventions sociales et de santé (l’ANISS), l’importance de disposer d’un projet clair pensé au niveau de la crèche : il faut se doter d’une démarche visant l’instauration de crèches bien-traitantes. Dans ses pratiques cliniques, Romain Dugravier constate que des parents se sentent déstabilisés du fait que les échanges avec les professionnels de la petite enfance se font seulement autour des entrées et sorties, mais très peu autour d’éléments sur ce que vit l’enfant, ce qu’il traverse, sauf lorsqu’il pose des difficultés pratiques pour l’établissement, ce qui révèle un défaut de réflexion sur le développement de l’enfant dans les modalités de prise en charge de l’enfant en crèche. ([19])

Recommandation n° 3 : les rapporteures préconisent d’encourager les crèches à mettre en place des projets spécifiques attribuant un rôle plus actif aux parents dans son fonctionnement et soutenant la parentalité.

b.   Soutenir les aides à la parentalité par l’intermédiaire des entreprises

Le soutien à la parentalité doit également être valorisé au sein des entreprises, qui doivent davantage être impliquées sur ces questions pour permettre aux salariés de travailler sereinement. À ce titre, le crédit d’impôt famille (Cifam) pourrait également être valorisé.

i.   Valoriser la notion de parentalité dans le monde de l’entreprise

Un parent serein est un travailleur serein. En effet, l’une des dimensions importantes de la qualité de vie au travail réside dans la conciliation des temps familiaux et professionnels, ce qui fait que les employeurs, privés comme publics, ont intérêt à réinvestir le sujet familial.

Ainsi, la charte de la parentalité en entreprises, lancée en 2008 au ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et portée par l’Observatoire de la qualité de vie au travail a permis d’inscrire ces préoccupations dans la gouvernance des entreprises. Les rapporteures estiment qu’il est en effet crucial de refaire de la politique familiale un élément conséquent du dialogue social et de faire rentrer la notion de parentalité dans les négociations avec les sociétés, dans le cadre notamment de la responsabilité sociale des entreprises.

Recommandation n° 4 : les rapporteures recommandent de renforcer le dialogue social dès 2024 avec les entreprises en faveur d’une une « charte de la parentalité », condition de l’épanouissement et de la qualité de vie au travail des jeunes parents.

ii.   Promouvoir le crédit d’impôt famille (Cifam)

Le crédit d’impôt famille (Cifam) permet aux entreprises d’œuvrer en faveur de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle de leurs salariés en réservant et finançant des places de crèches ou en finançant de la garde à domicile. Il est égal à 50 % des dépenses pour financer l’accueil des enfants en crèche et à 25 % des dépenses pour financer de la garde d’enfant à domicile. Le crédit d’impôt peut être soit imputé sur l’impôt sur les sociétés dû, soit faire l’objet d’une demande de remboursement si l’entreprise n’a pas d’impôt à liquider. Le crédit d’impôt est plafonné pour chaque entreprise, y compris pour les sociétés de personnes, à 500 000 euros par an. Le Cifam permet donc aux employeurs d’accompagner leurs salariés dans leur parentalité.

Les associations employeurs ont la possibilité d'obtenir un financement pour des berceaux en crèches éligibles à la prestation de service unique (PSU) pour leurs salariés, via la signature d’un contrat territorial réservataire employeur (Ctre). Ce dispositif vise à attribuer une subvention forfaitaire dite « bonus réservataire ». Pour autant, il existe une vraie complexité administrative pour sa mise en œuvre car ses modalités sont variables selon le département et le montant n’est pas assez incitatif (de 1 400 euros par place à 2 800 euros par place sous conditions).

À l’inverse, le Cifam est un mécanisme plus avantageux qui permet aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt de 50 % calculé sur la base des dépenses de création et de fonctionnement engagées pour le financement de places de crèches au bénéfice de leurs salariés.

 

Recommandation n° 5 : les rapporteures préconisent de promouvoir davantage l’utilisation du crédit d’impôt famille (Cifam).

Toutefois, ce dispositif n’est pas applicable aux organismes exonérés de l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun, c’est-à-dire notamment au secteur associatif. Aussi, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (FEHAP) est favorable à la mise en place d’un dispositif équivalent au CIFAM au secteur associatif, et les rapporteures estiment qu’il y a effectivement lieu d’en élargir l’applicabilité à toutes les structures. ([20])

Recommandation n° 6 : les rapporteures recommandent la mise en place d’un dispositif équivalent au crédit d’impôt famille (Cifam) pour les crèches associatives.

2.   Permettre aux parents qui le souhaitent de prendre eux-mêmes en charge leur enfant plus longtemps et dans de meilleures conditions

Cesser d’appréhender les crèches comme de simples modes de garde à la faveur de la connaissance des besoins fondamentaux de l’enfant a également pour corollaire la nécessité d’allonger les congés parentaux et de les revaloriser.

L’Union nationale des associations familiales (Unaf) soulève à cet égard que le congé parental est souvent vécu par les parents comme une période trop courte et qu’un certain nombre de parents souhaiterait rester plus longtemps avec leurs enfants et ont recours à des congés maladie pour ce faire.

Anne Raynaud relève qu’il y a actuellement une pression sociale et sociétale très prononcée pour que les parents reprennent le travail de manière précoce sous prétexte d’une égalité homme-femme. L’équilibre vie privée-vie professionnelle va à l’encontre des besoins de l’enfant et participe du « cercle d’insécurité ». Pour elle, ces valeurs créent les difficultés qu’on tente ensuite en vain de corriger. ([21])

En effet, selon Romain Dugravier, président de l’ANISS, en vertu de la théorie de l’attachement, la crèche n’a pas d’intérêt pour l’enfant durant la première année de sa vie puisque la tâche première de l’enfant est de nouer une relation avec une ou plusieurs personnes qui s’occupent de lui. ([22])

Pour Boris Cyrulnik, les bébés ont ainsi besoin de voir leurs parents sur des temps suffisamment longs dans la journée, ce qui ne doit pas se limiter aux repas et aux changes. Il relève notamment qu’un enfant accueilli trop précocement et pour un nombre d’heures trop important dans une crèche collective peut développer des troubles du comportement, notamment lorsque l’accueil est de mauvaise qualité. ([23])

Or, Anne Raynaud considère que nous sommes collectivement maltraitants sur le sujet, car les règles d’indemnisation ne permettent pas toujours aux parents de faire le choix de rester auprès de leur enfant la première année, et qu’il y a par ailleurs une forte pression sociale et sociétale au retour rapide à l’emploi. Elle considère que la société s’est calée sur un modèle qui ne permet pas le bon développement de l’enfant au regard de ses besoins fondamentaux. ([24])

Les congés en faveur des parents à la naissance d’un enfant

Depuis 1980, le congé maternité est d’une durée de 16 semaines ([25]) , pour les deux premiers enfants, et de 26 semaines, à compter du troisième enfant. Il se divise en deux périodes, la période prénatale (de 6 à 8 semaines) et un congé postnatal (de 10 à 18 semaines). Ce congé étant modulable en fonction des besoins de la femme et en accord avec son médecin. Durant ce congé, les femmes peuvent bénéficier de revenus de remplacement qui diffèrent selon les régimes (fonctionnaire, salariée, indépendante).

Mis en place en 2002, le congé paternité et du second parent, créé en 2001 ([26]) , a été récemment réformé à l’occasion du PLFSS 2021. ([27])  Initialement de 11 jours consécutifs à la naissance de l’enfance (ajoutés aux 3 jours d’absence autorisée par l’entreprise si le second parent est salarié), le taux de recours est resté stable pendant 20 ans, autour de 67 %. Il a donc été doublé pour ainsi atteindre 28 jours, dont 7 ont été rendus obligatoires. Les modalités d’indemnisation sont identiques à celles du congé maternité.

Le congé parental d’éducation, créé en 1977 ([28]) , permet à chaque salarié, à la suite de la naissance ou de l’adoption d’un enfant de moins de 16 ans, d’interrompre totalement ou partiellement son activité professionnelle pour élever ledit enfant. Il peut être accordé à l’un ou l’autre des parents assurant la charge de l’enfant, ou aux deux simultanément. Dans le secteur privé, il est valable pour un an et peut être renouvelé deux fois tandis que dans la fonction publique, il est accordé par période de deux à six mois renouvelables. La loi ne prévoit pas le maintien de la rémunération pendant le congé parental, mais une aide financière qui peut être versée aux parents à travers la PreParE, créée en 2014. ([29]) Les rapporteures relèvent des premiers résultats qui ne sont pas convaincants, étant entendu que l’objectif affiché de plus d’égalité entre les femmes et les hommes n’a que des résultats minimes. En effet, avant la réforme, 0,5 % des hommes prenaient un congé parental, le taux étant passé à 0,8 % à temps plein. Pire encore, depuis la réforme, le taux de parents ayant pris un congé parental a chuté de 43 % (272 000 pères et mères fin 2018). La loi actuelle prévoit notamment que chaque parent dispose de six mois chacun (contre six mois à partager entre les deux parents) pour le premier enfant et qu’à partir du deuxième enfant, la durée passe à trois ans au total, dont deux maximum pour un seul parent. Néanmoins, la réforme n’a pas touché à la rémunération du congé parental, qui reste très modeste, 397,20 euros en temps plein.

Prenant acte de ces considérations, l’Igas proposait dans son rapport précité ([30]) de revoir la durée et les règles de rémunération des congés parentaux pour accroître la possibilité pour les parents d’avoir une présence parentale accrue auprès de leur enfant la première année de sa vie.

Les rapporteures soutiennent une refonte des congés des parents au moment de la naissance de leur enfant, en estimant qu’il serait nécessaire que la PreParE soit proportionnelle au revenu antérieur.

Recommandation n° 7 : les rapporteures recommandent une augmentation du congé maternité pour atteindre 12 semaines en postnatal.

Recommandation n° 8 : les rapporteures soutiennent la nécessité de mettre en place un congé parental d’un an à prendre entre parents et rémunéré à 67 % du salaire antérieur avec des bonus points de retraite, inspiré du modèle allemand (congé parental de 12 mois partageable suite au congé maternité ou paternité avec une indemnisation forfaitaire à hauteur de 67 % du revenu des 12 derniers mois et possibilité d’aller jusqu’à 24 mois avec une rémunération moindre).

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Dorénavant, compte tenu du développement des neurosciences, des connaissances du développement des enfants et des évolutions sociétales, l’unique boussole dans les modalités d’accueil des enfants en crèche doit résider dans la recherche de l’accomplissement des besoins fondamentaux de l’enfant. Les systèmes de fonctionnement des crèches doivent ainsi être revus en ce sens pour permettre aux enfants, l’avenir du pays, de se développer sainement, en permettant un accueil axé autour de la notion de qualité. Or, pour en permettre la réalisation concrète, un investissement massif en faveur des professions de la petite enfance est nécessaire.


II.   un investissement massif en faveur des professions de la petite enfance pour une prise en charge repensée

Malgré l’importance, pour la société dans son ensemble et à long terme, d’un développement serein des enfants, le secteur de la petite enfance subit une crise profonde qui altère la qualité d’accueil des enfants au sein des crèches. La pénurie de professionnels et le manque d’attractivité de la profession appellent la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour former plus et mieux ainsi que pour valoriser les carrières des professionnels de la petite enfance.

A.   Répondre à la pénurie : former plus et mieux

Le secteur de la petite enfance est dit en « crise » : face à des conditions de travail détériorées, les professionnels sont de moins en moins nombreux. Pour répondre à cette problématique du nombre, il est nécessaire de former davantage d’étudiants, tout en leur faisant bénéficier d’un apprentissage d’une meilleure qualité.

1.   La pénurie de professionnels : un secteur en crise

Selon l’Igas, de 2011 à 2021, alors que le nombre de places de crèches a augmenté de 31 %, le nombre de nouveaux éducateurs de jeunes enfants a progressé de seulement 7 %. ([31]) Aujourd’hui, 10 000 professionnels manquent déjà dans les 468 000 places de crèches, ([32]) 20 000 professionnels partiront à la retraite d’ici 2027 ([33]) et, pour trois places de crèche (ouvertes 55 heures par semaine), il faut des professionnels (35 heures par semaine) en adéquation avec le taux d’encadrement. Par ailleurs, il manque également, actuellement, 1 600 postes de direction au sein de crèches selon la présidente du Comité de filière petite enfance, Elisabeth Laithier. ([34]) 

Par ailleurs, les professionnels continuent de quitter ce secteur : selon la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), sont intervenus de nouveaux départs à la retraite tandis que dans le même temps le nombre de personnes formées est à la baisse.

Le Gouvernement, pour créer les 200 000 nouvelles solutions d’accueil annoncées, aura donc besoin de 100 000 nouveaux professionnels (66 000 pour les nouvelles places et 34 000 pour les places actuellement existantes). ([35]) Or, loin de voir de nouvelles places ouvrir, ce sont les places qui existent actuellement qui ferment de manière croissante. La maire de la ville de Vincennes, Charlotte Libert, relève que rien que sur sa commune, sur 700 berceaux disponibles, 100 ont dû fermer au cours de l’année passée faute de professionnels. ([36]) L’existant est donc déjà en train de fermer et le chiffre des places disponibles n’est pas le chiffre réel car en face de ces « places disponibles », ils n’ont pas toujours un professionnel en poste.

Les métiers de la petite enfance sont des métiers dits « essentiels » ; pour autant, ils font l’objet d’une grave pénurie. Cette dernière entraîne un stress chez les personnels en poste car les conditions de travail deviennent, selon le collectif « Pas de bébés à la consigne », « ingérables », les professionnels manquants n’étant pas remplacés. ([37]) Dans ce contexte, les crèches ne pourront plus demain répondre aux besoins des enfants sans investissement massif en faveur des professionnels de la petite enfance.

La mise en place d’un plan d’urgence répondant à cette pénurie suppose au préalable une connaissance précise des besoins. Il pourrait ainsi être opportun d’attribuer à la Cnaf la mission de cartographier les personnels manquants afin d’affiner les diagnostics et, par voie de conséquence, les réponses apportées.

Recommandation n° 9 : les rapporteures recommandent que la Cnaf, sur une base annuelle, cartographie les personnels manquants de la petite enfance et émette des recommandations sur un nombre de places de formation à pourvoir.

2.   La nécessité d’investir massivement dans la formation

Compte tenu de la pénurie de professionnels, les rapporteures soulignent l’urgence absolue de se préoccuper de la formation des professionnels de la petite enfance.

Cette situation n’est pas nouvelle puisque, dès 2011, le collectif « Pas de bébés à la consigne » sonnait déjà l’alarme, qu’il avait émis en 2016 des recommandations détaillées sur la formation, et que le rapport de l’Igas a encore souligné cette problématique.

Le constat est donc constant, et les rapporteures ne peuvent que le rappeler, de nouveau, et constater que l’absence de réponse adéquate à cette crise est inquiétante. Les rapporteures préconisent ainsi la mise en place d’un plan d’urgence doit avoir pour objectifs d’augmenter les places de formation tout en renforçant la qualité des formations dispensées aux étudiants du secteur de la petite enfance. Les rapporteures tiennent à souligner à cet égard qu’employer davantage de professionnels ne doit pas aller de pair avec un nivellement par le bas des compétences mais que ces deux aspects doivent être pensés dans une logique de complémentarité.

 

Recommandation n° 10 : les rapporteures préconisent la mise en place d’un plan d’urgence en faveur des formations des professionnels ainsi qu’une réunion d’urgence entre l’État et les collectivités territoriales pour aborder un plan de relance de recrutement et une planification des métiers du « care », qui sont le cœur des politiques publiques en faveur des publics les plus vulnérables.

a.   Former davantage de professionnels

Le collectif « Pas de bébés à la consigne » comprend difficilement cette annonce de 200 000 solutions d’accueil supplémentaires sans augmentation, en parallèle, de l’offre de formation. Dans les ministères, on leur rétorque que ce n’est pas à l’État d’imposer aux régions de créer de nouvelles formations. ([38]) Pourtant, le collectif, ainsi que les rapporteures, soulignent que dans un secteur en tension aussi essentiel, l’État pourrait être amené à fixer des objectifs nationaux en termes de formation.

Aujourd’hui, le constat global est que les étudiants ne sont plus attirés par les formations de la petite enfance. La FEHAP détaille, sur certains établissements, le manque de candidats au sein des formations : sur l’Institut régional de travail social (IRTS) Parmentier, où en 2022, il n’y avait que 48 étudiants en 1ère année contre une moyenne habituelle de 60/70 personnes, 37 étudiants en 2e année contre 66 en 2021, 34 étudiants en 3e année contre 57 en 2020 et seulement 32 étudiants qui se sont présentés au diplôme en 2022, pour une réussite de seulement 24 d’entre eux. ([39]) Il y a donc non seulement moins d’étudiants inscrits, mais également un taux de déperdition plus important au fil des années. Sur leur centre de formation Saint Honoré, au 14 septembre 2022, il n’y avait que 50 étudiants pour 120 places ouvertes. ([40])

Selon le collectif « Pas de bébés à la consigne », la plateforme Parcoursup a par ailleurs fait beaucoup de mal aux métiers du social : auparavant, s’orienter vers ces métiers relevait davantage d’une démarche individuelle tandis que désormais, les étudiants arrivent dans ces écoles « par défaut », parce qu’ils n’ont pas obtenu les choix d’orientation qu’ils souhaitaient vraiment. Leur motivation et leur implication sont donc moindres et un grand nombre d’entre eux quitte le cursus sans diplôme à la fin de la première année. ([41])

Recommandation n° 11 : les rapporteures demandent à l’État de fixer des objectifs nationaux de formation, après concertation avec les régions, et de lancer une grande campagne des métiers du « care ».

Pour attirer davantage d’étudiants dans ces formations, il est également nécessaire de mener des campagnes de promotion des métiers de la petite enfance. Une campagne est sortie en avril 2023 sous la forme de spots tournés avec de véritables professionnels de la petite enfance, mais comme c’était en même temps que la sortie du rapport de l’Igas, la campagne n’a pas produit les effets escomptés. ([42])

Les rapporteures soutiennent l’idée d’une nouvelle campagne massive auprès du grand public ainsi qu’auprès des élèves, au sein des salons Onisep.

Recommandation n° 12 : les rapporteures appuient la nécessité de mener des campagnes pour faire connaître ces métiers au grand public à travers cette notion de « sens ».

Pour attirer, ces campagnes doivent insister sur le sens de ces métiers : le changement de paradigme intervenu dans la conception de la crèche est le point de bascule qui doit redonner du sens aux métiers de la petite enfance. Aujourd’hui, un nombre conséquent de personnes quittent leur emploi car il n’a pas de sens pour eux.

Le sens devient donc de manière croissante un élément majeur d’orientation professionnelle. Cet élément est particulièrement prégnant dans le milieu de la petite enfance, pour lesquels la reconnaissance sociale est particulièrement importante. ([43])

Or, actuellement, les métiers de la petite enfance sont principalement assimilés et perçus par le grand public sous le seul aspect de l’accueil sans prendre en compte toutes les missions des professionnels, comme les missions d’accompagnement ou d’éducation. Cela nécessite un travail profond de sensibilisation et de communication qui doit être effectué auprès du grand public, et dès le plus jeune âge de l’orientation pour la découverte des métiers afin d’inciter les jeunes à s’inscrire dans les cursus de formation des métiers de la petite enfance par choix.

Pour cela il est impératif de redonner du sens qui est le cœur de l’engagement professionnel aujourd’hui au regard des mutations sociales et professionnelles. ([44]) Pour la présidente du Comité de filière petite enfance, Elisabeth Laithier, il est urgent de réinstaurer l’image de ces professions comme de véritables métiers qui ne consistent pas « en des changements de couches et de tétines ». ([45]) Il y a donc ici un certain nombre de pistes à explorer, notamment de reconversions professionnelles à encourager.

Pour Anne Raynaud, il est essentiel de valoriser la « fonction du prendre soin », qui n’est pas innée et qui nécessite un personnel qui n’est pas interchangeable mais, au contraire, spécifiquement qualifié au regard de l’évolution des neurosciences et des connaissances du développement psychosocial de l’enfant.

Recommandation n° 13 : les rapporteures recommandent de promouvoir les reconversions professionnelles vers les métiers de la petite enfance en valorisant le « sens » de ces métiers muni d’une solide formation avant d’être auprès des enfants.

b.   Mieux former les professionnels

Les rapporteures soutiennent que la réponse ne doit pas être uniquement quantitative ; pour bénéficier de conséquences positives, un plan d’urgence tourné vers la formation doit également être doté d’un aspect qualitatif. Recruter plus ne doit pas signifier recruter du personnel moins qualifié ; au contraire, les besoins fondamentaux des enfants et la nécessité de redonner du sens aux métiers appellent une formation davantage qualitative. Cette formation accrue est nécessaire aussi bien pour les professionnels des structures que pour les gestionnaires, afin de créer un cercle vertueux.

i.   Mieux former les professionnels des structures

La nécessité de former et d’embaucher massivement dans le secteur de la petite enfance ne doit pas occulter le fait qu’il est également à la fois crucial et urgent de renforcer les qualifications de ces professionnels. En effet, les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) de la FEHAP constatent par exemple une faiblesse du niveau de formation des professionnels sortant des écoles depuis quelques années et soulèvent un décalage entre la formation dispensée et les réalités de terrain.

Dans ce contexte, certains EAJE mettent en place des parcours de formation complémentaires pour leurs jeunes professionnels ([46]) , ce qui est pour eux chronophage car ils doivent sans cesse réapprendre aux jeunes professionnels des éléments fondamentaux qui devraient simplement être logiques pour tout professionnel de la petite enfance. ([47])

Compte tenu du changement de paradigme mis en avant par les rapporteures dans la conception de l’accueil des jeunes enfants, la formation initiale doit également être rénovée en faisant plus de place aux neurosciences, au soutien à la parentalité, à l’éveil culturel et à la prise en charge des enfants en situation de handicap. Selon Elisabeth Laithier, les formations actuellement proposées sont trop lacunaires en matière de neurosciences. ([48])

La directrice de l’Institut de la parentalité, Anne Raynaud, souligne qu’il y a une méconnaissance délétère du développement de l’enfant et des connaissances actualisées sur l’enfant de manière générale. Il est ainsi nécessaire de revaloriser les formations actuelles et de les concentrer sur les métiers de l’accueil collectif et sur les projets éducatifs pour avoir des contenus adaptés, mais surtout de recentrer la formation des étudiants sur les besoins de sécurité affective des enfants et les besoins fondamentaux propres à son développement. ([49])

Ainsi, Anne Raynaud insiste sur la nécessité de créer une « culture commune » reprenant les compétences actualisées sur le développement de l’enfant, la signification de ce qu’est être parent et la connaissance de l’écosystème et des acteurs à qui relayer des informations([50]) Pour Anne Raynaud, il faut donc refonder les formations initiales et sortir du strict soin physique ou des activités de production. ([51])

Pour donner suite au changement de paradigme à l’œuvre, il faut selon elle que trois « piliers d’habiletés » soient reconnus :

       Les savoirs fondamentaux sur l’enfant (développement de l’enfant, processus de parentalité, système familial) ;

       Les postures professionnelles et les techniques d’écoute active ;

       La connaissance de l’écosystème autour de l’enfant et sa famille pour favoriser l’interconnaissance.

Or, actuellement, les formations initiales sont trop généralistes et pas assez actualisées. S’agissant plus particulièrement des auxiliaires de puériculture, Pierre Suesser préconise d’accorder davantage de temps de formation à l’éveil et à la socialisation du jeune enfant et moins au côté sanitaire. ([52]) À cet égard, les rapporteures saluent la création d’un socle commun de compétences couvrant a minima le développement du jeune enfant et ses besoins fondamentaux pour tous les professionnels de la petite enfance dans le volet « qualité » annoncé du service public de la petite enfance. Les rapporteures soutiennent donc sa mise en œuvre concrète.

Recommandation n° 14 : les rapporteures préconisent de réformer la formation initiale en renforçant les enseignements portant sur le développement de l’enfant et les neurosciences.

Outre l’enrichissement des compétences, la formation initiale doit être davantage pratique et moins théorique, puisqu’il s’agit de prendre concrètement en charge des enfants, et les formations actuelles ne répondent pas aux réalités du terrain. ([53]) Les rapporteures soulignent qu’il est impensable que des néo-diplômés arrivant au sein des structures n’aient jamais exercé, en pratique, auprès d’enfants.

Pierre Suesser regrette plus généralement la suppression des épreuves pratiques au CAP. Aussi, Pauline Domingo, directrice du projet Comité de filière petite enfance et du service public de la petite enfance de la direction de la sécurité sociale, relève notamment qu’il est nécessaire de réévaluer la place du stage dans l’obtention du diplôme. ([54]) La validation des expériences pratiques réussies doit être déterminante dans l’obtention du diplôme ; a contrario, il devrait être impossible de réussir son diplôme à l’issue d’expériences de terrain qui ne se seraient pas bien passées du fait de bons résultats dans les épreuves théoriques.

 

Recommandation n° 15 : les rapporteures recommandent, afin de disposer de professionnels opérationnels à l’issue des formations, d’insister davantage sur les aspects pratiques et de rendre l’évaluation du stage déterminante dans l’obtention du diplôme.

Recommandation n° 16 : les rapporteures recommandent d’instituer un stage pratique obligatoire d’une durée de six mois au sein d’une crèche publique pour parfaire toute formation en petite enfance et valider le CAP petite enfance.

Recommandation n° 17 : les rapporteures estiment nécessaire de recenser le nombre de professionnels qui exercent actuellement en France auprès de jeunes enfants en ayant été formés en ligne.

À cet égard, il est également nécessaire de valoriser les apprentissages au sein des structures d’accueil collectif des jeunes enfants. La FFEC recommande ainsi la présence d’un apprenti par crèche, comme le souhaite également le bureau du Comité de filière petite enfance du 12 décembre 2022. ([55]) L’apprentissage est effectivement indispensable pour bénéficier de professionnels opérationnels sur le terrain et maîtrisant les enjeux pratiques de la prise en charge des enfants en crèche.

Toutefois, les rapporteures ne considèrent pas que l’apprenti puisse rentrer dans le décompte du taux d’encadrement, puisque précisément, les apprentis sont sur le terrain pour apprendre un métier et bénéficier de conseils pratiques, mais ne sont pas encore opérationnels de manière indépendante.

Recommandation n° 18 : afin de favoriser la pratique, les rapporteures préconisent de valoriser davantage les apprentissages au sein des formations du secteur de la petite enfance.

Les rapporteures alertent également sur la multiplication des CAP petite enfance en ligne. Elles attirent l’attention sur le fait que c’est une aberration de pouvoir obtenir un diplôme en petite enfance, en vue d’exercer des professions au contact d’enfants, vulnérables et en développement, sans avoir jamais pratiqué auprès des enfants durant leur formation.

Recruter du personnel diplômé en ligne au sein de structures comme les crèches est selon elles dangereux et doit être purement et simplement interdit, pour toutes les crèches, quel que soit leur modèle.

Recommandation n° 19 : les rapporteures recommandent l’interdiction pure et simple des formations CAP petite enfance en ligne dès septembre 2024.

Recommandation n° 20 : pour les formations en cours sur l’année 2023/2024, les rapporteures soulignent la nécessité d’interdire aux néo-diplômés d’être directement en contact avec les enfants après leur formation en ligne sans une formation minimale d’un an en crèche qui s’ajoute au cursus diplômant.

Le volet « qualité » du service public de la petite enfance prévoit de garantir que tout nouveau professionnel n’ayant pas réalisé de stage sanctionné par une évaluation au sein d’un mode d’accueil du jeune enfant doive valider, avant sa prise de poste effective, une période d’observation accompagnée d’une durée minimale de 120 heures. Les rapporteures considèrent qu’une telle période d’observation est insuffisante au regard des besoins spécifiques des tout-petits, ces derniers nécessitant la validation d’un stage pratique de six mois au minimum ainsi qu’exigeant l’interdiction pure et simple des formations en ligne.

Les rapporteures insistent également sur la nécessité de mieux valoriser la formation continue. Actuellement, toutes les personnes auditionnées regrettent que la formation continue soit peu effective. Les personnels qui souhaitent se former doivent souvent le faire sur leur temps libre, le soir ou le week-end, ce qui génère une renonciation croissante. Les connaissances de l’enfant et les pratiques sociales continuent d’évoluer, et un accueil de qualité n’est possible qu’en adaptant les pratiques professionnelles au développement de ces connaissances.

Les rapporteures préconisent ainsi de prévoir une formation continue sur le temps de travail, tout du long de la carrière, reprenant les éléments développés pour la formation initiale : moins de connaissances génériques et davantage de connaissances pratiques et liées aux besoins de l’enfant pour son développement.

Recommandation n° 21 : les rapporteures attirent l’attention sur le fait que la formation continue doit s’effectuer sur le temps de travail, tout du long de la carrière, et non plus sur les week-ends ou les congés.

ii.   Interdire le recours à du personnel insuffisamment diplômé pour combler les pénuries

Le décret dit « Morano » ([56]) a diminué les exigences de qualification des professionnels dans les équipes, faisant passer de 50 % à 40 % l’effectif moyen annuel des professionnels chargés de l’encadrement des enfants (professionnels titulaires du diplôme d’État de puériculteur, des éducateurs de jeunes enfants diplômés d’État, des auxiliaires de puériculture diplômés, des infirmiers diplômés d’État ou des psychomotriciens diplômés d’État). Les titulaires d’un CAP, diplôme moins poussé que les qualifications d’État, ont ainsi pu devenir majoritaires.

Pour les rapporteures, ce système est inacceptable car s’occuper d’enfants nécessite des connaissances précises de leurs besoins. Pour la FEHAP, ce taux doit être de nouveau porté à 50 %.

Les rapporteures préconisent plutôt de le remonter à 60 %, inversant ce faisant le ratio, compte tenu de la nécessité de pousser de façon urgente sur la qualité au sein des accueils collectifs de jeunes enfants.

En particulier au sein des micro-crèches, la possibilité d’être référent sans avoir obtenu de diplômes d’État est préoccupante. ([57]) Pour Pierre Suesser, les auxiliaires de puériculture, par exemple, ne devraient pas être référents techniques car elles n’ont pas la formation qui permette d’encadrer des équipes, avec toutes les difficultés que cela peut engendrer.

Pour les rapporteures, le corollaire d’un plan visant à mieux former les professionnels à l’aune de la qualité due aux enfants pour la réalisation de leurs besoins fondamentaux est également d’interdire le recours à du personnel insuffisamment diplômé au sein des crèches pour combler les lacunes existantes.

Recommandation n° 22 : a minima, les rapporteures préconisent d’inverser le ratio en cause pour que passe à 60 % l’effectif moyen annuel des professionnels chargés de l’encadrement des enfants titulaires d’un diplôme d’État.

Recommandation n° 23 : dans l’idéal, les rapporteures recommandent d’interdire progressivement tout recrutement d’une personne ne disposant pas des diplômes d’État adéquats pour préserver le développement des enfants.

iii.   Renforcer la qualification des gestionnaires

Pour Elisabeth Laithier, améliorer la qualité au sein des crèches passe également nécessairement par une meilleure formation des directeurs de structure eux-mêmes, qui doivent impérativement être formés aux techniques de management et aux ressources humaines, pour ne pas eux-mêmes être à l’origine d’un climat délétère propice au développement d’actes de maltraitance. ([58])

Que les directeurs de structures traitent mieux les professionnels des structures d’accueil collectif des jeunes enfants est la condition sine qua non pour que les bébés soient eux-mêmes bien traités. Les professionnels ne peuvent pas être bien traités si l’institution est elle-même mal traitante avec eux, malgré leurs bonnes intentions.

Par exemple, en adoptant la logique de l’entreprise, qui banalise les heures supplémentaires sur le long terme en demandant toujours plus aux adultes, en raccourcissant les pauses déjeuner, en annulant des journées de formation pour répondre aux personnels manquants sur le terrain, en envoyant des messages le dimanche soir pour un remplacement à 7 heures du matin le lendemain, en culpabilisant les professionnels qui ne jouent pas le jeu des heures supplémentaires, les bébés pleurent davantage et trop longtemps car l’équipe pédagogique ne répond plus aux besoins des enfants. ([59])

Les rapporteures soutiennent cette nécessité de former le personnel encadrant aux techniques de management et aux ressources humaines dans le but de créer des cercles vertueux au sein des crèches, qui se répercuteront ensuite positivement à la fois sur les professionnels et sur les enfants.

Recommandation n° 24 : les rapporteures recommandent que les directeurs de crèches, et plus généralement les gestionnaires et personnels encadrants, soient formés aux techniques de management et aux ressources humaines. Cette obligation doit être inscrite dans le contrat de travail les futurs personnels de direction des crèches avant leur prise de poste et avant juin 2025 pour ceux déjà en poste.

Les professionnels de la CAF, selon Anne Raynaud, devraient également être davantage formés aux questions tant de la petite enfance et du développement des enfants que des techniques de management, car elle relève qu’il est fréquent que des professionnels de la CAF prennent des décisions sans toujours maîtriser les compétences nécessaires pour ce faire. ([60])

Recommandation n° 25 : les rapporteures préconisent le renforcement les qualifications des professionnels des Caf.

Une politique de prévention de la maltraitance du côté de l’accompagnement des professionnels et des institutions est par ailleurs nécessaire à tous les niveaux de formation.

Recommandation n° 26 : les rapporteures soutiennent qu’à tous les niveaux de formation, il est nécessaire de veiller à ce qu’une politique de prévention de la maltraitance soit établie, comme une formation au repérage, pour saisir, en cas de besoin, les protocoles de signalement auprès de la cellule départementale de recueil et de traitement des informations préoccupantes (CRIP).

B.   répondre au déficit d’attractivité : investir dans les carrières

Pour répondre efficacement au déficit d’attractivité, il faut à la fois améliorer les conditions de travail des professionnels et leur proposer davantage de perspectives de carrière.

1.   Gagner en attractivité par l’amélioration des conditions de travail

Améliorer les conditions de travail des équipes suppose au préalable de reconnaître que travailler avec des jeunes enfants peut parfois être physiquement et psychologiquement éprouvant. Une fois ce constat fait, il apparaît nécessaire, pour les rapporteures, d’améliorer les conditions matérielles de travail ainsi que de reconnaître aux professionnels du temps hors enfants ainsi que d’améliorer l’environnement matériel des structures.

a.   Améliorer les conditions matérielles de travail

Pour améliorer les conditions matérielles de travail des professionnels au sein des structures d’accueil, il est nécessaire à la fois de réduire la taille des groupes et de disposer d’un matériel adéquat.

i.   Réduire la taille des groupes

Améliorer les conditions de travail suppose en premier lieu de réduire la taille des groupes, qui est une donnée importante de la qualité de travail des professionnels comme de l’accueil des jeunes enfants. Favoriser le développement de l’enfant dans de bonnes conditions au sein des crèches supposerait au préalable, selon les rapporteures, de modifier le taux d’encadrement.

Les rapporteures soutiennent en ce sens la recommandation du rapport de l’Igas ([61]) d’inscrire dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche famille de la Cnaf une trajectoire pour se rapprocher d’un ratio moyen d’encadrement de cinq enfants par adulte.

En effet, les rapporteures ne jugent pas pertinent de faire la distinction entre les enfants qui marchent et ceux pour qui ce n’est pas le cas, ceux qui marchent étant par ailleurs davantage susceptibles d’échapper au contrôle du professionnel.

Les rapporteures sont également favorables à la recommandation de l’Igas en vertu de laquelle le taux d’encadrement devrait être calculé au niveau des sections/groupes d’enfants, et non au niveau de l’établissement. ([62]) 

En outre, pour assurer la sécurité des enfants, les rapporteures soutiennent que l’effectif du personnel de l’établissement présent auprès des enfants effectivement accueillis ne peut jamais être inférieur à deux, quelle que soit la taille de l’établissement. ([63])

Recommandation n° 27 : les rapporteures préconisent d’inscrire dans la COG de la branche famille de la Cnaf une trajectoire pour se rapprocher d’un ratio moyen d’encadrement de cinq enfants par adulte lorsqu’ils marchent (section moyen et grand) et de trois enfants par adulte en section bébé.

Recommandation n° 28 : les rapporteures recommandent de calculer le taux d’encadrement au niveau des sections ou groupes d’enfants et non au niveau de l’établissement.

Recommandation n° 29 : les rapporteures insistent sur le fait que, quelle que soit la taille de l’établissement, l’effectif du personnel de l’établissement présent auprès des enfants effectivement accueillis ne soit jamais inférieur à deux.

Il est par ailleurs nécessaire d’adapter ce taux dans certaines circonstances. La FEHAP souligne par exemple qu’avec la réforme des modes d’accueil, dite NORMA, des dispositions sont en décalage avec les réalités de terrain.

Après échange avec la PMI, certains EAJE appliquent des taux d’encadrement différents de ceux prévus légalement dans certaines situations. Ainsi, si l’article R. 2324-43-2 du code de la santé publique prévoit, dans le cadre des sorties extérieures, un taux d’encadrement d’un professionnel pour 5 enfants, certains établissements estiment que ce taux est insuffisant en termes de sécurité et appliquent des taux différents suivant que l’établissement se situe en zone rurale ou urbaine avec par exemple un professionnel pour deux ou trois enfants. ([64]) Les rapporteures soulignent la nécessité de fixer par décret des cas dans lesquels le ratio doit être plus faible.

Par ailleurs, entre 2010 et 2021, le décret dit « Morano » est venu augmenter la possibilité de l’accueil en surnombre jusqu’à 120 %, sous réserve que « la moyenne hebdomadaire du taux d’occupation n’excède pas 100 % ». Ce taux a été revu à 115 % ([65]).

Toutefois, si on appréhende dorénavant les lieux d’accueil collectif du jeune enfant avec pour unique boussole l’intérêt supérieur de l’enfant et la réponse à ses besoins fondamentaux, il est nécessaire de revenir sur tout possibilité d’accueil en surnombre, quitte à fermer des places disponibles.

Recommandation n° 30 : les rapporteures recommandent de revenir sur la possibilité d’accueil en surnombre au sein des crèches.

ii.   Disposer de matériel adéquat

Il est par ailleurs nécessaire d’améliorer les conditions matérielles de travail et de disposer de réelles salles de repos « qui ne sont pas des placards à balais, comme c’est parfois littéralement le cas », selon les constats d’Elisabeth Laithier.

Lors de leur audition devant la Délégation aux droits des enfants le 3 mai 2023, les membres de l’Igas ayant rédigé le rapport d’avril 2023 sur les crèches ont mis en exergue le manque de matériel adapté à des adultes au sein des crèches. Les inspecteurs de l’Igas ont ainsi été amenés à visiter des crèches dans lesquelles il n’existait pas de meuble pour adultes et où en conséquence, le personnel était assis par terre et mangeait par terre.

Les rapporteures estiment ainsi qu’il est nécessaire d’établir un référentiel d’éléments matériels minimum que les crèches doivent mettre à disposition de leur personnel : salle de réunion, meubles adaptés à des adultes.

Recommandation n° 31 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une obligation, pour toute crèche, de répondre à une liste minimale d’éléments matériels au bénéfice des professionnels pour validation par la PMI de l’autorisation d’ouverture d’une structure petite enfance : salle de réunion, meubles adaptés aux adultes…

b.   Reconnaître du temps de travail « hors enfants »

Améliorer les conditions de travail et la qualité des structures d’accueil suppose également de reconnaître aux professionnels de la petite enfance un temps de travail hors enfant, véritablement partie prenante de leur temps de travail effectif.

Prendre soin d’un tout petit, immature et vulnérable, qui ne parle pas encore, peut entraîner de l’agressivité qu’il faut mettre en parole : il faut donc un système institutionnel de mise en mots, de pensées, et en appui sur l’extérieur, avec des temps de réunion, de formation, de concertation et d’échanges de pratiques. ([66])

Les professionnels ont besoin d’avoir le temps nécessaire, durant leur travail, pour organiser des réunions et analyser leurs pratiques, mais les EAJE ont des difficultés à trouver ce temps et de telles réunions doivent donc avoir lieu lorsque l’établissement est fermé (par exemple, le samedi) ou le midi (mais les professionnels doivent donc en même temps surveiller les enfants à la sieste).

Ce faisant, les conditions ne sont pas optimales pour prévenir les actes de maltraitance. ([67]) Ces temps sont en effet importants pour prévenir la maltraitance et améliorer la qualité de l’accueil car ils permettent aux professionnels d’échanger ensemble sur l’accueil des enfants, les parents, l’organisation, sur ce qui fonctionne bien ou mal, sur les postures professionnelles, sur la recherche de solutions…

Les plus exposés aux risques de maltraitance sont placés sous la garde de gens trop peu encadrés, formés, accompagnés, et soutenus. Il y a donc un problème de référence et d’analyse des pratiques. L’encadrement ne doit pas consister à faire rentrer les professionnels dans un moule, mais les aider à penser les émotions qui les traversent. ([68])

La FEHAP propose par exemple de financer, par la COG de la branche famille de la Cnaf, trois journées pédagogiques en définissant un cadre national permettant à tous les professionnels de disposer de temps de réunion, de journées pédagogiques ou d’analyse des pratiques hors accueil, pour identifier notamment les professionnels dans une situation de fragilité. ([69])

Dans son volet « qualité », le service public de la petite enfance prévoit l’augmentation du financement des heures d’analyse des pratiques professionnelles et la mise en œuvre de trois journées pédagogiques par structure, comme cela est prévu par la COG de la branche famille de la Cnaf. Les rapporteures abondent également en ce sens et recommandent que le temps « hors enfant » soit réellement décompté des heures de travail des professionnels.

Recommandation n° 32 : les rapporteures prônent la reconnaissance d’un temps de travail hors enfant décompté véritablement du temps réel de travail.

2.   Gagner en attractivité par la revalorisation des salaires et des carrières

Revaloriser les carrières de la petite enfance passe à la fois par l’augmentation des salaires, qui demeurent trop faibles pour être attractifs, et la diversification des parcours de carrière.

a.   L’urgence de revaloriser les salaires

Le secteur de la petite enfance est un des derniers secteurs n’ayant pas fait l’objet de revalorisations salariales et les professionnels sont donc très en attente d’augmentations salariales. ([70]) Pourtant, le salaire des professionnels est un levier majeur pour attirer et fidéliser les professionnels de la petite enfance.

Or, aujourd’hui, leur niveau de rémunération est proche du Smic car, bien que les dirigeants des structures œuvrent pour revaloriser les salaires des professionnels, ils sont confrontés à une forte inflation et à de nombreuses hausses du Smic successives non répercutées dans les prix d’accueil.

En effet, la PSU permettant une prise en compte à 66 % du prix de revient d’une structure, les prix des micro-crèches étant plafonnés à 10 euros depuis 2013 et le niveau de solvabilisation des familles n’ayant pas augmenté, les structures se trouvent dans l’impossibilité de revaloriser significativement les salaires de leurs employés. ([71])

Cette question est renvoyée aux négociations syndicales, notamment dans le privé, l’augmentation des salaires passant par un accord national interprofessionnel.

Or, l’implantation des organisations syndicales dans le privé est faible sur ce secteur et la structuration des gestionnaires privés est forte, donc une négociation syndicale branche par branche n’apportera pas de solution adéquate ([72]) d’autant que, selon la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), même s’ils tentent de convaincre les partenaires sociaux, dans la branche des services à la personne, les crèches sont minoritaires et ne sont, par conséquent, pas prioritaires à l’agenda social. ([73])

Cela inquiète les rapporteures, qui recommandent de veiller à ce que ce sujet soit traité à sa juste valeur. Pour la fonction publique, qui pourrait tirer ces métiers par le haut, rien n’est prévu, alors que l’État se devrait de montrer l’exemple en la matière.

Sur la revalorisation des salaires, le problème est aussi que, pour les collectivités territoriales, toute augmentation se traduit par un manque dans leur budget, qui est déjà contraint. Ainsi, par exemple, la prime Ségur a généré une situation inégalitaire entre ceux qui, au sein d’un même métier, travaillent pour des sociétés privées ou des collectivités territoriales. Par ailleurs, elle avait eu pour conséquente le vote d’un budget supplémentaire pour les collectivités territoriales qui avaient pourtant déjà voté leur budget, lequel doit toujours être à l’équilibre conformément à l’article L. 1612-4 du Code général des collectivités territoriales.

Ainsi, de la même manière, les 200 millions d’euros annoncés dans la nouvelle COG de la branche famille de la Cnaf pour soutenir financièrement les revalorisations salariales à partir du 1er janvier 2024 inquiètent les différents acteurs car l’État n’en financera en réalité que deux tiers, faisant peser le tiers restant sur les collectivités, dont le budget est déjà contraint. S’il s’agit d’un accompagnement inédit, les rapporteures s’inquiètent donc de l’absence d’un financement intégral de l’État, qui est seul en mesure de produire de l’égalité entre les différents modes d’accueil pour permettre des revalorisations salariales. La FEHAP dénonce la « mise en place d’un système à deux vitesses » ([74]) : en raison de ces modalités de financement, certains acteurs de la petite enfance bénéficieront dès le 1er janvier 2024 des financements, tandis que d’autres devront attendre qu’un accord de convergence soit signé dans les branches. ([75])

Les rapporteures estiment qu’il est indispensable que l’ensemble des acteurs de la petite enfance puissent être accompagnés de manière homogène et selon la même temporalité pour la revalorisation salariale de leurs salariés.

Recommandation n° 33 : les rapporteures prônent un financement à 100 % de l’État de la revalorisation prévue dans la COG de la branche famille de la Cnaf 2023-2027.

Par ailleurs, la FEHAP s’inquiète que les crèches associatives ne puissent pas suivre et qu’en découlent des inégalités. La fédération constate une augmentation de la concurrence entre établissements due au fait que des communes proposent des rémunérations plus élevées en refusant les demandes d’augmentation des établissements non lucratifs, et les associations ne parviennent pas à s’aligner sur ces propositions. ([76])

b.   La nécessité de revaloriser et de diversifier les parcours de carrière

Revaloriser les carrières signifie à la fois améliorer les perspectives de carrière au sein même du secteur de la petite enfance, mais également maintenir un niveau de formation continue au profit des professionnels leur permettant, le cas échéant, de pouvoir se reconvertir professionnellement sans être déconnectés des réalités changeantes du monde du travail.

i.   Améliorer les perspectives d’évolution dans les métiers de la petite enfance

Revaloriser les carrières de la petite enfance suppose en premier lieu de fournir aux professionnels une diversification des perspectives d’évolution. En effet, selon la FFEC, chaque année, plusieurs milliers de professionnels dits de catégorie 2, c’est-à-dire détenteurs d’un CAP accompagnement éducatif petite enfance et assimilés, quittent le secteur faute de perspectives d’évolution professionnelle en dehors de l’acquisition d’un nouveau diplôme. ([77])

Deux voies d’acquisition d’un diplôme existent actuellement :

       D’une part, la validation des acquis de l’expérience, qui se fait en plus de son temps de travail, nécessitant une motivation supplémentaire.

       D’autre part, la formation par alternance, financée par l’employeur, avec des horaires de travail classiques, qui permettent de concilier vie professionnelle, familiale, personnelle et étudiante. Il faut une revalorisation des métiers, du « profil de carrière », pouvoir progresser, avoir des perspectives de carrière.

Recommandation n° 34 : les rapporteures recommandent de promouvoir les parcours de validation du VAE et l’approfondissement de la formation des personnes en reconversion.

ii.   Faciliter la reconversion et la sortie des métiers de la petite enfance 

La maire de Vincennes, Charlotte Libert, représentant l’Association des maires de France (AMF) soulève qu’au-delà de l’attractivité et de la formation, il y a une question à traiter sur la fin de parcours de ces professionnels car être auxiliaire de puériculture pendant des années est fatiguant, et se pose nécessairement, face à la pénibilité physique du métier sur une carrière en crèche, la question du reclassement professionnel.

Pour les rapporteures, il faut reconnaître que les métiers de la petite enfance peuvent être éprouvants et, pour attirer du personnel, il faut aussi penser « le reclassement » de ces métiers et envoyer le message que venir travailler dans le secteur de la petite enfance n’est pas synonyme de fermeture de toute autre perspective de carrière ensuite dans un autre secteur.

Il est donc nécessaire d’appréhender ces questions et de se demander comment maintenir, tout du long de la carrière des professionnels, une formation de nature à les maintenir connectés avec d’autres disciplines pour leur permettre de sortir de la profession si nécessaire et demandé par l’agent.

Les rapporteures estiment en effet que cette réflexion est indispensable à l’attractivité des métiers du secteur et qu’il pourrait être pertinent qu’elle soit portée par la fonction publique territoriale, qui pourrait créer une dynamique positive en ce sens, en reclassant ses agents, à leur demande, dans d’autres secteurs de la fonction publique, notamment à l’adresse du secteur privé et associatif.

Recommandation n° 35 : les rapporteures recommandent de traiter la reconversion des professionnels en sortie de carrière.

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Tous les efforts qui seront entrepris pour mieux prendre en compte les besoins fondamentaux des enfants dans leurs modalités d’accueil en crèche et par un plan d’urgence de formation et de recrutement seront vains s’il n’est pas tenté, en parallèle, de freiner la déréglementation à l’œuvre dans ce secteur. En effet, les rapporteures rappellent que l’importation de logiques purement économiques de rentabilité est par essence inadaptée au monde de jeunes enfants en développement.


III.   Une incompatibilité des besoins fondamentaux de l’enfant avec la logique de déréglementation du secteur

En 2010, le Gouvernement a décidé de ne pas considérer l’accueil du jeune enfant comme un service d’intérêt général, et donc de ne pas utiliser l’opportunité du Conseil de l’Europe de sortir les modes d’accueil de la directive qui réglemente la concurrence des services marchands. ([78]) En conséquence, les crèches privées lucratives se sont développées, avec des modèles de rentabilité qui tiennent difficilement compte des besoins fondamentaux des enfants, dans une logique de déréglementation couplée de profitabilité.

En parallèle, les rapporteures constatent une érosion du secteur public de l’accueil collectif en raison à la fois de cette arrivée des crèches privées, dotées d’un modèle qu’elles ne peuvent concurrencer, et des collectivités territoriales, qui n’ont plus les moyens d’ouvrir des structures. Les enfants étant vulnérables, il faut au contraire réglementer davantage pour s’assurer de leur bien-être et faire en sorte que la France change de paradigme en investissant massivement sur l’enfance. Cela suppose d’agir à la fois sur les modes de financement et les modalités de contrôle, ainsi que de manière globale.

A.   Remédier en urgence à la déréglementation à l’œuvre

Les rapporteures préconisent de revenir sur le phénomène de déréglementation des structures collectives d’accueil des jeunes enfants notamment en repensant les modalités de financement et en insistant sur un renforcement du contrôle des structures.

1.   Repenser les modes de financement des crèches

Il ressort de la majorité des auditions que le système actuel des modes de financement des crèches, notamment dans la dialectique entre prestation de service unique (PSU) et prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) est problématique en ce qu’il favorise la déréglementation du secteur.

a.   La prestation de service unique (PSU)

En 2002, la prestation de service unique (PSU), créée par une lettre circulaire de la Cnaf ([79]) , est venue remplacer le fonctionnement au forfait (à la journée) par une facturation quasi à la carte, les parents payant au temps effectif passé par leur enfant dans la crèche, presque à la demi-heure près, c’est-à-dire à une tarification à l’acte qui ressemble à la T2A à l’hôpital, notamment depuis sa réforme en 2014. ([80]) 

Ainsi, pour obtenir plus de subventions, les gestionnaires sont en recherche continue d’optimisation des taux d’occupation. À cet égard, la FFEC relève que ce mode de financement incite les professionnels à exiger des parents des pointages aux heures prévues au contrat, quand bien même cela ne respecterait pas les besoins fondamentaux de l’enfant ou de la famille certains jours. Il en résulte que les parents subissent des reproches lorsqu’ils ne respectent pas les termes exacts du contrat, ce qui génère une perte de confiance.

L’accent est ainsi mis sur l’optimisation de la gestion financière par l’atteinte d’un « taux de remplissage financier » à un niveau attendu par la CAF pour satisfaire les conditions du contrat enfance. ([81])

Aujourd’hui, la PSU, de l’avis de toutes les personnalités auditionnées par les rapporteures, met en jeu à très court terme la pérennité des structures d’accueil collectif des jeunes enfants, ainsi que la qualité d’accueil et de travail, les professionnels étant devenus davantage des gestionnaires que des personnels accompagnant le développement de l’enfant, rendant, selon Pierre Suesser, ce système « à bout de souffle » ([82]) .

Sur la base de ces différentes auditions, les rapporteures soulignent qu’il est nécessaire, a minima, de modifier la PSU, synonyme de déréglementation du secteur. Selon le SNMPMI, il faut cesser le financement par PSU, qui se traduit par une tarification au plus petit « épisode d’accueil », favorisé par le mode de calcul des taux d’occupation. ([83])

Recommandation n° 36 : les rapporteures recommandent de sortir du financement à l’heure, qui ne correspond plus aux réalités des besoins des enfants et des familles et nie la partie de travail des équipes en dehors des enfants. À cet égard, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) propose par exemple d’expérimenter la mise en place d’un forfait à la demi-journée à la place du système actuel à l’heure. Les rapporteures soutiennent cette proposition.

Il est également possible de sortir de ce système en créant un financement global avec des clauses de régulation liées à l’activité effectivement réalisée de nature à assurer la pérennité des EAJE sur le long terme. La réforme de la PSU intégrée dans la nouvelle COG de la branche famille de la Cnaf est satisfaisante, mais il demeure nécessaire de réfléchir à une sortie de ce modèle.

Exemple de réforme proposé par la FEHAP ([84])

Octroi chaque année d’une enveloppe financière à partir du budget prévisionnel réalisé par l’EAJE en fonction d’une activité prévisionnelle. Cette enveloppe serait revalorisée annuellement en prenant en compte les coûts incompressibles d’évolution des charges, tels que par exemple le taux d’inflation et la revalorisation du SMIC. La première enveloppe pourrait être versée au regard des trois dernières années d’activité.

En année n+1, à partir des comptes arrêtés pour l’année n-1, réajustement de l’enveloppe financière en fonction de l’activité effectivement réalisée.

Maintien des différents bonus existants à l’heure actuelle dans le cadre de la PSU.

Par ailleurs, se rapprocher d’une place PSU, aujourd’hui, constitue une rupture d’égalité, notamment pour les familles les plus précaires, ou même les classes moyennes, principalement dans les territoires où le premier mode de garde est individuel ou passe par les micro-crèches. Comme il ressort de la majorité des auditions que l’augmentation du complément libre-choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales a produit des effets positifs, il est recommandé d’en augmenter le plafond.

Recommandation n° 37 : les rapporteures préconisent que le complément libre-choix du mode de garde (CMG) soit proportionnel à la dépense, et non aux ressources, et d’élever son plafond de 10 euros par jour.

b.   La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje)

La Paje, qui remplace l’allocation pour jeune enfant (APJE), l’allocation parentale d’éducation (APE), l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et l’allocation d’adoption, a été créée en 2004. ([85])

La Paje est versée directement aux parents, qui doivent régler eux-mêmes les frais d’accueil puis se faire rembourser par la Caf sous conditions de revenus par le biais d’un complément de libre-choix du mode de garde (CMG). Or, ce système participe de la dérégulation car ce système ne permet pas de disposer d’un regard sur les pratiques des établissements ([86]) , qui assouplissent ce faisant des normes d’encadrement. ([87]) 

Pour exclure de son champ les logiques et les mécanismes de marchandisation et de concurrence, il est nécessaire de revenir sur les facilités accordées aux entreprises de crèche à visée lucrative dont le financement exclut les familles les moins favorisées.

Pierre Suesser relève ainsi que la mise en place des micro-crèches Paje a constitué un tournant, car les exigences ne sont plus les mêmes que pour les autres établissements. Il souligne que comme les communes n’étaient plus en mesure d’ouvrir des établissements, il y a eu une montée en puissance des établissements privés qui n’investissaient que dans les micro-crèches, plus rentables, avec une erreur d’appréciation de la part des pouvoirs publics qui, en permettant le financement Paje, ont augmenté le nombre de places en visant les populations les plus solvables. ([88])

Avec le système des micro-crèches Paje, le reste-à-charge pour une famille percevant deux Smic est ainsi de 581 euros contre 152 euros en EAJE commun et 324 euros chez une assistante maternelle. ([89])

L’intérêt du service public de la petite enfance réside aussi dans le fait d’avoir un organe unique d’organisation territoriale des modes d’accueil qui correspondent aux territoires, et pour contrebalancer l’ouverture de crèches onéreuses qui peuvent avoir pour conséquence d’exclure certains publics.

Recommandation n° 38 : pour revenir sur cette dialectique PSU/Paje source d’inégalité, les rapporteures préconisent de tendre vers un mode de financement unique.

Philippe Dupuy, directeur de l’Association des collectifs enfants parents professionnels (Acepp), soutient que le double-système PSU/Paje constitue le principal point d’écueil qui a pour résultat majeur le fait que les communes se tournent de plus en plus vers les maisons d’assistants maternels (MAM). Il soutient, ce faisant, que la déréglementation a été permise par l’apparition des crèches Paje dans le cadre des MAM, qui ne sont pas un mode d’accueil anodin.

Les rapporteures relèvent que bien qu’il s’agisse de structures d’accueil individuel au sein desquelles les assistants maternels mutualisent leurs moyens, il convient néanmoins de s’interroger sur leur encadrement. En effet, bien qu’accueil individuel, leur fonctionnement, de fait, s’apparente malgré tout à de l’accueil collectif, en échappant toutefois aux normes requises à l’ouverture d’un EAJE. Il apparaît ainsi nécessaire de mieux les encadrer.

Recommandation n° 39 : les rapporteures recommandent d’encadrer davantage le recours aux maisons d’assistants maternels (MAM), notamment en adoptant à leur égard des normes d’encadrement prenant en compte l’accueil simultané de jeunes enfants.

Recommandation n° 40 : les rapporteures recommandent d’ouvrir sur chaque territoire communal ou intercommunal un relais assistance maternelle (RAM) ouvert aux modes de garde de type garde partagée pour répondre aux besoins des assistants maternels de se rencontrer avec les enfants dans des lieux adaptés supervisés par un coordinateur petite enfance à l’échelle de la commune ou de l’intercommunalité.

Par ailleurs, plus généralement, les rapporteures mettent en exergue la nécessité de mener une étude pour réorganiser les modes de financement. Elles soutiennent qu’il faudrait adapter un modèle financier avec la Cnaf qui correspond aux mutations sociales et familiales et aux besoins fondamentaux des enfants dans les 1 000 premiers jours.

Recommandation n° 41 : les rapporteures recommandent de lancer une étude en vue de réorganiser les modes de financement des crèches et de lutter contre les inégalités, pour les familles, générées par le système actuel oscillant entre PSU et Paje.

2.   Repenser les modalités de contrôle des crèches

Renforcer les modalités de contrôle des structures suppose à la fois de se doter d’un référentiel national sur la base duquel doivent être établis ces contrôles, pour pouvoir ensuite renforcer ceux-ci.

a.   Se doter d’un référentiel national

Les rapporteures regrettent qu’il n’existe pas aujourd’hui un référentiel national de contrôle. La ministre des Solidarités et des Familles a missionné l’Igas afin notamment de décliner opérationnellement la charte de qualité d’accueil du jeune enfant en référentiels de pratiques professionnelles et organisationnelles et d’évaluer le référentiel national relatif aux exigences applicables aux EAJE en matière de locaux, d’aménagement et d’affichage résultant d’un arrêté du 31 août 2021. ([90]) Cela va, selon les rapporteures, dans le bon sens : il est effectivement nécessaire d’élaborer une liste nationale, publique, exhaustive et opposable des points et modalités de contrôle, mais davantage détaillés sur le fond des modalités d’accueil des jeunes enfants et moins sur des normes techniques. Cela permettra à l’ensemble des acteurs d’être informés clairement et avec précision de toutes les règles applicables.

L’article 10 bis du projet de loi plein emploi crée une ébauche de référentiel national mais, dans les faits, pour la Fédération du service aux particuliers (FESP), il n’apporte pas de garantie de plus de qualité car ce n’est pas en limitant un agrément à 15 ans que les conditions d’accueil seront optimales.

Recommandation n° 42 : les rapporteures prônent la mise en place d’un label qualité au niveau national dont le respect serait vérifié à échéance régulière.

Par ailleurs, l’établissement de règles claires et précises suppose également que les mesures réglementaires d’application soient effectivement adoptées. Or, la FFEC relève qu’un certain nombre d’entre elles ne le sont pas, notamment :

       Le I de l’article R. 2324-25 du code de santé publique prévoit une obligation annuelle pour tous les EAJE aux services de PMI d’informations fixées par arrêté, lequel, bien que prévu depuis 2007, n’a toujours pas été publié.

       L’article D. 230-28 du code rural et de la pêche maritime prévoit un arrêté conjoint des six ministres chargés de l’alimentation, de la santé, de la consommation, de l’outre-mer, des collectivités territoriales ainsi que de la cohésion sociale et des solidarités pour fixer la qualité nutritionnelle et la composition des repas servis en EAJE. Devant intervenir depuis 2012, cet arrêté n’a toujours pas été adopté, alors qu’il est censé fixer les règles nationales opposables pour atteindre l’objectif d’équilibre nutritionnel des repas servis en crèches. ([91]) 

Pour plus de précisions sur leurs obligations, les professionnels du secteur demandent l’adoption de normes plus précises afin qu’ils puissent gérer leur structure en réelle connaissance de cause.

Les rapporteures rappellent en conséquence la nécessité que les pouvoirs publics adoptent des règles claires et précises opposables aux professionnels où la place de l’enfant est centrale dans le projet pédagogique présenté aux familles.

b.   Réformer la culture du contrôle

Repenser le contrôle des crèches suppose de redonner aux PMI les moyens de leur action, notamment en replaçant la qualité au centre du contrôle qu’elles exercent. Par ailleurs, un mode de contrôle plus « souple » pourrait résider dans l’obligation, pour chaque crèche, de se doter d’un conseil de crèche.

i.   D’un contrôle formel à un contrôle qualitatif

Le rapport de l’Igas d’avril 2023 mettait en exergue la nécessité de réformer la culture du contrôle, en avançant que le contrôle de la PMI est trop centré sur les questions d’hygiène et de sécurité, et qu’il est donc essentiellement formel.

Pierre Suesser considère que « le législateur a coupé les ailes à la PMI », qui auparavant, s’intéressait à la question de la qualité des modes d’accueil alors que désormais, le médecin de PMI ou l’infirmier puériculteur diplômé d’État ne doit vérifier que les conditions de qualification professionnelle et les conditions exigibles d’installation et de fonctionnement des établissements. ([92])

Pour lui, il découle en effet des articles L. 2324-1 et L. 2324-2 du code de la santé publique que tout ce qui concerne la qualité ne fait plus partie de ce que la PMI est en droit d’observer et de suggérer.

Ce faisant, les fermetures d’établissements sont extrêmement rares : il faut que les manquements au bien-être des enfants soient d’une particulière gravité.

Ce contrôle ne tient donc pas suffisamment compte de la qualité de l’accueil, notamment à travers le prisme de la satisfaction des besoins fondamentaux de l’enfant.

Pour les rapporteures, la PMI ne doit pas être un contrôleur qui coche des cases dans un questionnaire mais doit accompagner la culture de contrôle de la qualité de l’accueil par une immersion dans les structures et des entretiens approfondis avec les professionnels, pour échanger également sur leur bien-être et leurs conditions de travail.

À ce titre, le contrôle bâtimentaire pourrait être externalisé pour que la PMI soit davantage mobilisée sur la qualité de l’accueil.

Recommandation n° 43 : les rapporteures recommandent de renforcer les moyens des PMI pour permettre un meilleur accompagnement des structures, lors de l’ouverture, mais aussi sur le long terme.

Recommandation n° 44 : les rapporteures préconisent de recentrer le contrôle de la PMI sur la question du développement de l’enfant et de la délester de la partie bâtimentaire et technique pour tendre vers un contrôle davantage qualitatif

L’article 10 bis du projet de loi plein emploi prévoit des évolutions favorables au renforcement du contrôle des crèches, notamment une répartition plus claire des compétences, l’extension des contrôles réalisés par les Caf aux modes d’accueil Paje ainsi que la définition d’un plan annuel départemental d’inspection et de contrôle des modes d’accueil des enfants.

Les rapporteures seraient également favorables à l’instauration d’une fréquence minimale des contrôles s’appliquant sur l’ensemble du territoire national. L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), par exemple, est favorable à cet égard à l’instauration d’un contrôle sur pièces annuelles et à un contrôle sur place au maximum tous les trois ans. ([93]) Par ailleurs, il semble nécessaire en sus de définir des plans et des fréquences minimales de contrôles, de réaliser un guide complet de contrôle pour l’ensemble des services de PMI, de l’État et des Caf.

En outre, l’article 10 bis mentionne le président du conseil départemental comme pilote responsable du contrôle. Les rapporteures pensent qu’il pourrait être opportun d’ajouter le service de PMI en plus du Président du conseil départemental au sein des futurs décrets d’application.

Les rapporteures estiment qu’il est intéressant de mettre en place une coordination des contrôles entre les PMI et les Caf. L’Igas a en effet constaté qu’à Annecy, une expérimentation de contrôle conjoint entre des Caf et PMI avaient eu lieu et qu’il en était résulté un gain à la fois de temps et de qualité.

Recommandation n° 45 : les rapporteures préconisent de généraliser l’expérimentation de contrôle conjoint des PMI et des Caf qui a eu des résultats positifs en Haute-Savoie.

Par ailleurs, un changement terminologique pourrait être souhaitable. La directrice de l’Institut de la parentalité, Anne Raynaud, relève que les équipes de PMI souffrent parfois d’être vécues comme « menaçantes » par les parents et préconise d’utiliser le terme « évaluation » à la place de « contrôle ». Les rapporteures regrettent à cet égard que le manque de temps des équipes des PMI ait eu pour effet que ce qui aurait dû relever des évaluations de la part des PMI (tous les ans) et le contrôle (pour le ré-agrément) ont été confondus, de telle sorte que la mission d’évaluation annuelle a cessé d’avoir lieu. Elles préconisent d’insister de nouveau sur cette optique de l’évaluation.

ii.   L’instauration de Conseils de crèche

Les conseils de crèche sont une instance consultative qui organise l’expression et la participation des parents dans les domaines concernant les dimensions collectives de l’accueil et de la vie quotidienne des enfants au sein de l’établissement.

Ils promeuvent l’émergence et la mise en œuvre du projet d’intérêt collectif des structures d’accueil de la petite enfance et leur articulation avec les autres équipements à l’échelle de la commune sur ce secteur de l’enfance en lien avec la municipalité et les directions d’établissement.

Le conseil de crèche élit chaque année des délégués de parents par section au sein de l’établissement et ce conseil est consulté sur les volets sociaux éducatifs des projets d’établissement, il est informé des conditions générales d’accueil des enfants (activités pédagogiques, sécurité, alimentations, personnels, et regroupements) et constitue une véritable instance de dialogue avec la direction de l’établissement. Les parents délégués sont associés à un conseil de crèche municipale deux fois par an qui réunit l’ensemble des établissements sur un même territoire (tous secteurs confondus) en lien avec les services municipaux, la PMI, le pédiatre référent et l’élue de secteur pour aborder à l’échelle du territoire les thématiques souhaitées par les parents délégués au sein des différentes structures de la petite enfance.

Le rapport de l’Igas montre pourtant bien que si on donnait l’obligation d’avoir un conseil de crèche, on poserait déjà des bases d’un dialogue entre les personnels, les directions et les parents et la municipalité sur la question majeure de la petite enfance.

Pour Pierre Suesser, cela permet également de rendre les parents, insuffisamment investis dans les crèches, plus actifs, et génère une confiance réciproque. ([94])  Lorsque ces derniers sont investis dans les structures, il est déjà beaucoup plus difficile pour celles-ci de cacher des problèmes. En adoptant un tel mécanisme à l’échelle nationale, il y aurait davantage d’égalité entre les territoires. Birgit Hilpert, du collectif « Pas de bébés à la consigne », relève par ailleurs que cela a toujours fonctionné de cette manière en Allemagne.

Recommandation n° 46 : les rapporteures recommandent l’obligation pour toutes les structures opérant dans le champ de la petite enfance sur le territoire français de disposer d’un conseil de crèche élu annuellement.

B.   doter à long terme la petite enfance d’un pilotage global de l’État

Les rapporteures estiment qu’il est nécessaire de repenser plus globalement la petite enfance et que l’évolution des modalités d’accueil au sein des crèches doit s’inscrire dans une perspective globale et dans un écosystème renouvelé autour de l’enfant uniquement. La mise en place du service public de la petite enfance doit être l’occasion d’acter réellement ce changement de paradigme. 

1.   Le service public de la petite enfance doit être l’occasion de créer un pilotage global

La petite enfance va être dotée d’un service public. Or, les « lois du service public » ([95]) traditionnelles imposent les principes de continuité, de mutabilité et d’égalité ainsi que, dans une conception renouvelée, prescrivent également une obligation de transparence. Les rapporteures rappellent que pour créer un service public de la petite enfance, ces conditions doivent être remplies.

a.   Un enjeu d’égalité

Pour les rapporteures, l’enjeu du service public de la petite enfance à venir est de construire un service public englobant tous les acteurs du secteur sur un pied d’égalité.

Les crèches doivent donc encourager davantage la mixité sociale. À ce titre, les crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) visent à favoriser l’accès à l’emploi des parents qui en sont éloignés, notamment les mères isolées.

En effet, la difficulté à l’accès à des modes d’accueil des jeunes enfants constitue souvent un frein majeur au retour à l’emploi : selon un rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), seuls 3 % des enfants issus des familles bénéficiaires d’un minimum social sont gardés en crèche malgré le quota de 10 % de places réservées aux bénéficiaires des minima sociaux instauré en 2013 et conforté par le Plan pauvreté 2015-2017.

Les crèches AVIP, pour remédier à ces difficultés, ont ainsi pour double-mission de réserver une place en crèche de jeunes enfants de parents sans emploi et d’accompagner ces parents vers l’emploi ou la formation professionnelle. Cependant, comme le relève la maire de Vincennes Charlotte Libert au nom de l’AMF, le fait de raisonner en termes de « crèches AVIP » ne permet pas de mixité sociale car, souvent, les enfants issus de ces familles en difficulté se retrouvent dans les mêmes structures. ([96])

Partant de ce constat, les rapporteures estiment nécessaire, dans un objectif d’égalité, de raisonner plutôt en termes de « places AVIP » pour que ces familles bénéficient de places réservées au sein de crèches diverses en vue d’une mixité sociale renforcée.

Recommandation n° 47 : les rapporteures prônent de raisonner dorénavant en termes de « places à vocation d’insertion professionnelle » plutôt que de « crèches à vocation d’insertion professionnelle ». 

Les crèches doivent également, pour les rapporteures, intégrer davantage d’enfants en situation de handicap, ce qui suppose, vis-à-vis de ces derniers, que la crèche ne soit pas seulement un endroit d’accueil, mais aussi un lieu de repérage et de diagnostic.

Recommandation n° 48 : les rapporteures recommandent que les crèches participent au diagnostic précoce des troubles autistiques en lien avec la PMI et qu’elles répondent davantage à la demande d’accueil d’enfants porteurs de handicaps.

Pour les rapporteures, un plan global dédié à la petite enfance doit permettre l’égalité pour tous les enfants, qu’ils soient par exemple issus de familles plus vulnérables ou porteurs de handicaps. L’aide à la parentalité doit également être mise en place et coordonnée à l’échelle des territoires. C’est ce plan global qui permettra de placer l’enfant au cœur de la politique de la petite enfance.

b.   Un enjeu de continuité et de mutabilité

Il est nécessaire de décloisonner la politique de la petite enfance et de définir le service public de la petite enfance comme s’appliquant des 1 000 premiers jours de l’enfant à ses 6 ans, c’est-à-dire à la fin de l’école maternelle. Tout service public a une obligation de continuité. Aussi, dans le cadre de ce service public, il est nécessaire d’empêcher que les places réservées par des entreprises ne permettent, de manière impromptue, de priver un autre enfant et ses parents d’une solution d’accueil.

Recommandation n° 49 : les rapporteures préconisent d’interdire la suppression de manière impromptue d’un mode d’accueil en cours pour un enfant en cas de place réservée par une entreprise.

Recommandation n° 50 : les rapporteures recommandent que cette interdiction passe par un engagement de la structure jusqu’à l’entrée à l’école de l’enfant.

La mutabilité impose également que les professionnels continuent de se former et de s’adapter aux connaissances disponibles en matière de besoins fondamentaux de l’enfant.

c.   Un enjeu de transparence

Compte tenu des dépenses fiscales engagées en faveur du financement des modes d’accueil collectifs de jeunes enfants ainsi que des diverses subventions allouées, il y a lieu, comme la vice-présidente du HCFEA Sylviane Giampino le relève notamment, de se donner les moyens de bénéficier d’une meilleure transparence sur l’utilisation de fonds publics, y compris dans les structures privées, jusqu’à un suivi du parcours des fonds publics investis dans les systèmes de rentabilité de certaines structures. ([97])

Recommandation n° 51 : les rapporteures préconisent davantage de transparence dans l’utilisation qui est faite des fonds publics lors de l’ouverture d’un EAJE ainsi que sur les questions de sa rentabilité.

Par ailleurs, sur ces questions de transparence, la maire de Vincennes, Charlotte Libert, relève qu’il y a un sujet d’importance majeure sur les commissions d’attribution des places en crèche municipale. En effet, cette commission attribue des places dans ces crèches en fonction d’un certain nombre de critères qui ne sont pas toujours lisibles. L’AMF suggère à cet égard d’établir des règles claires pour permettre la compréhension des conclusions de ces commissions en toute confiance.

Pour les rapporteures, une meilleure visibilité à l’échelle des territoires pourrait notamment résulter de l’instauration d’une Maison de coordination de la petite enfance à l’échelle des collectivités ce qui est déjà le cas dans de nombreuses collectivités et qui devra être généralisé à l’échelle du territoire hexagonal et dans les territoires d’Outre-mer.

Recommandation n° 52 : les rapporteures préconisent de renforcer la transparence des commissions d’attribution des places en crèche pour contrer la défiance des familles et induire davantage d’explications sur son rôle de coordination des priorités.

2.   Dépasser la seule problématique des crèches : créer une politique globale et cohérente de la petite enfance

Créer une réelle politique de la petite enfance suppose des réflexions en termes de gouvernance et de création de tout un écosystème propice à la réalisation des besoins fondamentaux des enfants.

a.   Des enjeux de gouvernance : inscrire la question des crèches dans une politique globale

Les crèches ne peuvent s’envisager seules ; elles s’inscrivent dans une politique plus globale de l’enfance et un changement de paradigme. À ce titre, la petite enfance nécessite une gouvernance fondée sur l’articulation et la complémentarité des acteurs à son service et doit s’inscrire dans une vision globale de l’enfance : prévention, santé, soutien à la parentalité, accueil du jeune enfant, scolarité, accompagnement social et/ou médico-social, etc. Cela invite les différents acteurs (maternités et services hospitaliers de pédiatrie, PMI, professionnels libéraux de ville, établissements et services sociaux et médico-sociaux, éducation nationale, etc.) à articuler et coordonner leurs actions dans une approche complémentaire en plaçant l’enfant et sa famille au centre de l’accompagnement et des actions de soutien à la parentalité ou éducatives. ([98])

Une gouvernance efficace suppose aussi une information complète des acteurs du secteur. Par exemple, les rapporteures regrettent des données trop lacunaires données aux maires lors de l’implantation de crèches. Ainsi, par exemple, lors de son audition, la maire de Vincennes Charlotte Libert a souligné, au nom de l’Association des maires de France (AMF), que les maires sont souvent confrontés à une absence de visibilité sur les projets portés au niveau des territoires en matière de petite enfance et sont souvent « la dernière roue du carrosse » du processus d’information puisque, souvent, les maires apprennent par le biais d’une demande d’autorisation d’urbanisme l’implantation d’une nouvelle crèche sur leur commune. ([99])

Pour pouvoir piloter a minima les questions de la petite enfance, les maires doivent anticiper et bénéficier d’une cartographie précise des besoins et des modalités d’accueil des enfants. Le résultat est que parfois, il y a trop de crèches dans l’un des quartiers de la commune tandis que d’autres sont totalement démunis. ([100])

L’article 10 du projet de loi sur le plein-emploi, dont le contenu était attendu par les professionnels et acteurs de terrain, pose le principe de l’autorité organisatrice : il est en effet crucial de définir qui s’occupe des sujets de la petite enfance sur chaque territoire, dans une logique de service public de proximité. Actuellement, la gouvernance est complexe et partagée entre plusieurs acteurs : conseils départementaux, Caf, PMI, communes… Cependant, cet article figure dans une loi portant sur le travail, et non sur la petite enfance.

Les rapporteures estiment que la question de la petite enfance doit être portée par une loi sui generis afin de décorréler la productivité des parents dans leur emploi au service public de la petite enfance.

Recommandation n° 53 : les rapporteures souhaitent une loi dédiée à la petite enfance dans le cadre d’une politique globale et un changement de paradigme incluant notamment les questions des modalités d’accueil des jeunes enfants et une réforme des congés parentaux.

b.   Une réflexion en écosystème : instaurer une « chaîne de sécurité »

Pour Anne Raynaud, il est crucial de réfléchir en écosystème autour de l’enfant. Il y a actuellement beaucoup de compétition entre tous les dispositifs ; avant d’en créer de nouveaux, il faut concevoir qu’il y a des propositions différentes pour diverses parentalités, et cesser de générer encore plus de compétition entre les modèles et d’alimenter une chaîne d’insécurité délétère. Dans cette chaîne d’insécurité, on constate un épuisement parental majeur et une démotivation des professionnels (certes salariale, mais aussi liée à une perte de sens).

Tout l’enjeu, pour les rapporteures, est donc désormais d’inverser le paradigme en plaçant tous les acteurs autour de l’enfant avec un pilotage national clair et de mettre un terme au morcellement des propositions qui ne permettent pas d’avoir une lecture globale. ([101])

Pour créer cet écosystème favorable, il serait pertinent de disposer d’un système qui permette de faire « remonter » les bonnes pratiques locales afin que tous puissent s’en inspirer. La présidente du Comité de filière petite enfance, Elisabeth Laithier, relève à cet égard l’importance des dispositifs itinérants, avec des exemples réussis à La Réunion, ou encore à Toulouse un lieu qui combine une pluralité de services regroupés dans un même endroit : lieux d’accueil parents-enfants, crèche familiale, relais petite enfance, centre de santé, centre social, ludothèque…

En outre, il y a un vrai sujet de cloisonnement des âges et des ministères. Cela entraîne un défaut de vision globale qui est préjudiciable pour les enfants. Or, ce changement de paradigme doit précisément nous conduire à avoir une vision globale et de long terme de l’enfant pour favoriser son développement et son bien-être.

Les rapporteures insistent sur la nécessité de repenser la famille dans sa dimension du « care » et qu’un plan global de l’enfance en France corresponde à une société moderne et inspirante de bonnes pratiques pour répondre aux besoins en matière de développement de l’enfant. À ce titre, la passerelle entre petite enfance et éducation nationale doit impérativement mieux s’articuler et être modifiée. À cet égard, les rapporteures soutiennent également la nécessité d’intégrer les enfants à l’école dès l’âge de deux ans mais que, conformément aux besoins fondamentaux de l’enfant, cet accueil ne doit pas non plus se faire sans conditions. Dans les établissements scolaires également, il est nécessaire que les personnels soient formés aux besoins fondamentaux de l’enfant sur les 1 000 premiers jours et soient globalement plus nombreux et mieux formés ainsi que de réduire la taille des groupes.

Il est essentiel de reconstruire un véritable projet en écosystème autour des connaissances en neurosciences et des besoins fondamentaux de l’enfant.

Recommandation n° 54 : les rapporteures préconisent d’établir une cohérence dans l’architecture ministérielle des sujets consacrés aux enfants pour construire une politique avec une vision globale et transversale prenant en compte les besoins fondamentaux pour le développement de l’enfant.

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Les rapporteures constatent avec regret que les acteurs engagés en faveur de meilleures conditions d’accueil des enfants dans les crèches se lassent de répéter sans cesse les mêmes propos et notent un sentiment de découragement face à l’absence d’actions fortes en ce sens. Il est nécessaire de redonner confiance aux acteurs à tous les niveaux, de mettre en œuvre une véritable chaîne de sécurité, ce qui suppose la création de tout un écosystème et d’un pilotage d’État autour d’un service public fort et centré autour de la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants uniquement. Comme le soulignait le grand juriste Léon Duguit, le service public est en effet déterminé par « l’interdépendance sociale » de tous ses acteurs, travaillant dans l’unique but de garantir un intérêt public fondamental. ([102])


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   Liste des recommandations

 

Recommandation n° 1 : les rapporteures proposent d’interdire la pratique des places ponctuelles en crèche pour les enfants de moins de trois ans, cette pratique n’étant pas adaptée à l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

Recommandation n° 2 : les rapporteures préconisent la centration des crèches autour des besoins fondamentaux de l’enfant, et notamment autour de sa sécurité affective, en respectant le principe de référence.

 

 

Recommandation n° 3 : les rapporteures préconisent d’encourager les crèches à mettre en place des projets spécifiques attribuant un rôle plus actif aux parents dans son fonctionnement et soutenant la parentalité.

 

Recommandation n° 4 : les rapporteures recommandent d’ouvrir le dialogue social dès 2024 avec les entreprises autour d’une « charte de la parentalité », condition de l’épanouissement et de la qualité de vie au travail des jeunes parents.

 

Recommandation n° 5 : les rapporteures préconisent de promouvoir davantage le recours au crédit d’impôt famille (Cifam).

 

Recommandation n° 6 : les rapporteures recommandent la mise en place d’un dispositif équivalent au crédit d’impôt famille (Cifam) pour les crèches associatives.

 

 

Recommandation n° 7 : les rapporteures recommandent une augmentation du congé maternité pour atteindre 12 semaines en postnatal.

 

Recommandation n° 8 : les rapporteures soutiennent la nécessité de mettre en place un congé parental d’un an à prendre entre parents et rémunéré à 67 % du salaire antérieur avec des bonus points de retraite, inspiré du modèle allemand (congé parental de 12 mois partageable suite au congé maternité ou paternité avec une indemnisation forfaitaire à hauteur de 67 % du revenu des 12 derniers mois et possibilité d’aller jusqu’à 24 mois avec une rémunération moindre).

 

Recommandation n° 9 : les rapporteures recommandent que la Cnaf, sur une base annuelle, cartographie les personnels manquants de la petite enfance et émette des recommandations sur un nombre de places de formation à pourvoir.

 

Recommandation n° 10 : les rapporteures préconisent la mise en place d’un plan d’urgence en faveur des formations des professionnels ainsi qu’une réunion d’urgence entre l’État et les collectivités territoriales pour aborder un plan de relance de recrutement et une planification des métiers du « care », qui sont le cœur des politiques publiques en faveur des publics les plus vulnérables.

 

Recommandation n° 11 : les rapporteures demandent à l’État de fixer des objectifs nationaux de formation, après concertation avec les régions et de lancer une grande campagne des métiers du « care ».

 

Recommandation n° 12 : les rapporteures appuient la nécessité de mener des campagnes pour faire connaître ces métiers au grand public à travers cette notion de « sens ».

 

Recommandation n° 13 : les rapporteures recommandent de promouvoir les reconversions professionnelles vers les métiers de la petite enfance en valorisant le « sens » de ces métiers.

 

Recommandation n° 14 : les rapporteures préconisent de réformer la formation initiale en renforçant les enseignements portant sur le développement de l’enfant et les neurosciences.

 

Recommandation n° 15 : les rapporteures recommandent, afin de disposer de professionnels opérationnels à l’issue des formations, d’insister davantage sur les aspects pratiques et de rendre l’évaluation du stage déterminante dans l’obtention du diplôme.

 

Recommandation n° 16 : les rapporteures recommandent d’instituer un stage pratique obligatoire d’une durée de six mois au sein d’une crèche publique pour parfaire toute formation en petite enfance et valider le CAP petite enfance.

 

Recommandation n° 17 : les rapporteures estiment nécessaire de recenser le nombre de professionnels qui exercent actuellement en France auprès de jeunes enfants en ayant été formés en ligne.

 

Recommandation n° 18 : afin de favoriser la pratique, les rapporteures préconisent de valoriser davantage les apprentissages au sein des formations du secteur de la petite enfance.

 

Recommandation n° 19 : les rapporteures recommandent l’interdiction pure et simple des formations CAP petite enfance en ligne dès septembre 2024.

 

Recommandation n° 20 : pour les formations en cours sur l’année 2023/2024, les rapporteures soulignent la nécessité d’interdire aux néo-diplômés d’être directement en contact avec les enfants après leur formation en ligne sans une formation minimale d’un an en crèche qui s’ajoute au cursus diplômant.

 

Recommandation n° 21 : les rapporteures attirent l’attention sur le fait que la formation continue doit s’effectuer sur le temps de travail, tout du long de la carrière, et non plus sur les week-ends ou les congés.

 

Recommandation n° 22 : a minima, les rapporteures préconisent d’inverser le ratio de recours à du personnel ne disposant pas d’un diplôme d’État pour que passe à 60 % l’effectif moyen annuel des professionnels chargés de l’encadrement des enfants titulaires d’un diplôme d’État.

 

Recommandation n° 23 : dans l’idéal, les rapporteures recommandent d’interdire progressivement tout recrutement d’une personne ne disposant pas des diplômes d’État adéquats pour préserver le développement des enfants.

 

Recommandation n° 24 : les rapporteures recommandent que les directeurs de crèches et plus généralement les gestionnaires et personnels encadrants soient formés aux techniques de management et aux ressources humaines avant leur prise de poste. Cette formation obligatoire doit être incluse dans le contrat de travail pour les futurs directeurs et avant juin 2025 pour les directeurs en poste.

 

Recommandation n° 25 : les rapporteures préconisent le renforcement les qualifications des professionnels des Caf.

 

Recommandation n° 26 : les rapporteures soutiennent qu’à tous les niveaux de formation, il est nécessaire de veiller à ce qu’une politique de prévention de la maltraitance soit établie et de former au repérage pour aborder en cas de besoin les protocoles de signalement auprès de la cellule départementale de recueil et de traitement des informations préoccupantes (CRIP).

 

Recommandation n° 27 : les rapporteures préconisent d’inscrire dans la COG de la branche famille de la Cnaf une trajectoire pour se rapprocher d’un ratio moyen d’encadrement de cinq enfants par adulte lorsqu’ils marchent (section moyen et grand) et de trois enfants par adulte en section bébé.

 

Recommandation n° 28 : les rapporteures recommandent de calculer le taux d’encadrement au niveau des sections ou groupes d’enfants et non au niveau de l’établissement.

 

Recommandation n° 29 : les rapporteures insistent sur le fait que, quelle que soit la taille de l’établissement, l’effectif du personnel de l’établissement présent auprès des enfants effectivement accueillis ne soit jamais inférieur à deux.

 

Recommandation n° 30 : les rapporteures recommandent de revenir sur la possibilité d’accueil en surnombre au sein des crèches.

 

Recommandation n° 31 : les rapporteures préconisent la mise en place d’une obligation, pour toute crèche, de répondre à une liste minimale d’éléments matériels au bénéfice des professionnels pour validation par la PMI de l’autorisation d’ouverture d’une structure petite enfance : salle de réunion, meubles adaptés aux adultes…

 

Recommandation n° 32 : les rapporteures prônent la reconnaissance d’un temps de travail hors enfant décompté véritablement du temps réel de travail.

 

Recommandation n° 33 : les rapporteures prônent un financement à 100 % de l’État de la revalorisation prévue dans la COG de la branche famille de la Cnaf 2023-2027.

 

Recommandation n° 34 : les rapporteures recommandent de promouvoir les parcours de validation des acquis de l’expérience (VAE) et l’approfondissement de la formation des personnes en reconversion.

 

Recommandation n° 35 : les rapporteures recommandent de traiter la question de la reconversion des professionnels en sortie de carrière.

 

Recommandation n° 36 : les rapporteures recommandent de sortir du financement à l’heure, qui ne correspond plus aux réalités des besoins des enfants et des familles et nie la partie de travail des équipes en dehors des enfants. À cet égard, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) propose par exemple d’expérimenter la mise en place d’un forfait à la demi-journée à la place du système actuel à l’heure. Les rapporteures soutiennent cette proposition.

 

Recommandation n° 37 : les rapporteures préconisent que le complément de libre-choix du mode de garde (CMG) soit proportionnel à la dépense, et non aux ressources, et d’élever son plafond de 10 euros par jour.

 

Recommandation n° 38 : pour revenir sur la dialectique PSU/Paje, source d’inégalités, les rapporteures préconisent de tendre vers un mode de financement unique.

 

Recommandation n° 39 : les rapporteures recommandent d’encadrer davantage le recours aux maisons d’assistants maternels (MAM), notamment en adoptant à leur égard des normes d’encadrement prenant en compte l’accueil simultané de jeunes enfants.

 

Recommandation n° 40 : les rapporteures recommandent d’ouvrir sur chaque territoire communal ou intercommunal un relais assistance maternelle (RAM) ouvert aux modes de garde de type garde partagée pour répondre aux besoins des assistants maternels de se rencontrer avec les enfants dans des lieux adaptés supervisés par un coordinateur petite enfance à l’échelle de la commune ou de l’intercommunalité.

 

Recommandation n° 41 : les rapporteures recommandent de lancer une étude en vue de réorganiser les modes de financement des crèches et de lutter contre les inégalités, pour les familles, générées par le système actuel oscillant entre PSU et Paje.

 

Recommandation n° 42 : les rapporteures prônent la mise en place d’un label qualité au niveau national.

 

Recommandation n° 43 : les rapporteures recommandent de renforcer les moyens des PMI pour permettre un meilleur accompagnement des structures, lors de l’ouverture, mais aussi sur le long terme.

 

Recommandation n° 44 : les rapporteures préconisent de recentrer la PMI sur la question du développement de l’enfant et de la délester de la partie bâtimentaire et technique pour tendre vers un contrôle davantage qualitatif

 

Recommandation n° 45 : les rapporteures préconisent de généraliser l’expérimentation de contrôle conjoint des PMI et des Caf qui a eu des résultats positifs en Haute-Savoie.

 

Recommandation n° 46 : les rapporteures recommandent l’obligation pour toutes les structures opérant dans le champ de la petite enfance sur les modes d’accueil sur le territoire français de disposer d’un conseil de crèche élu annuellement.

 

Recommandation n° 47 : les rapporteures prônent de raisonner dorénavant en termes de « places à vocation d’insertion professionnelle » plutôt que de « crèches à vocation d’insertion professionnelle ». 

 

Recommandation n° 48 : les rapporteures recommandent que les crèches participent au diagnostic précoce des troubles autistiques en lien avec la PMI et qu’elles répondent davantage à la demande d’accueil d’enfants porteurs de handicaps.

 

Recommandation n° 49 : les rapporteures préconisent d’interdire la suppression, de manière impromptue, d’un mode d’accueil en cours pour un enfant en cas de place réservée par une entreprise.

 

Recommandation n° 50 : les rapporteures recommandent que les structures s’engagent à un accompagnement de l’enfant sur le temps long.

 

Recommandation n° 51 : les rapporteures préconisent davantage de transparence dans l’utilisation qui est faite des fonds publics lors de l’ouverture d’un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) ainsi que sur les questions de sa rentabilité.

 

Recommandation n° 52 : les rapporteures préconisent de renforcer la transparence des commissions d’attribution des places en crèche pour contrer la défiance des familles et permettre une meilleure compréhension de son rôle de coordination.

 

Recommandation n° 53 : les rapporteures souhaitent une loi dédiée à la petite enfance dans le cadre d’une politique globale et un changement de paradigme incluant notamment les questions des modalités d’accueil des jeunes enfants et une réforme des congés parentaux.

 

Recommandation n° 54 : les rapporteures préconisent d’établir une cohérence dans l’architecture ministérielle des sujets consacrés aux enfants pour construire une politique avec une vision globale et transversale prenant en compte les besoins fondamentaux de l’enfant pour son développement.

 


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   Examen par la délégation

 

Lors de sa réunion du mercredi 8 novembre 2023, la Délégation aux droits des enfants a procédé à la présentation du rapport de la mission flash portant sur les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches.

 

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/267Muq

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise la publication.

 

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   Annexe : Liste des personnes auditionnées

 

Mardi 10 octobre 2023

 

Table ronde :

 

       Mme Elsa Hervy, déléguée générale ;

       Mme Thérèse Majnoni d’Intignano, vice-présidente micro-crèches ;

       M. Jérôme Obry, président.

 

       M. Vincent Bulan, directeur général.

 

       Mme Claire Laot-Billet, directrice générale.

 

       M. Sacha Tikhomiroff, directeur général.

 

Mercredi 11 octobre 2023

 

Collectif « Pas de bébés à la consigne » :

       Mme Birgit Hilpert, porte-parole ;

       Mme Emilie Philippe, porte-parole.

 

Mercredi 18 octobre 2023

 

Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) :

       Mme Meriem Bouchefra, responsable affaires publiques ;

       Mme Guénaëlle Haumesser, directrice adjointe de la direction de l’offre de soins, de l’autonomie et des parcours ;

       Mme Anais Perelman, responsable petite enfance et initiative sociales.

 

Vendredi 20 octobre 2023

 

Table ronde :

 

       M. Philippe Dupuy, directeur.

 

       Mme Hélène Ledien, secrétaire adjointe ;

       Mme Marine Schmoll, membre.

 

       M. Fabien Marchand, co-responsable de la commission modes d’accueil ;

       Mme Marie Pinaud, co-responsable de la commission modes d’accueil.

 

       Mme Céline Legrain, directrice générale.

 

       Mme Guillemette Leneveu, directrice générale ;

       Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires ;

       M. Yvon Sérieyx, chargé de mission au pôle économie.

 

Table ronde :

 

       Mme Elizabeth Jude-Lafitte, membre ;

       M. Pierre Suesser, co-président.

 

       Mme Véronique Escames, co-secrétaire générale ;

       Mme Cathy Ligère, co-trésorière.

 

Association des maires de France (AMF) :

       Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement ;

       Mme Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale, éducation, culture, sport, politique de la ville ;

       Mme Charlotte Libert, maire de Vincennes et membre du comité directeur ;

       Mme Sarah Reilly, conseillère technique sur la petite enfance.

 

Lundi 23 octobre 2023

 

Table ronde :

 

       Mme Élodie Hemery, directrice du secteur pour l’autonomie ;

       Mme Maryse de Wever, directrice de la communication et des relations institutionnelles.

 

       M. Hacène Habi, gestionnaire de micro-crèches ;

       M. Mehdi Tibourtine, directeur général adjoint.

 

Table ronde :

 

       M. Benjamin Voisin, chef du service des politiques sociales et médico-sociales.

 

       Mme Christine Jacob-Schumacher, sous-directrice de la sous-direction de la santé des populations et la prévention des maladies chroniques. 

 

       Mme Pauline Domingo, directrice du projet Comité de filière petite enfance et du service public de la petite enfance.

 

Table ronde :

 

       Mme Sylviane Giampino, vice-présidente du HCFEA et présidente de la formation spécialisée dans le champ de l’enfance et de l’adolescence ;

 

       Mme Elisabeth Laithier, présidente du Comité de filière petite enfance ;

 

       Mme Anne Raynaud, directrice de l’Institut de la parentalité. 

 

Agence des nouvelles interventions sociales et de santé (ANISS) :

       Mme Augusta Bonnard ;

       M. Romain Dugravier, président.

 

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) :

       Mme Gaëlle Choquer-Marchand, directrice générale déléguée à la direction des politiques familiales et de l’action sociale ;

       Mme Anna Morvan, chargée des relations institutionnelles ;

       Mme Isabelle Sancerni, présidente ;

       M. Frédéric Vabre, directeur de cabinet. 

 

 Regroupement des entreprises de micro-crèches (REMi) :

       M. Salim Bouakaz, président ;

       Mme Alycia Jankowski, vice-présidente ;

       Mme Fanny Schosseler, vice-présidente.

 

Ministère des Solidarités et des Familles

     Mme Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles ;

     M. Maxime Cermack, conseiller parlementaire au cabinet de la ministre.

     Mme Elisa Bazin, conseillère chargée de l’enfance et de la parentalité au cabinet de la ministre.

 

Contributions écrites :

       Groupe People & Baby.

       Départements de France.

       Régions de France.

       Florence Dabin, présidente de France Enfance Protégée.

        Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss).


([1]) Délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale, audition de l’Igas, 3 avril 2023.

([2]) Igas, Nicole Bohic, Jean-Baptiste Frossard, Cristophe Itier, Thierry Leconte, Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches, avril 2023.  

([3]) Bérangère Lepetit, Elsa Marnette, Babyzness, Éditions Robert Laffont, 2023 ; Daphné Gastaldi, Mathieu Périsse, Le prix du berceau. Ce que la privatisation des crèches fait aux enfants, Éditions du Seuil, 2023.

([4]) Audition de Mme Sylviane Giampino, 23 octobre 2023.

([5]) Audition de la FESP, 23 octobre 2023.

([6]) Pierre Suesser, Cécile Garrigues et Maryse Bonnefoy, Après le scandale des EPHAD, assurons le bien-être des bébés dans les modes d’accueil, Le Monde, 23 février 2022.

([7]) Audition de Mme Anne Raynaud, 23 octobre 2023.

([8]) Rapport remis par le Dr Marie-Paule Martin-Blachais à Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’enfance et des droits des femmes, Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance, 28 février 2017.

([9]) Rapport remis par Boris Cyrulnik et al., remis au ministère des Solidarités et de la santé, Les 1 000 premiers jours – Là où tout commence, 9 septembre 2020.

([10]) Boris Cyrulnik, Les 1 000 premiers jours – Là où tout commence, ibid.

([11]) Audition de Mmes Hélène Ledien et Marine Schmoll, de l’association nationale des psychologues de la petite enfance (ANAPSYpe), 20 octobre 2023.  

([12]) Audition de l’Agence des nouvelles interventions sociales et de santé (ANISS), 23 octobre 2023.

([13]) Audition de l’ANISS, ibid.

([14]) Audition de l’ANAPSYpe, op. cit.  

([15]) Audition de Mme Anne Raynaud, op. cit.  

([16]) Loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires.   

([17]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », 11 octobre 2023.

([18]) Contribution écrite de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS).  

([19]) Audition de l’ANISS, op. cit.  

([20]) Audition de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (FEHAP), 23 octobre 2023.

([21]) Audition de Mme Anne Raynaud, op. cit.

([22]) Audition de l’ANISS, op. cit.

([23]) Boris Cyrulnik, Les 1 000 premiers jours – Là où tout commence, op. cit.

([24]) Audition de Mme Anne Raynaud, op. cit.

([25]) Depuis la loi n° 80-545 du 17 juillet 1980 portant diverses dispositions en vue d’améliorer la situation des familles nombreuses.  

([26]) Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002.  

([27]) Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.  

([28]) loi n° 77-766 du 12 juillet 1977 instituant un congé parental d’éducation.  

([29]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.  

([30]) Recommandation n° 9 du rapport de l’Igas, op. cit.

([31]) Rapport Igas, op. cit., §162.  

([32]) Note de la Direction des politiques familiales et sociales, Restitution des résultats de l’enquête nationale « pénurie de professionnels en établissement d’accueil du jeune enfant », 11 juillet 2022.

([33]) Audition de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), 10 octobre 2023.  

([34]) Audition de Mme Elisabeth Laithier, op. cit.  

([35]) Audition de la FFEC, op. cit.  

([36]) Audition de l’Association des maires de France (AMF), 20 octobre 2023.

([37]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », op. cit.   

([38]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », ibid.  

([39]) Audition de la FEHAP, op. cit.  

([40]) Audition de la FEHAP, ibid.

([41]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », op. cit.

([42]) Audition de Mme Elisabeth Laithier, 23 octobre 2023.

([43]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([44]) Audition de la FEHAP, ibid.

([45]) Audition de Mme Elisabeth Laithier, op. cit.

([46]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([47]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », op. cit.

([48]) Audition de Mme Elisabeth Laithier, op. cit.

([49]) Audition de Mme Anne Raynaud, op. cit.

([50]) Audition de Mme Anne Raynaud, ibid.

([51]) Audition de Mme Anne Raynaud, ibid.

([52]) Audition du syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI), 20 octobre 2023.

([53]) Audition de la Fédération du service aux particuliers (FESP), 23 octobre 2023.

([54]) Audition de la direction de la sécurité sociale, 23 octobre 2023.  

([55]) Résolutions du comité de filière Petite Enfance du 12 décembre 2022.

([56]) Décret n° 2010-613 du 7 juin 2010

([57]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », op. cit.

([58]) Audition de Mme Elisabeth Laithier, op. cit. 

([59]) Audition de l’ANAPSYpe, op. cit.  

([60]) Audition de Mme Anne Raynaud, op. cit

([61]) Recommandation n° 4 du rapport de l’Igas d’avril 2023, op. cit

([62]) Recommandation n° 6 du rapport de l’Igas d’avril 2023, ibid

([63]) Recommandation n° 5 du rapport de l’Igas d’avril 2023, ibid

([64]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([65]) Article 6 du décret n° 2021-1131 du 30 août 2021.

([66]) Audition de l’ANAPSYpe, op. cit.  

([67]) Audition de la FEHAP, op. cit.  

([68]) Audition de l’ANISS, op. cit.  

([69]) Audition de la FEHAP, op. cit.  

([70]) Audition de la FFEC, op. cit.  

([71]) Audition de la FES, op. cit.  

([72]) Audition du collectif « Pas de bébés à la consigne », op. cit.  

([73]) Audition de la FFEC, op. cit.    

([74]) Audition de la FEHAP, op. cit.  

([75]) Audition de la FEHAP, ibid.  

([76]) Audition de la FEHAP, ibid.  

([77]) Audition de la FFEC, op. cit.

([78]) Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive « Bolkestein ».   

([79]) Lettre circulaire de la Cnaf n° 2002-025 du 31 janvier 2002.  

([80]) Lettre circulaire de la Cnaf n° 2104-009 du 26 mars 2014.  

([81]) Audition du SNMPMI, op. cit.

([82]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([83]) Audition du SNMPMI, op. cit.

([84]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([85]) Loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2024.  

([86]) Rapport de l’Igas, avril 2023, op. cit.  

([87]) HCFEA, rapport « Qualité, flexibilité, égalité. Un service public de la petite enfance favorable au développement de tous les enfants avant trois ans. », 2023

([88]) Audition du SNMPMI, op. cit.

([89]) Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant en 2020, édition 2021.

([90]) Arrêté du 31 août 2021 créant un référentiel national relatif aux exigences applicables aux établissements d’accueil du jeune enfant en matière de locaux, d’aménagement et d’affichage, NOR : SSAA2124242A publié au JORF n° 0208 du 7 septembre 2021.

([91]) Audition de la FFEC, op. cit.

([92]) Audition de M. Pierre Suesser, op. cit. 

([93]) Contribution écrite de l’UNIOPSS.

([94]) Audition du SNMPMI, op. cit.

([95]) Louis Rolland, Précis de droit administratif, 1926.

([96]) Audition de l’AMF, op. cit.

([97]) Audition de Mme Sylviane Giampino, op. cit.

([98]) Audition de la FEHAP, op. cit.

([99]) Audition de l’AMF, op. cit.

([100]) Audition de l’AMF, ibid.

([101]) Audition de Mme Anne Raynaud, ibid

([102]) Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, tome 2, 1928…