N° 2019

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2023

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

sur le statut de l’élu local

 

PAR

M. Sébastien JUMEL et Mme Violette SPILLEBOUT,

Députés

 


La mission d’information est composée de : M. Sébastien JUMEL et Mme Violette SPILLEBOUT, rapporteurs ; Mme Sophie BLANC, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Edwige DIAZ, M. Emmanuel MANDON, Mme Marie-Agnès POUSSIERWINSBACK, M. Sébastien ROME et M. Stéphane TRAVERT.

 


  1  

SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DE M. SÉBASTIEN JUMEL

AVANT-PROPOS DE MME VIOLETTE SPILLEBOUT

Première partie : l’absence d’un statut d’élu local abouti fragilise les citoyens qui s’engagent face à l’aggravation des risques liés à l’exercice des fonctions

I. LE MANQUE D’ATTRACTIVITÉ DU STATUT DES ÉLUS LOCAUX EST L’HÉRITAGE D’UNE CONCEPTION SURANNÉE DU MANDAT ÉLECTIF

A. L’exigence de gratuité inspire encore largement l’étendue des droits attachés à la fonction d’élu local

1. Les origines historiques du principe de gratuité du mandat local érigé en 1884

2. Un régime indemnitaire inégalitaire et peu favorable aux élus municipaux

3. Des facilités de défraiement composites qui constituent un ensemble opaque et difficile à appréhender

B. les multiples réformes intervenues depuis 1992 ont permis d’améliorer sur plusieurs aspects la situation de l’élu local

1. Le saut qualitatif accompli par la réforme du 3 août 1992, complétée en 2002 et en 2013

2. La loi du 31 mars 2015 : un pas supplémentaire dans la consolidation du statut de l’élu local

3. La loi du 27 décembre 2019 : « réarmer l’action locale »

a. Une réévaluation du régime indemnitaire et un nouveau renforcement des possibilités de défraiement

b. La formation des élus : de timides avancées en partie complétées par les ordonnances de 2021

c. La conciliation entre la vie professionnelle et les fonctions électives

C. Faute d’un statut abouti, l’exercice du mandat reste insuffisamment attractif pour de nombreuses catégories de la population française

1. Une déformation de la composition sociale des élus locaux liée à la faiblesse des rémunérations et la difficulté de cumuler plusieurs activités

2. L’ébauche inachevée d’un statut de l’élu local

a. La formation des élus : des avancées au sein d’un système peu soutenable financièrement

b. Le constat lancinant du manque d’attractivité des fonctions d’élu local

c. Des avancées qui excluent certains élus locaux, notamment ceux qui ne sont pas membres de l’exécutif

II. FACE À LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS LOCAUX, UNE RÉFORME D’ENVERGURE S’IMPOSE

A. Les fonctions d’élu local sont de plus en plus complexes, sujettes à une réduction continue de leur capacité d’action et exposées au risque pénal

1. La complexification de l’action publique et l’inflation normative conduisent à un renforcement de la professionnalisation de l’exercice du mandat local

a. Un monde plus complexe et des attentes plus fortes des citoyens qui élèvent le niveau d’exigence de compréhension, de formation et de disponibilité des élus

b. L’hypertrophie de la norme est génératrice de surcoûts pour les collectivités locales, bride le développement des territoires et finit par décourager les élus locaux

2. Les marges de manœuvre toujours plus contraintes réduisent la capacité d’agir des décideurs publics locaux et fragilisent l’exercice de leur mandat

3. La conception trop large du conflit d’intérêts représente une « épée de Damoclès » au-dessus des exécutifs locaux

a. Parmi les infractions intentionnelles, les conditions de mise en œuvre des délits de prise illégale d’intérêts et de favoritisme font toujours débat

b. La définition du conflit d’intérêts n’est pas suffisamment précise

c. La loi « Fauchon » a permis de circonscrire les conséquences pénales des infractions non intentionnelles

d. Face au risque de conflit d’intérêts, l’essor d’une culture de la transparence

B. L’intensification des atteintes aux élus risque de provoquer à terme un épuisement de la démocratie locale

1. La montée des violences physiques et psychologiques à l’encontre des élus est au cœur de l’attention des pouvoirs publics mais reste encore difficile à appréhender

a. La qualité d’élu des victimes n’apparaît dans les statistiques que pour certaines infractions la visant spécifiquement

b. Les atteintes aux élus ont de multiples explications et prennent des formes variées qui demeurent insuffisamment étudiées

c. Le harcèlement en ligne des élus : un fléau en forte progression qui ne fait pas l’objet d’une réponse pénale spécifique

2. L’augmentation des démissions d’élus locaux : une réalité difficile à quantifier aux facteurs explicatifs multiples

a. Malgré l’absence de données officielles, les études montrent une forte progression des démissions

b. Les raisons de ces démissions sont cependant plurielles et peuvent aussi être liées aux situations personnelles ou à des désaccords politiques

C. Les mesures gouvernementales de lutte contre les violences apparaissent encore insuffisantes

1. Le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAÉ) : un dispositif ambitieux encore doté de peu de moyens

a. Le « pack sécurité » et le CALAÉ : des mesures dont la mise en œuvre est trop dépendante des capacités de l’État déconcentré

b. Une large part des élus locaux en dehors du dispositif

c. La maîtrise encore incomplète par le CALAÉ de son propre volet statistique

2. Une réponse pénale en progression mais encore trop peu dissuasive

a. La mobilisation indéniable des services judiciaires

b. Des sanctions pénales encore insuffisantes au regard de la dégradation de la situation subie par les élus locaux

Seconde partie : la consécration d’un statut de l’élu local attractif apparaît comme une condition nécessaire à la redynamisation de l’engagement citoyen

I. L’URGENCE DE LA SITUATION IMPOSE DE PRIORISER LE RÉTABLISSEMENT D’UN EXERCICE SEREIN DU MANDAT

A. La nécessaire mise en œuvre de nouveaux moyens juridiques et financiers pour assurer la sécurité des élus locaux et de leurs proches

1. La protection fonctionnelle doit être étendue et accordée systématiquement à tout élu qui en fait la demande

a. L’octroi de la protection fonctionnelle doit être acquis sans qu’une délibération ne soit nécessaire

b. L’assurance « protection fonctionnelle » doit prendre en charge un panel plus large de prestations pour couvrir les besoins des élus victimes

c. Renforcer le soutien de l’État aux petites communes pour financer les mesures de protection

2. Renforcer et mieux faire connaître les moyens mis à disposition des services déconcentrés pour accompagner les élus

3. La réponse pénale contre les auteurs de violences ou de menaces faites aux élus et leurs proches doit être améliorée

a. Aligner le quantum des peines encourues sur celui des infractions commises à l’encontre des agents dépositaires de l’autorité publique

b. Protéger plus efficacement la vie privée des élus locaux et de leurs proches

c. Mieux prévenir et réprimer les violences sexistes dans la vie publique locale

B. Les décideurs locaux doivent pouvoir s’affranchir du risque pénal lié au conflit d’intérêts sous le regard vigilant d’une opposition confortée

1. Réformer la définition du conflit d’intérêts en excluant l’interférence entre deux intérêts publics

a. Supprimer l’incrimination liée à l’interférence de deux intérêts publics

b. Clarifier et simplifier les règles de déport en cas de risque de conflit d’intérêts

2. Renforcer les droits de l’opposition

a. Un alignement possible des droits de l’opposition locale sur ceux de l’opposition nationale au Parlement

b. Les voies d’amélioration des relations entre l’exécutif local et son opposition

II. LA REVITALISATION DE LA DÉMOCRATIE LOCALE PASSE PAR LA MISE EN PLACE D’UN STATUT D’Élu rÉellement attractif et transparent

A. Les droits attachés à l’exercice d’un mandat local doivent être revalorisés de façon à créer un « choc d’attractivité »

1. Réformer les modalités de fixations des indemnités

a. Fixer les indemnités de fonction au plafond prévu par la loi sans qu’une délibération ne soit nécessaire

b. Attribuer aux conseillers municipaux sans délégation une « indemnité d’engagement citoyen », même symbolique

c. Améliorer la prise en charge de certains frais et la compensation aux petites communes par l’État

2. Donner du temps et des moyens aux élus pour mieux organiser l’exercice de leur mandat

a. Mieux concilier l’exercice du mandat électif avec une activité professionnelle

b. (Ré)inscrire les élus locaux sur la liste des salariés protégés

c. Simplifier la conciliation des études avec l’exercice d’un mandat électif pour permettre aux étudiants de s’engager pleinement dans la vie publique locale

d. Permettre aux élus en situation de handicap de mieux exercer leur mandat

B. Le devoir d’exemplarité, qui est la contrepartie des pouvoirs et des moyens accordés aux élus, doit être mieux garanti

1. Consolider le rôle du référent déontologue et renforcer le caractère républicain et laïque de la Charte de l’élu local

a. Le déploiement encore balbutiant du référent déontologue de l’élu local

b. La Charte de l’élu local doit réaffirmer les principes de la République

2. Élargir les obligations déclaratives des élus locaux pour favoriser une plus grande transparence

III. L’ENGAGEMENT D’ÉLU LOCAL DOIT ÊTRE RECONNU À SA JUSTE VALEUR

A. L’exercice de fonctions exécutives locales suppose l’existence d’un véritable pouvoir d’agir

1. L’exigence d’une réactivation de la capacité des maires à apporter des réponses rapides à leurs concitoyens

2. L’opportunité d’un renforcement des pouvoirs de la police municipale aux côtés des forces de sécurité nationale

3. Les possibilités offertes par la qualité d’officier de police judiciaire dont bénéficient le maire et les adjoints

4. Le repositionnement du maire au centre de l’organisation des services publics de proximité rendus à la population

B. Le renforcement des compétences des élus locaux devrait s’appuyer sur une formation plus variée et plus accessible

1. La systématisation d’un stage de deux jours ouverte à tous les élus locaux en début de mandat

2. Les modalités d’activation du budget consacré à la formation

3. La levée des freins, notamment financiers, à l’accès des élus aux formations

4. Les multiples voies d’un réel élargissement de l’offre de formation

IV. L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’ENTRÉE ET DE SORTIE DU MANDAT INCITERA LES CITOYENS À S’ENGAGER PLUS ACTIVEMENT DANS LA VIE POLITIQUE LOCALE

A. La démarche de candidature doit être encouragée, y compris sur le plan financier

1. Le mécanisme de prise en charge des frais de sécurité des candidats imaginé par le Sénat

2. Les modalités d’amélioration du dispositif sénatorial de protection des candidats

3. L’élargissement des facilités horaires accordées aux candidats salariés

B. La fin de mandat ne doit plus apparaître comme un « couperet » pour ceux qui s’engagent

1. La mise en place d’une aide à la transition adossée à France Travail (exPôle Emploi)

2. La valorisation des compétences professionnelles acquises dans l’exercice du mandat

3. La reconnaissance de l’engagement dans la vie politique locale au travers d’une bonification de trimestres pour la retraite

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION

 


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SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

 

RÉTABLIR L’EXERCICE SEREIN DU MANDAT PUBLIC LOCAL

Proposition  1 : Attribuer automatiquement la protection fonctionnelle à tout élu victime d’agressions, de menaces ou d’outrages, qui en fait la demande, sans qu’une décision préalable de l’organe délibérant ne soit nécessaire.

Proposition  2 : Préciser dans la loi le socle minimal de risques couverts par les contrats d’assurance souscrits au titre de la protection fonctionnelle, en y incluant notamment les nouveaux risques tels que le harcèlement en ligne.

Proposition  3 : Majorer la compensation par l’État des frais de souscription au contrat d’assurance « protection fonctionnelle » pour les petites communes.

Proposition  4 : Accroître le soutien de l’État aux petites communes pour le financement des mesures de protection des élus.

Proposition  5 : Mettre à disposition des élus locaux un guide national récapitulant les procédures de signalement et de dépôt de plainte.

Proposition  6 : Étendre le « pack sécurité » à l’ensemble des élus et non aux seuls membres des exécutifs locaux.

Proposition  7 : Aligner les sanctions contre les auteurs de violences aux élus sur celles prévues dans le cas de violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique.

Proposition  8 : Faire un bilan de l’application de l’article 223-1-1 du code pénal. Modifier l’article 226-1 du code pénal pour y inclure des dispositions spécifiques en faveur de la protection des élus et de leur famille.

Proposition  9 : Porter de trois mois à un an le délai de la prescription pour les délits de diffamation et d’injure à l’encontre d’un élu local à raison des fonctions qu’il exerce ou de sa qualité.

Proposition  10 : Confier aux référents mis en place dans le cadre du plan national dans le cadre du plan national de prévention contre les atteintes aux élus, une mission d’accueil et d’écoutes des élues victimes de violences commises par d’autres élus.

Proposition  11 : Permettre aux élues de s’adresser au référent du commissariat ou de la gendarmerie de leur choix pour la réception et le traitement d’une plainte lorsqu’un autre élu est impliqué.

Proposition  12 : Prévoir, dans la formation obligatoire des élus ayant reçu une délégation organisée au cours de la première année de mandat dans les communes de plus de 3 500 habitants et leurs groupements, un module sur l’égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ouvrir ce module obligatoire à l’ensemble des élus locaux.

Proposition  13 : Rendre obligatoire l’enregistrement et la diffusion par des moyens de communication audiovisuelle des réunions du conseil municipal des communes de plus de 10 000 habitants.

Proposition  14 : Procéder à une réforme de la définition du conflit d’intérêts en supprimant l’interférence entre deux intérêts publics.

Proposition  15 : Établir un guide national du déport de l’élu local. Prévoir que le déport ne sera obligatoire que pour les décisions présentant un intérêt financier pour soi-même ou pour la collectivité représentée (commande publique, subventionnée, garantie d’emprunt) ou en cas de divergence entre deux intérêts publics.

Proposition  16 : Doubler le délai applicable aux envois de convocations (six jours francs dans les communes de moins de 3 500 habitants, dix jours francs dans les communes de 3 500 habitants et plus).

Proposition  17 : Doter la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de la possibilité d’appliquer, après procédure contradictoire, des sanctions administratives lorsqu’une collectivité territoriale refuse à tort de satisfaire à une demande de communication de documents à laquelle la Commission a donné un avis favorable.

Proposition  18 : Étendre la possibilité de créer des missions d’information aux communes de 3 500 habitants et plus au lieu de 20 000 habitants actuellement et instaurer dans toutes les strates de collectivités concernées un « droit de tirage » consistant à permettre à l’opposition locale d’obtenir la constitution d’une mission d’information ainsi que le poste de président ou de rapporteur de cette mission.

Proposition  19 : Mettre en place au niveau du préfet de région un médiateur des collectivités territoriales spécifiquement chargé du traitement précontentieux des différends entre un élu local et l’exécutif de la collectivité.

Proposition  20 : Mettre en ligne sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL) une fiche des droits et devoirs attachés au mandat ainsi que du rôle attendu d’un élu local, avec un rappel des règles en vigueur en matière de droit à l’information et de capacité d’influence sur les affaires de la collectivité (liberté d’expression, droit d’amendement, etc.).

 

METTRE EN PLACE UN STATUT DE L’ÉLU ATTRACTIF POUR REVITALISER LA DÉMOCRATIE LOCALE

Proposition  21 : Rassembler sous un livre particulier de la première partie du code général des collectivités territoriales l’ensemble des dispositions relatives au statut de l’élu local.

Proposition  22 : Prévoir que les indemnités des membres des exécutifs locaux sont fixées au plafond maximum prévu par la loi sauf si l’organe délibérant en décide autrement, à la demande du maire ou de son président.

Proposition  23 : Attribuer une indemnité d’engagement citoyen, financée par la dotation particulière « élu local » (DPEL), à tous les conseillers municipaux sans délégation, d’un montant compris entre 40,85 et 245,15 euros bruts par mois.

Proposition  24 : Permettre la prise en charge par le conseil départemental ou régional, sur justificatifs, des frais de représentation du président.

Proposition  25 : Étendre la prise en charge des frais de transport, sur justificatifs, à tout élu disposant d’une délégation, indépendamment de tout mandat spécial.

Proposition  26 : Instaurer une démarche d’information officielle des entreprises qui ont dans leur effectif un maire ou un adjoint au maire, par un courrier du préfet rappelant le rôle essentiel des élus municipaux et leurs droits.

Proposition  27 : Porter le crédit d’heures accordé aux maires de 140 heures (122,5 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 175 heures par trimestre et de 122,5 heures (70 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 140 heures par trimestre pour les adjoints au maire.

Proposition  28 : Créer un label « Entreprise citoyenne » qui récompenserait les entreprises qui des élus locaux dans leur effectif.

Proposition  29 : Inscrire les titulaires d’un mandat électif public sur la liste des salariés protégés dans le code du travail.

Proposition  30 : (Élus étudiants) Permettre la prise en charge, par la commune, dans des conditions déterminées par le conseil municipal, des frais de déplacement de l’étudiant élu entre la commune où il est élu et celle où il suit ses études.

Proposition  31 : (Élus étudiants) Ajouter les titulaires d’un mandat électif local à la liste des activités d’engagement permettant de bénéficier d’aménagements dans l’organisation et le déroulement des études ainsi que des droits spécifiques, prévus à l’article L. 611-11 du code de l’éducation, et permettant d’être validées au titre de la formation dans les conditions prévues à l’article L. 611-9 du même code.

Proposition  32 : (Élus en situation de handicap) Clarifier l’article L. 2123-18-1 du CGCT en prévoyant le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique engagés par l’élu, non seulement pour participer aux réunions aux séances du conseil municipal et aux réunions des commissions et des instances dont ils font partie, mais aussi aux réunions préparatoires à celles-ci.

Proposition  33 : (Élus en situation de handicap) Relever le plafond de remboursement en l’alignant sur l’indemnité des maires des communes de 500 à 999 habitants.

Proposition  34 : (Élus en situation de handicap) Prévoir le principe de la prise en charge de l’aménagement du poste de travail sur le lieu de travail de l’élu et à son domicile.

Proposition  35 : Donner la possibilité aux communes qui le souhaitent de mutualiser les référents déontologues au niveau de l’intercommunalité. Clarifier et étendre les modalités d’intervention du référent déontologue.

Proposition  36 : Intégrer une référence aux valeurs de la République dans la Charte de l’élu local. Prévoir que le maire ou le président de l’exécutif local nouvellement élu s’engagera, devant les membres de son assemblée délibérante, à respecter ses valeurs.

Proposition  37 : Étendre aux maires des communes de 3 500 habitants et plus l’obligation de déclarer ses intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Proposition  38 : Prévoir que le titulaire d’un mandat électif local doit déclarer tout don ou avantage d’une valeur supérieure à 150 euros à son référent déontologue.

 

RECONNAÎTRE L’ENGAGEMENT D’ÉLU LOCAL À SA JUSTE VALEUR

Proposition  39 : Faire aboutir le plus rapidement possible la réflexion, suggérée par le rapport d’information de la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales et engagée sous l’impulsion de la Première ministre, visant à accorder, sous conditions et sur la base du volontariat, certains pouvoirs de police judiciaire aux chefs de service et aux directeurs de police municipale.

Proposition  40 : Faire aboutir la réforme, préconisée par le rapport d’information de la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales, consistant à attribuer aux policiers municipaux certaines des compétences particulières de police judiciaire dont disposent les gardes-champêtres.

Proposition  41 : Systématiser l’organisation d’une période de formation de deux jours en début de mandat qui comporterait une présentation de la fonction d’élu local (y compris, pour les maires, le détail des missions exercées pour le compte de l’État), un rappel des droits et facilités attachés au mandat ainsi qu’une sensibilisation aux principales contraintes déontologiques. Prévoir son financement, pour les communes de moins de 1 000 habitants, par la dotation particulière « élu local » (DPEL).

Proposition  42 : Porter à 5 % de l’enveloppe indemnitaire globale, au lieu de 2 %, le montant prévisionnel minimal alloué à la formation des élus au sein des collectivités. Compenser le surcoût pour les communes de moins de 1 000 habitants au travers de la dotation particulière « élu local ».

Proposition  43 : Fixer à 1 600 euros le plafond global du droit individuel à la formation des élus locaux (DIFE) et le crédit annuel à 600 euros et financer cette augmentation par un relèvement des cotisations prélevées sur les indemnités ainsi que, le cas échéant, par une dotation de l’État.

Proposition  44 : Établir à quatre fois le montant horaire du SMIC le plafond de la compensation apportée par les collectivités aux élus qui perdent des revenus issus de leur activité professionnelle en raison de la prise d’un congé de formation.

Proposition  45 : Porter à vingt-quatre jours, au lieu de dix-huit jours actuellement, la durée maximale du congé de formation des élus locaux.

Proposition  46 : Supprimer la procédure d’agrément des organismes de formation par le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) au profit de la procédure de droit commun.

Proposition  47 : Ouvrir les formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) aux élus des petites collectivités en-deçà d’un seuil de population à déterminer, par exemple 3 500 habitants.

Proposition  48 : Inviter l’ensemble des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) à mettre à disposition des élus qui le souhaitent des formations à la gestion de crise.

 

AMÉLIORER LES CONDITIONS D’ENTRÉE ET DE SORTIE DU MANDAT POUR INCITER LES CITOYENS À S’ENGAGER PLUS ACTIVEMENT DANS LA VIE PUBLIQUE LOCALE

Proposition  49 : Offrir la possibilité à tout candidat à une élection locale d’obtenir de l’État la prise en charge de frais de sécurité renforcée en cas de « menace avérée » pour sa personne et en l’absence de protection mise en place par les services de police ou de gendarmerie, sous réserve des modifications suivantes :

- intégration du dispositif à celui applicable aux dépenses électorales sans soumission au plafonnement de l’article L. 52-11 du code électoral, mais avec un plafonnement ad hoc ;

- certification du caractère « avéré » de la menace par le représentant de l’État ;

- exclusion des dépenses de protection permanente de l’intégrité physique du candidat, inclusion des dépenses de protection des proches du candidat et de son domicile privé ;

- mise en place d’un dispositif spécifique de remboursement pour les candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitants sous la forme d’une avance versée par l’État.

Proposition  50 : Porter de dix jours à vingt jours (soit le plafond applicable aux élections législatives et sénatoriales) le maximum de jours d’autorisations d’absence dont bénéficie tout candidat à une élection locale.

Proposition  51 : [Contrat de sécurisation de l’engagement] Élargir le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) aux maires des communes de 500 habitants et plus, aux adjoints des communes de plus de 3 000 habitants ainsi que, le cas échéant, aux vice-présidents des EPCI de plus de 3 000 habitants.

Proposition  52 : [Contrat de sécurisation de l’engagement] Rattacher la gestion du fonds d’allocation des élus en fin de mandat (FAEFM) à l’opérateur France Travail et prévoir pour le bénéficiaire de l’ADFM un dispositif d’accompagnement par l’opérateur comparable à celui appliqué aux signataires des contrats de sécurisation professionnelle au sens de l’article L. 1233-65 du code du travail.

Proposition  53 : Dans un objectif de démocratisation de l’accès au mandat, intégrer les crédits d’heures dans le calcul de la durée d’affiliation donnant droit à une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) de façon à ce que tout élu local, même non membre d’un exécutif, puisse bénéficier d’une indemnité de chômage s’il quitte son mandat pour non-réélection. Prévoir, à cette fin, un mécanisme de cotisation similaire à celui abondant le FAEFM.

Proposition  54 : Organiser, à partir d’une maquette élaborée par un groupe de travail associant des élus locaux, une procédure de délivrance de certificats de certification professionnelle (CCP) permettant aux anciens élus de se prévaloir d’un « bloc de compétences » au titre de la validation des acquis professionnels (VAE). Rappeler dans le CGCT le droit des élus à bénéficier de la VAE dont ils bénéficient au titre de l’article L. 6111‑1 du code du travail.

Proposition  55 : Inciter, via le CNFPT, les anciens élus locaux qui auraient acquis des titres professionnels par la VAE à postuler sur des emplois de contractuels dans la fonction publique territoriale. Demander au CNFPT la mise en place d’un circuit de formation destiné, le cas échéant, à faciliter l’adaptation à certains postes techniques (directeur de police municipale, par exemple).

Proposition  56 : Prévoir dans le programme de la troisième voie d’accès à certains cadres d’emploi de la fonction publique territoriale un aménagement d’épreuves au profit des anciens élus locaux. Les épreuves d’admissibilité seraient remplacées par la réalisation d’un dossier par lequel le candidat présenterait un projet qu’il a particulièrement suivi au cours de son mandat local.

Proposition  57 : Intégrer expressément le mandat exécutif local, quelle que soit la strate de collectivité, dans le calcul de l’ancienneté donnant droit à congés ou permettant de déterminer la durée du préavis de licenciement ainsi que le montant des indemnités correspondantes. Ce droit serait réservé aux salariés qui usent de leur droit à suspension du contrat de travail et décident de réintégrer leur entreprise à la sortie du mandat.

Proposition  58 : Accorder à tout chef d’exécutif local une bonification de deux trimestres au titre de l’assurance retraite pour chaque période, continue ou non, de six ans de fonctions exercées, et à tout adjoint (ou vice-président) une bonification d’un trimestre par période, continue ou non, de six ans d’exercice des fonctions (sur le modèle de la bonification accordée aux sapeurs‑pompiers volontaires dans le cadre de la réforme des retraites du 14 avril 2023)

 

 


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   AVANT-PROPOS DE M. SÉBASTIEN JUMEL

Faire vivre la France ; retisser du lien là où il s’est perdu ; réveiller les esprits dans les villages qui sont devenus des dortoirs. Voilà le travail parfois ingrat mais plein de sens des maires et des élus locaux de ce pays au service des habitants et de leurs communes.

Le maire c’est tout à la fois : le premier visage de ce qu’on appelle « l’État », la « France », la « République ». Et celui qui fait vivre ces grands mots au quotidien. Qui les fait vivre tant bien que mal, au beau milieu des crises et des grandes transformations. Qui les fait vivre quand son grand frère, l’État, n’assure plus entièrement son rôle, quand l’État prescrit à la commune, contrôle la commune mais ne l’accompagne pas, ou pas suffisamment.

Car lorsque l’État reflue, recule, que les services publics deviennent des numéros verts, que les crises sont sans réponses, il ne reste que la commune et le maire à portée d’engueulade.

Des repas de la cantine scolaire à l’organisation des célébrations du 14 juillet en passant par le conflit de voisinage, ce sont les maires qu’on vient « emmerder » parce qu’il ne reste qu’eux comme recours, parce qu’ils ont conservé la confiance de nos concitoyens.

La commune, c’est le pilier de la République qui prend soin. Or, aujourd’hui, la commune en première ligne de tous les défis de la société est fragilisée. Elle se débat parmi les difficultés, elle se défend et résiste pour préserver cette vocation première, qui est sa raison d’être : faciliter, aider la vie des habitants.

Elle se débat entre les injonctions contradictoires et l’inflation des normes qui découragent et donnent l’impression que l’engagement citoyen et démocratique ne sert à rien.

Elle se défend contre les logiques technocratiques qui veulent réduire son autonomie et sa capacité à être un acteur utile aux gens.

Elle résiste à tous ceux qui pensent qu’elle est dépassée et rêvent de s’en passer pour lui substituer des entités qui n’ont pas la légitimité du suffrage universel direct et éloignent les réponses aux besoins de la population.

La commune c’est la France. Elle est le cœur battant de la République.

De décennie en décennie, ceux qui la portent, les 36 000 maires, les milliers de conseils municipaux, les milliers d’élus locaux, départementaux ou régionaux, n’ont cessé de voir leur situation se dégrader. En miroir des Français qu’ils protègent et administrent, ils sont victimes de la déprime de la démocratie.

 

Heureux les maires ? Interrogatifs, inquiets, comme tous leurs concitoyens. Résignés parfois, quand la fatigue les saisit, que les violences augmentent et qu’au fond l’engagement qu’ils ont souscrit et les responsabilités qu’ils ont acceptés d’assumer pour « donner un coup de main », au détriment de leur vie, au détriment de leur famille, ne font plus sens.

De toutes les vocations, celle de maire, ce « curé de campagne » laïc, est celle qui est la plus abimée.

Alors que la décentralisation mise en chantier il y a 40 ans devait sonner l’heure d’une démocratie apaisée, plus proche des Français, cette belle promesse est devenue synonyme du retrait de l’État. Ou plus exactement de mutation de l’État. L’État a cédé sa place aux cabinets de conseils et au marché, il a reculé. Il n’est plus aménageur, il n’est plus soutien des élus locaux, il n’est plus soutien des projets de territoire. Non, l’État est devenu coercitif, gestionnaire et comptable. Il compte les deniers, réduit les dotations et tente même d’introduire dans la gestion publique des collectivités territoriales un management rude et austéritaire. Les élus locaux ne demandent pas moins d’État mais mieux d’État, ce qui passe notamment par le renforcement des moyens humains dans les sous-préfectures.

Le néolibéralisme et la logique de la RGPP considérée comme une fin en soi sont passés par là.

Au contrôle de légalité, à l’accompagnement dans la proximité avec des moyens importants s’est substituée une tutelle d’opportunité sur l’action des collectivités qui ont remplacé l’État dans bon nombre de ses missions.

Et désormais, à cette mutation en forme de repli s’ajoute le désarroi des citoyens et ses conséquences. Montée des violences physiques et verbales envers les élus locaux, contestation politique de plus en plus exacerbée face aux renoncements de la République qui protège… les maires prennent de plein fouet les problèmes, ils sont les urgentistes de la République, contraints d’encaisser tout ce qui dysfonctionne dans la société. Le malaise démocratique, dont les expressions les plus graves les menacent parfois directement, affaiblit ce maillon essentiel de notre République comme en témoignent les quarante démissions par mois de maires dans notre pays.

Pourtant, si certains renoncent, la très grande majorité tient bon. Les maires, les élus locaux « tiennent la baraque France ».

Avec le mouvement des gilets jaunes, la crise du Covid, avec l’inflation, les violences urbaines de l’été dernier, nos communes ont fait face. Les élus locaux et particulièrement les maires sont restés à portée d’engueulade sans disposer des moyens pour répondre aux maux de nos concitoyens et des outils pour recoudre une République fracturée.

 

Béquille d’un État trop souvent aux abonnés absents, les élus locaux tentent de retisser un lien qui semble se défaire un peu plus chaque jour. Bien souvent seul, le maire concourt à faire vivre le troisième mot de la devise de notre République, la fraternité. Il le fait sans statut, sans moyens d’agir, parfois même sans reconnaissance.

Avec comme fil conducteur l’idée que la République doit vivre partout et pour tous, ce rapport pose un diagnostic lucide sur ce que l’État doit reconnaître à ses élus locaux.

Sans céder à la facilité qui consisterait à faire des élus locaux des citoyens au-dessus des autres qu’il faudrait mettre sous cloche avec le risque de les éloigner des Français ; sans céder à une surenchère sécuritaire, ce rapport est l’occasion de proposer une réflexion et une perspective pour redonner ce qui manque cruellement à nos maires, à nos communes : du pouvoir d’agir.

D’abord en leur assurant un statut protecteur contre les violences mais surtout en leur garantissant un statut qui réaffirme leurs prérogatives en la matière. Nous croyons que la démocratie locale si elle est un engagement n’est pas un sacerdoce. Elle doit garantir à ceux qui la font vivre un statut protecteur. Afin de mettre un frein à ce que certains nomment une « crise des vocations », il est utile et essentiel de donner les moyens à tous de s’engager en accordant un véritable droit à la formation, en reconnaissant les acquis liés à l’expérience de la gestion des collectivités locales. Il est nécessaire également de garantir aux étudiants, aux personnes en situation de handicap, aux femmes, à chacun, quelle que soit sa situation, de pouvoir prendre une part active à la démocratie locale.

Diversifier les origines sociales et les expériences de vie de nos élus locaux est un objectif de réussite de ce rapport.

Un statut protecteur passe aussi par une sécurité publique inconditionnelle des élus locaux contre les menaces et les violences. S’il doit s’appuyer sur un élargissement des droits comme la protection fonctionnelle, il doit aussi renforcer les prérogatives des exécutifs locaux en clarifiant par exemple le statut d’officier de police judiciaire du maire, ou encore en renforçant la présence des maires au sein des conseils locaux de sécurité.

Il est crucial enfin, surtout, de reconnaître à nos élus locaux, à nos maires, ce qui les rend utile : leur pouvoir d’agir.

Car agir, c’est disposer d’un statut en acte, un statut utile à tous. Penser des pouvoirs élargis comme des leviers pour mieux lutter contre les fractures sociales.

Les élus locaux ont besoin de pouvoirs efficaces et utiles. Ils ne veulent pas concourir à des appels à projet en pagaille qui pensent les territoires comme autant de start-up.

 

Être utile c’est renforcer la collectivité du quotidien, c’est répondre aux préoccupations de ses concitoyens, c’est pouvoir s’opposer à une fermeture de classe ou d’une école qui précipite le déclin de leur commune ; lorsqu’ils ont la maîtrise du parc de logements de leur territoire ; lorsqu’ils parviennent à mieux accompagner les questions de santé et de handicap ; lorsqu’on considère leur parole politique contre la fermeture d’un service public de santé essentiel comme un service hospitalier, une maternité...

Avec Violette Spillebout, ma co-rapporteure, nous avons travaillé durant plusieurs mois sur ces questions de manière transpartisane avec, au cœur de notre méthode, l’écoute de toutes les sensibilités et les expériences.

Produit de plusieurs dizaines d’heures d’auditions, notre rapport souligne les premiers pas que nous devons accomplir ensemble pour réparer notre démocratie. S’il n’a pas vocation à répondre à l’ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés les élus locaux au quotidien autour des enjeux relatifs à la décentralisation ou au partage des compétences par exemple, il pointe des réalités qui font consensus sur la situation de la démocratie locale.

Ancien maire de Dieppe, ayant pu mesurer la réalité de ce diagnostic dans l’ensemble de mes mandats locaux, je suis convaincu que les propositions de ce rapport répondront aux préoccupations de nos élus à condition que ses propositions trouvent des prolongements en accompagnant de moyens et l’adoption d’une loi transpartisane dans l’esprit de ce rapport.

Prendre soin des élus, c’est prendre soin de l’importance de la démocratie vivante que constitue la commune, pilier d’une République présente partout et pour tous.

 

 

 


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   AVANT-PROPOS DE MME VIOLETTE SPILLEBOUT

Oui, les maires et les élus locaux sont les fantassins de la démocratie.

Le maire est le premier contact, le premier élu politique qu’un habitant connaît. C’est bien plus que l’officier d’état civil ou que celui qui gère le budget de la collectivité. C’est aussi celui qu’on appelle en cas de conflit de voisinage, lorsqu’on ne touche plus une prestation sociale ou encore lorsqu’on veut y créer son commerce ou son entreprise. C’est enfin celui qui est constamment sur le terrain, et se montre au service de l’État et de ses concitoyens lors des crises : Covid-19, catastrophes naturelles, terrorisme, incendies…

De fait, ce n’est pas anodin si aujourd’hui, le maire est l’élu auquel les Français font le plus confiance – 74,3 % des français faisaient confiance à leurs maires selon une étude du CEVIPOF en juillet 2021.

Et pourtant nous faisons face à une crise des vocations, avec une inquiétude sur les profils pour les élections municipales 2026 ; mais aussi à des élus qui jettent l’éponge à la suite de violences, de menaces, de pressions, d’un sentiment d’incapacité à agir ou encore par difficulté à conjuguer sa vie d’élu avec sa vie professionnelle et personnelle.

Exercer un mandat d’élu, c’est avant tout du dévouement pour les autres, pour son territoire, pour notre pays. Cela doit être valorisé et respecté. À la suite de nombreux témoignages et interpellations, j’ai souhaité m’engager sur ce sujet et porter des propositions. La démocratie locale n’existe pas sans élus locaux engagés et ayant les moyens de répondre aux attentes de leurs concitoyens. J’ai d’abord travaillé sur un sujet que j’ai bien connu depuis mon engagement à Lille pour les élections municipales en 2020 : les violences politiques. J’ai mené un travail d’écoute et de rencontres, pour déposer une proposition de loi sur les violences faites aux élus, en juillet 2023.

Dans la foulée, au regard des nombreux témoignages reçus de la part d’élus locaux ou d’anciens candidats aux élections locales, j’ai souhaité élargir mon champ de réflexion, et très rapidement, cette mission parlementaire m’a été confiée par la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, avec mon co‑rapporteur Sébastien Jumel, député de la sixième circonscription de Seine‑Maritime.

Un travail que nous avons immédiatement choisi de mener de manière transpartisane pour répondre efficacement aux préoccupations communes des élus de France. Nous avons bien travaillé avec nos collègues députés représentant les différentes sensibilités politiques de l’Assemblée et nous n’avons pas eu de difficulté à nous mettre d’accord sur les propositions.

Parce que nous partageons la même préoccupation : servir l’intérêt général, dans le cadre des valeurs de la République.

En premier lieu de mon engagement, donc : la lutte contre les violences faites aux élus.

Oui, s’attaquer à un élu n’est pas un acte insignifiant : c’est la République qui est visée.

Saint-Brévin-les-Pins, L’Haÿ-les-Roses, Carnac, Magnières, Plougrescant, Vennans, et bien trop d’autres encore. Le nombre d’agressions envers les élus ne cesse d’augmenter en France.

Dans la moitié des cas répertoriés, ces agressions concernent des maires ou des adjoints, et l’expression « être à portée d’engueulade » n’a jamais été aussi appropriée : les maires, incarnant la figure exécutive la plus proche des citoyens, sont les premiers à subir les attaques contre la République.

Cette haine à l’égard des élus s’est récemment concrétisée par le vandalisme de permanences et de locaux de campagne, caillassés ou tagués, par toutes sortes d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, dont les messages transgressent sans scrupules les fondements de l’État de droit. Trop de fois, la limite du domicile familial et de l’attaque à des proches est franchie. Trop de fois, le dommage psychologique devient indélébile. Tentatives de meurtre, agressions, prises à parti, insultes, menaces de mort ou encore dégradations constituent donc la liste non-exhaustive des attaques dont les élus et souvent les familles sont victimes.

Malgré la gravité de ces actes, ils sont pourtant peu nombreux à porter plainte ; parfois par souci d’apaisement ou par peur des représailles et souvent par impression d’inutilité de la démarche. Parallèlement, nous assistons en plus à un phénomène de démissions de maires – 1 293 depuis 2020 – qui, s’il n’est pas complètement corrélé à la hausse des violences, n’en est pas détaché pour autant.

Plusieurs lois, telles que la loi n° 2019-1461 « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 ou encore la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023, ont constitué des étapes dans la lutte contre les violences faites aux élus.

Mais tous en conviennent : ce n’est pas suffisant, nous nous devons d’aller plus loin et de protéger tous les élus, les candidats et leurs familles qui sont bien trop souvent des victimes collatérales. La mise en lumière de l’ensemble de ces dégradations et l’augmentation de ces violences, notamment sur les réseaux sociaux, freinent l’engagement citoyen. C’est un danger pour notre démocratie, puisque nombre de personnes ne souhaitent plus s’engager.

Dans ce contexte de crise des vocations électorales, nous devons donner aussi des garanties pour l’engagement des citoyens dans les campagnes électorales et pour permettre à chacun d’être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité.

La visibilité de ces actes de violences agit comme un poison pour notre démocratie et crée du renoncement pour nombre de citoyens qui auraient pu s’engager pour la vie de la cité.

Aussi, protéger les candidats, protéger et donner une place aux familles et proches des élus sont des mesures qu’il convient de mettre en place afin de protéger notre démocratie et le pluralisme politique.

Par ailleurs, il est important de souligner que la vie politique locale, c’est la conciliation de son mandat avec sa vie professionnelle pour une durée limitée. Pourtant, cette étape n’est jamais anodine dans la vie d’un élu.

La conciliation du mandat dans la vie d’un élu a bien souvent été un sujet tabou pour nombre d’élus. Si les élus ne s’engagent pas pour des indemnités, leurs conditions de vie ne doivent pas être pour autant un non-dit. L’idée ici n’est pas de creuser davantage le fossé entre la vie politique et les Français mais bien de reconnaître leur engagement, qui doit être valorisé à sa juste valeur au sein de la vie économique et de l’ensemble de la société.

Dans le même temps, la vie du mandat doit être facilitée, non pas pour que les élus soient considérés comme une « caste » à part, mais bien pour les aider dans la poursuite de leur engagement et la réussite de leur mission.

Dans la mission parlementaire, j’ai donc poursuivi ce travail aux côtés de Sébastien Jumel, en m’intéressant particulièrement aux conditions d’entrée dans le mandat, aux conditions d’exercice notamment pour les élus d’opposition, et au retour à la vie civile et professionnelle après avoir quitté les fonctions d’élu local. Nous portons des propositions innovantes, comme la création d’une protection pendant le mandat comparable au statut de salarié protégé, ou encore d’un contrat de sécurisation de l’engagement, qui, calqué sur le contrat de sécurisation professionnelle dans le domaine privé, permettra en sortie de mandat de bénéficier d’un accompagnement fort pour la reconversion professionnelle.

Oui, c’est un choix politique que d’assumer de faciliter la vie des élus locaux. Mais, si nous tenons à ce que la moyenne d’âge de notre vie démocratique locale baisse et que les profils socio-professionnels se diversifient, des choix s’imposent.

Avec Sébastien Jumel, nous avons donc travaillé durant plusieurs mois sur ces questions de manière transpartisane avec bienveillance et respect. Fruit de plusieurs dizaines d’heures d’auditions, notre rapport dessine les avancées que nous devons accomplir ensemble pour réparer notre démocratie et encourager l’engagement politique. Nous n’abordons pas toutes les thématiques auxquelles sont confrontés les élus locaux, notamment celles liées aux conséquences de la décentralisation, qui seront abordées dans la mission confiée par le Président de la République à mon collègue Éric Woerth, ancien ministre et député de l’Oise.

Je suis persuadée que les propositions évoquées dans notre rapport pourront répondre en partie à cette crise des vocations mais aussi réparer cette fonction d’élu local. Elles devront être transformées en actes ; à ce titre, nous avons échangé avec Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, pour que certaines modifications administratives ou réglementaires puissent être rapidement mises en œuvre. Pour ce qui est du champ législatif, il nous reviendra, à Sébastien Jumel et à moi, d’écrire une proposition de loi complète, fédératrice, efficace.

Montaigne, alors maire de Bordeaux, disait : « la charge du maire semble d’autant plus belle qu’elle n’a ni loyer, ni gain autre que l’honneur de son exécution ». C’était au 16ème siècle et pourtant, la fonction de maire manque toujours aujourd’hui de reconnaissance et de respect.

Prendre soin de la commune et des territoires, valoriser l’engagement citoyen des élus locaux, protéger notre démocratie française, tel est mon engagement à travers ce rapport.


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   Première partie : l’absence d’un statut d’élu local abouti fragilise les citoyens qui s’engagent face à l’aggravation des risques liés à l’exercice des fonctions

I.   LE MANQUE D’ATTRACTIVITÉ DU STATUT DES ÉLUS LOCAUX EST L’HÉRITAGE D’UNE CONCEPTION SURANNÉE DU MANDAT ÉLECTIF

Les travaux de la mission d’information ont permis de confirmer que les fonctions d’élu local sont peu attractives sur de nombreux aspects, notamment matériels. En dépit d’améliorations successives apportées au cours des trente dernières années, la persistance d’une vision désuète du mandat aboutit à dissuader de nombreux citoyens à s’engager.

A.   L’exigence de gratuité inspire encore largement l’étendue des droits attachés à la fonction d’élu local

L’idée, historiquement ancienne, selon laquelle le mandat local serait « bénévole » imprègne encore largement le droit applicable aux élus des collectivités territoriales. Elle se traduit par un régime indemnitaire peu favorable aux élus municipaux ainsi que par un dispositif de défraiement opaque et complexe.

  1.   Les origines historiques du principe de gratuité du mandat local érigé en 1884

En dépit de l’existence de mécanismes permettant aux élus locaux de bénéficier d’indemnités ou de la prise en charge des frais liés à l’exercice de leur mandat, le principe de gratuité reste positionné au cœur du statut de l’élu local. On peut observer que la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, qui est considérée comme la « loi fondamentale » de « l’autonomie communale » ([2]), affirme en son article 74 que les « fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites ». À ce jour, ces dispositions restent inscrites mot pour mot à l’article L. 2123‑17 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ([3]).

L’analyse des principales lois qui ont régi l’administration municipale tout au long du 19ème siècle permet de constater que ce principe de gratuité n’a jamais été fondamentalement remis en cause.

Le principe de gratuité dans les lois communales antérieures à 1884

Sous le Consulat, la loi du 28 Pluviôse an VIII concernant la division du territoire français et l’administration, qui fait des « maires » des autorités nommées par le Gouvernement pour les villes de plus de 5 000 habitants (article 18) et par le préfet pour les autres « municipalités » (article 20) ne prévoit pour eux aucun mécanisme de rémunération, à la différence des préfets et des « conseillers de préfecture » qui perçoivent un « traitement » (article 21 et 22).

Sous la Monarchie de Juillet, la loi du 21 mars 1831 est le premier texte à officialiser le principe de gratuité : « Les fonctions des maires, des adjoints et des autres membres du conseil municipal sont essentiellement gratuites […] » (article 1er). Cette phrase est ensuite reprise sous le Second Empire à l’article 1er de la loi du 5 mai 1855, sans l’adverbe « essentiellement », puis au tout début de la IIIème République à l’article 19 de la loi du 14 avril 1871.

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer une telle continuité tout au long du siècle.

Tout d’abord, on peut voir dans ce principe la marque des débats qui, dès la Révolution française, ont agité les dirigeants politiques quant à l’opportunité de rémunérer des fonctions électives. Ainsi, Mirabeau estime en septembre 1789 qu’une « modique rétribution » doit permettre au citoyen « le moins opulent » de « remplir ce poste honorable ». Cette gratification ne peut qu’exciter, selon ses propres mots, « une émulation universelle » et éviterait que le mandat ne devienne « le patrimoine de quelques familles » ([4]).

Pour autant, la question reste sensible politiquement. Lorsqu’au même moment, par un décret du 1er septembre 1789, l’Assemblée constituante décide d’octroyer une indemnité de dix-huit livres pour ses membres, elle le fait en toute discrétion ([5]). Par ailleurs, les députés de la IIIème République avaient probablement en tête le discrédit qui avait frappé les élus nationaux dans l’opinion publique lorsqu’il leur avait été alloué par un décret du 5 mars 1848 (article 10) une indemnité journalière de « vingt-cinq francs », restée tristement célèbre en raison de la mort violente du député Victor Baudin à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851 ([6]).

La représentation sociale du maire a joué également un rôle dans l’idée même qu’une gratification financière n’était pas nécessaire. Sous le Consulat, les difficultés rencontrées par les préfets pour désigner les maires des communes de moins de 5 000 habitants les ont amenés à se reporter sur des personnalités disposant déjà d’un ancrage local, contribuant ainsi à « notabiliser » la fonction ([7]). Une enquête de l’historien Maurice Agulhon publiée en 1986 établit, par ailleurs, que 50 % des maires installés en 1811 et en 1824 appartiennent à une classe « moyenne » constituée en grande partie de cultivateurs et que 25 % d’entre eux sont des propriétaires ([8]). En dépit d’un certain renouvellement du personnel politique local lié à l’élection au suffrage universel direct ([9]), les équilibres sociaux restent globalement inchangés tout au long du siècle.

Assez logiquement, l’article 74 de la loi du 5 avril 1884 précitée a suscité de nombreux débats lorsque la version finale du texte a été soumise à l’examen des deux Chambres du Parlement en mars 1884. L’inscription d’un droit à remboursement pour exécution d’un « mandat spécial » par tout conseiller municipal et la possibilité offerte aux communes d’attribuer au maire des indemnités pour frais de représentation ont été les dispositions les plus contestées.

« Bientôt, on organisera des trains de plaisir municipaux »

La loi du 21 mars 1831 (précitée) proscrit expressément en son article 1er toute indemnité ou remboursement de frais de représentation pour les élus municipaux. La loi du 5 mai 1855 revient sur cette interdiction au motif, selon les termes de son rapporteur, Jacques Langlais ([10]), que ces allocations « ne sont point inconciliables avec le principe de la gratuité. Elles ne tournent point au profit personnel du maire. Elles sont une dépense de la Cité faite dans son intérêt et dont elle seule doit avoir la charge. » ([11]) 

L’article 74 de la loi du 5 avril 1884 fait le choix d’officialiser les deux mécanismes indemnitaires (défraiement pour mandat spécial et frais de représentation), ce qui ne manque pas de susciter des critiques sur les bancs des deux Chambres. À l’appui d’un de ses amendements, le sénateur des Landes Henri de Gavardie exprime son hostilité au dispositif, estimant que cela reviendrait à autoriser tous les conseils municipaux à multiplier les mandats spéciaux.

« Bientôt, sans doute, on organisera des trains de plaisir municipaux ! Mais c’est évident, messieurs, on dira : c’est un mandat spécial que nous donnons à nos conseillers ! Il y a quelque part une fête pour l’érection de la statue de tel ou tel grand homme ‑ ou de quelqu’un qui n’est pas un grand homme, peu importe - nous allons y assister, nous allons accomplir un mandat spécial et, par conséquent, nous serons remboursés de nos frais de voyage. » ([12])

S’agissant des frais de représentation, on notera également que la loi du 5 avril 1884 ne donne aux communes que la faculté de les attribuer, conformément au principe de libre administration énoncé à l’article 61, et précise que le financement de ces frais doit être assuré par les « ressources ordinaires de la commune » ([13]). C’est donc bien le budget de la collectivité qui assure l’indemnisation de ses élus : ce principe énoncé en 1884 est toujours d’actualité.

2.   Un régime indemnitaire inégalitaire et peu favorable aux élus municipaux

Plus d’un siècle après la loi municipale de 1884, le constat effectué par la commission présidée par l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy dans son rapport au Premier ministre du 17 janvier 2000 ([14]) est sensiblement le même que celui de Mirabeau en 1789. Le rapport appelle à sortir de « l’hypocrisie » qui entoure le financement de la vie politique locale : il ne s’agit pas « de professionnaliser la vie politique, mais de donner à plus de citoyens les moyens matériels et financiers d’exercer un mandat d’élu pour qu’ils puissent vivre sans préjudice leur vie personnelle et garder leur indépendance de pensée et d’action. » ([15])

En dépit d’améliorations apportées au cours des dernières années (cf. infra), les maires et leurs adjoints ne sont rémunérés que sous la forme « d’indemnités » de fonctions votées par le conseil municipal et financées sur le budget de la collectivité. Le mécanisme est le même pour les autres collectivités (départements, régions, collectivités à statut particulier) et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).


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Règles de calcul des indemnités de fonctions des élus locaux

Les indemnités des élus locaux sont présentées sous la forme de « taux », c’est-à-dire au travers de pourcentages du montant correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique, soit, depuis le 1er janvier 2019, à l’indice brut 1 027 (indice majoré 830). Il s’agit à chaque fois d’un maximum, ce qui signifie que la collectivité peut toujours décider d’allouer un niveau d’indemnité inférieur. À l’exception du maire, qui bénéficie d’un régime particulier (cf. infra), l’attribution d’une indemnité à un élu local fait l’objet d’une décision de l’organe délibérant.

À titre d’illustration, le taux maximum s’élève à :

– 55 % (soit 2 247,25 euros bruts) pour les maires des communes de 3 500 à 9 999 habitants (article L. 2123-23 du CGCT) ;

– 22 % (soit 898,90 euros bruts) pour les adjoints aux maires des communes de 3 500 à 9 999 habitants (article L. 2123-24 du CGCT) ;

– 67,5 % (soit 2 717,23 euros bruts) pour les présidents des communautés de communes de 20 000 à 49 999 habitants (article L. 5211-12 et R. 5214-1 du CGCT) ;

– 60 % (soit 2 415,32 euros bruts) pour les conseillers départementaux des départements de 500 000 à moins d’1 million d’habitants (article L. 3123-16 du CGCT) ;

– 70 % (soit 2 817,87 euros bruts) pour les conseillers régionaux des régions d’au moins 3 millions d’habitants (article L. 4 135-16 du CGCT) ;

– 145 % (soit 5 924,57 euros bruts) pour les maires des communes de 100 000 habitants et plus (article L. 2123-23 du CGCT) présidents de conseil départemental (article L. 3123‑17 du CGCT) et les présidents de conseil régional (article L. 4135-17 du CGCT).

La loi prévoit plusieurs cas de majoration des plafonds, par exemple 10 % pour les élus départementaux membres de la commission permanente (article L. 3123-17 du CGCT) ou 25 % pour les communes chefs-lieux de département (articles L. 2123-22 et R. 2123‑23 du CGCT). Les cumuls de mandats, et donc d’indemnités, sont possibles dans la limite d’une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire (8 961,01 euros) après déduction des cotisations sociales obligatoires ([16]). En cas de dépassement, un mécanisme « d’écrêtement » est prévu au profit de la personne publique au sein de laquelle l’élu exerce le plus récemment un mandat ou une fonction ([17]).

L’ensemble des barèmes applicables, y compris ceux en vigueur dans les collectivités à statut particulier et les outre-mer, sont récapitulés sur le site de la direction générale des collectivités locales ([18]).

 

Un tel système n’apparaît pas de nature à permettre à de nombreux élus locaux de « vivre du travail politique » et même apparaît peu équitable au regard de l’ampleur des responsabilités exercées, comme le note l’Observatoire de l’éthique publique dans un Livre blanc publié en 2023 ([19]).

Selon les données collectées auprès de la direction générale des collectivités locales (DGCL), les plafonds d’indemnités inférieurs à 1 000 euros représentent plus de 93 % de l’ensemble des mandats locaux (516 595). C’est, ici, une large partie du bloc communal qui apparaît : 355 900 conseillers municipaux, 18 933 maires élus dans des communes comptant moins de 500 habitants et 106 558 adjoints exerçant dans les communes ayant moins de 10 000 habitants ([20]).

Lors de leur audition ([21]), les deux auteurs du Livre blanc, MM. Didier Demazière et Rémi Lefebvre, ont souligné les incohérences résultant de la stratification hiérarchique et démographique des plafonds indemnitaires. Ainsi, un maire d’une ville de 75 000 habitants ([22]) peut bénéficier d’une indemnité de 4 494,50 euros bruts, soit un niveau inférieur à celle du président d’un département  (5 924,57 euros bruts) comportant la même population comme la Lozère ([23]). Par ailleurs, le plafond indemnitaire d’un conseiller départemental sans responsabilités d’un département de plus de 1,25 million d’habitants (2 860,14 euros bruts) est supérieur à celui des maires des communes de 10 000 à 19 999 habitants (2 655,84 euros bruts) telles que Longwy (54) et Saint-Pierre-des-Corps (17) ([24]).

Globalement, les maires paraissent « sous-indemnisés » par rapport aux conseillers départementaux ou régionaux non membres de l’exécutif qui n’ont pas de fonctions ni de responsabilités : or, les auteurs du Livre Blanc précité observent que, si « les politiques publiques menées et les responsabilités endossées sont sans doute plus larges dans les grandes collectivités, ce sont elles aussi qui bénéficient des plus grandes ressources administratives qui peuvent alléger les tâches des élus là où elles font défaut dans les plus petites ([25]) ».

Les travaux menés par la mission d’information ont permis de constater que le sentiment d’une carence indemnitaire était largement répandu parmi les maires des communes de petite taille. Selon les résultats d’une enquête réalisée cette année par l’Association des maires ruraux de Loire-Atlantique (AMR 44) auprès de leurs adhérents, 58 % des 163 élus ayant répondu estiment que leur indemnité est « insuffisante » ([26]).

Ce jugement était largement partagé par les maires auditionnés sur les questions de sécurité le 21 septembre dernier, en particulier chez ceux issus des petites communes. Pour M. André Rousset, maire de Lauris (83), commune de 3 890 habitants, « être maire ne permet clairement pas de gagner de l’argent ». Selon les termes employés par M. Éric Berlivet, maire de Roche-la-Molière (42), commune de 9 878 habitants, le niveau des indemnités est « hallucinant » au regard des fonctions exercées ([27]).

La situation des élus locaux non membres de l’exécutif fait apparaître un autre écueil du système d’indemnisation. S’il est normal, comme le note l’Observatoire de l’éthique publique, qu’il existe un écart d’indemnisation entre « l’exécutif » et le « délibératif » ([28]), la différence est, s’agissant des communes, sans commune mesure avec les écarts constatés dans les autres collectivités territoriales. Ainsi, dans un département de 1 million d’habitants, le président peut bénéficier d’une indemnité de 5 924,57 euros bruts, soit un niveau 2,23 fois supérieur à celui d’un simple conseiller départemental (2 655,84 euros bruts). Dans une région de plus de 3 millions d’euros, le plafond d’indemnité du président (5 924,57 euros bruts) est 2,07 fois plus élevé que celui d’un membre du conseil régional (2 860,14 euros bruts). Dans les communes, l’écart est abyssal : le maire d’une commune de 1 000 habitants bénéficie d’un plafond (2 108,33 euros bruts) 8,6 fois plus élevé que celui d’un conseiller municipal non intégré à l’exécutif (245,16 euros bruts).

À cette occasion, il faut préciser que, dans beaucoup de communes, les conseillers municipaux qui ne sont ni maires, ni adjoints, ni titulaires d’une délégation faisant office d’adjoint, n’ont tout simplement aucune indemnité. Selon les données résultant d’une enquête réalisée au premier trimestre 2023 par l’Association des élus locaux d’opposition (AELO) auprès de leurs adhérents, 13,9 % des 494 élus minoritaires ayant répondu ont indiqué percevoir une indemnité ([29]). Cette situation résulte à la fois de l’absence de droit à indemnité, à la différence des élus départementaux et régionaux, ainsi que des limitations apportées à la liberté d’action du conseil municipal par l’existence d’une enveloppe indemnitaire.

Droit à indemnité des élus dans les strates de collectivités territoriales

Dans les départements et les régions, la collectivité doit verser une indemnité à l’ensemble des conseillers. Celle-ci peut être modulée à la baisse sans pouvoir être inférieure à 50 % du plafond indemnitaire (article L. 3123-15 du CGCT pour les départements et article L. 4135-16 du CGCT pour les régions).

À l’exception des communes d’au moins 100 000 habitants ([30]), ce droit n’existe pas dans les communes. Rien n’interdit au conseil municipal d’une commune de moins de 100 000 habitants d’allouer à tous ses membres, plafonné à 6 % de l’indice brut 1 027, mais il sera dans ce cas contraint, en application du II de l’article L. 2123-24-1 du CGCT, par une enveloppe indemnitaire globale (EIG) définie comme l’addition du plafond indemnitaire du maire et de celui de chacun de ses adjoints (II de l’article L. 2123-24 du CGCT). Dans les communes de 100 000 habitants et plus, l’indemnité, fixée à 6 % de l’indice brut 1 027, n’est pas intégrée dans l’EIG (I de l’article L. 2123-24-1 du CGCT).

Des règles similaires sont applicables dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : les indemnités des conseillers des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles de moins de 100 000 habitants sont fixées selon les modalités prévues au II de l’article L. 2123‑24-1 du CGCT, donc limitées par une enveloppe indemnitaire globale définie comme l’addition du plafond indemnitaire du président et de chacun des vice‑présidents (article L. 5211-12 du CGCT). À partir du seuil de 100 000 habitants, les indemnités des conseillers suivent le régime du I de l’article L. 2123-24-1 du CGCT (6 % de l’indice brut 1 027 hors enveloppe), avec une majoration du plafond à 28 % pour les EPCI d’au moins 400 000 habitants (articles L. 5215-17 et L. 5416-4-1 du CGCT).

Prenons, ainsi, l’exemple d’une commune de 3 000 habitants, dotée d’un conseil municipal de 23 membres, parmi lesquels sont élus un maire et six adjoints. L’enveloppe indemnitaire globale s’élève, dans ce cas, à 6 962,39 euros bruts ([31]). Quand bien même le maire et les six adjoints renonceraient à 20 % de leurs indemnités, le gain correspondant (1 392,48 euros bruts) réparti sur les 16 autres conseillers municipaux n’aboutirait qu’à une indemnité de 87,03 euros bruts.

Pour ces élus, il apparaît que le principe de gratuité énoncé par le CGCT en son article L. 2123-17 est paradoxalement bien respecté.

3.   Des facilités de défraiement composites qui constituent un ensemble opaque et difficile à appréhender

Comme l’a noté l’Observatoire de l’éthique publique ([32]), l’indemnisation du mandat local ne se limite pas à l’indemnité de fonction, mais comprend un ensemble « composite » d’avantages matériels ou financiers destinés à compenser les frais liés à l’exercice du mandat.

Dans cet ensemble figurent les « indemnités pour frais de représentation » que les conseils municipaux peuvent expressément allouer aux maires depuis 1884 ainsi que le « droit à remboursement » des frais, essentiellement de transport et de séjour, que nécessite l’exécution de mandats spéciaux. Ces facilités, qui ont été reconnues par la loi précitée du 5 avril 1884 en son article 74, existent toujours dans les mêmes termes aux articles L. 2123-18 et L. 2123-19 du CGCT ([33]).

À ce « socle » se sont ajoutés de manière erratique divers mécanismes de prise en charge destinés à répondre à des situations particulières.

Ainsi, les conseillers départementaux, autrefois appelés « conseillers généraux », ont-ils pu bénéficier dès le début du 20ème siècle d’un remboursement, sous conditions, des frais de déplacement et de séjour liés aux réunions de leur organe délibérant ([34]). Le développement de l’intercommunalité à partir des années 1960 s’est logiquement accompagné d’un alignement plus ou moins important des facilités accordées aux conseillers des EPCI sur celles des élus municipaux : l’article 42 de la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines applique expressément à ces nouvelles formes de regroupement intercommunal le régime juridique des communes. Il en a résulté la possibilité pour le conseil de l’EPCI d’allouer des frais de représentation à son président, comme pour le maire. Cette faculté, que l’on retrouve aujourd’hui à l’article L. 5215-16 du CGCT, a été étendue aux communautés d’agglomération ([35]) et aux métropoles ([36]). Aucune disposition de ce type n’existe, en revanche, pour les présidents des communautés de communes.

S’agissant des frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées, leur prise en charge a été autorisée par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité en son article 84 pour les conseillers municipaux en application d’une recommandation du rapport de la commission Mauroy supra ([37]) et en réaction à la jurisprudence administrative qui, à l’époque, arguait de l’absence d’intérêt public pour refuser d’autoriser cette prise en charge ([38]). Un régime similaire a été mis en place pour les conseillers départementaux et régionaux par la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat (cf. infra). On notera également que la loi de 2002 prévoit également la prise en charge des frais de secours et d’assistance engagés personnellement en cas d’urgence par les maires et leurs adjoints ([39]).

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Le tableau ci-après récapitule les principales dépenses susceptibles de donner lieu à une prise en charge par la collectivité.

Types de frais

Catégories d’élus concernées

Base juridique

(CGCT)

Modalités de prise en charge

Frais de représentation

Maires et présidents de communautés urbaines, de communautés d’agglomération et de métropoles.

Rien pour les autres strates.

Art. L. 2123-19

Art. L. 5215-16

Art. L. 5216-4

Possibilité de bénéficier d’un forfait (après décision de l’organe délibérant).

Frais de transport entre le domicile et le lieu de l’organe délibérant

Conseillers municipaux handicapés.

Conseillers départementaux.

Conseillers régionaux.

Art. L. 2123-18-1

Art. 3123-19

Art. 4135-19

Prise en charge sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Conseillers des EPCI (y compris communautés de commune), handicapés ou non, lorsque la réunion se déroule à l’extérieur de leur commune.

Art. L. 5211-13

Prise en charge sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Autres frais de transport et, le cas échéant, de séjour (hors mandat spécial)

Conseillers municipaux pour des réunions se tenant en dehors de leur commune et où ils représentent celle‑ci.

Conseillers départementaux et régionaux handicapés (frais liés l’exercice du mandat).

Art. L. 2123-18-1

Art. 3123-19

Art. 4135-19

Prise en charge sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Frais d’aide à la personne : frais de garde d’enfants et d’assistance aux personnes âgées ou handicapées.

Conseillers municipaux.

Conseillers des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles.

Art. L. 2123-18-2

Art. L. 5215-16

Art. L. 5216-4

Prise en charge sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Conseillers départementaux.

Conseillers régionaux.

Art. L. 3123-19

Art. L. 4135-19

Possibilité de prise en charge (après décision de l’organe délibérant) sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Frais d’assistance et de secours

Maires et adjoints uniquement.

Art. L. 2123-18-3

Possibilité de prise en charge (après décision du conseil municipal)

Frais de transport et de séjour dans le cadre d’un mandat spécial.

Conseiller municipal.

Conseillers départementaux.

Conseillers régionaux.

Conseillers d’un EPCI (même d’une communauté de commune).

Art. L. 2123-18

Art. L. 3123-19

Art. L. 4135-19

Art. L. 5211-14

Possibilité de prise en charge (après décision de l’organe délibérant) sous la forme d’un remboursement sur justificatifs.

Attention : le mandat spécial doit être formalisé (cf. infra).

Source : Mission d’information et DGCL.

Les critères de reconnaissance d’un mandat spécial

En l’absence de toute précision législative, le mandat spécial comprend « toutes les missions accomplies avec l'autorisation [de l’organe délibérant] dans l'intérêt des affaires [de la collectivité], à l'exclusion seulement de celles qui lui incombent en vertu d'une obligation résultant d'une disposition législative ou réglementaire expresse » (CE, 24 mars 1950, Sieur Maurice).

Les missions exercées dans le cadre du mandat spécial doivent revêtir un caractère exceptionnel, c’est-à-dire différer des missions traditionnelles de l'élu, et être temporaires. La délibération de l’assemblée doit, par ailleurs, être préalable à l’exécution du mandat spécial.

Selon les auteurs du Livre blanc de l’Observatoire de l’éthique publique, le système qui résulte de cette sédimentation de droits est complexe et peu lisible : il en ressort l’impression d’un « iceberg », métaphore qui apparaît singulièrement pertinente tant « les pratiques sont variables selon les collectivités, les informations opaques et les constats difficiles à établir » ([40]).

Les auditions réalisées par la mission confortent ce jugement d’ensemble. Comme l’a souligné M. Étienne Chaufour, directeur en charge de l'éducation, des mobilités, et des solidarités à France Urbaine, « même dans le cas où un droit à remboursement existe, il arrive que les bénéficiaires ne soient pas au courant ([41]) ». Une telle opacité fragilise non seulement la situation personnelle des élus locaux, mais aussi la vie démocratique locale : si un membre de la majorité peut espérer accéder à certaines informations, il est en tout autrement des élus d’opposition, dont la mise à l’écart par les exécutifs a été mise en avant par M. Jean‑Paul Lefebvre, président de l’AELO, au cours de son audition ([42]).

B.   les multiples réformes intervenues depuis 1992 ont permis d’améliorer sur plusieurs aspects la situation de l’élu local

L’idée d’octroyer un « statut » aux élus locaux n’est pas nouvelle. Plusieurs réformes engagées à compter de la loi du 3 août 1992 et jusqu’à la récente loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, dite « Engagement et proximité » se sont efforcées de sécuriser financièrement et de faciliter l’exercice d’un mandat local, notamment par la mise en place d’un droit à la formation des élus.

1.   Le saut qualitatif accompli par la réforme du 3 août 1992, complétée en 2002 et en 2013

L’accumulation erratique des droits et des devoirs des élus locaux n’a pas empêché les pouvoirs publics d’engager une réflexion globale et d’envisager la mise en place d’un véritable statut.

Cette question, consubstantielle à l’idée même de décentralisation, s’était posée lors de l’examen de la loi du 5 avril 1884 : elle se pose logiquement à nouveau dès le lancement de « l’acte I » de la décentralisation en 1982.

Dans un rapport au Premier ministre rendu public en juin 1982, le sénateur Marcel Debarge observait que « les éléments dispersés et disparates qui tenaient lieu de statut de l'élu local, déjà inadaptés aux exigences de ce temps [...] sont devenus, avec la mise en œuvre de la décentralisation, quasiment caducs » et appelait le législateur à donner aux élus les moyens de satisfaire, au travers d’une meilleure « disponibilité et accessibilité », les « besoins d’écoute des populations, légitimes dans une démocratie » ([43]). Le Premier ministre lui-même annonce publiquement la mise en place d’un « statut de l’élu » en mai 1983 ([44]) sans qu’une suite concrète soit donnée dans un premier temps.

Les axes principaux du rapport Debarge de 1982

Le rapport Debarge met l’accent sur la formation qui apparaît comme « fondamentale » en ce qu’elle est à la fois une nécessité pour répondre « à la complexité croissante des affaires » et pour éviter qu’une tutelle « technocratique » ne se poursuive « sous d’autres formes », contrairement à la volonté du législateur de 1982 (page 14).

Le sénateur insiste également sur l’importance qui s’attache à ce que la loi facilite l’exercice par les élus de leur mandat, notamment lorsqu’ils sont salariés. « Le secteur privé, en général, peut être défini pour les titulaires d’un mandat électif comme un espace de moindre droit, voire de non-droit » (page 41). Il imagine ainsi un mécanisme de « crédit d’heures » qui viendrait s’ajouter aux autorisations d’absence dont peuvent bénéficier les élus locaux pour participer aux travaux de leur collectivité territoriale. Le coût financier de ce crédit d’heures serait financé par une caisse nationale de compensation alimentée par les collectivités elles-mêmes.

Le rapport préconise également une revalorisation des indemnités des élus locaux et appelle, en contrepartie, à une limitation du cumul des mandats, perçue comme « un des volets mêmes de la décentralisation » (page 3).

Le droit à pension des anciens élus locaux est également évoqué. Sur ce point, trois possibilités étaient envisagées : l'affiliation à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC), l'affiliation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ou la création d'une caisse nationale autonome de retraite des élus locaux, départementaux et régionaux.

En 1988, le ministre de l'Intérieur, M. Pierre Joxe, confie une nouvelle mission à M. Marcel Debarge. Celui-ci réunit un groupe de travail qui rendra ses propositions au mois de mars 1990, reprises pour la préparation d’un projet de loi déposé le 9 octobre 1991 : la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux résulte des débats au Parlement sur ce texte. La réforme instaure de nombreux avantages qui, pour la plupart, sont toujours en vigueur :

1/ Elle élargit le champ des absences autorisées aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où l'élu a été désigné pour représenter la collectivité locale (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-1 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-1 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-1 du CGCT pour la région) ;

2/ Elle institue un mécanisme de crédits d’heures ([45]) réservés aux maires et aux adjoints en proportion de l'importance de la population communale ainsi qu'aux conseillers municipaux des villes de plus de 100 000 habitants, à l'ensemble des conseillers généraux et régionaux (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-2 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-2 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-2 du CGCT pour la région) ;

3/ Elle plafonne le temps d’absence autorisé, y compris sur crédits d’heures, à la moitié de la durée légale du travail pour une année civile (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-5 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-3 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-3 du CGCT pour la région) ;

4/ Elle étend aux salariés élus à des fonctions de maires d'une commune de plus de 10 000 habitants ou d'adjoint au maire d'une commune de plus de 30 000 habitants le bénéfice des dispositions du code du travail qui permet au salarié élu à l'Assemblée nationale ou au Sénat de demander la suspension de son contrat de travail jusqu'à l'expiration de son mandat (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-9 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-7 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑7 du CGCT pour la région) ;

5/ Elle interdit sous peine de nullité tout licenciement, tout déclassement professionnel et toute sanction disciplinaire fondée sur les absences autorisées et impose à l'employeur de réintégrer dans son emploi ou un emploi équivalent les maires et adjoints ainsi que les présidents des conseils généraux ou régionaux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour se consacrer à l'exercice de leur mandat (dispositions aujourd’hui reprises aux articles L. 2123-8 et L. 2123-9 du CGCT pour la commune, aux articles L. 3123-6 et L. 3123-7 du CGCT pour le département et aux articles L. 4135‑6 et L. 4135-7 du CGCT pour la région) ;

6/ Elle pose le principe du droit à une formation des élus locaux ([46]) et précise que les frais de formation constituent une dépense obligatoire pour la collectivité territoriale (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-14 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-12 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑12 du CGCT pour la région) ;

7/ Elle procède à une réévaluation des barèmes indemnitaires compensée en partie par l’État pour les « petites communes rurales » sous la forme d’une « dotation particulière » (dispositions reprises à l’article L. 2335-1 du CGCT) ;

8/ Elle instaure un « écrêtement » des indemnités pour les élus locaux dont le cumul des mandats les amènerait à percevoir plus d’une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-20 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-18 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑18 du CGCT pour la région) ;

9/ Elle impose l’affiliation des élus locaux percevant des indemnités de fonction à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) et leur permet de se constituer, s’ils le souhaitent, une retraite « par rente » (dispositions aujourd’hui reprises aux articles L. 2123-27 et L. 2123-28 du CGCT pour la commune, aux articles L. 3123‑22 et L. 3123-23 du CGCT pour le département et aux articles L. 4135‑22 et L. 4135-23 du CGCT pour la région).

Les régimes de retraite par rente FONPEL et CAREL

Dans la foulée de la loi n° 92-108 du 3 février 1992, deux régimes de retraite facultatifs ont été mis en place : le Fonds de pension des élus locaux (FONPEL) géré par la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse de retraite autonome des élus locaux (CAREL) gérée par la Mutualité française. Ces contrats d’assurance permettent la constitution d’une retraite supplémentaire par capitalisation versée au plus tôt à l’âge de 55 ans sous forme de rente viagère.

Initialement, seuls les élus ayant conservé une activité professionnelle pouvaient cotiser : depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, tout élu indemnisé peut le faire (cf. infra).

Lorsque l’élu décide d’adhérer, sa collectivité est tenue d’abonder le régime à hauteur de la cotisation versée par l’assuré (art. L. 2123-27 du CGCT pour la commune, art. L. 3123‑22 du CGCT pour le département, art. L. 4135-22 du CGCT pour la région).

Comme il faut percevoir une indemnité de fonction pour pouvoir cotiser, le nombre d’adhérents est peu élevé : 11 700 pour le FONPEL et 22 000 pour la CAREL en 2018 ([47]).

Les réformes postérieures ont apporté quelques améliorations au dispositif sans remettre fondamentalement en cause l’équilibre instauré en 1992. Ainsi, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité accroît les crédits d’heures accordés aux élus locaux ([48]) et porte à 18 jours, contre 6 jours initialement, la durée du congé de formation mentionné à l’article L. 2123-13 du CGCT (communes), à l’article L. 3123-11 du CGCT (départements) et à l’article L. 4135‑11 du CGCT (régions). Elle comporte, toutefois, deux mesures particulièrement novatrices :

1/ L'instauration du droit à dix jours d'absence pour participer à la campagne électorale (congé électif) ([49]) ;

2/ La création d’une allocation différentielle de fin de mandat versée pendant six mois ([50]) à certains exécutifs locaux ([51]) et financée par un fonds alimenté par une cotisation des collectivités concernées, afin de permettre une mutualisation des charges entre ces collectivités (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-11-2 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-9-2 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑9-2 du CGCT pour la région).

En matière de protection sociale, la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 procède à une nouvelle amélioration significative en consacrant en son article 18 l’affiliation au régime général de sécurité sociale de l’ensemble des élus, que ceux-ci aient ou non suspendu leur activité professionnelle pour l’exercice de leur mandat. Les élus peuvent donc acquérir des droits à la retraite du régime général, sous réserve qu’ils ne soient pas pensionnés à ce régime.

Dans la même logique, tous les élus indemnisés peuvent désormais cotiser aux régimes de retraite par rente FONPEL et CAREL, qui étaient réservés à ceux qui avaient conservé une activité professionnelle (cf. supra).

Les modalités d’assujettissement des indemnités aux cotisations sociales

L’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 établit une distinction entre les exécutifs locaux (maires, adjoints, présidents et vice-présidents de conseil départemental et de conseil régional) et les autres élus.

Les premiers, lorsqu’ils cessent toute activité professionnelle pour l’exercice de leur mandat, voient leurs indemnités de fonction, quel que soit leur niveau, assujetties aux cotisations sociales dès le premier euro.

Les indemnités des autres élus (ou celles des exécutifs qui conservent une activité professionnelle) ne sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale que si le montant des indemnités est supérieur à une fraction (50 %) du plafond annuel de sécurité sociale (PASS) mentionné à l’article L. 241-3 du même code (43 992 euros en 2023).

2.   La loi du 31 mars 2015 : un pas supplémentaire dans la consolidation du statut de l’élu local

À la suite des « États généraux de la démocratie territoriale » organisés par le président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel ([52]), les sénateurs Jacqueline Gourault et Jean‑Pierre Sueur ont déposé le 12 novembre 2012 une proposition de loi qui a abouti à la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Cette loi comporte de nombreuses améliorations du droit applicable, notamment au niveau des indemnités de fonction, de la formation et de la conciliation d’une activité professionnelle avec le mandat électif.

a.   Les progrès accomplis en matière de rémunération et défraiement

La loi du 31 mars 2015 entend renforcer le régime indemnitaire en procédant à plusieurs modifications et plusieurs ajouts au sein du code général des collectivités territoriales ([53]) :

1/ Elle fixe l’indemnité de fonction des maires à son taux maximal dans les communes de moins de 1 000 habitants, sans possibilité de délibération du conseil municipal (II et III de l’article 3) ;

2/ Elle reconnaît, pour certaines collectivités (département et région ([54])),
la faculté de moduler les indemnités de fonction des élus selon leur participation effective aux réunions plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres sans excéder une réduction éventuelle de 50 % des indemnités de fonction pouvant être allouées à ces mêmes élus (article 4) ;

3/ La fraction représentative des frais d’emploi (cf. supra) n’est désormais plus prise en compte pour le calcul des ressources ouvrant droit à une prestation sociale » (article 5). Cette réforme visait à réduire le nombre d’élus locaux qui se voient refuser le bénéfice de prestations sociales soumises à conditions de ressources parce qu’ils perçoivent une indemnité de fonction ;

4/ La loi étend aux conseillers départements et régionaux de la possibilité d’obtenir le remboursement des frais de garde d’enfants ou des frais d’assistance à certaines personnes à charge engagés par les jeunes parents ou les proches de personnes dépendantes exerçant un mandat local, dispositif initialement réservé aux conseillers municipaux ([55]) (article 10).

b.   Un accès facilité à la formation au travers, notamment, de la création d’un « droit individuel à la formation » des élus (DIFE)

La loi du 31 mars 2015 a permis de véritables avancées du point de vue de la formation des élus locaux par l’intermédiaire de plusieurs dispositions qui vont d’un encouragement appuyé des élus à user de leur droit à se former jusqu’à l’instauration d’une obligation de formation par la collectivité.

L’article 17 oblige expressément les communes de 3 500 habitants et plus, les départements et les régions à organiser une formation au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation ([56]). Cette obligation de formation est alors envisagée comme un moyen supplémentaire de développer une « culture » de la formation des élus.

Par ailleurs, afin d’inciter les collectivités à financer de manière effective la formation des élus, la loi fixe en son article 16 un montant plancher au budget consacré à la formation des élus locaux, fixé à 2 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres de l’organe délibérant. De plus, les crédits relatifs aux dépenses de formation qui n’auraient pas été consommés à la clôture de l’exercice au titre duquel ils ont été inscrits sont affectés en totalité au budget de l’exercice suivant et ne peuvent être reportés au‑delà de l’année au cours de laquelle intervient le renouvellement de l’assemblée délibérante.

La mesure la plus emblématique du texte est la création à l’article 15 ([57]) d’un droit individuel à la formation des élus (DIFE). Inspiré – quoique distinct – du droit individuel à la formation déjà instauré pour les salariés des secteurs publics et privés depuis 2004, le DIFE est un nouveau système de formation des élus qui vient en complément du premier mécanisme reposant sur le financement des collectivités.

Comme le premier dispositif, le DIFE relève de l’initiative de chacun des élus, mais il dispose de plusieurs avantages censés permettre le développement de la formation des élus ([58]) :

1/ Le DIFE permet aux élus des communes, départements, régions, établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et collectivités territoriales à statut particulier ([59]) de disposer de vingt heures de formation cumulables et utilisables sur l’ensemble de la durée du mandat ;

2/ Contrairement au mode de fonctionnement du premier mécanisme qui impose une inscription des frais de formation au budget de la collectivité, le DIFE n’exige pas d’intervention obligatoire de la collectivité ;

3/ Le DIFE est financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités et collectée par un organisme collecteur national ([60]). Seuls les élus percevant une indemnité doivent obligatoirement verser cette cotisation, soit environ 30 % des quelque 500 000 élus locaux en France ([61]). En revanche, tous les élus peuvent bénéficier de ce dispositif. De plus, les élus peuvent bénéficier d’une somme supplémentaire susceptible de venir compléter leur DIFE pour financer des formations ;

4/ Enfin, le DIFE a également été conçu pour répondre aux besoins de reconversion des élus au terme de leur mandat puisqu’il « peut concerner des formations sans lien avec l’exercice du mandat. Ces formations peuvent notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l’issue du mandat » ([62]).

En offrant aux élus la possibilité de se former à des compétences liées ou non à l’exercice de leur mandat, le DIFE doit permettre une meilleure réinsertion des élus locaux sur le marché du travail.

Comme le souligne un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2020 : « Ces formations peuvent notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l’issue du mandat. C’est, d’ailleurs, dans cette optique que ce dispositif avait été initialement envisagé. » ([63])

c.   Facilitation accrue de la conciliation entre l’activité professionnelle et les fonctions électives

Au-delà de la création du DIFE et du renforcement du dispositif d’indemnisation des élus locaux, la loi du 31 mars 2015 poursuit l’objectif, affiché en 1992, de favoriser la conciliation entre l’activité professionnelle qu’un élu local peut conserver et l’exercice de ses fonctions électives.

Un premier volet de mesures a vocation à s’appliquer au cours du mandat ([64]) :

1/ La loi étend aux conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants le mécanisme du crédit d’heures en le fixant à 20 % de la durée hebdomadaire légale du travail, soit 7 heures par trimestre (article 7) ;

2/ Elle applique aux salariés élus n’ayant pas cessé leur activité professionnelle durant leur mandat la qualité de « salariés protégés » au sens du livre IV de la deuxième partie du code de travail, ce qui revient à soumettre leur licenciement, le non-renouvellement de leur contrat ou leur transfert à l’autorisation de l’inspecteur du travail (article 8) ;

3/ Elle étend le droit de suspension du contrat de travail aux adjoints aux maires des communes de plus de 10 000 habitants, contre 20 000 habitants auparavant ([65]) (article 8).

Un second volet s’applique à la période postérieure au mandat, une fois que l’élu n’a plus de fonctions électives ([66]) :

1/ La loi étend aux maires et aux adjoints aux maires dans les communes de 10 000 habitants et plus, contre 20 000 habitants auparavant, le droit de bénéficier d’une formation professionnelle et d’un bilan de compétences dès lors qu’ils ont cessé une activité professionnelle salariée (article 11) ([67]) ;

2/ Elle étend aux adjoints ([68]) aux maires dans les communes d’au moins 10 000 habitants, contre 20 000 habitants auparavant, l’accès au dispositif d’allocation différentielle de fin de mandat, la durée de celui-ci étant portée à un an (contre six mois depuis 2002) (article 12) ;

3/ La loi permet aux élus lauréats d’un concours de la fonction publique territoriale de bénéficier d’une prorogation d’inscription sur une liste d’aptitude. Le décompte de la période ([69]) prise en compte pour le maintien de l’inscription sur cette liste est suspendu pour les élus locaux jusqu’au terme de leur mandat.

Cette disposition est envisagée pour permettre aux élus de conserver le bénéfice du concours obtenu et ainsi de faciliter leur réintégration professionnelle au sortir de leur mandat (article 13) ;

4/ Elle porte enfin à deux mandats consécutifs, contre un seul auparavant, la période d’exercice de fonctions exécutives locales donnant droit à réintégration des salariés élus à l’issue de leur mandat (article 8).

3.   La loi du 27 décembre 2019 : « réarmer l’action locale »

La loi n° 2019-1641 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite « engagement et proximité » comporte de nouvelles mesures destinées, selon les termes de l’exposé des motifs, à « valoriser et accompagner ceux qui s'engagent pour la collectivité, en améliorant les conditions d'exercice des mandats locaux ». Le texte, d’origine gouvernementale ([70]), traduit la volonté de « réarmer l’action locale » après la crise dite des « gilets jaunes ».

Dotée de 118 articles, cette loi présente de nombreux apports pour le « statut de l’élu local ». Ainsi retrouve-t-on des thématiques déjà traitées par la loi du 31 mars 2015 : régime indemnitaire et défraiement, droit à la formation des élus locaux, conciliation entre une activité professionnelle et des fonctions électives.

a.   Une réévaluation du régime indemnitaire et un nouveau renforcement des possibilités de défraiement

Pour encourager l’engagement des citoyens dans des fonctions électives, cette loi revalorise les indemnités des élus locaux et étend le périmètre des élus susceptibles de bénéficier d’une rémunération ou d’un défraiement ([71]).

1/ Elle procède en son article 92 à une revalorisation des plafonds indemnitaires applicables aux maires et à leurs adjoints dans les communes de moins de 3 500 habitants (+ 50 % pour les communes de moins de 500 habitants, + 30 % pour les communes de 500 à 999 habitants, + 20 % pour les communes de 1 000 à 3 499 habitants).  Ainsi, le plafond pour les maires des communes de moins de 500 habitants passe de 17 % à 25,5 % et ses adjoints de 6,6 % à 9,9 % de l’indice brut terminal de la fonction publique. On notera que le seuil de 1 000 habitants au‑delà duquel le conseil municipal ne pouvait plus fixer une indemnité de fonction inférieure au barème pour le maire n’est plus en vigueur ([72]) ;

2/ Elle rétablit la possibilité d’allouer pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes des indemnités de fonction à leurs présidents et à leurs vice‑présidents, faculté qui avait été circonscrite par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) aux syndicats dont le périmètre est supérieur à celui d'un EPCI à fiscalité propre (article 96) ;

3/ Elle oblige toutes les strates de collectivités, EPCI à fiscalité propre compris, à établir un état annuel regroupant l’ensemble des indemnités perçues par leurs élus au titre de leurs fonctions électives. Cette mesure est informative et ne peut donner lieu à une délibération sur le montant des indemnités perçues (articles 92 et 93) ;

4/ Elle permet à tous les élus des EPCI à fiscalité propre, qu’ils aient ou non une indemnité de fonction ([73]), de se faire rembourser leurs frais de déplacement liés à leur mandat lorsque la réunion a lieu dans une commune autre que celle qu'ils représentent. Le texte étend expressément cette prise en charge aux frais spécifiques supportés par les élus handicapés (article 98) ;

5/ Elle applique aux communes et aux EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants le mécanisme de modulation des indemnités liée à l’assiduité mis en place en 2015 pour les départements et les régions (cf. supra) (articles 94 et 95).

b.   La formation des élus : de timides avancées en partie complétées par les ordonnances de 2021

S’agissant de la formation, l’article 107 de la loi du 27 décembre 2019 étend aux communes et EPCI à fiscalité propre de moins de 3 500 habitants l’obligation de former ses élus ayant reçu délégation au cours de la première année de leur mandat mise en place en 2015 (cf. supra). Pour le reste, elle se contente, en son article 105, de renvoyer la refonte du dispositif de formation des élus locaux à une série d’ordonnances prises par le Gouvernement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.

Les ordonnances ont été finalement prises les 20 et 27 janvier 2021 ([74]) puis ratifiées par une loi du 17 juin de la même année ([75]). Le contenu de la réforme a été fortement influencé par le rapport précité de l’IGA et de l’IGAS, dont trois des auteurs (MM. François Schechter, Bruno Acar et Xavier Giguet) ont été entendus par la mission d’information ([76]).

Au cours de leur audition, les rapporteurs de l’IGA et de l’IGAS ont relevé que « la quasi-totalité des treize recommandations faites [au sein de leur rapport] avaient été mises en œuvre » dans le cadre des deux ordonnances précitées, notamment :

– la création d’un espace destiné aux élus locaux sur la plateforme numérique « Mon compte formation », mise en place en 2019 pour les salariés du secteur privé ([77]) ;

– le libellé des droits des élus en euros, et non plus en heures ;

– le renforcement des compétences du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) ([78]), chargé de rendre des avis sur le répertoire national de la formation des élus et le plafond de dépense du DIFE permettant d’équilibrer le dispositif de financement en lieu et place de la « commission consultative du DIFE », supprimée ;

Le plafond a, ensuite, été porté à 800 euros, au lieu de 700 euros, par un arrêté ministériel du 27 mars 2023 ([79]).

Si ces réformes répondent à certaines difficultés identifiées par l’IGA et l’IGAS, leurs effets sur le nombre d’élus formés et sur la qualité des formations suivies n’ont pas encore, à ce jour, été évalués

c.   La conciliation entre la vie professionnelle et les fonctions électives

La loi « Engagement et proximité » procède en son article 87 à une réévaluation sensible du crédit d’heures trimestriel, qui s’accroît de 17 heures et demie pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes de 10 000 à 29 999 habitants ainsi que pour les conseillers municipaux des communes de 100 000 habitants au moins. Ainsi, par exemple, un adjoint dans une commune de moins de 10 000 habitants bénéficie désormais de 70 heures, contre 52 heures et demie auparavant. Le crédit d’heures trimestriel des conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants est, pour sa part, porté à 10 heures et demie, contre 7 heures depuis 2015 (cf. supra).

Le texte étend aux élus des communautés de communes le régime des autorisations d’absence dont bénéficient les membres des autres strates de collectivités ([80]) (article 85). Son article 88 supprime également le seuil de 10 000 habitants qui avait été maintenu en 2015 pour la mise en œuvre du droit à suspension du contrat de travail dans les communes.

Un volet de la réforme est également consacré aux candidats aux élections municipales, qui bénéficient du congé électif de dix jours instauré en 2002 quelle que soit la population de la commune (article 85) ([81]).

De manière assez surprenante (cf. infra), l’article 86 de la loi supprime le statut de salarié protégé pour les élus locaux. Un amendement adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale ([82]) a estimé, en effet que la protection liée au statut de salarié protégé n’était pas effective en l’absence de dispositions d’application au sein du code du travail et que, par ailleurs, une telle mesure pouvait contribuer à dissuader les employeurs d’embaucher des candidats titulaires de mandats locaux.

* * *

S’agissant des violences commises à l’encontre des élus de l’exécutif local, la loi « Engagement et proximité » accroît en son article 104 l’effectivité de la protection dite « fonctionnelle », applicable aux trois strates de collectivités depuis 2002 ([83]). Désormais, les communes sont tenues de souscrire un contrat d’assurance permettant de couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts correspondant à la mise en œuvre de cette protection. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les frais liés à ces contrats d’assurance sont pris en charge par l’État au travers d’un accroissement de la « dotation particulière » prévue à l’article L. 2335-1 du CGCT (dotation particulière « élu local » ou DPEL).

C.   Faute d’un statut abouti, l’exercice du mandat reste insuffisamment attractif pour de nombreuses catégories de la population française

La plupart des réformes intervenues depuis 1992 ont procédé par « sédimentation » sans réformer en profondeur le statut de l’élu local. Il en résulte une impression d’inachevé et le sentiment que les problèmes identifiés par le rapport Debarge dans les années 1980 sont toujours d’actualité. Indéniablement, le mandat local souffre toujours d’un manque d’attractivité.

1.   Une déformation de la composition sociale des élus locaux liée à la faiblesse des rémunérations et la difficulté de cumuler plusieurs activités

Pour importants qu’ils soient, les progrès accomplis depuis trente ans paraissent largement insuffisants.

Dans le rapport établi par la commission des lois du Sénat sur la réforme de 1992, le rapporteur Jacques Thyraud, sénateur du Loir‑et‑Cher, mettait en avant le « poids croissant des contraintes » que leur impose l’exercice d’un mandat et la « modicité des ressources » dont ils disposent. « Les contraintes sont si peu ou si mal compensées qu'il est aujourd'hui presque dissuasif de briguer ou de conserver un mandat local ([84]) ». Les auditions menées par la mission d’information donnent l’impression qu’au fond, rien n’aurait fondamentalement changé. Lors de la table ronde du 21 septembre 2023 (précitée), M. Serge de Carli, maire de Mont‑Saint‑Martin (54) observe qu’il y a une « crise de représentation », les élus « venant du secteur privé », notamment les plus jeunes, rencontrant des difficultés à mener de front une vie élective et professionnelle.

Lors de son audition, Mme Carine Houdouin, maire de Richarville (91) a observé que certains élus « avaient du mal à remplir leur frigo ([85]) ».

Afin de se rendre compte de la situation nette de la rémunération des élus locaux, on peut considérer, à titre d’illustration, la situation :

– d’un maire d’une commune de moins de 1 000 habitants qui a cessé toute activité professionnelle, qui cotise au FONPEL et dont l’indemnité brute est située au plafond (élu A) ;

– d’un conseiller départemental sans fonctions exécutives dans un département d’un million d’habitants dont l’indemnité est également au plafond et qui cotise au FONPEL (élu B).

Dans le premier cas, l’indemnité nette est inférieure à 1 200 euros et, dans le second cas, inférieure à 1 900 euros.

Situation

Élu A

Élu B

Indemnité brute

1 646,62 €

2 655,84 €

CSG CRDS (9,70 %) ([86])

172,50 €

278,23 €

IRCANTEC (tranche A) ([87])

46,11 €

74,36 €

Cotisations vieillesse plafonnée (6,90 %)

113,62 €

183,25 €

Cotisations vieillesse déplafonnée (0,40 %)

6,59 €

10,62 %

Cotisation FONPEL (8 %)

131,73 €

212,47 €

Indemnité nette (estimation)

1 176,08 

1 896,91 

Source : calculs effectués par la mission d’information.

S’agissant du régime fiscal de ces indemnités, on peut préciser que, si l’élu A ne paie pas d’impôt sur le revenu au titre de son indemnité de 1 182,67 euros, l’élu B s’acquittera d’un impôt sur la partie de son indemnité correspondant à la différence entre son indemnité brute (2 655,84 euros) et une « fraction représentative des frais d’emploi » (694 euros).

Le régime d’imposition des indemnités des élus locaux

Après une période de « défiscalisation » opérée sous la forme d’un prélèvement libératoire ([88]), le législateur a décidé en 2017 ([89]) d’assujettir les indemnités de fonction à l’impôt sur le revenu « suivant les règles applicables aux traitements et aux salaires » (art. 80 undecies B du code général des impôts) moyennant une déduction du revenu imposable de la « fraction représentative de frais d’emploi » (art. L. 1621-1 du CGCT).

La déduction de cette fraction s'applique sur les indemnités de fonction brutes versées par les communes, les départements, les régions, les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles.

Le dispositif est plus avantageux pour les élus des communes de moins de 3 500 habitants (1 582 euros par mois au 1er juillet 2023) que pour les autres (694 euros)

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que certains élus sollicitent le cumul des mandats locaux ([90]) puisqu’il s’agit du seul moyen de porter son niveau de rémunération à un niveau décent. Selon un recensement effectué en 2021 par Intercommunalités de France, le pourcentage d’élus communautaires exerçant un mandat régional est passé de 17 % à 22 % entre les élections de 2014-2015 et celles de 2020-2021 et la part des élus exerçant un mandat départemental est passée de 22 % à 30 % sur la même période. Sur les 11 667 présidents et vice‑présidents d’EPCI et d’établissements publics territoriaux (EPT), 1 184 sont également élus au niveau communal et 384 au niveau régional ([91]).

Les possibilités offertes par le cumul sont, toutefois, limitées, comme le notent les auteurs du Livre blanc de l’Observatoire de l’éthique publique : « s’ils peuvent en théorie cumuler avec des mandats de conseiller départemental, régional ou de parlementaire, le nombre total de ces mandats est statistiquement trop marginal par rapport au nombre de conseillers municipaux pour affecter significativement le constat [d’une sous-indemnisation] ». ([92])

Par ailleurs, quand bien même un cumul serait envisageable, encore faut-il qu’il soit compatible avec les éventuelles contraintes personnelles et professionnelles des élus concernés.

On peut rappeler, à cette occasion, que le nombre d’heures que les maires déclarent consacrer à l’exercice de leur mandat dépasse les 40 heures par semaine pour les communes de 3 500 habitants et plus ([93]).

Quant aux élus des communes de petite taille, où la charge de travail paraît a priori plus soutenable ([94]), l’enquête de l’Association des maires ruraux (AMR) de Loire-Atlantique précitée montre que ce n’est pas toujours le cas : plus de la moitié (51 %) des élus ayant répondu qu’ils « n’avaient pas assez de temps » pour remplir leurs missions et 21 % de ceux qui ont conservé une activité professionnelle (130) signalent avoir rencontré des « difficultés » avec leur employeur.

Ces freins structurels contribuent à expliquer en grande partie la surreprésentation parmi les élus de catégories socio-professionnelles qui bénéficient de facilités pour se consacrer à leurs fonctions d’élus : selon les données publiées par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) lors de la Convention nationale de la démocratie locale (cf. supra), près de quatre maires sur dix sont aujourd’hui retraités, alors qu’ils ne représentent que 27 % de la population française. Les retraités supplantent aujourd’hui largement les agriculteurs, autrefois majoritaires.

Parts respectives des retraités et des agriculteurs parmi les maires

(1977-2020)

Source : enquête Sciences Po et CEVIPOF précitée.

L’analyse de la répartition socio-professionnelle des élus communaux dans leur ensemble montre une tendance analogue : la part des agriculteurs s’élève à 8 % alors que cette profession représente à peine 2 % de la population active. Par ailleurs, on dénombre près de 23 % de retraités et 16 % d’agents publics (ou assimilés). Par contraste, la part des étudiants (ou élèves) est de 0,69 %, bien endeçà de leur poids dans la population (4,50 %).

 

Source : Répertoire national des élus locaux.

La domination des agents du secteur public et des retraités paraît encore plus forte dans les départements et les régions, où leur proportion cumulée s’élève à 49 % dans les conseils départementaux et à 42 % dans les conseils régionaux. Comme dans les communes, on ne trouve quasiment pas d’élèves ou d’étudiants dans les organes délibérants de ces collectivités (0,15 % dans les départements ; 0,91 % dans les régions).

Source : Répertoire national des élus locaux.

Source : Répertoire national des élus locaux.

 

Une telle déformation socio-professionnelle est la traduction concrète des difficultés structurelles rencontrées par les élus ayant une activité professionnelle et contribue, dès lors, à altérer le lien démocratique entre les élus locaux et une part non négligeable des citoyens.

2.   L’ébauche inachevée d’un statut de l’élu local

En dépit de leurs objectifs ambitieux, les lois de 2002, de 2015 et de 2019 se situent dans la lignée des réformes antérieures en procédant à des ajustements destinés à supprimer d’éventuels effets de seuil ou en améliorant des dispositifs antérieurs sans effectuer une véritable refonte en profondeur du statut de l’élu local. D’une certaine manière, elles apparaissent en-deçà de la réforme du 3 août 1992 précitée, qui avait l’avantage d’être « systémique » et novatrice.

a.   La formation des élus : des avancées au sein d’un système peu soutenable financièrement

Si la réforme du système de formation des élus qui a eu lieu en 2021 a satisfait de nombreuses recommandations émanant tant de l’IGA, de l’IGAS que des associations d’élus ou des élus eux-mêmes, le système paraît encore fragile. La principale faiblesse du système de formation des élus réside dans sa faible soutenabilité financière.

En effet, au sein du rapport conjoint de l’IGA et de l’IGAS précité, les rapporteurs sont catégoriques : « Quelles que soient les mesures de régulation des tarifs, toute croissance significative du taux de recours aux dispositifs de formation les conduirait dans une impasse budgétaire » ([95]).

Le modèle de financement de la formation des élus repose sur l’hypothèse d’un taux de recours extrêmement faible.

Extrait du rapport précité de l’IGA/IGAS (pages 32 et 33)

« Les indemnités des élus locaux s’élevant à environ 1,7 milliard d’euros, les recettes du DIFE (1 % du total) sont évaluées à environ 17 millions d’euros et la dépense obligatoire des collectivités (2 % du total) à 34 millions d’euros.

« Or, la France compte environ 509 000 élus locaux. Par conséquent, si 2 % seulement des élus consommaient leurs droits individuels à formation des 20 heures au coût moyen aujourd’hui constaté d’environ 150 euros de l’heure, la dépense annuelle (30 millions d’euros) atteindrait quasiment le double des recettes du DIFE de l’année. »

Les rapporteurs en viennent donc à conclure au caractère non-viable budgétairement parlant du mécanisme du DIFE.

Le dispositif financé directement par les collectivités paraît à première vue plus soutenable, dès lors qu’il est plafonné à 20 % du total des indemnités de fonctions versées ([96]). Pour autant, comme le soulignent les rapporteurs de l’IGA et de l’IGAS, le total des dépenses théoriques « ne peut financer qu’une proportion très faible du nombre d’élus », estimée à « 2,5 % » pour un coût horaire moyen de 150 euros de l’heure ([97]).

Lors de son audition par la mission d’information ([98]), M. Pierre Camus, docteur de sociologie à de l'université de Nantes et spécialiste de la formation des élus locaux, a indiqué qu’il partageait pleinement le point de vue du rapport de l’IGA et de l’IGAS précité : selon lui, « le régime actuel est clairement sousdimensionné » ([99]).

b.   Le constat lancinant du manque d’attractivité des fonctions d’élu local

Les élus et les associations d’élus auditionnés par les rapporteurs reconnaissent des avancées mais les jugent insuffisantes et insatisfaisantes au regard de l’urgence qui s’attache à rendre attractif l’engagement dans la vie politique locale. Comme en 1992, le « statut de l’élu » est perçu par les personnes concernées comme un moyen de résoudre la « crise de représentation » évoquée par M. Serge de Carli, maire de Mont-Saint-Martin (54) ([100]). Il s’agit de ne pas décourager les citoyens alors même que, selon les termes utilisés par M. Emmanuel François, maire de Saint-Pierre-des-Corps (37), « l’engagement est une dimension importante dans les fonctions de maire » ([101]).

Face à ce constat, qui semble se répéter depuis des décennies, les réformes récentes n’apportent que des réponses partielles.

S’agissant de la formation, l’enquête réalisée par l’AMR de Loire‑Atlantique précitée confirme le faible recours au droit à la formation de la part des élus des communes petites et moyennes. Parmi les 163 réponses obtenues, les deux tiers (66,9 %) admettent n’avoir suivi aucune formation sur le mandat actuel et une proportion similaire (62,6 %) considèrent logiquement ne pas avoir été suffisamment formés ([102]).

L’enquête illustre, par ailleurs, les effets sur la santé mentale des élus locaux des difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs fonctions. Près du tiers (32,9 %) des élus ayant répondu à l’enquête avouent faire des insomnies et moins de la moitié (43,1 %) considèrent que la charge d’élu locale est « soutenable » ([103]).

Extraits du communiqué de l’AMRF de Loire-Atlantique (septembre 2023) ([104])

« Des élus peu formés et en manque de temps pour remplir leurs missions. »

« Des indemnités pas la hauteur des attentes des élus. »

« Une santé fragile et des tabous à lever. »

« Le manque de temps et de moyens ne pousse pas les élus à prendre d’autres mandats représentatifs ou d’influence. »

Si les associations d’élus reconnaissent globalement une amélioration de la situation dans certains domaines, ils déplorent également la dégradation des relations entretenues sur le terrain avec les services de l’État, ceux-ci ayant tendance à se replier derrière leur rôle de « rappel à la loi » au détriment de celui d’accompagnateur. Il ressort de l’enquête de l’AMR précitée que, si l’image des gendarmes auprès des élus de Loire-Atlantique est bonne, le préfet et le procureur de la République arrivent à la dernière place, avec respectivement 12 % de ressenti positif pour le premier et 7 % seulement pour le second ([105]).

Loin d’être le fruit d’une volonté délibérée des services de l’État, cette dégradation est surtout le résultat d’un affaiblissement progressif, mais significatif, des capacités d’intervention des directions départementales interministérielles. Les effectifs de ces directions ont, ainsi, été réduits de plus de 27 % entre 2011 (35 545) et 2020 (25 746), la baisse atteignant près de 35 % dans les directions départementales des territoires et de la mer, c’est-à-dire dans les services spécialisés dans le soutien des collectivités en matière d’ingénierie et d’aménagement (2011 : 24 631 ; 2020 : 16 045) ([106]).

Le soutien des élus locaux par les services de l’État et l’incapacité des communes à retrouver un « pouvoir d’agir » apparaît comme l’angle mort des réformes des vingt dernières années.

c.   Des avancées qui excluent certains élus locaux, notamment ceux qui ne sont pas membres de l’exécutif

Les faibles résultats obtenus au travers les différentes réformes précitées s’expliquent également par le fait qu’elles ont échoué à s’adresser à l’ensemble des élus locaux.

En dépit de l’abaissement progressif des seuils de population opérés entre 1992 et 2019, il n’existe toujours aucun droit à indemnisation pour les élus des conseils municipaux de moins de 100 000 habitants qui ne sont ni maires, ni adjoints ([107]). En matière de défraiement, à l’exception des frais de transport dans des cas limités ainsi que, pour les communes et certains EPCI, des frais de garde et d’assistance dans les communes et certains EPCI, les « simples » élus locaux ne peuvent bénéficier de la prise en charge de leurs dépenses que sur le fondement d’une délibération de leur collectivité ([108]).

L’accès à la protection fonctionnelle reste également limité aux membres des exécutifs locaux. Comme l’a souligné M. Jean-Paul Lefebvre, président de l’Association des élus locaux d’opposition (AÉLO) lors de son audition ([109]), il ressort des dispositions du CGCT ([110]) en vigueur que tout élu local peut demander cette protection, mais que la collectivité a tout autant la possibilité de refuser.

D’un point de vue général, c’est toute l’opposition locale, et notamment au niveau municipal, qui apparaît pénalisée.

Les droits d’expression et de participation des élus locaux d’opposition

D’un point de vue général, les élus disposent d’un droit d’expression en séance et de participation aux débats (CE, 22 mai 1987, n° 70085), sous le contrôle de l’autorité exécutive de la collectivité en tant que président de séance chargée de la police de celle‑ci, et du juge administratif. Il s’agit d’une liberté fondamentale (CE, 10 avril 2009, n° 319971).

Le droit de proposition, reconnu par la jurisprudence administrative (CE, 22 juillet 1927, Bailleul), consiste en la possibilité de demander un débat et le vote de propositions faites par les conseillers municipaux. Les élus disposent également d’un droit d’amendement (CAA Paris, 12 février 1998, n° 96PA01170).

Au titre de la liberté d’expression, les élus d’opposition des communes de 1 000 habitants et plus doivent disposer d’un espace au sein du bulletin d’information municipal (art. L. 2121-27-1 du CGCT), qu’il soit publié sous format papier, numérique, ou au sein tout autre support de publication qui rend compte des réalisations de la collectivité (CAA Versailles, 8 mars 2007, n° 04VE03177) ([111]). Un mécanisme similaire s’applique aux oppositions départementales (art. L. 3121-24-1 du CGCT) et régionales (art. L. 4132-23-1 du CGCT).

Cette liberté s’exerce dans les limites suivantes :

1° Les troubles à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publiques (CAA Nancy, 14 avril 2005, n° 03NC00869) ainsi que les propos manifestement diffamatoires ou injurieux (CAA Nancy, 15 mars 2012, n° 11NC01004) sont proscrits ;

2° L’autorité exécutive de la collectivité peut également empêcher un élu de s’exprimer si cette expression est susceptible d’engager sa responsabilité pénale en tant que directeur de la publication au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il ressort de l’audition du président de l’AÉLO que ces droits demeurent très théoriques, peu connus et sont parfois peu respectés. Il arrive que les maires refusent de communiquer aux élus d’opposition les documents auxquels ils ont droit, que le droit à l’expression soit « réduit à sa portion congrue » ([112]) et même que les élus d’opposition se voient refuser la prise en charge de formations sur le budget de la collectivité au mépris de la lettre même de la loi.

Selon les résultats d’une étude réalisée par l’AÉLO ([113]), le pourcentage de démissions d’élus apparaît trois fois plus élevé dans les rangs de l’opposition (19 %) que dans ceux de la majorité (6 %). Les conditions d’exercice du mandat sont en cause, mais le facteur principal de découragement réside dans le comportement des élus de la majorité.

 


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II.   FACE À LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS LOCAUX, UNE RÉFORME D’ENVERGURE S’IMPOSE

Le nombre de démissions d’élus locaux, et singulièrement de maires, est en progression significative et traduit une forme « fatigue démocratique » face aux difficultés croissantes d’exercice du mandat local : relations plus complexes avec l’État, marges d’action contraintes, exigence parfois forte des citoyens, vulnérabilité au risque juridique, exposition à la violence et au harcèlement. L’état des lieux réalisé par les rapporteurs montre l’urgence d’une réforme portant sur chacun de ces irritants.

A.   Les fonctions d’élu local sont de plus en plus complexes, sujettes à une réduction continue de leur capacité d’action et exposées au risque pénal

Le constat est patent : exercer aujourd’hui un mandat électif, plus encore au sein d’un exécutif local, est compliqué.

1.   La complexification de l’action publique et l’inflation normative conduisent à un renforcement de la professionnalisation de l’exercice du mandat local

La production de normes toujours plus nombreuses et complexes s’inscrit dans une tendance lourde qui trouve son origine dans l’évolution perpétuelle de la société et de ses besoins, dans l’accélération de l’innovation économie et technologique, et dans la nécessaire prise en compte de l’écosystème dans lequel l’une et l’autre se déploient. Pour ordonner ce mouvement brownien qui vient perturber l’ordre juridique, le droit doit s’adapter en permanence pour établir un équilibre difficile à obtenir en raison des injonctions parfois contradictoires auxquelles il doit répondre ou des objectifs légitimes mais divergents qui sont poursuivis.

Ainsi, la norme cherche à appréhender la réalité de la société dans sa complexité. À cela s’ajoute la croyance, toute française, en la vertu thaumaturgique de la norme censée résoudre tous les problèmes. Pour développer leurs politiques publiques, les élus locaux sont contraints de mieux se former voire de se « professionnaliser », ce qui conduit à une forme de « désenchantement » de l’action publique : il ne suffit plus d’être citoyen pour être en capacité d’exercer un mandat local.

a.   Un monde plus complexe et des attentes plus fortes des citoyens qui élèvent le niveau d’exigence de compréhension, de formation et de disponibilité des élus

Les problématiques auxquels sont confrontés les exécutifs locaux sont de plus en plus liées à des enjeux globaux qui vont au-delà du bassin de vie et d’emploi de leur territoire, tels que le changement climatique, les migrations, le commerce international ou la santé mondiale. Les projets locaux doivent désormais s’intégrer dans une réflexion plus large sur ces thématiques. Les composantes sociales, économiques et environnementales de ces enjeux sont interconnectées et impliquent une approche intégrée et globale. Par exemple, la lutte contre la pauvreté nécessite une coordination étroite des politiques publiques en matière d’éducation, de santé, de logement et d’emploi ; le développement urbain, la politique du logement et les défis liés aux infrastructures de transport sont fortement intriqués et exigent une stratégie globale d’aménagement du territoire ; les collectivités ont un rôle essentiel dans la transition écologique et les élus locaux doivent désormais gérer à la maille de leurs territoires les effets du réchauffement climatique (retrait du trait de côte, incendies de forêt, etc.).

L'avancée rapide des technologies a des implications majeures sur l'action publique. Elle peut améliorer l’efficacité des services publics mais elle soulève également des questions liées à la protection de la vie privée, à la sécurité des données, et à l'éthique, en témoignent, par exemple, les débats lors de l’adoption de la loi « Sécurité globale » du 25 mai 2021 s’agissant de la captation d’images par caméras mobiles, et plus récemment, les débats sur l’utilisation de la reconnaissance faciale. En outre, si la numérisation de la société, la dématérialisation progressive de certaines démarches ou encore le télétravail sont porteurs de promesses, l’exclusion numérique se manifeste par une fracture sociale et générationnelle et des difficultés d’accès aux services publics pour les publics défavorisés, auxquelles les élus doivent apporter des réponses concrètes.

Les attentes des citoyens envers leurs élus sont évolutives. Si l’abstention progresse à chaque élection, ils souhaitent, d’une manière générale, être plus impliqués dans le processus décisionnel et demandent davantage de transparence. La prise de décision doit tenir compte d’une participation élargie des acteurs locaux, d’un éventail plus large d'opinions et de besoins exprimés, et d’une préparation plus longue pouvant inclure des réunions publiques d’information et une phase de concertation publique préalable. Cette phase est, du reste, prévue pour certains projets, plans et programmes en matière d’environnement ([114]) et d’urbanisme ([115]).

L’enquête réalisée par l’Association des maires et présidents d’intercommunalité de France (AMF) et le CEVIPOF en juillet 2019 ([116]) sur les attentes des Français vis-à-vis de leurs maires, qui faisait suite à la crise des « gilets jaunes » de l’hiver 2018, montre l’attachement des citoyens aux compétences de proximité et une demande d’une moindre verticalité de la décision.

L’exigence d’efficacité, de qualité et de proximité des services publics est plus forte de la part des administrés. Elle s’exerce à l’égard des élus locaux – maires, adjoints et conseillers municipaux en tête – auxquels il est demandé une réactivité et une disponibilité accrues pour répondre aux demandes des habitants : logement, emploi, tranquillité publique, montée de la précarité, etc. Les élus locaux doivent également être prêts à gérer des situations de crise, que ce soient des catastrophes naturelles (tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 2020, inondations dans le Nord-Pas-de-Calais de l’automne 2023), des pandémies (crise sanitaire de la Covid-19), des incidents technologiques majeurs (explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2013) voire des actes de terrorisme (attentat de Nice le 14 juillet 2016).

Enfin, de nombreux acteurs publics (État et services déconcentrés, collectivités et leurs groupements, entreprises publiques locales, etc.) et privés (associations, délégataires de service public, etc.) sont impliqués dans la formulation et concourent à la mise en œuvre des politiques publiques. La coordination entre ces acteurs peut être difficile, rendant l'action publique plus complexe.

Les élus locaux sont ainsi confrontés à la nécessité de développer des compétences de gestion polyvalentes, d'investir dans la formation continue, de maîtriser les nouveaux canaux de communication (médias sociaux), et de collaborer étroitement avec un grand nombre de parties prenantes pour relever les défis complexes auxquels ils sont confrontés. Comme le souligne M. Christian Leclerc, maire de Champlan (91), « la charge de travail des maires, y compris des petites et moyennes communes, est similaire à celle des cadres les plus élevés au sein de leur collectivité : secrétaire de mairie, DGS, DST, DRH ». M. Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière complète : « la fonction de maire, c’est un travail de manager, de coordinateur, d’entrepreneur et de pacificateur ». L’enquête de l’AMR de Loire-Atlantique précitée révèle qu’un élu sur cinq subit une charge mentale importante qui fragilise sa santé.

b.   L’hypertrophie de la norme est génératrice de surcoûts pour les collectivités locales, bride le développement des territoires et finit par décourager les élus locaux

Comme l’ont montré les travaux récents du conseil national d’évaluation des normes (CNEN) ([117]) et ceux du Sénat ([118]), les collectivités territoriales sont particulièrement exposées au phénomène d’inflation normative et à ses conséquences pernicieuses, dans la mesure où les compétences qu’elles exercent pour déployer des politiques publiques dans les territoires relèvent d’une pluralité de branches du droit.

Un rapport d’information du Sénat ([119]) faisait le constat d’une tendance continue à l’augmentation du nombre de dispositions normatives contenues dans les codes concernant étroitement les collectivités. Ainsi, sur les vingt dernières années, le code général des collectivités territoriales a vu son volume triplé, notamment du fait de l’adaptation des règles liées à la différenciation territoriale permis par la réforme constitutionnelle de 2003 avec les nombreuses lois adoptées depuis cette date jusqu’à la loi « 3DS » du 21 février 2022. Si l’on considère les autres codes qui concernent étroitement les politiques publiques mises en œuvre par les collectivités, le constat est également sans appel : entre 2002 et 2023, le code de l’environnement est passé de 1 006 à 6 898 articles, soit une multiplication par près de sept ; sur la même période, le code de la santé publique s’est accru de 7 875 nouveaux articles (multiplication par 2,5) et le code de l’urbanisme a vu sa volumétrie augmenter de 62 %. Plusieurs décrets de codification entre 2003 et 2007 ont contribué à accentuer cette tendance que les tentatives de « lois de simplification » n’ont pas permis d’infléchir.

Évolution du nombre d’articles de cinq codes impactant particuliÈrement les collectivitÉs territoriales, au 1er janvier de chaque annÉe (2002-2023)

Source : rapporteurs, d’après les données du rapport sur les Indicateurs de suivi de l’activité normative, édition 2023 du secrétariat général du Gouvernement.

Outre son coût, évalué à 2,5 milliards d’euros par le CNEN en 2022 (contre 0,79 million d’euros en 2019) ([120]), cet enchevêtrement de normes augmente le risque de contradictions entre elles. Le « zéro artificialisation nette » est souvent cité comme un exemple d’objectif légitime de sobriété foncière pouvant cependant entrer en contradiction avec celui de satisfaire une demande de construction de maisons et de logements neufs qui demeure forte, notamment en milieu rural. Par ailleurs, de nombreuses dérogations accompagnent le plus souvent ces règles, ce qui est source d’erreurs et ne facilite pas l’application des normes par les administrations et les élus locaux.

La prolifération des normes est ressentie par les élus comme une entrave au déploiement des projets sur le terrain. Elle contribue à la complexification de l’exercice du mandat d’élu local, avec pour corollaire des enjeux plus prégnants autour de :

– la professionnalisation des élus : cette professionnalisation, qui passait autrefois par le cumul des mandats, s’exerce surtout aujourd’hui par l’intercommunalité mais concerne une minorité d’élus ;

– la formation des élus qui devient cruciale pour développer les connaissances techniques et juridiques nécessaires à l’exercice du mandat ;

– l’accompagnement des élus par l’expertise et l’ingénierie territoriale face au « maquis » des normes.

2.   Les marges de manœuvre toujours plus contraintes réduisent la capacité d’agir des décideurs publics locaux et fragilisent l’exercice de leur mandat

Les ressources des collectivités territoriales, pour l’essentiel les transferts financiers de l’État et la fiscalité locale, sont essentiellement déterminées par les lois de finances.

Depuis 1996, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales font l’objet d’un encadrement et, depuis 2014, les lois de programmation des finances publiques définissent un objectif des dépenses locales (ODEDEL) et une trajectoire pluriannuelle des concours financiers. Entre 2014 et 2017, ceux-ci ont diminué d’environ 11,2 milliards d’euros (- 19 %) selon la Cour des comptes ([121]), principalement du fait de la baisse des composantes forfaitaires de la dotation globale de fonctionnement (DGF). La DGF a été stabilisée en volume à 26,9 milliards d’euros à partir de 2018, hors mesures de périmètre, mais depuis 2021, le contexte de forte inflation (+5,2 % en 2022) conduit à un net recul de la DGF en euros courants, malgré la majoration de 320 millions d’euros (+1,2 %) intervenue en 2023 et celle prévue, à date, à hauteur de 220 millions d’euros (+0,8 %) dans le PLF pour 2024.

De nombreuses réformes ont bouleversé la fiscalité locale ces dernières années, parmi lesquelles la suppression de la taxe professionnelle remplacée par la contribution économique territoriale (CET) en 2010 et 2011 ([122]), la suppression de la DGF des régions en 2018, remplacée par une fraction de TVA, la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale en 2020, compensée aux communes par le transfert de la part départementale de la taxe foncière, la réforme des impôts de production et la suppression de la part régionale de CVAE en 2021 puis la suppression de la part de CVAE des départements et du bloc communal en 2023, remplacées par des fractions de TVA. Les assiettes fiscales et l’affectation des recettes entre collectivités bénéficiaires ont été radicalement modifiées ; de nouvelles exonérations ont érodé progressivement le panier des ressources des collectivités.

Depuis 2017, l’État a mis en place ou pérennisé un certain nombre de dispositifs de soutien à l’investissement local (majoration de la DSIL et de la DETR), notamment dans la transition écologique (« fonds vert », dotation pour la biodiversité) et des programmes de revitalisation des petites villes et de la ruralité (Action cœur de ville, Petites ville de demain, Villages d’avenir, etc.). Il a apporté un soutien temporaire mais décisif aux collectivités territoriales pendant la crise de la Covid-19 (DSIL « exceptionnelle », avances remboursables de DMTO, PSR de soutien aux communes et groupements affaiblis par des pertes de recettes fiscales ou des produits de leur domaine ([123])) puis, en sortie de crise sanitaire, face à la hausse des prix de l’énergie et des prix alimentaires (« bouclier tarifaire », « filet de sécurité » de 2022 et 2023 ([124]) dont les critères n’ont pas toujours sécurisé les communes éligibles).

Au-delà de ce soutien ciblé, l’instabilité des finances publiques locales limite la visibilité des collectivités locales sur leurs ressources. Les réformes fiscales ont été initiées sans consultation préalable des collectivités et mettent en œuvre des mécanismes de compensation complexes et générateurs d’effets de bord. Plus encore, en remplaçant la fiscalité directe par de la fiscalité transférée, elles ont eu pour conséquence de réduire considérablement l’autonomie fiscale des collectivités et de fragiliser le lien entre le citoyen et le contribuable territorial. D’autre part, certaines décisions prises par l’État, justifiées par le contexte économique et la volonté de protéger le pouvoir d’achat, telles que la revalorisation du RSA et l’augmentation de la valeur du point d’indice de la fonction publique, partiellement compensées, ont un impact significatif sur les budgets locaux.

Alors que la demande de politiques publiques (logement, précarité, petite enfance, etc.) est toujours plus forte, les élus locaux sont préoccupés par leur capacité d’agir en berne, comme ont pu le constater les rapporteurs lors des tables rondes d’élus locaux qu’ils ont organisées. M. Olivier Bertrand, adjoint au maire de Grenoble (38) souligne que « la perte du pouvoir d’agir des élus locaux nourrit le ressentiment des Français à leur égard et cette impuissance conduit au découragement de certains élus. Retrouver de la capacité à agir est un enjeu majeur ». M. Philippe Rio, maire de Grigny (91) et président de la coopérative des élus communistes, républicains et citoyens, appuie ce constat : « s’il y a un statu quo sur le pouvoir d’agir, l’exercice d’un mandat local restera compliqué. Cela a été dit au Congrès des maires, une capacité sans pouvoir ne changera rien fondamentalement. Force est de constater que la décentralisation a reculé et que nous sommes dans un mouvement de recentralisation qui ne nous permet pas d’agir auprès de nos concitoyens et fragilise l’exercice du mandat ».

3.   La conception trop large du conflit d’intérêts représente une « épée de Damoclès » au-dessus des exécutifs locaux

Le risque pénal est une importante source d’inquiétude pour les élus locaux. La judiciarisation de la vie publique et la systématisation de la recherche de la responsabilité d’autrui, spécialement celle des personnels politiques qui incarnent l’autorité publique, tendent à exposer plus fréquemment les élus à l’éventualité de poursuites devant les juridictions répressives. La participation des élus locaux à la mise en œuvre des politiques publiques implique, comme évoqué supra, l’application de règlementations et de normes techniques complexes qu’ils ne maîtrisent pas forcément, sans pouvoir toujours bénéficier de l’expertise d’une administration, notamment dans les petites communes.

À cet égard, le rapport 2022 de l’observatoire SMACL des risques de la vie territoriale et associative ([125]) relève que 1 979 élus locaux ont fait l’objet d’une poursuite pénale au cours de la période 2014-2020, soit une hausse de 50 % par rapport à la mandature précédente. Le graphique ci-dessous montre une tendance longue à la hausse avec une stabilisation depuis 2015 après un pic en 2014. La mise en cause pénale des élus locaux reste toutefois marginale puisque ce nombre ne représente que 3,4 ‰ des quelques 579 000 élus de France. Toutefois, lors du dernier Congrès des maires, l’observatoire a annoncé qu’il tablait sur une nouvelle progression d’environ 15 % des mises en cause pour la mandature 2020-2026.

Évolution du nombre d’Élus locaux poursuivis,
TOUTES INFRACTIONS pÉnales CONFONDUES (1995-2021)

Source : rapport 2022 de l’observation SMACL des risques de la vie territoriale et associative, p. 25.

Les motifs de poursuite les plus fréquents cités par l’observatoire sont les manquements au devoir de probité (37,6 % des poursuites et 49,7 % des condamnations). Les autres infractions poursuivies ne concernent pas spécifiquement les élus (diffamation, injure, discriminations, etc.).

a.   Parmi les infractions intentionnelles, les conditions de mise en œuvre des délits de prise illégale d’intérêts et de favoritisme font toujours débat

Sans rentrer dans le détail, les infractions intentionnelles engageant la responsabilité de l’élu local, fermement réprimées parce qu’elles détruisent le lien de confiance entre les élus et les citoyens, peuvent être réparties selon deux groupes :

– l’abus d’autorité dirigé contre l’administration qui regroupe les actes destinés à faire échec à l’exécution de la loi (articles 432-1 et 432-2 du code pénal) et l’abus d’autorité dirigé contre les particuliers tels que les actes attentatoires aux libertés individuelles, à l’inviolabilité du domicile, au secret des correspondances et les comportements discriminatoires (articles 432-1 et 432-2 du code pénal) ;

– les manquements au devoir de probité : il s’agit de la concussion (article 432-10 du code pénal), caractérisée par la perception ou l’exonération illicite d’une somme à titre de droits, de contributions, d’impôts ou de charges publiques ; la corruption et le trafic d’influence (article 432-11 du code pénal), qui consistent pour un élu à proposer ou accepter une récompense en échange d’un acte effectué dans le cadre de ses fonctions en abusant de celles-ci ; le faux, notamment en écriture publique (article 441-4 du code pénal) ; le détournement de fonds publics (article 432-15 du code pénal) ; la prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal) et le délit de favoritisme (article 432-14 du code pénal).

Ces deux dernières infractions, qui représentent la moitié des mises en cause pour manquement au devoir de probité, sont particulièrement sujettes à débat dans la mesure où elles peuvent aboutir à la mise en cause pénale d’élus qui n’ont pas poursuivi un intérêt personnel ni même nécessairement causé un préjudice pour leur collectivité. Elles se situent à la frontière entre l’infraction intentionnelle et l’infraction non intentionnelle.

Ainsi, comme le rappelle Me Didier Seban, avocat à la Cour, la prise illégale d’intérêts est constituée même en l’absence d’intérêt financier : même le changement de définition opéré en 2021 ([126]) a été jugé sans conséquence par la Cour de cassation dans un récent arrêt du 5 avril 2023 ([127]).

La décision de la Cour de cassation paraît, somme toute, logique puisque la nouvelle rédaction de l’article 432‑12 du code pénal ne fait que reprendre sa propre interprétation de la rédaction antérieure qui faisait référence à un « intérêt quelconque ». Les élus ne sont donc pas davantage sécurisés.

La France apparaît ainsi comme le seul pays européen à étendre le conflit d’intérêts aux relations entre deux intérêts publics. En effet, la définition du conflit d’intérêts résulte de la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique ([128]) et consiste en « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ». Cette définition est toujours en vigueur. Me Seban cite l’exemple du président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui fait voter une subvention pour l’office public de l’habitat (OPH) qu’il dirige en tant que maire et commet ainsi une prise illégale d’intérêt.

On relèvera qu’en 2009 le sénateur Bernard Saugey avait porté une proposition de loi, adoptée par le Sénat mais jamais inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ([129]), visant à limiter la prise illégale d’intérêt au seul « intérêt personnel, distinct de l’intérêt général ». Cette séquence avortée montre combien le législateur redoute la réaction de l’opinion publique s’agissant d’une réforme de la responsabilité pénale des élus.

En matière de marchés publics, le délit de favoritisme est constitué lorsqu’un acte signé par un élu contrevient aux règles garantissant l’égal accès à la commande publique et l’égalité des candidats. Or, lorsque le titulaire d’un marché fait valoir un surcoût significatif de ses prestations, la signature d’un avenant sans relancer une nouvelle procédure d’appel d’offres peut être considérée par le juge comme du favoritisme, quand bien même ce choix est fait dans l’intérêt de la collectivité.

b.   La définition du conflit d’intérêts n’est pas suffisamment précise

La question de la prévention du conflit d’intérêts se trouve au cœur du débat sur la prise illégale d’intérêt et le favoritisme.

La loi « 3DS » du 21 février 2022 a organisé un régime juridique particulier, codifié à l’article L. 1111-6 du CGCT, protégeant l’élu local du risque de poursuite pour prise illégale d’intérêt lorsqu’il est désigné pour participer aux organes décisionnels d’un autre organisme de droit public (CCAS, EPL, etc.), ou de droit privé « en application de la loi », c’est-à-dire lorsque la loi prévoit expressément la représentation de sa collectivité.

Cette disposition exclut, de fait, la représentation au sein d’associations ou d’organismes à but non lucratif non prévus par la loi. Là encore, les élus se retrouvent insuffisamment sécurisés.

Pour M. Etienne Chaufour, maire honoraire de Juvisy et directeur chez France Urbaine, « la notion même de conflit d’intérêts est encore trop large et mérite, a minima, une clarification. » Mme Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, partage cet avis : « les élus locaux se voient contraints de se déporter dans de trop nombreuses situations qui ne sont en réalité que le prolongement de l’exercice de leur mandat ».

Me Seban souligne que la jurisprudence va très loin dans le durcissement des règles constitutives du conflit d’intérêts : dans un autre arrêt récent ([130]), la Cour de cassation interdit, sous peine de détournement de fonds publics, à un maire poursuivi pour prise illégale d’intérêts de solliciter la protection fonctionnelle de sa collectivité, car cette infraction est une « faute détachable de l’exercice des fonctions » au sens de l’article L. 2123‑34 du CGCT. Le juge judiciaire semble plus sévère que le juge administratif, juge de droit commun de l’action publique.

Le chantier juridique autour du conflit d’intérêts demeure donc ouvert.

c.   La loi « Fauchon » a permis de circonscrire les conséquences pénales des infractions non intentionnelles

Les infractions non intentionnelles recouvrent les délits dans lesquels l’élément matériel a bien été consommé mais l’auteur des faits n’avait pas l’intention de commettre les faits. La responsabilité des élus est alors engagée sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal. Ce délit non intentionnel a été créé par la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence, puis modifié par la loi « Fauchon » du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

Sans établir un régime spécifique pour les élus, non souhaitable, le législateur a entendu mieux encadrer la mise en cause pénale des décideurs locaux en cas d’infractions non intentionnelles commises dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, en cas de causalité directe entre la faute et le préjudice, une faute simple suffit à caractériser l’infraction ; cependant, en application des articles 121-3 du code pénal, et L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du CGCT, la personne poursuivie ne peut pas être condamnée si elle a accompli « les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie ». En cas de causalité indirecte, l’infraction n’est poursuivie qu’en cas de faute caractérisée (violation délibérée à une obligation de prudence ou de sécurité, imprudence ou négligence exposant autrui à un risque d’une particulière gravité).

Selon les travaux de l’observatoire de la SMACL précités, les infractions non intentionnelles faisant l’objet de poursuites sont marginales (56 sur la période 2014-2020, soit 3 % des poursuites pénales), ce qui montre que l’objectif d’allègement de la responsabilité des décideurs publics locaux par la loi « Fauchon » a été atteint.

d.   Face au risque de conflit d’intérêts, l’essor d’une culture de la transparence

La loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique précitée ([131]) assujettit environ 2 500 élus locaux à des obligations déclaratives de situation patrimoniale et d’intérêts à l’égard de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) :

– les présidents des conseils régionaux, départementaux, les maires et présidents d’EPCI à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants ou dont le montant des recettes totales de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d'euros ;

– les conseillers régionaux, départementaux, les adjoints aux maires des communes et les vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants titulaires d'une délégation de fonction ou de signature.

Un formalisme notable entoure le contenu et les délais de dépôt de ces déclarations, qui doivent être déposées en début et en fin de mandat, ou en cas de modification substantielle de situation. Les sanctions pénales en cas de non-respect de la législation peuvent être lourdes et complétées d’une peine d’inéligibilité de 10 ans ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique.

L’intensité de la transparence demandée aux élus locaux relève, pour le législateur, d’un équilibre subtil entre l’objectif de prévention des conflits d’intérêts et la préservation de la vie privée. Outre cet outil déclaratif, la charte de l’élu local et celle, très récente, du référent déontologue (voir infra) complètent le cadre déontologique dans lequel s’inscrit désormais l’exercice du mandat électif local.

La loi du 31 mars 2015 introduit en son article 2 une « charte de l’élu local » qui, bien que sans valeur contraignante, officialise les « valeurs » auxquelles les élus sont censés se conformer. On y trouve des principes généraux tels que « l’impartialité, la diligence, la dignité, la probité et l’intégrité », mais aussi une référence à la prévention et à la cessation des « conflits d’intérêts » telle qu’appréhendés par les lois en vigueur ([132]).

La charte de l’élu local

1. L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité.

2. Dans l’exercice de son mandat, l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier.

3. L’élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l’organe délibérant dont il est membre, l’élu local s’engage à les faire connaître avant le débat et vote.

4. L’élu local s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat ou de ses fonctions à d’autres fins.

5. Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu local s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions.

6. L’élu local participe avec assiduité aux réunions de l’organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné.

7. Issu du suffrage universel, l’élu local est et reste responsable de ses actes pour la durée de son mandat devant l’ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, à qui il rend compte des actes et décisions pris dans le cadre de ses fonctions.

Pour Mme Aurore Granero, maîtresse de conférence en droit public à l'université de Bourgogne-Franche-Comté et membre de l’Observatoire de l’éthique publique, « la déontologie est souvent perçue comme une contrainte. C’est pourtant une opportunité permettant d’offrir un environnement sain aux élus locaux. Quant à la transparence, elle est nécessaire dès lors que l’argent public est en cause. » Un propos que nuance Me Didier Seban pour qui « la multiplication des contraintes pesant sur les élus locaux en matière de déontologie peut être un facteur de découragement. »

Le référent déontologue créé par la loi 3DS

L’article 218 de la loi du 21 février 2022 dite loi « 3DS » complète l’article L. 1111-1-1 du CGCT en prévoyant la possibilité pour tout élu local de consulter un référent déontologue qui pourra lui apporter des conseils s’agissant du respect des principes déontologiques consacrés par la charte de l’élu local. Cette disposition vise à assurer une meilleure effectivité des principes énumérés par la charte de l’élu local, alors que la loi du 20 avril 2016 et son décret d’application ([133]) avaient déjà instauré le dispositif du référent déontologue pour les agents de la fonction publique territoriale, ce référent étant désigné par l’autorité territoriale ou par le président du centre départemental de gestion (CDG) lorsque la collectivité ou l’établissement public est affilié à un centre de gestion.

Le référent déontologue se voit confier l’accompagnement des élus qui le sollicitent afin de prémunir ceux-ci contre les risques juridiques, notamment de poursuites pénales, auxquels ils peuvent être exposés, par exemple en cas de situation de conflits d’intérêt ou de sollicitation par des représentants d’intérêt.

Le décret d’application, complété par un arrêté ([134]), sont venus préciser que les missions de référent déontologue pouvaient être exercées par une ou plusieurs personnes physiques ou par un collège, éventuellement communs à plusieurs collectivités, et extérieurs à celles-ci, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité. Il apparaît dès lors que ces missions ne peuvent être exercées par les CDG.

La DGCL a fait paraître un Guide relatif à la désignation du référent déontologue de l’élu local en juillet 2023.

B.   L’intensification des atteintes aux élus risque de provoquer à terme un épuisement de la démocratie locale

Au printemps 2023, les médias se sont fait l’écho de la recrudescence des incivilités et des agressions dont sont victimes des élus et, parfois, leurs proches ou des membres de leur famille, témoignant de l’insécurité à laquelle ils sont confrontés dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions. À cet égard, l’agression du maire de Saint-Brévin, M. Yannick Morez, le 22 mars 2023, victime d’un incendie criminel à son domicile, celle du maire de l’Hay-les-Roses, M. Vincent Jeanbrun, et de sa famille, dans des conditions similaires quelques semaines plus tard, sont apparues comme les « agressions de trop » pour les associations d’élus locaux et les élus eux-mêmes, car si ces actes ne sont pas nouveaux, ils sont devenus trop fréquents.

La prise en compte de ce phénomène par les acteurs judiciaires et les administrations de l’État, est récente. Pourtant, il apparaît comme l’un des facteurs explicatifs du désengagement dans la vie publique locale et de l’augmentation du nombre démissions d’élus.

1.   La montée des violences physiques et psychologiques à l’encontre des élus est au cœur de l’attention des pouvoirs publics mais reste encore difficile à appréhender

Selon le ministère de l’intérieur ([135]), en 2022, 2 265 faits d’atteintes aux élus ont été recensés sur le territoire national, soit une augmentation de 32 % par rapport à l’année précédente. Sur les neuf premiers mois de 2023, 2 387 faits ont d’ores et déjà été recensés, conduisant à une estimation d’une augmentation de ces faits de 15 % pour l’année entière. Parmi ces élus, ce sont, dans 8 cas sur 10, des maires, adjoints et conseillers municipaux qui sont victimes d’agressions ou de violences (et même dans 6 cas sur 10, des maires qui sont les élus les plus vulnérables). Ce sont là toutes les statistiques. De ce point de vue, comme l’ont confirmé les auditions de Départements de France et de Régions de France, les conseillers régionaux et départementaux sont significativement moins exposés que les élus du bloc communal.

Les éléments chiffrés concernant la nature des infractions commises à l’encontre des élus font défaut, du fait de l’éparpillement et de la faiblesse des statistiques sur le sujet. On sait toutefois que la grande majorité des atteintes aux élus sont constituées par des menaces (26 %) et outrages (41 %), les violences physiques demeurant marginales (moins de 5 %).

a.   La qualité d’élu des victimes n’apparaît dans les statistiques que pour certaines infractions la visant spécifiquement

La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a précisé aux rapporteurs qu’elle n’a pas la possibilité d’isoler, dans les statistiques, la qualité d’élu, celle-ci étant intégrée, selon les infractions, dans les « autres circonstances aggravantes ». Le code pénal s’appuie sur des qualifications plus larges : celles de « dépositaire de l’autorité publique », de « personne chargée d’une mission de service public » ou encore de « personne chargée d’un mandat public électif ». Le cabinet du procureur de la République près la Cour d’appel de Dijon confirme que « les outils à disposition du procureur ne permettent pas de déterminer le nombre des atteintes aux élus et à leur entourage, les NATINF ([136]) retenues étant communes à toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ». Le cabinet du procureur de la République de Créteil ajoute que la NATINF ne permet pas de discriminer les élus victimes par strate de collectivités.

Néanmoins, la DACG a adressé le 6 mai 2021 une dépêche aux parquets généraux pour leur demander de porter à sa connaissance des analyses sur les infractions de violences ou de menaces avec armes commises à l’encontre d’élus locaux. Pour 2023, cette remontée d’information a permis d’identifier 85 faits de violence, outrages ou menaces commis contre des élus. 80 faits ont été recensés par cette voie en 2022 et 92 en 2021. Parmi ces atteintes, 40 % des faits ont été commis au préjudice de maires en 2023, 26 % en 2022, 53 % en 2021. Ces chiffres, pour faibles qu’ils soient, sont loin de rendre compte de l’ampleur des violences aux élus, insuffisamment documentées faute de disposer d’un dispositif d’information fiable.

Le droit positif permet cependant d’appréhender le statut particulier des élus pour certaines infractions qui visent spécifiquement la qualité de personnes investies d’un mandat électif. Ainsi, l’article 433-3 du code pénal réprime les menaces de commettre un crime ou un délit à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public du fait de ses fonctions. De nombreuses infractions sont aggravées par la qualité de personne chargée d’une mission de service public ou la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique, telles que l’outrage ou la rébellion. En revanche, en matière de harcèlement, le droit positif ne fait pas de distinction selon que la victime est titulaire d’un mandat électif public ou non.

b.   Les atteintes aux élus ont de multiples explications et prennent des formes variées qui demeurent insuffisamment étudiées

Selon M. Vincent Doebelin, enseignant en droit public à l’université de Haute-Alsace, la montée de la violence faite aux élus est multifactorielle.

Parmi les facteurs pouvant expliquer ce mouvement figure la polarisation politique croissante et la défiance envers les institutions de certains individus, qui peut s’exprimer de manière violente contre les élus porteurs de telle ou telle étiquette politique. Les comportements intolérants peuvent se traduire par des comportements agressifs envers les élus locaux, en particulier s'ils sont perçus comme représentant des groupes ou des idées minoritaires.

Les médias traditionnels et les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle important dans la façon dont les élus locaux sont perçus. Les informations biaisées ou les campagnes de désinformation peuvent contribuer à la stigmatisation des élus, les exposant ainsi à des risques accrus.

Enfin, et cela a été dit plus haut l’insatisfaction de certains citoyens à l’égard des services publics locaux ou des décisions prises par les élus peut se traduire par des réactions négatives voire agressives envers les décideurs locaux. Cette insatisfaction peut se mesurer à l’aune du degré d’exigence plus élevé des citoyens qui attendent des résultats rapides et pour lesquels toute non-réponse ou réponse insatisfaisante est source de frustrations.

La table ronde réunissant des maires sur les questions de sécurité ou celle réunissant des maires démissionnaires, organisées les 21 septembre et 12 décembre 2023, ont montré que certains sujets locaux sensibles peuvent être générateurs de violence de la part d’habitants qui n’acceptent pas les décisions prises par les organes délibérants des assemblées locales. Mme Anne-Françoise Piedallu, maire de Plougrescant, a vu les câbles de frein de son véhicule sectionnés : « tout est parti des démarches engagées par sa commune pour accueillir un nouveau médecin. »

Mme Véronique Ittah, maire d’Annay (58), et son prédécesseur démissionnaire, ont été menacés pour avoir autorisé l’implantation d’une éolienne sur le territoire de la commune. M. Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière, dont le véhicule a lui aussi été saboté alors qu’il emmenait ses enfants à l’école, souligne qu’il a déjà été pris à partie par des squatteurs et même, par un père de famille en stationnement gênant qui l’a bousculé mais n’a été condamné qu’à un stage de citoyenneté d’une journée. Le cabinet médical du maire de Saint-Pierre-des-Corps (37), M. Emmanuel François, a été incendié trois fois ; lors des émeutes de l’été 2023, c’est son véhicule qui a été brûlé.

Pour M. Etienne Chaufour, représentant France Urbaine, « les phénomènes de violence contre les élus ne sont pas nouveaux, mais nous ne disposons aujourd’hui d’aucune donnée chiffrée autres que celles du ministère de l’intérieur pour 2021 et 2022 permettant d’objectiver une quelconque évolution sur le long terme ». Mme Murielle Fabre souligne que « l’AMF a mis en place en 2020 un observatoire des agressions envers les élus mais [celui-ci] ne dispose pas de suffisamment de recul pour pouvoir établir des statistiques complètes. » La DGCL relève que « l’augmentation des atteintes aux élus est en partie liée à une forme de « libération de la parole », dans la mesure où consigne est donnée aux maires de ne plus banaliser aucune atteinte quelle qu’elle soit, et de déposer plainte systématiquement dès qu’ils sont victimes d’une atteinte. »

L’observatoire des agressions envers les élu(e)s de l’AMF

Créé le 5 octobre 2020 par l’AMF, à la suite de la publication de la circulaire du ministre de la Justice du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, l’observatoire des agressions envers les élu(e)s assure un suivi du phénomène de la violence contre les élus locaux et de la mise en œuvre des dispositions pénales la réprimant.

Sa mission principale est l’accompagnement des élus (écoute, conseil, suivi) via les 103 associations départementales de maires. L’observatoire a signé un partenariat avec la fédération France Victimes ([137]) afin d’offrir une assistance juridique et un accompagnement psychologique aux élus victimes. Des formations à la prévention des agressions et incivilités par les forces de police et de gendarmerie nationales sont proposées aux élus.

Depuis la modification de l’article 2-19 du code de procédure pénale suite à l’adoption de la loi du 24 janvier 2023 ([138]), l’AMF peut se constituer partie civile. L’observatoire joue un rôle de remontée des données locales vers l’AMF. À cet effet, un questionnaire, qui a fait l’objet d’une refonte en juin 2023, permet aux élus et à leur famille victimes d’agression d’apporter leur témoignage. Les données recueillies feront l’objet d’un traitement statistique.

En complément de son observatoire, l’AMF a mis en ligne une page d’accueil (https://www.amf.asso.fr/m/dossiers/agressions.php) avec trois espaces accessibles aux élus leur permettant de bénéficier d’informations précises en matière de prévention, de réaction en cas d’agression et de possibilités de se faire accompagner après une agression.

c.   Le harcèlement en ligne des élus : un fléau en forte progression qui ne fait pas l’objet d’une réponse pénale spécifique

Lors de son audition, M. Vincent Doebelin a rappelé que « les réseaux sociaux, relayés par les médias traditionnels, donnent davantage de visibilité aux phénomènes violents ». De fait, les réseaux sociaux et plateformes d’échanges en ligne sont vecteurs d’expression directe et d’accès à l’information, mais aussi le lieu d’abus et de malveillance de la part d’individus ou de groupes d’individus.

De nombreux maires présents lors de la table ronde du 21 septembre 2023 ont subi ou subissent encore une situation de cyberharcèlement et ont témoigné de la détresse et le sentiment d’impuissance que peut ressentir un élu face à ces comportements répétés qui ont des répercussions sur leur vie, leur santé physique et psychique et celles des membres de leur famille.

M. Eric Arnoux, maire de Blangy-sur-Bresle (76), a confié aux rapporteurs que « depuis quatre ans, un compte Facebook publie sur [son équipe et lui-même]. Ce sont deux à trois messages par semaine et quatre dépôts de plainte ». Il a précisé qu’il ne s’était décidé à porter plainte que lorsque l’auteur du harcèlement a commencé à harceler les agents de la commune. M. Stéphane Blanchet, maire de Sevran (93), vit une situation similaire, son équipe et lui-même subissant une campagne de harcèlement par courriels anonymes et via un compte anonyme Facebook. En revanche, il a « toujours déposé plainte et cette tactique s’est avérée payante, le dépôt systématique ayant joué un rôle dans la décrue des violences » même si les plaintes sont trop souvent classées sans suite en raison de la difficulté à identifier le ou les auteurs du harcèlement.

Pour M. Eric Arnoux, « il serait préférable de donner aux maires des outils d’accès à la justice plus rapides et plus simples. J’ai le sentiment que le patron et le représentant syndical sont bien mieux protégés que le maire ».

Le harcèlement en ligne est réprimé sur le fondement de l’article 222‑33‑2‑2 du code pénal qui concerne le harcèlement moral d’une manière générale, défini comme « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». La DACG précise que les peines applicables sont les mêmes quel que soit le statut de la victime, le « cyberharcèlement » étant une circonstance aggravante du harcèlement. Le code pénal ne prévoit donc pas d’alourdissement de la peine contre l’auteur de harcèlement en ligne d’une personne titulaire d’un mandat électif.

Les rapporteurs rappellent que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 18 octobre dernier le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (« SREN ») dont plusieurs dispositions doivent permettre d’améliorer la réponse pénale à l’encontre des contenus illégaux en ligne, notamment la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de plateforme en ligne (« bannissement ») et la création d’un délit d’outrage en ligne pouvant faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle.

Interrogée par les rapporteurs sur « la capacité du système judiciaire a endiguer le phénomène en identifiant et en sanctionnant les auteurs de harcèlement », la DACG souligne que « les moyens d’enquêtes dépendent des effectifs affectés à ces missions, mais surtout de la levée de certains blocage d’accès aux données d’applications et de réseaux cryptés de type Telegram qui ne collaborent que très peu et pour des cas extrêmement graves avec les forces de police et la justice, contrairement à d’autres plateformes comme Facebook ou Youtube qui réagissent aux signalements de la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) ([139]). Ces obstacles sont particulièrement pénalisants pour les services d’enquêtes ».

Pour Me Didier Seban, les attaques que subissent les élus locaux sur les réseaux sociaux demeurent un « combat perdu d’avance » du fait de la longueur des procédures et de la difficulté à obtenir le retrait des contenus illicites. Une majorité d’élus locaux interrogés par les rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire d’améliorer le processus de prise en charge du cyberharcèlement et de renforcer la pénalisation de ces comportements lorsqu’ils sont commis envers des titulaires d’un mandat électif.

2.   L’augmentation des démissions d’élus locaux : une réalité difficile à quantifier aux facteurs explicatifs multiples

Le « blues » des maires n’est pas un phénomène complètement nouveau ([140]). Il prend cependant désormais de l’importance. Selon un communiqué du ministère de l’intérieur du 5 avril 2023, à mi-mandat, 1 293 maires ont présenté leur démission depuis le 28 juin 2020, soit 3,7 % des maires et près de 450 démissions chaque année depuis 2020.

a.   Malgré l’absence de données officielles, les études montrent une forte progression des démissions

Au cours de la mandature précédente, 2 925 démissions ont été comptabilisées. Cette apparente stabilité d’une mandature sur l’autre cache en réalité une tendance de fond en progression significative. En effet, le nombre de démissions a été gonflé sur la mandature 2014-2020 par l’application, à partir de 2017, de la loi organique du 14 février 2014 sur le non-cumul des mandats qui a entraîné des départs « contraints » en cours de mandat. Si l’on prend la mandature 2008-2014, on a compté 717 démissions de maires. La trajectoire est donc celle d’un triplement des démissions de maires en vingt ans.

Il n’y a pas de données officielles en matière de démissions des maires et, plus généralement, des élus locaux. Cela paraît regrettable et il pourrait être opportun de fiabiliser la connaissance au niveau national des éléments statistiques sur ce sujet. La DGCL a cependant souligné que les démissions étaient fortement corrélées au cycle électoral, avec moins de démissions en début et en fin de mandature et plus de démissions en milieu de mandat.

Les travaux réalisés par M. Martial Foucault pour la dernière enquête annuelle AMF-CEVIPOF ([141]) confirment la progression, année après année, du nombre de démissions, non seulement des maires mais aussi des conseillers municipaux. Selon une enquête réalisée par l’AMF auprès de ses associations départementales en mai 2023, près de 12 700 élus municipaux (sur 512 000) auraient démissionné depuis 2020.

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Source : Martial Foucault, 5ème enquête AMF-CEVIPOF, novembre 2023.

Lecture : nombre de démissions de maires par an : en rouge, tendance annuelle depuis 2020 jusqu’à 2022.

L’augmentation des démissions est inquiétante et révélatrice d’une « fatigue républicaine », manifestation des difficultés croissantes d’exercice du mandat local évoquées ci-avant et d’une crise naissante de l’engagement politique bénévole. Pour M. Philippe Rio, maire de Grigny, « il faut stopper l’hémorragie et le désengagement des maires avant l’échéance de 2026 », un sentiment largement partagé par les autres élus interrogés par les rapporteurs.

b.   Les raisons de ces démissions sont cependant plurielles et peuvent aussi être liées aux situations personnelles ou à des désaccords politiques

Il n’en demeure pas moins que les motivations des démissions ne sont pas toutes liées aux difficultés intrinsèques d’exercice du mandat, telles que la perte du pouvoir d’agir, la pression exercée par la satisfaction des citoyens, les violences, etc. mais peuvent renvoyer à la situation personnelle de l’élu (travail, vie familiale, santé).

Ainsi, l’enquête précitée de l’AMF et du CEVIPOF a demandé aux élus les raisons qui pourraient les pousser à démissionner. Ils ont classé en tête les exigences trop fortes des citoyens (14 %) et la complexité des relations avec les services de l’État (12 %). La conciliation du mandat avec la vie personnelle (12 %) et avec la vie professionnelle (10 %) suivent, ainsi que les raisons de santé (6 %).

Il peut arriver que la démission d’un maire s’explique par des désaccords politiques persistants avec des membres de sa municipalité. Ainsi, M. Frédéric Besème, ancien maire de Chiroubles (69), qui a démissionné en octobre 2023, a expliqué sa décision aux rapporteurs par l’existence d’un différend avec cinq membres de son équipe à propos de l’opportunité d’un projet coûteux de nouvelle cantine et de garderie.

Source : Martial Foucault, 5ème enquête AMF-CEVIPOF, novembre 2023.

C.   Les mesures gouvernementales de lutte contre les violences apparaissent encore insuffisantes

Le 17 mai 2023, soit peu de temps après l’agression violente du maire de Saint-Brevin-les-Pins (44), M. Yannick Morez ([142]), la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Mme Dominique Faure, a annoncé un ensemble de mesures destinées à lutter contre les violences faites aux élus, notamment la mise en place d’un service d’analyse et de coordination au plan national. Les travaux menés par la mission d’information ont permis de constater que les efforts sont encore loin de répondre aux attentes de l’ensemble des élus locaux.

1.   Le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAÉ) : un dispositif ambitieux encore doté de peu de moyens

a.   Le « pack sécurité » et le CALAÉ : des mesures dont la mise en œuvre est trop dépendante des capacités de l’État déconcentré

Face à l’accroissement des violences faites à l’encontre des élus, le Gouvernement a présenté le 7 juillet 2023 un plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus. Ce plan, articulé autour de douze mesures réparties en quatre axes, apparaît principalement comme la formalisation du « pack sécurité » présenté le 17 mai dernier.

Le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus et le « pack sécurité »

Les quatre axes du plan national (« mieux accompagner les élus », « mieux protéger les élus », « mieux sanctionner les agresseurs », « mieux communiquer entre la justice et les élus ») visent à intégrer dans un large ensemble les mesures du « pack sécurité », qui avaient été annoncées auparavant :

1/ Création d’un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats comme point de contact privilégié des élus afin qu’ils osent parler des menaces ou des violences dont ils font l’objet, que leur situation soit connue et que le Gouvernement puisse agir ;

2/ Renforcement du dispositif « Alarme élu » qui permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie pour être secourus rapidement en cas d’appel au 17 et de bénéficier d’une vigilance renforcée de la part des forces de l’ordre ;

3/ Rappel aux préfets du principe « Une menace = Une évaluation », pour que les forces de sécurité intérieure évaluent finement la menace et que les préfets puissent décider de mesures éventuelles de protection ;

4/ Amplification de la démarche « d’aller-vers » des forces de l’ordre pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand ils le souhaitent et où ils le souhaitent ;

5/ Développement de nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et désescalade de la violence, dispensées par le Groupement d’intervention de la gendarmerie national (GIGN) et les unités de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion (RAID) à l’attention des élus ;

6 / Mobiliser la plate-forme PHAROS pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne.

D’autres mesures du plan ne sont que la continuation de dispositifs engagés antérieurement, tels que la signature de protocoles de coopération entre les procureurs et les associations d’élus, mesure qui figure dans le rapport publié en mars 2022 sur le renforcement des relations entre les magistrats du ministère public et les maires ([143]).

L’ensemble est doté d’un budget de 5 millions d’euros.

La mise en place du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAÉ), annoncée dès le 17 mai dernier, apparaît comme la « mesure phare » du dispositif. Sa cheffe, Mme Hélène Debiève, a confirmé lors de son audition par la mission d’information ([144]) que le CALAÉ avait vocation à coordonner la mise en œuvre de l’ensemble du plan national.

Ce service, qui est rattaché administrativement au cabinet de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), a été installé en septembre dernier. Ses effectifs se composent pour l’instant de deux personnes : Mme Debiève et un capitaine de gendarmerie spécialisé dans le traitement des données.

Le CALAÉ : une cellule de coordination interministérielle

Le CALAÉ, qui est rattaché administrativement au cabinet de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), a été installé en septembre dernier. Ses effectifs se composent pour l’instant de deux personnes : Mme Hélène Debiève, sous-préfète, et un capitaine de gendarmerie spécialisé dans le traitement des données.

L’activité du CALAE repose sur un travail interministériel. Il anime le comité de pilotage du plan national composé des administrations suivantes : la direction générale de la police nationale (DGPN), la DGGN, la Préfecture de police de Paris (PP) ; Le centre de veille du ministère de l’intérieur, qui joue un rôle important dans la collecte de données ; la direction générale des collectivités locales (DGCL) ; la direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES), service chargé de l’animation du réseau de l’administration territoriale de l’État ; Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), qui est l’instance statistique du ministère de l’intérieur ; le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ; la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), nouvelle direction en charge des partenariats ([145]) ; la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) ; l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Des intervenants extérieurs, notamment l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF) qui dispose d’un observatoire des violences commises contre les élus locaux, sont également habilités à participer au comité de pilotage.

Les missions du CALAÉ peuvent être regroupées en trois volets :

1/ Analyse : le service est chargé de collecter et de consolider des données issues de sources diverses afin d’améliorer la connaissance des atteintes aux élus. Il s’appuie à cette fin sur le centre de veille du ministère de l’intérieur, qui centralise les données collectées par la DGGN, la DGPN, la PP et aussi les préfectures ;

2/ Action : le CALAÉ est chargé de coordonner la réponse opérationnelle au niveau local, celle-ci consistant à effectuer des audits de sécurité et à soutenir, au besoin financièrement, la mise en place de dispositifs de sécurisation (vidéoprotection, par exemple) ;

3/ Accompagnement : le service s’efforce d’accompagner les élus agressés par un suivi de la mise en œuvre des procédures judiciaires. Sur ce dernier point, Mme Debiève a signalé que le CALAÉ était en train de mettre en place en liaison avec l’association France victimes ([146]) un dispositif départemental de soutien psychologique pour l’élu et sa famille.

Il est apparu très vite aux yeux de la mission d’information que les moyens d’action mis à disposition du Centre d’analyse étaient limités.

 

En effet, le CALAÉ est avant tout un service de coordination et non d’action. Comme l’a précisé Mme Debiève lors de son audition, le service « encadre » mais « n’intervient jamais directement ». Toutes les mesures du « pack sécurité » restent « à la main » des services déconcentrés de l’État ([147]).

Ainsi, la circulaire interministérielle du 3 juillet 2023 ([148]) qui demande aux préfets et aux procureurs d’organiser, au plus tard à la fin du mois de septembre 2023, des réunions de présentation du « pack sécurité » aux élus locaux de leur ressort semble avoir donné lieu à des résultats contrastés selon les territoires. L’un des maires auditionnés par la mission d’information le 21 septembre dernier, M. Emmanuel François, n’avait manifestement aucune connaissance de son « référent élu » à ce moment-là ([149]).

Plus tard, lors de l’audition de la cheffe du CALAÉ en novembre dernier, il est apparu que toutes les réunions étaient encore loin d’avoir été organisées sur l’ensemble du territoire national. Dans une contribution écrite adressée le 20 novembre dernier, le procureur de la République de Dijon confirme l’étendue des retards accumulés dans son département : selon lui, le CALAÉ est « inconnu du parquet de Dijon et le pack peine à se déployer en Côte-d’Or ». Il précise, par ailleurs, que les réunions conjointes avec l’autorité préfectorale préconisées par la circulaire du 3 juillet 2023 n’avaient pas encore, à l’époque, été organisées.

Ces ralentissements sont d’autant plus regrettables que l’efficacité du « pack » dépend étroitement de la maîtrise du dispositif par les intéressés.

b.   Une large part des élus locaux en dehors du dispositif

En outre, il ressort des auditions de la mission d’information que le « pack sécurité » a été avant tout mis en œuvre à destination des exécutifs locaux, et notamment des maires.

La confusion opérée entre les « élus » et le « maire » dans la circulaire interministérielle du 3 juillet 2023

La circulaire du 3 juillet 2023 relative à la prévention et lutte contre les menaces et violences faites aux élus évoque de manière alternative les « maires » et les « élus » comme s’il s’agissait du même public. Les mesures les plus concrètes, telles que l’organisation des réunions de présentation du « pack sécurité », s’adressent en priorité aux « maires ».

 

Selon les propres données collectées par le CALAÉ, si 60 % des victimes d’agressions sont des maires, les 40 % restants se répartissent au sein des autres strates de collectivités et des conseillers municipaux ([150]). En s’adressant prioritairement aux maires, les services de l’État ratent une partie de leur cible.

On peut regretter, par ailleurs, que le « pack sécurité » ne prenne pas en considération la spécificité des violences que subissent les élues locales. Au cours de leur audition conjointe ([151]), Mme Reine Lépinay, membre du Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) et Mme Julie Mouzon, présidente de l’association « Élues locales », ont rappelé que les femmes élues pouvaient être confrontées à des violences sexistes à l’intérieur même de la collectivité. Les agresseurs, dès lors, sont également des personnes élues.

Selon les résultats de l’enquête menée par l’association « Élues locales » en 2021 auprès d’un panel d’un millier de représentantes politiques, 74 % des femmes interrogées auraient vécu des violences sexistes ou sexuelles dans le cadre de leur mandat et, pour 80 % d’entre elles, il s’agissait de violences venues de collègues élus ([152]). Lors de son audition, Mme Mouzon a insisté sur la nécessité de mettre en place un dispositif particulier de traitement de ces atteintes aux élues, car, selon elles, ces violences se passent souvent « dans le huis clos » du conseil municipal. « Les élues ne portent pas toujours plainte et choisissent de démissionner alors que le harceleur reste en poste » ([153]).

En s’adressant prioritairement aux exécutifs locaux, les autorités chargées de la mise en œuvre du « pack sécurité » sous-entendent que les agressions seraient avant tout extérieures aux assemblées délibérantes. En ce sens, c’est une part significative des victimes de violences qui reste en dehors du dispositif.

c.   La maîtrise encore incomplète par le CALAÉ de son propre volet statistique

S’agissant de l’analyse des données, qui constitue le « cœur de métier » du CALAÉ, la mission d’information constate que le service, pour l’instant, ne fait que « compiler » des données qu’il ne produit pas lui-même. Il est destinataire des remontées effectuées chaque semaine par le centre de veille du ministère de l’intérieur et, le cas échéant, par les services déconcentrés. Une fois les données reçues, le CALAÉ réalise un travail d’enrichissement de la donnée en mettant en perspective certains éléments tels que les profils d’élus, la localisation géographique de l’agression, le type d’atteinte, etc.

Ce travail s’avère d’autant plus utile que, selon les éléments transmis par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), les moyens de suivi au sein du seul ministère de la justice ne permettent pas d’isoler, parmi les victimes de violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, celles qui sont titulaires d’un mandat électif. Alors que la DACG ne recense, à son niveau, que 85 faits de violences, outrages ou menaces commis au préjudice d’élus en 2022, le CALAÉ aboutit, après consolidation auprès des services du ministre de l’intérieur, à un total de 2 265 atteintes pour cette même année ([154]).

Le suivi statistique reste toutefois encore imparfait. Lors de son audition précitée par la mission d’information, la cheffe du CALAÉ a indiqué ne pas disposer de précisions quant à la part que représente le cyberharcèlement dans le total des atteintes aux élus et souligne que ses services ne sont pas en mesure de distinguer les cas où l’entourage familial aurait subi des atteintes similaires.

Par ailleurs, aucune liaison entre les bases de données des différents services n’est envisagée. La demande de l’AMF portant sur la mise en place d’une plateforme unique d’enregistrement et de suivi des plaintes déposées par les élus n’est, pour l’instant, pas satisfaite. À ce stade, le CALAÉ précise que la priorité est actuellement donnée au renforcement de la coordination entre les élus locaux et le ministère de la justice, en particulier par la voie du conventionnement (cf. supra).

2.   Une réponse pénale en progression mais encore trop peu dissuasive

En dépit de son rôle de coordination dans la mise en œuvre du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, le CALAÉ n’a pas vocation à intervenir directement dans le traitement des procédures judiciaires. Si les services du ministère de la justice ont pris la mesure des agressions commises contre les élus locaux, la réponse pénale reste encore à un niveau que l’on peut considérer comme insuffisamment dissuasif.

a.   La mobilisation indéniable des services judiciaires

Lors de son entretien avec les membres de la mission d’information ([155]), le maire de L’Haÿ-les-Roses, M. Vincent Jeanbrun a souligné que l’effectivité des procédures judiciaires était, à ses yeux, plus importante que le simple durcissement des sanctions pénales applicables. Sur ce point, il ressort de l’audition de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) ([156]) que la question des atteintes aux élus a été prise en compte par le ministère de la justice depuis plusieurs années.

Mme Cécile Gressier, sous-directrice de la justice pénale générale, rappelle que sept circulaires et dépêches ont été adressées aux procureurs de la République sur le sujet des atteintes aux élus depuis 2019.

La montée en puissance progressive de la répression des atteintes aux élus locaux (2019-2023)

La circulaire du Garde des Sceaux n° JUSD1931746C du 6 novembre 2019 demande aux procureurs de « porter une attention aux infractions commises contre les élus, qui appellent une réponse pénale systématique ». Le ministre appelle également au renforcement du dialogue institutionnel avec les élus locaux.

La circulaire du Garde des Sceaux n° DP 2019/1590/A22 du 7 septembre 2020 préconise une plus grande fermeté dans le traitement des prévenus. Les procureurs sont, ainsi, invités à recourir en priorité au défèrement sur le rappel à la loi et à systématiser la comparution immédiate. Le ministre préconise également les qualifications pénales plus sévères, tel que l’outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée du service public (au lieu de l’injure), et évoque également la peine d’interdiction de paraître sur le territoire de la commune mentionnée au 12° de l’article 131-6 du code pénal.

Une dépêche du 6 mai 2021 demande aux parquets généraux d’effectuer chaque semestre des rapports incluant le nombre d’affaires et de menaces commises à l’encontre des élus ainsi qu’une analyse des réponses pénales apportées.

Une dépêche du 7 janvier 2022 organise le regroupement au niveau du pôle national de lutte contre la haine en ligne du parquet de Paris des affaires « complexes » de propagation en ligne de discours haineux ou de menaces contre les élus.

Une dépêche du 26 janvier 2023 instaure un traitement judiciaire particulier pour les infractions commises suite à des appels proférant la coupure de courant de permanences d’élus dans le cadre du mouvement de contestation contre la réforme des retraites.

La circulaire du Garde des Sceaux n° JUSD2304384C du 10 février 2023 présente les dispositions de la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.

La circulaire interministérielle n° IOML2316494Jdu 3 juillet 2023 (précitée) rappelle aux procureurs les modalités de traitement des affaires mises en place par les circulaires de 2019 et de 2020. Elle demande aux procureurs de désigner un « référent élu » dans leurs services et de le présenter aux élus locaux lors d’une réunion organisée avec le préfet (cf. supra). Enfin, les ministres rappellent l’importance qui s’attache à « l’information systématique et individualisée des maires ».

Au cours de son audition, Mme Gressier a réaffirmé que la protection des élus était un « enjeu prioritaire » de la politique pénale du Gouvernement. Le réseau des « référents » se déploie progressivement et devrait être généralisé au plus tard à la fin de l’année 2023 (contre 132 tribunaux couverts seulement à la fin de l’année 2021) ([157]). Ces référents ont vocation à permettre un accès plus rapide des élus au déroulement des procédures qui les concernent, notamment à mieux expliquer les raisons d’un potentiel classement sans suites.

La DACG se félicite également de la diffusion des « bonnes pratiques » de coopération mises en place dans certains ressorts. Mme Gressier évoque, notamment, le parquet de Valenciennes, qui organise des réunions d’information annuelles à destination des maires, ainsi que celui d’Amiens, qui a mis en place avec les associations d’élus un protocole de coopération très complet avec de multiples facilités de contacts. Ces exemples ont été intégrés dans une « boîte à outils » mise à disposition de l’ensemble des services du ministère sur le site Intranet de la DACG ([158]).

b.   Des sanctions pénales encore insuffisantes au regard de la dégradation de la situation subie par les élus locaux

Au cours de son audition par la mission d’information, la cheffe du CALAÉ a indiqué que 2 210 procédures judiciaires pour des violences contre des élus avaient été engagées sur les dix premiers mois de l’année 2023, ce qui traduit une progression tendancielle par rapport à 2022 (2 413 procédures). Conformément aux recommandations figurant dans la circulaire du 7 septembre 2020 (précitée), le nombre de personnes déférées au parquet s’est accru sensiblement, passant de 275 en 2021 à 350 en 2022 (+ 27 %).

Selon le CALAÉ, le taux de réponse pénale vis-à-vis des auteurs de ces atteintes aux élus est élevé (98 %). Une analyse affinée de cette donnée statistique permet de relativiser la sévérité des sanctions pénales effectivement prononcées.

Les composantes de la « réponse pénale » en droit français

La notion de « réponse pénale » comprend la sanction pénale, mais aussi tout une série d’autres mesures. Elle est définie par le ministère de la justice comme le rapport entre, d’une part, le nombre d’affaires pour lesquelles le procureur de la république a mis en œuvre une alternative aux poursuites, une composition pénale ou a poursuivi l’auteur présumé et, d’autre part, le nombre d’affaires poursuivables.

Tout d’abord, il ne suffit pas qu’une affaire soit orientée vers le parquet pour qu’elle soit considérée comme « poursuivable ». Elle ne sera pas traitée si, par exemple, l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée. Ensuite, une affaire « poursuivable » peut être classée sans suites si les investigations s’avèrent infructueuses.

La « réponse pénale » s’apprécie à partir du moment où une procédure est mise en œuvre. Aux côtés de la poursuite stricto sensu, le procureur peut mettre en place les alternatives aux poursuites mentionnées par le code pénal en ses articles 41-1, 41-1-2 et 41-2 : avertissement pénal probatoire (ex-rappel à la loi), composition pénale (amende, travaux d’intérêt général, etc.), stage de citoyenneté, orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, etc.

Le détail du taux de réponse pénale annoncé par le CALAÉ laisse apparaître que, sur les 350 personnes déférées en 2021, seulement 241 ont été effectivement poursuivies (69 %) et qu’il y a eu in fine 129 condamnations, dont 16 % avec de la prison ferme ([159]). Dans sa contribution écrite (précitée) adressée à la mission d’information, le procureur de Dijon confirme le recours aux alternatives aux poursuites, tels que les stages de citoyenneté, lorsque ses services sont confrontés à des atteintes de « basse intensité ».

Peu d’atteintes aux élus aboutissent donc à des poursuites pénales et si l’on considère le nombre de procédures judiciaires engagées sur l’année, le nombre de condamnations reste encore trop faible pour être dissuasif.

* * *

Les réformes successives intervenues depuis la décentralisation des années 1980 ont permis d’avancer par vagues successives (1992, 2002, 2013, 2015 et 2019) dans la voie de l’affirmation d’un « statut » de l’élu local. Incontestablement, le régime actuel n’a plus rien à voir avec l’état du droit apparu à l’occasion de la loi du 5 avril 1884.

Pour autant, la nature des fonctions politiques locales s’est profondément modifiée depuis la IIIe République : les contraintes, de plus en plus lourdes, qui pèsent sur les épaules des élus rendent d’autant plus nécessaire la mise en œuvre d’une refonte d’envergure axée sur l’attractivité du mandat. Sans une réforme systémique, l’engagement citoyen ne fera que s’étioler au cours des prochaines années.

 

 

 


  1  

   Seconde partie : la consécration d’un statut de l’élu local attractif apparaît comme une condition nécessaire à la redynamisation de l’engagement citoyen

I.   L’URGENCE DE LA SITUATION IMPOSE DE PRIORISER LE RÉTABLISSEMENT D’UN EXERCICE SEREIN DU MANDAT

L’aspiration des élus locaux à une meilleure sécurité physique et juridique, alors qu’ils sont de plus en plus exposés aux violences pour eux-mêmes et leurs familles et au risque pénal propre à la mise en œuvre des pouvoirs locaux, est légitime. Il convient d’y répondre par des mesures appropriées.

A.   La nécessaire mise en œuvre de nouveaux moyens juridiques et financiers pour assurer la sécurité des élus locaux et de leurs proches

Les premiers fondements de la protection des élus datent de la loi du 3 novembre 1941 qui a rendu les communes civilement responsables des accidents subis par les exécutifs municipaux. Hors cette situation, le Conseil d’État a longtemps considéré comme illégale la prise en charge par les communes de frais de justice engagés par des maires victimes de menaces, d’agressions ou de diffamation jusqu’à l’arrêt « Gillet » de 1971 ([160]) qui fait de cette protection un principe général du droit, consacré par la suite par la loi.

La pénalisation de plus en fréquente de la vie publique et la recrudescence des atteintes aux élus conduisent à revoir, non seulement l’étendue mais également le contenu de cette protection, à l’aune des risques nouveaux qui pèsent sur eux.

1.   La protection fonctionnelle doit être étendue et accordée systématiquement à tout élu qui en fait la demande

La protection dite « fonctionnelle » est devenue une composante essentielle du statut de l’élu local. Cette protection s’apparente en réalité à la protection fonctionnelle dont bénéficient les agents publics à raison des fonctions qu’ils exercent. C’est donc par extension que cette protection est qualifiée de fonctionnelle s’agissant de l’accomplissement d’un mandat électif.

Le régime de protection de l’élu local répond à trois types de situation :

– lorsque l’élu est victime d’un accident dans l’exercice de son mandat ;

– lorsque l’élu fait l’objet de poursuites civiles ou pénales se rattachant à l’exercice de ses fonctions d’élus ;

– lorsque l’élu ou ses proches subissent des violences, menaces ou outrages en raison de l’exercice d’un mandat électif.

a.   L’octroi de la protection fonctionnelle doit être acquis sans qu’une délibération ne soit nécessaire

1/ Les communes sont responsables de plein droit des dommages corporels et matériels subis par les maires et les adjoints dans l’exercice de leurs fonctions (article L. 2123-31 du CGCT). En revanche, la couverture des conseillers municipaux est appréciée de façon plus restrictive : elle est expressément limitée à la participation aux séances du conseil municipal, aux réunions des commissions et du conseil d’administration du centre communal d’action sociale (CCAS) dont l’élu est membre ainsi qu’à l’exécution d’un mandat spécial (article L. 2121-33 du CGCT). S’agissant des EPCI (article L. 5211-15 du CGCT), des départements (article L. 3123-26 du CGCT) et des régions (article L. 4135‑26 du CGCT), le régime de la responsabilité de plein droit pour les accidents subis dans l’exercice des fonctions s’applique à tous les élus.

L’élu victime d’un accident n’a pas à prouver la faute de la commune. En revanche, la responsabilité de la collectivité n’est pas automatique et elle peut être atténuée ou exonérée si la victime a commis une faute, une imprudence ou une maladresse.

Ce régime de protection paraît équilibré et les rapporteurs ne proposent pas de le modifier.

2/ En matière de responsabilité civile, il convient de distinguer deux situations :

 Dans l’hypothèse d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions (faute de service ou faute personnelle non détachable de la fonction), l’élu est normalement couvert par la collectivité. C’est la responsabilité administrative de la personne publique qui est alors engagée et non la responsabilité personnelle de l’élu ;

 En cas de faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions, c’est l’élu qui pourra voir sa responsabilité civile engagée.

S’agissant des poursuites pénales, la loi « Fauchon » du 10 juin 2000 a permis, comme cela a été rappelé, de limiter les risques de condamnation du maire ou de l’élu le suppléant et des élus ayant délégation pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions aux seuls cas où il est établi « qu’il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie » (article L. 2123-34 du CGCT).

Par conséquent, dès lors qu’il n’y a pas de faute détachable de l’exercice des fonctions, la commune est tenue d’apporter sa protection aux maires et aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation lorsque ceux-ci font l’objet de poursuites pénales. L’engagement de la protection fonctionnelle est conditionné par la mise en mouvement de l’action publique. En cas de faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions, il reste possible d’engager la responsabilité pénale personnelle de l’élu.

3/ Enfin, l’article 101 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (codifié à l’article L. 2123-35 du CGCT) a élargi la protection des élus en obligeant la commune à protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes non seulement lors de l'exercice de leurs fonctions, mais également en raison de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en a résulté. Un régime similaire s’applique aux élus des EPCI (article L. 5211-15 du CGCT), des conseils départementaux (article L. 3123-29 du CGCT) et régionaux (article L. 4135-29 du CGCT) pour lesquels seuls les présidents, vice-présidents et conseillers ayant reçu une délégation sont couverts par cette protection.

Celle-ci a été étendue par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ([161]) aux conjoints, enfants et ascendants directs de l’élu.

Plus récemment, l’article 104 de la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 prescrit à la commune de souscrire un contrat d’assurance permettant de couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts correspondant à la protection des élus précitée.

La jurisprudence du Conseil d’État permet d’éclairer ces dispositions : ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle que les individus menacés ou victimes d’atteintes en leur qualité d’élu de la collectivité. Ces menaces ou atteintes doivent être objectives : la protection fonctionnelle ne permet pas d’assurer une protection permanente au regard d’un risque ou d’une menace potentielle.

La décision octroyant la protection fonctionnelle relève de la compétence exclusive de l’organe délibérant et doit faire l’objet d’une délibération expresse. Cependant, comme le rappelle la DGCL, il découle de la jurisprudence que la collectivité est en situation de compétence liée dès lors que sont réunies les conditions de menaces ou atteintes, ou si l’élu est poursuivi, dès lors que les faits n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice des fonctions, et qu’aucun motif d’intérêt général ne fait obstacle à ce que cette protection soit attribuée.

Or, précisément, le constat peut être fait que le refus d’octroyer la protection n’est pas toujours fondé sur un réel motif d’intérêt général, dont l’appréciation revient au juge, mais peut être par d’autres considérations, notamment propres au contexte local. Dans les faits, l’octroi de la protection fonctionnelle reste à la discrétion de l’exécutif, sauf recours juridictionnel.

Les témoignages recueillis lors de la table-ronde d’élus organisée le 21 septembre 2023 rendent également compte des difficultés que peut rencontrer un maire qui sollicite la protection fonctionnelle, non seulement vis-à-vis des membres du conseil municipal mais également de ses concitoyens. Mme Anne-Françoise Piédallu, maire de Plougrescant, témoigne : « ma commune m’a accordé sa protection fonctionnelle après délibération. Les critiques ont été nombreuses sur les réseaux sociaux : on m’a accusée de faire payer la commune ». Elle souligne au surplus que cette critique est d’autant moins justifiée que la souscription du contrat d’assurance est compensée par l’État ([162]) mais « peu de gens le savent. »

Enfin, il peut y avoir un long délai entre la demande de l’élu et le vote de la protection fonctionnelle, du fait que l’ordre du jour est fixé par le maire et que, dans les petites communes, le conseil municipal ne se réunit parfois qu’une fois par trimestre. Mme Carine Houdouin, maire de Richarville, souligne pour l’AMRF que la protection fonctionnelle est souvent difficile à mettre en œuvre dans les petites communes du fait de la complexité des démarches.

Pour M. Daniel Cornalba, maire de l’Étang-la-Ville (78), représentant l’APVF, « il serait pertinent de rendre automatique la protection fonctionnelle pour tous les élus qui en feraient la demande sans passer par l’étape du vote en conseil municipal ». Une position du reste largement partagée par les autres associations d’élus auditionnées.

M. Jean-Paul Lefebvre, président de l’AELO, rappelle que « la protection fonctionnelle n’est due actuellement qu’aux maires, à leurs adjoints ou aux élus avec délégation. Elle peut être demandée par un élu de l’opposition mais elle sera toujours refusée ». L’AELO plaide pour que la protection fonctionnelle soit automatique pour tous les élus, y compris ceux de l’opposition puisqu’ils peuvent également être victimes de violences, de menaces ou d’outrages.

Si les élus auditionnés lors de la table-ronde précitée se sont, pour la plupart, déclarés favorables à l’octroi automatique de la protection fonctionnelle en cas de violences, menaces ou outrages, M. Emmanuel François, maire de Saint-Pierre-des-Corps est plus réservé sur cette automaticité, faisant valoir que « dans certains cas, on ne sait pas toujours très bien si un élu est l’auteur ou la victime d’une agression », ce qui peut conduire à accorder la protection fonctionnelle à l’agresseur.

Pour la DGCL, l’automaticité de l’attribution de la protection fonctionnelle se heurte à une difficulté : « compte tenu des montants en jeu, qui peuvent ne pas être négligeables, l’organe délibérant doit nécessairement intervenir dans la procédure à un moment donné. »

C’est dans ce contexte qu’a été déposée la proposition de loi ([163]) de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat, et plusieurs de ses collègues, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires dont l’article 3 prévoit de rendre automatique la protection fonctionnelle aux maires et aux adjoints victimes de violences, de menaces ou d’outrages, le conseil municipal pouvant retirer ou mettre fin à cette protection dans un délai de quatre mois par une délibération motivée. Les mêmes dispositions sont prévues pour les EPCI, départements et régions.

Cette proposition reprend une proposition formulée en 2019 par M. Philippe Bas, sénateur, alors président de la commission des lois ([164]) et reprise par la rapporteure dans sa proposition de loi déposée à l’automne 2023 ([165]).

Les rapporteurs se félicitent de l’adoption par le Sénat de cette mesure qu’ils approuvent. Ils proposent toutefois d’aller plus loin en étendant cette protection à tous les élus, et non seulement aux maires, adjoints et conseillers détenant une délégation, considérant que tous les élus, y compris ceux de la majorité qui sont sans délégation et ceux d’opposition, ainsi que les membres de leurs familles, sont susceptibles de faire l’objet d’agressions, de menaces ou d’outrages.

Proposition  1 : Attribuer automatiquement la protection fonctionnelle à tout élu victime d’agressions, de menaces ou d’outrages, qui en fait la demande, sans qu’une décision préalable de l’organe délibérant ne soit nécessaire.

b.   L’assurance « protection fonctionnelle » doit prendre en charge un panel plus large de prestations pour couvrir les besoins des élus victimes

Rappelons que l’obligation de protection fonctionnelle n’a pas de définition stricte s’agissant des moyens à mettre en œuvre. Ainsi, les collectivités bénéficient d’un pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge, sur les modalités d’actions appropriées aux objectifs de protection et de réparation. Cela peut ainsi se traduire par la prise en charge de frais de justice, qui sont les frais les plus courants mais non exclusifs, de frais médicaux ou d’accompagnement psychologique, d'assistance juridique, des actions de prévention et de soutien ou encore l'indemnisation du préjudice subi. Sans être exhaustive, une circulaire de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du 5 mai 2008 ([166]) permet d’éclairer, par analogie avec la protection fonctionnelle des agents publics de l’État, sur les types de prestations susceptibles d’être mises en œuvre qui sont très variées.

Cependant, et comme le souligne la DGCL, depuis 2019, l’obligation d’assurance se traduit en principe, lors de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle, par l’application du contrat qui a été souscrit et par conséquent, des prestations liées à ce contrat. L’assureur peut gérer la défense de l’élu si celui-ci le demande, ou prendre en charge certains frais, le plus souvent les frais de justice. Certaines prestations ne sont donc pas couvertes (par exemple, les prestations médico-sociales), voire dans certains cas, le contrat peut contenir des clauses d’exclusion de garantie rédhibitoires. Mme Reine Lépinay, membre du HCEfh, signale que les contrats d’assurance ne prennent pas en charge les dommages liés au cyberharcèlement : « si l’on veut lutter contre le harcèlement en ligne des élus, il faut étendre la prise en charge de ce type de dommages ». Mme Anne-Françoise Piédallu a fait savoir aux rapporteurs que l’assureur de sa commune avait refusé la prise en charge des réparations de son véhicule saboté au motif que « le dommage sur [son] véhicule avait eu lieu devant [son] domicile privé et non devant la maire », une situation « absurde » qui tient aux clauses du contrat d’assurance. Comme tient à le rappeler l’édile : « Quand on est maire, on est maire toute la journée et toute la nuit, en tous lieux. »

Les rapporteurs sont sensibles aux iniquités produites par les clauses des contrats d’assurance qui peuvent être pénalisantes pour les élus, du fait des risques non couverts et de clauses d’exclusion injustifiées. Ils proposent qu’un socle minimal de risques couverts par ces contrats soit précisé par la loi, en tenant compte des nouveaux risques tels que le cyberharcèlement.

Lors de la table-ronde des élus du 21 septembre 2023, M. de Carli, maire de Mont-Saint-Martin, a, par ailleurs, tenu à partager les difficultés que rencontre désormais sa commune pour s’assurer, après les violences qui ont eu lieu à l’été 2023 et ont conduit à la quasi-destruction de neuf bâtiments municipaux, pour un coût total de 3 millions d’euros. L’assureur de la commune a en effet résilié le contrat. Les rapporteurs tenaient à évoquer ce sujet important pour les maires et sur lequel le Gouvernement a été interpellé.

Proposition  2 : Préciser dans la loi le socle minimal de risques couverts par les contrats d’assurance souscrits au titre de la protection fonctionnelle, en y incluant notamment les nouveaux risques tels que le harcèlement en ligne.

c.   Renforcer le soutien de l’État aux petites communes pour financer les mesures de protection

Le dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du CGCT prévoit la compensation par l’État du coût de l’assurance souscrite par les communes de moins de 3 500 habitants, soit 31 736 communes (91 % des communes) ([167]).

La proposition de loi sénatoriale présentée par M. François-Noël Buffet prévoit, en son article 4, d’élargir ce dispositif de compensation en relevant le seuil de 3 500 à 10 000 habitants, ce qui permettrait d’inclure 1 186 communes supplémentaires. Le surcoût pour l’État serait limité à environ 200 000 euros, compte tenu de la faiblesse du barème de compensation fixé par décret (codifié à l’article D. 2335-1-1 du CGCT) ([168]).

Les rapporteurs formulent une recommandation identique à celle des sénateurs s’agissant de l’élargissement du dispositif de compensation. Ils recommandent une réévaluation régulière du barème de compensation pour prendre en compte le coût réel de l’assurance « protection fonctionnelle ». Les petites communes ne doivent pas avoir de restes à charge.

Les tables rondes menées par les rapporteurs ont fait émerger une problématique particulière rencontrée par les petites communes pour sécuriser les locaux dans lesquels travaillent les élus, à commencer par la mairie : le manque de crédits pour installer des équipements de protection. Mme Anne-Françoise Piédallu fait valoir que sa commune de Plougrescant (1 160 habitants) a dû entreprendre des travaux de mise en sécurité des locaux de la mairie, ce qui a représenté une dépense de 14 000 euros, entièrement prise en charge sur le budget municipal, faute d’être éligibles au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ([169]), qui finance d’autres types de dépenses, telles que la vidéoprotection.

Les rapporteurs recommandent d’élargir les projets éligibles au FIPD, notamment en inscrivant dans la circulaire annuelle relative aux orientations budgétaires du fonds, le fléchage d’une partie des crédits de l’enveloppe déconcentrée vers la sécurisation des mairies de petites communes. Les préfets pourraient également être invités, dans la circulaire annuelle sur les dotations d’investissement (DETR, DSIL), à porter une attention particulière aux projets de sécurisation des lieux de travail des élus des petites communes.

Proposition  3 : Majorer la compensation par l’État des frais de souscription au contrat d’assurance « protection fonctionnelle » pour les petites communes.

Proposition  4 : Accroître le soutien de l’État aux petites communes pour le financement des mesures de protection des élus.

2.   Renforcer et mieux faire connaître les moyens mis à disposition des services déconcentrés pour accompagner les élus

Mesure phare du plan national de lutte contre de prévention et de lutte contre les violences aux élus présentée par le Gouvernement le 7 juillet 2023, le « pack sécurité » (voir supra), dont le déploiement est piloté par le CALAÉ, est une boîte à outils à disposition de l’élu victime de violences, de menaces ou d’outrages.

À l’issue des auditions d’élus et d’associations d’élus, les rapporteurs font un double constat :

– sans doute en raison du caractère récent du dispositif, les élus concernés ne se sont pas encore pleinement appropriés le « pack sécurité » et souvent ne connaissent pas encore le référent « élu local » de leur commissariat ou de leur gendarmerie ;

– la circulaire précitée du 3 juillet 2023 n’est pas dénuée d’une certaine ambiguïté s’agissant des élus auxquels s’adressent du « pack sécurité », semblant privilégier les maires qui, certes, sont majoritairement les élus les plus exposés aux agressions ;

Les rapporteurs demandent que soient clarifiés, dans la circulaire, les publics auxquels s’adresse le « pack sécurité » en rappelant que celui-ci est destiné à tous les élus locaux sans exception, titulaires ou non d’une délégation, quelle que soit la catégorie de collectivité.

L’information des élus est essentielle si l’on veut garantir de manière effective leur protection. Les rapporteurs sont favorables à l’élaboration d’un guide national à destination de tous les élus locaux, sur le modèle du « Guide du maire » mis à jour tous les six ans par la DGCL ou du guide « Le statut de l’élu(e) local(e) » publié par l’AFM, qui exposerait les moyens mis à leur disposition dans le cadre du « pack sécurité », expliciterait les circulaires et dépêches du garde des Sceaux concernant la protection des élus, et détaillerait les procédures de signalement et de dépôt de plainte, de façon à inciter les élus victimes à déposer plainte systématiquement et à fluidifier la réponse pénale le cas échéant.

Proposition  5 : Mettre à disposition des élus locaux un guide national récapitulant les procédures de signalement et de dépôt de plainte.

Proposition  6 : Étendre le « pack sécurité » à l’ensemble des élus et non aux seuls membres des exécutifs locaux.

3.   La réponse pénale contre les auteurs de violences ou de menaces faites aux élus et leurs proches doit être améliorée

Il est urgent d’adapter la réponse pénale aux nouvelles formes de violences à l’encontre des élus.

a.   Aligner le quantum des peines encourues sur celui des infractions commises à l’encontre des agents dépositaires de l’autorité publique

En tant que telle, la détention d’un mandat électif n’est un élément constitutif de l’infraction que pour quelques-unes d’entre elles telle que les menaces et actes d'intimidation à l’encontre d’une personne investie d’un mandat public électif (article 433-33 du code pénal). Pour les autres infractions, il convient, comme le rappelle la circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant ([170]), de déterminer si le mandat électif confère à son détenteur la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ou de personne chargée d’une mission de service public.

La DACG a précisé aux rapporteurs qu’un élu local rentre dans la première catégorie lorsqu’il dispose de par sa fonction d’un pouvoir de sanction ou de contrainte. Tel est le cas des membres des exécutifs locaux. Un élu qui n’est pas titulaire d’une délégation peut rentrer dans la seconde catégorie lorsqu’il est chargé d’accomplir un acte ou d’exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire l’intérêt général. L’application de la circulaire de 2020 apporte une réponse en matière d’outrage (article 433-5 du code pénal). Le traitement des infractions plus lourdes nécessite une modification de la loi.

Les rapporteurs constatent une quasi-unanimité de la part des associations d’élus pour alourdir les sanctions à l’encontre des auteurs d’atteintes à l’égard de titulaires de mandat électif. Ainsi, M. Daniel Cornalba, maire de L’Étang-la-Ville, rappelle que l’APVF demande que « les agressions d’élus soient sanctionnées de la même façon que pour les magistrats et les policiers ». Le maire de Faches-Thumesnil (59) et référent des élus locaux pour La France insoumise, M. Patrick Proisy, objecte cependant que « des peines plus lourdes n’empêcheront pas le passage à l’acte ».

La proposition de loi sénatoriale précitée visant à renforcer la sécurité des élus locaux et la protection des maires, procède à un alourdissement des peines attachées à certains délits commis à l’encontre d’élus ([171]).

L’article 1er intègre les titulaires d’un mandat électif dans le champ des infractions visées à l’article 222-14-5 du code pénal ([172]) qui réprime « les violences commises sur certaines personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, dès lors que sa qualité est apparente ou connue de l'auteur ». Ainsi, les violences à l’encontre des élus seront sanctionnées plus lourdement d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou d’absence d’incapacité de travail) alors qu’elles sont sanctionnées actuellement d’une peine allant de la contravention de 5ème classe jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende selon la gravité de l’infraction. L’article 1er prévoit que le juge peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction de séjour le cas échéant.

Les rapporteurs soutiennent l’initiative sénatoriale et se déclarent favorables à l’alourdissement des peines à l’encontre des auteurs d’atteintes aux élus, lesquels se trouvent objectivement dans une situation comparable à celle des personnes dépositaires de l’autorité publique face aux risques d’agression.

Proposition  7 : Aligner les sanctions contre les auteurs de violences aux élus sur celles prévues dans le cas de violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique.

b.   Protéger plus efficacement la vie privée des élus locaux et de leurs proches

M. Stéphane Blanchet, maire de Sevran, qui a fait l’objet de harcèlement en ligne, expose qu’ « un compte Facebook publie des « rapports de surveillance » des déplacements de [sa] famille et de [ses] enfants à l’école ». Mme Coralie Dénoues, présidente du conseil départemental des Deux-Sèvres, constate que « des informations sur la vie privée des élus circulent sur les réseaux sociaux, ce qui est inacceptable ». Ces dérives montrent combien les élus sont particulièrement vulnérables face aux atteintes à leur vie privée.

Les articles 226-1 et suivants du code pénal répriment les différentes atteintes à la vie privée que constituent notamment la captation, fixation et transmission de paroles et images privées, l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, voies de fait ou contrainte ou encore l’usurpation d’identité d’un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération.

Un arsenal plus répressif face cette nouvelle forme de violence inadmissible a été déployé par le législateur il y a deux ans, en réaction à l’assassinat de Samuel Paty. Ainsi, l’article 36 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a créé un nouveau délit de mise en danger d’autrui par la diffusion de données personnelles. Le nouvel article 223-1-1 du code pénal réprime « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ».

Cependant, force est de constater que cette nouvelle infraction ne semble pas, pour l’instant, rencontrer les espoirs qui avaient motivé son instauration. À cet égard, les parquets de Créteil et de Dijon ont indiqué n’avoir pas enregistré à ce jour d’affaires au titre de l’article 223-1-1 du code pénal.

Les rapporteurs recommandent de faire le bilan de l’application de l’article 223-1-1 du code pénal. Par ailleurs, il pourrait être pertinent d’adapter l’article 226-1 du code pénal pour mieux prendre en compte les atteintes à la vie privée des élus et de leurs familles, comme le suggère l’AMF.

Les réseaux sociaux et les applications de messagerie sont désormais les principaux vecteurs des délits de diffamation et d’injure publiques et ont remplacé en partie les affiches et les journaux. Si l’anonymat sur internet favorise la liberté d’expression, il encourage également les contenus diffamatoires ou injurieux en raison du sentiment d’impunité qu’ont leurs auteurs, à tort. Toutefois, le délai très court pour saisir la justice constitue une réelle difficulté pour les élus. Il paraît d’autant moins adapté aujourd’hui qu’à la différence des supports traditionnels d’expression publique, les écrits litigieux peuvent être multipliés à l’infini et persister sur le web. Cette problématique est revenue fréquemment lors des auditions des associations d’élus, notamment l’APVF et l’AMF.

Pour rappel, l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse organise un régime particulier de la prescription puisque le délai de celle-ci est réduit par rapport au droit commun pour les délits de diffamation et d’injure prévues à l’article 29 de cette même loi. Ainsi, l’action publique et de l’action civile sont prescrites trois mois révolus après le jour de la commission de l’infraction ([173]) ou du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Toutefois, l’article 65-3 prévoit que le délai de la prescription est porté à un an pour un certain nombre d’infractions, notamment les diffamations et injures envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, et les diffamations et injures envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

On relèvera que cet article instaurant une dérogation à la règle d’ordre public de la prescription trimestrielle en matière de délits de presse, qui résulte de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel aux termes de laquelle il a été jugé qu’ « en portant de trois mois à un an le délai de la prescription pour les délits qu’il désigne, l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de faciliter la poursuite et la condamnation, dans les conditions prévues par cette loi, des auteurs de propos ou d’écrits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à caractère ethnique, national, racial, ou religieux ou contestant l’existence d’un crime contre l’humanité ; que le législateur a précisément défini les infractions auxquelles cet allongement du délai de la prescription est applicable ; que la différence de traitement qui en résulte, selon la nature des infractions poursuivies, ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ; qu’il n’est pas porté atteinte aux droits de la défense »  ([174]).

L’article 2 bis de la proposition de loi sénatoriale précitée, introduit par la commission des lois à l’initiative de la rapporteure, Mme Catherine Di Folco, a pour objet d’étendre cette prescription dérogatoire d’un an aux personnes énumérées à l’article 31 de la loi de 1881 parmi lesquelles figure le « citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent », de sorte que cette prescription allongée puisse bénéficier aux élus locaux en matière de diffamation comme d’injure (article 33 premier alinéa).

Les rapporteurs approuvent la disposition adoptée par le Sénat en première lecture qui permet de rendre plus effective la capacité des élus à se défendre devant les tribunaux lorsqu’ils font l’objet d’atteintes à l’honneur ou de propos outrageants, notamment par voie électronique, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité.

Proposition  8 : Faire un bilan de l’application de l’article 223-1-1 du code pénal. Modifier l’article 226-1 du code pénal pour y inclure des dispositions spécifiques en faveur de la protection des élus et de leur famille.

Proposition  9 : Porter de trois mois à un an le délai de la prescription pour les délits de diffamation et d’injure à l’encontre d’un élu local à raison des fonctions qu’il exerce ou de sa qualité.

c.   Mieux prévenir et réprimer les violences sexistes dans la vie publique locale

Afin de prendre en compte la spécificité des violences faites aux élues, Mme Reine Lépinay, membre du HCEfh, et Mme Julia Mouzon, présidente de l’association « Élues locales » considèrent que la création d’une cellule d’écoute au niveau de chaque préfecture comme interlocutrice des élues victimes pourrait être une réponse pertinente, notamment s’agissant de violences commises par d’autres élus. Mme Lépinay rappelle que « les victimes ne s’expriment pas pour préserver la réputation de la commune et parfois, la loyauté envers l’auteur des violences empêche la libération de la parole ».

Mme Mouzon souligne qu’une élue en difficulté avec son maire ou un adjoint peut se retrouver dans l’impossibilité de bénéficier de la protection fonctionnelle puisque celle-ci doit être votée par le conseil municipal. Dans ces situations où un autre élu est impliqué, le dépôt de plainte auprès des forces locales de police ou de gendarmerie peut également s’avérer délicat, ce qui plaide en faveur du « dépaysement » systématique de la prise en charge et du traitement des plaintes pour violences sexuelles ou sexistes lorsque des élus sont impliqués.

Face au constat alarmant de la persistance de comportements sexistes dans la vie politique locale, Mme Lépinay et Mme Mouzon suggèrent qu’un travail de pédagogie soit conduit auprès de l’ensemble des élus dès le début du mandat avec une formation obligatoire sur l’égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Les rapporteurs souscrivent à ces propositions et recommandent de confier au réseau des référents dans les services de police et de gendarmerie mis en place dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre les atteintes aux élus, une mission spécifique d’accueil, d’écoute et de réception des plaintes déposées par des élues. La plainte d’une élue locale impliquant un autre élu doit pouvoir être reçue par le référent dans tout commissariat ou gendarmerie territorialement compétent au choix de l’élue. La lutte contre le sexisme, d’une manière générale et en politique en particulier, est une cause prioritaire. Les rapporteurs recommandent qu’un module de formation à l’égalité entre les hommes et les femmes, et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes soit intégré à la formation obligatoire de début de mandat prévue pour les élus titulaires d’une délégation dans les communes de plus de 3 500 habitants et les EPCI au cours de la première année de mandat. Ce module devra être suivi par tous les élus et non par les seuls 60 000 élus ayant une délégation.

Les séances des assemblées délibérantes sont publiques (sauf décision de huis clos) et peuvent être retransmises par des moyens de communication audiovisuelle (art. L. 2121-18 du CGCT pour les communes, L. 3121-11 pour les départements, L. 4132-10 pour les régions).

Depuis quelques années, un nombre croissant de collectivités diffusent en direct les séances de leur assemblée délibérante, soit via un système de diffusion propriétaire accessible depuis le site internet de la collectivité, soit sur les réseaux sociaux (Youtube, Facebook, Dailymotion, etc.). L’accord des élus n’est pas requis pour autoriser la retransmission des débats. Mme Julia Mouzon souligne qu’en l’absence d’auditoire, ce qui est fréquent dans les petites communes, une élue victime de comportements ou de violences sexistes lors d’une réunion du conseil municipal peut se retrouver en difficulté pour apporter les preuves des violences subies dans ce « huis clos ». La diffusion publique, ou à tout le moins, l’enregistrement de la réunion, conduit souvent les participants à agir plus conformément aux attentes sociales parce qu’ils savent qu’ils sont filmés ; elle permet aussi à la victime de disposer de preuves pour étayer sa plainte.

Les rapporteurs partagent pleinement cette préoccupation mais considèrent que la généralisation d’une telle obligation se heurterait à des considérations pratiques et de coûts pour les petites communes. Considérant que cette mesure contribue également à renforcer la transparence de la décision publique locale, ils recommandent, pour l’instant, de ne rendre obligatoire l’enregistrement et la diffusion des réunions du conseil municipal que pour les communes de plus de 10 000 habitants.

Proposition  10 : Confier aux référents mis en place dans le cadre du plan national dans le cadre du plan national de prévention contre les atteintes aux élus, une mission d’accueil et d’écoutes des élues victimes de violences commises par d’autres élus.

Proposition  11 : Permettre aux élues de s’adresser au référent du commissariat ou de la gendarmerie de leur choix pour la réception et le traitement d’une plainte lorsqu’un autre élu est impliqué.

Proposition  12 : Prévoir, dans la formation obligatoire des élus ayant reçu une délégation organisée au cours de la première année de mandat dans les communes de plus de 3 500 habitants et leurs groupements, un module sur l’égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ouvrir ce module obligatoire à l’ensemble des élus locaux.

Proposition  13 : Rendre obligatoire l’enregistrement et la diffusion par des moyens de communication audiovisuelle des réunions du conseil municipal des communes de plus de 10 000 habitants.

B.   Les décideurs locaux doivent pouvoir s’affranchir du risque pénal lié au conflit d’intérêts sous le regard vigilant d’une opposition confortée

Alors que l’exemplarité des élus est le fondement même de la République, la notion complexe du conflit d’intérêts fait encore, dix ans après l’adoption des lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, peser un risque sur les exécutifs locaux.

Il apparaît judicieux de parachever la définition du conflit d’intérêts en distinguant plus clairement la recherche d’un intérêt privé de la poursuite de l’intérêt public. En contrepartie, les droits de l’opposition seraient affermis afin de permettre à celle-ci d’exercer plus efficacement son rôle de contrôle de l’action de l’exécutif local.

1.   Réformer la définition du conflit d’intérêts en excluant l’interférence entre deux intérêts publics

L’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée a défini le conflit d’intérêts comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics et privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ». Lorsqu’ils se trouvent dans cette situation, « les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions » (2° dudit article).

Cette définition large du conflit d’intérêts a conduit le juge à procéder à un examen in concreto de chaque situation particulière à partir d’éléments cumulatifs tirés de sa jurisprudence :

– un intérêt étranger aux prérogatives du mandat exercé, qui peut être privé ou public, direct ou indirect, matériel ou moral ;

– une interférence avec l’intérêt public lié au mandat qui s’apprécie elle‑même au regard de trois critères : le critère matériel, le critère géographique et le critère temporel ;

– enfin, cette interférence doit être d’une intensité telle qu’elle est de nature à influencer ou paraître influence, l’exercice indépendant, impartial et objectif de la fonction exercée.

La conséquence administrative du conflit d’intérêts est l’illégalité de la délibération à laquelle ont pris part un ou plusieurs élus intéressés (article L. 2131‑11 du CGCT) et sa conséquence pénale est la commission du délit de prise illégale d’intérêts (article L. 432-12 du code pénal déjà cité).

Comme il a été évoqué plus haut, plusieurs initiatives parlementaires – notamment la proposition de loi de M. Bernard Saugey, adoptée par le Sénat en 2010 – ont cherché à mieux préciser la définition de la prise illégale d’intérêts pour en resserrer les contours, laisser moins de marge d’appréciation au juge et permettre aux élus de mieux identifier le risque pris dans certaines situations où un conflit d’intérêts peut apparaître.

De ce point de vue, les deux dernières modifications législatives n’ont pas permis d’avancer dans cette voie :

– la loi du 21 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire n’a pas eu d’impact concret puisque, comme le souligne la DACG, « cette modification n’est pas de nature à modifier l’état du droit mais permet de mieux rendre compte des objectifs légitimes poursuivis par le délit de prise illégale d’intérêt ». Elle ne met pas fin au risque lié à l’interférence de deux intérêts publics ;

– la loi « 3DS » du 21 février 2022 a créé, en son article 217, un nouvel article L. 1111-6 du CGCT qui étend les exceptions à l’application du délit de prise illégale d’intérêts aux cas où l’élu local est désigné au sein de l’organe décisionnel d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé lorsque la loi le prévoit. Il s’est essentiellement agi de réduire le risque de conflits entre deux intérêts publics : celui d’une collectivité et celui des structures publiques « satellites ». En revanche, la loi « 3DS » ne protège pas l’élu dans toutes les situations dans laquelle une divergence d’intérêts entre la collectivité représentée par l’élu et l’autre personne morale est possible. Dans ces derniers cas, l’élu qui ne se déporte pas prend un risque.

a.   Supprimer l’incrimination liée à l’interférence de deux intérêts publics

Me Didier Seban souligne que la suppression de la référence à l’opposition entre deux intérêts publics dans la définition du conflit d’intérêts permettrait d’éviter des mises en cause pénales non justifiées d’élus. Du reste, c’est une demande formulée par un certain nombre d’associations d’élus ; Départements de France souligne que « la suppression du conflit d’intérêts public/public (collectivités entre elles et participation à des organes décisionnels d’organismes publics), limiterait les cas de déport et faciliterait d’autant le fonctionnement des assemblées » ([175]).

Si la loi « 3DS » a permis une avancée, celle-ci reste limitée. Trois situations sont envisageables :

1/ Dans le cas où l’élu représente sa collectivité dans un groupement (EPCI, syndicats mixtes, etc.) ou dans une structure « satellite » (CCAS, caisses d’école, etc.), le déport n’est plus nécessaire. Ces situations couvrent une grande partie des cas de conflit d’intérêts « public/public » dans lesquelles pouvaient se trouver un élu, avec le risque de qualification de prise illégale d’intérêts.

2/ Dans le cas où l’élu représente sa collectivité dans un organe décisionnel d’une structure publique en application des statuts de cette structure et non en application de la loi (principalement les sociétés d’économie mixte (SEM), les entreprises publiques locales (EPL), etc), la présomption de convergence « public/public » ne tient plus lorsque la structure délibère sur des intérêts financiers qui impliquent la collectivité représentée ou l’élu lui-même : commande publique, garantie d’emprunt, fixation de rémunérations, etc. tels qu’énumérés au II de l’article L. 1111-6 du CGCT. Dans ces cas-là, l’élu doit se déporter.

3/ Le troisième cas concerne l’élu qui représente sa collectivité dans un organisme de droit privé non prévu par la loi, par exemple une association, un fonds de dotation ou une fondation. L’élu ne bénéficiera pas de la protection de l’article L. 1111-6 du CGCT et devra, selon les délibérations, se déporter. Ce cas correspond à la situation avant la loi « 3DS ».

Il faudra néanmoins attendre des décisions juridictionnelles pour savoir si la réforme introduite par la loi « 3DS » a atteint son objectif.

Pour les rapporteurs, nonobstant les progrès apportés par la loi « 3DS » en la matière, la complexité du dispositif justifie la suppression de la notion d’interférence entre deux intérêts publics.

b.   Clarifier et simplifier les règles de déport en cas de risque de conflit d’intérêts

Les rapporteurs constatent qu’il n’existe pas de règles précises de déport pour les élus locaux, comme il en existe pour les parlementaires, définies par les règlements des assemblées. Certaines grandes collectivités se sont dotées d’un « guide de déport » de leurs élus, comme la région Ile-de-France ([176]).

Pour les associations d’élus, notamment France Urbaine, la situation actuelle qui implique de nombreuses précautions procédures est paradoxale dans la mesure où « elle peut mettre en risque davantage qu’elle ne protège de manière effective la démocratie locale ». Le déport, qui se matérialise lors des réunions des organes délibérants par le ballet des entrées et des sorties des élus qui ne doivent ni assister ni prendre part aux votes, donne tant aux citoyens qu’aux élus, l’impression d’assister pour les uns et de participer pour les autres, à un « théâtre de boulevard » ([177]).

France Urbaine demande que soient clarifiées juridiquement les modalités de vote d’une délibération qui pourrait placer un élu dans une situation de conflit d’intérêts. L’association suggère de prévoir que :

– l’élu concerné peut rapporter la motion s’il est l’élu en charge du dossier, de façon à éclairer les débats qui suivront ;

– la sortie de salle n’est plus obligatoire dès que l’élu se déporte.

Les rapporteurs conviennent que les allées et venues lors d’une réunion de l’assemblée délibérante sont l’expression d’un cérémonial inutile. Ils sont favorables à ce qu’une clarification intervienne dans la loi pour prévoir le régime du déport des élus locaux. L’élu concerné serait réputé déporté dès lors qu’il ne prend part au vote et que mention en fait dans le procès-verbal de la séance.

Proposition  14 : Procéder à une réforme de la définition du conflit d’intérêts en supprimant l’interférence entre deux intérêts publics.

Proposition  15 : Établir un guide national du déport de l’élu local. Prévoir que le déport ne sera obligatoire que pour les décisions présentant un intérêt financier pour soi-même ou pour la collectivité représentée (commande publique, subventionnée, garantie d’emprunt) ou en cas de divergence entre deux intérêts publics.

2.   Renforcer les droits de l’opposition

L’élargissement des marges de manœuvre de l’exécutif de la collectivité suppose, en retour, un droit de regard accru des citoyens au travers, notamment, des élus d’opposition. Comme l’indiquait le doyen Georges Vedel en 1958, « une démocratie, c’est un exécutif appuyé sur la Nation et contrôlé par une opposition » ([178]). Les résultats de la consultation menée au premier trimestre 2023 par l’AELO montrent que les conditions de la démocratie ne sont pas encore pleinement réunies à l’échelon local. Les élus d’opposition réclament « plus de débats » dans des conseils perçus comme des « chambres d’enregistrement » et « plus d’inclusion » sur les « projets structurants ». Par ailleurs, ils souhaiteraient disposer « d’un délai plus long de préparation » des réunions ainsi que, d’un point de vue général, « d’une meilleure information » ([179]).

Ce constat sévère peut paraître d’autant plus surprenant que le droit à l’information des élus locaux est consacré depuis longtemps par le législateur : la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (dite « AETR ») indique en son article 28 que tout membre d’un conseil municipal ou d’un conseil général [aujourd’hui départemental] « a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires [de la collectivité] qui font l'objet d'une délibération » ([180]).

Ce droit est, toutefois, loin d’être absolu, la jurisprudence administrative ayant fixé des bornes (exclusion des documents préparatoires, motif d’intérêt général, possibilité d’occulter certaines informations personnelles, etc.) que les exécutifs n’hésitent pas à invoquer à l’encontre des élus d’opposition.

L’étendue du droit à l’information des élus locaux

Les membres des organes délibérants « n’ont pas le droit d’intervenir à titre individuel dans l’administration [de la collectivité] et ne peuvent donc prétendre obtenir directement des services la communication de renseignements ou de documents » tels que des notes internes ou des documents préparatoires (CE, 9 novembre 1973, Commune de Pointe-à-Pitre).

Par ailleurs, même si l’objet de la demande se rattache à une délibération de la collectivité, l’exécutif peut, dans certains cas, s’opposer à la communication de l’information pour un motif d’intérêt général (CE, 27 mai 2005, Commune d’Yvetot : affaire portant sur des échanges entre une commune et son avocat).

Enfin, nonosbstant l’existence d’un lien avec une délibération, le juge administratif a reconnu à l’élu local le droit, comme tout citoyen, d’être informé des affaires de la collectivité (CE, 4 novembre 1987, Commissaire de la République du département du Var). Il peut donc se voir communiquer les éléments relatifs à la rémunération des agents de la collectivité, mais l’exécutif garde la possibilité d’occulter les informations portant sur la situation personnelle ou familiale de ces agents ainsi que tout élément permettant d’apprécier leur manière de servir (prime de mérite, par exemple) ([181]).

a.   Un alignement possible des droits de l’opposition locale sur ceux de l’opposition nationale au Parlement

Lors de son audition par la mission d’information ([182]), Mme Aurore Granero, maître de conférences en droit public à l'université de Bourgogne-Franche-Comté, a souligné les différences existantes entre les droits accordés à l’opposition dans une collectivité territoriale et ceux dont bénéficient les élus d’opposition au Parlement.

Les différences de droits apparaissent clairement dans les trois domaines suivants, essentiels à la mise en œuvre d’un contrôle démocratique : l’information préalable aux délibérations (1), l’accès individuel aux documents de gestion (2) et la mise en œuvre d’une mission d’information (3).

1/ En matière d’information préalable, alors que la Constitution fixe des délais d’examen destinés à donner aux parlementaires le temps de s’approprier les textes soumis à discussion ([183]), le CGCT n’impose aux exécutifs départementaux et régionaux qu’un délai de « douze jours francs » ([184]). S’agissant des communes, le délai est encore plus réduit : « cinq jours francs » pour les communes d’au moins 3 500 habitants (article L. 2121-12 du CGCT) et même « trois jours francs » pour les communes de moins de 3 500 habitants (article L. 2121-11 du CGCT).

Dans sa contribution écrite ([185]), Mme Granero précise que la contrainte des « jours francs » peut être aisément contournée dans la mesure où les week-ends et les jours fériés n’entrent pas dans la computation du délai ([186]). Dans le souci de faciliter le travail des élus face à des décisions de plus en plus techniques, elle propose donc de porter à cinq jours francs le délai applicable à l’envoi des convocations dans les communes de moins de 3 500 habitants et à sept jours francs dans les autres communes. M. Jean-Paul Lefebvre, pour sa part, va plus loin en se positionnant sur un allongement à six jours francs dans le premier cas et à dix jours francs dans le second cas.

Soucieux de donner aux élus locaux les moyens de s’approprier les documents sur lesquels ils sont appelés à se prononcer, les rapporteurs affichent leur préférence pour la suggestion du président de l’AELO.

2/ Le contrôle de la gestion budgétaire d’une collectivité publique est une dimension essentielle des responsabilités d’une opposition politique. À cet égard, tandis que les parlementaires de la commission des finances disposent de larges pouvoirs d’investigation et d’un accès presque inconditionné aux documents détenus par le Gouvernement ([187]), les membres de l’opposition dans une collectivité territoriale ne peuvent obtenir des documents qu’en faisant usage du droit d’accès qu’ils tirent du droit commun applicable à tout élu local.

Selon les propos tenus par M. Jean-Paul Lefebvre ([188]), ces démarches constitueraient pour les élus d’opposition « un véritable parcours d’obstacles » : beaucoup de maires refuseraient de communiquer les comptes et les documents administratifs, notamment les contrats de travail des agents de la collectivité, et ne suivraient pas les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) quand bien même ceux-ci donneraient raison aux élus d’opposition.

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)

Créée par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) est une autorité administrative indépendante composée de onze membres, parmi lesquels figurent des magistrats, des universitaires, des personnalités qualifiées, des parlementaires et un élu d’une collectivité territoriale désigné par le président du Sénat (art. L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration - CRPA),

La CADA est chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques (art. L. 340-1 du CRPA). Toute personne ou autorité administrative qui se voit refuser l’accès à un document administratif ou n’obtient pas de réponse dans un délai d’un mois, peut saisir la CADA pour que celle-ci se prononce sur le caractère communicable ou non de ce document.

La Commission rend des avis non contraignants qui constituent une voie de recours précontentieuse. En 2021, elle a rendu 8 417 avis, en progression de près de 30 % par rapport à 2020.

Le caractère non contraignant des avis rendus par la CADA n’incite pas les administrations à se montrer coopératives : selon les données fournies par la Commission elle-même, seuls 61,5 % des avis rendus en 2021 auraient donné lieu à une réponse de l’administration et, parmi ces réponses, à peine 70 % des services auraient annoncé leur intention de se conformer à l’avis rendu par la CADA ([189]).

Face à cette situation de relative impuissance, M. Lefebvre souhaiterait qu’une solution soit trouvée afin de rendre les avis de la Commission contraignants. Sur ce point, on peut observer qu’à l’exception de la réutilisation frauduleuse d’informations publiques (art. L. 326-1 du CRPA), la CADA ne dispose pas de pouvoirs de sanction. Or, certaines autorités administratives indépendantes peuvent prononcer des amendes administratives dans des cas délimités par la loi et après mise en œuvre d’une procédure contradictoire ([190]).

Les rapporteurs estiment qu’un terme doit être mis à la négligence de l’administration dès lors que la Commission a rendu un avis favorable à une demande de communication de documents adressée par un citoyen. Ils préconisent donc l’attribution à la CADA de pouvoirs de sanction administrative en cas de non-respect d’un avis favorable à une demande de communication de documents. Ces sanctions s’appliqueraient, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, aux collectivités territoriales qui refuseraient à tort de communiquer un document demandé par un élu d’opposition.

3/ En matière d’évaluation de l’action de l’exécutif, les députés disposent d’un « droit de tirage » depuis la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale du 28 novembre 2014. En effet, chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient de droit, une fois par session ordinaire, la création d’une mission d’information et la fonction de président ou de rapporteur de la mission revient de droit à un député appartenant au groupe qui en est à l’origine ([191]).

S’agissant des collectivités territoriales, le CGCT ne permet aux élus que de solliciter une « délibération » de leur assemblée afin de créer une mission d’information dont les modalités de fonctionnement sont, par ailleurs, fixées par le règlement intérieur. Cette possibilité, ouverte aux départements et aux régions, est limitée dans les communes à celles de 20 000 habitants et plus ([192]).

Lors de son audition, Mme Granero a indiqué qu’il pourrait être opportun de permettre, au moins une fois par mandat, à l’opposition ou aux groupes minoritaires d’obtenir la constitution d’une mission d’information et de rendre publiques les conclusions des travaux effectués à l’issue d’un délai situé entre trois et six mois. Selon elle, le seuil démographique dans les communes devrait également être réduit à 3 500 habitants ([193]).

Afin de favoriser l’usage de cet outil de contrôle consubstantiel à la démocratie locale, les rapporteurs soutiennent l’instauration d’un « droit de tirage » au profit de l’opposition ainsi que l’élargissement du périmètre des communes concernées. Comme à l’Assemblée nationale, les élus d’opposition obtiendraient de droit le poste de président ou de rapporteur de la mission.

Proposition  16 : Doubler le délai applicable aux envois de convocations (six jours francs dans les communes de moins de 3 500 habitants, dix jours francs dans les communes de 3 500 habitants et plus).

Proposition  17 : Doter la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de la possibilité d’appliquer, après procédure contradictoire, des sanctions administratives lorsqu’une collectivité territoriale refuse à tort de satisfaire à une demande de communication de documents à laquelle la Commission a donné un avis favorable.

Proposition  18 : Étendre la possibilité de créer des missions d’information aux communes de 3 500 habitants et plus au lieu de 20 000 habitants actuellement et instaurer dans toutes les strates de collectivités concernées un « droit de tirage » consistant à permettre à l’opposition locale d’obtenir la constitution d’une mission d’information ainsi que le poste de président ou de rapporteur de cette mission.

b.   Les voies d’amélioration des relations entre l’exécutif local et son opposition

D’un point de vue plus général, le président de l’AELO appelle à un apaisement des relations entre l’exécutif local et son opposition qui sont, selon lui, essentielles au bon fonctionnement de la collectivité. Selon lui, la réalisation de cet objectif passe par la mise en place de procédures de médiation (1) et l’amélioration des connaissances des élus d’opposition (2).

1/ Dans le communiqué publié à l’issue de l’enquête menée auprès de ses adhérents (précitée), l’association déplore le « déficit de confiance » qui se traduirait par la « judiciarisation » des relations entre les élus. Selon les résultats de cette enquête, 24 % des répondants ont signalé que le maire avait engagé des démarches judicaires à leur encontre et, en retour, un tiers des élus de la minorité confirment avoir engagé des actions en justice contre leur maire. Pour l’essentiel, ces recours porteraient sur le non-respect du CGCT, la diffamation, l’abus de pouvoir ou encore la prise illégale d’intérêts ([194]).

Afin d’alléger la charge pesant sur les juridictions, l’AELO préconise la mise en place au niveau du préfet de région d’un « médiateur des collectivités territoriales » qui serait spécifiquement chargé d’une phase de traitement précontentieux des différends entre un élu et l’exécutif local ([195]).

Cette proposition n’a pas suscité l’unanimité auprès des représentants des partis politiques auditionnés par la mission d’information ([196]). Si MM. Denis Thuriot, maire de Nevers (Renaissance), et Bertrand Pancher, président du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) à l’Assemblée nationale soutiennent cette idée, M. Julien Sanchez, maire de Beaucaire (Rassemblement national), Mme Isabelle Le Callennec, maire de Vitré (Les Républicains) et M. Alain Chrétien, maire de Vesoul (Horizons), se sont montrés plus réservés.

Pour les rapporteurs, toute initiative qui peut contribuer à libérer du temps pour les juridictions administratives et restaurer la confiance entre les élus des collectivités territoriales doit être soutenue. Ils préconisent donc l’instauration de ce médiateur, qui doit être positionné à un niveau suffisamment élevé pour éviter les interférences avec le milieu politique local.

Proposition  19 : Mettre en place au niveau du préfet de région un médiateur des collectivités territoriales spécifiquement chargé du traitement précontentieux des différends entre un élu local et l’exécutif de la collectivité.

2/ Selon l’AELO, une autre voie d’apaisement réside dans la formation des élus d’opposition. Comme l’a souligné M. Lefebvre, « le dialogue entre les élus de la majorité et ceux de l’opposition y gagnerait si ceux-ci étaient mieux formés. » ([197])

Lors de son audition, Mme Julie Mouzon, présidente de l’association Élues locales, a rappelé que les élus non dotés d’une délégation se retrouvaient souvent dans une « zone non-définie » où « l’on ne sait pas ce que l’on attend d’eux ». Si le développement de l’effort de formation des élus locaux envisagé par la mission d’information (cf. B du III infra) devrait y contribuer, l’association propose la mise en œuvre d’une mesure simple : l’élaboration par la DGCL d’une fiche récapitulant, pour chaque strate, les principaux droits et devoirs attachés à la fonction d’élu local ainsi que les règles de fonctionnement de l’assemblée délibérante. La fiche permettrait ainsi aux élus d’opposition de connaître l’étendue de leur droit à l’information sur les affaires de la collectivité ainsi que des pouvoirs dont ils disposent pour influer sur le sens de la politique mise en œuvre par l’exécutif (liberté d’expression, droit d’amendement, etc.).

Proposition  20 : Mettre en ligne sur le site de la DGCL une fiche des droits et devoirs attachés au mandat ainsi que du rôle attendu d’un élu local, avec un rappel des règles en vigueur en matière de droit à l’information et de capacité d’influence sur les affaires de la collectivité (liberté d’expression, droit d’amendement, etc.).

 

 


  1  

II.   LA REVITALISATION DE LA DÉMOCRATIE LOCALE PASSE PAR LA MISE EN PLACE D’UN STATUT D’Élu rÉellement attractif et transparent

Face à la crise des vocations, la question d’une juste indemnisation de l’exercice du mandat local, qui est la reconnaissance de l’engagement de l’élu dans la gestion au quotidien de sa collectivité au service de l’intérêt général, du temps qu’il y consacre et des sacrifices personnels auxquels il doit souvent consentir, est un enjeu démocratique majeur.

Elle a pour contrepartie des exigences renforcées de probité de la part des élus qui reposent sur la nécessité de maintenir l'intégrité, la transparence et la confiance dans le processus démocratique et la gestion publique.

Par souci de cohérence et pour leur donner la visibilité qu’ils méritent, l’ensemble de ces droits et devoirs de l’élu local pourraient opportunément être rassemblés en tête du code général des collectivités territoriales au sein d’un livre particulier.

Proposition  21 : Rassembler sous un livre particulier de la première partie du code général des collectivités territoriales l’ensemble des dispositions relatives au statut de l’élu local.

A.   Les droits attachés à l’exercice d’un mandat local doivent être revalorisés de façon à créer un « choc d’attractivité »

Rendre attractif l’exercice du mandat électif local passe nécessairement par une revalorisation indemnitaire et une amélioration de la prise en charge des frais engagés pour le mandat.

1.   Réformer les modalités de fixations des indemnités

Si elles ne constituent pas une rémunération mais une compensation, les indemnités de fonction doivent permettre de couvrir les frais courants inhérents à l’exercice des fonctions des élus et compenser la diminution du temps qu’ils peuvent accorder à leurs activités personnelles et professionnelles. Le constat de la décorrélation du niveau des indemnités, principalement celles des élus municipaux, et des responsabilités exercées (maires et adjoints des grandes villes), est aujourd’hui largement partagé. En outre, alors que l’indemnisation des élus est un sujet à forte charge politique, la plupart de nos concitoyens ignorent que près des deux-tiers des élus ne sont ni indemnisés ni défrayés, ce qui paraît incongru eu égard à l’engagement citoyen qui est le leur.

a.   Fixer les indemnités de fonction au plafond prévu par la loi sans qu’une délibération ne soit nécessaire

Les indemnités de fonction des élus sont fixées par l’organe délibérant dans les trois mois suivant son installation.

Comme l’ont rappelé MM. Rémi Lefebvre et M. Didier Demazière lors de leur audition par la mission d’information,  la délibération sur les indemnités, particulièrement dans les petites communes, est politiquement sensible car les élus se situent dans des « réseaux de contrôle social ». Particulièrement en début de mandat, la question des indemnités suscite des débats entre les élus à l’aune de leur propre perception du rôle de l’indemnité et de celle, variable, des habitants.

Le maire est l’élu le plus confronté au jugement de ces concitoyens sur le montant de l’indemnité et sur le coût de celle-ci pour le budget communal. Il est parfois contraint de renoncer à tout ou partie de son indemnité « soit pour montrer sa solidarité avec ses concitoyens dont le pouvoir d’achat est en berne avec l’inflation, soit pour limiter le coût financier pour le budget de sa commune » (Murielle Fabre, maire de Lampertheim et secrétaire générale de l’AMF).

C’est pour ces raisons que l’article 78 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a introduit un aménagement s’agissant des maires en prévoyant que dans les communes de moins de 1 000 habitants, l’indemnité allouée au maire est fixée au taux maximal, sauf si le conseil municipal en décide autrement (article L. 2123-20-1 du CGCT).

Par la suite, cette disposition a été élargie à l’ensemble des maires. Enfin, la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux de leur mandat, son article 3, a prévu que la fixation des indemnités de fonction du maire est exclue de la délibération par laquelle le conseil municipal vote les indemnités de ses membres, l’indemnité du maire étant fixée au plafond du barème figurant à l’article L. 2123-23 du CGCT quelle que soit la population de la commune.

Cependant, l’article 5 de la loi du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle a modifié ledit article en donnant la possibilité au conseil municipal de fixer une indemnité de fonction inférieure au barème, « à la demande du maire » ([198]).

La combinaison de ces deux dernières dispositions – fixation par la loi de l’indemnité de fonction du maire au montant maximal du barème et possibilité de moduler par une délibération votée à l’initiative du maire – permet aux maires de se dispenser d’un débat toujours sensible et parfois pénible, dès le début de son mandat, concernant le montant de son indemnité de fonction puisque celui-ci est fixé par la loi.

Pour autant, ce débat subsiste pour la fixation des indemnités des autres élus, adjoints au maire, conseillers délégués mais également au sein des conseils départementaux et régionaux.

Un consensus semble aujourd’hui se dessiner pour étendre à l’ensemble des élus locaux le principe d’une fixation de l’indemnité de fonction au taux maximal prévu par la loi, sauf délibération contraire.

MM. Rémi Lefebvre et Didier Demazière font observer que cela permettrait de « fluidifier » la séquence de début de mandat au cours de laquelle sont votées les indemnités de toutes natures : « il est politiquement plus facile de voter une diminution qu’une augmentation des indemnités ».

Cette position est partagée par les associations d’élus. Ainsi, M. Daniel Cornalba, maire de l’Etang-la-Ville, représentant l’APVF, suggère de fixer les indemnités au taux maximal « pour éviter de s’enferrer dans des débats démagogiques ». Lors de la table ronde des élus du 21 septembre 2023, M. Serge de Carli, maire de Mont-Saint-Martin, a évoqué les critiques virulentes que les élus de l’EPCI qu’il préside ont subi de la part de certains habitants, notamment sur les réseaux, après avoir voté une augmentation de leurs indemnités suite à la transformation de la communauté de communes de Longwy en communauté d’agglomération. Alors que les indemnités des élus des petites communes ont été revalorisées en 2019 ([199]), l’APVF fait observer que les maires des petites villes ont des responsabilités équivalentes à celles de cadres, mais que les indemnités sont sans rapport ; elles pourraient opportunément être alignées sur le traitement du DGS de la commune afin de corriger ce qui apparaît comme une « anomalie ». Mme Coralie Dénoues, pour Départements de France, considère qu’« il est essentiel que l’indemnité du président [du conseil départemental] ne soit pas soumise au vote de l’organe délibérant ». Dans sa contribution écrite ([200]), Régions de France propose que « sur ce sujet sensible [des indemnités], le montant des indemnités soit automatiquement fixé à son plafond par la loi, l’organe délibérant pouvant décider de minorer ce montant à la demande du président de l’exécutif », une formulation très proche du droit existant pour les maires.

Les rapporteurs recommandent de modifier la loi de façon à ce que les indemnités de fonction des exécutifs locaux soient fixées au plafond maximum prévu par les barèmes légaux, sauf si l’organe délibérant en décide différemment, à la demande du maire ou de son président.

Proposition  22 : Prévoir que les indemnités des membres des exécutifs locaux sont fixées au plafond maximum prévu par la loi sauf si l’organe délibérant en décide autrement, à la demande du maire ou de son président.

b.   Attribuer aux conseillers municipaux sans délégation une « indemnité d’engagement citoyen », même symbolique

En l’état du droit, si les conseillers départementaux et les conseillers régionaux sont indemnisés, les conseillers municipaux ne le sont pas systématiquement.

Ils peuvent percevoir une indemnité de fonction, dont le montant maximal ne peut dépasser 6 % de l’indice brut 1027, soit actuellement 245,15 euros bruts par mois (I et II de l’art. L. 2123-24-1 du CGCT). Toutefois, contrairement aux élus des communes de plus de 100 000 habitants, pour qui cette indemnité est de droit, l’indemnité des conseillers municipaux des communes de moins de 100 000 habitants est facultative.

Si la commune décide de fixer une telle indemnité pour ses conseillers municipaux, celle-ci sera comprise dans l’enveloppe indemnitaire globale (EIG), ce qui signifie que le maire et les adjoints ne pourront percevoir le taux maximum. Cette différence de traitement peut sembler justifiée au regard des exigences liées à l’exercice d’un mandat (fréquence des réunions du conseil municipal et des commissions, représentations, etc.) dans les grandes villes par rapport aux communes de taille intermédiaire ou en milieu rural. Plus la taille de la commune est importante, plus les conseillers sont exposés et peuvent avoir besoin de mobiliser du temps pour l’exercice de leur mandat au détriment de leur activité professionnelle, l’indemnité de fonction de droit compensant ces sujétions.

Interrogé sur l’extension de l’indemnisation de droit des conseillers municipaux, M. Didier Demazière estime qu’« une telle généralisation nécessite de pouvoir être justifiée, or la charge de travail des conseillers municipaux ne le justifie pas toujours. ». Il ajoute cependant qu’« un autre point de vue est de comparer le mandat de conseiller municipal avec celui de conseiller départemental ou régional qui n’a pas non plus de fonctions exécutives », mais qui est indemnisé. Ce différentiel de traitement peut interroger ; il peut s’expliquer par le nombre de conseillers départementaux et régionaux bien plus faible que celui de conseillers municipaux ([201]), dans un rapport de 1 à 100, et par le coût induit par une généralisation de l’indemnisation des conseillers municipaux à l’ensemble des communes. M. Didier Mazière précise que « l’exercice d’un mandat génère des frais variables : transports, congés sans solde, etc. qui doivent être logiquement compensés mais qui, actuellement, ne le sont pas pour les conseillers municipaux ».

Les associations d’élus, auditionnées par les rapporteurs, ne sont pas unanimes sur le sujet de l’indemnisation de tous les conseillers municipaux. Par exemple, France Urbaine suggère de privilégier l’extension et la systématisation du défraiement aux élus non titulaires d’une délégation plutôt qu’indemniser ceux-ci. Une position que ne partage pas l’AELO qui, par la voix de son président M. Jean‑Paul Lefebvre, soutient le principe d’une extension de l’indemnisation aux conseillers municipaux des communes de plus de 30 000 habitants qui serait financée par la DPEL.

Les rapporteurs considèrent que, dans son principe, l’exercice d’une fonction publique élective doit ouvrir droit à une indemnité qu’ils proposent de renommer en « indemnité d’engagement citoyen », puisqu’elle est la reconnaissance de l’engagement et du travail qu’effectue le citoyen élu au service de la collectivité et pour l’intérêt général, et une compensation du temps et des efforts qu’il consacre à ces fonctions. Ils proposent que tous les conseillers municipaux sans délégation perçoivent une indemnité d’engagement citoyen, même symbolique, qui pourrait être fixée entre 1 % (communes de moins de 1 000 habitants) et 6 % (communes de plus de 100 000 habitants) de l’indice brut 1027, soit entre 40,85 et 245,15 euros bruts. Cette indemnité d’engagement citoyen serait financée par la DPEL. Sur la base d’une indemnité moyenne de 100 euros bruts par mois pour les quelques 300 000 conseillers actuellement non indemnisés, le coût de la mesure peut être évalué à 360 millions d’euros.

Proposition  23 : Attribuer une indemnité d’engagement citoyen, financée par la dotation particulière « élu local » (DPEL), à tous les conseillers municipaux sans délégation, d’un montant compris entre 40,85 et 245,15 euros bruts par mois.

c.   Améliorer la prise en charge de certains frais et la compensation aux petites communes par l’État

Au-delà de leur éventuelle indemnité de fonction, les élus locaux peuvent bénéficier du remboursement de certains frais engagés en raison de l’exercice du mandat :

– les frais d’exécution d’un mandat spécial : les élus municipaux, départementaux et régionaux ont droit au remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux. Cela inclut une indemnité journalière dans la limite de celle applicable aux fonctionnaires de l’État, le remboursement des dépenses de transport et la prise en charge des frais de garde d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées, handicapées ou à celles qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile (articles L. 2123-18, L. 3123-19, L. 4135-19 du CGCT) ;

– les frais de déplacement et de séjour : les élus peuvent bénéficier du remboursement des frais de transport et de séjour engagés pour la participation à des réunions liées à leur mandat (art. L. 2123-18-1, L. 3123-19, L. 4135-19 et L. 5211-13 du CGCT) ;

– les frais de garde d’enfant ou d’assistance à certaines personnes à charge : les élus municipaux, départementaux et régionaux peuvent bénéficier de la prise en charge des frais liés à l’organisation de la garde d’un enfant, d’une personne âgée, d’une personne handicapée, ou d’une personne ayant besoin d’une aide personnelle à son domicile lorsqu’ils participent à des réunions liées à l’exercice de leur mandat (art. L. 2123-18-2, L. 3123-19 et L. 4135-19 du CGCT) ;

– les frais de représentation des maires : ceux-ci ont pour objet de couvrir des dépenses engagées par le maire, et lui seul, à l’occasion de ses fonctions et dans l’intérêt de la commune (art. L. 2123-19 du CGCT) ;

– les frais exceptionnels d’aide et de séjour engagés en cas d’urgence par le maire ou un adjoint au maire sur leurs deniers personnels (article L. 2123‑18‑3 du CGCT).

Dans les communes comptant moins de 3 500 habitants, les dépenses exposées par la collectivité pour défrayer les élus municipaux au titre des frais de garde ou d’assistance à certaines personnes à charge donnent lieu à une compensation par l’État ([202]).

On relèvera que le conseil municipal peut voter « des indemnités au maire pour frais de représentation ». Cette disposition existe depuis la loi de 1884. En revanche, comme le font observer Départements de France et Régions de France, une telle compensation des frais de représentation n’existe pas s’agissant des présidents des conseils départementaux et régionaux. M. Rémy Lefebvre, pour l’Observatoire de l’éthique publique, souligne que « le contrôle des frais est très léger pour les élus locaux alors qu’il est désormais très strict pour les parlementaires » ; la compensation des frais par une indemnité ne lui paraît pas, de ce point de vue, pertinente. Les rapporteurs considèrent qu’attribuer au conseil départemental ou régional la faculté de voter une indemnité de représentation au bénéfice de son président doit s’accompagner de l’exigence de production de justificatifs permettant de s’assurer que son montant ne dépasse pas les frais

Comme le rappelle M. Etienne Chaufour, pour France Urbaine, « la collectivité n’est pas tenue de prendre à sa charge les frais supportés par les élus non titulaires d’une délégation ou d’un mandat spécial, y compris les frais de transport », à l’exception de ceux engagés pour participer aux réunions des instances et organismes où ils représentent leur commune (article L. 2123-18-1 du CGCT). Il signale d’ailleurs que cette disposition est mal connue des élus eux-mêmes, surtout en début de mandat. Dans sa contribution, Départements de France confirme que « sauf à établir un mandat spécial, cette liste limitative [énoncée à l’article L. 3123-19 du CGCT] ne permet pas de rembourser les frais de déplacement liés à la participation des élus ès qualité à une inauguration, une foire, une exposition, un vernissage, une remise de prix, une décoration, à des vœux ou toute invitation d’associations (assemblée générale, rencontres sportives, etc.) ni les déplacements des réunions politiques. »

Les auditions ont montré que le sujet de la prise en charge des frais liés à l’exécution du mandat local est central pour les élus. Pour certains élus, l’indemnité peut ne pas couvrir ces frais, ne laissant pas plus de reste à vivre. Une amélioration de cette prise en charge est une condition sine qua non pour restaurer l’attractivité du mandat électif.

Les rapporteurs proposent de revoir le régime de prise en charge des frais de transport en l’élargissant, sur justificatifs, aux élus titulaires d’une délégation, sans qu’il ne soit nécessaire d’établir un mandat spécial.

Proposition  24 : Permettre la prise en charge par le conseil départemental ou régional, sur justificatifs, des frais de représentation du président.

Proposition  25 : Étendre la prise en charge des frais de transport, sur justificatifs, à tout élu disposant d’une délégation, indépendamment de tout mandat spécial.

2.   Donner du temps et des moyens aux élus pour mieux organiser l’exercice de leur mandat

a.   Mieux concilier l’exercice du mandat électif avec une activité professionnelle

L’engagement des élus dans leur mandat requiert toujours plus de temps, dans la mesure où leurs missions se complexifient et deviennent plus exigeantes.

De ce point de vue, les auditions de la mission ont montré que les élus n’étaient pas dans la même situation selon leur situation professionnelle. La surreprésentation des retraités, des agents publics et des professions libérales a déjà été rappelée. Il convient de rappeler que l’employeur n’est pas tenu de rémunérer les temps d’absence du salarié.

L’article 87 de la loi « Engagement et proximité » de 2019 a étendu les autorisations d’absence des conseillers municipaux et réévalué le crédit d’heures trimestriel dont bénéficient les élus qui sont désormais fixés selon le tableau suivant :

 

Fonctions de l'élu

Taille de la commune

Durée légale du crédit d'heures (par trimestre)

Conseiller municipal

moins de 3 500 habitants

10 heures 30

de 3 500 habitants à 9 999 habitants

10 heures 30

de 10 000 et 29 999 habitants

21 heures

de 30 000 et 99 999 habitants

35 heures

100 000 habitants ou plus

70 heures

Adjoint au maire

moins de 10 000 habitants

70 heures

de 10 000 à 29 999 habitants

122 heures 30

30 000 habitants ou plus

140 heures

Maire

Moins de 10 000 habitants

122 heures 30

10 000 habitants ou plus

140 heures

Pour les conseillers départementaux et régionaux, ce crédit d’heures est de 105 heures et de 140 heures pour le président et les vice-présidents. Le crédit d’heures est indépendant des autorisations d’absence.

Le constat est là : malgré la révision des dispositifs d’absences légales, les élus locaux peinent à faire valoir leurs droits. Si l’APVF propose d’augmenter les crédits d’heures des maires et des adjoints des petites villes, Mme Carine Houdouin, pour l’AMRF, souligne qu’ « il existe une véritable difficulté pour un élu à concilier ses fonctions avec une carrière professionnelle », particulièrement dans les communes rurales où le maire est le plus souvent seul avec une petite équipe et peu de ressources en ingénierie et en services techniques, ce qui conduit le maire à « être tous les jours au travail pour sa mairie donc de mettre entre parenthèses sa carrière professionnelle ». La maire de Richarville déplore « la méconnaissance, dans le secteur privé, du statut des élus », ce qui rend difficile pour l’élu de faire valoir ses droits en matière d’autorisation d’absence et de crédit d’heures. L’AMRF suggère de mieux informer les entreprises qui emploient des élus municipaux sur les droits de ceux-ci en matière d’autorisations d’absence et de crédits d’heure. Cela pourrait passer par une information officielle que le représentant de l’État enverrait aux chefs d’entreprise concernés peu après les élections municipales. Sur le modèle du partenariat Réserve-Entreprise-Défense qui lie les entreprises volontaires qui emploie des réservistes, un label « Entreprise citoyenne » pourrait être créé pour valoriser les entreprises qui emploient des élus locaux.

Proposition  26 : Instaurer une démarche d’information officielle des entreprises qui ont dans leur effectif un maire ou un adjoint au maire, par un courrier du préfet rappelant le rôle essentiel des élus municipaux et leurs droits.

Proposition  27 : Porter le crédit d’heures accordé aux maires de 140 heures (122,5 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 175 heures par trimestre et de 122,5 heures (70 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 140 heures par trimestre pour les adjoints au maire.

Proposition  28 : Créer un label « Entreprise citoyenne » qui récompenserait les entreprises qui des élus locaux dans leur effectif.

b.   (Ré)inscrire les élus locaux sur la liste des salariés protégés

L’article 8 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat avait accordé aux maires et aux adjoints des communes de plus de 10 000 habitants, lorsqu’ils n’avaient pas cessé leur activité professionnelle, le statut de salarié protégé au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail, comme le sont les délégués syndicaux ou les conseillers prud’hommes notamment ([203]). Cette disposition avait été inscrite aux articles L. 2123-9, L. 3123-7 et L. 4135-7 du CGCT pour ces élus des exécutifs municipaux, départementaux et régionaux. Toutefois, elle n’avait pas été transposée dans le code du travail, en particulier dans la liste des salariés protégés figurant à l’article L. 2411-1 dudit code.

La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a tiré les conséquences des difficultés à assurer l’efficacité de ce statut de salarié protégé du fait de ce défaut de coordination et de l’absence de mention de la durée de cette protection dans la loi, en supprimant le statut de salarié protégé des élus locaux dans le code général des collectivités territoriales. En revanche, elle a étendu aux élus locaux, en son article 86, la protection contre les formes de discrimination prévue par l’article L. 1132-1 du code de travail, en matière d’embauche, de formation, de licenciement, de rémunération, d’intéressement, de reclassement, de promotion ou de mutation professionnelle.

Ainsi, l’employeur ne peut se prévaloir de la qualité d’élu du salarié au moment de l’embauche, dans le déroulé de carrière ou pour le licencier. Toutefois, l’effectivité de cette protection n’est pas garantie et comme le soulignait le sénateur Bernard Saugey rapporteur de la proposition de loi de Mme Jacqueline Gourault et de M. Jean-Pierre Sueur ayant abouti à la loi de 2015 précitée, il convient de « protéger l’élu contre toute brimade en réaction à son activité politique » ([204]).

Les rapporteurs considèrent qu’au regard du travail, il est pertinent d’inscrire les élus locaux, qu’ils soient ou non membres d’un exécutif, sur la liste des salariés protégés dans le code du travail, afin de les prémunir contre les risques de licenciement au motif qu’ils exercent des fonctions électives.

Proposition  29 : Inscrire les titulaires d’un mandat électif public sur la liste des salariés protégés dans le code du travail.

c.   Simplifier la conciliation des études avec l’exercice d’un mandat électif pour permettre aux étudiants de s’engager pleinement dans la vie publique locale

Les étudiants sont nombreux à s’engager mais peu le font par le biais de l’exercice d’un mandat public électif. Comme le constate l’APVF dans sa contribution d’octobre 2023, « les jeunes élus rencontrent des difficultés particulières » qui ne sont pas vraiment prises en compte. Tout d’abord, les étudiants peuvent être contraints de renoncer à la vie publique du fait de l’éloignement de leur lieu d’études. À cet égard, M. Henri Cabanel, sénateur, faisait observer dans son rapport d’information sur la jeunesse et la citoyenneté publié en juin 2022 qu’ « il est en effet difficile de fidéliser les jeunes dans les territoires qu'ils doivent quitter pour leurs études ou leur parcours professionnel » ([205]). Pour un étudiant-élu, les trajets entre le lieu d’études et le lieu d’exercice du mandat peuvent être coûteux. Par ailleurs, les horaires des réunions (conseils municipaux, commissions, etc.) peuvent ne pas être compatibles avec ceux de certains cours.

Pour faciliter la conciliation des études avec l’exercice d’un mandat électif, l’association des jeunes élus de France (AJEF) et l’APVF font plusieurs propositions :

– permettre la prise en charge, par la commune, dans des conditions déterminées par le conseil municipal, des frais de déplacement de l’étudiant entre sa commune d’élection et la commune où il suit des études, pour les séances du conseil municipal ;

– garantir à l’étudiant un droit d’absence auprès de son établissement d’enseignement supérieur pour assister aux séances du conseil municipal et aux réunions des commissions dont il est membre ;

– permettre la participation au conseil municipal en visioconférence, comme la loi l’avait autorisé pendant la période du covid jusqu’au 31 juillet 2022 ([206]) et comme le permet depuis le 1er août 2022 l’article L. 5211-11-1 du CGCT s’agissant des conseils communautaires pour les EPCI.

Les rapporteurs approuvent ces propositions. L’engagement des jeunes dans la vie publique doit être un chantier prioritaire. Ils recommandent d’étendre la prise en charge par la commune des frais de déplacement engagés par l’élu étudiant pour rejoindre la réunion du conseil municipal.

Les rapporteurs rappellent que l’engagement étudiant favorise l'acquisition de compétences et de savoirs qui contribuent à l'épanouissement, à la formation citoyenne et à une meilleure insertion professionnelle des étudiants.

Deux dispositifs, issus de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([207]), permettent de valoriser l’engagement et les activités extraacadémiques des étudiants.

En premier lieu, l’article L. 611-11 du code de l’éducation prescrit aux établissements d’enseignements supérieurs des aménagements dans l'organisation et le déroulement des études et des droits spécifiques afin de permettre aux étudiants de concilier des activités d’engagement ou professionnelles avec leurs études. Sont visés :

– l’exercice de responsabilités au sein du bureau d’une association ;

– l’accomplissement d’une activité militaire dans la réserve opérationnelle, de missions dans la réserve opérationnelle de la police nationale ou de missions en qualité de sapeur-pompier volontaire ;

– la réalisation d’une mission dans le cadre du service civique ;

– l’exercice d’un mandat au sein des conseils d’établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ;

– l’exercice d’une activité professionnelle.

L’article L. 611-9 dudit code prévoit que les compétences, connaissances et aptitudes acquises par un étudiant dans le cadre d’une activité d’engagement peuvent, sous les conditions prévues aux articles D. 611-7 à D. 611-9, être validées au titre de sa formation. Sont concernées par cette possibilité de validation :

– une activité bénévole au sein d’une association ;

– une activité sportive sous réserve de figurer sur la liste des sportifs de haut niveau prévue à l’article L. 221-2 du code du sport ;

– une activité militaire dans la réserve opérationnelle ou un volontariat dans les armées ou un engagement dans la réserve opérationnelle de la police nationale ou des douanes ou un engagement comme de sapeur-pompier volontaire ;

– un service civique.

Les rapporteurs recommandent d’inscrire l’accomplissement d’un mandat public électif comme activité ouvrant droit à un aménagement des études et à une validation au titre de la formation.

Proposition  30 : (Élus étudiants) Permettre la prise en charge, par la commune, dans des conditions déterminées par le conseil municipal, des frais de déplacement de l’étudiant élu entre la commune où il est élu et celle où il suit ses études.

Proposition  31 : (Élus étudiants) Ajouter les titulaires d’un mandat électif local à la liste des activités d’engagement permettant de bénéficier d’aménagements dans l’organisation et le déroulement des études ainsi que des droits spécifiques, prévus à l’article L. 611-11 du code de l’éducation, et permettant d’être validées au titre de la formation dans les conditions prévues à l’article L. 611-9 du même code.

d.   Permettre aux élus en situation de handicap de mieux exercer leur mandat

Dans une étude publiée en 2021 ([208]), l’association Handeo fait le constat que le nombre d’élus en situation de handicap est beaucoup plus faible que la proportion de personnes handicapées dans la société.

Les rapporteurs ont reçu une contribution écrite de Mesdames Audrey Henocque, première adjointe au maire de la ville de Lyon, et Odile Maurin, conseillère municipale de Toulouse, qu’ils remercient chaleureusement.

Elles apportent un témoignage capital sur l’exercice de mandats locaux, comme membres d’un exécutif pour l’une et de l’opposition pour l’autre, en situation de handicap.

Un premier constat peut être fait : le code général des collectivités ne contient que deux références au handicap, à savoir les articles L. 2123-18-1 et L. 5211-13, issus de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui prévoient uniquement le remboursement des frais spécifiques d’accompagnement et d’aides techniques pour les déplacements destinés à prendre part aux séances du conseil municipal et aux réunions des commissions et des instances dans lequel l’élu siège. Aux termes de l’article R. 2123-22-3, ces remboursements sont plafonnés mensuellement au montant de l’indemnité du maire d’une commune de 500 habitants, soit 1 041,90 euros bruts.

Une lecture restrictive de la loi peut conduire à l’interpréter comme ne permettant à l’élu en situation de handicap de bénéficier du remboursement des frais qu’il engage que pour se rendre et assister aux séances du conseil municipal, des commissions dont il est membre, et des instances où il a été nommé par le conseil municipal, à l’exclusion de toutes autres réunions préparatoires à ces séances. Cependant, pour « prendre part », c’est-à-dire participer, l’élu en situation de handicap doit pouvoir également se rendre et participer aux réunions préparatoires, en amont des séances plénières et des réunions de commissions ou des autres instances où l’élu est nommé. Du reste, cette interprétation littérale de la loi est conforme aux principes d’égalité et de non-discrimination constitutionnellement protégés.

Par ailleurs, le plafonnement du remboursement ne tient pas compte de la nature du handicap et des besoins inhérents à l’élu selon ses incapacités qui peuvent être physiques, cognitives, sensoriels, psychiques, plus ou moins invalidantes.

Les rapporteurs proposent de rendre plus claire la volonté du législateur s’agissant du remboursement des frais engagés par l’élu en situation de handicap en posant qu’ils portent également sur les réunions préparatoires aux séances du conseil municipal ou communautaire et aux réunions des commissions et des autres instances où il est nommé. Ils recommandent également de relever le plafond mensuel de remboursement en l’alignant sur l’indemnité des maires des communes de 500 à 999 habitants, soit 1 646,62 euros bruts, ce qui le rapproche du plafond légal prévu par l’article L. 2123-18 du CGCT, correspondant au SMIC.

Les rapporteurs souhaitent également rappeler aux collectivités territoriales l’enjeu fort qu’il y a autour de l’accessibilité des bâtiments recevant du public en général et des lieux de travail des élus – mairies, bureaux, salles de réunion, etc. – en particulier, tel que posé par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, et sur la mise à disposition de moyens matériels – aménagements spécifiques, outils numériques, etc. – dont ont besoin les élus en situation de handicap pour exercer pleinement leur mandat.

Proposition  32 : (Élus en situation de handicap) Clarifier l’article L. 2123-18-1 du CGCT en prévoyant le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique engagés par l’élu, non seulement pour participer aux réunions aux séances du conseil municipal et aux réunions des commissions et des instances dont ils font partie, mais aussi aux réunions préparatoires à celles-ci.

Proposition  33 : (Élus en situation de handicap) Relever le plafond de remboursement des frais en l’alignant sur l’indemnité des maires des communes de 500 à 999 habitants.

Proposition  34 : (Élus en situation de handicap) Prévoir le principe de la prise en charge de l’aménagement du poste de travail sur le lieu de travail de l’élu et à son domicile.

B.   Le devoir d’exemplarité, qui est la contrepartie des pouvoirs et des moyens accordés aux élus, doit être mieux garanti

L’instauration d’un référent déontologue était une attente forte pour faire rendre plus effective la transparence de la vie publique locale. S’il est trop tôt pour en mesurer les effets, cette mesure pourrait s’accompagner d’une extension des obligations déclaratives qui incombent d’ores et déjà aux élus des exécutifs des plus grosses collectivités ainsi qu’aux conseillers départementaux et régionaux. En outre, les rapporteurs sont favorables à ce que le régime indemnitaire puisse s’adapter à l’engagement de l’élu, considérant qu’une telle démarche contribue à faire de l’exemplarité un fil conducteur du mandat local.

1.   Consolider le rôle du référent déontologue et renforcer le caractère républicain et laïque de la Charte de l’élu local

a.   Le déploiement encore balbutiant du référent déontologue de l’élu local

Le référent déontologue (voir encadré p. 48) instauré par la loi « 3DS » s’est mis en place tardivement. Lors des auditions, les associations d’élus, notamment France Urbaine, ont souligné « l’imprécision des critères de désignation des référents fixés par le décret d’application, telle qu’il a été parfois difficile de trouver des candidats qui ne soient ni élus, actuellement ou depuis moins de trois ans, ni agents de la collectivité ni affilié au centre départemental de gestion (CDG) ». Mme Aurore Granero, qui est elle-même référente déontologue, fait remarquer, s’agissant du déploiement des référents, qu’ « il y a une grande différence de moyens à disposition entre les référents déontologues des élus et ceux mis en place pour les fonctionnaires territoriaux » par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, du fait que la déontologie des fonctionnaires territoriaux est assurée au niveau des CDG. Les CDG facilitent le travail de leurs déontologues en mettant à leur disposition une plateforme numérique, de la documentation, formulaires de saisine.

Elle suggère de favoriser autant que possible la mutualisation des référents entre communes au niveau des intercommunalités afin de mutualiser les ressources matérielles à leur disposition.

Par ailleurs, le rôle de ce référent, cantonné à une consultation sur le respect des principes de déontologie mentionnés à l’article L. 1111-1-1 du CGCT, pourrait être précisé sur certains points, par exemple en l’autorisant expressément à assister aux réunions de l’organe délibérant au cours desquelles la collectivité fixe le niveau des indemnités.

b.   La Charte de l’élu local doit réaffirmer les principes de la République

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a institué le contrat d’engagement républicain afin de conforter les grands principes de la République : respect des lois de la République ; liberté de conscience ; liberté des membres ; égalité et non-discrimination ; fraternité et prévention de la violence ; respect de la dignité de la personne humaine, respect des symboles de la République. Ainsi, toute association ou fondation qui sollicite une subvention publique doit s’engager à respecter les valeurs de la République en signant ce contrat aux termes duquel elle « s’engage à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République, à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République et à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public » (annexe au décret d’application n° 2021-1947 du 31 décembre 2021).

Les rapporteurs sont favorables à ce que ces principes républicains soient rappelés dans la Charte de l’élu local. Après avoir remis la Charte aux membres de l’assemblée délibérante immédiatement après son élection le prévoit la loi, le maire ou le président de l’exécutif prendrait publiquement l’engagement de respecter et faire respecter les principes républicains. Cette déclaration pourrait être : « Je m’engage, avec l’ensemble des membres du conseil [municipal, départemental, régional], à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les lois et les symboles de la République. »

Proposition  35 : Donner la possibilité aux communes qui le souhaitent de mutualiser les référents déontologues au niveau de l’intercommunalité. Clarifier et étendre les modalités d’intervention du référent déontologue.

Proposition  36 : Intégrer une référence aux valeurs de la République dans la Charte de l’élu local. Prévoir que le maire ou le président de l’exécutif local nouvellement élu s’engagera, devant les membres de son assemblée délibérante, à respecter ses valeurs.

2.   Élargir les obligations déclaratives des élus locaux pour favoriser une plus grande transparence

Comme rappelé dans la première partie du rapport, afin de prévenir les conflits d’intérêts, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a instauré des obligations déclaratives de situation patrimoniale et d’intérêts pour les présidents des exécutifs locaux et les maires et présidents d’EPCI à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants, ainsi que pour les conseillers départementaux et régionaux, les adjoints aux maires des communes et les vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants titulaires d'une délégation de fonction ou de signature. Une déclaration doit être faite à la HATVP dans les deux mois qui suivent l’entrée en fonction ; une nouvelle déclaration doit être faite dans les deux mois qui suivent la fin du mandat ou la fin des fonctions ; les modifications substantielles d’intérêts et de patrimoine en cours de mandat doivent également faire l’objet d’une déclaration. Seules les déclarations d’intérêts sont publiées sur le site de la HATVP.

Pour Mme Aurélie Granero, qui est membre de l’Observatoire de l’éthique publique, l’impossibilité de rendre publique la déclaration de patrimoine, en application de l’interdiction posée par le Conseil constitutionnel au nom du respect de la vie privée ([209]) est regrettable. Actuellement, seuls 451 maires sont concernés : les maires des communes de moins de 20 000 habitants échappent à ces obligations déclaratives. Or les risques de conflits d’intérêts existent tout autant dans les communes petites et moyennes (cession de terrains, implantation d’éoliennes, etc.) que dans les grandes communes.

Tout en étant conscient de la tâche supplémentaire que cela entraînera pour la HATVP, les rapporteurs proposent d’étendre cette obligatoire déclarative aux maires des communes et aux présidents des EPCI à fiscalité de plus de 3 500 habitants, mais en la limitant à la seule déclaration d’intérêts, sans la déclaration patrimoniale qui ne leur paraît pas nécessaire.

Dans le droit actuel, aucune obligation ne pèse sur les élus locaux en matière de déclaration de dons ou d’avantages en nature. Aucun texte n’interdit expressément à un élu local de recevoir un « cadeau » qui lui serait destiné, quelle que soit sa valeur.

Rappelons que depuis 2012 à l’Assemblée nationale et 2014 au Sénat, les parlementaires sont soumises à des obligations déclaratives qui portent sur les avantages matériels qu’ils sont susceptibles de recevoir de tiers.

Ainsi, l’article 7 du code de déontologie des députés prévoit qu’ « en application du deuxième alinéa de l’article 80-1-2 du règlement de l’Assemblée nationale, les députés déclarent au Déontologue les dons, avantages et invitations à un événement sportif ou culturel d’une valeur qu’ils estiment supérieure à 150 euros dont ils ont bénéficié à raison de leur mandat ». Le même article prévoit une publicité de ses dons sur le site de l’Assemblée. La même obligation existe au Sénat ([210]).

Parallèlement, le législateur a introduit à l’article 18-5 de la loi précitée ([211]) une obligation d’abstention de la part des représentants d’intérêts de remettre aux élus des « présents, dons ou avantages quelconques d’une valeur significative ». La HATV considère, dans ses lignes directrices, que les avantages (cadeaux et invitations) offerts par un représentant d’intérêts doivent être pris en compte dès qu’ils dépassent 50 euros toutes taxes comprises ([212]).

Les rapporteurs considèrent qu’il est opportun, dans un souci légitime de transparence, d’obliger les élus locaux à déclarer au référent déontologue tout don ou avantage quelconque d’une valeur supérieure à 150 euros.

Proposition  37 : Étendre aux maires des communes de 3 500 habitants et plus l’obligation de déclarer ses intérêts à la HATVP.

Proposition  38 : Prévoir que le titulaire d’un mandat électif local doit déclarer tout don ou avantage d’une valeur supérieure à 150 euros à son référent déontologue.


III.   L’ENGAGEMENT D’ÉLU LOCAL DOIT ÊTRE RECONNU À SA JUSTE VALEUR

Le sentiment d’impuissance est un des symptômes les plus marquants de la crise qui traverse la vie politique française. Il reste encore possible de redynamiser l’échelon local en lui donnant les moyens de répondre aux préoccupations de nos concitoyens, tant sur le plan des pouvoirs que des compétences professionnelles.

A.   L’exercice de fonctions exécutives locales suppose l’existence d’un véritable pouvoir d’agir

Le maire s’est imposé au 19e siècle comme un échelon politique accessible capable d’apporter des réponses à des problèmes concrets. Fragilisé par les réformes récentes de la décentralisation, l’exécutif communal doit être repositionné au cœur de l’action publique de proximité, en particulier dans le domaine de la tranquillité publique.

1.   L’exigence d’une réactivation de la capacité des maires à apporter des réponses rapides à leurs concitoyens

En dépit du discrédit croissant dont souffre le personnel politique en France ([213]), les élus locaux et, parmi eux, les maires, restent, année après année, un échelon dans lequel les Français se retrouvent.

Dans sa dernière enquête d’opinion, en date de juillet 2021, l’Observatoire de la démocratie de proximité constatait que près des trois quarts des personnes interrogées (74 %) avaient confiance en leur maire, loin devant le conseiller départemental (57 %), le conseiller régional (57 %) et le député (43 %) ([214]). Cet attachement tient avant tout à la « proximité » recherchée par les citoyens, critère qui ressort régulièrement dans les enquêtes d’opinion ([215]).

Une telle popularité a une contrepartie, que la plupart des élus locaux ont soulignée lors de leurs auditions par la mission d’information : selon les termes employés par Mme Carine Houdouin, maire de Richarville (91) ([216]), le maire doit accepter d’être « le premier réceptacle » des problèmes rencontrés par la population, quels qu’ils soient. « Guichet général » de la société selon M. Daniel Cornalba, maire de l’Étant-la-Ville ([217]), la commune est, pour M. Serge de Carli, maire de Mont-Saint-Martin (54), « l’outil de proximité » qui fait « tenir » notre pays ([218]).

Le recul des services publics conjugués à leur numérisation ainsi que la désertification de nombreux territoires en matière de commerces de proximité et de services essentiels sont des facteurs clefs dans la sollicitation de plus en plus fréquente du maire.

Le maire, figure bienfaitrice et républicaine

Au XIXe siècle, en dépit des compétences limitées que leur attribue le décret de l’Assemblée constituante du 14 décembre 1789 (art. 50 : « faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics »), les maires s’imposent rapidement comme des leviers nécessaires au déploiement des politiques de pacification sociale, d’équipement et d’aménagement du territoire.

Le principal défi auquel les édiles sont confrontés à cette époque est celui de la subsistance :  une étude historique portant sur le département de la Côte-d’Or (21) sous la Restauration évoque le cas du maire de Nuits-Saint-Georges qui précipita le battage de sa propre récolte de blé pour satisfaire à la demande urgente des boulangers du village ([219]). L’image du « maire bienfaiteur » s’affirme dans l’opinion publique ([220]).

Avec la loi du 5 avril 1884 (supra), la commune acquiert une clause générale de compétences (art. 61), qui permet aux maires de s’affirmer comme les relais indispensables de l’État en matière d’organisation des services publics (santé et hygiène, transports, gaz et électricité, etc.). La tenue à Paris, le 22 septembre 1900, d’un gigantesque « banquet des maires » au cours duquel furent servis 22 965 couverts, marque la consécration républicaine du premier magistrat municipal.

Sans menacer l’existence même de la commune, la mise en place de formes intégrées d’intercommunalité à partir des années 1960 ([221]), le développement de nouvelles catégories d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à partir de 1992 ([222]) puis leur systématisation dans les années 2010 ([223]) affectent le processus de décision en le rendant plus complexe. Lors de son audition, M. Fabian Jordan, président de Mulhouse Alsace agglomération, a illustré, au travers de la gestion des aires d’accueil pour gens du voyage, la difficulté d’articuler l’action des différents échelons administratifs depuis le préfet jusqu’au maire, alors même qu’il s’agit d’un sujet de crispation au sein de la population ([224]).

Or, en cas de conflit, c’est le maire qui est en première ligne : les médias se font régulièrement l’écho d’agressions sur ce sujet ([225]), qui viennent ainsi alimenter le nombre d’atteintes aux élus enregistrées sur le territoire national. Comme l’a souligné de manière imagée Mme Carine Houdouin lors de son audition ([226]), le maire est littéralement « à portée de baffes ».

La gestion imbriquée des aires d’accueil pour gens du voyage

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite « loi Besson », oblige les communes de plus de 5 000 habitants à être inscrites au schéma départemental fixant les secteurs géographiques d'implantation des « aires permanentes d’accueil », « des aires de grand passage » et des « terrains familiaux locatifs » (II de l’art. 1er). Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l'État dans le département et le président du conseil départemental (II du même art. 1er).

Dans les années 2010, le législateur a confié « l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage » aux intercommunalités : les communautés urbaines et les métropoles ont été les premières concernées (loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi « MAPTAM ») puis cette compétence obligatoire a été étendue aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

La compétence des communes de plus de 5 000 habitants se limite désormais à accueillir sur leur territoire des aires d’accueil de gens du voyage ou de contribuer au financement d’aires situées sur une commune appartenant au même EPCI. La police spéciale pour stationnement illicite en dehors des aires d’accueil est, par ailleurs, transférée au président de l’EPCI ([227]).

Les communes d’au plus 5 000 habitants restent en dehors de ce dispositif, bien qu’elles soient soumises à une obligation générale d’accueil fixée par la jurisprudence administrative (CE, 2 décembre 1983, Ville de Lille c/ Ackermann) et qu’elles puissent se voir imposer la création d’une aire d’accueil par l’EPCI si leur commune est inscrite au schéma départemental.

Cette exposition du maire est d’autant plus forte que, sur chacun des sujets de préoccupations des citoyens, le maire n’est pas le seul intervenant.

1/ Dans le domaine de la sécurité, qui est devenue la priorité des Français lors des élections municipales de 2020 ([228]), la police municipale ne peut intervenir que de manière limitée, les pouvoirs d’enquête délictuelle et criminelle étant détenus par les officiers nationaux de police judiciaire (OPJ) (cfinfra) ;

2/ En matière de logement social, premier sujet cité dans les enquêtes d’opinion lors des élections municipales en 2008 ([229]), les demandes de logement sont traitées par des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL) où participent, outre le maire et l’organisme bailleur, le président de l’EPCI concerné ainsi que le représentant de l’État, qui dispose d’un pouvoir de réservation au titre du droit au logement opposable (DALO) ([230]) ; 

3/ S’agissant des transports en commun, qui reste un important sujet de préoccupation ([231]), on peut rappeler que, depuis la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), les régions et les intercommunalités sont devenues des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sur l’ensemble du territoire ([232]).

Quand la décision échappe, en tout ou partie, au maire, il lui devient, dès lors, impossible d’apporter une réponse rapide à ses concitoyens, ce qui peut susciter de l’incompréhension, voire de l’hostilité, chez les personnes dans le besoin. Lors de la table ronde des référents des partis politiques organisée par la mission d’information ([233]), M. Pierre Jouvet, secrétaire général du Parti socialiste et maire de Saint-Vallier (26), souligne le risque qu’à force d’impuissance, les citoyens finissent par dire à leur maire qu’il ne « sert à rien ».

L’AMF a fait du « pouvoir d’agir » le thème central de son 104ème Congrès les 22‑24 novembre 2022 : le communiqué final adopté à l’issue des débats indique que ce « pouvoir » est « la voie privilégiée pour apaiser les tensions sociales et redonner du sens à la démocratie représentative ([234]). »

2.   L’opportunité d’un renforcement des pouvoirs de la police municipale aux côtés des forces de sécurité nationale

Au titre de la préservation de l’ordre public, le maire peut s’appuyer sur des services de police municipale qui sont placés sous son autorité et agissent de manière complémentaire par rapport aux policiers nationaux et aux gendarmes selon le cadre général fixé par la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 (cf. infra). Les policiers municipaux voient leurs effectifs progresser depuis plusieurs années sans que leurs pouvoirs puissent être considérés à la hauteur des enjeux de sécurité contemporains.

L’évolution en dents de scie du rôle de la police municipale depuis 1884

Dans la lignée du décret du 14 décembre 1789 (cf. supra), la loi du 5 avril 1884, en son article 91, consacre le rôle du maire en matière de « police municipale », celle-ci étant définie comme les mesures permettant d’assurer le respect du « bon ordre », de la « sûreté » et de la « salubrité publique » (art. 97). Ces dispositions ont été codifiées sans grandes modifications à l’art. L. 2212-2 du CGCT. Sous la IIIe République, la police était donc essentiellement municipale, à l’exception des grandes villes telles que Paris (création de la préfecture de police en 1800), Lyon (1851) et Marseille (1908).

À partir des années 1920 se produit un mouvement d’étatisation des polices municipales. La loi du 23 avril 1941 portant organisation générale de la police en France a procédé à l’étatisation des polices urbaines dans les municipalités de plus de 10 000 habitants. À compter de cette date, ce modèle est devenu le droit commun.

Un mouvement de balancier s’opère à partir des années 1990. Entre 1984 et 2016, les effectifs de policiers municipaux auraient quasiment quadruplé, passant de 5 600 (pour 1 750 communes) à près de 22 000 (pour environ 4 000 communes) ([235]).

La loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales habilite les policiers municipaux à constater par procès-verbal toutes les infractions aux arrêtés de police du maire (dispositions reprises aujourd’hui à l’art. L. 511-1 du code de la sécurité intérieure) et leur permet d’effectuer des « relevés d’identité » (art. 78-6 du code de procédure pénale) sans pouvoir pour autant procéder à des vérifications d’identité, ces pouvoirs relevant de la compétence exclusive d’officiers de police judiciaire (OPJ). Nonobstant quelques ajustements opérés depuis 1999, l’équilibre instauré à cette époque est toujours d’actualité, les policiers municipaux étant de simples « agents de police judiciaire adjoints » (APJA) au sens de l’article 21 du code de procédure pénale.

Afin de « lutter contre le sentiment d’impuissance publique ([236]) », les auteurs de la proposition de loi « pour une sécurité globale préservant les libertés », devenue la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 ([237]), avaient tenté de permettre, à titre expérimental, aux communes d’obtenir pour leurs agents de police municipale des compétences de police judiciaire afin de constater des délits limitativement énumérés et constitutifs des formes de « délinquance du quotidien » : vente à la sauvette, conduite sans permis, occupation illicite de hall d'immeuble, usage illicite de stupéfiants, port ou de transport illicite d'armes de catégorie D, etc.

Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision ([238]), indique qu’en confiant des pouvoirs étendus aux agents de police municipale (relevés d’identité, accès aux fichiers, saisie d’objets) « sans les mettre à disposition d'officiers de police judiciaire (OPJ) ou de personnes présentant des garanties équivalentes », le législateur avait méconnu l'article 66 de la Constitution, selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

Les travaux menés par la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales mise en place au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale entre 2022 et 2023 ([239]) ont permis de constater que la voie d’un renforcement des prérogatives des policiers municipaux n’était pas entièrement fermée. Les députés préconisent l’engagement d’une « réflexion » visant à « attribuer aux chefs de service et aux directeurs de police municipale la qualité d’OPJ, sans possibilité de recevoir des plaintes et pour des infractions précisément énumérées, après avoir reçu une formation équivalente à celle d’OPJ et sous le contrôle direct du procureur de la République. » ([240])

Une telle réflexion suppose que soient définies précisément les modalités de mise en œuvre du contrôle du procureur sur les actes pris par les chefs de service et les directeurs de police municipale, ceux-ci étant placés sous l’autorité hiérarchique du maire, ainsi que l’étendue des pouvoirs de police judiciaire conférés. Au-delà du relevé d’identité ou de la saisie des objets liés à l’infraction, il serait utile de permettre à ces agents municipaux d’effectuer des vérifications d’identité au sens de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

Les rapporteurs estiment qu’une telle mesure permettrait aux maires de mieux répondre aux demandes de leurs concitoyens en matière de sécurité du quotidien et de tranquillité publique. Ils se félicitent des annonces effectuées à ce sujet le 26 octobre dernier par la Première ministre à la Sorbonne devant des maires victimes d’agressions ([241]) et appellent à la mise en œuvre rapide du nouveau dispositif sur le plan juridique. Ils insistent, par ailleurs, sur l’importance qui s’attache à ce que la supervision exercée par le procureur ne porte pas atteinte au pouvoir de direction que le maire doit pouvoir exercer sur les policiers municipaux concernés.

Proposition  39 : Faire aboutir le plus rapidement possible la réflexion, suggérée par le rapport d’information de la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales et engagée sous l’impulsion de la Première ministre, visant à accorder, sous conditions et sur la base du volontariat, certains pouvoirs de police judiciaire aux chefs de service et aux directeurs de police municipale.

Aux côtés des policiers municipaux, les gardes champêtres constituent également un cadre d’emploi utile à la préservation de l’ordre public. Bien que les effectifs aient considérablement diminué au fur et à mesure de l’urbanisation du territoire ([242]), ils concourent « à la police des campagnes » selon les termes repris à l’article L. 521‑1 du code de la sécurité intérieure.

Paradoxalement, ces agents disposent d’un champ de compétences en matière de police judiciaire plus étendu que les policiers municipaux. Ainsi, ils peuvent rechercher et constater certaines infractions aux règles environnementales ([243]) ainsi que celles qui portent atteinte aux propriétés situées dans les communes pour lesquelles ils sont assermentés. Dans ce dernier cas,  ils peuvent relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles ils entendent dresser procès-verbal, accéder aux propriétés closes dans les conditions du code de procédure pénale relatives aux perquisitions et rechercher les objets enlevés par les auteurs présumés de l’infraction jusque dans les lieux où ils ont été transportés et les mettre sous séquestre ([244]).

Dans son rapport précité ([245]), la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales a estimé que ces différences de compétences de police judiciaire au détriment des policiers municipaux n’étaient plus justifiées et qu’elles portaient préjudice aux pouvoirs de police des maires compte tenu de la raréfaction des effectifs. Elle a donc préconisé un alignement des pouvoirs des policiers municipaux sur ceux des gardes champêtres ([246]).

Il s’agirait, tout au moins, de permettre aux policiers municipaux d’exercer les compétences de police judiciaire en matière d’atteinte aux propriétés, à savoir la possibilité d’accéder aux lieux clos comportant des bâtiments qui ne sont pas à usage de domicile et de procéder, dans ce cadre, à des auditions et à des saisies le cas échéant.

Les rapporteurs de la présente mission d’information soutiennent cette proposition dès lors qu’elle vise à redonner aux maires des moyens d’intervention dans le domaine du respect des lois.

Proposition  39 : Faire aboutir la réforme, préconisée par le rapport d’information de la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales, consistant à attribuer aux policiers municipaux certaines des compétences particulières de police judiciaire dont disposent les gardes champêtres.

3.   Les possibilités offertes par la qualité d’officier de police judiciaire dont bénéficient le maire et les adjoints

Si les policiers municipaux ne sont pas, dans l’état actuel du droit, des OPJ, les maires et leurs adjoints bénéficient de cette qualité en application du code de procédure pénale en son article 16.

La singulière persistance d’un pouvoir d’État pour les maires

Les pouvoirs d’OPJ des maires ont été, pour la première fois, consacrés par le code d’instruction criminelle du 16 novembre 1808 en son article 9 : « La police judiciaire sera exercée sous l'autorité des cours impériales, et suivant les distinctions qui vont être établies : par les gardes champêtres et les gardes forestiers, par les commissaires de police, par les maires et les adjoints de maire, par les procureurs impériaux et leurs substituts, par les juges de paix, par les officiers de gendarmerie, par les commissaires généraux de police et par les juges d'instruction ».

La loi du 5 avril 1884 ne modifie en rien le code d’instruction criminelle, qui reste en vigueur jusqu’à son remplacement par un « code de procédure pénale » par la loi n° 57‑1426 du 31 décembre 1957.

Le nouveau code maintient la qualité d’OPJ pour les maires et les adjoints, mais le Gouvernement précise dans une instruction générale du 27 février 1959 (art. C 45) que,  sans qu'il puisse être question d'affranchir les maires de l'obligation qui leur incombe de prêter concours à l'autorité judiciaire, « le procureur de la République ne doit pas perdre de vue que dans certains cas les missions qui peuvent être confiées aux maires risquent de devenir pour eux une cause de difficulté avec certains de leurs administrés, aussi doit-il dans toute la mesure du possible recourir de préférence à d'autres officiers de police judiciaire. »

Dans son rapport précité, la mission d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales estime que « la qualité d’OPJ du maire est un objet juridique difficile à appréhender, tout d’abord du fait de la complexité de la procédure pénale qui est mal maîtrisée et nécessite une formation poussée, mais surtout faute de temps, et parfois d’envie, le maire étant accaparé par ses autres tâches sans pouvoir assister ses policiers municipaux, sauf dans les très petites communes » ([247]).

Les auditions menées par la présente mission d’information confirment en partie ce constat. Si Mme Carine Houdouin, maire de Richarville (91) ([248]), indique qu’elle n’a « concrètement aucun lien avec le parquet », M. Éric Berlivet, maire de Roche-la-Molière (42) ([249]), affirme exercer « pleinement » ses fonctions d’OPJ et s’est équipé à cette fin d’un terminal de paiement des amendes.

Lors de son entretien avec les membres de la mission d’information à la mairie de L’Haÿ‑les‑Roses, le maire de la commune, M. Vincent Jeanbrun a précisé avoir procédé luimême à des contrôles sur la voie publique au début de son premier mandat ([250]).

Au cours de son audition dans le cadre de la table ronde des universitaires du 24 octobre dernier, M. Vincent Doebelin, doctorant en droit public et chargé d'enseignement à l’Université de Haute-Alsace, a indiqué qu’il pourrait être intéressant de mettre des caméras portatives à la disposition des maires et de leurs adjoints lorsque les élus interviennent pour régler un problème survenu dans leur commune. Il souligne que les policiers municipaux et les sapeurspompiers peuvent déjà recourir à ces équipements ([251]) et que les premiers retours d’expérience sont globalement positifs.

Les rapporteurs considèrent que cette piste serait source de complexité pour les maires et qu’elle les amènerait à se mettre en avant dans des situations dangereuses auxquelles ils ne sont pas formés.

Compte tenu de la difficulté persistante des maires à s’approprier leurs fonctions d’OPJ, ils appellent les procureurs de la République à systématiser les échanges avec les élus consacrés à la présentation des attributions que les maires exercent, sous la direction ou le contrôle des magistrats, en tant qu’agent de l’État, conformément aux dispositions de l’article L. 2122-34-1 du CGCT ([252]).

En matière de lutte contre l’insécurité dans la commune, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et, dans les EPCI, les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) constituent des instances de discussion où les maires disposent, par leur présence ([253]), d’une influence sur la fixation des priorités. Les rapporteurs insistent sur la nécessité de systématiser la concertation au niveau local sur ces questions qui intéressent les citoyens.

4.   Le repositionnement du maire au centre de l’organisation des services publics de proximité rendus à la population

Bien évidemment, le repositionnement du maire au cœur de la vie politique locale va bien au-delà des questions de sécurité. Il s’agit de répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, qui sont la raison d’être des services publics locaux. À ce titre, M. André Rousset, maire de Lauris (83), a évoqué en audition la poste, les centres d’action sociale et les écoles ([254]).

Les fermetures de classes ont été évoquées par M. Pierre Jouvet, maire de Saint-Vallier (26) comme l’un des symboles de cette perte du « pouvoir d’agir » ([255]) : alors que la création et, consécutivement, la fermeture des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public relèvent de la compétence du conseil municipal « après avis du représentant de l’État dans le département » ([256]), l'ouverture et la fermeture d'une classe, dès lors qu'elles n'entraînent pas la création ni la suppression d'une école, ne nécessitent pas de décision du conseil municipal. Ici, c’est le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) qui est compétent.

Il est légitime d’interroger dans les prochains travaux de la décentralisation les capacités d’auto saisine du conseil municipal sur des dossiers et des sujets qui impactent directement une commune même si celle-ci n’est pas compétente, notamment dans le domaine de la santé, de la culture, de la poste, de l’inclusion, de la banque et, d’une manière générale, dans tout ce qui touche aux services de proximité.

À l’occasion de son 105ème Congrès, qui s’est tenu du 20 au 23 novembre 2023, l’AMF a publié une série de propositions issues d’un groupe de travail consacré aux conditions d’exercice des mandats locaux, co-présidé par Mme Catherine Lhéritier, maire de Valloire‑sur‑Cisse (41) et M. Frédéric Roig, maire de Pégairolles-de-l’Escalette (34).

Bien que ces propositions soient en dehors de la question du statut des élus locaux entendue stricto sensu et que la mission n’ait pas pu, faute de temps, les expertiser, les rapporteurs ont souhaité en évoquer une partie dans le présent rapport afin d’appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité qui s’attache à ce que l’on mette un terme à cette situation d’impuissance.

Quelques propositions de l’AMF sur le « pouvoir d’agir » des maires

1° Étudier la faisabilité de l’instauration au profit du maire d’un accord préalable à toute fermeture de classe ou de service hospitalier, ainsi qu’à toute vente de logements locatifs sociaux ;

2° Associer les maires aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées et au pilotage des comités départementaux de services aux familles aux côtés de la Caisse d’allocations familiales (CAF) et du département ;

3° Évaluer l’opportunité du rétablissement du maire à la tête des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL) et des conseils d’administration des établissements de santé communaux ;

4° Envisager l’inscription dans la loi d’une obligation de transmission au maire des informations suivantes : données locales sur les décrocheurs scolaires et les demandeurs d’emploi, effectifs des forces de sécurité intérieure situées sur la commune et identité des résidents de la commune condamnés pour des délits à caractère sexuel ou de radicalisation.

B.   Le renforcement des compétences des élus locaux devrait s’appuyer sur une formation plus variée et plus accessible

L’exercice d’un mandat local requiert indéniablement des connaissances de plus en plus pointues dans de nombreux domaines. Soucieuse de ne pas laisser les élus seuls face aux difficultés, la mission d’information appelle à la mise en place de mesures fortes destinées à stimuler tant la demande que l’offre de formation.

1.   La systématisation d’un stage de deux jours ouverte à tous les élus locaux en début de mandat

Lors de l’examen du projet de loi qui allait donner lieu à la réforme du 3 août 1992, le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Jacques Thyraud, indiquait que de nombreux élus étaient « mal préparés à l’exercice de leurs fonctions électives, quelle que soit leur formation initiale, en raison de la très grande diversité des tâches qui leur incombent » et que cette situation aboutissait à les rendre « tributaires, voire victimes, de la tutelle insidieuse des administrations de l’État » ([257]). Près de trente ans plus tard, le constat effectué par l’IGA et l’IGAS dans leur rapport sur la formation des élus locaux reste le même : la formation des élus locaux est demeurée « embryonnaire » et, malgré des besoins réels, seule une minorité d’élus suit des formations. » ([258])

En dépit des progrès réalisés dans le cadre du DIFE, soulignés en audition par Mme Cécile Bertrand, cheffe du pôle Compte personnel de formation (CPF) à la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ([259]), le nombre de formations suivies par les élus locaux reste négligeable au regard de ce que l’on observe dans le monde du travail.

Alors que, selon la Cour des comptes, 40 % des salariés ont eu accès à une formation professionnelle en 2020 ([260]), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), gestionnaire du DIFE, comptabilisait 15 194 formations ([261]) engagées via la plateforme « Mon Compte Élu » au cours de l’année 2022, soit à peine 3 % du nombre total d’élus locaux.

Mon Compte Élu : le CPF pour les élus locaux

Le I de l’article L. 1621-5 du CGCT issu de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (précitée) en son article 9, précise que « chaque titulaire de droits à la formation [au titre du DIFE] a connaissance du montant des droits dont il dispose et des abondements dont il peut bénéficier en accédant à un service dématérialisé gratuit ». Ce service dématérialisé est expressément géré par la Caisse des dépôts et consignations (III du même article L. 1621-5) et il est indiqué au II dudit article qu’il est adossé au système dématérialisé de gestion du compte personnel de formation (CPF) accessible aux salariés du secteur privé.

L’intégration des droits des élus locaux, désormais comptabilisés en euros, dans l’espace en ligne dénommé « Mon Compte Élu » est effective depuis le 7 janvier 2022.

Les élus locaux peuvent consulter leurs droits, acheter en ligne une prestation de formation en lien avec l’exercice de leur mandat ou pour préparer une reconversion professionnelle à l’issue de leur mandat, tout en suivant facilement l’évolution du dossier, de la demande d’inscription jusqu’à l’évaluation de la formation.

 

Source : Site internet de la Caisse des dépôts et consignations

Au cours de son audition par la mission d’information, M. Bruno Acar, l’un des auteurs du rapport de l’IGA et de l’IGAS, a indiqué que l’un des principaux « angles morts » de la formation des élus se situait au début du mandat ([262]). Si, dans certains départements, une « information » est assurée par les associations d’élus, il n’existe aucun dispositif systématique permettant d’accompagner les titulaires de mandats locaux dans l’installation de la nouvelle collectivité ([263]).

C’est pourtant à ce moment que les élus locaux ont le plus besoin qu’on leur rappelle les principes de fonctionnement de leur collectivité territoriale ainsi que les droits et devoirs attachés à leurs fonctions.

Au cours des auditions menées par la mission d’information, il est apparu que, dans des domaines essentiels tels que les facilités de défraiement, l’étendue des droits accordés à l’opposition ou les contours des contraintes déontologiques ([264]), les élus locaux étaient loin de disposer d’une parfaite connaissance du droit en vigueur.

L’AMRF souligne, quant à elle, l’intérêt qui s’attache à ce que les maires soient mieux formés aux fonctions exercées au nom de l’État, auxquelles ils ne sont pas du tout préparés : état civil ([265]), révision et tenues des listes électorales ([266]), recensement des citoyens et organisation des cérémonies patriotiques.

Comme l’a souligné Mme Julia Mouzon, présidente de l’association « Élues locales », un élu « découvre le mandat » dès son élection. Il importe donc en tout premier lieu de « clarifier la fiche de poste et les prérogatives du mandat local » et d’organiser une formation « collective » permettant d’expliquer à chacun des membres de l’organe délibérant son rôle et son fonctionnement ([267]). Les résultats de l’enquête menée par l’AMRF de Loire-Atlantique auprès de ses adhérents confirment l’existence d’un fort besoin de formation en début de mandat : ce souhait est clairement affirmé par une forte majorité (55,8 %) des élus ayant répondu à la partie de l’enquête à la formation ([268]).

Assez logiquement, le rapport de l’IGA et de l’IGAS préconise l’inscription dans les textes d’un « droit à la formation en début de mandat », qui se traduirait par la mise en place d’une « journée d’information » mobilisant les associations d’élus et les services de l’État à quelques semaines de la clôture du scrutin ([269]). Interrogés sur ce point, les auteurs du rapport soulignent qu’il s’agit de stimuler les « partages d’expériences » entre pairs et d’organiser « une présentation des acteurs publics avec lesquels les élus devront interagir, notamment dans l’administration de l’État » ([270]).

Départements de France va plus loin en proposant que soit rendu obligatoire le suivi d’un « stage » de « sensibilisation à la fonction » au cours des dix-huit premiers mois du mandat. Ce stage serait organisé au bénéfice de tous les élus de la collectivité, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition ([271]).

L’idée d’une « obligation » de formation ne fait pas l’unanimité. Elle a été même été rejetée par les auteurs du rapport de l’IGA et de l’IGAS. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a exprimé au cours de son audition ([272]) les mêmes réserves, évoquant le succès relatif de l’obligation de formation pendant la première année du mandat inscrite par la loi du 31 mars 2015 (cf. supra).

Sans pour autant imposer la tenue d’un module complet de formation, les rapporteurs de la mission d’information estiment que seule une forme d’obligation permettra d’aboutir à ce que l’ensemble des élus disposent d’un socle minimal de connaissances dès le début de leur mandat. Ils préconisent, dès lors, l’inscription dans la loi d’une période de formation de deux jours en début de mandat consacrée successivement à :

        une présentation générale de la fonction d’élu local, qui inclurait pour les conseillers municipaux le détail des missions exercées par les maires au nom de l’État ;

        un rappel des droits et des facilités attachés au mandat local, avec une information sur les dispositifs mis en place pour lutter contre les violences ;

        une sensibilisation aux principales contraintes déontologiques applicables, qui permettrait de mieux éclairer les élus sur les contours du conflit d’intérêts (cf. supra).

À l’instar de l’IGA et de l’IGAS, les rapporteurs recommandent aux intéressés de s’appuyer en priorité sur les initiatives déjà mises en œuvre au niveau local par les associations d’élus. Cette approche, moins institutionnelle et favorisant le partage et la transmission d’expériences, est davantage susceptible d’être suivie et de convaincre. Les services de l’État ne seraient sollicités qu’en cas de carence des associations.

Tous les élus pourraient bénéficier de ce dispositif, qu’ils aient ou non une délégation. Les dépenses liées à ce module de formation auraient vocation à être financées sur le budget de la collectivité. Pour les communes de moins de 1 000 habitants, un abondement complémentaire pourrait leur être alloué au titre de la dotation particulière « élu local » (DPEL) mentionnée à l’article L. 2335-1 du CGCT (cf. supra).

Proposition  41 : Systématiser l’organisation d’une période de formation de deux jours en début de mandat qui comporterait une présentation de la fonction d’élu local (y compris, pour les maires, le détail des missions exercées pour le compte de l’État), un rappel des droits et facilités attachés au mandat ainsi qu’une sensibilisation aux principales contraintes déontologiques. Prévoir son financement, pour les communes de moins de 1 000 habitants, par la dotation particulière « élu local » (DPEL).

2.   Les modalités d’activation du budget consacré à la formation

Bien évidemment, la formation des élus locaux ne se limite pas au début du mandat, mais s’inscrit dans un continuum de professionnalisation auquel les collectivités doivent prendre toute leur part. À cet égard, on ne peut que déplorer le respect tout relatif des collectivités des obligations qui leur ont été assignées par le législateur en la matière. Dans leur rapport précité, l’IGA et l’IGAS observent que les collectivités territoriales avaient consacré seulement 15 millions d’euros à la formation de leurs membres en 2018, alors que l’application du ratio de 2 % fixé par la loi (cf. supra) aurait nécessité une dépense de 34 millions d’euros. La part des collectivités qui n’exécutent aucune dépense de formation est estimée à 60 %, ce qui est considérable.

Un tel manque d’implication peut s’expliquer de deux façons. Tout d’abord, on peut supposer qu’il s’agit d’un effet pervers du DIFE, certaines collectivités ayant pu être tentées de se désengager alors que le dispositif individuel montait en puissance. Pour M. Jean-Paul Lefebvre, président de l’AELO, le refus apporté à une demande de formation peut également refléter le mauvais état des relations entre l’exécutif de la collectivité et son opposition ([273]).

M. Lefebvre suggère d’indiquer dans la loi que la prise en charge ([274]) par la collectivité des frais d’enseignement s’effectue par la simple présentation par l’élu concerné d’une facture établie par un organisme agréé et des justificatifs attestant son inscription et sa participation à l’ensemble des modules facturés. Il ne serait, dès lors, plus possible pour la collectivité d’invoquer l’absence d’obligation contractuelle avec le prestataire pour refuser le paiement direct de la formation.

Les rapporteurs ne jugent pas nécessaire d’aller au-delà du dispositif juridique existant, qui donne déjà à l’élu l’assurance qu’il sera remboursé des frais de formation à condition, naturellement, de les avoir acquittés au préalable.

Les freins juridiques à la prise en charge directe des frais de formation par la collectivité

Lors de son audition, M. Jean-Paul Lefebvre, président de l’AELO, a indiqué à la mission d’information que des conseillers municipaux d’opposition qui, en l’absence de dispositif adéquat proposé par la collectivité, avaient décidé de se former directement auprès de l’association s’étaient vus refuser la prise en charge de la facture a posteriori.

Le recours contentieux engagé par l’AELO invoquant le caractère de dépense obligatoire inscrit à l’article L. 2123-14 du CGCT a finalement été rejeté par le juge administratif (CAA Paris, n° 20PA02723, 4 mai 2022) au motif que la facture avait été présentée directement à la commune par l’association. L’arrêt précise que le droit à remboursement suppose soit la présentation par l’élu d’une facture qu’il a acquittée, soit l’existence d’un engagement contractuel permettant à l’organisme de formation d’obtenir un paiement direct.

En revanche, afin d’ouvrir plus largement le budget de la collectivité à l’ensemble des élus, qu’ils soient ou non d’opposition, il pourrait être envisagé de porter le plancher du budget de formation des collectivités à 5 % de l’enveloppe indemnitaire globale au lieu de 2 % actuellement. L’Association des petites villes de France (APVF) signale, sur ce point, que cette réforme avait été envisagée par le Gouvernement en 2019 dans son avant-projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique avant d’être retirée du texte déposé ([275]). Dans la mesure où la part des dépenses de formation aura vocation à s’accroître au sein du budget de la collectivité, il sera nécessaire que l’État apporte sa contribution sous la forme d’une compensation financière au travers de la DPEL.

Proposition  42 : Porter à 5 % de l’enveloppe indemnitaire globale, au lieu de 2 %, le montant prévisionnel minimal alloué à la formation des élus au sein des collectivités. Compenser le surcoût pour les communes de moins de 1 000 habitants au travers de la dotation particulière « élu local ».

3.   La levée des freins, notamment financiers, à l’accès des élus aux formations

Dans son rapport précité, l’IGA et l’IGAS notent que, même dans les cas où des formations seraient proposées aux élus locaux, encore faut-il que ceux-ci puissent « libérer du temps » pour assister à ces formations et « accéder aisément au lieu où elles se déroulent » ([276]). En dépit du congé de formation de dix‑huit jours inscrit dans la loi ([277]), il est fréquent que les élus ne puissent pas le prendre.

À l’occasion d’une consultation menée en 2018 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat sur le thème de la formation des élus locaux, près de 97 % des répondants ont indiqué n’avoir « jamais bénéficié d’un congé pour suivre une formation » ([278]), ce qui illustre l’absence d’appropriation par les élus du droit qui leur a été alloué par le législateur.

L’une des raisons évoquées par l’APVF est d’ordre financier. Lorsque l’élu décide de se former et qu’il conserve une activité professionnelle, le temps pris pour la formation constitue pour lui une perte de revenu et, sur ce point, la collectivité n’est tenue de compenser cette perte qu’à heure d’une fois et demie le montant horaire du salaire minimum de croissance (SMIC) ([279]). L’association propose donc de relever ce plafond à quatre fois le niveau du SMIC ([280]).

Les rapporteurs se montrent favorables à cette proposition, le seuil actuellement en vigueur leur paraissant arbitraire et peu opportun dans une optique d’encouragement généralisé à la formation.

 Un autre frein, également financier, peut être observé, cette fois au niveau du DIFE. Comme indiqué supra, un élu local ne peut accumuler au maximum que 400 euros chaque année sur son DIFE dans la limite d’un plafond global fixé à 800 euros depuis un arrêté ministériel du 27 mars 2023. Par comparaison, un salarié peut abonder son CPF à hauteur de 500 euros par an dans la limite d’un plafond global de 5 000 euros ([281]).

Comme l’a souligné en audition M. Laurent Gaullier, adjoint au sous‑directeur en charge des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP ([282]), « c’est assez peu » : un tel plafond peut constituer un obstacle à la formation. Alors que le reste à charge du bénéficiaire d’un CPF est quasi-inexistant, celui des élus locaux peut être significatif au vu du coût réel des formations observées sur le marché. Dans son rapport d’activité consacré à la gestion du CPF en 2022, la direction des politiques sociales de la CDC a constaté que le coût des formations financées s’étalait entre 700 euros et 2 000 euros. Il suffit de regarder quelques-uns des domaines susceptibles d’intéresser un élu local pour se rendre compte que les tarifs sont bien au-delà du plafond du DIFE.

Domaine de formation

Coût moyen

Bilan de compétences

1 741 €

Accompagnement en validation des acquis de l’expérience

1 119 €

Utilisation d'un logiciel d'édition de sites Web

1 675 €

Utilisation d'un logiciel d'édition d'images

1 622 €

Manager des politiques publiques

1 986 €

Certification Excel

1 275 €

Certificat Voltaire

1 401 €

Permis de conduire B

909 €

Source : CDC - Rapport d’activité 2022 - Mon compte formation (page 15).

Un relèvement du plafond du DIFE, évoqué par la DGEFP, est également préconisé par M. Pierre Camus, docteur de sociologie à de l'université de Nantes et spécialiste de la formation des élus ([283]). Afin de créer un « choc d’attractivité » en faveur de la formation, les rapporteurs proposent le doublement du plafond global du DIFE, qui passerait donc à 1 600 euros, ainsi que l’élévation à 600 euros le montant des droits annuels.

Bien évidemment, compte tenu de la faible soutenabilité financière du dispositif (cf. supra), une solution de financement pérenne devra être trouvée soit au travers d’un accroissement des cotisations prélevées sur les indemnités, soit par un abondement de l’État.

À titre secondaire, il pourrait également être envisagé de porter la durée du congé de formation des élus locaux à vingt-quatre jours au lieu de dix-huit actuellement sur la durée du mandat. Cette durée paraît, en effet, plus proche de l’effort de formation réalisé par les salariés du secteur privé, estimé à plus de vingthuit heures en moyenne, tous secteurs d’activité confondus, au cours de l’année 2020 ([284]). Il s’agit, par ailleurs, d’une option fortement recommandée par l’AELO ([285]).

Proposition  43 : Fixer à 1 600 euros le plafond global du DIFE et le crédit annuel à 600 euros et financer cette augmentation par un relèvement des cotisations prélevées sur les indemnités ainsi que, le cas échéant, par une dotation de l’État.

Proposition  44 : Établir à quatre fois le montant horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) le plafond de la compensation apportée par les collectivités aux élus qui perdent des revenus issus de leur activité professionnelle en raison de la prise d’un congé de formation.

Proposition  45 : Porter à vingt-quatre jours, au lieu de dix-huit jours actuellement, la durée maximale du congé de formation des élus locaux.

4.   Les multiples voies d’un réel élargissement de l’offre de formation

Pour importantes que soient les incitations financières, le dynamisme du marché de la formation des élus locaux ne saurait se limiter à la demande. La variété de l’offre est également essentielle afin de donner aux bénéficiaires l’assurance de pouvoir trouver le module correspondant à leurs besoins. À cet égard, le marché tel qu’il est structuré aujourd’hui laisse entrevoir de nombreuses spécificités mises en lumière, là encore, par l’IGA et l’IGAS dans leur rapport précité.

À la différence du marché de la formation continue des salariés du secteur privé, qui comportait 16 300 organismes agréés à la fin de l’année 2022 et s’articulait autour d’un catalogue d’environ 200 000 formations ([286]), la CDC a recensé 155 organismes agréés sur la plateforme « Mon Compte Élu » au 31 août 2023, pour un catalogue de 3 031 formations actives à cette date. Comme l’indique le rapport de l’IGA et de l’IGAS, le marché de la formation des élus est extrêmement « restreint » en raison de la politique de régulation mise en œuvre par le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL).

Le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL)

Issu de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 (art. 14), le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) est une instance consultative placée auprès du ministre chargé des collectivités territoriales. Il est composé de dix élus locaux représentant les différentes catégories de collectivités locales et de dix personnalités qualifiées (magistrats, hauts‑fonctionnaires, professeurs des universités, etc.).

En application de l’art. L. 1221-3 du CGCT, il est obligatoirement consulté, pour avis préalable, sur toutes les demandes d’agrément et de renouvellement d’agrément présentées par les organismes publics ou privés, quelle que soit leur nature juridique, qui souhaitent dispenser une formation liée à l’exercice du mandat des élus locaux.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 (précitée), le CNFEL a vu ses missions s’accroître. Il est chargé, notamment, de l’élaboration d’un « répertoire des formations liées à l’exercice du mandat » et, reprenant ainsi les compétences attribuées précédemment à la commission consultative du DIFE, formule des avis sur la mise en œuvre du dispositif. À cette fin, il est destinataire des données financières du fonds que lui transmet la CDC (art. L. 1221-1 du CGCT).

Au 4 décembre 2023, la DGCL recensait 250 organismes agréés par le CNFEL, dont près de la moitié (48 %) sont des associations et 42 % des organismes privés. Le secteur public (universités, instituts d’études politiques, etc.) représente à peine 9 % du total.

Source : Site internet de la DGCL.

Derrière la catégorie des « associations », on retrouve les associations d’élus (AMF, APVF, associations départementales de maires, etc.) ainsi que des structures liées à des partis politiques ([287]). Dans leur rapport, l’IGA évaluait le poids respectif de ces deux catégories à 31 % (associations d’élus) et 10 % (partis politiques) en 2019 ([288]).

La faible proportion d’organismes privés dans le total résulte clairement de l’action régulatrice du CNFEL. M. François Schechter, inspecteur général des affaires sociales (IGAS), à la fois auteur du rapport précité et membre du CNFEL, a confirmé en audition que le Conseil s’était efforcé de préserver la qualité de l’offre de formation des élus par l’élimination des « bandits de grand chemin » ([289]).

Cette intention louable se heurte toutefois, selon les termes mêmes employés par l’IGA et l’IGAS dans leur rapport à un déficit de « légitimité » ([290]). Le CNFEL aurait ainsi été soupçonné d’être plus sévère avec les organismes privés et les établissements publics qu’avec les associations d’élus, ce qui pourrait être la conséquence de la présence d’élus locaux en son sein. Selon M. Pierre Camus ([291]), la régulation particulière exercée par le CNFEL sur le marché aboutit à une déformation géographique préjudiciable à l’égalité d’accès aux formations sur l’ensemble du territoire national : l’Ile-de-France concentrerait ainsi près du quart (24 %) des organismes agréés. À l’inverse, certains départements, tels que la Creuse, la Manche ou la Nièvre, en seraient dépourvus.

Afin de permettre à des organismes de formation intervenant dans le champ de la formation professionnelle de droit commun de se positionner plus facilement sur le marché de la formation des élus et, par ailleurs, d’éviter de soumettre les demandes d’agrément à une doctrine « mouvante », le rapport de l’IGA et de l’IGAS préconise la suppression de l’agrément par le CNFEL au profit des dispositifs de contrôle de droit commun ([292]).

 

La procédure de certification des formations professionnelles de droit commun

Depuis le 1er janvier 2022 ([293]), les prestataires d’actions de formation qui reçoivent, directement ou indirectement, des fonds publics ou mutualisés doivent être certifiés par un organisme tiers (art. L. 6316-1 du code du travail). Cet organisme doit être lui-même autorisé par une instance nationale d’accréditation, en l’occurrence le Comité français d’accréditation (COFRAC).

La procédure de certification doit s’appuyer sur sept critères de qualité listés à l’article R. 6316-1 du même code : conditions d’information du public, identification précise des objectifs des prestations proposées, adéquation des prestations et des modalités d’accueil aux publics bénéficiaires, adaptation des moyens pédagogiques, qualification et développement des compétences des formateurs, inscription et investissement du prestataire dans son environnement professionnel, recueil et prise en compte des appréciations et réclamations. Les « indicateurs » d’appréciation de ces critères sont repris dans un « référentiel » établi par décret après avis de l’établissement public France Compétences (art. L. 6316-3).

La certification est délivrée pour une durée de trois ans, mais peut être suspendue ou retirée (art. R. 6316-2).

La réforme engagée à travers l’ordonnance n° 202145 du 20 janvier 2021 opte finalement pour le renforcement du CNFEL, celui-ci reprenant désormais de nouvelles missions liées à la gestion du DIFE (cf. supra) tout en conservant un rôle central dans la délivrance des agréments. Le « répertoire national de la formation » des élus locaux mentionné à l’article L. 1221-1 du CGCT précité a été publié par un arrêté ministériel du 13 avril 2023 pris après du CNFEL.

Les rapporteurs estiment que ce statu quo empêche le marché de la formation des élus locaux de se développer véritablement et qu’il est nécessaire de rapprocher, autant que possible, du droit commun la gestion de la formation des élus locaux. À l’instar des salariés du droit privé, les élus sont les mieux à même de sélectionner les prestations qu’ils estiment répondre à leurs besoins.

On peut rappeler, comme le soulignaient l’IGA et l’IGAS dans leur rapport ([294]), que l’État exerce, au travers des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), un contrôle des organismes de formation de droit commun, qui est probablement plus poussé que celui exercé par le CNFEL sur les organismes spécialisés dans la formation des élus ([295]).

Parmi les autres pistes envisagées pour accroître l’offre de formation à destination des élus locaux figure également le recours aux prestations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Cet établissement public spécialisé dans la formation des agents des collectivités territoriales dispose indéniablement d’un catalogue susceptible d’intéresser les élus locaux (finances, affaires juridiques, management, urbanisme, mobilité et transports, inclusion sociale, etc.) ainsi que d’une « force de frappe » considérable en termes de moyens. En 2022, le CNFPT a formé près de 900 000 stagiaires et organisé plus de 2,1 millions de journées de formation ([296]). Lors de la discussion du projet de loi « Engagement et proximité » en 2019, on peut noter que le Sénat avait adopté en première lecture un amendement ouvrant explicitement les formations du CNFPT aux élus locaux ([297]) avant que l’Assemblée nationale ne supprime ce dispositif en commission des lois.

Pour autant, l’IGA et l’IGAS n’ont finalement pas repris cette préconisation. Interrogés sur ce point, les auteurs du rapport ont indiqué que cette éventualité avait été écartée « au motif que les besoins de formation des élus ne seraient pas de même nature que ceux des fonctionnaires » ([298]) et que les élus des grandes collectivités redoutent la « confusion des genres » dans la mesure où il existe une réelle distinction entre les politiques et les fonctionnaires qui les servent ([299]).

S’ils reconnaissent que le maire d’une grande ville est plus un dirigeant politique qu’un gestionnaire administratif, les rapporteurs soulignent, toutefois, que cette distinction est beaucoup moins forte dans les communes de petite taille où le maire peut être amené à suppléer lui-même sa propre secrétaire de mairie. C’est précisément dans les collectivités les moins dotées en personnels que les besoins de formation pourraient être utilement comblés par le CNFPT. Une telle mesure serait aussi de nature à réaffirmer la responsabilité de l’État dans l’accompagnement de ceux qui, sur leur territoire, sont parfois devenus les derniers représentants de la République.

Les rapporteurs préconisent donc l’ouverture des formations du CNFPT aux élus des communes de petite taille, avec un seuil à déterminer, qui pourrait être, par exemple, de 3 500 habitants.

Enfin, dans le domaine particulier de la gestion de crises, il pourrait être demandé aux services de l’État, en particulier, aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de s’investir dans la formation des élus locaux par la mise en œuvre de sessions adaptées.

Cela reviendrait à généraliser des initiatives qui ont déjà été mises en œuvre dans certains départements en liaison avec les associations d’élus départementales ([300]).

Proposition  46 : Supprimer la procédure d’agrément des organismes de formation par le CNFEL au profit de la procédure de droit commun.

Proposition  47 : Ouvrir les formations du CNFPT aux élus des petites collectivités en‑deçà d’un seuil de population à déterminer, par exemple 3 500 habitants.

Proposition  48 : Inviter l’ensemble des SDIS à mettre à disposition des élus qui le souhaitent des formations à la gestion de crise.


  1  

IV.   L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’ENTRÉE ET DE SORTIE DU MANDAT INCITERA LES CITOYENS À S’ENGAGER PLUS ACTIVEMENT DANS LA VIE POLITIQUE LOCALE

La plupart des réformes intervenues depuis les années 1990 sur le statut des élus ont beaucoup abordé la question de l’engagement local sous le seul angle des conditions d’exercice du mandat. L’amélioration des conditions d’entrée et de sortie des fonctions est une condition à l’émergence d’un « continuum » depuis la candidature jusqu’à une éventuelle reconversion lorsque tout s’arrête.

A.   La démarche de candidature doit être encouragée, y compris sur le plan financier

Dès le dépôt de sa candidature, un citoyen peut être confronté à des difficultés qui, cumulées, peuvent le décourager. Le risque d’agression est tout aussi élevé pour les candidats que pour les élus en place. En ce sens, la mission d’information soutient le dispositif de sécurité imaginé par le Sénat, sous réserve de quelques adaptations. Elle préconise également l’alignement des facilités journalières accordées aux candidats salariés sur celles appliquées aux candidats aux élections nationales.

1.   Le mécanisme de prise en charge des frais de sécurité des candidats imaginé par le Sénat

Lors des élections municipales de 2020, le ministère de l’intérieur a recensé 106 communes sans candidat, ce qui représente une progression de 65 % par rapport aux élections de 2014 (64). Selon les données fournies par le bureau des élections politiques du ministère de l’intérieur (BEP), le nombre global de personnes qui se sont déclarées candidates aux élections locales en 2020 (municipales) et en 2021 (départementales et régionales) se maintient à un niveau élevé, mais en légère diminution par rapport aux élections précédentes (2014 pour les municipales, 2015 pour les deux autres scrutins). Ainsi, le BEP a recensé 908 580 candidats au premier tour des élections municipales, en baisse de 3,2 % par rapport à 2014 (939 106). La diminution est plus forte encore pour les départementales, qui voient le nombre de candidats s’établir à 16 016 en 2021, contre 18 556 en 2015 (- 13,7 %) ([301]).

À la même époque, les médias ont commencé à se faire l’écho de violences touchant, cette fois, les candidats aux élections et non plus nécessairement les élus en poste ([302]). Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur la nature de l’infléchissement constatée dans les candidatures.

Si le BEP met en avant le « contexte de la Covid », les rapporteurs voient dans cette évolution le signe avant-coureur d’un reflux plus profond de l’engagement politique.  

Il convient, là encore, d’apporter aux citoyens une garantie de sécurité afin de permettre à chacun d’être candidat aux élections sans craindre, tout simplement, pour son intégrité physique ou morale. C’est l’objet même du dispositif proposé par M. François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, et plusieurs de ses collègues à l’article 10 d’une proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires ([303]).

Le texte, tel qu’il a été adopté par le Sénat en première lecture le 10 octobre dernier, met en place un dispositif de protection des candidats aux élections, tant locales que nationales, articulé autour de deux mesures :

1/ D’une part, il élargit le bénéfice de la protection fonctionnelle due par l’État à ses agents à l’ensemble des candidats sur une période débutant « six mois avant le premier jour du mois de l’élection » jusqu’à la « date du dépôt du compte de campagne » ;

2/ D’autre part, il ouvre également le droit à une prise en charge par l’État, quels que soient le résultat électoral et la taille de la collectivité, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité lorsqu’il n’y a pas d’intervention des services de police et de gendarmerie.

Le contenu du dispositif proposé par le Sénat

En application des articles L. 134-1 à 134-12 du code général de la fonction publique, l’État a l’obligation de protéger son agent contre les attaques dont il fait l’objet à l’occasion de l'exercice de ses fonctions ou contre les mises en causes de sa responsabilité civile et pénale devant le juge pénal à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Cette protection consiste en la prise en charge de frais d’assistance juridique et de justice, avocats compris, en la mise en œuvre d’actions de prévention et de soutien, y compris médical, et en l’indemnisation des éventuels préjudices causés ([304]).

Le texte de loi issu du Sénat étend ce dispositif à tout « candidat » à un mandat électif pendant la période précitée par un article L. 52-18-1 créé au sein d’un nouveau chapitre V ter inséré dans le titre Ier du code électoral, consacré à l’élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

Dans l’hypothèse, assez probable, où les services de l’État ne seraient pas en mesure de mettre en place un dispositif adéquat de surveillance de locaux ou de protection de l’intégrité physique du candidat, le dispositif issu du Sénat donne le droit à tout candidat à un mandat électif d’obtenir le remboursement des dépenses correspondantes par l’État en cas de « menace avérée » (art. L. 52-18-2 du code électoral).

Par amendement COM-15 de sa rapporteure, Mme Catherine Di Folco, sénatrice du Rhône, la commission des lois du Sénat a confié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) le soin de statuer sur les demandes de remboursement.

Les rapporteurs approuvent l’initiative sénatoriale dans son principe, estimant que la protection du candidat, élu en devenir, est, par nature, indissociable de la protection accordée à l’élu en fonction.

2.   Les modalités d’amélioration du dispositif sénatorial de protection des candidats

Les modalités pratiques choisies par les sénateurs pour assurer la prise en charge des dépenses de sécurité des candidats posent, toutefois, de nombreux problèmes soulevés par M. Jean-Philippe Vachia, président de la CNCCFP, lors de son audition par la mission d’information ([305]).

Tout d’abord, le texte n’apporte aucune définition à la « menace avérée », se contentant de renvoyer sur ce point au pouvoir réglementaire, et n’identifie pas l’autorité qui sera chargée d’attester que les critères de définition seront, ou non, remplis.

Par ailleurs, en choisissant d’insérer le nouveau dispositif dans un chapitre V ter du code électoral, le Sénat extrait le mécanisme du système de remboursement du droit commun applicable au contrôle des dépenses électorales, regroupé au chapitre V bis du même code. Les conséquences d’un tel choix sont importantes :

– les interdictions régissant l’origine des financements extérieurs, en particulier la proscription des financements issus de personnes morales, sauf ceux provenant des partis ou groupements politiques ([306]), ne pourraient être opposées aux candidats ;

– les pouvoirs de la CNCFP issus de l’art. L. 52-15 du code électoral, en particulier celui de réformation (cf. infra), ne seraient pas applicables ;

– le texte évoque une période s’étalant jusqu’au « dépôt du compte de campagne » alors même que les communes de moins de 9 000 habitants sont exonérées de l’obligation de dépôt (art. L. 52-4 du même code) ;

Surtout, le dispositif vient en concurrence des mécanismes de remboursement prévus par le chapitre V bis : rien n’est indiqué quant à la manière de traiter une dépense de sécurité qui pourrait être considérée comme une « dépense électorale » et, comme telle, assujettie à un plafond de dépenses (cf. infra) et susceptible d’être remboursée par l’État.

 

Le dispositif de contrôle des dépenses électorales par la CNCCFP

Créée par la loi no 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques (art. 1er), la CNCCFP est une autorité administrative indépendante, composée d’un Collège de neuf membres nommés par décret du Premier ministre, dont trois sur proposition du vice‑président du Conseil d’État, trois sur proposition du premier président de la Cour des comptes et trois sur proposition du Premier président de la Cour des comptes.

La CNCCFP est chargée de vérifier la régularité des comptes de campagne des candidats afin d’établir le montant du remboursement de leurs dépenses électorales auquel ils ont droit en application de l’article L. 52-11-1 du code électoral (47,5 % d’un plafond de dépenses électorales ([307]) ou, si les montants sont plus bas, le montant de l’apport personnel du candidat ou le total des dépenses électorales).

La CNCCFP « approuve », « rejette » ou « réforme » les comptes de campagne des candidats (art. L. 52-15 du code électoral). La réformation consiste à modifier des éléments déclarés au compte par le candidat afin de les rendre conformes avec les dispositions du code électoral, par exemple en retirant du compte de campagne des dépenses n’ayant pas le caractère de dépenses électorales.

Afin que la CNCCFP puisse effectuer son travail, il est demandé à chaque candidat de désigner un « mandataire financier », qui peut être nommé dès le premier jour de la période de six mois précédant le premier jour du mois de l'élection (art. L. 52-4 du code électoral).

Lors de son audition, M. Vachia rappelle qu’en l’absence de définition législative, le juge administratif a défini les dépenses électorales comme celles dont la finalité est l’obtention des suffrages des électeurs ([308]). La CNCCFP retient quatre critères : l’objet de la dépense ; la date de la dépense, qui doit ne peut être antérieure à la période de six mois (cf. supra) et postérieure à celle du scrutin ; le lieu, c’est-à-dire essentiellement la circonscription ; la qualité de la personne ayant décidé d’engager la dépense : le mandataire, le candidat ou toute personne qui atteste de l’accord du candidat.

S’agissant de la sécurité des candidats, M. Vachia a indiqué que la doctrine de la CNCCFP avait évolué depuis les élections présidentielles de 2022 : outre les dépenses de sécurisation des réunions électorales, traditionnellement prises en compte, les postes de dépenses suivants étaient désormais intégrés :

– les frais de sécurité lors des déplacements et déambulations électoraux du candidat, y compris les frais de déplacements d’agents de sécurité ;

– les dépenses de sécurité des locaux de campagne ([309]), essentiellement l’installation de caméras de vidéoprotection ;

– les prestations de sécurité informatique ([310]).

Le texte sénatorial vient clairement en concurrence, puisqu’il met en place un mécanisme de remboursement spécifique pour les frais de « services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales » ainsi que pour les dépenses de sécurité d’un candidat se trouvant dans un lieu accueillant des réunions électorales ou dans un « véhicule de transport public de personnes ».

Le nouveau dispositif ajoute, par ailleurs, des dépenses qui, actuellement, ne sont pas considérées par la CNCCFP comme des dépenses électorales, notamment la protection en tout temps de l’intégrité physique du candidat : agents de protection rapprochée, gilets pare-balles, véhicule blindé, etc.

Afin d’éviter de créer un flou juridique qui serait préjudiciable aux candidats, M. Vachia suggère de réintégrer le mécanisme de remboursement dans le dispositif de droit commun. Cela reviendrait à indiquer dans le chapitre V bis précité du code électoral que les dépenses de sécurité du candidat mentionnées actuellement dans le texte du Sénat sont des dépenses électorales au sens de l’article L. 52-11 du même code sans être comptées dans le périmètre soumis au plafonnement général ([311]). Un mécanisme de plafonnement ad hoc devra être prévu afin d’éviter les abus.

Les rapporteurs partagent l’approche du président de la CNCCFP. Ils estiment, par ailleurs, que :

        le dispositif de remboursement devrait inclure les dépenses de sécurité des domiciles et des proches des candidats, les agresseurs n’hésitant plus, aujourd’hui, à s’attaquer au cercle privé, mais exclure les frais de protection permanente de l’intégrité physique du candidat, les dépenses en raison du coût potentiellement exponentiel ([312]) de ce type de prestation ;

        la « menace avérée » devrait être appréciée par le représentant de l’État, qui délivrerait au candidat une attestation faisant courir le droit à remboursement.

Enfin, il faudra prévoir un mécanisme spécifique pour les candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitants, non astreints à un dépôt de comptes de campagne, par exemple sous la forme d’une avance versée par l’État.

Proposition  49 : Offrir, comme le propose le texte de la proposition de loi n° 648 (2022‑2023) du sénateur François-Noël Buffet la possibilité à tout candidat à une élection locale d’obtenir de l’État la prise en charge de frais de sécurité renforcée en cas de « menace avérée » pour sa personne et en l’absence de protection mise en place par les services de police ou de gendarmerie, sous réserve des modifications suivantes :

- intégration du dispositif à celui applicable aux dépenses électorales (chapitre V bis du code électoral) sans soumission au plafonnement de l’art. L. 52-11 du code électoral, mais avec un plafonnement ad hoc ;

- certification du caractère « avéré » de la menace par le représentant de l’État ;

- exclusion des dépenses de protection permanente de l’intégrité physique du candidat, inclusion des dépenses de protection des proches du candidat et de son domicile privé ;

- mise en place d’un dispositif spécifique de remboursement pour les candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitants sous la forme d’une avance versée par l’État.

3.   L’élargissement des facilités horaires accordées aux candidats salariés

Depuis la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 (précitée), les candidats aux élections locales bénéficient, à leur demande, de dix jours d’autorisation d’absence pour faire campagne. L’employeur ne peut refuser (art. L. 3142-79 du code du travail).

À la demande du salarié, ces journées d’absence peuvent être décomptées des congés payés, dans la limite des droits acquis à la date du premier tour de scrutin. Sinon, elles ne sont pas rémunérées, mais peuvent être récupérées en accord avec l’employeur (art. L. 3142-81 du même code). Elles sont assimilées à une durée de travail effective pour calculer la durée des congés payés et les droits découlant de l’ancienneté (art. L. 3142-82).

Ce droit, initialement exclu aux candidats aux élections municipales dans les communes situées en-deçà d’un certain seuil ([313]) a été étendu à toutes les élections par la loi « Engagement et proximité » précitée.

On peut constater, toutefois, que le nombre de jours d’absence est différent pour les élections à l’Assemblée nationale et au Sénat (vingt jours). Une telle différence peut paraître d’autant plus difficile à comprendre que, comme l’a indiqué le bureau des élections politiques à la mission d’information ([314]), la durée des campagnes électorales a été harmonisée par la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : désormais, quel que soit le scrutin, la campagne électorale est « ouverte à partir du deuxième lundi qui précède la date du scrutin et prend fin la veille du scrutin à zéro heure. » ([315])

Afin de ne pas donner l’impression que les scrutins locaux seraient secondaires par rapport aux scrutins nationaux et, ainsi, d’encourager les citoyens à s’engager quel que soit le type d’élection, les rapporteurs préconisent l’alignement du régime d’autorisations d’absence à vingt jours.

On peut préciser, à cet égard, que le coût pour l’entreprise est limité dès lors que l’autorisation n’est pas rémunérée.

Proposition  50 : Porter de dix jours à vingt jours (soit le plafond applicable aux élections législatives et sénatoriales) le maximum de jours d’autorisations d’absence dont bénéficie tout candidat à une élection locale.

B.   La fin de mandat ne doit plus apparaître comme un « couperet » pour ceux qui s’engagent

Loin d’être stimulante ou, tout simplement, rassurante, la fin de mandat est souvent vécue comme un moment difficile, surtout en cas de défaite électorale. Afin d’améliorer les conditions de sortie des fonctions, la mission d’information préconise l’élargissement des mécanismes d’aide à la reconversion en vigueur et incite les élus à mieux tirer profit des possibilités de valorisation des acquis de l’expérience. Par ailleurs, il est envisagé de mieux reconnaître l’engagement dans la vie politique locale par l’octroi d’une bonification de trimestres en matière de retraite.

1.   La mise en place d’une aide à la transition adossée à France Travail (ex‑Pôle Emploi)

Qu’il s’agisse d’un choix personnel ou, au contraire, du résultat d’une sanction électorale, la fin de mandat revient souvent à basculer d’un univers à un autre en raison du choix opéré par le législateur dès le XIXe siècle ([316]) de ne pas considérer le mandat local comme un « métier ».

Comme l’expliquait en 2014 le sociologue Didier Demazière ([317]), la reconversion d’un ancien élu local est un processus inégalitaire qui pénalise relativement peu les élus fonctionnaires, qui bénéficient souvent d’une position de mise en disponibilité, et ceux qui réussissent à conserver leur activité professionnelle. Les salariés qui ont fait le choix d'être élus à temps plein et qui subissent une défaite électorale se retrouvent dans la même situation qu'après un licenciement économique et doivent, en plus, se reconvertir complètement.

Dans une étude, publiée en 2021, portant sur les élus municipaux indemnisés entre 2008 et 2014 ([318]), le sociologue David Guéranger, chercheur au laboratoire Techniques, territoires et sociétés (LATTS) constate que, si la longévité politique décroît toujours dans la durée, elle reste relativement plus forte pour les maires et les adjoints, c’est-à-dire pour ceux qui s’engagent plus : alors que seuls 20 % des conseillers municipaux ayant entre trois et quatre mandats d’expérience en 2008 ont été réélus en 2014, ce taux monte à plus de 40 % pour les adjoints et à plus de 50 % pour les maires ([319]).

Si ces données illustrent l’impact positif de l’engagement, il est à double tranchant : toute sanction politique risque d’affecter des exécutifs installés depuis longtemps, c’est-à-dire dont la reconversion sera, par nature, plus difficile.

Le dispositif d’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) mis en place en 2002 et réformé en 2015 ([320]), vise précisément à apporter une forme de sécurité financière aux élus qui, du jour au lendemain, perdent toute forme d’indemnisation. En ce sens, son accès réservé aux exécutifs locaux s’explique en partie par l’effet de « couperet » que ces élus subissent par rapport aux autres.

Le dispositif d’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM)

Certains élus peuvent bénéficier d’une allocation différentielle de fin de mandat (ADFM), qui permet de garantir, pendant un an et sous conditions, un niveau de ressources au moins égal à 80 % de leur ancienne indemnité de fonction pour les six premiers mois, puis un niveau de ressources au moins égal à 40 % pour les six derniers mois. L’élu doit avoir interrompu son activité professionnelle pour exercer son mandat. La fin de son mandat doit être intervenue à l’occasion du renouvellement général.

Cette aide est financée via un fonds, prévu à l’article L. 1621-2 du CGCT, alimenté par des cotisations versées par les collectivités territoriales, géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le taux de cotisation obligatoire est fixé à 0,2 % du montant total des indemnités maximales susceptibles d'être versées aux bénéficiaires potentiels du fonds.

Les élus bénéficiaires du dispositif sont aujourd’hui les maires des communes de plus de 1 000 habitants, les présidents d’EPCI à fiscalité propre situés au-delà de ce même seuil, les présidents de conseils départementaux et régionaux, les adjoints aux maires des communes de plus de 10 000 habitants, les vice-présidents d’EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, les vice-présidents des conseils départementaux et régionaux (articles L. 2123-11-2 du CGCT pour les communes ([321]), art. L. 3123-9-2 pour les départements et art. L. 4135-9-2 pour les régions).

Le bilan d’activité du fonds de gestion de l’ADFM ([322]) montre que le dispositif est de facto peu utilisé. En 2021, le FAEFM a versé un peu moins d’1 million d’euros au titre des allocations, pour un maximum de 172 dossiers ouverts en janvier. Le fonds est largement excédentaire au vu des ressources perçues cette année-là (1,4 million d’euros), ce qui est d’autant plus remarquable que l’année 2021 a été marquée par des élections départementales ([323]).

Comme l’a signalé la DGCL ([324]), en dépit des efforts importants de publicité pour faire connaître ce dispositif, « ce dispositif peine à trouver son public ». La CDC elle-même fonde ses projections financières sur l’hypothèse d’une très faible utilisation par les élus locaux.

Catégorie d’élus

Taux de recours prévisionnel (jusqu’en 2027)

Élus municipaux

1,0 %

Élus des EPCI

0,3 %

Élus départementaux

2,5 %

Élus régionaux

3,4 %

Source : CDC - rapport d’activité 2021 du FAEFM précité (page 8).

Afin de rendre le dispositif plus attractif, l’Association des petites villes de France (APVF) propose d’élargir l’accès aux adjoints des communes de 3 000 habitants et plus ([325]). La DGCL, pour sa part, indique qu’une réflexion est en cours en vue d’étendre l’ADFM aux maires de 500 habitants et plus ([326]).

Tout en partageant le sens de ces propositions, les rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable d’aller plus loin en alignant le FAEFM sur le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) accessible aux salariés du secteur privé en reconversion.

Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Issu de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels et actuellement régi par les articles L. 1233-65 à L. 1233-70 du code du travail, le CSP permet au salarié dont le licenciement économique est envisagé, de bénéficier, après la rupture du contrat de travail, d’un ensemble de mesures lui permettant un reclassement accéléré proposé par Pôle emploi (futur opérateur France Travail) : entretiens, bilans, formations, etc.

Le dispositif est réservé aux salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) des entreprises ou groupes de moins de 1 000 salariés ou aux salariés des entreprises en procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire).

Pendant la durée du CSP (12 mois), le salarié bénéficie d’une allocation de sécurisation professionnelle (ASP) dont le montant équivaut à 75 % du salaire journalier de référence. L’ASP, qui n’est pas dégressive, est versée par Pôle Emploi.

Selon une étude effectue par la DARES en 2020, les deux-tiers des bénéficiaires du CSP accèdent à un emploi au bout de deux ans contre 58 % pour les autres demandeurs d’emploi ([327]).

Ce succès s’explique, notamment, par l’expertise développée par les conseillers de Pôle Emploi (futur opérateur France Travail ([328])) en matière d’accompagnement des salariés. En dépit de ses compétences indéniables de gestionnaire financier, la CDC n’a pas la capacité de jouer le rôle d’un organisme de placement. Il pourrait donc être envisagé de confier au futur opérateur France Travail la gestion du FAEFM qui comporterait un volet consacré à l’accompagnement à la reconversion des élus bénéficiaires de l’ADFM.

Le rattachement du FAEFM au gestionnaire de l’assurance chômage permettrait, par ailleurs, de prévoir l’attribution aux élus locaux de droits complémentaires, tel que l’accès à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), désignée communément sous le terme « d’indemnité de chômage » ([329]). Actuellement, la durée d’affiliation nécessaire pour pouvoir prétendre à une ARE ([330]) ne prend pas en compte le temps consacré à l’exercice du mandat, ce qui est logique dans la mesure où l’on ne considère ce temps comme du temps de travail et où des cotisations d’assurance chômage ne sont pas versées. Deux associations d’élus (AMRF et France urbaine ([331])) ont plaidé pour qu’une telle affiliation soit rendue possible.

Afin de contribuer au rapprochement des élus locaux du régime de droit commun d’assurance chômage, les rapporteurs préconisent la prise en compte des crédits d’heures dans l’ouverture des droits à l’ARE. Ces droits seraient conditionnés :

        à une sortie de mandat pour non-réélection et non démission ;

        au versement par la collectivité de cotisations au régime d’assurance chômage, prélevées selon les mêmes modalités que pour l’abondement au FAEFM.

Afin de ne pas délaisser les « simples » membres des organes délibérants, notamment ceux qui n’ont pas exercé d’activité professionnelle avant leur élection, le dispositif serait ouvert à tous les élus locaux. Bien évidemment, il ne serait pas possible de cumuler le bénéfice de l’ADFM et de l’ARE.

Les rapporteurs estiment qu’une telle mesure contribuerait à renforcer l’engagement des jeunes et des ouvriers, qui sont actuellement peu représentés au sein des élus locaux (cf. supra) et, par conséquent, à démocratiser l’accès au mandat.

Proposition  51 : Élargir le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) aux maires des communes de 500 habitants et plus, aux adjoints des communes de plus de 3 000 habitants ainsi que, le cas échéant, aux vice-présidents des EPCI de plus de 3 000 habitants.

Proposition  52 : Rattacher la gestion du fonds d’allocation des élus en fin de mandat (FAEFM) à l’opérateur France Travail (ex-Pôle Emploi) et prévoir pour le bénéficiaire de l’ADFM un dispositif d’accompagnement par l’opérateur comparable à celui appliqué aux signataires des contrats de sécurisation professionnelle au sens de l’article L. 1233-65 du code du travail.

Proposition  53 : Dans un objectif de démocratisation de l’accès au mandat, intégrer les crédits d’heures dans le calcul de la durée d’affiliation donnant droit à une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) de façon à ce que tout élu local, même non membre d’un exécutif, puisse bénéficier d’une indemnité de chômage s’il quitte son mandat pour non-réélection. Prévoir, à cette fin, un mécanisme de cotisation similaire à celui abondant le FAEFM.

2.   La valorisation des compétences professionnelles acquises dans l’exercice du mandat

Le changement du regard de la société sur les élus locaux apparaît comme une des conditions essentielles de la relance de l’engagement citoyen. À cet égard, l’image de l’élu « généraliste » doit s’effacer au profit du « professionnel ». Comme l’indiquait en 2020 le sénateur Éric Kerrouche dans un ouvrage co-écrit avec Mme Élodie Lavignotte, docteure en science politique, « la technicité des compétences exercées, le niveau de responsabilité assumée et le temps consacré à l'exercice du mandat font désormais des élus locaux, plus particulièrement les maires et adjoints, de véritables professionnels au service de la collectivité. » ([332])

Qu’il s’agisse de l’encadrement d’une équipe, de la prise de parole en public, de la maîtrise du droit de l’urbanisme, voire de la mise en œuvre de contrôles de police municipale (cf. A du III supra), les élus locaux ayant exercé des fonctions exécutives ont pu acquérir de véritables compétences professionnelles qu’ils ont souvent du mal à faire reconnaître après la sortie du mandat. Comme le soulignait en audition M. Étienne Chaufour, le représentant de France Urbaine, « avoir été élu, ça ne se vend pas sur un CV » ([333]).

Les tentatives opérées par le législateur pour promouvoir la reconnaissance des savoirs accumulés au travers d’un « bilan de compétences » ([334]) accessible à l’issue du mandat, ont été peu suivies d’effets pour l’instant. Il ressort des éléments transmis en audition par la DGEFP que les élus recourent plutôt au DIFE pour financer leur propre bilan de compétences à la fin de leur mandat.

Ainsi, entre le lancement en janvier 2022 de la plateforme Mon Compte Formation (cf. B du III supra) et le 31 août 2023, la Caisse des dépôts et consignations a validé 26 158 dossiers de demande de DIFE, dont près de 28 % (7 271) avaient été déposés par des élus dans la perspective d’une reconversion ([335]).

Lors de son audition ([336]), M. Chaufour a évoqué les résultats d’une enquête menée en 2023 auprès de plusieurs centaines d’élus locaux par l’Institut français de la gestion publique ([337]) selon laquelle 97 % des répondants jugeaient nécessaire de permettre aux élus de « faire certifier les compétences acquises au cours de leur mandat ». Il souligne, dès lors, l’intérêt pour les élus locaux de pouvoir obtenir un diplôme ou une certification professionnelle liée aux fonctions exercée.

Les rapporteurs partagent ce point de vue et estiment qu’il convient de saisir les opportunités offertes par les dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE) accessibles à tout salarié depuis 2002.

Origine et principes de fonctionnement de la VAE

À l’origine, un dispositif de « validation des acquis professionnels » (VAP), issu de la loi n° 92-678 du 20 juillet 1992 relative à la validation d’acquis professionnels pour la délivrance de diplômes, permettait à une personne d’acquérir un diplôme de l’enseignement supérieur délivré sous l’autorité d’un ministère certificateur sur la base d’acquis validés en situation professionnelle.

En raison des limites de ce dispositif, trop centré sur une logique de sanction du cursus de formation, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a transformé la VAP en « validation des acquis de l’expérience » (VAE) permettant à toute personne engagée dans la vie active de valider les acquis obtenus de ses expériences, notamment professionnelles, non seulement en vue de l’obtention d’un diplôme, mais aussi d’un titre ou d’un certificat de qualification professionnelle.

Le système a été modifié plusieurs fois depuis 2002. La dernière réforme procède de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi qui, en son article 10, crée un groupement d’intérêt public chargé de mettre en place une plateforme numérique d’accès à la VAE et de gestion du dispositif.

Toute demande de VAE suit deux grandes phases que sont la recevabilité par un organisme certificateur et, à la suite du travail de constitution du dossier, le passage devant le jury de validation.

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie avait étendu explicitement en son article 20 le bénéfice de la VAE aux conseillers municipaux, aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux « qui ont exercé leur fonction durant au moins une mandature complète. »

Sans être, sur le fond, remise en cause, cette mention a été supprimée lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, entré en vigueur le 21 décembre 2022 (cf. supra). Le législateur a, en effet, souhaité centraliser dans le code du travail les règles applicables à la VAE ([338]) qui étaient disséminées en partie dans le code de l’éducation et affirmer à l’article L. 6111-1 (troisième alinéa) le principe selon lequel « toute personne est en droit de faire valider les acquis de son expérience », quelle que soit sa qualité.

Si les rapporteurs comprennent cette intention, ils estiment, toutefois, que l’affirmation de ce principe dans un titre du CGCT consacré au statut des élus locaux aura une valeur pédagogique vis-à-vis d’une population qui n’a pas forcément une pleine connaissance de l’existence de ce droit.

Par ailleurs, comme l’a souligné en audition M. Laurent Gaullier, adjoint au sous‑directeur en charge des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP ([339]), si un élu local peut en principe accéder en principe à un dispositif de VAE, il devra trouver une certification lui permettant de valoriser les compétences acquises durant son mandat. Or, pour l’instant, une telle certification n’a pas été définie.

Interrogés par la mission d’information sur les modalités que pourrait prendre cette valorisation, la DGEFP estime qu’il serait possible de s’inspirer du mécanisme de certification mis en place en 2018 pour les responsables syndicaux ([340]) bien que, selon les propres termes utilisés en audition par M. Romain Johais, chef de la mission des politiques de certification professionnelle à la DGEFP, « cette certification ne rencontre pas le succès escompté faute de promotion suffisante. »

La VAE des responsables syndicaux

Le système fonctionne à partir d’un « certificat de compétences professionnelles » (CCP) dont l’obtention, au terme d’un examen devant jury, permet d’attester d’un « bloc » de compétences, lui-même tout ou partie d’un titre professionnel.

-          CCP « Encadrement et animation d’équipe » correspondant au bloc de compétences « Animer une équipe » du titre professionnel « Responsable de petite et moyenne structure » (niveau 5) ;

-          CCP « Gestion et traitement de l’information » correspondant au bloc de  compétences « Gérer le traitement, l’organisation et le partage de l’information »
du titre professionnel « Assistant de direction » (niveau 5) ;

-          CCP « Assistance dans la prise en charge de projet » correspondant au bloc de compétences « Assister un dirigeant dans la prise en charge d’un projet » du titre professionnel « Assistant de direction » (niveau 5) ;

-          CCP « Mise en œuvre d’un service de médiation sociale » correspondant au bloc de compétences « Assurer un service de médiation sociale » du titre professionnel « Médiateur social accès aux droits et services » (niveau 4) ;

-          CCP « Prospection et négociation commerciale » correspondant au bloc de compétences « Prospecter, présenter et négocier une solution technique » du titre professionnel « Négociateur technico‐commercial » (niveau 5) ;

-          CCP « Suivi de dossier social d’entreprise » correspondant au bloc de compétences « Assurer la tenue et le suivi du dossier social de l’entreprise » du titre professionnel « Gestionnaire de paie » (niveau 5).

Source : Site internet du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Les rapporteurs estiment qu’un groupe de travail composé d’élus locaux, devrait être constitué afin de lister, en lien avec les services de l’État concernés, les titres professionnels auxquels pourraient prétendre les membres des organes délibérants des collectivités territoriales à partir de certificats de compétences professionnelles (CCP) délivrés au terme d’un examen devant jury.

Les élus locaux devraient ainsi être en mesure de faire valoir les titres professionnels ainsi obtenus, non seulement auprès d’un employeur privé, mais aussi d’un employeur public.

À cet égard, la loi reconnaît déjà largement le droit pour les anciens élus locaux de devenir fonctionnaire territorial par la voie du « troisième concours » ([341]). Par exemple, l’accès au concours d’attaché territorial, parmi lesquels sont recrutés les secrétaires de mairie, est expressément ouvert par la troisième voie aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée de quatre ans au moins, « d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale » ([342]).

Pour autant, eu égard aux difficultés inhérentes à la préparation d’un concours administratif pour ceux qui se sont éloignés des études, les rapporteurs estiment qu’il serait opportun d’inciter les anciens élus locaux qui auraient pu obtenir un titre professionnel dans le cadre de la VAE à postuler sur des emplois contractuels dans les collectivités territoriales.

Un circuit d’information pourrait être proposé aux anciens élus par le CNFPT avec, si besoin, l’organisation d’un cycle de formation complémentaire destiné à adapter le candidat aux fonctions qu’il souhaite exercer (directeur de police municipale, par exemple).

L’accès à l’emploi contractuel dans la fonction publique territoriale

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ouvert, en son article 21, une large palette d’emplois permanents aux personnels contractuels :

-          tous les emplois des communes de moins de 1 000 habitants et des groupements de communes regroupant moins de 15 000 habitants (3° de l’art. L. 332-8 du code général de la fonction publique) ;

-          tous les emplois des communes nouvelles issues de la fusion de communes de moins de 1 000 habitants, pendant une période de trois années suivant leur création, prolongée, le cas échéant, jusqu'au premier renouvellement de leur conseil municipal suivant cette même création (4° du même art. L. 332-8 du même code) ;

-          les emplois dont la création ou la suppression dépend de la décision d’une autorité qui s’impose à la collectivité (6° dudit art. L. 332-8 dudit code) dans les communes de moins de 2 000 habitants et des groupements de communes de moins de 10 000 habitants.

Les emplois de directeur général des services dans les départements, les régions ainsi que les communes et groupements de communes de plus de 40 000 habitants sont également accessibles par la voie contractuelle (art. L. 343-1 du même code).

S’agissant du recrutement par concours, s’il peut être juridiquement délicat d’exonérer les anciens élus locaux de toute épreuve de sélection par le mérite au regard du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics ([343]), des aménagements d’épreuves peuvent être envisagés. Saisis sur ce point par la mission d’information, les services du ministère de la transformation et de la fonction publiques ont indiqué qu’il était possible de prévoir, pour les anciens élus locaux, le remplacement des épreuves d’admissibilité par une épreuve où le candidat présenterait sous la forme d’un dossier un projet qu’il a particulièrement suivi au cours de son mandat local. Un tel circuit supposerait de caractériser au préalable dans la loi la différence de situation entre les anciens élus locaux et les autres candidats du troisième concours ([344]).

Les rapporteurs se montrent favorables à cette suggestion.

Proposition  54 : Organiser, à partir d’une maquette élaborée par un groupe de travail associant des élus locaux, une procédure de délivrance de certificats de certification professionnelle (CCP) permettant aux anciens élus de se prévaloir d’un « bloc de compétences » au titre de la validation des acquis professionnels (VAE). Rappeler dans le CGCT le droit des élus à bénéficier de la VAE dont ils bénéficient au titre de l’article L. 6111‑1 du code du travail.

Proposition  55 : Inciter, via le CNFPT, les anciens élus locaux qui auraient acquis des titres professionnels par la VAE à postuler sur des emplois de contractuels dans la fonction publique territoriale. Demander au CNFPT la mise en place d’un circuit de formation destiné, le cas échéant, à faciliter l’adaptation à certains postes techniques (directeur de police municipale, par exemple).

Proposition  56 : Prévoir dans le programme de la troisième voie d’accès à certains cadres d’emploi de la fonction publique territoriale un aménagement d’épreuves au profit des anciens élus locaux. Les épreuves d’admissibilité seraient remplacées par la réalisation d’un dossier par lequel le candidat présenterait un projet qu’il a particulièrement suivi au cours de son mandat local.

* * *

À titre subsidiaire, les rapporteurs recommandent également que le mandat soit considéré comme une forme d’ancienneté dans l’entreprise lorsqu’un élu salarié suspend son contrat de travail, puis décide d’user le droit à réintégration dont il dispose en application de l’article L. 3142-84 du code du travail. En effet, les périodes de suspension ne sont généralement pas prises en compte pour le calcul des droits à congés ([345]), ni surtout pour celui du préavis de licenciement et des indemnités correspondantes ([346]). Cette demande a été portée, notamment par l’APVF ([347]).

Au-delà des améliorations sur la situation matérielle des intéressés, une telle reconnaissance permettrait de marquer symboliquement que l’engagement dans la vie politique locale ne constitue pas une rupture, mais une simple pause dans un continuum professionnel.

Proposition  57 : Intégrer expressément le mandat exécutif local, quelle que soit la strate de collectivité, dans le calcul de l’ancienneté donnant droit à congés ou permettant de déterminer la durée du préavis de licenciement ainsi que le montant des indemnités correspondantes. Ce droit serait réservé aux salariés qui usent de leur droit à suspension du contrat de travail et décident de réintégrer leur entreprise à la sortie du mandat.

3.   La reconnaissance de l’engagement dans la vie politique locale au travers d’une bonification de trimestres pour la retraite

Au fur et à mesure de l’avancement des travaux de la mission d’information, il est apparu que le statut de l’élu comportait de nombreuses similitudes avec celui des sapeurs-pompiers volontaires ([348]). Comme l’élu local, le sapeur-pompier volontaire est une personne qui, quelle que soit son activité professionnelle, choisit de « s’engager » au service de l’intérêt général.

Les droits attachés à cet engagement sont proches de ceux appliqués aux élus locaux à l’occasion des réformes successives intervenues depuis 1992 :

1/ L’activité de sapeur-pompier volontaire est « à but non lucratif » mais ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu’à des « prestations sociales et de fin de service » (art. L. 723-9 du code de la sécurité intérieure) ;

2/ Il perçoit des « indemnités » qui ne sont assujetties à aucun impôt ni soumises aux prélèvements prévus par la législation sociale (art. 11, 12 et 13 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers) ;

3/ Il bénéficie d’autorisations d’absence pour ses missions opérationnelles, mais aussi pour des formations et pour la participation à des instances des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dont il est membre (art. L. 723-13 du code de la sécurité intérieure). Ces absences ne peuvent donner lieu à aucun licenciement, aucun déclassement professionnel ni aucune sanction disciplinaire (art. L. 723-16 et L. 723-17 du même code).

Au titre de la retraite, un sapeur-pompier volontaire qui arrête son service après quinze ans de service (dix ans en cas d’incapacité opérationnelle) et qui est âgé d’au moins 55 ans peut bénéficier d’une rente viagère dénommée nouvelle « prestation de fidélisation et de reconnaissance » (NPFR) et versée annuellement.

Avec la dernière réforme des retraites, les sapeurs-pompiers volontaires disposent désormais d’un nouveau régime de bonification.

L’article L. 173-1-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 précise que « les assurés ayant accompli au moins dix années de service, continues ou non, en qualité de sapeur-pompier volontaire ont droit à des trimestres supplémentaires pris en compte pour la détermination du taux de calcul de la pension et la durée d'assurance dans le régime, dans des conditions et des limites prévues par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le régime auquel incombe la charge de valider ces trimestres lorsque l'assuré a relevé successivement, alternativement ou simultanément de plusieurs régimes d'assurance vieillesse de base. »

Compte tenu de la proximité des deux statuts, l’AMRF et l’APVF ont suggéré d’appliquer ce régime aux maires et à leurs adjoints avec adaptation ([349]).

Afin de marquer la reconnaissance de la Nation aux élus locaux pour leur engagement, les rapporteurs jugent également souhaitable d’offrir un système de bonification de trimestres pour le calcul de la pension et de la durée d’assurance aux membres des différents exécutifs locaux (maires, adjoints, présidents et vice‑présidents d’EPCI, de conseil départemental et de conseil régional). Sous réserve du régime qui sera mis en place pour les sapeurs-pompiers volontaires par le Gouvernement lors de la mise en œuvre de l’article L. 173-1-5 précité, il paraît envisageable de mettre en place pour ces élus locaux une bonification :

        de deux trimestres par période de six années de mandat, continues ou non, pour les chefs d’exécutifs ;

        d’un trimestre par période six années de mandat, continues ou non, pour les adjoints et vice-présidents.

Proposition  58 : Accorder à tout chef d’exécutif local une bonification de deux trimestres au titre de l’assurance retraite pour chaque période, continue ou non, de six ans de fonctions exercées, et à tout adjoint (ou vice-président) une bonification d’un trimestre par période, continue ou non, de six ans d’exercice des fonctions (sur le modèle de la bonification accordée aux sapeurs‑pompiers volontaires dans le cadre de la réforme des retraites du 14 avril 2023).

 

 


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   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 15 heures, la délégation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

 

https://assnat.fr/RunDtV

 

 

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*     *

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Universitaires

– M. Pierre Camus, docteur de sociologie à de l'université de Nantes et chercheur au Centre nantais de sociologie (CENS) ;

– M. Vincent Doebelin, doctorant en droit public et chargé d'enseignement à l’Université de Haute-Alsace ;

– Mme Aurore Granero, maître de conférences HDR en droit public à l'université de Bourgogne-Franche-Comté.

Observatoire de l’éthique publique

– M. Didier Demazière, sociologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre du Centre de sociologie des organisations (CSO) et enseignant à Sciences Po ;

– M. Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’Université de Lille, membre du Centre d’études de recherches administratives politiques et sociales (CERAPS).

Experts

– Maître Didier Seban, avocat à la Cour, spécialisé en droit pénal et droit public.

Administrations d’État :

Cabinet de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales

– M. Simon Chassard, directeur de cabinet

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

– M. Jean-Philippe Vachia, président ;

– Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale.

Inspection générale de l’administration (IGA)

– M. Bruno Acar, inspecteur général de l’administration ;

– M. Xavier Giguet, inspecteur de l’administration.

Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

– M. François Schechter, inspecteur général des affaires sociales.

Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAE)

– Mme Hélène Debiève, cheffe du CALAE.

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

– M. Stéphane Brunot, directeur, adjoint à la directrice générale des collectivités locales ;

– M. Christophe Bernard, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale ;

– M. Laurent Stirnemann, chef du bureau des élus locaux, du recrutement et de la formation des personnels territoriaux.

 Direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES)

– M. Marc Tschiggfrey, chef de service et adjoint à la directrice du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES) ;

– M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections politiques.

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

– Mme Cécile Gressier, sous-directrice de la justice pénale générale.

Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

– M. Stéphane Rémy, sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle ;

– M. Laurent Gaullier, adjoint au sous-directeur ;

– Mme Cécile Bertrand, cheffe du pôle Compte personnel de formation (CPF) ;

– M. Romain Johais, chef de la mission des politiques de certification professionnelle.

Associations d’élus :

Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France (AMF)

– Mme Murielle Fabre, maire de Lampertheim (67), secrétaire générale de l’AMF.

France Urbaine

– M. Étienne Chaufour, directeur en charge de l’éducation, des mobilités et des solidarités.

Association des maires ruraux de France (AMRF)

– M. Julien Aguin, maire de Voisenon (77) ;

– M. Roch Chéraud, maire de Saint-Viaud (44) ;

– M. Gwenaël Crahes, maire de La Grigonnais (44) ;

– Mme Carine Houdouin, maire de Richarville (91) ;

– Mme Florence Picard, maire de Coyviller (54), présidente de l’AMR 54 ;

– Mme Catherine Leone, chargée de mission.

Association des petites villes de France (APVF)

– M. Daniel Cornalba, maire de l’Étang-la-Ville (78) ;

– M. André Robert, délégué général de l’APVF.

Intercommunalités de France

– M. Fabian Jordan, maire de Berrwiller (68), président de Mulhouse Alsace agglomération ;

– M. Simon Mauroux, responsable du pôle Institutions, droit et administration ;

– Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement.

Départements de France

– Mme Coralie Dénoues, présidente du conseil départemental des Deux‑Sèvres (79) ;

– M. Hervé Cochetel, directeur général des services du conseil départemental des Deux-Sèvres (79).

Régions de France

– M. Stéphane Perrin-Sarzier, vice-président du conseil régional de Bretagne.

Association nationale des élus locaux d’opposition (AÉLO)

– M. Jean-Paul Lefebvre, président.

Association d’élues locales

– Mme Julia Mouzon, présidente de l’association « Élues locales » ;

– Mme Reine Lépinay, membre du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes et co-présidente du réseau « Elles aussi ».

Tables rondes d’élus locaux et de responsables politiques :

Table ronde des maires ayant été victimes de violences, d’outrages ou de menaces

– M. Eric Arnoux, maire de Blangy-sur-Bresle (76) ;

– M. Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière (42) ;

– M. Stéphane Blanchet, maire de Sevran (93) ;

– M. Serge de Carli, maire de Mont-Saint-Martin (54) ;

– Mme Stéphanie von Euw, maire de Pontoise (95) ;

– M. Emmanuel François, maire de Saint-Pierre-des-Corps (37) ;

– Mme Anne-Françoise Piédallu, maire de Plougrescant (22) ;

– M. André Rousset, maire de Lauris (83).

Table ronde des référents « élus locaux » des formations politiques représentées à l’Assemblée nationale

– M. Olivier Bertrand, adjoint au maire de Grenoble (38), délégué d’Europe Écologie Les Verts aux élections, aux relations avec les partis et au lien avec les élus ;

– M. Alain Chrétien, maire de Vesoul (70), référent des élus locaux au sein d’Horizons ;

– M. Pierre Jouvet, maire de Saint-Vallier (26), secrétaire général du Parti socialiste ;

– Mme Isabelle Le Callennec, maire de Vitré (35), présidente du comité des maires et des élus des Républicains ;

– M. Bertrand Pancher, député de la Meuse, président du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) ;

– M. Patrick Proisy, maire de Faches-Thumesnil (59), référent des élus locaux au sein de La France insoumise

– M. Philippe Rio, maire de Grigny (91), président de la Coopérative des élus communistes, républicains et citoyens ;

– M. Julien Sanchez, maire de Beaucaire (30), vice-président délégué aux élus du Rassemblement national ;

– M. Denis Thuriot, maire de Nevers (34), président de l'Assemblée des territoires au sein de Renaissance.

Table ronde des maires démissionnaires

– M. Frédéric Besème, ancien maire de Chiroubles (69) ;

– M. André Hartereau, ancien maire d’Hennebont (56) ;

– Mme Véronique Ittah, maire d’Annay (58).

Contributions écrites :

Procureurs de la République

– M. Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon (21) ;

– M. Stéphane Hardouin, procureur de la République de Créteil (94).

Magistrat financier

– M. Pierre Genève, magistrat à la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, membre du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ;

Contribution sur la facilitation de l’exercice du mandat électif local pour les élus en situation de handicap

– Mme Audrey Henocque, 1ère adjointe au maire de Lyon (69) ;

– Mme Odile Maurin, conseillère municipale de Toulouse (31).

Commune de Champlan (91)

– M. Christian Leclerc, vice-président de la communauté d’agglomération de Paris-Saclay, vice-président de l’AMR 91.

Union nationale des élus locaux (UNEL)

– Mme Solène Le Monnier, présidente ;

– Mme Mariline Thiebaut-Brodier, trésorière.

Association des jeunes élus de France (AJEF)

– M. Laurent Rossi, président.

Le Tremplins des élus (organisme agréé pour la formation des élus locaux)

– M. Antoine Fabry, président.

 

 


   DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION

 

Déplacement à l’Haÿ-les-Roses le 17 octobre 2023 :

– M. Vincent Jeanbrun, maire de l’Haÿ-les-Roses (94) ;

– M. Laurent Clémot, chef de cabinet du maire.

 


([1]) La composition de la mission d’information figure au verso de la présente page.

([2]) Termes utilisés par le juriste et homme politique Léo Hamon en 1947 (Vers une réforme municipale).

([3]) On ne trouve pas, en revanche, l’affirmation d’un tel principe dans les parties du CGCT relatives aux conseillers départementaux et régionaux (troisième et quatrième parties). Les modalités d’indemnisation de ces élus locaux s’inspirent, toutefois, très largement de celles applicables aux conseillers municipaux.

([4]) Extrait d’un article du journal de Mirabeau, le Courrier de Provence, cité par Alain Garrigou dans un article de la revue des sciences sociales et politiques (n° 20 - 1992) « Vivre de la politique » - page 11.

([5]) Article d’Alain Garrigou (op. cit.).

([6]) Le député serait mort sous les balles le 4 décembre 1851 après avoir été apostrophé par à un ouvrier qui aurait refusé de « mourir pour garder vos vingt-cinq francs par jour ». 

([7]) « Les maires de Brumaire notables ruraux ou « gens de passage » ? » (John Dunne in Du directoire au Consulat - tome 3, sous la direction de Jean-Pierre Jessenne - 2001).

([8]) Les maires en France du Consulat à nos jours (M. Agulhon et alii - 1986). L’ouvrage attribue à cette classe « moyenne » un revenu annuel compris entre 1 000 et 10 000 francs.

([9]) Le premier maire socialiste de France, M. Jean Pernin, forgeron, est élu à Saint-Ouen en 1887.  

([10]) Député de la Sarthe entre 1852 et 1857.

([11]) Léon Morgand - Commentaire de la loi du 5 avril 1884 (ministère de l’intérieur).

([12]) Propos tenus lors de la séance au Sénat du mardi 4 mars 1884 (site Internet du Sénat).

([13]) Troisième phrase de l’article 74.

([14]) Refonder l’action publique locale.

([15]) Rapport précité (pages 92 et 93).

([16]) Ce plafond s’applique même si l’élu siège au conseil d'administration d'un établissement public local, du centre national de la fonction publique territoriale, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une société ou préside une société

([17]) Art. L. 2123-20 du CGCT pour les conseillers municipaux, art. L. 5211-12 du CGCT pour les conseillers des EPCI, art. L 3123-18 du CGCT pour les conseillers départementaux, art. L. 4135-18 du CGCT pour les conseillers régionaux.

([18]) https://www.collectivites-locales.gouv.fr/institutions/le-regime-indemnitaire-des-elus

([19]) Débattre d’une juste indemnisation des élus - Didier Demazière et Rémi Lefebvre (juin 2023).

([20]) Livre blanc précité (page 18).

([21]) Audition du 10 octobre 2023.

([22]) C’est le cas, par exemple, des communes de Pau (64) avec 75 665 habitants et de La Rochelle (17) avec 77 210 habitants (données de l’Institut national des statistiques et des études économiques - INSEE - 2020).

([23]) 76 633 habitants en 2020 (INSEE).

([24]) Respectivement 15 898 habitants et 15 717 habitants en 2020 (INSEE).

([25]) Livre blanc précité (page 18).

([26]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 26 septembre dernier.

([27]) Propos tenus en audition.

([28]) Livre blanc précité (page 16).

([29]) Contribution écrite apportée par M. Jean-Paul Lefebvre, président de l’AELO, le 25 octobre 2023.

([30]) Depuis la loi du 3 février 1992 (cf. infra).

([31]) 2 108,33 euros (maire) + (809,01 euros x 6 adjoints).

([32]) Livre blanc précité (page 26).

([33]) Premier alinéa de l’art. L. 2123-18 (frais découlant des mandats spéciaux) et art. L. 2123-19 (indemnité pour frais de représentation).

([34]) Art. 38 de la loi du 27 février 1912 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1912.

([35]) Art. L. 5216-4 du CGCT.

([36]) L’article L. 5215-16 du CGCT est applicable aux métropoles (art. L. 5217-7 du CGCT).

([37]) Recommandation n° 94.

([38]) TA Limoges, 22 mai 1990, préfet de la Haute-Vienne.

([39]) Art. L. 2123-18-3 du CGCT.

([40]) Livre blanc précité (page 26).

([41]) Propos tenus lors de l’audition du 12 septembre 2023.

([42]) Audition du 10 octobre 2023.

([43]) Rapport au Premier ministre sur le statut de l’élu local, départemental et régional et la limitation du cumul des fonctions et mandats électifs.

([44]) Déclaration de M. Pierre Mauroy, Premier ministre, devant les commissaires de la République de région sur la décentralisation, Paris le 5 mai 1983.

([45]) Ce crédit d’heures n’est pas rémunéré, mais il est assimilé à une durée du travail effective pour l’ouverture de certains droits (congés, ancienneté, etc.).

([46]) Avec un congé de formation de six jours.

([47]) Données collectées par le Sénat : rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation n° 642 (2017-2018) du 5 juillet 2018 (tome 3 - page 18).

([48]) L’article 66 de la loi élargit, notamment, ce droit aux conseillers municipaux des communes d’au moins 3 500 habitants.

([49]) Art. L. 122-24-1 du code du travail (dispositions aujourd’hui reprises à l’art. L. 3142-81 du même code). Le dispositif voté en 2002 excluait les candidats aux élections municipales des communes de moins de 3 500 habitants.

([50]) La durée de versement est d’un an depuis 2015 (cf. infra).

([51]) Initialement aux exécutifs départementaux et régionaux, ainsi qu’aux maires des communes de 1 000 habitants et plus ainsi qu’aux adjoints des communes de 20 000 habitants et plus (10 000 habitants depuis 2015).

([52]) 4 et 5 octobre 2012.

([53]) Seules les dispositions les plus structurantes pour la majorité des élus locaux contenues dans la loi n°2015‑366 du 31 mars 2015 ont ici été reproduites.

([54]) Le dispositif a été étendu aux communes et aux EPCI en 2019

([55]) Art. 84 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. 

([56]) Art. L. 2123-12 du CGCT (communes), L. 3123-10 du CGCT (départements) et L 4135-10 du CGCT (régions).

([57]) Art. L. 2123-12-1 du CGCT (communes), L. 3123-10-1 du CGCT (départements) et L. 4135-10-1 du CGCT (régions)

([58]) Seules les dispositions les plus structurantes pour la majorité des élus locaux contenues dans la loi n°2015‑366 du 31 mars 2015 ont ici été reproduites.

([59]) Les élus des syndicats intercommunaux et des syndicats mixtes ne sont pas concernés par le DIFE tel que l’a instauré la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015.

([60]) L’Agence de services et de paiement (ASP) jusqu’en 2021, la Caisse des dépôts et consignations depuis 2022.

([61]) « Les indemnités des élus municipaux : combien, comment » - La Gazette des communes (2 mars 2020).

([62]) Extrait des articles L. 2123-12-1, L. 3123-10 -1 et L. 4135-10-1 du CGCT dans leur rédaction résultant de l’article 15 de la loi de 2015.

([63]) « La formation des élus locaux » (IGA et IGAS – janvier 2020) - page 19.

([64]) Seules les dispositions les plus structurantes pour la majorité des élus locaux contenues dans la loi n°2015‑366 du 31 mars 2015 ont ici été reproduites.

([65]) Le seuil fixé en 1992 pour les maires (10 000 habitants) avait été supprimé en 2000 et celui fixé pour les adjoints (30 000 habitants) avait été abaissé à 20 000 habitants la même année.

([66]) Seules les dispositions les plus structurantes pour la majorité des élus locaux contenues dans la loi n°2015‑366 du 31 mars 2015 ont ici été reproduites.

([67]) Droit désormais reconnu à tout maire ou adjoint depuis la loi « engagement et proximité » de 2019 (art. 88).

([68]) Les maires des communes de 1 000 habitants et plus restent éligibles au dispositif.

([69]) Trois ans en 2015, quatre ans aujourd’hui.

([70]) On observe que c’est Mme Jacqueline Gourault, qui avait porté la réforme de 2015, qui présente le texte de 2019 en tant que ministre chargée des collectivités territoriales.

([71]) Seules les dispositions les plus structurantes pour la majorité des élus locaux contenues dans la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 ont ici été reproduites.

([72]) Le seuil a été supprimé par la loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle (article 5).

([73]) Le régime antérieur excluait curieusement les élus indemnisés.

([74]) Ordonnance n°2021-45 du 20 janvier 2021 et ordonnance n°2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux.

([75]) Loi n° 2021-771 du 17 juin 2021 ratifiant les ordonnances n°2021-45 du 20 janvier 2021 et n°2021.

([76]) Audition du 24 octobre 2023.

([77]) Dans le cadre de la  mise en œuvre de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([78]) Le CNFEL est instance consultative placée auprès du ministre chargé des collectivités territoriales et est obligatoirement consulté pour les demandes d’agrément présentées par des organismes de formation des élus locaux (cf. infra).

([79]) Arrêté du 27 mars 2023 modifiant l’arrêté du 12 juillet 2021 modifié portant diverses mesures applicables au droit individuel à la formation des élus locaux.

([80]) Modification apportée à l’art. L. 5214-8 du CGCT. Curieusement, les élus des autres EPCI en bénéficiaient depuis longtemps.

([81]) Le seuil initial de 3 500 habitants avait été abaissé à 1 000 habitants en 2015.

([82]) Amendement CL1064 de M. Sacha Houlié.

([83]) Art. L. 2123-35 du CGCT pour les communes, L. 3123-29 du CGCT pour les départements et L. 4135-29 du CGCT pour les régions (art. 101 de la loi n° n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité).

([84]) Rapport sénatorial n° 238 (1991-1992) du 15 janvier 1992.

([85]) Propos tenus lors de l’audition conjointe de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et de l’Association des petites villes de France (APVF) du 19 septembre 2023.

([86]) La part de cotisation FONPEL versée par la collectivité est assujettie à la CGS et à la CRDS.

([87]) La tranche A des cotisations IRCANTEC correspond à la partie du plafond annuel de sécurité sociale (PASS), à laquelle on applique un taux de 2,80 %. La tranche B correspond à la partie au-delà du PASS, à laquelle on applique un taux supérieur (6,95 %).

([88]) Dispositif institué par l'article 47 de la loi du 31 décembre 1992 de finances rectificative pour 1992.

([89]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (art. 10).

([90]) Les interdictions de cumul ne s’appliquent, pour l’instant, qu’aux mandats nationaux.

([91]) «Le cumul des mandats locaux crée de nouvelles baronnies politiques » (Le Monde - 26 novembre 2021).

([92]) Livre blanc précité (page 15).

([93]) État des lieux de la démocratie municipale (enquête de Sciences Po et du CEVIPOF pour la Convention nationale de la démocratie locale du 7 novembre 2023).

([94]) Les maires des communes de moins de 500 habitants déclarent en moyenne 22 heures d’activité par semaine (enquête supra).

([95]) Rapport de l’IGA et de l’IGAS précité (page 32).

([96]) Art. L. 2123-14 du CGCT pour les communes, L. 3123-12 du CGCT pour les départements, L. 4135-12 du CGCT pour les régions.

([97]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 33).

([98]) Table ronde des universitaires du 24 octobre 2023.

([99]) Propos tenus en audition.

([100]) Table ronde du 21 septembre 2023 précitée.

([101]) Propos tenus lors de la table ronde du 21 septembre 2023 précitée.

([102]) Contribution écrite de l’AMRF adressée le 26 septembre 2023.

([103]) Enquête AMRF 44 précitée.

([104]) Communiqué transmis à l’appui de l’enquête précitée.

([105]) Enquête AMRF 44 précitée.

([106]) Effectifs physiques issus des bilans sociaux des directions départementales interministérielles.

([107]) Art. L. 2123-20 du CGCT.

([108]) Cf. 3° du A du I supra.

([109]) Audition du 10 octobre 2023.

([110]) Art. L. 2123-35 pour les communes, L. 3123-29 pour les départements et L. 4135-29 pour les régions.

([111]) Des restrictions existent s’agissant des comptes Twitter.

([112]) Propos tenus en audition.

([113]) Contribution écrite transmise à la mission d’information dès le 10 octobre 2023.

([114]) Art. L. 120-1, L. 121-1-A, L. 121-15-1 à L. 121-21 du code de l’environnement : plans, projets et programmes soumis à une évaluation environnementale (exemple : ligne de transport public), plan de prévention des risques technologiques, plan de gestion des risques inondations, schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, etc.

([115]) Art. L. 103-2 à L. 103-6 du code l’urbanisme : élaboration, modification, mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU) et schémas de cohérence territoriale (SCoT), création d’une zone d’aménagement concertée, etc. et à titre facultatif, certains permis de construire (art. L. 300-2 du même code).

([116]) Martial Foucault, Les attentes des Français vis-à-vis de leurs maires, proximité et reconduction, juillet 2019 : 2ème enquête de l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-CEVIPOF réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 15 308 Français.

([117]) M. Alain Lambert, président du CNEN, Rapport relatif à l’intelligibilité et à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales au service de la transformation publique, 17 février 2021.

([118]) Mme Françoise Gatel, M. Rémy Pointereau, sénateurs, Rapport d’information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation relatif à la simplification des normes imposées aux collectivités territoriales, n° 289, 26 janvier 2023.

([119]) Mme Guylène Pantel, sénatrice, Rapport d’information sur l’impact des décisions règlementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales, n° 729, 13 juin 2023.

([120]) CNEN, Rapport public d’activité 2019-2022, février 2023, p. 1

([121]) Cour des comptes, Les finances publiques locales 2018, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2018, pp. 69 et suivantes.

([122]) Ces réformes mettent en jeu des mécanismes de compensation, de transfert et de garantie complexes. À titre d’exemple, la réforme de la taxe professionnelle de 2010 s’est accompagnée de la création de dotations de l’État (DCRTP), de transferts de fractions d’impôts nationaux (DMTO, TSCA), de la création d’un fonds de garantie individuelle (FNGIR)et d’une réallocation de la fiscalité locale entre niveaux de collectivités.

([123]) Dispositifs institués par les art. 21 à 28 de la loi n° 2020-935 de finances rectificative (3) pour 2020.

([124]) Dispositifs institués par les art. 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 et 113 et 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([125]) SMACL Assurances, Le risque pénal des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux, rapport 2022, janvier 2023, p. 8.

([126]) L’article 14 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a substitué à « l’intérêt quelconque », s’agissant de l’élu, « un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ».

([127]) C. Cass. crim. n° 21-87.217 du 5 avril 2023. Selon le considérant 19 de l’arrêt, « les prévisions de l'article 432-12 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 aux termes de laquelle l'intérêt doit être de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de l'auteur du délit sont équivalentes à celles résultant de sa rédaction antérieure par laquelle le législateur, en incriminant le fait, par une personne exerçant une fonction publique, de se placer dans une situation où son intérêt entre en conflit avec l'intérêt public dont elle a la charge, a entendu garantir, dans l'intérêt général, l'exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions publiques ».

([128]) I de l’art. 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([129]) Article unique de la proposition de loi n° 268 de M. Bernard Saugey, sénateur, visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux, déposée au Sénat le 17 mars 2009 et adoptée par le Sénat le 24 juin 2010.

([130]) C. Cass. crim   22-82.229 du 8 mars 2023.

([131]) 2° et 3° du I de l’art. 11 de la loi précitée.

([132]) La définition donnée par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 est très large (cf. seconde partie infra).

([133]) Article 11 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique.

([134]) Décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local et arrêté du même jour pris en application dudit décret.

([135]) Ces données statistiques sont celles communiquées par le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAÉ) aux rapporteurs.

([136]) Nomenclature des natures d’infraction.

([137]) France Victimes est une fédération qui regroupe 103 associations d’aide et d’assistance aux victimes.

([138]) Loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression.

([139]) La plateforme Pharos, créée par un arrêté du 16 juin 2009, permet de signaler tout contenu illicite présent sur internet. Il s’agit d’un service de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).

([140]) David Guéranger, Interpréter le blues des maires, communication institutionnelle et crise de l’engagement bénévole, Métropolitiques, février 2020.

([141]) Martial Foucault, 5ème enquête AMF-CEVIPOF, novembre 2023.

([142]) Le 22 mars 2023, en pleine nuit, la maison du maire est incendiée alors que ses occupants dorment encore.

([143]) Rapport établi le 8 mars 2022 par un groupe de travail associant la police nationale, la gendarmerie, le ministère de la justice et deux associations d’élus (Association des maires de France et présidents d’intercommunalité - AMF et association des maires ruraux de France - AMRF)

([144]) Audition du 6 novembre dernier.

([145]) Cette direction résulte de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI) du 24 janvier 2023. Elle a été créée par un décret du 5 juillet 2023.

([146]) France victimes est une fédération ayant pour objectif de « promouvoir et de développer l’aide et l’assistance aux victimes, les pratiques de médiation et toute autre mesure contribuant à améliorer la reconnaissance des victimes » (site Internet de l’association).

([147]) Propos tenus en audition.

([148]) Circulaire n° IOML2316494J du ministre de l’intérieur, du garde des Sceaux et de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales en date du 3 juillet 2023.

([149]) Témoignage recueilli en audition.

([150]) Contribution écrite de la cheffe du CALAÉ en date du 29 novembre dernier.

([151]) Audition du 10 octobre 2023.

([152]) Communiqué de presse de l’association du 3 décembre 2021.

([153]) Propos tenus en audition.

([154]) Contributions écrites de la DACG (19 octobre 2023) et du CALAÉ (29 novembre 2023).  

([155]) Rencontre du 17 octobre 2023.

([156]) Audition du 19 septembre 2023.

([157]) Données communiquées en audition.

([158]) Bonnes pratiques mises en valeur par la circulaire interministérielle précitée du 3 juillet 2023.

([159]) Données communiquées en audition.

([160]) CE 5 mai 1971 Sieur Gillet, n° 79494.

([161]) IV de l’art. 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

([162]) En application du troisième de l’art. L. 2123-34 du CGCT, la commune ayant moins de 3 500 habitants.

([163]) Proposition de loi n°648 (2022-2023) du 26 mai 2023.

([164]) Rapport d’information (n° 11) de M. Philippe Bas sur les menaces et agressions auxquels sont confrontés les maires, 2 octobre 2019, p. 34.

([165]) Proposition de loi (n° 1646) de Mme Violette Spillebout et plusieurs de ses collègues, visant à renforcer la protection des élus, des candidats aux élections et de leurs familles, déposée le 12 septembre 2023.

([166]) Circulaire du 5 mai 2008 n° 2158 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’État.

([167]) L’article 30 du projet de loi « Engagement et proximité » prévoyait de compenser aux communes de moins de 1 000 habitants, soit 25 065 communes, pour un coût évalué à 2,5 millions d’euros. Le seuil a été relevé à 3 500 habitants par le Sénat. Les Sénateurs avaient également étendu la protection au conseil juridique et à l’assistance psychologique.

([168]) Cette compensation s’effectue actuellement par une majoration de la dotation particulière « élu local » (DPEL) qui varie entre 72 euros (pour les communes de moins 100 habitants) à 133 euros (pour les communes de 2 500 à 3 499 habitants).

([169]) Le FIPD, créé par l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, comprend quatre programmes pour un total de 82 millions d’euros en 2023.

([170]) Circulaire du 7 septembre 2020 du garde des Sceaux relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant.

([171]) Le Sénat avait introduit un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) en janvier 2023. Cette disposition avait été considérée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel (décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023 cons. 63).

([172]) Cet article a été créé par l’article 10 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale à la sécurité intérieure, afin de réprimer notamment les violences contre les forces de l’ordre. Des circonstances aggravantes sont prévues : violences par plusieurs personnes, avec usage ou menace d’une arme, avec usage d’un masque, avec préméditation, etc.

([173]) Pour les diffusions sur internet, la jurisprudence retient comme point de départ la date de la première publication, c’est-à-dire la date à laquelle le message a été mis à disposition des utilisateurs du réseau pour la première fois.

([174])QPC n° 2013-302 du 12 avril 2013.

([175]) Contribution écrite du 31 octobre 2023.

([176]) Guide de déport des élus régionaux, région Ile-de-France, septembre 2023.

([177]) Contribution écrite du 26 octobre 2023.

([178]) Entretien au journal Le Monde (20-21 juillet 1958).

([179]) Communiqué de l’AELO du 19 juin 2023.

([180]) Art. L. 2121-13 du CGCT (communes), L. 3121-18 du CGCT (département) et L. 4132-17 du CGCT (régions).

([181]) Réponse du ministère de l’intérieur du 2 mars 2017 à la question n° 24275 du sénateur Jean-Louis Masson.

([182]) Table ronde réunissant des universitaires du 24 octobre 2023 (précitée).

([183]) Sauf pour les projets de lois de finances, les projets de lois de financement de la sécurité sociale, les projets de lois relatifs aux états de crise et aux textes soumis à la procédure accélérée, un délai de six semaines minimum doit séparer le dépôt d’un projet de loi et le début de son examen en séance publique (article 42 de la Constitution, troisième et dernier alinéas).

([184]) Art. L. 3121-19 du CGCT (départements) et L. 4132-18 du CGCT (régions).

([185]) Contribution adressée le 15 novembre 2023.

([186]) CE, 13 octobre 1993, d’André.

([187]) Le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances peuvent procéder « à toutes investigations sur pièces et sur place » et « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent […] réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis. » (art. 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée - LOLF).

([188]) Audition du 10 octobre 2023 précitée.

([189]) Rapport d’activité de la CADA (page 92).

([190]) C’est le cas, notamment, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en cas de manquement aux dispositions du Règlement général européen sur la protection des données (RGPD).

([191]) Art. 145 du Règlement de l’Assemblée nationale.

([192]) Art. L. 2121-22-1 du CGCT (communes), L. 3121-22-1 du CGCT (départements) et L. 4132-21-1 du CGCT (régions).

([193]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 15 novembre 2023 (précitée).

([194]) Communiqué de l’AELO précité du 19 juin 2023.

([195]) Proposition formulée lors de l’audition du 10 octobre 2023 précitée.

([196]) Table ronde du 5 décembre 2023.

([197]) Propos tenus lors de l’audition du 10 octobre 2023 précitée.

([198]) Cette disposition, provenant d’un amendement sénatorial, était motivée par le coût représenté par l’indemnité pour le budget des petites communes, le maire pouvant décider de réduire de sa propre indemnité pour préserver les ressources budgétaires de sa commune.

([199]) L’article 92 de la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a procédé à une revalorisation du plafond des indemnités des maires et des adjoints des seules communes de moins de 3 500 habitants.

([200]) Contribution écrite du 9 novembre 2023.

([201]) 4 058 conseillers départementaux et 1 758 conseillers régionaux (2021) à comparer à 512 000 élus municipaux.

([202]) Dernier alinéa de l’article L. 2123-18-2 du CGCT issu de la loi « Engagement et proximité », précisé par décret n° 2020-948 du 30 juillet 2020 et par la circulaire de la DGCL du 15 février 2021.

([203]) Cette disposition, qui complétait le droit à suspension du contrat de travail, avait été introduite à l’article 3 de la proposition de loi en première lecture par la commission des lois du Sénat par un amendement de M. Alain Anziani adopté avec l’avis favorable du rapporteur M. Bernard Saugey.

([204]) Compte rendu de la commission des lois du Sénat du 23 janvier 2013.

([205]) Rapport d’information (n°648), Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer pour redynamiser la culture citoyenneté, M. Stéphane Piednoir, président, M. Henri Cabanel, rapporteur, Sénat, 7 juin 2022.

([206]) Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses mesures de vigilance sanitaire.

([207]) Art. 29 et 34 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([208]) Laurine Pasco, Cyril Desjeux, Mandat électoral. Difficultés et obstacles pour candidater, être élu et exercer un mandat électoral quand on est en situation de handicap, association Handeo, 2021.

([209]) CC, n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013.

([210]) Art. 91 quinquies du règlement du Sénat.

([211]) Art. 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([212]) HATVP, Lignes directrices à destination des représentants d’intérêts, 2023.

([213]) En septembre 2023, selon l’enquête Fractures françaises du CEVIPOF, seules 17 % des personnes interrogées déclarent avoir confiance dans les partis politiques.

([214]) Cinquième enquête AMF - CEVIPOF - Sciences Po (juillet 2021).

([215]) Dans l’enquête précitée AMF-CEVIPOF-Sciences Po, 44 % des personnes interrogées souhaitent que leur commune « reste comme elle est en gardant ses compétences de proximité ».

([216]) Audition conjointe AMRF - APVF du 19 septembre 2023 précitée.

([217]) Idem.

([218]) Table ronde précitée du 21 septembre 2023.

([219]) Paul Viard, « La crise de 1816-17, particulièrement en Côte-d’Or », Revue Historique, 51, 1928

([220])  Nicolas Bourguinat, « Le maire nourricier : renouvellement et déclin d’une figure tutélaire dans la France du XIXe siècle », Le Mouvement social, n° 224, 2008.

([221]) Les communautés urbaines sont créées par la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 (cf. première partie).

([222])  La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (AETR) créé les communautés de communes et la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, dite « Chevènement », crée les communautés d’agglomération.

([223]) La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT) rend obligatoire l’adhésion des communes à un EPCI.

([224]) Audition du 4 octobre 2023. 

([225]) Agressions du maire de Chevillé (37) le 21 mai 2023, du maire de Vertou (44) le 11 juin 2023, du maire de Sagy (95) et du maire de L’Houmeau (17) le 19 août 2023. 

([226]) Audition conjointe AMRF - APVF du 19 septembre 2023 précitée.

([227]) Article L. 5211-9-2 du CGCT, dans sa rédaction issue de l’article 63 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT).

([228]) Sondage Odoxa pour Fiducial réalisé le 3 et 4 juillet 2019. La « sécurité locale » arrivait en deuxième position dans un sondage similaire effectué en 2014.

([229]) Sondage IPSOS pour La Gazette des communes (22-23 février 2008).

([230]) Art. L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([231]) Le sujet est en 4ème position après le développement économique dans le sondage Odoxa précité.

([232]) Art. L. 1231-1 du code des transports.

([233]) Table ronde organisée le 5 décembre 2023.

([234]) Communiqué du 24 novembre 2022.

([235]) « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale » (rapport des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot - septembre 2018).

([236]) Rapport précité (page 81).

([237]) M. Jean-Michel Fauvergue et Mme Alice Thourot, députés et auteurs du rapport précité.

([238]) CC, n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 (point 12).

([239]) Rapport d’information n° 1544 du 19 juillet 2023 (MM. Lionel Royer-Perreaut et Alexandre Vincendet).

([240]) Rapport précité (préconisation n° 8 - page 39).

([241]) « Pour les maires qui le souhaitent, je vous propose de franchir une nouvelle étape dans le continuum de sécurité et de donner la possibilité aux polices municipales d’accomplir certains actes de police judiciaire » (extrait du discours précité de la Première ministre du 26 octobre 2023).

([242]) Ils étaient 679 en 2021, contre 1 450 en 2010 et plus de 20 000 en 1958.

([243]) Protection des milieux aquatiques et marins (article L. 216-3 du code de l’environnement), des réserves naturelles (article L. 330-20 du même code), des parcs nationaux (article L. 331-20, id.), du patrimoine naturel (article L. 415-1, id.), de la chasse (article L. 428-20, id.), de la pêche (article L. 437-1, id.), etc.

([244]) Art. L. 161-14 à L. 161-18 du code forestier.

([245]) Rapport n° 1544 précité (page 44).

([246]) Rapport n° 1544 précité (proposition n° 9).

([247]) Rapport n° 1544 précité (page 40).

([248]) Audition conjointe AMRF - APVF du 19 septembre précitée.

([249]) Table ronde du 21 septembre 2023 précitée.

([250]) Entretien du 17 octobre 2023.

([251]) Art. L. 241-1 (police et gendarmerie nationales), L. 241-2 (police municipale) et L. 241-3 (sapeurs-pompiers) du code de la sécurité intérieure. L’extension du dispositif aux policiers municipaux est issue de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 en son article 3 et, s’agissant des sapeurs-pompiers, de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 en son article 57.

([252]) Dispositions issues de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 (art. 42).

([253]) Les maires de l’EPCI sont membres de droit des CISPD (art. D. 132-12 du code de la sécurité intérieure).

([254]) Table ronde précitée du 21 septembre 2023.

([255]) Table ronde des partis politiques du 5 décembre 2023 précitée.

([256]) I de l’art. L. 2121-30 du CGCT.

([257]) Rapport sénatorial n° 238 (1991-1992) du 15 janvier 1992 précité (page 58).

([258]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 23).

([259]) Audition du 14 novembre 2023.

([260]) La formation professionnelle des salariés (rapport thématique de juin 2023) - page 7.

([261]) 17 783 dossiers de formation validés initialement, parmi lesquels la Caisse des dépôts a recensé 15 % d’annulations.  

([262]) Propos tenus lors de l’audition du 24 octobre 2023 (précitée).

([263]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 37).

([264]) Audition de France urbaine du 12 septembre 2023 (facilités de défraiement, déontologie) et audition de l’AELO du 10 octobre 2023 (droits de l’opposition).

([265]) Art. L. 2122-32 du CGCT.

([266]) Art. L. 16 à L. 20  du code électoral.

([267]) Propos tenus lors de l’audition du 10 octobre 2023 (supra).

([268]) Enquête AMRF44 supra.

([269]) Préconisation n° 1 (rapport IGA/IGAS précité - page 40).

([270]) Contribution écrite de M. Bruno Acar adressée le 7 novembre dernier à la mission d’information.

([271]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 31 octobre 2023.

([272]) Audition du 6 septembre 2023.

([273]) Audition du 10 octobre 2023 (précitée).

([274]) Et non plus uniquement le « remboursement », qui suppose que l’élu ait engagé les frais.

([275]) Contribution écrite de l’APVF en date du 2 octobre 2023.  

([276]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 25).

([277]) Droit à congé reconnu en 1992, puis étendu à 18 jours en 2002 (cf. supra).

([278]) Rapport n° 642 (2017-2018), tome IV, déposé le 5 juillet 2018 : « Faciliter l’exercice des mandats locaux : la formation et la reconversion » (page 21).

([279]) Art. L. 2123-14 du CGCT (communes), L. 3123-12 du CGCT (départements), L. 4135-12 du CGCT (régions).

([280]) « Proposition de loi » publiée dans le Courrier des maires du 25 octobre 2023. « Statut des élus locaux : les petites villes poussent leurs pions ».  

([281]) Art. R. 6323-1 du code du travail.

([282]) Audition du 14 novembre 2023 précitée.

([283]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 13 novembre 2023.

([284]) « Comment les entreprises ont-elles formé en 2020 ? » (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques - DARES, mai 2023).

([285]) Audition du 10 octobre 2023 précitée.

([286]) Rapport d’activité 2022 de la direction des politiques sociales de la CDC (précité) - page 11.

([287]) Institut de formation des élus démocrates (IFED), Fédération nationale des élus socialistes et  républicains (FNESR), etc.

([288]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 10).

([289]) Propos tenus lors de l’audition du 24 octobre 2023 précitée.

([290]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (page 29).

([291]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 13 novembre 2023.

([292]) Recommandation n° 11 du rapport de l’IGA/IGAS (pages 56 et 57).  

([293]) La procédure a été réformée par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018  pour la liberté de choisir son avenir professionnel (art. 6).

([294]) Rapport de l’IGA/IGAS précité (pages 55 et 56).

([295]) Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle. Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. (art. L. 6361-3 du code du travail).

([296]) Bilan d’activité 2022 du CNFPT.

([297]) Amendement COM-210 Rect de M. Jean-Marie Bockel.

([298]) Contribution écrite précitée du 7 novembre dernier.

([299]) Propos tenus lors de l’audition du 24 octobre 2023 précitée.

([300]) C’est le cas, notamment, du SDIS du département de la Loire (42).

([301]) Contribution du bureau des élections politiques adressée à la mission d’information le 1er décembre 2023.

([302]) Par exemple : M. Didier Cadro, candidat divers gauche aux élections municipales à La Turballe (44) (4 novembre 2019), M. Charles Franck-Levy, candidat La République en marche (LREM) à Lyon dans le 8ème arrondissement (9 mars 2020),

([303]) Proposition de loi n°648 (2022-2023) du 26 mai 2023.

([304]) Circulaire B8 n° 2158 du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en date du 5 mai 2008.

([305]) Audition du 28 novembre 2023.

([306]) Art. L. 52-8 du code électoral.

([307]) Ce plafond, fixé à l’art. L. 52-11 du code électoral, dépend de la strate de collectivité ainsi que de la population de la circonscription d’élection.

([308]) CE, 27 juin 2005, Gourlot, n° 272551.

([309]) Ce qui exclut les dépenses de sécurisation des autres locaux (permanence d’élu, domicile, etc.)

([310]) Liste communiquée en audition.

([311]) Certaines dépenses, tels que les frais de transport exposés par les candidats à l'intérieur de chacun des départements d'outre-mer, ne sont pas incluses dans le plafond de dépenses de droit commun (V de l’art. L. 52‑12 du code électoral).

([312]) Dans un rapport du 25 mai 2021 (n° 4194), les députés Dino Cinieri et Jacqueline Maquet estimaient le salaire mensuel brut moyen des agents de sécurité privée à au minimum 1 700 euros, ce total pouvant aller au-delà des 2 000 euros. Dans l’hypothèse d’une surveillance 24/24, il faudrait donc recruter au moins trois agents.

([313]) 3 500 habitants en 2002, 1 000 habitants en 2015.

([314]) Contribution écrite adressée à la mission d’information le 1er décembre 2023.

([315]) Art. L. 47A du code électoral.

([316]) Cf. première partie supra.

([317]) Entretien dans le Figaro du 11 juin 2014 (« Le difficile retour à la vie civile des élus battus »).

([318]) « Les fins de mandat des élus municipaux indemnisés (2008-2014) » - étude publiée dans le n° 10 (juin 2021) des Cahiers de la direction des politiques sociales de la Caisse des dépôts et consignations.

([319]) Étude précitée (page 20).

([320]) Cf. pages 38 et 42 supra.

([321]) Dispositions étendues aux EPCI par les articles L. 5214-8, L. 5215-16 et L. 5216-4 du CGCT.

([322]) Le Fonds d’allocation des élus en fin de mandant (FAEFM).

([323]) Rapport d’activité du FAEFM 2021 (pages 7 et 16).

([324]) Contribution écrite de la DGCL en date du 9 octobre 2023.

([325]) Contribution écrite de l’APVF en date du 2 octobre 2023. L’APVF observe, à ce sujet, que la durée de deux ans est celle applicable à l’allocation d’assurance mutuelle de retour à l’emploi des députés.

([326]) Contribution écrite précitée de la DGCL (9 octobre 2023).

([327]) DARES analyses n° 001 (janvier 2020).

([328]) Le nom de l’opérateur va changer à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi pour plein emploi.

([329]) Allocation d’assurance constitutive d’un revenu de remplacement au sens des art. L. 5421-1 du code du travail.

([330]) 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées au cours des 24 mois précédant la fin du contrat de travail (salariés âgés de moins de 53 ans) ou au cours des 36 mois précédant la fin du contrat de travail (salariés âgés de 53 ans et plus) - art. 3 du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.

([331]) Contributions écrites adressées le 26 septembre 2023 (AMRF) et du 25 octobre 2023 (France urbaine).

([332]) Profession : élu (e) local (e) (Éric Kerrouche et Élodie Lavignotte - 2020).

([333]) Propos tenus lors de l’audition du 12 septembre précitée.

([334]) Droit introduit pour certains exécutifs municipaux par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (art. 11) - cf. supra.

([335])  Rapport de gestion du DIFE 2023 de la CDC (précité) - page 11.

([336]) Audition précitée du 12 septembre 2023.

([337]) « Les conditions d’exercice d’un mandat d’élu » (13 juin 2023). L’IFGP est un laboratoire d’idée chargé de contribuer au débat public sur les enjeux de la gouvernance publique en France.

([338]) Amendement du Gouvernement n° 374 déposé à l’Assemblée nationale en séance publique le 30 septembre 2022.

([339]) Audition du 14 novembre 2023 précitée.

([340]) À la suite de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (art. 6).

([341]) Principe affirmé à l’art. L. 325-7 du code général de la fonction publique.

([342]) art. 4 du décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux.

([343]) Art. 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

([344]) Contribution écrite adressée le 18 décembre 2023.

([345]) À la différence, par exemple, des suspensions pour accident du travail (art. L. 1226-7 du CGCT).

([346]) Art. L. 1234-8 du code du travail (préavis de licenciement) et art. L. 1234-11 (indemnités de licenciement).

([347]) Contribution écrite de l’APVF du 2 octobre 2023 précitée.

([348]) Les sapeurs-pompiers professionnels relèvent de la fonction publique territoriale. Ils bénéficient d’une bonification de leur droit à la retraite égale à un cinquième du temps de services accomplis en qualité de sapeurs-pompiers professionnels dans la limite de cinq années, après 25 ans de services effectifs dont 17 comme sapeur-pompier professionnel, lorsqu’ils atteignent l’âge légal de départ à la retraite.

([349]) Contributions écrites de l’AMRF (26 septembre 2023) et de l’APVF (2 octobre 2023) précitées. Les modalités d’application de la bonification sont, toutefois, légèrement différentes entre les deux associations.