N° 1938

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1014)
du 31 mai 2018 sur l’évaluation de l’action de l’État
dans ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Christine DECODTS et M. StÉPHAne PEU

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

I. LA SEINE-SAINT-DENIS, UN DÉPARTEMENT À LA DÉMOGRAPHIE ET À L’ÉCONOMIE DYNAMIQUES MAIS EN PROIE À DES DIFFICULTÉS SOCIALES PERSISTANTES

A. UN DÉPARTEMENT QUI CONSERVE SON DYNAMISME DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET URBANISTIQUE

1. Une démographie dynamique

a. L’Insee, une instance qui estime avoir une bonne connaissance statistique de la Seine-Saint-Denis et dont le statut et l’indépendance ne sont pas en cause

i. Une méthode de recensement visant à prendre en compte l’ensemble de la population indépendamment de son statut administratif et qui est en voie d’amélioration

ii. Un institut dont l’indépendance et la disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et dont le statut est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France

b. Un département dont la démographie reste la plus dynamique de France métropolitaine en raison d’un taux de natalité élevé et de la jeunesse de la population

c. Un département comportant une part très importante d’habitants d’origine étrangère, en particulier dans certaines communes

2. Un département en pleine mutation urbanistique

a. Le Grand Paris Express devrait faire de Saint-Denis Pleyel la gare la plus interconnectée du nouveau réseau de transports en commun francilien

b. Les jeux olympiques et paralympiques de 2024 : une opportunité à court et long termes pour l’aménagement du département

c. La Seine-Saint-Denis : objectif prioritaire du nouveau programme national de renouvellement urbain avec 35 quartiers prioritaires rénovés

3. Une expansion économique suscitant de forts contrastes territoriaux au sein et à la lisière du département

a. Une tertiarisation de Saint-Denis et de Saint-Ouen qui ne contribue guère à la diminution du taux de pauvreté des habitants

b. La gentrification de Pantin et de Montreuil

c. L’établissement public territorial Grand Paris Grand Est : une zone résidentielle tournée vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne

d. Tremblay-en-France et Villepinte : des communes bénéficiant du dynamisme économique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

e. Le nord et le centre du département concentrent les fragilités sociales

f. Une ségrégation résidentielle connaissant des évolutions contrastées depuis une quinzaine d’années

g. Des incertitudes liées à l’extinction des zones franches urbaines en décembre 2023

B. UN TERRITOIRE OÙ PERSISTENT DES DIFFICULTÉS SOCIALES MAJEURES

1. En hausse, le taux de pauvreté est quasiment deux fois plus élevé qu’à Paris et en Île-de-France

2. Le niveau de vie médian le plus faible d’Île-de-France

3. Une inadéquation entre profil des emplois offerts et niveau de qualification des résidents et un taux de chômage très élevé

4. Une dépendance forte d’une part importante de la population envers les prestations sociales

a. 58,6 % de la population du département sont couverts par des prestations servies par la caisse d’allocations familiales

b. Un nombre important de personnes est couvert par l’aide médicale de l’État et la complémentaire santé solidaire

II. L’ACTION DE L’ÉTAT MISE À L’ÉPREUVE D’UNE RÉALITÉ SINGULIÈRE

A. UN DÉPARTEMENT QUI DEMEURE LE PLUS CRIMINOGÈNE DE FRANCE HEXAGONALE

1. Le nombre de faits de délinquance rapporté au nombre d’habitants le plus important de France métropolitaine

2. Une délinquance dont les habitants des cités et des centres-villes dégradés sont les premières victimes et qui déstabilise le tissu économique et social

a. La délinquance de haut de spectre en Seine-Saint-Denis est localisée dans les cités et les centres-villes dégradés.

b. Endémique, la délinquance déstabilise le tissu économique et social

i. Le trafic de stupéfiants : 200 points de « deal » en Seine-Saint-Denis

ii. Un proxénétisme dont les auteurs comme les victimes sont souvent très jeunes

iii. Le blanchiment, la non-justification de ressources et le recel

iv. Les vols

v. Les violences intrafamiliales et les viols

vi. La violence du quotidien

B. UNE JUSTICE DÉGRADÉE DANS LA DEUXIÈME JURIDICTION DE FRANCE

1. Un fossé béant entre l’inflation du nombre de dossiers à traiter et les effectifs alloués

a. Une activité civile qui ne doit pas être obérée par le traitement des dossiers d’information judiciaire

i. Une baisse des dossiers en stock en matière de contentieux des affaires familiales, de départage prud’homal et de surendettement

ii. La promotion de la médiation et de modes alternatifs de règlement des différends

iii. Des difficultés persistantes en matière de contentieux aérien, de réparation du préjudice corporel et d’assistance éducative

b. L’activité pénale

i. Une forte augmentation du nombre de dossiers

ii. Un recours accru à la comparution immédiate pour éviter la reconstitution des stocks de l’instruction

iii. La création d’audiences de juge unique et d’audiences correctionnelles collégiales à moyens constants ainsi que le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour traiter les stocks de dossiers pénaux accumulés en 2021

iv. Le recours croissant à des mesures alternatives à l’audience et aux poursuites pour faire face à la massification et à l’intensification de la délinquance

v. Une augmentation du nombre de classements sans suite et une dégradation du taux de réponse judiciaire

vi. Un plan zéro délinquance qui n’a de sens que si l’évolution des moyens de la justice suit celle des moyens de la police

2. Une dégradation inéluctable du service rendu aux justiciables

a. Un allongement de la durée des procédures sans commune mesure avec le reste de l’Île-de-France

b. Une extrême lenteur dans l’exécution des peines

c. Une situation limite ayant conduit les chefs de juridiction à adresser au Garde des Sceaux une note d’alerte en décembre 2022

3. Une maison d’arrêt suroccupée mais où la violence est en baisse

a. Un taux d’occupation record en Île-de-France qui a des conséquences lourdes sur les conditions de vie et de travail des détenus et des agents

i. Un taux d’occupation de 183 %

ii. De lourdes conséquences sur les conditions de vie et de travail

b. Une population jeune composée d’un nombre important de prévenus en détention provisoire et de personnes étrangères allophones

c. Une diminution importante des faits de violence grâce à la prise en charge accrue des populations pénales, aux activités proposées et à l’ouverture d’un « module de respect »

d. Deux projets d’extension du parc pénitentiaire du département

C. UNE SANTÉ FRAGILE DANS LE PREMIER DÉSERT MÉDICAL DE FRANCE

1. Une population jeune mais un nombre croissant de personnes de plus de 75 ans

2. Un environnement dégradé

3. Des publics aux pathologies spécifiques

4. Une espérance de vie inférieure à la moyenne régionale

5. Des besoins accrus en équipements médico-sociaux pour les personnes handicapées

D. UNE ÉCOLE EN CRISE QUI PEINE À TENIR LA PROMESSE RÉPUBLICAINE

1. D’importantes difficultés scolaires, en particulier en compréhension orale et dans la résolution de problèmes mathématiques

a. Un décrochage dès l’entrée à l’école en maîtrise du vocabulaire et en résolution de problèmes mathématiques

b. Des difficultés similaires en CE1

c. En 6e, les élèves de Seine-Saint-Denis sont les moins bien classés de France métropolitaine, notamment en mathématiques

d. À indice de position sociale équivalent, l’indice de valeur ajoutée des collèges fait apparaître de nets écarts entre les élèves scolarisés dans le secteur privé et en REP+

e. Un taux de jeunes de 16 à 25 ans non diplômés qui régresse et tend vers la moyenne nationale

2. Des difficultés scolaires corrélées à la situation des parents d’élèves du département

a. Les collégiens de Seine-Saint-Denis ont l’indice de position sociale le plus faible de France métropolitaine tandis que ceux de trois départements franciliens ont l’indice le plus élevé

b. De fortes inégalités entre établissements de Seine-Saint-Denis

III. UN ÉTAT QUI SE VEUT « PLUS FORT » MAIS QUI ÉCHOUE À ATTIRER ET À FIDÉLISER LES AGENTS PUBLICS

A. UN EFFORT CONSÉQUENT EN FAVEUR DES INFRASTRUCTURES DES SERVICES PUBLICS

1. Le plan « État plus fort » : un accélérateur pour plusieurs projets

a. L’installation de la sous-préfecture de Saint-Denis dans d’anciens locaux de la Banque de France : un site opérationnel depuis septembre 2023

b. La nette amélioration du taux d’équipements médicaux lourds soumis à autorisation

c. L’abondement à la dotation de soutien à l’investissement local

d. La constitution de l’Institut de cancérologie multi-sites public-privé

e. La création de structures de soins psychiatriques au sein de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

2. Plusieurs projets d’infrastructures ont pris un retard important

a. Une rénovation des commissariats d’Aulnay-sous-Bois et d’Épinay-sur-Seine qui ne devrait s’achever qu’à la fin du second semestre 2025

b. Un retard de deux ans des travaux d’extension du tribunal de Bobigny

3. Des incertitudes et des craintes pèsent sur le projet hospitalo-universitaire Grand Paris Nord

4. Un soutien à l’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux attendu mais aux contours flous

a. Les projets réalisés de restructuration du site du groupement hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil et du centre hospitalier universitaire Avicenne-Bobigny et de modernisation de l’établissement public de santé de Ville-Évrard

b. La modernisation du service des urgences des établissements de Montfermeil, d’Aulnay-sous-Bois et de Montreuil

5. Le département de France, après Paris, le moins doté en équipements sportifs

a. Un département sous-doté dans une région également sous-dotée

b. Plusieurs plans d’équipement sont en cours en Seine-Saint-Denis

6. Les points d’accueil du public à l’épreuve de la dématérialisation des services publics

a. Dans un contexte de dématérialisation des procédures, la direction départementale des finances publiques et la caisse d’allocations familiales ont fait le choix de maintenir un maillage de points d’accueil du public

b. Des acteurs tels que la caisse primaire d’assurance maladie ont adopté une démarche d’aller vers

c. Les dérives de la dématérialisation : le trafic de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres de séjour

B. UN BILAN MITIGÉ DES POLITIQUES PRIORITAIRES

1. Une politique d’éducation prioritaire aux effets contrastés

a. Le dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire a permis un maintien du nombre d’enseignants en Seine-Saint-Denis en dépit de la baisse du nombre d’élèves inscrits dans le département

i. Un bilan quantitativement positif

ii. Un dispositif trop récemment mis en place pour être évalué à ce stade

b. Un dispositif complété par des mesures relevant de la politique de la ville et du cadre national

i. Les mesures relevant de la politique de la ville

ii. Les mesures d’ordre national

c. Dans le premier degré, une relative réduction des écarts en début de CE1

d. Au collège en REP+, un écart qui se creuse en mathématiques entre la Seine-Saint-Denis et le reste du territoire national

e. La toute petite enfance, âge clef non encore pris en charge par l’éducation prioritaire

2. Une politique sécuritaire aux résultats encore difficilement perceptibles, compte tenu de l’insécurité croissante qui règne dans le département

a. Une augmentation pérenne des effectifs dans les quartiers de reconquête républicaine

b. Une augmentation de moyens sans commune mesure avec les chiffres de la délinquance dans le département

C. DES SERVICES PUBLICS AUX RESSOURCES HUMAINES TOUJOURS INSTABLES

1. La persistance d’un manque d’effectifs expérimentés et du « turnover » des agents

a. Police : des effectifs en hausse mais manquant d’expérience

i. Un nombre d’officiers de police judiciaire en hausse de près de 70 % dans le cadre du plan « État plus fort »

ii. Des effectifs de sécurité publique en hausse de 5,29 %

iii. Un service départemental de police judiciaire qui reste sous-doté

iv. Des effectifs souvent peu expérimentés

b. Justice : une augmentation des effectifs de magistrats insuffisante et une situation critique du nombre de greffiers

i. Le siège : un effort gouvernemental notable mais qui doit encore être poursuivi

ii. Le parquet : un effort conséquent, indispensable au vu du stock de dossiers

iii. Des effectifs de greffe qui n’ont pas suivi l’évolution du siège et du parquet

iv. Un manque d’effectifs qui affecte aussi les agents de police du dépôt

v. Une juridiction qui subit les conséquences de son manque d’attractivité

vi. La sécurité et la sûreté des personnels à l’audience, sujet de préoccupation majeure

c. Éducation : des ressources humaines à la peine

i. Un recours très important aux contractuels pour combler le manque d’effectifs titulaires

ii. Un taux d’encadrement légèrement supérieur à la moyenne nationale

iii. Des enseignants qui demeurent souvent jeunes et peu expérimentés

iv. Un « turnover » en baisse mais qui demeure supérieur à la moyenne nationale

v. Un manque important d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, malgré un triplement de leur nombre en six ans

vi. Un absentéisme qui perdure

d. Santé : une offre insuffisante

i. Une pénurie de médecins de ville entraînant des tensions récurrentes sur les capacités hospitalières

ii. Près d’un quart des Séquano-Dionysiens est sans médecin traitant

iii. Une offre sanitaire publique qui reste peu attractive

iv. Une offre de soins psychiatriques en réelle difficulté

v. Une forte sous-dotation en établissements médico-sociaux par rapport au reste de l’Île-de-France

vi. Un sous-équipement en offre de soins pour les personnes en situation de handicap

vii. Un plan « État plus fort » qui apporte certaines améliorations, en particulier en matière de lutte contre l’habitat insalubre

2. Un manque de ressources humaines stables qui s’explique notamment par un déficit d’attractivité

a. Une crise des vocations certes nationale mais exacerbée en Seine-Saint-Denis

i. Un désamour généralisé envers la fonction publique, notamment en raison de la faiblesse des rémunérations et d’une perte de sens de l’emploi public…

ii. … mais exacerbé en Seine-Saint-Denis

b. Un déficit d’image dans l’éducation nationale

i. Le seuil d’admission le plus bas au concours de recrutement de professeur des écoles

ii. Un certain sentiment d’abandon voire de manque de considération des enseignants

iii. Un désarroi partagé par les parents d’élèves

iv. Un plan gouvernemental très pauvre en matière d’éducation

c. Une charge de travail très lourde pour les personnels judiciaires et les directeurs d’école

i. Des heures supplémentaires non rémunérées au tribunal judiciaire de Bobigny

ii. Les directeurs d’école ont une charge de travail très lourde en raison de la taille des établissements mais bénéficient d’un régime de décharge favorable

d. Une médecine scolaire nettement sous-dotée qui risque d’accentuer les inégalités

e. Des difficultés d’accès au logement pour l’ensemble des fonctionnaires

IV. DE MULTIPLES LEVIERS À ACTIONNER POUR RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE L’EMPLOI PUBLIC

A. LE LEVIER DU RECRUTEMENT DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

1. Le recrutement local : un dispositif à renforcer par la reconstitution d’écoles normales

a. Le pré-recrutement d’étudiants comme enseignants : une mesure louable mais insuffisante

b. Reconstituer à titre expérimental des « écoles normales » au profit des bacheliers du département

2. Intégrer la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris pour renforcer la mixité sociale et l’attractivité des postes d’enseignants ?

a. Les mesures nationales visant à renforcer la mixité sociale bénéficient à la Seine-Saint-Denis mais sont insuffisantes

b. La ségrégation scolaire, phénomène lié à la question du logement

c. L’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris, une mesure avancée mais n’ayant pas fait l’objet d’une concertation avec les enseignants

B. LE LEVIER DE LA RÉMUNÉRATION : LA PRIME DE FIDÉLISATION TERRITORIALE, UNE MESURE ALLANT DANS LE BON SENS MAIS QU’IL EST DIFFICILE D’ÉVALUER À CE STADE

1. Un dispositif qu’il est difficile d’évaluer à ce stade dans la mesure où seuls quelques agents ont bénéficié du dispositif transitoire

2. Une mesure jugée insuffisante par les uns…

3. … mais qui semble insuffisamment connue…

4. … réclamée par d’autres…

5. … et dont les contours sont en cours d’évolution

6. Un doublement de l’indemnité d’enseignement en REP+ qui fait la preuve de son efficacité

C. LE LEVIER DE LA FORMATION

1. Renforcer la formation des policiers

2. Renforcer la formation initiale et continue des enseignants

D. LE LEVIER DU LOGEMENT : FAVORISER L’ACCÈS AU LOGEMENT SOCIAL FRANCILIEN POUR LES AGENTS PUBLICS

1. Environ 60 000 logements sociaux sont proposés aux fonctionnaires d’État affectés en Île-de-France

2. Dans le cadre du plan « État plus fort », les agents affectés en Seine-Saint-Denis bénéficient d’une bonification leur permettant d’accéder plus facilement au logement social relevant du contingent préfectoral

3. Un dispositif qui ne porte que modérément ses fruits…

4. … en raison de l’insuffisance du parc de logements sociaux proposés au regard des besoins

5. Un dispositif interministériel complété par une action ministérielle, s’agissant des policiers

6. Une action concertée de l’État pour garantir aux soignants l’accès à un logement abordable

7. La nécessité de recourir à d’autres leviers tels que la mobilisation par l’État du foncier public pour y construire du logement social dédié aux agents publics

E. LE LEVIER DE LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL : FAIRE DE LA SEINE-SAINT-DENIS UN DÉPARTEMENT PROPICE À L’INSTALLATION DES AGENTS PUBLICS ET DE LEURS FAMILLES

1. Recréer du lien de proximité entre la police et la population

2. Renforcer la sécurité des agents de la police nationale aux abords de leur lieu de travail

3. Développer une offre de places en crèche et une offre de garde pour les agents travaillant à des horaires atypiques

CONCLUSION

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : TABLEAU DE SUIVI DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DU 31 MAI 2018

ANNEXE N° 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

 


 

   SYNTHÈSE

 


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—  1  —

   INTRODUCTION

Le 31 mai 2018, MM. François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo publiaient un rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, intitulé Une République à reconstruire, couvrant les thèmes de l’éducation, de la sécurité et de la justice et assorti de 14 propositions. L’objectif de ce rapport était de s’interroger, à travers trois politiques publiques, « sur l’efficacité de l’action de l’État en Seine-Saint-Denis ». Les deux auteurs soulignaient que « le 9-3 est (…) un territoire de forts contrastes entre des sièges sociaux flamboyants et une pauvreté réelle, entre une démographie dynamique et jeune et des problèmes sociaux et économiques endémiques ». Déplorant l’inefficacité  voire la contreproductivité  de politiques prioritaires jugées stigmatisantes dans les domaines éducatif et sécuritaire, nos collègues estimaient que l’une des raisons majeures de l’impuissance publique dans le département résidait dans la méconnaissance qu’avaient l’État et ses services statistiques de la population séquano-dionysienne, et en particulier du nombre d’étrangers en situation irrégulière vivant dans le département. Selon eux, cette méconnaissance explique que les moyens dévolus par l’État au département soient en décalage avec la réalité et ne permettent pas d’endiguer les problèmes majeurs auxquels est confronté ce territoire. Jugeant difficile le dialogue entre services déconcentrés et administration centrale et défaillante la gestion des ressources humaines étatiques, les deux rapporteurs préconisaient une refondation de l’action publique dans le département.

Ce rapport d’information a donné lieu à une rencontre avec le Premier ministre Édouard Philippe puis à l’instauration de groupes de travail thématiques sous l’égide du préfet de Seine-Saint-Denis et d’un débat en séance publique à l’Assemblée nationale le 5 février 2019. À la suite de ces travaux, le Premier ministre précité a présenté le 31 octobre 2019 un plan gouvernemental intitulé « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », assorti de 23 mesures dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité et de la justice.

Le 31 janvier 2022, l’Assemblée nationale a tenu, à la demande du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un débat en séance publique sur l’évaluation de ce plan gouvernemental, entendant à cette occasion aussi bien des représentants syndicaux que la ministre déléguée chargée de la ville.

En application de l’article 146-3 du règlement de l’Assemblée nationale, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a constitué lors de sa réunion du 20 octobre 2022 une mission de suivi de cette évaluation. Compte tenu du lancement du plan gouvernemental précité et de la période inédite de la crise sanitaire – particulièrement aiguë en Seine-Saint-Denis –, les rapporteurs Christine Decodts et Stéphane Peu ont décidé, d’une part, d’étendre le champ de leur rapport de suivi à la santé et, d’autre part, d’évaluer non seulement la mise en application des préconisations du rapport des députés Cornut-Gentille et Kokouendo mais aussi de ce plan gouvernemental.

 


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  1.   LA SEINE-SAINT-DENIS, UN DÉPARTEMENT À LA DÉMOGRAPHIE ET À L’ÉCONOMIE DYNAMIQUES MAIS EN PROIE À DES DIFFICULTÉS SOCIALES PERSISTANTES

Créé par la loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne, le département de Seine-Saint-Denis, d’une superficie de 236,2 km2 est essentiellement urbain et peu touristique malgré plusieurs atouts. Des atouts historiques, tout d’abord, avec la Basilique de Saint-Denis ou le Mémorial de Drancy, par exemple. Un réseau de transports développé, ensuite, le département accueillant deux aéroports internationaux – Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget –, les autoroutes A1 et A4, le boulevard périphérique de Paris, les autoroutes urbaines A3, A86, A103 et A104, 6 lignes de tramway, 3 lignes de transilien, 3 lignes de RER et 8 lignes de métro. Des pôles économiques modernes tels que la Plaine Saint-Denis, les zones aéroportuaires de Paris-Charles de Gaulle et du Bourget, les parcs des expositions de Villepinte et du Bourget et des pôles tertiaires franciliens de premier plan complétant le paysage.

La Seine-Saint-Denis conserve son dynamisme démographique, économique et urbanistique (A). Elle constitue aussi un territoire où persistent des difficultés sociales majeures (B).

  1.   UN DÉPARTEMENT QUI CONSERVE SON DYNAMISME DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET URBANISTIQUE
    1.   Une démographie dynamique

Avant de présenter les particularités de la démographie séquano-dionysienne, les rapporteurs souhaitent revenir sur trois propositions formulées dans le rapport d’information du 31 mai 2018 des députés Cornut-Gentille et Kokouendo relatives à l’exactitude du recensement de la population, d’une part, et, d’autre part, au statut ainsi qu’à l’indépendance de l’Insee.

  1.   L’Insee, une instance qui estime avoir une bonne connaissance statistique de la Seine-Saint-Denis et dont le statut et l’indépendance ne sont pas en cause

Nos prédécesseurs affirmaient qu’« à l’origine des blocages en Seine-Saint-Denis [se trouve] la méconnaissance du territoire et de ses habitants ». Ils estimaient que « l’État ignore le nombre d’habitants vivant dans le département », notamment parce que « les méthodes statistiques actuelles de recensement de la population déployées par l’Insee n’appréhendent pas » la réalité de la présence en nombre important de personnes en situation irrégulière. En outre, ils formulaient plusieurs propositions relatives au statut de l’Insee.

Les auteurs du présent rapport ont interrogé le directeur général de l’Insee, M. Jean-Luc Tavernier, à ce sujet. Il ressort de cet entretien :

– que la méthode de recensement utilisée par l’Insee tend à prendre en compte l’ensemble de la population, indépendamment de son statut administratif et que ce recensement est en cours d’amélioration (i) ;

– que l’indépendance de l’Insee et sa disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et qu’en outre, le statut de cette instance est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France (ii).

  1.   Une méthode de recensement visant à prendre en compte l’ensemble de la population indépendamment de son statut administratif et qui est en voie d’amélioration

Interrogé sur les constats et propositions formulés dans le rapport d’information du 31 mai 2018 précité, le directeur général de l’Insee a indiqué que ce document « comport[ait] des constats erronés sur le recensement de la population » et que l’une des erreurs était d’affirmer que les enquêtes de recensement ne prennent pas en compte les personnes étrangères en situation irrégulière : « partant de là, [explique le directeur général de l’Insee], [la mission] en conclut que les estimations de populations issues du recensement de l’Insee sous-estiment le nombre d’habitants du département. Ce raisonnement est faux : le recensement de la population concerne l’ensemble des personnes vivant sur le territoire français, indépendamment de leur situation administrative. Le décompte des habitants comprend donc les personnes en situation irrégulière. »

Qui plus est, il semble que l’adhésion de la population à l’enquête soit plus forte en Seine-Saint-Denis que dans la plupart des autres départements d’Île-de-France : le taux de non-réponse en Seine-Saint-Denis lors de l’enquête de 2023 s’élève à 6,4 %, soit un meilleur résultat que ceux que l’on peut constater dans les autres départements de la région parisienne ([1]).

Les rapporteurs prennent acte de ces éléments de rectification. Ils notent aussi que les méthodes de recensement de l’Insee sont en cours d’évolution, ce qui devrait permettre d’appréhender plus précisément la démographie séquano-dionysienne et, par conséquent, les besoins en services publics de la population du département. Le co-rapporteur Stéphane Peu rappelle que le recensement de la population effectué par l’Insee sert de base de calcul à l’établissement du montant de la dotation globale de fonctionnement des communes et qu’à ce titre, il se doit d’être le plus précis possible. Le maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade, a mené une campagne de sensibilisation sur le sujet en octobre 2021, estimant que 6 000 habitants de sa commune n’avaient pas été pris en compte dans le recensement – une omission entraînant selon lui une perte de dotation qu’il a estimée à 28 millions d’euros pour la commune depuis 2006 ([2]).

Tout d’abord, l’Insee et les communes responsables de la collecte des informations sur le terrain déploient des efforts pour garantir la qualité du recensement pour toutes les catégories de population, quels que soient leur situation administrative, leur type d’habitat et leur mode de vie. Ces efforts portent sur toutes les étapes du processus : l’exhaustivité et l’actualisation du répertoire des immeubles, socle du calcul de population ; la formation et l’accompagnement des agents recenseurs afin qu’ils n’oublient personne ; la communication, y compris en langues étrangères, auprès des habitants ; l’accompagnement des habitants ayant des difficultés à répondre au questionnaire, que ce soit sur internet ou sur papier ; les contrôles postérieurs à la collecte sur le terrain, notamment à l’aide de sources administratives ; l’estimation du nombre d’habitants dans les logements qui ont refusé de répondre et les dispositifs spéciaux pour les personnes sans abri ou vivant dans des habitations mobiles ou dans des institutions.

Ensuite, l’ajout de questions dans le recensement de la population est actuellement discuté au sein du Conseil national de l’information statistique (CNIS) pour prendre en compte les nouveaux besoins de données des acteurs économiques et sociaux. À ce jour, aucune demande n’a été adressée pour appréhender le nombre d’immigrés en situation irrégulière par le moyen du recensement de la population. Il n’est donc pas prévu d’évolution du recensement ayant pour but de connaître la situation administrative des personnes étrangères. En revanche, des évolutions ont déjà été apportées en 2015 sur le statut conjugal et les modes de transport et en 2018 sur les liens de parenté. Il est aussi prévu que le bulletin individuel de recensement comporte à partir de 2025 trois nouvelles questions : sur le lieu de naissance des parents, sur la santé et le handicap et sur le télétravail. Par ailleurs, plusieurs questions existantes seront modifiées comme celles sur la nationalité, le temps de travail, le diplôme et l’emploi. En cours de rédaction, le décret prenant en compte les modifications nécessaires pour introduire ces nouvelles questions a été soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à l’été 2023.

Enfin, l’Insee est conscient des enjeux associés à la « fraîcheur » des données du recensement ([3]). Ainsi des discussions ont-elles été engagées depuis mai 2023 dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population (CNERP), à la demande de son président, sur les avantages et les inconvénients que pourrait avoir un calcul anticipé d’un an des populations légales par rapport à la situation actuelle. Une telle évolution, si elle était jugée souhaitable et décidée, ne pourrait pas être appliquée avant 2027 ([4]).

S’agissant de l’idée, évoquée dans le rapport Cornut-Gentille-Kokouendo, d’introduire des registres de population en France, les rapporteurs notent que les registres existant dans d’autres pays d’Europe ont d’abord une finalité administrative. Leurs données peuvent aussi être utilisées à des fins statistiques mais ce n’est pas leur objectif premier. Si l’Insee procède déjà à de tels travaux avec le répertoire des entreprises (Sirene), le répertoire électoral unique (REU) et le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), ces répertoires ne contiennent pas les informations suffisantes à un dénombrement exhaustif et localisé de la population.

L’Insee estime que pour être utile, un registre doit être exhaustif, sans doublon et à jour. Une utilisation à un niveau local ajoute une quatrième condition : la localisation des personnes à un seul endroit à un instant T. Remplir ces conditions sur le champ de l’ensemble de la population vivant en France n’est pas aisé. Cela implique en général une centralisation de la base de données, l’application de règles de gestion assez strictes et une charge de travail très conséquente pour les autorités locales chargées de ces registres. L’appréhension de la mobilité géographique des personnes ou de leur multirésidence nécessite aussi des moyens importants de suivi qui peuvent requérir l’imposition à la population d’obligations légales de déclaration.

Par ailleurs, afin de garantir la bonne qualité du registre, il est indispensable que les personnes aient intérêt aussi bien à s’inscrire qu’à se désinscrire dudit registre. Dans les pays où les registres sont fiables, l’inscription est légalement obligatoire préalablement à l’accomplissement de certaines démarches de la vie quotidienne – ouverture d’un compte bancaire, inscription à l’école, etc. Même dans ces situations, l’inscription des personnes en situation irrégulière sur les registres, si elle est parfois possible, n’est absolument pas garantie. Or, ces personnes doivent être comptabilisées dans la population.

In fine, l’Insee n’est pas certain que la création de registres de population se justifie au regard des seules préoccupations statistiques : son intérêt, son coût et ses risques devraient être soigneusement documentés avant de prendre toute initiative législative en ce sens.

Dans leur rapport du 31 mai 2018, les rapporteurs Cornut-Gentille et Kokouendo estiment que « les chiffres [statistiques] prolifèrent mais ne se croisent pas. Les services centraux et déconcentrés de l’État travaillent peu en réseau, entre eux comme avec les producteurs locaux de données. (…) La décentralisation s’est traduite par un “ratage statistique” dans la mesure où les données [des collectivités territoriales] sont difficiles à consolider et par conséquent peu comparables et peu exploitables. L’absence d’interconnexion entre les fichiers des droits sociaux et les données des communes contribue à “brouiller” la connaissance des territoires et de leur population, tout comme la vision sectorielle des services (…). » Les députés proposaient (proposition n° 4) de « mutualiser, dans le cadre d’un observatoire, les données collectées par les services de l’État, les collectivités territoriales, les organismes sociaux, les associations, les chercheurs et certains opérateurs (régies de transport et bailleurs sociaux par exemple) ».

Or il semble que la mise en relation de données produites par des organismes différents reste techniquement toujours compliquée pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le rapprochement de données à caractère personnel nécessite de respecter le cadre juridique correspondant à la nature des données et aux finalités du traitement qui les a produites, au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD) ([5]).

En deuxième lieu, il convient de s’assurer de la cohérence des définitions des objets mesurés. La population est un bon exemple de la diversité des champs qui peuvent être couverts dans des bases de données communales ([6]). La population comptabilisée par le recensement répond à la définition du décret n° 2003‑485 du 5 juin 2003 mais il n’est pas garanti que cette définition soit appliquée dans des bases de données communales.

En dernier lieu, l’appariement de deux fichiers nécessite de pouvoir faire correspondre exactement les individus communément recensés dans les deux fichiers : cela requiert que des informations parfaitement identiques puissent être rapprochées, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans le cas des enquêtes annuelles de recensement, pour assurer la confidentialité des données personnelles, tout élément identifiant est supprimé des bases de données dès qu’il n’est plus nécessaire au processus d’administration et d’exploitation de l’enquête. En particulier, si les noms et prénoms sont demandés pour éviter de comptabiliser deux fois les mêmes personnes, ces éléments sont rapidement supprimés des bases de données pour ne conserver que des informations permettant une exploitation statistique, sans permettre la ré-identification. Depuis 2023, l’Enquête annuelle de recensement comporte un code statistique non signifiant qui devrait permettre d’étendre à l’avenir les possibilités d’appariement, dans le respect du RGPD et exclusivement par l’Insee ou les services statistiques ministériels pour des besoins de connaissance statistique générale.

  1.   Un institut dont l’indépendance et la disponibilité à l’égard du Parlement ne sont pas en question et dont le statut est conforme tant à la réglementation de l’Union européenne qu’aux standards des pays partenaires de la France

La proposition n° 2 du rapport du 31 mai 2018 visait à « évaluer les dispositifs de recensement pour affirmer ou infirmer leur viabilité » : elle n’a donné suite à aucune nouvelle mesure car la CNERP assure déjà, en lien avec les collectivités locales, une évaluation du recensement de la population. S’agissant plus spécifiquement de la Seine-Saint-Denis, un échange réservé aux caractéristiques de ce département a été organisé avec les élus communaux le 10 avril 2019. Présidé par le président de la CNERP de l’époque, le sénateur Claude Raynal, cet échange a été l’occasion de partager les difficultés qui pouvaient être rencontrées par les communes du département lors des enquêtes de terrain.

En complément de ces démarches d’évaluation fondées sur les échanges avec les élus, l’Insee procède aussi à des évaluations de nature statistique. Un des sujets qui concerne plus particulièrement la Seine-Saint-Denis porte sur l’estimation du nombre d’habitants d’un logement calculée en cas de nonréponse à l’enquête. Une étude détaillée a montré que malgré la taille des ménages en Seine-Saint-Denis plus importante qu’en moyenne, la méthode d’estimation de la non-réponse ne remettait pas en cause la fiabilité des résultats.

Le rapport d’information du 31 mai 2018 formulait aussi l’idée (proposition n° 3) de « placer l’Insee sous l’autorité du Premier ministre pour assurer un meilleur pilotage statistique des politiques publiques ».

Interrogé à ce sujet par les auteurs du présent rapport, le directeur général de l’Insee a rappelé que le positionnement de cet institut en tant que direction générale du ministère de l’économie et des finances est principalement le fruit de son histoire. D’après M. Jean-Luc Tavernier, ce positionnement assure aujourd’hui un fonctionnement satisfaisant de l’Insee qui produit les statistiques utiles à l’éclairage du débat public en toute indépendance de l’autorité politique.

Cette indépendance professionnelle de la statistique publique est prévue par le règlement (CE) n° 223/2009 révisé, qui dispose notamment (article 2(1), point (a) : « Les statistiques doivent être développées, produites et diffusées d’une manière indépendante, notamment ce qui concerne le choix des techniques, des définitions, des méthodologies et des sources à utiliser, ainsi que le calendrier et le contenu de toutes les formes de diffusion, et ces tâches sont accomplies sans aucune pression émanant de groupes politiques, de groupes d’intérêt, d’autorités nationales ou d’autorités de l’Union. ».

Le positionnement administratif actuel de l’Insee a été jugé, lors de la revue par ses pairs en 2021, conforme dans les faits, si ce n’est en droit, au règlement (CE) n° 223/2009 révisé. Selon le directeur général de l’Insee, la Commission européenne serait très critique vis-à-vis d’une évolution allant dans le sens de la proposition n° 3 du rapport Cornut-Gentille-Kokouendo : elle est déjà intervenue par le passé lorsqu’elle estimait que l’institut national statistique d’un État membre était trop proche institutionnellement du pouvoir politique, comme dans le cas de la Grèce en 2009.

Dans leur proposition n° 13, les rapporteurs Cornut-Gentille et Kokouendo suggéraient d’accorder au Parlement le droit de demander des enquêtes statistiques directement auprès de l’Insee. Or, l’Insee considère qu’en tant qu’usager des statistiques publiques comme en tant que membre du CNIS, le Parlement a déjà la possibilité d’exprimer ses besoins en matière d’enquêtes statistiques auprès de l’Insee ou du service statistique public dans son ensemble ; il peut également demander au sein de ce Conseil des explications sur les méthodologies utilisées par la statistique publique.

  1.   Un département dont la démographie reste la plus dynamique de France métropolitaine en raison d’un taux de natalité élevé et de la jeunesse de la population

Au 1er janvier 2020 ([7]), la Seine-Saint-Denis comptait 1 655 422 habitants. Ayant augmenté de 14 000 habitants (+ 0,9 %) par an entre 2014 et 2020, la démographie du département est la plus dynamique de France métropolitaine. Ce dynamisme est d’autant plus marqué qu’il contraste avec le reste de la région parisienne : au cours de la même période, l’Île-de-France n’a vu sa population augmenter que de 0,3 % par an quand Paris perdait au contraire 0,6 % ([8]) de sa population chaque année. Au 1er janvier 2023, selon les estimations provisoires de l’Insee, la Seine-Saint-Denis comptait 1 682 806 habitants soit 27 384 de plus par rapport à 2020 ce qui représente une augmentation d’environ 9 128 habitants par an. La tendance constatée entre 2014 et 2020 semble donc ralentir.

Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, la croissance de la population du département s’explique principalement par la contribution du solde naturel ([9]), très élevé en raison de la jeunesse de la population.

Évolution de la population (en %)

Source : Insee, recensement de la population exploitation principale, 2013-2019.

Département le plus jeune de France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis comptait en 2020 42,6 % d’habitants de moins de 30 ans contre 35,2 % en France métropolitaine et 5,2 % d’habitants de plus de 75 ans contre 9,6 % en France métropolitaine. L’âge médian était de 34 ans en Seine-Saint-Denis et de 41 ans en France métropolitaine.

  1.   Un département comportant une part très importante d’habitants d’origine étrangère, en particulier dans certaines communes

Comme le rappelle l’Insee ([10]) qui qualifie le département de « cosmopolite », « les Trente Glorieuses se sont accompagnées d’une forte immigration de travail » puis « les grands programmes de logement menés entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1970 ont contribué (…) à accueillir les familles dans le cadre du regroupement familial. Entre 1968 et 1982, le département est ainsi passé du 9e au 2e rang de France métropolitaine pour la proportion d’immigrés. Depuis, cette proportion a presque doublé pour atteindre 30 % en 2016, soit le premier rang national, hors Mayotte. En 2016, les immigrés – dont près de la moitié est originaire de sept pays (Algérie, Maroc, Portugal, Tunisie, Turquie, Italie et Espagne) – représentent 57 % des ouvriers et 39 % des employés du département. »

Au 1er janvier 2019 ([11]), parmi les 39 communes de plus de 10 000 habitants comptant plus de 30 % de personnes immigrées ([12]) sur le territoire national, 18 se trouvaient en Seine-Saint-Denis. Rappelons qu’au sens de l’Insee, un immigré se définit comme une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. On peut donc être immigré et avoir acquis la nationalité française.

Communes de Seine-Saint-Denis comptant plus de 30 %
de personnes immigrées au 1er janvier 2019

Aubervilliers

46 %

La Courneuve

45,1 %

Pierrefitte-sur-Seine

41 %

Le Bourget

39,6 %

Clichy-sous-Bois

38,6 %

Saint-Denis

38,4 %

Bobigny

37,8 %

Villetaneuse

36,4 %

Blanc-Mesnil

34,5 %

Épinay-sur-Seine

33,7 %

Sevran

33,6 %

Stains

33,4 %

Drancy

33,1 %

Bondy

33,0 %

Bagnolet

31,1 %

Saint-Ouen-sur-Seine

30,9 %

Aulnay-sous-Bois

30,4 %

Pantin

30,2 %

Source : Insee.

En outre, 62 % des jeunes séquano-dionysiens de moins de 25 ans ont au moins un parent immigré contre 43 % d’entre eux en Île-de-France. À Aubervilliers et La Courneuve, cette proportion atteint 79 %.

  1.   Un département en pleine mutation urbanistique

Du Grand Paris Express (a) aux travaux nécessaires à la tenue des jeux olympiques et paralympiques de 2024 (b) en passant par la rénovation urbaine des quartiers prioritaires de la ville (c), la Seine-Saint-Denis est la principale bénéficiaire des projets urbanistiques menés en Île-de-France, projets qui vont modifier en profondeur la physionomie du département.

  1.   Le Grand Paris Express devrait faire de Saint-Denis Pleyel la gare la plus interconnectée du nouveau réseau de transports en commun francilien

Projet d’amélioration du réseau de transports en commun francilien structuré autour de 4 nouvelles lignes de métro automatique (15, 16, 17 et 18) et de l’extension des lignes 11 et 14 – dont les financements s’élèvent à environ 42 milliards d’euros (euros 2023) ([13]) –, le Grand Paris Express ([14]) fera, à terme, de la gare de Saint-Denis Pleyel la station la plus interconnectée du nouveau réseau, desservie qu’elle sera par les lignes 14, 15, 16, 17 et par des liaisons piétonnes assurant une correspondance avec la ligne 13 et le RER D ([15]). Avec 250 000 voyageurs par jour ([16]), cette gare sera le principal point nodal ou « hub » du Grand Paris Express. Elle devrait être opérationnelle en 2024 ([17]).

Les deux cartes ci-dessous illustrent le tracé du Grand Paris Express :

  https://www.val-doise.gouv.fr/var/ide_site/storage/images/media/images/le-schema-du-grand-paris/12026-1-fre-FR/Le-schema-du-Grand-Paris_imagelarge.jpg     

Le Grand Paris Express, locomotive du BIM dans les transports

Source : Société du Grand Paris.

25 des 27 nouvelles gares du réseau du Grand Paris Express situées en Seine-Saint-Denis devraient l’être dans des communes comportant des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En plus des travaux directement liés au réseau de transport, le projet du Grand Paris Express prévoit aussi de nouveaux aménagements urbains – logements, commerces et services – autour des gares.

  1.   Les jeux olympiques et paralympiques de 2024 : une opportunité à court et long termes pour l’aménagement du département

Parallèlement au Grand Paris Express, la Seine-Saint-Denis sera la principale bénéficiaire des travaux réalisés en vue de la tenue des jeux olympiques et paralympiques de 2024 puisque quatre des cinq plus grands chantiers d’infrastructures nouvelles menés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) se situent en Seine-Saint-Denis. Seule l’« Adidas Arena », porte de la Chapelle, sera hors du département. Bobigny accueillera un complexe sportif handisport, le Pôle de référence inclusif sport métropolitain (Prisme) ([18]). Quant à La Courneuve, au Bourget et à Dugny, ils accueilleront le village des médias. La principale opération d’aménagement dont bénéficiera le département est celle du village olympique dans les communes de Saint-Denis, de Saint-Ouen et de L’Île-Saint-Denis. Enfin, le Centre aquatique olympique (CAO) sera également à Saint-Denis.

Point mis en avant par les porteurs du projet, ce dernier prévoit des opérations de reconversion des infrastructures sportives précitées au profit des territoires ayant accueilli les Jeux. Ainsi la construction du village des médias devrait-elle permettre la restructuration urbaine des infrastructures nouvellement construites à La Courneuve, au Bourget et à Dugny : cet ensemble comptera 1 300 logements après les Jeux. Environ 500 emplois pourraient être créés grâce à l’activité de ce nouveau quartier. À Dugny et au Bourget, deux écoles devraient être reconstruites et un groupe scolaire et une crèche, financés. Par ailleurs, la reconversion du village olympique devrait contribuer à la création de deux groupes scolaires (écoles maternelles et élémentaires) ([19]), de deux crèches, d’une passerelle de franchissement de la Seine ainsi qu’à la rénovation du lycée Marcel Cachin et du gymnase Pablo Neruda. L’héritage du village olympique devrait apporter 2 807 logements et 100 000 m² de bureaux et services, susceptibles d’accueillir 6 000 habitants et 6 000 salariés. Enfin, dans le cadre de la reconversion de la ZAC de la Plaine Saulnier, la métropole du Grand Paris a fait inscrire dans le cahier des charges du contrat de concession une obligation de service public censée bénéficier aux écoles du quartier qui disposeront de créneaux horaires spécifiques dans le Centre aquatique olympique.

Aménagements dont la Seine-Saint-Denis devrait bénéficier
à l’issue des jeux olympiques et paralympiques de 2024

https://plainecommune.fr/fileadmin/user_upload/De%CC%81pliant-JOP-Carto-min.jpg

Source : Plaine Commune.

(1) Village des athlètes, nouveau quartier de ville ; (2) Centre aquatique olympique et futur quartier Plaine Saulnier ; (3) Modernisation du Stade de France ; (4) Transformation du canal Saint-Denis ; (5) Nouveau parc des sports à Marville ; (6) Nouveau centre aquatique à Aubervilliers ; (7) Agrandissement du parc Georges-Valbon.

En complément des ouvrages sportifs, des travaux d’aménagement ont été menés pour construire des passerelles et des ponts franchissant la Seine et les axes routiers, pour doter les bords de Seine de pistes cyclables et de voies piétonnes, pour enfouir les lignes à haute tension, pour construire un mur antibruit au sud de l’autoroute A86, etc.

D’après la Cour des comptes ([20]), la Seine-Saint-Denis bénéficie de 80 % du financement public de Solideo. Sur les 1,711 milliard d’euros de fonds publics alloués à Solideo – dont 75 % apportés par l’État –, 1,1 milliard sont investis en Seine-Saint-Denis ([21]).

  1.   La Seine-Saint-Denis : objectif prioritaire du nouveau programme national de renouvellement urbain avec 35 quartiers prioritaires rénovés

Troisième élément de mutation urbanistique d’ampleur, en Île-de-France, la Seine-Saint-Denis sera la principale bénéficiaire du nouveau projet de renouvellement urbain (nouveau PNRU) ([22]) qui bénéficie aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Sur les 1 436 quartiers prioritaires situés en France métropolitaine ([23]), 63 se trouvent en Seine-Saint-Denis, soit près de 5 % des QPV de France métropolitaine. En mars 2022, 602 054 Séquano-Dionysiens résidaient dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, soit 39 % de la population du département ([24]). Parmi les 40 communes de Seine-Saint-Denis, 32 comptent des QPV ([25])([26]). Le QPV le plus peuplé, à l’échelle régionale comme nationale, est celui du FrancMoisinCosmonautes-Cristino Garcia-Landy : s’étendant sur les communes d’Aubervilliers, de La Courneuve et de Saint-Denis, il compte un peu plus de 126 000 habitants ([27]). Avec plus de 45 000 habitants, le QPV des Beaudottes – situé dans les communes d’Aulnay-sous-Bois et de Sevran – est le deuxième QPV le plus peuplé de France.

Part de la population vivant en QPV par commune
où au moins un QPV est présent en 2018 dans la Métropole du Grand Paris

Les données du graphique sont disponibles dans l'onglet tableau

Source : Insee (2022).

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ([28]) prévoit la rénovation urbaine de 35 quartiers en Seine-Saint-Denis sur les 480 quartiers concernés ([29]) parmi les 1 436 QPV de France métropolitaine, pour un investissement total de 12 milliards d’euros ([30]) : plus de 55 % des QPV de Seine‑Saint-Denis seront rénovés par le NPRNU ([31]). 2 milliards d’euros ont été alloués aux 32 premiers projets validés en octobre 2021, ce qui fait de la Seine‑Saint-Denis le plus gros bénéficiaire du NPNRU d’Île-de-France.

Les trente-trois projets de quartiers validés en 2021

Source : Agence nationale pour la rénovation urbaine.

À l’occasion du dernier Comité interministériel des villes le 27 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé, parmi ses axes de travail, l’« élaboration de nouveaux contrats de ville 2024-2030, sur une géographie prioritaire actualisée ([32]) ». Aucun calendrier n’a néanmoins été précisé quant à la nouvelle cartographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

  1.   Une expansion économique suscitant de forts contrastes territoriaux au sein et à la lisière du département

Le territoire de Seine-Saint-Denis jouit d’une expansion économique qui contraste avec les fragilités sociales caractéristiques de la majorité de ses habitants. La progression de la part des emplois de cadre dans l’emploi total profite majoritairement aux non-résidents du département, disposant du niveau de qualification adéquat. Le taux de pauvreté du département demeure le plus élevé de France métropolitaine. En outre, au sein même du département, le territoire est marqué par des contrastes importants ([33]) :

– l’ouest du département se rapproche économiquement parlant de la métropole parisienne (a) ;

– le sud du département « se gentrifie » (b) ;

– le sud-est est tourné vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne (c) ;

– le nord-est est quant à lui tourné vers l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (d) ;

– enfin, le nord et le centre de la Seine-Saint-Denis concentrent les difficultés sociales (e).

Ces contrastes se ressentent dans l’évolution de la ségrégation résidentielle depuis quinze ans (f). Enfin, l’évolution économique du département est marquée par l’extinction à venir des zones franches urbaines (g).

Zonage économique de la Seine-Saint-Denis établi par l’Insee

Source : Insee, dossier Île-de-France n° 6, janvier 2021.

  1.   Une tertiarisation de Saint-Denis et de Saint-Ouen qui ne contribue guère à la diminution du taux de pauvreté des habitants

Selon les analyses fournies aux rapporteurs par l’Insee, l’ouest de la Seine‑Saint-Denis est marqué par des transformations économiques importantes, en particulier à Saint-Denis et à Saint-Ouen. Concentrant dès 2016 22 % de l’emploi du département pour 10 % de la population, ces deux communes sont devenues un véritable pôle tertiaire métropolitain grâce à leur positionnement géographique : proximité de la capitale et présence d’un réseau de transports en commun dense et diversifié (métro, RER, bus, train) constituent des atouts indéniables pour ces territoires. La mutation économique de ces communes est particulièrement visible à la Plaine et à la ZAC des Docks.

Le dynamisme de cette partie du département s’explique par la tertiarisation de l’économie : la part des emplois de cadre atteint 38 % de l’emploi de la zone ([34]). Cependant, les retombées de cette évolution économique ne profitent que partiellement aux habitants du département. Le taux de pauvreté est particulièrement élevé dans cette zone du territoire : en 2016 ([35]), il était de plus de 31 % à Saint Denis contre moins de 19 % à Tremblay-en-France. Car si la part des emplois de cadre a considérablement augmenté, elle concerne majoritairement des non-résidents : en 2016, 73 % des cadres employés en Seine‑Saint-Denis ne résidaient pas dans le département, classé au 1er rang des départements de France métropolitaine pour la part des emplois de cadre occupés par des non-résidents ([36]).

  1.   La gentrification de Pantin et de Montreuil

Au sud du département, les communes de Pantin, du Pré-Saint-Gervais, des Lilas, de Bagnolet et de Montreuil – limitrophes de Paris – et celle de Romainville forment un ensemble en voie de gentrification ([37]). Ce phénomène est particulièrement visible aux Grands Moulins de Pantin, réhabilités en bureaux. Concentrant 20 % de l’emploi départemental (+ 24 % entre 1999 et 2016), ce territoire regroupe des populations disposant de niveaux de vie et d’emplois très différents. Si le potentiel de rénovation de l’habitat ancien de ces communes contribue à ce phénomène de gentrification, le taux de pauvreté y reste élevé (26 %). D’autre part, encore une fois, s’il y a autant d’emplois que d’actifs dans ces communes, 50 % de ces emplois sont occupés par des non-résidents. Ce territoire pourrait donc connaître dans les prochaines années une forte fragmentation sociospatiale.

  1.   L’établissement public territorial Grand Paris Grand Est : une zone résidentielle tournée vers le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne

Au sud-est de la Seine-Saint-Denis, l’établissement public territorial Grand Paris Grand Est forme un ensemble tourné vers les départements voisins du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne. Essentiellement résidentielle, cette zone accueille un quart de la population départementale, une faible concentration de l’emploi (62 emplois pour 100 actifs) et la proportion la plus forte de personnes âgées du département (13 % de 65 ans ou plus). Elle présente moins de fragilités sociales que d’autres zones du 93 : près de 53 % des ménages y sont propriétaires ([38]), 21 % d’entre eux vivent en logement social et le taux de pauvreté est de 20 %. Toutefois, les écarts de niveau de vie y sont également importants : ainsi, entre la commune de Clichy-sous-Bois et celles du Raincy ou de Gournay‑sur‑Marne, beaucoup plus aisées.

  1.   Tremblay-en-France et Villepinte : des communes bénéficiant du dynamisme économique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

Au nord-est du département, la proximité de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle contribue au dynamisme des communes de Tremblay-en-France et Villepinte. Cette zone concentre plus d’emplois que de résidents, souvent issus des classes moyennes et majoritairement propriétaires.

Ces communes regroupent 4,5 % de la population de Seine-Saint-Denis et enregistrent un taux de natalité inférieur à la moyenne départementale. Cependant, la proportion d’actifs sans baccalauréat est importante (supérieure à 46 %) et cette zone est davantage touchée par le chômage que le sud du département. En outre, les familles nombreuses constituent 20 % de l’ensemble des ménages et la progression de la part des familles monoparentales est plus rapide que dans le reste de la Seine-Saint-Denis.

  1.   Le nord et le centre du département concentrent les fragilités sociales

Formant l’ensemble territorial le plus peuplé du département avec 44 % des habitants du département, le nord et le centre de la Seine-Saint-Denis se caractérisent avant tout par leur fragilité socio-économique. Ainsi, la part des ménages locataires du parc social dépasse les 40 % à Bobigny alors qu’elle est inférieure à 23 % au Raincy ([39]).

Deux pôles économiques sont implantés dans cette partie du département : Le Bourget et le pôle administratif de Bobigny. On compte 75 emplois pour 100 actifs et 6 emplois sur 10 occupés par des résidents du département. Toutefois, ce territoire reste avant tout une zone d’accueil pour la population précaire : 37 % des habitants de ce territoire ont moins de 25 ans et près d’une personne sur trois y est immigrée. Dans ces communes, la part des familles nombreuses est la plus élevée du département. Le taux de pauvreté atteint 34 %.

  1.   Une ségrégation résidentielle connaissant des évolutions contrastées depuis une quinzaine d’années

Si à l’échelle de la métropole du Grand Paris, 37 % de la population vit dans un quartier pouvant être qualifié de « mixte » ([40]), dans l’établissement public territorial (EPT) « Plaine Commune » ([41]) la mixité sociale est faible : plus de 50 % des quartiers de cet établissement public figurent parmi les plus ségrégués et moins de 15 % d’entre eux, parmi les plus mixtes alors que la ville de Paris compte près de 50 % de quartiers considérés parmi les plus mixtes et moins de 15 % parmi les plus ségrégués.

Répartition de la population de la métropole du Grand Paris
selon le niveau de mixité du quartier de résidence en 2019

Source : Insee, Filosofi, 2019.

Les contrastes du département apparaissent également dans l’évolution de la mixité résidentielle : selon l’Insee, depuis quinze ans, la ségrégation tend à diminuer dans certains quartiers au sud de Saint-Denis et d’Aubervilliers. À l’inverse, la ségrégation augmente dans d’autres quartiers au nord de ces communes : à Dugny, à Sevran, au Blanc-Mesnil et à Stains, la ségrégation, déjà élevée en 2004, s’est intensifiée.

  1.   Des incertitudes liées à l’extinction des zones franches urbaines en décembre 2023

Sur les 100 zones franches urbaines existantes ([42]), 26 sont en Île-de-France et 10 en Seine-Saint-Denis ([43]). Les entreprises qui s’y installent peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, dégressive les années suivantes (60 % la sixième année, 40 % la septième et 20 % la huitième) ([44]). L’exonération est plafonnée à 50 000 euros par période de douze mois et à 200 000 euros pour trois ans. Le plafond peut être majoré de 5 000 euros par nouveau salarié employé à temps plein et résidant dans la ZFU pendant au moins six mois. En outre, les entreprises peuvent bénéficier d’une exonération de cotisations patronales d’assurances sociales, d’allocations familiales, de fonds national d’aide au logement et, le cas échéant, de versement mobilité.

Trois générations de ZFU en Seine-Saint-Denis

ZFU créées au 01/01/1997 réactivées au 01/01/2003

ZFU créées au 01/01/2004

ZFU créées au 01/08/2006

Bondy : quartier Nord

Clichy-sous-Bois : grands ensembles du haut et du bas Clichy et de Montfermeil

Aulnay-sous-Bois : La Rose des Vents, Cité Emmaüs, Les Merisiers, les Étangs

Épinay-sur-Seine : Orgemont

La Courneuve : Les 4 000

Le Blanc-Mesnil-Dugny : Quartiers Nord

Sevran : les Beaudottes

Stains : Clos Saint-Lazare, Allende

Drancy : Étoile, Grémillon, Pont de Pierre, Les Courtillières

Neuilly-sur-Marne : Les Fauvettes

Source : CCI Paris Île-de-France.

En 2020 ([45]), la Cour des comptes dressait un bilan mitigé des mesures à destination des entreprises pour l’attractivité des quartiers de la politique de la ville ([46]). Ce dispositif devrait s’éteindre le 31 décembre 2023.

Une mobilité résidentielle qui complique la caractérisation
de la population séquano-dionysienne