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N° 2011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 29 du Règlement

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à

l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

sur l’activité de la délégation française au cours de l’année 2022

 

et prÉsentÉ par
 

Mme  Anne GENETET

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

1ère Partie : L’adhésion de la FInlande et de la SUède à l’OTAN

I. Le conflit russso-ukrainien, un Facteur de dÉstabilisation emportant la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande

A. Une réponse coordonnée de l’OTAN face à la menace russe

1. Le conflit russo-ukrainien, facteur d’instabilité en Europe

2. Une réaction ferme de l’OTAN vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine

B. La Suède et La Finlande, deux États impliqués de manière croissante dans l’OTAN malgré une position longtemps non-alignée

1. Deux États ayant longtemps soutenu une tradition de non-alignement militaire

2. Des États néanmoins activement impliqués dans l’OTAN depuis 1994

II. Un processus d’adhésion à deux vitesses

A. La Finlande : une adhésion rapide ouvrant la voie à une intégration attendue

1. Une procédure d’adhésion rapide

2. Un processus d’intégration prometteur

B. La Suède : sur la voie de l’adhésion ?

1. Des facteurs de blocages en Turquie et en Hongrie

2. Un protocole d’intégration sur le point d’aboutir

2e Partie : Les activités de la délégation française de l’AP OTAN en 2022

I. Composition de la délégation de l’Assemblée nationale

A. Sous la XVe législature

B. Sous la XVIe législature

II. Activités de l’Assemblée parlementaire en 2022

A. Participation de la délégation française sous la XVe législature

1. Réunion du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN à Bruxelles

2. Réunions conjointes de commissions à Bruxelles

3. Collège de défense de l’OTAN

4. Visite conjointe à Londres

5. Session de printemps à Vilnius

6. Visite à Sarajevo

7. Visite conjointe à Istanbul et Adana

B. Participation de la délégation française sous la XVIe législature

1. Visite conjointe à Copenhague et à Nuuk

2. 103e séminaire Rose-Rothà Helsinki

3. Réunion du GSM à Athènes

4. Session annuelle à Madrid

5. Forum parlementaire transatlantique à Washington

Annexe 1

Annexe 2

 


   Introduction

En application de l’article 29 du règlement de l’Assemblée nationale, la Vice-présidente de la délégation française de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) présente, au nom des membres de cette délégation, un rapport sur les activités organisée dans le cadre de cette assemblée. Si le présent rapport a d’abord vocation à exposer les réunions, séminaires et visites auxquels les membres de l’AP OTAN ont participé, il permet également de mettre l’accent sur un thème d’actualité lié à l’OTAN.

En l’occurrence, le choix s’est porté sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, sujet ayant fait l’objet d’un séminaire proposé par l’AP OTAN durant l’année 2022. La première partie de ce rapport présentera ce sujet à la lumière des travaux de l’AP OTAN. Dans une seconde partie, seront présentées les activités auxquelles la délégation française a participé au cours de l’année 2022, année marquée par les élections législatives.

   1ère Partie : L’adhésion de la FInlande et de la SUède à l’OTAN

 « En intégrant la Suède et la Finlande dans la planification de la défense de l’OTAN, il sera bien plus simple de défendre toute la Baltique en cas de conflit armé. Cela ne profiterait pas uniquement à la Suède et à la Finlande, mais bel et bien à toute l’Alliance. » ([1]) Par ces mots, Andreas Norlén, Président du Parlement de Suède, s’adressait aux membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) pour les convaincre du bien-fondé et de l’importance de l’accession de la Suède et de la Finlande à l’OTAN quelques mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En effet, cet événement a poussé les Alliés et partenaires de l’OTAN à trouver dans l’Alliance un moyen de faire face à cette déstabilisation de l’ordre international. La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a ainsi provoqué deux types de répercussions au sein de l’OTAN.

L’Alliance a, d’une part, adopté le 29 juin 2022 un nouveau concept stratégique afin de renforcer sa posture de dissuasion et de défense. Cette révision marque le commencement d’une nouvelle période : celle d’un retour de la compétition géostratégique eu égard à la menace russe, « la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique » selon ce nouveau concept stratégique. Cette guerre en Ukraine engendre d’autre part une transformation significative de l’OTAN : la demande d’adhésion d’États, certes, déjà partenaires de l’OTAN mais de tradition non alignée. Ainsi, les 15 et 16 mai 2022, la Finlande et la Suède ont formulé des demandes d’adhésion à l’OTAN, en raison de sa capacité à être un instrument de la défense territoriale de l’Europe. Quelques jours plus tard, à l’occasion de la session de printemps de l’AP OTAN, qui s’est déroulée à Vilnius du 27 au 30 mai 2022, l’Assemblée a exprimé son soutien à ces demandes d’adhésion.

En raison de l’implication des parlements nationaux dans la procédure d’adhésion, l’Assemblée parlementaire peut jouer un rôle dans le processus de ratification. La diplomatie parlementaire tient en effet une place importante dans cette instance se réunissant une trentaine de fois par an sous divers formats : réunions de commission, sessions, séminaires et forums. Les sessions plénières sont l’occasion pour les délégations d’organiser des rencontres bilatérales afin d’échanger avec les parlementaires de pays alliés ou partenaires mais également d’interroger des responsables politiques. En l’occurrence, lors de la session annuelle de 2022 à Madrid, la Présidente de la délégation française, a pu interroger M. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, sur le soutien que les parlementaires alliés pouvaient apporter pour faciliter une conclusion rapide du processus d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Alliance. Ce rapport s’efforce de mettre en évidence le travail de l’AP OTAN et de ses membres dans le processus d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.

La guerre en Ukraine a fait émerger le souhait de deux pays jusqu’à lors simples partenaires d’adhérer à l’OTAN. Alors que la Finlande a réussi à rejoindre l’OTAN moins d’un après sa demande officielle, l’aboutissement de ce processus reste encore incertain pour la Suède.


I.   Le conflit russso-ukrainien, un Facteur de dÉstabilisation emportant la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande

Comme souligné lors du 103e séminaire Rose Roth de l’AP OTAN à Helsinki, la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué des conséquences majeures pour l’organisation de la sécurité en Europe du Nord, notamment les demandes formulées par la Suède et la Finlande de devenir membres de l’OTAN.

A.   Une réponse coordonnée de l’OTAN face à la menace russe

La guerre en Ukraine a joué un rôle déstabilisateur de la sécurité internationale auquel l’OTAN a tenté d’apporter une réponse coordonnée.

1.   Le conflit russo-ukrainien, facteur d’instabilité en Europe

Après avoir été brièvement indépendante à la chute de l’Empire russe en 1917, l’Ukraine a obtenu le statut de république autonome au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie qui deviendra le 30 décembre 1922 l’une des républiques de l’Union des républiques socialistes soviétiques. À fin de la Seconde Guerre mondiale, la Crimée a été rattachée à la République socialiste de Russie, puis à République socialiste soviétique d’Ukraine à partir de 1954, à l’occasion du 300e anniversaire du traité de paix de Pereïaslav de 1654 entre la Russie et les Cosaques d’Ukraine. L’indépendance de l’Ukraine est proclamée le 24 août 1991 à l’issue d’un vote au Parlement, quelques mois avant la dissolution de l’URSS. Cette décision est confirmée le 1er décembre 1991 par un référendum où plus de 90 % des électeurs se sont prononcés en faveur de l’indépendance.

En 2004, à l’issue de la victoire de Viktor Ianoukovytch, candidat pro-russe, à l’élection présidentielle ukrainienne, des contestations ont émergé et provoqué un mouvement de protestation : la Révolution orange. À la suite de ces événements, la Cour suprême ukrainienne a annulé l’élection et le candidat pro-européen, Viktor Iouchtchenko, a été élu à l’issue d’un nouveau scrutin. Au mois de février 2013, des tensions politiques sont à nouveau apparues dans un contexte de manifestations pro‑européennes, dénonçant l’influence russe dans la région ainsi que la corruption. Ces manifestations, dites : « Euromaidan », sont survenues après le refus du gouvernement ukrainien de signer un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne (UE) au profit d’un partenariat avec la Russie. Ce mouvement a entraîné la destitution du gouvernement ukrainien et la fuite du président Viktor Ianoukovytch, qui avait finalement été élu le 25 février 2010.

La Russie a profité de ce contexte d’incertitudes politiques pour faire intervenir des soldats russes, postés discrètement dans des aéroports, des bases militaires et des institutions politiques mais également prendre le contrôle du Parlement de Crimée qui élira quelques jours plus tard, à huis-clos, Sergueï Axionov en tant que Premier ministre de la République autonome de Crimée. Le 16 mars 2014, le référendum d’autodétermination a abouti au résultat suivant : 96,8 % de voix favorables au rattachement de la Crimée à la Russie. Deux jours plus tard, le Parlement russe votera l’intégration de la Crimée et de Sébastopol au territoire la Fédération de Russie. Cette annexion par la Russie n’a toutefois pas été reconnue par la communauté internationale. De nombreux Alliés, dont les États-Unis et le Canada, mais également l’Union européenne ont imposé dès le mois de juillet 2014 des sanctions à l’égard de Moscou : restrictions d’accès d’entreprises publiques russes au marché occidental, embargo sur les exportations à destination de la Russie de matériel de haute technologie pour l’exploration et la production de pétrole et de certains biens militaires et biens à double usage.

Le 24 février 2022, le Président Vladimir Poutine déclarait le lancement d’une « opération militaire spéciale » : l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette offensive de l’armée russe s’inscrit dans la continuité de la reconnaissance de l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk, deux régions séparatistes pro-russes du Donbass. Le 30 septembre 2022, le Président Vladimir Poutine formalisaient l’annexion de quatre territoires de l’est et du sud de l’Ukraine alors que les combats étaient encore en cours.

En quelques jours, l’invasion russe a ébranlé la communauté internationale, entrainant une réaction collective des États et des organisations internationales.

2.   Une réaction ferme de l’OTAN vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine

L’invasion russe en Ukraine a été condamnée de manière ferme par l’ensemble des membres de l’Alliance. Les Alliés ont apporté un soutien sans faille au gouvernement et à la population ukrainienne, exprimé notamment à travers la déclaration des chefs d’État et de gouvernements du 24 mars 2022 : « Nous sommes totalement solidaires du président Zelensky, du gouvernement de l’Ukraine et des citoyens ukrainiens, qui défendent leur patrie avec courage. […] Nous réaffirmons notre soutien indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant à ses eaux territoriales ».

Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’OTAN avait déjà initié une politique de coordination auprès du gouvernement ukrainien afin de réformer son armée et son système de défense. Les forces ukrainiennes ont en l’occurrence eu l’opportunité d’approfondir leurs compétences en participant à des exercices et à des opérations de l’OTAN. Depuis 2016, le soutien de l’OTAN s’effectue à travers un ensemble complet de mesures d’assistance constitué d’une diversité de programmes visant à renforcer les capacités, notamment dans des domaines stratégiques tels que la cyberdéfense, la logistique et la lutte contre les pratiques hybrides.

Lors du sommet de Madrid de 2022, les Alliés ont pris la décision d’apporter des modifications profondes à la posture de dissuasion et de défense de l’organisation, afin « d’assurer [leur] défense collective suivant une approche à 360 degrés » ([2]). Cette nouvelle approche intègre le renforcement des défenses avancées, la préparation des groupements tactiques déployés dans la partie orientale de l’Alliance en vue de les faire passer du niveau bataillon au niveau brigade, la transformation de la Force de réaction de l’OTAN et l’augmentation des effectifs des forces à haut niveau de préparation à plus de 300 000 soldats. Ces forces ont bénéficié de diverses mesures de soutien, telles que le pré-positionnement accru d’équipements et de matériels, le déploiement renforcé de capacités à l’avant, et la mise à niveau des plans de défense, incluant la pré-affectation de forces à la défense d’Alliés spécifiques. Il s’agit de la plus vaste réorganisation de la posture de dissuasion et de défense collective depuis la Guerre froide. Le sommet de l’OTAN de Madrid a également été l’occasion de souligner les conséquences dramatiques de cette guerre sur les populations civiles.

Dès le 21 février 2022, quelques jours avant l’invasion, le bureau de l’AP OTAN avait déjà condamné le « renforcement militaire irresponsable et non justifié de la Russie en Ukraine et à ses frontières, ainsi que de ses actions agressives » ([3]). Depuis, les différents organes de l’Assemblée parlementaire n’ont eu de cesse de soutenir l’Ukraine, notamment à travers des déclarations ([4]) et des résolutions ([5]) tendant par exemple à demander une assistance militaire et humanitaire accrue et de nouvelles sanctions. Les membres de la commission permanente ont également pu échanger avec Ruslan Stefanchuk, président de la Verkhovna Rada d’Ukraine, et Yehor Cherniev, chef de la délégation ukrainienne à l’AP OTAN au mois d’avril 2022. Lors de la session de printemps, l’Assemblée a par ailleurs approuvé la création d’un fonds spécial visant à soutenir les institutions démocratiques de l’Ukraine. La session de l’automne 2022 a quant à elle été l’occasion pour l’AP OTAN d’entendre le président Zelensky s’exprimer sur les demandes d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE et la formule de paix ukrainienne.

Au sommet de l’OTAN de Vilnius de 2023, les Alliés ont poursuivi les initiatives lancées à Madrid en approuvant de nouveaux plans de défense régionaux afin notamment de lutter contre la menace russe. Les dirigeants des pays de l’OTAN se sont engagés à consacrer chaque année au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de défense. Ils ont adopté un plan d’action sur la production pour la défense ayant pour objectifs d’accélérer le processus d’achat en commun, de renforcer l’interopérabilité, de mobiliser des fonds et de créer des capacités de production. Dans le cadre de ce plan d’action, les Alliés ont approuvé des contrats‑cadres estimés à plus de 2 milliards d’euros pour apporter des réponses à des besoins capitaux : obus d’artillerie de 155 mm, missiles guidés antichars et munitions pour chars de combat.

Plus largement, l’aide militaire et financière engagée par les Alliés en faveur de l’Ukraine n’a cessé de s’accroître depuis le début de l’invasion russe en février 2022 : elle s’élève aujourd’hui à environ 100 milliards d’euros. Près de la moitié de cette aide provient des États-Unis, tandis que l’autre moitié émane des pays membres de l’OTAN en Europe et du Canada. L’organisation est également particulièrement engagée au soutien direct de la population ukrainienne : en effet, les Alliés se sont engagés à fournir plus de 500 millions d’euros pour répondre aux besoins vitaux des civils.

La réaction ferme de l’OTAN à la guerre d’agression russe a démontré l’importance de l’Alliance dans les périodes de crise, conduisant la Suède et la Finlande à marquer une rupture dans leur politique extérieure pour demander leur intégration à l’Alliance.

B.   La Suède et La Finlande, deux États impliqués de manière croissante dans l’OTAN malgré une position longtemps non-alignée

Alors que la Suède et la Finlande ont longtemps fait prévaloir une position de non-alignement, ces deux pays nordiques ont considérablement renforcé leur partenariat avec l’OTAN au cours des vingt dernières années.

1.   Deux États ayant longtemps soutenu une tradition de non-alignement militaire

La Suède et la Finlande ne font pas exception dans le paysage des États au sein desquels l’influence de l’URSS puis de la Russie a reculé depuis la fin de la Guerre froide. En effet, si les membres de l’OTAN ont plus que doublé entre 1949 et aujourd’hui, passant de 12 à 31, l’élargissement vers les pays de l’Est a d’abord été timide compte tenu de l’influence russe. En l’occurrence, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont rejoint l’Alliance en 1999, deux ans après y avoir été invitées, tandis que la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Slovaquie ne l’ont rejointe qu’en 2004. L’influence russe était toutefois perceptible au delà de ces États signataires du Pacte de Varsovie puisque la Suède et la Finlande n’en faisaient pas partie.

Depuis 1948, l’URSS exerçait sur la Finlande une influence significative en application du pacte d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle dit « traité ACAM ». Aux termes de l’article 4 de ce traité : « Chacune des hautes parties contractantes confirme l’engagement pris aux termes de l’article 3 du traité de paix signé le 10 février 1947 à Paris de ne conclure aucune alliance ou de ne participer à aucune coalition dirigée contre l’autre partie contractante. » Si la Finlande était reconnue comme un État souverain, sa place sur la scène internationale restait liée au positionnement de l’URSS.

De cette période est né le néologisme : « finlandisation », terme utilisé pour désigner le « processus par lequel l’URSS pourrait prendre le contrôle de la politique extérieure d’un pays européen sans transformation de son régime intérieur » ([6]). Alors que la fin de la Guerre froide a mis un terme à l’application du traité ACAM et a permis l’adhésion de la Finlande à l’Union européenne (UE), la position de la Finlande vis-à-vis de l’OTAN demeurait quant à elle mesurée, dans la continuité de la ligne appliquée pendant la Guerre froide. La Finlande mettait depuis lors en œuvre une politique extérieure alignée sur celle de la Russie.

Néanmoins la guerre en Ukraine a sensiblement fait évoluer la position de la Finlande et de ses habitants. En une année, l’opinion publique finlandaise a connu un retournement sur la question de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN. Si le taux d’opinions favorables oscillait entre 20 % et 30 % depuis le début des années 2000, la guerre en Ukraine a renversé la tendance. En l’occurrence, il est passé de 23 % en 2021 à 68 % en 2022.

Évolution des taux d’opinions favorables et défavorables à l’adhésion de la Finlande à l’OTAN entre 1994 et 2022

Source : Advisory Board For Defence Information (commission du parlement finlandais placée sous la tutelle du ministère de la défense).

S’agissant de la Suède, la position de non-alignement est bien plus ancienne : elle remonte au conflit qui l’avait opposée à la Norvège en 1814, date depuis laquelle la Suède n’a plus jamais été en guerre. Alors que les rédacteurs du Traité de Washington envisageaient d’inviter la Suède dans l’Alliance, l’attachement des Suédois à leur position de non-alignement les a conduits à refuser cette proposition d’adhésion dès 1949.

Cette position a toutefois évolué à partir de 1995, année marquant l’entrée de la Suède dans l’UE. Si en amont de son adhésion à l’UE, la Suède pouvait afficher une position de neutralité en cas de conflit, conséquence de son non-alignement en temps de paix, elle est désormais tenue, en vertu de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne, de porter aide et assistance par tous les moyens à un État membre de l’UE qui ferait l’objet d’une agression armée. Dans cet esprit, le Parlement de Suède a adopté, en 2009, une déclaration dite : « de solidarité » présentée par la commission de la défense. Selon cette déclaration, la Suède serait en mesure d’apporter un soutien à un État de l’UE ainsi qu’à la Norvège et l’Islande en cas d’attaque par une puissance étrangère.

Si, le 6 février 2021, Peter Hultqvist, alors ministre de la défense, réaffirmait la position de non-alignement de la Suède, la guerre en Ukraine a quelques semaines plus tard considérablement fait évoluer l’opinion publique suédoise. Selon l’Institut SOM de l’Université de Göteborg, la proportion de Suédois favorables à l’adhésion à l’OTAN a augmenté de 35 points de pourcentage, passant de 29 à 64 %, entre l’automne 2021 et l’automne 2022 ([7]). L’annexion de la Crimée en 2014 avait déjà provoqué un sursaut d’opinions favorables à l’adhésion de l’OTAN de près de 10 points de pourcentage.


Évolution des taux d’opinions favorables et défavorables à l’adhésion de la Suède à l’OTAN entre 1994 et 2022

 

Source : Institut SOM de l’Université de Göteborg.

Malgré des positions de non-alignement faisant obstacle à une demande d’adhésion à l’OTAN, il n’en demeure pas moins que la Suède et la Finlande étaient déjà largement impliquées, en tant que partenaires, dans les activités de l’Alliance.

2.   Des États néanmoins activement impliqués dans l’OTAN depuis 1994

La Finlande et la Suède ont construit de manière quasi-identique des liens avec l’OTAN. Elles ont ainsi rejoint, dès 1994, le programme de Partenariat pour la paix (PPP) et contribué aux opérations de gestion de crise de l’Alliance. Ce programme permet à des pays non membres de l’OTAN de participer à des activités afin d’établir une coopération avec l’Alliance. Dans ce cadre, plusieurs États participants ont déployé des troupes en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Afghanistan. Ce programme peut également être identifié comme une première étape avant une éventuelle adhésion. La Hongrie, la Pologne et la République tchèque sont ainsi devenues membre de l’OTAN en 1999 après avoir été partenaires, tout comme le Monténégro devenu membre en 2017 ou encore la République de Macédoine du Nord qui a rejoint l’OTAN en 2020.

En 1997, les deux pays nordiques sont devenus membres du Conseil de partenariat euro­atlantique. Ce conseil est une instance de dialogue multilatéral où siègent les Alliés et les pays partenaires de la zone euro-atlantique. Il forme le cadre politique général dans lequel s’inscrit la coopération entre l’OTAN et les pays partenaires. La Suède et la Finlande ont ensuite bénéficié du programme dit : « Nouvelles opportunités », garantissant un renforcement de leur coopération avec l’OTAN, à travers notamment des consultations politiques sur les questions de sécurité et un accès élargi aux programmes et aux exercices d’interopérabilité. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur pour la Suède et la Finlande, qui ont rejoint en 2014 la plateforme d’interopérabilité, rassemblant les Alliés et des pays partenaires actifs dans les opérations de l’OTAN. L’interopérabilité est également au cœur du processus de planification et d’examen du PPP dans lequel la Suède est largement impliquée.

La Suède et la Finlande dispensent également des formations à destination des forces de pays partenaires de l’OTAN. Le Centre international des forces armées suédoises propose à ce titre des exercices et des entraînements consacrés à l’aide humanitaire, aux services de secours, aux opérations de soutien de la paix, à la préparation du secteur civil ou encore au contrôle démocratique des forces armées.

Les deux pays nordiques ont en outre participé à un certain nombre d’opérations militaires aux côtés des troupes des membres de l’OTAN : en Bosnie‑Herzégovine pour la mission de maintien de la paix de l’OTAN, au Kosovo également au sein d’une mission de maintien de la paix, en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité et en Irak au sein de la mission OTAN de conseil et de renforcement des capacités. En revanche, seule la Suède est intervenue en Libye dans le cadre de l’opération Unified Protector.

La Suède et la Finlande ont signé avec l’OTAN un mémorandum d’entente sur le soutien du pays hôte, dit : « Host Nation Support », dont l’objectif est de permettre à l’OTAN d’utiliser plus facilement le territoire, l’espace aérien et les eaux territoriales de ces deux partenaires pour des exercices ou en cas de crise. Les Alliés ne peuvent toutefois pas opérer à partir des territoires suédois et finlandais sans le consentement de leur gouvernement respectif.

Les deux États voisins coopèrent également avec les Alliés dans d’autres domaines. Ils travaillent ainsi avec le Comité pour la résilience de l’OTAN sur des évaluations régionales, la protection des infrastructures critiques et la fourniture d’un soutien mutuel face aux conséquences d’une catastrophe ou d’un accident majeur dans la zone euro-atlantique. Des scientifiques suédois et finlandais sont impliqués dans le programme pour la science au service de la paix et de la sécurité. En l’occurrence, la Finlande a participé au programme DEXTER relatif au développement d’un système intégré de détection des explosifs et des armes à feu dans les espaces publics.

Enfin, la Suède, tout comme la Finlande jusqu’en 2023, est représentée à l’AP OTAN par une délégation associée. À ce titre, cette délégation peut participer aux travaux de l’Assemblée, c’est-à-dire assister aux sessions plénières, aux séminaires ainsi qu’aux réunions des commissions et des sous-commissions, sauf décision contraire de la commission permanente. Les membres de la délégation peuvent prendre la parole et proposer des textes et des amendements sans toutefois disposer du droit de vote. La Finlande a ainsi organisé en octobre 2022 un séminaire à Helsinki ayant pour thème « La sécurité du Nord bouleversée par la guerre en Ukraine et le changement climatique ».


II.   Un processus d’adhésion à deux vitesses

Alors que la résolution de l’AP OTAN n° 479 intitulée « Après le sommet de Madrid, une OTAN adaptée à sa mission à l’aube d’une nouvelle ère stratégique » dispose que l’Assemblée « invite instamment les gouvernements et les parlements des pays membres de l’Alliance atlantique […] à finaliser dans les plus brefs délais la ratification de l’accession de la Finlande et de la Suède à l’Alliance de l’Atlantique Nord », seule la demande d’adhésion de la Finlande a été suivie d’effet.

A.   La Finlande : une adhésion rapide ouvrant la voie à une intégration attendue

Si le processus d’adhésion suppose l’unanimité des États membres et peut parfois durer plusieurs années, l’adhésion de la Finlande à l’OTAN s’est concrétisée en moins d’une année.

1.   Une procédure d’adhésion rapide

La possibilité pour des États d’intégrer l’Alliance est prévue depuis 1949 par l’article 10 du traité de Washington. Aux termes de cet article, « Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre État européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord. Tout État ainsi invité peut devenir partie au Traité en déposant son instrument d’accession auprès du gouvernement des ÉtatsUnis d’Amérique. Celui-ci informera chacune des parties du dépôt de chaque instrument d’accession. » Cette disposition met en évidence la condition de l’unanimité requise pour permettre l’intégration d’un nouvel État dans l’Alliance. S’agissant de la Finlande, malgré les réticences initialement avancées par la Turquie, un accord unanime s’est rapidement dégagé.

Au delà de la règle de l’unanimité, le processus d’adhésion comporte une succession d’étapes destinées à vérifier la fiabilité de la candidature, notamment la vérification du respect par l’État candidat des obligations et engagements qu’implique l’adhésion. L’OTAN a ainsi publié en 1995 une étude faisant état de critères à respecter par les États candidats. Outre la démonstration de la capacité à promouvoir les principes du traité de Washington et à contribuer à la sécurité de la zone euro-atlantique, les critères préalables à une adhésion sont les suivants :

– disposer d’un système politique démocratique fonctionnant bien et reposant sur une économie de marché ;

– traiter les populations minoritaires de manière équitable ;

– s’engager à régler les conflits de manière pacifique ;

– être capable et désireux d’apporter une contribution militaire aux opérations de l’OTAN ;

– être attaché au caractère démocratique des relations entre civils et militaires et des structures institutionnelles.

Les États ayant fait part d’un intérêt à rejoindre l’Alliance sont dans un premier temps invités à entreprendre un dialogue avec l’OTAN afin d’identifier les réformes à mettre en œuvre pour satisfaire aux critères de 1995. Tout État participant aux pourparlers d’adhésion peut également être invité à rejoindre le programme Plan d’action pour l’adhésion, cf. encadré ci-dessous. À la suite de ces pourparlers, le pays adhérant doit confirmer l’acceptation des obligations et des engagements liés au statut de membre à travers une lettre d’intention accompagnée d’un calendrier individuel de réformes. L’OTAN prépare enfin le protocole d’accession au traité qui devra être ratifié par tous les Alliés afin de permettre l’intégration effective du nouvel État membre.

Le Plan d’action pour l’adhésion

Lancé en 1999, le Plan d’action pour l’adhésion est un programme facultatif permettant accompagner les États désireux d’intégrer l’Alliance. Il consiste, pour les pays participants, à soumettre leur programme national annuel individuel relatif à leurs préparatifs mis en place en vue d’une adhésion. Plusieurs thématiques sont concernées : politique, économie, droit, défense, ressources et sécurité. Ces plans sont ensuite discutés lors de réunions entre les pays membres et les participants au programme afin d’évaluer leur progression.

Plusieurs États ayant rejoint l’Alliance au cours des années 2000, à l’instar de la Bulgarie et de la Slovénie, ont participé à ce programme en amont. La Bosnie-Herzégovine, ayant été invité à rejoindre ce programme en 2010, y participe actuellement.

La Finlande a déposé sa lettre officielle de demande d’adhésion à l’OTAN le 18 mai 2022 sans avoir auparavant participé au plan d’action pour l’adhésion. Compte tenu des circonstances entourant cette demande d’adhésion, la phase de pourparlers avec la Finlande a été réduite : elle s’est achevée le 4 juillet 2022. La phase de ratification a également été très courte car la majorité des Alliés a ratifié le protocole d’accession avant le début de l’automne 2022. En l’occurrence, la loi française n° 2022-1124 autorisant la ratification du protocole au Traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République de Finlande et la ratification du protocole au Traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Royaume de Suède a, en dépit de la tenue des élections législatives et présidentielles, pu être promulguée le 5 août 2022.


CHronologie des ratifications du protocole d’accession de la Finlande à l’OTAN par les Alliés

L’entrée de la Finlande dans l’OTAN a par conséquent pu être effective dès le 4 avril 2023, après le dépôt des instruments d’adhésion auprès du Département d’État américain. Cette adhésion a également permis à la Finlande de devenir un membre de plein droit à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, où elle disposait jusqu’à lors du statut de délégation associée.

2.   Un processus d’intégration prometteur

À la suite de son intégration à l’OTAN le 4 avril 2023, la Finlande est devenue le 31e État à rejoindre l’Alliance mettant fin à son statut de simple pays invité. Forte d’un solide système de défense et de sécurité, la Finlande est atout majeure pour les forces de l’OTAN, ce qui a valu à Matti Vanhanen, ancien président du Parlement finlandais d’affirmer, à l’occasion du 103e séminaire Rose Roth, que la Finlande était un pourvoyeur de sécurité, et non un simple consommateur.

En effet, depuis la fin la Guerre froide, la Finlande n’a jamais cessé d’investir au sein de son système de défense. Cet investissement est tout d’abord humain : le pays dispose d’une forte capacité de mobilisation de soldats : jusqu’à 280 000 soldats en temps de guerre. Ces importantes capacités s’expliquent par un système de conscription rodé : le service militaire est obligatoire pendant une durée de six mois pour tous les Finlandais à partir de 18 ans.

Sur le volet budgétaire, la Finlande a continué à faire progresser son budget en faveur de la défense malgré la crise économique de 2020. Pour l’année 2024, le projet de budget de défense finlandais devrait s’élever à 6,2 milliards d’euros, représentant 2,3 % du PIB. Le niveau devrait être maintenu à 6,2 milliards d’euros en 2025 mais la tendance s’inversera ensuite : le budget devrait être de 5,8 milliards d’euros en 2026 et en 2027. Ce phénomène s’explique notamment par les fluctuations annuelles du financement de l’acquisition d’avions de combat. L’effort finlandais permet dès lors de répondre à l’objectif des Alliés inscrit dans le communiqué de Vilnius de consacrer au moins 2 % de leur PIB aux dépenses en faveur de la défense.

Évolution des crédits en faveur des dépenses de défense en Finlande


En milliards d’euros

Source : OTAN.

L’adhésion de la Finlande à l’OTAN permet également une intégration du pays dans les plans régionaux de l’OTAN. Récemment, la Finlande a ainsi pu contribuer activement au fond d’affectation spéciale pour l’ensemble complet de mesures d’assistance (CAP) en faveur de l’Ukraine. L’armée finlandaise permet également de renforcer la présence stratégique de l’OTAN dans le Nord, au niveau de la frontière avec la Russie.

Lors de la dernière session de l’AP OTAN à Copenhague, la délégation française a eu l’occasion d’interroger le Général Philippe Lavigne, commandant suprême allié pour la transformation (SACT) sur les perspectives de l’OTAN à la suite de l’intégration de la Finlande. Il a souligné que l’interopérabilité était travaillée chaque jour avec les standards OTAN, ce qui avait permis une intégration militaire très rapide de la Finlande dès le mois de juin 2023. Il a mis en évidence les atouts importants de la Finlande et de la Suède à savoir : leur industrie de défense, leurs capacités technologiques, de recherche et de production ainsi qu’une force morale, des talents et des forces de réserve très bien entraînées. Il a enfin confirmé que les plans régionaux, notamment celui couvrant l’Arctique et l’Antarctique, intégraient déjà la Finlande et intégreraient bientôt la Suède.

Réciproquement, l’adhésion de la Finlande à l’OTAN lui permet de bénéficier de certains avantages. Elle peut s’appuyer sur les Alliés dans les domaines où elle identifie des faiblesses mais également se prévaloir de la clause de défense collective prévue à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Le service de renseignement finlandais pour la sécurité nationale estime d’ailleurs que l’adhésion de la Finlande a entraîné des menaces de la part de la Russie à l’égard de ses infrastructures.

B.   La Suède : sur la voie de l’adhésion ?

Contrairement à la Finlande, la Suède n’a pas su convaincre rapidement la Turquie et la Hongrie de ratifier son protocole d’adhésion. La Suède semble toutefois soucieuse d’apporter des solutions aux blocages du processus par ces deux États.

1.   Des facteurs de blocages en Turquie et en Hongrie

Alors que la quasi-totalité des États membres de l’Alliance ont très rapidement ratifié le protocole d’accession de la Suède, deux ratifications manquent encore : celle de la Turquie et celle de la Hongrie. Ces blocages, inhérents au processus d’adhésion requérant l’unanimité, constituent un problème politique qui pourrait affecter l’image de cohésion de l’Alliance. C’est pourquoi, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, met tout en œuvre pour parvenir à l’adhésion de la Suède le plus rapidement possible.

Les arguments avancés par la Turquie pour mettre en suspens la ratification diffèrent de ceux de la Hongrie. La Turquie avait dès le 13 mai 2022 exprimé des réticences tenant au terrorisme. Selon le président Recep Tayyip Erdoğan, la Suède serait un refuge pour des organisations terroristes à l’instar du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l’obligeant à solliciter des contreparties avant d’envisager toute ratification du protocole d’adhésion. En effet, le PKK est reconnu comme étant une organisation terroriste par la Turquie, les États-Unis et l’Union européenne. En revanche, il n’était pas reconnu comme tel par la Suède, qui a accueilli depuis les années 1980 des réfugiés politiques soupçonnés par la Turquie d’être des militants du PKK. Concrètement, la Turquie a formulé à la Suède des demandes d’extradition de personnes qu’elle soupçonne d’être membre du PKK ainsi que la levée de l’embargo sur les ventes d’armes à la Turquie. Au mois de septembre 2023, le président Recep Tayyip Erdoğan avait également conditionné la ratification du protocole d’adhésion de la Suède à l’Otan à la livraison par les États-Unis d’avions de chasse F-16.

La Hongrie a quant à elle dénoncé une politique de dénigrement de la Suède à son égard. Dans une lettre du 14 septembre 2023 adressée à Tobias Billström, ministre des affaires étrangères de Suède, Péter Szijjártó, ministre des affaires étrangères de Hongrie, évoque le caractère insultant des propos des hommes politiques suédois qui qualifient le régime hongrois d’anti-démocratique et autoritaire. Il relève par ailleurs que la société suédoise de radiodiffusion UR, chargée de produire et diffuser des programmes éducatifs, a communiqué des informations suggérant que la démocratie avait régressé en Hongrie au cours de ces dernières années. Il en conclut dès lors que cette contradiction entre l’incitation faite par la Suède à la Hongrie de ratifier le plus rapidement possible le protocole d’accession et les accusations portées par la Suède à propos du système politique hongrois fait obstacle à l’aboutissement de la demande de ratification.

Ces blocages permettent de mettre en évidence l’importance de la diplomatie parlementaire. En effet, s’agissant d’une ratification, les parlementaires ont un rôle primordial à jouer : il leur incombe d’examiner puis de voter le texte ratifiant le protocole d’adhésion. L’AP OTAN se révèle à cet égard être l’organe idoine pour mettre en œuvre la diplomatie parlementaire, soit au cours des sessions, soit lors de réunions bilatérales pouvant être organisées en marge du programme. En l’occurrence, la délégation française avait notamment rencontré les délégations suédoise et finlandaise en 2022 mais également la délégation turque en 2023. À la suite de l’accord entre la Turquie et la Suède trouvé pendant le sommet de Vilnius, Joëlle Garriaud-Maylam, alors présidente de l’AP OTAN, a écrit aux chefs des délégations hongroise et turque pour les appeler à mettre en place sans tarder les procédures parlementaires pertinentes en adéquation avec la recommandation de l’Assemblée visant à « finaliser dans les meilleurs délais la ratification de l’adhésion de la Suède à l’Alliance atlantique » ([8]). Enfin, les incitations émanent également des parlementaires des différentes délégations : lors de la session plénière de l’automne 2023, Gerald Connolly, ancien président de l’AP OTAN, avait rappelé avec insistance l’importance de la finalisation du processus de ratification.

2.   Un protocole d’intégration sur le point d’aboutir

Face aux blocages hongrois et turcs, la Suède a entrepris de nombreuses réformes afin de rassurer ses futurs Alliés. Tout d’abord, afin d’apaiser les préoccupations de la Turquie, le gouvernement suédois nouvellement élu, a déclaré en novembre 2022 qu’il se désolidarisait des organisations kurdes YPG (Unités de protection du peuple) et PYD (Parti de l’union démocratique) en raison de leurs liens jugés trop étroits avec le PKK. Le gouvernement suédois a également accordé l’extradition vers la Turquie d’un ressortissant turc, partisan du PKK, ainsi que la levée de l’embargo sur l’exportation d’armes vers la Turquie conformément au mémorandum trilatéral conclu entre la Turquie, la Suède et la Finlande. Ce mémorandum prévoit également que la Suède et la Finlande reconnaissent le PKK comme une organisation terroriste et s’engagent à coopérer avec la Turquie pour prévenir les actes terroristes de cette organisation. La Suède a en particulier confirmé l’entrée en vigueur d’une loi plus sévère sur les infractions terroristes et que le gouvernement préparait un nouveau renforcement de la législation antiterroriste. De manière concomitante, l’OTAN a renforcé son action dans la lutte contre le terrorisme un nommant un assistant au secrétaire général chargé du contre-terrorisme.

Ces mesures ont été accueillies positivement par le gouvernement turc. En effet, le président Recep Tayyip Erdoğan a finalement déposé le projet de loi de ratification au Parlement le 23 octobre 2023.

La Hongrie, bien qu’ayant déclaré ne pas vouloir être le dernier pays à ratifier le protocole d’adhésion suédois, continue de retarder le processus. En effet, le Parlement de Hongrie n’est pas actuellement en mesure de ratifier la demande d’adhésion de la Suède à l’OTAN et car ce point ne figure pas à l’ordre du jour de la prochaine session parlementaire. Si ce n’est pas la première fois que le vote du protocole est ajourné, la Suède reste convaincue que la Hongrie ne tardera pas à ratifier son adhésion.

Sur la scène internationale, la Suède continue de bénéficier d’un soutien sans faille de la part des Alliés ayant ratifié son protocole d’adhésion. Ce soutien est fermement exprimé par son voisin et allié finlandais, dont l’ancien ministre des affaires étrangères, Pekka Haavisto déclarait lors d’une réunion extraordinaire au siège de l’OTAN en mars 2023 : « Notre adhésion ne sera pas complète tant que la Suède ne sera pas également membre ». La candidature suédoise est également soutenue par les instances de l’OTAN : Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, affirme que l’adhésion de la Suède était désormais une priorité absolue de l’Alliance.

De son côté, la Suède continue de démontrer son implication dans le soutien à l’Ukraine : Julia Kronlid, vice-présidente du Parlement de Suède affirmait au cours du 104e séminaire Rose Roth, qui s’est déroulé à Stockholm en octobre 2023, que « plus que jamais, le parlement suédois condamne l’invasion de l’Ukraine par la Russie et offre tout son soutien à l’Ukraine ».

L’intégration de la Suède constituerait un atout stratégique pour l’OTAN, notamment dans le contexte de tensions fortes avec la Russie. Bien que disposant d’une petite armée de près de 15 000 hommes, la Suède est forte d’une industrie de défense performante. Le pays consacre aujourd’hui 1,3 % de son PIB à des dépenses en faveur de la défense. La Suède a prévu d’augmenter ce budget de 27,5 milliards de couronnes suédoises (environ 2,4 milliards d’euros) entre 2023 et 2024, représentant une progression de 30 % et permettant ainsi d’atteindre l’objectif des 2 % du PIB consacré aux dépenses en faveur de la défense. Pour 2024, la Suède prévoit d’atteindre un budget pour la défense de 119,1 milliards de couronnes suédoises (soit environ 10,45 milliards d’euros).

Évolution des crédits en faveur des dépenses de défense en Suède


En milliards de couronnes suédoises

Source : Projet de loi de finances pour 2024.

S’agissant de ses forces armées, la Suède a rétabli en 2017 le service national pour les hommes et les femmes. En matière de sécurité, la Suède travaille activement avec la Finlande, pays avec lequel elle entretient une relation privilégiée, notamment dans la planification et la participation d’actions conjointes pour la paix.

Comme mentionné au paragraphe 5 de la déclaration n° 481 adoptée en séance plénière de la session de printemps de l’AP OTAN le 22 mai 2023 à Luxembourg, l’adhésion de la Suède permettrait le renforcement de sa sécurité et de celle de l’OTAN. Karin Enström, chef de la délégation suédoise à l’AP OTAN, rapportant le message de son Premier ministre, Ulf Kristersson, lors du 103e séminaire Rose Roth, faisait ainsi valoir : « En termes de moyens et de position géostratégique, nous serons en mesure d’apporter de la valeur à l’Alliance et d’accroître la capacité des pays de la région Nord-Baltique à coopérer et à fournir un niveau de défense important ».


   2e Partie : Les activités de la délégation française de l’AP OTAN en 2022

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN

Depuis la Conférence des parlementaires des pays de l’OTAN au Palais de Chaillot à Paris, alors siège de l’organisation, du 18 au 22 juillet 1955, les représentants des États membres de l’Alliance se sont régulièrement réunis, donnant ainsi corps au préambule du traité de Washington qui affirme que ces États sont « fondés sur les principes de la démocratie ».

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN comprend actuellement 274 parlementaires venant des 31 pays membres de l’Alliance atlantique. La délégation française compte 18 membres, à raison de 11 députés et 7 sénateurs. Depuis le 22 septembre 2022, la présidence de la délégation de l’Assemblée nationale est assurée par Mme Anne Genetet.

Des parlementaires des pays non membres de l’OTAN, pays partenaires, prennent aussi part à certains de ses travaux, selon trois statuts différents. Bénéficient ainsi du statut de délégation associée celles provenant des dix pays suivants : Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Moldavie, Serbie, Suède, Suisse et Ukraine, ainsi que le Parlement européen. Quatre délégations ont le statut de partenaires régionaux et membres associés méditerranéens : Algérie, Israël, Jordanie et Maroc. Ont enfin le statut d’observateur parlementaire l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (AP OSCE), ainsi que les parlements des huit pays suivants : Australie, République de Corée, Égypte, Japon, Kazakhstan, Kosovo, Conseil national palestinien et Tunisie, de même que le Conseil national palestinien. Des délégués d’autres pays peuvent également être invités aux réunions.

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN tient deux sessions plénières par an, au printemps et à l’automne. En 2022, la première a été organisée à Vilnius par la Lituanie du 27 au 30 mai. Lors de la seconde, à Madrid du 18 au 21 novembre, l’assemblée parlementaire a adopté seize rapports et six résolutions.

Chacune de ses cinq commissions est habituellement le cadre de quatre ou cinq déplacements chaque année. Avec les trois réunions du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient et les séminaires, plus de trente sessions de travail sont ainsi organisées. En outre, lors de la session plénière et lors de la réunion conjointe des commissions à Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN s’exprime devant les parlementaires et répond à leurs questions. Cette réunion conjointe des commissions permet également aux parlementaires d’entendre le point de vue des représentants permanents alliés au Conseil de l’Atlantique nord.

L’Assemblée est essentiellement financée par les contributions des parlements ou des gouvernements des pays membres. Les contributions de chaque pays sont calculées sur la base de la clef de répartition utilisée pour le budget civil de l’OTAN, qui pour sa part verse également une contribution.

Son secrétariat international est à Bruxelles, place du Petit-Sablon, dans des locaux distincts de ceux de l’OTAN. Son site Internet se trouve à l’adresse suivante : http://www.nato-pa.int. Les activités de l’assemblée parlementaire sont retracées sur ce site. Celles des membres de la délégation française peuvent être suivies sur les sites de chacune des assemblées : www.assemblee-nationale.fr et www.senat.fr.

I.   Composition de la délégation de l’Assemblée nationale

En raison des élections législatives, la délégation française de l’AP OTAN a été reconstituée au cours de l’année 2022.

A.   Sous la XVe législature

 Commission permanente (COMPER) :

M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER, Président de la délégation de l’Assemblée nationale

 Commission sur la démocratie et la sécurité (CDS) :

– Mme Anissa KHEDHER

– M. Jérôme LAMBERT

 Commission de la défense et de la sécurité (DSC) :

– M. Jean-Jacques BRIDEY

– M. Jean-Charles LARSONNEUR

 Commission politique (PC) :

– Mme Marianne DUBOIS

– Mme Françoise DUMAS

– Mme Sonia KRIMI

 Commission de l’économie et de la sécurité (ESC) :

– Mme Patricia MIRALLÈS

– M. Jean-Luc REITZER

 Commission des sciences et des technologies (STC) :

– Jean-Christophe LAGARDE

– M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER

 Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) :

– Mme Françoise DUMAS

– Mme Sonia KRIMI

– M. Jean-Luc REITZER

B.   Sous la XVIe législature

La délégation de l’Assemblée nationale auprès de l’AP OTAN a été reconstituée le 22 septembre. Mme Anne Genetet, députée représentant les Français vivant hors de France (11e circonscription) a été élue Présidente et la répartition des onze membres au sein des cinq commissions et du groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient a été actée de la manière suivante :

 Commission permanente :

– Mme Anne GENETET

 Commission sur la démocratie et la sécurité

– Mme Nadège ABOMANGOLI

– M. Nicolas DRAGON

 Commission de la défense et de la sécurité

– M. Jean-Marie FIÉVET

– M. Jean-Charles LARSONNEUR

 Commission politique

– Mme Caroline COLOMBIER

– M. Thomas GASSILLOUD

– Mme Michèle TABAROT

 Commission de l’économie et de la sécurité

– Mme Anne GENETET, Présidente de la délégation de l’Assemblée nationale

– Mme Isabelle SANTIAGO

 Commission des sciences et des technologies

– M. Fabien LAINÉ

– M. Aurélien SAINTOUL

 Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient

– M. Jean-Marie FIÉVET

– M. Fabien LAINÉ

– Mme Michèle TABAROT

 Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN

– Mme Anne GENETET

– M. Fabien LAINÉ

II.   Activités de l’Assemblée parlementaire en 2022

Calendrier des réunions organisée par l’AP OTAN en 2022

Janvier

24 Bruxelles, Belgique : réunion conjointe (UNIC & PCNP) ;

Février

1er En ligne Réunion spéciale de la Commission permanente ;

21-23 Bruxelles, Belgique : réunions conjointes de commissions (DSC, ESC, PC) ;

22 Bruxelles, Belgique : réunion spéciale de la Commission permanente ;

23 Bruxelles, Belgique : réunion du GNIC ;

Mars

16 Paris : Réunion du Collège de défense de l’OTAN ;

17-18 OCDE, Paris, France : visite conjointe (ESC & PC) ;

Avril

10 Athènes, Grèce : réunion de la Commission permanente ;

19-22 Royaume-Uni : visite conjointe (ESCTER & STCTTS) ;

25-29 Washington DC et Dallas, États-Unis : visite de la DSC ;

Mai

10-13 Riga, Lettonie & Tallinn, Estonie : visite de la DSCFC ;

11-13 La Haye, Pays-Bas : visite conjointe (CDS & PCTR) ;

16-18 Rzeszów. Pologne : réunion conjointe (UNIC & PCNP) ;

27-30 Vilnius, Lituanie : session de printemps ;

Juin

7-9 Sarajevo, Bosnie-Herzégovine : visite de l’ESCTD ;

14-17 Turquie :visite conjointe (PCNP & GSM) ;

28-30 Tbilissi, Géorgie : visite de la DSC ;

29-30 Madrid, Espagne : sommet de l’OTAN ;

Juillet

4-7 Israël et Territoires palestiniens : visite de la STCTTS ;

6 Webinaire sur le sommet 2022 de l’OTAN à Madrid ;

Septembre

12 Bruxelles, Belgique : programme de formation parlementaire pour la délégation

allemande ;

12-16 Copenhague et Nuuk, Danemark et Groënland : visite conjointe (CDSRCS & DSCTC) ;

19-23 Tokyo, Japon : visite de la STC ;

26-30 San Francisco et San Diego, États-Unis : visite conjointe (ESCTER et PCTR) ;

26-29 Berlin et Hesse., Allemagne : visite de la DSCTC ;

Octobre

8-10 Pristina : 102e séminaire Rose-Roth, conjoint avec ESCTD ;

18-22 République de Corée : visite conjointe (CDSRCS & PCNP) ;

18-20 Helsinki, Finlande :103e séminaire Rose-Roth ;

Novembre

8-9 Athènes, Grèce : séminaire du GSM ;

18-21 Madrid, Espagne : session annuelle ;

Décembre

5-7 Washington DC, États-Unis : forum parlementaire transatlantique.

En italique, les activités auxquelles la délégation française de l’Assemblée nationale n’a pas participé.

A.   Participation de la délégation française sous la XVe législature

1.   Réunion du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN à Bruxelles

Le 24 janvier, Philippe Michel-Kleisbauer, président de la délégation sous la XVe législature, a participé en visioconférence à la réunion du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN (UNIC), le pendant parlementaire de la Commission OTAN-Ukraine. Cet échange avec des homologues parlementaires ukrainiens ainsi qu’avec des hauts représentants de l’OTAN s’est déroulé dans le contexte préoccupant du renforcement militaire russe en cours le long de la frontière ukrainienne. Gerald Connolly, alors président de l’assemblée parlementaire, a à nouveau exprimé l’entière solidarité de l’Assemblée avec l’Ukraine et exhorté les Alliés à maintenir une pression importante sur la Russie.

Cette réunion a donné lieu à une déclaration conjointe d’Oleksandr Kornyenko et de Michal Szczerba, co-présidents de l’UNIC, condamnant « fermement le renforcement militaire provocateur, irresponsable et non justifié de la Russie aux frontières orientales de l’Ukraine ainsi que sa rhétorique agressive ».

2.   Réunions conjointes de commissions à Bruxelles

Du 21 au 23 février, Philippe Michel-Kleisbauer a également conduit une délégation, composée de Mme Sonia Krimi, Mme Patricia Mirallès et M. Jean-Luc Reitzer, afin de participer à la réunion conjointe des commissions politique (PC), de la défense et de la sécurité (DSC) et de l’économie et de la sécurité (ESC) à Bruxelles, Belgique. Les participants ont débattu du renforcement militaire russe en cours à la frontière ukrainienne et dans la péninsule de Crimée, illégalement annexée par Moscou, ainsi que de la réponse de l’OTAN. À l’ordre du jour de la réunion figuraient également les priorités du futur concept stratégique que les chefs d’État et de gouvernement des pays alliés devaient adopter au mois de juin au sommet de Madrid.

Le texte final des recommandations de l’AP OTAN a été adopté lors d’une réunion extraordinaire de la commission permanente le 22 février.

3.   Collège de défense de l’OTAN

Le 16 mars, Philippe Michel-Kleisbauer a présenté aux participants à la 140e session principale du Collège de défense de l’OTAN, tenue en ligne en raison de la situation sanitaire, le rôle du Parlement français dans la politique de défense.

4.   Visite conjointe à Londres

La visite conjointe des sous-commissions sur les relations économiques transatlantiques (ESCTER) et sur les tendances technologiques et la sécurité (STCTTS) à Londres, Royaume-Uni, du 19 au 22 avril, a placé l’invasion russe et la réponse de l’OTAN au cœur de son programme. Les participants, parmi lesquels MM. Philippe Michel-Kleisbauer et Jean-Luc Reitzer, ont également abordé les thèmes de la sécurité énergétique et climatique, les relations entre corruption, la résilience et la sécurité, le développement de technologies émergentes et de technologies de rupture ainsi que les enjeux des régimes de non-prolifération.

5.   Session de printemps à Vilnius

Pour l’année 2022, la session de printemps de l’AP OTAN était prévue à Kiev en Ukraine du 27 au 30 mai. Toutefois, l’invasion de l’Ukraine par la Russie à partir du 24 février y a rendu impossible la tenue de cette session. La délégation lituanienne a alors proposé d’accueillir la session de printemps 2022, qui s’est donc tenue à Vilnius, aux dates prévues.

À quelques semaines du sommet de l’OTAN qui se tenait à Madrid, les débats dans les cinq commissions ont principalement porté sur :

– La nouvelle réalité stratégique née de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses incidences sur la nécessaire adaptation de l’OTAN et sur le futur concept stratégique de l’Alliance ;

– Les défis persistants et l’instabilité actuelle dans le voisinage de l’Alliance, allant de l’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en passant la situation dans les Balkans occidentaux et les enseignements tirés de la campagne de l’OTAN en Afghanistan ;

–               L’importance stratégique grandissante de l’Asie et du bassin indopacifique ;

– Les partenariats de l’OTAN et l’avenir de la politique de la porte ouverte.

La délégation française a pris une part active à ces débats, et ce d’autant plus que cinq de ses dix-huit membres étaient chargés de la présentation d’un avant-projet de rapport :

– Pour la commission politique : « L’OTAN et la région indopacifique », présenté par Mme Sonia Krimi ;

– Pour la commission de la défense et la sécurité : « Invasion de l’Ukraine par la Russie : implications pour la défense collective des Alliés et impératifs pour le nouveau concept stratégique », présenté par M. Cédric Perrin, et « Évolution de la menace terroriste : adapter la réponse alliée », présenté par M. Jean-Charles Larsonneur ;

– Pour la               commission sur la démocratie et la sécurité : « Renforcer la protection des infrastructures critiques alliées », présenté par Mme Joëlle Garriaud‑Maylam, et « Agir pour préserver l’espace humanitaire : quel rôle pour les Alliés et l’OTAN », présenté par Mme Anissa Khedher.

Outre les présentations des rapports, les questions et interventions des membres de la délégation ont porté sur la situation née de l’agression russe en Ukraine et l’apport d’une complémentarité enfin articulée entre OTAN et UE, les leçons à tirer pour la gestion de crise de la campagne de l’OTAN en Afghanistan, la situation dans les Balkans occidentaux, le rôle des Parlements dans la lutte contre la corruption, et le rôle de l’OTAN en matière de cyber-sécurité.

6.   Visite à Sarajevo

La sous-commission sur la transition et le développement (ESCTD) s’est rendue à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) du 7 au 9 juin. La délégation, composée de plus de vingt parlementaires issus de pays alliés ou partenaires de l’Alliance dans les Balkans occidentaux – dont M. Jean-Luc Reitzer – s’est penchée sur la situation de ce pays, marqué par un immobilisme politique, une torpeur économique et des progrès beaucoup trop lents sur la voie de l’intégration euro-atlantique. Alors que l’Europe connaît de graves tensions internationales liées à la guerre russe en Ukraine, la crise interne en Bosnie-Herzégovine suscite désormais de vives inquiétudes dans les capitales de l’OTAN et de l’Union européenne. La visite visait aussi à enrichir la version finale du projet de rapport de la sous-commission, établi par Michal Szczerba (Pologne) et intitulé « Balkans occidentaux : la guerre menée par la Russie contre L’Ukraine et les défis persistants dans la région ».

7.   Visite conjointe à Istanbul et Adana

M. Jean-Luc Reitzer a participé à la visite conjointe de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN (PCNP) et du Groupe spécial Méditerranée et Proche‑Orient (GSM) à Istanbul et Adana (Turquie) du 14 au 17 juin. Outre l’examen et discussion de l’avant-projet de rapport du GSM « Problèmes migratoires communs : la communauté transatlantique et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord », les participants se sont vus présenter les perspectives et réponses politiques apportées par la Turquie à la guerre de la Russie contre l’Ukraine ; le point de vue de la Turquie sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN ; les défis posés à la sécurité en mer Noire, ainsi que les réponses de la Turquie aux pressions migratoires en provenance de la région MOAN, de la Russie et de l’Ukraine.

B.   Participation de la délégation française sous la XVIe législature

En dépit de la concomitance du calendrier des activités de l’AP OTAN avec l’examen par le Parlement français du projet de loi de finances pour 2023 au second semestre, la délégation de l’Assemblée nationale auprès de l’AP OTAN a été représentée lors de la plupart des réunions, et a ainsi pu porter les analyses et positions françaises auprès des parlementaires étrangers membres de l’assemblée parlementaire, et s’informer de leurs points de vue.

1.   Visite conjointe à Copenhague et à Nuuk

L’évolution de la dynamique sécuritaire dans l’Arctique a été, une nouvelle fois après celle organisée en 2021, à l’ordre du jour de la visite conjointe de la sous‑commission sur la résilience et la sécurité civile (CDSRCS) et de la sous‑commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité (DSCTC) à Copenhague et à Nuuk (Danemark et Groenland) du 12 au 15 septembre. Elle a permis aux 18 parlementaires représentant 11 États membres de l’OTAN – dont M. Jean-Charles Larsonneur – de faire le point sur les changements climatiques (hausse des températures, fonte des glaces, érosion du pergélisol) et géopolitiques (s’agissant de la Russie, renforcement de ses capacités militaires à travers l’Arctique, intérêt accru de la Route Maritime du Nord pour compenser l’impact de la guerre contre l’Ukraine, suspension des activités du Conseil de l’Arctique impliquant la Russie ; intérêt grandissant principalement d’ordre scientifique et économique pour le moment de la Chine à l’égard de cette région) et d’évaluer leurs répercussions sur les pays arctiques et sur le Royaume du Danemark en particulier.

Sept des huit États arctiques sont soit des pays de l’OTAN soit sur le point de le devenir, et selon l’AP OTAN, leur principale préoccupation concerne « le maintien non seulement des voies maritimes transatlantiques de communication, mais aussi de la liberté de navigation dans les eaux arctiques de plus en plus libres. Le concept stratégique 2022 récemment publié par l’OTAN appuie d’ailleurs cette position. […] Pour les Alliés, la militarisation accrue de l’Arctique couplée à la baisse de mécanismes de dialogue constitue un dilemme grandissant sur le plan de la sécurité. Ce faisant, les pays arctiques de l’OTAN ont annoncé de nouvelles stratégies pour la région au cours des dernières années. De plus, ils ont renforcé leurs activités de patrouille et ont intensifié leurs exercices militaires dans le Grand Nord, tout en augmentant les investissements dans leurs propres moyens pour améliorer leur connaissance situationnelle à travers la région. »

2.   103e séminaire Rose-Rothà Helsinki

Le 103e séminaire Rose-Roth, qui s’est tenu à Helsinki en Finlande, a été organisé conjointement avec la sous-commission sur la transition et le développement du 18 au 20 octobre. Il a permis d’étudier le revirement de politique majeur en Finlande et en Suède entrainé par la guerre de la Russie en Ukraine et sur l’apport positif de ces deux futurs membres à l’Alliance, en mer Baltique et dans le Grand Nord notamment. Les discussions ont également mis en évidence les façons dont l’hémisphère Nord subit les effets du changement climatique, celui-ci s’accélérant particulièrement dans l’Arctique. Parmi les autres questions au premier plan dans l’ordre du jour figuraient les menaces hybrides et de cyber-sécurité. La délégation française, composée de Mme Anne Genetet, Présidente de la délégation française en 2022, de Mmes Isabelle Santiago et Michèle Tabarot et de M. Aurélien Saintoul, a pris une part active aux débats.

3.   Réunion du GSM à Athènes

Le GSM s’est réuni à Athènes les 8 et 9 octobre pour sa deuxième réunion annuelle. Les 24 parlementaires – dont MM. Jean-Marie Fiévet et Fabien Lainé – de 12 pays alliés ont rappelé que malgré la nouvelle agression perpétrée par la Russie sur le flanc Est de l’OTAN, les Alliés devaient rester attentifs à la situation sur le flanc Sud et faire face aux nombreux et sérieux facteurs d’insécurité propres à la région méditerranéenne. M. Jean-Marie Fiévet a été élu vice-président du GSM lors de cette réunion.

4.   Session annuelle à Madrid

La session plénière annuelle s’est déroulée à Madrid, Espagne du 18 au 21 novembre. La capitale espagnole avait également accueilli en juin dernier le sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance.

Les débats en plénière et dans les cinq commissions ont principalement porté sur :

–               Le soutien inébranlable à l’Ukraine et la réponse notamment économique à la guerre de la Russie. Le président ukrainien, M. Volodymyr Zelensky, s’est exprimé par visioconférence lors de la séance plénière, ainsi que M. Andriy Kostin, procureur général du pays et Mme Olha Stefanishyna, vice‑première ministre ukrainienne chargée de l’intégration européenne et euro-atlantique, qui s’est vue décerner le deuxième Prix annuel Femmes pour la paix et la sécurité ;

– La mise en œuvre des décisions du sommet de l’OTAN, notamment le renforcement de la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN et l’accession de la Finlande et de la Suède à l’OTAN ;

– La sécurité et la défense dans le cyber-domaine ;

– L’impact du changement climatique sur la sécurité ;

– Le lien entre corruption et (in)sécurité.

Deux des dix-huit membres de la délégation française – MM. Jean-Charles Larsonneur et Cédric Perrin – étaient chargés de la présentation finale devant la commission de la défense et de la sécurité d’un projet de rapport. Par ailleurs, deux résolutions ont été adoptées à l’initiative de membres de la délégation française :

– Renforcer la résilience cybernétique des sociétés alliées par Joëlle Garriaud-Maylam (cf. annexe 1) ;

– Soutenir les initiatives de défense et de dissuasion prises par l’otan au sommet de madrid projet de résolution par Cédric Perrin (cf. annexe 2)

Après avoir rappelé que la guerre de la Russie en Ukraine avait mis de façon irréfutable en évidence la complémentarité positive des efforts, y compris sur le plan militaire, entre l’OTAN et l’Union européenne, Mme Anne Genetet, Présidente de la délégation française en 2022, a interrogé M. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, sur le soutien que les parlementaires alliés pourraient apporter pour faciliter une conclusion rapide du processus d’accession de la Finlande et de la Suède à l’Alliance.

Au cours de cette session, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a été élue présidente de l’AP OTAN. M. Philippe Folliot a été réélu président de la commission de l’économie et de la sécurité. M. Jean-Charles Larsonneur et M. Fabien Lainé ont été élus vice-président, respectivement, de la commission de la défense et de la sécurité et de la commission des sciences et des technologies. M. Cédric Perrin a été élu président de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense de la commission de la défense et de la sécurité. Mme Nicole Duranton a été réélue vice-présidente de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques de la commission de l’économie et de la sécurité) et M. Gilbert Roger a été élu vice-président de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN de la commission politique.

Outre de nombreuses interactions informelles avec les délégués alliés et partenaires, la délégation française a participé à un repas de travail avec la délégation allemande et à des entretiens bilatéraux avec les délégations ukrainienne, finlandaise, suédoise et géorgienne ainsi qu’avec la délégation du Parlement européen. 

5.   Forum parlementaire transatlantique à Washington

Enfin, le 22e Forum parlementaire transatlantique a été organisé du 5 au 7 décembre à Washington, États-Unis. Pour l’Assemblée nationale, la délégation française se composait de Mme Anne Genetet, Présidente, de Mmes Nadège Abomangoli et Michèle Tabarot, et de M. Nicolas Dragon. Outre un échange direct avec Mme Karen Donfried, secrétaire d’État adjointe pour les affaires européennes et euro-asiatiques, et Mme Linda Sanchez, MM. Jason Crow, Gerald Connolly, Austin Scott et Michael Turner – futur président de la délégation américaine à l’AP OTAN –, membres du Congrès, les discussions ont porté sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine, sur les défis posés à la démocratie mondiale et sur le lien entre la corruption et la sécurité et la politique étrangère des États-Unis.

Mme Anne Genetet, Présidente de la délégation, a exprimé auprès de Mme Karen Donfried et de ses homologues parlementaires américains les préoccupations françaises et, plus largement, européennes face au risque de morcellement de l’unité transatlantique que porte l’Inflation Reduction Act adopté en août dernier, et la nécessité d’une compétition juste et loyale entre Alliés. Elle a interrogé les experts du panel sur la démocratie mondiale sur le meilleur moyen de soutenir la société civile russe dans et hors de la Russie et sur leur conception de ce que pourrait être la défaite de la Russie évoquée lors des travaux. Elle a enfin interrogé les experts du panel sur la Chine sur leur vision de la répartition entre les aspects partenariat, compétition et rivalité systémique de la relation avec cette dernière.

Mme Anne Genetet a saisi l’occasion de ce Forum pour s’entretenir avec les chefs des délégations roumaine et bulgare.


—  1  —

   Annexe 1

 

 

COMMISSION SUR LA DÉMOCRATIE

ET LA SÉCURITÉ

166 CDS 22 F rév. 1 fin | Original : français

 

 

RENFORCER LA RÉSILIENCE CYBERNÉTIQUE DES SOCIÉTÉS ALLIÉES1

 

RÉSOLUTION 475

 

L’Assemblée,

 

  1.   Reconnaissant l’apport essentiel des technologies numériques au bon fonctionnement, au bien-être, à la cohésion et à la sécurité des sociétés alliées ;

 

  1.   Préoccupée par l’accroissement, la sophistication et l’impact de plus en plus déstabilisateur des actes de cybermalveillance ciblant l’ensemble des secteurs, y compris les services publics, les entreprises privées et les institutions démocratiques ;

 

  1.   Louant les efforts réalisés au cours des dernières années par les Alliés et l’OTAN afin de renforcer leur capacité à prévenir, dissuader ou contrecarrer les actes de cybermalveillance ; et accueillant avec satisfaction l’importance accordée à les combattre et les engagements pris dans le cadre du nouveau concept stratégique de l’OTAN ;

 

  1.   Alarmée par le comportement agressif et irresponsable d’États autoritaires dans le cyberespace ; et préoccupée par la multiplication et la diversification des acteurs cybernétiques non-étatiques malveillants, de leurs objectifs et des techniques auxquelles ils ont recours ;

 

  1.   Dénonçant avec vigueur la prolifération inacceptable d’actes de cybermalveillance contre des infrastructures critiques civiles en Ukraine avant et pendant la nouvelle invasion illégale et non provoquée du pays par la Russie, et saluant l’importance du soutien apporté par les Alliés aux autorités ukrainiennes afin de les déjouer.

 

  1.   Réaffirmant que les Alliés ont le devoir de maintenir et de renforcer leur résilience cybernétique nationale et que l’OTAN peut fournir un soutien dans ce sens, notamment à travers l’Engagement en faveur de la cyberdéfense ;

 

  1.   Soulignant que l’OTAN a reconnu le cyberespace en tant que domaine opérationnel ; et réitérant la possibilité pour le Conseil de l’Atlantique Nord de décider, au cas par cas, des circonstances d’une invocation de l’article 5 à la suite d’une cyberattaque ;

 

 

  1.   Réaffirmant le rôle crucial des partenariats dans la lutte contre des menaces cybernétiques qui se jouent des frontières, et saluant l’ampleur et l’efficacité de la coopération entre l’OTAN et l’Union européenne (UE) dans ce domaine ;

 

  1.   Rappelant que le renforcement de la cybersécurité des sociétés alliées ne saurait se faire au prix d’une remise en cause des libertés, des droits et des principes démocratiques qui en forment le socle ;

 

 

  1. Notant que la communauté internationale a reconnu l’applicabilité du droit international au cyberespace, et réitérant l’attachement de l’Alliance à son respect afin de promouvoir un cyberespace libre, ouvert, pacifique et sûr ;

 

  1. INVITE INSTAMMENT les gouvernements et les parlements des pays membres de l’Alliance atlantique et, le cas échéant, les organismes de l’OTAN :

 

  1.           à assurer la prompte mise en œuvre des politiques communes agréées, notamment l’engagement en faveur de la cyberdéfense, la politique de cyberdéfense globale et le nouveau concept stratégique ;

 

  1.           à renforcer leur capacité de dissuasion et de défense cybernétiques :
    1.  en faisant preuve de transparence sur leurs doctrines d’action ;
    2. en consolidant leur aptitude à coordonner leurs réponses, notamment  en matière d’attribution, de manière rapide et effective, aux actes de cybermalveillance, dans le respect de la compétence nationale des Alliés ;
    3. en se réservant le droit d’adopter sur base volontaire des mesures communes contre les auteurs d’opérations cybernétiques sous le seuil à partir duquel elles seraient considérées comme des attaques armées justifiant une réponse militaire ;
    4. en prenant des mesures et en développant des moyens cybernétiques, y compris au niveau national offensifs, et une plus grande interopérabilité permettant aux Alliés d'infliger des coûts significatifs aux auteurs d’actes de cybermalveillance ;

 

  1.           à approfondir la compréhension des menaces cybernétiques, le partage de renseignements et la recherche, par exemple par la création d’applications dédiées au grand public, et à investir dans la sécurité des réseaux afin de mieux se préparer aux actes de cybermalveillance et de pouvoir les déjouer ;

 

  1.           à renforcer les politiques et les cadres juridiques nationaux régulant la lutte contre les menaces cybernétiques, et à continuer d’œuvrer au développement des normes internationales régissant les comportements responsables dans le cyberespace et à leur mise en œuvre ;

 

  1.           à intensifier leur coopération avec les organisations internationales concernées, en particulier l’UE, les pays partenaires et les milieux industriels et universitaires, notamment en consolidant l’échange d’informations et de bonnes pratiques;

 

  1.             à sensibiliser l’ensemble des acteurs sociétaux sur leur rôle individuel en matière de résilience cybernétique collective ; à approfondir leur collaboration avec l’ensemble des acteurs du secteur privé ; et à renforcer la coopération civilo-militaire dans le domaine cybernétique ;

 


  1.           à maintenir et à accroître leur soutien aux pays partenaires confrontés à des risques cybernétiques, et notamment à l’Ukraine, afin de contrecarrer les actes de cybermalveillance irresponsables dont cette dernière est la cible dans le cadre de la guerre d’agression, d’intensité croissante, menée par la Russie ;

 

  1.           à continuer et à renforcer l’organisation régulière d’exercices et de formations intégrant l’ensemble des acteurs concernés et visant à identifier leurs vulnérabilités cybernétiques et à tester et approfondir leur capacité individuelle et collective à réagir face à un acte de cybermalveillance et à s’en relever ;

 

  1. à s’assurer que les parlements, la société civile et le public disposent de toute l’information et des moyens nécessaires au suivi des mesures de renforcement de la cybersécurité afin de veiller à ce qu’elles n’empiètent ni sur les valeurs démocratiques et ni sur les droits individuels.

 

 

 

1 Présentée par la commission sur la démocratie et la sécurité et adoptée en séance plénière le lundi 21 novembre 2022


 

   Annexe 2

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA DÉFENSE

ET DE LA SÉCURITÉ

172 DSC 22 F rév. 1 fin | Original: français

 

SOUTENIR LES INITIATIVES DE DÉFENSE ET DE DISSUASION PRISES PAR L’OTAN AU SOMMET DE MADRID1

 

RÉSOLUTION 476

 

L’Assemblée,

 

  1. Dénonçant dans les termes les plus énergiques la guerre d'agression à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine en l’absence de toute provocation, qui démontre qu’elle représente la menace la plus importante et la plus directe qui pèse sur la sécurité des Alliés et sur la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique;

 

  1. Saluant la légitime défense ininterrompue, courageuse et bien-fondée, consacrée par la Charte des Nations unies, de l’Ukraine contre l’agression russe aux fins de protéger son peuple, ses droits territoriaux souverains et sa démocratie;

 

  1. Se félicitant que les Alliés aient clairement affiché leur unité et pris des décisions ambitieuses lors du sommet 2022 de l’OTAN à Madrid, lequel a permis de poser les jalons d’un changement fondamental au niveau de la posture de dissuasion et de défense de l’Organisation ;

 

  1. Convaincue que le nouveau concept stratégique de l’OTAN dote l’Alliance d’une feuille de route solide qui lui permettra de s’adapter pour faire face aux menaces et aux défis posés par un environnement de sécurité toujours plus complexe, pour la défense des valeurs communes des Alliés que sont la liberté individuelle, les droits humains, la démocratie et l’État de droit ;

 

  1. Louant le soutien considérable et vital que les Alliés et les partenaires de l’Alliance ne cessent d’apporter à l’Ukraine sur les plans militaire, économique, politique et humanitaire ;

 

  1. S’inquiétant des menaces irresponsables du gouvernement russe de recourir à l’arme nucléaire contre les Alliés, qui confirment sa tendance à mener une politique de la corde raide agressive pour nuire au soutien euro-atlantique apporté à l’Ukraine dans le cadre de sa légitime défense contre la guerre illégale menée sur son territoire par la Russie, en l’absence de toute provocation ;

 

  1. Reconnaissant que le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations reste la menace asymétrique la plus importante pour la sécurité et la stabilité des Alliés et des pays partenaires, et appuyant la réitération par  les dirigeants alliés de leur  ferme engagement à collaborer avec le partenaire incontournable et essentiel de l’OTAN qu’est l’UE, ainsi qu’avec d’autres partenaires, notamment au Moyen-Orient, au Sahel et dans la corne de l’Afrique, pour lutter contre le terrorisme et répondre aux menaces et aux défis communs ;

 

  1. Inquiète que l’Afghanistan ne redevienne un sanctuaire du terrorisme sous l’autorité actuelle des talibans ;

 

  1. Préoccupée par les ambitions déclarées et les politiques coercitives de la Chine, qui sont contraires aux intérêts, à la sécurité et aux valeurs des Alliés ;

 

  1.       S’inquiétant de l’érosion des régimes de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, de l’irresponsable politique nucléaire russe de la corde raide, du développement des arsenaux nucléaires de la Russie et de la Chine et des programmes nucléaires et de missiles que l’Iran et la Corée du Nord continuent de mettre en œuvre, tout ceci ayant une incidence négative sur la stabilité stratégique

 

  1.       Consciente que des acteurs malveillants, étatiques ou non, cherchent de plus en plus à déstabiliser les institutions, les infrastructures, les économies et les sociétés alliées et à y porter atteinte dans le cyberespace ;

 

  1.       Rappelant que la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN combine de façon appropriée capacités nucléaires, capacités conventionnelles et capacités de défense antimissile, complétées par des capacités spatiales et des capacités cybernétiques ;

 

  1.       Se félicitant des mesures importantes prises depuis 2014 pour adapter la dissuasion et la défense de l’OTAN, et reconnaissant qu’il faut les mettre à profit pour relever les défis de sécurité auxquels l’Alliance est aujourd’hui confrontée ;

 

  1.       Jugeant encourageante la décision des Alliés de s’engager en faveur d’une posture moderne de défense avancée grâce à l’affermissement de la présence avancée de l’OTAN, à un modèle de forces renforcées de manière significative pour les opérations multidomaines, à des forces de deuxième échelon à haut niveau de préparation, au prépositionnement d’équipements et à l’amélioration des moyens de commandement et de contrôle, notamment sur le flanc oriental de l’OTAN, pour garantir la sécurité des populations et du territoire de tous les pays de l’Alliance ;
  2.       Rappelant que l’OTAN a une vocation défensive et qu’elle ne cherche pas à provoquer les conflits mais à empêcher qu’ils ne surviennent ;

 

  1.       Reconnaissant la nécessité pour les Alliés de renforcer, en étroite collaboration avec l’UE, la résilience de leurs infrastructures critiques nationales, en particulier les réseaux énergétiques et de communication dont dépendent nos économies, nos gouvernements et nos sociétés ;

 

  1.       Faisant sien l’appel lancé par les Alliés pour que chaque État membre définisse au niveau national des buts et des plans de mise en œuvre pour accroître la résilience collective au sein de l’Alliance, qui s’avère cruciale pour les tâches fondamentales de l’OTAN ;

 

  1.       Soulignant que la force et la résilience de l’OTAN reposent sur son engagement fondateur pour les valeurs et les institutions démocratiques, tel que l’exprime le nouveau concept stratégique de l’OTAN, qui stipule que les Alliés vont « préserver la liberté et la démocratie » et renforcer les « valeurs démocratiques que nous partageons » ;  et reconnaissant que le nouveau concept stratégique affirme expressément, pour la première fois, que des acteurs autoritaires « s’en prennent à nos intérêts, à nos valeurs et à nos démocraties » ;

 

  1.       Se félicitant de l’adoption par les dirigeants alliés de la politique 2022 de l’OTAN en matière de défense contre les agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (politique de défense CBRN), qui engage l’Alliance à disposer des capacités requises pour contrer la prolifération des armes de destruction massive ainsi que pour opérer efficacement et l’emporter dans n’importe quel environnement ;

 

  1.       Appuyant la création d’un fonds pour l’innovation, multinational, qui viendra en complément de l’accélérateur d’innovation de défense pour l’Atlantique Nord (DIANA) et aidera à renforcer l’avance technologique des Alliés en réunissant pouvoirs publics, secteur privé et monde universitaire;

 

  1.       Fermement décidée à maintenir la dynamique des investissements en matière de défense, en s’appuyant sur l’engagement de 2014 en matière d’investissements de défense, pour garantir et soutenir les initiatives qui s’imposent pour mettre en œuvre la nouvelle posture de dissuasion et de défense de l’OTAN ;

 

  1.       INVITE INSTAMMENT les gouvernements et les parlements  des pays membres de l’Alliance atlantique :

 

  1. à s’employer collectivement et avec diligence à assurer une mise en œuvre rapide et efficace des décisions prises au sommet de Madrid 2022 aux fins de renforcer la nouvelle posture de dissuasion et de défense de l’OTAN ;

 

  1. à mettre en œuvre intégralement et sans tarder la modernisation des forces de l’OTAN pour renforcer la structure de forces de l’Organisation et la présence globale de l’Alliance sur le flanc oriental, tout en maintenant une approche à 360 degrés ;

 

  1. à continuer d’apporter et d’accompagner leur soutien politique et concret à l’Ukraine tandis qu’elle défend sa souveraineté et son intégrité territoriale, y compris via l’ensemble renforcé de mesures d’assistance en faveur de l’Ukraine ;

 

  1. à mettre en œuvre rapidement les « mesures de soutien individualisé » adoptées au sommet de juin 2022 pour la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie et la République de Moldova afin de renforcer davantage leurs capacités de défense et leur résilience ;

 

  1. à déclarer clairement que la Fédération de Russie, sous son régime actuel, dont les forces mènent des attaques indifférenciées et ciblent délibérément et systématiquement des installations civiles et des infrastructures critiques en Ukraine, agit comme un État soutenant le terrorisme et auteur d’actes de terrorisme et de crimes de guerre ;

 

  1.    à continuer de faire preuve de la volonté et de l’unité politiques affichées lors du sommet de juin 2022 et à consacrer le financement et les ressources qui s’imposent, en utilisant comme point de repère les 2 % du produit intérieur brut fixés comme niveau d’investissement minimal pour adapter la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance et en augmentant la part des investissements annuels consacrés aux équipements, y compris à la recherche et au développement, à au moins 20 % du total de leurs dépenses de défense afin de faire face aux défis que pose un ordre mondial de sécurité aujourd’hui plus contesté ;

 

  1. à mettre en œuvre les plans nationaux conformément à l’article 3 du Traité de Washington, et en cherchant à établir une synergie maximale avec l’UE, pour accroître la résilience aux niveaux national et collectif et notamment pour garantir la sécurité des réseaux énergétiques et des cyber-réseaux critiques, des chaînes d’approvisionnement essentielles et des administrations et services publics ;

 

  1. à concrétiser l’engagement pour les valeurs démocratiques communes, réaffirmé dans le nouveau concept stratégique, y compris en créant un Centre pour la résilience démocratique au siège de l’OTAN, qui servirait de ressource pour promouvoir les valeurs démocratiques et protéger les institutions qui font la force des démocraties alliées ;

 

  1. à faire converger la force et le potentiel des initiatives déployées à l’échelle de l’Alliance, telles que le fonds OTAN d’innovation et l’accélérateur d’innovation DIANA, pour soutenir l’innovation de défense, renforcer l’avance technologique des Alliés et contribuer à la mise au point et à l’adaptation de technologies émergentes à double usage répondant aux problèmes critiques auxquels la sécurité et la défense sont aujourd’hui confrontées ;

 

  1. à continuer de prévenir, de dissuader et de combattre les menaces et les défis posés par les groupes terroristes et d’y faire face, y compris en renforçant la coopération avec l’UE et les autres partenaires ;

 

  1. à chercher à réduire les risques stratégiques par le dialogue, dans un contexte international de sécurité de plus en plus complexe ;

 

  1. à continuer à prendre toutes les mesures qui permettent d’assurer la crédibilité, l’efficacité, la sûreté et la sécurité de la mission de dissuasion nucléaire de l’OTAN ;

 

  1. à soutenir sans réserve les engagements pris dans le cadre de la politique de défense CBRN 2022 et à rester vigilants face à la menace CBRN émanant de la Russie ainsi que d’autres acteurs, étatiques ou non étatiques ;

 

  1. à continuer d’accroître la résilience des capacités spatiales et des capacités cybernétiques dont les pays alliés dépendent pour leur défense et leur sécurité collectives ;

 

  1. à œuvrer ensemble de manière responsable, en tant qu’Alliés et avec des partenaires animés du même esprit, pour répondre aux défis systémiques que la Chine fait peser sur la sécurité euro-atlantique et pour faire en sorte que l’OTAN reste durablement à même d’assurer la défense et la sécurité des Alliés.

 

 

1 Présentée par la commission de la défense et la sécurité et adoptée en séance plénière le lundi 21 novembre 2022

 


([1]) Discours prononcé dans le cadre de la session plénière de l’OTAN qui s’est tenue à Vilnius du 27 au 30 mai 2022.

([2]) Déclaration du Sommet de Madrid publiée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN tenue le 29 juin 2022).

([3]) Déclaration du Bureau de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN relative à la grave crise de sécurité provoquée par la Russie, 21 février 2022.

([4])  Voir notamment : Déclaration de soutien à l’Ukraine au nom de la commission permanente, 10 avril 2022 ; Déclaration de solidarité avec l’Ukraine, 30 mai 2022 ; Déclaration du Bureau de l’AP-OTAN à l’occasion du premier anniversaire de la guerre d’agression totale menée par la Russie contre l’Ukraine, 24 février 2023 ; Déclaration de soutien uni et résolu à l’Ukraine, 22 mai 2023.

([5]) Voir notamment : Résolution n°478 sur les conséquences économiques de la guerre menée par la Russie en Ukraine et les réponses possibles, 21 novembre 2022 ; Résolution n° 486 relative à la reconstruction de l’Ukraine, 9 octobre 2023.

([6]) George-Henri Soutou, La Guerre froide, 2011.

([7]) https://www.gu.se/sites/default/files/2023-05/Jordskred%20i%20svensk%20nato-opinion%20-%20Bjereld%20och%20Oscarsson%20-%20F%C3%B6rhandspublicering.pdf

([8]) Déclaration n° 481 de l’AP OTAN, Un nouveau chapitre pour l’Alliance à l’ère de la compétition stratégique : accélérer l’adaptation de l’OTAN au sommet de Vilnius.