N° 2069

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

En application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])
sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

et présenté par

MM. Yannick HAURY et Vincent DESCOEUR
Députés

 

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La mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique est composée de : M. Gabriel Amard, Mme Lisa Belluco, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Sandrine Le Feur, M. Jean-François Lovisolo, Mme Alexandra Masson, M. Marcellin Nadeau, M. Jimmy Pahun, M. Loïc Prud’homme, M. David Taupiac, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland.

 


  1  

SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Une ressource en eau mise en péril par le changement climatique et les activités humaines

A. Les observations scientifiques confirment la baisse de la disponibilité de la ressource en eau en raison du changement climatique

1. L’impact global du changement climatique sur la ressource en eau

2. Une augmentation de la récurrence des sécheresses

3. Une baisse prévisible du niveau des eaux de surface et des eaux souterraines

4. Les atteintes à la biodiversité et au bon état écologique des masses d’eau renforcées par la raréfaction de la ressource en eau

a. L’impact du changement climatique sur la température de l’eau et sur les écosystèmes des zones humides

b. Les effets du changement climatique sur la qualité chimique des eaux

5. Les problèmes d’accès à l’eau dans les outre-mer : des situations variées mais des défis communs

a. Le cas préoccupant de Mayotte

b. La situation à La Réunion

c. La Guyane : un territoire fragmenté

d. La Martinique : un accès à l’eau inégal et irrégulier

e. La Guadeloupe : un rendement parmi les plus faibles malgré une ressource abondante

B. Le poids de l’action humaine sur la ressource en eau

1. Les usages de l’eau à l’échelle nationale

2. Améliorer les systèmes de prévision et de planification concernant les évolutions de la ressource

C. Un impact grandissant sur la vie économique et sociale de la Nation

1. Les risques économiques

a. Les évènements climatiques extrêmes entraînent des pertes économiques importantes

b. Des difficultés croissantes pour assurer les acteurs économiques face aux dommages causés par les évènements climatiques extrêmes

c. Un régime d’indemnisation qui doit s’adapter au changement climatique

2. Les risques pour l’activité agricole et forestière

a. Le secteur agricole, premier consommateur d’eau, est particulièrement touché par le changement climatique

b. Les effets du changement climatique sur la ressource en eau nuisent au bon état des forêts françaises

3. Les risques pour l’industrie et la production d’énergie

a. La tension sur la ressource en eau devient un sujet de préoccupation croissante pour le secteur industriel

b. Le secteur de l’énergie est très dépendant de la ressource en eau

4. Les risques pour la santé publique

a. L’accès à l’eau potable est nécessaire aux besoins vitaux de la population

b. Le changement climatique accentue la dégradation de la qualité de l’eau

c. La nécessité de protéger les captages d’eau potable

d. Les risques pour la santé humaine en période de sécheresse et en territoire urbain

II. Comment mieux adapter les politiques de l’eau aux effets du changement climatique ?

A. Favoriser la préservation de la ressource dans son milieu naturel

1. Développer la restauration des continuités écologiques et favoriser l’infiltration dans les nappes phréatiques

a. Plusieurs facteurs nuisent à la recharge des nappes phréatiques

b. Des solutions fondées sur la nature permettent une meilleure infiltration de l’eau dans les sols

c. La recharge artificielle des nappes : une voie à explorer

2. Favoriser la restauration des zones humides et la protection du rôle des forêts dans la préservation de la ressource

a. Les zones humides permettent de ralentir le cycle de l’eau et d’accroître la résilience des écosystèmes

b. Les forêts ont un rôle à jouer dans la protection de la ressource en eau

B. Développer la sobriété hydrique

1. Économiser l’eau au niveau des citoyens et des entreprises

2. Poursuivre et amplifier les efforts relatifs à la réduction des fuites de canalisations

3. Développer la réutilisation des eaux non conventionnelles et notamment des eaux usées traitées

a. La réutilisation des eaux usées

b. La récupération et l’usage des eaux non conventionnelles

C. Soutenir la transition du modèle agricole face à l’irrégularité de la ressource

1. Les défis de l’agriculture accentués par le changement climatique

2. Développer un stockage multi-usage pour s’adapter aux irrégularités de la ressource

a. Stocker pour s’adapter à l’irrégularité de la ressource

b. Le cadre juridique et institutionnel

c. Le stockage de l’eau doit être concomitant d’une plus grande sobriété

3. Mener une politique volontariste d’adaptation des semences

4. La gestion durable de la ressource en eau dans les pratiques agricoles

a. L’agroécologie permet la préservation de la ressource en eau

b. Une plus grande efficience des systèmes d’irrigation

c. La valorisation des pratiques agricoles vertueuses

D. Partager l’eau dans un contexte de changement climatique

1. Des conflits d’usage croissants

2. Faut-il hiérarchiser les usages ?

3. La limitation des prélèvements en période de sécheresse

a. Un cadre existe pour adapter les prélèvements en eau en fonction de la situation locale

b. Harmoniser les modalités d’intervention des préfets en matière d’arrêtés de sécheresse

4. Mieux assurer l’interconnexion ou l’autonomie en eau des zones touchées par la raréfaction de la ressource

III. Renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau pour faire face au changement climatique

A. Le cadre de gouvernance de la politique de l’eau est-il adapté au défi du changement climatique ?

1. Les grands objectifs de la politique de l’eau au niveau national et européen au regard du défi climatique

a. Les textes fondateurs de la politique de l’eau

b. L’organisation de la politique de l’eau

c. Les grands objectifs de la politique de l’eau à travers les Assises de l’eau et le Plan eau de mars 2023

2. Améliorer la planification de la gestion de l’eau par bassins et sousbassins

a. Renforcer les Sdage et les comités de bassin pour mieux faire face au défi climatique

b. Encourager le développement de SAGE sur l’ensemble du territoire en renforçant le rôle des CLE

3. Mieux associer les citoyens aux décisions pour mieux prendre en compte le long terme

4. Clarifier le rôle des collectivités en prévision des transferts de compétences

a. Un transfert de la compétence « eau » aux EPCI qui doit prendre en compte certaines particularités locales et organisationnelles

b. Renforcer le rôle des départements dans la gestion de l’eau

5. Renforcer les missions de contrôle et de soutien à l’ingénierie de l’État dans les politiques de l’eau

a. Contrôler davantage les atteintes à la ressource en eau

b. Développer le soutien public de l’État à l’ingénierie et à la recherche

B. Mener les investissements nécessaires pour protéger et adapter la politique de l’eau

1. Le financement de la politique de l’eau au niveau national demeure insuffisant pour faire face aux enjeux de la gestion de l’eau en période de changement climatique

2. Poursuivre le renforcement des moyens des agences de l’eau

3. Séparer le financement de l’eau du financement de la biodiversité

4. Développer les « aquaprêts » de la Banque des territoires

C. Adapter la tarification de l’eau pour viser la sobriété et changer les comportements

1. Rééquilibrer la tarification de l’eau en fonction du niveau de consommation et renforcer le principe « pollueur-payeur »

2. Encourager la tarification progressive et différenciée de l’eau dans un objectif de sobriété et de juste répartition

Synthèse thématique des principales propositions

Synthèse exhaustive des propositions

I. Une ressource en eau sous tension du fait du changement climatique et des activités humaines

II. Comment mieux adapter les politiques de l’eau aux effets du changement climatique ?

III. Renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau pour faire face au changement climatique

examen en commission

contributions des membres de la mission d’information et des groupes

liste des personnes auditionnées

Contributions écrites reçues

 


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   introduction

Le cycle de l’eau est de plus en plus affecté par le changement climatique. La fragilité de la ressource a été mise en évidence par la sécheresse exceptionnelle de l’été 2022. Les années 2022 puis 2023 ont été marquées par de funestes records : déficits de précipitations, nappes phréatiques à un niveau historiquement bas, ruptures d’eau potable sur tout ou partie du territoire de plusieurs centaines de communes, plusieurs dizaines de départements contraints d’adopter des mesures de restriction d’eau. Pendant l’été 2022, 43 % des cours d’eau ont connu des assecs et on a pu constater des déficits de précipitations entre 10 à 50 % sur la totalité du territoire. La sécheresse peut également être hivernale : entre le 21 janvier et le 21 février 2023, on a constaté 32 jours sans aucune précipitation sur l’ensemble du territoire. Depuis plusieurs années, les glaciers perdent leur capacité à stocker de l’eau douce, conformément aux prévisions les plus pessimistes. Les faibles débits mais également l’augmentation de la température de l’eau ont des conséquences sur la vie aquatique, la biodiversité et les activités humaines, dont plusieurs ont été impactées voire interrompues. La situation dans certains territoires d’outre-mer, notamment à Mayotte, déjà confrontée à des difficultés d’approvisionnement en eau, est aggravée par le changement climatique. À l’inverse, depuis la mi‑octobre 2023, les fortes inondations qui ont touché le Nord-Pas-de-Calais, la région Poitou-Charentes, le Jura, les Hautes-Alpes puis la Haute‑Savoie donnent une illustration de ce type d’évènements extrêmes dont la fréquence pourrait fortement augmenter dans les années à venir.

Partout, le changement climatique, en provoquant une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses et des précipitations extrêmes, met à nu une dégradation réelle des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Le constat est unanime sur le risque de répétition de ces évènements dans le temps.

Sur le temps long, l’étude Explore 2070 ([2]) estime que d’ici à 2050, les précipitations devraient baisser de 16 à 23 % et le débit moyen annuel des cours d’eau devrait diminuer de 10 à 40 %. En ce qui concerne les eaux souterraines, l’étude prévoit une baisse quasi générale de la piézométrie associée à une diminution de la recharge comprise entre 10 et 25 %. Les baisses des débits d’étiage, débit minimal d’un fleuve, seront par ailleurs plus sévères, plus longues et plus précoces, avec des débits estivaux réduits de 30 à 60 %. Ainsi, le Rhône, fleuve alimentant une partie significative du parc nucléaire français comme de nombreuses productions agricoles, pourrait subir une baisse du débit minimum jusqu’à -50 % à l’horizon de 2100. Pour la Seine, les modélisations du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) anticipent une baisse moyenne annuelle comprise entre 10 et 50 %. À cet égard, les retenues d’eau générées par les barrages hydroélectriques vont jouer un rôle croissant en matière de soutien à l’étiage, ce qui est déjà en partie le cas. Plus généralement, le stockage de l’eau va devenir une question centrale au fur et à mesure que les eaux de surface comme les eaux souterraines connaîtront une baisse de leur niveau.

Il est donc essentiel d’agir dès maintenant pour préserver la ressource. Faute d’anticipation, les conséquences sur notre système économique et sur notre qualité de vie pourraient être dramatiques. Dans la gestion des conséquences de l’impact du changement climatique sur le cycle de l’eau, les politiques publiques ont un rôle majeur à jouer : l’aménagement du territoire, la sobriété ou non des usages, l’irrigation agricole, l’imperméabilisation, l’appauvrissement des sols, la pollution ainsi que la dégradation des écosystèmes aquatiques affectent profondément la circulation hydrologique. La raréfaction de l’eau menace en retour les activités humaines, qu’elles portent sur la satisfaction de nos besoins vitaux, notre production agricole, notre production industrielle et notre production énergétique. Ainsi, la sécheresse météorologique prolongée de 2022-2023 a entraîné des conséquences majeures sur les sols venant induire des pertes de l’ordre de 10 à 20 % sur les cultures céréalières. On a également constaté le rendement le plus bas depuis trente ans pour la culture de pommes de terre.

Dans ce contexte, les conflits d’usage et les tensions autour de l’eau sont amenés à prendre de l’ampleur. Pour améliorer la résilience de nos territoires face aux risques qui pèsent sur la disponibilité actuelle et future de la ressource en eau, nous devons nous adapter structurellement et dans la durée à une nouvelle donne climatique qui nous impose de réduire notre consommation en eau.

Dans notre pays, la ressource que constituent les eaux courantes est ce que le code civil désigne depuis 1803 comme : « des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous ». La ressource en eau est ainsi un bien commun dont l’usage est encadré par la puissance publique. Si cet encadrement fait l’objet de politiques publiques depuis la création des services publics d’eau et d’assainissement (SPEA), et de manière encore plus poussée depuis la création d’un cadre de gouvernance de l’eau fondé sur les grands bassins hydrographiques depuis la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, nos politiques publiques doivent être approfondies et actualisées pour faire face au défi du changement climatique. Les travaux de la mission d’information montrent qu’il n’existe pas de solution unique dans ce domaine, mais qu’il faut agir simultanément sur différents fronts. Dans ce « bouquet de solutions », on peut identifier plusieurs leviers d’amélioration qui s’articulent autour des exigences suivantes :

– Mieux connaître la disponibilité de la ressource et les effets du changement climatique sur celle-ci ;

– Disposer d’informations précises et régulières, si possible en temps réel, sur les prélèvements opérés en faveur des activités humaines ;

– Protéger l’eau et les milieux aquatiques en se fondant autant que possible sur des solutions naturelles, comme favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol et ralentir le cycle de l’eau ;

– Encourager la sobriété et les économies d’eau pour tous les usages, notamment en accompagnant le monde agricole ;

– Développer le stockage de l’eau sous des formes qui ne nuisent pas aux espaces de stockage naturels que sont les nappes phréatiques ;

– Réutiliser les eaux non conventionnelles et les eaux usées chaque fois que cela est possible ;

– Développer des mécanismes de gouvernance collectifs efficaces et réellement appliqués pour définir le partage de l’eau et penser l’aménagement du territoire en fonction de la ressource ;

– S’interroger sur les moyens budgétaires et sur les outils fiscaux permettant une protection maximale de la ressource tout en responsabilisant les différents acteurs.

Par ailleurs, si la qualité des eaux s’améliore globalement depuis quelques années, de nombreux cours d’eau restent marqués par une présence préoccupante de nitrates, pesticides et autres micro-polluants, que le changement climatique vient aggraver en les concentrant. Il faut ainsi rappeler qu’en 2019, 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines n’étaient pas en bon état au sens de la « directive communautaire sur l’eau ». Selon le BRGM, 43,3 % des masses d’eau de surface sont affectées par des pollutions diffuses et 25,4 % par des pollutions ponctuelles. Ces pollutions, notamment celles dues au mauvais traitement des eaux usées, ont entraîné des conséquences dramatiques pour la conchyliculture dans les bassins d’Arcachon, de Normandie et de Vendée.

Dans ce cadre, l’arsenal législatif reste trop faible ou insuffisamment appliqué pour faire durablement respecter les exigences de qualité. Ce constat s’applique également au respect des seuils de prélèvement ou des arrêtés dits « de sécheresse », ce qui implique de renforcer la capacité de contrôle dans tous ces domaines.

Ainsi, l’ensemble des politiques de l’eau doivent, dans un contexte de changement climatique, s’articuler autour d’exigences visant à restaurer le cycle de l’eau et à préserver sa quantité autant que sa qualité. Il s’agit de faire en sorte d’éviter une « guerre de l’eau » en donnant conscience à l’ensemble de la population de la fragilité de la ressource en eau et de sa valeur.


  1  

I.   Une ressource en eau mise en péril par le changement climatique et les activités humaines

La ressource en eau est d’ores et déjà affectée par le changement climatique, principalement en raison de l’élévation du niveau moyen des températures de 0,6 °C au cours de la décennie 2011-2021 en comparaison de la période 1981-2010. En France métropolitaine, la quantité d’eau renouvelable disponible – celle qui peut être utilisée pour satisfaire les besoins humains sans compromettre la situation future – a baissé de 14 % entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018, passant de 229 milliards de mètres cube (m3) à 197 milliards de mètres cubes. Toutes les études prospectives laissent penser que la situation ira en s’aggravant dans les décennies qui viennent.

Les usages de l’eau pour l’activité humaine sont ainsi mis en difficulté. Environ 32 milliards de mètres cubes d’eau sont prélevés annuellement pour satisfaire les différents usages. Si ce niveau de consommation est inférieur à l’eau renouvelable disponible, l’eau n’est pas disponible partout et tout le temps : elle se fait plus rare lorsque les plantes en ont besoin pour leur croissance, au printemps et à l’été, et lorsque la consommation humaine augmente en raison de la chaleur. En outre, des pluies plus abondantes et plus concentrées sur certaines périodes de l’année aggravent le risque d’inondation. Cela fait peser des risques divers sur l’activité humaine, que ce soit pour les habitants de zones inondables, pour la pérennité d’un certain nombre d’activités agricoles ou pour la bonne exploitation d’équipements industriels ou énergétiques.

A.   Les observations scientifiques confirment la baisse de la disponibilité de la ressource en eau en raison du changement climatique

Aujourd’hui, plus de 110 bassins versants connaissent des tensions structurelles. L’étude Explore 2070 ([3]) estime que d’ici à 2050, les précipitations devraient baisser de 16 à 23 % et le débit moyen annuel des cours d’eau devrait diminuer de 10 à 40 %. En ce qui concerne les eaux souterraines, l’étude prévoit une baisse quasi générale de la piézométrie associée à une diminution de la recharge comprise entre 10 et 25 %. Si cette étude, qui date de 2012, doit prochainement être renouvelée et affinée, les observations scientifiques montrent de manière convergente une nette tendance à une baisse de la disponibilité globale de la ressource.

1.   L’impact global du changement climatique sur la ressource en eau

Sur le plan des précipitations, les observations scientifiques mettent en évidence l’impact du changement climatique sur une augmentation des précipitations en hiver en Europe du Nord tandis qu’une diminution des précipitations est prévue en été en Méditerranée, en s’étendant aux régions situées plus au nord. La zone de basculement entre augmentation et diminution des précipitations se situe sur le territoire français, mais sa localisation précise n’est pas connue. Le rapport « Donner accès aux scénarios climatiques Régionalisés français pour l’Impact et l’Adaptation de nos Sociétés et environnement » (Drias) 2020 de Météo France ([4]) fournit ainsi des projections modélisées des précipitations annuelles faisant état d’une évolution moyenne en France non significative en 2050 et d’une hausse faible de + 2 à + 6 % à l’horizon 2100.

Cela rejoint l’analyse saisonnière qui permet de constater (Figure 1) à l’horizon de la fin du siècle une hausse de 5 à 10 % des précipitations en hiver (décembre-janvier février), une hausse faible au printemps (non significative en regard des incertitudes) et une stabilité en automne (septembre-octobre-novembre). Les projections estivales (juin-juillet-août) sont beaucoup plus variables d’un scénario à l’autre en fin de siècle (légère hausse de pluviométrie pour le scénario 2.6, baisses de pluviométrie de 10 à 20 % pour les scénarios 4.5 et 8.5) et avec une incertitude élevée.

Évolution saisonnière des écarts relatifs du cumul des précipitations

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Figure 1. Évolution saisonnière des écarts relatifs du cumul des précipitations totales par saison et horizon temporel (Rapport DRIAS 2020).

À l’heure actuelle, si le volume de précipitations (pluie et neige) qui tombe sur le pays reste constant aux environs de 510 milliards de mètres cubes par an, ces dernières sont d’ores et déjà plus concentrées qu’auparavant sur l’automne et l’hiver. Ainsi, les précipitations extrêmes et les inondations associées devraient augmenter pour des niveaux de réchauffement planétaire supérieurs à 1,5 °C dans toutes les régions, à l’exception de la Méditerranée.

Le réchauffement climatique provoque également une forte baisse du niveau des glaciers, du pergélisol, de l’étendue de la couverture neigeuse et de la durée saisonnière de la neige aux hautes latitudes et altitudes. En montagne, le réchauffement climatique est plus fort que dans la vallée : environ 2 degrés dans les Alpes, contre 1,4 degré en moyenne en France. Par conséquent, la limite d’enneigement tend à se relever, ce qui pose des problèmes de stockage de la ressource (sous forme de neige) et d’inondations (les précipitations ne sont pas retenues et font sauter des digues régulièrement). Ainsi, c’est le stockage de l’eau sous forme de neige, nécessaire à l’alimentation des cours d’eau au moment de la fonte des neiges, qui va diminuer plutôt que la ressource elle-même dans les zones de montagne ou qui en dépendent. Sur la Durance par exemple, dans les Hautes‑Alpes, ce problème est déjà manifeste.

Conséquence de tous ces impacts du changement climatique sur l’eau, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) fait état d’une baisse de 14 % de la ressource en eau renouvelable si l’on compare la période comprise entre 1990-2001 (220 milliards de m3/an) et celle de 2002-2018 avec (197 milliards de m3/an) ([5]). Selon cette étude, sur la période 1990-2018, l’eau renouvelable moyenne annuelle, à l’échelle de la France métropolitaine, représente une hauteur de 382 millimètres, soit un volume de 210 milliards de mètres cubes, dont 198 milliards de mètres cubes (soit 94 %) résultent du flux interne (précipitations nettes de l’évapotranspiration) et 12 milliards de mètres cubes (soit 6 %) des cours d’eau arrivant dans le pays, essentiellement le Rhône. La part du flux interne étant prédominante au niveau national, l’évolution des précipitations et de l’évapotranspiration est déterminante pour expliquer l’évolution de la ressource. Sur la période 1990-2018, 61 % des 510 milliards de mètres cubes de volume moyen annuel de précipitations sont repartis vers l’atmosphère par évapotranspiration. La baisse observée pour l’eau renouvelable moyenne annuelle s’explique ainsi par une baisse des précipitations sur la moitié sud du territoire et par une augmentation de l’évapotranspiration à toutes les saisons (+ 3 % en moyenne depuis 2002).

Selon MM. Thierry Caquet et Sylvain Barone, directeurs de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), il est intéressant de compléter l’information fournie par le CESE par une analyse à l’échelle des sous-bassins hydrographiques. En effet, la ressource en eau annuelle n’évolue pas de façon homogène à l’échelle de ces sous-bassins (Figure 2). Sur la période 1990-2018, il n’est pas constaté d’évolution significative du volume annuel de l’eau douce renouvelable pour 60 % des sous-bassins (20 sur 34). Pour 23 % des sous-bassins (8 sur 34), la ressource en eau diminue à partir de la décennie 2000, tandis que pour 17 % des sous-bassins (6 sur 34), elle augmente.

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Figure 2. Synthèse de l’évolution de la ressource en eau renouvelable annuelle, par sous-bassin DCE administratif de 1990 à 2018 (source : Service des données et études statistiques (SDES), ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 2022 ([6])).

Toujours selon MM. Barone et Caquet, sur la période 1959-2018, une tendance à la hausse de l’évapotranspiration ou une augmentation de sa valeur moyenne est constatée pour 19 sous-bassins en automne, 24 en hiver, tous les sous‑bassins au printemps et 9 en été. La baisse du volume annuel d’eau douce renouvelable concerne ainsi majoritairement des sous-bassins situés dans la partie sud-ouest de la France, avec une variation de -9 à -28 % de la moyenne.

De manière générale, la hausse des températures va entraîner une demande accrue en eau par les végétaux. Par effet croisé de la réduction de l’enneigement hivernal, et donc du soutien d’étiage par la fonte des neiges en fin de printemps et début d’été, de la hausse de l’évapotranspiration des plantes et de la baisse des débits d’étiage, les ressources en eau disponibles seront réduites au moment le plus nécessaire pour l’usage agricole, notamment autour du pourtour méditerranéen. Comme l’évoque le Haut Conseil pour le climat : « certains terroirs vont progressivement devenir inadaptés aux agrosystèmes qu’ils abritent et, de fait, remettre profondément en question l’équilibre économique et l’implantation géographique de nombreuses productions (arboriculture, viticulture, systèmes pastoraux) ».

2.   Une augmentation de la récurrence des sécheresses

L’intensité et la fréquence des évènements extrêmes vont donc augmenter avec l’accroissement du réchauffement global, ce qui concerne également les sécheresses. On établit aujourd’hui trois types de sécheresse : la sécheresse météorologique qui représente un déficit prolongé de précipitations, la sécheresse agricole qui se définit par le manque d’eau disponible dans le sol pour les plantes, et enfin la sécheresse hydrologique qui se caractérise par un déficit de débit des cours d’eau, des niveaux bas des nappes phréatiques ou des retenues collinaires. La figure ci-après illustre les relations entre ces trois types de sécheresse qui se renforcent mutuellement :


  1  

Relation entre les trois types de sécheresse

Ainsi, la sécheresse météorologique prolongée de 2022-2023 (32 jours constatés sans aucune précipitation sur l’ensemble du territoire ; déficit en précipitations efficaces cumulées entre septembre 2022 et février 2023 sur la quasi‑totalité du pays) a entraîné des conséquences majeures sur les sols venant induire des pertes de l’ordre de 10 à 20 % sur les cultures céréalières. On a également constaté le rendement le plus bas depuis trente ans pour la culture de pommes de terre.

Concernant la sécheresse hydrologique, dans son rapport Explore 70, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a tenté, en 2012, de modéliser l’évolution des sécheresses hydrologiques induites par le changement climatique ; il reste l’un des rapports les plus complets sur la question. Il conclut d’abord qu’une baisse généralisée du débit moyen des cours d’eau de l’ordre de 10 à 40 % par rapport à aujourd’hui est à prévoir sur toute la métropole à l’horizon de 2050. Les modèles projettent une diminution particulièrement marquée du débit moyen pour les cours d’eau des contreforts pyrénéens et, dans une moindre mesure, de la majorité du district hydrographique de Seine-Normandie, avec des diminutions simulées comprises entre 10 et 60 %.

Les baisses des débits d’étiage, débit minimal d’un fleuve, seront par ailleurs plus sévères, plus longues et plus précoces, avec des débits estivaux réduits de 30 à 60 %. Ainsi, le Rhône, fleuve alimentant une partie significative du parc nucléaire français comme de nombreuses productions agricoles, pourrait subir une baisse du débit minimum jusqu’à -50 % à horizon 2100. Pour la Seine, les modélisations du BRGM anticipent une baisse moyenne annuelle comprise entre 10 et 50 %.

En Nouvelle-Aquitaine, on constate d’ores et déjà un déficit d’environ 250 millions de mètres cubes aujourd’hui, qui pourrait potentiellement augmenter jusqu’à 1,2 milliard de déficit en 2050, compte tenu du changement climatique, ce qui explique qu’il s’agisse de la plus grande région de France classée en zone de répartition des eaux (ZRE). Dans la région méditerranéenne, comme dans le sud‑ouest de l’Amérique du Sud et l’ouest de l’Amérique du Nord, l’aridification future devrait largement dépasser l’ampleur des changements observés au cours du dernier millénaire.

Les projections de sécheresse sont toutefois sujettes à des incertitudes dues aux limites quant à la prévisibilité et à la compréhension des processus biophysiques pertinents. Les incertitudes concernant les changements climatiques régionaux sont souvent très importantes et la variabilité des réponses pour une même région augmente avec la valeur du réchauffement considéré. La réponse de la transpiration des végétaux à un niveau élevé de CO2 constitue également une source importante d’incertitude.

3.   Une baisse prévisible du niveau des eaux de surface et des eaux souterraines

82 % des prélèvements d’eau pour les activités humaines sont réalisés sur les eaux de surface. Or, ce sont les masses d’eau qui subissent le plus directement les effets du changement climatique, avec des étiages de plus en plus longs et sévères qui contraignent les préfets à prendre des mesures de plus en plus fréquentes de restriction des usages de l’eau. 78 départements métropolitains étaient en situation de crise le 25 août 2022, les autres en situation d’alerte.

Les eaux souterraines ne sont pas épargnées. Leur recharge se fait moins bien à l’automne et à l’hiver en raison de la concentration des précipitations sur des sols secs et moins perméables. Près de 11 % des masses d’eaux souterraines font l’objet de prélèvements excessifs.

L’étude Explore 2070 a montré que le débit moyen des cours d’eau français devrait diminuer de 10 à 30 % d’ici à 2050, et le niveau des nappes phréatiques pourrait baisser de 10 à 25 %. Pour les nappes phréatiques, deux zones seront plus sévèrement touchées : le bassin versant de la Loire avec une baisse de la recharge comprise entre 25 et 30 % sur la moitié de sa superficie et surtout le Sud-Ouest de la France avec des baisses comprises entre 30 et 50 %, voire davantage. L’étude Explore2, en cours de réalisation et dont les résultats sont attendus pour la mi-2024, devrait permettre d’affiner les résultats d’Explore 2070.


  1  

Évolution des débits moyens annuels et des débits d’étiage

Résultats de l’étude EXPLORE 2070 : débits moyens annuels (à gauche) ; débits d’étiage (à droite)

Source : synthèse de l’étude EXPLORE 2070

Afin de caractériser les étiages affectant les petits cours d’eau en été (intensité, durée...) et anticiper les situations de crise, un réseau d’observations visuelles a été mis en place depuis 2012 sur tous les départements métropolitains : l’Observatoire national des étiages (Onde). Le suivi peut être fait toute l’année, si une sécheresse est précoce par exemple, mais les suivis sont habituellement effectués mensuellement de mai à septembre. Lors d’une observation, trois modalités sont possibles :

– écoulement visible : de l’eau s’écoule de façon continue,

– écoulement non visible : de l’eau est présente, par exemple sous forme de flaques, mais aucun courant n’est visible,

– assec : l’eau est absente, évaporée ou infiltrée.

Comme l’ont rappelé MM. Barone et Caquet aux membres de la mission d’information, sur la période 2012-2022, le taux cumulé des assecs est globalement en hausse (figure 3). En 2022, tous les bassins ont été concernés, avec un taux maximal, à l’exception de ceux d’Artois-Picardie et de Seine-Normandie pour lesquels les valeurs maximales ont été observées en 2019. Le taux le plus élevé sur la décennie est de plus de 32 % en 2022 dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse. Durant les années les plus sèches (2012, 2017-2020 et 2022), les Pays de la Loire, le pourtour méditerranéen, le Centre et la Bourgogne comptent la plus grande part de cours d’eau en assec.

En regardant de plus près la période de l’année concernée par le suivi usuel des étiages, c’est-à-dire de mai à septembre, le pourcentage de sites en assec est de plus en plus élevé au fil des mois. Ce taux ne dépasse jamais 10 % en mai, atteint à plusieurs reprises 20 à 30 % en juillet et c’est majoritairement août qui compte le plus d’assecs. Selon les années, il arrive que leur nombre soit plus élevé en septembre. C’est donc en fin d’été que les cours d’eau subissent le plus le manque d’eau. Cette tendance s’accentue sur la période étudiée, excepté en 2021.

Évolution à la hausse du taux d’assecs sur l’ensemble du territoire

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Figure 3. Évolution au cours du temps de la proportion des trois types d’écoulement dans les six bassins hydrographiques pour la période 2012-2022 (à gauche) ; part de sites en assec entre mai et septembre dans les six bassins hydrographiques pour la période 2012-2022 (source https://professionnels.ofb.fr/fr/doc-dataviz/dataviz-lassechement-estival-cours-deau-metropole-2012-2022).

Face à cette situation, il apparaît essentiel de renforcer la connaissance en temps réel des prélèvements et du niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques. En outre, les retenues d’eau générées par les barrages hydroélectriques vont jouer un rôle croissant en matière de soutien à l’étiage, ce qui est déjà en partie le cas. Il serait ainsi utile de prévoir spécifiquement des clauses relatives au soutien à l’étiage, fondées sur les besoins identifiés grâce aux outils de connaissance en temps réel, dans les contrats de renouvellement des concessions.

Proposition  1 : Renforcer la connaissance en temps réel du niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques et développer des outils de pilotage plus précis du soutien d’étiage.

 

Proposition n° 2 : Accentuer la mobilisation des réserves hydroélectriques existantes par la possibilité d’inclure dans le renouvellement des concessions, une part des volumes dédiés au soutien d’étiage.

Ainsi, les eaux de surface comme les eaux souterraines subissent d’ores et déjà les conséquences du réchauffement climatique, affectant tout le grand cycle de l’eau. Ces perturbations ont également un impact important sur la biodiversité et sur la qualité de l’eau.

4.   Les atteintes à la biodiversité et au bon état écologique des masses d’eau renforcées par la raréfaction de la ressource en eau

Les impacts du changement climatique sur les milieux aquatiques ont des répercussions sur la biodiversité qu’ils accueillent et sur le bon état écologique des masses d’eau.

a.   L’impact du changement climatique sur la température de l’eau et sur les écosystèmes des zones humides

L’augmentation des températures affecte les zones humides en influençant les processus biophysiques, affectant les habitudes d’alimentation et de reproduction et les aires de répartition des espèces, y compris leur capacité de compétition avec les autres espèces. Le cycle de vie des espèces dépendantes des milieux aquatiques peut être perturbé (de l’embryon à l’adulte) ainsi que leur mode de vie (reproduction, aire de répartition, etc.). Ceci est notamment vrai pour les poissons qui peuvent subir des modifications physiologiques (perturbations de la croissance et de la reproduction). Il a été constaté chez plusieurs espèces de poissons un décalage du début de la reproduction et par conséquent du début de la ponte du fait des modifications des températures de l’eau et de l’air. Ce phénomène peut avoir pour conséquence un décalage entre l’apparition des alevins et la disponibilité en nourriture, augmentant de manière importante la mortalité.

Plus globalement, la reproduction, la floraison ou la migration des espèces aquatiques sont perturbées par le changement climatique. L’assèchement d’un cours d’eau peut entraîner la mort des espèces aquatiques peu mobiles, par exemple les alevins de poissons ou certains batraciens, mais aussi une disparition d’espèces autochtones au profit d’espèces envahissantes plus résistantes. Une remontée des espèces en altitude et vers l’amont des cours d’eau a ainsi été mise en évidence pour 32 espèces de poissons en France.

Or, il est constaté que les températures de l’eau dans les rivières et les lacs ont d’ores et déjà augmenté au cours du siècle dernier d’environ 1 à 3 °C dans les principaux fleuves européens. Le réchauffement s’accélère pour tous les bassins fluviaux européens, aggravé par la baisse du débit fluvial en été.

Concernant les eaux de surface, et plus spécifiquement les lacs, une équipe internationale du Gleon (Global Lake Ecological Observatory Network) a conduit une étude sur plus de 45 000 échantillons d’eau de 400 lacs des zones tempérées du globe, principalement en Amérique du Nord et en Europe, dont les plus anciens relevés datent de 1941 et les plus récents de 2019 ([7]). L’Inrae a notamment contribué en fournissant les données de l’Observatoire des lacs alpins. Les résultats montrent que depuis 1980, les lacs étudiés ont globalement perdu de l’oxygène. Les niveaux d’oxygène ont en moyenne baissé de 5,5 % dans les eaux de surface et de 18,6 % dans les eaux profondes, une perte 3 à 9 fois plus rapide que celle des océans. Le principal moteur de cette perte d’oxygène dans les eaux de surface est l’augmentation globale des températures qui diminue la solubilité de l’oxygène dans l’eau. Depuis les années 1980, avec l’augmentation des températures de l’atmosphère, la température globale des eaux de surface des lacs a augmenté de 0,38 °C par décennie et la concentration en oxygène a diminué de 0,11 mg/l par décennie. Si l’on prend l’exemple du lac Léman, les données permettent de mettre en évidence des évolutions tendancielles de long terme de la température de la masse d’eau. La température des eaux de fond (309 m), en moyenne annuelle, est passée par un minimum de 4,4 °C en 1963 (après l’hiver 1962-1963) pour atteindre 5,8 °C en 2018.

Or, la concentration en oxygène régule de nombreuses caractéristiques de la qualité écologique des eaux. En effet, la plupart des organismes vivants, comme les poissons, dépendent du niveau d’oxygène dans l’eau, et une baisse trop importante peut mener au déclin de certaines espèces. En parallèle, cette baisse d’oxygène favorise les micro-organismes qui évoluent plus facilement dans des milieux sans oxygène, comme certaines bactéries qui produisent du méthane, un puissant gaz à effet de serre. La baisse du niveau d’oxygène impacte également les sédiments situés au fond des lacs qui retiennent la pollution. Avec la baisse de la concentration en oxygène, ces sédiments réémettent de la pollution métallique et des nutriments, comme le phosphore, qui font baisser la qualité chimique des eaux et favorisent les phénomènes d’eutrophisation.

b.   Les effets du changement climatique sur la qualité chimique des eaux

En 2019, 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines n’étaient pas en bon état au sens de la directive communautaire sur l’eau. Selon le BRGM, 43,3 % des masses d’eau de surface sont affectées par des pollutions diffuses (nitrates, pesticides notamment) et 25,4 % par des pollutions ponctuelles.

Pour rappel, la directive cadre sur l’eau (DCE 2000/60/CE) du 23 octobre 2000 fixe un objectif de bon état pour les masses d’eau à l’horizon 2015, avec une possibilité de report à 2027 en dernière échéance. Or, selon la Cour des comptes, en 2027, 67 % des masses d’eau de surface (7 646 sur 11 407) et 40 % des masses d’eau souterraines risquent de ne pas atteindre le bon état au sens de la directive cadre européenne ([8]).

Les activités humaines sont directement responsables de cette dégradation. L’eutrophisation est un phénomène généralisé à l’échelle mondiale, qui provient de l’enrichissement des eaux de surface en nutriments à cause d’une gestion inefficace des eaux usées et de pollution diffuses d’origine agricole. Les polluants émergents présentent un nouveau défi mondial en matière de qualité de l’eau, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, et représentent une menace potentiellement grave pour la santé humaine et les écosystèmes.

Mais tous ces problèmes sont accentués par le changement climatique, lui‑même provoqué par l’action humaine. Ainsi, la qualité des ressources en eau pourrait se détériorer en raison de plusieurs facteurs interagissant sur l’eau ([9]) : température élevée ; charges accrues en sédiments, nutriments et polluants après des précipitations sévères ; concentration accrue de polluants lors des sécheresses ; concentration en oxygène réduite ; plus faible capacité d’autoépuration des plans d’eau douce ; perturbation des installations de traitement lors des inondations ; prolifération d’organismes indésirables (cyanobactéries par exemple) et détérioration des eaux souterraines en raison de l’intrusion de sel dans les zones côtières en conséquence de l’élévation du niveau de la mer. Les changements climatiques influent gravement sur notre capacité à contrôler ces phénomènes.

5.   Les problèmes d’accès à l’eau dans les outre-mer : des situations variées mais des défis communs

Les territoires d’outre-mer ne sont pas tous logés à la même enseigne concernant l’abondance de la ressource en eau et sa fragilité au regard du changement climatique. Certains territoires, comme la Guadeloupe, disposent d’une ressource abondante, tandis que d’autres, comme Mayotte, sont d’ores et déjà dans une situation de tension sur la ressource, que le changement climatique vient aggraver. En revanche, la plupart des territoires se heurtent à des difficultés communes concernant la politique de l’eau : taux de fuite important sur les réseaux (le rendement des réseaux est seulement de 53 % contre 79,9 % en métropole), investissements insuffisants, qualité des eaux en baisse dans de nombreux territoires d’outre-mer et difficultés de gestion.

De manière générale, en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, Mayotte et Saint-Martin, les services publics d’eau potable et d’assainissement sont confrontés à des difficultés qui constituent des freins au développement social, économique et sanitaire et à la préservation de l’environnement. Selon le dernier rapport sur la gestion de l’eau et de l’assainissement en outre-mer, 31,7 % de la population de Mayotte n’a pas accès à l’eau courante dans son logement et 59 % est dépourvue du confort sanitaire de base (Coalition eau, octobre 2020), entre 15 et 20 % de la population de Guyane n’a pas accès à l’eau alors que ce territoire dispose de la troisième réserve d’eau du monde, et un habitant sur deux de La Réunion ne peut pas boire l’eau du robinet car elle est impropre à la consommation, et cela alors que les habitants ultramarins paient l’eau plus cher en moyenne qu’en France métropolitaine (5,30 euros contre 4 euros le mètre cube en moyenne). Enfin, les territoires ultra-marins seront confrontés à la montée des eaux, ce qui est plus problématique pour les petites îles. Les enjeux sont donc multiples et les modalités d’interventions dépendront des territoires.

L’État doit toutefois assumer pleinement ses responsabilités en matière de politique de l’eau, en mobilisant des moyens financiers, techniques et humains suffisants pour garantir ce droit fondamental à tous les habitants des outre-mer. Dans le cadre du Plan eau, il est prévu 35 millions d’euros supplémentaires par an pour la politique de l’eau dans les outre-mer au titre de la solidarité interbassins, en contrepartie d’une gouvernance et d’une gestion améliorées via des contrats de progrès. Cette mesure du Plan eau doit être saluée, mais il convient également de souligner que les besoins d’investissements sont très largement supérieurs à ce montant et qu’une aide financière plus importante serait requise. La puissance publique doit également renforcer la lutte contre la pollution des eaux par les pesticides et accélérer leur dépollution, notamment, en ce qui concerne les Antilles, par le chlordécone qui affecte gravement la santé des populations.

Proposition n° 3 : Déclarer l’état d’urgence hydrique dans les territoires d’outre-mer confrontés à de graves difficultés d’accès ou de pollution de l’eau. Renforcer les moyens du Plan eau consacrés à l’outre-mer.

a.   Le cas préoccupant de Mayotte

La situation en matière d’accès à l’eau à Mayotte est sans commune mesure avec celle que connaissent les autres parties du territoire national. 31,5 % des ménages de l’île n’ont pas l’eau courante dans leur habitation. Les taux de connexion au réseau d’assainissement sont très faibles : alors que 37 % de la population vit dans des zones desservies par le réseau, 18 % seulement des ménages y sont connectés.

Malgré une pluviométrie importante (plus de 1 500 millimètres par an), la ressource en eau y est inférieure au seuil de pénurie, fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à 500 mètres cubes annuels par habitant. À titre de comparaison, la métropole dispose de 3 000 mètres cubes annuels par habitant et La Réunion, de 5 000 à 6 000 mètres cubes. En l’absence de grandes nappes souterraines, la ressource disponible varie fortement selon la pluviométrie de l’année. Les forêts de montagne contribuent également aux précipitations sur les reliefs par leur impact positif sur le cycle de l’eau, mais la déforestation et l’urbanisation provoquent une baisse des capacités d’infiltration des sols et une augmentation du ruissellement et de l’érosion.

Le changement climatique vient aggraver cette situation : selon les projections, la saison des pluies pourrait être plus courte mais aussi plus intense, alors qu’il pleuvra moins pendant les intersaisons. Le nombre de jours de chaleur extrême est appelé à augmenter fortement. Les crises récurrentes sur l’alimentation en eau potable à Mayotte devraient ainsi devenir plus fréquentes en l’absence de mesures correctives ambitieuses.

b.   La situation à La Réunion

L’île de La Réunion, d’origine volcanique, est soumise à un climat tropical aux précipitations très variables dans l’espace. Les pluies sont concentrées à l’est de l’île. Le gradient inverse entre la population et les pluies se traduit par une tension sur la ressource en eau : celle-ci est abondante dans les bassins peu peuplés et au contraire rare au nord et à l’ouest où se trouvent la majorité des habitants. Au cours de la dernière décennie, la saison des pluies a été déficitaire. Le potentiel de recharge de la ressource en eau (cours d’eau, aquifères, …) est directement impacté.

Mais, globalement, l’île dispose de ressources en eau très importantes : elle fait partie des territoires pouvant connaître des apports pluviométriques très importants, avec 7 600 millions de mètres cubes par an, dont 4 500 millions de mètres cubes « efficaces » (hors effets de l’évaporation et de la transpiration). En parallèle, la demande oscille entre 220 et 245 millions de mètres cubes par an. Les questions qui se posent portent plutôt sur la qualité de l’eau : 56 % des masses d’eau, qu’elles soient souterraines ou en bordure littorale, ne sont pas en bon état. La qualité de l’eau du robinet distribuée à La Réunion reste insuffisante. Selon les données de l’agence régionale de santé (ARS), la moitié des Réunionnais disposent d’une eau de bonne qualité, mais l’autre moitié est alimentée par des eaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante. L’élévation prévisible du niveau de la mer accentue également le risque de salinisation des aquifères situés en partie littorale, soit 46 % de l’eau utilisée pour les besoins de la population.

c.   La Guyane : un territoire fragmenté

Avec plus de 112 000 km de cours d’eau, la Guyane possède une importante ressource d’eau disponible par habitant. Toutefois, cette ressource est inégalement répartie, 46 000 habitants n’ayant aujourd’hui pas un accès direct à l’eau potable, en particulier dans les communes isolées loin du littoral. 75 % de l’alimentation en eau potable est assurée par les fleuves, contre 25 % par les eaux souterraines, mais cette proportion tend à se réduire.

En Guyane, la pluviométrie est plus importante le long des côtes et diminue à mesure que l’on s’en éloigne. Sous l’effet du changement climatique, on observe une légère diminution des précipitations au cours de la saison sèche. À l’inverse, l’élévation des précipitations en saison humide, avec des épisodes plus concentrés, présente des risques d’inondation plus importants. Les secteurs de l’île de Cayenne et de Kourou présentant des reliefs accentués, sont soumis à des mouvements de terrain liés, entre autres, aux épisodes de fortes précipitations et à l’urbanisme.

Enfin, l’un des risques provoqués par le changement climatique porte sur l’intrusion saline dans les fleuves côtiers, avec la remontée du biseau salé.

d.   La Martinique : un accès à l’eau inégal et irrégulier

La Martinique est une île tropicale où l’eau est abondante. Cependant, la ressource en eau y est fragile. L’eau peut manquer, surtout pendant la période sèche dite « du Carême ». En effet, en dépit de sa densité importante, le réseau hydrographique de la Martinique est constitué de nombreux cours d’eau au débit faible et irrégulier, le plus souvent temporaires dans le Sud, avec des périodes d’étiage durant la saison sèche appelée en Martinique le « Carême », de février à avril. Ainsi, au cours de cette période, il arrive fréquemment que le débit des rivières se réduise dans des proportions importantes, mettant en péril les prélèvements. 

À cette inégale répartition dans le temps s’ajoute une inégale répartition dans l’espace entre le Nord et le Sud de l’île au niveau des précipitations. Lors de la saison d’hivernage, en cas de fortes pluies, il arrive que face à la trop grande turbidité des eaux captées, les usines de captage soient mises momentanément à l’arrêt. Par exemple, la distribution de l’eau sur la commune de Grand’Rivière été fortement perturbée fin janvier 2018 durant une quinzaine de jours, à la suite d’un glissement de terrain dans la rivière Gommier.

Ce sont, cependant, les glissements de terrain associés au passage des cyclones ou des ondées tropicales qui occasionnent le plus de problèmes et des coupures de réseau. Ainsi, en mai 2009, des glissements de terrain ont engendré une vingtaine de ruptures de canalisations, dont la plus importante a eu lieu à la sortie de l’usine de traitement de Vivé sur la commune du Lorrain. Cette usine alimentait alors un quart de la population de l’île. 

Si le changement climatique va accroître le déficit d’eau pendant la période de Carême, l’essentiel des problématiques liées à l’eau en Martinique repose sur le déficit d’investissement dans le réseau et l’assainissement, ainsi que dans le traitement de la turbidité des eaux lors des fortes précipitations. En Martinique, les coupures sont quotidiennes et 40 % de l’eau est perdu dans le réseau d’adduction, c’est-à-dire les canalisations qui permettent son acheminement.

En outre, les sols et les rivières sont largement contaminés au chlordécone, pesticide autorisé dans les outre-mer longtemps après que son caractère cancérigène a été démontré et des années après que son usage a été interdit en France métropolitaine.

e.   La Guadeloupe : un rendement parmi les plus faibles malgré une ressource abondante

La Guadeloupe dispose d’une ressource en eau conséquente, parmi les plus élevées au monde, avec un potentiel disponible de 7 000 mètres cubes par habitant et par an (3 000 dans l’Hexagone). Cette abondance n’est néanmoins pas répartie équitablement sur l’ensemble du territoire. La ressource est ainsi concentrée sur Basse-Terre, en particulier sur la Côte-au-Vent, alimentée par un niveau élevé de précipitations. L’eau potable prélevée a trois origines : les prises en rivière et le captage des sources, principalement en Basse-Terre ; les puits et forages, sur Grande-Terre et Marie-Galante. Au total, 90 % de l’eau potable prélevée l’est sur le territoire de la Basse Terre, en particulier sur la Côte-au-Vent. Selon l’office de l’eau de Guadeloupe, il est nécessaire de mieux former les agents publics en matière de risques liés à l’eau et de renforcer leurs connaissances sur la vulnérabilité et la cartographie des zones à risques. Par exemple, les éboulements, fréquents en période de fortes précipitations, peuvent avoir un impact majeur sur l’écoulement des eaux de rivière et la sécurisation des captages.

À partir de 2014, l’office de l’eau a constaté une augmentation régulière du volume d’eau prélevé dans le milieu naturel (de l’ordre de 2 % par an). Cette augmentation est fortement corrélée à celle des prélèvements pour la production d’eau potable, bien que dans le même temps la population guadeloupéenne n’ait cessé de diminuer : 18 900 habitants de moins entre les 1er janvier 2014 et 2019. Ces volumes d’eau supplémentaires sont en réalité prélevés pour tenter de compenser les pertes d’un réseau de distribution défaillant.

En 2018, 78,3 millions de mètres cubes d’eau potable ont été mis en distribution sur l’ensemble de la Guadeloupe. Sur ce volume total, seulement 39 % de l’eau (30,5 millions) ont été consommés par la population. Le taux de fuite est compris entre 50 et 60 % sur le territoire. Les coupures inopinées font qu’un quart de la population n’a pas d’eau courante tous les jours. L’école y est régulièrement suspendue par manque d’eau alors que la ressource disponible par habitant y est deux fois plus importante que dans l’Hexagone.

B.   Le poids de l’action humaine sur la ressource en eau

Notre « empreinte sur l’eau » par habitant est d’environ 5 000 litres par jour, dont seulement 150 litres pour l’eau domestique, le reste étant essentiellement consommé par l’agriculture et l’industrie. Les prélèvements opérés sur le territoire national peuvent conduire à affaiblir les nappes phréatiques, ce qui pose question dans un contexte de récurrence des sécheresses.

1.   Les usages de l’eau à l’échelle nationale

Environ 32 milliards de mètres cubes sont prélevés chaque année pour les activités humaines. La moitié de ces prélèvements sert à refroidir les centrales électriques, essentiellement les centrales nucléaires en bord de fleuves (16,8 milliards de mètres cubes). Suivent les prélèvements pour l’eau potable et l’alimentation des canaux (5,3 et 5,2 milliards de mètres cubes), puis les prélèvements à usage agricole (2,9 milliards de mètres cubes) et autres usages, notamment industriels (2,6 milliards de mètres cubes). La majeure partie de cette eau prélevée est restituée aux milieux aquatiques. C’est le cas de l’essentiel de l’eau refroidissant les centrales (seuls 2 % s’évaporent via les tours aéroréfrigérantes). Ces prélèvements concernant les centrales nucléaires ne constituent pas un facteur de stress hydrique dans la mesure où l’eau est très rapidement restituée dans le milieu naturel. En revanche, leur impact n’est pas neutre sur la température et la qualité de l’eau.

L’eau prélevée pour l’irrigation agricole, en revanche, est absorbée par les plantes et ne revient pas au milieu aquatique : on parle alors d’eau consommée. En moyenne, entre 2008 et 2018, le volume annuel d’eau consommée est estimé à 5,3 milliards de mètres cubes en France métropolitaine (soit environ 20 % de l’eau prélevée, hors alimentation des canaux), ce qui représente 82 m3/habitant. Cette répartition est très variable selon les bassins : l’eau consommée est attribuée majoritairement à l’agriculture dans les bassins Adour-Garonne (78 % du total d’eau consommée) et Loire-Bretagne (55 %), à l’eau potable en Artois-Picardie (62 %) et en Seine‑Normandie (56 %), et à la production d’électricité en Rhin-Meuse (58 %) et en Rhône-Méditerranée (46 %).

De manière générale, l’agriculture représente 58 % de l’eau consommée en France, suivie par l’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales (12 %) et les usages industriels (4 %). La consommation d’eau dans le secteur agricole est relativement stable sur vingt ans, à environ 2,9 milliards de mètres cubes. 80 % de cette consommation résultent de l’irrigation et 20 % pour le reste des usages (abreuvement des animaux, nettoyage).

On note une augmentation des surfaces irriguées de 15 % pour une augmentation de seulement 7 % des prélèvements en eau sur la période 2010-2020. Les surfaces irriguées passent de 5,7 % à 6,8 % de la surface agricole ([10]). Selon les chiffres du recensement général agricole de 2020, l’irrigation a ainsi augmenté dans toutes les régions de France ([11]). Les légumes, les vergers, le soja, le maïs et les pommes de terre sont les cultures qui demandent le plus d’eau. Le maïs représente un tiers des surfaces irriguées ; les légumes et fruits réunis représentent 15 % du total des surfaces irriguées. L’analyse par cultures montre que 34 % des surfaces de maïs sont irriguées, près de 40 % des superficies de pommes de terre et de soja, la moitié des surfaces de vergers et plus de 60 % des surfaces de légumes. L’eau de pluie utilisée directement par les cultures n’est pas comptabilisée.

En France, les deux tiers de l’eau potable proviennent des nappes phréatiques, tandis que les eaux souterraines représentent 40 % des eaux industrielles et agricoles. Les prélèvements sont réalisés sur la ressource par diverses entités publiques et privées.

De manière générale, il importe de connaître plus précisément, sur chaque territoire, les besoins en prélèvement d’eau des acteurs ainsi que leur seuil de vulnérabilité. Ces études doivent s’intégrer dans les efforts plus généraux visant à mieux connaître l’état des prélèvements et à favoriser la remontée des données en temps réel pour conduire à des décisions éclairées des préfectures et des services de gestion de l’eau dans les collectivités.

Proposition n° 4 : Identifier les principaux préleveurs sur les réseaux d’eau sur chaque bassin versant, connaître leur seuil de vulnérabilité et évaluer les besoins saisonniers.

2.   Améliorer les systèmes de prévision et de planification concernant les évolutions de la ressource

Les prélèvements d’eau opérés par l’ensemble de la population et des activités économiques demeurent encore imprécis. Cette connaissance serait cependant fort utile pour disposer d’une valeur unique de référence permettant d’assurer un partage des données relatives aux prélèvements par les différents acteurs concernés, notamment via un ensemble de référentiels communs, et d’améliorer la connaissance de la pression exercée sur les eaux de surface continentales, les eaux souterraines et les eaux littorales. Ces données sont indispensables pour contribuer à la protection quantitative de la ressource en eau et permettre l’évaluation des politiques publiques de l’eau.

À l’heure actuelle, ce rôle est en partie assuré par la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE) qui constitue l’outil national dédié aux prélèvements sur la ressource en eau. Les informations de la BNPE portent sur les volumes annuels directement prélevés sur la ressource en eau et sont déclinées par localisation et catégorie d’usage de l’eau. Issues aujourd’hui de la gestion des redevances par les agences et offices de l’eau, elles sont appelées à être complétées à court terme par d’autres producteurs de données. Toutefois, selon Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, il n’existe pas à ce jour de système rationalisé et standardisé de collecte des données relatives à l’eau. Le rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion quantitative de l’eau indique ainsi que « La banque nationale des prélèvements en eau comporte des incohérences. Le dispositif de collecte des données fait l’objet de contestations récurrentes ».

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a d’ailleurs pris soin de mentionner, dans la présentation de l’étude prospective « Explore 2070 », l’insuffisance de connaissances et de données fiables sur les prélèvements humains. Dans cette situation, il est très difficile pour les autorités publiques de rassembler toutes les parties prenantes autour d’une stratégie commune de protection de la ressource. Les négociations sont longues, leurs conclusions renvoyées à de nouvelles études. Les mesures de gestion des crises successives tiennent lieu de stratégie. L’amélioration de la qualité et de l’exhaustivité des informations rassemblées par la banque nationale des prélèvements en eau est indispensable à l’amélioration de la gestion locale de l’eau.

Afin de centraliser les informations au niveau national, Amorce a fait part aux membres de la mission de sa proposition de mettre en place une base nationale des prélèvements en eau, alimentée de manière mensuelle, et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement et objectifs de répartition des prélèvements par sous-bassin versant. Cela permettrait, aux yeux des rapporteurs, de renforcer la connaissance et le pilotage de la ressource. Ainsi, il serait souhaitable de construire un outil global permettant la localisation précise de l’ensemble des prélèvements pendant et hors période d’étiage, l’indication des besoins de prélèvements pour la campagne en cours et les ressources disponibles pour répondre aux besoins.

Proposition n° 5 : Développer une base nationale des prélèvements en eau mise à jour de manière mensuelle et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement et objectifs de répartition des prélèvements par sous-bassin versant.

Un tel outil doit s’appuyer sur le déploiement de compteurs « intelligents » pour l’ensemble des activités humaines. En effet, en l’absence de comptages suffisamment précis sur la plupart des points de prélèvement, il est difficile d’avoir une connaissance des prélèvements calendaires, la seule qui permettrait d’évaluer exactement les besoins locaux et leurs impacts en période d’étiage. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires reconnaît en outre que les compteurs ne sont pas encore systématiques et qu’à ce jour, ils ne permettent pas de suivi en temps réel. À titre d’exemple, les données du Plan eau reposent sur les données du système d’information des services publics d’eau et d’assainissement (Sispea) qui ne sont pas actualisées. Cependant, la technologie existe pour mettre en œuvre ce suivi en temps réel. Les compteurs intelligents permettent d’enregistrer la consommation d’eau en télérelève. Un émetteur d’ondes radiofréquences est placé sur le compteur, enregistre le volume des consommations et les transmet, une fois par jour, au réseau. C’est pourquoi il est essentiel d’accélérer le déploiement de ce type de compteurs sur l’ensemble du territoire, en particulier pour les acteurs économiques.

Proposition n° 6 : Imposer le déploiement de compteurs de consommation d’eau en temps réel pour les acteurs économiques, agricoles et industriels en contrepartie d’une aide financière de l’État ou des agences de l’eau.

Pour les compteurs individuels, à l’achat, il faut compter entre 50 et 80 euros pour les compteurs de vitesse et entre 100 et 200 euros pour les compteurs volumétriques. En location, le coût va de 12 à 20 euros pour des compteurs de vitesse à 20 à 25 euros pour des compteurs volumétriques. Pour l’entretien et les relevés, il faut compter entre 13 et 32 euros par an et par compteur (coûts estimés par le CESE dans son avis sur la tarification progressive de l’eau ([12])). Si l’on tient compte du nombre de compteurs à installer sur le territoire, cela représente évidemment un coût très important. À titre d’exemple, Bordeaux Métropole a évalué à 10 millions d’euros le coût d’équipement en compteurs individuels de l’ensemble des ménages de son territoire. Une aide financière est donc indispensable pour un certain nombre de ménages modestes. Aujourd’hui, il semblerait que moins de 50 % des usagers disposent d’un compteur individuel. À Paris, ce serait près d’un million de ménages, selon le CESE, qui devraient être équipés d’un compteur. À ce titre, rien n’interdit, même sur des immeubles collectifs, de mettre en place des compteurs individuels.

Au contraire, toute nouvelle construction d’un immeuble à usage principal d’habitation dont la demande de permis de construire a été déposée après le 1er novembre 2007 doit être pourvue d’une installation permettant de déterminer la quantité d’eau froide fournie à chaque local occupé à titre privatif ou à chaque partie privative d’un lot de copropriété (article L. 135-1 du code de la construction et de l’habitation). En clair, ce texte pose le principe de l’obligation de poser des compteurs d’eau froide pour chaque logement d’un immeuble construit après 2007. Aucune obligation n’existe pour les immeubles construits avant cette date. En parallèle à cette disposition, et ce, que l’immeuble collectif soit ou non pourvu de compteurs individuels, la loi permet au propriétaire de l’immeuble (syndicat de copropriétaires, bailleur social, etc.) de demander au distributeur d’eau de l’immeuble, la mise en place d’une individualisation des contrats de fourniture d’eau au niveau de chaque logement. L’ensemble des frais sont supportés par le propriétaire de l’immeuble. Si l’immeuble est en copropriété, l’individualisation des contrats relève de la majorité définie à l’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (majorité des membres du syndicat représentant les deux tiers des voix). Le droit d’obtenir l’individualisation auprès du distributeur n’appartient donc pas aux occupants individuels des logements. En revanche, une fois l’individualisation effectuée, les usagers des logements de l’immeuble souscrivent un contrat en direct avec le distributeur et ce, en dehors du réseau de l’immeuble.

Cependant, si l’immeuble ne comporte pas de compteurs individuels alors que la réglementation l’exige, il n’y a pas de sanctions spécifiques. Si tout occupant qui y a un intérêt peut agir devant le tribunal pour faire appliquer la réglementation, peu le font en pratique. De nombreux promoteurs, y compris de constructions neuves, en profitent pour ne pas respecter la loi et pour imposer, si la copropriété le décide, des frais supplémentaires pour la pose de compteurs individuels.

Proposition  7 : Faire respecter la loi en matière d’installation de compteurs individuels dans les copropriétés neuves. Encourager l’adoption de compteurs individuels dans toutes les copropriétés pour favoriser la sobriété hydrique et la mise en place éventuelle de systèmes de tarification progressive.

Un autre enjeu en matière de connaissance des prélèvements porte sur les seuils de déclaration obligatoire de ces derniers. Les prélèvements en eau sont soumis à autorisation ou déclaration en fonction des volumes prélevés sur la ressource. À l’heure actuelle, selon l’article R. 214-1 du code de l’environnement, si les forages dépassent le seuil domestique de prélèvement, ils sont soumis à déclaration ou à autorisation. Les seuils sont différents pour les prélèvements dans une nappe souterraine et dans un cours d’eau :

Dans une nappe souterraine :

– supérieur à 10 000 mètres cubes par an (déclaration) ;

– supérieur à 200 000 mètres cubes par an (autorisation).

Dans un cours d’eau ou dans la nappe d’accompagnement :

– d’une capacité totale supérieure à 400 mètres cubes par heure ou à 2 % du débit du cours d’eau (déclaration) ;

– d’une capacité totale supérieure à 1 000 mètres cubes par heure ou à 5 % du débit du cours d’eau (autorisation).

Il convient de souligner que l’encadrement des prélèvements d’eau fait l’objet de dispositions particulières au sein des zones de répartition des eaux (ZRE). L’article R. 211-71 du code de l’environnement définit une ZRE comme une zone caractérisée par une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources en eau par rapport aux besoins. Ces zones sont définies par arrêté du préfet coordonnateur de bassin. Dans ces zones, et conformément à l’article R. 211‑73 du même code, le seuil à partir duquel le prélèvement par l’intermédiaire d’ouvrages, installations ou travaux est soumis à autorisation est abaissé à 8 mètres cubes par heure. Tous les autres prélèvements sont soumis à déclaration. Au sein de ces zones, l’autorité administrative peut, conformément à l’article L. 211-3 du code de l’environnement, constituer d’office un organisme unique de gestion collective (OUGC), qui aura pour mission de répartir entre tous les irrigants de son périmètre les volumes prélevables de l’année.

Même en dehors des ZRE, pour de nombreux acteurs auditionnés par la mission, les seuils existants sont trop élevés pour ne pas affecter négativement la ressource dans une période de changement climatique, ainsi que pour définir une politique de l’eau plus précise car mieux informée de l’état réel des prélèvements. Pour l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), le seuil de déclaration d’un prélèvement auprès de la police de l’eau devrait être abaissé à 1 000 m3/an. En outre, les télé-relevé des prélèvements ne devraient pas seulement porter sur les prélèvements soumis à autorisation (soit 200 000 m3/an), mais sur tous les prélèvements soumis à déclaration de la police de l’eau. À cet égard, l’obligation de télé-relevé des compteurs de prélèvement annoncé dans le Plan eau est insuffisante, car elle ne concernerait que les prélèvements soumis à autorisation, soit 200 000 m3/an.

Proposition n° 8 : Abaisser le seuil de déclaration des prélèvements à 1 000 mètres cubes par an et imposer le télé-relevé pour tous les prélèvements soumis à autorisation.

Concernant les sanctions, il n’existe aujourd’hui que peu de contrôles en matière de non-déclaration des puits et forages domestiques. La connaissance des prélèvements reste souvent insuffisante, du fait notamment de la multiplication des forages particuliers. Cela concerne aussi des activités économiques pourtant bien installées : en zone de montagne, certaines stations de ski ne déclarent pas leur prélèvement. Le renforcement des contrôles est donc indispensable pour éviter les prélèvements clandestins.

C.   Un impact grandissant sur la vie économique et sociale de la Nation

Alors que la coïncidence entre les besoins en eau et les ressources disponibles devrait se faire de plus en plus rare, de fortes tensions sur la ressource en eau se font sentir. De nombreux secteurs économiques consommateurs d’eau subiront donc des pertes liées à l’accès limité à la ressource.

Les situations parfois extrêmes causées par le changement climatique, comme les inondations ou les sécheresses, devraient s’accentuer et engendrer des risques importants pour tous les aspects de la vie sociale et économique de la Nation.

1.   Les risques économiques

a.   Les évènements climatiques extrêmes entraînent des pertes économiques importantes

Les évènements climatiques extrêmes liés à la ressource en eau, tels que les sécheresses ou les inondations, ont pour effet d’impacter tous les pans de la société et de la vie économique, entraînant des pertes aux coûts croissants.

À titre d’exemple, les sécheresses peuvent avoir des conséquences directes et indirectes très coûteuses, par exemple avec le phénomène du retraitgonflement des argiles (RGA), c’est-à-dire le mouvement alternatif de retrait et de gonflement du sol en période de sécheresse et de réhydratation. Ce phénomène peut faire varier l’amplitude du sol jusqu’à plus ou moins 10 % ([13]) et ainsi fragiliser et progressivement détruire les structures trop peu élastiques pour y résister, notamment les constructions légères et leurs fondations.

Les dommages causés par ce phénomène peuvent être graves (destruction de maisons, de routes, de tuyaux ou de conduites enterrées), et dépendent de la teneur en eau dans le sol. Cela est particulièrement vrai pour les constructions anciennes dans lesquelles l’évolution du régime hydrique causée par le changement climatique n’avait pas été anticipée. La quasi-totalité des départements sont concernés par cette problématique, à des degrés divers.

Une analyse de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) montre que sans urbanisation nouvelle à partir de 2010, le coût annuel moyen des dommages liés au RGA pour les assureurs passerait d’environ 220 millions d’euros sur la période 1989-2003, à 700 ou 1 300 millions d’euros (selon le scénario du GIEC retenu) en 2100 ; c’est-à-dire une multiplication par un facteur de 3 à 6 ([14]). Or, l’urbanisation s’est poursuivie, ce qui implique une augmentation des coûts encore plus significative.

Environ 48 % du territoire hexagonal se trouverait en zone d’exposition dite « forte » ou « moyenne » au RGA ([15]), intégré depuis 1989 dans le régime des catastrophes naturelles. L’article L. 125-1 du code des assurances définit la notion de catastrophe naturelle comme un événement résultant de l’intensité anormale d’un agent naturel lorsque les mesures à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises.

Les sécheresses peuvent aussi entraîner d’autres coûts économiques importants comme les pertes de récoltes, l’impossibilité, pour certains corps de métier, d’exercer en extérieur, ou encore l’accroissement de la sécheresse des sols et donc du risque d’inondations.

Les risques d’inondations sont croissants et coûteux, en raison de la modification de la répartition des précipitations qui sont souvent de plus en plus concentrées sur le territoire et dans le temps. Entre 2002 et 2013, 48 inondations ont été recensées en France ([16]), dont les coûts directs ont été estimés à 8,7 milliards d’euros. Les dernières estimations sur les crues récentes laissent présager des coûts encore plus élevés : l’Association française de l’assurance a ainsi estimé les pertes liées à la crue de la Seine de 2016 entre 900 millions et 1,4 milliard d’euros ([17]).

En France, le coût annuel moyen des dommages causés par les inondations et assurés par le régime des catastrophes naturelles s’élève à 520 millions d’euros, pour près de 17 millions d’habitants exposés à ce risque ([18]). En quarante ans, entre 1982 et 2020, les inondations ont entraîné 21,6 milliards d’euros d’indemnisation. Deux phénomènes contribuent à augmenter les indemnisations : les zones inondables ne cessent de s’étendre et la croissance de richesses est plus importante dans les zones vulnérables comme les zones de mer ou de montagne ([19]).

Pour y faire face, ont été mis en place depuis 2002, des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), l’un des principaux outils de la Stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI) au niveau territorial, subventionnés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FNPRM), dit « Fonds Barnier ». Sur la période de 2011 à 2018, 95 PAPI complets ont été labellisés, pour un montant d’environ 1,7 milliard d’euros, dont 690 millions d’euros de subvention d’État (soit 40 %).

Les collectivités et notamment les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), sont souvent les candidats privilégiés pour présenter le dossier de candidature, puis après la labellisation du projet, assurer la conception, l’animation et la coordination du programme, sa mise en œuvre et son évaluation. Les PAPI, qui prennent la forme d’appels à projet, portent sur tous les axes de la gestion des inondations, notamment l’amélioration de la connaissance du risque, la surveillance et la prévision des crues et inondations, l’alerte et la gestion de crise, la prise en compte du risque inondation dans l’urbanisme ou encore la gestion des ouvrages de protection hydrauliques. L’obtention du label PAPI donne lieu à la signature d’une convention entre le porteur de projet, l’État et les cofinanceurs.

Les risques de submersion et d’érosion du littoral, accentués par le changement climatique, représentent également des coûts économiques majeurs. La France étant un pays avec de nombreuses zones littorales qui attirent de plus en plus d’habitants et concentrent de nombreuses activités économiques, c’est l’un des pays européens les plus menacés par les risques littoraux.

La submersion marine en fait partie. Lors d’une tempête, le niveau de la mer peut augmenter de plusieurs mètres et les vagues peuvent pénétrer sur les terres, provoquant des inondations côtières et des dégâts matériels et humains importants. Ainsi, la tempête Xynthia de 2010 a causé la mort de 59 personnes et des dégâts matériels évalués à près de 2 milliards d’euros sur la façade Atlantique ([20]). France Assureurs estime le surcoût lié aux submersions marines à 100 millions d’euros annuels supplémentaires, presque intégralement dus au changement climatique, sur la période 2020-2050 ([21]).

Sous l’effet combiné de l’érosion provoquée par les vagues et de l’augmentation du niveau de la mer, l’eau avance progressivement sur les terres et réduit la surface émergée. La perte de sédiments, communément appelée érosion côtière, se traduit par un recul du linéaire côtier, dit « trait de côte ». Parmi les 20 000 kilomètres de littoral français, 22 % des zones côtières sont ainsi soumises à un phénomène d’érosion. Sur 5 kilomètres de littoral français, 1 kilomètre est soumis à l’érosion. On note 650 kilomètres de littoral en recul, dont 270 kilomètres à une vitesse moyenne de 50 centimètres par an.

Or, la densité de population sur les côtes est actuellement 2,5 fois plus élevée que la moyenne nationale, et devrait encore augmenter ([22]). Il est estimé qu’à l’horizon de 2100, entre 30 000 et 150 000 logements seraient directement menacés par l’érosion côtière ou la submersion marine, pour un montant compris entre 10 et 50 milliards d’euros ([23]).

Si la mobilité du trait de côte est un phénomène naturel, les effets du changement climatique et notamment la montée du niveau de la mer (depuis 1900, le niveau moyen des mers a augmenté de 23 centimètres, dont 6 centimètres depuis 2000 ([24])), accentuent celui-ci et imposent de repenser l’organisation des zones côtières. C’est ainsi qu’a été mise en place une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte en 2012, pour mieux anticiper les évolutions du littoral et faciliter l’adaptation des territoires à ces changements. Cette stratégie a permis de définir des principes communs pour la gestion des zones côtières, en particulier l’anticipation sur le long terme des évolutions du littoral, ou encore l’élaboration de projets de territoire et de documents de planification cohérents et concertés.

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, a également prévu plusieurs dispositions relatives au recul du trait de côte. Parmi elles, l’identification par décret et la révision tous les neuf ans de la liste des communes touchées par ce phénomène, ainsi que l’élaboration de cartographies. La loi oblige aussi les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) à prendre en compte ce phénomène. Un droit de préemption prioritaire des communes dans les zones exposées au recul du trait de côte est également créé.

De plus, dans ces zones exposées à l’horizon de trente ans, seuls peuvent être autorisés les travaux de réfection et d’adaptation des constructions existantes, ainsi que les constructions nouvelles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, à condition qu’elles présentent un caractère démontable.

Plus largement, de nombreux aléas climatiques (crues torrentielles, fortes pluies, avalanches, glissements de terrain, etc.), dont la fréquence et l’intensité se voient renforcées par le changement climatique, sont susceptibles de causer des dommages matériels importants. Les dégâts causés par la tempête Alex en octobre 2020 dans plusieurs vallées des Alpes-Maritimes en fournissent un exemple récent. Cet épisode méditerranéen de pluies très fortes et soudaines, parfois accompagnées de grêle et de vents violents, avait causé dix morts et huit disparus ainsi que des dégâts sur les infrastructures publiques estimés à 720 millions d’euros dans les vallées de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya. Plus d’un milliard d’euros ont été engagés par les pouvoirs publics dans la reconstruction.

b.   Des difficultés croissantes pour assurer les acteurs économiques face aux dommages causés par les évènements climatiques extrêmes

L’impact du changement climatique sur l’eau pose également avec acuité la question de l’assurance des dégâts provoqués. Ceux-ci sont de multiples natures : inondations, submersions, mais aussi pertes d’exploitation provoquées par les arrêtés préfectoraux restreignant les usages de l’eau. En termes de population, le Rhône, l’Isère, les Hauts-de-Seine et les Alpes-Maritimes sont les quatre départements les plus touchés par les inondations.

Cinq départements sont particulièrement touchés par les phénomènes de submersion marine : le Pas-de-Calais, la Vendée, la Manche, la Charente-Maritime et la Gironde, soit 1,5 million de Français directement exposés au phénomène de submersion marine. En cas de sécheresse, de nombreuses activités peuvent être impactées : chimie, bois, énergie, exploitations agricoles, tourisme. Les images médiatisées des piscines non remplies dans le Var durant l’été ont marqué les esprits.

Les dommages causés par les évènements climatiques extrêmes liés à l’eau, pourraient se révéler de plus en plus difficiles à assurer et à indemniser, comme l’a expliqué la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance (AGEA) aux rapporteurs lors de son audition. En effet, les exploitations agricoles, comme les industriels et les entreprises, vont voir leurs besoins en eau de moins en moins satisfaits et leur production soumise de façon croissante aux évènements climatiques. L’assurance a pour principe de protéger face aux aléas. Or, les évènements climatiques extrêmes comme les sécheresses, peuvent de moins en moins être considérés comme tels, du fait de la certitude de l’augmentation de leur fréquence dans les années à venir, avec les dommages qu’ils entraînent.

À titre d’exemple, des stations de lavage de voitures qui se voient forcées de fermer pour cause de sécheresse et de restrictions d’usage de l’eau, ne peuvent se voir indemniser de leurs pertes d’exploitation, car celles-ci résultent d’une impossibilité d’exercer leur activité économique décidée par les pouvoirs publics, et non d’un aléa. Il en va de même, par exemple, pour les pertes économiques subies par les campings qui seraient forcés de ne pas utiliser leur piscine au cours de l’été.

Il n’existe pas aujourd’hui de règles uniformes sur les pertes d’exploitation en cas de restriction d’eau, en l’absence de dommages matériels directs sur l’entreprise. En effet, il n’existe actuellement aucune catégorie pour encadrer ces phénomènes extrêmes dans les contrats d’assurance. Les entrepreneurs se retrouvent donc sans soutien de la part de leur assureur, ce qui entrave leur activité et entache la relation assuré-assureur.

La question qui se pose est donc de savoir s’il faut aller vers une forme de solidarité nationale pour assurer ce risque grandissant. Il serait donc souhaitable qu’une réflexion ait lieu entre les pouvoirs publics et les assureurs pour convenir d’une règle uniforme et claire en matière d’indemnisation pour des pertes d’exploitation en cas de restriction de l’usage d’eau. Tant que cette question ne sera pas tranchée, les difficultés persisteront pour les entreprises dépendantes de la ressource en eau.

Proposition  9 : Engager une réflexion avec les assurances sur la prise en charge des pertes d’exploitation liées aux restrictions d’usage de l’eau par les arrêtés préfectoraux.

En outre, les agents généraux d’assurance doivent davantage conseiller leurs clients sur les mesures de prévention à mettre en place face aux sinistres naturels (humidification des fondations, distance minimale entre un arbre et une habitation, drainage des eaux, étanchéification de certains sols et de certaines surfaces, vérification de l’état des réseaux d’assainissement, etc.). Malheureusement, ces enjeux ne sont pas maîtrisés par tous les professionnels de l’assurance, et certains sont plus formés que d’autres en la matière. C’est pourquoi la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance souhaite lancer un label de formation à destination des professionnels de l’assurance, notamment sur les enjeux climatiques et de finance durable.

Proposition n° 10 : Renforcer la formation et les obligations d’information des professionnels de l’assurance sur les phénomènes naturels impactant la ressource en eau et sur les risques qui y sont associés.

c.   Un régime d’indemnisation qui doit s’adapter au changement climatique

Trois types de couverture caractérisent le système français d’indemnisation :

– le régime de catastrophe naturelle (dit « Catnat ») ;

– le régime de tempête, grêle, neige (TGN), qui s’établit librement (non fixé avec l’État) ;

– l’assurance agricole, non obligatoire.

Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles provient d’un partenariat public-privé établi en 1982, qui prend appui sur l’assurance des dommages aux biens immobiliers, professionnels, industriels et aux véhicules. L’assurance catastrophe naturelle est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de dommages.

Elle couvre des périls tels que les inondations, les sécheresses, les mouvements de terrains, ou encore les cyclones. Cette extension donne lieu au paiement d’une surprime uniforme sur l’ensemble du territoire, dont le taux est fixé par l’État ([25]). Celui-ci prend ensuite en charge les coûts de l’indemnisation de l’assureur, après que celui-ci ait versé les compensations aux sinistrés. L’État agit par le biais de la Caisse centrale de réassurance (CCR), société anonyme détenue par l’État, qui garantit les caisses d’assurances privées.

Alors que le coût des catastrophes naturelles devrait doubler à l’horizon de 2050 en raison de la croissance de la valeur des biens à assurer, et que les aléas devraient devenir 30 % à 50 % plus fréquents, certains acteurs et notamment le directeur de la CCR proposent de faire passer la surprime au titre de la couverture des catastrophes naturelles de 12 % actuellement, à 18 %. En outre, les récoltes non engrangées des agriculteurs n’entrent pas dans le régime des catastrophes naturelles, et seulement 30 % des exploitations agricoles sont assurées contre le risque climatique ([26])

Se pose enfin la question des territoires ultra-marins, soumis parfois à des ouragans aux lourdes conséquences, à l’image de Saint-Martin et Saint-Barthélemy en 2017 (Irma, Harvey, Maria), le montant des indemnisations étant évalué à 1,8 milliard d’euros, et une personne sur deux n’étant pas assurée dans ces territoires.

Aujourd’hui, le FPRNM, dit fonds Barnier, permet de soutenir des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés à ces risques. Il est dédié aux risques naturels du type avalanche, mouvement de terrain, inondation, etc. et peut-être mobilisé par les collectivités territoriales, les petites entreprises, les particuliers, les établissements publics fonciers et les services de l’État ([27]).

Il permet de procéder à l’acquisition amiable de biens exposés aux risques majeurs ou de biens sinistrés à plus de 50 %, et au financement à hauteur de 50 % des études, travaux et équipements de prévention et de protection des collectivités territoriales, à la condition que les communes en question soient couvertes par un plan de prévention des risques naturels (PPRN). Un particulier ou une entreprise de moins de vingt salariés peut également bénéficier d’une subvention du fonds pour la réalisation de travaux de réduction de la vulnérabilité sur des biens existants exposés à un risque d’inondation. Le budget annuel du FPRNM se situe aux alentours de 200 millions d’euros, pouvant varier légèrement selon les années.

Les phénomènes climatiques extrêmes étant amenés à croître en fréquence et en intensité, se pose la question d’un éventuel retrait des assureurs face au risque, et des sommes importantes qui devront être payées par les citoyens pour être couverts. Ainsi, de nombreuses compagnies d’assurances américaines ont augmenté leurs tarifs et restreint leur couverture dans les États où les risques climatiques s’accroissent. Le plus important assureur de Californie, State Farm, a ainsi annoncé ne plus offrir d’assurance aux propriétaires californiens au-delà du 27 mai 2023, en raison de l’augmentation rapide de l’exposition aux catastrophes, notamment les feux de forêts ([28]).

Enfin, il serait souhaitable de réfléchir à une réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Les procédures de déclaration de sinistre et de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sont bien trop lourdes et trop longues pour les sinistrés. La commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devrait se réunir plus souvent et des comités locaux de gestion des sinistres devraient être expérimentés. À cet égard, la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, dite « loi Baudu », a amélioré la transparence et les délais de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, en prévoyant notamment :

– la réduction de trois à deux mois du délai entre la demande du maire et la publication de l’arrêté interministériel reconnaissant l’état de catastrophe naturelle ;

– l’allongement à vingt-quatre mois, contre dix-huit antérieurement, du délai dont dispose le maire pour déposer la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, afin de prendre en compte l’apparition possiblement tardive des premières fissures ;

– l’obligation de communication aux communes du rapport d’expertise de la commission « Cat Nat » et de la motivation de l’arrêté ministériel.

La loi Baudu prévoit en outre la création de deux instances chargées de « faire remonter » les difficultés liées à la mise en œuvre de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : le « référent départemental », qui a un rôle d’information et de coordination entre la préfecture et les communes (article L. 125-1-2 du code des assurances) et la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles (article L. 125-1-1).

Cette dernière, créée par décret en décembre 2022, a pour mission de rendre un avis annuel au Parlement portant sur la pertinence des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, sur les conditions effectives de l’indemnisation des sinistrés (délais et montant de l’indemnisation) et sur les modalités de l’expertise mandatée par les assurances.

L’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols va également dans ce sens. Elle prévoit notamment :

– de faire évoluer la définition des effets des catastrophes naturelles, pour y inclure les « dommages résultant d’une succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative » ;

– de définir les biens et dommages faisant l’objet d’une exclusion du droit à la garantie « Cat Nat », et de fixer des règles d’encadrement de l’expertise d’assurance avec un régime de contrôle et de sanction des experts ;

– et de fixer une obligation d’affectation de l’indemnité perçue par un sinistré à la mise en œuvre des travaux de réparation des dommages indemnisés au titre du phénomène de sécheresse.

Pour autant, le système français fait face à deux écueils principaux. Le premier concerne l’équité du financement. Celui-ci repose sur une contribution à taux unique sur les assurances habitation et automobile, et pèse beaucoup plus lourdement sur le budget des foyers les plus modestes que sur celui des plus aisés. En effet, les primes d’assurance habitation pour la résidence principale pèsent près de cinq fois plus dans le budget des 10 % les moins aisés que dans celui des 10 % les plus riches.

En outre, le système ne peut être efficace que si les plans de protection qui réglementent la construction en zones à risque s’avèrent plus contraignants. L’urgence est d’autant plus forte que l’on n’observe aucune baisse significative du nombre de nouvelles constructions en zones à risque d’inondation depuis le début des années 2000. Les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) dans les communes touchées par ces phénomènes doivent être développés et renforcés.

Proposition n° 11 : Réunir plus souvent la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

 

Proposition n° 12 : Renforcer l’adoption et le respect des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) dans toutes les communes concernées par le risque d’inondation.

2.   Les risques pour l’activité agricole et forestière

a.   Le secteur agricole, premier consommateur d’eau, est particulièrement touché par le changement climatique

Le secteur agricole prélève une quantité d’eau modérée, mais en est le plus gros consommateur.

Le maïs, les légumes, les vergers, le soja et les pommes de terre sont les cultures qui demandent le plus d’eau : le maïs représente ainsi un tiers des surfaces irriguées. L’utilisation de l’eau prélevée intervient pour l’essentiel entre avril et septembre, au moment où le débit naturel des cours d’eau est le plus bas. L’eau prélevée pour l’agriculture est majoritairement puisée dans les eaux de surface (59 % en 2019) ([29]).

 

Prélèvements d’eau douce pour l’agriculture par département, en 2019 ([30])

Le secteur agricole est l’un des secteurs économiques les plus sensibles au changement climatique. Celui-ci serait déjà responsable de 30 à 70 % de la stagnation du niveau de rendement du blé en France ([31]). L’agriculture repose en effet sur des productions végétales et animales qui nécessitent de l’eau, tout comme leur transformation en produits de consommation.

En prenant l’hypothèse d’un système agricole constant, la hausse des températures va entraîner une demande accrue en eau par les végétaux. Plusieurs effets croisés permettent de l’expliquer, notamment la réduction de l’enneigement hivernal, et donc du soutien d’étiage par la fonte des neiges en fin de printemps et début d’été, ainsi que la hausse de l’évapotranspiration des plantes et la baisse des débits d’étiage. L’augmentation de l’évapotranspiration qui résulte de l’augmentation de la température ([32]) ne sera pas compensée par une augmentation des précipitations, qui demeureront stables, voire baisseront en été.

Les ressources en eau seront donc réduites au moment où l’agriculture en aura le plus besoin, c’est-à-dire en été, et dans les territoires qui connaissent déjà un stress hydrique plus important, notamment autour du pourtour méditerranéen. Il faut également s’attendre à un assèchement des sols en période estivale, mais aussi en fin de printemps et début d’automne. Si les cultures d’hiver pourront continuer à être pratiquées sans irrigation, les cultures d’été auront du mal à se maintenir avec le seul régime pluvial.

Cette situation entraîne de nombreuses pertes et des coûts importants pour le secteur agricole. L’agence de l’eau Adour-Garonne a ainsi indiqué aux rapporteurs que le bassin avait connu 40 à 70 % de perte de rendement des cultures non irriguées, contre 25 % pour les surfaces irriguées lors de la sécheresse de l’été 2022. L’irrigation est donc souvent utilisée comme moyen d’obtenir des rendements plus réguliers, notamment en période de sécheresse.

Un certain nombre de filières et territoires voient leurs rendements diminuer. Par exemple, dans le Languedoc, le passage progressif à un climat méditerranéen semi-aride a conduit à une perte de 11 % de la production agricole en trente ans. Dans la ville de Valence dans la Drôme, l’augmentation de la température a entraîné un accroissement de l’évapotranspiration de 25 %, créant un besoin accru d’irrigation. Le maïs qui se cultivait avec un apport par irrigation de 2 000 mètres cubes d’eau par hectare et par an, en nécessite aujourd’hui 3 000. Le changement climatique induit aussi des floraisons plus précoces, à une période où les risques de gelée sont encore importants, et peuvent conduire à de fortes chutes de rendement ([33]).

L’Union française des semenciers (UFS) a également fait savoir aux rapporteurs que les risques de sécheresse et la raréfaction de la ressource en eau rendaient plus difficiles la mise en place de contrats de multiplication de semences ([34]) chez les agriculteurs. Cela pourrait impacter à moyen terme la capacité des entreprises à approvisionner le marché national comme international, la France étant le premier producteur européen et le premier exportateur mondial de semences ([35]). Les semences constituant le premier maillon de la plupart des productions agricoles et alimentaires, cette situation présente des risques. Plus largement, l’impact de la modification du régime hydrique sur l’agriculture pose à terme la question de la souveraineté alimentaire de la France.

En effet, la réduction de la quantité d’eau disponible pour le secteur agricole peut entrer en contradiction avec les objectifs de souveraineté alimentaire et de réduction de l’empreinte carbone de la France. Le risque est que les biens soient importés plutôt que produits en France. Aussi, se pose la question du juste niveau d’efforts de sobriété hydrique qu’il convient de demander au secteur agricole, au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire.

C’est afin de répondre à ces différents enjeux qu’a été conduit le Varenne agricole de l’eau, lancé le 28 mai 2021 et conclu en février 2022. L’objectif était d’engager une réflexion collective avec l’ensemble des parties prenantes, afin de trouver des solutions pour permettre l’adaptation et la protection des agriculteurs face aux aléas climatiques. Il comporte trois axes : anticiper et protéger l’agriculture dans le cadre de la politique globale de gestion des aléas climatiques ; renforcer la résilience de l’agriculture dans une approche globale (sols, variétés, pratiques, infrastructures, efficience de l’irrigation) ; et partager une vision raisonnée des besoins et de l’accès aux ressources en eau mobilisables.

Ces trois axes ont ensuite été déclinés en 24 mesures opérationnelles. Au total, à l’issue de la première année de mise en œuvre du Varenne, 23 des 24 mesures ont été lancées. Sur ces 23 mesures, 13 sont réalisées.

À l’issue de ces travaux, a notamment été promulguée, le 2 mars 2022, une loi sur la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture ([36]), comprenant une réforme de l’assurance récolte. Le précédent dispositif reposait depuis les années 1960 sur le régime des calamités agricoles (cofinancé par l’État et la profession), et depuis 2005 sur l’assurance multirisques climatiques, qui bénéficiait d’une subvention au titre des aides de la politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne (UE). Le nouveau régime instaure un dispositif à trois étages de couverture des risques :

–  les aléas courants, qui sont assumés par les agriculteurs ;

– les aléas significatifs, qui sont pris en charge par l’assurance multirisques climatiques subventionnée, pour les agriculteurs qui ont fait le choix de s’assurer ;

– les aléas exceptionnels, qui déclenchent une intervention de l’État, y compris pour les agriculteurs non assurés. Le seuil de déclenchement se situe à partir de 50 % de pertes de récolte pour les grandes cultures, les cultures industrielles, les légumes et la viticulture, et à partir de 30 % de pertes de récolte pour l’arboriculture, les petits fruits, les prairies et les cultures spécialisées.

Par ailleurs, une concertation avec une consultation des différentes parties prenantes a récemment été menée en vue d’un Pacte et d’une loi d’orientation et d’avenir agricole (PLOAA). Cette concertation a été menée via des groupes de travail, qui se sont réunis régulièrement entre janvier et mai 2023. Les groupes de travail nationaux et régionaux rassemblaient des représentants du monde agricole, de l’enseignement, de l’orientation et de la formation continue, ainsi que des représentants de l’enseignement agricole et du monde associatif. À l’issue de la période de concertation, ont été remis des rapports de synthèse et des propositions.

Même si des mesures d’adaptation sont en cours, l’impact de la modification de la ressource en eau sur le secteur agricole est déjà très lourd, et devrait encore s’aggraver dans les prochaines années.

b.   Les effets du changement climatique sur la ressource en eau nuisent au bon état des forêts françaises

Les modifications de la répartition de la ressource en eau ont aussi un effet important sur la gestion des forêts et la production de la filière bois, notamment en raison de l’augmentation des sécheresses qui favorisent les incendies.

La mortalité des arbres de la forêt française atteint désormais 0,4 % du volume de bois vivant, soit une augmentation de 50 % entre les périodes 2005-2013 et 2012‑2020. Il est observé une augmentation de 30 % des arbres morts de moins de cinq ans sur la période 2015-2019. Préserver la ressource en bois est un défi du présent car si la production biologique brute s’est élevée à 89 millions de mètres cubes par an sur la période 2001-2019, elle a tendance à baisser du fait des conditions climatiques (sécheresse, canicule) et sanitaires (scolytes, chalarose) et représente aujourd’hui environ 79 millions de mètres cubes ([37]).

Parmi les facteurs explicatifs figurent notamment les sécheresses et canicules. À titre d’exemple, au cours des années 2018 et 2019, les sécheresses prolongées et les hautes températures ont conduit au dépérissement massif d’épicéas dans le quart nord-est de la France. L’été 2022 a été marqué par des incendies importants, avec plus de 66 000 hectares de forêt brûlés pendant l’année 2022, contre une moyenne annuelle d’environ 10 000 hectares par an sur la période 2006‑2021 ([38]). L’augmentation de la température accroît le déficit hydrique et augmente la possibilité de feux de forêts.

Le risque extrême d’incendie, calculé par l’indice forêt météo ([39]), devrait s’intensifier dans les zones déjà à risques aujourd’hui et s’étendre à de nouvelles zones. Vers 2060, la majeure partie du pays pourrait être soumise à ce risque extrême dix à vingt jours par an, et parfois quatre-vingt à cent jours par an pour les territoires situés en bordure de la Méditerranée par exemple.

3.   Les risques pour l’industrie et la production d’énergie

a.   La tension sur la ressource en eau devient un sujet de préoccupation croissante pour le secteur industriel

L’eau utilisée pour les activités industrielles est généralement prélevée par l’exploitant industriel lui-même, et après son utilisation, fait l’objet d’une épuration avant d’être rejetée dans le milieu naturel. Pour les petites installations industrielles ou les artisans, l’eau peut être directement prélevée sur le réseau de distribution d’eau potable.

Lorsque c’est l’exploitant lui-même qui prélève l’eau dont il a besoin, celle‑ci provient pour les deux tiers des eaux de surface (rivières et lacs) et plus rarement des eaux souterraines. L’industrie chimique est la plus grosse utilisatrice d’eau (50 % des prélèvements de l’industrie manufacturière), suivie par l’industrie alimentaire (15 %), la fabrication de papiers et de cartons (15 %) ([40]), ou encore la gestion des déchets. L’eau prélevée peut parfois être utilisée comme telle, mais doit généralement faire l’objet d’un traitement avant utilisation : clarification, désinfection, déminéralisation, etc.

Dans le cas de productions contenant de l’eau, comme les boissons par exemple, une partie de l’eau utilisée est commercialisée directement en tant que produit élaboré, et n’est donc pas rejetée. En dehors de ces cas, les eaux usées industrielles sont rejetées dans le milieu et doivent donc faire l’objet d’une épuration afin de répondre aux normes qui s’imposent à l’installation industrielle, notamment l’obligation « zéro rejet » pour les polluants dangereux, et le respect de valeurs maximales à ne pas dépasser pour d’autres substances. L’installation industrielle dispose la plupart du temps de son propre dispositif d’épuration. En France en 2013, 972 millions d’euros ont ainsi été dépensés pour l’épuration des eaux industrielles. Certains procédés polluent l’eau de façon trop importante et ne permettent pas son rejet, même après traitement. L’eau est alors considérée comme un déchet dangereux et doit être éliminée ([41]).

En période sèche, les prélèvements d’eau réalisés par l’industrie peuvent donc accentuer l’étiage des cours d’eau et ses conséquences. Le rejet de l’eau après usage par les industries peut aussi présenter un risque potentiel pour les milieux en raison des substances potentiellement toxiques qu’elle contient.

Les tensions sur la ressource en eau, et notamment la baisse des précipitations en été, représentent un risque pour le secteur industriel, qui peut se voir interdire de prélever de l’eau en période de sécheresse, en raison des restrictions d’usage. Cela peut entraîner la diminution voire l’interruption des activités industrielles très consommatrices d’eau. À titre d’exemple, durant l’été 2022, sur 80 sites de papeterie en France, 14 ont été marqués par des restrictions, et 3 ont dû réduire leur activité ([42]). L’agence de l’eau Adour-Garonne a pour sa part indiqué aux rapporteurs que lors de la sécheresse de l’été 2022, près de 50 % des industriels du bassin avaient subi des ralentissements d’activité.

En outre, la baisse des niveaux d’eau, de surface comme souterraines, conduit à un phénomène de concentration des polluants du fait d’une moindre dilution ([43]), qui pourrait donc accentuer les pollutions déjà présentes dans l’eau rejetée par les exploitants industriels.

Les industries seront donc amenées à investir dans la lutte contre les fuites, dans des technologies moins consommatrices d’eau et dans l’optimisation de ses usages (arrêts automatiques, identification des postes les plus consommateurs, etc.), ce qui représente des coûts importants.

Plusieurs personnes auditionnées ont par ailleurs alerté les rapporteurs sur la nécessité de s’assurer de la disponibilité de la ressource en eau d’un territoire avant d’y autoriser des projets de grande envergure, notamment d’installation d’usines. Certains territoires dont les masses d’eau ne sont pourtant pas en bon état voient s’installer des usines dont la production nécessite de grosses quantités d’eau. Aussi, la politique de réindustrialisation du territoire peut parfois se heurter à l’absence de ressource en eau suffisante localement pour subvenir aux besoins de la production.

Les rapporteurs souhaitent relayer ces points d’attention et plaident pour la mise en place d’une étude préalable à tout nouveau projet d’aménagement, afin d’estimer « l’empreinte eau » de ce projet. Il s’agirait de prendre en compte ses impacts directs et indirects afin de déterminer si la ressource en eau est disponible en quantité suffisante sur le territoire pour implanter ledit projet. Par exemple, dans le cas particulier de l’implantation d’une industrie agro-alimentaire, outre sa consommation propre en eau, celle-ci va laisser présager des cultures de proximité qui nécessiteront également de l’eau.

Les études d’impact des nouveaux projets industriels doivent donc aussi prendre en compte la ressource en eau du territoire, en identifiant les prélèvements actuels et à venir, ainsi que les éventuelles sources de pollution, afin de déterminer dans chaque département, les territoires où de nouvelles implantations sont envisageables, à ressources constantes, voire en baisse.

Proposition n° 13 : Prendre en compte les impacts directs et indirects de tout nouveau projet d’aménagement ou d’implantation industrielle sur un territoire, en estimant son « empreinte eau » et en prenant en compte l’état de la ressource en eau sur ledit territoire.

Dans le cadre du Plan eau, 50 sites industriels à forts enjeux, car situés sur des zones de stress hydrique et qui présentent un important potentiel de réduction de leurs consommations, ont été identifiés pour bénéficier d’un accompagnement ciblé. Plusieurs mesures sont prévues pour accompagner ces industries, notamment un appel à projets doté de 100 millions d’euros afin d’inciter les entreprises à innover pour une meilleure gestion de l’eau ([44]), mais également des exemptions aux restrictions d’usages de l’eau en cas de sécheresse pour les sites industriels ayant réalisé au moins 20 % d’économies d’eau depuis 2018 ([45]). L’économie d’eau devient donc un sujet de préoccupation croissante du monde industriel.

b.   Le secteur de l’énergie est très dépendant de la ressource en eau

Le refroidissement des centrales électriques représente 51 % des prélèvements d’eau et 12 % de la consommation d’eau à l’échelle nationale, en troisième position après l’agriculture et la consommation d’eau potable. L’eau est nécessaire à la fois pour le refroidissement des centrales nucléaires et comme source d’énergie pour l’hydroélectricité.

L’eau utilisée par les installations hydroélectriques n’est pas prélevée à proprement parler, puisqu’elle est utilisée directement dans le milieu par les turbines du barrage. C’est pourquoi les volumes d’eau interceptés par les barrages n’entrent pas en compte dans le calcul annuel des prélèvements d’eau et leur répartition entre les différents usages. Le volume d’eau intercepté par les barrages représente des centaines de milliards de mètres cubes ([46]).

En outre, les réservoirs hydroélectriques constituent une grande partie des capacités de stockage d’eau de la France, à hauteur de plusieurs milliards de mètres cubes. Ils ont ainsi un rôle de rétention de l’eau lorsqu’elle tombe en abondance et de soutien aux cours d’eau et usages qui y sont liés en période de sécheresse. Ainsi, Électricité de France (EDF) a indiqué aux rapporteurs que 70 % des concessions hydroélectriques avaient un autre usage que la seule production d’électricité, comme la production d’eau potable, le soutien au tourisme, à la navigation ou encore le soutien d’étiage.

 Le refroidissement des centrales

Le refroidissement des centrales nécessite des prélèvements en eau importants, qui sont toutefois, pour la grande majorité, rejetés dans le milieu (80 %). La marge de manœuvre pour réduire la consommation d’eau dédiée au refroidissement des centrales nucléaires à production constante est faible, voire inexistante selon EDF. L’eau qui sert au refroidissement est consommée intégralement en fonction de la production. Aussi, une réduction de 10 % de la consommation en eau entraînera une réduction mécanique de 10 % de la production d’électricité ([47]) .

Comme tous les acteurs économiques, les producteurs d’énergie sont et seront de façon croissante, affectés par la variation de la ressource en eau et par les évènements climatiques extrêmes. Les centrales nucléaires sont plutôt situées à des endroits stratégiques dans lesquels la ressource en eau ne manque pas. Ainsi, les évènements climatiques comme les sécheresses n’ont pour l’instant pas eu d’impact sur la sûreté et peu d’impact sur la production électrique des centrales. Toutefois, la fonte plus précoce et plus importante de la neige et de la glace en amont, qui représentaient des réserves d’eau importantes, a conduit les producteurs d’énergie à devoir adapter leurs prises d’eau.

Parmi les mesures prises pour assurer la sûreté des centrales nucléaires, est défini un cas d’étiage très bas qui représenterait un risque pour les centrales installées le long d’un cours d’eau. Ainsi, les « plus basses eaux de sûreté » sont définies pour chaque centrale nucléaire de production d’électricité (CNPE) et garantissent le maintien du refroidissement des réacteurs à l’arrêt. À titre d’exemple, pour les CNPE du Val de Loire, les plus basses eaux de sûreté varient de 8 mètres cubes par seconde pour celle de Belleville à 15 mètres cubes par seconde pour celle de Chinon. Ces débits très faibles n’ont jamais été observés depuis la mise en service des réacteurs. De plus, le débit de soutien d’étiage par les barrages garantit des débits supérieurs. Des réexamens périodiques décennaux sont l’occasion de vérifier pour chaque réacteur, que la marge existante vis-à-vis des plus basses eaux de sûreté reste acceptable pour les dix années à venir ([48]).

Toutefois, en cas d’étiages très sévères, les activités de production d’énergie nucléaire pourraient tout de même être impactées, comme les autres usages économiques, notamment en raison des normes environnementales de prélèvement d’eau et de rejet thermique auxquelles elles sont soumises.

Les quantités d’eau prélevées dépendent du type de circuit de refroidissement. En circuit « ouvert », l’eau prélevée est intégralement restituée au milieu aquatique d’origine, avec une augmentation de quelques degrés par rapport au prélèvement de départ. Lorsque la centrale nucléaire est refroidie en circuit ouvert, le prélèvement est plus important. Ce type de circuit ne peut être installé que sur des sites en bord de mer ou sur des grands fleuves.

En circuit dit « fermé », le prélèvement d’eau est plus faible qu’en circuit ouvert, mais une partie de l’eau prélevée (environ 40 %), s’évapore dans la tour aéroréfrigérante et ne regagne pas le cours d’eau ([49]).

Des normes de rejet thermique existent, sous forme de température maximale en aval ou d’écart maximal entre la température en aval et en amont de la centrale. En effet, l’eau restituée au milieu après refroidissement des centrales est une eau réchauffée qui peut avoir des impacts sur les milieux aquatiques. Lorsque le maintien en exploitation des réacteurs est jugé nécessaire, des dérogations temporaires peuvent être accordées.

En outre, les restrictions d’usages imposées par les pouvoirs publics en période de tension peuvent aussi impacter la production. Des accords transfrontaliers peuvent par exemple assujettir certaines centrales à un cadre plus limitatif, comme c’est le cas de la centrale de Chooz, en lien avec la Belgique.

Ces normes, associées à des épisodes d’étiage de plus en plus fréquents, peuvent réduire la production du parc, notamment pour les sites en bords de fleuves. Ainsi, les deux réacteurs de la centrale de Chooz ont été arrêtés du 24 août à début octobre 2020, en raison du débit de la Meuse inférieur au seuil bas de l’accord franco-belge, qui interdit alors l’évaporation par les tours aéroréfrigérantes.

Certaines CNPE doivent en effet respecter un débit minimum biologique à leur aval immédiat. Ces situations montrent que le fonctionnement des installations n’est pas indépendant de la disponibilité de la source froide, en termes de température comme de débit d’étiage.

Toutefois, l’essentiel du risque d’indisponibilité en cas d’étiage sévère combiné avec des canicules, concerne principalement les réacteurs en circuit ouvert de la vallée du Rhône (Bugey, Saint-Alban et Tricastin) en raison d’échauffements du fleuve plus importants en étiage et dépassant les valeurs autorisées. Dans ces situations, la puissance des réacteurs concernés est diminuée et dans certains cas, un ou plusieurs réacteurs peuvent être mis à l’arrêt. L’ensemble de ces pertes de production reste néanmoins inférieur à 1 % de la production annuelle, hormis en 2003, année marquée par un épisode de canicule historique où la perte a atteint 1,4 %.

● La production d’hydroélectricité

L’énergie hydraulique permet de fabriquer de l’électricité grâce à la force de l’eau. Cette force dépend soit de la hauteur de la chute d’eau, soit du débit des fleuves et des rivières.

Il convient de noter que le mix électrique actuel permet la production d’une électricité produite à plus de 97 % ([50]) sans CO2 en France. EDF a en effet insisté auprès des rapporteurs sur le fait que l’hydroélectricité n’émettait pas de CO2 et facilitait l’insertion dans le réseau d’énergies renouvelables intermittentes. Elle possède en outre encore un potentiel de développement et constitue un outil de résilience en raison du multi‑usage qu’elle permet.

Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont des centrales hydroélectriques dont le principal atout est d’adapter en temps réel la production à la consommation, en permettant le stockage de l’électricité sous la forme d’eau. Lorsque le réseau a besoin d’électricité, la STEP utilise l’eau qui se trouve dans le bassin supérieur pour produire de l’électricité, grâce à la force de l’eau qui fait tourner la turbine. Aux heures de faible consommation, l’eau est pompée de la retenue inférieure vers la retenue supérieure : le stock d’énergie potentielle est alors reconstitué pour un nouveau cycle de production. Ce système permet de consommer via le mode « pompe », l’énergie excédentaire ou non utilisée, produite par les nouvelles énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque ([51]).

Le parc d’EDF en France comprend six STEP : celle de Grand’ Maison est la centrale hydroélectrique la plus puissante d’Europe. Elle peut mobiliser en trois minutes 1800 mégawatts (MW), soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. Selon EDF, il existe un potentiel de développement encore important de l’énergie hydroélectrique en France sur de nouveaux sites et sur les aménagements existants. EDF a ainsi identifié la possibilité de produire 1,5 gigawatt (GW) supplémentaire via les STEP à l’horizon de 2050 ([52]). EDF a fait part de sa volonté de voir le développement de l’hydroélectricité inscrit dans la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Le stockage derrière les barrages permet de conserver l’eau pour produire de l’électricité lorsque c’est nécessaire, principalement l’hiver. Cette eau est aussi relâchée en été pour des multi-usages ([53]). Pour gérer le remplissage, il faut à la fois compter sur les apports prévisibles (fonte des neiges) et envisager les épisodes soudains et imprévus, comme de forts orages. À titre d’exemple, sur la rivière de la Durance, EDF assure la fourniture en eau agricole à la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en eau potable à trois millions d’habitants.

Sur le bassin Adour-Garonne, EDF participe aussi au soutien d’étiage de la Garonne, via un contrat passé en 2020 avec l’établissement public territorial de bassin (EPTB), qui prévoit la mobilisation de près de 70 millions de mètres cubes d’eau et permet ainsi de répondre aux besoins lors des pics de prélèvement en eau en période de sécheresse notamment.

Pour le parc hydroélectrique d’EDF, la perte liée à l’augmentation de la température de l’air (évapotranspiration supplémentaire, baisse des débits) à venir est estimée à environ 0,5 térawattheure (TWh) par décennie, hors évolution des précipitations et pressions anthropiques (réglementation, restriction d’usage). Si l’on intègre la perte énergétique liée aux précipitations (environ 0,5 TWh), une perte d’environ 1 TWh par décennie est à attendre.

La sécheresse exceptionnelle de l’été 2022 a conduit à un déstockage d’eau bien plus important qu’en temps normal (800 millions de mètres cubes d’eau en 2022, soit 60 % de plus que sur la moyenne 2015-2021). Plusieurs retenues ont ainsi été totalement vidées, en partie en raison de dispositions imposant des débits garantis à l’aval, quels que soient les apports en amont.

Dans un contexte de changement climatique, le développement des barrages hydroélectriques peut donc se révéler stratégique pour de multiples usages comme l’alimentation en eau potable, agricole, ou encore le soutien à l’étiage des cours d’eau, au-delà de la seule production d’hydroélectricité.

4.   Les risques pour la santé publique

a.   L’accès à l’eau potable est nécessaire aux besoins vitaux de la population

Les prélèvements pour la production d’eau potable représentent aujourd’hui 16 % du total des prélèvements, et 26 % de la consommation d’eau ([54]). Les tensions sur la ressource en eau constituent en premier lieu des risques pour la santé publique, puisque la consommation d’eau potable est nécessaire à toute vie humaine. D’autre part, l’eau est aussi nécessaire à l’alimentation humaine, puisqu’elle permet la production de biomasse végétale, qui est directement ou indirectement à la base de toute notre alimentation. La variation de la ressource en eau interroge donc la capacité de subvenir aux besoins vitaux de la population.

Ainsi, en période de sécheresse, de nombreuses communes se trouvent en rupture d’approvisionnement en eau potable, ce qui peut s’avérer particulièrement grave pour les établissements sanitaires ou médico-sociaux par exemple.

Selon les données de l’agence de l’eau Adour-Garonne, à l’été 2022, près de 100 communes étaient en rupture d’approvisionnement en eau potable, avec des tensions sur la ressource jusqu’en novembre. L’office de l’eau de Guyane a pour sa part indiqué aux rapporteurs qu’en mars 2022, l’ARS annonçait que 40 000 personnes n’avaient pas accès à l’eau potable en Guyane, soit près de 15 % de la population locale. L’office de l’eau de La Réunion a aussi affirmé que 50 % de la population ne disposait pas tout le temps d’une eau de qualité maîtrisée 24 heures sur 24.

En septembre 2023, le ministre de la transition écologique annonçait que 189 communes étaient encore privées d’eau potable, soit le double par rapport au dernier état des lieux, le 10 août ([55]).

b.   Le changement climatique accentue la dégradation de la qualité de l’eau

L’Agence nationale de la sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mène régulièrement des campagnes pour mesurer dans l’eau destinée à la consommation humaine, la présence de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers. Ainsi, les données de la dernière campagne, publiées en avril 2023, ont permis l’analyse de plus de 150 pesticides et métabolites de pesticides, c’est-à-dire des composants issus de la dégradation des produits phytosanitaires ([56]), ainsi que d’une cinquantaine de résidus d’explosifs. L’objectif était d’analyser les points de captage d’eau représentant environ 20 % de l’eau distribuée.

Ces résultats attestent que certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus ([57]). Parmi les composés « émergents » ayant conduit à des dépassements de la limite de qualité ([58]), le métabolite chlorothalonil est le plus fréquemment retrouvé, et conduit à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois.

L’ARS des Hauts de France indique par exemple, que 60 % de la population de la région consomme une eau non conforme à la limite de qualité sur les métabolites de pesticides. Il est ainsi de plus en plus complexe de trouver sur ce territoire des ressources en eau qui ne soient pas contaminées par les pesticides et métabolites au-delà des seuils réglementaires, ainsi que par d’autres polluants, et donc de pouvoir réaliser des mélanges d’eaux permettant de distribuer une eau conforme à la réglementation. Cette problématique devrait aller en s’intensifiant.

Au regard de ces éléments, les rapporteurs jugent qu’il serait important de mieux contrôler les métabolites présents dans l’eau, en raison de leur rémanence supérieure à d’autres substances et du manque de connaissances à leur sujet. La stratégie « Ecophyto 2030 » ([59]), actuellement soumise à consultation des parties prenantes en vue d’une publication début 2024, pourrait ainsi prévoir de nouvelles études réalisées par les industries phytopharmaceutiques sur les métabolites pouvant persister dans les sols et les eaux.

Proposition n° 14 : Intégrer dans les études demandées aux industries phytopharmaceutiques sur l’autorisation d’une substance active, des éléments sur les métabolites, notamment leur durée estimée de dégradation et leurs effets sur l’environnement, afin d’améliorer la connaissance sur ces substances.

 

Proposition  15 : Envisager à terme, la détermination d’une valeur sanitaire maximale (VMAX) pour les métabolites et le renforcement de leur prise en compte dans les autorisations de mise sur le marché.

 

Proposition  16 : Inscrire ces objectifs dans la future stratégie Ecophyto 2030.

Lors de pluies intenses et d’inondations, les polluants stockés sur les sols sont plus facilement entraînés (lessivage des sols), et les stations d’épuration peuvent être amenées à déborder. Comme l’a mentionné l’ARS Bretagne, lors de ces épisodes pluvieux, survient donc un risque de rejets d’eaux usées brutes ou partiellement traitées, notamment dans des secteurs du littoral qui présentent des risques (conchyliculture, pêche à pied, baignade et activités nautiques).

Il existe aussi un risque d’eutrophisation de l’eau, soit un apport excessif en nutriments dans les eaux, entraînant une prolifération végétale (algues), un appauvrissement en oxygène dans l’eau et un déséquilibre de l’écosystème. Ce phénomène peut être causé notamment par des précipitations sévères, ou encore par la perturbation des installations de traitement lors des inondations.

De plus, le réchauffement climatique a pour conséquence l’augmentation de la température de l’eau, qui favorise le développement de cyanobactéries toxiques et nuisibles, phénomène d’autant plus important en période de sécheresse et d’étiage. La surexposition à ces pathogènes entraîne un accroissement des risques chroniques qui leur sont associés (symptômes gastro-intestinaux, états fébriles, irritations cutanées, parfois des toxicités hépatiques) ([60]). La contamination peut aussi atteindre les eaux de loisirs (piscines, bassins…).

Ainsi, la dégradation de la qualité microbiologique des ressources en eau pourrait être responsable d’une augmentation des maladies à transmission hydrique (virales, bactériennes et parasitaires), via le réseau d’eau potable, les systèmes de climatisation, le contact avec les eaux superficielles, ou encore la consommation de produits de pêche. Ce risque sera d’autant plus important que l’augmentation des températures en été accroîtra l’exposition à l’eau pour rafraîchir les populations (brumisations urbaines, etc.) ([61]).

L’accroissement de la température peut également conduire à la formation de certains composés, comme le chlorure de vinyle monomère (CVM), classé cancérogène certain par l’OMS, présent dans les canalisations en polychlorure de vinyle (PVC) des réseaux d’eau, et qui peut migrer plus facilement dans l’eau distribuée du fait de l’augmentation des températures.

Dans les zones côtières, l’intrusion de sel dans les nappes phréatiques présente aussi un risque de détérioration des eaux souterraines. En zone côtière, le simple fait que la nappe d’eau douce soit trop basse en raison, par exemple, de l’absence de pluie ou de prélèvements trop importants, suffit à permettre à l’eau salée de s’infiltrer dans l’eau douce. Une rupture de digue, ou encore l’augmentation du niveau de la mer peuvent aussi être la cause de ce phénomène dit de « biseau salé ». En résulte une salinisation excessive des eaux prélevées, les rendant impropres à la consommation, pouvant conduire à l’abandon du point de prélèvement.

La concentration des polluants rend les objectifs de qualité de l’eau plus difficiles à atteindre. Ainsi, une centaine de captages sont abandonnés ou fermés chaque année en raison de pollutions non traitables techniquement ou à un coût soutenable ([62]).

c.   La nécessité de protéger les captages d’eau potable

Dans le cadre de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE), les États membres de l’UE doivent notamment agir pour protéger leurs captages d’eau potable, dans le but de réduire les traitements appliqués à l’eau prélevée et lutter contre la détérioration de la qualité de la ressource ([63]). Les masses d’eau utilisées pour des captages d’eau destinée à la consommation humaine (ou pouvant l’être dans le futur) sont listées en tant que zones protégées ([64]).

En France, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) et le décret n° 2007-882 du 14 mai 2007 ([65]) ont renforcé les outils réglementaires déjà existants. Ces textes ont rendu possible l’utilisation du dispositif de « zones soumises à contrainte environnementale » (ZSCE) sur les aires d’alimentation des captages. Ce dispositif peut intervenir à l’échelle des aires d’alimentation des captages présentant un enjeu particulier pour l’approvisionnement actuel ou futur en eau potable, afin de protéger de façon quantitative et qualitative des captages d’eau potable.

Par la suite, le Grenelle de l’environnement a confirmé l’importance de l’enjeu de protection des captages destinés à l’alimentation en eau potable. La mise en œuvre des conclusions du Grenelle ([66]) prévoit ainsi d’assurer dès 2012 la protection d’un peu plus de 500 captages parmi les plus menacés par les pollutions diffuses. Ces captages dits « captages Grenelle » figurent par ailleurs parmi environ 2 700 captages classés eux-mêmes comme prioritaires dans le cadre des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour la période 2010‑2015.

À la suite de la conférence environnementale de 2013, il a été demandé l’identification de 1 000 ouvrages prioritaires pour doubler l’effort de prévention mis en œuvre depuis le Grenelle de l’environnement. Cette liste inclut les 500 ouvrages Grenelle et 500 nouveaux ouvrages qui sont inscrits dans les Sdage (2016-2021). Les captages « conférence environnementale » sont donc ceux identifiés comme prioritaires dans les Sdage pour la période 2016-2021. Ces ouvrages ont été proposés par les services départementaux de l’État parmi les points d’eau pour lesquels la concentration en nitrates est supérieure à 40 mg/l et la concentration en pesticides est supérieure à 0,08 µg/l.

Au-delà de la protection des captages eux-mêmes, plusieurs zones de protection autour de ces captages ont été définies. Les périmètres de protection du captage (PPC ; on parle de PPC immédiate, rapprochée ou éloignée) visent à assurer la protection de la ressource en eau vis-à-vis des pollutions de nature à rendre l’eau impropre à la consommation. Ils concernent principalement les pollutions ponctuelles et accidentelles. Depuis la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 ([67]), l’instauration des périmètres de protection des points de prélèvement d’eau pour l’alimentation est obligatoire. Il appartient à la collectivité, maître d’ouvrage, d’engager cette procédure qui doit conduire à un arrêté de déclaration d’utilité publique (DUP).

Ces périmètres énoncent des prescriptions relatives aux installations et aux activités réglementées ou interdites sur ces surfaces. Ces prescriptions peuvent donner lieu à des paiements d’indemnités aux propriétaires fonciers par suite de l’expropriation dans le périmètre de protection immédiate, ou pour la perte de valeur du foncier ([68]).

L’aire d’alimentation de captages (AAC) désigne la surface sur laquelle l’eau qui s’infiltre ou ruisselle, alimente le ou les captage(s). Ce zonage a pour objectif de désigner la zone où des actions seront mises en place pour la protection de la ressource en eau (lutte contre les pollutions diffuses). Le concept d’AAC apparaît pour la première fois dans l’article L. 211-3 du code de l’environnement, modifié par la LEMA de 2006 ([69]).

Contrairement aux PPC, ce nouvel outil réglementaire n’est ni systématique, ni obligatoire, mais à l’initiative du préfet qui peut désormais identifier, au sein de l’AAC, une zone dans laquelle sera instauré un programme d’actions visant à protéger la ressource contre les pollutions diffuses.

Ce programme d’actions est mis en œuvre sur une base volontaire par les agriculteurs et peut être financé pour partie les premières années. Le préfet peut ensuite le rendre obligatoire si les résultats attendus en termes de souscription par les agriculteurs ne sont pas obtenus.


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Les différentes zones de protection des captages

 

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a introduit des mesures en faveur de la protection de la ressource. Son article 116 permet au service qui assure tout ou partie du prélèvement d’eau ([70]), de contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource. Cet article fait suite à la deuxième séquence des Assises de l’eau. Il a pour objectif de renforcer la légitimité à agir des collectivités ou de leur groupement dans leurs actions de préservation de l’eau ([71]).

Les personnes publiques en charge du service d’eau potable peuvent ainsi engager des études pour délimiter les aires d’alimentation de captages, élaborer des plans d’action pour restaurer la qualité de l’eau et mettre en œuvre certaines des actions prévues.

Ces personnes publiques peuvent également bénéficier d’un droit de préemption de tout ou partie des surfaces d’une aire d’alimentation de captages. Un décret fixe les modalités selon lesquelles l’autorité administrative peut instituer un droit de préemption, sur des surfaces agricoles situées dans les AAC. L’article L. 218-1 du code de l’urbanisme prévoit qu’à la demande de la commune, d’un groupement ou d’un syndicat mixte compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau, l’autorité administrative de l’État peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’AAC, utilisé pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine.

La commune adresse la demande au préfet territorialement compétent, en y joignant la délibération du conseil municipal sollicitant cette préemption, un plan présentant le périmètre du territoire sur lequel le droit de préemption est sollicité, une étude hydrogéologique relative à l’AAC en question, une note présentant le territoire, ses pratiques agricoles et ses démarches d’animation, ainsi qu’un argumentaire précisant les motifs qui conduisent à cette sollicitation de préemption et la justification de son périmètre ([72]).

Toutes ces mesures de protection ne suffisent toutefois pas toujours. Entre 1994 et 2013, 7 716 captages ont dû être abandonnés en raison de pollutions diffuses, souvent liées aux nitrates et aux pesticides, ou, plus rarement, en raison d’un débit insuffisant ou de mesures de rationalisation de la gestion de l’eau au niveau territorial.

Les rapporteurs jugent qu’il convient d’encourager les collectivités à faire usage de leur droit de préemption des surfaces agricoles situées dans les AAC lorsque celles-ci sont trop polluées, car il permet in fine de limiter les pollutions et de remettre le captage en état, plutôt que de conduire à son abandon.

La procédure de demande de préemption peut sembler complexe et n’est pas nécessairement à la portée de toutes les communes. De plus, les éventuels conflits d’usages sur le territoire peuvent mettre les collectivités dans une position délicate vis-à-vis d’une telle demande. Aussi pourrait-il être envisagé de faciliter la demande de préemption faite par les communes au préfet, en prévoyant le soutien technique et financier des services de l’État à la réalisation des documents préalables à la demande. Une fois les communes propriétaires, il conviendrait de prévoir également le soutien des services de l’État à la valorisation de ces zones.

En outre, la possibilité pourrait être donnée au préfet de procéder d’office à la préemption, s’il est avéré qu’il existe un risque trop grand de pollution de la zone de captage, attesté par des mesures de la qualité de l’eau. Enfin, la transformation des parcelles concernées en forêts, en prairies permanentes ou encore en surfaces de pratiques agricoles encadrées afin de limiter la pollution émise, pourrait se révéler un bon moyen d’occuper ces surfaces.

Proposition n° 17 : Prévoir un soutien financier et technique systématique des services de l’État aux collectivités dans la réalisation des études et documents préalables à la demande de préemption d’une aire d’alimentation de captage (AAC).

 

Proposition n° 18 : Prévoir un soutien des services de l’État aux communes après leur acquisition des zones préemptées dans les aires d’alimentation de captage (AAC), notamment afin de favoriser sur ces zones le développement de forêts, de prairies permanentes ou de pratiques agricoles encadrées.

 

Proposition n° 19 : Prévoir un droit de préemption d’office par le représentant de l’État dans le territoire si le risque de pollution de l’aire d’alimentation de captage (AAC) est avéré.

d.   Les risques pour la santé humaine en période de sécheresse et en territoire urbain

En période de forte sécheresse et de canicule, des restrictions d’usage sont souvent prises par les pouvoirs publics afin de préserver au maximum la ressource en eau, pour les usages vitaux comme l’eau potable.

Toutefois, ces périodes peuvent être très difficiles à vivre pour une partie de la population, notamment celle située dans des îlots de chaleur urbains, qui se manifestent par plusieurs degrés d’écart entre la température des villes et celle des campagnes avoisinantes. Cela s’amplifie la nuit, où par exemple l’agglomération parisienne peut afficher jusqu’à dix degrés de plus qu’aux alentours ([73]). Les phénomènes de canicule peuvent conduire à une surmortalité, notamment chez les personnes les plus fragiles. Santé publique France estime que les trois périodes de canicule de l’été 2022 ont conduit à une surmortalité de + 16,7 %, soit 2 816 morts supplémentaires ([74]).

L’un des éléments qui permet d’y remédier est la végétalisation des villes, car les arbres permettent de rafraîchir l’atmosphère, tout en protégeant du soleil en créant de l’ombre. L’arbre réfléchit environ 20 % du rayonnement solaire. L’évapotranspiration permet aux arbres de rejeter de l’eau dans l’air, ce qui préserve l’humidité et rafraîchit l’atmosphère. Un arbre peut ainsi rejeter jusqu’à 1 000 litres d’eau par jour pour un chêne, 75 litres d’eau par jour pour un bouleau. Dans certaines conditions, les arbres peuvent ainsi refroidir l’air ambiant de 2° à 8° C([75]).

Selon l’Agence pour la transition écologique (Ademe), un arbre mature dont s’évaporeraient 450 litres d’eau représenterait à lui seul l’équivalent de cinq climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures ([76]). De plus, les feuilles et le bois mort enrichissent les sols et favorisent la création de l’humus, qui se gorge d’eau lors des pluies.

Or, les restrictions d’usage de l’eau durant ces périodes de sécheresse interdisent le plus souvent l’arrosage des espaces verts et des arbres, alors que ceux-ci permettraient justement de réguler la température. De plus, les villes investissent dans la végétalisation de leurs territoires afin d’améliorer la qualité de vie de leurs habitants dans les années à venir, et d’anticiper les effets croissants du changement climatique. Or, en l’absence d’arrosage, ces investissements parfois lourds, seront perdus, et la santé publique des habitants détériorée.

Certaines modulations seraient nécessaires, notamment pour les plus jeunes arbres. À titre d’exemple, au cours de l’été 2023, la préfecture du Var avait interdit l’arrosage des pelouses, massifs fleuris et espaces verts. Pour les arbres et arbustes plantés en pleine terre depuis moins d’un an, l’interdiction courait de 9 heures à 19 heures uniquement, et de 8 heures à 20 heures pour les jardins potagers.

Pour sa part, la préfecture des Pyrénées-Orientales a prévu, dès le printemps 2023, la réduction de 50 % de l’arrosage des arbres, arbustes et vignes plantées depuis moins de trois ans ([77]). Durant la sécheresse de 2022, la préfecture de la Drôme avait placé le département au niveau maximal d’alerte, interdisant l’arrosage des arbres. La mairie de Valence a pourtant choisi de continuer d’arroser ses arbres afin de préserver des îlots de fraîcheur. En effet, ces arbres peuvent parfois représenter la seule source de fraîcheur pour des habitants qui n’auraient pas de jardin ou de climatisation. Le maire de Valence a ainsi indiqué avoir planté 5 000 arbres en deux ans, qui seraient susceptibles de mourir s’ils étaient privés d’arrosage.

Il ne semble donc pas exister d’harmonisation de ces pratiques, ni d’obligation à prévoir une exception d’arrosage pour les jeunes arbres. Or, les sécheresses étant amenées à se reproduire plus fréquemment et avec une intensité de plus en plus forte, il semble opportun de prévoir des mesures structurelles permettant de concilier les restrictions d’usages pour une adaptation de court terme, et les nouveaux investissements urbains nécessaires à une adaptation de plus long terme.

Ainsi, les rapporteurs sont favorables à l’instauration d’une règle qui serait suivie par tous les préfets lors de la prise d’arrêtés de sécheresse, afin de prévoir une dérogation aux restrictions d’usages pour l’arrosage des jeunes arbres et arbustes.

Proposition n° 20 : Prévoir dans tous les arrêtés cadre « sécheresse », une dérogation, permettant d’arroser les jeunes plants d’arbres et d’arbustes, en favorisant l’arrosage avec des eaux non conventionnelles.

II.   Comment mieux adapter les politiques de l’eau aux effets du changement climatique ?

L’adaptation au changement climatique peut prendre de multiples formes. Avant de chercher à trouver de nouvelles ressources, il s’agit de préserver et reconstituer les ressources existantes, tout en réduisant parallèlement la demande en eau, afin de parvenir à une certaine stabilité. Cette stratégie d’adaptation nécessite tout d’abord de favoriser l’infiltration de l’eau dans les sols et les nappes phréatiques, de repenser l’aménagement du territoire, et de préserver les zones humides.

A.   Favoriser la préservation de la ressource dans son milieu naturel

1.   Développer la restauration des continuités écologiques et favoriser l’infiltration dans les nappes phréatiques

a.   Plusieurs facteurs nuisent à la recharge des nappes phréatiques

La baisse des réserves d’eau dans les nappes phréatiques est en partie liée aux effets du changement climatique.

Les nappes phréatiques se rechargent habituellement pendant la période hivernale, lorsque les températures sont basses et l’activité des plantes ralentie, ce qui limite l’évapotranspiration. Sous l’influence du changement climatique, on constate que la période de recharge diminue : deux à trois semaines de recharge auraient ainsi été perdues au cours des dernières années.

À l’exception de l’année 2021, les six dernières années ont été marquées par un déficit dans la recharge hivernale des nappes souterraines, particulièrement fort en 2022 et 2023. Au 1er juin 2023, 66 % des niveaux des nappes se situaient en‑dessous des normales mensuelles ([78]). Certains chercheurs auditionnés par la mission d’information estiment ainsi qu’à l’horizon 2040-2050, la période de recharge des nappes se situera entre octobre et février.

L’urbanisation des territoires, est un autre facteur permettant d’expliquer la diminution de la recharge des nappes phréatiques. L’urbanisation a entraîné l’imperméabilisation et l’artificialisation les sols. Ces deux notions sont proches et se recoupent partiellement. L’artificialisation des sols est définie dans l’article 192 de la loi dite « climat et résilience » ([79]) comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

Ainsi, dans le code de l’urbanisme, est considérée comme artificialisée une surface « dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » ([80]). La transformation d’un sol à caractère agricole, naturel ou forestier, par des actions d’aménagement pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle, est considérée comme de l’artificialisation. La définition de l’artificialisation est donc plus large que celle de l’imperméabilisation.

Un sol est imperméabilisé lorsqu’il est recouvert d’un matériau imperméable à l’air et à l’eau, comme par exemple, l’asphalte ou le béton (routes, voies ferrées, parkings, constructions…). Toutefois, les deux notions ne sont pas synonymes : certains sols dits « non artificiels » sont imperméables, comme les roches nues, et d’autres dits artificiels, peuvent être perméables, comme certains espaces verts, zones récréatives et de loisirs, ou encore les jardins des maisons ([81]). L’une des conséquences de l’imperméabilisation est le ruissellement de l’eau plutôt que son infiltration, qui accroît le risque d’inondation en cas de fortes précipitations et limite la recharge des nappes phréatiques.

De plus, comme mentionné infra, l’absence d’arbres et la présence de constructions accroît la température de l’air, conduisant à des îlots de chaleur urbains. Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers via l’artificialisation des sols. Entre 1936 et 2020, la population française vivant en ville est passée de 53 % à 81 % ([82]). D’après un rapport du Sénat de 2021 ([83]), les aires urbaines couvrent aujourd’hui 22 % du pays, contre 7 % en 1936.

L’eau dite « verte » correspond à l’eau de pluie et l’eau présente dans les sols, qui est captée et évapotranspirée par les plantes. Toutefois, comme l’a expliqué l’ingénieure hydrologue Mme Charlène Descollonges lors de son audition, une partie croissante de l’eau verte est détournée de son parcours naturel, notamment via le ruissellement qui dirige cette eau dans les réseaux d’eau et d’assainissement, plutôt que dans les sols et les nappes. L’eau ne joue donc plus son rôle d’humidification des sols et d’alimentation de la végétation et, à terme, des nappes.

L’une des conséquences est un assèchement des sols urbains, notamment en période de sécheresse, qui aggrave encore le ruissellement et nuit à l’infiltration, formant un cercle vicieux. Ainsi, le président du comité de bassin Artois-Picardie a expliqué aux rapporteurs que les inondations de novembre 2023 dans le Pas‑de‑Calais, liées aux fortes précipitations et aux crues, résultaient en partie du fait que l’eau ne s’infiltrait pas dans les nappes.

Sur le moyen-terme, la modification des régimes pluviométriques va donc nécessiter une adaptation de nos comportements afin de rétablir le grand cycle de l’eau (infiltration, recharge naturelle et maîtrisée des nappes) et connecter le petit cycle (distribution, eau potable et assainissement) avec le grand cycle (recharge des nappes, eaux usées traitées, approches multisectorielles).

b.   Des solutions fondées sur la nature permettent une meilleure infiltration de l’eau dans les sols

Il existe un panel de solutions permettant d’améliorer l’infiltration de l’eau dans les sols. Ces adaptations doivent toutefois également prendre en compte les risques associés, comme le risque de remontées de nappe ou de retrait-gonflement argileux par exemple. Le meilleur stockage possible pour l’eau est dans les nappes phréatiques, car elle est ainsi protégée de l’évaporation et des pollutions présentes en surface. L’objectif est donc de favoriser l’infiltration des eaux pluviales directement dans les sols, et de ré-humidifier les territoires. De plus, l’eau qui ruisselle se pollue par la même occasion, via le lessivage du sol. Aussi, permettre une meilleure infiltration de l’eau pluviale à la parcelle a aussi pour effet d’améliorer la qualité de l’eau. Cela peut passer par divers aménagements urbains comme ruraux.

Au cours du temps, les rivières ont été approfondies et redressées par l’homme, ce qui a accéléré le cycle de l’eau. Pour y remédier, il est possible de procéder au reméandrage des cours d’eau, qui consiste à remettre le cours d’eau dans ses anciens méandres ou à créer un nouveau tracé, pour lui redonner une morphologie sinueuse, se rapprochant de son style fluvial naturel. Il s’agit de ralentir les vitesses d’écoulement, en période de crue notamment. Cela permet également d’améliorer la diversification des habitats du cours d’eau et de limiter l’eutrophisation.

Le reméandrage tend aussi à réduire le risque d’inondation, grâce à une meilleure capacité de rétention. L’eau déborde plus facilement en amont, et recharge ainsi les nappes situées à proximité, permettant un rechargement « passif », sans surcoût énergétique, contrairement à un rechargement artificiel. La restauration peut prendre quelques mois pour une rivière à forte énergie, à quelques décennies pour un cours d’eau peu puissant ([84])

L’objectif est la gestion de l’eau « à la parcelle », c’est-à-dire d’infiltrer la goutte d’eau au plus près de l’endroit où elle tombe. Cela revient à « déconnecter » une partie de l’eau pluviale du réseau d’eau et d’assainissement classique, puisqu’elle n’est plus acheminée dans les canalisations, mais bien infiltrée directement dans le sol. L’objectif est de créer des aménagements permettant de recueillir une partie importante de l’eau pluviale, stockée naturellement et restituée progressivement au milieu. Cette méthode permet aussi de soulager les réseaux d’eaux usées et d’éviter leur éventuel débordement en période d’inondation, qui conduit à une pollution de l’eau et des milieux.

En effet, selon les Acteurs du traitement des eaux de la parcelle (ATEP), auditionnés par les rapporteurs, la gestion des eaux pluviales en « tout réseau » est l’une des causes principales de la dégradation de la qualité des fleuves et des rivières. Les inondations par débordement de réseau d’assainissement seraient en cause dans près de 60 % des inondations reconnues comme catastrophes naturelles.

La gestion des eaux pluviales à la parcelle est donc particulièrement pertinente à développer en milieu urbain. Elle requiert toutefois de changer de paradigme et de placer la question de l’eau en amont de toute politique publique, qu’il s’agisse de l’urbanisme, de la voirie, de la construction de bâtiments publics, des espaces verts, etc. Il est par exemple nécessaire d’identifier les axes sur lesquels le ruissellement des eaux pluviales est le plus important, afin d’élaborer des parcours visant à réduire ce ruissellement au maximum. Tous les nouveaux projets de construction en ville doivent être envisagés sous l’angle de la déconnexion des eaux pluviales et de la désimperméabilisation. Le canton de Genève est précurseur en la matière, avec la démarche « Eau en ville » qui, via un certain nombre de projets, entend créer une ville plus résiliente au changement climatique et ses effets, notamment les modifications de pluviométrie.

Cette démarche implique une végétalisation et une désimperméabilisation concomitante des surfaces urbaines, et l’installation de zones permettant de déconnecter les eaux pluviales, par exemple grâce à une fosse dite « de Stockholm ». Ce dispositif est particulièrement adapté sur les zones où il est nécessaire de maintenir une facilité de circulation, y compris avec des engins lourds. L’infiltration doit donc être rendue possible en dessous des espaces construits et aménagés. À titre d’exemple, la Métropole de Lyon a mis en place une fosse de Stockholm sur une partie de la place de Francfort, située près de la gare de Lyon Part-Dieu. En sous-sol, les arbres plantés peuvent développer leurs racines grâce à un mélange de terre et de pierre, qui assure toutefois la portance. Au-dessus de cette couche, est installé un massif infiltrant composé de matériaux de types galets, avec une forte porosité, permettant de stocker l’eau pluviale et de la laisser s’infiltrer dans les couches inférieures.

Cette solution permet de rendre une zone urbanisée perméable tout en maintenant les usages précédents de cette surface. Les essences des arbres plantés sur la place sont aussi sélectionnées pour leur résistance au changement climatique et leur capacité à fournir de l’ombre de façon importante. Ainsi, la place est déconnectée du réseau d’assainissement et sera plus ombragée et rafraîchie, tout en permettant une facilité de circulation équivalente. Le coût de ce dispositif est toutefois élevé. L’utilisation de revêtements poreux, comme le béton alvéolaire ou le béton drainant, peut permettre par exemple de remplacer certaines surfaces qui doivent toutefois conserver une facilité de circulation, mais sont ainsi plus perméables à l’eau.

Une fosse de Stockholm a aussi été installée dans la ville de Carouge dans le canton de Genève, permettant la récolte des eaux de surfaces sur une superficie de 400 mètres carrés (m2). Elle est constituée d’une couche de matériaux grossiers comme des cailloux, permettant l’infiltration et le stockage de l’eau en dessous, tout en laissant passer de l’air. La capacité drainante de ces fosses peut être utile en cas de fortes précipitations qui auraient conduit à des inondations avec le ruissellement classique. Lorsque la fosse est « pleine », le trop-plein est reversé au réseau.

Lors de leur déplacement à Lyon, les rapporteurs ont pu rencontrer les vice‑présidents de la Métropole de Lyon en charge du cycle de l’eau et de l’environnement, et visiter certains des aménagements de la ville, relatifs au programme « Ville perméable ». La démarche de la Métropole, qui place l’eau au centre de la vie urbaine et de tout projet de construction, est exemplaire en matière d’adaptation au changement climatique.

L’agglomération lyonnaise s’est largement artificialisée au cours des dernières décennies : plus de 10 333 hectares ont été artificialisés entre 2005 et 2015. Lyon est aussi l’une des grandes villes qui a été le plus touchée par la hausse des températures durant l’été 2023. En outre, 85 % de la métropole lyonnaise est reliée à un réseau unitaire, qui mélange donc eaux pluviales et eaux usées.

La Métropole a ainsi décidé de se doter d’une stratégie portée par une délibération cadre « Ville perméable » en mars 2022. L’objectif consiste à désimperméabiliser et déconnecter les eaux pluviales sur 400 hectares de surfaces urbaines d’ici 2026, soit multiplier par 4 le rythme de déconnexion et de désimperméabilisation par rapport au mandat précédent. La stratégie est construite selon deux axes : le premier concerne la ville qui s’étend et se renouvelle, par des programmes intégrant la gestion de l’eau et une réglementation interdisant les rejets d’eau pluviale au réseau. Le second est celui de la ville existante, sur laquelle les efforts doivent être portés car elle représente la majeure partie de l’espace urbanisé.

Cet objectif de « Ville perméable » est inscrit dans le plan local d’urbanisme et de l’habitat (PLU-H) de la Métropole du grand Lyon, qui prévoit qu’en zone urbaine, les coefficients de pleine terre passent de 5 à 15 %, de 20 à 25 % ou de 40 à 50 % selon les secteurs. Un contrat triennal dit « contrat métropolitain pour une ville perméable » a été signé avec l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, qui a apporté un soutien de 18 millions d’euros. Le contrat a été construit en collaboration avec 23 signataires qui contribuent au changement de paradigme, dont 13 communes et quatre bailleurs sociaux.

Le projet de ville perméable permet la création d’espaces multifonctionnels et multiservices, qui peuvent à la fois comporter des espaces verts et des aménagements d’infiltration des eaux pluviales, à l’image du parc Jacob Kaplan situé dans le quartier de la Buire à Lyon. L’eau pluviale des toitures y est collectée dans des bâches, ce qui permet ensuite d’arroser les espaces verts et d’alimenter le bassin du parc. Pour les plus grosses pluies, une fois la bâche pleine, les eaux sont dirigées vers les ouvrages d’infiltration comme la noue paysagère (bandes plantées), espace conçu en dépression (20 à 40 cm de profondeur) afin d’infiltrer un volume plus important d’eau. Pour les pluies les plus fortes, le trop-plein retourne au réseau d’assainissement.

Une grille et un avaloir permettant de déverser l’éventuel trop-plein d’eau pluviale dans le réseau sont toujours prévus et positionnés en aval des dispositifs d’infiltration à la parcelle.

Lyon, « Ville perméable » : l’exemple des arbres de pluie

La métropole de Lyon, dans le cadre du projet Life intégré Artisan » ([85]) , financé en partie par l’Union européenne, a aménagé une vingtaine « d’arbres de pluie » démonstrateurs sur son territoire. Les rapporteurs ont pu observer l’aménagement des cinq arbres de pluie de la rue Vauban, créés en 2021.

Ces arbres, déjà existants, ont été transformés en « arbres de pluie » via un aménagement de leur fosse de plantation, qui a été pensée et dimensionnée en surface et en dépression pour gérer une partie des eaux de ruissellement et favoriser le développement de l’arbre et la biodiversité.

Cela se matérialise par un agrandissement des fosses d’arbres à 10 mètres carrés minimum et la création d’une tranchée d’infiltration sur le caniveau, qui doit atteindre au moins 1 mètre cube de volume. La tranchée est composée de matériaux permettant le stockage et l’infiltration progressive de l’eau dans la fosse de l’arbre. Les bordures du trottoir sont ouvertes devant la tranchée et légèrement en pente, afin de diriger l’eau de pluie directement dans la tranchée d’infiltration.

L’arbre de pluie est conçu pour infiltrer une hauteur d’eau maximale de 15 mm, ce qui correspond à un stockage temporaire dans la fosse d’arbre de 1 mètre cube d’eau maximum, pour une surface déconnectée de 100 mètres carrés. Au-delà de cette quantité ou de cette surface, les eaux partent dans le réseau. Ainsi, les 15 premiers millimètres de pluie peuvent être directement infiltrés dans l’arbre de pluie, soit 80 % des pluies annuelles. Les cinq arbres de pluie entrent « en charge » les uns à la suite des autres : lorsque le premier est « plein », le second prend le relais, etc.

De nombreux capteurs situés autour et sur les arbres de pluie, ainsi que sur des arbres témoins, ont montré que la quantité d’eau infiltrée a permis d’améliorer les conditions de vie de l’arbre par rapport aux arbres voisins de la même espèce, avec une croissance journalière quasiment doublée, et une absence de stress hydrique. En outre, les arbres de pluie de la rue Vauban ont montré que l’infiltration complète des pluies de la rue (660 m2) était possible avec une surface perméable de 65 m2 pour des pluies de faible à moyenne intensité. Ainsi, pendant l’hiver, les arbres ont infiltré 24 millimètres par jour et pendant l’été jusqu’40 millimètres par jour, avec parfois 20 millimètres en 20 minutes.

En « forçant » les arbres de pluie à procéder à une évapotranspiration plus importante en raison de la quantité d’eau infiltrée, ce dispositif permet de rafraîchir davantage les zones urbaines, en été notamment.

D’autres aménagements, comme celui de la rue Garibaldi, sont pensés en fosse de plantation d’arbres continue, avec des poches de stockages entre les arbres. Cette rue, autrefois axe routier très dense avec sept voies de circulation, a été réaménagée en 2013. L’eau de ruissellement non polluée des trottoirs est directement infiltrée dans la noue, et l’eau de la route considérée comme possiblement plus polluée, se dirige dans le réseau.

Schéma de fonctionnement d’un arbre de pluie

Source : Livret technique « Les arbres de pluie », Métropole du Grand Lyon.

Même si le dispositif des arbres de pluie concerne des arbres déjà existants, il est nécessaire de procéder concomitamment à une plus grande végétalisation de la ville. À ce titre, la Métropole de Lyon augmente considérablement le nombre d’arbres plantés. Entre 1 200 et 2 000 arbres étaient plantés en moyenne jusqu’à présent. Or, la saison dernière, plus de 24 000 arbres ont été plantés, et la plantation de 32 000 arbres est prévue pour cette année.

La densification des plantations doit également être prise en compte. Plus les arbres sont plantés de façon dense et rapprochée, plus l’effet de rafraîchissement de la température est important. Ainsi, sur les mois de juin à septembre, a été constatée une différence de 4,2° C entre une rue où des platanes étaient plantés tous les 14 mètres, et une rue où des arbres étaient plantés de façon plus rapprochée avec différentes strates de végétation (arbres intermédiaires, arbustes, couvre-sols) dans la ville de Lyon. Cette différence peut atteindre 7,4° C en période de canicule.

Certains obstacles demeurent pour la mise en œuvre de ces différents aménagements. Se pose la question de leur entretien, et du coût de celui-ci. Les différents services ne sont pas toujours formés où n’ont parfois pas les moyens d’entretenir des espaces plus végétalisés ou qui comprennent des dimensions spécifiques. De plus, une véritable sensibilisation et une évolution des cultures métiers doivent encore se produire pour systématiser la prise en compte des enjeux de l’eau dans l’ensemble des projets d’aménagement et pour développer une ingénierie et une maîtrise d’ouvrage plus performantes.

Les rapporteurs jugent donc que les initiatives comme le programme « Ville perméable » engagé par la Métropole de Lyon, constituent des solutions concrètes à la variation de la ressource en eau en milieu urbain, et sont à encourager et à déployer plus largement sur le territoire.

La restauration des milieux et zones humides en milieu urbain comme péri‑urbain ou rural est également souhaitable, via la création de jardins de pluie, d’espaces verts, de marais ou encore de plaines d’inondation.

La Banque des territoires et la Caisse des dépôts ont informé les rapporteurs, lors de leur audition, que des projets de désimperméabilisation des sols, ouvrages de protection, restauration des cours d’eau ou encore gestion des milieux aquatiques étaient finançables au tire de l’« aquaprêt », le dispositif financier de la Banque des territoires créé à la suite des Assises de l’eau, qui permet d’emprunter en bénéficiant d’un taux et d’une durée d’amortissement favorables.

Le Plan eau prévoit également des mesures visant à restaurer le grand cycle de l’eau, notamment avec 70 projets d’opérations phare labellisées « solutions fondées sur la nature », qui seront lancées comme démonstrateurs. En outre, 100 millions d’euros seront dédiés au financement de projets de renaturation et de désimperméabilisation des collectivités avec le Fonds vert. Enfin, un travail sera engagé pour redynamiser le plan national de la filière de génie écologique (savoir‑faire en matière de reconstitution des milieux naturels), dont le premier bilan national remonte à 2012.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé des études afin de cartographier les zones favorables et défavorables à l’infiltration des eaux pluviales dans plusieurs villes. Ainsi, l’étude Phoebus 2019 ([86]) a permis d’évaluer les contraintes à l’infiltration des eaux pluviales urbaines sur le territoire de Rennes Métropole. La carte du potentiel naturel à l’infiltration des eaux pluviales a été traduite en carte réglementaire à l’échelle parcellaire. Cette carte indique les parcelles où l’infiltration devient obligatoire dans le cadre du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole. En effet, Rennes Métropole souhaitait établir un règlement de gestion des eaux pluviales intégrant cette cartographie. Ainsi, 67 % du territoire de Rennes Métropole est classé en infiltration obligatoire.

À Toulouse, le même type de cartographie a été réalisé (étude Capitoul) ([87]) en 2022. Dans le cadre de ce projet, a aussi été créé un système de gestion de base de données inédit capitalisant les données géotechniques de la métropole, un méta-modèle de montée des eaux souterraines, et un modèle tridimensionnel de la perméabilité des sols. Le calcul de l’indice de capacité d’infiltration a été réalisé, outil d’aide à la décision des dirigeants.

Il est aujourd’hui prévu, par l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, que les communes délimitent « les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ». Toutefois, il semble opportun d’aller plus loin et de mettre en place une obligation de prévoir une infiltration à la parcelle sur ces zones.

Les rapporteurs jugent que les cartographies comme celles réalisées à Rennes et Toulouse sont à encourager et à développer sur l’ensemble du territoire, couplées à l’intégration de la gestion systématique des eaux pluviales dans les PLU et PLUi. Plus largement, il est nécessaire de repenser l’aménagement du territoire en y intégrant des objectifs de désimperméabilisation des sols, au même titre que la lutte contre l’artificialisation. En effet, comme cela a été mentionné infra, même les zones artificialisées peuvent être rendues plus perméables et doivent l’être. Aussi, même dans les zones ou l’artificialisation est autorisée, il est nécessaire de désimperméabiliser le plus possible ces surfaces, et d’y permettre l’infiltration des eaux pluviales.

Les rapporteurs proposent donc de généraliser les cartographies comme celles réalisées pour les métropoles de Rennes et Toulouse à l’ensemble des villes, et d’intégrer dans les documents d’urbanisme des zones où l’infiltration devient obligatoire. Ces zones devront coïncider au maximum avec les zones détectées par le BRGM comme ayant le plus gros potentiel d’infiltration. Ainsi, même si ces zones sont imperméabilisées, cette mesure impliquera de trouver des moyens de les désimperméabiliser et de les déconnecter du réseau. Cela pourra toutefois être mis en place progressivement, en tenant compte des réalités et contraintes locales.

Plus largement, les rapporteurs proposent, à la manière de l’objectif de « zéro artificialisation nette », de mettre en place un objectif de réduction de l’imperméabilisation, intégré dans tous les documents d’urbanisme, qui s’imposerait à toutes les communes en charge de l’élaboration des PLU(i).

Il est déjà possible aujourd’hui pour les communes d’imposer dans les PLU(i), un coefficient d’imperméabilisation maximal (rapport entre la surface imperméable ou semi-perméable et la surface totale de la parcelle), un coefficient d’emprise au sol maximal (CES) ([88]), ou encore des coefficients de pleine terre (CPT) ([89]), ou de biotope par surface (CBS) ([90]). Toutefois, il pourrait être envisageable a minima de hiérarchiser ces différents coefficients et d’harmoniser les pratiques entre les différentes communes.

En outre, le code général des collectivités territoriales prévoit, en son article L. 2224-10, que les communes peuvent délimiter les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement. Aussi, il serait envisageable d’aller plus loin et de faire de cette possibilité une obligation.

En effet, le code de l’urbanisme n’impose pas aujourd’hui de privilégier le coefficient de pleine terre au coefficient de biotope, par exemple. La commune chargée du PLU(i) est donc libre d’imposer l’un ou l’autre, mais peut aussi faire le choix de ne rien imposer. Même lorsqu’un coefficient de pleine terre est imposé, le pourcentage de pleine terre est fixé librement par la commune et peut donc être assez faible. De plus, les constructions peuvent prévoir plusieurs petites surfaces de pleine terre dispersées au sein d’un projet, qui sont d’un intérêt moindre comparé à une surface de pleine terre d’un seul tenant.

En outre, une étude réalisée par l’Institut Paris Région ([91]) souligne que les documents d’urbanisme visent de plus en plus à préserver la « pleine terre », mais que l’absence de définition partagée de ce terme complique la donne. Parmi les PLU(i) analysés par cette étude, la plupart ne disent presque rien au sujet de la qualité ou de la fonctionnalité écologique du sol.

Le chevauchement entre ces différents coefficients semble complexe et ne permet pas de fixer pour les communes, une réelle obligation de les prendre en compte dans les documents d’urbanisme. Il semble donc opportun de prévoir un référentiel national clair, qui impose par exemple, la définition d’un coefficient d’imperméabilisation dans tous les PLU et une trajectoire de réduction de celui-ci, en fonction du contexte local. Par ailleurs, il pourrait être pertinent de prévoir un accompagnement financier aux travaux de désimperméabilisation et de déconnexion du réseau, dans les zones prioritaires les plus sensibles aux risques d’inondation.

Ces aides pourraient prendre la forme de subventions aux collectivités qui entreprennent ce type de travaux, et de primes destinées aux particuliers, versées par les agences de l’eau.

Proposition n° 21 : Systématiser les cartographies des zones favorables et défavorables à l’infiltration des eaux pluviales en zone urbaine, et calculer l’indice d’infiltration de celles-ci, en sollicitant l’expertise du BRGM.

 

Proposition  22 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme un règlement des eaux pluviales définissant des parcelles où l’infiltration devient obligatoire, en prenant en compte les contraintes locales. Ce règlement se base sur une carte du potentiel naturel à l’infiltration, telle que celles réalisées par le BRGM.

 

Proposition n° 23 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme l’obligation de définir un coefficient d’imperméabilisation à l’échelle de la commune et une trajectoire de réduction de ce coefficient. Intégrer également dans les documents d’urbanisme des règles de construction spécifiques afin de favoriser les projets permettant l’infiltration à la parcelle.

 

Proposition n° 24 : Prévoir une prime permettant de financer des aménagements de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau pour les particuliers, sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.

 

Proposition n° 25 : Prévoir un accompagnement financier par l’État des collectivités qui entreprennent des travaux de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau.

c.   La recharge artificielle des nappes : une voie à explorer

En parallèle de la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature, qui vise une recharge naturelle des nappes en renforçant le grand cycle de l’eau, il est possible d’envisager une recharge artificielle des nappes phréatiques. La question du type d’eau utilisée pour cette recharge reste à définir. Il serait possible de récupérer et stocker l’eau pluviale trop abondante et ne parvenant plus à s’infiltrer, ou encore d’utiliser les eaux de surface notamment en période de fortes précipitations. Enfin, l’utilisation de l’eau réutilisée traitée a aussi été évoquée.

Plusieurs personnes auditionnées ont mentionné la pertinence de la recharge artificielle des nappes auprès des rapporteurs, selon certaines conditions. Le premier critère de faisabilité est la disponibilité de l’eau de recharge à proximité du site d’injection, afin d’assurer un apport régulier en eau et de limiter les coûts potentiels de son transport.

Il existe plus d’une cinquantaine de sites en France sur lesquels une recharge maîtrisée de nappes phréatiques a été ou est réalisée depuis de nombreuses années, y compris pour de l’alimentation en eau potable (par exemple, les sites de Houlle-Moulle, Croissy sur Seine ou encore Crépieux-Charmy). Sur ces sites, seules des eaux de surface sont utilisées pour la recharge. L’exemple le plus récent concerne l’expérience « R’Garonne », lancée en 2021 conjointement par le BRGM et Réseau31, qui vise à permettre un soutien d’étiage de la Garonne durant la période estivale, à partir d’infiltrations dans la nappe alluviale ([92]) latérale.

La recharge artificielle se fait à partir du Canal Saint-Martory au cours de l’automne, de l’hiver et du printemps, afin d’augmenter les volumes disponibles d’eau souterraine. Cette expérience relève d’une démarche collaborative : l’agence de l’eau Adour-Garonne, le conseil départemental de la Haute-Garonne, le conseil régional d’Occitanie et la direction départementale des territoires de HauteGaronne ont souhaité investir financièrement dans cette expérimentation. Son coût est estimé à 1,85 million d’euros pour une durée de quatre ans. Le volume d’infiltration estimé se situe entre 5 et 10 millions de mètres cubes.

 

Principe de la recharge maîtrisée de la nappe d’accompagnement
de la Garonne ([93])

Il existe également des expérimentations et recherches en cours sur l’utilisation d’eaux usées traitées à des fins de recharge artificielle des nappes. Ces recherches sont menées sur le site expérimental d’Agon-Coutainville en Normandie, et montrent à ce stade que les eaux usées traitées peuvent offrir une qualité élevée et pourraient représenter une alternative disponible tout au long de l’année, particulièrement en période d’étiage, lorsque les ressources conventionnelles sont indisponibles ([94]).

Le Plan eau prévoit à ce sujet, qu’une stratégie nationale et un guide technique relatifs à la mise en place de systèmes de recharge maîtrisée des aquifères seront élaborés.

Il convient toutefois de prendre en compte, dans la recharge, le coût énergétique de celle-ci, et d’être vigilant sur la maîtrise de la qualité de l’eau injectée, afin d’éviter toute forme de contamination de la nappe par d’éventuelles pollutions. Les rapporteurs jugent qu’il est important de poursuivre les recherches en matière de recharge artificielle des nappes, y compris avec des eaux usées traitées.

Proposition n° 26 : Poursuivre et étendre les expérimentations sur la recharge artificielle de nappes phréatiques, y compris avec des eaux réutilisées traitées, dans des conditions de sécurité vérifiées.

2.   Favoriser la restauration des zones humides et la protection du rôle des forêts dans la préservation de la ressource

a.   Les zones humides permettent de ralentir le cycle de l’eau et d’accroître la résilience des écosystèmes

Les zones humides sont définies par l’article L. 211-1 du code de l’environnement comme des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Dans les milieux humides, l’eau est le facteur déterminant pour la vie animale et végétale. La composition en matière nutritive de ces territoires subit des fluctuations journalières, saisonnières ou annuelles, qui dépendent à la fois des conditions climatiques, de la localisation de la zone et du contexte géographique et topographique. Ces fluctuations sont à l’origine de sols particuliers, et d’une faune et d’une flore spécifiques. La définition et la délimitation des milieux humides sont des sujets complexes. Au niveau international, la convention relative à la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources, dite convention Ramsar, a adopté une définition assez générale qui prend en compte des milieux marins comme les récifs coralliens, ainsi que les cours d’eau et milieux souterrains.

Les critères de définition et de délimitation d’une zone humide ont été explicités notamment dans les articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement, qui prévoient que le préfet peut procéder à la délimitation de tout ou partie des zones humides en concertation avec les collectivités territoriales. Les critères de définition sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d’eau d’origine naturelle et à la présence éventuelle de plantes hygrophiles ([95]).

Les milieux humides sont des « amortisseurs » du changement climatique, car ils stockent le carbone atmosphérique, absorbent l’eau et freinent sa circulation, réduisant ainsi les crues et les inondations. En été, ils soutiennent les débits des cours d’eau et contribuent au rafraîchissement de l’air. En milieu littoral, ils constituent une barrière naturelle qui freine l’énergie des vagues et du vent et limite l’érosion du littoral.

Ces écosystèmes sont toutefois menacés par les activités humaines. Selon un rapport publié par la convention de Ramsar en septembre 2018, environ 35 % des milieux humides de la planète ont disparu entre 1970 et 2015 ([96]). Dans un rapport parlementaire sur la restauration et la valorisation des milieux humides de janvier 2019 ([97]), les parlementaires auteurs préconisaient notamment une amélioration de la connaissance et de la cartographie de ces zones, le renforcement de la territorialisation de leur gestion, ainsi que de faire des zones humides des zones prioritaires pour l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE).

Des initiatives, comme celles de la Fondation des pêcheurs créée en 2016, rattachée à la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique (FNPF), auditionnée par les rapporteurs, sont à encourager. La Fondation acquiert des espaces naturels, comme des cours d’eau, et des espaces artificialisés comme des plans d’eau ou des gravières, afin de les restaurer et les protéger, puis de les mettre à disposition des pêcheurs et du grand public. Les sites acquis sont placés entre les mains des fédérations départementales de la pêche, et une convention détermine la façon dont le site sera restauré, si besoin, et protégé.

À titre d’exemple, la Fondation des pêcheurs a récemment été sollicitée par la Fédération des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique du Cantal (FDAAPPMA 15) et par le Conservatoire des espaces naturels d’Auvergne (CEN Auvergne) pour acquérir un ensemble de 22 hectares de prairies d’estives, dont environ 10,5 hectares en zone humide, traversés par le ruisseau de Chaubasse. Cette acquisition, réalisée dans le cadre d’une vente avec appel à candidature orchestrée par la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) Auvergne Rhône-Alpes, a pour objectif la préservation du site, tant dans ses composantes agricoles qu’environnementales. Elle permettra notamment la restauration de zones humides, tout en maintenant des terrains à usage agricole, via un bail rural à clauses environnementales.

Les rapporteurs jugent que ce type d’initiative est à saluer et à encourager, via des subventions publiques. Dans cette même dynamique, le Plan eau prévoit de consolider la stratégie d’acquisition foncière du Conservatoire du littoral.

En 2022, a été lancé un plan national en faveur de la protection des milieux humides, qui comporte la liste des 18 zones humides françaises les plus emblématiques. Portant sur la période 2022-2026, ce plan, déclinaison de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2030, poursuit les efforts engagés dans le précédent plan (2014-2018). Il vise particulièrement à amplifier les actions en faveur de la connaissance, de la protection et de la restauration des milieux humides, via :

– le doublement de la superficie des milieux humides sous protection forte en métropole entre 2022 et 2030 et l’inscription de ces milieux dans l’ensemble des aires protégées en métropole et en outre-mer ;

– la préservation par l’acquisition de 8 500 hectares entre 2022 et à 2026 ;

– la restauration de 50 000 hectares de zones humides entre 2022 et 2026 ;

– la cartographie de l’ensemble des zones humides françaises d’ici fin 2024 ([98]).

Une mission a par ailleurs été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ([99]), visant à identifier les sites remarquables susceptibles d’accueillir un futur parc national dédié aux zones humides et préciser les modalités de mise en œuvre de celui-ci. L’estimation des coûts de ce parc national par la mission est la suivante :

– une phase d’identification et de préfiguration d’une durée de sept ans, à hauteur de 500 000 euros par an ;

– des coûts de gestion de 8 millions d’euros par an, dont 2 millions d’investissement, et 50 équivalents temps plein (ETP) (même si ce budget peut fortement varier en fonction du territoire choisi et des moyens déjà déployés sur place, il se base sur la pratique des autres parcs nationaux).

En outre, le budget prévu pour la protection des zones humides dans le Plan eau et dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 est en augmentation de 50 millions d’euros par an ([100]). Un décret, devant intervenir à la fin du premier trimestre 2024, devrait normalement intégrer les cartographies des zones humides prioritaires et les règles de protection à leur égard dans les règlements des PLU(i) ([101]).

La préservation et la restauration des zones humides font partie intégrante des stratégies d’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique, et de la préservation de la ressource dans son milieu naturel. Ce type d’approche « préventive » permet de ménager les milieux aquatiques et de réduire la vulnérabilité aux effets du changement climatique. Il est nécessaire de poursuivre et de renforcer la politique actuellement engagée.

b.   Les forêts ont un rôle à jouer dans la protection de la ressource en eau

Les liens entre l’eau et la forêt sont importants. L’eau est tout d’abord fondamentale pour la vie de l’arbre, c’est le composant de base de la sève. L’arbre régule sa température en fonction de la saison, en transpirant et en restituant ainsi de l’eau à l’air ambiant, sous forme de vapeur. Comme les autres végétaux, les arbres prélèvent l’eau contenue dans le sol et la stockent notamment en hiver et en automne, et la restituent à la forêt tout au long de l’année.

La forêt a également une influence considérable sur le cycle de l’eau. Lors de précipitations, une bonne part est interceptée par le feuillage, puis s’égoutte peu à peu ou glisse des branches sur le tronc. Cette retenue partielle de l’eau amortit et régule son arrivée au sol. La litière des arbres complète ce rôle d’amortisseur puisque l’eau s’y imprègne peu à peu. Le sol forestier est riche et préservé de la pollution. Les bactéries, champignons et micro-organismes présents dans le sol recyclent les composés minéraux et organiques contenus dans l’eau de pluie et participent à la filtration de l’eau. Cela permet à une eau plus saine de rejoindre les ruisseaux et rivières.

L’eau s’infiltre progressivement en profondeur et rejoint lentement les nappes phréatiques. Les tissus forestiers absorbent donc plus facilement les précipitations excédentaires pour les redistribuer ensuite de façon continue et régulière. Les racines des arbres constituent un réseau de micro-cavités de drainage vertical et horizontal, qui permet aux eaux de surface de s’écouler. Les inondations sont limitées, les rivières régularisées et l’érosion des sols plus rare ([102]).

Les forêts sont affectées par le réchauffement climatique, ce qui nuit à leur rôle dans le cycle naturel de l’eau. Un léger manque de pluie n’affecte pas les arbres, qui bénéficient de l’eau emmagasinée dans le sol lorsque la pluie a été abondante. Toutefois, lorsque le manque de précipitations se prolonge et que le réservoir en eau du sol n’est plus rempli qu’à 40 % et moins, les arbres souffrent du manque d’eau. Si le manque d’eau se prolonge, l’arbre se retrouve « sous-alimenté » en carbone, car il ne peut plus faire de photosynthèse et doit puiser dans ses réserves ; il est alors moins apte à se défendre contre les insectes et les maladies.

La proportion de la forêt française menacée par les risques de dépérissement liés au changement climatique ne fait pas consensus, mais le chiffre de 30 % des surfaces est couramment avancé. L’Office national des forêts (ONF) estime que 50 % de la forêt française pourrait avoir changé d’ici à 2070. Plusieurs facteurs affectent l’existence des forêts, notamment l’augmentation des températures et l’allongement de la saison de végétation, la sécheresse, les incendies, les vents et tempêtes, les hivers trop doux qui perturbent le cycle biologique des arbres et favorisent l’apparition prématurée de bourgeons qui risquent de périr au premier coup de froid, et l’action des insectes ravageurs et autres parasites.

Aussi, au regard du rôle joué par les forêts dans le cycle de l’eau, leur protection constitue un élément important de l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique.

Les forestiers jouent un rôle important dans la préservation et la restauration du rôle de la forêt dans le cycle de l’eau, notamment via la restauration de marais, la protection de mares et de cours d’eau ou encore la gestion des berges.

L’ONF participe ainsi à la renaturation de zones humides situées en forêts, comme par exemple le marais de Chautagne, en Savoie ([103]), qui s’assèche au fur et à mesure des années. D’une superficie de 2 000 hectares, dont 760 de forêts, ce marais est restauré par l’ONF et ses partenaires. Pour ce faire, l’ONF a fait des aménagements hydrauliques et a modifié les zones de production sylvicole en préservant les sols, limitant le drainage, et en adaptant les essences d’arbres.

Les boisements peuvent aussi permettre de protéger les captages en eau potable et d’améliorer la qualité de l’eau. Sur des zones particulièrement vulnérables aux pollutions, ils jouent un rôle de dilution des pollutions en tant que portion du territoire générant des eaux de bonne qualité, et un rôle local d’épuration de l’eau si la zone racinaire a accès à un flux d’eau polluée. Ainsi, la ville de Rennes a créé plus de 70 hectares de boisements autour d’un site de captage, et cela a contribué à la baisse des teneurs en nitrates des eaux. Le fait d’avoir des peuplements forestiers mélangés et irréguliers les rend encore plus favorables à la qualité de l’eau, car ils présentent une sensibilité différente aux aléas et la couverture du sol y est plus continue dans le temps ([104]).

Le Centre national de la propriété forestière ([105]) a également lancé le programme « EAU + FOR », qui a pour objectif de sensibiliser et d’accompagner les acteurs de l’eau et les forestiers, afin de nouer des partenariats sur des actions de protection de la ressource en eau. Le CNPF travaille à améliorer la concertation lors des démarches réglementaires de protection de captages. Les forestiers participent désormais aux six comités de bassin en métropole. Le CNPF a également validé des méthodes permettant de concilier exploitation forestière et captage d’eau, publiées dans un guide pratique pour protéger et valoriser l’eau forestière. Il cible la protection de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine en forêt.

Il est donc essentiel, dans un premier temps, de bien observer les forêts, car en avoir une connaissance fine est à la base de toute politique pour leur sauvegarde. Il convient aussi, dans les pratiques de sylvicultures, de diversifier les essences et la structure des forêts. La plantation est aussi un élément important du renouvellement des forêts et de leur adaptation au changement climatique. Après les annonces du Président de la République en octobre 2022, un travail d’élaboration d’une stratégie pluriannuelle de renouvellement et d’adaptation des forêts face au changement climatique a été lancé, afin de traduire l’ambition de planter 1 milliard d’arbres et de renouveler 10 % de la forêt.

Même si les coupes rases, c’est-à-dire l’abattage de l’ensemble des arbres d’une parcelle, n’est pas la seule option utilisée en sylviculture actuellement, celle‑ci appauvrit les sols et la biodiversité. Les sols sont ensuite érodés et la repousse de certains arbres s’avère plus difficile. La futaie irrégulière, qui consiste à faire résider dans une même parcelle des arbres d’âge, d’essence et de taille variés, dont les éclaircies sont réparties dans le temps, apparaît donc comme une réponse préventive aux coupes rases, à privilégier selon un rapport parlementaire sur l’adaptation de la politique forestière au changement climatique ([106]).

Il est donc essentiel, dans un premier temps, de chercher à restaurer la ressource en eau dans son milieu naturel, en levant les obstacles au bon écoulement de l’eau dans les nappes et en essayant de pallier les effets du changement climatique. Parallèlement à cette préservation de « l’offre », il est nécessaire de réduire la « demande » en eau, en développant une culture de la sobriété hydrique.

B.   Développer la sobriété hydrique

1.   Économiser l’eau au niveau des citoyens et des entreprises

Le terme utilisé pour parler de sobriété dans le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), est celui de « sufficiency », qui peut se traduire par « ce qui suffit ». Pour certains auteurs, ce concept représente un juste milieu entre deux visions : celle d’un monde où le progrès technologique est supposé pouvoir résoudre tous les problèmes, et celle d’un retour complet à la nature ([107]).

Le terme de sobriété, en français, évoque l’idée de contribuer au bien-être humain tout en respectant les limites planétaires. La première stratégie d’adaptation à mettre en œuvre est ainsi de réduire la consommation d’eau au minimum nécessaire. La sobriété passe donc à la fois par une réduction des prélèvements et de la consommation d’eau, et par une optimisation de son usage à l’aide de la technologie, qui permet d’améliorer son efficacité.

Dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique, la Cour des comptes affirme que « la réduction des prélèvements est la condition du retour à l’équilibre dans les zones en tension et de la restauration du bon état des masses d’eau ». De la même façon, le BRGM a estimé que la modification des régimes pluviométriques allait nécessiter une adaptation de nos comportements afin de viser une plus grande sobriété de tous les usagers, et rééquilibrer la balance entre demande d’eau et disponibilité de la ressource.

Plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs ont mentionné le fait que l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique devait être une stratégie de long terme, et non pas seulement constituée de mesures immédiates prises en réaction à des crises, ne faisant que retarder la véritable adaptation. Les mesures d’adaptation qui créent d’autres problématiques ou aggravent le réchauffement climatique par ailleurs peuvent en réalité être qualifiées de « maladaptation ». Repenser toutes les politiques de gestion de l’eau dans cette optique requiert des transformations profondes de nombreux aspects de notre société (fiscaux, sociaux, économiques…), et des investissements de long terme.

Plusieurs mesures ont déjà été prises dans le sens d’une plus grande sobriété et d’une réduction des prélèvements, qui doivent toutefois encore être renforcées. Ainsi, depuis les années 2000, le volume d’eau douce prélevée baisse, qu’il s’agisse de la production d’eau potable, des usages industriels ou encore de l’agriculture.

Les prélèvements en vue de l’alimentation en eau potable se sont relativement stabilisés à partir des années 1980, avec toutefois un pic en 2003, année de canicule. Depuis, ils tendent à diminuer. En 2019, ils étaient en baisse de 14 % par rapport à 2003 ([108]). Ils baissent d’environ 5 % tous les six ans ([109]), notamment en raison de l’amélioration des rendements des réseaux et de la baisse de consommation des ménages. Le niveau des prélèvements à des fins de distribution d’eau potable dépend principalement de la population résidente, de l’interconnexion des réseaux ou encore de la fréquentation touristique.

Les prélèvements à usage industriel et autres (commerce, collectivités et établissements publics, activités de loisirs, etc.) diminuent depuis le début des années 1980. L’amélioration des processus de production en est la principale raison, ainsi que le ralentissement de certaines activités (industries extractives, métallurgie, matériaux de construction, etc.).

Peu de données sont disponibles pour le secteur de l’agriculture, mais on constate tout de même une baisse de l’ordre de 4 % depuis 2008, sans compter l’amélioration de la performance des techniques d’irrigation.

À titre d’exemple, l’agence de l’eau Adour-Garonne a fait part aux rapporteurs de la trajectoire d’économie des prélèvements qui se dessine sur ce territoire :

– le bassin a connu une baisse des prélèvements agricoles de l’ordre de 10 % entre la décennie 2000-2010 et la décennie 2010-2020. Plusieurs facteurs explicatifs sont à noter, notamment l’évolution des assolements et l’amélioration des pratiques agricoles ;

– les prélèvements d’eau industriels ont baissé de près de 50 % sur les vingt dernières années, notamment grâce à des actions de recyclage de plus en plus poussées ;

– les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable ont baissé de près de 7 % au cours des vingt dernières années, alors que la population du bassin a augmenté de plus de 10 %. Ainsi, en ratio mètre cube/habitant, les prélèvements ont diminué de plus de 15 %, notamment grâce à la réduction des fuites sur les réseaux et aux pratiques plus économes des habitants.

La création des zones de répartition des eaux (ZRE) ([110]) constitue aussi un exemple de gestion maîtrisée de la ressource, dans une logique de sobriété. En effet, les territoires classés en ZRE sont caractérisés par une insuffisance chronique des ressources en eau par rapport aux besoins des usagers. L’inscription d’une ressource en ZRE constitue le moyen d’assurer une gestion plus fine et renforcée des demandes de prélèvements dans cette ressource. Ainsi, dans les zones classées en ZRE, tout prélèvement supérieur ou égal à 8 mètres cubes/heure dans les eaux souterraines, les eaux de surface et leurs nappes d’accompagnement est soumis à autorisation ([111]). Ce dispositif permet donc une meilleure connaissance des prélèvements existants.

Le Plan eau prévoit par ailleurs une réduction de 10 % des prélèvements en eau à l’horizon de 2030. Plusieurs acteurs auditionnés par la mission d’information ont jugé cet objectif trop peu ambitieux, au regard de celui prévu par les Assises de l’eau en 2019 ([112]), qui était déjà de -10 % à l’horizon de 2025, et -25 % en 2035. Aussi, certains jugent que l’objectif de réduction des prélèvements devrait être revu à la hausse. Certains ont également regretté que le Plan eau ne soit pas plus prescriptif et plus contraignant en matière de réduction des prélèvements, via par exemple des obligations chiffrées, par secteur, avec des moyens de contrôle et de sanction en cas de non-respect.

La question de la répartition de l’effort de réduction entre les différents acteurs est aussi posée, notamment puisque le secteur agricole devra agir en faveur d’une « sobriété à l’hectare » plutôt que d’un pourcentage de réduction (voir infra). Le secteur devra aussi bénéficier de 30 millions d’euros supplémentaires par an en soutien aux pratiques agricoles économes en eau.

L’optimisation de tous les usages de l’eau de façon simultanée demeure à construire. Pour ce faire, il est nécessaire d’accompagner et d’inciter les différents acteurs en commençant par les acteurs publics. L’association Amorce ([113]) a ainsi présenté aux rapporteurs son initiative intitulée « Défi sobriété -10 % d’eau », lancée conjointement avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ([114]). Ce défi vise à encourager les collectivités à réduire les prélèvements en eau relatifs à leurs patrimoines et services publics de -10 % dès 2025. L’exemplarité des collectivités territoriales a également vocation à créer un effet d’entraînement de tous les acteurs pour accélérer la sobriété hydrique.

Le défi se décline en dix actions immédiates que les collectivités peuvent mettre en place pour réduire leurs prélèvements d’eau. Parmi celles-ci : faire le bilan des consommations d’eau du patrimoine et des services publics et définir un plan d’action ciblé, installer des équipements de mesure des consommations d’eau fiables et précis, identifier et résorber les fuites, installer du matériel hydro-économe et de récupération d’eau dans tous les équipements publics, optimiser les systèmes d’arrosage des espaces verts ou encore sensibiliser le public aux économies d’eau dans les établissements recevant du public.

L’utilisation de labels peut aussi se révéler incitative pour la réduction des consommations d’eau. Ainsi, le vice-président de Montpellier Méditerranée Métropole a indiqué aux rapporteurs qu’un système de labellisation pour les communes ayant fait des efforts de réduction de leur consommation d’eau avait été mis en place depuis trois ans dans la métropole. Sur les 31 communes de la métropole, plus d’une quinzaine ont été labellisées « commune économe en eau », pour leurs nombreuses actions mises en œuvre en faveur d’une gestion raisonnée de la ressource en eau, et pour une réduction d’environ 10 % de leur consommation d’eau sur un an.

Ce label, mis en place pour la première fois en 2021 et décerné chaque année par l’agence locale de l’énergie et du climat de Montpellier Métropole (Alec), comprend un référentiel d’une cinquantaine d’actions réparties en trois thématiques : étudier (connaître son patrimoine, relever régulièrement les compteurs) ; équiper (matériel hydro-économe, réparation de fuites) ; sensibiliser (écoles, grand public, agents communaux). Les communes ont majoritairement choisi d’investir dans le suivi des consommations et l’équipement des bâtiments communaux en matériel hydro-économe (robinets, douches, chasses d’eau, formation du personnel, optimisation de l’arrosage).

Ce type d’initiative existe aussi à l’échelon national, avec par exemple les « Trophées nationaux des économies d’eau », organisés par le Club des économies d’eau, animé par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), en partenariat avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). 24 candidatures issues d’acteurs privés et publics ont été reçues entre avril et juillet 2023, avec une attention particulière portée aux économies d’eau dans les infrastructures collectives (établissements scolaires, sportifs, de santé, etc.). Lancé en 2020 à la suite des Assises de l’eau, le Club des bonnes pratiques d’économies d’eau et de tarification est un espace de partage des pratiques et des expériences visant à réduire le prélèvement global en eau sur le territoire.

L’association Amorce encourage également la création d’un label « hydro‑économe » à apposer sur les produits afin d’informer le consommateur sur la performance en utilisation d’eau de ses équipements suivant le principe des classes énergétiques. C’est ce que permet « l’étiquette énergie », qui est obligatoire sur un certain nombre de produits, notamment les lave-vaisselle, lave-linge, sèche-linge, ou encore climatiseurs. Cette étiquette indique notamment la consommation annuelle d’eau des produits neufs en litre, et permet ainsi de comparer plusieurs produits au regard de leur consommation hydrique.

L’association préconise également de prévoir des aides financières à l’achat d’appareils économes en eau, de la même façon que des aides sont prévues pour l’achat d’appareils moins énergivores. Les rapporteurs sont favorables à cette proposition.

Proposition n° 27 : Prévoir des primes à l’installation de matériel hydro-économe, tant chez les particuliers que chez les autres acteurs économiques, sur le modèle des primes à la rénovation énergétique.

Un autre volet particulièrement crucial dans la création d’une culture de la sobriété hydrique est la sensibilisation des usagers, afin que la lutte contre le gaspillage et l’usage raisonné de la ressource deviennent la norme, et ce dès le plus jeune âge. Le Plan eau prévoit ainsi que l’État s’inscrive dans une démarche exemplaire de sobriété et d’action contre le gaspillage de l’eau, afin d’impulser une dynamique et d’entraîner tous les usagers à faire de même. Le plan prévoit aussi le lancement d’une campagne de communication grand public afin d’inciter tous les acteurs à la sobriété, et l’accompagnement des particuliers dans l’installation de kits hydro-économes et de récupérateurs d’eau de pluie en fonction des besoins sur les territoires.

Afin de sensibiliser à cet enjeu dès le plus jeune âge, le Plan eau veut renforcer l’éducation à la sobriété et à la préservation des écosystèmes aquatiques dans l’éducation à l’environnement et au développement durable à l’école. Tous les autres secteurs, économiques, industriels, agricoles doivent également développer cette culture de la sobriété. Cela passera par l’accompagnement d’au moins cinquante sites industriels avec le plus fort potentiel de réduction (voir supra.), par la réduction de la consommation d’eau dans les bâtiments neufs, ou encore par l’accompagnement financier des agriculteurs au développement de nouvelles pratiques.

Les Assises de l’eau prévoyaient déjà des actions d’information et de sensibilisation de tous les citoyens et acteurs économiques, notamment via la mise en place de référentiels et d’outils de comparaison des consommations d’eau. Cela permet aux usagers de se repérer et d’être sensibilisés notamment aux cas de surconsommation chronique. Les campagnes de sensibilisation doivent aussi contenir des messages relatifs à la préservation des écosystèmes aquatiques et à la lutte contre les micropolluants, afin de préserver la qualité de l’eau comme sa quantité.

Prévue par le Plan eau, une plateforme d’information sur les restrictions de l’usage de l’eau en vigueur localement a été lancée le 11 juillet 2023, intitulée « VigiEau » ([115]). Cet outil se veut la réplique de l’application « Ecowatt », utilisée durant l’hiver 2023 afin d’inciter les citoyens à réduire leur consommation d’énergie au regard de la tension sur la ressource, et notamment afin d’éviter des coupures d’électricité. La plateforme VigiEau comporte, pour sa part, quatre volets : « Particulier », « Agriculteur », « Entreprise » et « Collectivité », permettant à chacun de consulter les éventuelles restrictions propres à sa situation.

VigiEau présente, au-delà des restrictions en vigueur sur le territoire, les éco-gestes recommandés au regard de la situation hydrologique pour éviter une trop forte tension sur la ressource qui nécessiterait des coupures d’eau. Il suffit donc d’entrer son adresse sur la plateforme afin de connaître la situation de son territoire. Même lorsqu’il n’y a pas de restrictions particulières sur un territoire, la plateforme permet d’avoir des informations sur la consommation moyenne d’eau potable par jour et par personne et sa répartition en fonction des usages (se laver, laver son linge, faire la vaisselle etc.), ou encore des conseils pour réduire sa consommation d’eau, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Les rapporteurs saluent la mise en place de cette plateforme, qui répond à un besoin d’informations précises et fiables en temps réel pour les usagers. Celle-ci ayant été lancée très récemment, il conviendra toutefois d’évaluer son impact réel sur la réduction des consommations d’eau en fonction des territoires, et son appropriation par les usagers. Les rapporteurs estiment que la communication sur l’existence de cette plateforme doit se poursuivre et s’intensifier, comme cela avait été fait pour l’Ecowatt, afin que chaque citoyen ait le réflexe de s’y rendre régulièrement. L’objectif est que ces éco-gestes soient acquis et intégrés par la population, et permettent une gestion maîtrisée de la ressource de façon durable.

L’un des leviers les plus efficaces pour inciter à une sobriété continue et globale en matière d’eau, est celui du signal-prix, qui fera l’objet d’un traitement spécifique dans la troisième partie de ce rapport.

2.   Poursuivre et amplifier les efforts relatifs à la réduction des fuites de canalisations

Les fuites d’eau dans les canalisations représentent des pertes importantes, qui semblent anachroniques à l’heure où la sobriété hydrique devient cruciale. La performance du service public de l’eau et de l’assainissement stagne, avec un taux de fuite moyen des réseaux de distribution de 20 % (soit un litre sur cinq perdu), similaire à celui de 2010. Cette stagnation est notamment liée à un retard d’investissement dans les réseaux d’eau : le niveau d’investissement a baissé de 10 % entre 2011 et 2016, soit environ 3,5 milliards d’euros de retard annuel d’investissement selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ([116]).

Alors que la durée de vie théorique d’une canalisation est de 50 à 80 ans, le taux de renouvellement actuel des réseaux est de l’ordre de 0,6 % par an en France, d’après la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) ([117]). À ce rythme, il faudrait donc entre 150 et 170 ans pour remplacer la totalité du réseau. En outre, l’âge moyen des canalisations actuelles est de 50 ans ([118]) .

L’enjeu de renouvellement des réseaux se trouve particulièrement en zone rurale, lié à de grands linéaires de réseaux plus exposés aux risques de fuites, avec une faible densité d’abonnés. Le renouvellement des réseaux étant financé par le biais des redevances payées par les usagers, les zones les moins peuplées sont donc les moins dotées en termes de financement du renouvellement. Le coût du réseau revient à environ 3 500 euros par habitant en secteur rural, alors qu’il se situe autour de 1 000 euros par habitant en secteur urbain ([119]).

Les Assises de l’eau prévoyaient une augmentation de 2 milliards d’euros des aides des agences de l’eau pour aider les territoires ruraux ayant le plus de difficultés à renouveler leurs installations sur la période 2019-2024. Le Plan eau prévoit, pour sa part, un investissement de 180 millions d’euros par an d’aides supplémentaires à la réduction des fuites et la sécurisation de l’alimentation en eau potable, notamment pour les 2 000 communes ayant connu des tensions en 2022. Ces fonds, destinés aux agences de l’eau, seront donc dédiés au petit cycle de l’eau, et conditionnés à des objectifs de performance de gestion du patrimoine. Il ne s’agit toutefois pas de substituer l’intervention des agences de l’eau à celle des services publics de l’eau et de l’assainissement. Le soutien aux outre-mer sera également renforcé, avec une augmentation de 35 millions d’euros par an d’aides. Les collectivités peuvent aussi avoir recours aux aqua-prêts de la Banque des territoires pour financer le renouvellement du réseau.

Ces aides seront principalement dirigées vers les 170 collectivités locales ayant été identifiées comme « points noirs », c’est-à-dire avec un taux de fuites supérieur à 50 %. Les collectivités des outre-mer sont également touchées par des taux de fuites importants. Ainsi, l’office de l’eau de La Réunion a indiqué que le rendement moyen du réseau à l’échelle de l’île était de 63 %, soit 37 % de fuites. La préfecture de Martinique a pour sa part recensé environ 40 % de fuites dans les réseaux de l’île.

Cette liste est établie sur la base des données de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement (Sispea), elle-même renseignée par les collectivités territoriales. Ces données sont parfois collectées avec un certain décalage dans le temps, et les dernières informations en date remontent à 2020. Ainsi, M. Jean Launay, président du Comité national de l’eau, a alerté les rapporteurs sur la nécessité d’actualiser cette liste.

Plusieurs freins expliquent la lenteur du renouvellement des réseaux. Le frein financier est le premier, puisque l’argent disponible pour le renouvellement des réseaux dépend en grande partie des redevances payées par les usagers, et donc à la fois de la densité de la population et du tarif de l’eau. Or, la tarification de l’eau est hétérogène sur le territoire et parfois sous-évaluée au regard des besoins d’entretien et d’investissement, le tarif de l’eau étant souvent plus bas dans les services ayant les performances les plus faibles. Ainsi, 60 % des « points noirs » identifiés dans la liste du Plan eau, ont un tarif de l’eau inférieur au tarif moyen. En outre, le tarif de l’eau est souvent plus faible dans les zones où la tension sur la ressource est accrue ([120]).

Un frein plus politique a également été identifié par plusieurs auditionnés : les investissements dans les réseaux d’eau et d’assainissement représentent des sommes importantes, qui ne sont pas les plus visibles ni les plus plébiscitées par les habitants des communes. Le tarif de l’eau étant relativement bas, la réduction des fuites ne constitue pas toujours une priorité. Cela n’incite donc pas les élus locaux à s’en saisir, en comparaison avec d’autres enjeux requérant des investissements importants et dont le résultat serait plus visible par les habitants. Il convient donc d’accompagner les élus locaux dans le travail de pédagogie et de conviction qu’ils doivent mener auprès de leurs administrés pour leur faire prendre conscience de la nécessité de réaliser ces investissements.

Le patrimoine des réseaux d’eau et d’assainissement est gigantesque et parfois mal connu, ce qui rend plus difficile son entretien. Lors d’une consultation des maires à l’occasion des Assises de l’eau, sur les 2 500 ayant répondu, 42 % faisaient le constat d’un déficit de connaissance des réseaux d’eau et d’assainissement. Or, une bonne connaissance du patrimoine est essentielle : une fuite détectée au bon moment et réparée rapidement est plus efficiente qu’un renouvellement à l’aveugle du réseau. Aussi, en complément du renouvellement des réseaux, la FP2E recommande la digitalisation de ceux-ci, notamment grâce à des systèmes de capteurs permettant de détecter et de réparer rapidement les fuites. Les systèmes les plus sophistiqués permettent d’identifier les portions du réseau qu’il est prioritaire de renouveler « préventivement », avant même que la fuite apparaisse.

Comme l’a préconisé l’agence de l’eau Adour-Garonne auprès des rapporteurs, il apparaît nécessaire d’inciter les collectivités à la structuration et à la professionnalisation des services d’alimentation en eau potable, à la réalisation d’études de gestion patrimoniale permettant de réaliser des diagnostics de réseau, et à mettre en place un tarif minimum de l’eau, afin de doter les collectivités des capacités financières suffisantes pour réaliser les investissements nécessaires. L’agence a également souligné le fait que de nombreuses fuites se situaient au niveau des branchements dans le domaine public ; le renouvellement de ces branchements aurait donc intérêt à être éligible aux aides des agences de l’eau.

Dans ce cadre, l’article 101 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 modifie l’article L. 213-10-5 du code de l’environnement afin que ce soient les communes ou leurs établissements publics compétents en matière de distribution d’eau potable qui soient désormais assujettis à la redevance sur la performance des réseaux d’eau potable. Deux coefficients sont introduits pour moduler la redevance :

– le coefficient de performance, déterminé en fonction de la somme des pertes par fuites et des volumes d’eau consommés sur le réseau de distribution qui ne font pas l’objet d’un comptage, rapporté, le cas échéant, à la longueur du réseau de distribution et de la densité d’abonnés ;

– le coefficient de gestion patrimoniale, déterminé en fonction du niveau de connaissance du réseau d’eau potable et de la programmation d’actions visant à améliorer et pérenniser ses performances.

Cette nouvelle redevance pour la performance des réseaux d’eau potable, qui se substitue en partie aux anciennes redevances pour modernisation des réseaux de collecte, crée une forme de « bonus-malus » sur les redevances payées par les collectivités, en fonction de la performance de leur réseau.

Les communes ou leurs établissements publics compétents en matière d’assainissement des eaux usées mentionnés à l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales seront également assujettis à une nouvelle redevance sur la performance des systèmes d’assainissement collectif. Cette redevance est inscrite dans une nouvelle rédaction de l’article L. 213-10-6 du code de l’environnement. Le tarif sera fixé par l’agence de l’eau, qui applique un coefficient de modulation de chaque système d’assainissement collectif. Ce coefficient repose sur trois éléments :

– le coefficient d’autosurveillance, modulé entre 0 et 0,3, déterminé en fonction de la validation de l’autosurveillance du système d’assainissement collectif établie à partir de critères adaptés à la taille de ce système ;

– le coefficient de conformité réglementaire, modulé entre 0 et 0,5, déterminé en fonction de la conformité réglementaire du système d’assainissement collectif appréciée à partir de critères adaptés aux prescriptions techniques applicables à ce système ;

– le coefficient d’efficacité, modulé entre 0 et 0,2, déterminé en fonction du fonctionnement du système d’assainissement collectif apprécié à partir de critères adaptés à la taille de ce système.

Par ce moyen, les agences de l’eau disposeront de leviers supplémentaires pour inciter les collectivités à la bonne gestion de leur patrimoine. Il semble donc impératif que les services d’eau et d’assainissement planifient des stratégies patrimoniales fondées sur une connaissance fine de leur réseau et sur des objectifs chiffrés de renouvellement de celui-ci. Les agences de l’eau n’ayant pas vocation à financer entièrement ces renouvellements, il est également important que le tarif de l’eau soit suffisant pour répondre aux besoins d’investissements du territoire. Enfin, le déploiement de compteurs individuels télé-relevés, y compris en habitats collectifs, serait un atout pour une détection plus précoce et plus précise des fuites. Un équilibre est donc à trouver entre l’incitation aux comportements jugés vertueux et le soutien aux collectivités les plus modestes souhaitant agir contre les fuites sans nécessairement en avoir les moyens.

Proposition n° 28 : Actualiser la liste des communes identifiées comme « points noirs » en termes de fuites, afin de mieux les accompagner.

 

Proposition n° 29 : Développer une cartographie des réseaux et de leur rendement, afin d’avoir une vision précise des besoins des territoires et d’identifier les communes les plus en difficulté.

 

Proposition n° 30 : Investir dans la digitalisation des réseaux et l’usage de capteurs pour détecter les fuites de façon préventive.

 

Proposition n° 31 : Encourager les collectivités territoriales, en vue du renouvellement de leur réseau, à se doter d’une stratégie patrimoniale contenant des objectifs chiffrés de renouvellement.

 

Proposition  32 : Généraliser le conditionnement des aides des agences de l’eau aux collectivités territoriales, à un tarif minimum de l’eau, qui permette de financer une partie de leurs investissements.

3.   Développer la réutilisation des eaux non conventionnelles et notamment des eaux usées traitées

Les eaux non conventionnelles (ENC) désignent tous les types d’eau autres que celles issues directement d’un prélèvement dans la ressource naturelle et faisant éventuellement l’objet d’un traitement approprié par rapport à l’usage. Cette définition assez large est celle qui a été retenue par le groupe de travail national dédié au recours aux eaux non conventionnelles animé par l’Association française des professionnels de l’eau et des déchets (Astee) et mandaté par les ministères en charge de la transition écologique et de la santé, dont les travaux ont été menés de janvier 2021 à novembre 2022 et remis en avril 2023 ([121]).

Selon cette définition, les eaux non conventionnelles comprennent notamment :

– les eaux usées traitées par les stations d’épuration (collectives urbaines, industrielles ou privées) ;

– les eaux de pluie récupérées en aval des toitures ;

– les eaux pluviales ruisselant sur les voiries et les surfaces urbaines autres que les toitures ;

– les eaux dites « grises » sortant des douches, du lave-linge et du lavabo ;

– les eaux d’exhaure pompées en permanence pour maintenir hors d’eau les infrastructures souterraines (parkings, stations de métro…) ;

– les eaux issues de process industriels.

Les eaux non conventionnelles ne se distinguent que parce qu’elles ont été utilisées ou récupérées par l’homme, à la suite de ses aménagements et activités ([122]).

Le groupe de travail susmentionné rassemblait l’ensemble des acteurs de l’eau, institutionnels et professionnels, et visait à analyser les retours d’expérience et identifier les freins et leviers pour développer le recours à ces eaux. Les travaux de ce groupe ont permis d’établir une cartographie des différents types d’ENC pouvant être utilisées ainsi que les usages pouvant être faits à partir de ces eaux. Ce sont ainsi au total dix types d’eau et quarante-cinq usages possibles qui ont été identifiés. Les travaux se sont alors poursuivis en sous-groupes de travail « thématiques » sur les usages : domestiques et tertiaires ; urbains ; industriels et en zone rurale.

En France, les eaux non conventionnelles réutilisées représentent moins de 1 % des volumes, (dont 0,3 % pour les eaux usées traitées), contre 8 % en Italie et 14 % en Espagne. En Israël, cette pratique est très développée, avec 90 % des eaux traitées directement réutilisées. Lors de l’annonce du Plan eau, le Gouvernement a exprimé sa volonté de développer 1 000 projets de réutilisation sur l’ensemble du territoire d’ici 2027, et de multiplier par dix le volume d’eaux usées traitées réutilisées d’ici 2030 ([123]).

a.   La réutilisation des eaux usées

Il est possible de distinguer deux catégories dans la définition de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT), entre la REUT directe et indirecte.

La REUT indirecte consiste à prélever l’eau dans un cours d’eau ou sa nappe alluviale, alors qu’à une distance proche en amont, une station d’épuration a rejeté les eaux usées après traitement. Les eaux traitées se diluent ainsi dans l’eau « naturelle ». La REUT indirecte est donc déjà généralisée en été sur tous les cours d’eau où la majorité de l’irrigation se fait par pompage en rivière ou nappes alluviale. Une partie importante des eaux usées rejetée en été est donc déjà réutilisée en France, sauf lorsque les stations rejettent en bordure de mer. Cette REUT n’est toutefois pas comptée dans les objectifs d’augmentation de la REUT prévus par le Plan eau.

La REUT directe est celle à laquelle on pense habituellement lorsqu’on parle de réutilisation des eaux usées traitées. Elle consiste à ne pas rejeter l’eau usée dans le milieu après traitement, mais à la réinjecter immédiatement dans le réseau pour un usage dédié. La REUT directe en France est à ce stade interdite pour l’eau potable et n’est pas autorisée pour la plupart des industries agro‑alimentaires pour des raisons sanitaires ([124]).

Un inventaire réalisé entre mai 2015 et mai 2017 a permis de recenser 113 cas de REUT directe. Les départements comptant le plus de stations d’épuration réalisant de la REUT en fonctionnement et en projet sont situés en zone littorale. D’après cette étude, les cas de REUT au niveau de stations d’épuration urbaines servent majoritairement à l’irrigation agricole et à l’arrosage des golfs ([125]).

Trois principales sources d’eaux usées sont traitées et font l’objet de REUT directe ou indirecte : les eaux de stations d’épuration des eaux usées domestiques, les eaux pluviales urbaines et les eaux résiduaires des industries.

L’utilisation des eaux usées traitées peut ainsi contribuer à économiser la ressource en eau, en se substituant à des prélèvements dans la nature, voire à l’utilisation d’eau potable pour certains usages qui n’en ont pas besoin. Certains usages non domestiques comme le nettoyage des voiries ou l’arrosage des espaces verts consomment aujourd’hui de l’eau potable qui pourrait être économisée par sa substitution par de l’eau réutilisée.

La directive européenne du 21 mai 1991 ([126]) relative au traitement des eaux urbaines résiduaires admet que les eaux usées traitées « sont réutilisées lorsque cela s’avère approprié » ([127]), et la directive du 23 octobre 2000 ([128]) mentionne la réutilisation de l’eau, en combinaison avec autres techniques.

La réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures est autorisée en France depuis un arrêté du 2 août 2010 ([129]), complété par un arrêté du 25 juin 2014. Il fixe les prescriptions sanitaires et techniques applicables à l’utilisation d’eaux usées traitées pour l’arrosage ou l’irrigation, à des fins agronomiques ou agricoles, de cultures, d’espaces verts ou de forêts. Il fixe également des niveaux de traitement à respecter selon le type d’usage qui en est fait et définit le contenu du dossier à remettre au préfet de département pour obtenir l’autorisation de la REUT par arrêté préfectoral.

Le décret du 10 mars 2022 ([130]) relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées ouvre de nouvelles opportunités d’usages des eaux usées traitées, notamment urbains (hydrocurage, lavage de voiries, lutte contre les incendies etc.), en complément de l’arrêté du 2 août 2010.

Des exclusions restent notables, comme les usages domestiques et sensibles ou encore la réutilisation dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire. Le décret précité permet l’expérimentation de l’utilisation d’eaux usées traitées dans le cadre d’une autorisation préfectorale limitée à cinq ans maximum, pour une utilisation dans le département d’où l’eau est issue. Un avis conforme de l’ARS est aussi requis. L’arrêté préfectoral d’autorisation regroupe en outre un ensemble de garde-fous s’agissant de la qualité sanitaire des eaux usées traitées à respecter (origine des eaux, qualité des boues produites, programme d’entretien, etc.) pour les usages autorisés.

Des évolutions réglementaires ont été réalisées récemment, avec le décret du 29 août 2023 ([131]), qui facilite l’utilisation des eaux sortant des stations d’épuration pour certains usages non domestiques, avancée très attendue par les acteurs. Ainsi, les projets ne seront désormais plus obligatoirement limités à une expérimentation d’une durée maximale de cinq ans. La suppression de ce délai permettra d’amortir les investissements coûteux. De plus, un avis simple et non plus conforme des autorités de santé sera désormais requis.

De nouveaux volumes d’eau pourront aussi être mobilisés grâce à l’utilisation des eaux usées traitées issues de petites stations. Il sera aussi possible d’utiliser les eaux des stations indépendamment de la qualité des boues produites et les eaux usées traitées produites dans un département pourront être employées sur un département voisin. D’autres textes devraient être publiés pour poursuivre dans cette voie (usages agricoles, arrosage des espaces verts, usages domestiques, industriels…) ([132]).

Les eaux traitées dont l’usage est soumis à autorisation et dont l’utilisation est possible avec traitement complémentaire sont celles issues des systèmes d’assainissement et des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Il existe toutefois des limites au dispositif de la REUT, la première étant son coût. La REUT implique des investissements additionnels spécifiques (pour traiter, stocker et acheminer l’eau vers ses nouveaux usages), et suppose d’être distribuée dans un périmètre restreint, proche de la station d’épuration (la création de nouvelles canalisations dédiées à la REUT ne paraît pas rentable).

Compte tenu du coût du mètre cube d’eau réutilisée, il existe un risque pour que l’eau de REUT ne soit pas toujours économiquement compétitive face à la ressource en eau potable encore très peu chère, et vis-à-vis des prélèvements directs dans les cours d’eau pour l’irrigation agricole par exemple, dont le coût est réduit et qui ne subit pas de contraintes sanitaires.

La REUT pose aussi la question de la légitimité de son financement par les usagers domestiques via les redevances, si l’eau est à terme réutilisée pour satisfaire des usages privés (golfs, irrigation agricole etc.).

France Eau Publique, auditionnée par les rapporteurs, a également souligné le risque d’un coût élevé de l’eau réutilisée. Elle indique ainsi qu’il serait souhaitable de chercher, parallèlement au développement de la REUT, à rouvrir des captages d’eau potable abandonnés et à dépolluer les captages fermés pour raisons sanitaires, ce qui pourrait revenir, à terme, moins cher que la REUT. Les rapporteurs souscrivent à cette proposition qui va dans le sens d’une optimisation de la ressource disponible.

En outre, l’eau rejetée par les stations d’épuration n’est pas une eau « perdue », puisqu’en retournant dans les milieux, elle vient en soutien à l’étiage, notamment en été. Aussi, utiliser cette eau pour d’autres usages et donc supprimer ces rejets risquerait, dans certains cas, d’aggraver les sécheresses et d’induire des impacts néfastes sur les milieux aquatiques. Cette eau peut en effet avoir un usage de recharge des ressources souterraines et de maintien d’un débit minimum dans les rivières, en vue de prélèvements ultérieurs ciblés.

En zone littorale, la REUT apparaît en revanche particulièrement adaptée, car l’eau des stations d’épuration est alors rejetée dans la mer, et donc perdue. Ces rejets ne permettent pas de valoriser ces eaux usées et causent parfois même des pollutions (qualité des eaux de baignade, conchyculture).

Se pose enfin la question de la perception des citoyens et de l’acceptabilité de consommer des produits irrigués avec de l’eau issue de la REUT par exemple.

Le Plan eau prévoit que les porteurs de projets de REUT seront accompagnés, notamment à l’aide d’un guichet unique pour le dépôt de dossier, par le préfet de département et France expérimentation pour les dossiers innovants rencontrant des blocages réglementaires, et un chef de projet. Il prévoit également la mise en place d’un observatoire sur la réutilisation des eaux usées traitées. En outre, un appel à manifestation d’intérêt spécifique à destination des collectivités littorales pour étudier la faisabilité de projets de REUT sera lancé par l’État en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (ANEL).

Sur les 1 000 projets de valorisation des eaux non conventionnelles visés sur l’ensemble du territoire d’ici 2027 par le Plan eau, 419 projets de REUT ont été identifiés par le ministère, 136 sont déjà en service et 86 en cours d’instruction ([133]).

De nombreux projets de REUT sont déjà opérationnels, et d’autres en développement. À titre d’exemple, l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse avait lancé, dès 2016, un appel à projets pour soutenir une cinquantaine de projets de REUT  ; elle continue à les subventionner, dès lors qu’ils permettent de réduire significativement la pression de prélèvement sur des ressources déficitaires ou en tension ([134]).

Sur le bassin Adour-Garonne, on recense une vingtaine de projets opérationnels de REUT, dont cinq visant l’irrigation agricole, une majorité visant l’irrigation d’espaces verts et de golfs et un visant l’alimentation d’une zone humide naturelle. Environ 2,8 millions de mètres cubes d’eaux usées traitées sont ainsi réutilisés sur le bassin ([135]). Il existe par ailleurs une vraie attente de la part des acteurs agricoles de pouvoir irriguer avec des eaux usées traitées et d’autres eaux non conventionnelles, a confié la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Le projet Jourdain aux Sables d’Olonne

La mission d’information s’est déplacée en novembre 2023 aux Sables d’Olonne peu après l’inauguration du programme Jourdain mis en œuvre par le syndicat mixte départemental Vendée Eau et le groupe Veolia. Ce programme vise à faire de la réutilisation des eaux usées traitées une solution pérenne pour lutter contre le manque d’eau, solution qui s’inscrit dans le bouquet de solutions élaboré par la Vendée depuis plusieurs années pour faire face à la pression sur la ressource en eau, dans un département où les zones côtières sont dépourvues de nappes phréatiques. En Vendée, 9 litres sur 10 d’eau potable sont produits à partir d’eaux de surface particulièrement sensibles aux effets du changement climatique, d’où l’intérêt de développer la réutilisation des eaux usées.

Ainsi, plutôt qu’être rejetée en plein océan, une partie de l’eau, en sortie de station d’épuration des Sables d’Olonne, est d’abord récupérée pour subir un traitement complémentaire au sein d’une station d’affinage. Cette eau affinée est acheminée sur 27 km via une canalisation en direction du barrage du Jaunay où elle sera rejetée au sein d’une zone végétalisée. Les eaux sont alors mélangées à celles de la rivière et transitent lentement dans la retenue du Jaunay. Elles terminent leur circuit par l’usine de production d’eau potable du Jaunay qui rendra l’eau consommable à destination des foyers. Ce projet, sans équivalent en Europe de par son importance, permettra à terme, après plusieurs phases de test s’étendant jusqu’en 2027, de répondre aux besoins en eau de près de 60 000 personnes.

Les responsables du projet, et notamment le syndicat mixte Vendée Eau, ont toutefois fait remarquer aux membres de la mission qu’il n’existait pour l’heure aucun support juridique pour encadrer des programmes comme le programme Jourdain. Ce dernier repose simplement sur un accord écrit avec les services de l’État. L’absence de cadre réglementaire a soulevé de nombreuses questions dans l’élaboration du projet car les seuils acceptables de prélèvement, de qualité des eaux, de salinité, de présence de métabolites et de divers autres polluants ne sont pas définis par la loi pour les projets de réutilisation. Par ailleurs, la directive cadre sur l’eau ne permet pas de qualifier d’eau potable l’eau de station, c’est-à-dire l’eau qui n’est pas prélevée directement dans un milieu naturel. Le programme Jourdain s’est donc fondé sur une sécurité maximale avec deux traitements membranaires qui permettent un traitement de l’eau quasi-complet, suivi d’une transition dans des bassins naturels pour reminéraliser l’eau. Si l’on cherche à l’avenir une réplication de ce type d’expérience, il faudra définir des seuils précis et peut-être abaisser certaines normes par rapport à celles retenues dans le cadre du programme Jourdain.

En outre, l’expérience est très chère : 24 millions d’euros pour le seul démonstrateur et un coût d’environ 1,2 euro par mètre cube pour produire de l’eau brute (c’est-à-dire de l’eau qui n’est pas encore considérée comme eau potable) alors que ce coût, dans une usine classique de traitement des eaux, est d’environ 40 centimes. L’État, via l’agence de l’eau Loire-Bretagne, constitue ainsi le premier partenaire financier de ce projet, via un apport de 7 millions d’euros. Le reste est financé par les collectivités et par le syndicat Vendée eau. Les responsables du projet regrettent que celui-ci ne soit pas éligible aux aides du Fonds vert comme aux aides européennes en matière de recherche et d’innovation, en raison du caractère 100 % public du projet. Il serait souhaitable, pour les rapporteurs, de soutenir davantage financièrement ce type de projets si l’on souhaite promouvoir l’expérimentation dans ce domaine et en faire une solution au manque d’eau dans les territoires.

Comme le recommande l’association Amorce, le modèle économique de la REUT et son utilité sont donc à rechercher au cas par cas, en fonction du contexte local et de l’analyse coûts/bénéfices, prioritairement en zone littorale. La REUT ne doit pas non plus se substituer à la démarche de sobriété engagée en parallèle, et de meilleure infiltration de l’eau dans les sols. En effet, la REUT ne doit pas devenir un exemple de maladaptation qui limiterait par ailleurs la modification des pratiques et des modes de vie en faveur d’une plus grande sobriété hydrique.

b.   La récupération et l’usage des eaux non conventionnelles

L’une des eaux non conventionnelles les plus susceptibles d’être réutilisées est l’eau de pluie. Par eaux de pluie, on entend l’eau de pluie collectée en aval de toiture. Après ruissellement sur le toit et stockage en cuve, un développement bactérien est possible. Il s’agit donc d’une eau non potable, car contaminée microbiologiquement (principalement à l’occasion du passage sur le toit) et chimiquement (pesticides dans la pluie, métaux ou amiante présents dans le toit, etc.), qui ne respecte pas les limites de qualité fixées par le code de la santé publique pour les eaux destinées à la consommation humaine.

En raison de ces caractéristiques, les usages autorisés de l’eau de pluie sont définis réglementairement et toute connexion entre le réseau d’eau de pluie et le réseau d’eau potable est interdite.

L’arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments établit la liste des usages de l’eau de pluie autorisés :

– les usages extérieurs (arrosage, lavage des véhicules, etc.) ;

– l’alimentation des chasses d’eau et le lavage des sols ;

– à titre expérimental, le lavage du linge, sous réserve d’un traitement adapté de l’eau de pluie, assurant notamment une désinfection ;

 les usages professionnels et industriels, à l’exception de ceux requérant l’usage d’une eau potable ([136]).

L’utilisation de l’eau de pluie est interdite dans les établissements de santé, les établissements médicaux-sociaux ou encore dans les crèches et écoles maternelles.

L’association Amorce a soulevé le manque de clarté du décret du 29 août 2023 concernant l’utilisation des eaux de pluie et leur éventuel usage domestique.

Il faut toutefois être vigilant quant à la récupération des eaux de pluie. Comme mentionné supra, cette eau a normalement vocation à s’infiltrer dans les sols afin de recharger les nappes phréatiques et préserver le grand cycle de l’eau. Cette ressource ne doit donc pas être considérée comme un « gisement nouveau » d’eau, mais bien comme une solution parmi un éventail de solutions existantes.

La désalinisation ou le dessalement d’eau de mer est une option souvent évoquée dans le débat public pour accroître la ressource en eau. Cela revient à rendre l’eau de mer consommable, via le processus de distillation ou celui de l’osmose inverse.

La distillation consiste à faire évaporer l’eau de mer, soit en utilisant la chaleur des rayons solaires, soit en la chauffant dans une chaudière. Seules les molécules d’eau s’échappent, laissant en dépôt les sels dissous et toutes les autres substances contenues dans l’eau de mer. Il suffit alors de condenser la vapeur d’eau ainsi obtenue pour obtenir une eau douce consommable.

L’osmose inverse nécessite quant à elle de traiter au préalable l’eau de mer en la filtrant et en la désinfectant afin de la débarrasser des éléments en suspension et des micro-organismes qu’elle contient. Le procédé consiste ensuite à appliquer à cette eau salée une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane semi-perméable : seules les molécules d’eau traversent la membrane, fournissant ainsi une eau douce potable.

Ces deux systèmes sont toutefois très coûteux au regard des quantités d’énergie nécessaires comparées aux volumes d’eau produits. L’utilisation de cette technique reste donc encore marginale. Seuls certains pays comme le Koweït ou l’Arabie Saoudite, qui disposent de faibles ressources en eau mais de capacités de financement importantes, utilisent cette méthode ([137]).

Ce dispositif suscite aussi des inquiétudes au regard des risques que présentent les rejets de l’eau salée restante, appelée saumure, dans la mer. Sa teneur très élevée en sel pourrait ne pas être sans conséquence sur les fonds marins.

Une première cellule de dessalement autonome est actuellement en phase de test depuis avril 2023 sur l’anse de Gerbal à Port-Vendres, dans les Pyrénées-Orientales. La cellule Aquaviva, un conteneur dont le toit est entièrement recouvert de panneaux solaires, génère elle-même l’énergie nécessaire pour dessaler l’eau de mer. La cellule pompe directement de l’eau de mer dans le port et utilise la technique de l’osmose inverse. En 24 heures, la cellule pompe 30 000 litres d’eau de mer qui produisent 10 000 litres d’eau douce. Les 20 000 litres restants sont rejetés directement dans le port avec une concentration en sel augmentée de 30 %.

Des prélèvements sont effectués quotidiennement pour évaluer l’impact de la saumure sur l’écosystème méditerranéen. L’extension du dispositif sera envisagée sur la base de ces résultats. Le mètre cube d’eau produit par la cellule coûte environ trois euros. La cellule demande pour sa part, 50 000 à 100 000 euros d’investissements ([138]). Cette solution semble donc à ce stade très coûteuse, énergivore et potentiellement néfaste pour les milieux aquatiques.

La question se pose également de réutiliser les eaux grises, c’est-à-dire les eaux de douche ou de lavabo, afin par exemple de servir à la chasse d’eau des toilettes. Cela nécessite toutefois la mise en place d’un double réseau et présente le risque d’une interconnexion accidentelle entre le réseau d’eau potable et celui des eaux grises.

Sur le plan sanitaire, comme l’a expliqué l’ARS des Hauts de France aux rapporteurs, l’un des risques associés aux eaux non conventionnelles dans leur ensemble, est celui de la contamination du réseau d’eau potable public, qui pourrait dégrader la qualité de l’eau et intoxiquer les consommateurs.

L’ARS de Bretagne a également indiqué que le risque sanitaire pouvait aussi résider dans l’éventuelle exposition à des germes pathogènes via par exemple, des produits alimentaires qui auraient été irrigués par des eaux non conventionnelles, ou via l’aspersion de ces eaux sur des espaces verts urbains ou sportifs, sur la voirie, ou par exemple leur utilisation pour le nettoyage de certaines surfaces ou de véhicules. Toutefois, il est parfaitement possible de maîtriser ce risque, en contrôlant la qualité de l’eau réutilisée et les conditions d’exposition à celle-ci en fonction de sa qualité.

Le Plan eau prévoit de lever les freins réglementaires existants à la valorisation des eaux non conventionnelles, à la fois dans l’industrie agro‑alimentaire, dans d’autres secteurs industriels et pour certains usages domestiques, dans le respect de la protection de la santé des populations et des écosystèmes.

La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles (notamment bâtiments d’élevage, pour l’abreuvement des animaux) sera aussi largement soutenue en vue de sa généralisation via des aides des agences de l’eau.

Le groupe de travail de l’Astee sur les eaux non conventionnelles mentionné supra, a permis d’associer un ou plusieurs usages de l’eau à chaque type d’eau identifié, permettant de définir au total quarante-cinq usages possibles. Pour ce faire, il a identifié des couples « types d’eau - usage » pour lesquels la pratique existe déjà, avec un fort potentiel de développement. Chacun a fait l’objet d’une analyse bénéfice / risque, notamment en fonction des risques sanitaires associés à chaque type d’eau, au regard des soixante-dix retours d’expérience collectés.

À titre d’exemple, on peut noter, pour le type d’eau « eaux issues des piscines » (eaux issues des pédiluves, eaux de renouvellement, eaux de nettoyage des filtres…), les trois usages suivants : lavage des rues, arrosage des espaces verts, ou alimentation des chasses d’eau. Pour le type d’eau « eaux de pluie issues de toitures », les sept usages suivants sont proposés : irrigation des cultures et abreuvement du bétail, arrosage des espaces verts, lavage de sols et de véhicules, alimentation des chasses d’eau, alimentation du lave-linge, alimentation de douches, ou encore défense incendie.

Au regard de ce travail, l’Astee préconise de sortir d’une logique « en silo », qui favoriserait la création de cadres réglementaires spécifiques à un type d’eau ou à un usage, pour aller vers une démarche « multi-source » pour du multi-usage ([139]). Il convient donc de définir clairement tous les usages possibles pour chaque « type » d’eau non conventionnelle. Il s’agit aussi de s’assurer que cette typologie soit traduite de façon juridique et bien connue du grand public.

Proposition n° 33 : Définir, pour chaque type d’eau non conventionnelle, tous les usages autorisés.

Par ailleurs, de nombreux projets d’exploitation des eaux non conventionnelles sont aujourd’hui fonctionnels. À titre d’exemple, l’ARS des Hauts de France a présenté aux rapporteurs un projet d’exploitation des eaux d’exhaure ([140]) des carrières de l’Avesnois dans le Nord. Ce projet est né du constat que l’eau qui apparaissait au fond des carrières lors de l’extraction de la craie, était de très bonne qualité. Aussi, après un long suivi de la qualité de cette eau et de nombreux échanges avec divers partenaires pour élaborer un cadre réglementaire, l’autorisation d’utiliser ces eaux pour l’alimentation en eau potable a été délivrée. Ce type d’initiative doit être encouragé et poursuivi.

La Banque des territoires a informé les rapporteurs du fait qu’à ce stade, aucun projet de dessalement ou d’utilisation des eaux non conventionnelles n’a été financé à ce jour, et que peu de dossiers sont en projet. La Caisse des Dépôts est toutefois signataire avec l’État, les Eaux de Mayotte, l’Agence française de développement, l’OFB et l’ARS, du contrat de progrès de Mayotte, qui envisage la création d’une usine de dessalement pour alimenter l’île en eau potable et l’aider à sortir de la crise actuelle. Selon le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, auditionné par les rapporteurs, le dessalement de l’eau risquerait toutefois d’augmenter le tarif de l’eau de 30 à 40 %.

Les rapporteurs jugent ainsi qu’il serait opportun de fixer un objectif minimum de réutilisation des eaux usées ou non conventionnelles au sens large, pour chaque collectivité territoriale compétente en matière d’eau et d’assainissement. Il est également nécessaire de prévoir un accompagnement financier de l’État au développement des projets de REUT, au regard du coût engendré et de la nécessité d’inciter les collectivités à s’en saisir. Enfin, il apparaît opportun de conditionner les projets de REUT à leur bonne inscription dans un contexte local, prenant en compte les incidences qu’ils pourraient avoir sur les milieux et donc d’adapter l’objectif minimum de REUT en conséquence.

Il convient de poursuivre la création d’un cadre réglementaire clair sur les conditions de réutilisation des eaux usées et non conventionnelles, dans la lignée du décret d’août 2023, avec des exigences sanitaires adaptées aux différents usages.

Proposition n° 34 : Fixer un objectif de réutilisation des eaux usées traitées ou des eaux non conventionnelles pour chaque collectivité territoriale compétente en matière d’eau et d’assainissement.

 

Proposition n° 35 : Encourager, dans les règles d’urbanisme, l’installation de récupérateurs d’eau dans toutes les nouvelles constructions, et en intégrer dans les anciennes via des aides sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.

 

Proposition  36 : Prévoir un accompagnement financier de l’État pour le développement de projets de REUT.

 

Proposition n° 37 : S’assurer que les projets de réutilisation des eaux usées soit adaptés à leur environnement local et n’aient pas d’incidence néfaste sur les milieux.

 

Proposition n° 38 : Poursuivre la création d’un cadre national clair sur les conditions de la réutilisation des eaux usées, avec des exigences sanitaires adaptées aux usages.

 

Proposition n° 39 : Réfléchir à l’opportunité d’encourager la création de doubles réseaux d’eau dans les constructions de logements neufs afin de réutiliser les eaux grises pour les usages domestiques.

C.   Soutenir la transition du modèle agricole face à l’irrégularité de la ressource

1.   Les défis de l’agriculture accentués par le changement climatique

Le secteur agricole fait déjà face à de nombreux défis, dont l’ampleur ne fait que croître avec les effets du changement climatique sur la ressource en eau.

Les prélèvements en eau du secteur agricole se situent aux alentours de 2,9 milliards de mètres cubes, dont environ 80 % dédiés à l’irrigation, et 20 % dédiés à d’autres usages comme l’abreuvement des animaux ou le nettoyage du matériel ([141]). La consommation d’eau du secteur a augmenté avec les surfaces irriguées. Celles-ci ont progressé de 5,7 % à 6,8 % de la surface agricole utilisée entre 2010 et 2020, selon les chiffres du recensement agricole ([142]). Environ 20 % des exploitations agricoles sont équipées d’un système d’irrigation et 5 % de la surface agricole utile, soit 1,5 million d’hectares, est irriguée ([143]).

Pour de nombreux agriculteurs, la fréquence des irrigations et des pulvérisations est fixée de façon stricte dans les cahiers des charges déterminés par les groupes agro-alimentaires avec lesquels ils sont liés commercialement, a expliqué l’ARS des Hauts de France aux rapporteurs lors de son audition. Les agriculteurs sont soumis à de nombreuses contraintes souvent interdépendantes. Il s’agit à la fois de répondre aux critères nécessaires pour bénéficier des aides à l’agriculture, d’amortir les investissements, notamment en irrigation, et d’honorer les contrats et engagements pris envers des entreprises industrielles et commerciales. Ainsi, modifier les pratiques agricoles en faveur de la protection de la ressource en eau implique d’agir sur de nombreux leviers différents.

De plus, le changement climatique a pour effet d’accentuer encore les besoins en eau des agriculteurs, avec l’augmentation de l’évapotranspiration des plantes, à l’heure où la sobriété hydrique est pourtant de mise. Ainsi, comme l’Inrae en a fait le constat, l’agriculture des prochaines décennies ne pourra très probablement pas être envisagée à distribution de productions constantes.

La sécheresse dite « agricole » est la sécheresse des sols, c’est-à-dire le manque d’eau disponible dans le sol pour les plantes et la vie ([144]). Celle-ci est également aggravée par l’utilisation d’intrants et de pesticides, qui peuvent nuire à la capacité des sols à infiltrer l’eau ([145]).

L’enjeu est donc de parvenir à arbitrer la meilleure utilisation possible de l’eau d’irrigation, afin de garantir l’alimentation humaine. Ce sont ces nouveaux défis qui ont conduit au Varenne agricole de l’eau, a expliqué M. Frédéric Veau ([146]) aux rapporteurs. Il y a un équilibre d’ensemble à trouver entre l’adaptation de l’agriculture au changement climatique (recherche variétale, évolution des modes et des systèmes de culture, capacité des sols à stocker de l’eau et performance de l’irrigation) et l’accès à la ressource en eau au moment et à l’endroit où elle est disponible (remise en service d’ouvrages hydrauliques, stockages, réutilisation des eaux usées traitées).

2.   Développer un stockage multi-usage pour s’adapter aux irrégularités de la ressource

a.   Stocker pour s’adapter à l’irrégularité de la ressource

Le changement climatique a pour effet de modifier la répartition de la ressource en eau dans le temps et dans l’espace. Des périodes de fortes précipitations conduisant parfois à des inondations peuvent alterner avec des périodes de sécheresse plus longues et plus intenses qu’auparavant. Il est donc intuitif d’essayer de lisser l’apport en eau, en stockant celle-ci lorsque la ressource est trop abondante, en vue des moments où elle viendrait à manquer.

Comme l’indique l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau : « l’anticipation et l’adaptation au changement climatique supposent d’augmenter la synergie entre la gestion des épisodes d’excès d’eau et la gestion des périodes de rareté de l’eau, dans le respect de la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques ».

L’article L. 211-1 du code de l’environnement précise ainsi qu’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique. Selon l’article, cette gestion vise donc, entre autres, à assurer : « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales » ([147]).

Il existe différentes méthodes pour retenir de l’eau et l’utiliser en fonction des besoins, et ainsi plusieurs types de retenues d’eau. Les différentes catégories dépendent notamment du mode d’extraction de l’eau et de son origine (rivière ou nappe) :

– retenues collinaires, alimentées principalement par les eaux pluviales et de ruissellement (citerne, plan d’eau, étang, bassins divers) ;

– retenues en barrage sur les cours d’eau (lac de barrage, plan d’eau) ;

– retenues alimentées par un canal en dérivation d’un cours d’eau (étang) ;

– réserves alimentées par pompage dans la nappe ou dans la rivière, aussi appelée « réserves de substitution ».

 

Typologie simplifiée des réserves d’eau

Source : Inrae, FAQ eau.

Au début des années 2000, on comptait environ 125 000 retenues de petite taille sur le territoire national, assurant la collecte et le stockage de l’eau pour des besoins variés : alimentation des villes en eau potable, mais aussi usages agricoles, industriels, piscicoles, de loisir ou de soutien d’étiage. Depuis, la création de nouvelles retenues se poursuit ([148]). Aujourd’hui, le nombre exact de retenues d’eau sur le territoire est mal connu, mais se situerait, y compris avec les retenues de petite taille et pour des besoins variés, entre 600 000 et 800 000 ([149]).

À la différence des retenues collinaires ou des barrages qui se remplissent avec de l’eau d’écoulement ou de ruissellement des eaux de pluies, les réserves de substitution sont donc alimentées par pompage de l’eau dans une nappe ou un cours d’eau. Le pompage permet de faire remonter l’eau de la nappe via les puits de forage, préexistants à la construction des réserves et assurant les prélèvements individuels des irrigants, ou construits concomitamment aux réserves.

Le stockage de l’eau n’est pas une pratique nouvelle, et constitue, dans certains territoires, l’un des principaux leviers d’accès à l’eau. Elle est en fort développement à l’échelle mondiale depuis les années 1950. En France, les ouvrages en question étaient essentiellement des retenues collinaires ou des barrages. Traditionnellement l’eau retenue peut avoir plusieurs utilités : l’irrigation, mais aussi l’alimentation en eau potable, le soutien aux étiages ou encore la lutte contre les incendies ([150]). Si la réserve en eau s’intègre dans un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), sa construction peut être subventionnée par les agences de l’eau. Contrairement aux retenues de substitution, les barrages et les retenues collinaires ne remplacent pas un prélèvement estival. Le guide juridique des constructions de retenues établi par le ministère de l’écologie en 2012 ([151]) fait la différence entre les retenues et les réserves de substitution :

– on entend par retenues, « toutes les installations ou ouvrages permettant de stocker de l’eau […] quel que soit leur mode d’alimentation […] et quelle que soit leur finalité » ;

– les réserves de substitution sont définies comme des « ouvrages artificiels permettant de substituer des volumes prélevés à l’étiage par des volumes prélevés en période de hautes eaux ». Les réserves de substitution permettent de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques ; elles viennent en remplacement de prélèvements existants : c’est la notion de substitution. Certains Sdage donnent une définition plus restrictive de la notion de réserves de substitution, en particulier en considérant qu’elles ne peuvent être situées qu’en dehors des cours d’eau. Dans chaque bassin, il convient donc de se référer à la définition précisée par le Sdage.

Souvent qualifiés de « bassines » pour les plus importants d’entre eux, ces ouvrages artificiels, entourés de digues de plusieurs mètres de haut, s’étendent en moyenne sur des superficies de huit hectares et peuvent couvrir jusqu’à dix-huit hectares.

Ils sont essentiellement destinés à répondre aux besoins d’irrigation et permettent de capter en hiver des volumes qui étaient jusqu’alors prélevés à l’étiage en été, lorsque les débits étaient les plus faibles. Le principe est donc de pomper de l’eau dans les nappes phréatiques en hiver, pour remplir des réserves qui seront utilisées en été, évitant alors de pomper l’eau en période de tension. Cela est notamment prévu dans les territoires où les retenues collinaires ne sont pas possibles, car l’eau de pluie s’infiltre dans les sols sans ruisseler. Ces réserves sont constituées d’une cuve, d’une station de pompage, d’un réseau d’alimentation et de distribution.

Plus d’une centaine de bassines de 50 000 mètres cubes ou de plus d’un hectare ([152]) seraient en fonctionnement ou en projet en France métropolitaine. Les réserves de substitution se sont prioritairement développées dans des territoires en tension sur la ressource en eau, notamment dans les ZRE. Ces réserves de substitution font l’objet de plusieurs reproches liés à leur coût, au devenir de l’eau retenue ou encore à l’accaparement supposé de la ressource par quelques acteurs. Aussi, les projets récents ont suscité de nombreux recours en justice.

b.   Le cadre juridique et institutionnel

La planification du déploiement de retenues d’eau sur les territoires incombe en principe aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), puis peut être adaptée par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Sur le plan environnemental, les retenues d’eau au sens large, sont soumises au régime des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) ([153]) ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques, prévu par le code de l’environnement. Il détermine, après enquête publique, le régime juridique (déclaration ou autorisation) auquel sont soumises les opérations de stockage.

Les dispositifs de stockage sont soumis, en fonction de leur dimension, à un régime de déclaration ou d’autorisation administrative au titre de la police de l’eau. Les dispositifs d’une certaine ampleur, à partir de 200 000 mètres cubes par an pour les prélèvements souterrains dans les nappes, et à partir de 1 000 mètres cubes par heure ou 5 % du débit du cours d’eau pour les prélèvements de surface, sont soumis à autorisation. Les prélèvements moins importants (de 10 000 à 200 000 mètres cubes pour les prélèvements souterrains et de 400 à 1 000 mètres cubes par heure pour les prélèvements de surface), sont soumis à la seule procédure de déclaration ([154]). Dans les deux cas, le pétitionnaire doit fournir aux services de l’État un document.

Pour les ouvrages relevant du régime d’autorisation, plusieurs éléments doivent être fournis au dossier, notamment l’emplacement, la nature, la consistance, le volume et l’objet de la retenue, les moyens de surveillance prévus, etc. Une analyse doit porter sur les incidences, positives comme négatives, directes et indirectes, temporaires et permanentes de la construction sur la ressource en eau et le milieu aquatique ([155]). Il est notamment nécessaire de prendre en compte l’impact cumulé de tous les ouvrages programmés sur un même territoire. Cette dimension cumulée de l’impact d’ouvrages de stockage d’eau sur un même bassin versant est souvent mal appréhendée, les connaissances et les méthodologies étant peu développées sur cet aspect ([156]). Par ailleurs, l’étude d’impact ne prévoit pas la prise en compte de l’intérêt économique des projets au stade de leur autorisation.

Une enquête administrative est ensuite réalisée. Le service instructeur doit recueillir, entre autres, l’avis de la commission locale de l’eau (CLE) compétente dans le périmètre d’un SAGE approuvé à l’intérieur duquel l’opération projetée doit s’implanter. Après une enquête publique et une consultation du conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques (Coderst), l’arrêté d’autorisation peut être édicté ([157]).

Il existe toutefois des ouvrages très divers avec des conséquences variables quant à leurs impacts cumulés. Des projets de retenues ont pu être finalement abandonnés car ils affectaient une zone humide ou étaient situés dans le périmètre de protection rapprochée d’un captage d’eau potable par exemple. Si un SAGE est approuvé et publié, son règlement et ses documents cartographiques sont alors opposables aux projets de retenues d’eau, et ces projets doivent donc être conformes aux dispositions du règlement.

Des instructions du 4 juin 2015 et du 7 mai 2019 prescrivent d’étudier toutes les alternatives à la création de nouveaux ouvrages, lesquels ne sont envisagés qu’en dernier ressort pour soutenir un projet agricole et territorial novateur. L’instruction du 7 mai 2019 se montre en outre plus souple sur la notion de substitution. Le texte admet, lorsque le milieu le permet, que les projets puissent aller au-delà de la simple substitution.

Il appartient au préfet d’approuver le volume de prélèvement estival à partir duquel le volume de substitution est déterminé. Le calcul doit prendre en compte une analyse rétrospective s’appuyant sur les cinq à dix dernières années, ainsi qu’une approche prospective visant à intégrer les conséquences des dérèglements climatiques sur la disponibilité de la ressource en eau ([158]).

L’alimentation des ouvrages de substitution demeure toutefois quelque peu imprévisible. En effet, le remplissage de ces ouvrages ne peut porter que sur la part d’eau « non nécessaire » à l’écosystème, c’est-à-dire qui viendrait en surplus, une fois les nappes et aquifères suffisamment « rechargés ». L’administration est chargée de déterminer les seuils de remplissage et la période à laquelle la réserve doit être remplie. Ce remplissage ne peut se faire qu’après que les aquifères soient suffisamment rechargés, ce qui dépend donc de la pluviométrie.

c.   Le stockage de l’eau doit être concomitant d’une plus grande sobriété

Le BRGM a contribué à des études préalables à la construction de certaines réserves de substitution, ayant permis d’évaluer les impacts possibles de celles-ci sur les ressources en eau souterraines. Ces études ont parfois démontré que les réserves avaient un effet positif sur le débit des cours d’eau en période d’étiage. Toutefois, elles ne prenaient pas explicitement en compte l’impact du changement climatique sur la ressource en eau. L’impact global d’une réserve sur l’environnement dépend de la conjonction des flux entrant dans la retenue, des caractéristiques de celles-ci (taille, volume, dynamique de prélèvement), du territoire et du contexte hydrologique, climatique, géologique et d’usage. L’impact cumulé des retenues d’eau sur le territoire est donc difficile à évaluer.

Les réserves de substitution, en permettant de stabiliser la filière agricole et de maintenir son tissu d’entreprises et ses emplois, peuvent contribuer à l’amélioration de l’économie locale. Les systèmes irrigués garantissent la viabilité des petites structures agricoles dans certaines régions. Pour les irrigants, les volumes stockés sont un palliatif indispensable à la réduction des autorisations de prélèvement l’été.

L’objectif de sécurisation de la production, et donc de participation à la sécurité et à la souveraineté alimentaires nationales, justifie le financement des ouvrages de stockage, au sens large, par des fonds publics. De plus, comme l’a mentionné l’Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett), même si la ressource en eau ne va pas forcément diminuer selon les territoires, son stockage va diminuer, au regard de la fonte des neiges qui agissaient comme un stockage d’eau naturel.

Les retenues d’eau sont donc nécessaires, dans certains cas, pour contribuer à l’équilibre économique de l’agriculture, mais ne sont pas la solution unique et doivent être mises en place en parallèle d’une évolution du modèle agricole vers des pratiques permettant d’optimiser l’usage de la ressource en eau et de rétablir le rôle du sol dans la rétention de l’eau ([159]). Selon l’Inrae, les réserves de substitution doivent être considérées comme des techniques de sécurisation de la production et non pas comme des techniques de production en elles-mêmes.

De nombreux acteurs auditionnés par les rapporteurs ont toutefois précisé que les retenues constituées à partir d’eau prélevée dans les cours d’eau ou via le ruissellement étaient souvent préférables à un pompage dans les nappes phréatiques. Le CESE, dans un avis rendu en avril 2023, juge même qu’il conviendrait d’interdire la subvention par des fonds publics de tout projet de création de bassines alimentées par pompage dans la nappe phréatique ([160]).

En effet, le seuil en deçà duquel il n’est pas possible de prélever dans les nappes peut être complexe à déterminer et variable selon les territoires, car il suppose d’avoir une bonne connaissance du niveau des nappes. Le risque est de nuire à la bonne recharge des aquifères. A minima, il semble important d’encadrer la définition de ce seuil par les préfets, au regard de l’état des nappes, en se basant sur l’expertise d’acteurs comme le BRGM. Celui-ci assure en effet le suivi du réseau national piézométrique qui comporte 1 650 points de forage, qui permettent de connaître en temps réel l’état quantitatif des nappes phréatiques exploitées.

Les seuils définis par les préfets pour le pompage des nappes phréatiques doivent faire l’objet d’une discussion transparente et éventuellement recueillir l’avis des CLE. Ces seuils font en effet parfois l’objet de critiques, certains étant jugés trop bas pour préserver l’équilibre à long terme du niveau de la nappe.

Le Varenne agricole de l’eau et le Plan eau ont introduit des mesures visant à accroître et garantir le stockage de l’eau. Un inventaire des ouvrages de stockage sera réalisé et un fonds d’investissement hydraulique agricole sera ainsi abondé de 30 millions d’euros par an, pour entretenir et moderniser les ouvrages de stockage existants (curage de retenues, entretien de canaux…), et pour en créer d’autres selon les besoins.

Il est donc nécessaire d’encourager une évolution progressive des pratiques agricoles, concomitante à l’usage d’ouvrages de stockage de l’eau. Ce type de mesures doit faire partie d’un « bouquet de solutions » plus large, comprenant notamment la réduction de la demande en eau, ou encore la modification des pratiques culturales. En outre, le changement climatique pourrait faire évoluer encore les conditions météorologiques et leurs conséquences sur la ressource et les volumes pouvant être prélevés. Il n’est donc pas certain que les retenues d’eau puissent toujours être remplies de la même façon à l’avenir.

Par ailleurs, les équipements de stockage nécessitent un budget conséquent. En 2011, le « Plan de soutien à la création de retenues d’eau et à l’adaptation des cultures » prévoyait un soutien par les agences de l’eau à hauteur de 70 %. Un an plus tard cependant, a été instauré un moratoire sur le financement public des réserves de substitution, afin d’organiser une large concertation pour définir une nouvelle stratégie de la gestion quantitative de l’eau en agriculture.

L’instruction du 7 mai 2019 fait désormais de l’élaboration d’un PTGE la condition essentielle d’une participation publique au financement.

Le partage de l’eau stockée pose enfin question, notamment dès lors qu’une retenue d’eau fait l’objet de subventions publiques pour sa construction et son entretien. Tout d’abord, le partage au sein même du monde agricole peut questionner. La loi sur l’eau du 30 décembre 2006 ([161]) a organisé les agriculteurs en communautés. Dans les bassins où le déficit structurel de l’eau est particulièrement lié à l’irrigation agricole, une gestion collective des prélèvements agricoles peut être constituée d’office par les préfets. La répartition des volumes d’eau à usage agricole est donc désormais confiée à des organismes uniques de gestion collective (OUGC) ([162]). Dans les périmètres où ils sont reconnus, les OUGC reçoivent de la part du préfet, une autorisation unique de prélèvement pluriannuelle pour un volume total prélevable. Dans ce contexte, le stockage de l’eau divise la communauté agricole. Tous les irrigants n’ont pas fait le choix d’adhérer à une structure chargée d’un projet de stockage. Des dissensions existent sur le sujet de l’inégal accès à la ressource des différents cultivateurs.

Des clivages naissent aussi au sujet du partage de la ressource entre acteurs au-delà du monde agricole. Les retenues de substitution ayant une vocation de soutien à l’irrigation, la question se pose d’utiliser ces ouvrages subventionnés par les deniers publics pour d’autres usages, comme le soutien à l’étiage des rivières, la recharge des nappes, la prévention des inondations, les besoins en eau potable ou encore la lutte contre les incendies. La gestion de ces ouvrages pourrait, à terme, laisser l’accès à cette ressource à de nouveaux utilisateurs. Les critiques d’accaparement par des acteurs privés d’une ressource commune ne seraient alors plus justifiées. C’est dans cet esprit que l’instruction du 7 mai 2019 énonce que « si un stockage est envisagé dans un site favorable, il faudra veiller à étudier toutes ses potentialités en termes de multi-usage (eau potable, irrigation, autres usages et soutien d’étiage pour le futur) en veillant à une répartition précise entre les usages ». Le multi-usage est donc une piste à explorer et à encourager.

En tout état de cause, la légitimité des dispositifs de stockage dépend des volumes de prélèvement admis, de la ressource dans laquelle ces prélèvements sont réalisés et de l’usage auquel est destinée la ressource stockée. Les PTGE doivent être l’outil permettant d’éviter les conflits d’usages autour des retenues d’eau, via une concertation avec toutes les parties prenantes et l’objectivation de la disponibilité de la ressource.

Proposition n° 40 : Encourager le multi-usage de l’eau stockée à des fins d’irrigation, notamment en période de crise, pour l’alimentation en eau potable, le soutien à l’étiage et éventuellement la recharge artificielle des nappes.

 

Proposition n° 41 : Encourager le stockage de l’eau dans les territoires les plus marqués par les irrégularités de la ressource en eau.

 

Proposition  42 : Conditionner les subventions publiques destinées à la construction d’ouvrages de stockage, à l’élaboration d’un plan d’optimisation de la ressource en eau par les futurs bénéficiaires de l’ouvrage.

Il est également nécessaire qu’en parallèle de ces dispositifs de retenues, le monde agricole évolue vers un mode de fonctionnement plus économe en eau, notamment en réfléchissant à adapter les semences cultivées.

3.   Mener une politique volontariste d’adaptation des semences

La modification des assolements est un premier levier nécessaire à actionner. D’après l’Inrae, les principales cultures irriguées en France, en pourcentage de la surface totale irriguée, sont le maïs (41 %), les céréales (18 %), le maïs fourrager (7 %), les vergers et petits fruits (6 %), les vignes (2 %) et les autres cultures (2 à 4 %) ([163]).

Le maïs en grain comme en semence, est l’une des plantes les plus cultivées en France, qui mobilise près de la moitié de l’eau d’irrigation. Alors qu’il consomme moins d’eau que le blé ou le soja, avec de meilleures performances énergétiques, le maïs sollicite la ressource à l’époque où elle est la plus faible. Il doit en effet être arrosé pendant sa période de floraison, soit en plein été ([164]).

Depuis plusieurs années, les projets de substitution au maïs par d’autres cultures, plus résistantes et économes, notamment les légumineuses, se multiplient. La diversification des semences peut être réalisée à l’échelle de l’exploitation ou à celle de la parcelle, via des mélanges variétaux ou des associations d’espèces. La diversification des cycles culturaux et des espèces permet de répartir les risques climatiques et constitue un levier de sécurisation des revenus.

Dans les sols peu profonds et caillouteux, seules les cultures d’hiver (colza, blé, orge) sont envisageables. En sols moyennement profonds, l’introduction de cultures d’été tolérantes à la sécheresse comme le tournesol ou le sorgho permet de diversifier la succession, de répartir les pics de travail et les risques climatiques. En sols de vallées profonds, les possibilités de diversification sont maximales ([165]).

Les choix d’assolement prennent en compte différents critères, notamment les capacités techniques de l’exploitation (dont les volumes d’eau disponibles), les objectifs et le contexte économique du territoire, et les attentes des clients industriels nationaux et internationaux ainsi que des consommateurs. La FNSEA a ainsi précisé que l’exemple du sorgho, souvent présenté comme l’alternative au maïs irrigué, manquait encore de débouché et de progrès génétique. Aussi, c’est l’irrigation du blé dur qui a plutôt remplacé le maïs dans les régions sous contrainte hydrique comme le sud du Bassin parisien, Poitou-Charentes et Midi‑Pyrénées ([166]).

Des initiatives innovantes peuvent permettre d’optimiser le choix de semences. L’institut technique agricole français « Arvalis » a ainsi développé une application permettant de simuler et comparer les différents scénarios d’assolement, en pluvial et en irrigué, en fonction de nombreux paramètres comme leur rentabilité, leur résilience, le volume d’eau disponible, le temps de travail, etc. ([167]). Cet outil est utile pour permettre d’identifier les éventuelles semences les plus adaptées à la situation hydrique de chaque territoire.

Comme l’a souligné l’Union des semenciers français (USF), la sélection variétale est un des leviers essentiels pour la meilleure gestion de la ressource en eau, grâce au développement de variétés plus résistantes au stress hydrique. Ainsi, les entreprises investissent près de 13 % de leur chiffre d’affaires chaque année pour rechercher des variétés mieux adaptées aux enjeux agricoles. 38 % des axes de recherche portent notamment sur la tolérance à la sécheresse, au stress thermique, aux cycles de développement, aux irrégularités du climat et aux nouvelles maladies. Le travail des semenciers requiert toutefois beaucoup d’eau, y compris pour la recherche et le développement.

Les sélectionneurs de variétés réalisent des essais en conditions irriguées et non irriguées, pour identifier les variétés les plus performantes. La sélection variétale peut ainsi permettre d’améliorer, par exemple, la valeur alimentaire et la digestibilité d’une semence destinée à l’alimentation animale, comme la fétuque élevée. Celle-ci peut ainsi remplacer le ray-grass ([168]), car elle tolère mieux les fortes températures et le manque d’eau. L’adaptation des itinéraires culturaux permet aussi d’éviter les périodes de stress. Par exemple, il est intéressant de développer des variétés de céréales de printemps avec une meilleure tolérance au froid pour pouvoir les semer plus tôt et les récolter plus tôt, avant les périodes de sécheresse ([169]).

Toutefois, la diversification des assolements ne dépend pas uniquement de l’exploitant agricole, mais aussi des filières présentes sur son territoire. La réorientation culturale suppose donc l’engagement de tous les maillons de la chaîne agroalimentaire. Les choix de diversification sont très dépendants des débouchés commerciaux disponibles localement.

De plus, il est nécessaire d’encourager la recherche dans ce domaine, notamment à destination des entreprises semencières. Le soutien public au développement de variétés diverses et plus résilientes face aux effets du changement climatique doit être maintenu et renforcé.

Proposition n° 43 : Encourager la diversification des semences, notamment en développant de véritables filières permettant des débouchés commerciaux à ces productions, et sensibiliser les consommateurs à ces enjeux.

 

Proposition n° 44 : Renforcer le soutien public à la recherche et au développement de nouvelles variétés plus résilientes aux effets du changement climatique.

4.   La gestion durable de la ressource en eau dans les pratiques agricoles

Il est souhaitable que le secteur agricole s’oriente vers une plus grande sobriété hydrique et de nouveaux modes de production permettant de préserver et d’économiser la ressource en eau.

Le secteur agricole a déjà réalisé de nombreux efforts en matière d’optimisation de l’usage de l’eau à des fins d’irrigation. Ainsi, comme l’a évoqué le ministère de l’agriculture auprès des rapporteurs, au fur et à mesure des années, la superficie irriguée augmente proportionnellement plus que l’eau prélevée, ce qui implique une meilleure performance des systèmes d’irrigation.

Comme évoqué par le délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau, M. Frédéric Veau, depuis 2010, les prélèvements d’eau pour l’agriculture n’ont progressé que de 7 %, alors que les surfaces irriguées ont augmenté de 14 %, ce qui montre le gain en efficacité de l’irrigation ([170]).

La sobriété dans l’usage agricole de l’eau se traduit donc avant tout par une meilleure efficience dans l’utilisation de la ressource au cours des dix dernières années. Cette amélioration de l’efficience a principalement été permise par l’amélioration des équipements d’irrigation avec du matériel plus économe (goutte‑à‑goutte, aspersion à basse pression), et un meilleur suivi des volumes prélevés grâce aux compteurs d’eau. De nombreux leviers existent pour accroître la participation du secteur agricole à la protection de la ressource en eau.

a.   L’agroécologie permet la préservation de la ressource en eau

Les secteurs agricole et agro-alimentaire doivent être sensibilisés et accompagnés dans leur transition vers l’agroécologie. L’agroécologie consiste à concevoir des systèmes de production en s’appuyant sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement et à préserver les ressources naturelles. Il s’agit donc d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production, en maintenant ses capacités de renouvellement ([171]).

L’agroécologie permet ainsi de restaurer des fonctions écosystémiques à l’échelle des parcelles ou des paysages, et notamment des fonctions qui peuvent être dégradées par une agriculture intensive. Elle recouvre différentes pratiques qui peuvent avoir un effet bénéfique sur la préservation et la restauration de la ressource en eau ([172]).

En particulier, l’agriculture de conservation des sols se définit par trois principes : la réduction voire la suppression du travail du sol, la diversification des espèces végétales avec l’allongement des rotations, et enfin, une couverture permanente du sol par les cultures.

La plus grande couverture végétale des sols agricoles participe d’une démarche d’agroécologie. Un sol couvert stocke davantage d’eau et résiste mieux à la sécheresse. Les couverts végétaux absorbent les éléments nutritifs présents dans le sol et évitent aussi qu’ils s’échappent dans l’environnement si ceux-ci sont néfastes. Les couverts végétaux protègent les plantes et participent au développement de la fertilité globale du sol. Il convient toutefois de rester vigilant à un éventuel risque d’assèchement du sol, car pour pousser, le couvert végétal utilise de l’eau. Il peut donc parfois être nécessaire de le détruire un peu plus tôt que prévu dans la saison, afin que la plante ne soit pas impactée.

Un autre aspect de l’agroécologie et de la conservation des sols consiste à réduire le travail du sol, afin notamment d’éviter l’érosion. L’accumulation de matière organique sur le sol permet d’éviter que les particules de terre ne s’érodent en direction des rivières notamment. Moins le sol est travaillé, plus la porosité créée, par exemple par les vers de terre, permet une amélioration de l’infiltration et de la rétention de l’eau dans les sols.

Il est également nécessaire de redensifier et revégétaliser les sols agricoles, via des haies et des bocages. La destruction et la dégradation des haies observées depuis une cinquantaine d’années (on estime que 20 000 km de haies par an ont été détruits en moyenne ces dernières années), nuisent à l’adaptation au changement climatique. Les haies servent à notamment à fertiliser les sols et à favoriser la biodiversité.

Les haies permettent aussi de ralentir le cycle de l’eau, via l’interruption du ruissellement de l’eau qui peut se produire le long de la parcelle agricole. Lorsque l’eau atteint la haie, elle est forcée de s’infiltrer dans le sol. Par ailleurs, les haies permettent aussi de générer de la fraîcheur dans des terrains agricoles en période de sécheresse ou de canicule. La haie peut donc se révéler à la fois un outil d’amélioration des conditions de culture tout en étant un outil de production elle‑même ([173]).

C’est dans cette optique qu’a été pensé le « Pacte en faveur de la haie », présenté le 29 septembre 2023 et doté d’un budget de 110 millions d’euros en sus des financements déjà existants, dès 2024. Ce pacte a pour ambition d’atteindre un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici 2030. Il propose une approche globale et intégrée, portant sur toutes les haies, agricoles ou non. Ce plan comporte vingt-cinq actions, développées en feuilles de route pour un déploiement dans les territoires début 2024.

À titre d’exemple, la Métropole de Lyon s’inquiète de l’apparition « d’îlots de chaleur agricoles » au sens de l’absence d’arbres dans les terrains agricoles, qui contribuent à une forte augmentation des températures, notamment une fois les récoltes moissonnées. La Métropole a ainsi formé un partenariat avec les agences de l’eau afin de planter 42 kilomètres de haies sur le territoire. Toutefois, des obstacles complexifient ce projet, notamment la réticence de certains exploitants agricoles qui craignent des pertes de rendement et des difficultés pour gérer leur exploitation.

L’agroforesterie, qui consiste à associer sur une même parcelle les arbres à la production agricole (culture et élevage), s’inscrit dans la même démarche. Elle se pratique par la plantation d’arbres ou de haies en bordure de parcelle, ou entre deux rangs de cultures. L’agroforesterie permet une meilleure gestion de l’eau, tant par le stockage, l’infiltration et l’épuration, que par la réduction de l’érosion et du ruissellement. Elle permet aussi une meilleure résilience vis-à-vis de la sécheresse, de la chaleur et des inondations.

b.   Une plus grande efficience des systèmes d’irrigation

Un autre levier important de sobriété à l’hectare est l’amélioration de la performance des outils d’irrigation. D’après les chiffres de 2016, 20 % des exploitations agricoles sont équipées d’un système d’irrigation ([174]). À terme, l’agriculture devra donc irriguer plus de surface, mais sans consommer davantage : c’est la sobriété à l’hectare ([175]).

Or, les techniques d’irrigation n’ont pas toutes la même efficacité. Par exemple, l’arrosage par aspersion entraîne une plus grande évaporation, car l’eau n’est pas directement en contact avec le sol, contrairement à l’arrosage par goutte‑à‑goutte. Celui-ci n’est toutefois pas possible dans tous les contextes. Il faut donc chercher à mettre en place l’outil d’irrigation le plus adapté par rapport à l’exploitation, au territoire et à sa ressource en eau. Même la technique d’arrosage par aspersion comprend différents niveaux d’efficacité en fonction du matériel utilisé. Par exemple, l’entreprise française Irrifrance a développé un enrouleur permettant d’économiser 25 à 35 % d’eau, car il permet d’assurer la même pression tout au long du tuyau, sans surpression au début ([176]).

L’Inrae a mené une étude ([177]) mettant en évidence des économies d’eau encore possibles par l’amélioration des matériels et du pilotage de l’irrigation. Ces économies peuvent atteindre jusqu’à 30 %, voire 40 % si toutes les mesures sont prises, comme le rajeunissement du parc d’irrigation, le développement du goutte‑à‑goutte ou encore le développement massif de capteurs et de logiciels d’avertissement.

L’installation de compteurs d’eau est déjà obligatoire, selon l’article 8 de l’arrêté du 11 septembre 2003 ([178]) qui prévoit que chaque ouvrage et installation de prélèvement est équipé de moyens appropriés de mesure ou d’évaluation du volume prélevé. Pour les prélèvements par pompage (dans les eaux souterraines, cours d’eau, nappes d’accompagnement, canaux ou plans d’eau), l’installation de pompage doit être équipée d’un compteur volumétrique. Néanmoins, d’après la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), toutes les exploitations ne respecteraient pas cette réglementation et certaines ne disposeraient pas de compteurs.

L’agence de l’eau Adour-Garonne a déploré l’usage de matériel d’aspersion souvent ancien, alors qu’il existe des systèmes plus économes, notamment dotés de contrôleurs électroniques ou localisés, comme la micro-aspersion ([179]) ou le goutte‑à‑goutte de surface ou enterré ([180]). Des outils d’aide à la décision permettraient aussi d’apporter la bonne quantité d’eau au bon moment, comme les capteurs au sol permettant de mesurer l’état hydrique des plantes et des sols. L’agence note entre 50 et 100 demandes d’aides par an pour l’achat de stations météorologiques et de sondes tensiométriques. Ces équipements permettent de réaliser la plus grande part des économies d’eau.

À titre d’exemple, le modèle « Optirrig », développé par l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), vise à la génération, l’analyse et l’optimisation de scénarios d’irrigation des cultures. Il s’appuie sur une description simplifiée de la croissance des plantes en fonction de l’évolution des ressources en eau et en azote du sol ([181]). L’utilisation de ce type d’outil est à encourager.

La FNSEA et Irrigants de France ont insisté auprès des rapporteurs sur l’importance du matériel dans la performance de l’irrigation et ont mentionné le fait que l’un des principaux leviers d’adaptation résidait dans la poursuite de l’amélioration de l’efficience de l’irrigation à travers la modernisation du parc matériel et le développement d’outils numériques accessibles à tous. Les besoins en recherche et développement sont donc importants, également pour perfectionner les outils d’aide à la décision.

Le Varenne agricole de l’eau a prévu des aides aux agroéquipements économes en eau, qui remportent un vif succès. Un premier guichet de 20 millions d’euros a été entièrement souscrit en 2022, et un deuxième de 40 millions d’euros a été ouvert en début 2023. Ces équipements recouvrent à la fois un meilleur pilotage de l’irrigation (sondes) et des dispositifs plus économes comme le goutte‑à‑goutte ([182]).

Plusieurs mesures de soutien à ces pratiques agricoles sont aussi prévues par le Plan eau. Ainsi, 30 millions d’euros supplémentaires par an seront consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices en eau, irrigation au goutte-à-goutte…).

Des interdictions de productions irriguées n’auraient pour effet que l’augmentation du volume d’importation de produits agricoles issus de cultures irriguées à l’étranger, et n’auraient pas d’impact positif sur la préservation de la ressource en eau à l’échelle globale. Il est donc préférable de mobiliser des outils d’amélioration de la performance de l’irrigation et de restauration naturelle du cycle de l’eau.

Enfin, selon plusieurs personnes auditionnées par la mission, la question de la priorisation des usages de l’eau au sein même des usages d’irrigation pourrait être posée.

c.   La valorisation des pratiques agricoles vertueuses

Les exploitants agricoles recourant à des pratiques vertueuses pour la protection et l’économie de la ressource en eau doivent être encouragés.

La réduction de l’usage d’intrants chimiques et de pesticides est aussi un objectif à poursuivre afin d’améliorer la qualité de la ressource en eau, au regard des effets croissants du changement climatique. C’est notamment l’objet des « fermes Dephy », inscrites dans le plan Ecophyto, qui constituent un réseau de plus de 3 000 exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l’usage de pesticides. Le réseau de fermes de démonstration Dephy a été mis en place en 2010, et a déjà connu trois phases de recrutement. Il réunit actuellement 41 gestionnaires de projets sur environ 200 sites expérimentaux, et permet de concevoir, tester et évaluer des systèmes de culture visant une forte réduction de l’usage de produits phytosanitaires.

Ce type d’initiative est à poursuivre et à encourager, puisque les effets du changement climatique devraient entraîner une concentration toujours plus importante des éventuels polluants présents dans l’eau, notamment en été, avec la réduction des débits. Aussi, les démarches de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques représentent un enjeu de premier plan pour la qualité de l’eau dans les années à venir. En outre, dans le cadre du Plan eau, le budget des agences de l’eau dédié au financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) ([183]) pour accompagner la transition des pratiques agricoles sur les aires d’alimentation des captages sensibles, devrait augmenter de 100 millions d’euros par an.

Plusieurs personnes auditionnées ont évoqué la nécessité de développer les paiements pour services environnementaux (PSE) et de cibler davantage ceux-ci sur la qualité de l’eau. Les PSE sont des instruments économiques visant à rémunérer des pratiques vertueuses pour l’environnement. La Caisse des dépôts et consignations‑Biodiversité expérimente des programmes PSE qui sont d’abord conditionnés à une logique de transition, puis à une logique de résultats. À ce stade, 200 PSE ont été mis en place dans 20 territoires pilotes ([184]).

À titre d’exemple de PSE, on peut citer celui de Brenne, mis en place avec l’association WWF France. Dans cette région d’étangs de pêche, une convention de gestion annuelle reconductible a été mise en œuvre entre l’association et les pisciculteurs. Ceux-ci s’engagent pour cinq ans à respecter plusieurs règles, comme le fait de ne pas modifier l’étang ni supprimer de végétation flottante, de maintenir chaque étang sans culture une fois tous les cinq à sept ans, de réguler les espèces nuisibles, ou encore de ne pas utiliser de nourrissage artificiel ou d’engrais chimique. En échange, les pisciculteurs reçoivent une rémunération forfaitaire par hectare d’eau et par an ([185]).

Ce type d’initiative était aussi prévu par les Assises de l’eau, qui prévoyaient la mise en place de PSE dans au moins vingt territoires expérimentaux, notamment sur les aires d’alimentation de captage (AAC).

Dans la même logique, les certifications pour pratiques vertueuses doivent être encouragées. La Coopération agricole, auditionnée par les rapporteurs, a ainsi cité l’exemple d’un appel à manifestation d’intérêt lancé en région Champagne en 2019, conjointement par les agences de l’eau et la région Grand-Est, à destination des coopératives viticoles. Cela a abouti à un accord signé début 2020, visant à soutenir les projets favorables à la protection de la ressource en eau, notamment la réduction des résidus de pesticides dans les zones de captage d’eau potable.

Les rapporteurs jugent donc qu’il est nécessaire de renforcer l’accompagnement du secteur agricole vers des pratiques plus sobres et plus vertueuses pour la ressource en eau, via un soutien important à l’achat de matériel d’irrigation plus économe et une plus grande rémunération des pratiques vertueuses pour l’environnement. Il convient toutefois de rappeler que le secteur agricole participe à la sécurité alimentaire et doit chercher à atteindre la souveraineté alimentaire, qui est un objectif d’intérêt général. Pour ce faire, il est impératif de garantir des ressources en eau suffisantes par tous les moyens disponibles.

Proposition n° 45 : Poursuivre et étendre les paiements pour services environnementaux, en les ciblant plus spécifiquement sur les pratiques agricoles permettant la protection et la restauration de la ressource en eau.

 

Proposition n° 46 : Encourager l’achat de matériel d’irrigation plus économe par les exploitants agricoles.

D.   Partager l’eau dans un contexte de changement climatique

L’eau, en tant que ressource naturelle commune, appartient à la fois à tout le monde et à personne. Son utilisation par certains usagers peut alors altérer sa disponibilité pour d’autres. Or, tous les utilisateurs de l’eau n’ont pas le même accès à l’eau, de par la répartition géographique et temporelle de la ressource en eau. Aussi, il existe une tentation d’utiliser la ressource pour ses propres besoins, sans se préoccuper de ceux des autres.

1.   Des conflits d’usage croissants

Les différents risques pour la vie économique et sociale de la nation, évoqués infra, sont étroitement liés à la situation de stress hydrique dans laquelle le changement climatique plonge les sociétés contemporaines.

Le stress hydrique se définit comme le rapport entre les consommations d’eau générées sur un territoire et la ressource en eau disponible sur celui-ci. Aujourd’hui, il s’agit de distribuer une quantité d’eau moindre et moins bien répartie, entre des usagers qui entendent tous disposer de la même quantité qu’hier pour poursuivre leur activité.

Ce stress hydrique peut augmenter pour des raisons climatiques, comme la surexploitation de la ressource. Des prélèvements excessifs liés aux besoins agricoles, industriels ou démographiques peuvent exercer une pression sur les eaux souterraines et de surface tout aussi importante que le déficit de précipitations. L’augmentation du stress hydrique dans les prochaines années pourrait créer d’importants conflits d’usages entre les résidents permanents, la surconsommation touristique, ou encore l’irrigation des exploitations céréalières et parfois viticoles.

La question des conflits d’usage se pose de façon encore plus prégnante pour la région méditerranéenne, qui sera d’une part la plus affectée par la diminution de la ressource en eau, et qui d’autre part, voit sa population et ses besoins en eau (irrigation de la vigne, fruits, légumes) augmenter. Le Sud-Ouest de la France (bassin Adour-Garonne) voit également ses ressources fortement diminuer et les tensions s’exacerber entre l’agriculture et les autres usages. La question de la pertinence du maïs irrigué y est particulièrement posée.

Si les conflits d’usage liés à l’eau sont souvent associés, dans le débat public, au sujet des retenues de substitution, ils recouvrent toutefois des réalités plus nombreuses et complexes que le seul sujet de l’eau agricole. Le retour d’expérience (Retex) sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse de 2022, mené conjointement par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l’Inspection générale de l’administration (IGA) ([186]), aborde ainsi la question de la légitimité des usages de l’eau et appelle à la mise en place d’un cadre national doté de critères clairs, connus de tous. Cela ne mettra pas fin à l’expression de rapports de force entre acteurs et intérêts au niveau local, qui peuvent être nécessaires et guident parfois les arbitrages des préfets, mais pourrait permettre d’atténuer l’impression d’un « pilotage par dérogations ».

À titre d’exemple, le Plan eau prévoit une réduction de 10 % des prélèvements d’eau à horizon 2030. Toutefois, il n’est pas demandé au secteur agricole de réduire ses prélèvements d’eau, mais d’adopter une « sobriété à l’hectare », c’est-à-dire d’accroître la surface irriguée avec la même quantité d’eau, en améliorant par exemple, la performance des systèmes d’irrigation. Cette situation pose la question du juste partage de l’effort de sobriété. Les rapporteurs souhaitent souligner qu’il est nécessaire d’intégrer dans l’équation le « bien commun » apporté en retour par le secteur agricole, soit une production permettant l’alimentation de la population ainsi que la sécurité et la souveraineté alimentaires. De plus, l’activité agricole représente aussi des emplois locaux et des richesses sur un territoire donné. Il est donc nécessaire de prendre tous ces aspects en compte afin de déterminer la valeur ajoutée d’une quantité d’eau donnée, selon l’usage qui en est fait.

L’ARS des Hauts de France a ainsi mentionné aux rapporteurs deux exemples dans lesquels les prélèvements agricoles ont été privilégiés à l’alimentation en eau potable, via une gestion concertée des différents acteurs :

– lors de la sécheresse de l’été 2022, des représentants d’agriculteurs de la zone de répartition des eaux (ZRE) ([187]) Oise-Aronde ont sollicité l’allocation d’un volume d’eau supplémentaire pour l’irrigation agricole. Ainsi, un volume supplémentaire de 200 000 mètres cubes pour les usages agricoles a été retiré du volume affecté à l’eau potable (soit une augmentation de 9 % du volume autorisé pour les usages agricoles). Le bureau de la commission locale de l’eau (CLE) Oise-Aronde a donné à avis favorable à cette demande ;

– en février 2023, une baisse de productivité de la nappe a été observée au niveau d’un captage d’eau potable sur le territoire ([188]), entouré de forages agricoles. Les agriculteurs du secteur ont indiqué au syndicat intercommunal qu’ils allaient devoir traiter leurs parcelles avant la fin du mois de mars, ce qui nécessiterait une forte augmentation de leur consommation d’eau. Ainsi, le syndicat intercommunal a mené diverses actions, notamment de diffusion de messages de sobriété auprès de la population, qui a été réceptive, ce qui a permis de réduire les tensions et d’éviter un manque d’eau. Ce conflit d’usage « évité » et géré en amont par les différents acteurs a été un succès, mais ce type de situation pourrait toutefois, à terme, générer des tensions auprès des autres usagers intimés de réduire leur consommation au profit des besoins agricoles.

Ces exemples permettent d’illustrer la nécessaire gestion à l’échelle locale et selon une logique au « cas par cas », de la ressource en eau lorsque celle-ci subit des tensions. Il apparaît donc à la fois nécessaire de prévoir un cadre national de hiérarchie des usages, tout en s’assurant d’une certaine flexibilité à l’échelle locale selon les situations particulières, sans toutefois que les dérogations deviennent la règle.

Le secteur du tourisme et des loisirs est également impacté par l’évolution de la ressource en eau, alors qu’il représente environ 10 % du PIB ([189]). Ainsi, l’activité de pêche de loisir, pratiquée par environ 1,5 million de personnes, peut être tout simplement interdite lorsque les cours d’eau sont dégradés quantitativement ou qualitativement. Le tourisme de plans d’eaux ou de rivière et les sports d’eau vive comme le canoë-kayak dépendent aussi de la capacité à conserver une ressource en eau de bonne qualité et en quantité suffisante, ce qui n’a, par exemple, pas toujours été le cas à l’été 2022. La pratique du ski est également dépendante de la disponibilité de l’eau sous forme de neige. La fabrication de neige de culture nécessite environ 25 millions de mètres cubes d’eau prélevés par an.

Le Retex mené par l’Igedd, le CGAEER et l’IGA pose ainsi la question de la légitimité de certains usages de l’eau à des fins de loisirs, comme par exemple les golfs, qui requièrent une quantité d’eau importante, souvent en période de tension sur la ressource, ce qui suscite des polémiques récurrentes. La consommation d’eau par le parc golfique français est estimée à 29 millions de mètres cubes d’eau par an, soit 0,7 % de l’eau douce consommée en France, ou l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville de 450 000 habitants ([190]). Selon un rapport ministériel de 2013 ([191]), 41 % des golfs sont irrigués par des forages, 23 % par des bassins de rétention d’eau pluviale, 17 % par un cours d’eau, 10 % par le réseau d’eau potable public, 3 % par des eaux brutes (canaux d’irrigation) et seulement 3 % par des eaux usées. La Fédération française des golfs a signé un accord-cadre couvrant la période 2019-2024 avec les ministères de la transition écologique, de l’agriculture et des sports, qui prévoit une dérogation autorisant l’arrosage des greens (zone d’herbe la plus rase du parcours, située autour du trou) en situation de niveau « crise » ([192]), alors même que la consommation d’eau totale de ces installations aurait augmenté de 10 % depuis 2010.

Cette dérogation pourrait paraître incohérente dans des situations comme celle de l’été 2022, où les particuliers de la majeure partie du territoire national ne pouvaient plus arroser leur potager en journée, et les agriculteurs devaient limiter plus ou moins fortement leur utilisation d’eau. Cette situation peut générer un sentiment d’arbitraire, voire d’injustice, chez les différents usagers de l’eau, et la question se pose de la pérennité de ce type d’usage à l’heure ou la ressource en eau disponible se contracte fortement dans certains territoires et à certaines périodes. De la même manière, le remplissage des piscines individuelles suscite des interrogations.

Un autre type de tension peut apparaître entre la nécessité de produire de l’énergie et ainsi d’utiliser de l’eau pour refroidir les centrales électriques, et le risque de réchauffement de l’eau et d’atteinte à la biodiversité et aux milieux aquatiques qui résulte du rejet de l’eau des centrales dans les cours d’eau. L’élévation de la température des cours d’eau après mélange avec les eaux issues des circuits de refroidissement ne doit en général pas excéder 1 à 2 °C par rapport à la température en amont. Un arrêté d’autorisation précise la température maximale de l’eau rejetée au cas par cas. Si le cours d’eau a déjà atteint cette température, la centrale doit prendre des mesures (réduire la puissance de ses réacteurs, par exemple). Des modifications temporaires des prescriptions encadrant les rejets thermiques peuvent toutefois être accordées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ces dérogations doivent être homologuées par le ministère chargé de la sûreté nucléaire.

Cette situation s’est produite au cours de l’été 2022 pour quatre centrales nucléaires, dans un contexte énergétique particulièrement tendu. C’est la deuxième fois qu’une telle dérogation est accordée, après celle accordée à la centrale de Golfech en 2018, pour trente-six heures seulement ([193]). À travers ses arbitrages, l’ASN recherche un équilibre entre maintien de la production électrique et préservation de normes écologiques minimales. En effet, comme mentionné infra, la température de l’eau rejetée a des impacts sur les écosystèmes situés en aval : développement d’algues, baisse du taux d’oxygène, perturbation du cycle de reproduction et de vie d’espèces de poissons préférant une eau plus froide…

Ainsi, les objectifs de production d’électricité entrent en tension avec les objectifs écologiques de la politique de l’eau. Même si cette tension reste pour l’instant ponctuelle, face aux évolutions climatiques et à la multiplication probable des dérogations à l’avenir, la question se pose de savoir si les normes de température seront amenées à évoluer.

Comme mentionné infra, la question se pose également de l’impact des nouvelles constructions et notamment de l’industrialisation de certains territoires au regard de la quantité d’eau disponible sur celui-ci. Ainsi, l’ARS des Hauts de France a observé que dans certains secteurs du Nord, pourtant peu pourvus en eau, des projets industriels très consommateurs d’eau potable continuaient de se développer. Cette situation peut aussi donner lieu à des formes de conflits d’usage et conduire les acteurs à prendre des décisions radicales. Ainsi, du fait de la sécheresse quasi ininterrompue que connaît le département du Var depuis l’été 2022, les nouvelles demandes de permis de construire ont été gelées en mars dernier et pour au moins quatre ans dans la communauté de communes de Fayence, cette dernière craignant de ne plus être en mesure d’assurer l’approvisionnement en eau potable à ses administrés.

La modification de la ressource en eau conduit donc inévitablement à établir progressivement une hiérarchie entre les différents usages. Les conséquences sociales et économiques de ces choix (perte de rendements et fragilisation des exploitations agricoles, arrêt temporaire de la production d’électricité, pertes d’attractivité touristique…), sont à mettre en regard des conséquences écologiques d’un fonctionnement par dérogation aux normes environnementales. Il semble intuitif de placer l’alimentation en eau potable en haut de cette hiérarchie, mais selon les dynamiques locales, cela ne s’avère pas toujours aussi simple.

2.   Faut-il hiérarchiser les usages ?

Pour éviter les situations de tension sur le partage de la ressource, des règles sont nécessaires afin d’organiser le partage de l’eau. La hiérarchie des usages de l’eau aujourd’hui en vigueur est prévue à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

Extrait de l’article L. 211-1 du code de l’environnement

II. – La gestion équilibrée [de la ressource en eau] doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :

1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;

2° De la conservation et de libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;

3° De l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées.

Cette hiérarchie a été établie par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ([194]). On constate que sont placées en premier plan les exigences liées à la santé et à la sécurité humaine, comprenant donc l’alimentation en eau potable. Dans un second temps, trois éléments sont à satisfaire ou concilier, avec d’une part, le respect des milieux naturels et du libre écoulement des eaux et d’autre part, les activités économiques qui requièrent de l’eau pour leur fonctionnement.

Il est possible de considérer que l’ordre des trois usages à concilier, après les usages prioritaires de la santé et de la sécurité humaine, sont de nouveau classés par ordre d’importance, ce qui situe donc les usages économiques après les usages naturels de l’eau nécessaires aux milieux.

Toutefois, au sein même des activités économiques mentionnées au 3° de l’article L. 211-1, il est difficile d’affirmer que l’ordre de l’énumération vaut hiérarchisation entre ces différents usages. L’idée qui sous-tend cette hiérarchie « souple » est qu’aucun usage ne doit pouvoir se prévaloir d’une priorité sur les autres, valable sur l’ensemble du territoire et pour toujours.

Les SAGE ont la possibilité de définir plus précisément des priorités d’usage et de répartition des volumes à l’échelle du sous-bassin, comme le prévoit l’article L. 212-5-1 du code de l’environnement. Cet article précise que le SAGE comporte un règlement qui peut « définir des priorités d’usage de la ressource en eau ainsi que la répartition de volumes globaux de prélèvement par usage ». Toutefois, l’Igedd note que peu de SAGE se sont emparés de cette possibilité. De plus, tous les territoires ne sont pas dotés d’un SAGE. En outre, cette ébauche de hiérarchisation évoque la ressource en eau au sens large, sans préciser quels usages doivent être prioritaires dans la répartition de l’eau potable par exemple.

Les préfets de département ont également la compétence de hiérarchiser les différents usages au-delà de ceux liés à la santé et la sécurité qui sont nécessairement prioritaires, en période de crise. Cette hiérarchie peut plus largement faire partie d’un plan d’organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) à une crise. Ce plan permet aux préfets de définir les usages sanitaires principaux qu’il convient de garantir.

Comme l’a précisé l’Inrae, hors période de crise, la politique française de l’eau se caractérise par la volonté de concilier deux principes : un principe de non‑hiérarchisation entre usages, institutionnalisé par la loi sur l’eau de 1964 ([195]), et un principe d’intégration au bénéfice des écosystèmes, qui prévaut depuis les années 1990 ([196]) et 2000 ([197]). La satisfaction de tous les usages reste donc l’un des objectifs majeurs de la gestion de l’eau. Or, à l’heure où les tensions sur les usages de l’eau s’aiguisent, la satisfaction de tous les usages actuels devient de moins en moins compatible avec les objectifs de protection des ressources et des milieux que l’État s’est lui-même fixés ([198]).

Certaines personnes auditionnées ont plaidé pour une hiérarchie plus stricte et plus claire des différents usages de l’eau, à l’échelle nationale comme locale, afin d’éviter le trop grand nombre de dérogations émises pour certains secteurs. D’autres au contraire, ont valorisé la souplesse que permet le régime actuel, afin d’adapter la hiérarchie aux contextes locaux, surtout éclairée par les guides sécheresse.

S’il est effectivement utile de conserver une souplesse dans la hiérarchie des différents usages de l’eau en fonction des contextes locaux, il est aussi nécessaire de réfléchir à cette hiérarchie en amont des situations de crise, afin de ne pas seulement réagir, mais anticiper. Il ne semble pas réaliste de penser que tous les usages de l’eau vont pouvoir continuer d’être satisfaits pleinement tout au long de l’année, au regard de l’évolution de la ressource en eau et sa répartition dans le temps.

La détermination plus fine et systématique des priorités entre les différentes catégories d’usages semble donc inévitable et nécessaire. Par exemple, une hiérarchie plus claire pourrait être établie entre les usages économiques de l’eau, afin notamment de renforcer et de clarifier la place de la production agricole, vitale pour notre souveraineté alimentaire, comme étant prioritaire sur les usages de tourisme ou de loisirs.

L’alimentation en eau potable, prioritaire, entraîne toutefois la possibilité d’utiliser l’eau pour des usages pourtant secondaires, en raison du circuit de distribution unique. Les jardins peuvent ainsi être arrosés et les piscines remplies avec de l’eau potable. La tarification progressive de l’eau pourrait permettre de répondre à cette problématique. Il apparaît au moins nécessaire de formaliser davantage la hiérarchie des usages de l’eau potable, et parallèlement de permettre l’usage d’eaux non conventionnelles pour les usages domestiques non essentiels.

A minima, il convient d’encourager les SAGE à se saisir de la possibilité qui leur est offerte de définir plus précisément les priorités d’usage et la répartition des volumes au sein du sous-bassin. Il est important que cette hiérarchie soit établie en amont de la période de crise, en analysant objectivement les besoins des différents acteurs, pour éviter un éventuel rapport de force en période de tension sur la ressource, qui pourrait peser sur l’arbitrage réalisé. Cela permettrait également aux préfets de se référer à une hiérarchie plus clairement définie et détaillée à l’échelle locale lors de la prise d’arrêtés de sécheresse.

Proposition  47 : Intégrer davantage dans les SAGE les problématiques locales de hiérarchie des usages et de répartition des volumes d’eau.

3.   La limitation des prélèvements en période de sécheresse

a.   Un cadre existe pour adapter les prélèvements en eau en fonction de la situation locale

La directive cadre sur l’eau ([199]) (DCE) a imposé de découper le territoire national en masses d’eaux souterraines. L’état d’une masse d’eau souterraine est déterminé par la plus mauvaise valeur de son état quantitatif et de son état chimique. Sur le plan quantitatif, une masse d’eau souterraine est en bon état lorsque les volumes prélevés dans la nappe ne dépassent pas la capacité de renouvellement de la ressource et préservent l’alimentation en eau des écosystèmes de surface.

Les prélèvements en eau sont soumis à autorisation ou à déclaration en fonction des volumes prélevés sur la ressource ([200]). Les masses d’eau souterraines seraient globalement en meilleur état quantitatif que les eaux de surface. Les masses d’eau souterraines en mauvais état quantitatif sont principalement situées dans le Sud-Ouest, la région Centre et le pourtour méditerranéen ([201]).

Les épisodes de sécheresse, constatés sur des territoires de plus en plus étendus et sur des durées de plus en plus longues, nécessitent un cadre de régulation collective des usages de l’eau durant ces périodes de crise. Les préfets disposent de pouvoirs exceptionnels leur permettant de mettre en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau pour l’ensemble des utilisateurs. L’échelle des mesures à prendre est graduée selon la gravité de la situation, avec quatre niveaux réglementaires d’intervention, définis par l’article R. 211-66 du code de l’environnement, modifié par un décret de 2021.

Le premier stade est celui de la « vigilance », où les utilisateurs sont simplement sensibilisés à la nécessité de faire des économies d’eau.

Le deuxième stade est « l’alerte », où des réductions de prélèvements et l’interdiction de certaines activités comme l’arrosage en journée, le remplissage des piscines, le lavage des véhicules ou encore l’irrigation des cultures par aspersion peuvent être imposées.

Le stade de « l’alerte renforcée » entraîne la réduction de tous les prélèvements d’eau, parfois jusqu’à 50 %, et l’interdiction totale de certaines activités comme l’arrosage par les particuliers.

Enfin, le niveau de « crise » entraîne la prise de mesures drastiques pour préserver les usages prioritaires, et interdit partiellement ou totalement les prélèvements en eau pour l’agriculture et pour de nombreux usages domestiques non prioritaires.

Une instruction ministérielle du 27 juillet 2021 prévoit que des arrêtés d’orientation soient pris par les préfets coordonnateurs de bassin pour définir les zones d’alerte, les conditions de déclenchement des différents seuils et les mesures de restriction correspondantes, ainsi que les éventuelles exceptions individuelles. Ces arrêtés doivent être pris avant l’apparition de la sécheresse.

Des arrêtés-cadres départementaux ou interdépartementaux doivent ensuite décliner les mesures restrictives pour chaque zone d’alerte, à l’issue d’une concertation menée avec les usagers dans le cadre de comités dit « comités sécheresse », qui formulent un avis sur ces arrêtés-cadres. Les arrêtés-cadres peuvent seulement prévoir des mesures plus restrictives que l’arrêté d’orientation.

Enfin, des arrêtés individuels de restriction temporaire des usages peuvent être pris par les préfets en situation de sécheresse. Ils déclinent pour tous les intéressés les mesures d’interdiction ou de restriction ([202]).

À l’issue de la sécheresse de l’été 2022, le Retex mené conjointement par l’Igedd, le CGAAER et l’IGA ([203]), a observé plusieurs bonnes pratiques d’anticipation dans la gestion de l’eau de certains territoires, mais qui restent encore minoritaires. Un « guide national sécheresse », à l’attention des préfets et des services de l’État, produit en 2021 et mis à jour en mai 2023, précise les conditions de déclenchement des différentes phases des sécheresses ([204]). Il vise à garantir un socle de mesures identiques entre les différents territoires, et s’appuie notamment sur le Retex susmentionné.

b.   Harmoniser les modalités d’intervention des préfets en matière d’arrêtés de sécheresse

Des critiques sont souvent émises sur les mesures de crise, qui seraient mises en œuvre de manière trop variable selon le contexte et les territoires. De plus, le franchissement de seuils d’alerte n’entraînerait pas nécessairement la prise d’arrêtés de restriction. Un rapport d’information parlementaire sur les conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, publié en juin 2020 ([205]), déplorait ainsi la disparité des mesures de restriction entre territoires voisins et l’existence d’un rapport de force entre les acteurs de terrain, qui fausserait l’objectivité des décisions de restriction.

Les préfets jouent un rôle important en ce qui concerne la gestion de crise. Plusieurs personnes et institutions auditionnées par la mission considèrent que celleci demeure perfectible. En particulier, lors de la mise en place des arrêtés de sécheresse, les restrictions fixées interviennent à l’issue de négociations en anticipation d’éventuelles conséquences économiques pour les usagers et pour l’économie locale. Même lorsque le niveau « crise » est en atteint, il arrive que les arrêtés de sécheresse aménagent des dérogations, par exemple pour les usagers agricoles.

Les représentants de différentes préfectures de région auditionnés par les rapporteurs ont fait état d’une gouvernance et d’une planification plutôt efficaces à l’échelle des bassins. Ils ont toutefois recommandé une certaine vigilance quant à la cohérence des arrêtés-cadres des différents préfets de département, à qui il pouvait arriver de prendre des décisions divergentes alors qu’ils étaient pourtant soumis à la même situation hydrographique.

Comme l’a relevé la Cour des comptes, dans le bassin Artois-Picardie, plusieurs sous-bassins versants sont ainsi situés sur le territoire des départements du Nord et du Pas-de-Calais, mais les situations de sécheresse ne font pas l’objet d’arrêtés inter-préfectoraux. Les préfets des deux départements prennent chacun un arrêté de sécheresse distinct. Les deux documents sont très similaires, mais présentent des différences. Ainsi, à la fin de l’été 2022, le préfet du Pas-de-Calais a maintenu l’état d’alerte jusqu’au 31 décembre 2022, alors que celui du Nord l’a maintenu jusqu’au 15 septembre, avant de le prolonger jusqu’à fin novembre. Depuis la fin du mois d’août 2022, les sous-bassins versants de la Scarpe amont, la Sensée et l’Escaut sont maintenus en « alerte » dans le Nord et sont en « vigilance » dans le Pas-de-Calais, ce qui implique des restrictions sur une partie des sous-bassins et pas sur l’autre.

Ces divergences peuvent s’expliquer par des différences de réactivité, et sont parfois la conséquence d’efforts de restriction d’usages de l’eau en amont, pouvant conduire à une situation plus favorable en aval. Il est donc important de maintenir un dialogue et une solidarité amont-aval afin que les départements en amont qui consentent à faire des efforts, ne se retrouvent pas dans une situation d’inégalité avec les départements situés en aval.

L’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a plaidé auprès des rapporteurs pour une simplification du déploiement des restrictions de prélèvement et une amélioration des délais de mise en œuvre, entre la prise de décision et l’effectivité réelle des arrêtés préfectoraux. Elle préconise notamment la possibilité de prise de décision par le préfet coordonnateur de bassin sur proposition des préfets de sous‑bassin.

Par ailleurs, la communication s’avère souvent trop administrative et insuffisamment pédagogique vis-à-vis des usagers. La communication de données objectives sur l’état des réserves et des milieux est pourtant fondamentale pour une prise de décision éclairée et partagée. La facilité d’accès ou la communication sur ces informations sont variables selon les bassins et pourraient être améliorées. Un arrêté de vigilance dès le printemps pourrait permettre une meilleure organisation des acteurs et aider les consommateurs et les usagers à anticiper la sécheresse. Lors de la crise, plus de cohérence interdépartementale et de lisibilité des arrêtés de restriction (vers le grand public) faciliterait la prise de conscience de tous sur l’importance et les implications de la sécheresse.

La mauvaise connaissance des prélèvements, soulevée par de nombreux acteurs auditionnés, entraîne aussi une moins bonne définition et application des restrictions de prélèvement en période de crise. Il est plus difficile de faire respecter les restrictions de prélèvement si celles-ci sont mal connues. Les effectifs dédiés à la surveillance et à l’éventuelle sanction en cas de non-respect, sont en outre jugés insuffisants. L’association Amorce, tout comme la Fédération nationale de la pêche, ont souligné, lors de leur audition, le manque de moyens humains de la police de l’eau, assurée notamment par l’OFB. Plusieurs personnes auditionnées ont également évoqué la nécessité d’abaisser les seuils de prélèvements soumis à autorisation et à déclaration et de renforcer la bonne application de ces mécanismes (voir infra.).

Les rapporteurs sont donc favorables à une meilleure anticipation et implication des différents acteurs dans la préparation des arrêtés de sécheresse. Il est également nécessaire de systématiser la prise de ces arrêtés et leurs éventuelles dérogations, selon des critères clairs et connus de tous. Enfin, la mise en place de préfets coordinateurs de sous-bassins, déjà en cours, est à encourager.

Proposition n° 48 : Communiquer davantage en amont et pendant la crise sécheresse : impliquer tous les usagers pour renforcer l’appropriation des mesures et l’efficacité des décisions.

 

Proposition n° 49 : Renforcer le processus d’anticipation et d’implication des différents acteurs dans la préparation des arrêtés de sécheresse. Coordonner l’action des services de l’État par la mise en place de préfets coordonnateurs à l’échelle des sous-bassins lorsque c’est nécessaire.

4.   Mieux assurer l’interconnexion ou l’autonomie en eau des zones touchées par la raréfaction de la ressource

Dans les périodes de crise et de sécheresse intense, il arrive que l’alimentation en eau potable ne soit plus assurée dans certaines parties du territoire. Les pouvoirs publics doivent alors trouver un moyen d’acheminer l’eau jusqu’aux citoyens privés d’eau.

Au cours de l’été 2022, la fragilité de l’accès à l’eau et l’insuffisance du système d’interconnexion des réseaux pour de nombreuses communes isolées ont été mises en évidence. Ces communes ont pu être confrontées à des coupures d’eau en raison de l’insuffisance du niveau des nappes phréatiques. Durant l’été 2022, plus d’un millier de communes ont ainsi dû mettre en place des mesures de gestion exceptionnelles pour approvisionner leurs habitants. Parmi elles, 343 ont dû transporter de l’eau par camion, et 196 distribuer des bouteilles d’eau, ne pouvant plus fournir d’eau au robinet. Aucune grande ville n’a connu de rupture d’alimentation, bien que certaines n’en soient pas passées loin.

Mayotte a pour sa part fait, dernièrement, l’objet d’incessantes coupures d’eau, notamment en raison de l’augmentation de sa population sans adaptation concomitante des infrastructures, mais également de déboisements néfastes au bon fonctionnement du cycle hydrologique et d’un déficit pluviométrique de 24 % sur la saison 2022-2023. Le réchauffement climatique contribue à réduire la durée de la saison des pluies et son intensité et donc le remplissage des deux retenues collinaires situées au centre de l’île. Ainsi, 600 000 litres d’eau potable ont été acheminés par bateau à Mayotte à la mi-septembre 2023, alors que les habitants étaient privés d’eau deux jours sur trois sur l’île principale de l’archipel.

L’une des solutions pour acheminer l’eau dans les situations de pénurie est l’interconnexion des réseaux, c’est-à-dire la mise en liaison d’unités de distribution distinctes dans le but d’assurer la continuité de l’approvisionnement ainsi que la sécurisation quantitative et qualitative de l’alimentation en eau potable des deux unités connectées. L’interconnexion des réseaux apparaît ainsi comme une mesure de sécurité souhaitable pour pallier ces difficultés.

À titre d’exemple, des travaux d’interconnexion des réseaux d’eau entre la Creuse et l’Allier ont débuté en juin 2023, afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable de plusieurs communes des deux départements représentant 12 000 habitants. Ce projet, cofinancé par l’agence de l’eau Loire-Bretagne et l’État, prévoit la pose de près de 39 kilomètres de canalisations et d’un réservoir de stockage de l’eau traitée de 1 200 mètres cubes. Un autre projet notable est celui en cours de réalisation par le syndicat Atlantic’eau qui prévoit de relier les réseaux d’eau potable du nord et du sud de la Loire et d’éviter que les habitants du Pays de Retz se retrouvent un jour privés d’eau du robinet en cas d’incident sur la seule usine d’eau potable de la région. Des canalisations de 18 kilomètres de longueur seront posées qui passeront notamment par un tunnel de 1,80 mètre de diamètre, creusé dans la roche, à une profondeur de 12 mètres sous la Loire. L’objectif est de rendre possible l’approvisionnement depuis l’usine de Nantes Métropole, au nord de la Loire.

L’interconnexion des réseaux peut toutefois présenter plusieurs obstacles. Le coût de ces interconnexions est élevé et peut s’échelonner de 100 à 250 euros hors taxe par mètre en zone rurale, pouvant monter à plus de 1 000 euros hors taxe par mètre en zone de montagne.

L’autre obstacle principal est la disponibilité de l’eau à proximité relative de la zone en pénurie, en quantité et en qualité. Sur certains territoires, tous les services d’eau dépendent de ressources qui ont le même régime. Lorsque l’interconnexion intervient pour faire face à une pénurie ponctuelle liée par exemple à une panne, cela n’est pas problématique, mais lorsque la pénurie d’eau est due à une sécheresse qui frappe en même temps tous les services d’eau du secteur, l’interconnexion à proximité peut se révéler inopérante.

Enfin, il est également important de prendre en compte les enjeux de sécurité sanitaire en cas d’interconnexion, et de limiter autant que possible les temps de séjour de l’eau dans les canalisations ([206]).

L’association Départements de France a fait part aux rapporteurs d’une revendication qui permettrait selon elle, d’améliorer la réalisation des travaux d’interconnexion des réseaux d’eau. L’association souhaite que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats mixtes compétents puissent déléguer à un département la maîtrise d’ouvrage en matière de production, de transport et de stockage d’eau. Elle souhaite également qu’un syndicat mixte regroupant notamment un ou plusieurs départements limitrophes puisse assurer tout ou partie de ces missions. La plus grande marge de manœuvre des départements en matière financière et d’ingénierie permettrait de faciliter la réalisation de travaux d’interconnexion. Dans l’hypothèse du rétablissement de la compétence en matière d’eau obligatoire pour les départements (voir infra), garantir l’interconnexion des réseaux partout où cela est possible et souhaitable pourrait faire partie des missions du département.

La pénurie d’eau peut aussi avoir pour cause la dégradation qualitative de l’eau, et peut nécessiter par exemple, l’action de l’ARS afin de mettre en œuvre l’interconnexion à un autre réseau d’eau, ou la mise en œuvre d’un arrêté préfectoral d’autorisation exceptionnelle de l’usage d’une ressource, comme un forage inactif.

Au regard de ces obstacles, même si les interconnexions sont évidemment à étudier et à réaliser si possible, il est nécessaire de prévoir également des solutions de type approvisionnement par camion ou unité mobile de traitement, et de maximiser les mesures de sobriété en amont, d’autant plus sur les territoires exposés aux risques de pénurie.

Toutefois, il serait souhaitable d’étudier la possibilité de créer des interconnexions partout où cela est possible, raisonnable et utile. À cet égard, les rapporteurs préconisent de mettre à jour dans chaque département un schéma d’interconnexion qui évalue les fragilités et étudie les possibilités d’interconnexion. Lorsque l’interconnexion n’est pas possible, il faut alors se tourner vers des solutions permettant aux collectivités de développer leur autonomie en eau, par exemple avec des unités mobiles de traitement à disposition.

Enfin, les rapporteurs souhaitent insister sur le fait que le développement de dispositifs d’interconnexion ne doit pas constituer la seule solution, et doit aller de pair avec l’optimisation de tous les captages d’eau disponibles dans des conditions sanitaires satisfaisantes.

Proposition  50 : Mettre à jour dans chaque département un schéma d’interconnexion qui identifie les fragilités d’approvisionnement des différentes communes et précise les mesures structurelles à prendre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, ainsi que les mesures de crise possibles en cas de rupture d’approvisionnement.

Sur le plan de la réponse administrative, une instruction interministérielle du 19 juin 2017 a demandé aux préfets d’élaborer, avant le 31 décembre 2020, des plans Orsec « eau potable » pour faire face à des « ruptures qualitatives ou quantitatives » de l’approvisionnement en eau potable des populations. Cette instruction et le guide d’élaboration des plans qu’elle introduit visent à « définir les principes d’organisation de l’approvisionnement en eau potable des populations, en pourvoyant à ses besoins prioritaires ».

Cette organisation doit être mise en œuvre lorsque la fourniture d’eau n’est plus possible, pour des raisons qualitatives ou quantitatives, « quel que soit l’événement qui en est la cause ». En ce qui concerne les modalités de gestion de crise proprement dite, les plans doivent prévoir les modalités d’information de la population, la sécurisation du réseau d’adduction d’eau (possibilités d’interconnexion à un autre réseau, mobilisation exceptionnelle des ressources autorisées ou de ressources de secours, rationalisation des usages), les moyens de garantir la continuité d’approvisionnement par des moyens de substitution (eau embouteillée, eau ensachée, unités mobiles de traitement, camions-citernes), la désinfection de l’eau à domicile par les usagers, voire la distribution d’eau non potable.

Le plan Orsec « eau potable » doit être intégré dans le plan Orsec départemental. Face à la situation actuelle ayant conduit à une interruption de la distribution d’eau potable en Guadeloupe, certains élus ont appelé l’État à mettre en place un plan Orsec « eau potable ». Cependant, en répondant à un recours déposé par des particuliers, le Conseil d’État a estimé que la crise de l’approvisionnement et de la distribution en eau en Guadeloupe constitue une situation de fait due à la dégradation des réseaux qui perdure depuis de nombreuses années, ce qui ne saurait justifier un plan Orsec « eau ». Aussi, les rapporteurs recommandent que les dispositions permettant le déclenchement du plan Orsec prennent également en compte les situations d’urgence sanitaire ou les circonstances sanitaires exceptionnelles aux côtés des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe.

Proposition n° 51 : En complément des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe, prévoir que l’urgence sanitaire, notamment liée à la défaillance de la distribution de l’eau, justifie la planification et le déclenchement du plan Orsec et les réquisitions des moyens nécessaires.

Enfin, l’accès à l’eau doit évidemment être garanti pour tous, à tout moment. Le droit à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme un droit humain fondamental par les Nations Unies en 2010, par l’adoption de la résolution 64/292.Il serait souhaitable que l’Union européenne et la France traduisent dans les textes ce droit à l’eau.

À cet égard, l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine de transposition de la directive européenne du 16 décembre 2020 avait prévu à son article 8 que « l’accroissement des charges résultant pour les communes ou leurs établissements publics de coopération des dispositions du 4° de l’article 2 est accompagné d’une compensation financière dans les conditions fixées aux articles L. 1614-1-1, L. 1614-3, L. 1614-3-1, L. 1614-5-1 et L. 1614-6 du code général des collectivités territoriales, selon des modalités déterminées en loi de finances. »

Cela correspond aux charges générées par la mise en œuvre du droit d’accès à l’eau : diagnostic territorial, mise en œuvre des mesures techniquement réalisables et proportionnées à l’urgence de la situation, information des personnes concernées sur la possibilité d’un raccordement ou d’accès alternatif à l’eau, mise en place et entretien de bornes-fontaines. Ces mesures concernent les personnes en situation de précarité mais aussi les habitations isolées dont l’alimentation en eau par source ou puits privé est menacée par les sécheresses. Il est important que l’État apporte un soutien financier réel aux collectivités qui mettent en place des équipements visant à permettre l’accès à l’eau de tous.


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III.   Renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau pour faire face au changement climatique

Le schéma institutionnel de la gestion de l’eau en France est à la fois robuste et complexe, mêlant décentralisation et gestion planifiée. Si depuis le XIXe siècle, les communes ont la responsabilité juridique de la gestion de l’accès à l’eau potable et de l’assainissement, la répartition de la ressource entre les usages se fait depuis 1964 à l’échelle des bassins hydrographiques afin de correspondre aux réalités physiques et géographiques des territoires. La France est précurseure à l’échelle européenne puisque la directive-cadre sur l’eau de 2000 oblige l’ensemble des États membres à répertorier leurs bassins hydrographiques et à établir des autorités en charge de ces derniers. En France, ces bassins, divisés en sous-bassins, sont au nombre de six en métropole et cinq dans les outre-mer. Chaque bassin est géré par un établissement public administratif national, les agences de l’eau, chargé de collecter les redevances et de financer des projets favorisant une meilleure gestion de la ressource.

Pour mieux adapter la politique de l’eau au défi climatique, le schéma de gouvernance et le financement demeurent cependant perfectibles. En effet, la gestion locale de l’eau au niveau des sous-bassins peut encore être améliorée, tout en laissant une place plus importante aux citoyens dans la conduite des politiques de l’eau, notamment afin de désamorcer des conflits d’usage qui deviennent récurrents sous l’effet de la raréfaction de la ressource. La complexité de la procédure d’élaboration des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) décourage les acteurs locaux de s’engager dans leur élaboration. L’organisation de la gestion de l’eau dans les sous-bassins hydrographiques, autour des commissions locales de l’eau (CLE), pâtit de l’absence d’établissements publics territoriaux dotés de moyens et d’une gouvernance autonome.

Au niveau du financement, le principe de « l’eau paie l’eau » n’est pas pleinement respecté et demeure insuffisant pour répondre efficacement aux investissements requis dans le petit cycle comme dans le grand cycle de l’eau. Des propositions peuvent être avancées pour repenser la tarification de l’eau, le système de redevances et le financement d’autres politiques, telles que la biodiversité, qui dépendent aujourd’hui de la politique de l’eau. En outre, un effort accru de l’État sera très probablement nécessaire pour aider à surmonter le mur d’investissements requis pour une meilleure gestion de la ressource.

A.   Le cadre de gouvernance de la politique de l’eau est-il adapté au défi du changement climatique ?

État, collectivités, agences de l’eau, comités de bassin, commissions locales de l’eau, établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) et bien d’autres acteurs interviennent dans le champ des politiques de l’eau. Les frontières administratives ne correspondent pas toujours aux frontières hydrologiques décidées pour la gestion de la politique de l’eau. Ainsi, la gouvernance de l’eau apparaît encore comme un domaine complexe dont la cohérence d’ensemble peut être améliorée. Le mode d’élaboration, d’adoption, de révision et le contenu prescriptif des schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau (Sdage) et des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) peuvent être améliorés. La place des citoyens dans les instances de gouvernance peut également être renforcée pour que la démocratie de l’eau devienne une réalité, ce qui permettra de désamorcer les conflits d’usage.

Le rôle des collectivités territoriales est également essentiel : le mouvement d’intercommunalisation de la politique de l’eau doit se poursuivre, sans oublier pour autant les spécificités de certains territoires, notamment les territoires de montagne, qui s’insèrent parfois mal dans des dispositifs intercommunaux. Les départements jouent également un rôle important mais inégal, qui pourrait être renforcé.

Enfin, les services de l’État doivent veiller au respect des lois et règlements édictés dans le domaine de l’eau, ce qui suppose de renforcer leur action et l’arsenal des sanctions.

1.   Les grands objectifs de la politique de l’eau au niveau national et européen au regard du défi climatique

a.   Les textes fondateurs de la politique de l’eau

La politique de l’eau en France est fondée sur quatre grandes lois et est encadrée, au niveau européen, par la directive-cadre sur l’eau. La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution crée le principe de la gestion de l’eau par grands bassins versants ainsi que les comités de bassin et les agences de l’eau.

La loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau reconnaît l’eau comme faisant partie du patrimoine commun de la nation. Elle organise la planification dans le domaine de l’eau en créant les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux dans chaque bassin versant, qui fixent « les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau ». Les Sdage sont déclinés, au niveau des sous-bassins, par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux établis par les commissions locales de l’eau. Enfin, la loi crée une obligation de déclaration ou de demande d’autorisation pour les projets susceptibles d’avoir un impact sur la ressource en eau.

La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau établit des règles pour « éviter une détérioration de l’état des eaux au niveau communautaire » et parvenir au « bon état » des rivières, lacs et eaux souterraines en Europe d’ici à 2015 (objectif depuis repoussé à 2027). Elle fixe plusieurs objectifs : protéger toutes les formes d’eau ; restaurer les écosystèmes à l’intérieur et autour de ces masses d’eau ; réduire la pollution dans les masses d’eau et garantir une utilisation durable de l’eau par les particuliers et entreprises. La loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau a établi le cadre législatif pour le respect de cette directive.

Enfin la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA ») reconnaît le droit à l’accès à l’eau pour tous et prend en compte le changement climatique dans la gestion de la ressource en eau. Elle refonde notamment les principes de tarification de l’eau et rénove les outils au service de la police de l’eau.

Au-delà de ces quatre grandes lois, il existe une instance nationale, le Comité national de l’eau (CNE), qui rassemble des représentants de toutes les catégories d’usagers, des collectivités territoriales, de l’État et de leurs établissements publics, les présidents des comités de bassin, des personnalités qualifiées et des parlementaires. Le CNE émet des avis simples qui ne s’imposent pas au Gouvernement. Il est cependant consulté sur tous les textes réglementaires, sur les projets de Sdage et sur toutes les questions d’intérêt national liées à l’eau. Il a été largement consulté lors des Assises de l’eau. Selon son président M. Jean Launay, auditionné par la mission, les attributions du Comité national de l’eau souffrent parfois d’un manque de précision. Le Sénat a proposé de transformer le Comité national de l’eau en Haut conseil pour l’eau ([207]), en le dotant de moyens d’expertise technique et de moyens humains et financiers, lui permettant de renforcer sa capacité à évaluer les politiques de l’eau. À titre d’exemple, le CESE a rappelé dans son avis la nécessité de suivre la mise en œuvre des Assises de l’eau, comme du Plan eau, via l’élaboration d’indicateurs chiffrés. Le CNE pourrait être consulté sur la nature et la liste de ces indicateurs à établir et en effectuer le suivi.

b.   L’organisation de la politique de l’eau

En France, la gestion de l’eau est assurée au sein de douze grands bassins hydrographiques (Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Corse, Seine-Normandie, Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte). Pour chaque bassin, le comité de bassin, composé de 40 % d’élus locaux, de 40 % de représentants des usagers et de 20 % de représentants de l’État, arrête les grandes orientations de la politique de l’eau. Les comités de bassin, généralement présidés par un élu, élaborent et adoptent les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux avec l’appui des agences de l’eau. Ces documents de planification stratégique, valables pour une période de six ans, exposent la situation de la ressource hydrographique, les pressions qui s’exercent sur elle ainsi que les actions à entreprendre pour atteindre le bon état écologique des masses d’eau. Le Sdage est approuvé par le préfet coordonnateur de bassin en même temps qu’il arrête le programme de mesures correspondant à sa mise en œuvre.

Dans chaque bassin hydrographique, un préfet coordonnateur de bassin pilote en effet l’action des services de l’État et la mise en œuvre des orientations fixées au niveau national. Mais il est également consulté sur les projets de SAGE, les plans de gestion des étiages, la délimitation des zones vulnérables et sensibles ainsi que le périmètre des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Trois ministères sont principalement concernés : le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et le ministère de la santé et de la prévention. Ceux-ci ne partagent pas les mêmes objectifs et les arbitrages interministériels ne suffisent pas toujours à masquer ces divergences.

Les agences de l’eau, établissements publics de l’État présidés par le préfet coordonnateur de bassin, sont le bras armé de la mise en œuvre de la politique de l’eau. Elles assurent le secrétariat des comités de bassin, lesquels ne disposent pas de moyens propres. Elles préparent avec les services déconcentrés de l’État les documents de planification stratégique pluriannuelle ainsi que les programmes d’actions nécessaires à leur mise en œuvre. Le préfet coordonnateur est également assisté par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de son ressort.

 

Schéma simplifié de la gouvernance de l’eau au niveau national

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La gestion des inondations, des submersions et des cours d’eau non domaniaux relève de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI‑FP). Ces derniers se retrouvent au sein des syndicats mixtes constitués à l’échelle d’un bassin versant d’un fleuve côtier appelé établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (Epage).

Les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) sont eux aussi des syndicats mixtes, constitués à l’échelle d’un bassin ou d’un groupement de sous‑bassins hydrographiques, mais ont la charge de la prévention des inondations et la défense contre la mer, la gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que la préservation et la gestion des zones humides en plus de contribuer, s’il y a lieu, à l’élaboration et au suivi du schéma d’aménagement et de gestion des eaux. 

Enfin, malgré le caractère à la fois déconcentré et décentralisé de la politique de l’eau, l’État joue un rôle important puisqu’il assure à travers les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), l’Office français de la biodiversité (OFB), les agences de l’eau et les directions départementales des territoires (DDT) une partie du financement et de la mise en œuvre des politiques de gestion quantitative de la ressource, notamment en matière de police de l’eau.

c.   Les grands objectifs de la politique de l’eau à travers les Assises de l’eau et le Plan eau de mars 2023

Les objectifs fixés aux politiques de l’eau sont de plus en plus ambitieux. Dans le cadre du Plan eau, le Président de la République a fixé un objectif général de réduction de 10 % de la consommation d’eau en 2030 pour tous les secteurs, sauf pour l’agriculture (mais avec une augmentation des surfaces irriguées, ce qui doit se traduire par une sobriété à l’hectare accrue). Cet objectif concerne tous les prélèvements d’eau souterraine et de surface, et l’ensemble des usages. Il est, par comparaison, moins ambitieux que celui fixé lors des Assises de l’eau qui prévoyaient une réduction de la consommation de 10 % en 2025 et de 25 % en 2035. Cependant, à ce jour, les recommandations des Assises ne se sont pas traduites dans les faits. Certains acteurs, comme Amorce, considère que l’objectif fixé par le Plan eau constitue un minimum dans un contexte où les prospectives d’évolution des masses d’eau renouvelées annuellement peuvent diminuer de 30 à 40 % d’ici 2050. Ils considèrent que l’échéance de 2030 est trop lointaine et qu’il aurait pu être judicieux de fixer l’objectif de sobriété de 10 % dès 2025, notamment au regard des résultats immédiats encourageants obtenus dans le cadre du plan de sobriété énergétique.

Les rapporteurs proposent a minima d’inscrire dans la loi et les différents textes réglementaires qui en découlent l’objectif de réduire les prélèvements dans la ressource en eau douce de 10 % d’ici 2030 et de compléter avec l’objectif de – 25 % d’ici 2040. Cette mesure devra être transcrite dans les Sdage et les SAGE pour assurer une trajectoire annuelle et une répartition par territoire et par usage.

Proposition n° 52 : Inscrire l’objectif de réduction de 10 % des prélèvements de la ressource en eau douce dans la loi et le compléter par un objectif de 25 % d’ici 2040. Décliner ces objectifs dans les Sdage et les SAGE.

Par ailleurs, le « plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau » est constitué de 53 mesures qui sont globalement bien accueillies par la plupart des acteurs auditionnés par la mission, certains regrettant cependant une ambition insuffisante sur certains volets et une participation financière de l’État qui pourrait être renforcée. Il s’agit d’une feuille de route dont il faudra suivre l’opérationnalisation.

2.   Améliorer la planification de la gestion de l’eau par bassins et sous‑bassins

La gestion de l’eau par bassin versant est efficace dans le sens où il s’agit de l’échelle pertinente de gestion de l’eau. La gestion de l’eau par bassin hydrographique doit cependant se décliner concrètement par sous-bassin, ce qui pose des problèmes d’identification des structures gestionnaires et de fixation d’objectifs quantifiés de réduction des prélèvements et de la consommation en eau.

a.   Renforcer les Sdage et les comités de bassin pour mieux faire face au défi climatique

Les grands schémas de gestion de l’eau sont abondants sur le territoire mais leur mise en œuvre peut encore être améliorée. Prévu pour six ans, le Sdage est adopté par un comité de bassin et approuvé par le préfet coordonnateur de bassin. Le contenu des dispositions et orientations du Sdage est décliné et précisé à l’échelle des masses d’eau dans le programme de mesures (PDM) sous forme de mesures de réduction des impacts des pressions anthropiques sur les milieux et la ressource. Ces mesures de réduction des impacts contribuent ainsi à l’adaptation au changement climatique via des mesures visant à résorber les déséquilibres déjà constatés entre la ressource disponible et les besoins en eau pour les usages et les milieux (économies d’eau, voire substitution), des mesures de réduction des pollutions de toutes origines et des mesures de restauration des milieux et de leur bon fonctionnement. Parmi les solutions multifonctionnelles, les Sdage mentionnent les solutions fondées sur la nature, en particulier pour l’infiltration des eaux pluviales, les économies d’eau et le stockage de l’eau dans les sols et les nappes, ou encore le ralentissement de l’écoulement des eaux par la restauration morphologique des cours d’eau (reméandrage, zones d’expansion, reconnexion aux zones humides, végétalisation des berges...).

Le Sdage invite également à développer ces approches dans les domaines de l’urbanisme (SCoT par exemple), de l’aménagement et du développement des territoires (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires epar exemple) mais aussi dans le cadre des filières économiques : agriculture (à travers les plans régionaux d’adaptation de l’agriculture au changement climatique par exemple), énergie, tourisme. En droit, les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles, ou rendus compatibles, avec les dispositions des Sdage.

Une partie des documents de planification (documents d’urbanisme et autres types de plans et programmes) doit également être compatible avec certaines prescriptions des Sdage : cela concerne les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou, en l’absence de SCoT, les cartes communales, les plans locaux d’urbanisme (PLU, PLUi) et les documents en tenant lieu. En pratique, cette articulation est trop souvent lacunaire et peut être nettement améliorée (cf. infra).

Les Sdage sont donc des instruments essentiels de la politique de l’eau pour chaque bassin, mais leur élaboration et leur articulation avec l’ensemble des décisions administratives relatives à l’eau sur les territoires demeurent perfectibles.

En premier lieu, les Sdage doivent faire l’articulation entre le court terme, le moyen terme et le long terme, mais tous ne l’ont pas fait. La précédente génération de Sdage n’a pas toujours inclus la question du changement climatique. D’autres, en revanche, ont intégré cette question il y a déjà plusieurs années. Dans le bassin Rhône-Méditerranée, un premier plan de bassin d’adaptation au changement climatique avait ainsi été publié en 2014 et a motivé la rédaction d’une orientation fondamentale « S’adapter au changement climatique » dans le Sdage 2016-2021. Ces éléments ont été repris et renforcés dans le Sdage 2022-2027. Le bassin Loire-Bretagne s’est pour sa part doté d’un plan d’adaptation au changement climatique en 2018. Toutefois, les tensions au sein des comités de bassin chargés de leur élaboration s’exacerbent à proportion des conflits d’usage de l’eau. L’adoption des Sdage 2022-2027 n’a pas toujours recueilli l’unanimité des membres des comités de bassin. Le Sdage Loire-Bretagne a ainsi fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif d’Orléans, déposé par les fédérations régionales de la FNSEA concernées.

La difficulté principale, soulignée par de nombreux acteurs, réside dans l’articulation entre le Sdage et les SAGE, ainsi que les autres documents de gouvernance à l’échelle locale (PTGE notamment). Tout d’abord, les Sdage sont révisés tous les six ans, comme l’impose la directive-cadre sur l’eau (DCE). Ainsi, la préparation d’un SAGE n’est souvent pas achevée et sa mise en œuvre n’a pas débuté lorsqu’un nouveau Sdage est adopté, ce qui devrait en principe entraîner la modification du SAGE. En pratique, l’obligation de mise en compatibilité des SAGE avec les Sdage dans le délai de trois ans est peu respectée. Les commissions locales de l’eau délibèrent rarement sur l’opportunité de réviser tous les six ans les SAGE. Il reste aux parties prenantes peu de temps et de moyens humains et financiers à consacrer à la mise en place d’actions concrètes.

Ces constatations plaident pour un allongement de la durée de validité des Sdage, doublé d’une capacité à les réviser plus facilement. En effet, l’évolution rapide de la situation de la ressource sous l’effet du changement climatique doit être prise en compte de manière urgente. Une révision glissante des Sdage permettrait de privilégier la mise en œuvre et le suivi de ces documents stratégiques. En outre, les Sdage ne préconisent pas systématiquement l’élaboration d’un SAGE dans les zones en déséquilibre, pas plus que les préfets coordonnateurs de bassin ne les classent nécessairement en zone de répartition des eaux (ZRE), ce qui constituerait pourtant un moyen de protection supplémentaire de la ressource là où elle vient à manquer.

Proposition  53 : Allonger la durée de vie des Sdage et prévoir des modalités simplifiées de révision.

Les Sdage gagneraient également à être moins longs et plus prescriptifs pour favoriser leur application, notamment au niveau des SAGE. En particulier, les Sdage devraient systématiquement contenir, comme proposé dans le cadre du Plan eau, des objectifs précis de réduction des prélèvements et de la consommation en eau, qui soient aisément déclinables au niveau des sous-bassins. Il reste d’ailleurs à éclaircir si ces objectifs doivent porter sur les prélèvements bruts ou nets (consommation). C’est une question technique et politique à la fois car la question porte sur la disponibilité de la ressource. EDF fait par exemple remarquer que sur le bassin Seine-Normandie, on constate que les prélèvements ont baissé au niveau de l’énergie, mais ce résultat est trompeur car il est directement lié à la fermeture d’une centrale nucléaire (Porcheville). Or, la baisse des prélèvements vient alors masquer le fait qu’il n’y a pas eu de progrès sur la sobriété et la consommation d’eau puisque l’eau prélevée par la centrale était restituée.

Proposition  54 : Inciter à l’élaboration de Sdage et de SAGE moins volumineux et plus prescriptifs.

Enfin, les comités de bassin jouent un rôle majeur dans l’élaboration des Sdage, dont ils ont la charge, avec l’appui de leur bras armé que sont les agences de l’eau. Ils constituent des instances délibératives qui rassemblent toutes les parties prenantes (collectivités locales, industriels, agriculteurs, État, consommateurs, ONG…) par grand bassin versant. Plusieurs dizaines de personnes siègent dans les comités de bassin : 189 en Seine-Normandie, une centaine dans le bassin Rhin-Meuse. Dans ce cadre, les comités de bassin sont souvent qualifiés de « parlements de l’eau ».

Cependant, en l’absence de moyens financiers et humains propres aux comités de bassin, le bon fonctionnement de la gouvernance dépend souvent de l’entente entre le préfet coordonnateur, le président du comité de bassin et le directeur général de l’agence de l’eau. Les présidents de comité de bassin considèrent majoritairement qu’ils ne disposent pas d’un poids politique suffisant pour peser dans des entités aussi vastes et fragmentées dans leur représentation politique. La plupart d’entre eux souhaitent un rééquilibrage entre le rôle donné aux préfets coordonnateurs et celui qui leur revient. Certains comités de bassin regrettent également une implication et une présence trop faible d’un certain nombre d’élus locaux, pourtant bien représentés dans les collèges. À cet égard, les contrats territoriaux d’écologie et de progrès signés en Seine-Normandie permettent d’impliquer les collectivités dans des programmes de long terme.

En outre, si la composition des comités de bassin favorise le débat et la concertation entre les acteurs de l’eau au niveau des bassins, atteindre une parfaite représentation est difficile, notamment pour les usagers non économiques qui ne sont pas aussi organisés que les filières économiques. Dans leur ouvrage Les politiques de l’eau, MM. Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux avancent que cette gouvernance relève souvent d’une « domination de certains acteurs » plutôt que d’un véritable dialogue entre toutes les parties prenantes. Ils soulignent en particulier le poids des « utilisateurs de l’eau les plus riches », donc les acteurs économiques les plus puissants et les mieux organisés, au sein de la construction des politiques de l’eau. Dans ce cadre, il pourrait être nécessaire de renforcer la place des usagers non économiques de l’eau dans les comités de bassin.

Surtout, il apparaîtrait utile de doter les comités de bassin d’un minimum de moyens humains et financiers en propre pour leur permettre de professionnaliser le processus d’élaboration et de suivi des Sdage.

Proposition n° 55 : Accroître le nombre de sièges réservés aux usagers non économiques de l’eau et donner un minimum de moyens de fonctionnement autonomes aux comités de bassin sur le plan administratif et financier.

b.   Encourager le développement de SAGE sur l’ensemble du territoire en renforçant le rôle des CLE

Une grande partie du succès de la politique de l’eau se joue également au niveau des sous-bassins versants. Or, à ce jour, seulement 54 % du territoire est couvert par un SAGE. Le SAGE, institué par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, est le document de planification d’une politique globale de gestion de l’eau à l’échelle d’une « unité hydrographique cohérente », pour une période de dix ans. Le SAGE a pour rôle de définir des enjeux, des objectifs généraux ainsi que des dispositions permettant d’aboutir à un partage équilibré de l’eau entre usages et milieux. Il doit être compatible avec le Sdage et, dans l’idéal, en fournir une déclinaison locale harmonisée. À l’issue des travaux d’élaboration pilotés par une commission locale de l’eau (CLE) et après une large phase de consultation, le SAGE est approuvé par arrêté préfectoral. Il acquiert alors une vocation opérationnelle ainsi qu’une valeur juridique conférée par la loi.

La portée opérationnelle des SAGE n’est pas négligeable en théorie. Depuis la loi dite « LEMA » du 30 décembre 2006, le SAGE doit comporter un règlement. Les dispositions de ce règlement ainsi que ses cartes sont opposables, dans des termes confinant à la conformité, à toute personne publique ou privée pour la réalisation d’opérations soumises à déclaration ou autorisation au titre des polices de l’eau (art. L. 214-1 et suivants du code de l’environnement) et des installations classées pour la protection de l’environnement (art. L. 511-1 et suivants du même code). Les autorités administratives compétentes peuvent se fonder sur l’incompatibilité d’un projet avec les dispositions du SAGE pour refuser une autorisation, s’opposer à une déclaration ou encore imposer des prescriptions ou prescrire une étude complémentaire. Un requérant tiers peut également invoquer l’incompatibilité d’un projet ou d’un document d’urbanisme avec le SAGE pour demander au juge administratif l’annulation d’un acte administratif ou d’un document administratif.

Cependant, le processus d’élaboration des SAGE est extrêmement long – neuf à dix ans en moyenne – et leur contenu opérationnel, régulièrement mis en cause par l’Autorité environnementale, apparaît trop souvent insuffisant. Par conséquent, non seulement le territoire demeure trop peu couvert par des SAGE, mais la portée opérationnelle de nombre d’entre eux est sujette à caution.

La répartition des SAGE est inégale sur le territoire. À titre d’exemple, dans le bassin Loire-Bretagne, 87 % du territoire est couvert par des SAGE et le reste par des contrats territoriaux (cumulés avec les SAGE, le bassin est couvert par des démarches contractuelles sur la quasi-totalité de sa superficie). D’autres bassins le sont beaucoup moins. Les SAGE sont nombreux dans le nord et l’ouest de la France métropolitaine. À l’inverse, le centre, l’est et le sud en comptent peu. Cette inégalité de couverture entre les bassins ne se justifie pas par des différences objectives de situations. Dans le bassin de l’Adour par exemple, le sous-bassin versant du Lot aval, pourtant situé en zone de répartition des eaux, ne fait pas l’objet d’un SAGE.

Carte de France des SAGE en 2022

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Le Gouvernement a évoqué son souhait de généraliser les SAGE sur le territoire mais sans prévoir de moyens opérationnels ou d’obligations législatives. Cette généralisation est appelée de leurs vœux par nombre d’acteurs, comme le Sénat, la Cour des comptes ou l’Association nationale des élus des bassins (Aneb). Le Plan eau prévoit par ailleurs la mise en place d’instances de dialogue de type commission locale de l’eau dans tous les sous-bassins. Avec le changement climatique, il serait ainsi souhaitable de généraliser les SAGE et de leur assigner des objectifs de réduction des prélèvements sans attendre l’apparition de tensions d’usage. Les objectifs et moyens des plans territoriaux de gestion de l’eau (PTGE) et d’autres instances de concertation territoriales pourraient ainsi être dévolus aux SAGE et aux CLE. Cette mesure implique, in fine, la disparition ou la mutation des autres instances de concertation que sont les PTGE, les comités ressource en eau et plans d’action opérationnels territorialisés à l’échelon départemental. Dans un souci à la fois de simplification, de lisibilité et d’efficacité, le schéma CLE-SAGE pourrait ainsi devenir le mode de gouvernance classique au niveau des sous-bassins sur l’ensemble du territoire.

Cela suppose un effort de rationalisation des structures de gouvernance. En effet, l’État et les agences de l’eau ont cherché à renforcer la portée opérationnelle de la politique de l’eau en créant de multiples outils contractuels avec les collectivités territoriales : contrats territoriaux de gestion quantitative (CTGQ), contrats de rivière, contrats de progrès territoriaux, plans de gestion de la ressource en eau (PGRE), contrats « eau et climat », contrats d’action pour la ressource en eau (CARE). L’État privilégie les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Ces contrats reposent sur une approche globale et coconstruite de la ressource en eau avec les collectivités territoriales. Ils peuvent compléter les SAGE pour leur donner une portée plus opérationnelle. Mais ils peuvent aussi être signés en l’absence de SAGE. Ils sont élaborés par un comité de pilotage au sein duquel tous les types d’usagers doivent en principe être représentés, mais qui n’a pas la même portée qu’une CLE. Dans certains cas, la CLE, lorsqu’elle existe, peut tenir lieu de comité de pilotage. Si, en théorie, ces contrats n’ont pas vocation à se substituer aux SAGE, dont la loi définit l’objet et les conditions d’élaboration, ni à aboutir au dessaisissement des commissions locales de l’eau (CLE) dont la composition est définie par le législateur, ils complexifient néanmoins la gestion de l’eau à l’échelle territoriale. Du reste, les difficultés rencontrées pour signer des contrats de territoire sont identiques à celles connues pour l’élaboration des SAGE. Si la politique de l’eau doit s’inscrire localement dans un projet préalablement concerté entre toutes les parties prenantes, les SAGE et les CLE doivent en devenir le fer de lance.

Proposition n° 56 : Généraliser les SAGE et les CLE sur l’ensemble du territoire, en absorbant les autres structures existantes pour rationaliser la politique de l’eau.

Une autre difficulté majeure concerne le temps d’élaboration des SAGE. De nombreuses personnes auditionnées par la mission ont fait remonter un défaut de pilotage tant au niveau local qu’au niveau de l’État pour impulser et accompagner l’élaboration des SAGE. Certaines préfectures peuvent mettre jusqu’à trois années pour délivrer un arrêté de composition de la CLE. Il faut généralement de très nombreuses années pour parvenir à l’élaboration d’un SAGE. La durée d’élaboration des SAGE, en moyenne de neuf à dix ans, explique en partie l’absence ou le retard de la planification locale. Ce processus très lent est rendu instable par le fait qu’il ne correspond pas au temps des élections locales qui peuvent interrompre le processus. À peine 5 % de ces documents-cadres ont été adoptés en moins de cinq ans. Il faut réaliser des études longues et coûteuses et trouver les financements. Dans le même temps, les Sdage sont révisés tous les six ans comme l’impose la directive cadre sur l’eau (DCE), ce qui pose un problème de temporalité et de déclinaison opérationnelle. Selon l’article L. 212-3 du code de l’environnement, le périmètre et le délai dans lequel le SAGE est élaboré ou révisé est déterminé par le Sdage ou, à défaut, arrêté par le représentant de l’État dans le département. En pratique, ni les Sdage ni les préfets ne jouent ce rôle de gardiens des délais.

À cet égard, un avant-projet de décret préparé par le Gouvernement ([208]) devrait introduire deux niveaux de révision du SAGE, dont une « partielle » qui permet de s’abstenir de refaire un état des lieux global – une sorte de « procédure accélérée », qui permettrait une mise en conformité plus rapide avec le Sdage. Les rapporteurs encouragent le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.

Proposition n° 57 : Raccourcir le délai de mise en œuvre des CLE et des SAGE et simplifier leurs modalités de révision en introduisant des modes de révision partiels.

Au niveau du contenu opérationnel, les SAGE comportent souvent des états des lieux trop généraux et sans objectifs chiffrés. À titre d’exemple, le 23 juin 2023, l’avis de l’Autorité environnementale ([209]) sur le projet de révision de SAGE du bassin de l’Armançon mettait en cause des dispositions trop peu « reliées aux mesures réglementaires », une absence de bilan du SAGE en vigueur depuis dix ans, un calcul des « bénéfices environnementaux » non démontré, l’absence de compatibilité avec d’autres documents prescriptifs et une présentation parcellaire des masses d’eau en déséquilibre quantitatif et des volumes prélevables.

Pour améliorer cette situation, le plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD) du SAGE pourrait être complété par un programme d’action pour sécuriser la ressource en eau en se basant sur une vision prospective de la ressource disponible. Le règlement du SAGE, quant à lui, doit traduire de manière territorialisée les objectifs de réduction des prélèvements nationaux tels que définis au sein du code de l’environnement et des Sdage. L’avant‑projet de décret mentionné précédemment imposerait ainsi aux SAGE de se doter, lors de leur prochaine révision, d’« objectifs chiffrés de réduction des prélèvements ». Mais aucune obligation de moyens ou de résultat n’accompagne cette mesure.

Proposition n° 58 : Imposer aux Sdage et aux SAGE d’intégrer des éléments chiffrés de réduction des prélèvements et de la consommation en eau, assortis d’obligations de moyens et de résultats.

 

Proposition n° 59 : Associer systématiquement les commissions locales de l’eau aux décisions de mise en œuvre des SAGE ou à la rédaction des contrats territoriaux qui les mettent en œuvre, comme les projets territoriaux de la gestion de l’eau.

Ce manque d’opérationnalité imputable à certains SAGE renvoie également au rôle essentiel joué par les CLE lors de leur élaboration. Créée par le préfet spécifiquement pour « l’élaboration, la révision et le suivi de l’application du SAGE », la CLE organise et gère l’ensemble de la démarche sous tous ses aspects : animation de la concertation, déroulement et validation des étapes, arbitrage de conflits, suivi et révisions éventuelles du SAGE. La CLE est composée pour 50 % au moins de représentants des collectivités territoriales et établissements publics locaux, pour 25 % au moins de représentants d’usagers et pour le reste, de représentants des services de l’État. Cependant, les CLE font parfois preuve d’immobilisme, en raison notamment de la démobilisation d’une partie de leurs membres, notamment les élus locaux. Pour lutter contre cet état de fait, le projet de décret mentionné précédemment vise à doter chaque CLE d’au moins un vice‑président représentant les collectivités et prévoit que les trois collèges pourront être intégralement renouvelés après chaque élection municipale, afin de faire coïncider les membres de la CLE avec le paysage politique issu des élections, ainsi que d’aligner le mandat des CLE (six ans) avec celui des élus.

Les associations environnementales ont également estimé être sous-représentées au sein des assemblées locales de la politique de l’eau et ont appelé à un rééquilibrage des pouvoirs. À titre d’exemple, au sein de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur, les associations de protection de l’environnement sont au nombre de quatre, sur un total de quarante-six membres. En outre, au sein des CLE, l’ensemble des représentants de la société civile est rassemblé au sein d’un seul collège qui accueille donc les usagers, les propriétaires fonciers, les usagers économiques, domestiques et récréatifs de la ressource et les associations de protection de l’environnement. Cela est perçu par certains membres de ce collège comme une erreur de rassembler des acteurs qui n’ont en commun rien d’autre que de n’être ni fonctionnaire d’État, ni élu local. Ainsi, les membres de ce collège défendent bien souvent des positions opposées entre représentants des usagers économiques qui ont besoin d’utiliser la ressource pour leur activité et associations environnementales dont la raison d’être est de prévenir les atteintes à l’environnement. Il conviendrait donc de diviser ce collège en deux afin d’arriver à des collèges plus cohérents. 

Proposition n° 60 : Scinder l’actuel collège des usagers, acteurs économiques et associations des CLE pour créer, sur le modèle des collèges des comités de bassin, un collège rassemblant la société civile ayant un usage économique de la ressource et un collège composé des représentants des usagers domestiques, récréatifs et des associations environnementales.

 

Proposition n° 61 : Accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des CLE et comités de bassin.

Enfin, une autre manière de renforcer les CLE est de leur adosser des établissements publics capables de mener la politique décidée. À ce jour, les CLE n’ont pas de personnalité juridique ni de budget en propre. À l’inverse, les collectivités locales peuvent constituer des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ayant vocation à couvrir plusieurs sous-bassins ou des établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux (Epage) couvrant un seul sous-bassin, ou bien encore des syndicats mixtes, aujourd’hui majoritaires pour la mise en œuvre des SAGE. Or, dans certains territoires, aucun acteur opérationnel n’est associé aux sous-bassins délimités. Cela ne facilite pas l’élaboration des schémas d’aménagement et de gestion des eaux lorsqu’ils n’existent pas. Et lorsque des SAGE ont été élaborés, leur mise en œuvre est souvent entravée faute de structure capable d’en assurer l’exécution. Comme le mentionne notamment la Cour des comptes, le sous-bassin de l’Allan (Vosges du sud), par exemple, est doté d’un SAGE mais son animation est confiée à l’EPTB Saône et Doubs, qui intervient à une échelle beaucoup plus vaste et dans lequel les collectivités du sous-bassin de l’Allan sont peu représentées. La création d’un Epage de l’Allan garantirait une gestion politique du schéma d’aménagement et de gestion des eaux qui n’existe pas aujourd’hui.

En outre, les acteurs opérationnels à qui la commission locale de l’eau confie l’animation du SAGE doivent pouvoir consacrer des moyens humains et financiers suffisants aux études nécessaires à l’élaboration de ce document de planification et au suivi de sa mise en œuvre. Il s’agit d’un travail considérable incluant la réalisation de procédures administratives complexes et de plans de financement des actions. La systématisation de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens permettrait de sécuriser les financements nécessaires à la mise en œuvre des SAGE. On peut également aller plus loin dans cette volonté, et leur donner des moyens et des outils concrets en adossant à chaque CLE un EPTB ou un Epage disposant de moyens adéquats.

Proposition  62 : Associer à chaque CLE des établissements publics de bassin ou des Epage capables de mettre en œuvre les arbitrages.

Un dernier problème concerne l’articulation entre les Sdage, les SAGE et les documents de planification territoriaux. Les CLE ne sont pas automatiquement consultées sur les documents d’urbanisme. La loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 prévoit pourtant, aux articles L. 122-1-12, L. 123-1-9 et L. 124‑2 du code de l’urbanisme, que les SCoT, les PLU et les cartes communales doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité définis par les Sdage ainsi qu’avec les objectifs définis par les SAGE. Mais les Sdage et les Sraddet, ainsi que les SAGE et les SCoT, ne font souvent pas l’objet d’un travail de mise en conformité. À titre d’exemple, le Sraddet Grand-Est n’a pas été revu par rapport aux prescriptions du Sdage. Face à ce constat, il serait souhaitable de renforcer les liens avec les documents d’urbanisme (porter à connaissance, intégration des cartographies de zones humides ou encore des règles du SAGE à destination de l’urbanisme). La politique de l’eau ne peut en effet être efficace que si elle est intégrée dans les autres politiques publiques (urbanisme, agriculture…). L’État pourrait jouer un rôle de contrôle de l’harmonisation des documents.

Au niveau des sous-bassins, instaurer une consultation obligatoire des commissions locales de l’eau, permettant de s’assurer du respect par les SCoT, PLU et PLUi de l’obligation de compatibilité vis-à-vis des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, favoriserait une approche intégrée de la gestion de l’eau et la cohérence de l’action publique. Cela donnerait également plus de portée aux SAGE et augmenterait la probabilité d’atteindre l’objectif de bon état des masses d’eau.

Proposition  63 : Prévoir une information et un avis simple systématique des CLE sur les documents d’aménagement du territoire intéressant leur sous-bassin.

3.   Mieux associer les citoyens aux décisions pour mieux prendre en compte le long terme

Selon l’article 1er de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, l’eau fait partie « du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ». En outre, il est établi que l’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements. La gestion de l’eau en tant que bien commun vise à impliquer tous les acteurs du bassin de vie ayant des sources d’approvisionnement hydrique communes (agriculteurs, industriels, élus, associations, citoyens, etc.) dans la définition des besoins, des priorités et des règles d’usage de la ressource en eau. La gestion collective et démocratique de l’eau permet de favoriser le dialogue et la concertation entre les différents usagers afin de prévenir ou de résoudre les conflits d’usage. La France est par ailleurs signataire de la Convention d’Aarhus qui consacre pour tous un droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques, un droit de participation au processus décisionnel en matière d’environnement et le droit de contester en justice les décisions publiques contraires au droit environnemental.

Toutefois, malgré ce corpus juridique, les citoyens restent mal informés sur les enjeux de la politique de l’eau. Les informations sont dispersées dans de nombreux sites internet qui n’offrent pas une vision synthétique de la situation. Les SAGE et les Sdage sont des documents très techniques dont la rédaction ne permet pas de comprendre aisément les enjeux de la gestion de l’eau, malgré les efforts de pédagogie de certaines agences de l’eau (newsletters, sites internet). Ainsi, plus de 65 millions d’euros ont été consacrés à des actions d’information et de sensibilisation par les agences de l’eau entre 2013 et 2018, une somme renouvelée dans le onzième programme d’intervention de 2019 à 2024.

Ces difficultés d’information ou de représentation ne sont pas sans lien avec la cristallisation des oppositions autour de certains projets, particulièrement d’infrastructures d’irrigation (Caussade, bassines dans les Deux-Sèvres, etc.). Elles témoignent aussi de la faiblesse de la concertation sur cette politique dans de nombreux territoires dépourvus de commissions locales de l’eau. La constitution par des associations et un groupe de personnalités d’un « parlement de la Loire » qui a organisé des auditions pendant plus de deux ans pour permettre à des défenseurs des intérêts de ce fleuve de les faire valoir, traduisait également ce besoin d’une prise en compte de la parole des citoyens.

Comme proposé précédemment, renforcer l’information et la représentation des citoyens suppose donc prioritairement de développer le rôle, les moyens et l’étendue des SAGE sur le territoire, en les adossant à des CLE mieux dotées et plus représentatives.

Il convient en outre de s’inspirer d’expériences locales qui témoignent de possibilités d’évolution de la gouvernance de cette politique de plus en plus sensible. Dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique ([210]), la Cour des comptes prend ainsi l’exemple du syndicat mixte de la rivière Drôme, lequel a entrepris une démarche expérimentale pour favoriser la participation citoyenne à la gestion de l’eau dans le cadre du programme Interreg Espace alpin, financé à hauteur de 85 % par des fonds européens. Le projet européen Spare (Strategic Planning for Alpine River Ecosystem) s’est déroulé de 2016 à 2018 dans cinq vallées alpines en suivant trois phases : la coconstruction avec des citoyens du cadre de la participation, un état des lieux partagé avec les citoyens et l’élaboration d’un plan d’actions à intégrer au SAGE. Un groupe « débat pour l’eau » s’est réuni régulièrement. Ce projet a permis la prise en compte de 800 propositions lors de la révision du SAGE. En outre, depuis 2018, des observateurs citoyens peuvent participer aux séances de la CLE. Dans tous les cas, il s’agit de créer une démocratie de l’eau qui ne soit pas contradictoire avec la démocratie représentative. Il pourrait ainsi être souhaitable d’ouvrir aux citoyens, en tant que tels, les travaux des comités de bassin ou des commissions locales de l’eau.

Lors des auditions de la mission d’information, certains acteurs ont également proposé de réserver systématiquement une place aux usagers au sein des services publics d’eau et d’assainissement. Où qu’il habite en France, chaque usager serait donc « actionnaire » de son service d’eau, permettant à chacun de participer aux décisions stratégiques prises par le service d’eau et de contribuer aux débats importants qui se posent en matière de financement et de pérennisation du service. Le rôle spécifique des commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) a été évoqué à plusieurs reprises par les personnes auditionnées par la mission. Pour la coordination nationale des associations de consommateurs d’eau (CACE) notamment, les seuils de création des CCSPL ayant été relevés, la participation citoyenne qu’elles devaient organiser s’en trouve à l’inverse diminuée. Dans leur fonctionnement, on constate les limites des CCSPL à donner des avis consultatifs informés à propos des rapports qui leur sont présentés (rapport sur le prix et la qualité du service ; rapport annuel du délégataire). Conscientes de ces insuffisances, certaines collectivités tentent de faciliter la création de « commissions d’usagers » ad hoc qui sont plus ou moins efficaces. Il apparaîtrait préférable de donner aux CCSPL les moyens de fonctionner et de les ouvrir à toute association locale qui souhaiterait s’y investir.

4.   Clarifier le rôle des collectivités en prévision des transferts de compétences

Toutes les collectivités sont impliquées dans la politique de l’eau, ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité et d’efficacité. La question de la « bonne » échelle de gouvernance fait l’objet de débats récurrents et complexes. La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui transfère la compétence « eau potable et assainissement » aux EPCI à fiscalité propre, a pour objectif de provoquer une forte accélération du mouvement d’intercommunalisation de l’eau en France. À terme, le nombre d’autorités compétentes en eau potable devrait être divisé par cinq ou six, tandis que, pour l’assainissement, il sera divisé par neuf ou dix. Ce transfert de compétences apparaît nécessaire pour mettre en commun des ressources et mieux adapter la politique de l’eau au défi du changement climatique. Toutefois, certaines configurations particulières, que ce soit dans les territoires de montagne ou lorsque la compétence a déjà fait l’objet d’un transfert de la commune vers un syndicat départemental, pourraient nécessiter des aménagements. En outre, les autres collectivités, telles que les départements, doivent certainement jouer un rôle plus marqué en accompagnement de ces transformations.

a.   Un transfert de la compétence « eau » aux EPCI qui doit prendre en compte certaines particularités locales et organisationnelles

Le bloc communal et intercommunal est en charge des services publics d’eau et d’assainissement. Leur budget cumulé est compris entre 25 et 30 milliards d’euros selon M. Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée.

La commune présente souvent un périmètre d’action trop restreint en matière de politique de l’eau, ce qui justifie le mouvement de transfert de la compétence « eau » vers les EPCI. L’intercommunalité permet de mutualiser les ressources pour mener à bien des travaux. Auditionné par la mission, M. Raymond Avrillier, maire-adjoint honoraire de Grenoble et membre du conseil d’exploitation des régies « eaux et assainissement » de Grenoble, a ainsi pris l’exemple de la commune de Vif, au sud de l’agglomération grenobloise, dont les eaux avaient été polluées par une source mal entretenue par la commune voisine. Plus d’un million d’euros ont été dépensés pour un puits grâce à la métropole qui détenait la compétence, alors que la commune de Vif n’aurait jamais pu financer seule une telle installation. Dans de très nombreuses situations, le recours à une gestion intercommunale permet de disposer des ressources humaines et financières permettant de mettre en œuvre des actions que les communes seules n’auraient pu réaliser. Cela concerne tant les études relatives à la prévisibilité des projets et à leur planification, que l’ingénierie nécessaire pour monter et porter les projets, notamment pour la REUT, ou que le financement des projets.

Ce transfert ne fait cependant pas l’unanimité. Depuis 2014, l’Association des maires de France (AMF) s’est toujours opposée au transfert obligatoire des deux compétences « eau » et « assainissement » aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, et n’a pas changé de position depuis. L’AMF considère que les communes et leurs intercommunalités sont les mieux placées pour apprécier l’échelle pertinente de mutualisation des services et organiser efficacement leur exercice en fonction notamment des caractéristiques de la ressource, de la répartition de la population, du périmètre des infrastructures et des contraintes financières. L’AMF a ainsi indiqué aux membres de la mission qu’elle aurait préféré que la loi fixe des objectifs de performance à atteindre plutôt qu’un cadre institutionnel tenant peu compte des bassins versants. En position de repli au moment de la discussion préalable au vote de la loi NOTRe, l’AMF avait soutenu l’idée que l’obligation de transfert puisse être levée sous réserve de démontrer une performance du service.

En outre, le transfert obligatoire de la compétence peut poser des problèmes dans certains cas particuliers, ce qui supposerait des aménagements au transfert obligatoire de compétence en 2026. En premier lieu, le transfert de la compétence aux EPCI peut s’avérer délicat, voire inutile, lorsqu’une partie des communes qui composent l’EPCI avaient déjà antérieurement transféré cette même compétence à un syndicat intercommunal ou à un syndicat mixte comprenant également d’autres communes situées hors du périmètre de l’EPCI.

Dans cette situation, il n’est pas souhaitable que la réduction du périmètre du syndicat, par retrait de ses communes qui transfèrent les compétences « eau potable » ou « assainissement » à l’EPCI, intervienne sans aucun débat préalable ni étude d’impact permettant aux acteurs locaux de se prononcer en toute transparence et en toute connaissance de cause.

Au contraire, il paraît indispensable de mesurer concrètement les effets – positifs ou pervers – que le retrait risque d’avoir sur le fonctionnement du service d’eau potable ou d’assainissement, tant en ce qui concerne son organisation, son mode de gestion ou les répercussions sur le coût et la qualité des services rendus aux usagers. En effet, certaines communautés de communes ou certains EPCI peuvent être amenés à se retirer des syndicats départementaux, même lorsque ceux‑ci fonctionnent efficacement.

Proposition n° 64 : Ne pas rendre obligatoire le transfert de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI pour les communes faisant déjà partie d’un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte performant.

En outre, le transfert de compétences peut engendrer des difficultés dans le cas de communes très isolées, ou situées sur des terrains accidentés comme les communes de montagne, lorsque les réseaux ne font pas l’objet d’une interconnexion et que les EPCI concernés s’étendent sur un vaste territoire ou sur plusieurs bassins versants. Dans ce type de situation, le recours à l’intercommunalité pourrait faire perdre de la souplesse et de la réactivité. Dans la Drôme, la communauté de communes du Diois par exemple fait ainsi l’objet d’un éclatement du réseau sur plusieurs sous-bassins et la communauté de communes n’a pas les moyens nécessaires en matière d’ingénierie et de réseaux. Dans ce cas, le soutien du département ou des agences de l’eau pourrait être plus utile que celui d’une intercommunalité. C’est ce qui explique cette demande récurrente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM).

Proposition n° 65 : Déroger au transfert obligatoire de compétence vers un EPCI dans le cas particulier de communes situées sur des territoires de montagne ne faisant pas l’objet d’une interconnexion des réseaux.

Enfin, pour l’AMF, le transfert aux communautés de communes ne résoudra pas les difficultés de gestion importantes à court terme. L’échelle de mutualisation la plus pertinente est certainement à rechercher dans des syndicats sur le périmètre des bassins versants. À cet égard, M. Jean Launay, président du Comité national de l’eau, recommande également d’assouplir la possibilité pour les EPCI de déléguer la compétence « eau et assainissement » à des syndicats départementaux (comme prévu par la loi dite « Maptam » ([211])), qui pourraient servir de socle à des fédérations départementales de l’eau, ou à des CLE adossées à des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Ainsi des délégations de substitution pourraient être autorisées vers les syndicats départementaux et non plus seulement vers les EPCI.

Proposition n° 66 : Permettre la délégation de la compétence eau vers les syndicats départementaux constitués et non plus seulement vers les EPCI.

b.   Renforcer le rôle des départements dans la gestion de l’eau

Si l’intercommunalité représente certainement un progrès pour la mise en commun de ressources et de moyens d’ingénierie, les syndicats compétents en matière d’approvisionnement en eau potable demeurent très hétérogènes par leur taille et par leur ressource, et font souvent face à des enjeux qui les dépassent. Si la région est trop éloignée des préoccupations de terrain, les départements, en revanche, peuvent apparaître comme un échelon d’intervention adapté. Historiquement, les départements ont joué un rôle majeur dans la structuration de la politique de l’eau à l’échelle territoriale. Tous les grands projets irrigants avant le tournant des années 2000 étaient portés par des syndicats départementaux. Encore aujourd’hui, selon M. Martial Saddier, les départements consacreraient plus d’un milliard d’euros par an à la politique de l’eau.

Cependant, cet engagement n’est pas uniforme sur le territoire en raison d’une compétence optionnelle. Dans certains territoires, les agences de l’eau sont relativement seules dans leur fonction d’accompagnement des porteurs de projet. Dans d’autres territoires, les départements jouent un rôle important. À titre d’exemple, le département du Loiret accompagne systématiquement les porteurs de projet pour les études de faisabilité en matière de REUT.

Selon M. Saddier, la restauration d’une compétence obligatoire des départements dans le domaine de l’eau permettrait de répondre à la question de « l’introuvable collectivité territoriale cheffe de file » en matière de politique de l’eau. Les départements pourraient ainsi jouer un rôle en matière de redistribution, d’interconnexion des réseaux, de substitution et de stockage, tout en étant également très présents sur le grand cycle de l’eau. La plus-value des départements résiderait dans leur puissance financière et technique, alors que les EPTB en sont souvent dépourvus. Toutefois, dans le cas d’un EPTB ou d’un EPAGE associés à une CLE, le mode d’interaction avec le syndicat mixte départemental devra être précisé pour respecter la gouvernance locale de l’eau.

Proposition  67 : Encourager le développement de syndicats départementaux de gestion de l’eau.

5.   Renforcer les missions de contrôle et de soutien à l’ingénierie de l’État dans les politiques de l’eau

L’État est également un acteur clé de la politique de l’eau, notamment à travers ses administrations déconcentrées qui exercent le contrôle de la police de l’eau et qui peuvent fournir un soutien technique aux collectivités. Les DDT et les DREAL jouent un rôle important de coordination des actions sur le bassin, notamment dans la déclinaison des différents schémas territoriaux de gouvernance. Toutefois, que ce soit en matière de contrôle du respect des décisions administratives et de la loi ou en matière de soutien à l’ingénierie, le rôle de l’État pourrait être significativement renforcé.

a.   Contrôler davantage les atteintes à la ressource en eau

Si l’État assure la police administrative de l’eau, ses services déconcentrés manquent de moyens pour l’exercer, qu’il s’agisse de l’OFB, des Dreal ou des DDT. Il est aussi responsable de la police sanitaire et judiciaire, avec les mêmes difficultés. En Vendée, par exemple, les contrôles concernant la gestion quantitative de l’eau portent essentiellement sur le respect des arrêtés préfectoraux dits « sécheresse ». Ils portent très peu sur le respect, par les gestionnaires des barrages, des débits réservés, ou encore le respect de leurs autorisations de prélèvement par les agriculteurs irrigants (période, volumes, etc.). Cela pose la question des moyens de la police de l’environnement. En effet, l’OFB dispose d’un nombre réduit d’inspecteurs dans chaque département pour réaliser des contrôles. De ce fait, non seulement les plans de contrôle élaborés par les Missions interservices de l’eau et de la nature (Misen) affichent une ambition limitée, mais ces plans ne sont eux‑mêmes que partiellement réalisés et les contrôles impromptus en réponse à des sollicitations directes hors plans de contrôle sont devenus rares.

Un rapport du CGEDD ([212]) sur l’exercice de la police de l’eau et de la nature dans les services déconcentrés et les opérateurs de l’État publié fin 2018 estimait à 3 700 ETP les effectifs qui contribuent à la police de l’eau et de la nature. L’OFB estime à 480 ETP ses effectifs consacrés à la police de l’eau. Les services de l’État (DDTM et DREAL) n’y consacreraient en revanche qu’un peu moins de 200 agents. Le rapport d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau publié par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale en 2020 ([213]) pointait la faiblesse des contrôles (à peine 6 000 contrôles des mesures sécheresse en 2019 sur toute la France) et la rareté ainsi que la modicité des sanctions (seulement 250 suites judiciaires ou administratives en 2019).

La capacité à contrôler des pratiques, notamment privées, ne générant souvent pas de victimes humaines directes facilement identifiables (et donc de plaignants potentiels) est par essence complexe. Mais alors que les effets du changement climatique apparaissaient de plus en plus tangibles, l’OFB a perdu 86 ETP entre 2014 et 2022. À ce jour, au sein de l’OFB, chaque agent est chargé de contrôler pas moins de 1 000 kilomètres de cours d’eau. On compte en moyenne 2,5 ETP chargés de ce contrôle par département. La pression est donc extrêmement faible.

La question des sanctions applicables en cas de non-respect de la réglementation, et notamment des arrêtés sécheresse, est également essentielle. Or, étant donné le niveau des sanctions prévues en cas de non-respect des restrictions et la faible probabilité d’être repéré en raison des faibles moyens affectés à l’OFB, il peut être économiquement rentable pour certains acteurs économiques de ne pas respecter un arrêté sécheresse ([214]). Lorsqu’une infraction est constatée, le taux de poursuite n’est que de 21 %. Dans 80 % des cas, les affaires donnent lieu à une transaction pénale, à un classement sans suite ou à un rappel à la loi. Le renfort des contrôles réduirait le sentiment d’inégalité et la prise au sérieux du problème par tous. La police de l’eau doit aussi élargir ses missions au contrôle des objectifs de réduction des prélèvements définis par arrêté ou dans le cadre des SAGE.

Proposition n° 68 : Renforcer les effectifs de l’État en matière de police de l’eau pour s’assurer du respect des arrêtés sécheresse ou des lois et règlements limitant la pollution de l’eau et les prélèvements.

b.   Développer le soutien public de l’État à l’ingénierie et à la recherche

Les métiers relatifs à l’eau et à l’assainissement sont des métiers d’ingénieurs et de techniciens essentiels au bon fonctionnement des SPEA. Certains travaux, comme La conquête de l’eau, de Jean-Pierre Goubert, ou la thèse de Christiane Bezon au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), expliquent que, durant les trente glorieuses, pour contourner l’insuffisance de la coopération intercommunale et équiper rapidement le territoire, les services d’ingénierie de l’État ont fait la promotion de la délégation de service pour constituer des pôles territoriaux d’exploitation regroupant les personnels et les moyens spécialisés pour un secteur géographique incluant de nombreux syndicats ou collectivités pouvant tous conserver leur autonomie. Par la suite, l’État a abandonné ses services de soutien à l’ingénierie, notamment dans le cadre de la RGPP de 2007, et s’est largement replié sur le volet réglementaire. Les financements passent de plus en plus par la réponse à des appels à projets compétitifs centralisés. Ce manque de soutien public est notamment une des raisons qui poussent aujourd’hui au transfert de la compétence eau et assainissement aux EPCI, afin de disposer de syndicats mieux dotés humainement et financièrement. D’autres collectivités n’ont cependant pas attendu pour faire émerger des agences techniques départementales, par exemple dans le Cantal où cette agence a été mise en place dès 2012, quand ce ne sont pas des syndicats départementaux qui ont regroupé l’ensemble des services d’eau, comme dans le cas de la Vendée.

Cependant, aujourd’hui encore, les services d’eau et d’assainissement d’un certain nombre de collectivités, en particulier des petites collectivités, souffrent d’un manque de ressources techniques pour gérer efficacement les réseaux d’eau et pour planifier le bon usage de la ressource. C’est particulièrement le cas pour les petites collectivités isolées qui n’ont pas accès facilement aux compétences d’ingénieurs hydrologues ou de spécialistes de la question de l’eau. De fait, elles n’ont alors d’autres choix que d’avoir recours à la délégation de service public pour gérer la ressource. La suppression des services d’ingénierie publique a eu pour effet d’affaiblir les fonctions régaliennes de l’État, à cause de la perte de connaissances et d’expertise sur la qualité technique des offres des délégataires privés. Il est donc nécessaire de renforcer leur moyen et de développer l’offre publique d’ingénierie territoriale à destination des collectivités. Comme proposé précédemment, le fait de renforcer le rôle des CLE et de leur adosser un établissement public territorial de bassin doté de moyens propres peut servir cet objectif.

Les agences de l’eau ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourraient également avoir pour mission d’accompagner les collectivités pour pallier le manque de compétences de certaines collectivités. Cette mission d’assistance pourrait en outre s’étendre à l’élaboration de leurs contrats en cas de délégation du service public de l’eau. Elles pourraient notamment proposer aux collectivités une gamme de contrats préétablis contenant des objectifs sociaux et environnementaux, notamment de sobriété hydrique et de continuité du service, conformes aux besoins du bassin. Cela permettrait d’assurer que la gestion des services soit à la hauteur des besoins environnementaux et sociaux. 

Proposition n° 69 : Prévoir un soutien à l’ingénierie et à la rédaction de contrats de délégation incluant des enjeux environnementaux par l’ANCT, les agences de l’eau ou les agences d’ingénierie départementale, au profit des collectivités qui en feraient la demande. 

Par ailleurs, il convient de souligner que les métiers de l’eau et des déchets sont, de manière générale, en déficit de recrutement. Pour développer cette compétence d’ingénierie au niveau national, il est nécessaire de mieux intégrer la formation scientifique et technique dans des cursus adaptés tout en valorisant ces métiers. À titre d’exemple, les techniciens de maintenance sont très demandés et en concurrence sur de nombreux secteurs. Il est donc nécessaire de développer les filières conduisant à former des techniciens de maintenance qualifiés dans le domaine de l’eau.

Proposition  70 : Intégrer pleinement les métiers de l’eau dans les cadres d’emplois des fonctions publiques territoriales et constituer une véritable filière publique de formations aux métiers de l’eau.

B.   Mener les investissements nécessaires pour protéger et adapter la politique de l’eau

Une gestion efficace de la ressource en eau suppose de mobiliser des moyens importants, que ce soit pour le petit cycle mais également, notamment au regard du changement climatique, de plus en plus pour le grand cycle. Le volume annuel d’investissements représente de 25 à 30 milliards d’euros par an, ce qui représente un déficit d’investissement, par rapport à l’évaluation des besoins (petit et grand cycle confondus), compris entre 6 et 10 milliards d’euros par an.

Si une partie de cette politique doit être financée à travers une augmentation du tarif de l’eau, qui paraît inévitable (cf. infra), afin de renforcer le signal-prix, un soutien budgétaire et financier à la politique de l’eau doit également être considéré. Aujourd’hui, le retard en matière d’assainissement est tel que la facture d’eau ne suffira probablement pas à financer ces investissements. L’État devrait ainsi contribuer plus largement à la modernisation des unités de traitement pour faire face aux pollutions émergentes. Or, non seulement les moyens des agences de l’eau demeurent encore limités, mais le principe selon lequel « la politique de l’eau paie l’eau » est remis en cause par les prélèvements opérés au profit de la biodiversité.

En outre, des moyens efficaces de financement, via des prêts préférentiels accordés par les agences publiques (comme la Caisse des dépôts), doivent être mis à disposition des collectivités pour les aider à réaliser leurs investissements. Ainsi, le financement de la politique de l’eau suppose de trouver le bon équilibre entre les taxes, les subventions et la capacité des acteurs à emprunter pour financer les investissements de long terme.

1.   Le financement de la politique de l’eau au niveau national demeure insuffisant pour faire face aux enjeux de la gestion de l’eau en période de changement climatique

À l’heure actuelle, l’essentiel du financement de la politique de l’eau repose sur les dépenses des services d’eau et d’assainissement financés au niveau local. Les comptes de l’environnement, publiés par le ministère de la transition écologique, ont fourni, en 2015, une évaluation des dépenses consacrées à la politique de l’eau à hauteur de 26,4 milliards d’euros. La quasi-totalité était dirigée vers l’eau potable et l’assainissement. Concernant les ressources et les dépenses des agences de l’eau, elles s’élèvent à hauteur de 2,2 milliards d’euros de recettes de redevances par an (auxquels viendront s’ajouter les 475 millions d’euros du Plan eau). Le total des dépenses est ainsi financé pour environ 10 % par les redevances des agences de l’eau et pour le reste, par la facture d’eau des usagers, les collectivités locales et des subventions européennes. Les dépenses du grand cycle sont financées essentiellement sur les moyens des agences de l’eau.

Sur les 2,2 milliards d’euros de recettes annuelles, la part des taxes et redevances prélevées pour l’usage domestique dans le tarif de l’eau potable représente à ce jour près de 83 % des recettes des agences, alors que seulement 31 % des dépenses sont affectées aux collectivités. L’essentiel du financement de la politique de l’eau repose donc sur les usagers. On note ainsi un déséquilibre des redevances de prélèvement qui sont trois à vingt fois supérieures, pour les redevances domestiques, à celles acquittées par les autres secteurs, ce qui revient à tolérer un accès quasiment gratuit à l’eau pour les autres préleveurs, qui ne les incite pas à modifier leurs comportements en faveur d’un rapport aux prélèvements plus responsable.

 

Répartition des recettes (à gauche) et
des dépenses des agences de l’eau (à droite)

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Source : AMORCE

Ces financements ne suffisent cependant pas pour améliorer l’état du réseau et, surtout, pour empêcher sa dégradation. Les enjeux sont considérables : le réseau d’eau potable qui transporte l’eau prête à la consommation en sortie du petit cycle de l’eau, s’étend sur près de 895 000 kilomètres ; le réseau d’assainissement, qui achemine les eaux grises et bleues vers les infrastructures de traitement, représente 423 000 kilomètres. Sur les 9,4 milliards d’euros investis chaque année dans les réseaux, il est estimé un déficit de 3,2 milliards d’euros pour l’eau potable et l’assainissement, 1 milliard d’euros pour les eaux pluviales, 0,4 milliard d’euros pour la lutte contre les micropolluants (assainissement) et 0,4 milliard d’euros pour la lutte contre les métabolites pesticides, soit environ 5 milliards d’euros de déficit annuel rien que pour le petit cycle de l’eau.

Si l’on souhaite éviter une forte augmentation du tarif de l’eau, il faudrait augmenter de plus d’un milliard d’euros les redevances des agences de l’eau et surtout les faire financer différemment. À cet égard, les annonces et les moyens mobilisés, notamment à travers le Plan eau, ne sont pas encore à la hauteur des enjeux et ne corrigent pas le déséquilibre à la source entre les préleveurs d’eau et les émetteurs de polluants qui pèsent davantage sur les territoires. Ainsi, le Plan eau prévoit une aide supplémentaire de seulement 180 millions d’euros par an dédiés au petit cycle de l’eau.

Aussi, après avoir été en partie réformées dans le cadre de la loi de finances pour 2024, les redevances devront probablement encore faire l’objet de modifications et d’approfondissements dans l’idée d’approcher cet équilibre (cf. infra, partie sur la tarification de l’eau). Au-delà du rééquilibrage des redevances, il semble important de disposer d’une sanctuarisation du budget de l’eau au niveau national, comme cela existe au niveau local. Cela signifie qu’il faut supprimer le plafond de recettes des agences de l’eau et qu’il faut éventuellement prévoir un financement complémentaire des politiques de l’eau par des crédits budgétaires, pour ne pas imposer une augmentation trop drastique du tarif de l’eau.

Proposition  71 : Supprimer le plafond de recettes des agences de l’eau ainsi que leur plafond d’emplois.

Dans tous les cas, il existe un fort besoin de visibilité sur les financements dévolus à la politique de l’eau, notamment au grand cycle. Dans ce cadre, les rapporteurs recommandent de mettre en œuvre une loi de financement pluriannuelle de la transition écologique qui comporterait un volet « eau » détaillé, faisant état d’une analyse des besoins d’investissement au niveau du grand cycle, comme cela existe déjà au niveau du petit cycle à travers différentes études. En effet, à l’heure actuelle, le grand cycle de l’eau n’est pas financé en tant que tel, mais seulement « par ricochet » des investissements conduits dans le cadre du petit cycle de l’eau.

Proposition n° 72 : Conduire un travail d’évaluation des investissements nécessaires à la protection du grand cycle de l’eau, à l’instar des études effectuées sur le petit cycle.

 

Proposition  73 : Élaborer une loi de financement pluriannuelle de la transition écologique comportant un volet « eau » détaillé permettant de mettre en regard les besoins d’investissements, notamment sur le grand cycle, et les ressources allouées à leur mise en oeuvre.

Pour le petit cycle de l’eau, un moyen de renforcer la capacité des acteurs à investir serait de supprimer la TVA sur l’eau et l’assainissement, comme cela est possible depuis l’adoption de la nouvelle directive TVA du 5 avril 2022 ([215]). En effet, l’existence même d’une TVA sur les services publics d’eau et d’assainissement constitue une exception au principe de « l’eau paie l’eau », puisque l’eau vient financer une partie du budget général par ce biais. Or, pour faire face au mur d’investissements mentionné précédemment, ainsi que pour lutter contre les nouvelles pollutions, il est essentiel de laisser le maximum de marges de manœuvre aux acteurs du service public de l’eau et de l’assainissement. C’est ce qui explique le bien-fondé de cette proposition qui représentera certes un manque à gagner pour le budget général.

Proposition n° 74 : Supprimer la TVA sur l’eau (5,5 %) et l’assainissement (10 %), qui est contraire au principe de « l’eau paie l’eau », afin d’aider au financement du mur d’investissements pour la rénovation des réseaux et le traitement des pollutions émergentes comme existantes.

2.   Poursuivre le renforcement des moyens des agences de l’eau

Les agences de l’eau sont des acteurs essentiels de la politique de l’eau. Ces établissements publics administratifs de l’État, dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière, sous double tutelle du ministère chargé de l’environnement et du ministère chargé des finances, ont pour mission d’initier, à l’échelle de leur bassin versant, une utilisation rationnelle des ressources en eau, la lutte contre la pollution et la protection des milieux aquatiques. Les agences de l’eau disposent d’un pouvoir réglementaire pour déterminer, dans la limite des missions qui leur sont fixées par la loi, les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables.

L’objectif de limitation des dépenses publiques s’est cependant traduit, à partir des années 2010, par un prélèvement récurrent sur le fonds de roulement des agences de l’eau, au bénéfice du budget général de l’État. Ce prélèvement a été d’environ 175 millions d’euros par an sur la période 2015-2017, représentant une baisse de presque 20 % de leurs moyens. Avec ces prélèvements exceptionnels, une partie des redevances perçues auprès des usagers de l’eau pour financer des opérations de préservation de la ressource et des milieux rejoignait le budget général de l’État, ce qui constitue une infraction au principe de « l’eau paie l’eau ». Si certaines agences ont puisé dans leur fonds de roulement pour maintenir leurs aides au même niveau, d’autres ont dû geler une partie de leurs financements. Certaines missions que s’étaient fixées les SAGE, en matière de protection des aquifères par exemple, n’ont pas pu être financées, étant donné que les SAGE sont en partie financés par les agences de l’eau. Un « plafond mordant » a ensuite été mis en place en 2018, permettant à l’État de ponctionner les recettes des agences de l’eau au‑delà du montant maximum de prélèvement des redevances fixé chaque année. Celui-ci s’élevait à environ 2,2 milliards d’euros en 2022.

Cette réduction des moyens financiers s’est accompagnée d’une diminution des moyens humains. Celle-ci s’inscrit dans une tendance plus globale dans le domaine de l’environnement. Pendant une dizaine d’années, au cours de la décennie 2010, les effectifs des opérateurs et du ministère de la transition écologique ont en effet été réduits au rythme de 2 % par an. Les agences de l’eau ont perdu plus de 16 % de leurs effectifs (- 285 ETP) entre 2012 et 2022 au moment même où l’État leur demandait de développer leurs interventions sur de nouvelles thématiques, comme l’adaptation au changement climatique. Depuis 2022, la tendance est à la stabilisation des effectifs des agences de l’eau à 1 497 ETP, avec un regain de 64 ETP en loi de finances pour 2024, qui ne compense toutefois pas les pertes subies au cours de la dernière décennie.

Lors de la présentation du Plan eau en mars 2023, le Président de la République a annoncé une augmentation de 475 millions d’euros des capacités annuelles d’intervention des agences de l’eau, qui devront être financées d’une part par l’arrêt du versement de la prime pour performance épuratoire, à hauteur de 150 millions d’euros, et d’autre part, par des augmentations de redevances à hauteur de 325 millions d’euros. Au niveau budgétaire, ces redevances font l’objet d’un plafond (2 198 millions d’euros en PLF 2023) qui n’est toutefois pas supprimé mais simplement relevé par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, à hauteur de 2 347 millions d’euros (+ 6,8 %), et sera encore relevé à compter de 2025 à 2 522 milliards d’euros (+ 7,5 %). Ces 475 millions d’euros supplémentaires correspondent ainsi à une augmentation du « plafond mordant ». Cette décision se double d’une suppression du plafond de dépenses qui donne de la souplesse aux agences. Mais comme il n’y a pas de ressources budgétaires habituellement allouées aux agences, hors plan de relance, il reste donc à déterminer sur quelles catégories d’usagers et à quelle hauteur faire porter cette augmentation des redevances. L’objectif poursuivi par le Gouvernement est que les redevances n’augmentent pas de plus de 10 euros en plus par ménage et par an.

Les moyens supplémentaires des agences doivent également favoriser l’adaptation de notre modèle agricole par le soutien des pratiques agricoles économes en eau et de celles à bas niveau d’intrants, le développement de l’hydraulique agricole ainsi que l’optimisation de la ressource par la valorisation des eaux non conventionnelles et l’accompagnement des projets de réutilisation. L’agence de l’eau Loire-Bretagne est ainsi une partie prenante importante du financement du projet Jourdain, aux Sables d’Olonne, visité par les membres de la mission d’information et qui constitue le premier projet d’Europe en matière de réutilisation des eaux usées. Enfin, les agences de l’eau auront pour vocation d’utiliser leurs moyens supplémentaires pour renforcer le grand cycle de l’eau (restauration de zones humides, renaturation via le Fonds vert).

Selon M. André Flajolet, président du comité de bassin Artois-Picardie, le Plan eau constitue « la fin de l’assèchement des agences », après une époque où les prélèvements sur leurs ressources financières et humaines ont été récurrents. France Urbaine estime en revanche que le financement, qui repose essentiellement sur les redevances payées par les usagers, pourrait être davantage supporté par le budget propre de l’État ou par les acteurs économiques. L’article 101 de la loi de finances pour 2024 prévoit ainsi une augmentation de 100 millions d’euros de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, qui pèsera essentiellement sur EDF. Le projet de loi de finances pour 2024 comprenait également initialement une augmentation de 36 millions d’euros de la redevance pour pollutions diffuses, mais cette piste n’a pas été retenue dans la loi de finances finalement votée.

Les rapporteurs saluent la prise de conscience de l’État et sa volonté d’accroître les moyens des agences de l’eau dès 2024. Néanmoins, il est probable que le renforcement des moyens des agences de l’eau demeure encore insuffisant pour leur permettre de faire face à l’accroissement de leurs missions. En effet, comme cela a été souligné précédemment, le déficit d’investissements représente 5 à 6 milliards d’euros par an pour les canalisations et le traitement. Les agences de l’eau n’ont pas les moyens de financer tous les renouvellements de réseaux nécessaires, ce qui supposerait de multiplier leurs capacités d’intervention par un facteur 10 environ. Elles concentrent donc leurs aides au renouvellement de réseaux d’une part sur les territoires où ce renouvellement est nécessaire pour rétablir l’équilibre de la ressource en eau, d’autre part sur les territoires urbains les plus fragiles. Or, si le financement du nécessaire renouvellement des canalisations doit en priorité être financé par les services publics d’eau et d’assainissement, les petites communes et intercommunalités nécessitent un soutien accru de l’État pour faire face à ce mur d’investissements. Pour que le tarif de l’eau ne soit pas massivement impacté par ces investissements, un soutien budgétaire complémentaire de l’État aux agences de l’eau pourrait s’avérer nécessaire.

3.   Séparer le financement de l’eau du financement de la biodiversité

En matière de financement des politiques de l’eau, de nombreuses personnes auditionnées par la mission ont fait valoir que le principe de « l’eau paie l’eau » se traduisait en pratique par « l’eau paie l’eau et la biodiversité ». En effet, les agences de l’eau reversent une partie de leur budget pour financer les politiques de biodiversité et notamment l’Office français de la biodiversité (OFB). Ainsi, sur le bassin Rhône-Alpes Méditerranée, près de 100 millions d’euros viennent abonder le budget de l’OFB sur les 550 millions d’euros perçus au titre des redevances. Selon M. Nicolas Juillet, président du comité de bassin Seine-Normandie, les prélèvements sont supérieurs aux besoins de financement supplémentaires identifiés concernant ce bassin (145 millions d’euros reversés à l’OFB pour un besoin d’investissements supplémentaires de 130 millions d’euros). À l’échelle du territoire, ce sont près de 400 millions d’euros prélevés sur le budget des agences de l’eau qui viennent abonder chaque année le financement de la biodiversité. C’est non seulement une exception au principe de « l’eau paie l’eau », mais aussi un problème pour la politique de la biodiversité qui ne dispose pas d’un véritable financement autonome.

M. Jean Launay, président du comité national de l’eau, propose ainsi, comme d’autres acteurs, d’établir une nouvelle redevance spécifique à la biodiversité permettant de dégager d’autres ressources pour financer la biodiversité que celles issues de la politique de l’eau. Les agences de l’eau pourraient toutefois rester les opérateurs du processus de recouvrement et de reversement de cette nouvelle redevance, dans une optique de gestion efficace et mutualisée. En effet, les agences sont déjà organisées pour percevoir des redevances et ont montré leur capacité à optimiser leurs moyens en gérant de manière mutualisée certaines redevances dont, la dernière en date, la redevance cynégétique, a été prise directement en charge par une seule agence pour le compte des six. Il pourra ainsi en être de même d’une nouvelle redevance basée sur les atteintes à la biodiversité.

Pour la mise en œuvre de cette redevance, plusieurs propositions ont déjà été avancées. L’une d’entre elles consisterait en l’affectation aux agences de l’eau d’un complément issu de la part départementale de la taxe d’aménagement. En effet, cette dernière est fondée sur le flux, c’est-à-dire la surface nouvellement aménagée. Cette notion a été définie dans des termes proches de celle d’artificialisation des sols, phénomène qui constitue actuellement le principal facteur d’érosion de la biodiversité. La part départementale a l’avantage d’avoir l’assiette la plus large quant aux surfaces aménagées alors que la part communale, d’un taux plus élevé, comporte des exceptions. Or, les contrats dits « de Cahors », institués par la loi de programmation des finances publiques de 2018, instaurent un plafonnement à 1,2 % de l’augmentation annuelle des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs EPCI. Cette disposition a pour effet de restreindre la capacité des départements à utiliser l’ensemble de leurs ressources issues de la part départementale de la taxe d’aménagement ; et, de fait, beaucoup de départements ont établi leur taux très en dessous du plafond fixé par la loi, laissant ainsi une marge de ressources disponible qui pourrait bénéficier aux politiques publiques visées par les financements issus de la part départementale.

Proposition n° 75 : Abonder de 400 millions d’euros les politiques de biodiversité par le biais de crédits budgétaires ou d’une nouvelle redevance afin de pouvoir mettre un terme au financement des politiques de biodiversité par les redevances prélevées par les agences de l’eau.

4.   Développer les « aquaprêts » de la Banque des territoires

L’accès pour les collectivités à des prêts de long terme à taux réduits constitue également une clé du succès du financement des politiques de l’eau visant à réduire l’impact sur la ressource. Dans ce cadre, après les Assises de l’eau de 2019, la Caisse des dépôts (CdC) a décidé de mettre en place des prêts de longue durée (jusqu’à soixante années), à taux préférentiel et universel (taux du livret A majoré de 0,4 %), à destination des collectivités qui veulent investir dans la rénovation de leurs réseaux d’eau et d’assainissement. Ces prêts ne se limitent d’ailleurs pas à l’eau domestique mais peuvent également financer les travaux liés à la Gemapi ou à la gestion des eaux pluviales.

Force est de constater que le succès a été relatif pour la première vague de ces « aquaprêts ». Sur une enveloppe de deux milliards d’euros, seul un milliard d’euros a été consommé en cinq ans, soit une moyenne de prêts de 200 millions d’euros par an. Certes, les projets sont généralement financés à un tiers en autofinancement, un tiers en subvention et un tiers en dette, ce qui permet de penser que les aquaprêts ont pu générer un volume d’investissement final peut-être trois fois supérieur à l’enveloppe réellement consommée. Mais cela demeure très insuffisant par rapport aux besoins d’investissement.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce succès relatif. En premier lieu, pendant toute la période de taux faibles qui s’est étendue jusqu’en 2022, le taux proposé par la Caisse des dépôts (Livret A majoré de 0,4 %) n’était pas très compétitif, même pour des emprunts de longue période. Avec la remontée des taux depuis 2022, le taux proposé par la CdC redevient plus attractif, même s’il augmente également (le taux de rémunération du livret A est de 3 % depuis février 2023). En second lieu, les bénéficiaires des aquaprêts étaient jusqu’à présent limités aux collectivités et syndicats intercommunaux. La nouvelle version des aquaprêts est également ouverte aux acteurs privés qui font l’objet d’une délégation de service public en matière d’eau ou d’assainissement.

Enfin, les collectivités souffrent souvent d’un manque d’accompagnement pour le montage des projets et pour faire face à la diversité des aides qui peuvent être mobilisées. Pour aider les collectivités à mener à bien leurs projets eau dans un tel contexte, l’Aneb, La Banque des territoires, le BRGM, le Cercle français de l’eau, France Water Team et l’Union des industriels de l’eau ont lancé un collectif baptisé « Aquagir » afin de rassembler les bonnes pratiques, les offres et les expertises pour accompagner de manière personnalisée les collectivités dans leurs projets en matière d’eau, de la conception jusqu’à la réalisation. Le collectif Aquagir a mis au point un parcours d’accompagnement par étape et une place de marché, accessibles via une plateforme digitale.

Après l’annonce du Plan eau, les aquaprêts ont donc été réformés et élargis à plus d’acteurs, mais l’enveloppe mobilisable demeure de 2 milliards d’euros. La Caisse des dépôts a cependant indiqué aux rapporteurs qu’elle pourrait mettre davantage de financements à disposition si la demande épuisait l’enveloppe. Le démarrage est encourageant pour la nouvelle mouture des aquaprêts, qui attire désormais des projets plus importants, comme une station d’épuration financée à hauteur de 600 millions d’euros.

Toutefois, les rapporteurs regrettent que l’ambition ne soit pas portée plus haut : l’objectif est de passer de 200 à 400 millions d’euros de prêts annuels dans la nouvelle mouture, ce qui demeure encore très insuffisant au regard des enjeux. En effet, même en comptant sur un effet de levier de trois, le volume maximal d’investissements permis serait de 1,2 milliards d’euros annuels, sur les 5 milliards nécessaires. Il serait donc pertinent de se fixer un objectif encore supérieur, peut‑être du double (800 millions d’euros par an). Pour rendre encore plus attractifs les financements dans le domaine de l’eau, des prêts à taux zéro, avec compensation du manque à gagner de la Caisse des dépôts par l’État, pourraient être instaurés, à l’instar de ce qui existe déjà dans le domaine du bâtiment, pour les particuliers, avec l’éco-PTZ.

Proposition n° 76 : Doubler l’objectif annuel d’aquaprêts mis en œuvre par la Caisse des dépôts. Étudier la possibilité de mettre en œuvre des prêts à taux zéro de longue durée, à destination des collectivités, avec compensation budgétaire de l’État pour la Caisse des dépôts, à l’instar de ce qui se fait en matière d’éco-PTZ.

C.   Adapter la tarification de l’eau pour viser la sobriété et changer les comportements

Selon la plupart des personnes auditionnées par la mission, l’un des problèmes principaux qui se pose en matière d’usage de l’eau est que son prélèvement et sa consommation sont quasiment gratuits, ce qui n’incite pas à la sobriété. En outre, face à la pollution de la ressource, les exigences épuratoires vont se renforcer et la fiscalité peut être un outil dissuasif pour limiter les pollutions. Dans ce cadre, la tarification incitative est un instrument économique pertinent pour réguler les comportements.

Cependant, la sobriété va aussi poser un défi financier aux collectivités : moins il y aura d’eau consommée, moins les collectivités auront de ressources pour financer les services d’eau, sauf à augmenter massivement le tarif. La tarification progressive peut être un moyen de répondre à ce défi en concentrant la hausse des tarifs sur les usages les moins « raisonnables ».

En tout état de cause, la tarification de l’eau va être amenée à évoluer fortement au cours des prochaines années. Ces évolutions doivent faire l’objet d’une répartition juste entre les acteurs tout en élaborant un signal-prix suffisamment important pour inciter à une gestion optimale de la ressource.

1.   Rééquilibrer la tarification de l’eau en fonction du niveau de consommation et renforcer le principe « pollueur-payeur »

Selon une enquête portant sur 130 communes réalisée par l’association « 60 millions de consommateurs » publiée le 25 mars 2021 ([216]), le tarif de l’eau en France a augmenté de 10,7 % en moyenne depuis dix ans. De 2011 à 2020, la croissance moyenne du tarif de l’eau a ainsi dépassé le rythme de l’inflation hors tabac. Le tarif moyen du mètre cube d’eau présente des écarts allant du simple au quintuple selon les villes, de 1,45 euro/m3 à Antibes à 8 euros à Mamoudzou (Mayotte). En 2023, chaque Français consomme en moyenne 148 litres d’eau potable par jour, à un tarif moyen de 4,3 euros TTC par m3. 42 % de ce tarif recouvre les coûts d’assainissement, 37 % ceux de captage, de prélèvement, de potabilisation et de distribution, tandis que le reste correspond aux taxes et aux redevances versées aux agences de l’eau. Cependant, comme indiqué précédemment, cette augmentation du tarif de l’eau ne permet pas de compenser un déficit d’environ 5 milliards d’euros au niveau des investissements requis pour le seul petit cycle de l’eau. Il est donc probable que pour faire face aux investissements requis, le tarif de l’eau soit amené à augmenter au cours des prochaines années, surtout que la sobriété va conduire à réduire les ressources des services publics d’eau et d’assainissement.

Par ailleurs, le grand cycle de l’eau ne fait pas l’objet d’un financement autonome ; il n’est financé que par incidence des investissements du petit cycle et, insuffisamment, par les aides des agences de l’eau. C’est pourquoi le renforcement du principe « préleveur-payeur » et « pollueur-payeur », via un relèvement des taux et des assiettes des redevances sur l’eau, est nécessaire pour créer une incitation aux économies d’eau dans un souci d’efficacité et de justice sociale. Or, dans le système actuel, les usages ne sont pas prélevés à la hauteur de la quantité d’eau utilisée. En effet, un ménage paie environ 4 centimes par litre sur les redevances alors que la consommation domestique ne représente que 17 % des prélèvements. Les autres usages, qui représentent 83 % des prélèvements en eau, paient beaucoup moins : 0,2 centime par litre (0,6 centime si la réforme des redevances inscrite dans le PLF 2024 est adoptée) pour le nucléaire, 1 à 2 centimes pour l’agriculture et l’industrie. Ainsi, selon les agences de l’eau, en fonction des territoires, le coût de l’eau représente 30 à 68 euros du mètre cube pour les particuliers et 5,7 à 11 euros du mètre cube pour l’agriculture. Le mouvement de réforme de la tarification doit ainsi se poursuivre pour rééquilibrer la charge.

Dans leur rapport d’avril 2018 sur l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité ([217]), l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’environnement et du développement durable concluaient à la nécessité de faire évoluer le système des redevances pour en faire un réel outil de fiscalité environnementale. Tout en ayant recours de manière accrue à l’outil réglementaire (contrôle des usages), les orientations proposées par la mission concernaient la rénovation de la redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique, la suppression des redevances pour modernisation des réseaux de collecte, l’instauration d’une redevance de « solidarité territoriale » assise sur le mètre cube d’eau potable, la mise en place d’une redevance assise sur les ventes d’engrais minéraux azotés et l’augmentation des taux de la redevance pour pollutions diffuses agricoles.

L’évolution des redevances des agences de l’eau actée dans la loi de finances pour 2024 apporte une réponse positive à plusieurs de ces objectifs à travers :

– le renforcement du principe « pollueur-payeur » qui se manifeste par la création de deux redevances qui permettront de prendre en compte les performances des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement collectif (voir supra) ;

– le renforcement du principe « préleveur-payeur » qui s’exprime par l’augmentation des tarifs plafonds de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau effectués pour la satisfaction des divers usages de l’eau, et par l’instauration de tarifs planchers, dont le but est d’adresser un signal-prix fort dans un contexte où l’accent est mis sur la sobriété et sur la réduction des prélèvements d’eau de 10 % à l’horizon de 2030.

Il convient toutefois de faire attention à ne pas transférer cette charge sur le contribuable. C’est pourquoi il faudrait également conduire une augmentation des redevances payées par les secteurs du nucléaire, de l’agriculture, de l’industrie et de l’alimentation des canaux. En outre, près de 88 % de collectivités détectent aujourd’hui dans leurs captages d’eau potable la présence de métabolites de pesticides, mais la taxe sur l’usage de pesticides ne représente que 4 % du produit des redevances. Paradoxalement, les principaux émetteurs de polluants ne sont donc pas les premiers à devoir contribuer financièrement au traitement de ces pollutions. En outre, les collectivités territoriales se voient imposer l’ajout de nouveaux paramètres dans le contrôle sanitaire des eaux distribuées et des eaux brutes, qui représente un coût supplémentaire annuel pour les collectivités qui produisent et distribuent l’eau estimé à environ 7 millions d’euros à compter de 2026 (coûts calculés dans les études d’impact du ministère de la santé présentées au CNEN – Conseil national d’évaluation des normes – en 2023).

À cet égard, il serait souhaitable d’initier la mise en œuvre d’une nouvelle redevance visant les pollutions émergentes (produits d’entretien et ménagers ; produits générant des microplastiques : matériaux en PVC, textiles synthétiques ; plastiques alimentaires ou cosmétiques contenant des phtalates). Au vu des impacts générés par les pollutions émergentes sur le cycle de l’eau, la responsabilisation des metteurs sur le marché est indispensable, d’une part, pour inciter à la réduction de ces pollutions et, d’autre part, pour éviter que les collectivités – donc indirectement les usagers – soient les seules à supporter le coût des traitements du service public d’eau et d’assainissement. Une telle mesure permettrait de dégager plus d’un milliard d’euros par an de moyens supplémentaires pour les agences de l’eau et les collectivités.

Proposition n° 77 : Instaurer une nouvelle redevance spécifique pour les pollutions émergentes afin de responsabiliser les metteurs sur le marché de produits ayant un impact sur la qualité de l’eau.

Dans le même esprit, la taxe sur les pollutions diffuses, dont le taux est déterminé au niveau national, pourrait être renforcée. En effet, les tarifs prévus pour les substances qui sont particulièrement dangereuses pour la santé en raison de leur cancérogénicité, de leur mutagénicité sur les cellules germinales ou de leur toxicité pour la reproduction, ainsi que ceux prévus pour les substances présentant une toxicité aiguë ou chronique pour certains milieux aquatiques, sont sensiblement sous-évalués alors qu’en 2021, environ 12 millions de Français ont été concernés par des dépassements des seuils autorisés de pesticides dans l’eau potable.

Les solutions curatives disponibles pour les collectivités (de type charbon actif, ultrafiltration, nanofiltration, etc.) nécessitent des moyens financiers très importants. Or, le rendement de la taxe est de seulement 180 millions d’euros jusqu’à présent. Dans son projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement avait initialement prévu un relèvement de la taxe prévue pour les substances dites « candidates à substitution » (qui devront faire l’objet d’une interdiction et d’un remplacement) et du tarif associé aux substances les plus dangereuses pour la santé ou les plus toxiques pour le milieu aquatique. En effet, les tarifs d’imposition de la redevance pour pollutions diffuses distinguent quatre classes de substances en fonction du danger de la substance active et deux modalités de taxation additionnelle selon que la substance active est dotée d’un caractère dit d’« exclusion » ou est « candidate à substitution ». La quasi-totalité des taux fixés pour chacun des types de pollution aurait fait l’objet d’un relèvement. Cette réforme a finalement été abandonnée.

En outre, la fiscalité sur l’utilisation des engrais de synthèse est quasi-inexistante. Malgré les recommandations de plusieurs institutions comme l’OCDE ou encore le CESE au niveau français, il n’existe en effet pas de taxe spécifique sur l’utilisation d’engrais azotés de synthèse par le secteur agricole. La redevance pour pollutions diffuses, par exemple, n’est pas applicable aux engrais azotés de synthèse, alors même que la France peine à appliquer la directive nitrates de l’Union européenne qui vise à réduire les pollutions des eaux par les nitrates d’origine agricole (fortement liées aux engrais azotés de synthèse).

Les rapporteurs souhaitent également souligner le problème des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) qui n’est pas encore assez traité. Il pourrait être proposé de les ajouter à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique. En effet, les PFAS étant des molécules très persistantes, celles-ci se retrouvent dans les déchets générés en fin de vie par les produits de consommation, et donc potentiellement dans certaines filières de traitement des déchets. À travers les rejets notamment industriels, elles se retrouvent dans tous les milieux de l’environnement : l’air, les sols et l’eau, et sont facilement transportées dans l’environnement sur de longues distances, loin de leur source d’émission. Ainsi, en application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l’environnement (le principe pollueur-payeur), l’intégration des PFAS à la liste des substances assujetties à redevance à l’agence de l’eau est tout à fait cohérente et permet de mieux sensibiliser les entreprises à la nécessité de diminuer leurs rejets de PFAS dans la nature, au profit de la santé et de la biodiversité.

Proposition n° 78 : Élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses aux PFAS.

2.   Encourager la tarification progressive et différenciée de l’eau dans un objectif de sobriété et de juste répartition

Selon la Coordination nationale des associations de consommateurs d’eau (CACE), les parties fixes des abonnements introduisent de l’injustice entre les usagers en faisant payer une partie de la facture des gros consommateurs d’eau potable par les petits consommateurs. La CACE considère qu’une personne âgée isolée ou qu’un jeune couple débutant dans la vie ne doivent pas être pénalisés par un abonnement et une part fixe, y compris si leurs montants sont plafonnés à 30 % du montant total de la facture. Toutefois, des collectivités font remarquer que l’abonnement fixe est un levier important pour disposer de ressources financières, en particulier si l’on tient compte du fait que la volonté de sobriété va entraîner une diminution des ressources des services de gestion de l’eau. Or, les charges fixes représentent 80 à 90 % des coûts des collectivités en matière de gestion de l’eau. Ainsi, il existe une contradiction entre l’enjeu économique et l’enjeu comportemental vis-à-vis des usagers.

Le législateur a d’ailleurs tenté d’atténuer les inconvénients de la tarification avec abonnement, en limitant l’impact de la partie fixe à 30 % pour chacune des parts « eau potable » et « assainissement » de la facture en zone urbaine, et 40 % en zone rurale. Rien n’est cependant prévu pour les zones touristiques. Dans certaines de ces collectivités, il semble que la partie fixe soit aussi utilisée pour faire payer le service de l’eau au prix fort par les « vacanciers » et certaines activités (hôtels notamment). Une solution intermédiaire pourrait être d’instaurer une différenciation de la part fixe payée par les usagers en fonction de la capacité de consommation de leurs installations d’eau.

Proposition  79 : Différencier les parties fixes des abonnements en fonction de la capacité de consommation des installations d’eau de l’abonné (existence de piscines par exemple).

Par ailleurs, pour améliorer notre résilience collective grâce à une plus grande sobriété des usages, le Plan eau, présenté par le Président de la République le 30 mars 2023, prévoit de mobiliser le levier de la tarification progressive. Le CESE a été saisi de cette question par le Gouvernement et a rendu son rapport en décembre 2023 ([218]). L’enjeu de cette tarification progressive est d’inciter les consommateurs, particuliers ou acteurs économiques, à adopter des modes de consommation plus sobres, tout en soutenant les foyers les plus modestes grâce à la mise en œuvre de mesures sociales favorisant l’accès à l’eau, et notamment ciblant les familles nombreuses ou précaires. Avec la loi dite « Brottes » du 15 avril 2013, cinquante collectivités ont eu la possibilité de mettre en place une tarification progressive de l’eau, qui consiste en une augmentation du tarif de l’eau au-delà de certains seuils de consommation. Cette possibilité a été généralisée à l’ensemble des collectivités avec la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Pour les collectivités, cela permet la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau et surtout des tarifs incitatifs définis en fonction de la quantité d’eau consommée. Par ailleurs, cette même loi a introduit une disposition qui prévoit que « la tarification de l’eau potable aux abonnés domestiques peut tenir compte du caractère indispensable de l’eau potable et de l’assainissement pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité en prévoyant un tarif progressif pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite » (article L. 2224-12- 4 du code général des collectivités territoriales).

Cette tarification progressive peut prendre différentes formes. À Dunkerque par exemple la tarification progressive s’appuie ainsi sur trois tranches distinguant la consommation d’eau « essentielle », « utile » et « de confort », de 1,28 euro à 3,10 euros/m3. D’autres modèles proposent un échelonnage différent des tarifs : à Montpellier, les 15 premiers mètres cubes consommés sont gratuits, tandis qu’à Libourne, ils représentent un coût de 0,1 euro/m3, mais avec une augmentation plus graduelle du tarif, plafonné à moins de 1 euro/m3.

La tarification progressive de l’eau comporte plusieurs avantages. Elle garantit l’accès à l’eau pour tous en prenant en compte les capacités financières des utilisateurs et en pouvant assurer la gratuité des besoins essentiels. Elle encourage la sobriété et l’efficacité hydrique : comportements écoresponsables, utilisation d’appareils économes, collecte des eaux de pluie ou réduction de l’arrosage. C’est le cas à Brest où la tarification progressive a permis de réduire de 24 % la consommation moyenne des usagers impliqués. Elle peut aussi générer des revenus additionnels pour le service public de l’eau, pouvant être réinvestis dans la modernisation des réseaux d’approvisionnement et d’assainissement et la dépollution.

Dans le cas de la métropole de Montpellier, la mission d’information a auditionné M. René Révol, délégué à la gestion raisonnée, écologique et solidaire de l’eau et de l’assainissement, qui a indiqué que la tarification progressive se faisait sur la base de quatre tranches : les quinze premiers mètres cubes sont gratuits, puis le tarif augmente à 95 centimes jusqu’à 120 m3, 1,40 euro entre 120 et 240 m3 puis 2,60 euros au-delà de 240 m3. La tarification progressive ne concerne que les compteurs individuels, ce qui pousse à leur généralisation pour faciliter la mise en œuvre de ce type de tarification. L’objectif fixé par la métropole est de parvenir à 70 % d’usagers individuels dotés d’équipements en télé-relève. La consommation d’eau a baissé depuis la mise en place de ce système, et aurait pu conduire à 4 % de recettes supplémentaires en plus avec une consommation inchangée. Les citoyens ont accepté sans difficulté ce système et l’ont globalement approuvé. Son extension aux copropriétés privées et aux immeubles gérés par des bailleurs sociaux est néanmoins problématique puisqu’elle suppose un coût que ces derniers ne sont pas enclins à approuver, en l’absence d’obligations réglementaires.

Incitant à la sobriété et poursuivant parallèlement un enjeu social, la tarification progressive n’est cependant pas exempte de difficultés. D’après les derniers chiffres de l’Office français de la biodiversité, seuls 8 % des services publics d’eau et 2 % des services publics d’assainissement pratiquent une tarification à plusieurs tranches. Le CESE s’est interrogé sur les raisons de cette faible adoption et en a identifié plusieurs : données insuffisantes (composition des ménages, usagers domestiques versus usagers non domestiques), complexité de la mise en œuvre (qui s’ajoute à la complexité de la construction tarifaire elle-même – eau et assainissement, partie fixe et partie variable, taxes), difficulté à définir les tranches de progressivité pertinentes selon les territoires et les catégories d’usagers, impact sur la facture d’eau marginal pour une majorité d’usagers domestiques, faible « élasticité » du fait notamment que l’eau potable est un bien de première nécessité dont le tarif jusqu’à ce jour demeure relativement bas. Le CESE pointe également comme difficultés la taille des communes (54 % des autorités organisatrices se situent dans des communes de moins de 1 000 habitants, qui ont peu de moyens pour développer de l’ingénierie tarifaire) et l’incertitude sur l’efficacité de cette tarification en raison d’une faible élasticité du tarif. Pour le CESE, les conditions d’une généralisation de la tarification progressive à l’ensemble des autorités organisatrices des services d’eau ne sont pas réunies.

Pour les rapporteurs, le blocage principal provient du fait que la tarification progressive est complexe à mettre en place en l’absence de compteurs individuels. Il a toutefois été montré dans de nombreux cas que la tarification progressive pouvait conduire, accompagnée d’autres mesures, à une maîtrise réelle de la consommation d’eau. Ainsi, sans obliger les collectivités, il serait souhaitable de les encourager à mettre en place une tarification progressive tout en progressant parallèlement sur la généralisation des compteurs individuels.

Enfin, si la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 a autorisé la progressivité des tarifs en fonction de la consommation, elle a maintenu une incitation désastreuse à la consommation à travers la possibilité d’adopter des tarifs dégressifs dans le cadre des contrats de délégation avec les acteurs privés ou des règlements de régies publiques. Cette dégressivité s’applique aux entreprises, mais également à des services d’intérêt général : les hôpitaux par exemple. Si ce type de tarification dégressive tend à se raréfier, le CESE remarque qu’il existe peu d’informations sur la tarification dégressive qui semble faire l’objet de contrats négociés à caractère non public. Il semble difficile de demander d’appliquer une tarification progressive pour préserver la ressource, tout en maintenant une tarification dégressive pour les plus gros consommateurs. Cette préconisation relative à la suppression de la tarification dégressive a d’ailleurs trouvé un écho favorable auprès d’une très grande majorité des acteurs auditionnés par la mission. Les rapporteurs considèrent ainsi que ce type de tarif dégressif devrait être prohibé, à l’exception de cas précis concernant des structures d’intérêt général comme les hôpitaux.

Proposition  80 : Encourager les collectivités à mettre en place une tarification progressive de l’eau et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage, à l’exception des services d’intérêt général comme les hôpitaux.

Une autre piste de tarification différenciée repose sur la tarification saisonnière, qui constitue un fort levier d’incitation à la sobriété hydrique. La tarification saisonnière est logiquement adaptée « à l’ensemble des collectivités où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière », comme le permet la LEMA. Ce modèle tarifaire est facile à mettre en œuvre. Elle est particulièrement adaptée dans les communes touristiques, mais peut également être mise en place dans toute collectivité confrontée à un risque de pénurie d’eau pendant la période estivale. Le 30 novembre 2023, le maire de Toulouse M. Jean-Luc Moudenc s’est ainsi dit favorable à la mise en place d’une tarification saisonnière de l’eau. Ce type de tarification pourrait toutefois être utile dans toutes les zones en tension, pendant les périodes de basses-eaux, et non seulement dans les zones touristiques.

Proposition n° 81 : Mettre en place une tarification saisonnière dans les régions touristiques et étudier la possibilité de généraliser cette faculté dans toutes les zones en tension.

Enfin, il est également possible de mettre en œuvre une tarification différenciée en fonction des usages. Cette tarification différenciée entre usagers domestiques et non domestiques est permise par le cadre communautaire (directive cadre sur l’eau) : « les différents secteurs économiques, décomposés en distinguant au moins le secteur industriel, le secteur des ménages et le secteur agricole, contribuent de manière appropriée à la récupération des coûts des services de l’eau, sur la base de l’analyse économique réalisée conformément à l’annexe III et compte tenu du principe du pollueur-payeur ». L’article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales indique également que « toute fourniture d’eau potable, quel qu’en soit le bénéficiaire, fait l’objet d’une facturation au tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante ». De même, il est admis par la jurisprudence que les usages non domestiques relèvent le cas échéant de tarifs différents des tarifs domestiques.

Cette différenciation est mise en œuvre dans des collectivités (par exemple Grenoble Alpes Métropole ou la commune de Viry Chatillon) ainsi que dans des communes qui pratiquent la tarification progressive, par exemple la métropole de Montpellier. Dans son arrêt du 25 juin 2003, Commune des Contamines-Montjoie, le Conseil d’État a reconnu la différence entre un usage professionnel comme celui d’un hôtel et un usage domestique, donc la possibilité de renchérir la tarification appliquée aux usages professionnels de l’eau afin de compenser au sein du budget de la régie publique concernée la gratuité accordée à une partie des usages domestiques. Il est également possible de distinguer un usage administratif, ou encore un usage associatif, voire les consommations liées à un chantier, les consommations de forains, ou encore la consommation liée à des lances à incendie sur un site industriel.

Cette tarification différenciée demeure cependant trop peu utilisée par les collectivités, alors qu’elle permettrait de rééquilibrer la charge de la tarification en fonction des acteurs concernés.

 

 

 


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Synthèse thématique des principales propositions

 

  1.   Renforcer les politiques publiques en soutien à la préservation de la ressource

– Prendre en compte les impacts directs et indirects de tout nouveau projet d’aménagement ou d’implantation industrielle sur un territoire, en estimant son « empreinte eau » et en prenant en compte l’état de la ressource en eau sur ledit territoire.

– Intégrer dans tous les documents d’urbanisme, l’obligation de définir un coefficient d’imperméabilisation à l’échelle de la commune, et une trajectoire de réduction de ce coefficient. Intégrer également dans les documents d’urbanisme, des règles de construction spécifiques afin de favoriser les projets permettant l’infiltration à la parcelle.

– Prévoir des primes à l’installation de matériel hydro-économe, tant chez les particuliers que chez les autres acteurs économiques, sur le modèle des primes à la rénovation énergétique.

– Prévoir un accompagnement financier par l’État des collectivités qui entreprennent des travaux de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau.

– Poursuivre la création d’un cadre national clair sur les conditions de la réutilisation des eaux usées, avec des exigences sanitaires adaptées aux usages.

– Poursuivre et étendre les paiements pour services environnementaux, en les ciblant plus spécifiquement sur les pratiques agricoles permettant la protection et la restauration de la ressource en eau.

  1.   Développer le stockage multi-usage de l’eau

– Encourager le multi-usage de l’eau stockée à des fins d’irrigation, notamment en période de crise, pour l’alimentation en eau potable, le soutien à l’étiage et éventuellement la recharge artificielle des nappes.

– Encourager le stockage de l’eau dans les territoires les plus marqués par les irrégularités de la ressource en eau.

  1.   Renforcer la gouvernance et les objectifs en matière d’adaptation des politiques de l’eau au défi climatique

– Inscrire l’objectif de ‑10 % dans la loi et le compléter par un objectif de ‑25 % d’ici 2040. Décliner ces objectifs dans les Sdage et SAGE.

– Associer à chaque CLE des établissements publics de bassin ou des EPAGE capables de mettre en œuvre les arbitrages en les dotant des moyens nécessaires.

– Prévoir une information et un avis simple systématique des CLE sur les documents d’aménagement du territoire intéressant leur sous‑bassin.

– Ne pas rendre obligatoire le transfert de la compétence eau et assainissement vers les EPCI des communes faisant partie d’un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte performant.

– Déroger au transfert obligatoire de compétence vers un EPCI dans le cas particulier de communes situées sur des territoires de montagne ne faisant pas l’objet d’une interconnexion des réseaux.

– Mettre à jour dans chaque département un schéma d’interconnexion qui identifie les fragilités d’approvisionnement des différentes communes et précise les mesures structurelles à prendre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, ainsi que les mesures de crise possibles en cas de rupture d’approvisionnement.

  1.   Renforcer le financement des politiques de l’eau en respectant le principe de « l’eau paie l’eau »

– Supprimer le plafond de recettes des agences de l’eau ainsi que leur plafond d’emplois.

– Abonder de 400 millions d’euros les politiques de biodiversité par le biais de crédits budgétaires ou d’une nouvelle redevance afin de pouvoir mettre un terme au financement des politiques de biodiversité par les redevances prélevées par les agences de l’eau.

– Élaborer une loi de financement pluriannuelle de la transition avec un volet eau détaillé permettant de mettre en regard les besoins d’investissements, notamment sur le grand cycle, et les ressources allouées à leur mise en œuvre.

– Supprimer la TVA sur l’eau (5,5 %) et l’assainissement (10 %), qui est contraire au principe de « l’eau paie l’eau », afin d’aider au financement du mur d’investissements pour la rénovation des réseaux et le traitement des pollutions émergentes comme existantes.

– Instaurer une nouvelle redevance spécifique pour les pollutions émergentes afin de responsabiliser les metteurs sur le marché de produits ayant un impact sur la qualité de l’eau.


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   Synthèse exhaustive des propositions

I.   Une ressource en eau sous tension du fait du changement climatique et des activités humaines

Proposition  1 : Renforcer la connaissance en temps réel du niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques et développer des outils de pilotage plus précis du soutien d’étiage.

Proposition  2 : Accentuer la mobilisation des réserves hydroélectriques existantes par la possibilité d’inclure dans le renouvellement des concessions, une part des volumes dédiés au soutien d’étiage.

Proposition  3 : Déclarer l’état d’urgence hydrique dans les territoires d’outre-mer confrontés à de graves difficultés d’accès ou de pollution de l’eau. Renforcer les moyens du Plan eau consacrés à l’outre-mer.

Proposition  4 : Identifier les principaux préleveurs sur les réseaux d’eau sur chaque bassin versant, connaître leur seuil de vulnérabilité et évaluer les besoins saisonniers.

Proposition  5 : Développer une base nationale des prélèvements en eau mise à jour de manière mensuelle et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement et objectifs de répartition des prélèvements par sous-bassin versant.

Proposition  6 : Imposer le déploiement de compteurs de consommation d’eau en temps réel pour les acteurs économiques, agricoles et industriels en contrepartie d’une aide financière de l’État ou des agences de l’eau.

Proposition  7 : Faire respecter la loi en matière d’installation de compteurs individuels dans les copropriétés neuves. Encourager l’adoption de compteurs individuels dans toutes les copropriétés pour favoriser la sobriété hydrique et la mise en place éventuelle de systèmes de tarification progressive.

Proposition  8 : Abaisser le seuil de déclaration des prélèvements à 1 000 mètres cubes par an et imposer le télé-relevé pour tous les prélèvements soumis à autorisation.

Proposition  9 : Engager une réflexion avec les assurances sur la prise en charge des pertes d’exploitation liées aux restrictions d’eau par les arrêtés préfectoraux.

Proposition  10 : Renforcer la formation et les obligations d’information des professionnels de l’assurance sur les phénomènes naturels impactant la ressource en eau et sur les risques qui y sont associés.

Proposition  11 : Réunir plus souvent la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Proposition  12 : Renforcer l’adoption et le respect des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) dans toutes les communes concernées par le risque d’inondation.

Proposition  13 : Prendre en compte les impacts directs et indirects de tout nouveau projet d’aménagement ou d’implantation industrielle sur un territoire, en estimant son « empreinte eau » et en prenant en compte l’état de la ressource en eau sur ledit territoire.

Proposition  14 : Intégrer dans les études demandées aux industries phytopharmaceutiques sur l’autorisation d’une substance active, des éléments sur les métabolites, notamment leur durée estimée de dégradation et leurs effets sur l’environnement, afin d’améliorer la connaissance sur ces substances.

Proposition  15 : Envisager à terme, la détermination d’une valeur sanitaire maximale (VMAX) pour les métabolites et le renforcement de leur prise en compte dans les autorisations de mise sur le marché.

Proposition  16 : Inscrire ces objectifs dans la future stratégie Ecophyto 2030.

Proposition  17 : Prévoir un soutien financier et technique systématique des services de l’État aux collectivités dans la réalisation des études et documents préalables à la demande de préemption d’une aire d’alimentation de captage (AAC).

Proposition  18 : Prévoir un soutien des services de l’État aux communes après leur acquisition des zones préemptées dans les aires d’alimentation de captage (AAC), notamment afin de favoriser sur ces zones le développement de forêts, de prairies permanentes ou de pratiques agricoles encadrées.

Proposition  19 : Prévoir un droit de préemption d’office par le représentant de l’État dans le territoire si le risque de pollution de l’aire d’alimentation de captage (AAC) est avéré.

Proposition  20 : Prévoir dans tous les arrêtés cadre « sécheresse », une dérogation, permettant d’arroser les jeunes plants d’arbres et d’arbustes, en favorisant l’arrosage avec des eaux non-conventionnelles.

II.   Comment mieux adapter les politiques de l’eau aux effets du changement climatique ?

Proposition  21 : Systématiser les cartographies des zones favorables et défavorables à l’infiltration des eaux pluviales en zone urbaine, et calculer l’indice d’infiltration de celles-ci, en sollicitant l’expertise du BRGM.

Proposition  22 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme, un règlement des eaux pluviales définissant des parcelles où l’infiltration devient obligatoire, en prenant en compte les contraintes locales. Ce règlement se base sur une carte du potentiel naturel à l’infiltration, telle que celle réalisée par le BRGM.

Proposition  23 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme, l’obligation de définir un coefficient d’imperméabilisation à l’échelle de la commune, et une trajectoire de réduction de ce coefficient. Intégrer également dans les documents d’urbanisme, des règles de construction spécifiques afin de favoriser les projets permettant l’infiltration à la parcelle.

Proposition  24 : Prévoir une prime permettant de financer des aménagements de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau pour les particuliers, sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.

Proposition  25 : Prévoir un accompagnement financier par l’État des collectivités qui entreprennent des travaux de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau.

Proposition  26 : Poursuivre et étendre les expérimentations sur la recharge artificielle de nappes phréatiques, y compris avec des eaux réutilisées traitées, dans des conditions de sécurités vérifiées.

Proposition  27 : Prévoir des primes à l’installation de matériel hydro-économe, tant chez les particuliers que chez les autres acteurs économiques, sur le modèle des primes à la rénovation énergétique.

Proposition  28 : Actualiser la liste des communes identifiées comme « points noirs » en termes de fuites, afin de mieux les accompagner.

Proposition  29 : Développer une cartographie des réseaux et de leur rendement, afin d’avoir une vision précise des besoins des territoires, et d’identifier les communes les plus en difficulté.

Proposition  30 : Investir dans la digitalisation des réseaux et l’usage de capteurs pour détecter les fuites de façon préventive.

Proposition  31 : Encourager les collectivités territoriales en vue du renouvellement de leur réseau, à se doter d’une stratégie patrimoniale contenant des objectifs chiffrés de renouvellement.

Proposition  32 : Généraliser le conditionnement des aides des agences de l’eau aux collectivités territoriales, à un tarif minimum de l’eau, qui permette de financer une partie de leurs investissements.

Proposition  33 : Définir, pour chaque type d’eau non-conventionnelle, tous les usages autorisés.

Proposition  34 : Fixer un objectif de réutilisation des eaux usées traitées ou des eaux non-conventionnelles pour chaque collectivité territoriale compétente en matière d’eau et d’assainissement.

Proposition  35 : Encourager, dans les règles d’urbanisme, l’installation de récupérateurs d’eau dans toutes les nouvelles constructions, et en intégrer dans les anciennes via des aides sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.

Proposition  36 : Prévoir un accompagnement financier de l’État au développement de projets de REUT.

Proposition  37 : S’assurer que les projets de réutilisation des eaux usées soit adaptés à leur environnement local et n’aient pas d’incidence néfaste sur les milieux.

Proposition  38 : Poursuivre la création d’un cadre national clair sur les conditions de la réutilisation des eaux usées, avec des exigences sanitaires adaptées aux usages.

Proposition  39 : Réfléchir à l’opportunité d’encourager la création de doubles réseaux d’eau dans les constructions de logements neufs afin de réutiliser les eaux grises pour les usages domestiques.

Proposition  40 : Encourager le multi-usage de l’eau stockée à des fins d’irrigation, notamment en période de crise, pour l’alimentation en eau potable, le soutien à l’étiage et éventuellement la recharge artificielle des nappes.

Proposition  41 : Encourager le stockage de l’eau dans les territoires les plus marqués par les irrégularités de la ressource en eau.

Proposition  42 : Conditionner les subventions publiques destinées à la construction d’ouvrages de stockage, à l’élaboration d’un plan d’optimisation de la ressource en eau par les futurs bénéficiaires de l’ouvrage.

Proposition  43 : Encourager la diversification des semences, notamment en développant de véritables filières permettant des débouchés commerciaux à ces productions, et sensibiliser les consommateurs à ces enjeux.

Proposition  44 : Renforcer le soutien public à la recherche et au développement de nouvelles variétés plus résilientes aux effets du changement climatique.

Proposition  45 : Poursuivre et étendre les paiements pour services environnementaux, en les ciblant plus spécifiquement sur les pratiques agricoles permettant la protection et la restauration de la ressource en eau.

Proposition  46 : Encourager l’achat de matériel d’irrigation plus économe par les exploitants agricoles.

Proposition  47 : Intégrer davantage dans les SAGE les problématiques locales de hiérarchie des usages et de répartition des volumes d’eau.

Proposition  48 : Communiquer davantage en l’amont et pendant la crise sécheresse : impliquer tous les usagers pour renforcer l’appropriation des mesures et l’efficacité des décisions.

Proposition  49 : Renforcer le processus d’anticipation et d’implication des différents acteurs dans la préparation des arrêtés sécheresse. Coordonner l’action des services de l’État par la mise en place de préfets coordonnateurs à l’échelle des sous-bassins lorsque c’est nécessaire.

Proposition  50 : Mettre à jour dans chaque département un schéma d’interconnexion qui identifie les fragilités d’approvisionnement des différentes communes et précise les mesures structurelles à prendre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, ainsi que les mesures de crise possibles en cas de rupture d’approvisionnement.

Proposition  51 : En complément des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe, prévoir que l’urgence sanitaire, notamment liée à la défaillance de la distribution de l’eau, justifie la planification et le déclenchement du plan Orsec et les réquisitions des moyens nécessaires.

III.   Renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau pour faire face au changement climatique

Proposition  52 : Inscrire l’objectif de réduction de 10 % des prélèvements de la ressource en eau douce dans la loi et le compléter par un objectif de – 25 % d’ici 2040. Décliner ces objectifs dans les Sdage et les SAGE.

Proposition  53 : Allonger la durée de vie des Sdage et prévoir des modalités simplifiées de révision.

Proposition  54 : Inciter à l’élaboration de Sdage et de SAGE moins volumineux et plus prescriptifs.

Proposition  55 : Accroître le nombre de sièges réservés aux usagers non économiques de l’eau et donner un minimum de moyens de fonctionnement autonomes aux comités de bassin sur le plan administratif et financier.

Proposition  56 : Généraliser les SAGE et les CLE sur l’ensemble du territoire, en absorbant les autres structures existantes pour rationaliser la politique de l’eau.

Proposition  57 : Raccourcir le délai de mise en œuvre des CLE et des SAGE et simplifier leurs modalités de révision en introduisant des modes de révision partiels.

Proposition  58 : Imposer aux Sdage et aux SAGE d’intégrer des éléments chiffrés de réduction des prélèvements et de la consommation en eau, assortis d’obligations de moyens et de résultats.

Proposition  59 : Associer systématiquement les commissions locales de l’eau aux décisions de mise en œuvre des SAGE ou à la rédaction des contrats territoriaux qui les mettent en œuvre, comme les projets territoriaux de la gestion de l’eau.

Proposition  60 : Scinder l’actuel collège des usagers, acteurs économiques et associations des CLE pour créer, sur le modèle des collèges des comités de bassin, un collège rassemblant la société civile ayant un usage économique de la ressource et un collège composé des représentants des usagers domestiques, récréatifs et des associations environnementales.

Proposition  61 : Accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des CLE et comités de bassin.

Proposition  62 : Associer à chaque CLE des établissements publics de bassin ou des Epage capables de mettre en œuvre les arbitrages.

Proposition  63 : Prévoir une information et un avis simple systématique des CLE sur les documents d’aménagement du territoire intéressant leur sous‑bassin.

Proposition  64 : Ne pas rendre obligatoire le transfert de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI pour les communes faisant déjà partie d’un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte performant.

Proposition  65 : Déroger au transfert obligatoire de compétence vers un EPCI dans le cas particulier de communes situées sur des territoires de montagne ne faisant pas l’objet d’une interconnexion des réseaux.

Proposition  66 : Permettre la délégation de la compétence eau vers les syndicats départementaux constitués et non plus seulement vers les EPCI.

Proposition  67 : Encourager le développement de syndicats départementaux de gestion de l’eau.

Proposition  68 : Renforcer les effectifs de l’État en matière de police de l’eau pour le respect des arrêtés sécheresse ou des lois et règlements limitant la pollution de l’eau et les prélèvements.

Proposition  69 : Prévoir un soutien à l’ingénierie et à la rédaction de contrats de délégation incluant des enjeux environnementaux par les agences de l’eau ou l’ANCT au profit des collectivités qui en feraient la demande.

Proposition  70 : Intégrer pleinement les métiers de l’eau dans les cadres d’emplois des fonctions publiques territoriales et constituer une véritable filière publique de formations aux métiers de l’eau.

Proposition  71 : Supprimer le plafond de recettes des agences de l’eau ainsi que leur plafond d’emplois.

Proposition  72 : Conduire un travail d’évaluation des investissements nécessaires à la protection du grand cycle de l’eau, à l’instar des études effectuées sur le petit cycle.

Proposition  73 : Élaborer une loi de financement pluriannuelle de la transition écologique comportant un volet « eau » détaillé permettant de mettre en regard les besoins d’investissements, notamment sur le grand cycle, et les ressources allouées à leur mise en œuvre.

Proposition  74 : Supprimer la TVA sur l’eau (5,5 %) et l’assainissement (10 %), qui est contraire au principe de « l’eau paie l’eau », afin d’aider au financement du mur d’investissements pour la rénovation des réseaux et le traitement des pollutions émergentes comme existantes.

Proposition  75 : Abonder de 400 millions d’euros les politiques de biodiversité par le biais de crédits budgétaires ou d’une nouvelle redevance afin de pouvoir mettre un terme au financement des politiques de biodiversité par les redevances prélevées par les agences de l’eau.

Proposition  76 : Doubler l’objectif annuel d’aquaprêts mis en œuvre par la Caisse des dépôts. Étudier la possibilité de mettre en œuvre des prêts à taux zéro de longue durée, à destination des collectivités, avec compensation budgétaire de l’État pour la Caisse des dépôts, à l’instar de ce qui se fait en matière d’éco-PTZ.

Proposition  77 : Instaurer une nouvelle redevance spécifique pour les pollutions émergentes afin de responsabiliser les metteurs sur le marché de produits ayant un impact sur la qualité de l’eau.

Proposition  78 : Élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses aux PFAS.

Proposition  79 : Différencier les parties fixes des abonnements en fonction de la capacité de consommation des installations d’eau de l’abonné (existence de piscines par exemple).

Proposition  80 : Encourager les collectivités à mettre en place une tarification progressive de l’eau et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage, à l’exception des services d’intérêt général comme les hôpitaux.

Proposition  81 : Mettre en place une tarification saisonnière dans les régions touristiques et étudier la possibilité de généraliser cette faculté dans toutes les zones en tension.

 

 


  1  

   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 17 janvier 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.

À l’issue de sa réunion, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

*

Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/uPTl4N

 


  1  

   contributions des membres de la mission d’information
et des groupes
 

Contribution de M. Gabriel Amard, Mmes Lisa Belluco, Catherine Couturier, MM. Stéphane Delautrette, Marcellin Nadeau et Loïc Prud’homme,
membres de la mission d’information

Les députés précités affirment leur opposition aux propositions 26, 40, 41 et 42 du rapport de la  mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.

En effet, si les rapporteurs proposent de reméandrer les cours d’eau et de restaurer les zones humides, cela s’oppose aux propositions techno-solutionnistes comme la recharge artificielle des nappes souterraines (proposition 26).

Ensuite, le soutien aux dispositifs de stockage de l’eau que sont les bassines et les méga bassines constituent une perturbation majeure du cycle de l’eau. Il aurait été préférable de proposer des mesures d'accompagnement à la conversion aux pratiques agroécologiques (propositions 40, 41, 42).

*

*     *

Contribution du Groupe GDR

Sur une superficie totale de 8 400 000 hectares, la Guyane est traversée par 112 000 km de cours d’eau, ce qui en fait le troisième pays au monde où la ressource en eau douce est la plus élevée: 736 260 m3/an/hab, contre 3 370 m3/an/hab en France métropolitaine et 1 800 m3/an/hab en moyenne dans le monde ([219]).

Pourtant, cette ressource inestimable est aujourd’hui rendue inaccessible car polluée, conséquence directe des ravages de l’orpaillage illégal sur le territoire. Il s’agit là d’un véritable gâchis tant pour les populations locales qu’à l’échelle de la planète.

La turbidité de l’eau des fleuves de Guyane est croissante, y compris au cœur même du parc amazonien, pourtant censé avoir été créé il y a 20 ans pour protéger le territoire et ses habitants des ravages de l’orpaillage illégal.

En conséquence, alors que l’eau douce est omniprésente sur le territoire, il est préférable en Guyane de consommer de l’eau en bouteille, à condition d’en avoir les moyens. En effet, dans les communes enclavées, 1,5 l d’eau minérale peut coûter jusqu’à 4 euros pièce. Les communes enclavées étant celles qui jouxtent les fleuves (pollués), la question de l’accessibilité à l’eau potable y prend dès lors la forme d’un paradoxe kafkaïen.

Les boues en suspension contiennent de très fortes concentrations de mercure, officiellement interdit depuis 2006 mais très largement utilisé par les garimpeiros ([220]).

La pollution avérée des cours d’eau guyanais est connue des pouvoirs publics mais les réponses portées pour éradiquer la cause de cette pollution demeurent inefficaces. Pire, la feuille de route des services déconcentrés de l’État en Guyane se cantonne dorénavant à contenir l’orpaillage illégal. L’État s’avoue donc vaincu et renonce à éradiquer ce fléau du territoire guyanais.

La toxicité accrue de l’eau impacte la faune, la flore et toute la population guyanaise à commencer par les populations qui vivent en bordure des fleuves ([221]).

Malformations fœtales, maladies chroniques… les conséquences sanitaires irrémédiables déjà dramatiques se généraliseront si l’orpaillage illégal n’est pas éradiqué. Dans cette optique, plusieurs organisations autochtones et non gouvernementales ont, ce mercredi 17 janvier 2024, déposé un recours en carence fautive contre l’État devant le tribunal administratif.

Nous sommes ici à l’orée d’un scandale sanitaire que le présent rapport sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique ne peut taire. En conséquence, nous demandons que le rapport intègre dans ses préconisations l’impérieuse nécessité d’éradiquer l’orpaillage illégal et l’utilisation du mercure sur le territoire Guyanais, seul moyen de :

 Protéger la santé des populations

 Protéger la faune et la flore

 Rendre une ressource propre et accessible à tous.

 


  1  

   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

 

Audition conjointe de chercheurs

– M. Marc Livet, hydrogéologue

– Mme Magali Reghezza, géographe, maître de conférences à l’École normale supérieure (ENS), membre du Haut Conseil pour le climat

Audition conjointe « chercheurs et spécialistes »

– Mme Florence Denier-Pasquier, juriste en droit de l’environnement, spécialisée en droit de l’eau, administratrice de France nature environnement (FNE) *

– M. Alexis Guilpart, animateur du réseau « Eau et milieux aquatiques » chez FNE

– M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales

Audition conjointe de chercheurs

– M. Thierry Caquet, directeur scientifique environnement, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

– M. Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’UMR G-EAU gestion de l’eau, acteurs, usages, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Université de Montpellier

– M. Raphaël Morera, chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), co-directeur du centre de recherches historiques (spécialisé en zones humides et gestion de l’eau)

Audition « organismes spécialisés »

– Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

M. Christophe Poinssot, président-directeur général par intérim

Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique « Eau et changement global »

– Météo-France

M. Alain Soulan, directeur général adjoint

M. Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique

M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement des Nations Unies

Audition conjointe d’agences de l’eau

– Agence Rhône-Méditerranée-Corse

M. Laurent Roy, directeur général

– Agence Loire-Bretagne

M. Martin Gutton, directeur général

– Agence Adour-Garonne

M. Guillaume Choisy, directeur général

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires – Direction de l’eau et de la biodiversité

Mme Isabelle Kamil, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques

Mme Marie Lehouck, cheffe du bureau de la politique de l’eau, sous-direction de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques

Office français de la biodiversité (OFB)

M. René Lalement, directeur adjoint « Appui aux stratégies pour la biodiversité »

Mme Mathilde Loury, cheffe de l’équipe du projet Life intégré « Artisan »

Mme Claire Magand, chargée de mission « Recherche » à la direction de la recherche et de l’appui scientifique

M. Frédéric Veau, préfet et délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique

Audition conjointe de spécialistes hydrologues

– Mme Emma Haziza, hydrologue, experte dans le développement de stratégies pour la résilience des territoires face aux extrêmes climatiques, spécialiste du risque inondation, sécheresses et économies d’eau

– Mme Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue cofondatrice de l’association « Pour une Hydrologie Régénérative 

Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd)

M. Claude Gitton, membre permanent de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, section « Milieux, ressources et risques »

Table ronde

– Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)*

M. Philippe Jougla, administrateur de la FNSEA, responsable du dossier « Eau »

Mme Nelly Le Corre, chef du service « Environnement »

– Irrigants de France

M. Éric Fretillère, président

Mme Alix d’Armaille, responsable des affaires publiques

Mme Sabine Battegay, responsable « Environnement et production »

Confédération paysanne*

M. Nicolas Fortin, secrétaire national

Représentation de la Commission européenne en France

Mme Elena Visnar Malinovska, cheffe d’unité « Adaptation et résilience au changement climatique »

Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises)

M. Arnaud Dunand, sous-directeur « Performance environnementale et valorisation des territoires »

M. Serge Lhermitte, directeur général adjoint

M. Édouard Paillette, adjoint au chef du bureau « Eau, sol et économie circulaire »

Fédération nationale des syndicats des agents généraux d’assurance (AGEA)*

M. Olivier Audibert-Troin, agent MMA à Draguignan

Dr Julien Arnoult, responsable des études et des relations institutionnelles d’AGEA

M. Thomas Alvarez, chargé d’études et de relations institutionnelles d’AGEA

La Coopération agricole*

M. Frédéric Marcato, directeur « Recherche et développement » de Vivadour

M. Maurice Lombard, directeur industriel de Cristal Union

Mme Virginie Charrier, responsable « Environnement et énergie »

M. Thibault Bussonnière, directeur des affaires publiques

M. Jean Launay, président du Comité national de l’eau

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

– Direction du budget : 4e sous-direction, bureau du développement durable

M. Laurent Pichard, sous-directeur de la 4e sous-direction du budget

Mme Clotilde Vitou, adjointe à la cheffe du bureau du développement durable

– Direction générale du Trésor, service des politiques publiques, politiques sectorielles

M. Stéphane Sorbe, sous-directeur, service des politiques publiques, sous-direction « Transition écologique »

M. Mathieu Valdenaire, chef du bureau « Environnement, biodiversité, adaptation »

Mme Alice Grémillet, adjointe au chef du bureau « Environnement, biodiversité, adaptation »

Table ronde de plusieurs agences régionales de santé (ARS)
sur la question de la qualité de l’eau

– ARS Nouvelle-Aquitaine

M. Benoit Elleboode, directeur général

– ARS Bretagne

Mme Nathalie Le Formal, directrice de la santé publique

Mme Anne Serre, directrice adjointe santé-environnement

– ARS Hauts-de-France

M. Eric Pollet, directeur de la sécurité sanitaire et santé environnementale

Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

M. Vincent Hulin, directeur du programme « Biodiversité »

AMORCE

M. Nicolas Garnier, délégué général

Audition conjointe

– Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E)*

Mme Aurélie Colas, déléguée générale

Mme Claire Baldacci, conseillère « Affaires publiques »

– Association française des professionnels de l’eau et des déchets (Astee)

M. Pierre Hirtzberger, président de l’Astee, directeur général des services techniques du Syctom

M. Denis Guilbert, vice-président de l’Astee en charge du lien aux collectivités, directeur général de Vendée Eau

– Acteurs du traitement des eaux de la parcelle (ATEP)

M. Jérémie Steininger, délégué général

– Fédération des élus des entreprises publiques locales (FedEpl)

M. Benjamin Gallèpe, directeur général

France Eau Publique

M. Christophe Lime, président

M. Régis Taisne, chef du département « Cycle de l’eau »

M. Nicolas Pujos, responsable de la coordination du réseau France Eau Publique

Coordination nationale des associations de consommateurs d’eau (CACE)

M. Jean-Louis Linossier, président

Mme Micheline Desseigne, trésorière de l’association

Banque des territoires

M. Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des territoires

Mme Sophie Vaissière, directrice des relations institutionnelles et affaires stratégiques à la direction des prêts de la Banque des territoires

Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles, Caisse des dépôts

M. Gil Vauquelin, directeur de la tansition énergétique et écologique de la Banque des territoires

Table ronde avec des associations

– Coordination Eau Bien Commun France

Mme Edith Félix, co-présidente de la Coordination Eau IDF

M. Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination Eau IDF et coprésident de la Coordination Eau Bien Commun France.

– WWF*

M. Léo Tyburce, responsable des campagnes agriculture, alimentation et eau douce

– Collectif « Bassines non merci »

M. Jean-Louis Couture, membre du collectif BNM 79

Électricité de France (EDF)

Mme Cécile Laugier, directrice « Environnement et prospective » de la division « Production nucléaire » du groupe EDF

M. Bruno de Chergé, directeur « Relations institutionnelles, régulations et coordination de l’eau » d’EDF Hydro

Mme Sophie Pinsard, chargée de mission « Veille, suivi parlementaire », direction des affaires publiques

Association nationale des élus de bassin (Aneb)

M. Bruno Forel, président

Mme Catherine Gremillet, directrice

Audition conjointe 

– Association nationale des élus de la montagne (Anem)

Mme Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes, présidente

Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale

– Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett)

M. Gérald Martinez, maire de Saint-Léger-les-Mélèzes

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

Départements de France

M. Martial Saddier, président du groupe de travail « Biodiversité et eau » de Départements de France, président du conseil départemental de la Haute-Savoie

Mme Delphine Metz, directrice de cabinet

M. Edouard Guillot, conseiller « Environnement, transition énergétique, agriculture, eau et réseaux »

M. Brice Lacourieux, conseiller « Relations avec le Parlement »

Fédération nationale de la pêche en France (FNPF)*

M. Jean Paul Doron, premier vice-président

M. Hamid Oumoussa, directeur général

M. René Revol, maire de Grabels, vice-président de Montpellier Méditerranée Métropole

Table ronde sur la situation de l’eau en outre-mer

– Office de l’eau de Guyane

Mme Myriane Inimod, directrice par intérim, responsable du pôle technique territorial

– Office de l’eau de La Réunion

M. Faïçal Badat, directeur général

– Office de l’eau de Guadeloupe

M. Dominique Laban, directeur

– Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de la préfecture de Martinique

M. Christophe Gros, adjoint du service « Paysages, eau et biodiversité »

Mme Gwenn Laudijois, cheffe de projet « Plan Eau DOM » et chargée de mission « Qualité des eaux terrestres et marines »

M. Jean-Yves Lambert, chargé de mission inter-services de l’eau et de la nature 

– Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte

M. Ibrahim Aboubacar, directeur général des services par intérim

– ARS Martinique

M. Fabien Laleu, directeur général adjoint

M. Julien Thiria, directeur de la santé publique

– ARS Mayotte

M. Olivier Brahic, directeur

– ARS Guadeloupe

M. Laurent Legendart, directeur général

Audition conjointe 

M. le préfet Pierre-Antoine Molina, secrétaire général aux politiques publiques à la préfecture de la région Île-de-France

M. Renaud Durand, directeur régional par intérim de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de la préfecture de Bourgogne-Franche-Comté

Mme Virginie Pucelle, directrice adjointe

M. Hadrien Mauriac, chef de service « Biodiversité, eau, patrimoine » adjoint

Mme Katy Pojer, cheffe du département « Eau et milieux aquatiques »

M. Patrick Amoussou-Adeble, secrétaire général pour les affaires régionales, préfecture de Nouvelle-Aquitaine

M. Philippe Loos, secrétaire général, préfecture des Alpes-Maritimes

Table ronde des Comités de bassin

 Comité de bassin Rhin-Meuse

Mme Audrey Bardot, présidente

 Comité de bassin Artois-Picardie

M. André Flajolet, président

 Comité de bassin Seine-Normandie

M. Nicolas Juillet, président

France urbaine

M. Antoine Hoareau, vice-président de Dijon Métropole délégué à l’eau, l’assainissement et la prospective territoriale, président d’Odivéa, adjoint au maire de Dijon

M. Philippe Angotti, délégué adjoint de France urbaine

Mme Maëva Fleytout, chargée de mission « Transition écologique »

Cour des comptes

Mme Annie Podeur, présidente de la 2e chambre (énergie, transports, environnement, agriculture et mer)

Mme Caroline Manach, magistrate - Première conseillère de chambre régionale et territoriale des comptes

Mme Mathilde Cressens, magistrate - Première conseillère de chambre régionale et territoriale des comptes

Association des maires de France (AMF)

M. Christian Métairie, coprésident de la commission « Environnement » et maire d’Arcueil

Mme Gwenola Stéphan, responsable de la mission « Développement durable »

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Conseil économique, social et environnemental (CESE)

M. Jean-Marie Beauvais, docteur en économie, membre du CESE au titre du groupe « Environnement », vice-président de la commission « Économie et finances »

M. Jean-Yves Lautridou, membre du CESE au titre du groupe CFDT et membre de la commission « Économie et finances »

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


  1  

   Contributions écrites reçues

Union française des semenciers (UFS)

Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB)

Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole, d’espace verts, et des métiers spécialisés (Sedima)

Syndicat national de l’arrosage automatique (Synaa)


([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso

([2]) https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/explore-2070-relever-defi-changement-climatique

([3]) https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/explore-2070-relever-defi-changement-climatique

([4]) DRIAS 2020 de Météo France

([5]) https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2023/2023_08_gestion_eau.pdf

([6]) SDES, 2022. Évolutions de la ressource en eau renouvelable en France métropolitaine de 1990 à 2018, p.64

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2022-06/datalab_102_ressources_en_eau_juin2022.pdf

([7]) Jane S.F., Hansen G.J.A., Kraemer B.M. et al., 2021. Widespread deoxygenation of temperate lakes. Nature, 594, 66-70 https://doi.org/10.1038/s41586-021-03550-y

([8]) https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-03/20230310-RPA-2023-gestion-quantitative-eau.pdf

([9]) Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau - Rapport 2020 – L’eau et les changements climatiques

([10]) Données issues du recensement agricole de 2020.

([11]) Agreste Graph’Agri 2022. www.agreste.agriculture.gouv.fr

([12]) https://www.lecese.fr/actualites/eau-potable-des-enjeux-qui-depassent-la-tarification-progressive-avis-adopte

([13]) Rapport n°1022 de la commission des finances sur la proposition de loi de Mme Sandrine Rousseau et plusieurs de ses collègues visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile,29 mars 2023.

([14]) « Changement climatique : Coût des impacts et pistes d’adaptation » – Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, Rapport au Premier ministre et au Parlement, 2009 (données pour la France).

([15]) Rapport de la commission des finances sur la proposition de loi de Mme Sandrine Rousseau précité.

([16]) Pour être recensée, une inondation doit au moins respecter un des critères suivants :

- Avoir affecté au moins une centaine de personnes ;

- Avoir pour conséquence au moins dix décès ;

- Avoir fait l’objet d’une déclaration d’état d’urgence ou d’un appel à l’aide internationale. (Source : Eau France).

([17]) Eau France.

([18]) Évaluation socio-économique des projets de prévention des inondations en France, juin 2019, Commissariat général au développement durable.

([19]) Les financements (1/2), Les CATNAT, François Bafoil, Caisse des dépôts, 23 mai 2022.

([20]) Géorisques : risques littoraux, des risques multiples sur des territoires à forts enjeux.

([21]) Rapport de France Stratégie, « Coût de l’inaction face au changement climatique en France : que sait-on ? », Adrien Delahais et Alice Robinet, mars 2023.

([22]) Adaptation des territoires aux évolutions du littoral, Secrétariat d’État chargé de la mer.

([23]) Estimation de la start-up française spécialisée dans l’évaluation des risques climatiques Callendar - Rapport de France Stratégie, « Coût de l’inaction face au changement climatique en France : que sait-on ? », Adrien Delahais et Alice Robinet, mars 2023.

([24]) Impacts du changement climatique : Littoral et milieu marin, site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la transition énergétique.

([25]) Garantie catastrophe naturelle – site de la Caisse centrale de réassurance, https://catastrophes-naturelles.ccr.fr/garantie-cat-nat

([26]) Les financements (1/2), Les CATNAT, François Bafoil, Caisse des dépôts, 23 mai 2022, https://www.caissedesdepots.fr/blog/article/les-financements-12-les-catnat  

([27]) Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), améliorer la sécurité des personnes et protéger les biens face aux risques naturels, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la transition énergétique.

([28]) « Aux États-Unis, les assurances se retirent face au changement climatique et ses catastrophes », Antoine Grotteria, Géo, 2 juin 2023.

([29]) Contribution écrite de l’Inrae.

([30]) Source : https://www.notre-environnement.gouv.fr/), d’après la contribution écrite de l’INRAE.

([31]) Rapport de France Stratégie précité, d’après des données de l’Inrae.

([32]) Plus la température augmente, plus l’humidité dans l’atmosphère est faible, et plus la transpiration des végétaux est élevée.

([33]) Rapport de France Stratégie précité.

([34]) Les parcelles de production sont mises en place par des agriculteurs en application d’un contrat de multiplication. Le contrat de multiplication constitue la base de la relation entre l’agriculteur-multiplicateur et l’établissement semencier. (Semae, l’interprofession des semences et plants).

([35]) Contribution écrite de l’Union française des semenciers.

([36]) Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

([37]) Rapport d’information n° 1178 sur l’adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers (Mme Sophie Panonacle, raporteure), mai 2023.

([38]) Rapport de France stratégie précité.

([39]) Estimation du risque d’occurrence d’un feu de forêt calculé par plusieurs services météorologiques, dont Météo France.  

([40]) Rapport d’information n° 1455 sur la gestion de l’eau pour les activités économiques de MM. Patrice Perrot et René Pilato au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, 29 juin 2023.

([41]) EauFrance, https://www.eaufrance.fr/les-activites-industrielles-dans-le-cycle-de-leau.

([42]) Rapport d’information sur la gestion de l’eau pour les activités économiques précité.

([43]) « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? », Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), adopté le 11 avril 2023.

([44]) L’appel à projet « INNOV EAU » de France 2030 : ces fonds soutiendront les entreprises et les laboratoires engagés dans la recherche de solutions novatrices pour une meilleure gestion de l’eau, de son traitement et de ses données.

([45]) Depuis le 30 juin dernier, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont soumises à des restrictions plus ou moins sévères en fonction de la gravité de la sécheresse. Afin d’inciter à un usage structurellement sobre de la ressource, des exemptions sont prévues pour les sites industriels ayant réalisé au moins 20 % d’économies d’eau depuis 2018.

([46]) Source : eaufrance.

([47]) Source : audition d’EDF.

([48]) Source : EDF.

([49]) Centrales nucléaires et environnement, prélèvements en eau et rejets, édition 2020 – EDF.

([50]) Chiffres fournis par EDF.

([51]) https://www.edf.fr/hydraulique-lot-truyere/chantier-de-montezic-ca-demonte/une-step-comment-ca-marche.

([52]) Contribution écrite d’EDF.

([53]) Eau hors STEP qui fonctionnent en circuit fermé et ne peuvent donc pas être utilisées pour du multi-usage.

([54]) Consommation d’eau douce moyenne en France sur la période 2010-2019 (Inrae).

([55]) « Sécheresse : 189 communes toujours privées d’eau potable en France », Le Monde, 13 septembre 2023.

([56]) Les métabolites de pesticides se forment via des processus de dégradation ou de transformation des molécules actives de pesticides, dans l’environnement ou à certaines étapes des filières de traitement de potabilisation de l’eau. L’Anses est chargée de qualifier les métabolites au regard de leur risque sanitaire pour le consommateur (Questions réponses à l’attention des PRPDE sur les métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, ARS Bretagne).

([57]) Site de l’Anses.

([58]) Fixée à 0,1 µg/litre.

([59]) Stratégie dont les grands axes ont été présentés le 30 octobre 2023, qui vise à réduire de moitié l’usage des pesticides à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017.

([60]) Contribution de l’ARS des Hauts de France.

([61]) Contribution de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine.

([62]) Contribution du ministère de l’économie (direction générale du trésor et direction générale du budget).

([63]) article 7 de la DCE.

([64]) article 6 de la DCE.

([65]) Décret n° 2007-882 du 14 mai 2007 relatif à certaines zones soumises à contraintes environnementales et modifiant le code rural.

([66]) Article 27 de la loi n°2009-967 du 3 août 2009.

([67]) Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau.

([68]) Protection d’aire d’alimentation de captage en eau potable contre les pollutions liées à l’utilisation de fertilisants et de pesticides, guide méthodologique, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, 2013.

([69]) Il est également inscrit dans les articles R. 114-1 à R. 114-5 du code rural.

([70]) Au sens de l’article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales.

([71]) Les conditions d’application de cet article sont précisées par le décret n° 2020-1762 du 30 décembre 2020 relatif à la contribution, à la gestion et à la préservation de la ressource en eau.

([72]) « Les modalités pratiques du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine », Léna Jabre, La Gazette des Communes, le 19 septembre 2022.

([73]) « Comprendre les îlots de chaleur urbains », Martin Koppe, CNRS, le journal, le 13 septembre 2021.

([74]) Bilan canicule et santé : un été marqué par des phénomènes climatiques multiples et un impact sanitaire important, Santé publique France, 22 novembre 2022.

([75]) Le pouvoir des arbres : l’évapotranspiration, Office national des forêts, le 28 février 2022.

([76]) « Canicule : « la végétalisation est une des meilleures solutions pour rafraichir la ville », France info, le 7 août 2018.

([77]) « Dans les Pyrénées-Orientales, des interdictions d’irriguer graduées », Pleinchamp, le 10 mai 2023.

([78]) Contribution écrite du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

([79]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([80]) Article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme.

([81]) « Artificialisation des sols : de quoi parle-t-on ? », Jean Cavailhès, Constructif 2020/3, n°57, pages 21 à 24.

([82]) « Zéro artificialisation nette (ZAN) : comment protéger les sols ? », vie publique, 29 novembre 2023.

([83]) Objectif de zéro artificialisation nette à l’épreuve des territoires, rapport d’information n° 584 (2020-2021) fait au nom de la commission des affaires économiques, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Christian Redon-Sarrazy déposé le 12 mai 2021.

([84]) Le reméandrage – le portail technique de l’Office français de la biodiversité (OFB) – 2018.

([85]) Accroître la résilience des territoires au changement climatique par l’incitation aux solutions d’adaptation fondées sur la nature (Artisan).

([86]) https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/phoebus-profondeur-entites-hydrogeologiques-evaluation-contraintes.  

([87]) https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/capitoul-capacite-infiltration-eaux-pluviales-territoire-toulouse-metropole.  

([88]) Proche du coefficient d’imperméabilisation, le CES traite uniquement de l’emprise au sol et ne prend pas en compte, par exemple, les terrasses de plain-pied non couvertes, ou les allées et aires de stationnements si elles ne sont pas couvertes ou surélevées. Il permet d’évaluer la densité d’occupation au sol d’un projet.

([89]) La pleine terre est entendue comme la surface la plus perméable, où il existe une continuité sans interruption entre les couches souterraines.

([90]) Par CBS, on entend la proportion des surfaces favorables à la biodiversité par rapport à la surface totale d’une parcelle, pondérée par un ratio traduisant leur qualité environnementale.

([91]) « Documents d’urbanisme :  une étude souligne la nécessité d’une définition partagée de la « pleine terre », Frédéric Fortin, 9 mars 2021, Banques des territoires.

([92]) Nappe d’eau souterraine peu profonde, qui circule dans les sédiments des rivières, accompagne un cours d’eau.

([93]) https://www.reseau31.fr/lancement-du-projet-rgaronne-partenariat-phare-entre-le-brgm-et-reseau31/.   

([94]) Ce projet, assuré par le BRGM, s’inscrit dans le cadre du projet européen AquaNES, lancé en 2016, qui souhaite développer les techniques de purification de l’eau et des eaux usées. https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/aquanes-etudier-solutions-traitement-eau-station-agon-coutainville.

([95]) Une zone humide, c’est quoi ?, Office français de la biodiversité.

([96]) Préservons les milieux humides, amortisseurs du changement climatique – Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la transition énergétique.

([97]) « Terres d’eau, Terres d’avenir », rapport de Mme Frédérique Tuffnell et M. Jérôme Bignon, remis au Premier ministre et au Ministre de la transition écologique, janvier 2019.

([98]) Lancement du plan national milieux humides 2022-2026 – Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique.

([99]) Mission relative à la création d’un parc national de zones humides, rapport n°014136-01, établi par Christophe Viret et Flore Lafaye de Micheaux, mars 2022.

([100]) Contribution écrite du ministère de l’économie et des finances.

([101]) « Comment le gouvernement compte réformer la gouvernance et la planification locale de l’eau », Hugo Thérond, Contexte, publié le 6 décembre 2023.

([102]) Office national des forêts.

([103]) https://www.onf.fr/onf/+/582::video-le-marais-de-chautagne-asseche-une-zone-humide-restaurer.html.  

([104]) Des forêts pour l’eau potable : la forêt protège votre eau, Forêt privée française, Octobre 2012.

([105]) Établissement public en charge du développement de la gestion durable des forêts privées, placé sous la tutelle du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, il oriente la gestion des forêts privées.

([106]) Rapport d’information n° 1178 sur l’adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers (Mme Sophie Panonacle, rapporteure au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale), mai 2023.

([107]) Contribution de l’Inrae.

([108])  https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/economie/l-utilisation-des-ressources-naturelles-ressources/article/les-prelevements-d-eau-douce-par-usages-et-par-ressources/#ressources

([109]) Contribution écrite de Mme Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue.

([110]) Définies par l’article R. 211-71 du code de l’environnement.

([111]) À l’exception des prélèvements soumis à une convention relative au débit affecté (art. R. 211-73 du code de l’environnement) et des prélèvements inférieurs à 1 000 m3/an, réputés domestiques.

([112]) Entre novembre 2018 et juin 2019, les Assises de l’eau ont permis d’engager une concertation large et inédite avec l’ensemble des acteurs de l’eau : collectivités territoriales, entreprises, organisations professionnelles agricoles, associations environnementales, représentants de consommateurs, etc.

([113]) Créée en 1987, Amorce est un réseau de partage d’expérience et d’accompagnement de collectivités territoriales et de partenaires en matière de transition énergétique, de gestion territoriale des déchets et de gestion durable de l’eau. Le réseau se compose de deux tiers de collectivités locales et d’un tiers de partenaires (associations et fédérations, fabricants, fournisseurs, organismes financiers…). (Source : site internet d’Amorce).

([114]) Sarah El Haïry et l’association Amorce lancent le « défi sobriété -10% d’eau » à destination des collectivités territoriales, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique, 12 septembre 2023.

([115]) https://vigieau.gouv.fr/?profil=particulier.  

([116]) Contribution écrite du ministère de l’économie et des finances (direction générale du trésor, direction générale du budget).

([117]) Inrae.

([118]) Les Français et leur perception des enjeux associés à l’eau, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Janvier 2023.

([119])  Contribution écrite de l’agence de l’eau Adour-Garonne.

([120]) Contribution écrite du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

([121]) « Favoriser le recours aux eaux non conventionnelles », 19 avril 2023, Astee.

([122]) « Les eaux non conventionnelles, une solution face à l’augmentation des restrictions d’usage ? », Cerema, 8 juin 2023.

([123]) Contribution écrite de l’Inrae.

([124]) Contribution écrite de l’Inrae.

([125]) « Économie et partage des ressources en eau, réutilisation des eaux usées traitées, le panorama français », Cerema, juin 2020.

([126]) Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

([127]) Article 12.

([128]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([129]) Arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts.

([130]) Décret n° 2022-336 du 10 mars 2022 relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées.

([131]) Décret n° 2023-835 du 29 août 2023 relatif aux usages et aux conditions d’utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées.

([132])  Plan eau, point d’avancement à 6 mois, octobre 2023.

([133]) Plan eau, point d’avancement à 6 mois, octobre 2023.  

([134]) Contribution de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

([135]) Contribution de l’agence de l’eau Adour-Garonne.  

([136]) Usage domestique d’eau de pluie, Ministère de la santé et de la prévention, mis à jour le 2 février 2023.

([137]) Le dessalement de l’eau de mer, CNRS.

([138]) La première cellule de dessalement autonome testée dans les Pyrénées-Orientales, Anna Bonnemasou-Carrere, France Bleu, 4 avril 2023.

([139]) Favoriser le recours aux eaux non conventionnelles : analyse des freins et leviers et recommandations du Groupe de Travail Astee, 2023.  

([140]) Les eaux d’exhaure sont les eaux évacuées par un moyen technique afin de permettre l’exploitation à sec d’une carrière ou d’une mine.

([141]) Audition du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

([142]) Contribution écrite de la Fédération nationale d’agriculture biologique.

([143]) Rapport d’information n° 142 fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur l’avenir de l’eau (Mmes Belrhiti, Cukierman et MM. Richard et Sol, novembre 2022).

([144]) Contribution du BRGM.

([145]) Association France Nature Environnement.

([146]) Délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau.

([147]) bis du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

([148]) Contribution écrite du BRGM.

([149])  Rapport n° 1902 fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga‑bassines (n° 1766) par Mme Clémence Guetté.

([150]) « Le stockage agricole de l’eau : l’adaptation idéale au changement climatique ? », Benoit Grimonprez, Revue juridique de l’environnement, 2019/4, volume 44, pages 751 à 767.

([151]) Guide juridique – Construction de retenues, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, 23 novembre 2012.

([152]) Rapport n°1902 fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga‑bassines (n° 1766) par Mme Clémence Guetté.

([153]) Nomenclature annexée à l’article R.214-1 du code de l’environnement.

([154]) Rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’avenir de l’eau, par Mmes Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman, MM. Alain Richard et Jean Sol, le 24 novembre 2022.

([155]) Elle doit aussi porter sur l’impact du projet sur les cours d’eau, les zones humides, les espèces protégées, ou encore les incidences Natura 2000. Elle doit aussi justifier de la compatibilité du projet de retenue avec le Sdage ou le SAGE.

([156]) Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique, expertise scientifique collective, OFB, Inrae, Ministère de la transition énergétique, 17 octobre 2022.

([157]) Guide juridique – Construction de retenues, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, 23 novembre 2012.

([158]) « Le stockage agricole de l’eau : l’adaptation idéale au changement climatique ? », Benoit Grimonprez, Revue juridique de l’environnement, 2019/4, volume 44, pages 751 à 767.

([159]) Contribution de l’Inrae.

([160]) Avis de Pascal Guihéneuf et Serge Le Quéau, « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) face aux changements climatiques ? », avril 2023.  

([161]) Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

([162]) Les organismes uniques de gestion collective (OUGC) – Les services de l’État en Charente-Maritime, 5 juillet 2023.

([163]) Rapport d’information n°1455, déposé par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la gestion de l’eau pour les activités économiques, présenté par MM. Patrice Perrot et René Pilato le 28 juin 2023.

([164]) « Le stockage agricole de l’eau : l’adaptation idéale au changement climatique ? », Benoit Grimonprez, Revue juridique de l’environnement, 2019/4, volume 44, pages 751 à 767.

([165]) Contribution écrite de M. Frédéric Veau, délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.

([166]) Contribution écrite de la FNSEA.

([167]) ASALEE : l’app créé par ARVALIS récompensée à l’international – Arvalis, 14 septembre 2022.

([168]) La fétuque élevée et le ray-grass sont deux types de graminées pour pelouse.

([169]) Contribution écrite de l’Union des semenciers français (USF).

([170]) Contribution écrite de M. Frédéric Veau, délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, d’après les données du recensement agricole de 2020.

([171]) « Qu’est-ce que l’agroécologie ? », Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 22 avril 2013.

([172]) Contribution écrite de l’Inrae.

([173]) « Qu’est-ce que l’agroécologie ? L’étude BAG’AGES en capsules vidéo ! », Inrae, 9 février 2022.

([174]) Rapport d’information n° 1455, déposé par la commission des affaires économiques sur la gestion de l’eau pour les activités économiques, présenté par MM. Patrice Perrot et René Pilato le 28 juin 2023.

([175]) Interview de Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, dans « Challenges », du 4 avril 2023, sur le Plan eau.

([176]) Audition du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

([177]) Serra-Wittling C., Molle B., 2017. Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation. Rapport d’étude réalisée avec le soutien du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Irstea. 149 p.

([178]) Arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’environnement et relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié.

([179]) Ce principe permet de produire une pluie très fine grâce à des micro-asperseurs posés tous les deux à trois mètres, ce qui permet un arrosage à basse pression. Ils sont installés de façon à ce que les jets d’eau se croisent pour que l’arrosage soit suffisant.

([180]) Le goutte-à-goutte enterré fonctionne grâce à des gaines qui peuvent être enterrées à une profondeur d’environ 30 centimètres. Il permet des économies d’eau par rapport au goutte-à-goutte en surface.

([181]) Contribution de l’agence de l’eau Adour-Garonne.

([182]) Contribution écrite de M. Frédéric Veau, délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.

([183]) Les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) sont mises en œuvre dans le cadre de la politique de développement rural européenne. Elles ont pour but de compenser les surcoûts et manques à gagner générés par l’introduction sur les exploitations de pratiques plus respectueuses de l’environnement.

([184]) Contribution du ministère de l’économie et des finances.

([185]) Contribution écrite de WWF France.

([186]) Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022, Nathalie Bertrand, Patricia Blanc, Céline Debrieu-Levrat, Igedd ; Pascale Cazin, CGAAER ; Virginie Kles, Sophie Plante, IGA, publié le 12 avril 2023.

([187]) Pour certains territoires, l’eau disponible est inférieure aux besoins de la population, qu’il s’agisse d’une période de sécheresse ou non. Certains territoires peuvent disposer de peu de ressource en eau disponible naturellement, d’autres peuvent être particulièrement peuplés, et d’autres secteurs peuvent cumuler ces deux réalités. Les zones de répartition des eaux sont des espaces géographiques sur lesquels ce constat est établi. Les territoires classés en ZRE font l’objet de mesures particulières, afin de sécuriser l’alimentation en eau potable dédiée à l’alimentation en premier lieu, mais également pour assurer l’ensemble des activités économiques. Ainsi, les seuils de prélèvements d’eau sont abaissés. Cela permet d’assurer une gestion plus fine des demandes de prélèvements, grâce à l’abaissement des seuils de déclaration et d’autorisation de prélèvement par rapport aux autres territoires. Dans une ZRE, les prélèvements d’eau supérieurs à 8m³/h sont soumis à autorisation et tous les autres sont soumis à déclaration. (Source : les agences de l’eau).

([188]) Syndicat intercommunal d’Autremencourt (Aisne).

([189]) « Éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau » Rapport d’information n°142 (2022-2023) de Mmes Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman, MM. Alain Richard et Jean Sol, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022.

([190]) Les données utilisées pour produire ces statistiques sont toutefois parcellaires.

([191]) Une sensibilisation accrue, des 1ers résultats concrets, des engagements durables, 1er rapport quinquennal : préservation de la ressource en eau – Étude quantitative, Charte nationale Golf et environnement, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, Fédération française de golf, 19 mars 2013.

([192]) Source : contribution écrite de l’Inrae.

([193]) Source : contribution écrite de l’Inrae.

([194]) Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

([195]) Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

([196]) Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau.

([197]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([198]) Contribution écrite de l’Inrae.

([199]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([200]) Protection de la ressource en eau, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la transition énergétique, 1er août 2023.

([201]) Rapport d’information n° 142 fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur l’avenir de l’eau, Mmes Belrhiti, Cukierman et MM. Richard et Sol, novembre 2022.

([202]) Rapport d’information n° 142 fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur l’avenir de l’eau, Mmes Belrhiti, Cukierman et MM. Richard et Sol, novembre 2022.

([203]) Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022, Nathalie Bertrand, Patricia Blanc, Céline Debrieu-Levrat, Igedd ; Pascale Cazin, CGAAER ; Virginie Kles, Sophie Plante, IGA, publié le 12 avril 2023.

([204]) Guide circulaire de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, mai 2023.

([205]) Rapport d’information n° 3061 sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, présenté par M. Loïc Prud’homme et Mme Frédérique Tuffnell au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, 4 juin 2020.

([206]) Contribution écrite de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

([207]) Rapport d’information « Gestion durable de l’eau : l’urgence d’agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » par M. Hervé Gille pour la commission du développement durable, juillet 2023. Disponible en ligne : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/missions-dinformation-communes/mission-dinformation-sur-la-gestion-durable-de-leau-lurgence-dagir-pour-nos-usages-nos-territoires-et-notre-environnement.html

([208]) https://www.contexte.com/article/environnement/info-contexte-comment-le-gouvernement-compte-reformer-la-gouvernance-et-la-planification-locales-de-leau_179465.html

([209]) https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2023_06_20_SAGE_armencon_bleu_delibere_cle59fa5e.pdf

([210]) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-quantitative-de-leau-en-periode-de-changement-climatique-0

([211]) Loi nᵒ 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

([212]) https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/2019-06/police-de-l-eau-et-de-la-nature-2019-012364-01_rapport_cle242ddc.pdf

([213]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information#

([214]) Barone S., 2018, « L’impunité environnementale. L’État entre gestion différentielle des illégalismes et désinvestissement global », Champ Pénal/Penal Field, [En ligne], vol. 15. URL : https://journals.openedition.org/champpenal/9947

([215]) Directive (UE) 2022/542 du Conseil, du 5 avril 2022, modifiant les directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

([216]) https://www.60millions-mag.com/2021/03/22/eau-du-robinet-pourquoi-de-telles-hausses-des-factures-18449

([217]) https://www.vie-publique.fr/rapport/37520-lavenir-des-operateurs-de-leau-et-de-la-diversite

([218]) https://www.lecese.fr/actualites/eau-potable-des-enjeux-qui-depassent-la-tarification-progressive-avis-adopte

([219]) SDAGE 2022-2027 Bassin de la Guyane, dossier d’évaluation environnementale (https://www.ceb-guyane.fr/images/actualites/SDAGE/Evaluation_Environnementale_SDAGE_Guyane_VF2.pdf )

([220]) Orpailleurs illégaux

([221]) Des analyses menées entre 2004 et 2014 montrent des taux d’imprégnation largement supérieurs aux seuils à ne pas dépasser fixés par l’Union européenne et la Haute Autorité de santé. Le seuil limite se situe à 4,4 μg/g de cheveux chez l’adulte, 1,5 μg/g chez les enfants de moins de 6 ans et 2,5 μg/g chez les personnes enceintes. Solidarité Guyane a relevé des moyennes autour de 12 μg/g d’imprégnation capillaire chez les enfants et les adultes, avec de nombreux taux dépassant les 20 μg/g chez les adultes du Haut-Maroni, soit près de cinq fois le seuil sanitaire à ne pas dépasser.