N° 1938

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1014)
du 31 mai 2018 sur l’évaluation de l’action de l’État
dans ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Christine DECODTS et M. StÉPHAne PEU

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

I. LA SEINE-SAINT-DENIS, UN DÉPARTEMENT À LA DÉMOGRAPHIE ET À L’ÉCONOMIE DYNAMIQUES MAIS EN PROIE À DES DIFFICULTÉS SOCIALES PERSISTANTES

A. UN DÉPARTEMENT QUI CONSERVE SON DYNAMISME DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET URBANISTIQUE

1. Une démographie dynamique

a. L’Insee, une instance qui estime avoir une bonne connaissance statistique de la Seine-Saint-Denis et dont le statut et l’indépendance ne sont pas en cause

i. Une méthode de recensement visant à prendre en compte l’ensemble de la population indépendamment de son statut administratif et qui est en voie d’amélioration

ii. Un institut dont l’indépendance et la disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et dont le statut est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France

b. Un département dont la démographie reste la plus dynamique de France métropolitaine en raison d’un taux de natalité élevé et de la jeunesse de la population

c. Un département comportant une part très importante d’habitants d’origine étrangère, en particulier dans certaines communes

2. Un département en pleine mutation urbanistique

a. Le Grand Paris Express devrait faire de Saint-Denis Pleyel la gare la plus interconnectée du nouveau réseau de transports en commun francilien

b. Les jeux olympiques et paralympiques de 2024 : une opportunité à court et long termes pour l’aménagement du département

c. La Seine-Saint-Denis : objectif prioritaire du nouveau programme national de renouvellement urbain avec 35 quartiers prioritaires rénovés

3. Une expansion économique suscitant de forts contrastes territoriaux au sein et à la lisière du département

a. Une tertiarisation de Saint-Denis et de Saint-Ouen qui ne contribue guère à la diminution du taux de pauvreté des habitants

b. La gentrification de Pantin et de Montreuil

c. L’établissement public territorial Grand Paris Grand Est : une zone résidentielle tournée vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne

d. Tremblay-en-France et Villepinte : des communes bénéficiant du dynamisme économique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

e. Le nord et le centre du département concentrent les fragilités sociales

f. Une ségrégation résidentielle connaissant des évolutions contrastées depuis une quinzaine d’années

g. Des incertitudes liées à l’extinction des zones franches urbaines en décembre 2023

B. UN TERRITOIRE OÙ PERSISTENT DES DIFFICULTÉS SOCIALES MAJEURES

1. En hausse, le taux de pauvreté est quasiment deux fois plus élevé qu’à Paris et en Île-de-France

2. Le niveau de vie médian le plus faible d’Île-de-France

3. Une inadéquation entre profil des emplois offerts et niveau de qualification des résidents et un taux de chômage très élevé

4. Une dépendance forte d’une part importante de la population envers les prestations sociales

a. 58,6 % de la population du département sont couverts par des prestations servies par la caisse d’allocations familiales

b. Un nombre important de personnes est couvert par l’aide médicale de l’État et la complémentaire santé solidaire

II. L’ACTION DE L’ÉTAT MISE À L’ÉPREUVE D’UNE RÉALITÉ SINGULIÈRE

A. UN DÉPARTEMENT QUI DEMEURE LE PLUS CRIMINOGÈNE DE FRANCE HEXAGONALE

1. Le nombre de faits de délinquance rapporté au nombre d’habitants le plus important de France métropolitaine

2. Une délinquance dont les habitants des cités et des centres-villes dégradés sont les premières victimes et qui déstabilise le tissu économique et social

a. La délinquance de haut de spectre en Seine-Saint-Denis est localisée dans les cités et les centres-villes dégradés.

b. Endémique, la délinquance déstabilise le tissu économique et social

i. Le trafic de stupéfiants : 200 points de « deal » en Seine-Saint-Denis

ii. Un proxénétisme dont les auteurs comme les victimes sont souvent très jeunes

iii. Le blanchiment, la non-justification de ressources et le recel

iv. Les vols

v. Les violences intrafamiliales et les viols

vi. La violence du quotidien

B. UNE JUSTICE DÉGRADÉE DANS LA DEUXIÈME JURIDICTION DE FRANCE

1. Un fossé béant entre l’inflation du nombre de dossiers à traiter et les effectifs alloués

a. Une activité civile qui ne doit pas être obérée par le traitement des dossiers d’information judiciaire

i. Une baisse des dossiers en stock en matière de contentieux des affaires familiales, de départage prud’homal et de surendettement

ii. La promotion de la médiation et de modes alternatifs de règlement des différends

iii. Des difficultés persistantes en matière de contentieux aérien, de réparation du préjudice corporel et d’assistance éducative

b. L’activité pénale

i. Une forte augmentation du nombre de dossiers

ii. Un recours accru à la comparution immédiate pour éviter la reconstitution des stocks de l’instruction

iii. La création d’audiences de juge unique et d’audiences correctionnelles collégiales à moyens constants ainsi que le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour traiter les stocks de dossiers pénaux accumulés en 2021

iv. Le recours croissant à des mesures alternatives à l’audience et aux poursuites pour faire face à la massification et à l’intensification de la délinquance

v. Une augmentation du nombre de classements sans suite et une dégradation du taux de réponse judiciaire

vi. Un plan zéro délinquance qui n’a de sens que si l’évolution des moyens de la justice suit celle des moyens de la police

2. Une dégradation inéluctable du service rendu aux justiciables

a. Un allongement de la durée des procédures sans commune mesure avec le reste de l’Île-de-France

b. Une extrême lenteur dans l’exécution des peines

c. Une situation limite ayant conduit les chefs de juridiction à adresser au Garde des Sceaux une note d’alerte en décembre 2022

3. Une maison d’arrêt suroccupée mais où la violence est en baisse

a. Un taux d’occupation record en Île-de-France qui a des conséquences lourdes sur les conditions de vie et de travail des détenus et des agents

i. Un taux d’occupation de 183 %

ii. De lourdes conséquences sur les conditions de vie et de travail

b. Une population jeune composée d’un nombre important de prévenus en détention provisoire et de personnes étrangères allophones

c. Une diminution importante des faits de violence grâce à la prise en charge accrue des populations pénales, aux activités proposées et à l’ouverture d’un « module de respect »

d. Deux projets d’extension du parc pénitentiaire du département

C. UNE SANTÉ FRAGILE DANS LE PREMIER DÉSERT MÉDICAL DE FRANCE

1. Une population jeune mais un nombre croissant de personnes de plus de 75 ans

2. Un environnement dégradé

3. Des publics aux pathologies spécifiques

4. Une espérance de vie inférieure à la moyenne régionale

5. Des besoins accrus en équipements médico-sociaux pour les personnes handicapées

D. UNE ÉCOLE EN CRISE QUI PEINE À TENIR LA PROMESSE RÉPUBLICAINE

1. D’importantes difficultés scolaires, en particulier en compréhension orale et dans la résolution de problèmes mathématiques

a. Un décrochage dès l’entrée à l’école en maîtrise du vocabulaire et en résolution de problèmes mathématiques

b. Des difficultés similaires en CE1

c. En 6e, les élèves de Seine-Saint-Denis sont les moins bien classés de France métropolitaine, notamment en mathématiques

d. À indice de position sociale équivalent, l’indice de valeur ajoutée des collèges fait apparaître de nets écarts entre les élèves scolarisés dans le secteur privé et en REP+

e. Un taux de jeunes de 16 à 25 ans non diplômés qui régresse et tend vers la moyenne nationale

2. Des difficultés scolaires corrélées à la situation des parents d’élèves du département

a. Les collégiens de Seine-Saint-Denis ont l’indice de position sociale le plus faible de France métropolitaine tandis que ceux de trois départements franciliens ont l’indice le plus élevé

b. De fortes inégalités entre établissements de Seine-Saint-Denis

III. UN ÉTAT QUI SE VEUT « PLUS FORT » MAIS QUI ÉCHOUE À ATTIRER ET À FIDÉLISER LES AGENTS PUBLICS

A. UN EFFORT CONSÉQUENT EN FAVEUR DES INFRASTRUCTURES DES SERVICES PUBLICS

1. Le plan « État plus fort » : un accélérateur pour plusieurs projets

a. L’installation de la sous-préfecture de Saint-Denis dans d’anciens locaux de la Banque de France : un site opérationnel depuis septembre 2023

b. La nette amélioration du taux d’équipements médicaux lourds soumis à autorisation

c. L’abondement à la dotation de soutien à l’investissement local

d. La constitution de l’Institut de cancérologie multi-sites public-privé

e. La création de structures de soins psychiatriques au sein de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

2. Plusieurs projets d’infrastructures ont pris un retard important

a. Une rénovation des commissariats d’Aulnay-sous-Bois et d’Épinay-sur-Seine qui ne devrait s’achever qu’à la fin du second semestre 2025

b. Un retard de deux ans des travaux d’extension du tribunal de Bobigny

3. Des incertitudes et des craintes pèsent sur le projet hospitalo-universitaire Grand Paris Nord

4. Un soutien à l’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux attendu mais aux contours flous

a. Les projets réalisés de restructuration du site du groupement hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil et du centre hospitalier universitaire Avicenne-Bobigny et de modernisation de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

b. La modernisation du service des urgences des établissements de Montfermeil, d’Aulnay-sous-Bois et de Montreuil

5. Le département de France, après Paris, le moins doté en équipements sportifs

a. Un département sous-doté dans une région également sous-dotée

b. Plusieurs plans d’équipement sont en cours en Seine-Saint-Denis

6. Les points d’accueil du public à l’épreuve de la dématérialisation des services publics

a. Dans un contexte de dématérialisation des procédures, la direction départementale des finances publiques et la caisse d’allocations familiales ont fait le choix de maintenir un maillage de points d’accueil du public

b. Des acteurs tels que la caisse primaire d’assurance maladie ont adopté une démarche d’aller vers

c. Les dérives de la dématérialisation : le trafic de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres de séjour

B. UN BILAN MITIGÉ DES POLITIQUES PRIORITAIRES

1. Une politique d’éducation prioritaire aux effets contrastés

a. Le dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire a permis un maintien du nombre d’enseignants en Seine-Saint-Denis en dépit de la baisse du nombre d’élèves inscrits dans le département

i. Un bilan quantitativement positif

ii. Un dispositif trop récemment mis en place pour être évalué à ce stade

b. Un dispositif complété par des mesures relevant de la politique de la ville et du cadre national

i. Les mesures relevant de la politique de la ville

ii. Les mesures d’ordre national

c. Dans le premier degré, une relative réduction des écarts en début de CE1

d. Au collège en REP+, un écart qui se creuse en mathématiques entre la Seine-Saint-Denis et le reste du territoire national

e. La toute petite enfance, âge clef non encore pris en charge par l’éducation prioritaire

2. Une politique sécuritaire aux résultats encore difficilement perceptibles, compte tenu de l’insécurité croissante qui règne dans le département

a. Une augmentation pérenne des effectifs dans les quartiers de reconquête républicaine

b. Une augmentation de moyens sans commune mesure avec les chiffres de la délinquance dans le département

C. DES SERVICES PUBLICS AUX RESSOURCES HUMAINES TOUJOURS INSTABLES

1. La persistance d’un manque d’effectifs expérimentés et du « turnover » des agents

a. Police : des effectifs en hausse mais manquant d’expérience

i. Un nombre d’officiers de police judiciaire en hausse de près de 70 % dans le cadre du plan « État plus fort »

ii. Des effectifs de sécurité publique en hausse de 5,29 %

iii. Un service départemental de police judiciaire qui reste sous-doté

iv. Des effectifs souvent peu expérimentés

b. Justice : une augmentation des effectifs de magistrats insuffisante et une situation critique du nombre de greffiers

i. Le siège : un effort gouvernemental notable mais qui doit encore être poursuivi

ii. Le parquet : un effort conséquent, indispensable au vu du stock de dossiers

iii. Des effectifs de greffe qui n’ont pas suivi l’évolution du siège et du parquet

iv. Un manque d’effectifs qui affecte aussi les agents de police du dépôt

v. Une juridiction qui subit les conséquences de son manque d’attractivité

vi. La sécurité et la sûreté des personnels à l’audience, sujet de préoccupation majeure

c. Éducation : des ressources humaines à la peine

i. Un recours très important aux contractuels pour combler le manque d’effectifs titulaires

ii. Un taux d’encadrement légèrement supérieur à la moyenne nationale

iii. Des enseignants qui demeurent souvent jeunes et peu expérimentés

iv. Un « turnover » en baisse mais qui demeure supérieur à la moyenne nationale

v. Un manque important d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, malgré un triplement de leur nombre en six ans

vi. Un absentéisme qui perdure

d. Santé : une offre insuffisante

i. Une pénurie de médecins de ville entraînant des tensions récurrentes sur les capacités hospitalières

ii. Près d’un quart des Séquano-Dionysiens est sans médecin traitant

iii. Une offre sanitaire publique qui reste peu attractive

iv. Une offre de soins psychiatriques en réelle difficulté

v. Une forte sous-dotation en établissements médico-sociaux par rapport au reste de l’Île-de-France

vi. Un sous-équipement en offre de soins pour les personnes en situation de handicap

vii. Un plan « État plus fort » qui apporte certaines améliorations, en particulier en matière de lutte contre l’habitat insalubre

2. Un manque de ressources humaines stables qui s’explique notamment par un déficit d’attractivité

a. Une crise des vocations certes nationale mais exacerbée en Seine-Saint-Denis

i. Un désamour généralisé envers la fonction publique, notamment en raison de la faiblesse des rémunérations et d’une perte de sens de l’emploi public…

ii. … mais exacerbé en Seine-Saint-Denis

b. Un déficit d’image dans l’éducation nationale

i. Le seuil d’admission le plus bas au concours de recrutement de professeur des écoles

ii. Un certain sentiment d’abandon voire de manque de considération des enseignants

iii. Un désarroi partagé par les parents d’élèves

iv. Un plan gouvernemental très pauvre en matière d’éducation

c. Une charge de travail très lourde pour les personnels judiciaires et les directeurs d’école

i. Des heures supplémentaires non rémunérées au tribunal judiciaire de Bobigny

ii. Les directeurs d’école ont une charge de travail très lourde en raison de la taille des établissements mais bénéficient d’un régime de décharge favorable

d. Une médecine scolaire nettement sous-dotée qui risque d’accentuer les inégalités

e. Des difficultés d’accès au logement pour l’ensemble des fonctionnaires

IV. DE MULTIPLES LEVIERS À ACTIONNER POUR RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE L’EMPLOI PUBLIC

A. LE LEVIER DU RECRUTEMENT DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

1. Le recrutement local : un dispositif à renforcer par la reconstitution d’écoles normales

a. Le pré-recrutement d’étudiants comme enseignants : une mesure louable mais insuffisante

b. Reconstituer à titre expérimental des « écoles normales » au profit des bacheliers du département

2. Intégrer la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris pour renforcer la mixité sociale et l’attractivité des postes d’enseignants ?

a. Les mesures nationales visant à renforcer la mixité sociale bénéficient à la Seine-Saint-Denis mais sont insuffisantes

b. La ségrégation scolaire, phénomène lié à la question du logement

c. L’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris, une mesure avancée mais n’ayant pas fait l’objet d’une concertation avec les enseignants

B. LE LEVIER DE LA RÉMUNÉRATION : LA PRIME DE FIDÉLISATION TERRITORIALE, UNE MESURE ALLANT DANS LE BON SENS MAIS QU’IL EST DIFFICILE D’ÉVALUER À CE STADE

1. Un dispositif qu’il est difficile d’évaluer à ce stade dans la mesure où seuls quelques agents ont bénéficié du dispositif transitoire

2. Une mesure jugée insuffisante par les uns…

3. … mais qui semble insuffisamment connue…

4. … réclamée par d’autres…

5. … et dont les contours sont en cours d’évolution

6. Un doublement de l’indemnité d’enseignement en REP+ qui fait la preuve de son efficacité

C. LE LEVIER DE LA FORMATION

1. Renforcer la formation des policiers

2. Renforcer la formation initiale et continue des enseignants

D. LE LEVIER DU LOGEMENT : FAVORISER L’ACCÈS AU LOGEMENT SOCIAL FRANCILIEN POUR LES AGENTS PUBLICS

1. Environ 60 000 logements sociaux sont proposés aux fonctionnaires d’État affectés en Île-de-France

2. Dans le cadre du plan « État plus fort », les agents affectés en Seine-Saint-Denis bénéficient d’une bonification leur permettant d’accéder plus facilement au logement social relevant du contingent préfectoral

3. Un dispositif qui ne porte que modérément ses fruits…

4. … en raison de l’insuffisance du parc de logements sociaux proposés au regard des besoins

5. Un dispositif interministériel complété par une action ministérielle, s’agissant des policiers

6. Une action concertée de l’État pour garantir aux soignants l’accès à un logement abordable

7. La nécessité de recourir à d’autres leviers tels que la mobilisation par l’État du foncier public pour y construire du logement social dédié aux agents publics

E. LE LEVIER DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL : FAIRE DE LA SEINE-SAINT-DENIS UN DÉPARTEMENT PROPICE À L’INSTALLATION DES AGENTS PUBLICS ET DE LEURS FAMILLES

1. Recréer du lien de proximité entre la police et la population

2. Renforcer la sécurité des agents de la police nationale aux abords de leur lieu de travail

3. Développer une offre de places en crèche et une offre de garde pour les agents travaillant à des horaires atypiques

CONCLUSION

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DU 31 MAI 2018

ANNEXE N° 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

 


 

   SYNTHÈSE

 


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—  1  —

   INTRODUCTION

Le 31 mai 2018, MM. François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo publiaient un rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, intitulé Une République à reconstruire, couvrant les thèmes de l’éducation, de la sécurité et de la justice et assorti de 14 propositions. L’objectif de ce rapport était de s’interroger, à travers trois politiques publiques, « sur l’efficacité de l’action de l’État en Seine-Saint-Denis ». Les deux auteurs soulignaient que « le 9-3 est (…) un territoire de forts contrastes entre des sièges sociaux flamboyants et une pauvreté réelle, entre une démographie dynamique et jeune et des problèmes sociaux et économiques endémiques ». Déplorant l’inefficacité  voire la contreproductivité  de politiques prioritaires jugées stigmatisantes dans les domaines éducatif et sécuritaire, nos collègues estimaient que l’une des raisons majeures de l’impuissance publique dans le département résidait dans la méconnaissance qu’avaient l’État et ses services statistiques de la population séquano-dionysienne, et en particulier du nombre d’étrangers en situation irrégulière vivant dans le département. Selon eux, cette méconnaissance explique que les moyens dévolus par l’État au département soient en décalage avec la réalité et ne permettent pas d’endiguer les problèmes majeurs auxquels est confronté ce territoire. Jugeant difficile le dialogue entre services déconcentrés et administration centrale et défaillante la gestion des ressources humaines étatiques, les deux rapporteurs préconisaient une refondation de l’action publique dans le département.

Ce rapport d’information a donné lieu à une rencontre avec le Premier ministre Édouard Philippe puis à l’instauration de groupes de travail thématiques sous l’égide du préfet de Seine-Saint-Denis et d’un débat en séance publique à l’Assemblée nationale le 5 février 2019. À la suite de ces travaux, le Premier ministre précité a présenté le 31 octobre 2019 un plan gouvernemental intitulé « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », assorti de 23 mesures dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité et de la justice.

Le 31 janvier 2022, l’Assemblée nationale a tenu, à la demande du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un débat en séance publique sur l’évaluation de ce plan gouvernemental, entendant à cette occasion aussi bien des représentants syndicaux que la ministre déléguée chargée de la ville.

En application de l’article 146-3 du règlement de l’Assemblée nationale, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a constitué lors de sa réunion du 20 octobre 2022 une mission de suivi de cette évaluation. Compte tenu du lancement du plan gouvernemental précité et de la période inédite de la crise sanitaire – particulièrement aiguë en Seine-Saint-Denis –, les rapporteurs Christine Decodts et Stéphane Peu ont décidé, d’une part, d’étendre le champ de leur rapport de suivi à la santé et, d’autre part, d’évaluer non seulement la mise en application des préconisations du rapport des députés Cornut-Gentille et Kokouendo mais aussi de ce plan gouvernemental.

 


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  1.   LA SEINE-SAINT-DENIS, UN DÉPARTEMENT À LA DÉMOGRAPHIE ET À L’ÉCONOMIE DYNAMIQUES MAIS EN PROIE À DES DIFFICULTÉS SOCIALES PERSISTANTES

Créé par la loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne, le département de Seine-Saint-Denis, d’une superficie de 236,2 km2 est essentiellement urbain et peu touristique malgré plusieurs atouts. Des atouts historiques, tout d’abord, avec la Basilique de Saint-Denis ou le Mémorial de Drancy, par exemple. Un réseau de transports développé, ensuite, le département accueillant deux aéroports internationaux – Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget –, les autoroutes A1 et A4, le boulevard périphérique de Paris, les autoroutes urbaines A3, A86, A103 et A104, 6 lignes de tramway, 3 lignes de transilien, 3 lignes de RER et 8 lignes de métro. Des pôles économiques modernes tels que la Plaine Saint-Denis, les zones aéroportuaires de Paris-Charles de Gaulle et du Bourget, les parcs des expositions de Villepinte et du Bourget et des pôles tertiaires franciliens de premier plan complétant le paysage.

La Seine-Saint-Denis conserve son dynamisme démographique, économique et urbanistique (A). Elle constitue aussi un territoire où persistent des difficultés sociales majeures (B).

  1.   UN DÉPARTEMENT QUI CONSERVE SON DYNAMISME DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET URBANISTIQUE
    1.   Une démographie dynamique

Avant de présenter les particularités de la démographie séquano-dionysienne, les rapporteurs souhaitent revenir sur trois propositions formulées dans le rapport d’information du 31 mai 2018 des députés Cornut-Gentille et Kokouendo relatives à l’exactitude du recensement de la population, d’une part, et, d’autre part, au statut ainsi qu’à l’indépendance de l’Insee.

  1.   L’Insee, une instance qui estime avoir une bonne connaissance statistique de la Seine-Saint-Denis et dont le statut et l’indépendance ne sont pas en cause

Nos prédécesseurs affirmaient qu’« à l’origine des blocages en Seine-Saint-Denis [se trouve] la méconnaissance du territoire et de ses habitants ». Ils estimaient que « l’État ignore le nombre d’habitants vivant dans le département », notamment parce que « les méthodes statistiques actuelles de recensement de la population déployées par l’Insee n’appréhendent pas » la réalité de la présence en nombre important de personnes en situation irrégulière. En outre, ils formulaient plusieurs propositions relatives au statut de l’Insee.

Les auteurs du présent rapport ont interrogé le directeur général de l’Insee, M. Jean-Luc Tavernier, à ce sujet. Il ressort de cet entretien :

– que la méthode de recensement utilisée par l’Insee tend à prendre en compte l’ensemble de la population, indépendamment de son statut administratif et que ce recensement est en cours d’amélioration (i) ;

– que l’indépendance de l’Insee et sa disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et qu’en outre, le statut de cette instance est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France (ii).

  1.   Une méthode de recensement visant à prendre en compte l’ensemble de la population indépendamment de son statut administratif et qui est en voie d’amélioration

Interrogé sur les constats et propositions formulés dans le rapport d’information du 31 mai 2018 précité, le directeur général de l’Insee a indiqué que ce document « comport[ait] des constats erronés sur le recensement de la population » et que l’une des erreurs était d’affirmer que les enquêtes de recensement ne prennent pas en compte les personnes étrangères en situation irrégulière : « partant de là, [explique le directeur général de l’Insee], [la mission] en conclut que les estimations de populations issues du recensement de l’Insee sous-estiment le nombre d’habitants du département. Ce raisonnement est faux : le recensement de la population concerne l’ensemble des personnes vivant sur le territoire français, indépendamment de leur situation administrative. Le décompte des habitants comprend donc les personnes en situation irrégulière. »

Qui plus est, il semble que l’adhésion de la population à l’enquête soit plus forte en Seine-Saint-Denis que dans la plupart des autres départements d’Île-de-France : le taux de non-réponse en Seine-Saint-Denis lors de l’enquête de 2023 s’élève à 6,4 %, soit un meilleur résultat que ceux que l’on peut constater dans les autres départements de la région parisienne ([1]).

Les rapporteurs prennent acte de ces éléments de rectification. Ils notent aussi que les méthodes de recensement de l’Insee sont en cours d’évolution, ce qui devrait permettre d’appréhender plus précisément la démographie séquano-dionysienne et, par conséquent, les besoins en services publics de la population du département. Le co-rapporteur Stéphane Peu rappelle que le recensement de la population effectué par l’Insee sert de base de calcul à l’établissement du montant de la dotation globale de fonctionnement des communes et qu’à ce titre, il se doit d’être le plus précis possible. Le maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade, a mené une campagne de sensibilisation sur le sujet en octobre 2021, estimant que 6 000 habitants de sa commune n’avaient pas été pris en compte dans le recensement – une omission entraînant selon lui une perte de dotation qu’il a estimée à 28 millions d’euros pour la commune depuis 2006 ([2]).

Tout d’abord, l’Insee et les communes responsables de la collecte des informations sur le terrain déploient des efforts pour garantir la qualité du recensement pour toutes les catégories de population, quels que soient leur situation administrative, leur type d’habitat et leur mode de vie. Ces efforts portent sur toutes les étapes du processus : l’exhaustivité et l’actualisation du répertoire des immeubles, socle du calcul de population ; la formation et l’accompagnement des agents recenseurs afin qu’ils n’oublient personne ; la communication, y compris en langues étrangères, auprès des habitants ; l’accompagnement des habitants ayant des difficultés à répondre au questionnaire, que ce soit sur internet ou sur papier ; les contrôles postérieurs à la collecte sur le terrain, notamment à l’aide de sources administratives ; l’estimation du nombre d’habitants dans les logements qui ont refusé de répondre et les dispositifs spéciaux pour les personnes sans abri ou vivant dans des habitations mobiles ou dans des institutions.

Ensuite, l’ajout de questions dans le recensement de la population est actuellement discuté au sein du Conseil national de l’information statistique (CNIS) pour prendre en compte les nouveaux besoins de données des acteurs économiques et sociaux. À ce jour, aucune demande n’a été adressée pour appréhender le nombre d’immigrés en situation irrégulière par le moyen du recensement de la population. Il n’est donc pas prévu d’évolution du recensement ayant pour but de connaître la situation administrative des personnes étrangères. En revanche, des évolutions ont déjà été apportées en 2015 sur le statut conjugal et les modes de transport et en 2018 sur les liens de parenté. Il est aussi prévu que le bulletin individuel de recensement comporte à partir de 2025 trois nouvelles questions : sur le lieu de naissance des parents, sur la santé et le handicap et sur le télétravail. Par ailleurs, plusieurs questions existantes seront modifiées comme celles sur la nationalité, le temps de travail, le diplôme et l’emploi. En cours de rédaction, le décret prenant en compte les modifications nécessaires pour introduire ces nouvelles questions a été soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à l’été 2023.

Enfin, l’Insee est conscient des enjeux associés à la « fraîcheur » des données du recensement ([3]). Ainsi des discussions ont-elles été engagées depuis mai 2023 dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population (CNERP), à la demande de son président, sur les avantages et les inconvénients que pourrait avoir un calcul anticipé d’un an des populations légales par rapport à la situation actuelle. Une telle évolution, si elle était jugée souhaitable et décidée, ne pourrait pas être appliquée avant 2027 ([4]).

S’agissant de l’idée, évoquée dans le rapport Cornut-Gentille-Kokouendo, d’introduire des registres de population en France, les rapporteurs notent que les registres existant dans d’autres pays d’Europe ont d’abord une finalité administrative. Leurs données peuvent aussi être utilisées à des fins statistiques mais ce n’est pas leur objectif premier. Si l’Insee procède déjà à de tels travaux avec le répertoire des entreprises (Sirene), le répertoire électoral unique (REU) et le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), ces répertoires ne contiennent pas les informations suffisantes à un dénombrement exhaustif et localisé de la population.

L’Insee estime que pour être utile, un registre doit être exhaustif, sans doublon et à jour. Une utilisation à un niveau local ajoute une quatrième condition : la localisation des personnes à un seul endroit à un instant T. Remplir ces conditions sur le champ de l’ensemble de la population vivant en France n’est pas aisé. Cela implique en général une centralisation de la base de données, l’application de règles de gestion assez strictes et une charge de travail très conséquente pour les autorités locales chargées de ces registres. L’appréhension de la mobilité géographique des personnes ou de leur multirésidence nécessite aussi des moyens importants de suivi qui peuvent requérir l’imposition à la population d’obligations légales de déclaration.

Par ailleurs, afin de garantir la bonne qualité du registre, il est indispensable que les personnes aient intérêt aussi bien à s’inscrire qu’à se désinscrire dudit registre. Dans les pays où les registres sont fiables, l’inscription est légalement obligatoire préalablement à l’accomplissement de certaines démarches de la vie quotidienne – ouverture d’un compte bancaire, inscription à l’école, etc. Même dans ces situations, l’inscription des personnes en situation irrégulière sur les registres, si elle est parfois possible, n’est absolument pas garantie. Or, ces personnes doivent être comptabilisées dans la population.

In fine, l’Insee n’est pas certain que la création de registres de population se justifie au regard des seules préoccupations statistiques : son intérêt, son coût et ses risques devraient être soigneusement documentés avant de prendre toute initiative législative en ce sens.

Dans leur rapport du 31 mai 2018, les rapporteurs Cornut-Gentille et Kokouendo estiment que « les chiffres [statistiques] prolifèrent mais ne se croisent pas. Les services centraux et déconcentrés de l’État travaillent peu en réseau, entre eux comme avec les producteurs locaux de données. (…) La décentralisation s’est traduite par un “ratage statistique” dans la mesure où les données [des collectivités territoriales] sont difficiles à consolider et par conséquent peu comparables et peu exploitables. L’absence d’interconnexion entre les fichiers des droits sociaux et les données des communes contribue à “brouiller” la connaissance des territoires et de leur population, tout comme la vision sectorielle des services (…). » Les députés proposaient (proposition n° 4) de « mutualiser, dans le cadre d’un observatoire, les données collectées par les services de l’État, les collectivités territoriales, les organismes sociaux, les associations, les chercheurs et certains opérateurs (régies de transport et bailleurs sociaux par exemple) ».

Or il semble que la mise en relation de données produites par des organismes différents reste techniquement toujours compliquée pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le rapprochement de données à caractère personnel nécessite de respecter le cadre juridique correspondant à la nature des données et aux finalités du traitement qui les a produites, au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD) ([5]).

En deuxième lieu, il convient de s’assurer de la cohérence des définitions des objets mesurés. La population est un bon exemple de la diversité des champs qui peuvent être couverts dans des bases de données communales ([6]). La population comptabilisée par le recensement répond à la définition du décret n° 2003‑485 du 5 juin 2003 mais il n’est pas garanti que cette définition soit appliquée dans des bases de données communales.

En dernier lieu, l’appariement de deux fichiers nécessite de pouvoir faire correspondre exactement les individus communément recensés dans les deux fichiers : cela requiert que des informations parfaitement identiques puissent être rapprochées, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans le cas des enquêtes annuelles de recensement, pour assurer la confidentialité des données personnelles, tout élément identifiant est supprimé des bases de données dès qu’il n’est plus nécessaire au processus d’administration et d’exploitation de l’enquête. En particulier, si les noms et prénoms sont demandés pour éviter de comptabiliser deux fois les mêmes personnes, ces éléments sont rapidement supprimés des bases de données pour ne conserver que des informations permettant une exploitation statistique, sans permettre la ré-identification. Depuis 2023, l’Enquête annuelle de recensement comporte un code statistique non signifiant qui devrait permettre d’étendre à l’avenir les possibilités d’appariement, dans le respect du RGPD et exclusivement par l’Insee ou les services statistiques ministériels pour des besoins de connaissance statistique générale.

  1.   Un institut dont l’indépendance et la disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et dont le statut est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France

La proposition n° 2 du rapport du 31 mai 2018 visait à « évaluer les dispositifs de recensement pour affirmer ou infirmer leur viabilité » : elle n’a donné suite à aucune nouvelle mesure car la CNERP assure déjà, en lien avec les collectivités locales, une évaluation du recensement de la population. S’agissant plus spécifiquement de la Seine-Saint-Denis, un échange réservé aux caractéristiques de ce département a été organisé avec les élus communaux le 10 avril 2019. Présidé par le président de la CNERP de l’époque, le sénateur Claude Raynal, cet échange a été l’occasion de partager les difficultés qui pouvaient être rencontrées par les communes du département lors des enquêtes de terrain.

En complément de ces démarches d’évaluation fondées sur les échanges avec les élus, l’Insee procède aussi à des évaluations de nature statistique. Un des sujets qui concerne plus particulièrement la Seine-Saint-Denis porte sur l’estimation du nombre d’habitants d’un logement calculée en cas de nonréponse à l’enquête. Une étude détaillée a montré que malgré la taille des ménages en Seine-Saint-Denis plus importante qu’en moyenne, la méthode d’estimation de la non-réponse ne remettait pas en cause la fiabilité des résultats.

Le rapport d’information du 31 mai 2018 formulait aussi l’idée (proposition n° 3) de « placer l’Insee sous l’autorité du Premier ministre pour assurer un meilleur pilotage statistique des politiques publiques ».

Interrogé à ce sujet par les auteurs du présent rapport, le directeur général de l’Insee a rappelé que le positionnement de cet institut en tant que direction générale du ministère de l’économie et des finances est principalement le fruit de son histoire. D’après M. Jean-Luc Tavernier, ce positionnement assure aujourd’hui un fonctionnement satisfaisant de l’Insee qui produit les statistiques utiles à l’éclairage du débat public en toute indépendance de l’autorité politique.

Cette indépendance professionnelle de la statistique publique est prévue par le règlement (CE) n° 223/2009 révisé, qui dispose notamment (article 2(1), point (a) : « Les statistiques doivent être développées, produites et diffusées d’une manière indépendante, notamment ce qui concerne le choix des techniques, des définitions, des méthodologies et des sources à utiliser, ainsi que le calendrier et le contenu de toutes les formes de diffusion, et ces tâches sont accomplies sans aucune pression émanant de groupes politiques, de groupes d’intérêt, d’autorités nationales ou d’autorités de l’Union. ».

Le positionnement administratif actuel de l’Insee a été jugé, lors de la revue par ses pairs en 2021, conforme dans les faits, si ce n’est en droit, au règlement (CE) n° 223/2009 révisé. Selon le directeur général de l’Insee, la Commission européenne serait très critique vis-à-vis d’une évolution allant dans le sens de la proposition n° 3 du rapport Cornut-Gentille-Kokouendo : elle est déjà intervenue par le passé lorsqu’elle estimait que l’institut national statistique d’un État membre était trop proche institutionnellement du pouvoir politique, comme dans le cas de la Grèce en 2009.

Dans leur proposition n° 13, les rapporteurs Cornut-Gentille et Kokouendo suggéraient d’accorder au Parlement le droit de demander des enquêtes statistiques directement auprès de l’Insee. Or, l’Insee considère qu’en tant qu’usager des statistiques publiques comme en tant que membre du CNIS, le Parlement a déjà la possibilité d’exprimer ses besoins en matière d’enquêtes statistiques auprès de l’Insee ou du service statistique public dans son ensemble ; il peut également demander au sein de ce Conseil des explications sur les méthodologies utilisées par la statistique publique.

  1.   Un département dont la démographie reste la plus dynamique de France métropolitaine en raison d’un taux de natalité élevé et de la jeunesse de la population

Au 1er janvier 2020 ([7]), la Seine-Saint-Denis comptait 1 655 422 habitants. Ayant augmenté de 14 000 habitants (+ 0,9 %) par an entre 2014 et 2020, la démographie du département est la plus dynamique de France métropolitaine. Ce dynamisme est d’autant plus marqué qu’il contraste avec le reste de la région parisienne : au cours de la même période, l’Île-de-France n’a vu sa population augmenter que de 0,3 % par an quand Paris perdait au contraire 0,6 % ([8]) de sa population chaque année. Au 1er janvier 2023, selon les estimations provisoires de l’Insee, la Seine-Saint-Denis comptait 1 682 806 habitants soit 27 384 de plus par rapport à 2020 ce qui représente une augmentation d’environ 9 128 habitants par an. La tendance constatée entre 2014 et 2020 semble donc ralentir.

Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, la croissance de la population du département s’explique principalement par la contribution du solde naturel ([9]), très élevé en raison de la jeunesse de la population.

Évolution de la population (en %)

Source : Insee, recensement de la population exploitation principale, 2013-2019.

Département le plus jeune de France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis comptait en 2020 42,6 % d’habitants de moins de 30 ans contre 35,2 % en France métropolitaine et 5,2 % d’habitants de plus de 75 ans contre 9,6 % en France métropolitaine. L’âge médian était de 34 ans en Seine-Saint-Denis et de 41 ans en France métropolitaine.

  1.   Un département comportant une part très importante d’habitants d’origine étrangère, en particulier dans certaines communes

Comme le rappelle l’Insee ([10]) qui qualifie le département de « cosmopolite », « les Trente Glorieuses se sont accompagnées d’une forte immigration de travail » puis « les grands programmes de logement menés entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1970 ont contribué (…) à accueillir les familles dans le cadre du regroupement familial. Entre 1968 et 1982, le département est ainsi passé du 9e au 2e rang de France métropolitaine pour la proportion d’immigrés. Depuis, cette proportion a presque doublé pour atteindre 30 % en 2016, soit le premier rang national, hors Mayotte. En 2016, les immigrés – dont près de la moitié est originaire de sept pays (Algérie, Maroc, Portugal, Tunisie, Turquie, Italie et Espagne) – représentent 57 % des ouvriers et 39 % des employés du département. »

Au 1er janvier 2019 ([11]), parmi les 39 communes de plus de 10 000 habitants comptant plus de 30 % de personnes immigrées ([12]) sur le territoire national, 18 se trouvaient en Seine-Saint-Denis. Rappelons qu’au sens de l’Insee, un immigré se définit comme une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. On peut donc être immigré et avoir acquis la nationalité française.

Communes de Seine-Saint-Denis comptant plus de 30 %
de personnes immigrées au 1er janvier 2019

Aubervilliers

46 %

La Courneuve

45,1 %

Pierrefitte-sur-Seine

41 %

Le Bourget

39,6 %

Clichy-sous-Bois

38,6 %

Saint-Denis

38,4 %

Bobigny

37,8 %

Villetaneuse

36,4 %

Blanc-Mesnil

34,5 %

Épinay-sur-Seine

33,7 %

Sevran

33,6 %

Stains

33,4 %

Drancy

33,1 %

Bondy

33,0 %

Bagnolet

31,1 %

Saint-Ouen-sur-Seine

30,9 %

Aulnay-sous-Bois

30,4 %

Pantin

30,2 %

Source : Insee.

En outre, 62 % des jeunes séquano-dionysiens de moins de 25 ans ont au moins un parent immigré contre 43 % d’entre eux en Île-de-France. À Aubervilliers et La Courneuve, cette proportion atteint 79 %.

  1.   Un département en pleine mutation urbanistique

Du Grand Paris Express (a) aux travaux nécessaires à la tenue des jeux olympiques et paralympiques de 2024 (b) en passant par la rénovation urbaine des quartiers prioritaires de la ville (c), la Seine-Saint-Denis est la principale bénéficiaire des projets urbanistiques menés en Île-de-France, projets qui vont modifier en profondeur la physionomie du département.

  1.   Le Grand Paris Express devrait faire de Saint-Denis Pleyel la gare la plus interconnectée du nouveau réseau de transports en commun francilien

Projet d’amélioration du réseau de transports en commun francilien structuré autour de 4 nouvelles lignes de métro automatique (15, 16, 17 et 18) et de l’extension des lignes 11 et 14 – dont les financements s’élèvent à environ 42 milliards d’euros (euros 2023) ([13]) –, le Grand Paris Express ([14]) fera, à terme, de la gare de Saint-Denis Pleyel la station la plus interconnectée du nouveau réseau, desservie qu’elle sera par les lignes 14, 15, 16, 17 et par des liaisons piétonnes assurant une correspondance avec la ligne 13 et le RER D ([15]). Avec 250 000 voyageurs par jour ([16]), cette gare sera le principal point nodal ou « hub » du Grand Paris Express. Elle devrait être opérationnelle en 2024 ([17]).

Les deux cartes ci-dessous illustrent le tracé du Grand Paris Express :

  https://www.val-doise.gouv.fr/var/ide_site/storage/images/media/images/le-schema-du-grand-paris/12026-1-fre-FR/Le-schema-du-Grand-Paris_imagelarge.jpg     

Le Grand Paris Express, locomotive du BIM dans les transports

Source : Société du Grand Paris.

25 des 27 nouvelles gares du réseau du Grand Paris Express situées en Seine-Saint-Denis devraient l’être dans des communes comportant des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En plus des travaux directement liés au réseau de transport, le projet du Grand Paris Express prévoit aussi de nouveaux aménagements urbains – logements, commerces et services – autour des gares.

  1.   Les jeux olympiques et paralympiques de 2024 : une opportunité à court et long termes pour l’aménagement du département

Parallèlement au Grand Paris Express, la Seine-Saint-Denis sera la principale bénéficiaire des travaux réalisés en vue de la tenue des jeux olympiques et paralympiques de 2024 puisque quatre des cinq plus grands chantiers d’infrastructures nouvelles menés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) se situent en Seine-Saint-Denis. Seule l’« Adidas Arena », porte de la Chapelle, sera hors du département. Bobigny accueillera un complexe sportif handisport, le Pôle de référence inclusif sport métropolitain (Prisme) ([18]). Quant à La Courneuve, au Bourget et à Dugny, ils accueilleront le village des médias. La principale opération d’aménagement dont bénéficiera le département est celle du village olympique dans les communes de Saint-Denis, de Saint-Ouen et de L’Île-Saint-Denis. Enfin, le Centre aquatique olympique (CAO) sera également à Saint-Denis.

Point mis en avant par les porteurs du projet, ce dernier prévoit des opérations de reconversion des infrastructures sportives précitées au profit des territoires ayant accueilli les Jeux. Ainsi la construction du village des médias devrait-elle permettre la restructuration urbaine des infrastructures nouvellement construites à La Courneuve, au Bourget et à Dugny : cet ensemble comptera 1 300 logements après les Jeux. Environ 500 emplois pourraient être créés grâce à l’activité de ce nouveau quartier. À Dugny et au Bourget, deux écoles devraient être reconstruites et un groupe scolaire et une crèche, financés. Par ailleurs, la reconversion du village olympique devrait contribuer à la création de deux groupes scolaires (écoles maternelles et élémentaires) ([19]), de deux crèches, d’une passerelle de franchissement de la Seine ainsi qu’à la rénovation du lycée Marcel Cachin et du gymnase Pablo Neruda. L’héritage du village olympique devrait apporter 2 807 logements et 100 000 m² de bureaux et services, susceptibles d’accueillir 6 000 habitants et 6 000 salariés. Enfin, dans le cadre de la reconversion de la ZAC de la Plaine Saulnier, la métropole du Grand Paris a fait inscrire dans le cahier des charges du contrat de concession une obligation de service public censée bénéficier aux écoles du quartier qui disposeront de créneaux horaires spécifiques dans le Centre aquatique olympique.

Aménagements dont la Seine-Saint-Denis devrait bénéficier
à l’issue des jeux olympiques et paralympiques de 2024

https://plainecommune.fr/fileadmin/user_upload/De%CC%81pliant-JOP-Carto-min.jpg

Source : Plaine Commune.

(1) Village des athlètes, nouveau quartier de ville ; (2) Centre aquatique olympique et futur quartier Plaine Saulnier ; (3) Modernisation du Stade de France ; (4) Transformation du canal Saint-Denis ; (5) Nouveau parc des sports à Marville ; (6) Nouveau centre aquatique à Aubervilliers ; (7) Agrandissement du parc Georges-Valbon.

En complément des ouvrages sportifs, des travaux d’aménagement ont été menés pour construire des passerelles et des ponts franchissant la Seine et les axes routiers, pour doter les bords de Seine de pistes cyclables et de voies piétonnes, pour enfouir les lignes à haute tension, pour construire un mur antibruit au sud de l’autoroute A86, etc.

D’après la Cour des comptes ([20]), la Seine-Saint-Denis bénéficie de 80 % du financement public de Solideo. Sur les 1,711 milliard d’euros de fonds publics alloués à Solideo – dont 75 % apportés par l’État –, 1,1 milliard sont investis en Seine-Saint-Denis ([21]).

  1.   La Seine-Saint-Denis : objectif prioritaire du nouveau programme national de renouvellement urbain avec 35 quartiers prioritaires rénovés

Troisième élément de mutation urbanistique d’ampleur, en Île-de-France, la Seine-Saint-Denis sera la principale bénéficiaire du nouveau projet de renouvellement urbain (nouveau PNRU) ([22]) qui bénéficie aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Sur les 1 436 quartiers prioritaires situés en France métropolitaine ([23]), 63 se trouvent en Seine-Saint-Denis, soit près de 5 % des QPV de France métropolitaine. En mars 2022, 602 054 Séquano-Dionysiens résidaient dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, soit 39 % de la population du département ([24]). Parmi les 40 communes de Seine-Saint-Denis, 32 comptent des QPV ([25])([26]). Le QPV le plus peuplé, à l’échelle régionale comme nationale, est celui du FrancMoisinCosmonautes-Cristino Garcia-Landy : s’étendant sur les communes d’Aubervilliers, de La Courneuve et de Saint-Denis, il compte un peu plus de 126 000 habitants ([27]). Avec plus de 45 000 habitants, le QPV des Beaudottes – situé dans les communes d’Aulnay-sous-Bois et de Sevran – est le deuxième QPV le plus peuplé de France.

Part de la population vivant en QPV par commune
où au moins un QPV est présent en 2018 dans la Métropole du Grand Paris

Les données du graphique sont disponibles dans l'onglet tableau

Source : Insee (2022).

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ([28]) prévoit la rénovation urbaine de 35 quartiers en Seine-Saint-Denis sur les 480 quartiers concernés ([29]) parmi les 1 436 QPV de France métropolitaine, pour un investissement total de 12 milliards d’euros ([30]) : plus de 55 % des QPV de Seine‑Saint-Denis seront rénovés par le NPRNU ([31]). 2 milliards d’euros ont été alloués aux 32 premiers projets validés en octobre 2021, ce qui fait de la Seine‑Saint-Denis le plus gros bénéficiaire du NPNRU d’Île-de-France.

Les trente-trois projets de quartiers validés en 2021

Source : Agence nationale pour la rénovation urbaine.

À l’occasion du dernier Comité interministériel des villes le 27 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé, parmi ses axes de travail, l’« élaboration de nouveaux contrats de ville 2024-2030, sur une géographie prioritaire actualisée ([32]) ». Aucun calendrier n’a néanmoins été précisé quant à la nouvelle cartographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

  1.   Une expansion économique suscitant de forts contrastes territoriaux au sein et à la lisière du département

Le territoire de Seine-Saint-Denis jouit d’une expansion économique qui contraste avec les fragilités sociales caractéristiques de la majorité de ses habitants. La progression de la part des emplois de cadre dans l’emploi total profite majoritairement aux non-résidents du département, disposant du niveau de qualification adéquat. Le taux de pauvreté du département demeure le plus élevé de France métropolitaine. En outre, au sein même du département, le territoire est marqué par des contrastes importants ([33]) :

– l’ouest du département se rapproche économiquement parlant de la métropole parisienne (a) ;

– le sud du département « se gentrifie » (b) ;

– le sud-est est tourné vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne (c) ;

– le nord-est est quant à lui tourné vers l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (d) ;

– enfin, le nord et le centre de la Seine-Saint-Denis concentrent les difficultés sociales (e).

Ces contrastes se ressentent dans l’évolution de la ségrégation résidentielle depuis quinze ans (f). Enfin, l’évolution économique du département est marquée par l’extinction à venir des zones franches urbaines (g).

Zonage économique de la Seine-Saint-Denis établi par l’Insee

Source : Insee, dossier Île-de-France n° 6, janvier 2021.

  1.   Une tertiarisation de Saint-Denis et de Saint-Ouen qui ne contribue guère à la diminution du taux de pauvreté des habitants

Selon les analyses fournies aux rapporteurs par l’Insee, l’ouest de la Seine‑Saint-Denis est marqué par des transformations économiques importantes, en particulier à Saint-Denis et à Saint-Ouen. Concentrant dès 2016 22 % de l’emploi du département pour 10 % de la population, ces deux communes sont devenues un véritable pôle tertiaire métropolitain grâce à leur positionnement géographique : proximité de la capitale et présence d’un réseau de transports en commun dense et diversifié (métro, RER, bus, train) constituent des atouts indéniables pour ces territoires. La mutation économique de ces communes est particulièrement visible à la Plaine et à la ZAC des Docks.

Le dynamisme de cette partie du département s’explique par la tertiarisation de l’économie : la part des emplois de cadre atteint 38 % de l’emploi de la zone ([34]). Cependant, les retombées de cette évolution économique ne profitent que partiellement aux habitants du département. Le taux de pauvreté est particulièrement élevé dans cette zone du territoire : en 2016 ([35]), il était de plus de 31 % à Saint Denis contre moins de 19 % à Tremblay-en-France. Car si la part des emplois de cadre a considérablement augmenté, elle concerne majoritairement des non-résidents : en 2016, 73 % des cadres employés en Seine‑Saint-Denis ne résidaient pas dans le département, classé au 1er rang des départements de France métropolitaine pour la part des emplois de cadre occupés par des non-résidents ([36]).

  1.   La gentrification de Pantin et de Montreuil

Au sud du département, les communes de Pantin, du Pré-Saint-Gervais, des Lilas, de Bagnolet et de Montreuil – limitrophes de Paris – et celle de Romainville forment un ensemble en voie de gentrification ([37]). Ce phénomène est particulièrement visible aux Grands Moulins de Pantin, réhabilités en bureaux. Concentrant 20 % de l’emploi départemental (+ 24 % entre 1999 et 2016), ce territoire regroupe des populations disposant de niveaux de vie et d’emplois très différents. Si le potentiel de rénovation de l’habitat ancien de ces communes contribue à ce phénomène de gentrification, le taux de pauvreté y reste élevé (26 %). D’autre part, encore une fois, s’il y a autant d’emplois que d’actifs dans ces communes, 50 % de ces emplois sont occupés par des non-résidents. Ce territoire pourrait donc connaître dans les prochaines années une forte fragmentation sociospatiale.

  1.   L’établissement public territorial Grand Paris Grand Est : une zone résidentielle tournée vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne

Au sud-est de la Seine-Saint-Denis, l’établissement public territorial Grand Paris Grand Est forme un ensemble tourné vers les départements voisins du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne. Essentiellement résidentielle, cette zone accueille un quart de la population départementale, une faible concentration de l’emploi (62 emplois pour 100 actifs) et la proportion la plus forte de personnes âgées du département (13 % de 65 ans ou plus). Elle présente moins de fragilités sociales que d’autres zones du 93 : près de 53 % des ménages y sont propriétaires ([38]), 21 % d’entre eux vivent en logement social et le taux de pauvreté est de 20 %. Toutefois, les écarts de niveau de vie y sont également importants : ainsi, entre la commune de Clichy-sous-Bois et celles du Raincy ou de Gournay‑sur‑Marne, beaucoup plus aisées.

  1.   Tremblay-en-France et Villepinte : des communes bénéficiant du dynamisme économique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

Au nord-est du département, la proximité de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle contribue au dynamisme des communes de Tremblay-en-France et Villepinte. Cette zone concentre plus d’emplois que de résidents, souvent issus des classes moyennes et majoritairement propriétaires.

Ces communes regroupent 4,5 % de la population de Seine-Saint-Denis et enregistrent un taux de natalité inférieur à la moyenne départementale. Cependant, la proportion d’actifs sans baccalauréat est importante (supérieure à 46 %) et cette zone est davantage touchée par le chômage que le sud du département. En outre, les familles nombreuses constituent 20 % de l’ensemble des ménages et la progression de la part des familles monoparentales est plus rapide que dans le reste de la Seine-Saint-Denis.

  1.   Le nord et le centre du département concentrent les fragilités sociales

Formant l’ensemble territorial le plus peuplé du département avec 44 % des habitants du département, le nord et le centre de la Seine-Saint-Denis se caractérisent avant tout par leur fragilité socio-économique. Ainsi, la part des ménages locataires du parc social dépasse les 40 % à Bobigny alors qu’elle est inférieure à 23 % au Raincy ([39]).

Deux pôles économiques sont implantés dans cette partie du département : Le Bourget et le pôle administratif de Bobigny. On compte 75 emplois pour 100 actifs et 6 emplois sur 10 occupés par des résidents du département. Toutefois, ce territoire reste avant tout une zone d’accueil pour la population précaire : 37 % des habitants de ce territoire ont moins de 25 ans et près d’une personne sur trois y est immigrée. Dans ces communes, la part des familles nombreuses est la plus élevée du département. Le taux de pauvreté atteint 34 %.

  1.   Une ségrégation résidentielle connaissant des évolutions contrastées depuis une quinzaine d’années

Si à l’échelle de la métropole du Grand Paris, 37 % de la population vit dans un quartier pouvant être qualifié de « mixte » ([40]), dans l’établissement public territorial (EPT) « Plaine Commune » ([41]) la mixité sociale est faible : plus de 50 % des quartiers de cet établissement public figurent parmi les plus ségrégués et moins de 15 % d’entre eux, parmi les plus mixtes alors que la ville de Paris compte près de 50 % de quartiers considérés parmi les plus mixtes et moins de 15 % parmi les plus ségrégués.

Répartition de la population de la métropole du Grand Paris
selon le niveau de mixité du quartier de résidence en 2019

Source : Insee, Filosofi, 2019.

Les contrastes du département apparaissent également dans l’évolution de la mixité résidentielle : selon l’Insee, depuis quinze ans, la ségrégation tend à diminuer dans certains quartiers au sud de Saint-Denis et d’Aubervilliers. À l’inverse, la ségrégation augmente dans d’autres quartiers au nord de ces communes : à Dugny, à Sevran, au Blanc-Mesnil et à Stains, la ségrégation, déjà élevée en 2004, s’est intensifiée.

  1.   Des incertitudes liées à l’extinction des zones franches urbaines en décembre 2023

Sur les 100 zones franches urbaines existantes ([42]), 26 sont en Île-de-France et 10 en Seine-Saint-Denis ([43]). Les entreprises qui s’y installent peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, dégressive les années suivantes (60 % la sixième année, 40 % la septième et 20 % la huitième) ([44]). L’exonération est plafonnée à 50 000 euros par période de douze mois et à 200 000 euros pour trois ans. Le plafond peut être majoré de 5 000 euros par nouveau salarié employé à temps plein et résidant dans la ZFU pendant au moins six mois. En outre, les entreprises peuvent bénéficier d’une exonération de cotisations patronales d’assurances sociales, d’allocations familiales, de fonds national d’aide au logement et, le cas échéant, de versement mobilité.

Trois générations de ZFU en Seine-Saint-Denis

ZFU créées au 01/01/1997 réactivées au 01/01/2003

ZFU créées au 01/01/2004

ZFU créées au 01/08/2006

Bondy : quartier Nord

Clichy-sous-Bois : grands ensembles du haut et du bas Clichy et de Montfermeil

Aulnay-sous-Bois : La Rose des Vents, Cité Emmaüs, Les Merisiers, les Étangs

Épinay-sur-Seine : Orgemont

La Courneuve : Les 4 000

Le Blanc-Mesnil-Dugny : Quartiers Nord

Sevran : les Beaudottes

Stains : Clos Saint-Lazare, Allende

Drancy : Étoile, Grémillon, Pont de Pierre, Les Courtillières

Neuilly-sur-Marne : Les Fauvettes

Source : CCI Paris Île-de-France.

En 2020 ([45]), la Cour des comptes dressait un bilan mitigé des mesures à destination des entreprises pour l’attractivité des quartiers de la politique de la ville ([46]). Ce dispositif devrait s’éteindre le 31 décembre 2023.

Une mobilité résidentielle qui complique la caractérisation
de la population séquano-dionysienne

La mobilité résidentielle amplifie les écarts de niveau de vie au sein du département et rend difficile la caractérisation de la population séquano-dyonisienne. Entre 2012 et 2017, la Seine-Saint-Denis a connu une évolution annuelle moyenne de sa population due au solde migratoire de -0,24 % (*). La majorité des migrations sont internes au département. En dehors de ces mobilités intradépartementales, les échanges se font surtout avec Paris (26 % des arrivées et 12 % des départs), la Seine-et-Marne (15 % des destinations hors Seine-Saint-Denis) et le Val-d’Oise (12 % des destinations hors Seine‑Saint‑Denis).

Saint-Denis et Saint-Ouen sont les communes ayant le déficit migratoire le plus important du département (- 3,8 % pour la période 2012-2017). Les échanges migratoires sont notamment déficitaires avec le Val-d’Oise où partent 8 % des personnes quittant la zone. Les cadres et les professions intermédiaires sont aussi nombreux à s’installer qu’à quitter les communes de Saint-Denis et Saint-Ouen, zone de passage mais pas d’installation pérenne.

À l’inverse, le nord et le cente du département sont peu concernés par les départs (- 0,4% de déficit migratoire entre 2012 et 2017). Cependant, le déficit migratoire est plus élevé pour les cadres et professions intermédiaires que pour les employés et ouvriers. Les échanges sont déficitaires avec le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne.

La zone autour des communes de Pantin et Montreuil est quant à elle attractive pour les cadres et professions intermédiaires venant de Paris qui représentent 68 % des actifs occupés entrants. De - 0,4 % entre 2012 et 2017, le déficit migratoire est plus faible qu’au niveau départemental. Les mobilités résidentielles avec Paris sont majoritaires (un quart des entrées et un dixième des sorties).

L’établissement public territorial Grand Paris Grand Est enregistre un déficit migratoire plus prononcé que celui du département (- 1,8 % entre 2012 et 2017). En raison de la proximité géographique de la Seine-et-Marne, les échanges avec ce département représentent plus de 10 % des départs et 6 % des arrivées.

Quant aux communes de Tremblay-en-France et de Villepinte, elles ont un déficit migratoire également un peu plus prononcé que celui du département (- 1,6 % entre 2012 et 2017). Les personnes qui quittent cette zone s’installent notamment en Seine‑et‑Marne (13 % des départs).

(*) Insee, recensement de la population 2019.

  1.   UN TERRITOIRE OÙ PERSISTENT DES DIFFICULTÉS SOCIALES MAJEURES

En dépit du dynamisme économique qui caractérise certaines parties du territoire de la Seine-Saint-Denis, le département reste confronté à des difficultés sociales majeures :

– une part importante de la population vit sous le seuil de pauvreté (1) ;

– le niveau de vie médian des Séquano-Dionysiens est le plus faible d’Îlede-France (2) ;

– alors que le taux de chômage est élevé, l’inadéquation entre emplois et qualifications des résidents persiste (3) ;

– enfin, la population demeure largement dépendante des prestations sociales (4).

En 2017, l’Île-de-France reste la région où les écarts de niveaux de vie
sont les plus importants

Selon une étude de l’Insee datant du 18 mai 2021 (*), l’Île-de-France reste la région où les écarts de niveau de vie sont les plus importants au sein même des communes. Certes, le niveau de vie médian des Franciliens est plus élevé que celui des provinciaux mais c’est aussi en Île-de-France que les écarts sont les plus importants : l’Île-de-France comprend à la fois les trois départements de France métropolitaine aux niveaux de vie médians les plus élevés (Paris : 27 400 euros ; Hauts-de-Seine : 27 100 euros ; Yvelines : 26 100 euros) et le département au niveau de vie le plus faible (Seine-Saint-Denis : 17 300 euros).

Au sein même des communes, si les disparités sont les plus fortes au sein des villes les plus riches, certaines communes moins riches contribuent elles aussi sensiblement aux disparités de niveaux de vie dans leur département : en Seine-Saint-Denis, où la population est plutôt modeste, certaines communes, comme Montreuil, se distinguent par une cohabitation des populations pauvres (le premier décile est de 8 900 euros) et des populations plutôt aisées par rapport au reste du département (le neuvième décile atteint 38 400 euros). La commune du Raincy se démarque aussi du fait d’une proportion de personnes très aisées relativement plus importante.

Entre 2012 et 2017, les disparités ont légèrement diminué en Île-de-France – et ont surtout diminué à Paris et en Seine-Saint-Denis. Dans le sud-ouest du 93, à Montreuil et à Pantin, les disparités de revenus ont reculé plus rapidement qu’ailleurs car bien que le dernier décile des niveaux de vie et le niveau de vie médian y aient fortement augmenté, le premier décile des niveaux de vie a plus largement progressé (jusqu’à 25 % à Pantin), favorisant une baisse du rapport interdécile. Cette évolution s’explique en partie par la gentrification : les nouveaux arrivants sont en moyenne plus aisés et sont très souvent des cadres ; en parallèle, la pauvreté a globalement baissé. Enfin, les disparités reculent également dans des communes plus « défavorisées » grâce à une élévation des revenus des plus modestes comme à Clichy-sous-Bois (+ 16 %) Les opérations de rénovation urbaine ont peut-être modifié la structure de la population du fait du renouvellement du parc et des déménagements.

(*) https://www.insee.fr/fr/statistiques/5369176#:~:text=Les%20disparit%C3%A9s%20sont%20les%20plus, niveaux%20de%20vie%20plus%20homog%C3%A8nes.

  1.   En hausse, le taux de pauvreté est quasiment deux fois plus élevé qu’à Paris et en Île-de-France

En 2020, près de deux fois plus d’habitants de Seine-Saint-Denis (27,6 %) que de Franciliens (15,5 %) vivaient sous le seuil de pauvreté, fixé au niveau national à 60 % du revenu médian, c’est-à-dire à 1 086 euros par unité de consommation ([47]). Le taux de pauvreté en Seine-Saint-Denis a en outre augmenté puisqu’il était de 26,9 % en 2012. Au sein de la région, la Seine-Saint-Denis est aussi le département le plus pauvre puisqu’en 2020, Paris comptait 15,4 % de pauvres, les Hauts-de-Seine 11,9 % et les Yvelines 9,7 %.

Au niveau national, le taux de pauvreté est passé de 13,6 à 14,5 % (9,1 millions de personnes) entre 2020 et 2021, soit une hausse de 0,9 % (+ 550 000 personnes) pendant la crise sanitaire. Si les rapporteurs ne disposent pas à ce stade du taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis en 2021, ils notent que, selon l’Insee, la hausse du taux de pauvreté concerne davantage les membres de familles nombreuses et les chômeurs – catégories surreprésentées en Seine-Saint-Denis. Il est donc probable que le taux de pauvreté du département augmente lui aussi entre 2020 et 2021 dans ce département.

Proportion de personnes sous le seuil de pauvreté en Île-de-France
par département en 2020

(en pourcentage de la population)

Sous le seuil de pauvreté

Paris

15,4

Hauts-de-Seine

11,9

Seine-Saint-Denis

27,6

Val-de-Marne

16,6

Seine-et-Marne

11,7

Yvelines

9,7

Essonne

13,2

Val-d’Oise

17,0

Île-de-France

15,5

Source : Insee.

  1.   Le niveau de vie médian le plus faible d’Île-de-France

C’est aussi en Seine-Saint-Denis que le niveau de vie médian est le plus faible d’Île-de-France : en 2020, il était de 18 470 euros dans le département contre 24 490 euros au niveau régional, 28 810 euros dans les Hauts-de-Seine et 28 790 euros à Paris ([48]).

Au sein même du département, la situation est contrastée : le niveau de vie médian ne dépasse pas les 19 630 euros sur une grande partie du territoire – sauf dans l’est et le sud-est où il dépasse les 22 080 euros.

Selon l’Insee, en 2020, la part des ménages fiscaux imposés était de 48 % en Seine-Saint-Denis, le taux le plus faible d’Île-de-France, contre 68,5 % à Paris. À titre de comparaison, la part des ménages fiscaux imposés était de 45 % dans les Hauts-de-France en 2020 et de 41,1 % dans le Pas-de-Calais.

Enfin, le risque de précarité alimentaire est particulièrement élevé en Seine-Saint-Denis ([49]) : presque toutes les communes du département présentent une concentration de publics à risque de précarité alimentaire en raison de l’insuffisance de l’offre de proximité. À densité de population comparable, les communes de Seine-Saint-Denis disposent d’une offre plus faible que Paris.

  1.   Une inadéquation entre profil des emplois offerts et niveau de qualification des résidents et un taux de chômage très élevé

Comme on l’a vu supra, en Seine-Saint-Denis, l’inadéquation entre emplois proposés et qualification des actifs résidents est particulièrement élevée : environ deux emplois sur trois sont occupés par des non-résidents ([50]). À Montreuil et à Villepinte, la part des emplois occupés par des actifs non-résidents était supérieure à 47 % en 2016 alors qu’elle était comprise entre 40 et 47 % en 1999. À Bobigny, elle était comprise entre 32 et 40 % en 1999 et dépasse désormais les 40 %.

Longtemps caractérisée par son tissu d’emplois industriels, la Seine-Saint-Denis se tertiarise, accueillant de plus en plus de fonctions métropolitaines supérieures. Cela étant, ce dynamisme économique ne profite qu’en partie aux habitants du département : la Seine-Saint-Denis occupe le 89e rang national en termes d’adéquation entre emplois et catégories socioprofessionnelles. D’après l’Insee, entre 1999 et 2016, ce niveau d’adéquation a même diminué dans de nombreuses communes telles que Saint-Denis, Bobigny ou encore Le Raincy et Tremblay-en-France ([51]). 56 % des actifs résidents travaillent en dehors du département et les distances et durées de déplacement quotidiennes des Séquano-Dionysiens sont supérieures à celles des actifs des autres départements franciliens.

Enfin, le chômage est très élevé en Seine-Saint-Denis, en particulier dans le nord-ouest du département. Comprise entre 18 % et 22 % en 1999, la part des chômeurs dépassait les 22 % en 2016 à Saint-Denis. Bobigny a connu la même évolution ([52]). Au quatrième trimestre 2022 ([53]), le taux de chômage était de 10,1 % en Seine-Saint-Denis contre 6,9 % en Île-de-France et 7,2 % en France (hors Mayotte).

  1.   Une dépendance forte d’une part importante de la population envers les prestations sociales

a.   58,6 % de la population du département sont couverts par des prestations servies par la caisse d’allocations familiales

D’après la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis (CAF 93), qui comptait 387 151 foyers allocataires en novembre 2022, 58,6 % ([54]) de la population du département était couverte par des prestations sociales. 66,4 % des allocataires sont de nationalité française et 33,5 % de nationalité étrangère – un chiffre à comparer aux 10 % de foyers de ressortissants étrangers allocataires au niveau national en 2019. Parmi ces 33,5 % d’étrangers allocataires, 4,5 % sont originaires d’un pays de l’Espace économique européen (EEE) ou de Suisse.

En outre, il y a bien davantage de familles nombreuses – c’est-à-dire de familles ayant trois enfants ou plus à charge au titre des prestations – en SeineSaintDenis (31,92 % des familles et 16,91 % des allocataires) qu’au niveau national (23 % des familles et 11,3 % des allocataires). Les familles nombreuses sont éligibles à différentes aides telles que l’allocation de soutien familial, le revenu de solidarité active (RSA) majoré et la prime d’activité (PPA) majorée.

S’agissant du RSA ([55]), la Seine-Saint-Denis comptait en septembre 2022 85 494 bénéficiaires soit environ 5,10 % de la population ([56]), contre 32 068 dans les Hauts-de-Seine et 64 897 à Paris, ce qui représente respectivement 1,96 % et 3,06 % de la population de ces départements ([57]).

Si le nombre de bénéficiaires du RSA a diminué grâce à la reprise de l’activité économique, le nombre de personnes bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ([58]) a au contraire augmenté au cours de ces dernières années : on en recensait 32 189 en 2022 en Seine-Saint-Denis, soit 1,92 % de la population, contre 26 213 en 2019. En comparaison, le nombre de bénéficiaires de l’AAH était en 2022 de 30 038 à Paris (1,42 % de la population) et de 17 822 dans les Hauts‑de‑Seine (1,09 %).

b.   Un nombre important de personnes est couvert par l’aide médicale de l’État et la complémentaire santé solidaire

Au 1er septembre 2023, 49 260 personnes, contre 37 553 en 2018, étaient couvertes par l’aide médicale de l’État – qui offre un accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière, résidant en France depuis plus de trois mois, n’ayant pas de titre de séjour depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à 9 719 euros pour une personne seule ([59]).

À la même date, 313 593 personnes, contre 279 931 en 2018, étaient couvertes par la complémentaire santé solidaire, aide au paiement des dépenses de santé, gratuite ou équivalent à un coût d’un euro par jour, pour les bénéficiaires de l’assurance maladie disposant de ressources inférieures à 9 719 euros pour une personne seule ([60]).

  1.   L’ACTION DE L’ÉTAT MISE À L’ÉPREUVE D’UNE RÉALITÉ SINGULIÈRE

Dans le contexte démographique, socio-économique et urbanistique décrit supra, les services de l’État œuvrant en Seine-Saint-Denis restent, comme il y a cinq ans, confrontés à des défis singuliers et cumulatifs :

– une situation sécuritaire qui demeure extrêmement préoccupante (A) ;

– une inflation croissante du nombre de dossiers judiciaires entraînant une dégradation du service rendu aux justiciables (B) ;

– une population à la santé particulièrement fragile et dont les besoins augmentent en raison de la croissance démographique et d’un contexte socioéconomique et environnemental défavorable (C) ;

– des difficultés scolaires très fortes et persistantes qui s’expliquent notamment par la situation familiale des élèves (D).

  1.   UN DÉPARTEMENT QUI DEMEURE LE PLUS CRIMINOGÈNE DE FRANCE HEXAGONALE

Déjà pointée dans le rapport d’information du 31 mai 2018, la situation sécuritaire en Seine-Saint-Denis demeure extrêmement préoccupante :

– le département détient toujours le triste record du nombre le plus important de faits de délinquance rapporté au nombre d’habitants en France métropolitaine (1) ;

– cette délinquance endémique, qui déstabilise le tissu économique et social et dont les habitants des cités et des centres-villes dégradés sont les premières victimes, va du trafic de stupéfiants au proxénétisme de mineurs en passant par les viols, les vols à main armée, le blanchiment d’argent, les violences intrafamiliales et la violence « du quotidien » (2).

  1.   Le nombre de faits de délinquance rapporté au nombre d’habitants le plus important de France métropolitaine

Selon les chiffres fournis aux rapporteurs par la préfecture de police de Paris, avec 153 850 faits de délinquance constatés en 2022 – soit une moyenne de 427 faits par jour –, la Seine-Saint-Denis connaît le nombre de faits de délinquance touchant les personnes rapporté au nombre d’habitants le plus important de France métropolitaine : 20 pour 1 000 habitants en 2022 contre 17 pour 1 000 à Paris et 13 pour 1 000 en Île-de-France.

A notamment augmenté entre 2018 et 2022 le nombre de morts violentes (hors incendies), de tentatives d’homicide volontaire, d’enlèvements et séquestrations, d’actes de proxénétisme aggravé, d’actes de violence contre X et de vols à main armée. Ainsi le nombre d’enlèvements séquestrations est-il passé de 14 à 32 entre 2018 et 2022. De même, les actes de proxénétisme aggravé sont passés de 16 à 27 au cours de la même période.

Ce niveau de violences se double d’un volume très élevé de délinquance dite du quotidien. Les rapporteurs reviennent infra sur certains aspects de cette délinquance qui contribue à alimenter le sentiment d’insécurité des habitants du département.

  1.   Une délinquance dont les habitants des cités et des centres-villes dégradés sont les premières victimes et qui déstabilise le tissu économique et social
    1.   La délinquance de haut de spectre en Seine-Saint-Denis est localisée dans les cités et les centres-villes dégradés.

La « délinquance de cité » se caractérise par un enracinement sur le territoire du trafic de stupéfiants, avec des points de « deal » sources d’insécurité et de règlements de compte ou de tentatives d’homicide volontaire entre trafiquants. Les points de « deal » les plus importants sont situés dans les quartiers de grands ensembles de Saint-Ouen, dans le quartier de La Capsulerie à Bagnolet, dans le quartier des Beaudottes à Sevran, dans le quartier de Bondy-Nord et dans le quartier des grands ensembles de Bobigny.

Quant aux centres-villes dégradés du département, ce sont des lieux de polarisation de la délinquance et de la criminalité. Trafic de cigarettes, de médicaments et de stupéfiants et vente à la sauvette prospèrent au sein de certaines agglomérations accueillant des populations en situation de grande précarité et peuvent générer des rixes ou violences aux conséquences parfois funestes. Ces quartiers sont ceux ciblés par la politique de reconquête républicaine et recouvrent notamment les portes parisiennes : le quartier Michelet à Saint-Ouen, le quartier des Quatre-Chemins à Aubervilliers, le quartier des Six-Routes à La Courneuve, les quartiers Basilique et porte de Paris à Saint-Denis, les abords immédiats des gares du métro et du RER à Bobigny et Noisy-le-Sec.

  1.   Endémique, la délinquance déstabilise le tissu économique et social

Touchant principalement les quartiers sensibles, la délinquance endémique déstabilise le tissu économique et social, alimente un fort sentiment d’insécurité et génère des profits illicites – trafic de stupéfiants, fraudes, travail dissimulé –irradiant le bassin économique local. Ce niveau élevé de délinquance induit une économie souterraine particulièrement active et protéiforme. Le service département de la police judiciaire (SDPJ93), chargé des affaires les plus graves, ne peut que constater une augmentation des faits les plus violents.

  1.   Le trafic de stupéfiants : 200 points de « deal » en Seine-Saint-Denis

Selon la préfecture de police de Paris, au 31 décembre 2022, la Seine-Saint-Denis comptait 198 points de « deal » dont 20 en quartiers de reconquête républicaine ([61]). Le nombre de points de « deal » en Seine-Saint-Denis a enregistré une baisse notable durant l’année qui a suivi le début des recensements passant de 276 en 2020 à 209 à la fin de l’année 2021. Depuis, il oscille autour de 200. Les plus gros points de « deal » du département se situent dans les communes de Saint-Ouen, Bagnolet, Aulnay-sous-Bois et Saint-Denis. Les fours ([62]) historiques persistent grâce à une clientèle importante, à la proximité de la capitale et à une grande diversification des produits. Sur ce dernier point, comme d’autres territoires, la Seine-Saint-Denis est confrontée à l’essor des nouvelles drogues de synthèse.

Les centrales d’appels semblent se développer considérablement, comme dans le reste du ressort de la préfecture de police. Il n’est désormais plus rare d’observer parallèlement à un point de « deal » « en dur », une centrale organisée par les mêmes trafiquants et destinée à effectuer de la livraison à domicile.

Les services de police maintiennent une pression constante sur ces points de vente identifiés. En 2022, 64 opérations ont eu lieu, conduisant à 188 gardes à vue et 62 écrous. Depuis le début de l’année 2023 ([63]), cette pression se maintient avec 26 opérations ayant conduit à 70 gardes à vue et 28 écrous ([64]).

Selon les informations fournies par la préfecture de police, on assiste à une hausse importante de la quantité de produits saisis pour le cannabis, la cocaïne et l’héroïne. Les saisies de cannabis ont été multipliées par 2,18 entre 2021 et 2022, passant de 1,543 à 3,372 tonnes. Les saisies de cocaïne ont quant à elles augmenté de 45 %, passant de 85,2 à 123,3 kg. Enfin, les saisies d’héroïne sont passées de 5,6 à 6,3 kg au cours de la même période.

Saisies de stupéfiants en Seine-Saint-Denis entre 2020 et 2023

 

Affaires

Saisies

 

Héroïne (gr)

Cocaïne (gr)

Cannabis (gr)

Ecstasy, MDMA (gr)

Crack (gr)

Médic. (cts)

Autres ([65])

Numéraire

(en €)

Avoirs crim. Saisis

(en €)

2023 1er trim

2 648

7 750,7

10 113,2

3 548 156,5

1 991,5

458,2

627

188,3

725 036

1 193 812

2022

8 601

6 283

123 350

3 371 713

25 922,7

2 571

1 485

3 156

1 758 375

2 016 895

2021

9 664

5 668,5

85 185,3

1 542 897,6

33 871,5

169,6

2 264,6

1 765,6

2 214 487

2 447 568

2020

8 434

6 008,2

45 399,3

1 817 802,5

27 359,9

252,3

1 316,1

17,7

1 930 615

2 815 583

Source : préfecture de police de Paris.

  1.   Un proxénétisme dont les auteurs comme les victimes sont souvent très jeunes

Selon la sous-direction de la police judiciaire du 93, le nombre de dossiers de proxénétisme ([66]) dit de « cités » ou de « cyberprostitution » n’a cessé de croître entre 2019 et 2021, avec 29 dossiers en 2020 contre 20 dossiers en 2019. En 2020, les enquêtes visant des faits de proxénétisme ont permis d’interpeller 65 individus et d’en déférer 41 à la justice. Comme les victimes, les auteurs de ces faits sont souvent très jeunes puisqu’âgés de 20 à 25 ans, et déjà, pour la plupart, défavorablement connus des services de police et de la justice pour des faits de délinquance liés aux stupéfiants. Les saisines sont restées stables en 2021 mais le nombre de gardes à vue a augmenté. Les enquêtes ont permis d’identifier 38 jeunes prostituées dont 33 mineures pour la plupart domiciliées en région parisienne.

En constante progression depuis ces dernières années, la prostitution des mineurs occupe une place importante en Seine-Saint-Denis. Des communes telles qu’Aulnay-sous-Bois ou Villepinte sont concernées par le phénomène en raison de l’implantation importante d’hôtels à tarifs attractifs. L’activité prostitutionnelle a un caractère volatile, s’appuyant sur des réseaux non structurés qui œuvrent également dans la grande couronne parisienne et en province. Les affaires traitées se caractérisent par l’implication d’une multiplicité d’auteurs et par l’association éphémère de victimes et de proxénètes. L’activité de ces micro-réseaux plus ou moins structurés est largement favorisée par l’essor des outils modernes de communication, les réseaux sociaux, et l’accès facilité à des appartements où les passes peuvent se dérouler en toute discrétion. L’entrée des victimes dans la prostitution se fait par le biais des petits amis mais aussi via les réseaux sociaux. Des jeunes filles en fugue, en décrochage scolaire et familial, se prostituent dans des hôtels bon marché du département ou dans des appartements loués de façon éphémère via des sites tels qu’Airbnb.

  1.   Le blanchiment, la non-justification de ressources et le recel

Lié au trafic de stupéfiants et aux autres activités illicites, le blanchiment est particulièrement important en Seine-Saint-Denis, comme l’illustre le tableau ci-dessous qui présente le nombre de faits constatés par la préfecture de police en Seine-Saint-Denis. Il en va de même de la non-justification de ressources et du recel.

Blanchiment ([67])

2019

2020

2021

2022

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

127

43

197

73

222

44

230

48

Source : SRDC – extraction ORUS au 29/09/2023.

nON-JUSTIFICATION DE RESSOURCES ([68])

2019

2020

2021

2022

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

31

6

44

5

34

5

15

3

Source : SRDC – extraction ORUS au 29/09/2023.

RECEl ([69])

2019

2020

2021

2022

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

Services PP

Dont DRPJ

2 493

18

2 209

11

2 201

31

2 066

15

Source : SRDC – extraction ORUS au 29/09/2023.

  1.   Les vols

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, le nombre de vols à main armée et à l’arme blanche ou par destination enregistré en 2022 est assez comparable à celui de 2019. Il reste extrêmement élevé et préoccupant, s’agissant en particulier des vols à l’arme blanche ou par destination, et alimente le sentiment d’insécurité des habitants du département.

Vols à main armée

Infractions

2019

2020

2021

2022

Vols à main armée contre des établissements financiers

4

1

7

7

Vols à main armée contre des établissements industriels ou commerciaux

27

18

25

22

Vols à main armée contre des entreprises de transport de fonds

3

2

0

1

Vols à main armée contre des particuliers à leur domicile

25

27

25

17

Autres vols à main armée

86

61

64

61

Vols arme blanche ou par destination contre des établissements financiers, commerciaux ou industriels

44

26

23

37

Vols arme blanche ou par destination contre des particuliers à leur domicile

27

37

29

30

Autres vols avec arme blanche ou par destination

315

370

298

310

Source : préfecture de police de Paris.

Quant au nombre de vols sans arme, il est globalement en baisse importante entre 2019 et 2022 mais reste extrêmement élevé, s’agissant en particulier des vols visant des femmes sur la voie publique. Les cambriolages à domicile sont également extrêmement fréquents dans le département.

Vols sans arme

Infractions

2019

2020

2021

2022

Vols violents sans arme contre des établissements financiers, commerciaux ou industriels

40

52

42

44

Vols violents sans arme contre des particuliers à leur domicile

62

68

44

51

Vols violents sans arme contre des femmes sur la voie publique ou autres lieux publics

3 541

2 972

2 538

1 884

Vols violents sans arme contre d’autres victimes

4 562

3 839

3 547

3 305

Source : préfecture de police de Paris.

caMBRIOLAGES

Infractions

2019

2020

2021

2022

Cambriolages de locaux d’habitation principale

6 950

5 773

5 755

6 003

Cambriolages de résidences secondaires

196

268

189

217

Cambriolages de locaux industriels, commerciaux ou financiers

791

1 315

1 052

1 041

Cambriolages d’autres lieux

1 390

1 172

1 143

1 224

Source : préfecture de police de Paris.

  1.   Les violences intrafamiliales et les viols

En 2022, les violences intrafamiliales ont connu une forte hausse par rapport à l’année précédente, passant de 5 726 à 7 031 – soit une hausse de 22,8 % par rapport à 2021. Les violences intrafamiliales représentent 52 % des coups et blessures volontaires et concernent 4,3 habitants sur 1 000 dans le département. Les autres coups et blessures volontaires augmentent, eux, de 7,9 % par rapport à l’année précédente. Au total, les coups et blessures volontaires ont représenté 13 553 délits en 2022.

VIOLS

Infractions

2019

2020

2021

2022

Viols sur majeur(es)

456

494

590

655

Viols sur mineur(es)

287

287

344

411

Source : préfecture de police de Paris.

  1.   La violence du quotidien

Dès le début de son ouvrage Poursuivre ([70]), Fabienne Klein-Donati, qui fut procureure du tribunal de Bobigny entre 2014 et 2021, décrit la violence que subissent au quotidien les Séquano-Dionysiens : « Chaque matin, les rapports de police témoignent de la violence qui ronge la Seine-Saint-Denis. Certains faits sont inhabituels, d’autres banals : un tabassage pour une PlayStation, des dégradations dans un établissement scolaire, l’agression d’une dame de quatre-vingt-douze ans pour lui voler sa chaîne en or, le chien jeté du troisième étage pour s’en débarrasser, des voleurs de fruits qui règlent leur note en tirant sur l’épicier parce qu’il menaçait d’appeler la police, le vol à l’arraché d’un téléphone portable dont l’auteur a fait chuter lourdement la victime, une course-poursuite en scooter suivie d’un échange de coups de feu, une kalachnikov retrouvée lors d’une arrestation dans le cadre d’un trafic de stupéfiants… »

  1.   UNE JUSTICE DÉGRADÉE DANS LA DEUXIÈME JURIDICTION DE FRANCE

Créé le 16 septembre 1972, le tribunal judiciaire de Bobigny a été installé dans ses locaux actuels le 13 mars 1987 : symbole de modernité à l’époque, le site du tribunal est progressivement devenu celui de la dureté des conditions de travail et des malfaçons immobilières. Deuxième juridiction du pays ([71]) par sa taille et le nombre de décisions rendues, il connaît une activité judiciaire particulièrement intense, se caractérisant avant tout par un fossé béant entre l’inflation du nombre de dossiers à traiter (1) et les effectifs présents sur place – sur lesquels les rapporteurs reviennent en détail en III du présent rapport. Ce fossé béant entraîne une dégradation inéluctable du service rendu au justiciable (2). S’agissant plus particulièrement de la matière pénale, la maison d’arrêt de Villepinte présente un taux de suroccupation record en Île-de-France (3).

  1.   Un fossé béant entre l’inflation du nombre de dossiers à traiter et les effectifs alloués
    1.   Une activité civile qui ne doit pas être obérée par le traitement des dossiers d’information judiciaire

Au sein du tribunal judiciaire de Bobigny, 18 250 affaires ont été traitées par les chambres civiles en 2022, notamment en matière de divorces, de baux d’habitation, d’expulsion, etc. Pour les rapporteurs, il importe que l’activité pénale très dense au tribunal judiciaire de Bobigny (cf. le b. infra) n’obère pas le traitement du contentieux civil.

Statistiques générales du contentieux civil ([72])

 

2020

2021

2022

Affaires nouvelles

23 924

26 012

30 406

Affaires terminées

21 744

26 382

27 311

Affaires en cours

20 679

19 246

19 683

Source : tribunal judiciaire de Bobigny.

i.   Une baisse des dossiers en stock en matière de contentieux des affaires familiales, de départage prud’homal et de surendettement

En matière de contentieux des affaires familiales, le nombre d’affaires en stock est passé de 9 094 en 2019 à 7 792 au mois d’août 2023, grâce à une forte mobilisation du service concerné. Selon les informations fournies aux rapporteurs, si le délai légal de six jours est désormais respecté ([73]) en matière d’ordonnance de protection ([74]), le service des affaires familiales reste cependant particulièrement sous tension et mériterait d’être renforcé.

Le service du départage prud’homal ([75]) a lui aussi réussi à faire baisser son stock d’affaires en cours de 956 en 2019 à 340 en 2022, avec des délais d’audiencement de moins de trois mois.

Enfin, le service du surendettement a résorbé un stock de 1 100 dossiers, les délais d’audiencement étant passés de vingt mois, au sortir de la crise sanitaire, à deux mois désormais.

ii.   La promotion de la médiation et de modes alternatifs de règlement des différends

La juridiction de Bobigny s’est engagée dans une politique de promotion de la médiation. Des audiences de règlement amiable des litiges sont en cours de fixation au titre de l’ordonnance de roulement.

iii.   Des difficultés persistantes en matière de contentieux aérien, de réparation du préjudice corporel et d’assistance éducative

Avec près de 13 115 dossiers en stock au 30 septembre 2023 et des délais d’audiencement qui avoisinent cinquante-cinq mois, le contentieux des demandes d’indemnisation des retards ou annulations de vols à l’aéroport de Roissy pose de véritables difficultés de traitement et entraîne un engorgement du tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois.

Ce contentieux est encadré par un règlement européen ([76]) qui laisse aux États membres le libre choix de déterminer les juridictions compétentes en la matière. En droit français, l’article 46 du code de procédure civile prévoit qu’un demandeur peut, à son choix, attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de domicile de ce dernier ou la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou encore celle du lieu de l’exécution de la prestation de service : en d’autres termes, les passagers souhaitant se faire indemniser peuvent saisir le tribunal du siège de la compagnie aérienne, du lieu de départ ou du lieu d’arrivée de leur vol.

Cela étant, s’agissant de demandes en justice tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros, l’article 750-1 du code de procédure civile prévoit que ces demandes doivent être précédées, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative sans quoi le juge peut prononcer d’office l’irrecevabilité de ces demandes. Dans les faits, cette disposition législative est inopérante, le nombre de conciliateurs et de médiateurs étant insuffisant et la procédure participative, onéreuse. En conséquence, des avocats spécialisés apportent chaque semaine au tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois des cartons entiers de requêtes.

Afin de lever cette difficulté, les rapporteurs proposent de modifier l’article 750‑1 du code de procédure civile afin de préciser qu’en matière de contentieux aérien, la médiation précitée est assurée par le Médiateur du tourisme et du voyage et que c’est la seule procédure amiable possible, à l’exclusion de la conciliation et de la procédure participative. Les rapporteurs estiment qu’une telle évolution permettrait de régler à l’amiable 90 % des litiges, dans l’intérêt tant des passagers de vols retardés que dans celui des autres justiciables usagers des tribunaux de proximité. Cette modification législative bénéficierait d’ailleurs à d’autres tribunaux croulant sous ce type de requêtes du fait de la présence d’un aéroport important dans leur ressort.

Selon les éléments fournis par les chefs de juridiction de Bobigny, une réunion a été organisée le 30 juin 2023 sous l’égide du premier président de la cour d’appel de Paris avec les présidents des tribunaux concernés – Paris, Bobigny, Créteil et Évry –, les avocats intervenant au titre de ce contentieux et le Médiateur du tourisme et du voyage, afin d’aller dans ce sens.

Proposition : Modifier l’article 750-1 du code de procédure civile afin de préciser qu’en matière de contentieux aérien, la médiation est assurée par le Médiateur du tourisme et du voyage et que c’est la seule procédure amiable possible, à l’exclusion de la conciliation et de la procédure participative.

Un autre point porté à l’attention des rapporteurs est celui de la réparation du préjudice corporel : le service chargé de ce contentieux est en effet confronté à une croissance exceptionnelle du nombre d’affaires nouvelles (multiplication par trois du stock de dossiers depuis 2017), liées au contentieux de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Sont désormais traités en priorité les contentieux concernant les personnes physiques – soit 27 % des dossiers. En revanche, la politique d’injonction à rencontrer un médiateur a échoué.

En matière d’assistance éducative, une part importante des saisines concerne les mineurs non accompagnés, dont le nombre a augmenté de 60 % en 2022 : le conseil départemental subit un retard important dans l’application des mesures d’assistance éducative en milieu ouvert puisque le délai est de onze mois.

b.   L’activité pénale

i.   Une forte augmentation du nombre de dossiers

Au sein de la juridiction de Bobigny, les contentieux considérés comme prioritaires et faisant l’objet d’une attention particulière au regard de la politique pénale concernent les violences conjugales et intrafamiliales, l’habitat indigne, la prostitution – des mineurs, en particulier –, la vente à la sauvette et la vente de produits contrefaits, le trafic de stupéfiants et les règlements de compte.

Entre 2019 et 2022, le nombre de dossiers reçus par le parquet de Bobigny a fortement augmenté, passant de 178 000 à 227 000, soit une progression de 27,5 % en trois ans. Parmi ces dossiers, seuls 45 000 à 50 000 peuvent donner lieu à poursuite. Chaque année, le tribunal est en mesure de rendre entre 16 000 et 20 000 décisions correctionnelles. Il y a 30 audiences pénales par semaine à Bobigny. Si la capacité de jugement du tribunal a quelque peu progressé, cette évolution est sans commune mesure avec la progression du nombre de dossiers à traiter.

Activité du tribunal correctionnel de Bobigny,
toutes chambres confondues

 

Affaires nouvelles

Jugements rendus en matière pénale

Autres jugements

Ordonnances pénales

Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Affaires en cours

2019

13 620

10 443

3 706

2 971

1 655

7 680

2020

10 833

6 853

4 136

2 914

671

6 330

2021

14 172

8 701

4 019

3 725

1 436

7 704

2022

15 423

8 880

3 995

5 130

1 518

7 264

Source : tribunal judiciaire de Bobigny.

Le traitement des dossiers relatifs aux violences conjugales
au tribunal judiciaire de Bobigny

Au 16 octobre 2023, le parquet de Bobigny suivait 62 téléphones « grave danger » actifs (1), 36 situations réservées (2) et une vingtaine de bracelets anti-rapprochement. Plusieurs actions sont menées par le tribunal pour améliorer le traitement des dossiers relatifs aux violences conjugales, telles que la création de circuits courts (cf. infra) et le projet de création d’un pôle dédié aux violences intrafamiliales.

(1) Il s’agit de téléphones remis aux victimes de viol et de violences conjugales pour leur permettre d’alerter de façon prioritaire les forces de l’ordre.

(2) Une situation dite « réservée » se distingue de celle où le téléphone grave danger a été remis à la victime. En pratique, on dit d’un téléphone grave danger qu’il est réservé lorsque la situation a été abordée en comité de pilotage sur les violences intrafamiliales, qu’une décision d’attribution d’un téléphone grave danger a été prise pour la victime mais que la remise effective de l’appareil est différée en raison principalement de l’incarcération de l’auteur. La situation carcérale de l’auteur est alors étroitement surveillée pour permettre une remise quelques jours avant sa sortie de détention.

ii.   Un recours accru à la comparution immédiate pour éviter la reconstitution des stocks de l’instruction

Le tribunal juge environ 2 500 dossiers en comparution immédiate tous les ans. Confrontés à un tel afflux de procédures pénales, les chefs de cette juridiction ont imposé la création d’une deuxième audience quotidienne de comparution immédiate et une permanence dédiée au trafic de stupéfiants – la Seine-Saint-Denis totalisant 18 % de ce trafic sur le territoire national.

Qui plus est, l’ensemble de ces chiffres ne dit rien de la nature des dossiers traités par le tribunal de Bobigny. Ainsi, la gravité des dossiers examinés ([77]) lors des deux audiences quotidiennes de comparution immédiate dans cette juridiction est très supérieure à celle de la quasi-totalité des juridictions puisque certains dossiers s’apparentent à de véritables dossiers d’information judiciaire dans un contexte de suroccupation de la maison d’arrêt de Villepinte (cf. infra) : sont ainsi traités en comparution immédiate des vols à main armée, des séquestrations et des faits de proxénétisme qui soulèvent des enjeux de peine très conséquents. Il s’agit de dossiers qui, il y a quelques années, auraient naturellement été confiés à des juges d’instruction, compte tenu de leur gravité, mais qui sont orientés vers des circuits plus rapides en raison de l’encombrement des cabinets d’instruction et de la nécessité, selon le procureur du tribunal, d’assurer la lisibilité de la réponse pénale.

À Bobigny, on recense une centaine de gardes à vue par jour.

iii.   La création d’audiences de juge unique et d’audiences correctionnelles collégiales à moyens constants ainsi que le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour traiter les stocks de dossiers pénaux accumulés en 2021

En 2021, afin de traiter les dossiers en attente du fait de la grève des avocats et de la crise sanitaire, le tribunal judiciaire a lancé un « plan volontariat » tenant à la création d’audiences de juge unique et d’audiences correctionnelles collégiales à moyens constants : plus de 30 audiences de juge unique ou en formation collégiale ont ainsi pu se tenir, permettant le jugement de plus de 280 dossiers.

Entre novembre 2021 et janvier 2022, le tribunal a également promu le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – couramment appelée « plaider-coupable » – et l’instauration de la mise en état pénale administrative et juridictionnelle.

iv.   Le recours croissant à des mesures alternatives à l’audience et aux poursuites pour faire face à la massification et à l’intensification de la délinquance

Le tribunal judiciaire de Seine-Saint-Denis a orienté plus de 22 000 procédures vers des mesures alternatives à l’audience en 2021, soit 58 % de ses procédures, bien au-delà de la moyenne française, qui se situe à 50 %. C’est selon le procureur le seul moyen de répondre à la massification de la délinquance sinon à son intensité.

Lorsque le tribunal ne peut utiliser la procédure de comparution immédiate, il procède à une convocation par procès-verbal avec placement sous contrôle judiciaire – procédure que l’actuel procureur du tribunal judiciaire de Bobigny a qualifiée de « solution alternative dégradée » ([78]) : quelque 1 700 dossiers par an sont traités selon cette procédure.

v.   Une augmentation du nombre de classements sans suite et une dégradation du taux de réponse judiciaire

Interrogé par les rapporteurs, le procureur du tribunal judiciaire de Bobigny a indiqué qu’il avait été contraint d’augmenter le nombre de classements sans suite. Le taux de réponse pénale s’est dégradé ces dernières années : il était de 80 à 90 % en 2018-2019 et est désormais inférieur à 70 %.

Lors de son déplacement au tribunal le 26 octobre 2023, le co-rapporteur Stéphane Peu a noté que sur le fondement d’une dépêche interministérielle datant du 31 mai 2021, les magistrats du tribunal judiciaire de Bobigny apuraient les stocks de procédures non traitées dans les services de police en classant sans suite les dossiers jugés trop anciens et pour lesquelles aucun acte d’enquête n’a été réalisé. Au 31 août 2023, le tribunal a un stock de 394 dossiers d’ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, contre 506 ordonnances de renvoi au 31 décembre 2022 : la sécurisation des circuits d’audiencement, la limitation des renvois et la baisse du nombre d’ordonnances de renvoi rendues par les juges d’instruction expliquent cette diminution. La création d’une 31e chambre devrait permettre de réduire encore ce stock. Au 31 août 2023, le stock d’affaires criminelles en attente d’être jugées se composait de 189 dossiers correspondant à plus de deux ans et demi d’audience sur la base de deux sections fonctionnant à 100 % : les capacités d’audiencement criminel du tribunal judiciaire de Bobigny sont saturées et l’enjeu d’une troisième session se pose de manière urgente au regard des délais d’audiencement des dossiers détenus devant la cour criminelle départementale ([79]) et la totale incapacité de la juridiction de Bobigny à juger les dossiers criminels « libres » ([80]).

Pour les rapporteurs, la densité de l’activité pénale nécessite à la fois l’augmentation de la capacité de jugement de dossiers en formation de juge unique, – en particulier pour les violences conjugales –, la création d’une chambre supplémentaire en matière financière – sachant qu’en septembre 2023, ont été créés deux cabinets spécialisés en cette matière – pour renforcer la lutte contre les atteintes à la probité et contre le blanchiment et enfin, la création d’une chambre en matière de criminalité organisée. Le nombre de jours dédiés aux dossiers dits d’audiences spéciales ayant doublé, il est nécessaire de créer une chambre spécialisée, à même de se consacrer aux dossiers sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Proposition : Au tribunal judiciaire de Bobigny, augmenter la capacité de jugement en formation de juge unique pour les dossiers de violences conjugales et créer deux chambres supplémentaires, l’une en matière financière et l’autre en matière de criminalité organisée, en y affectant des ressources humaines supplémentaires.

vi.   Un plan zéro délinquance qui n’a de sens que si l’évolution des moyens de la justice suit celle des moyens de la police

En 2022, le nombre de gardes à vue a augmenté de 8 % par rapport à 2021, ce qui illustre la progression du nombre d’affaires nécessitant une interpellation immédiate mais aussi l’évolution des capacités de la police. Au cours des six premiers mois de l’année 2023, le nombre de gardes à vue a encore augmenté de 9 % – avant même les nombreuses gardes à vue consécutives aux émeutes urbaines ([81]).

Le plan zéro délinquance

Dans la perspective des jeux olympiques et paralympiques de 2024, le plan zéro délinquance consiste à multiplier les opérations de sécurisation et de lutte contre la délinquance dans des secteurs ciblés. Ces opérations se déroulent sur l’ensemble du territoire de l’agglomération parisienne dans 42 secteurs estampillés « JO ». Douze communes sont concernées et les principaux phénomènes concernés sont l’activité des points de « deal » de stupéfiants, la vente à la sauvette, la contrefaçon, les campements sauvages, la détention et le transport d’armes, les violences urbaines, les rixes et la « délinquance d’opportunité ».

Ce plan mobilise non seulement les services de la préfecture de police mais aussi des unités de forces mobiles. En novembre-décembre 2022, ce plan a conduit à 675 opérations, mobilisé près de 5 000 effectifs. 9 000 personnes ont été contrôlées et 538 d’entre elles ont été interpellées. La montée en puissance souhaitée des opérations de la lutte contre la délinquance se poursuivra jusqu’à l’été 2024. Ainsi, depuis le début de l’année 2023, 871 opérations ont été menées, 9 400 effectifs ont été mobilisés, près de 25 000 personnes ont été contrôlées et 1 254 ont été interpellées.

S’appuyant sur une très forte progression des effectifs de police, ce plan exerce mécaniquement une pression sur la chaîne judiciaire pénale. Les effectifs des services de police vont continuer à être renforcés au fil des mois. La direction départementale de la sécurité de proximité va sensiblement accroître la pression policière, tous contentieux confondus, en mai-juin 2024 dans le périmètre des jeux olympiques, ce qui, pour les chefs de juridiction, « va nécessairement se concrétiser par une pression sur le parquet et la juridiction ».

L’augmentation du nombre de dossiers s’explique aussi par la progression du nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) : il y a 504 OPJ en Seine-Saint-Denis en 2023 contre seulement 227 en 2018 ([82]). Dans le même temps, les effectifs du parquet, sur lesquels les rapporteurs reviennent infra, n’ont augmenté que de 9 %, passant de 53 à 58.

Bilan au 6 octobre 2023 de l’activité du tribunal judiciaire de Bobigny
à la suite des violences urbaines du 27 juin au 3 juillet 2023 en Seine-Saint-Denis ([83])

– 630 gardes à vue dont près de 200 pour la seule nuit du 1er au 2 juillet 2023 et dont plus d’un tiers concerne des mineurs ;

– 229 défèrements dont 98 sont des défèrements de mineurs aux fins de mise en œuvre d’une procédure avec mise à l’épreuve éducative ;

– 141 personnes ont déjà été jugées en comparution immédiate, cette procédure ayant donné lieu à 26 placements sous contrôle judiciaire, 32 placements en détention provisoire, 8 relaxes, 6 annulations de procédure. Les autres prévenus ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec mandat de dépôt, avec sursis probatoire ou simple ainsi qu’à des peines de travail d’intérêt général. Le prononcé d’interdictions de paraître dans les secteurs géographiques où les faits ont été commis et d’interdiction de détention d’arme a aussi été requis aux différents stades de la procédure.

  1.   Une dégradation inéluctable du service rendu aux justiciables
    1.   Un allongement de la durée des procédures sans commune mesure avec le reste de l’Île-de-France

L’une des conséquences les plus flagrantes du décalage entre effectifs et nombre de dossiers à traiter est l’allongement de la durée des procédures. Ainsi, dans le domaine civil, le traitement des procédures hors divorce suppose d’attendre sept mois avant d’accéder à un juge aux affaires familiales alors que ce délai n’est que de trois mois à Paris selon la bâtonnière de Seine-Saint-Denis.

  1.   Une extrême lenteur dans l’exécution des peines

L’extrême lenteur dans l’exécution des peines prononcées est un autre symptôme inquiétant des dysfonctionnements de la justice en Seine-Saint-Denis. Il arrive en effet que la juridiction mette trois ans à faire exécuter ses décisions. Selon les informations fournies aux rapporteurs, les délais moyens de traitement des jugements de condamnation varient de deux à douze mois pour le greffe correctionnel et de moins d’un mois à plus de deux ans selon les chambres pour les services de l’exécution des peines.

Pour remédier à ce problème, des « circuits courts » ont été institués en faveur de l’exécution des peines prononcées en matière de violences intrafamiliales ou concernant les personnes condamnées à un sursis probatoire. Les dossiers renvoyés sont ainsi prioritairement examinés à l’audience de proximité du tribunal de Saint-Denis. Il reste que ces circuits courts perturbent l’organisation générale de la juridiction et que cette accélération est opérée au détriment de l’exécution d’autres décisions. Certaines peines, telles que les amendes de plus de deux ans, ne peuvent être mises à exécution. Selon les informations fournies aux rapporteurs, au 26 octobre 2023, 25 000 peines restaient non exécutées parmi lesquelles 113 peines prescrites, 6 300 peines archivées sans exécution et 18 600 peines à exécuter – chiffre à rapprocher de celui de 19 280 condamnés majeurs ou mineurs en 2022. Près de 10 000 ordonnances pénales n’ont pu être exécutées cette année.

Entre janvier et septembre 2023, le taux de réponse pénale ([84]) du tribunal de Bobigny était de 59,3 %, contre 62,3 % au tribunal judiciaire de Créteil, 72,9 % à Paris, 77,0 % à Évry-Courcouronnes, 77,3 % à Meaux, 88,7 % à Melun et 91,5 % à Fontainebleau.

  1.   Une situation limite ayant conduit les chefs de juridiction à adresser au Garde des Sceaux une note d’alerte en décembre 2022

Le décalage patent entre besoins et moyens au tribunal judiciaire de Bobigny, l’écart entre le nombre de policiers et le nombre de magistrats dans le département de Seine-Saint-Denis, le nombre de dossiers classés sans suite, l’allongement des délais d’accès au juge, l’extrême lenteur voire la non-application de certaines peines : autant de phénomènes qui, dans le département qui compte le plus de faits de délinquance en France métropolitaine, conduisent les rapporteurs à s’inquiéter de la dégradation inéluctable du service public de la justice en Seine-Saint-Denis.

Dans une note d’alerte en date du 7 décembre 2022, les chefs de juridiction, M. Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal, et M. Éric Mathais, procureur – que vos rapporteurs ont auditionnés non seulement à l’Assemblée nationale mais aussi in situ à Bobigny –, s’inquiètent des nombreuses difficultés rencontrées par leur juridiction. Ils y sollicitent « une mobilisation en urgence du ministère de la justice pour [leur] permettre de pleinement assumer [leurs] responsabilités. » Ils poursuivent : « Nous sommes à un moment crucial de la juridiction et nous craignons, chaque jour, pour la santé de nos collègues magistrats et fonctionnaires, qui ne peuvent assumer leurs missions qu’en travaillant durant les soirées, les weekends et les congés, engendrant une souffrance au travail. » Les rapporteurs reviennent en détail en troisième partie du présent rapport sur les effectifs du tribunal judiciaire de Bobigny.

Le service d’accueil unique du justiciable de Bobigny

Lors de sa visite du tribunal judiciaire de Bobigny le 26 octobre 2023, le co‑rapporteur Stéphane Peu s’est vu présenter le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ).

La création des SAUJ s’inscrit dans le cadre de l’amélioration de l’accueil des justiciables. Service d’accueil centralisé et point d’entrée procédural, le SAUJ constitue une « vitrine » de la juridiction en ce sens qu’il est le premier interlocuteur au sein du tribunal pour les usagers : il délivre des informations générales, des renseignements particuliers sur des procédures en cours et réceptionne certains actes. Composé d’une équipe de greffiers, d’adjoints administratifs et de jeunes volontaires du service civique, le SAUJ de Bobigny a accueilli 144 111 visiteurs en 2022 et reçoit 12 000 personnes chaque mois en moyenne (avec des pointes d’affluence à 15 000 personnes par mois en janvier, juin et septembre) et une moyenne de 600 personnes par jour qui, souvent, cumulent leurs demandes.

  1.   Une maison d’arrêt suroccupée mais où la violence est en baisse

Deux établissements pénitentiaires sont implantés en Seine-Saint-Denis :

– la maison d’arrêt de Villepinte ;

– le centre de semi-liberté de Gagny qui assure l’accueil de semi-libres et les écrous des personnes placées sous surveillance électronique.

Les rapporteurs notent que le tribunal judiciaire de Bobigny incarcère également beaucoup dans des établissements situés hors de son ressort puisque 30 % des détenus de Fleury-Mérogis sont incarcérés pour le compte du tribunal judiciaire de Bobigny.

La maison d’arrêt de Villepinte enregistre un taux d’occupation record en Île-de-France, ce qui a des conséquences lourdes sur les conditions de vie et de travail des détenus et des agents (a). Elle accueille une population jeune composée d’un nombre important de prévenus en détention provisoire et de personnes étrangères allophones (b). Les faits de violence y ont diminué grâce à la prise en charge accrue des populations pénales, aux activités proposées et à l’ouverture d’un « module de respect » (c). Compte tenu de la suroccupation de la maison d’arrêt de Villepinte et de l’intensité de l’activité juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny, sont prévus deux projets visant à étendre le parc pénitentiaire du département (d).

Quant au centre de Gagny, il a une capacité théorique de 48 places mais un taux d’occupation qui excède régulièrement les 150 %.

  1.   Un taux d’occupation record en Île-de-France qui a des conséquences lourdes sur les conditions de vie et de travail des détenus et des agents
    1.   Un taux d’occupation de 183 %

Conçue pour accueillir 582 personnes, la maison d’arrêt de Villepinte accueille en 2023 1 020 personnes écrouées dont 29 mineurs. Le taux d’occupation chez les majeurs est donc de 183 %. Depuis 2017, la maison d’arrêt de la Seine-Saint-Denis détient le triste record d’être l’établissement le plus surencombré de toute l’Île-de-France, à l’exception de Meaux qui a atteint en mai 2023 le taux de 189 %. Pour mémoire, le taux moyen d’occupation des établissements pénitentiaires est de 149 % en Île-de-France ([85]) et de 142 % sur le territoire national ([86]).

Si en 2017, le taux d’occupation de Villepinte était de 200 %, les décisions prises par le législateur dans le cadre de la crise sanitaire en 2020 ([87]) ont conduit à une réduction drastique de l’effectif carcéral. Selon son directeur, la maison d’arrêt de Seine-Saint-Denis a eu en mars 2020 un niveau d’effectif (750 détenus) qu’elle n’avait « jamais connu depuis les années 2000 ». Cependant, au 1er septembre de la même année, l’effectif était déjà remonté à 840 personnes détenues puis à plus de 1 000 en juin 2021.

On compte à Villepinte 500 cellules simples et 40 cellules doubles. Toutes les cellules simples, de 8,5 m² de superficie, sont doublées et toutes les cellules doubles, de 13,5 m², sont triplées. Il existe cependant quelques exceptions au doublement et au triplement des cellules. Ainsi, l’encellulement individuel est garanti aux 29 mineurs présents dans l’établissement, qui ont leur propre quartier dédié. La maison d’arrêt de Villepinte comprend aussi une aile entièrement dédiée aux profils dangereux et hétéro-agressifs. Sont également en cellule individuelle, pour éviter les phénomènes d’emprise, les « détenus particulièrement signalés » ou qui relèvent du terrorisme.

D’ici à 2024, la maison d’arrêt bénéficiera de 120 places supplémentaires dans une structure située à 29 kilomètres et dédiée à la réinsertion (cf. le d. infra).

ii.   De lourdes conséquences sur les conditions de vie et de travail

La surpopulation de la maison d’arrêt de Villepinte entraîne une forte dégradation de ses infrastructures et en particulier des réseaux d’adduction et d’évacuation d’eau ainsi que du réseau d’évacuation de l’air humide. Selon le directeur de la maison d’arrêt, en dépit de ces conditions dégradées, le maintien de l’hygiène et de la maintenance des espaces communs reste assuré : « les conditions de vie comme les conditions de travail, pour les personnes détenues comme pour les personnels, sont maintenues dans un équilibre tout à fait honorable » compte tenu de la situation.

La surpopulation carcérale affecte aussi toute l’offre de travail et de prise en charge des personnes détenues car les espaces ont été conçus pour accueillir des activités proposées il y a trente ans à des personnes détenues au nombre d’un peu moins de 600. Aujourd’hui, les locaux alloués aux activités et à l’unité sanitaire, et donc aux soins, au sport ou au travail, sont très largement sous-calibrés. Par exemple, les ateliers de la maison d’arrêt de la Seine-Saint-Denis qui n’emploient que 30 personnes, ne mesurent que 750 m². Les rapporteurs notent cependant que l’administration pénitentiaire va bénéficier de lourds investissements dans le département qui devraient permettre de remédier à cette situation.

  1.   Une population jeune composée d’un nombre important de prévenus en détention provisoire et de personnes étrangères allophones

S’agissant des caractéristiques de la population pénitentiaire de Seine-Saint-Denis, 60 % des individus incarcérés à Villepinte sont des prévenus, c’est‑à‑dire des personnes n’ayant pas encore été jugées ni condamnées définitivement, alors que cette moyenne s’établit à 27 % ([88]) sur le reste du territoire national. Un tiers des personnes écrouées à Villepinte, prévenus comme condamnés, l’est en vertu d’une procédure criminelle : il s’agit d’une proportion très importante si on la compare à celle d’autres établissements pénitentiaires. À Nancy, par exemple, cette proportion est de 15 %.

L’immense majorité des personnes détenues à Villepinte sont originaires de Seine-Saint-Denis. La moyenne d’âge des personnes détenues dans l’établissement est de 27 ans : elle est beaucoup plus basse que la moyenne nationale qui était de 34,7 ans en 2021.

40 % des personnes détenues à Villepinte sont de nationalité étrangère. Une part importante de la population carcérale de Seine-Saint-Denis est donc totalement allophone et l’administration pénitentiaire s’efforce de lui donner les outils pour s’exprimer et comprendre l’environnement dans lequel elle se trouve. L’éducation nationale dispense des cours de français aux détenus mais ses personnels sont préemptés par les mineurs qui ont une obligation de scolarité et qui sont répartis dans de très petits groupes de niveaux très divers. Le solde des heures disponibles alloué aux majeurs est donc minimal. L’établissement organise des cours assurés par des détenus polyglottes, ce qui permet de transmettre aux allophones les bases du règlement de l’établissement et, ainsi, d’y réduire le niveau de violence.

  1.   Une diminution importante des faits de violence grâce à la prise en charge accrue des populations pénales, aux activités proposées et à l’ouverture d’un « module de respect »

Si le rapport d’information du 31 mai 2018 dont les rapporteurs assurent le suivi faisait état d’un niveau de violence important au sein de la maison d’arrêt de Villepinte, cette dernière est désormais l’établissement qui connaît le moins de violences de toute l’Île-de-France. Entre le 1er janvier et le 30 avril 2023, la direction interrégionale des services pénitentiaires recensait en moyenne 45 faits de violence pour 1 000 détenus au sein de la région parisienne : or, ce chiffre n’est que de 24 à Villepinte. Il semble qu’un travail important ait été accompli au sein de l’établissement pour garantir la bonne application de son règlement intérieur, pour assurer la bonne prise en charge de la population carcérale et pour lui proposer des activités spécifiques. En outre, l’établissement a institué un « module de respect » offrant des conditions de détention et de prise en charge beaucoup plus favorables, en contrepartie du respect du règlement intérieur de l’établissement. Ceux des détenus de 18 à 25 ans qui ont participé à ce module ont obtenu un aménagement de peine.

Les rapporteurs notent que l’établissement ne bénéficie de la présence d’un psychiatre que deux demi-journées par semaine, ce qu’ils jugent d’autant plus insuffisant que les pathologies psychiatriques ont augmenté avec la crise sanitaire. En outre, il n’y a qu’une seule unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) dédiée aux profils psychiatriques pénitentiaires, située à Villejuif. Une seconde unité UHSA devrait être construite à l’hôpital Robert Ballanger d’ici à sept ans.

d.   Deux projets d’extension du parc pénitentiaire du département

Selon les informations transmises à la mission d’évaluation, deux projets seraient en cours afin d’étendre le parc pénitentiaire de Seine-Saint-Denis.

D’une part, est prévue en 2024 la création d’une structure d’accompagnement à la sortie (dite « SAS ») à Noisy-le-Grand. Cette structure disposera de 120 places dont 90 destinées à l’accompagnement des 18-21 et des 21‑25 ans et 30 autres places de semi-liberté ([89]).

D’autre part, la maison d’arrêt de Villepinte va être étendue sur le territoire de la commune de Tremblay-en-France : cette extension permettra la création de 700 places supplémentaires dont un quartier pour femmes.

Proposition : Accélérer le rythme de réalisation des travaux d’extension du parc pénitentiaire en Seine-Saint-Denis.

  1.   UNE SANTÉ FRAGILE DANS LE PREMIER DÉSERT MÉDICAL DE FRANCE

La population de Seine-Saint-Denis se caractérise par une part importante de jeunes mais aussi par une augmentation de la proportion de personnes âgées (1). Les besoins de la population risquent donc d’augmenter. Ils sont déjà importants du fait, notamment, d’un contexte environnemental dégradé (2) et de pathologies spécifiques (3), qui contribuent à la faiblesse de l’espérance de vie dans le département par rapport à la moyenne régionale (4). On note aussi des besoins accrus en équipements médico-sociaux pour les personnes handicapées (5).

  1.   Une population jeune mais un nombre croissant de personnes de plus de 75 ans

La Seine-Saint-Denis comptait 1 655 422 habitants ([90]) en 2020, et 1 682 806 habitants en 2023 selon les estimations, et sa croissance démographique est plus élevée que la moyenne régionale. En 2040, la population du département devrait être comprise entre 1,67 et 1,82 million d’habitants ([91]) selon les différents scénarios de l’Insee ([92]). Du fait conjugué du nombre important de jeunes enfants et adolescents et du faible nombre de personnes âgées, la moyenne d’âge du département est basse pour le moment – mais plus pour longtemps. Ainsi, les enfants de 0 à 14 ans représentent 22,4 % de la population en Seine-Saint-Denis contre 19,3 % en Île-de-France. Dans le même temps, les 75 ans ou plus représentent 5,2 % de la population de Seine-Saint-Denis contre 6,9 % de celle d’Île-de-France ([93]). Néanmoins, le nombre de personnes de plus de 75 ans augmente et une tendance au vieillissement se dessine.

Structure par âge de la Seine-Saint-Denis en 2019 et projections
à l’horizon 2030

Source : La santé des Franciliens, février 2023, Observatoire régional de santé.

D’après les projections démographiques de l’Insee ([94]), à l’horizon 2040, l’âge moyen des Séquano-Dionysiens atteindrait 38,5 ans contre 35,6 ans en 2019. La part des personnes âgées de moins de 20 ans dans la population départementale diminuerait : de 29 % en 2019 à 26 % en 2040. À l’inverse, le nombre de personnes de 65 ans ou plus augmenterait, faisant passer leur part dans la population de 12 à 17 %. Le nombre de personnes de 75 ans ou plus progresserait également : de 84 000 en 2019 à 145 000 en 2040. La part des 75 ans ou plus dans la population passerait ainsi de 5 % à 8 %. Néanmoins, la Seine-Saint-Denis resterait le département d’Île-de-France où les personnes de 75 ans ou plus seraient proportionnellement les moins nombreuses.

En raison du taux de pauvreté important du département ([95]), la population âgée à venir aura besoin d’une offre financière accessible et de places habilitées à l’aide sociale.

  1.   Un environnement dégradé

En Seine-Saint-Denis, le contexte environnemental est fortement dégradé : l’exposition prolongée à la pollution des sols, à la pollution atmosphérique et aux bruits routier et aérien est corrélée à de nombreuses pathologies tels que cancers, maladies cardio-vasculaires et maladies respiratoires. 23 % de la population de Seine-Saint-Denis est multi-exposée aux pollutions contre 13 % en Île-de-France ([96]).

Par ailleurs, la part du parc de logements privés potentiellement indignes s’élève à 7,5 % en Seine-Saint-Denis contre 6,5 % à Paris ([97]). Dans le département, un quart des logements de ce parc est suroccupé ou a été construit avant 1949. Or, la qualité du logement est un déterminant essentiel de l’état de santé : de mauvaises conditions de logement exposent les populations à des risques sanitaires liés à la suroccupation, à la présence d’humidité ou à une qualité de l’air intérieur dégradée. De nombreuses pathologies, telles que les maladies respiratoires et infectieuses, sont accentuées ou provoquées par un habitat dégradé. Vivre dans un logement indigne augmente également le risque d’accident domestique et d’intoxication au monoxyde de carbone. Enfin, le logement influence le développement social de l’individu et sa santé mentale.

Part du parc privé potentiellement indigne suroccupé
dans les départements franciliens (en %)

Source : Insee RP 2019, DRIHL, Agence nationale de l’habitat.

  1.   Des publics aux pathologies spécifiques

Selon la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), au 1er septembre 2023, il y avait 20,8 % de personnes en affection de longue durée dans le département contre 17,1 % dans la métropole du Grand Paris.

La surmortalité observée dans le département lors de la crise sanitaire a mis en lumière les pathologies spécifiques dont souffrent les habitants de Seine-Saint-Denis : la proportion de personnes obèses y était de 16 % en novembre 2020 contre 14 % en Île-de-France ([98]). Parmi ces personnes, on compte de nombreux jeunes, et surtout de nombreux garçons : 22 % des garçons de 17 ans vivant en Seine-Saint-Denis sont en surcharge pondérale contre 12,7 % des filles. Cette différence entre les filles et les garçons s’observe dans les autres départements franciliens, comme le montre le graphique ci-dessous.

Surcharge pondérale chez les jeunes de 17 ans dans les départements
d’Île-de-France (en %)

Source : Escapad 2017, OFDT 2017.

Quant au taux de personnes atteintes de diabète de type 2, il est de 6,98 % en Seine-Saint-Denis contre 5,39 % en Île-de-France ([99]), alors même que la population séquano-dionysienne est plus jeune. La prévalence du diabète de type 2 varie fortement selon des critères socio-économiques et territoriaux : la morbidité est deux fois plus élevée dans l’établissement public territorial Plaine Commune qu’à Paris ou dans la Haute vallée de Chevreuse ([100]).

Enfin, s’agissant des cancers, on observe dans le département un contraste entre une incidence plutôt favorable et une mortalité plutôt défavorable, comme l’illustre le schéma ci-dessous. Cette situation met en lumière l’influence des déterminants de santé sur l’apparition de certaines maladies et sur la mortalité associée à des comorbidités (surpoids, diabète), très présentes en Seine-Saint-Denis. Ce contraste peut aussi s’expliquer par un retard au diagnostic et par des difficultés d’accès au système de soins. D’après la CPAM, au 1er septembre 2023, le taux de dépistage du cancer du sein est de 46,4 % en Seine-Saint-Denis contre 52,6 % en petite couronne. Pour le dépistage du cancer colo‑rectoral, le taux est de 18,4 % dans le 93 contre 20,8 % en petite couronne.

Taux d’incidence et de mortalité par cancer en Île-de-France
et ses départements chez les femmes et les hommes

cid:18ba4ce5fdbed7548511

Source : Santé publique France, 2019, exploitation Observation régional de santé Île-de-France, 2023.

  1.   Une espérance de vie inférieure à la moyenne régionale

En 2021 ([101]), l’espérance de vie des hommes à la naissance était de 78,2 ans en Seine-Saint-Denis contre 81,6 ans à Paris, 80,7 ans en Île-de-France et 79,4 ans au niveau national. Pour les femmes, ce chiffre était de 84,2 ans en Seine‑Saint-Denis contre 86,8 ans à Paris, 86 ans en Île-de-France et 85,5 ans au niveau national. L’espérance de vie est donc plus faible en Seine-Saint-Denis qu’à Paris, en Île-de-France et au niveau national, quel que soit le sexe.

Aux inégalités d’espérance de vie s’ajoutent les inégalités d’espérance de vie sans incapacité : à 60 ans, les femmes vivant en Seine-Saint-Denis peuvent espérer vivre 56,4 % de leur espérance de vie sans incapacité contre 62,4 % à Paris et 55,9 % en moyenne nationale. Pour les hommes, ces chiffres sont de 57,8 % en Seine-Saint-Denis contre 67,6 % à Paris et 62,7 % dans la France entière.

  1.   Des besoins accrus en équipements médico-sociaux pour les personnes handicapées

La crise de l’offre dans le département, déjà sous-équipé, pourrait s’accentuer avec la fin des départs en Belgique pour les adultes en situation de handicap. En janvier 2021, lors de la réunion de la commission mixte paritaire en application de l’accord cadre franco-wallon de 2011 relatif à l’accueil des personnes en situation de handicap en Belgique, un moratoire sur la capacité d’accueil des adultes handicapés français en Belgique a été annoncé.

Avec près de 42% des personnes accueillies en Belgique ([102]), l’Île-de-France était la première bénéficiaire des conventions. 23 % des enfants accueillis en Belgique étaient ainsi originaires d’Île-de-France. Au total, environ 7 500 adultes et 1 500 enfants français atteints d’un handicap étaient jusqu’alors hébergés dans des établissements spécialisés en Belgique. Le nombre de personnes adultes sans solution risque d’augmenter considérablement suite à l’impossibilité de les adresser vers des établissements belges depuis février 2023.

  1.   UNE ÉCOLE EN CRISE QUI PEINE À TENIR LA PROMESSE RÉPUBLICAINE

Dans le premier degré public en Seine-Saint-Denis, l’éducation nationale a accueilli à la rentrée scolaire 2022-2023 186 344 élèves et 185 782 élèves à la rentrée scolaire 2023-2024, soit 562 élèves de moins. La part de l’enseignement privé y est plus faible qu’au niveau national et le département enregistre une baisse de sa démographie scolaire ([103]) – même si la tendance est moins marquée dans le 93 qu’au niveau national : entre 2017 et 2022, les effectifs séquano-dionysiens ont baissé de 2,3 % contre 4,8 % au niveau national.

Dans le second degré, on compte un peu moins de 139 000 élèves : les effectifs augmentent de 0,5 à 0,7 % alors qu’ils diminuent au niveau national. Le tableau ci-dessous présente l’évolution des effectifs scolarisés dans les écoles primaires et les établissements publics secondaires du département.

Évolution des effectifs scolarisés dans les écoles primaires et les établissements publics de l’enseignement secondaire en Seine-Saint-Denis

 

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2023-2024

Maternelle

75 146

73 473

72 850

72 050

Élémentaire

115 025

112 877

112 308

112 571

Classes spéciales

1 020

1 147

1 186

1161

Total 1er degré

191 191

187 497

186 344

185 782

Collèges

77 216

76 506

76 851

77057

SEGPA

1 896

2 017

2 011

1929

Total collèges

79 112

78 523

78 862

78 986

Voie gén. et techno

35 337

36 597

37 056

37 434

Voie pro

17 127

17 187

17 418

18 061

Total lycées

52 464

53 784

54 474

55 495

Source : Académie de Créteil.

Les enfants de Seine-Saint-Denis ont d’importantes difficultés scolaires – en particulier en compréhension orale et dans la résolution de problèmes mathématiques (1) – corrélées à la situation de leurs parents (2).

  1.   D’importantes difficultés scolaires, en particulier en compréhension orale et dans la résolution de problèmes mathématiques
    1.   Un décrochage dès l’entrée à l’école en maîtrise du vocabulaire et en résolution de problèmes mathématiques

Qu’il s’agisse de connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent ou d’écrire des nombres entiers, le niveau des élèves de CP de Seine-Saint-Denis est moins bon que dans le reste de la France métropolitaine. Néanmoins, tout faible qu’il soit, il reste assez proche du niveau moyen, comme l’illustrent les graphiques ci‑dessous ([104]).

« Connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent » (CP)

PCT : pourcentage ; IPS : indice de position sociale.

« Connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent » (CP)

 « Écrire des nombres entiers » (CP)

« Écrire des nombres entiers » (CP)

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance

En revanche, le ministère de l’éducation nationale observe en Seine-Saint-Denis un décrochage des élèves de CP dans des compétences complexes telles que la maîtrise du vocabulaire ou la résolution de problèmes mathématiques qui supposent une bonne maîtrise de la langue.

« Comprendre des mots à l’oral » (CP)

 « Comprendre des mots à l’oral » (CP)

Source : ibid.

On observe le même décrochage pour la résolution de problèmes mathématiques :

« Résoudre des problèmes » (CP)

« Résoudre des problèmes » (CP)

Source : ibid.

Comme au niveau national, on constate aussi un important décalage entre filles et garçons en résolution de problèmes mathématiques.

Dès l’entrée en classe de petite section de maternelle, à trois ans, le problème de vocabulaire observé au CP est déjà perceptible. Or, plus tôt la difficulté est décelée, plus elle est facile à corriger.

  1.   Des difficultés similaires en CE1

En CE1, on observe les mêmes tendances : un niveau comparable à la moyenne en lecture et en écriture mais un important décalage en compréhension orale et en résolution de problèmes mathématiques. En matière de compréhension orale, en CE1, comme en CP, le niveau des filles est meilleur que celui des garçons, en Seine-Saint-Denis comme en France métropolitaine. L’écart entre filles et garçons est en revanche beaucoup moins marqué en lecture – au niveau national comme dans le département de Seine-Saint-Denis.

  1.   En 6e, les élèves de Seine-Saint-Denis sont les moins bien classés de France métropolitaine, notamment en mathématiques

Au collège, on observe que les élèves de Seine-Saint-Denis – représentés en rouge ci-dessous – sont les moins bien classés de France métropolitaine, en français comme en mathématiques.

Si l’on observe un certain rattrapage en « fluence », le décrochage se confirme en résolution de problèmes :

 

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance

Les schémas ci-dessous présentent en rouge le classement, aux épreuves de français et de mathématiques, des collèges de Seine-Saint-Denis au diplôme national du brevet, en fonction de l’indice de position sociale des établissements :

d.   À indice de position sociale équivalent, l’indice de valeur ajoutée des collèges fait apparaître de nets écarts entre les élèves scolarisés dans le secteur privé et en REP+

Construit par la DEPP ([105]) sur le même modèle que l’indice de valeur ajoutée des lycées (IVAL), l’indice de valeur ajoutée des collèges (IVAC) a pour objectif d’évaluer la contribution des collèges à la réussite des élèves en allant au-delà des seuls résultats « bruts » aux examens ([106]). Les indicateurs en valeur ajoutée consistent à confronter les résultats de chaque collège à ceux attendus, compte tenu du profil des élèves scolarisés.

Le schéma ci-dessous illustre où se situent les indices de valeur ajoutée des collèges de Seine-Saint-Denis par rapport à la moyenne nationale.

L’indice de valeur ajoutée des collèges de Seine-Saint-Denis en 2022

Source : DEPP.

Comme l’a expliqué la DEPP aux rapporteurs, à indice de position sociale équivalent, selon le secteur ou le collège où ils entrent, les collégiens n’ont pas du tout le même niveau scolaire : les élèves appartenant aux groupes les plus défavorisés inscrits dans le secteur privé ont de bien meilleurs résultats scolaires que le même profil social qui rentre en REP+ ([107]).

e.   Un taux de jeunes de 16 à 25 ans non diplômés qui régresse et tend vers la moyenne nationale

Selon les informations transmises par la DEPP, la part des jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme ou possédant au mieux le diplôme national du brevet, et n’étant pas inscrits dans un établissement d’enseignement tend à régresser en SeineSaintDenis, étant passée de 15,4 % à 10,8 % entre 2007 et 2019.

Part des jeunes âgés de 16 à 25 ans peu ou pas diplômés (en %)

 

2007

2014

2019

Seine-Saint-Denis

15,4

13,9

10,8

Académie de Créteil

12,6

11,0

8,7

France métropolitaine

10,7

9,5

8,2

Source : Insee, recensement de population, calculs DEPP.

La baisse de 3 %, entre 2014 et 2019, de la part des jeunes âgés de 16 à 25 ans possédant au plus le diplôme national du brevet dans le département de Seine-Saint-Denis est plus importante que dans l’académie de Créteil (- 2,3 %) et que celle enregistrée en France métropolitaine (- 1,3 %).

  1.   Des difficultés scolaires corrélées à la situation des parents d’élèves du département
    1.   Les collégiens de Seine-Saint-Denis ont l’indice de position sociale le plus faible de France métropolitaine tandis que ceux de trois départements franciliens ont l’indice le plus élevé

La Seine-Saint-Denis se caractérise par la surreprésentation de la part de la population de 0 à 17 ans dont les deux parents ont un niveau inférieur au bac ou aucun diplôme ; un taux de pauvreté des familles deux fois plus élevé que la moyenne nationale, le taux de logements surpeuplés le plus élevé de France métropolitaine ; un niveau de vie médian des couples avec enfants de 17 000 euros, comme à La Réunion.

L’indice de position sociale des collèges de Seine-Saint-Denis permet de mieux appréhender la situation socio-économique des parents d’élèves du département.

L’indice de position sociale, un outil statistique de la direction de l’évaluation,
de la prospective et de la performance

L’indice de position sociale (IPS) d’un collège est un indicateur qui résume les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves qu’il accueille. Il permet de rendre compte des disparités sociales existantes entre collèges et en leur sein.

L’indice est élaboré en déterminant des valeurs de référence pour chaque profession et catégorie sociale des parents, ou pour chaque couple de professions et catégories sociales (père et mère). Ces valeurs de référence sont ensuite appliquées aux professions et catégories sociales disponibles dans chaque établissement scolaire, à partir de quoi est calculée leur moyenne dans ledit établissement. Les valeurs de référence de l’indice pour chaque profession et catégorie sociale, ou couple de professions et catégories sociales, sont déterminées grâce à l’analyse de données d’enquêtes statistiques (*).

L’indice de position sociale d’une profession et catégorie sociale donnée est ainsi voulu par le ministère de l’éducation nationale comme le résumé quantitatif de certains attributs socio-économiques et culturels favorables à la réussite scolaire, que l’on retrouve en moyenne pour cette profession et catégorie sociale.

(*) Les panels d’élèves de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale sont des dispositifs de suivi de cohortes composés de plusieurs milliers d’élèves représentatifs des élèves scolarisés en France. Ils permettent notamment, via des enquêtes auprès des familles des élèves, de recueillir des informations très précises sur les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves, telles que les niveaux de diplômes, les conditions matérielles, les pratiques culturelles, etc. Ces caractéristiques sont synthétisées par profession et catégorie sociale au moyen d’une analyse factorielle.

À la rentrée 2022, l’IPS moyen des collégiens en France était de 105 : cette moyenne recèle cependant des écarts très importants puisque les 8 départements les plus défavorisés socialement ont un IPS moyen inférieur à 95 tandis que 12 départements ont, quant à eux, un IPS moyen supérieur à 110. En dehors des départements ultramarins ([108]), les collèges de Seine-Saint-Denis ont l’indice de position sociale (92) le plus faible de France, juste devant l’Aisne, les Ardennes, la Haute-Marne et le Pas-de-Calais qui ont un IPS compris entre 92 et 95. À l’inverse, les départements les plus favorisés sont situés à Paris (126), au sud-ouest de l’Île-de-France (Hauts-de-Seine : 124 et Yvelines : 122), dans les Alpes (Isère, Savoie et Haute-Savoie) et dans les départements des grandes métropoles (Toulouse, Nantes, Rennes, Bordeaux, Lyon). Ces disparités géographiques de l’IPS des collégiens reflètent les différences de contexte économique et social des départements. Les départements dont l’IPS moyen est le plus élevé sont également ceux ayant le plus fort revenu médian.

En outre, l’indice de position sociale des collèges privés sous contrat de Seine-Saint-Denis est similaire à celui des établissements privés du reste de la France. C’est donc entre les établissements publics hors éducation prioritaire que l’écart se forme ([109]).

Indice de position sociale des collégiens en 2022

Indice de position sociale des collégiens ([110]) en 2022

Métropole et DROM

Académie de Créteil

Seine-Saint-Denis

Public hors éducation prioritaire

106,0

106,7

97,7

REP

85,3

85,2

83,8

REP+

74,4

77,5

77,6

Total Public

100,9

98,3

88,0

Privé sous contrat

121,1

127,1

119,7

Total public + privé sous contrat

105,3

102,2

92,2

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.

  1.   De fortes inégalités entre établissements de Seine-Saint-Denis

Ce n’est pas l’accueil d’élèves défavorisés qui caractérise les établissements de REP et de REP+ mais le fait qu’ils n’accueillent presqu’uniquement que ce type d’élèves. Ainsi, tant les établissements de REP+ que les établissements privés sous contrat se caractérisent par une forte homogénéité sociale : les premiers n’accueillant quasiment que des élèves défavorisés tandis que les seconds accueillent essentiellement des élèves favorisés.

III.   UN ÉTAT QUI SE VEUT « PLUS FORT » MAIS QUI ÉCHOUE À ATTIRER ET À FIDÉLISER LES AGENTS PUBLICS

À la suite du rapport d’information publié par François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo le 31 mai 2018, le Premier ministre Édouard Philippe a chargé le préfet de Seine-Saint-Denis de constituer cinq groupes de travail composés d’acteurs locaux et d’élus afin d’élaborer des mesures s’appuyant sur les constats de ce rapport. Le 31 octobre 2019, le Premier ministre a présenté le plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » comportant 23 mesures relatives à l’attractivité, la sécurité, l’éducation, la santé et la justice. Plusieurs de ces mesures visent à améliorer les infrastructures d’accueil des services publics dans les champs de la sécurité, de la justice, de la santé et – dans une moindre mesure – de l’éducation (A). Au-delà de ces efforts portant sur le bâti, les rapporteurs, tout comme les auteurs du rapport d’information dont ils assurent le suivi, dressent un bilan mitigé des politiques prioritaires menées en Seine-Saint-Denis (B). De fait, en dépit des efforts et de la bonne volonté affichée par les gouvernements successifs, les ressources humaines des services publics demeurent instables en Seine-Saint-Denis, notamment en raison du manque d’attractivité du département (C).

A.   UN EFFORT CONSÉQUENT EN FAVEUR DES INFRASTRUCTURES DES SERVICES PUBLICS

Parmi la vingtaine de mesures du plan gouvernemental, sont notamment prévus des investissements dans les infrastructures des services publics du département. Le plan « L’État plus fort » a ainsi servi d’accélérateur à plusieurs projets immobiliers au profit de la sécurité publique, de la justice, de l’éducation et de la santé (1). Cependant, certains projets d’infrastructure ont pris un retard important (2) et des incertitudes pèsent sur le projet hospitalo-universitaire Grand Paris Nord (3). Les rapporteurs saluent par ailleurs un soutien bienvenu à l’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux mais notent que certaines avancées en la matière sont peu documentées (4). Après Paris, la Seine-Saint-Denis est le département de France le moins doté en équipements sportifs, en particulier à l’école, mais les jeux olympiques et plusieurs plans d’équipement devraient quelque peu améliorer la situation (5). Enfin, dans un contexte national de dématérialisation des procédures, certaines administrations s’efforcent de maintenir un maillage de points d’accueil du public et recourent à des démarches d’« aller vers », ce qui n’empêche certaines dérives telles que le trafic de rendez-vous administratifs (6).

1.   Le plan « État plus fort » : un accélérateur pour plusieurs projets

a.   L’installation de la sous-préfecture de Saint-Denis dans d’anciens locaux de la Banque de France : un site opérationnel depuis septembre 2023

Parmi les mesures du plan « État plus fort », était prévu le relogement, d’ici à 2022, de la sous-préfecture de Saint-Denis dans d’anciens locaux de la Banque de France acquis par le ministère de l’intérieur en décembre 2019. Les travaux d’aménagement des locaux de l’ancien bâtiment de la Banque de France ayant été engagés en juin 2021, le site est opérationnel depuis le mois de septembre 2023 et accueille 75 agents de la sous-préfecture dont 9 délégués du préfet.

Selon les informations transmises par la préfecture de Seine-Saint-Denis, le chantier a pris du retard en raison d’une pollution au plomb ([111]) ayant entraîné un surcoût de 1,473 million d’euros. Des travaux complémentaires liés à des aléas de chantier ont alourdi l’enveloppe du projet de 494 187 euros. Le report de la livraison des locaux a entraîné la prolongation des baux de la préfecture et du logement du sous-préfet pour un montant de 144 538 euros. Au total, le coût du projet est passé de 12,57 millions d’euros prévus en 2019 – dont 7 millions de travaux – à 14,73 millions d’euros – dont 8,4 millions d’euros de travaux ([112]).

b.   La nette amélioration du taux d’équipements médicaux lourds soumis à autorisation

Afin d’améliorer le taux d’équipements lourds soumis à autorisation du territoire, le plan « État plus fort » prévoyait l’installation d’équipements supplémentaires dans l’ensemble du réseau hospitalier séquano-dionysien d’ici à 2021. Dès le printemps 2021, les autorisations pour le déploiement de six IRM, de trois scanners, d’un Tepscan ([113]) et d’un plateau d’imagerie médicale mutualisé ont été accordées. Depuis, les autorisations pour le déploiement de treize IRM et de neuf scanners ont été délivrées. Au total, le département est désormais équipé de 102 équipements médicaux lourds dans 22 communes. Par ailleurs, depuis juin 2023, toute structure disposant déjà d’une implantation d’équipements médicaux lourds peut en acquérir un nouveau sans avoir à demander une nouvelle autorisation à l’agence régionale de santé (ARS) francilienne.

c.   L’abondement à la dotation de soutien à l’investissement local

Dans le cadre du plan « État plus fort », il était également prévu d’allouer, pendant 10 ans, 2 millions d’euros par an supplémentaires à l’immobilier scolaire en augmentant la dotation de soutien à l’investissement local ([114]). Au total, les collectivités locales bénéficieront donc de 20 millions d’euros supplémentaires de l’État dans le cadre des investissements immobiliers scolaires qu’elles effectuent. Cette mesure est appliquée depuis 2019 ([115]).

Selon les organisations représentatives des personnels enseignants entendues par les rapporteurs, cette dotation manque cruellement de visibilité au regard des montants en jeu. Pour mémoire, en matière d’investissement dans l’immobilier scolaire – domaine qui relève de la compétence des collectivités locales :

– le plan départemental « éco-collège » 2021-2030 vise, à hauteur d’1 milliard d’euros sur dix ans, la rénovation de 43 collèges, la construction de 8 nouveaux collèges et la création de 7 000 places ;

– le plan d’urgence régional de 5 milliards d’euros en faveur de la modernisation des lycées qui vise la création de 21 000 places supplémentaires.

d.   La constitution de l’Institut de cancérologie multi-sites public-privé

Depuis 2018, le groupement de coopération sanitaire (GCS) de cancérologie de Seine-Saint-Denis est la structure de référence en matière d’offre de soins en cancérologie dans le département. En 2019, le Gouvernement a donc décidé, dans le cadre du plan « L’État plus fort », d’élargir cette coopération à l’ensemble des acteurs de santé impliqués dans la prise en charge des patients souffrant d’un cancer, y compris ceux du secteur privé. Le Gouvernement a également prévu l’institution d’un centre de recours local regroupant différentes consultations en oncologie.

En 2021, la signature de l’avenant à la convention de l’Institut départemental de cancérologie multi-sites du Nord-Est Parisien a associé aux établissements de santé publics fondateurs du GCS de cancérologie neuf établissements privés de Seine-Saint-Denis et l’association « Collaboration médicale pour les soins de proximité de qualité et la recherche en cancérologie 93 » (CM SPQR 93). L’un des objectifs de ce projet est d’éviter la « fuite » des patients séquano-dionysiens vers les hôpitaux parisiens.

e.   La création de structures de soins psychiatriques au sein de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

Afin de consolider la prise en charge non sectorisée des urgences psychiatriques dans le département, assurées par les services d’accueil des urgences de 5 établissements de santé publics du territoire, un centre renforcé d’urgence de psychiatrie a été créé à l’automne 2023 au sein du service des urgences psychiatriques de l’hôpital Delafontaine.

En outre, la Seine-Saint-Denis va bénéficier, à Neuilly-sur-Marne, de la création d’une unité de soins intensifs en psychiatrie composée de deux unités d’hospitalisation de 10 lits, de deux chambres d’isolement et d’une chambre médicalisée bariatrique ([116]), à destination des malades difficiles. Cette unité de soins intensifs psychiatriques a vocation à accueillir des patients dont la prise en charge est provisoirement contre-indiquée dans les unités d’hospitalisation de secteur. Il était prévu que les travaux de cette structure débutent au printemps 2023 pour une livraison à la fin de l’année 2024, mais le projet est provisoirement mis en suspens en attente d’un arbitrage sur le cadrage et le dimensionnement du projet.

Proposition : Mettre en application le projet de création d’une unité de soins intensifs en psychiatrie à Neuilly-sur-Marne.

2.   Plusieurs projets d’infrastructures ont pris un retard important

a.   Une rénovation des commissariats d’Aulnay-sous-Bois et d’Épinay-sur-Seine qui ne devrait s’achever qu’à la fin du second semestre 2025

Dans le cadre des investissements relatifs à la sécurité, les commissariats de police d’Aulnay-sous-Bois et d’Épinay-sur-Seine, qui accueillent respectivement 349 et 135 agents, devaient être rénovés d’ici à 2023. Les montants prévus pour la remise à niveau de ces infrastructures étaient de 16 millions d’euros à Aulnay-sous-Bois et de 14 millions d’euros à Épinay-sur-Seine.

L’évaluation du coût global de l’opération d’Aulnay-sous-Bois est désormais de 19,95 millions d’euros. Le lancement des travaux est prévu au deuxième trimestre 2024, la livraison technique au cours du second semestre 2025 et la mise en service au premier semestre 2026.

L’évaluation du coût global de l’opération d’Épinay-sur-Seine a également été revue à la hausse pour atteindre 15,5 millions d’euros. Le lancement des travaux doit avoir lieu au second trimestre 2024 pour une livraison technique au second semestre 2025 et une mise en service au premier trimestre 2026.

b.   Un retard de deux ans des travaux d’extension du tribunal de Bobigny

Mené par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) ([117]), le projet d’extension du tribunal judiciaire de Bobigny porte sur 13 000 m2 supplémentaires pour un budget de 120,35 millions d’euros : il s’agit du plus important projet pour les services judiciaires depuis la construction du tribunal judiciaire de Paris dans le 17e arrondissement de la capitale. L’avis d’appel à la concurrence pour le marché de maîtrise d’œuvre ayant été lancé en avril 2021, les candidats ont été sélectionnés en octobre 2021 et le projet architectural, en janvier 2023. Cependant, alors que le démarrage des travaux était initialement prévu début 2024 pour une livraison fin 2025 et une ouverture dans le courant du premier semestre 2026, les travaux seront finalement réalisés à partir de 2025. La livraison, retardée, est prévue à la fin de l’année 2027. Parallèlement, des travaux de rénovation électrique d’envergure sont conduits au sein de la juridiction de Bobigny depuis trois ans, ayant conduit à l’installation temporaire de 130 magistrats et fonctionnaires en dehors du site historique, dans de nouveaux locaux modernes. Enfin, d’autres travaux sont prévus en 2024-2025 : le réaménagement de trois boxes de détenus, la mise en accessibilité aux personnes handicapées de plusieurs salles d’audiences et des sanitaires, la remise à niveau du système de sécurité incendie du site historique et l’installation de rayonnages coulissants dans le service des pièces à conviction.

Les rapporteurs notent qu’au-delà de ces travaux de rénovation, l’amélioration des conditions de travail est un véritable défi au sein du tribunal et un enjeu quotidien majeur pour les quelque 750 personnes qui y travaillent comme pour les justiciables qui s’y rendent.

3.   Des incertitudes et des craintes pèsent sur le projet hospitalo-universitaire Grand Paris Nord

Représentant un investissement d’1,3 milliard d’euros, le projet hospitalo-universitaire Grand Paris Nord a pour objectif de regrouper, d’ici à 2028 au sein du futur CHU de Saint-Ouen, les activités des hôpitaux Bichat (Paris 18e) et Beaujon (Clichy-la-Garenne), ainsi qu’une structure universitaire réunissant les activités de recherche et de formation en médecine de l’université Paris Cité.

Signé en mars 2022 par le préfet de Seine-Saint-Denis, l’arrêté de déclaration d’utilité publique (DUP) du projet a été annulé par le tribunal administratif de Montreuil en juillet 2023 alors que les travaux de démolition sur le chantier à Saint-Ouen avaient commencé en juin 2023 : le tribunal administratif estime en effet que ce projet conduirait à diminuer le nombre de lits d’hospitalisation de 1 131 à 941, le nombre de places en ambulatoire, de 207 à 173 et le nombre de naissances pouvant être accueillies, de 3 238 à 2 000. Les rapporteurs s’inquiètent d’une opération qui risque in fine de faire baisser l’offre hospitalière et les capacités de la maternité.

Cependant, le 24 octobre 2023, la cour administrative d’appel de Paris a rendu un arrêt reconnaissant « le caractère d’utilité publique » du futur hôpital. Elle considère que « s’il s’avérait nécessaire de compléter les capacités hospitalières ainsi offertes, au regard de l’évolution des besoins de la population, l’intérêt du projet en serait certes diminué, mais pas au point de lui faire perdre son caractère d’utilité publique ». Il reste que la cour d’appel confirme l’existence d’un vice de procédure en raison de l’absence d’un « élément important d’appréciation de l’intérêt socioéconomique du projet » dans le dossier de l’enquête public permettant de recueillir les observations de la population. L’État a six mois pour réaliser une nouvelle enquête publique.

4.   Un soutien à l’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux attendu mais aux contours flous

a.   Les projets réalisés de restructuration du site du groupement hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil et du centre hospitalier universitaire Avicenne-Bobigny et de modernisation de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

La restructuration du site du groupement hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil vise à sa reconstruction sur un site voisin, Les Ormes, et à la construction d’un nouveau bâtiment d’environ 53 000 m² – composé de 394 à 438 lits et places de médecine, chirurgie et obstétrique et de soins prolongés complexes – dont l’ouverture est prévue en 2030. Le 3 mars 2022, le Premier ministre annonçait qu’une enveloppe nationale de 100 millions d’euros serait dédiée à la reconstruction de cet établissement. Les travaux relatifs au dimensionnement du niveau d’aide porté par l’agence régionale de santé au projet de transformation du groupement hospitalier de territoire Grand Paris Nord Est se poursuivent mais les montants devraient atteindre plusieurs centaines de millions d’euros dans les prochaines années.

Le plan prévoit aussi la construction d’un pôle mère-enfant à l’hôpital Avicenne et la modernisation de l’hôpital Jean Verdier. Le but est de transférer le pôle mère-enfant du centre hospitalo-universitaire Jean Verdier de Bondy vers le site de l’hôpital Avicenne à Bobigny. Après une phase d’étude d’octobre 2022 à mai 2023, les travaux ont débuté en juin 2023 pour une ouverture en 2025. Le bâtiment accueillera le service des urgences pédiatriques et gynéco-obstétriques, une maternité de niveau 2B pour 3 000 naissances, les services de gynécologie, néonatologie, de médecine de la reproduction et de pédiatrie. Le centre hospitalouniversitaire Jean Verdier deviendra un site universitaire de proximité, dans une logique de décloisonnement ville-hôpital.

Enfin le projet de reconstruction de l’établissement public de santé VilleÉvrard est une opération qui prévoit la transformation de 4 sites d’hospitalisation adultes et d’un site de pédopsychiatrie, pour un montant de 170 millions d’euros. Une aide financière de 81,7 millions d’euros sera apportée dans le cadre de la stratégie d’investissement en santé « Ségur en Île-de-France ». La livraison du projet est prévue en 2026.

b.   La modernisation du service des urgences des établissements de Montfermeil, d’Aulnay-sous-Bois et de Montreuil

Le plan gouvernemental « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » prévoyait aussi la modernisation des urgences des hôpitaux de Montreuil, de Montfermeil et d’Aulnay-sous-Bois d’ici à 2024. Les rapporteurs n’ayant reçu que très peu d’éléments d’information à ce sujet de la part des services de la préfecture, ils se contenteront d’indiquer que la modernisation des services d’urgences des centres hospitaliers d’Aulnay-sous-Bois et de Montreuil est finalisée pour un montant de 20 millions d’euros. Ceux-ci sont respectivement entrés en activité en avril 2022 et janvier 2023. Aucune information n’a été fournie concernant Montfermeil.

5.   Le département de France, après Paris, le moins doté en équipements sportifs

a.   Un département sous-doté dans une région également sous-dotée

Après Paris, la Seine-Saint-Denis est le département de France le moins doté en équipements sportifs avec 15,8 équipements pour 10 000 habitants ([118]). Le département manque notamment de bassins de baignade : il compte 34 équipements aquatiques pour 40 communes, soit 0,0034 piscine pour 10 000 habitants. En outre, le parc aquatique est vétuste : la moitié des équipements a été construite avant 1976 et la majorité n’a pas bénéficié de gros travaux de rénovation.

En milieu scolaire, le constat est semblable. Sans évoquer le cas parisien dont les caractéristiques sont spécifiques ([119]), la Seine-Saint-Denis, assez proche à cet égard du Val-de-Marne, est le département d’Île-de-France où le nombre d’infrastructures sportives en milieu scolaire est le plus faible. Comme l’indique le tableau ci-dessous, pour 10 000 habitants, la Seine-Saint-Denis compte 10,3 équipements en milieu scolaire, pour une moyenne francilienne de 12,4.

Nombre d’infrastructures sportives en milieu scolaire
pour 10 000 habitants à Paris et en Seine-Saint-Denis

 

Paris

Seine-Saint-Denis

Nombre d’infrastructures sportives

1 426

1 703

Nombre d’habitants

2 145 906

1 655 422

Nombre d’infrastructures sportives pour 10 000 habitants

6,6

10,3

Source : ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques.

Cependant, c’est l’Île-de-France dans son ensemble qui pâtit du manque d’équipements en milieu scolaire. En France métropolitaine, région parisienne exclue, on trouve en moyenne 25,4 équipements en milieu scolaire pour 10 000 habitants. C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale considère que cette carence doit être pensée non seulement dans un cadre plus global de développement du sport mais aussi dans un cadre géographique plus large que celui de la Seine-Saint-Denis.

Dans ce contexte, l’Agence nationale du sport et le Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 ont conçu un dispositif global appelé « Plus de sport à l’école ». Dans cet esprit, les « 30 minutes par jour d’activité physique » ont été introduites à l’école afin d’optimiser les temps de pratique des élèves. Ce dispositif va de pair avec les priorités affichées du ministère chargé des sports, en faveur de l’« aisance aquatique » et de « savoir rouler à vélo ». À la rentrée scolaire 2023, ont été instituées deux heures hebdomadaires supplémentaires d’activité physique et sportive pour les collégiens afin de renforcer l’accès aux activités physiques et sportives pour les collégiens en étant initialement éloignés.

b.   Plusieurs plans d’équipement sont en cours en Seine-Saint-Denis

Dans le cadre des jeux olympiques, l’État, Solideo et le conseil départemental visent à faire en sorte que l’héritage des jeux permette au département de disposer du centre aquatique olympique ainsi que du Pôle de référence inclusif sport métropolitain (Prisme), tous deux construits pour l’événement sportif de 2024. En 2020, la préfecture a investi plus de 16 millions d’euros pour soutenir les projets de rénovation et de création d’équipements sportifs des communes. Le conseil départemental, quant à lui, finance un plan piscine qui intégrera le réemploi des trois bassins temporaires installés pour les jeux olympiques de 2024 : ces bassins seront réimplantés à Sevran, Montfermeil, Bagnolet, Pierrefitte-sur-Seine, l’un d’entre eux étant divisé en deux.

Outre l’héritage bâtimentaire, l’un des objectifs visés par le Gouvernement dans le cadre des jeux olympiques est de favoriser le développement puis la structuration sur le territoire de nouvelles disciplines, telles que le skate board ou le break dance. Le plan exceptionnel d’investissement dans les équipements sportifs vise à remettre à niveau des équipements d’apprentissage en complément des équipements construits pour les jeux olympiques, en ciblant notamment les équipements de proximité en accès libre et avec des conventions d’utilisation avec des associations sportives, le développement des bassins d’apprentissage de la natation, la rénovation énergétique et la modernisation des équipements sportifs structurants et, enfin, des projets d’aménagement des équipements sportifs scolaires afin d’ouvrir leur utilisation à la pratique sportive associative ou d’améliorer leur utilisation par les associations sportives, en dehors du temps scolaire.

Enfin, deux volets gérés par l’Agence nationale du sport visent à créer des équipements de proximité : un volet national, pour les collectivités territoriales comme les régions et les départements, mais également les fédérations ; un volet régional et territorial pour les collectivités territoriales et les associations affiliées à des fédérations sportives. En 2023, la Seine-Saint-Denis est le seul département à bénéficier d’une convention de financement entre l’Agence nationale du sport et le conseil départemental sur le volet régional et territorial. Le dispositif garantit une enveloppe budgétaire ([120]) d’un montant total de 4,8 millions d’euros, intégralement attribuée en 2023 pour améliorer qualitativement et quantitativement les équipements de proximité du département. Le cadrage du projet prévoit prioritairement l’ouverture de nouveaux sites ([121]).

6.   Les points d’accueil du public à l’épreuve de la dématérialisation des services publics

Après avoir évoqué les projets d’amélioration des infrastructures d’accueil du public, les rapporteurs souhaitent faire un point sur le maillage physique des services publics dans le département de Seine-Saint-Denis. Dans le cadre des travaux de la mission d’information, plusieurs directeurs départementaux, tels que le directeur départemental des finances publiques ou le directeur de la caisse d’allocations familiales ont souligné l’importance qu’ils accordaient au maintien d’un maillage physique de points d’accueil du public (a). D’autres, tels la directrice de la CPAM, ont mis en avant une démarche « d’aller vers » (b). Il n’en demeure pas moins que la dématérialisation entraîne des dérives en Seine-Saint-Denis, telles que le trafic de rendez-vous en préfecture (c).

a.   Dans un contexte de dématérialisation des procédures, la direction départementale des finances publiques et la caisse d’allocations familiales ont fait le choix de maintenir un maillage de points d’accueil du public

Dans l’objectif de réaliser des gains d’efficience et de productivité, la dématérialisation consiste non seulement à numériser les documents « papier » de l’administration mais aussi à substituer à l’accueil physique dans des locaux administratifs la réalisation des démarches administratives en ligne par les internautes. Généralisé à l’ensemble du territoire et des administrations, ce processus soulève d’importantes difficultés en Seine-Saint-Denis où de nombreux usagers sont dans l’incapacité d’utiliser les outils numériques, ne serait-ce qu’à cause de la barrière linguistique, a fortiori à l’écrit : pour nombre d’administrés, se rendre au guichet pour échanger à l’oral avec un agent est la seule manière d’entrer en communication avec le service public, faute de maîtriser la langue française.

C’est pourquoi la direction départementale des finances publiques (DDFiP) comme la caisse d’allocations familiales (CAF) de Seine-Saint-Denis ont fait le choix de maintenir un réseau de points physiques d’accueil du public : aucun centre des finances publiques n’a été fermé depuis 2019 – grâce à la mobilisation des élus locaux et des parlementaires – et la CAF compte quant à elle cinq lieux d’accueil dans le département, le plus important étant à Saint-Denis, le siège historique de la caisse avant la départementalisation, et les autres à Rosny‑sous‑Bois, à Bobigny, à Noisy-le-Grand et à Aulnay-sous-Bois.

L’installation de nouveaux points de contact du réseau France Services et des points de paiement chez les buralistes relève de la même logique : le département compte ainsi 26 centres France Services dont 7 itinérants. Depuis juillet 2021, les usagers ont aussi la possibilité de régler chez les buralistes – par carte bleue ou en espèces jusqu’à 300 euros – certaines dépenses, comme la cantine scolaire, les centres aérés ou les amendes, ce qui fait bénéficier aux Séquano‑Dionysiens de 200 points de contact supplémentaires. Le directeur de la DDFiP du 93 a précisé aux rapporteurs que le temps d’accueil d’un usager était deux fois plus important dans le département qu’ailleurs en raison des difficultés de communication propres aux habitants de Seine-Saint-Denis.

En complément du maintien d’un maillage territorial, la DDFiP du 93 a adopté une stratégie multicanale, c’est-à-dire s’appuyant sur plusieurs canaux de communication : accueil physique, téléphonique et électronique. Durant la crise sanitaire, le développement des rendez-vous téléphoniques a ainsi permis à l’administration des finances publiques du département d’offrir aux usagers un accueil personnalisé et d’éviter les files d’attente générées par l’accueil en flux.

La CAF, qui compte cinq lieux d’accueil dans le département gère un flux de 8 000 à 10 000 visiteurs chaque semaine. Les allocataires étrangers du fichier CAF représentent un tiers du public. Ces personnes ne connaissent souvent pas leurs droits et ne maîtrisent pas les démarches, en plus de leur faible maîtrise de la langue. Cette situation oblige la CAF à garder un accueil physique important sans prise de rendez-vous, qui correspond aux besoins du département.

Enfin, si plusieurs centres d’accueil de la CPAM ont été fermés depuis quinze ans, la Seine-Saint-Denis conserve le deuxième réseau d’agences le plus dense de France après les Bouches-du-Rhône : elle compte 13 agences contre 11 à Paris, 10 dans les Hauts-de-Seine et 6 dans le Val-d’Oise.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont noté que la fermeture des accueils physiques au profit de la prise de contact en ligne accentuait les difficultés d’accès au service public de nombreux usagers et amplifiait le non-recours. De même, l’absence de salle de réunion pour recevoir les délégations qui se présentent à la direction départementale des services de l’éducation nationale à Bobigny peut contribuer à la dégradation des relations avec l’institution. Plusieurs administrations ont mentionné la récurrence de situations où les usagers se rendent dans un service public pour évoquer des problèmes ayant trait à d’autres services.

b.   Des acteurs tels que la caisse primaire d’assurance maladie ont adopté une démarche d’aller vers

Pendant la crise sanitaire et de manière expérimentale dans un premier temps, la CPAM de Seine-Saint-Denis, a adopté une démarche d’« aller vers », adaptée aux spécificités de la population. La caisse a ainsi eu recours aux appels téléphoniques après ciblage en s’appuyant sur ses bases de données ([122]) ou encore au déplacement des agents et professionnels de santé au plus près des habitants – par exemple, en positionnant un centre mobile au pied des tours d’habitation – afin d’optimiser les campagnes de vaccination, de dépistage et de prévention. Par ailleurs, sur les 1,7 million d’assurés de la CPAM de Seine-Saint-Denis, 1,2 million de comptes Ameli ont été ouverts ce qui représente 83 % de la population éligible, l’un des meilleurs taux en France d’après la caisse qui estime que la fracture numérique n’est pas massive. Cependant, contrairement aux autres départements, il y a moins d’équipement en ordinateurs dans le département et l’usage du smartphone y est majoritaire. De nombreux administrés n’ayant pas d’imprimante, la CPAM en a installé dans les locaux d’accueil du public. Enfin, de nombreux usagers présentant des difficultés de compréhension ou d’expression en langue française, la CPAM a également installé dans ses locaux des outils de traduction automatisée.

c.   Les dérives de la dématérialisation : le trafic de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres de séjour

Au titre de la réglementation applicable aux étrangers, la dématérialisation de la prise de rendez-vous en préfecture a favorisé le développement de pratiques illégales et la constitution d’un véritable marché noir, les rendez-vous étant cédés pour des montants allant jusqu’à plusieurs centaines d’euros. Le co‑rapporteur Stéphane Peu a ainsi dénoncé dans deux questions écrites, l’une publiée en 2019, l’autre en 2022 ([123]), les dysfonctionnements rencontrés depuis de nombreuses années par les usagers de la plateforme numérique mise à leur disposition par la préfecture de la Seine-Saint-Denis pour effectuer les démarches de régularisation administrative, de renouvellement de leur titre de séjour ou encore de demande de naturalisation. Le co-rapporteur juge une telle situation ubuesque. Selon lui, cette dernière confirme que le recours exclusif au numérique est une impasse à un accès normal des usagers au service public et à l’exercice effectif de leurs droits.

Proposition : Proscrire le recours exclusif à l’outil numérique comme moyen de communication entre les usagers et les administrations publiques et accompagner les usagers les plus en difficulté pour leur faciliter l’usage des outils numériques existants.

B.   UN BILAN MITIGÉ DES POLITIQUES PRIORITAIRES

Dans leur rapport d’information du 31 mai 2018, les députés Cornut‑Gentille et Kokouendo proposaient (proposition n° 1) de « repenser l’élaboration des politiques prioritaires en privilégiant l’identification de territoires prioritaires d’action et non plus seulement de domaines prioritaires ». Si la politique d’éducation prioritaire a nettement évolué depuis lors avec le dédoublement des classes (cf. infra) et si le nombre de quartiers de reconquête républicaine a augmenté en Seine-Saint-Denis à la suite du plan « État plus fort », on ne peut pas dire que le zonage et le champ d’application des politiques prioritaires aient évolué. Le Gouvernement n’a pas fait le choix, suggéré par MM. Cornut-Gentille et Kokouendo, de revoir intégralement la logique des politiques prioritaires. Par ailleurs, les deux députés précités préconisaient (proposition n° 9) de « créer des comités locaux de pilotage des politiques qui réuniraient, chaque semaine, le préfet, les représentants des services déconcentrés, les représentants des administrations centrales et des représentants locaux ». Selon les informations fournies aux rapporteurs, des comités stratégiques sont régulièrement organisés, associant l’État et les instances locales sur des thématiques précises – telles que l’emploi, l’insertion ou le handicap, s’agissant du conseil départemental. Les rapporteurs estiment donc que la proposition n° 9 est partiellement satisfaite.

Cinq ans après le rapport d’information des députés précités, les rapporteurs dressent un état des lieux mitigé des politiques prioritaires menées en matière d’éducation (1) et de sécurité (2).

1.   Une politique d’éducation prioritaire aux effets contrastés

Comme le rappellent nos collègues Roger Chudeau et Agnès Carel, auteurs d’un récent rapport d’information sur le sujet ([124]), l’éducation prioritaire est un renforcement des moyens alloués au service public de l’éducation dans un ensemble de territoires et d’établissements scolaires qui concentrent davantage de difficultés sociales. Elle vise à corriger l’inégalité par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé. Il s’agit de réduire à moins de 10 % les écarts de résultats entre les élèves qui bénéficient de cette politique et le reste de la population scolaire dans la maîtrise des compétences de base en français et en mathématiques sans que les résultats globaux baissent. L’objectif est aussi que chaque élève acquière tous les savoirs et toutes les compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Ayant beaucoup évolué depuis sa création en 1981, la politique d’éducation prioritaire est désormais structurée selon deux catégories de dispositifs : les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+), correspondant à des niveaux croissants de difficultés scolaires et sociales. Chacun de ces réseaux comprend un collège et des écoles maternelles et élémentaires.

Si au niveau national, 20 % des élèves relèvent de l’éducation prioritaire, la Seine-Saint-Denis compte trois fois plus d’établissements en éducation prioritaire que la moyenne, avec 56 % des effectifs du 1er degré et 60 % des effectifs au collège. Le département est à cet égard dans une situation comparable à la Martinique, la Guyane et Mayotte. Il y a également une part plus importante d’élèves résidant dans des quartiers prioritaires de la ville en Seine‑Saint‑Denis qu’au niveau national.

L’une des principales mesures récemment instituées en réseau d’éducation prioritaire est le dédoublement des classes en grande section de maternelle, en CP et en CE1. En Seine-Saint-Denis, cette mesure a eu le mérite de permettre le maintien du nombre d’enseignants en dépit de la baisse du nombre d’élèves scolarisés dans le département. Au-delà de cette analyse quantitative, il est difficile d’évaluer l’efficacité de la mesure à ce stade, compte tenu de son caractère très récent (a). Le dispositif est complété par des mesures relevant de la politique de la ville et du cadre national (b). En début de CE1, on constate une réduction des écarts entre les élèves en réseau d’éducation prioritaire et les autres élèves (c). Au collège, en REP+, un écart se creuse en mathématiques entre la Seine-Saint-Denis et le reste du territoire national (d). Enfin, la toute petite enfance, avant trois ans, est un âge clef pour l’acquisition de la maîtrise du langage. Or, elle n’est pas encore prise en compte par l’éducation prioritaire (e).

a.   Le dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire a permis un maintien du nombre d’enseignants en Seine-Saint-Denis en dépit de la baisse du nombre d’élèves inscrits dans le département

L’un des principaux outils de l’éducation prioritaire réside dans l’augmentation du taux d’encadrement des élèves par les enseignants : après le dispositif « Plus de maîtres que de classes » institué en 2012, le dédoublement des classes de CP et de CE1 lancé en 2017 puis étendu aux classes de grande section de maternelle à partir de 2020 a « simultanément accru les moyens de la politique d’éducation prioritaire et conforté leur ciblage en faveur du premier degré », soulignent les auteurs du rapport d’information de juillet 2023 précité.

i.   Un bilan quantitativement positif

En Seine-Saint-Denis ([125]), le dédoublement des classes, qui concerne 59 % des écoles du département, est effectif à 100 % en grande section de maternelle, en CP et en CE1 en REP et en REP+ ([126]) : c’est à ce jour le seul département de l’académie à être dans ce cas. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 a été effectué entre 2017 et 2020, suivi du dédoublement des classes de grande section en REP+ jusqu’en 2022. Le dédoublement des classes de grande section en REP est quant à lui effectif depuis la rentrée scolaire de septembre 2023. Au total, il représente plus de 1 500 emplois d’enseignants supplémentaires dont 476 en maternelle et 1 029 au niveau élémentaire, soit un investissement de l’État de 110 millions d’euros par an.

Dédoubler des classes suppose que les bâtiments scolaires disposent de l’espace suffisant pour les accueillir, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi certains établissements ont été contraints de maintenir l’effectif complet de 24 élèves et de faire intervenir deux enseignants en « co-enseignement » : en Seine-Saint-Denis, le co-enseignement représente 17 % en CP, 19 % en CE1 et 35 % en grande section tandis qu’au niveau national, 14 % des classes au total se déroulent en co-enseignement au lieu d’être dédoublées.

À la rentrée de 2023, les taux d’encadrement sont les suivants dans les établissements de REP et REP+ en Seine-Saint-Denis :

– en grande section de maternelle et autres niveaux, 13 431 élèves bénéficient d’un taux moyen de 13,26 ;

– en grande section « simple niveau », 12 704 élèves ([127]) bénéficient d’un taux d’encadrement moyen de 13,22 ;

– en CP, CE1 et autres niveaux, 26 285 élèves bénéficient d’un taux d’encadrement moyen de 13,10 ;

– en simple niveau CP et CE1, 25 899 élèves bénéficient d’un taux d’encadrement moyen est de 13,08.

Le taux d’encadrement des autres niveaux en maternelle (22,17) et en élémentaire (21,83) reste stable : ainsi, les effectifs des classes dédoublées sont‑ils respectés sans pour autant charger les autres niveaux. Localement, des contraintes de locaux, entre autres, peuvent conduire à des effectifs supérieurs.

Dans leur rapport d’information du 31 mai 2018, les députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo proposaient (proposition n° 5) de « faire évoluer les critères de répartition des effectifs afin de tenir compte des spécificités de l’action scolaire, policière et judiciaire dans les territoires ». S’agissant de l’école, le dédoublement des classes peut être considéré comme une forme d’évolution des critères de répartition des effectifs visant à tenir compte des difficultés propres aux élèves en réseau d’éducation prioritaire.

ii.   Un dispositif trop récemment mis en place pour être évalué à ce stade

Interrogé par les rapporteurs, le rectorat de Créteil estime que « la réduction des écarts de réussite entre l’éducation prioritaire et le hors éducation prioritaire aux évaluations de CP/CE1 peut être analysée comme une conséquence positive du dédoublement ». Quant à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), elle a indiqué ne pas être en mesure d’évaluer l’efficacité du dispositif à ce stade, le dédoublement étant trop récent dans certains établissements. Directrice de ce service statistique de l’éducation nationale, Mme Fabienne Rosenwald a indiqué qu’avec le dédoublement en CP et CE1, les élèves de REP+ progressaient davantage que les élèves qui étaient dans d’autres secteurs mais qu’il était impossible de déterminer si cette évolution était pérenne. En outre, le confinement imposé pendant la crise sanitaire complique l’analyse.

b.   Un dispositif complété par des mesures relevant de la politique de la ville et du cadre national

Si le dédoublement des classes – et plus globalement, l’élévation du taux d’encadrement – est la mesure éducative la plus importante en réseau d’éducation prioritaire, il est complété par une politique d’amélioration de l’attractivité des postes d’enseignant ([128]) et par un renforcement de l’accompagnement des élèves avec l’opération « devoirs faits », le « plan mercredi ([129]) », les « colos apprenantes ([130]) », les « quartiers d’été », le renforcement du rôle des médiateurs scolaires et la labellisation d’établissements comme « cités éducatives ».

i.   Les mesures relevant de la politique de la ville

Les cités éducatives visent à intensifier la prise en charge éducative des enfants et des jeunes, de la naissance à l’insertion professionnelle, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire. Elles associent les collectivités territoriales, le ministère chargé de la ville et l’éducation nationale. La Seine-Saint-Denis compte 12 cités éducatives, ce qui représente une dépense de 75 millions d’euros.

ii.   Les mesures d’ordre national

S’agissant de l’opération « Devoirs faits », depuis la rentrée 2023, l’éducation nationale a instauré un temps dédié, en dehors des heures de classe, à l’accomplissement par l’élève des tâches demandées par ses professeurs. Il a lieu dans l’établissement à des horaires appropriés, qui ne sont pas obligatoirement en fin de journée, à raison d’un volume horaire fixé par l’établissement. L’objectif est de faire bénéficier les collégiens ([131]) d’une aide appropriée au sein du collège afin de rentrer chez eux, « devoirs faits ». Au lycée, le dispositif s’intitule « Je réussis au lycée ». D’après le ministère de l’éducation nationale, le dispositif « Devoirs faits », d’ordre national est appliqué de manière légèrement renforcée en SeineSaintDenis : 35 % des collégiens séquano-dionysiens en bénéficient contre 32 % au niveau national. Les moyens attribués annuellement à la Seine-Saint-Denis au profit de « Devoirs faits » sont de 100 000 heures supplémentaires effectives. Depuis l’instauration du dispositif, 600 000 heures supplémentaires ont été allouées au département, ce qui représente une dépense de 34 millions d’euros. Au lycée, 27 717 heures d’enseignement ont été consacrées au dispositif « Je réussis au lycée ».

En outre, le ministère de l’éducation nationale tend à renforcer le temps d’accueil des élèves, l’offre périscolaire, le développement de « stages de réussite » ([132]) et « l’école ouverte » pendant les vacances scolaires ([133]).

Mesures éducatives annoncées par le Gouvernement
dans le cadre du Comité interministériel d’octobre 2023

Lors du dernier Comité interministériel à la ville, la Première ministre a annoncé l’ouverture des collèges de 8 à 18 heures en REP et REP+ à partir de la rentrée 2024 ainsi que sa volonté de favoriser l’accès aux internats d’excellence pour les élèves boursiers des quartiers prioritaires de la ville en leur assurant « zéro reste à charge » et de systématiser l’ouverture des écoles lors de la dernière quinzaine d’août dans les REP et REP+. Le plan prévoit le financement de 1 000 clubs sportifs pour le recrutement de 1 000 éducateurs socio-sportifs, à hauteur de 20 000 euros par club et par an pendant trois ans, et la mise en place du Plan 5 000 terrains de sport « Génération 2024 », évoqué supra.

Les auteurs du rapport d’information du 31 mai 2018 dont les rapporteurs assurent le suivi suggéraient (proposition n° 6) d’augmenter « les heures d’étude au collège et au lycée pour lutter contre le décrochage scolaire ». Si le Gouvernement a bien renforcé l’accompagnement des élèves avec les dispositifs nationaux « devoirs faits » et « je réussis au lycée », il ne s’agit pas à proprement parler de mesures visant à lutter contre le décrochage scolaire mais plutôt à consolider les apprentissages et à ménager des transitions au profit des élèves entrant en 6e et en 2de.

c.   Dans le premier degré, une relative réduction des écarts en début de CE1

Selon les informations fournies aux rapporteurs par la DEPP, en début de CE1, les écarts entre les élèves en réseau d’éducation prioritaire et les autres se sont réduits, sauf pendant l’année du confinement : si les élèves arrivent en CP avec des compétences très différentes selon les secteurs, les écarts se réduisent en cours d’année de CP. Le graphique ci-dessous présente une comparaison des résultats obtenus en CE1 en REP+ en Seine-Saint-Denis et en France métropolitaine pour la lecture de mots à voix haute, d’une part, et pour la compréhension orale, d’autre part : il en ressort que les résultats suivent des évolutions comparables mais que, comme hors éducation prioritaire, le niveau en Seine-Saint-Denis est légèrement supérieur en lecture mais inférieur en compréhension orale.

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ([134]).

En mathématiques, les résultats enregistrés en CE1 en REP+ sont quasi identiques en Seine-Saint-Denis et dans le reste de la France métropolitaine, qu’il s’agisse d’écrire des nombres entiers ou de résoudre des problèmes :

Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.

d.   Au collège en REP+, un écart qui se creuse en mathématiques entre la Seine-Saint-Denis et le reste du territoire national

Au collège, l’écart se creuse en REP+ entre la Seine-Saint-Denis et le territoire national en mathématiques. Les graphiques ci-dessous illustrent les résultats obtenus en 6e en REP+ en Seine-Saint-Denis et sur le territoire national, en français et en mathématiques.

Comme on l’a vu supra, il ressort de l’analyse des indices de valeur ajoutée des collèges qu’à indice de position sociale équivalent, les collégiens n’ont pas tous le même niveau scolaire : les élèves appartenant aux groupes les plus défavorisés et inscrits dans des collèges privés ont de bien meilleurs résultats scolaires que les collégiens de même profil social scolarisés en REP+. Les graphiques ci‑dessous présentent l’indice de valeur ajoutée des collèges de Seine-Saint-Denis, ces derniers étant représentés par des points rouges.

e.   La toute petite enfance, âge clef non encore pris en charge par l’éducation prioritaire

Tout comme la rapporteure de la mission d’information sur le bilan et le panorama de l’éducation prioritaire ([135]), Mme Agnès Carel, les auteurs du présent rapport saluent le fait que la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ait réduit de six à trois ans l’âge à partir duquel l’instruction est obligatoire et estiment eux aussi qu’« une lacune demeure pour les enfants dès deux ans, en particulier ceux qui sont les plus défavorisés ». Les faiblesses en compréhension orale et en résolution de problèmes mathématiques qui ont été constatées en Seine‑Saint‑Denis par la DEPP révèlent la relative faiblesse de niveau des enfants séquano-dionysiens en vocabulaire. Le rapport d’information sur l’éducation prioritaire rappelle ainsi que « les écarts d’acquisition entre les enfants sont déjà fortement marqués chez les enfants de deux ans en acquisition de la langue, de certains savoir-faire voire de comportements » ([136]).

2.   Une politique sécuritaire aux résultats encore difficilement perceptibles, compte tenu de l’insécurité croissante qui règne dans le département

a.   Une augmentation pérenne des effectifs dans les quartiers de reconquête républicaine

Créés en 2018 ([137]) dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, les quartiers de reconquête républicaine ont pour but de lutter contre la délinquance et les trafics grâce au déploiement progressif de moyens de police supplémentaires dans des lieux ciblés. Comme le rappelle la Cour des comptes dans un récent rapport consacré au sujet ([138]), « les QRR sont des zones géographiques caractérisées par des difficultés plus importantes qu’ailleurs, qui tiennent au niveau de la délinquance mesurée mais aussi à des paramètres extérieurs aux forces de police et de gendarmerie, tels que l’urbanisme, la sociologie et l’économie ; ce sont souvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans ces QRR, l’action des forces de sécurité intérieure est renforcée par des effectifs supplémentaires et par une concertation active avec le procureur de la République dans les cellules de lutte contre les trafics. L’action concertée avec les partenaires, générale pour la PSQ, y prend une importance plus grande en raison de la coordination nécessaire de différentes politiques publiques : rénovation urbaine, éducation, jeunesse, transport, etc. »

La lutte contre le trafic de drogue est l’un des objectifs principaux des effectifs supplémentaires déployés, l’idée étant à la fois d’étendre la présence horaire des policiers mais également d’accroître la connaissance qu’ont les agents du terrain. L’objectif est aussi de renforcer les contacts avec la population.

Dans l’agglomération parisienne, la préfecture de police a nommé ses unités « brigades territoriales de contact » et leur a donné pour mission principale la lutte contre la délinquance. Selon la Cour des comptes ([139]), « dans [ces] QRR soumis à des niveaux de délinquance élevés, ces brigades territoriales de contact conservent une vocation d’intervention et ne visent pas prioritairement les échanges avec la population ». En outre, « les questions transversales que soulèvent habituellement les quartiers prioritaires des politiques de la ville y ont moins de poids que la volonté d’une action policière contre la délinquance. La coordination entre l’urbanisme et la sécurité est moins visible et probablement moins prometteuse que dans d’autres régions » ([140]).

Les QRR de l’agglomération parisienne ont été délimités par la préfecture de police selon deux critères principaux : le niveau de délinquance et la qualité du partenariat avec les élus et les acteurs locaux, mesurée notamment par l’existence d’une police municipale et d’un réseau de vidéoprotection. Comme l’explique la Cour des comptes, « il s’agit de quartiers résidentiels à fort taux d’habitat social ou dégradé, accueillant une population à bas revenus issue de la diversité, dont la délinquance est caractérisée par l’importance des trafics de stupéfiants, et la fréquence des rixes et des violences physiques ». Enfin, « la déconcentration des décisions ne descend pas entièrement à l’échelle des circonscriptions de sécurité publique, ce qui s’explique par l’étendue de l’agglomération partagée entre plusieurs circonscriptions contiguës » ([141]). Et, ajoute la Cour des Comptes, « l’une des conséquences de ces caractéristiques propres est que les brigades territoriales de contact affectées aux QRR sont perçues comme plus tournées vers la poursuite des délinquants que vers la prévention ».

Sur les 8 quartiers de reconquête républicaine de l’agglomération parisienne (périmètre de la préfecture de police de Paris), 5 sont situés en SeineSaintDenis. Il s’agit :

– depuis 2018, du QRR du Gros Saule (Aulnay-sous-Bois) et des Beaudottes (Sevran) ;

– et, depuis 2019, du QRR de la Villette et des Quatre Chemins à Aubervilliers, du QRR de la Cité des Fleurs à La Courneuve, du QRR des Quartiers Nord à Saint-Denis et enfin, à Saint-Ouen, du QRR d’Arago, du Cordon, du 8 Mai 1945, de Soubise, de Dhalenne et de Charles Schmidt.

Du fait de la constitution de ces quartiers, en 2019, la circonscription de sécurité publique de Saint-Denis a été renforcée de 20 fonctionnaires affectés à la brigade territoriale de contact et de 5 fonctionnaires affectés à la brigade judiciaire de reconquête républicaine.

En 2020, la circonscription de La Courneuve a été renforcée de 23 fonctionnaires au sein de la brigade territoriale de contact (BTC) et de 7 effectifs au sein de la brigade judiciaire de reconquête républicaine (BJRR). Au 31 août 2023, ce chiffre était de 25 fonctionnaires : 17 en BTC et 8 en brigade judiciaire de reconquête républicaine.

Enfin, la même année, la circonscription de Saint-Ouen a obtenu 25 fonctionnaires supplémentaires en BTC et un en BJRR. Au 31 août 2023, ces effectifs sont désormais de 19 fonctionnaires, 17 en BTC et 2 en BJRR.

Au total, 44 effectifs sont désormais dédiés à ces deux quartiers de reconquête républicaine, contre 56 effectifs à la création en 2020.

Consacrant un développement de son rapport précité au QRR de Saint‑Denis, la Cour des comptes précise que ce QRR couvre le nord de la commune (quartiers Delaunay-Belleville-Semard et Floréal-Allende-Mutuelle) et ne reprend donc pas le tracé de l’ancienne zone de sécurité prioritaire du centre-ville. D’après la Cour, ce QRR a permis de porter à 32 les effectifs de la brigade territoriale de contact et de constituer une équipe de six enquêteurs sectorisée dans le QRR : « La bonne connaissance du terrain développée par ces enquêteurs donne, selon le commissariat, de très bons résultats. L’un des deux délégués à la cohésion police-population du commissariat est aussi spécialisé sur le QRR ; le recrutement souhaité de délégués supplémentaires se heurte à l’absence de candidats. (…) L’activité dans le QRR est majoritairement orientée vers la lutte contre les trafics de stupéfiants. Les résultats sont bons sur les agrégats de l’état 4001, avec les limites connues de cette statistique, mais aussi selon l’appréciation des policiers sur leur travail et selon les retours des habitants. »

Selon la Cour des comptes, la hausse des effectifs est significative et pérenne dans ces quartiers : ainsi la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) a-t-elle bénéficié de 202 effectifs supplémentaires au titre des QRR entre 2017 et fin 2021.

b.   Une augmentation de moyens sans commune mesure avec les chiffres de la délinquance dans le département

Si les rapporteurs saluent l’augmentation des effectifs dans les quartiers les plus sensibles de Seine-Saint-Denis, ils tiennent à mettre en garde contre la tentation, en concentrant des effectifs à un endroit, de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » : les fonctionnaires mobilisés dans tel commissariat ne peuvent plus l’être dans les autres de sorte que des services entiers se trouvent en limite voire en rupture de fonctionnement ([142]).

En outre, l’augmentation des effectifs de police dans le département – sur laquelle les rapporteurs reviennent dans le détail infra (III C 1 a) – est sans commune mesure avec l’ampleur de la délinquance qui y sévit.

C.   DES SERVICES PUBLICS AUX RESSOURCES HUMAINES TOUJOURS INSTABLES

Si l’État se veut « plus fort » dans le département, il semble voué à une certaine impuissance, les ressources humaines des services publics demeurant instables, cinq ans après les constats formulés dans le rapport d’information Cornut-Gentille-Kokouendo. Quel que soit le service public observé, cette instabilité peut s’expliquer par l’extériorité des agents par rapport au territoire : ces derniers n’en sont souvent pas originaires, n’y ont pas été affectés par choix voire, parfois, n’y habitent pas.

La Seine-Saint-Denis est souvent considérée comme une affectation de passage tant pour les cadres qui viennent s’y former que pour les nouveaux entrants qui n’attendent que de la quitter. L’affectation en Seine-Saint-Denis peut être choisie – c’est souvent le cas des agents de catégorie A – ou subie – c’est davantage le cas des agents de catégories B et C – mais dans les deux cas, elle est vécue et souhaitée comme temporaire. Selon M. Arnaud Bontemps, « cette situation contribue à la dégradation des conditions de travail et à la perpétuation d’une méconnaissance de la population ».

Déjà analysée dans le rapport d’information du 31 mai 2018, cette instabilité des effectifs est au cœur des problèmes des services publics en Seine‑Saint-Denis. La persistance d’un manque d’effectifs expérimentés et du « turnover » des agents (1) s’explique notamment par un déficit d’attractivité du département (2).

1.   La persistance d’un manque d’effectifs expérimentés et du « turnover » des agents

a.   Police : des effectifs en hausse mais manquant d’expérience

i.   Un nombre d’officiers de police judiciaire en hausse de près de 70 % dans le cadre du plan « État plus fort »

Répondant notamment à la proposition n° 5 du rapport d’information de MM. Cornut-Gentille et Kokouendo, le plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » prévoyait, parmi ses nombreuses mesures, de former 100 officiers de police judiciaire supplémentaires en deux ans, en 2020-2021. Selon les informations fournies aux rapporteurs par la préfecture de Seine-Saint-Denis, cet objectif a été atteint grâce aux efforts fournis en matière de formation, et en particulier grâce à la création de sessions supplémentaires de formation en sus des deux sessions annuelles habituelles. Ainsi, alors qu’en 2019, 55 agents avaient reçu l’habilitation d’officier de police judiciaire à l’issue des deux formations annuelles, en 2020, ce chiffre est monté à 89 agents et en 2021, à 128 en 2021 – soit 107 agents de plus en deux ans. Au 31 août 2023, 527 policiers du corps d’encadrement et d’application (CEA) sont habilités à exercer la fonction d’officier de police judiciaire en Seine‑Saint-Denis contre 304 en 2020 : leur nombre a ainsi augmenté de 69,06 % depuis le lancement du plan ([143]) « État plus fort ».

ii.   Des effectifs de sécurité publique en hausse de 5,29 %

Entre 2018 et 2022, la direction territoriale de sécurité publique de Seine‑Saint‑Denis (DTSP 93) ([144]) a vu ses effectifs augmenter de 5,29 % en équivalents temps plein (ETP), toutes catégories confondues, et de 8,29 % s’agissant du corps d’encadrement et d’application – à rebours de la tendance observée pour les autres directions territoriales de la DSPAP. La Seine-Saint-Denis dispose ainsi d’un policier pour 496 habitants, en deuxième position derrière Paris. En outre, lors d’épisodes de violences urbaines, le département bénéficie de renforts extra-départementaux issus de la sous-direction des services spécialisés (de la brigade anti-criminalité – BAC – de nuit et de la compagnie de sécurisation et d’intervention) et lors de grands événements organisés au Stade de France, de renforts de la direction de l’ordre public et de la circulation.

Source : préfecture de police de Paris.

La préfecture de police a souligné en audition que le département de SeineSaint-Denis bénéficiait à la fois d’une priorisation du territoire au sein de la DSPAP, s’agissant de l’affectation de primo-arrivants, mais aussi d’un renforcement de l’encadrement par l’accroissement du nombre d’officiers de police du corps de commandement et par un effort de fidélisation, passant par la prime de fidélisation territoriale sur laquelle les rapporteurs reviennent dans le détail infra.

iii.   Un service départemental de police judiciaire qui reste sous-doté

Quant au service départemental de la police judiciaire (SDPJ) ([145]), il a un effectif de référence fixé à 137 agents (4 membres du corps de conception et de direction, 39 du corps de commandement, 88 du corps d’encadrement et d’application et 6 personnels administratifs). Or, au 31 décembre 2022, l’effectif réel du service était de 120 fonctionnaires, contre 124 en 2018, 126 en 2020 et 129 en 2021. Selon les informations fournies aux rapporteurs, cette faiblesse relative du nombre d’agents explique notamment que dans certains groupes, dont ceux en charge des affaires criminelles, des homicides volontaires ou tentatives liés au trafic de stupéfiants, qui nécessitent beaucoup de temps et de technicité, les enquêteurs soient sur-sollicités et aient du mal à faire face à la masse de travail.

Les rapporteurs estiment impératif d’augmenter les effectifs du SDPJ de Seine-Saint-Denis afin de pouvoir créer deux groupes supplémentaires, ce qui serait de nature à améliorer sensiblement le rendement du service : un groupe de saisine venant s’ajouter aux trois groupes existants et un groupe travaillant sur renseignement afin d’initier des procédures d’association de malfaiteurs à l’instar de ce qui peut exister à Marseille.

L’objectif serait de mieux appréhender la délinquance enkystée au cœur de certaines cités, de permettre à chaque groupe d’enquêtes criminelles de bénéficier du temps suffisant pour déployer des techniques spéciales d’enquête nécessaires pour parvenir à élucider les faits les plus complexes et, enfin, d’adopter une démarche proactive en collectant du renseignement et en lançant des procédures visant des faits d’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime afin de démanteler des équipes avant leur passage à l’acte.

Proposition : Augmenter les effectifs du service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis afin de créer deux groupes d’enquêteurs supplémentaires.

iv.   Des effectifs souvent peu expérimentés

Sur le plan qualitatif, le préfet de police a indiqué ne pas disposer d’éléments permettant d’émettre un avis étayé sur le degré de sélectivité des concours de recrutement de policiers et a insisté sur l’importance des formations initiale et continue – sur lesquels les rapporteurs reviennent dans le C du IV.

Le préfet de police a reconnu que les agents du corps d’encadrement et d’application affectés en Seine-Saint-Denis étaient « mécaniquement moins expérimentés dans la mesure où les sorties d’école se font très largement en ÎledeFrance, et notamment dans le département 93, pour compenser les départs vers la province qui se font toute l’année » mais qu’ils « bénéficient sur le terrain de l’encadrement de cadres expérimentés ». Les gardiens de la paix affectés en Île‑de‑France en sortie d’école doivent obligatoirement rester entre cinq et huit ans dans la région.

b.   Justice : une augmentation des effectifs de magistrats insuffisante et une situation critique du nombre de greffiers

Le bilan dressé par les chefs de juridiction comme par les syndicats auditionnés par les rapporteurs est sans appel : le plan « État plus fort » a rempli ses objectifs en matière d’effectifs de magistrats, pour le siège comme pour le parquet, ce dont les rapporteurs se félicitent : les efforts en ressources humaines accomplis depuis 2018 ont permis au tribunal judiciaire de Bobigny de revenir dans la moyenne nationale – sans pour autant prendre d’avance.

Cependant, l’histoire évolue, qu’il s’agisse de la tenue des jeux olympiques et du plan zéro délinquance, de la priorité accordée à la répression des violences conjugales ou de l’intensification des enquêtes en matière de stupéfiants : il importe de prendre en considération les besoins réels de la juridiction.

Surtout, l’évolution des effectifs de greffiers n’a pas suivi celle du nombre de magistrats : le renforcement du service du greffe est désormais la priorité absolue en matière de ressources humaines au tribunal judiciaire de Bobigny.

i.   Le siège : un effort gouvernemental notable mais qui doit encore être poursuivi

Lorsqu’a été annoncé le plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » le 31 octobre 2019, le tribunal judiciaire de Bobigny disposait de 135 postes de magistrats du siège : tous étaient pourvus et le tribunal bénéficiait en outre de 3 magistrats supplémentaires soit un total de 138 pour le siège. Appelée « circulaire de localisation des emplois (CLE) », la clef de répartition des postes a augmenté en 2021-2022-2023 et est désormais de 146 magistrats du siège. Jusqu’au 1er septembre dernier, seuls 140 des 146 postes étaient pourvus et depuis le lancement du plan gouvernemental, deux magistrats de carrière étaient venus renforcer les effectifs du siège tandis que le nombre de magistrats « localisés au siège » avaient augmenté de 11. Avec l’installation de 32 magistrats du siège au 1er septembre 2023, le nombre de magistrats effectivement en poste est passé de 140 à 149. Le tribunal de Bobigny compte également 7 magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et 11 ([146]) magistrats à titre temporaire. Le siège bénéficie par ailleurs depuis le 1er septembre 2023 de l’affectation de juristes assistants supplémentaires de sorte qu’au 1er octobre 2023, le siège dispose de ([147]) 27 juristes assistants ([148]) et de 21 assistants de justice.

Cette augmentation du nombre de magistrats du siège a permis :

– la création, en novembre 2023, d’une chambre correctionnelle de « déstockage » (cf. encadré ci-dessous) de 497 dossiers d’instruction en attente de jugement par le tribunal correctionnel ;

– le renforcement du service du juge des libertés et de la détention ;

– le renfort du service de l’instruction grâce à la création de deux cabinets d’instruction supplémentaires.

Des besoins subsistent en vue de la préparation des jeux olympiques et paralympiques de 2024. Il s’agirait notamment de créer :

– une chambre correctionnelle de renvoi des comparutions immédiates pour la délinquance organisée – chambre qui serait composée de 3 magistrats du siège et de 4 fonctionnaires du greffe ;

– une chambre correctionnelle dédiée aux violences conjugales, qui aurait la même composition que la précédente.

Cette nouvelle chambre dédiée aux violences conjugales a vocation à être intégrée au sein d’un futur pôle dédié ([149]) aux violences intrafamiliales visant à favoriser les échanges d’information entre les magistrats saisis de ces enjeux et, partant, d’assurer un traitement plus verticalisé et donc plus rapide de ces dossiers ainsi que la traçabilité de leur suivi. Il s’agirait de traiter simultanément le contentieux familial et le contentieux des mineurs – et en particulier celui des mineurs non accompagnés – et, in fine, d’éviter les féminicides. Les audiences de proximité que le président et le procureur du tribunal judiciaire tiennent tous les mois à Saint-Denis sont elles aussi consacrées aux violences conjugales.

Au total, le tribunal judiciaire de Bobigny aurait besoin de 10 magistrats de carrière supplémentaires ([150]).

Proposition : Affecter au minimum dix magistrats du siège supplémentaires au tribunal judiciaire de Bobigny.

« Déstockage » et « délestage » des dossiers au tribunal judiciaire de Bobigny

Afin de faire face à l’afflux de dossiers, les chefs de la juridiction de Bobigny ont créé en novembre 2023 une nouvelle chambre correctionnelle dite de « déstockage ». L’objectif de cette dernière est de traiter le stock de dossiers d’information judiciaire, c’est‑à‑dire faisant l’objet d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction devant le tribunal correctionnel – non audiencées, faute de place. La plus grande part de ces dossiers concerne des faits de violences au sein du couple et au sein de la famille. Ainsi créée, cette nouvelle chambre devrait redonner des capacités de jugement aux chambres spécialisées. Une fois le « stock » de dossiers épuisé, cette chambre est vouée à devenir la 3e section de la 14e chambre du tribunal judiciaire de Bobigny.

D’autre part, dans la perspective des jeux olympiques de 2024, les chefs de juridiction souhaitent procéder à un « délestage » visant quant à lui à libérer les audiences de comparutions immédiates des dossiers de renvois de précédentes audiences de comparution immédiate (*).

(*) En comparution immédiate, le renvoi peut être de droit (à la demande du prévenu pour préparer sa défense) ou à l’appréciation du tribunal pour autre motif (autre demande de renvoi, expertise…). Les dossiers sont renvoyés sur les chambres de comparution immédiate, de sorte que chaque jour, les audiences sont déjà constituées par un certain nombre de dossiers de renvois, dont certains libres sous contrôle judiciaire, ce qui limite de fait les capacités de poursuite du parquet selon cette voie. En créant des audiences de délestage, l’objectif est de prévoir des audiences dédiées aux seuls dossiers de renvois, pour libérer les deux audiences quotidiennes qui pourront donc être entièrement dédiées aux déférés du jour.

ii.   Le parquet : un effort conséquent, indispensable au vu du stock de dossiers

Globalement, le nombre de magistrats affectés au parquet du tribunal de Bobigny, assez instable mais connaissant une tendance à la hausse, oscille depuis 2019 entre 53 et 63 ([151]). Depuis le 1er janvier 2023, la circulaire de répartition des emplois fixe à 58 le nombre de magistrats du parquet. Actuellement, le parquet bénéficie d’un effectif de 61 magistrats dont deux substituts placés plus un dans le cadre d’un contrat d’objectif. Au 1er décembre 2023, l’effectif devrait être porté à 63 magistrats, dont 5 substituts placés.

L’un des objectifs de cette augmentation des effectifs est de couvrir le surcroît d’activité lié à l’organisation des jeux olympiques et en particulier l’augmentation des gardes à vue effectuées en amont de l’événement. Ce renfort doit également permettre de créer des audiences supplémentaires destinées à réduire le stock de dossiers pendants – sachant que ce stock va augmenter avec les procédures liées aux jeux olympiques – et à juger les affaires les plus importantes en matière de stupéfiants et de délinquance organisée.

Il n’y a pas d’évolution des effectifs concernant les juristes assistants, assistants spécialisés, assistants de justice et délégués du procureur. Le parquet compte ainsi un magistrat honoraire représentant le procureur aux instances partenariales, 7 juristes assistants, 9 assistants de justice, 7 assistants spécialisés, un chef de cabinet du procureur et deux élèves avocats en stage par an.

iii.   Des effectifs de greffe qui n’ont pas suivi l’évolution du siège et du parquet

Siège, parquet et greffe sont en lien d’interdépendance : la cohérence entre effectifs des magistrats du siège, du parquet et des fonctionnaires de greffe est impérative. Le moindre déséquilibre a une incidence sur l’activité juridictionnelle. Or, alors que la circulaire de répartition prévoyait 241 postes de greffiers à Bobigny en 2022, il n’y en avait que 222 réellement en poste au 1er septembre 2023, dont 221 affectés à l’activité juridictionnelle. Il manque donc 19 greffiers au sein de la juridiction, soit 7,8 % de l’effectif. Le tableau ci-dessous présente l’évolution des effectifs du greffe au tribunal judiciaire de Bobigny entre 2020 et 2022 par catégorie et l’effectif réel au 1er septembre 2023.

Évolution des effectifs du greffe du tribunal judiciaire de Bobigny

 

CLE 2020

Réel au 31/12/2020

CLE 2021

Réel au 31/12/2021

CLE 2022

Réel au 01/09/2023

Catégorie A

25

27

25

28

25

36

Greffier

228

217

238

237

241

222

SA

8

9

10

8

12

9

Contractuels catégorie B

 

 

 

 

23

15

Catégorie C

203

190

195

182

189

162

Contractuels catégorie C

 

 

 

 

 

10

 

464

443

468

456

490

454 ([152])

Source : tribunal judiciaire de Bobigny.

 

Tribunal judiciaire

de Bobigny

Clé 2022 Nombre d’emplois

Dont emplois fonctionnels

Effectifs réels au 01/09/2023

Dont emplois fonctionnels

ETP

différences

Catégorie A Directeurs

25

3

36

3

35,40

-11

Greffiers

241

5

222

2

219,60

19

SA

12

 

9

 

9

3

CONTRACTUELS B

23

 

15

 

15

8

Adjoints administratifs dont 4 contractuels C recrutés par gel d’emploi

171

 

147

 

140,80

24

Adjoints techniques

18

 

15

 

14,80

3

Contractuels C

 

 

10

 

10

 

Total TJ

490

 

454

 

444,60

36

Source : tribunal judiciaire de Bobigny.

Outre qu’ils sont en nombre insuffisant, les emplois de greffier sont uniquement pourvus par de jeunes greffiers sortant de l’École nationale des greffes, aucune arrivée en mutation de greffier n’étant intervenue entre 2020 et 2023 au tribunal judiciaire de Bobigny sauf une en septembre 2023 ([153]). À cet égard, la juridiction de Bobigny subit un effet « d’accordéon » puisque, pour prendre l’exemple de la rentrée 2023, les départs en mobilité des greffiers au 1er septembre 2023 n’ont été compensés que le 13 novembre 2023 par l’arrivée de 29 greffiers stagiaires dont la titularisation interviendra le 5 mars 2024.

Pour combler ce manque, le tribunal recrute des contractuels : depuis 2020, dans le cadre de la justice de proximité, 23 emplois de contractuels ([154]) et 12 emplois de « contractuels C » ([155]) ont été créés et la juridiction devrait pouvoir proposer à ces agents contractuels la transformation de leur contrat en contrat à durée indéterminée à partir de janvier 2024 ([156]).

Ainsi, si les effectifs de greffiers ont globalement augmenté, les rapporteurs estiment qu’ils demeurent insuffisants au regard de l’activité du tribunal judiciaire et qu’il conviendrait d’agir sur plusieurs tableaux. Tout d’abord, il serait souhaitable d’apporter les renforts nécessaires aux besoins structurels du greffe dans les services de la chaîne pénale ([157]) et dans les services transversaux ([158]) afin de garantir un fonctionnement fluide du tribunal, l’apurement des stocks  en particulier en matière d’exécution des peines – et la prise en compte des sujétions liées à l’organisation des services de permanence. Ensuite, dans les services civil, correctionnel et de l’instruction, la mise à disposition de greffiers « volants » permettrait de répondre en tant que de besoin à des surcharges liées à des événements ponctuels ou de conclure des contrats d’objectifs au sein de service en difficultés. Il serait également nécessaire d’accompagner la création des postes de magistrats, en particulier dans le cadre de la création, en novembre 2023, de la chambre de déstockage déjà évoquée plus haut. Il convient par ailleurs d’assurer les moyens nécessaires au renforcement de la chaîne pénale dans la perspective de la préparation des jeux olympiques, du déroulement des jeux et de la phase qui s’ensuivra, sachant que sont prévues la création d’une chambre correctionnelle supplémentaire dédiée au traitement judiciaire préparatoire aux jeux olympiques et l’augmentation des effectifs des divisions du parquet.

Concrètement, il conviendrait de localiser à Bobigny vingt emplois de greffiers supplémentaires pour compenser la vacance et de créer 53 postes.

Proposition : Localiser en urgence au tribunal judiciaire de Bobigny vingt emplois de greffiers supplémentaires et créer cinquante-trois postes de greffier.

Le tableau ci-dessous présente la situation des effectifs au 1er septembre 2023 des sept tribunaux de proximité :

Tribunaux de proximité

CLE 2022 Nombre d’emplois

Dont emplois fonctionnels

Effectif réel au 01/09/2023

Dont emplois fonctionnels

ETP

différences

Catégorie A Directeurs/greffiers fonctionnels

7

 

6

 

6

0

Greffiers

36

 

26

 

25,80

10

Adjoints administratifs

27

 

25

 

24

2

TOTAL

70

 

57

 

55,80

12

Source : tribunal judiciaire de Bobigny.

Un système d’information défaillant pour les agents et une charge dactylographique très lourde pour les greffiers

Si les difficultés propres à l’usage du système d’information Cassiopée ne se rencontrent pas qu’au tribunal judiciaire de Bobigny, le co-rapporteur Stéphane Peu – qui a eu l’occasion de visiter la juridiction le 26 octobre 2023 dans le cadre des travaux de la mission d’information – tient à en faire état, tant elles pèsent sur le travail des agents du tribunal.

Logiciel dit « Chaîne Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale Et Enfants », Cassiopée a été développé par le ministère de la justice afin d’enregistrer et de compiler les informations issues de plaintes ou de procès dans le cadre de procédures judiciaires. Il a pour but d’améliorer le traitement des dossiers et d’en créer un panorama complet pour les magistrats, de réduire le délai de traitement des dossiers et d’assurer l’information aux victimes. L’un des objectifs était d’établir des fichiers statistiques descriptifs en matière pénale. Installé en 2008 au sein des juridictions de grande instance, il fut critiqué dès 2011 en raison de ses nombreux dysfonctionnements et n’est plus guère utilisé, en raison de son manque d’ergonomie, par les magistrats et les greffiers qui sont revenus à l’usage d’anciens logiciels.

D’autre part, lors de ses échanges avec des greffiers de Bobigny, le rapporteur a été frappé par l’omniprésence du support papier à l’ère du tout numérique et par le temps passé par ces agents à dactylographier les décisions des magistrats. Sans doute serait-il souhaitable de mettre un terme à certains modes de fonctionnement archaïques de la justice et de rationaliser les procédures en dotant les personnels d’un logiciel d’aide à la rédaction des décisions de jugement. Si ce constat établi depuis plusieurs décennies dépasse largement le cadre du tribunal judiciaire de Bobigny, l’enjeu est nettement plus massif dans cette juridiction qu’ailleurs, au regard du nombre de dossiers à traiter et des problèmes d’effectifs rencontrés par le service des greffes.

iv.   Un manque d’effectifs qui affecte aussi les agents de police du dépôt

Si la juridiction de Bobigny manque de greffiers, elle manque aussi de policiers : l’insuffisance des capacités du dépôt du tribunal entraîne de nombreux dysfonctionnements dans l’activité juridictionnelle pénale. Ainsi le temps d’attente des escortes est-il estimé à 20 % du temps d’audience correctionnelle. Ces difficultés tiennent certes aux contraintes architecturales du tribunal  auxquelles le projet d’extension entend remédier – mais aussi au sous-effectif des agents du dépôt : à la suite de sa visite en juillet 2023, le préfet de police a annoncé que ces effectifs seraient renforcés par 3 affectations de sorties d’écoles successives jusqu’en décembre 2023. Ce renfort devrait permettre au dépôt d’atteindre l’effectif cible de 135 fonctionnaires, contre 125 au 16 novembre 2023. Il est par ailleurs prévu de faire évoluer les cycles de travail des policiers afin d’augmenter le nombre de fonctionnaires présents pendant les plages horaires de forte activité. À titre de comparaison, 19 000 personnes par an passent au tribunal judiciaire de Paris, doté de 650 agents des forces de sécurité intérieure tandis qu’au tribunal judiciaire de Bobigny, ce sont 14 000 personnes par an, sous la surveillance de 125 agents des forces de sécurité intérieure.

v.   Une juridiction qui subit les conséquences de son manque d’attractivité

Dans le cadre de leur rapport du 31 mai 2018, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo déploraient à la fois le turnover et le manque d’expérience des agents affectés par le ministère de la justice en Seine-Saint-Denis : ce constat reste d’actualité en 2023, ce que déplorent les rapporteurs.

Ainsi, le taux de rotation des personnels du tribunal judiciaire de Bobigny était de 17,21 % en 2021 et de 23,40 % en 2022 avec pour conséquence une perte de la mémoire des services et des services aux effectifs non stabilisés nécessitant des réorganisations constantes. Ce taux de rotation ne concerne pas tant les magistrats ([159]) – qui, lorsqu’ils sont affectés à Bobigny en sortie d’école, le sont par choix – que les autres catégories d’agents.

Les chefs de juridiction notent aussi l’augmentation des demandes de détachement et des départs hors mouvements de mobilité avec des départs tout au long de l’année sans possibilité de remplacement. Les rapporteurs relèvent notamment que les greffiers qui arrivent de régions hors Île-de-France demandent souvent leur mutation à peine un mois après leur arrivée afin de retourner dans leur région d’origine.

Les postes de greffier sont tous pourvus par des fonctionnaires sortant d’école ou par le biais du recrutement sans concours de personnels de catégorie C : cela nécessite un temps de formation important au profit de personnels restant en poste pendant des durées très courtes, allant d’un an pour les personnels de catégorie C à deux ans pour les greffiers. Ainsi, en 2022, 32 greffiers sortant de l’École nationale de greffe et 16 adjoints administratifs issus du recrutement sans concours ont pris leur fonction au tribunal judiciaire de Bobigny. En 2023, 29 greffiers sortant de cette école ont été titularisés et rejoindront le tribunal le 13 novembre tandis que 3 autres seront affectés dans les tribunaux de proximité.

Par ailleurs, le tribunal judiciaire de Bobigny enregistre un taux d’absentéisme très important : il était de 10,72 % au 31 décembre 2021 et de 12,54 % au 31 décembre 2022 ([160]).

Globalement, les rapporteurs estiment que les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du plan « État plus fort » constituaient une étape nécessaire mais non suffisante : on ne peut que saluer que ces engagements aient été respectés mais il reste encore du chemin à parcourir pour que la juridiction de Bobigny dispose de moyens humains à la hauteur des besoins des justiciables et d’un service public judiciaire digne de ce nom. L’effort de l’État doit être poursuivi afin d’« écouler les stocks » de dossiers qui s’accumulent, d’augmenter les capacités de traitement des affaires de violences conjugales et intrafamiliales – priorité affichée par le Gouvernement –, et de pleinement appliquer le volet judiciaire du plan « zéro délinquance » – faute de quoi l’action renforcée des policiers sera vaine.

Dans leur rapport du 31 mai 2018, François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo proposaient (proposition n° 8) d’augmenter et de stabiliser les effectifs judiciaires, d’une part, en mettant en œuvre pour les magistrats une obligation de durée minimale d’exercice de trois ans dans une même juridiction ainsi qu’une durée maximale de dix ans et, d’autre part, en valorisant les carrières pour les magistrats et fonctionnaires de juridictions au contexte de travail difficile ainsi qu’une revalorisation indemnitaire. Les rapporteurs notent que la règle des trois ans minimum d’affectation à un même poste, déjà applicable auparavant en cas de première affectation, est désormais applicable à tous les magistrats depuis le 1er janvier 2021. En outre, la règle des dix ans maximum d’affectation à un même poste est déjà en vigueur depuis 2001 pour les magistrats exerçant des fonctions spécialisées (juge d’instruction, juge des enfants, juge des libertés et de la détention, juge de l’application des peines et juge des contentieux de la protection). S’agissant de la valorisation des carrières, d’une part, le Garde des Sceaux a annoncé en octobre 2023 l’augmentation du volet indemnitaire de la rémunération des magistrats et des négociations sont en cours au profit des greffiers ; d’autre part, les rapporteurs notent que certains magistrats se voient offrir la possibilité d’un avancement sur place, sans obligation de mobilité – ce qui permet de valoriser les carrières tout en limitant le turnover. Si l’ensemble de ces mesures ne sont pas spécifiques à la Seine-Saint-Denis, les rapporteurs jugent satisfaite la proposition n° 8 du rapport Cornut-Gentille-Kokouendo.

Les demandes budgétaires pour les années 2023-2027
s’inscrivent dans le prolongement du renforcement déjà intervenu
et dans la perspective de l’extension du tribunal judiciaire de Bobigny fin 2027

Les objectifs que se fixe la juridiction de Bobigny à l’horizon de 2027 reposent sur la mise en cohérence entre effectifs du greffe et effectifs de magistrats, le renforcement de la politique juridictionnelle en matière familiale et de lutte contre les violences intrafamiliales, le renforcement de la justice des mineurs, le renforcement de l’exécution des peines et de l’application des peines, la lutte contre la délinquance financière et la criminalité organisée, les contentieux de la vulnérabilité et de la proximité, le jugement de dossiers criminels et le renforcement de la gouvernance et de l’administration du tribunal.

vi.   La sécurité et la sûreté des personnels à l’audience, sujet de préoccupation majeure

Plusieurs incidents à l’audience – prises à partie, menaces ou prises d’images – ou concernant des juges des enfants ont été relevés au tribunal judiciaire de Bobigny : ils nécessitent notamment de solliciter la présence de policiers lors des audiences de comparution immédiate et de recourir à un logiciel d’émission de messages d’alerte. La sécurité et la sûreté des personnels à l’audience sont désormais un sujet de préoccupation majeure au tribunal judiciaire de Bobigny.

c.   Éducation : des ressources humaines à la peine

Comme dans la police et la justice, les ressources humaines de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis restent caractérisées par le manque d’expérience, le turnover et l’absentéisme de nombreux agents.

i.   Un recours très important aux contractuels pour combler le manque d’effectifs titulaires

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, le nombre de contractuels affectés dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis est très important.

Effectifs d’enseignants du premier degré dans les écoles publiques
de Seine-Saint-Denis

 

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2023-2024

Effectifs

12 686

12 477

12 400

12 377

Fonctionnaires stagiaires (FS)

931

757

447

556

Contractuels (CTR)

574

577

808

952

Ratio FS/CTR

0,6

0,8

1,8

1,7

Alternant M2/ECA ([161])

73

17

79

88

Source : DSDEN 93.

En outre, la proportion de contractuels a nettement augmenté à la rentrée scolaire 2022-2023 puis en 2023-2024 en raison de la baisse de rendement des concours de recrutement. Il convient néanmoins de replacer cette évolution dans son contexte : en effet, elle s’explique par la réforme du concours de recrutement ([162]), désormais reporté en fin de master 2. Cette situation n’est pas propre à la Seine-Saint-Denis : elle est similaire dans les autres académies. En outre, cette diminution est compensée puisque la réforme du concours permet à ses lauréats, titulaires d’un master 2 « métiers de l’Enseignement, de l’éducation et de la formation », d’apporter des « moyens d’enseignement » équivalents à un temps plein alors qu’auparavant, les professeurs stagiaires n’apportaient de « moyens d’enseignement » qu’équivalant à un mi-temps.

En 2023, le concours de recrutement de professeur des écoles de l’académie de Créteil a davantage de lauréats qu’en 2022, notamment grâce à l’organisation d’un concours supplémentaire (177 lauréats), mais il a quand même fallu employer 900 contractuels (8 % de l’effectif total) à la rentrée scolaire. L’augmentation du ratio entre contractuels et enseignants stagiaires à la rentrée scolaire 2022-2023 puis en 2023-2024 traduit l’insuffisance de l’apport en étudiants fonctionnaires stagiaires dans le département lors des deux dernières sessions du concours de recrutement de professeurs des écoles, malgré l’organisation d’un concours supplémentaire.

S’agissant des concours de recrutement, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo proposaient (proposition n° 6) « d’assurer une meilleure adéquation entre les épreuves des concours de recrutement et les enseignements en classe ». Cette proposition n’a pas donné lieu à évolution.

Dans le second degré, l’effectif global des enseignants titulaires et contractuels s’élève à 10 991 personnels. Si le ratio varie selon les disciplines, les enseignants contractuels représentent 13 % des effectifs, soit 1 455 personnels. Cette proportion est en légère diminution depuis 2019, année où elle était de 14,7 %. Cette évolution s’explique, d’une part, par une augmentation des effectifs de titulaires ([163]) et, d’autre part, par l’accueil de 259 ([164])stagiaires à la rentrée scolaire 2023‑2024. Le ratio entre contractuels et stagiaires est passé de 4,63 en 2019 à 5,62 en 2023.

Selon les informations fournies aux rapporteurs, à la rentrée scolaire 2023, on ne recensait pas de poste vacant dans le premier degré sur la fonction d’enseignant devant classe mais 87 postes vacants au sein de la « brigade départementale de remplacement » ([165]). Le taux de vacance au sein de cette brigade est stable et se situe aux alentours de 7,5 %.

Nombre de postes vacants dans le premier degré dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis

 

2018-2019

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2022-2023

Nombre de postes d’enseignants
(en ETP)

9 771

10 053

10 184

10 268

10 337

10 344

Postes vacants d’enseignants
(en ETP)

0

0

0

0

0

0

Postes vacants d’enseignants

0,0 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Nombre de postes dans la brigade de remplacement (en ETP)

1 130

1 130

1 130

1 140

1 140

1 140

Postes vacants dans la brigade de remplacement (en ETP)

0

0

0

84

75

87

Postes vacants dans la brigade de remplacement

0,0 %

0,0 %

0,0 %

7,4 %

6,6 %

7,6 %

Nombre de postes « hors la classe » (Hors psychologues)

672

669

652

660

663

671

Postes vacants « hors la classe »
(en ETP)

32

76

60

82

87

72

Postes vacants « hors la classe »

4,8 %

11,4 %

9,2 %

12,4 %

13,1 %

10,7 %

Source : DSDEN 93.

Dans le second degré, à la rentrée scolaire 2023, le nombre de postes vacants était de 20 ETP, contre 30 en 2022. À cela s’ajoutent 87 ETP ([166]) sur des postes pourvus mais que les personnels n’ont pas rejoints pour des raisons telles que des révisions d’affectation ou des détachements tardifs. Dans les dix jours qui ont suivi la rentrée, des besoins de suppléance sont apparus, pour diverses raisons telle que des arrêts maladie et des congés maternité, à hauteur de 180 ETP, contre 271 à la même période l’année précédente.

L’emploi de contractuels, s’il permet de combler les manques, est un palliatif de court terme et souvent, ce sont les recalés aux concours de recrutement que l’on retrouve comme contractuels.

ii.   Un taux d’encadrement légèrement supérieur à la moyenne nationale

Selon les chiffres fournis par le ministère de l’éducation nationale, dans le premier degré, le taux moyen d’encadrement est passé de 23,4 élèves à la rentrée 2017 à 20,2 élèves à la rentrée 2022. Grâce au dédoublement des classes, la Seine-Saint-Denis est audessus de la moyenne nationale : le département est ainsi passé de 5,75 enseignants pour 100 élèves à la rentrée 2017 à 6,56 enseignants pour 100 élèves à la rentrée 2023 ([167]). Il serait néanmoins intéressant de connaître le taux d’encadrement hors réseau d’éducation prioritaire.

Dans le second degré (collèges, lycées généraux, technologiques et professionnels), le nombre d’élèves par division est de 23,9 contre 25 au niveau national.

Proposition : À titre expérimental, augmenter le taux d’encadrement des collégiens de REP et de REP+ en Seine-Saint-Denis.

iii.   Des enseignants qui demeurent souvent jeunes et peu expérimentés

Constatée dans le rapport d’information du 31 mai 2018 dont vos rapporteurs assurent le suivi, la jeunesse des enseignants de Seine-Saint-Denis demeure une réalité à la rentrée scolaire 2023. Ainsi, dans le premier degré, 31,4 % des enseignants ont moins de 35 ans :

Répartition, en pourcentage, des enseignants du premier degré
par tranches d’âge en Seine-Saint-Denis (93), dans l’académie de Créteil (AC)
et en France (F)

En %

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2023-2024

 

93

AC

F

93

AC

F

93

AC

F

93

AC

F

< 35 ans

36,2

31,3

24,0

35,5

31,4

24,2

33,3

30,2

24,1

31,4

Données non disponibles à ce jour

35-50 ans

50,6

52,4

54,8

50,9

51,7

53,8

51,9

52,2

52,9

48,4

> 50 ans

13,2

16,3

21,2

13,6

16,8

22,0

14,9

17,7

23,0

20,2

Source : ministère de l’éducation nationale.

Dans le second degré, les chiffres de la rentrée scolaire 2023 n’ont pu être fournis aux rapporteurs mais il ressort qu’à la rentrée scolaire 2022, 43,3 % des enseignants avaient moins de 35 ans. En légère baisse par rapport à 2019 (44,6 %), ce pourcentage demeure néanmoins très élevé.

Répartition, en pourcentage, des tranches d’Âge des enseignants
dans les collèges et lycées publics de Seine-Saint-Denis,
de l’académie de Créteil et de france

En %

Zone

2019

2020

2021

2022

Moins de 35 ans

Seine-Saint-Denis

44,6

44,6

44,6

43,3

Académie de Créteil

37,7

37,8

37,9

37,4

Île-de-France

31,7

31,6

31,8

31,8

France

19,5

19,0

18,8

18,4

De 35 à 50 ans

Seine-Saint-Denis

38,5

38,5

38,3

38,8

Académie de Créteil

41,9

41,5

41,0

40,8

Île-de-France

43,5

43,0

42,3

41,6

France

50,5

49,5

48,3

47,0

Plus de 50 ans

Seine-Saint-Denis

16,9

16,9

17,1

17,9

Académie de Créteil

20,4

20,6

21,1

21,8

Île-de-France

24,9

25,4

25,9

26,6

France

30,0

31,5

33,0

34,6

Source : ARCHIPEL

Au collège, la part des moins de 35 ans diminue :

En %

2018-2019

 

 

2019-2020

 

 

2020-2021

 

 

2021-2022

 

 

2022-2023

 

 

 

93 ([168])

([169])

([170])

93

A

F

93

A

F

93

A

F

93

A

F

< 35 ans

54,1

45,6

24,6

53,6

45,1

23,8

53,1

45,1

23

53

44,8

22,4

51,5

44,3

21,8

35-50 ans

34

39,3

52,6

34

39,2

52,2

34,4

39,1

51,5

34,8

39,1

50,8

35,5

39,2

49,7

< 50 ans

11,9

15,1

22,8

12,4

15,6

24,1

12,5

15,8

25,5

12,3

16

26,9

13

16,5

28,5

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Dans les lycées généraux et technologiques et les lycées qui sont à la fois généraux, technologiques et professionnels (LPO), cette part diminue aussi mais dans une moindre mesure :

En %

2018-2019

 

 

2019-2020

 

 

2020-2021

 

 

2021-2022

 

 

2022-2023

 

 

 

93

A

F

93

A

F

93

A

F

93

A

F

93

A

F

< 35 ans

36,6

30,7

16,4

35,3

30,3

15,7

35,8

30,6

15,5

36,1

31

15,6

34,7

30,2

15,5

35-50 ans

42,9

44,9

49,4

43,3

44,5

48,1

42,9

43,9

46,8

42

42,6

44,9

42,5

42,4

43,5

< 50 ans

20,5

24,5

34,2

21,4

25,2

36,2

21,3

25,5

37,8

22

26,3

39,5

22,8

27,4

41

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Enfin, dans les lycées professionnels, on observe peu de variations :

En %

2018-2019

 

 

2019-2020

 

 

2020-2021

 

 

2021-2022

 

 

2022-2023

 

 

 

93

A

F

93

A

F

93

A

F

93

A

F

93

A

F

< 35 ans

26,7

25,6

12,8

26,3

24,9

12,4

26,5

24,3

12,2

27,5

24,9

12,2

27

25,8

11,9

35-50 ans

46,4

47,6

52,2

46,1

47,9

51,1

45,3

47,3

49,7

44,8

46,4

48,5

43,2

45,2

47

< 50 ans

26,9

26,8

35

27,6

27,2

36,5

28,2

28,5

38,1

27,7

28,7

39,3

29,8

29,1

41

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Dans le premier degré, à la rentrée scolaire 2023, 16 % des enseignants avaient deux ans d’ancienneté ou moins et 22 % des enseignants avaient 3 ans d’ancienneté ou moins. Dans le second degré, à la rentrée scolaire 2022, 34 % des enseignants avaient deux ans d’ancienneté ou moins et 56 %, cinq ans d’ancienneté ou moins.

Ancienneté des enseignants en collèges et lycèes publics

 

Zone

2019

2020

2021

2022

Moins de 2 ans

Seine-Saint-Denis

35,9

35,1

34,1

34,1

Académie de Créteil

32,9

33,1

32,0

31,7

Île-de-France

31,9

31,2

31,1

31,5

France

26,1

25,2

25,1

26,6

De 2 à 5 ans

Seine-Saint-Denis

27,3

25,2

23,8

22,3

Académie de Créteil

24,3

22,5

21,7

20,5

Île-de-France

22,9

21,4

20,5

19,4

France

19,5

18,2

17,0

15,8

De 5 à 8 ans

Seine-Saint-Denis

13,1

16,0

18,7

20,0

Académie de Créteil

13,7

15,6

17,5

19,0

Île-de-France

14,5

16,5

17,6

19,2

France

14,9

16,5

17,3

18,1

Plus de 8 ans

Seine-Saint-Denis

23,8

23,7

23,5

23,6

Académie de Créteil

29,1

28,9

28,8

28,8

Île-de-France

30,6

30,8

30,8

29,9

France

39,4

40,1

40,6

39,5

Source : ARCHIPEL.

Dans leur rapport du 31 mai 2018, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo, proposaient (proposition n° 6) de ne plus affecter « des sorties d’école » en REP+ et de ne plus suivre le rang de classement pour procéder aux affectations afin d’éviter que les derniers reçus débutent tous dans des établissements difficiles. Cette proposition n’a pas été retenue par le Gouvernement.

iv.   Un « turnover » en baisse mais qui demeure supérieur à la moyenne nationale

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, la part des enseignants ayant moins de deux ans d’ancienneté dans le premier degré diminue depuis cinq ans. En outre, d’après le rectorat de l’académie de Créteil, le turnover est très majoritairement dû au mouvement des enseignants au sein du département ([171]).

Pourcentage du nombre d’enseignants ayant moins de deux ans
d’ancienneté dans le premier degré en Seine-Saint-Denis (93),
dans l’académie de Créteil (Ac) et dans la France entière (F)

 

2018-19

 

 

2019-20

 

 

2020-21

 

 

2021-2022

 

 

2022-23

 

 

 

93

AC

F

93

AC

F

93

AC

F

93

AC

F

93

AC

F

%

49,3

43,8

37,8

47,1

43,4

37,2

43,3

41,4

35,6

41,0

40,7

34,6

39,1

38,7

34,7

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Concernant le second degré, on observe depuis 2017 une baisse de 15 % de la proportion des enseignants ayant moins de deux ans d’ancienneté dans les collèges en réseau d’éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis : cette proportion est passée de 52,2 % à 37 % entre 2017 et 2022 alors que cette baisse n’est que de 13 % dans l’académie (de 49,8 % à 36,8 %). La baisse est encore plus forte en REP+ : cette proportion est passée de 52,5 % à 32,9 %.

v.   Un manque important d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, malgré un triplement de leur nombre en six ans

Au 1er septembre 2023, la dotation de la Seine-Saint-Denis en accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) est de 2 145 ETP, soit environ 3 000 personnes – un chiffre qui a triplé en six ans. En dépit de ce triplement, le département accompagne de plus en plus d’élèves mais pas à la hauteur du nombre de notifications administratives, faute de saturation du plafond d’emplois. Selon le rectorat de Créteil, il faudrait au département de Seine-Saint-Denis, pour couvrir les besoins liés aux notifications adressées par la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) du 93, la moitié de la dotation nationale annuelle en AESH. Comme l’illustre le tableau ci‑dessous, entre le 30 juin et le 1er septembre 2023, 1 805 décisions d’accompagnement humain ont été prononcées par la MDPH.

 

Juillet

Août

Total

Premières demandes(PD)

153 AESH

595 AESH

748

Renouvellements

283 AESH

774 AESH

1 057

Total

436 AESH

1 369 AESH

1 805

Source : académie de Créteil.

En outre, les notifications de la maison départementale des personnes handicapées visant l’obtention d’accompagnants individuels sont en hausse de quasi 60 % entre le 30 juin et le 1er septembre 2023. Or, le rectorat estime que les notifications mutualisées permettent de faire évoluer le nombre d’heures d’accompagnement des enfants en fonction de leurs besoins. Par ailleurs, le manque de places dans les établissements médico-sociaux entraîne le maintien de certains enfants en classe de grande section de maternelle des classes dites « unités spécialisées pour l’inclusion scolaire » (ULIS), même lorsque ces enfants trouveraient mieux leur place dans un institut médico-éducatif. Par voie de conséquence, certains enfants qui devraient être scolarisés en « ULIS » se retrouvent à suivre une scolarité ordinaire. Le rectorat de l’académie de Créteil juge donc que le problème n’est pas seulement imputable aux établissements scolaires mais aussi à la pénurie de places en établissement spécialisé dans le département.

Les rapporteurs tiennent à souligner que selon les chiffres fournis par le rectorat, la part d’enfants bénéficiant d’une « notification AESH » au regard de la population scolaire à la rentrée scolaire 2023 est inférieure en Seine-Saint-Denis à celle des autres départements de l’académie et inférieure à la moyenne académique : de 2,39 % en Seine-Saint-Denis, elle est de 2,79 % en Seine-et-Marne, de 3,20 % dans le Val-de-Marne et de 2,75 % dans l’ensemble de l’académie de Créteil.

Capacité d’accueil des enfants dans les Établissements, services sociaux et médico-sociaux et taux d’occupation de ces établissements et services

 

Capacité d’accueil déclarée

Places vacantes

Places vacantes en %

Usagers en recherche active (*)

% par rapport au nombre de places

IME/IES (**)

1 587

20

1,3 %

2 011

127 %

EEAP (**)

140

0

0 %

88

63  %

IEM (**)

126

11

8,7 %

138

110 %

ITEP (**)

141

0

0 %

105

74 %

Total EMS (**)

1 994

31

1,6 %

2 342

117 %

Services (SESSAD, SAFEP, SASAIS, SEFS (**)

1 044

6

0,6 %

4 333

415 %

Total général

3 038

37

1,22 %

6 675

220 %

Source : académie de Créteil.

(*) Au 31 décembre 2022, usagers dont la demande d’admission est soit sur liste d’attente (admis, admissible, en cours d’analyse), soit en admission impossible proposée et en contact effectué.

(**) IME : instituts médico-éducatifs ; IES : instituts d’éducation spécialisée ; EEAP : établissements et services pour enfants et adolescents polyhandicapés ; IEM : instituts d’éducation motrice ; ITEP : instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques ; EMS : établissements médico-sociaux.

Proposition : Lancer un plan d’urgence de recrutement d’accompagnants d’élèves en situation de handicap en Seine-Saint-Denis prévoyant notamment une extension à ces personnels du bénéfice de la prime de fidélisation territoriale.

vi.   Un absentéisme qui perdure

Le tableau ci-dessous illustre que l’absentéisme des enseignants perdure en Seine-Saint-Denis.

Nombre de jours d’absence d’enseignants par élève en Seine-SAINT-Denis

 

 

Jours d’absence

Nombre d’élèves

Nombre d’absences non remplacées

Ratio absences/
élèves

Ratio absences non remplacées/
élèves

2022-2023

HEP ([172])

47 218

81 163

19 206

0,58

0,24

REP

45 113

64 546

17 630

0,70

0,27

REP+

34 510

40 635

11 793

0,85

0,29

Total

126 840

186 344

48 628

0,68

0,26

2021-2022

HEP

55 544

80 645

23 868

0,69

0,30

REP

51 810

65 035

23 488

0,80

0,36

REP+

38 474

41 817

15 533

0,92

0,37

Total

145 827

187 497

62 889

0,78

0,34

2020-2021

HEP

54 100

81 485

17 417

0,66

0,21

REP

51 877

66 233

19 869

0,78

0,30

REP+

39 825

43 473

12 804

0,92

0,29

Total

145 802

191 191

50 090

0,76

0,26

Source : ORSEM 1d.

Taux d’absentéisme des enseignants dans le premier degré

 

20018-2019

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

Taux d’absence

9,98 %

8,8 %

11,6 %

12,0 %

10,6 %

Taux d’absence des remplaçants

10,43 %

14,7 %

19,6%

19,7 %

19,5 %

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Le tableau ci-dessus illustre qu’en Seine-Saint-Denis, le taux d’absentéisme dans le premier degré se situe aux alentours de 11 %. Dans ce contexte, le département maintient un taux d’efficience du remplacement d’environ 90 %.

Dans le second degré, l’académie compte en moyenne 1 500 absents par jour, soit environ 5 % du potentiel d’enseignement. L’essentiel de ces absences est lié à des congés maladie (50,7 %), à des congés maternité (15,7 %) et à des absences pour formation (4,9 %). 80 % de ces 1 500 absences sont couverts par des remplacements de courte ou moyenne durée.

Dans leur rapport, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo préconisaient (proposition n° 6) de revoir les dispositifs de remplacement des professeurs absents de courte durée. Or, il ne semble pas que ces dispositifs aient évolué.

d.   Santé : une offre insuffisante

La pénurie de médecins de ville en Seine-Saint-Denis entraîne une forte insuffisance de l’offre de santé dans le département (i). De plus, l’offre sanitaire demeure peu attractive pour la population (ii) tandis que l’offre de soins psychiatriques est en grande difficulté (iii). Le plan « L’État plus fort en SeineSaintDenis » apporte un début d’amélioration à cette offre très déficitaire (iv).

i.   Une pénurie de médecins de ville entraînant des tensions récurrentes sur les capacités hospitalières

D’après le répertoire partagé des professionnels de santé, en Seine‑Saint‑Denis, les effectifs de médecins généralistes sont passés de 1 669 en 2011 à 1 767 ([173]) en 2022. Ce département est le premier désert médical de France métropolitaine. D’après la CPAM du 93, il y a en Seine-Saint-Denis 49,8 généralistes pour 100 000 habitants contre 60,8 en Île-de-France et 83,5 pour la moyenne nationale. Concernant les spécialistes, il y a 50,5 praticiens pour 100 000 habitants en Seine-Saint-Denis contre 92,1 en Île-de-France et 81 pour la moyenne nationale.

D’après l’ARS d’Île-de-France ([174]), à cette même date, l’ensemble du département pouvait être qualifié de zone sous-dense ; 97,8% de la population vivait en zone dite d’intervention prioritaire (ZIP) ([175]) et 2,2 %, en zone d’action complémentaire (ZAC). Ces chiffres sont respectivement de 62,4 % et 33,9 % en Île-de-France ([176]) et de 13,2 % et 73,6 % à Paris ([177]).

zonage des médecins en Seine-Saint-Denis

https://www.iledefrance.ars.sante.fr/system/files/styles/image_wysiwyg/private/2022-04/ZONAGE%202022%20_Seine%20St%20Denis.png?itok=ynLvU8se

Source : Agence régionale de santé d’Île-de-France.

ii.   Près d’un quart des Séquano-Dionysiens est sans médecin traitant

D’après la CPAM de Seine-Saint-Denis, au 1er septembre 2023, sur l’ensemble de la population âgée de plus de 16 ans du département, 23,2 % des 1,7 million d’assurés, soit 330 602 personnes, n’ont pas de médecin traitant. Au total, 5,6 % de la population âgée de plus de 16 ans, soit 13 000 personnes, en affection de longue durée restaient sans médecin traitant dans le département.

iii.   Une offre sanitaire publique qui reste peu attractive

L’offre sanitaire reste peu attractive pour la population de Seine‑Saint‑Denis : c’est essentiellement la population la plus précaire qui est prise en charge dans le département tandis qu’on enregistre un taux de fuite important des populations plus favorisées.

De nombreux habitants de Seine-Saint-Denis ayant en outre un problème d’accessibilité financière aux soins, les centres hospitaliers accumulent les créances irrécouvrables et des surcoûts expliquant un soutien financier important de la part de l’agence régionale de santé. Certaines dépenses pourraient pourtant être évitées. Les durées de séjour sont souvent plus longues en Seine-Saint-Denis, faute de logements adaptés à la sortie. La plupart des structures, y compris les structures privées, sont en difficulté financière, ce qui aggrave la vétusté des établissements sanitaires publics et de certains établissements privés du département.

L’hôpital Delafontaine de Saint-Denis,
un établissement exposé à la précarité des patients

Dans le cadre du présent rapport d’information, le co-rapporteur Stéphane Peu s’est rendu à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (1) le 26 octobre 2023 afin d’y rencontrer les équipes de direction et les équipes soignantes puis d’y visiter la maternité et le service des urgences adultes.

Lors de sa visite, le rapporteur a constaté que le bassin de vie dans lequel s’inscrivait l’hôpital se caractérisait par les indicateurs économiques et sociaux les plus défavorables en Île-de-France. Le « bassin de recrutement » de l’hôpital est extrêmement précaire : 78,4 % des séjours concernent des patients issus de territoires fortement précaires (2). Globalement, les patients sont socialement et médicalement lourds à traiter, notamment parce qu’une part importante de la population du département n’a pas de médecin traitant. La prise en charge des patients est donc atypique : l’établissement comprend ainsi un service social parmi les plus développés et les plus performants de France, comptant 28 postes de travailleurs sociaux dont 11 actuellement vacants.

En 2022, l’hôpital Delafontaine a comptabilisé 46 768 entrées, 61 069 passages aux urgences et 3 639 naissances.

La problématique des patientes « bed blockers » :

L’une des problématiques auxquelles est confronté l’établissement est celle des patientes dites « bed blockers », c’est-à-dire des mères venant d’accoucher qui, avec leur nourrisson, bloquent des lits dans les services de soins au terme de leur accouchement, faute de toit, notamment depuis la fermeture en juin 2023 d’une unité d’hébergement à l’hôpital psychiatrique de Ville-Évrard à Neuilly-sur-Marne. Le nombre de patientes maintenues hospitalisées en maternité avec leur nouveau-né, en raison de l’absence d’hébergement en sortie d’hospitalisation, n’a cessé d’augmenter : de 9 des 52 lits mobilisés le 9 juillet 2023, ce nombre a augmenté jusqu’à atteindre 23 lits le 6 septembre 2023. Il s’élevait à 18 lits au 26 octobre 2023. Selon les personnels rencontrés par le rapporteur, cette situation a un impact très important sur l’activité de la maternité qui est contrainte, faute de capacités, d’opérer un tri dans l’accueil des patientes.

Les difficultés de recrutement de la maternité :

De niveau III, la maternité de l’hôpital Delafontaine est dimensionnée, depuis sa reconstruction il y a dix ans, pour accueillir jusqu’à 4 500 naissances par an et dispose d’un service de réanimation néonatale ainsi que d’un service de pédiatrie avec toutes les surspécialités. Bien que dotée d’équipements de pointe, elle est confrontée à un manque si important de sages-femmes – plus d’un tiers des postes sont vacants – qu’elle a été contrainte de fermer 18 (3) de ses 85 lits (4). Plusieurs raisons – telles que la pénibilité, la concurrence entre activité libérale et activité en établissement de santé ou encore la rémunération – peuvent expliquer la situation, aggravée par l’absence d’école de sage-femme au nord de la région Île-de-France. Dimensionnée pour 4 500 naissances, la maternité n’a pu de ce fait en accueillir que 3 639 en 2022 et a en outre réduit son activité pré- et post-natalité.

L’impact de la crise sanitaire sur l’équilibre financier de l’hôpital :

Si la crise sanitaire a pu illustrer la capacité d’adaptation et la mobilisation des équipes, elle a contribué à accroître la fatigue des personnels et à déstabiliser l’équilibre financier du centre hospitalier : alors qu’en 2020, l’hôpital disposait une capacité d’autofinancement et dégageait un excédent de 2 millions d’euros, le déficit a atteint 3 millions d’euros en 2021, 8 millions en 2022 et 12 millions en 2023.

(1) Le Groupement hospitalier de territoire (GHT) Plaine de France regroupe depuis 2015 les hôpitaux publics de Saint-Denis (93) et de Gonesse (95) et compte 5 571 personnels médicaux et non médicaux.

(2) Selon une étude réalisée en 2022 par DMS Veltys pour le compte de l’hôpital.

(3) 10 lits fermés en obstétrique et 8 en grossesse à haut risque.

(4) 65 lits en obstétrique (suites de couche) et 20 en grossesse à haut risque.

iv.   Une offre de soins psychiatriques en réelle difficulté

Passés de 311 praticiens en 2011 à 433 en 2022, les effectifs de psychiatres sont nettement insuffisants en Seine-Saint-Denis et les taux d’équipement du département, largement inférieurs à la moyenne nationale. La densité de psychiatres du département est de 26 pour 100 000 habitants en 2022 contre 34,5 en Île-de-France ([178]).

En 2022, dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), le taux d’équipement en lits d’hospitalisation complète était de 37 pour 100 000 habitants de 16 ans et plus en Seine-Saint-Denis contre 80,5 pour 100 000 habitants dans la moyenne nationale. Quant au taux d’équipement en places d’hospitalisation partielle, il était de 27,9 pour 100 000 habitants de 16 ans et plus dans le département contre 37,3 en moyenne nationale ([179]).

Pour les moins de 16 ans, la situation est également beaucoup moins favorable en Seine-Saint-Denis qu’au niveau national : en 2022, le taux d’équipement en lits d’hospitalisation complète pour 100 000 habitants de moins de 16 ans était de 7,7 en Seine-Saint-Denis contre 16,6 pour la moyenne nationale et le taux d’équipement en places d’hospitalisation partielle pour 100 000 habitants de moins de 16 ans était de 58,5 dans le département contre 70,7 pour la moyenne nationale.

v.   Une forte sous-dotation en établissements médico-sociaux par rapport au reste de l’Île-de-France

La carence en solutions médico-sociales est également très importante en Seine-Saint-Denis : le taux d’équipement y est trois fois inférieur à la moyenne nationale et le taux de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est le plus faible de la région. Le taux d’occupation dans les 66 EHPAD du département est de 97 % contre 95 % dans les 710 EHPAD d’Île-de-France ([180]). Le département est également déficitaire en équipements de soins – hospitalisation à domicile, unité de soins de longue durée et unité de gériatrie aiguë – un état de fait qui n’est pas compensé par l’offre ambulatoire – qu’il s’agisse des services de soins infirmiers à domicile ou des infirmiers diplômés d’État.

Proposition : Augmenter en Seine-Saint-Denis le nombre de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ainsi que l’offre de soins infirmiers à domicile au profit de ces personnes.

vi.   Un sous-équipement en offre de soins pour les personnes en situation de handicap

Le territoire est également sous-équipé en offre de soins pour les personnes en situation de handicap : au 31 décembre 2019, le taux d’équipement global en places d’hébergement (sauf accueil de jour) était d’1,6 pour 1 000 personnes en Seine-Saint-Denis contre 4,2 en France métropolitaine ([181]). En 2022, d’après l’agence régionale de santé d’Île-de-France, la Seine-Saint-Denis ne comptait que 3 656 des 29 329 places en établissement pour adultes handicapés de la région parisienne.

Proposition : Augmenter, en Seine-Saint-Denis, le nombre de places en établissement pour personnes en situation de handicap.

Le sous-équipement du département concerne aussi bien les adultes que les enfants. En 2022, la Seine-Saint-Denis ne disposait que d’environ 1 600 places en institut médico-éducatif alors 4 400 enfants étaient orientés dans ce type d’établissement par la maison départementale des personnes handicapées de Seine‑Saint‑Denis et 2 200 enfants orientés étaient en attente de place dans un tel institut ([182]). Sur ces 2 200 enfants, 44 % sont non scolarisés, 34 % sont scolarisés à temps partiel, 17 % n’ont aucun accompagnement de jour en dehors du domicile et 5 % n’ont aucun suivi (ni école, ni centre médico-psychologique, ni hôpital, ni suivi par des professionnels de santé libéraux).

Proposition : Augmenter rapidement le nombre de places en institut médico-éducatif en Seine-Saint-Denis afin de combler le déficit de places nécessaires à l’accueil d’enfants orientés vers ces structures par la maison départementale pour les personnes handicapées.

vii.   Un plan « État plus fort » qui apporte certaines améliorations, en particulier en matière de lutte contre l’habitat insalubre

Outre les mesures immobilières déjà évoquées par les rapporteurs ([183]), le plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » a prévu plusieurs mesures en faveur de l’offre de santé dans le département :

– l’ouverture d’une enveloppe annuelle de crédits de 10 millions d’euros au titre d’une mission d’intérêt général dédiés au financement des actions visant à mieux accueillir les publics fragiles ;

– le renforcement de la lutte contre l’habitat indigne grâce au recrutement de 5 inspecteurs supplémentaires ;

– l’instauration d’une mission d’appui aux centres de santé municipaux ;

– une aide à l’installation des soignants dans le département ;

– et le doublement du nombre de maîtres de stage d’internes de médecine générale afin de fidéliser les jeunes médecins du territoire.

S’agissant de la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et l’accueil des publics les plus fragiles, l’agence régionale de santé d’Île-de-France a indiqué aux rapporteurs qu’elle avait engagé 9,5 millions d’euros en 2022 de complément pérenne au fonds d’intervention régional. Sur ces 9,5 millions :

– 5 millions d’euros ont été dédiés au déploiement de permanences d’accès aux soins de santé (PASS) dans les établissements hospitaliers du département : 12 sites de permanences d’accès aux soins de santé gérés par des centres municipaux de santé dans 9 villes de Seine-Saint-Denis ont ainsi été soutenus dans le cadre du plan gouvernemental. En 2022, 1 521 patients ont bénéficié de soins ou d’ouverture de droits dans ces permanences ;

– 1,2 million d’euros ont été consacrés à la lutte contre les addictions ;

– 1,3 million d’euros, à la périnatalité ([184]) ;

– 400 000 euros ont bénéficié aux patients les plus précaires via les PASS ambulatoires, l’instauration d’un bilan de santé auprès des personnes primoarrivantes au sein de la structure du premier accueil des demandeurs d’asile d’Aubervilliers, le renforcement d’actions de coordination de parcours santé auprès des personnes en « logement adapté » ([185]) ;

– 500 000 euros ont été consacrés à la santé mentale, permettant le déploiement d’ambassadeurs en santé mentale et le développement du programme « premier secours en santé mentale » auprès des professionnels de la Seine-Saint-Denis ;

– 500 000 euros ont été dédiés aux actions en faveur de la santé des jeunes, avec notamment un soutien aux 9 maisons sport santé labellisées dans le département ;

– enfin, 600 000 euros ont été alloués aux actions de prévention de l’obésité, des maladies chroniques et de la malnutrition.

Prévu par le plan « État plus fort », le recrutement de 5 nouveaux inspecteurs de salubrité a été effectué entre 2020 et 2021 de sorte qu’au début du mois de décembre 2021, la cellule « environnement intérieur » de la délégation départementale de l’ARS, responsable de la lutte contre l’habitat insalubre ([186]), a été renforcée et comptait 10 techniciens et 3 cadres dédiés. En outre, une ingénieure du génie sanitaire, adjointe à la responsable du département Santé Environnement de la délégation départementale de Seine‑Saint‑Denis de l’ARS, a été recrutée en 2022 afin d’encadrer ladite cellule.

En 2021, 1 500 signalements ont été reçus au guichet unique institué par l’ARS– soit plus du double par rapport à 2020. Les inspecteurs de salubrité de la délégation ont effectué 450 visites de logements en 2021, soit 40 % de plus qu’en 2020. La hausse de l’activité s’est traduite par une croissance marquée du nombre de procédures engagées. Au total, 756 arrêtés ont été proposés à la signature du préfet en 2021 pour des logements insalubres. Parmi ceux-ci, on compte 278 arrêtés d’urgence dont 162 de lutte contre le risque saturnin, 350 arrêtés initiaux non urgents et 128 arrêtés d’abrogation.

Dans leur rapport de 2018, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo proposaient (proposition n° 11) de renforcer la lutte contre les marchands de sommeil. Les rapporteurs considèrent que cette proposition n’est pas satisfaite.

En 2021-2022, dans le cadre du Ségur de la santé, l’État a investi dans le secteur hospitalier 2,320 milliards d’euros en région Île-de-France ([187]). L’État a également investi dans le secteur médico-social (EHPAD) ([188]).

Si le plan « État plus fort » ne prévoyait pas de mesures en faveur de l’offre médico-sociale pour les personnes âgées, les rapporteurs notent que les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées en Seine-Saint-Denis devraient bénéficier de 39,3 millions d’euros d’investissements entre 2022 et 2024. Financé à la fois par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis et l’État, ce budget est le plus élevé de la région Île-de-France.

Selon les informations fournies par la préfecture du département, en septembre 2022, 20 maisons de santé pluri-professionnelles ont bénéficié d’un soutien financier de démarrage au cours des différentes étapes d’implantation de leur projet sur les territoires. Cette dynamique se poursuit avec 7 dossiers en cours d’instruction et 9 études de projets en cours dans la perspective de nouvelles ouvertures de structures d’exercice coordonné dans le département. Les rapporteurs ne se sont pas vu communiquer de chiffres quant aux montants engagés par l’ARS.

En 2022, l’agence régionale de santé d’Île-de-France ([189]) a prévu au profit des médecins généralistes une aide individuelle de 10 000 euros ainsi que d’une aide administrative complémentaire. Les rapporteurs ne disposent pas d’évaluation des effets de cette mesure, ignorant notamment combien de médecins en ont bénéficié à ce stade.

En 2023, la même instance a publié un appel à candidatures ayant pour objectif d’encourager l’exercice partagé de sages-femmes entre la ville (sages‑femmes exerçant en libéral depuis deux années ou plus) et les établissements de santé. En contrepartie d’un engagement de deux ans auprès de la structure hospitalière, chaque sage-femme percevra entre 14 000 et 20 000 euros. Si l’intention est évidemment louable, les rapporteurs s’inquiètent de l’absence de mesures à destination des sages-femmes exerçant exclusivement en établissement de santé.

Prévu par le plan gouvernemental, le doublement du nombre de maîtres de stages d’interne de médecine générale vise la présence de 420 médecins en 2021 sur le territoire, en finançant des moyens incitatifs, objectif atteint dans les temps. En effet, la commission d’agrément et veille des stages de médecine générale a permis d’agréer 691 médecins entre 2020 et 2022 dont 237 médecins à la rentrée universitaire 2020-2021 ; 226 médecins à la rentrée universitaire 2021‑2022 ; 228 médecins à la rentrée universitaire 2022-2023.

2.   Un manque de ressources humaines stables qui s’explique notamment par un déficit d’attractivité

a.   Une crise des vocations certes nationale mais exacerbée en Seine-Saint-Denis

i.   Un désamour généralisé envers la fonction publique, notamment en raison de la faiblesse des rémunérations et d’une perte de sens de l’emploi public…

À l’échelle nationale, il est relevé dans le rapport annuel 2022 sur l’état de la fonction publique que le nombre moyen de candidats pour un poste offert est passé de 16 en 1997 à 6 aujourd’hui. Si ce recul touche la plupart des concours des trois versants ([190]) de la fonction publique, dans la fonction publique d’État, qui intéresse au premier chef les rapporteurs de cette mission, au cours de la période 20102020, le nombre d’inscrits a chuté de 30 % alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait fortement. Le taux de sélectivité est ainsi passé de 11,7 à 5,5. En 2020, 5,2 candidats se sont présentés pour une place ouverte en catégorie A, contre 8,9 en 2010. Au concours externe de professeurs des écoles, en 2022, sur 41 641 inscrits (contre 84 131 en 2019), seuls 14 112 ont passé les épreuves écrites (ils étaient 26 657 l’année précédente). Le Capes et l’agrégation enregistrent une baisse plus modérée. Le taux d’absence des candidats reste élevé dans les trois versants de la fonction publique, ce qui soulève d’importantes difficultés de gestion pour les organisateurs.

Cette crise des vocations, qui s’explique sans doute par plusieurs facteurs, est nationale.

ii.   … mais exacerbé en Seine-Saint-Denis

Si la crise des vocations s’observe sur l’ensemble du territoire national, la Seine-Saint-Denis la subit encore davantage que d’autres territoires en raison de plusieurs facteurs aggravants parmi lesquels le « déficit d’image » dont pâtit le département – en particulier dans l’éducation nationale –, une charge de travail très lourde et des heures supplémentaires non rémunérées – en particulier dans l’éducation nationale et pour les greffiers du ministère de la justice – et d’importantes difficultés d’accès au logement.

Comme le souligne l’Insee dans une note d’analyse de septembre 2023 ([191]), « l’attractivité dans la fonction publique peut notamment être appréhendée à travers les taux de vacataires et de contractuels ainsi que de primo-affectations. Ces taux diffèrent selon les départements. En Seine-Saint-Denis, le taux de vacataires et de contractuels est de 26 %, soit trois points de plus qu’en moyenne dans la région. Le déficit d’attractivité dans ce département se traduit aussi lors des primo-affectations, particulièrement au ministère de l’intérieur pour les forces de l’ordre et dans l’éducation nationale pour les enseignants. Ainsi, près de 40 % des agents du ministère de l’éducation nationale affectés en Seine-Saint-Denis ont moins de 35 ans alors que ce taux se situe à 29 % pour l’ensemble de la région. De même, les effectifs de moins de 35 ans relevant du ministère de l’intérieur y constituent près de 50 % du total [contre] 39 % au niveau de la région ».

Proposition : Mener régulièrement des campagnes de promotion pour attirer les agents de l’État en Seine-Saint-Denis.

b.   Un déficit d’image dans l’éducation nationale

C’est avant tout dans l’éducation nationale que la Seine-Saint-Denis souffre d’une mauvaise réputation ou d’un « déficit d’image », pour reprendre les termes d’une personnalité auditionnée par les rapporteurs : si certains professeurs stagiaires ne souhaitent pas être affectés dans l’académie de Créteil, c’est qu’ils ont souvent l’impression qu’en Seine-Saint-Denis, « c’est la guerre en permanence ». Ce déficit d’image nourrit des inquiétudes et des appréhensions, en particulier chez les néotitulaires du second degré si bien qu’à la rentrée scolaire 2023-2024, alors que les postes étaient pourvus, certains professeurs ne se sont pas présentés en établissement – sans tenir l’administration informée du fait qu’ils refusaient leur affectation.

i.   Le seuil d’admission le plus bas au concours de recrutement de professeur des écoles

En 2022, l’académie de Créteil avait le seuil d’admission au concours de professeur des écoles le plus faible de France – métropolitaine comme ultramarine : ce seuil d’admission était de 4 sur 20 ([192]) dans cette académie, contre 12,7 sur 20 dans l’académie de Rennes, ce qui pourrait laisser supposer qu’il y a une grosse différence de niveau entre les professeurs des écoles œuvrant en Seine‑Saint‑Denis, en Seine-et-Marne et dans le Val-de-Marne par rapport au reste du territoire national.

Interrogé sur ce point par les rapporteurs, le rectorat de cette académie a indiqué que la note moyenne obtenue par les lauréats du concours en 2023 était de 12,48 sur 20. Elle était de 11,40 sur 20 en 2022 et de 11,43 sur 20 en 2021. Selon le rectorat, « bien que les données nationales ne nous soient pas connues, elles ne peuvent être comparées : la note moyenne dépend du nombre de postes offerts et donc du nombre de candidats admis ». Le rectorat précise qu’il n’y a pas de différentiel de niveau si on compare des données comparables : à titre d’exemple, l’académie de Rennes offre 130 postes au concours, à Créteil, où 1 300 postes sont offerts, le candidat classé 130e a 16,6/20. À Nantes le nombre de postes offerts est de 168, à Créteil le candidat classé 168e a 15,5 sur 20. Ces notes sont supérieures à celles obtenues par les derniers admis des concours de Nantes et de Rennes. La note du dernier admis n’a de sens qu’à rang équivalent. Cette année, dans l’académie de Créteil, 6 candidats ont eu une note supérieure à 20 (épreuve de langue vivante optionnelle) : aujourd’hui, il y en a 2 dans chaque département de l’académie.

Si ce seuil de 4 sur 20 ne permet pas de juger du niveau global des enseignants recrutés, compte tenu des moyennes précitées, il n’en demeure pas moins qu’il rejaillit sur l’ensemble de la promotion 2023, jetant sur elle – et sur l’académie de Créteil dans son ensemble – un certain discrédit.

ii.   Un certain sentiment d’abandon voire de manque de considération des enseignants

Auditionnés par les rapporteurs, certains représentants des personnels enseignants de Seine-Saint-Denis ont exprimé un sentiment d’abandon voire de manque de considération par leur hiérarchie. On se souvient qu’en 2019 à Pantin, une directrice d’école maternelle avait mis fin à ses jours après avoir mis en cause dans un courrier son administration et ses conditions de travail.

Les enseignants estiment aussi que la diversification de leurs missions est insuffisamment reconnue et prise en compte. Interrogée sur ce point, la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a indiqué que l’objectif du « Pacte » était précisément d’améliorer la prise en compte financière des missions exercées par les enseignants : il s’agit d’un dispositif indemnitaire instaurant une part fonctionnelle de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) correspondant à l’exercice de missions complémentaires au sein des écoles, collèges, lycées d’enseignement général et technologique et des lycées professionnels. L’ensemble des personnels enseignants, CPE et psychologues de l’éducation nationale, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, en fonction des besoins et sur la base du volontariat, peuvent assurer des missions complémentaires.

En dépit de ce sentiment de désarroi voire de détresse, les représentants du personnel éducatif auditionnés par les rapporteurs ont tenu à souligner le fort sens de l’engagement dont font preuve nombre d’enseignants et autres fonctionnaires affectés en Seine-Saint-Denis : c’est justement sur un territoire qui concentre autant de difficultés que la mission d’agent public prend tout son sens.

iii.   Un désarroi partagé par les parents d’élèves

À l’instar des enseignants, les représentants des parents d’élèves ont fait part aux rapporteurs de leur sentiment d’abandon des services publics, qu’il s’agisse de l’éducation en général ou de l’insuffisance de médecins scolaires, de psychologues ou d’accompagnants d’élèves en situation de handicap.

iv.   Un plan gouvernemental très pauvre en matière d’éducation

Au regard des engagements pris dans les domaines de la sécurité et de la justice, les mesures prévues par le plan « État plus fort » paraissent relativement faibles en matière d’éducation. Auditionnées par les rapporteurs, les organisations syndicales d’enseignants ont même qualifié de « cosmétiques » ou « d’affichage » les mesures du plan « État plus fort ».

Le plan prévoit notamment la création de groupes d’appui localisé (GAEL) dont l’objectif est « d’améliorer le climat scolaire et prévenir les phénomènes de rixe tend à la constitution, dans les quartiers les plus sensibles et en collaboration avec les municipalités concernées des équipes intercatégorielles et inter-degrés de réflexion et d’actions pédagogiques centrées sur un réseau d’établissements ». Il s’agit ainsi de renforcer l’encadrement des élèves à l’intérieur des établissements scolaires et à leurs abords en faisant travailler les équipes éducatives sur des projets propres à prévenir les phénomènes de violence. Selon les informations transmises par la préfecture de Seine-Saint-Denis, « les équipes développent des projets éducatifs et des actions spécifiques pour travailler sur l’acceptation de l’altérité, pour déconstruire les stéréotypes, pour essayer de découpler les sentiments de frustrations du recours à la violence, soit un travail sur la gestion des émotions ainsi que sur les sentiments d’appartenance ».

7 groupes ont ainsi été constitués, regroupant actuellement 16 établissements scolaires ([193]). Le Gouvernement dresse un bilan positif de la constitution de ces groupes tout en admettant la difficulté à évaluer leur effet sur les rixes. Tel n’est pas l’avis des organisations syndicales auditionnées par les rapporteurs qui considèrent ces GAEL comme de simples groupes de parole relevant de la gestion des personnels de vie scolaire au sein des établissements.

Lancé à la rentrée scolaire 2016, le dispositif « Le choix de l’école » tend à favoriser l’accès des jeunes diplômés sortant de grandes écoles à l’enseignement. À la rentrée scolaire 2021, le département a accueilli 40 contractuels de ce dispositif issus des promotions 2020 et 2021, dont 35 étaient affectés en éducation prioritaire, mais également 27 professeurs stagiaires ou titulaires dont 23 ont été affectés en éducation prioritaire. À la rentrée 2022, 22 contractuels ont été accueillis issus des promotions de 2022 et de promotions antérieures et 33 enseignants stagiaires ou titulaires, dont 3 professeurs stagiaires issus des promotions de 2021. Les disciplines de recrutement majoritaires sont les mathématiques et les lettres modernes. À la rentrée scolaire 2023, le département accueille 51 enseignants contractuels dans le second degré. L’académie de Créteil s’estime satisfaite de l’action de cette association, qu’il s’agisse des recrutements qui en résultent ou de l’accompagnement proposé à ces nouveaux enseignants.

Interrogées par les rapporteurs sur ce dispositif, les organisations syndicales ont déploré que la pénurie de personnel soit un « terreau » sur lequel prospèrent des associations spécialisées dans les compétences psycho-sociales, l’orientation et le numérique venant se substituer à l’État ou lui servir de « béquille » avec son aval. Ainsi les représentants du personnel éducatif estiment-ils que le dispositif « Le choix de l’école » ferait de l’entrisme dans les établissements, notamment en distribuant des tablettes aux élèves.

Compte tenu de la modestie du plan « État plus fort » en matière d’éducation, les rapporteurs jugent nécessaire de mobiliser la communauté éducative, actuellement trop segmentée, autour d’un projet partagé.

Proposition : Élaborer, en lien avec les élus, les organisations syndicales de l’enseignement en Seine-Saint-Denis, les organisations représentatives des parents d’élèves du département et les services de l’éducation nationale, un projet partagé pour « une école plus forte en Seine-Saint-Denis ».

c.   Une charge de travail très lourde pour les personnels judiciaires et les directeurs d’école

L’une des raisons du manque d’attractivité de la Seine-Saint-Denis aux yeux des agents publics réside dans la lourdeur de la charge de travail qui leur incombe – compte tenu des difficultés que rencontre la population et, partant, de la forte demande de service public de cette dernière.

i.   Des heures supplémentaires non rémunérées au tribunal judiciaire de Bobigny

Souligné en audition, le nombre d’heures supplémentaires effectuées au tribunal judiciaire de Bobigny est à la fois très élevé et en hausse : il était de 9 878 heures en 2021 et de 11 350 heures en 2022, ce qui représente 8,4 ETP.

Plus problématique encore est le nombre d’heures écrêtées – soit les heures effectuées mais non rémunérées ([194]) – qui est de 8 594 : il est lui aussi en augmentation et représente 5,21 ETP, toutes catégories confondues. Ce nombre est notable chez les adjoints administratifs qui comptabilisent 2 361 heures en 2022 contre 1 924 heures en 2021.

Le manque d’agents administratifs et d’agents technique entraîne une dégradation en chaîne des conditions de travail au sein de la juridiction de Bobigny : les magistrats finissent par accomplir des tâches de greffier, les greffiers, des tâches d’adjoints administratifs et les adjoints administratifs, toutes sortes de tâches.

Or, si la juridiction reste attractive pour les magistrats, ce sont avant tout les greffiers qui subissent cette situation de surcharge de travail au point qu’ils redoutent d’être affectés à Bobigny en sortie d’école. À cet égard, la prime de fidélisation territoriale n’y fait rien : c’est toute la grille indiciaire qu’il faudrait modifier car le traitement de base de ces fonctionnaires reste insuffisant – a fortiori dans un bassin d’habitat où le logement est cher. En audition, le tribunal de Melun a été cité aux rapporteurs comme beaucoup plus attractif – voire comme une sorte d’eldorado – puisqu’on y observe un faible nombre de demandes de mutation.

Ce manque d’effectifs affecte directement le déroulement des procédures, telles que les audiences en assistance éducative pour lesquelles la loi prévoit la présence d’un greffier mais qui se déroulent souvent sans, par manque d’effectifs. Cette carence a également un effet dommageable sur l’exécution des peines – point déjà évoqué supra par les rapporteurs.

ii.   Les directeurs d’école ont une charge de travail très lourde en raison de la taille des établissements mais bénéficient d’un régime de décharge favorable

Particularité de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis, la grande taille de ses établissements par rapport à la moyenne nationale alourdit la charge de travail des directeurs d’école. C’est pourquoi, depuis 1998, ces directeurs bénéficient dans le département d’un régime de décharge de direction plus favorable que le régime national. En outre, 660 emplois sont dédiés aux décharges de direction. Par rapport au régime de décharge national, cela représente 105 emplois supplémentaires ([195]).

En outre, l’ensemble des moyens supplémentaires accordés dans les écoles en vue d’assurer le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 en REP et REP+ sont comptabilisés dans le calcul du régime de décharge dont bénéficient les directeurs d’établissement : en Seine-Saint-Denis, 83 emplois supplémentaires de décharge de direction ont ainsi pu être accordés en accompagnement du dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire.

Par ailleurs, le ministère de l’éducation nationale a précisé aux rapporteurs que les effectifs des assistants d’éducation n’avaient pas été réduits et que le nombre de conseillers principaux d’éducation avait même augmenté de 350 emplois à la rentrée 2021.

Enfin, la DGESCO a également indiqué qu’en vue d’alléger les charges administratives, le ministère misait entre autres sur l’amélioration des systèmes d’information et en particulier sur le système « ONDE », outil numérique pour la direction de l’école qui dématérialise et simplifie les échanges entre les établissements scolaires et les communes.

d.   Une médecine scolaire nettement sous-dotée qui risque d’accentuer les inégalités

En Seine-Saint-Denis, seuls 17 postes de médecin scolaire sur 50 sont pourvus. En outre, certains locaux accueillant les médecins et secrétaires des centres médico-scolaires mériteraient d’être profondément rénovés. Ces conditions de travail n’encouragent pas les candidats aux postes de médecin scolaire, raison pour laquelle le ministère de l’éducation nationale s’est substitué aux communes pour assurer l’entretien, la maintenance et l’équipement informatique de ces centres.

Proposition : Pourvoir en priorité les postes vacants de personnels de santé et d’action sociale dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis.

e.   Des difficultés d’accès au logement pour l’ensemble des fonctionnaires

Les difficultés d’accès au logement ne sont spécifiques ni à la Seine-Saint-Denis ni aux agents publics couverts par le présent rapport (fonctionnaires des ministères de l’éducation, de l’intérieur, de la justice et de la santé) : elles concernent en réalité tous les agents civils et militaires de l’État de même que les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux dans toute la région Île-de-France, bassin d’habitat le plus tendu – et le plus étendu – du territoire national.

S’agissant de la Seine-Saint-Denis, les représentants du personnel auditionnés par les rapporteurs ont unanimement présenté la difficulté à se loger dans la région parisienne comme un obstacle majeur à l’attractivité du département pour les fonctionnaires.

IV.   DE MULTIPLES LEVIERS À ACTIONNER POUR RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE L’EMPLOI PUBLIC

Afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation des agents affectés en Seine‑Saint‑Denis, plusieurs leviers peuvent être actionnés parmi lesquels le recrutement local (A), la valorisation de la rémunération (B), le renforcement de la formation (C), les conditions d’accès au logement (D) et enfin, l’amélioration des conditions de travail et de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (E).

A.   LE LEVIER DU RECRUTEMENT DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

1.   Le recrutement local : un dispositif à renforcer par la reconstitution d’écoles normales

Le recrutement local d’agents publics présente plusieurs avantages : outre qu’il est plus facile d’attirer et de fidéliser des habitants du département que des lauréats du concours arrivant de loin et souhaitant regagner dès que possible leur région d’origine – ne serait-ce que parce qu’ils sont parfois contraints au célibat géographique –, le recrutement local permet aussi aux services de l’État et des autres collectivités publiques de bénéficier des services d’agents ayant une bonne connaissance du terrain. C’est en particulier le cas dans l’enseignement et dans la police.

a.   Le pré-recrutement d’étudiants comme enseignants : une mesure louable mais insuffisante

Afin de favoriser le recrutement local au sein de l’éducation nationale, le plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis » a repris une mesure, qui existait à titre expérimental, tendant à favoriser le pré-recrutement d’étudiants comme enseignants. Cette mesure prend la forme de contrats de préprofessionnalisation avec un objectif de 500 étudiants par an à horizon de trois ans. Ces étudiants boursiers reçoivent une rémunération, cumulable avec leur bourse d’études, à partir de la deuxième année de licence pendant trois ans jusqu’au concours et doivent exercer leur métier dans leur département durant ces 3 ans. Chaque mois, ils sont rémunérés entre 690 euros nets (s’ils sont en deuxième année de licence) et 975 euros nets s’ils sont en master 1 ou en master 2 et ont une obligation réglementaire de service de six heures.

Selon les chiffres fournis par la préfecture du département, l’objectif de 500 étudiants par an n’a pas été atteint car le nombre de candidatures déposées lui était inférieur et que les besoins disciplinaires varient d’une année à l’autre ([196]). La préfecture a indiqué qu’elle ne disposait pas à ce stade de retour d’expérience quantitatif et qualitatif sur ce dispositif.

Les rapporteurs notent que malheureusement, le dispositif ne couvre pas certaines disciplines déficitaires et qu’il est difficile à instaurer dans le premier degré en raison de la quotité horaire (6 heures) d’exercice en responsabilité devant la classe au regard de l’organisation du temps scolaire dans le premier degré. Ils relèvent que l’effectif des étudiants en préprofessionnalisation reste relativement stable de la L1 vers la L2 alors qu’il chute de manière importante du M1 vers le M2. Par ailleurs, les étudiants en préprofessionnalisation sont en situation et accompagnés en L2 et L3 sans possibilité de prendre en responsabilité leur classe. Ce n’est qu’à partir du M1 que les étudiants sont pris en compte comme enseignants.

Le report du concours de recrutement de professeur des écoles du niveau master 1 au niveau master 2 n’a sans doute pas contribué à favoriser le pré-recrutement dans la mesure où peu de jeunes Séquano-Dionysiens parviennent au niveau bac+5.

En définitive, ce dispositif ne contribue que marginalement ([197]) à couvrir les besoins d’enseignement dans les premier et second degrés en Seine‑Saint‑Denis, ce que déplorent les rapporteurs.

b.   Reconstituer à titre expérimental des « écoles normales » au profit des bacheliers du département

Compte tenu du bilan plus que mitigé des contrats de préprofessionnalisation, les rapporteurs préconisent la reconstitution à titre expérimental, sur le modèle des écoles normales d’autrefois, de formations rémunérées au profit des bacheliers du département souhaitant devenir enseignants, moyennant engagement à servir un certain temps en Seine-Saint-Denis. Les rapporteurs constatent en effet que ce type de formations rémunérées n’existe plus en France que pour les personnels de catégorie A+, qu’il s’agisse de l’Institut national du service public ou de l’École normale supérieure. Il leur semble que dans un souci d’égalité républicaine, ce type de dispositif devrait aussi profiter aux agents publics des autres corps de l’État et surtout, aux personnels affectés dans les zones les plus en difficulté du territoire national au premier rang desquelles figure la Seine-Saint-Denis. Les rapporteurs notent que le Président de la République a soutenu cette idée.

Proposition : Expérimenter un système de formation rémunérée de niveau master 2 au profit des étudiants du département inscrits en L1 se destinant au métier d’enseignant, moyennant engagement à servir pendant dix ans en Seine-Saint-Denis.

2.   Intégrer la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris pour renforcer la mixité sociale et l’attractivité des postes d’enseignants ?

a.   Les mesures nationales visant à renforcer la mixité sociale bénéficient à la Seine-Saint-Denis mais sont insuffisantes

Selon les informations transmises aux rapporteurs par le rectorat de Créteil, le ministère a engagé, en partenariat avec le conseil départemental, un travail concernant les 40 collèges les plus évités du département. Au cours de chaque année scolaire, des formations attractives – telles que les classes à horaires aménagés, les sections internationales ([198]), les classes bilingues, l’enseignement des matières par l’intégration d’une langue étrangère (Émile), les résidences in situ ([199]), des expérimentations (deux heures de plus de sport), 3 internats d’excellence ([200]) – sont proposées dans les collèges du département.

D’autre part, la publication de postes à profil (PoP) à recrutement national vise à affecter des enseignants expérimentés dans le département, s’agissant du premier degré, et dans l’académie, s’agissant du second degré. Institué à titre expérimental en 2022 et reconduit dans le cadre des opérations de mobilité en 2024, ce dispositif consiste à proposer aux enseignants des postes qui requièrent des compétences, qualifications et aptitudes particulières en lien avec le projet de l’école ou de l’établissement ([201]). À l’issue de leurs trois années en poste « à profil », les enseignants qui souhaitent partir peuvent participer au mouvement intradépartemental pour le premier degré et intra-académique pour le second degré mais également aux mouvements interdépartemental et interacadémique. Dans ces derniers cas, ils bénéficient d’une bonification de leur barème.

Les rapporteurs jugent ces dispositifs utiles et nécessaires mais non suffisants.

b.   La ségrégation scolaire, phénomène lié à la question du logement

Si nombre de mesures ont été prises pour favoriser la mixité et renforcer l’attractivité des établissements scolaires dans le département, la ségrégation scolaire reste liée à la ségrégation résidentielle : une école située dans un quartier ségrégué le sera aussi et la sectorisation reste à la main des collectivités territoriales : maire pour les écoles et conseil départemental pour les collèges. Le premier facteur de ségrégation reste le logement.

c.   L’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris, une mesure avancée mais n’ayant pas fait l’objet d’une concertation avec les enseignants

Le co-rapporteur Stéphane Peu s’interroge quant au paradoxe qui veut que les effectifs scolaires du premier degré diminuent de plusieurs cenntaines à plusieurs milliers par an ([202]) quand la population du département ne cesse d’augmenter. Il se demande si la Seine-Saint-Denis n’est pas victime d’un phénomène d’évitement scolaire et si certains parents d’élèves ne recourent pas à des « adresses de complaisance » dans la capitale pour contourner la carte scolaire, notamment lorsqu’ils habitent dans une commune dotée d’une ligne de métro permettant de rejoindre Paris facilement.

Interrogés à ce sujet, le rectorat de l’académie de Créteil et la DGESCO ont indiqué qu’un tel phénomène était difficile à évaluer et à objectiver et qu’en tout état de cause, on n’assistait pas à une explosion du phénomène de l’instruction en famille ni des inscriptions dans les établissements privés hors contrat. En outre, la démographie scolaire augmente dans le secondaire – spécificité propre au département.

Selon les informations fournies par la DEPP, la démographie du département a diminué, sur les tranches d’âge de 2 à 7 ans, de plus de 5,5 %, passant de 156 074 habitants à 147 360 habitants ([203]), entre 2019 et 2023. Toujours selon les prévisions ministérielles, au cours des trois prochaines années scolaires, le département devrait encore perdre sur ces tranches d’âge plus de 6 700 habitants (- 4,6%).

Au collège, les effectifs ont augmenté de 339 élèves à la rentrée 2022 puis de 124 élèves à la rentrée scolaire 2023, après avoir diminué de 589 élèves à la rentrée 2021. Au lycée, les effectifs ont progressé de 3 031 élèves au cours de la période, dont 2 097 élèves en voie générale et 643 élèves en voie professionnelle.

L’instruction en famille (IEF) en Seine-Saint-Denis, par année scolaire

 

Nombre d’élèves en IEF

Remarques

2018-2019

532 (1 070 si CNED inclus)

 

2019-2020

1 023 (1 574 si CNED inclus)

Entrée en vigueur de l’obligation de scolarité de 3 à 16 ans

2020-2021

1 479 (2 079 si CNED inclus)

Conséquence du confinement

2021-2022

1 718

 

2022-2023

1 175

Application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

L’instruction en famille (IEF) en Seine-Saint-denis,
selon l’âge des élèves en 2022-2023

Âge de l’élève

Nombre d’élèves en IEF

3-5 ans

195

6-10 ans

394

11-16 ans

586

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Nombre d’élèves inscrits dans les établissements privés
hors contrat en Seine-Saint-Denis

Année scolaire

Nombre d’élèves dans le hors contrat 1er degré

Nombre d’élèves dans le hors contrat collège

Nombre d’élèves dans le hors contrat lycée

2018-2019

2 501

596

330

2019-2020

2 645

654

192

2020-2021

2 534

726

240

2021-2022

2 598

785

214

2022-2023

2 615

830

191

Source : rectorat de l’académie de Créteil.

Il reste que face à ce constat, le président du conseil départemental de Seine‑Saint‑Denis a proposé l’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris afin de renforcer la mixité sociale et d’éviter ces phénomènes d’évitement. Les rapporteurs souscrivent à cette proposition.

Il semble cependant que les organisations syndicales représentatives des personnels de l’éducation nationale et des parents d’élèves n’aient pas été consultées avant l’annonce d’une telle proposition. Interrogés par les rapporteurs, elles n’ont guère exprimé d’enthousiasme à cette idée – certaines organisations l’ont même qualifiée de « mesure d’affichage ».

Proposition : Remettre au Parlement une étude ministérielle sur l’opportunité et la faisabilité de la proposition du président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, relative à l’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris.

B.   LE LEVIER DE LA RÉMUNÉRATION : LA PRIME DE FIDÉLISATION TERRITORIALE, UNE MESURE ALLANT DANS LE BON SENS MAIS QU’IL EST DIFFICILE D’ÉVALUER À CE STADE

Mesure phare du plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », la prime de fidélisation territoriale a été instituée par le décret n° 2020-1299 du 24 octobre 2020 au profit de certains fonctionnaires et agents de l’État affectés en Seine-Saint-Denis.

Les agents publics, civils et militaires, doivent exercer leurs fonctions de façon permanente pendant cinq années consécutives à compter de l’entrée en vigueur de ce texte réglementaire (article 1er).

Cette prime concerne les agents exerçant dans l’éducation, la police nationale et la préfecture, les services de greffe judiciaires, l’administration pénitentiaire et de protection judiciaire de la jeunesse, la brigade de sapeurspompiers de Paris et l’administration des finances publiques et de la protection des populations (article 2). Selon l’Inspection générale des finances, le nombre d’agents éligibles était de 40 000 en 2020.

Elle est versée en une seule fois, au terme des cinq années de services effectifs. Son montant est fixé par arrêté des ministres chargés du budget et de la fonction publique. Elle ne peut être perçue qu’une seule fois (article 3).

Elle est cumulable avec d’autres primes (article 4).

Le dispositif est valable pendant dix ans à compter du 1er octobre 2020.

Les agents publics déjà en fonction au moment de la publication du décret peuvent opter soit pour le bénéfice de la prime de fidélisation territoriale dès lors qu’ils auront accompli cinq années continues de services effectifs, calculées à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, dans ces services et emplois, soit pour le bénéfice d’un versement exceptionnel de la prime de fidélisation territoriale selon des conditions fixées par le décret précité (article 5).

Tous les cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du décret précité, un rapport du ministre chargé de la fonction publique évalue l’impact de la prime de fidélisation territoriale sur la situation des ressources humaines du département de la Seine-Saint-Denis. Les modalités d’application de la prime peuvent être modifiées sur base de cette évaluation quinquennale (article 6).

1.   Un dispositif qu’il est difficile d’évaluer à ce stade dans la mesure où seuls quelques agents ont bénéficié du dispositif transitoire

Compte tenu des dispositions de l’article 5 du décret du 24 octobre 2020, la prime ne pourra être versée à montant plein qu’à partir du 1er octobre 2025 et les données sur lesquelles s’appuient les rapporteurs ne reflètent que l’application du dispositif transitoire profitant aux fonctionnaires présents dans le département avant le 1er octobre 2020 et quittant le département avant le 1er octobre 2025.

Au sein de l’éducation nationale, en 2021, 472 agents du 1er degré, 439 dans le second degré, 66 personnels de direction, 23 personnels administratifs, 2 psychologues, 61 agents des services de la « vie de l’élève » et 19 enseignants de l’enseignement privé sous contrat ont bénéficié de la mesure. S’agissant des agents ayant quitté la Seine-Saint-Denis au 31 août 2022, 1 133 agents ont bénéficié de la mesure.

En dehors de l’éducation nationale, peu d’agents ont été concernés par ce dispositif transitoire. Ont bénéficié de la mesure entre 2021 et septembre 2023, 64 agents de la préfecture (pour environ 600 éligibles chaque année), 158 agents de la DDFiP, 24 agents des services judiciaires et une trentaine de fonctionnaires de la direction territoriale de la sécurité publique.

Plusieurs administrations – telles la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne – l’ont souligné, il est difficile de dresser un bilan de la prime de fidélisation territoriale alors même que seules ses dispositions transitoires ont été appliquées à ce stade. Cependant, on observe déjà deux tendances contradictoires : les uns jugent le dispositif insuffisamment incitatif tandis que d’autres, non visés par le décret de 2020, en réclament le bénéfice.

Les indemnités dont bénéficient les policiers en Seine-Saint-Denis

Si la prime de fidélisation territoriale a été instaurée par le plan « État plus fort », elle n’est pas le seul dispositif dont peuvent bénéficier les agents de la préfecture de police affectés en Seine-Saint-Denis, qui peuvent cumuler quatre dispositifs.

1) L’indemnité de fidélisation : pouvant atteindre 1 800 euros par an maximum, cette indemnité ne concerne que certaines zones du territoire national comme l’Île-de-France, Marseille, Dreux, etc. L’indemnité peut être majorée en fonction de l’ancienneté.

2) La prime de fidélisation territoriale qui concerne tous les agents affectés en Seine‑Saint‑Denis, quels que soient le grade et le corps d’appartenance.

3) Le complément indemnitaire de fidélisation : il bénéficie aux policiers affectés en Île-de-France pendant dix ans. Il s’élève à 9 000 euros, dont 3 000 euros la première année, 3 000 euros la sixième année et 3 000 euros la 10e année (*).

4) L’avantage spécifique d’ancienneté, dispositif interministériel instauré par décret en 1995 qui bénéficie aux agents affectés dans le périmètre du secrétariat général de l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) d’Île-de-France.

(*) Dans les faits, ce complément est versé de façon régulière et n’est pas remboursé par les agents qui quittent la région avant échéance.

2.   Une mesure jugée insuffisante par les uns…

Indépendamment même de la forte hausse du niveau d’inflation depuis 2022, près de deux ans après le lancement de cette mesure, la prime semble insuffisamment incitative – tant du fait de son montant que de ses modalités de versement – pour favoriser les arrivées et la fidélisation des agents à leur poste.

Ainsi, le directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) estime que la prime n’a pas eu à ce stade l’impact attendu et que les dernières données statistiques relatives aux mouvements des professeurs des écoles qui laissent apparaître un léger fléchissement entre 2021 et 2022 ne sont pas significatives. De même, la DGESCO estime manquer de recul et considère que le dispositif n’a pas bouleversé l’économie d’ensemble des ressources humaines de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis pour le moment. Aucune inflexion majeure n’a été notée et le turnover reste important dans le département.

Le directeur territorial de la sécurité publique reste également très prudent quant aux effets de la prime, malgré une légère réduction du nombre de candidats au départ constatée en 2022 : ainsi, seuls 138 policiers ont candidaté pour un poste extérieur dans le cadre du mouvement polyvalent de 2022 contre 521 en 2021. Le solde de départs et des arrivées d’agents relevant du corps d’encadrement et d’application pour l’année 2022 est, tous mouvements confondus, de - 16 ; il était de - 88 en 2021.

Les rapporteurs notent cependant une appréciation différente de la part des représentants du personnel qu’ils ont auditionnés qui, eux, ont noté un léger effet d’attractivité sur les mouvements de mutations des départements limitrophes vers la Seine-Saint-Denis en 2020, tout en reconnaissant la stabilité du nombre d’agents du corps d’encadrement et d’application.

Quant au nombre de départs de la DDFiP, il a baissé entre 2021 et 2022 passant de 20 % des effectifs en poste en 2021 à 17,5 % en 2022. Le directeur départemental des finances publiques estime qu’il n’est pas possible d’expliquer cette baisse par la seule instauration de la prime de fidélisation. Si les causes des départs sont multiples et souvent personnelles ([204]), le profil type de fonctionnaire de la DDFiP explique une part conséquente de ces mouvements : l’âge moyen des agents de la DDFiP du 93 est de 42 ans, contre près de 50 ans au niveau national et il y a au sein de la direction une forte proportion d’agents primo-affectés dans le service après concours (catégorie C) ou réussite aux concours internes et externes (catégories B et A). Cette population, plus jeune, est plus encline à passer les concours internes, et y est encouragée et aidée, ce qui se traduit par des taux de réussite élevés et des départs du département qui ne sont pas toujours suivis d’un retour, les affectations se faisant au niveau national. Ainsi, la politique de promotion sociale interne contrarie partiellement la politique de fidélisation des agents menée en faveur de la Seine-Saint-Denis.

Pour les rapporteurs, certaines modalités de cette prime interrogent, notamment le fait qu’elle ne puisse être versée aux agents qu’une seule fois – ce qui limite à cinq ans la durée de fidélisation des agents. En outre, la durée de cinq ans n’est pas en phase avec le déroulement de carrière des agents de catégorie A qui effectuent généralement une mobilité au bout de trois ans. Par ailleurs, il semblerait préférable non seulement de revaloriser le montant de la prime mais aussi de l’assortir d’un échéancier de versement – le premier intervenant dès la première année d’affectation comme c’est le cas pour d’autres dispositifs indemnitaires existants. Un dispositif de remboursement dégressif en cas de départ anticipé permettrait d’éviter les effets d’aubaine.

3.   … mais qui semble insuffisamment connue…

En audition, les rapporteurs se sont rendu compte que la prime de fidélisation territoriale était insuffisamment connue par les agents, notamment dans la police nationale – ce qui, à leur sens, biaise d’autant le jugement qu’on peut porter sur le dispositif. Ainsi, au terme d’un sondage réalisé par l’organisation syndicale SGP police 93 auprès de 500 policiers, il est apparu que 86 % d’entre eux ignoraient l’existence même de cette prime de 10 000 euros ! En revanche, 11 % des 14 % qui en avaient connaissance ont indiqué que cette mesure les avait incités à choisir la Seine‑Saint‑Denis, soit quasiment la majorité des agents informés. En revanche, la prime semble avoir peu convaincu de rester (28 %) les agents déjà en poste avant son instauration en 2020. Il reste que 77 % des agents renonceraient à la prime s’ils pouvaient être mutés en province.

Interrogée à ce sujet, la préfecture de police a indiqué n’avoir aucune information quant à un éventuel défaut de connaissance de l’existence de cette prime.

4.   … réclamée par d’autres…

Alors que les directeurs des administrations concernées ne constatent pas d’effet notable à la suite de l’instauration de la prime de fidélisation, d’autres déplorent que leurs agents n’aient pu en bénéficier. C’est en particulier le cas des agents de la fonction publique hospitalière, des personnels administratifs de l’éducation nationale et des agents des unités départementales des services régionaux (direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement, direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).

5.   … et dont les contours sont en cours d’évolution

Si le décret du 24 octobre 2020 prévoyait une évaluation et une clause de révision de la prime à cinq ans – ce qui semblait logique voire prématuré puisque le dispositif ne tournera à plein qu’au bout de cette période –, la Première ministre a annoncé le 30 mai 2023 en Conseil des ministres plusieurs évolutions du dispositif. Le 2 novembre dernier, la Première ministre a pris un décret n° 2023-1016 ([205]), modifiant le décret initial qui prévoit, à compter du 1er janvier 2024 et pour une durée de sept ans :

– l’instauration d’un premier versement intervenant dès la primoaffectation dans le département, de l’ordre de 20 % du total, suivi d’un versement de l’ordre de 40 % puis d’un versement d’un solde de l’ordre de 40% ([206]) ;

– le remboursement de la prime en cas de départ anticipé de l’agent ;

– l’élargissement du périmètre des services bénéficiaires aux agents de l’administration des douanes et droits indirects, du service d’inspection du permis de conduire et de la sécurité routière ; des services publics de l’hébergement, du logement, de l’économie, de l’emploi, du travail, et des solidarités, de l’environnement, de l’aménagement et des transports.

À ce stade, le montant de la prime de fidélisation, fixé par arrêté, n’a pas encore été modifié par le Gouvernement.

Proposition : Étendre le périmètre de la prime de fidélisation territoriale aux agents de la fonction publique hospitalière.

 

Proposition : Porter le montant de la prime de fidélisation territoriale de 10 000 à 15 000 euros.

6.   Un doublement de l’indemnité d’enseignement en REP+ qui fait la preuve de son efficacité

Depuis septembre 2023, tous les enseignants bénéficient de hausses de leur rémunération ([207]), quels que soient leur statut (titulaire, contractuel ou stagiaire), leur corps ou leur ancienneté : cette mesure n’est pas spécifique à la Seine-Saint-Denis et vise à opérer un rattrapage sur la perte de pouvoir d’achat des enseignants. Les rapporteurs ne s’y étendront donc pas.

En revanche, une autre mesure de rattrapage touche spécifiquement les enseignants affectés en REP+ afin de renforcer l’attractivité des postes dans ces établissements. Dans leur rapport, les députés Cornut-Gentille et Kokouendo préconisaient (proposition n° 6) de porter l’indemnité d’enseignement en REP+ à 3 000 euros. Or, cette indemnité a progressivement doublé entre 2017 et 2019. Les enseignants affectés dans un établissement d’enseignement prioritaire (REP) du second degré bénéficiaient en 2015 d’une indemnité de 1 734 euros par an ; ce montant est resté inchangé jusqu’en 2019. En REP+, cette indemnité s’élevait à 2 312 euros par an entre 2015 et 2017, puis elle a été augmentée ([208]) à 3 479 euros en 2018, à 4 646 euros en 2019 et à 5 114 euros par an en 2021. Par ailleurs, le Gouvernement a élargi le périmètre des bénéficiaires de l’indemnité.

Selon la DGESCO, il est encore trop tôt pour évaluer les effets de cette revalorisation. Cependant, dans une note d’analyse du 31 août 2023 ([209]), l’Insee indique qu’une « hausse de 1 000 euros de cette indemnité annuelle augmente de 1,4 point la part des enseignants qui souhaitent rejoindre un établissement REP+. Les enseignants les plus influencés par la hausse de l’indemnité REP+ sont ceux qui ont moins d’expérience ou qui travaillent déjà dans un établissement de l’éducation prioritaire renforcée. Des simulations suggèrent que ce changement de politique indemnitaire ne se serait pas effectué au détriment des établissements seulement classés REP sans être REP+ ; il aurait plutôt incité davantage d’enseignants à émettre des vœux de mobilité et à choisir moins fréquemment des établissements non classés en éducation prioritaire ». Dans l’académie de Montpellier, sur laquelle se base l’Insee pour faire ses simulations, la revalorisation de l’indemnité associée à l’affectation en REP+ s’est traduite par une augmentation, « estimée à +3,1 points, de la part d’établissements REP+ situés en première position sur les listes de vœux de mobilité des enseignants ».

Enfin, il existe un système de bonification en cas de mobilité en réseau d’éducation prioritaire – système qui permet la prise en compte de cette mobilité dans l’intégralité de l’avancement de carrière. Quant à l’avantage spécifique d’ancienneté, déjà cité pour les policiers, il consiste en une bonification d’ancienneté pour l’avancement d’échelon concernant les personnels affectés dans certaines communes relevant de la politique de la ville.

C.   LE LEVIER DE LA FORMATION

Dans un département qui cumule toutes les difficultés – pauvreté des familles, faible indice de position sociale des parents d’élèves, difficultés d’apprentissage des enfants, délinquance record –, la formation des agents publics, et en particulier celle des enseignants et des policiers est pour les rapporteurs un enjeu majeur.

1.   Renforcer la formation des policiers

Les auteurs du rapport d’information du 31 mai 2018 suggéraient (proposition n° 7) d’« améliorer la formation des policiers et [de] valoriser leur engagement dans les secteurs difficiles en réformant les conditions de recrutement de la police judiciaire ; [en] axant davantage les programmes de formation sur la relation avec la population [et en] fidélisant les policiers expérimentés dans les territoires sensibles par des mesures attractives ».

Si l’enjeu de la formation des policiers n’est pas spécifique à la Seine-Saint-Denis, il est – comme d’autres défis – exacerbé dans un département qui bat tous les records en matière de délinquance. On peut supposer, aux concours de recrutement, un écart important entre les admis très diplômés et les admis peu diplômés. Or, les policiers doivent faire preuve de discernement, intégrer la déontologie, le savoir-être et le droit applicable et maîtriser les techniques d’intervention – la hiérarchie n’exerçant de contrôle qu’a posteriori. En école, les policiers reçoivent une formation de base mais il s’agirait de faire monter en gamme les agents intervenant dans un département aussi complexe. En ce domaine, les rapporteurs estiment qu’il y a clairement un déficit de formation chez les policiers.

Interrogée à ce sujet, la préfecture de police estime que « globalement, on peut considérer que les fonctionnaires du 93 bénéficient d’une formation de qualité équivalente à celle mise en œuvre sur l’ensemble du territoire de la préfecture de police » mais qu’en revanche, « il convient de souligner qu’il est parfois difficile de remplir les stages proposés en raison de l’indisponibilité des effectifs due aux fortes contraintes opérationnelles de ce département ». La préfecture de police a aussi reconnu, s’agissant des formations aux techniques et à la sécurité en intervention, le manque de formateurs qualifiés en Seine-Saint-Denis – comme d’ailleurs dans les autres départements du ressort de la préfecture de police : ils ne sont que 13 formateurs pour 4 500 policiers à former sur un effectif théorique de 45. En conséquence, la sous-direction de la formation est contrainte de se concentrer sur les formations obligatoires telles que celle des trois tirs réglementaires par an.

2.   Renforcer la formation initiale et continue des enseignants

Pour les organisations représentatives des enseignants, la formation initiale et continue est un enjeu majeur dans un département où les ressources humaines fonctionnent à flux tendu. Il importe que des enseignants formés puissent accompagner les enseignants débutants, si nombreux dans le département.

C’est en ce sens que le ministère de l’éducation nationale a lancé le plan français et le plan mathématiques, pour renforcer significativement la formation des professeurs des écoles dans la pédagogie et l’apprentissage des savoirs fondamentaux dans le cadre de journées de formation étalées sur cinq ans. Il a également créé des écoles académiques de la formation continue.

D.   LE LEVIER DU LOGEMENT : FAVORISER L’ACCÈS AU LOGEMENT SOCIAL FRANCILIEN POUR LES AGENTS PUBLICS

1.   Environ 60 000 logements sociaux sont proposés aux fonctionnaires d’État affectés en Île-de-France

En vertu de l’article R. 441-5-2 du code de la construction et de l’habitation, chaque préfet dispose, en contrepartie des aides à la pierre étatiques dont bénéficient les bailleurs sociaux, d’un contingent de logements réservés dans chaque opération ou ensemble de logements locatifs sociaux, tous types de logements sociaux confondus. Ce contingent, dont l’objectif est de garantir le bon fonctionnement des services publics, représente 30 % des droits de réservation obtenus auprès de chaque bailleur social, dont 5 % maximum au profit des agents civils et militaires de l’État ([210]). Ainsi, ce taux de 5 % est uniforme sur le territoire national alors même que l’Île-de-France concentre un nombre plus important de fonctionnaires par habitant que le reste du territoire national, notamment en raison de la présence en région parisienne de l’administration centrale et d’un nombre non négligeable d’établissements publics de portée nationale et de services déconcentrés ([211]).

Proposition : Consacrer 30 % du contingent préfectoral de logements sociaux aux agents publics affectés en Seine-Saint-Denis.

Compte tenu de la spécificité de l’Île-de-France, ces droits de réservation sont gérés sur ce territoire par le préfet de région et non par le préfet de chaque département. En outre, ces deux catégories de droits de réservation y sont gérées de façon distincte de sorte que les agents de l’État ne se trouvent pas en concurrence avec les publics considérés comme prioritaires dans l’attribution des logements du contingent préfectoral – tels que les titulaires du droit au logement opposable par exemple. Ainsi, les 5 % de logements sociaux à la main du préfet d’Île-de-France sont-ils gérés par l’unité départementale parisienne de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (UD DRIHL 75) et, au sein de cette unité, par le bureau de l’accès au logement interministériel des agents de l’État.

Selon les informations transmises aux rapporteurs par ce bureau, le contingent de 5 % précité représente 58 000 logements à l’échelle régionale. Au contingent préfectoral s’ajoutent un contingent de 800 logements financés par l’action sociale interministérielle, un stock de plus de 1 000 logements financé par le fonds régional d’aménagement d’Île-de-France et enfin, des contingents ministériels – en particulier au ministère de l’intérieur. L’ensemble des contingents interministériels sont gérés par le bureau de l’accès au logement précité.

L’attribution des logements sociaux réservés repose sur un double principe. D’une part, les demandeurs candidatent sur les annonces de leur choix parmi celles publiées sur la bourse de logement en ligne gérée par le bureau précité. D’autre part, les agents bénéficient de points – appelés indices de priorité – censés refléter ([212]) l’urgence de leur situation et permettre à l’État de prioriser les demandes de logement. Dans le cadre de cette priorisation, pour chaque offre publiée sur la bourse de logement en ligne, les trois demandeurs ayant le plus de points sont désignés au bailleur social qui a charge de présenter ces trois dossiers en commission d’attribution des logements sociaux ([213]).

2.   Dans le cadre du plan « État plus fort », les agents affectés en Seine-Saint-Denis bénéficient d’une bonification leur permettant d’accéder plus facilement au logement social relevant du contingent préfectoral

De manière générale, les logements des contingents interministériels ne sont pas réservés aux agents de départements ciblés mais accessibles à tous les agents exerçant en Île-de-France, quelle que soit leur administration.

Cependant, afin de renforcer l’attractivité du département de Seine-Saint-Denis pour les agents de la fonction publique d’État mais aussi de faciliter la mobilité entre fonction publique territoriale et fonction publique d’État, le plan « État plus fort » a prévu qu’à compter du 1er janvier 2020, les agents de l’État exerçant dans le département bénéficieraient d’une majoration de 10 points de leur indice de priorité sur la bourse de logement en ligne gérée par le bureau de l’accès au logement interministériel des agents de l’État. Cette majoration peut se cumuler avec une autre majoration de 10 points existante qui bénéficie aux nouveaux arrivants en Île-de-France : or, les agents de l’État travaillant en Seine-Saint-Denis sont surreprésentés parmi les primo-affectations ([214]). En d’autres termes, nombre d’agents publics affectés en Seine-Saint-Denis disposent d’une vingtaine de points lorsqu’ils candidatent pour un logement, ce qui – d’après la préfecture d’Île‑de‑France, donne de bonnes chances – sans garantir – de voir leur(s) demande(s) présentée(s) ([215]) en commission d’attribution. Qui plus est, les bailleurs sociaux tendent à privilégier les candidatures des agents publics.

3.   Un dispositif qui ne porte que modérément ses fruits…

En 2022, sur les 2 946 demandeurs enregistrés sur la bourse au logement précitée par des agents affectés en Seine-Saint-Denis (sur un total de 16 824 demandes en Île-de-France), 2585 candidatures d’agents de l’État ont été présentées en commission d’attribution d’un logement social par 2 269 demandeurs. Ainsi, 23,3 % ([216]) des demandes présentées devant ces commissions émanent d’agents affectés en Seine-Saint-Denis alors que ces derniers ne représentent que 17,51 % du total des demandeurs. Cela représente aussi 4 % de plus qu’en 2019 où les demandes de logement émanant d’agents affectés en Seine‑Saint-Denis et présentées en commission d’attribution ne représentaient que 19,54 %.

L’effet de cette bonification sur la répartition des signatures de baux est plus modeste puisqu’on constate une hausse de 2 % entre 2019 et 2022 : cela pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les commissions d’attribution favorisent les candidats en activité dans le département où est situé le logement – lorsque ce dernier n’est pas en Seine-Saint-Denis. De fait, 61,28 % des demandes présentées en commission d’attribution au profit d’agents affectés dans le 93 concernaient des logements situés en dehors du département d’exercice des agents, Paris et les Hauts-de-Seine représentant près d’un tiers des demandes présentées en dehors de la Seine-Saint-Denis. En outre, si 70 % des logements attribués en Seine‑Saint‑Denis l’ont été au profit d’agents affectés dans le département, 26 % des logements attribués à Paris l’ont été aux mêmes agents.

Sans surprise, ce sont les agents de l’éducation nationale qui bénéficient le plus de ce contingent préfectoral, compte tenu de leur nombre.

Le Gouvernement et la préfecture de Seine-Saint-Denis reconnaissent que « le logement reste également un champ insuffisamment couvert par le plan pour répondre aux difficultés persistantes en ce domaine. La priorisation des demandes de logement social formulées par les agents publics de la Seine-Saint-Denis constitue une réponse nécessaire mais largement insuffisante pour répondre à la demande et faire en sorte que les agents puissent bénéficier de logements convenables dans un environnement de qualité ». Les rapporteurs partagent ce constat.

4.   … en raison de l’insuffisance du parc de logements sociaux proposés au regard des besoins

Si la bonification dont bénéficient les agents de l’État affectés en Seine‑Saint‑Denis contribue sans doute à atténuer le manque d’attractivité du département, l’efficacité du dispositif est toute relative, les bienfaits du contingent préfectoral se heurtant aux limites physiques du parc social francilien. Comme le soulignaient les représentantes de la préfecture d’Île-de-France en audition, sachant qu’il y avait 16 824 demandeurs inscrits au bureau du logement d’Île-de-France en 2022 et que quelque 3 000 baux sont signés chaque année – 2 784 en 2022 –, « il faudrait l’équivalent de six ans d’attributions pour reloger l’ensemble des demandeurs ».

5.   Un dispositif interministériel complété par une action ministérielle, s’agissant des policiers

Le dispositif interministériel de bourse au logement est complété, s’agissant de la police nationale, par un contingent de logements du ministère de l’intérieur. Au sein de la préfecture de police, un bureau du logement est chargé de proposer des logements ou des hébergements en résidence aux jeunes fonctionnaires et aux personnels en rupture d’hébergement. Cette offre s’adresse aux agents affectés à Paris et dans les trois départements de la petite couronne dans les services relevant de l’autorité du préfet de police ainsi qu’aux agents relevant des services de police affectés dans les départements de grande couronne.

Les logements sociaux et résidences font l’objet d’une négociation et sont réservés, contre subvention, une ou plusieurs fois, selon la durée de la convention, au profit d’agents dont la candidature à la location est présentée en commission d’attribution, comme pour le contingent préfectoral. L’offre du secteur social est complétée par des logements de propriétaires privés bénéficiant de la garantie de paiement du loyer via les fondations Louis Lépine et Jean Moulin. La préfecture de police ayant bénéficié d’une augmentation de l’enveloppe budgétaire de 2022 dédiée au logement, elle a pu lancer de nouveaux projets permettant de valoriser le parcours résidentiel des fonctionnaires logés dans son contingent.

Au 30 septembre 2023, l’offre de logements gérée par la préfecture de police est constituée de 12 614 logements : 11 204 logements réservés dans le parc social, 801 studios en résidence pour jeunes fonctionnaires et 609 logements privés.

Le nombre d’agents dont la demande de logement a été satisfaite était de 1 104 en 2020, de 1 118 en 2021, de 1 147 en 2022 et de 879 au 30 septembre 2023.

Quant au parc de logements situés en Seine-Saint-Denis, il comporte 943 logements, soit 7,5 % du parc de la préfecture de police, dont 836 logements sociaux, 30 studios en résidence pour jeunes fonctionnaires et 77 logements privés. Parmi les 1 237 demandeurs inscrits à ce jour au bureau du logement de la préfecture de police, 99 souhaitent être logés en Seine-Saint-Denis et 83 y sont affectés.

6.   Une action concertée de l’État pour garantir aux soignants l’accès à un logement abordable

Parallèlement à l’application du contingent préfectoral qui bénéficie exclusivement aux agents de l’État, la préfecture d’Île-de-France a décidé de concentrer son action en matière de création de nouveaux logements au profit des fonctionnaires et agents hospitaliers, compte tenu de la pénurie de soignants dans la région.

En lien avec l’ARS d’Île-de-France qui consacre 75 millions d’euros en 2023 à la création de logements, la préfecture régionale a identifié quatre sites étatiques disponibles où réaliser des opérations de construction. Elle envisage de conclure des baux emphytéotiques et la construction, sur les terrains identifiés, de logements locatifs intermédiaires et non de logements sociaux – la construction de logements intermédiaires permettant l’introduction dans les baux conclus d’une clause de fonction de sorte que le parc réservé par les établissements de santé ne soit pas indûment occupé par des locataires n’appartenant plus à leurs effectifs. Une décote sera appliquée sur les loyers de ces logements intermédiaires afin que ces loyers restent abordables. Le co-rapporteur Stéphane Peu estime qu’il aurait été plus juste et plus efficace d’affecter ces terrains à des logements sociaux dont les plafonds de ressources sont plus adaptés aux agents de la fonction publique hospitalière.

Dans le cadre du Ségur de la santé, 50 millions d’euros de crédits ont été alloués au printemps 2022 au financement de logements des soignants dans le département, une priorité étant accordée aux filières en tension. Certains logements du futur village olympique devraient ainsi être réservés aux soignants à l’issue des jeux de 2024. En janvier 2023, ce programme de financement de logements au profit des soignants a bénéficié de 25 millions d’euros supplémentaires. Au total, les 75 millions d’euros investis devraient permettre de financer 1 600 logements.

Par ailleurs, l’assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP) a publié, en concertation avec les groupements hospitaliers de Seine-Saint-Denis, un appel à manifestation d’intérêt pour l’achat de droits de réservation au profit des soignants du département, l’agence régionale de santé d’Île-de-France apportant au projet un soutien financier de 21 millions d’euros. Cet appel à manifestation d’intérêt était composé de trois lots : les deux premiers concernent l’acquisition de droits de réservation en résidences pour jeunes actifs, au profit des jeunes professionnels exerçant des métiers en tension (infirmiers, infirmiers spécialisés en particulier) ; le troisième porte sur l’acquisition de droits de réservation de logements sociaux.  Selon les informations fournies par le Gouvernement, près de 1 200 droits de réservation ont été acquis pour la période 2023-2027, près de 30 % de l’offre profitant aux jeunes professionnels en sortie d’école, pour un coût moyen de 17 790 euros par logement. Ce projet permettra d’attribuer jusqu’à 86 studios en résidences jeunes actifs et 70 logements sociaux.

Enfin, l’AP-HP a lancé le 14 avril dernier un nouvel appel à manifestation d’intérêt associant plusieurs établissements de Seine-Saint-Denis  le groupement hospitalier territorial Plaine de France, l’établissement public de santé de Ville‑Évrard et le groupement de coopération médico-sociale ([217]) du 93 pour une prise à bail de logements libres et intermédiaires sur des programmes neufs ou réhabilités. Ce nouvel appel à manifestation d’intérêt est structuré en deux volets dont le premier, clos le 23 mai 2023, portait sur des programmes neufs à livrer en 2023.

Proposition : Étendre le bénéfice du contingent préfectoral de logements sociaux aux agents de la fonction publique hospitalière.

7.   La nécessité de recourir à d’autres leviers tels que la mobilisation par l’État du foncier public pour y construire du logement social dédié aux agents publics

Les services de la préfecture de Seine-Saint-Denis réfléchissent actuellement à l’idée de conventionner avec les bailleurs sociaux des quotas de réservations de logements en sus du contingent préfectoral mais aussi d’acquérir des logements destinés aux fonctionnaires affectés en Seine-Saint-Denis.

E.   LE LEVIER DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL : FAIRE DE LA SEINE-SAINT-DENIS UN DÉPARTEMENT PROPICE À L’INSTALLATION DES AGENTS PUBLICS ET DE LEURS FAMILLES

1.   Recréer du lien de proximité entre la police et la population

L’instauration, en septembre 2009, de la police d’agglomération ([218]) soulève des interrogations chez les policiers comme chez certains élus. Selon eux, cette nouvelle organisation n’a pas amélioré mais au contraire distendu les liens de proximité entre la police et la population – alors même que l’État promeut désormais à tous les niveaux la démarche d’aller vers et de contact avec les administrés, dans une démarche de confiance et d’ordre public et non seulement de répression.

S’agissant de l’articulation entre police nationale et polices municipales, la préfecture de police a rappelé que les municipalités étaient compétentes dans trois domaines : la prise en charge du contentieux du stationnement, de l’enlèvement des véhicules et de la circulation, tout d’abord ; le renfort de patrouilles de police sur la voie publique, ensuite ; enfin, l’installation de systèmes de vidéoprotection dotées d’un centre de supervision urbain et le déport d’images dans les services de police.

En Seine-Saint-Denis, seule la commune de L’Île-Saint-Denis n’a pas de police municipale. Toutes les communes sont équipées de caméras de vidéoprotection. L’articulation des missions de la police nationale et des polices municipales est assurée par la préfecture du département, par délégation du préfet de police. Cependant, la préfecture de police note que les polices municipales se retrouvent de plus en plus dans le rôle de primo-intervenantes à l’occasion de l’ensemble des événements de voie publique : afin d’améliorer les capacités d’investigations judiciaires des policiers municipaux, une action de formation a été prévue en novembre 2023.

Proposition : Réviser les conventions conclues entre l’État et les collectivités territoriales en matière de police nationale et de police municipale afin de clarifier leurs missions respectives et d’insister sur leur complémentarité.

Par ailleurs, les rapporteurs notent que l’une des revendications des agents de la police nationale consiste en un retour à des commissariats de plein exercice, notamment à Sevran et à Noisy-le-Sec – deux commissariats qui dépendent désormais de ceux d’Aulnay-sous-Bois et de Bobigny. Décidée par la préfecture de police pour réaliser des gains d’ETP et donc de productivité, cette mutualisation des unités semble mal vécue par les agents.

2.   Renforcer la sécurité des agents de la police nationale aux abords de leur lieu de travail

La sécurité des agents de police est un enjeu récurrent qui dépasse malheureusement le cadre de la seule Seine-Saint-Denis. Cela étant, ce département enregistrant des taux de délinquance inégalés sur le territoire métropolitain, les rapporteurs estiment que la sécurité des agents aux abords de leur lieu de travail – et notamment la sécurisation des lieux de stationnement de leurs véhicules personnels – est un enjeu de premier plan pour l’attractivité du métier de policier dans le 93.

Sur le plan préventif, les policiers sont désormais autorisés à porter leur arme de service lors de leurs déplacements personnels ainsi qu’en congés annuels. Des recommandations de prudence leur sont régulièrement adressées à l’égard de leur usage des réseaux sociaux et l’anonymisation des fonctionnaires dans le cadre de procédures judiciaires est désormais garantie par la loi.

Au profit des policiers victimes, le ministère de l’intérieur a institué un dispositif s’appuyant sur une adresse électronique et un numéro vert. En cas d’alerte, une plainte est immédiatement déposée, les personnes cibles sont le cas échéant mises en sécurité et les auteurs, interpellés.

S’agissant de la mise en cause des agents – certains étant suivis ou mis en cause ou voyant leur nom inscrit au pied de certaines tours d’immeubles –, la préfecture de police a indiqué aux rapporteurs qu’elle réglait la question au cas par cas – allant jusqu’à muter les agents si nécessaire.

Proposition : Renforcer la sécurité des personnels de la police nationale aux abords de leur lieu de travail.

3.   Développer une offre de places en crèche et une offre de garde pour les agents travaillant à des horaires atypiques

Si le cycle de travail des policiers a évolué ([219]), leur permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, la mise à disposition de places en crèches ouvertes à des horaires atypiques a été évoquée dans le cadre des travaux des rapporteurs.

Ces derniers notent que la préfecture de police dispose de crèches en propre et aussi de partenariats avec des crèches mais ce, uniquement à Paris. En Seine-Saint-Denis, les crèches ne sont pas à la main du préfet de police : la préfecture de police a suggéré à plusieurs reprises de confier à la sous-direction de la prévention et de la qualité de vie au travail, qui relève de sa direction des ressources humaines, une compétence en matière de petite enfance et de médecine de prévention, dans le ressort des départements de petite couronne.

D’autre part, s’agissant de l’offre de garde d’enfants en horaires atypiques, le ministère de l’intérieur a institué un dispositif de mode d’accueil mutualisé en horaires atypiques dont les fonctionnaires de Seine-Saint-Denis peuvent bénéficier.

Proposition : Développer l’offre de places en crèche et l’offre de garde d’enfants à domicile au profit des personnels de la police nationale travaillant à des horaires atypiques dans l’agglomération parisienne.

 


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   CONCLUSION

À l’issue de leur suivi du rapport d’évaluation du 31 mai 2018, les rapporteurs souhaitent formuler 26 nouvelles propositions.

1. Élaborer, en lien avec les élus, les organisations syndicales de l’enseignement en Seine-Saint-Denis, les organisations représentatives des parents d’élèves du département et les services de l’éducation nationale, un projet partagé pour « une école plus forte en Seine-Saint-Denis ».

2. Expérimenter un système de formation rémunérée de niveau master 2 au profit des étudiants du département inscrits en L1 se destinant au métier d’enseignant, moyennant engagement à servir pendant dix ans en Seine-Saint-Denis.

3. Pourvoir en priorité les postes vacants de personnels de santé et d’action sociale dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis.

4. Remettre au Parlement une étude ministérielle sur l’opportunité et la faisabilité de la proposition du président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, relative à l’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris.

5. À titre expérimental, augmenter le taux d’encadrement des collégiens de REP et de REP+ en Seine-Saint-Denis.

6. Lancer un plan d’urgence de recrutement d’accompagnants d’élèves en situation de handicap en Seine-Saint-Denis prévoyant notamment une extension à ces personnels du bénéfice de la prime de fidélisation territoriale.

7. Localiser en urgence au tribunal judiciaire de Bobigny vingt emplois de greffiers supplémentaires et créer cinquante-trois postes de greffier.

8. Affecter au minimum dix magistrats du siège supplémentaires au tribunal judiciaire de Bobigny.

9. Modifier l’article 750‑1 du code de procédure civile afin de préciser qu’en matière de contentieux aérien, la médiation est assurée par le Médiateur du tourisme et du voyage et que c’est la seule procédure amiable possible, à l’exclusion de la conciliation et de la procédure participative.

10. Au tribunal judiciaire de Bobigny, augmenter la capacité de jugement en formation de juge unique pour les dossiers de violences conjugales et créer deux chambres supplémentaires, l’une en matière financière et l’autre en matière de criminalité organisée, en y affectant des ressources humaines supplémentaires.

11. Accélérer le rythme de réalisation des travaux d’extension du parc pénitentiaire en Seine-Saint-Denis.

12. Étendre le périmètre de la prime de fidélisation territoriale aux agents de la fonction publique hospitalière.

13. Étendre le bénéfice du contingent préfectoral de logements sociaux aux agents de la fonction publique hospitalière.

14. Mettre en application le projet de création d’une unité de soins intensifs en psychiatrie à Neuilly-sur-Marne.

15. Augmenter en Seine-Saint-Denis le nombre de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ainsi que l’offre de soins infirmiers à domicile au profit de ces personnes.

16. Adopter un plan sectoriel sur le handicap en Seine-Saint-Denis.

17. Augmenter, en Seine-Saint-Denis, le nombre de places en établissement pour personnes en situation de handicap.

18. Augmenter rapidement le nombre de places en institut médico-éducatif en Seine-Saint-Denis afin de combler le déficit de places nécessaires à l’accueil d’enfants orientés vers ces structures par la maison départementale pour les personnes handicapées.

19. Augmenter les effectifs du service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis afin de créer deux groupes d’enquêteurs supplémentaires.

20. Renforcer la sécurité des personnels de la police nationale aux abords de leur lieu de travail.

21. Développer l’offre de places en crèche et l’offre de garde d’enfants à domicile au profit des personnels de la police nationale travaillant à des horaires atypiques dans l’agglomération parisienne.

22. Réviser les conventions conclues entre l’État et les collectivités territoriales en matière de police nationale et de police municipale afin de clarifier leurs missions respectives et d’insister sur leur complémentarité.

23. Proscrire le recours exclusif à l’outil numérique comme moyen de communication entre les usagers et les administrations publiques et accompagner les usagers les plus en difficulté pour leur faciliter l’usage des outils numériques existants.

24. Consacrer 30 % du contingent préfectoral de logements sociaux aux agents publics affectés en Seine-Saint-Denis.

25. Porter le montant de la prime de fidélisation territoriale de 10 000 à 15 000 euros.

26. Mener régulièrement des campagnes de promotion pour attirer les agents de l’État en Seine-Saint-Denis.

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du jeudi 30 novembre 2023 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14380878_65685bc00341a.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--suivi-de-l-evaluation-de-l-action-de-l-30-novembre-2023

 

 


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   ANNEXE N° 1 :
TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS
DU RAPPORT DU 31 MAI 2018

 

Proposition rejetée ou n’ayant pas fait l’objet d’un début d’application

Proposition ayant fait l’objet d’un avis favorable et d’un début d’application

Proposition appliquée

1. La connaissance des territoires et l’élaboration des politiques publiques

Proposition n° 1 : Repenser l’élaboration des politiques prioritaires en privilégiant l’identification de territoires prioritaires d’action, et non plus seulement des domaines prioritaires.

 

 

 

Proposition n° 2 : Évaluer les dispositifs de recensement pour affirmer ou infirmer leur fiabilité.

 

 

 

Proposition n° 3 : Placer l’INSEE sous l’autorité du Premier ministre pour assurer un meilleur pilotage statistique des politiques publiques.

 

 

 

Proposition n° 4 : Mutualiser, dans le cadre d’un observatoire, les données collectées par les services de l’État, les collectivités territoriales, les organismes sociaux, les associations, les chercheurs et certains opérateurs (régies de transports et bailleurs sociaux par exemple).

 

 

 

2. La gestion des ressources humaines

Proposition n° 5 : Faire évoluer les critères de répartition des effectifs, afin de tenir compte des spécificités de l’action scolaire, policière et judiciaire dans les territoires.

 

 

 

Proposition  6 : Renforcer la qualité et la stabilité des équipes pédagogiques en :

 Assurant une meilleure adéquation entre les épreuves des concours de recrutement et les enseignements en classe ;

 N’affectant plus des « sorties d’école » en REP+ et en ne suivant plus le rang de classement pour procéder aux affectations afin d’éviter que les derniers reçus ne débutent tous dans des établissements difficiles ;

 Portant l’indemnité d’enseignement en REP+ à 3 000 euros ;

 Revoyant les dispositifs de remplacement des professeurs absents de courte durée ;

 Augmentant les heures d’étude au collège et au lycée pour lutter contre le décrochage scolaire.

 

 

 

Proposition n° 7 : Améliorer la formation des policiers et valoriser leur engagement dans les secteurs difficiles en :

− Réformant les conditions de recrutement de la police judiciaire ;

− Axant davantage les programmes de formation sur la relation avec la population ;

− Fidélisant les policiers expérimentés dans les territoires sensibles par des mesures attractives.

 

 

 

Proposition n° 8 : Augmenter et stabiliser les effectifs judiciaires en :

− Mettant en œuvre, pour les magistrats, une obligation de durée minimale d’exercice de trois ans dans une même juridiction, ainsi qu’une durée maximale de dix ans ;

− Valorisant les carrières pour les magistrats et fonctionnaires de juridictions au contexte de travail difficile, ainsi qu’une revalorisation indemnitaire.

 

 

 

3. Le dialogue entre administrations, collectivités et acteurs locaux

Proposition n° 9 : Créer des comités locaux de pilotage des politiques publiques qui réuniraient, chaque semaine, le préfet, les représentants des services déconcentrés, les représentants des administrations centrales et des représentants locaux.

 

 

 

Proposition n° 10 : Donner plus d’autonomies aux personnels de gestion locaux (proviseurs, commissaires...) et valoriser leurs initiatives, telles que le module respect expérimenté par la maison d’arrêt de Villepinte.

 

 

 

Proposition n° 11 : Renforcer la lutte contre les marchands de sommeil.

 

 

 

4. Le contrôle des politiques publiques

Proposition n° 12 : Renforcer le Parlement dans ses fonctions de contrôle des politiques publiques en multipliant le nombre d’évaluations territorialisées des politiques publiques (Outre-Mer, zones rurales, Corse...) et en augmentant le nombre de rapports de suivi.

 

 

 

Proposition n° 13 : Accorder au Parlement le droit de demander des enquêtes statistiques directement auprès de l’INSEE ; la première pourrait concerner une clarification des méthodes de recensement des personnes en situation irrégulière.

 

 

 

Proposition n° 14 : Mettre en place une évaluation des politiques publiques à six mois, puis à trois ans après leur mise en place, afin de contrôler leur bonne application et d’évaluer leur pertinence.

 

 

 

 


   ANNEXE N° 2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

  1. Auditions :

        M. Jacques Witkowski, préfet de la Seine-Saint-Denis, accompagné de M. Frédéric Antiphon, secrétaire général de la préfecture de Seine-Saint-Denis, et de Mme Angélique Courtillier, coordinatrice interservices chargée du suivi du plan « L’État plus fort en SeineSaintDenis » (9 mars 2023).

        M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil, et M. Antoine Chaleix, inspecteur d’académie (IA) et directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de Seine-Saint-Denis (30 mars 2023).

        Mme Fabienne Rosenwald, directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) au ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, accompagnée de M. Thierry Rocher, sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire (6 avril 2023).

        M. Éric Mathais, procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Bobigny, et M. Peimane Ghaleh-Marzban, président du Tribunal judiciaire de Bobigny (6 avril 2023).

        M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), et Mme Isabelle Kabla‑Langlois, directrice régionale de l’Insee d’Île-de-France, accompagnée de M. Lionel Espinasse adjoint à la cheffe du département de la démographie (11 mai 2023).

        Mme Amélie Verdier, inspectrice générale des finances, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île de France, et Mme Sylvaine Gaulard, directrice de la délégation départementale de Seine-Saint-Denis (11 mai 2023).

        M. Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis (25 mai 2023).

        M. Erwan Guermeur, secrétaire départemental de l’Unité SGP Police 93(25 mai 2023).

        Mme Virginie Lahaye, sous-directrice chargée des services territoriaux de Paris, et M. Vincent Annereau, chef du service départemental de la police judiciaire de la Seine-Saint-Denis (Bobigny), ainsi que Mme Isabelle Tomatis, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne à la préfecture de police (DSPAP), et M. Michel Lavaud, directeur territorial de la sécurité de proximité de Seine‑Saint‑Denis (1er juin 2023).

        M. Michaël Gilmant-Merci, directeur de la maison d’arrêt de Villepinte (1er juin 2023).

        M. François Cornut-Gentille, rapporteur de la mission d’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis sous la XVe législature (15 juin 2023).

        M. Pascal Delaplace, directeur général de la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis, accompagné de M. Bernard De Ryck, directeur général adjoint en charge des ressources internes, et de Mme Ambre Martin, cheffe de cabinet (22 juin 2023).

        M. Marc Dora, directeur départemental des finances publiques de la Seine‑Saint‑Denis, accompagné de MM. Benjamin Montaignac, adjoint à la responsable du Pôle opérations de l’État et ressources, et Jocelyn Viols, adjoint à la responsable du Pôle pilotage et animation du réseau (29 juin 2023).

        M. Jean-François Chesné, coordinateur exécutif du Centre national d’étude des systèmes scolaires (29 juin 2023).

        M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales, et M. Bruno Chiocchia, sous-directeur de la performance et des politiques éducatives territoriales à la direction générale de l’enseignement scolaire (29 juin 2023).

        M. Arnaud Bontemps, conseiller référendaire à la Cour des comptes, co-fondateur et porte‑parole du collectif « Nos services publics » (21 septembre 2023).

        Mme Aurélie Combas-Richard, directrice générale de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, accompagnée de M. Jean-Gabriel Mouraud, directeur adjoint (12 octobre 2023).

        Mme Tiphaine Pinault, adjointe au préfet d’Île-de-France, accompagnée de Mmes Marie Ducheny, cheffe du service logement de la DRILH de Paris, et Emilie Nouvel, adjointe au chargé de mission aménagement, au sein du Secrétariat général aux politiques publiques (12 octobre 2023).

        Mme Julie Benetti, rectrice de l’académie de Créteil, accompagnée de M. Antoine Chaleix, inspecteur d’académie (IA) et directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de la Seine-Saint-Denis (19 octobre 2023).

        M. Laurent Nuňez, préfet de police de Paris (25 octobre 2023).

  1. Tables rondes :

        Mme Stéphanie Chabauty, bâtonnier de Seine-Saint-Denis ;

        Mme Albertine Munoz, juge d’application des peines, déléguée de la section de Seine-Saint-Denis du syndicat de la magistrature, et Mme Myrtis Vinas-Roudières, juge des enfants et co-déléguée du syndicat de la magistrature au tribunal judiciaire de Bobigny ;

        M. Jean-Jacques Pieron, greffier au tribunal judiciaire de Vannes, délégué du syndicat des greffiers de France.

        Mme Khamta Ryam, professeure de lycée, co-secrétaire départementale de la FSU de Seine-Saint-Denis, M. Grégory Thuizat, professeur agrégé, co‑secrétaire du SNES-FSU de Créteil, et Mme Marie‑Hélène Plard, directrice d’école maternelle, co‑secrétaire départementale de la FSU‑SNUipp de Seine-Saint-Denis ;

        Mme Isabelle Lacroix et M. Philippe Pautre, co-présidents de la fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Seine-Saint-Denis, et Mme Alixe Rivière, vice-présidente et porte-parole.

  1. Déplacements (26 octobre 2023)

        M. Jean Pinson, directeur général ;

        Dr Pascal Bolot, président de la commission médicale d’établissement (CME) ;

        Dr Daniel Da Silva, vice-président de la CME ;

        Dr Fatima Kaddari, vice-présidente de la CME ;

        Mme Léa Viossant, directrice des affaires médicales ;

        M. Ludovic Tripault, directeur des ressources humaines ;

        Mme Élisabeth Roussel, coordinatrice générale des soins ;

        Mme Nathalie Albert, directrice de la recherche, de la stratégie territoriale et des affaires générales ;

        M. Damien Bauerlé, directeur du patrimoine ;

        Mme Natty Tran, directrice de la performance et des parcours patients ;

        M. Romain Eskenazi, directeur de la communication, de l’événementiel et du mécénat ;

        M. Raphaël Walczak, cadre au service obstétrique ;

        M. Mathias Wargon, chef du service Urgences Adultes.

        M. Peimane Ghaleh-Marzban, président ;

        M. Éric Mathais, procureur de la République ;

        Mme Shannon Jacobs, directrice des greffes.

  1. Contributions écrites

        Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

        M. Olivier Veber, directeur général des services du département de Seine-Saint-Denis.


([1]) Le taux de réponse est de 9,1 % dans les Yvelines, de 8,6 % dans le Val-d’Oise, de 8,4 % dans le Val‑de‑Marne, de 8,2 % dans les Hauts-de-Seine et de 6,6 % dans l’Essonne.

([2]) Source : Le Parisien du 24 octobre 2021, « Seine-Saint-Denis : Pierrefitte et ses “6 000 habitants fantômes” demandent des comptes à l’État », https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/seine-saint-denis-pierrefitte-et-ses-6000-habitants-fantomes-demandent-des-comptes-a-letat-24-10-2021-7W7PMTPXZBDMTGLC2GK56ANSS4.php.

([3]) Pour mémoire, la méthode de recensement fixe une date de référence de la population identique pour toutes les communes de France afin de garantir l’égalité de traitement entre les communes. Les communes n’étant pas toutes recensées la même année, la date de référence est l’année du milieu du cycle des cinq dernières enquêtes couvrant l’ensemble des communes, soit la situation effective trois ans auparavant. Ainsi, la population légale du 1er janvier 2023 a comme date de référence le 1er janvier 2020.

([4]) Il est en effet nécessaire d’achever le cycle en cours comprenant une année 2021 sans enquête de recensement en raison de la crise sanitaire.

([5]) Il s’agit du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE. https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees.

([6]) Ainsi, comment les étudiants qui ne reviennent chez leurs parents que le week-end sont-ils comptabilisés ? Et les personnes ayant deux résidences, les enfants résidant dans une commune mais scolarisés dans une autre, les enfants en résidence alternée chez chacun de leurs deux parents, les personnes inscrites sur les listes électorales à un autre titre que celui de leur résidence principale ?

([7]) Insee, RP 2020 (dernier recensement de population publié).

([8]) Insee, séries historiques du recensement de la population, exploitation principale - État civil - 2013-2019.

([9]) La croissance démographique désigne l’augmentation de la population d’un territoire au cours d’une période donnée. Elle se compose à la fois du solde naturel (différence entre les naissances et les décès) et du solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties sur le territoire).

([10]) Insee Dossier Île-de-France, la Seine-Saint-Denis : entre dynamisme économique et difficultés sociales persistantes, une analyse territoriale en quatre thèmes, 2021.

([11]) Insee, données disponibles depuis le mois de juin 2022.

([12]) Insee, recensement de la population 2019.

([13]) Rapport d’information n° 4236 sur l’évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs, Assemblée nationale, 2021.

([14]) Défini en 2013, le tracé du Grand Paris Express  représente 200 kilomètres de voies nouvelles, 68 nouvelles gares dont 38 en interconnexion avec le RER ou le Transilien et 18 situées en grande couronne. Le projet est mené par la Société du Grand Paris, établissement public à caractère industriel et commercial créé par la loi du 3 juin 2010.

([15]) Depuis fin 2020, le tronçon nord de la ligne 14 dessert l’arrêt Mairie de Saint-Ouen. La ligne doit encore être prolongée au nord jusqu’à Saint-Denis Pleyel et au sud jusqu’à Orly. La ligne 15 formera un arc de 75 km autour de Paris, reliant la station Pont de Sèvres à la commune de Noisy-Champs en 37 minutes contre plus d’une heure aujourd’hui. La ligne 16 reliera Saint-Denis Pleyel à Noisy-Champs en moins de 30 minutes et la ligne 17 Saint-Denis Pleyel au Mesnil-Amelot en moins de 25 minutes. La ligne 18 permettra de rejoindre l’aéroport d’Orly depuis Versailles.

([16]) Estimation du Grand Paris Express qui ferait de la gare Saint-Denis-Pleyel  la plus fréquentée des nouvelles gares du Grand Paris Express.

([17]) Source : site de la Société du Grand Paris, mis à jour le 5 juin 2023 https://www.societedugrandparis.fr/.

([18]) Rapport d’information n° 1505 « Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : quel héritage pour la France ? », Assemblée nationale, juillet 2023 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1505_rapport-information.

([19]) À Saint-Denis et à Saint-Ouen.

([20]) Cour des comptes, Rapport complémentaire au Parlement « L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », Cour des comptes, juillet 2023.

([21]) Sur les 4,380 milliards d’euros du budget pluriannuel, prévus par le Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris (Cojop), les engagements publics relatifs aux Jeux s’élèvent à 2,6 milliards d’euros, dont 1,711 milliard pour la Solideo, hors dépenses de transport et de sécurité à la charge de l’État.

([22]) Lancé en 2014, le NPNRU poursuit les travaux de rénovation urbaine des QPV présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants initiés par le PRNU en 2004 pour désenclaver les quartiers et y améliorer la qualité de vie.

([23]) Insee, 2021.

([24]) Agence nationale de la cohésion des territoires, Fiche « L’Agence dans votre département » Seine‑Saint‑Denis.

([25]) Définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont délimités sur la base du niveau de revenu médian par habitant.

([26]) Bobigny, Bondy, Le-Blanc-Mesnil, Noisy-le-Sec, Montreuil, Rosny-sous-Bois, Stains, Épinay-sur-Seine, Pierrefitte-sur-Seine, Noisy-le-Grand, Saint-Ouen-sur-Seine, Saint-Denis, Aubervilliers, La Courneuve, Romainville, Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Gagny, Bagnolet, Aulnay-sous-Bois, Sevran, Pantin, Villemomble, L’Île-Saint-Denis, Villepinte, Drancy, Villetaneuse, Le Bourget, Dugny, Le-Pré-Saint-Gervais, Tremblay-en-France, Neuilly-sur-Marne.

([27]) Soit environ la population d’une commune comme Boulogne-Billancourt.

([28]) Lancé en 2014, le NPNRU poursuit les travaux de rénovation urbaine des QPV présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants initiés par le PRNU en 2004 pour désenclaver les quartiers et y améliorer la qualité de vie.

([29]) 216 quartiers d’intérêt national et 264 quartiers d’intérêt régional.

([30]) Participation d’Action Logement à hauteur de 8,4 milliards d’euros, des bailleurs sociaux à hauteur de 2,4 milliards d’euros et de l’État à hauteur de 1,2 milliard d’euros d’après l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

([31]) Contre 33,43 % des QPV au niveau national.

([32]) En Seine-Saint-Denis, le quartier de l’îlot 27 à Pantin devrait perdre la qualité de QPV, sa population ayant désormais un revenu médian supérieur au seuil requis.

([33]) Insee Dossier Île-de-France n° 6 21/01/2021 « La Seine-Saint-Denis : entre dynamisme économique et difficultés sociales persistantes ».

([34]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([35]) Insee, Filosofi 2016.

([36]) Insee, recensements de la population de 1968 à 2016.

([37]) « La gentrification désigne une forme particulière d’embourgeoisement d’un espace populaire qui passe par la transformation de l’habitat, des commerces ou de l’espace public. Il s’agit d’une transformation sociale qui se traduit par une transformation matérielle et symbolique de l’espace. C’est aussi un processus d’appropriation d’un espace populaire par des groupes sociaux généralement issus des classes moyennes et supérieures et, parallèlement, une dépossession des habitants des classes populaires. » Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/.

([38]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([39]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([40]) L’Insee définit la ségrégation résidentielle comme l’inégale répartition territoriale des habitants selon leur niveau de revenu (Insee Analyses Île-de-France, n° 165, Février 2023), distinguant ainsi des quartiers mixtes, intermédiaires et ségrégués.

([41]) Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint‑Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse.

([42]) Deux décrets du 26 décembre 1996, modifiés par deux décrets du 31 décembre 1997, ont créé les 44 premières zones franches urbaines (ZFU, devenues ZFU-TE « territoire entrepreneur » en 2014) dans le but de dynamiser les quartiers de la politique de la ville. L’objectif principal était de maintenir ou de créer des activités commerciales ou de services afin d’accroître la mixité fonctionnelle et sociale de ces territoires. Après un passage de 44 à 85 ZFU en 2004, on en compte 100 depuis 2005.

([43]) Dans les communes de Bondy, Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Aulnay-sous-Bois, Épinay-sur-Seine, La Courneuve, Le Blanc-Mesnil, Dugny, Sevran, Stains, Neuilly-sur- Marne, Aubervilliers, Bobigny, Drancy et Pantin (Agence nationale de la cohésion des territoires, Fiche « L’Agence dans votre département » Seine‑Saint‑Denis)

([44]) Plusieurs conditions encadrent l’éligibilité des entreprises à ce dispositif : exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale ; s’implanter en ZFU-TE entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2023 ; employer moins de cinquante salariés ; avoir un chiffre d’affaires inférieur à dix millions d’euros ; enfin, employer au moins 50 % de salariés en CDI (ou en CDD d’au moins douze mois) et résidant dans une ZFU ou dans un QPV.

([45]) En 2017 déjà, dans En finir avec les ghettos urbains ? Retour sur l’expérience des zones franches urbaines, les économistes Miren Lafourcade et Florian Mayneris relevaient que les ZFU n’ont pas suscité de « baisse sensible et durable du taux de chômage de leurs résidents », malgré les conditions relatives à l’emploi de résidents des QPV.

([46]) Rapport de la Cour des comptes intitulé L’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires : une dimension majeure de la politique de la ville, décembre 2020.

([47]) Insee Analyses Île-de-France, n° 145, décembre 2021.

([48]) Insee, Filosofi 2020.

([49]) Insee Analyses Île-de-France n°168, avril 2023 sur la précarité alimentaire en Île-de-France.

([50]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([51]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([52]) Insee, recensements de la population 1999 et 2016.

([53]) Insee, taux de chômage au sens du BIT et taux de chômage localisé.

([54]) Contre 41 % à Paris au 31 décembre 2021.

([55]) Allocation qui est versée aux personnes sans ressources de 25 ans et plus vivant au moins neuf mois par an en France et dont le montant varie en fonction de la composition du foyer.

([56]) Considérant l’estimation de l’Insee pour 2022 : 1 673 645 habitants en Seine-Saint-Denis, 1 637 090 dans les Hauts-de-Seine et 2 117 702 à Paris.

([57]) https://www.data.gouv.fr : revenu de solidarité active (RSA) par département et région.

([58]) L’AAH offre aux personnes en situation de handicap la garantie d’un revenu minimal dont le montant dépend de la situation familiale, professionnelle et des ressources du demandeur.

([59]) Le plafond de ressources dépend du lieu de vie, France métropolitaine ou départements d’outre-mer, et de la composition du foyer.

([60]) Ibid.

([61]) À titre de comparaison, ils étaient 195 dont 20 en quartiers de reconquête républicaine au troisième trimestre 2022, et 209 dont 21 en quartiers de reconquête républicaine au dernier trimestre 2021.

([62]) Points de vente de drogue.

([63]) À la date du 27 avril 2023.

([64]) Cependant, les trafiquants s’organisent pour déjouer les saisies policières, les approvisionnements en produits des points de vente se faisant régulièrement à flux tendu, sans grosses quantités stockées chez une nourrice identifiable. De la même façon, et même si des saisies très importantes de stupéfiants ont été opérées récemment, il est devenu commun d’identifier des lieux de stockage en des endroits très éloignés des lieux de vente, en grande couronne voire en province.

([65]) Kétamine, gamma-hydroxybutyrate (GHB) et gamma-butyrolactone (GBL).

([66]) En 2022, un traitement réactif des dossiers avec la recherche systématique du flagrant délit a permis de mettre un terme aux agissements de plusieurs équipes de proxénètes dans le département. Ainsi, 40 proxénètes ont été présentés à la justice au cours de l’année et 25 d’entre eux ont été écroués.

([67]) Faits commis en Seine-Saint-Denis constatés par les services de la préfecture de police.

([68]) Ibid..

([69]) Ibid.

([70]) Aux éditions Équateurs (mai 2021), page 11.

([71]) Ce tribunal occupe le deuxième rang national, derrière l’atypique tribunal judiciaire de Paris, et appartient au « groupe 1 » selon la terminologie du ministère de la justice. Il comporte dans sa circonscription 7 tribunaux de proximité (Aulnay-sous-Bois, Aubervilliers, Le Raincy, Montreuil-sous-Bois, Pantin, Saint‑Denis et Saint-Ouen), un tribunal de commerce et un conseil de prud’hommes, également situés à Bobigny.

([72]) Référés, requêtes, contentieux civil général, affaires familiales, exécution (JEX), CIVI, tutelles, juge des libertés et de la détention (hospitalisation sans consentement et contentieux des étrangers), contentieux social et autres.

([73]) Le délai moyen entre le dépôt de la requête et la décision étant de 5,69 jours en 2022.

([74]) L’ordonnance de protection permet au juge aux affaires familiales d’assurer dans l’urgence la protection de victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.

([75]) En cas de partage des voix au sein du conseil prud’homal, les affaires sont renvoyées devant une formation présidée par un juge départiteur du tribunal judiciaire.

([76]) Il s’agit du règlement (CE) n° 261/2004. La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation ont rappelé à plusieurs reprises que les règles de compétence relatives aux demandes introduites sur le fondement du règlement n° 261/2004, doivent être examinées au regard du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I (voir par exemple : Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 10 mars 2016, Flight Refund, C 94/14, point 46 et jurisprudence citée ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 février 2017, 15-27.809, Publié au bulletin), remplacé, depuis le 10 janvier 2015, par le règlement no 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis.

([77]) Cf. notamment « Le tribunal de Bobigny appelle à un plan Marshall » et « Dans les rouages de la comparution immédiate, scène ouverte de la justice du quotidien », deux articles de Paule Gonzalès parus dans Le Figaro respectivement les 9 décembre 2022 et 23 février 2023.

([78]) Le procureur reçoit le prévenu, lui indique qu’il sera jugé ultérieurement et, si besoin, le traduit devant le juge des libertés et de la détention pour un éventuel contrôle judiciaire.

([79]) Généralisées depuis le 1er janvier 2023 après une phase d’expérimentation de trois ans dans quinze départements, les cours criminelles départementales  se distinguent des cours d’assises par l’absence de jury populaire : elles sont composées de cinq magistrats professionnels, quand les assises en comptent trois, plus les six jurés tirés au sort. Elles sont compétentes pour juger les crimes punis de quinze ou vingt ans de prison, soit essentiellement des viols.

([80]) Un dossier criminel « libre » est un dossier dans lequel le ou les accusés ne sont pas en détention provisoire dans l’attente de leur procès (libre sans mesure de sûreté ou libre sous contrôle judiciaire). À la différence des dossiers dits « détenus », dans lesquels les accusés sont placés en détention provisoire et qui doivent comparaître devant la cour d’assises dans un délai maximum d’un an à compter de l’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises, ce délai pouvant être prolongé 2 fois six mois par la chambre de l’instruction. À défaut, l’accusé doit être remis en liberté avant son procès. Si l’accusé est libre, il n’y a pas de délai pour qu’il comparaisse devant la cour d’assises. L’enjeu est de parvenir à juger les dossiers « détenus » dans les délais, et de parvenir à juger les dossiers « libres », ce qui n’est pas possible en l’état des capacités de jugement de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis.

([81]) Cf. infra.

([82]) Soit une hausse de 82 %.

([83]) Source : ministère de la justice.

([84]) Source : PHAROS. La réponse pénale est définie par la justice comme le fait pour le procureur de la République, dans une affaire poursuivable, soit de mettre en œuvre une alternative aux poursuites ou une composition pénale, soit de poursuivre l’auteur présumé devant une juridiction d’instruction ou de jugement. Le taux de réponse pénale, calculé par la justice, correspond au rapport entre le nombre d’affaires pour lesquelles le procureur de la république a mis en œuvre une alternative aux poursuites, une composition pénale ou a poursuivi l’auteur présumé sur le nombre d’affaires poursuivables.

([85]) La direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Paris représente aujourd’hui 13 454 personnes hébergées dont 1 020 rien qu’à la maison d’arrêt de la Seine-Saint-Denis.

([86]) Soit 49 433 personnes détenues pour 34 591 places sur le territoire national.

([87]) Il s’agit en particulier de l’application de l’article 25 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([88]) Cela étant, cette moyenne de 27 % doit être mise en perspective car elle renvoie à la fois aux maisons d’arrêt et aux établissements pour peine. Néanmoins, dans les maisons d’arrêt de province, le taux s’établit à un tiers de prévenus pour deux tiers de condamnés. À Villepinte comme sur le reste du territoire francilien, le ratio est inversé.

([89]) À l’horizon 2024-2025.

([90]) Insee, RP 2020.

([91]) Projections démographiques de la Seine-Saint-Denis à l’horizon 2040, Insee, 2023.

([92]) Prenant en compte les évolutions envisagées de l’indicateur conjoncturel de fécondité, de l’espérance de vie à la naissance et des soldes migratoires.

([93]) Dossier région Île-de-France et dossier Seine-Saint-Denis d’après les données du dernier recensement Insee 2020.

([94]) Projections démographiques de la Seine-Saint-Denis à l’horizon 2040, Insee, 2023.

([95]) En 2018, 28 % de la population de Seine-Saint-Denis vit sous le seuil national de pauvreté monétaire (Insee, 2021).

([96]) Agence régionale de santé d’Île-de-France.

([97]) La santé des Franciliens, février 2023, Observatoire régional de santé.

([98]) DREES, 2021.

([99]) CPAM Seine-Saint-Denis.

([100]) La santé des Franciliens, février 2023, Observatoire régional de santé.

([101]) La santé des Franciliens, 2023, Observatoire régional de santé Île-de-France.

([102]) Source : agence régionale de santé d’Île-de-France, 2022.

([103]) Les rapporteurs reviennent sur cette question dans le III D b).

([104]) Sur les premier et troisième graphiques, la Seine-Saint-Denis est représentée en rouge et les autres départements, en bleu. PCT : pourcentage ; IPS : indice de position sociale.

([105]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale.

([106]) Si les résultats au diplôme national du brevet des collèges dépendent fortement de leur indice de position sociale (IPS), ce n’est pas le cas de la valeur ajoutée. Les collèges qui ont une valeur ajoutée positive sont aussi bien représentés parmi les collèges avec un IPS plutôt faible que parmi ceux avec un IPS élevé.

([107]) Les réseaux d’éducation prioritaire (REP) regroupent les collèges et les écoles rencontrant des difficultés sociales plus significatives que celles des collèges et écoles situés hors éducation prioritaire. Les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+) concernent les quartiers ou secteurs isolés qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés du territoire.

([108]) Mayotte (74), la Guyane (81) et La Réunion (87) ont les indices de position sociale les plus faibles du territoire national.

([109]) IPS de 98 contre 106 à l’échelle nationale.

([110]) L’IPS des collèges est pondéré par les effectifs d’élèves.

([111]) Le chantier a été suspendu pendant près de huit mois entre juillet 2022 et février 2023.

([112]) Les coûts d’acquisition du bâtiment s’élèvent à 5,57 millions d’euros.

([113]) La tomographie à émission de positons (TEP), ou TEP scan, est un examen scintigraphique qui détecte dans le corps des sites de fixation d’un traceur faiblement radioactif (le fluor-18 ou FDG) injecté par voie intraveineuse. La scintigraphie est un examen qui sert à analyser les organes et leur fonctionnement, grâce à une caméra spécifique.

([114]) Cette dotation, qui permet de financer les grandes priorités d’investissement des communes ou de leurs groupements, est d’environ 570 millions d’euros par an pour l’ensemble de la France depuis 2018.

([115]) Ainsi, en 2022, 2,04 millions d’euros ont été alloués pour financer des projets à Villetaneuse (316 000 euros), à Livry-Gargan (784 000 euros), à Montreuil (600 000 euros) et à Saint-Denis (304 000 euros). En 2023, la programmation vise les communes de Clichy-sous-Bois (300 000 euros), de Montreuil (1 million d’euros), de Romainville (400 000 euros) et de Vaujours (300 000 euros) pour un total de 2 millions d’euros.

([116]) Relatif aux causes, à la prévention ou au traitement de l’obésité.

([117]) https://www.apij.justice.fr/.

([118]) Source : IRDS, 2021.

([119]) Superficie moindre, forte concentration de population, taux d’écoles privées important.

([120]) Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et agence dédiée au département de la Seine-Saint-Denis.

([121]) Ce programme sera prolongé jusqu’en 2026, avec une enveloppe de 300 millions d’euros afin de créer 5 000 terrains de sport supplémentaires. Le milieu scolaire a été inclus dans ce dispositif, l’objectif annoncé étant la création de 1 500 projets dans les cours de récréations. Un tiers des équipements bénéficiant de ce plan d’aide seront construits dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

([122]) Un nouveau service, composé de 5 agents, a été créé à cet effet en mars 2023 : le centre d’appels sortant. Initialement dédié au programme 100 % médecins traitants pour les personnes en affection de longue durée (ALD), le service en est à 15 000 appels aboutis (deux fois plus d’appels ont été passés) depuis mars.

([123]) https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-25QE.htm.

([124]) Rapport d’information n° 1524 du 12 juillet 2023 des députés Roger Chudeau et Agnès Carel dressant un bilan et un panorama de l’éducation prioritaire intitulé Quel avenir pour l’éducation prioritaire ? : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1524_rapport-information.

([125]) Selon les informations fournies aux rapporteurs par le rectorat de Créteil.

([126]) Concernant le plafonnement à 24 élèves des classes hors éducation prioritaire, 76 % des classes de grande section, de CP et de CE1 bénéficient de la mesure à la rentrée 2023.

([127]) En 2023.

([128]) Cf. Le III D 2 f).

([129]) Le « plan mercredi » consiste en un accueil de loisirs culturels, artistiques, sportifs et manuels organisé par les collectivités.

([130]) Les « colos apprenantes » sont proposées par les organisateurs de colonies de vacances : association d’éducation populaire, collectivité territoriale, structure privée, comité d’entreprise. Elles bénéficient d’un label délivré par l’État qui garantit un certain niveau de qualité de l’offre éducative et des conditions de sécurité assurées par un encadrement qualifié et expérimenté.

([131]) Tous les élèves de 6e bénéficient du dispositif depuis la rentrée 2023. Les élèves de 5e, 4e et 3e qui le souhaitent bénéficient eux aussi de la mesure. Les collégiens peuvent être invités à y participer par les équipes éducatives qui en font alors la proposition aux élèves et à leurs familles. Les élèves en situation de handicap peuvent bénéficier de « Devoirs faits », qu’ils suivent une scolarité individuelle en classe ordinaire ou dans une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS).

([132]) En 2022-2023, 818 stages de réussite ont été organisés au profit de 4 521 élèves de Seine-Saint-Denis.

([133]) Au total, stages de réussite et écoles ouvertes dans le cadre des vacances apprenantes auront bénéficié en 2022-2023 à 9 923 élèves.

([134]) En rouge : France métropolitaine ; en vert : Seine-Saint-Denis. IPS : indice de position sociale.

([135]) Op. cit., page 68.

([136]) Op. cit., page 68, citation de Mme Viviane Bouysse, inspectrice générale de l’éducation nationale honoraire.

([137]) Le dispositif des QRR prolonge une pratique historique des renforts par quartier : avant les QRR, les zones de sécurité prioritaires (ZSP) organisaient déjà des renforts localisés des forces de sécurité intérieure.

([138]) Source : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/64165.

([139]) Op. cit., page 26.

([140]) Op. cit., page 38.

([141]) Idem.

([142]) Ainsi le commissariat subdivisionnaire de Noisy-le-Sec n’a-t-il pas de véhicule de police secours depuis plusieurs mois.

([143]) Interrogée par les rapporteurs, la préfecture de Seine-Saint-Denis a indiqué qu’elle n’était pas en mesure à ce stade de leur préciser le nombre d’officiers de police judiciaire ayant quitté le département depuis fin 2019, cette question étant en cours d’expertise par la direction territoriale de la sécurité de proximité (DTSP).

([144]) Les policiers de la DTSP, qui relèvent de la DSPAP, accueillent les victimes d’infraction pénale et recueillent leurs plaintes. Ils constatent les infractions et effectuent le traitement judiciaire consécutif aux interpellations. La DTSP bénéficie de l’appui du service de prévention opérationnel qui pilote les actions de prévention.

([145]) Le SDPJ est chargé de la lutte contre le terrorisme, de la grande et de la moyenne délinquance, des organisations criminelles, du banditisme spécialisé et organisé, de la criminalité économique et financière et de la cybercriminalité. Il est en particulier chargé du trafic de stupéfiants, des vols à main armée, des cambriolages, des vols à la fausse qualité et du trafic d’armes.

([146]) 13 à compter de novembre 2023.

([147]) Il dispose aussi d’un contractuel de catégorie A chargé de mission, chef de cabinet du président de juridiction, et de 3 élèves avocats effectuant leur stage au tribunal.

([148]) Dotation de 10 contrats supplémentaires.

([149]) Et non une juridiction spécialisée.

([150]) Dont les 6 des deux chambres précitées ainsi qu’un secrétaire général adjoint, un magistrat supplémentaire pour le service des affaires familiales, un juge des libertés et de la détention supplémentaire et, enfin, un magistrat supplémentaire au sein de la 21e chambre chargée de la réparation du préjudice corporel.

([151]) Lors du lancement du plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », 53 postes de magistrat étaient prévus au parquet et 55 magistrats étaient effectivement affectés au tribunal. La clef de répartition des postes a ensuite pérennisé ces 55 postes. Puis en 2021, la juridiction a effectivement accueilli 57 magistrats au parquet, soit deux de plus que prévu. Mais en 2022, alors que la programmation prévoyait l’affectation de 57 magistrats au parquet, on n’en comptait plus que 55.

([152]) En réalité, les effectifs du service s’élèvent à 451 personnes en raison de la démission de 3 contractuels de catégorie B.

([153]) Les départs en mobilité des greffiers au 1er septembre seront compensés le 13 novembre 2023 par l’arrivée de 29 greffiers stagiaires dont la titularisation interviendra le 5 mars 2024.

([154]) Titulaires d’un contrat d’une durée de trois ans.

([155]) Titulaires d’un contrat d’un an renouvelable.

([156]) Dans le même temps et compte tenu du nombre d’emplois d’adjoints administratifs vacants, la juridiction a été autorisée à geler 4 emplois en fin d’année 2022 afin de recruter 4 contractuels C pour une durée d’un an ; le renouvellement pour la même durée a été autorisé.

([157]) Greffe correctionnel, instruction, exécution des peines, application des peines et besoins spécifiques liés au fonctionnement du tribunal pour enfants tant au pénal dans le cadre de la réforme du code de la justice pénale des mineurs que dans le cadre de l’assistance éducative.

([158]) Pièces à conviction, service d’accueil unique du justiciable, notamment.

([159]) Le président de la juridiction a d’ailleurs fixé à trois ans minimum la durée d’affectation des magistrats au sein du tribunal, sauf exception liée à une situation personnelle.

([160]) Ce taux est porté à 16,70 % toutes absences confondues.

([161]) ECA : étudiant en contrat d’alternance.

([162]) Par ailleurs, depuis quelques années, l’académie de Créteil bénéficie, dans le premier degré, d’un concours supplémentaire mais il ne parvient plus à compenser les places non honorées au premier concours. C’est pourquoi un concours exceptionnel a été ouvert en 2023 aux contractuels ayant plus de dix-huit mois d’expérience.

([163]) Passés de 9 316 en 2019 à 9 536 en 2023.

([164]) Ils étaient près de 350 en 2019.

([165]) Le rectorat de Créteil a indiqué que dès qu’un poste devant élèves devenait vacant, un enseignant de la « brigade de remplacement » était systématiquement mobilisé et affecté au poste en question.

([166]) Chiffre similaire à 2022.

([167]) Dans le premier degré, le nombre d’enseignants pour 100 élèves était de 5,75 en 2017, de 5,97 en 2018, de 6,07 en 2019, de 6,25 en 2020, de 6,32 en 2021, de 6,5 en 2022 et de 6,56 en 2023. 1 537 postes supplémentaires ont été créés en Seine-Saint-Denis entre 2017 et 2023 : 500 en 2017, 466 en 2018, 282 en 2019, 113 en 2020, 103 en 2021 et 73 en 2022. Parallèlement, le nombre d’élèves inscrits dans le premier degré public dans le département est en baisse continue depuis 2019 : il est passé de 192 290 en 2019 à 185 782 élèves en 2023, soit 6 508 élèves de moins.

([168]) Seine-Saint-Denis.

([169]) Académie de Créteil.

([170]) France entière.

([171]) D’après le rectorat, la création de postes dans le cadre de la politique 100 % réussite offre objectivement davantage de possibilités de mobilité aux enseignants.

([172]) Hors éducation prioritaire.

([173]) Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS), évolution 2011-2022.

([174]) Dernier zonage médecins de l’ARS Île-de-France, 2022.

([175]) L’ARS utilise une typologie fondée sur trois catégories : les ZIP (en rouge sur la carte), zones les plus fragiles, les ZAC (en jaune), zones fragiles, et les autres zones. Parmi les ZIP, aidées par l’État et l’assurance maladie, les ZIP+ (en rouge et blanc sur la carte) sont encore davantage soutenues par des incitations financières complémentaires et également par des soutiens à leur exercice dans ces zones les plus en tension.

([176]) 3,7 % dans une autre zone.

([177]) 13,2 % dans une autre zone.

([178]) Source : répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS), évolution 2011‑2022.

([179]) Source : Atlas de la santé mentale.

([180]) Source : ARS Île-de-France, 2022.

([181]) Source : DREES-DRJSCS, 2020.

([182]) La maison départementale des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis a demandé à la cellule d’appels solidaire départementale de mener une campagne d’appels téléphoniques auprès des 2 200 familles pour lesquelles rien n’indique, au 1er décembre 2022.

([183]) Restructuration du GHI Le Raincy-Montfermeil, modernisation de l’EPS Ville-Évrard et restructuration du CHU Avicenne – Bobigny ; création de l’Institut départemental de cancérologie multi-sites du Nord-Est Parisien ; installation de 6 équipements lourds supplémentaires sur l’ensemble du réseau hospitalier départemental d’ici 2021.

([184]) Pour le financement d’Unités d’accueil personnalisé au sein de 4 maternités de Seine-Saint-Denis accessibles aux femmes présentant des vulnérabilités médico-psychosociales (900 femmes en situation en 2021) ; la création de quatre postes de médiation en santé en périnatalité dans ces mêmes établissements ; l’instauration de dispositifs d’accompagnement des sorties de maternité pour les femmes qui ont besoin d’appui pour organiser leurs parcours postnatal au retour à domicile (Montreuil, Aulnay) et de sortie de néonatalogie (Saint-Denis) ; diverses actions périnatalité au sein même des accueils de jour et autres lieux de vie des femmes précaires.

([185]) Il s’agit des foyers de jeunes travailleurs (FJT), des foyers de travailleurs migrants (FTM) et des résidences sociales.

([186]) Tout logement, immeuble, installation qui représente un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre. La notion d’insalubrité recouvre un périmètre un peu plus restreint que celles d’indignité et d’indécence. Ainsi, un logement indécent comporte des risques pour la sécurité physique ou la santé de ses occupants ou n’est pas doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Quant à l’habitat indigne, il porte atteinte à la dignité humaine, notion qui englobe l’habitat insalubre et en état de péril.

([187]) 1,2 milliard d’euros pour soutenir 85 projets sanitaires de transformation de l’offre de santé dans les territoires ; plus de 840 millions d’euros pour restaurer les marges financières des hôpitaux ; enfin, près de 280 millions d’euros d’investissements pour améliorer le quotidien des équipes soignantes et des patients. Cette enveloppe était vouée à être complétée par d’autres financements au titre de 2022 et 2023.

([188]) 127 millions d’euros devraient être engagés en Île-de-France entre 2021 et 2024 pour le financement de projets prioritaires ; 9 millions d’euros ont été versés pour les investissements du quotidien à destination des 297 EHPAD éligibles en Île-de-France. Cette enveloppe a vocation à être complétée par d’autres financements au titre de 2022 et 2023 ; 26,7 millions d’euros répartis pour soutenir 19 projets médico‑sociaux (EHPAD) en 2021.

([189]) Signé le 21 février 2023, un protocole conclu entre l’ARS et l’URPS-médecins pour les années 2023‑2027 prévoit une aide à l’installation des médecins et un soutien au fonctionnement et à l’investissement de structures d’exercice collectif. Dans ce cadre, un nouveau barème de financement sera proposé et l’enveloppe d’aide à l’investissement immobilier sera augmentée. Selon les informations transmises par la préfecture du 93, les travaux entrepris entre 2018 et 2020 ont vu l’installation de 108 nouveaux médecins généralistes sur le département.

([190]) Dans la fonction publique territoriale, 49 600 candidats se sont présentés en 2019 aux concours organisés par les centres de gestion, la ville de Paris et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour 10 200 places offertes. Seuls 9 420 candidats ont été admis. La sélectivité de ces concours (5,8 candidats pour un lauréat, hors concours de la ville de Paris) a baissé depuis la première moitié de la décennie. Dans la fonction publique hospitalière, le concours d’attaché d’administration hospitalière illustre les difficultés rencontrées par les hôpitaux : le nombre de candidats présents a chuté de 18 % entre 2014 et 2017 alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait.

([191]) « La fonction publique en Île-de-France : des enjeux d’attractivité et de renouvellement », Insee analyses Île-de-France n° 172, septembre 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7662160#:~:text=En%20%C3%8Ele%2Dde%2DFrance%2C%20dans%20la%20FPT%2C%20plus,’un%20d%C3%A9ficit%20d’attractivit%C3%A9.

([192]) Source : Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2022-2023, DEPP, p. 122, « Concours externes de recrutement de professeurs des écoles du secteur public par académie (concours externe, externe spécial et troisième concours confondus) à la session 2022 ».

([193]) À Aubervilliers (lycée professionnel d’Alembert et collèges Diderot, Jean Moulin, Myriam Makeba), aux Lilas et au Pré-Saint-Gervais (Lycée P. Robert, collèges Marie Curie, Jean-Jacques Rousseau) à Saint-Denis et Saint-Ouen (collèges Jean Lurçat, Jean Jaurès, Dora Maar), à Villepinte (collèges les Mousseaux, Claudel, Jaurès) et, enfin, à Stains (collèges Barbara, Joliot-Curie, Neruda).

([194]) En raison de l’atteinte du plafond de 25 heures supplémentaires.

([195]) Qui plus est, lors des fermetures de classes ayant lieu durant les phases d’ajustements de carte scolaire de juin et septembre, la décharge de direction initialement applicable à l’école n’a pas été appliquée, ce qui représente un coût de 5 emplois en 2023 au profit du territoire de Seine-Saint-Denis.

([196]) À la rentrée 2021, 420 étudiants ont bénéficié du dispositif, dont 285 dans le premier degré et 135 dans le second. À la rentrée 2022, 357 étudiants ont bénéficié de la mesure dont 243 dans le premier degré et 114 dans le second degré. À la rentrée 2023, 311 étudiants en bénéficient dont 224 dans le premier degré et 87 dans le second degré. En 2022, en année pleine, la mesure a coûté 3,7 millions d’euros dont 3,4 millions en crédits de rémunération et 300 000 euros d’indemnités de tutorat servies aux enseignants tuteurs de terrain. En 2023 (extension en année pleine), la mesure coûte environ 3,15 millions d’euros dont 2,96 millions en crédits de rémunération et 186 000 euros d’indemnités de tutorat servies aux enseignants tuteurs de terrain.

([197]) La prise en responsabilité d’une classe représentant l’équivalent de 6 heures. Les 127 étudiants (87 en 2023) en préprofessionnalisation susceptibles de prendre en charge des classes apportent en réalité l’équivalent de 42 ETP (35 ETP en 2023) en moyen d’enseignement (second degré). Le dispositif contribue à hauteur de 27 ETP (56 ETP en 2023) en moyens d’enseignement sur plus de 10 000 ETP/emplois d’enseignants en responsabilité d’une classe dans le premier degré.

([198]) Ainsi, des sections britanniques ont été ouvertes à la rentrée scolaire 2022 dans deux collèges du département, l’un à Aubervilliers et l’autre à Montreuil. La même année, une section allemande a été ouverte dans un collège de Bondy.

([199]) Ces résidences offrent une rencontre entre artistes ou scientifiques et élèves autour d’une création artistique ou d’un travail de recherche, mais aussi d’une démarche singulière co-construite avec les équipes pédagogiques et les élèves. Durant une année scolaire, des artistes de tous les champs de la création contemporaine (théâtre, danse, arts du cirque, littérature, arts plastiques, mode, design…) et des chercheurs scientifiques investissent une dizaine de collèges du département, en partenariat avec une structure culturelle.

([200]) Un internat d’excellence est un collège ou un lycée dans lequel vivent les élèves et les adultes qui les encadrent, tout au long de la semaine. En plus des cours, les internes bénéficient d’un accompagnement pédagogique personnalisé : révision des cours, accompagnement du travail personnel. Leur sont également proposées des activités sportives et culturelles à vivre collectivement.

([201]) L’intérêt de ce dispositif est de pourvoir les postes proposés, hors barème par des profils adaptés aux exigences du poste. Le vivier de candidats est national. Dans le cadre du mouvement PoP, l’agent devient titulaire du département ou de l’académie obtenue. L’affectation sur un poste PoP implique une stabilité de trois ans sur le poste.

([202]) Selon les informations fournies par le rectorat de Créteil, le nombre d’élèves inscrits dans le premier degré public en Seine-Saint-Denis était de 192 290 en 2019, puis de 191 191 en 2020 pour chuter à environ 187 497 en 2021 (- 3 694 élèves), 186 344 élèves en 2022 (- 1 153 élèves) et à 185 782 (- 562 élèves) à la rentrée scolaire 2023-2024.

([203])  Soit une baisse de 8 714 habitants.

([204]) Le rapprochement de conjoint, la recherche d’une région où le coût du logement et de la vie n’est pas prohibitif.

([205]) Source : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048347389.

([206]) Pour les contractuels, la prime ne pourra être perçue qu’à l’issue d’une période continue de cinq ans de service.

([207]) Les montants de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (Isae), versée aux enseignants du 1er degré, et de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe), attribuée aux enseignants du second degré, sont doublés pour atteindre 2 550 euros bruts par an. Pour les enseignants ayant une à dix années d’ancienneté, ces revalorisations atteignent de 174 à 251 euros nets par mois dans le 1er degré afin de renforcer l’attractivité du métier, notamment en début de carrière. Les professeurs documentalistes voient leur indemnité de sujétions particulières également relevée à 2 550 euros bruts par an, contre 1 000 euros auparavant. Les enseignants chargés de fonctions spécifiques ou exerçant dans des structures particulières (conseillers pédagogiques, enseignants référents à la scolarité des élèves en situation de handicap, enseignants référents pour les usages du numérique, enseignants en milieu pénitentiaire, maîtres formateurs et formateurs académiques, etc.), les conseillers principaux d’éducation et les psychologues de l’éducation nationale bénéficient d’une augmentation de rémunération dans les mêmes proportions que les autres enseignants. Par ailleurs, en complément du doublement des primes statutaires, la prime d’attractivité est revalorisée pendant les quinze premières années de carrière (jusqu’à l’échelon 7 inclus).

D’autre part, les enseignants, conseillers principaux d’éducation et psychologues de l’éducation nationale, titulaires ou contractuels, bénéficient, au même titre que les autres agents publics, de la hausse de la valeur du point d’indice de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023, de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat entre 300 et 800 euros bruts pour les agents rémunérés jusqu’à 3 250 euros bruts par mois (proratisé en fonction de la quotité d’exercice), du relèvement de 50 % à 75 % de la prise en charge du prix des titres d’abonnement de transports collectifs correspondant aux déplacements domicile-travail (pour exemple gain estimé à 19 euros par mois pour un abonnement Navigo zones 1‑5 en Île-de-France) et de l’attribution de 5 points d’indice majoré à compter du 1er janvier 2024.

([208]) A priori, ce doublement sur deux ans de l’indemnité correspond à une évolution de la rémunération qui n’est pas liée à une modification des conditions d’exercice dans ces établissements sur la période.

([209]) Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7658358.

([210]) Ce contingent de 5 % est réservé aux agents de l’État, titulaires ayant passé les concours mais aussi contractuels de plus d’un an.

([211]) En dehors de Paris qui compte 159 agents pour 1 000 habitants, la Seine-Saint-Denis comme le Val‑de‑Marne comptent davantage d’agents publics par habitant (80 agents pour 1 000 habitants) que les autres départements franciliens. La Seine-Saint-Denis concentre un nombre important de fonctionnaires territoriaux en raison de l’implantation du siège du conseil régional.

([212]) Les règles d’attribution de ces points sont identiques pour tous les candidats à l’échelle de l’Île-de-France, leurs principes ayant été validés par les instances paritaires.

([213]) Dont le nom exact est commission d’attribution et d’étude de l’occupation locative (CALEOL).

([214]) Par exemple, près de 40 % des agents du ministère de l’éducation nationale affectés en Seine-Saint-Denis ont moins de 35 ans.

([215]) Les demandeurs peuvent présenter jusqu’à trois demandes.

([216]) Ce chiffre était de 25,6 % en 2020 et de 24,38 % en 2021.

([217]) Groupement des EHPAD.

([218]) Sont ainsi placés sous la responsabilité du préfet de police les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine‑Saint‑Denis et du Val-de-Marne. En matière sécuritaire, les préfets de ces trois départements ne peuvent plus agir que par délégation.

([219]) Ce cycle appelé binaire lorsqu’il fonctionne sur 24 heures (une vacation de 12h08 des unités de jour suivie d’une vacation de 12h08 des unités de nuit, comportant deux pauses de 20 minutes) permet aux policiers travaillant sous ce régime de bénéficier d’un week-end de trois jours sur deux et d’un mercredi sur deux, pour un total de 140 vacations travaillées sur l’année.