N° 2160

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur l’évolution du marché des crédits carbone au niveau européen,

 

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Henri ALFANDARI

Député

——

 

 

 

 

 

 

  1.     La composition de la commission figure au verso de la présente page

 

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, M. Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; M. David AMIEL, Mme Lisa BELLUCO, MM. Pierrick BERTELOOT, Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes , Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Fabien DI FILIPPO, Grégoire DE FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mme Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Mmes Brigitte KLINKERT, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, Béatrice PIRON, MM. Christophe PLASSARD, Jean-Pierre PONT, Richard RAMOS, François RUFFIN, Alexandre SABATOU, Mme Laetitia SAINT-PAUL, MM. Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Danielle SIMONNET, Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Aurélie TROUVÉ, Estelle YOUSSOUFFA, M. Frédéric ZGAINSKI.

 


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : Le marché carbone européen n’a jusqu’à présent pas permis de donner un prix au carbone compatible avec les ambitions climatiques de l’union européenne

I. Le SEQE-UE a pour objectif de donner un prix au carbone dans l’Union européenne et de créer une incitation économique à la réduction des émissions de gaz à effet de serre

A. Le SEQE-UE est initialement pensé comme un instrument clé pour permettre la décarbonation de l’industrie européenne

1. Le SEQE-UE est un marché créé de toutes pièces à la suite du protocole de Kyoto pour lutter contre le changement climatique

2. L’échange de quotas sur le marché européen est l’instrument choisi pour donner un prix au carbone

B. Le SEQE-UE s’est organisé en différentes phases temporelles, qui ont permis aux acteurs concernés de se familiariser avec leurs nouvelles obligations

1. Le marché carbone européen impose des obligations croissantes aux entreprises qui ont pu s’adapter progressivement au fil des différentes phases

2. La mise en œuvre du SEQE-UE a également permis de dégager des recettes pour les États membres

II. S’il a permis de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre, le SEQE-UE a néanmoins manqué son objectif principal de décarbonation de l’industrie

A. Le SEQE-UE présente une vertu majeure : la connaissance détaillée des émissions de carbone de l’industrie européenne

1. Le SEQE-UE dispose d’un cadre performant de surveillance et de déclaration des émissions

2. La connaissance et la comptabilisation des émissions de carbone sont un atout dans la poursuite des objectifs climatiques et économiques dans l’Union

B. Le SEQE-UE a néanmoins manqué sa cible principale : inciter les secteurs couverts à la décarbonation

1. Le surplus de quotas sur le marché a mené à un prix dérisoire de la tonne de carbone, ne correspondant pas aux objectifs climatiques

2. L’industrie aurait sans doute fourni les mêmes efforts de décarbonation sans l’existence du SEQE-UE

DeuxiÈme partie : La réforme du marché carbone marque l’ambition climatique de l’Union mais risque d’être un « cheval de troie » pour les entreprises européennes

I. la réforme du seqe-ue prévoit la réduction des quotas mis sur le marché et la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

A. La réforme prévoit la diminution du nombre de quotas mis sur le marché et l’intégration de nouveaux secteurs

1. Le relèvement de la cible de réduction des émissions et la suppression des quotas gratuits doivent provoquer une hausse du prix de la tonne de carbone

2. L’intégration de nouveaux secteurs d’activité au SEQE-UE au pour objectif de favoriser la décarbonation d’autres secteurs que l’industrie

B. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières doit permettre de limiter le différentiel de compétitivité entre les entreprises européennes et le reste du monde, induit par la suppression de quotas gratuits

1. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est indispensable pour préserver la compétitivité des entreprises couvertes par le SEQEUE, en particulier l’industrie

2. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est un atout pour l’Union européenne dans la conduite de ses relations commerciales

II. la réforme du SEQE-UE de 2023 et l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières s’apparentent à un « saut de l’ange » pour l’industrie européenne

A. Les lacunes dans la conception même du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peuvent rapidement mettre le dispositif en échec

1. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne concerne pas les produits finis

2. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières tend à grever la compétitivité européenne à l’export

B. les modalités de mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières sont très incertaines, rendant absolument nécessaire la création d’une porte de sortie

1. La nécessité d’une méthode harmonisée et d’un acteur indépendant pour mesurer les émissions

2. La nécessité de prévoir une porte de sortie en cas d’échec de la réforme

Conclusion

EXAMEN EN COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

   


   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

La réforme du marché européen des droits à polluer et la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières sont-ils une chance pour la politique climatique de l’Union, ou un péril pour notre industrie ?

La réforme du marché carbone européen s’explique par la nécessité d’atteindre des objectifs climatiques de plus en plus ambitieux fixés dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe. Dans les premières phases de son développement, le système d’échange de quotas d’émissions dans l’Union européenne (SEQE-UE) envisageait en effet de protéger la compétitivité des entreprises couvertes par ce mécanisme, avec l’allocation généreuse de quotas gratuits limitant la réduction des émissions.

Entre les deux objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’industrie européenne, le curseur avait initialement été placé du côté des entreprises. Sur la période 2005-2023, le SEQE-UE représente ainsi, une contrainte légère pour les entreprises. Si les émissions du secteur de la production d’énergie ont diminué de 27 % entre 2013 et 2019, cela s’explique au-delà de l’existence du SEQE-UE par les efforts importants des politiques énergétiques nationales et européennes en faveur du déploiement des énergies décarbonées. Sur la même période, les émissions des installations industrielles ont seulement diminué de 2,2 %.

La principale vertu du marché carbone européen est à ce stade de permettre la comptabilisation des émissions et d’instituer une forme de « culture du carbone » au sein des milieux industriels. La majeure partie de la réduction des émissions est en effet liée aux gains de productivité, et non aux effets du SEQE-UE.

La réforme du SEQE-UE de 2023 fait le choix de résoudre cet écueil, en déplaçant le curseur du côté de la lutte contre le réchauffement climatique. Le nombre de quotas mis aux enchères sur le marché diminue, tout comme le nombre de quotas gratuits. En outre, de nouveaux secteurs sont inclus dans les systèmes d’échanges de droit à polluer, comme le transport maritime d’une part, le transport routier, le bâtiment et la petite industrie d’autre part.

Le SEQE-UE n’est plus forcé de concilier deux objectifs, climatiques et économiques, mais n’a plus qu’une seule mission, conformément au principe de Tinbergen : la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La mission de protection de la compétitivité de l’industrie européenne est confiée à un nouvel instrument : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Votre rapporteur estime toutefois que le succès de cette réforme relève d’un pari qui semble très incertain à ce stade. Premièrement, la méthode de définition de la trajectoire de réduction des émissions n’a pas été conçue sur la base de critères techniques ou industriels, mais uniquement par rapport aux objectifs climatiques. Deuxièmement, le MACF présente plusieurs lacunes dans sa conception même, puisqu’il ne concerne pas les produits finis, et tend à grever la compétitivité européenne à l’export. Troisièmement, « le ver est dans la pomme » pour la mise en œuvre du MACF : comment garantir que la méthode de mesure des quotas carbone émis dans les pays tiers sera respectée ? Ce mécanisme peut être très facilement contourné en l’état.

Sans remettre en cause la nécessité de donner un prix au carbone, ce rapport interroge donc le choix des instruments choisis pour parvenir à cet objectif : inefficace dans ses premières phases, potentiellement dangereux pour la compétitivité européenne à l’avenir, le marché carbone européen suscite de nombreuses interrogations critiques.

 

    

 


   PREMIÈRE PARTIE : Le marché carbone européen n’a jusqu’à présent pas permis de donner un prix au carbone compatible avec les ambitions climatiques de l’union européenne

I.   Le SEQE-UE a pour objectif de donner un prix au carbone dans l’Union européenne et de créer une incitation économique à la réduction des émissions de gaz à effet de serre

A.   Le SEQE-UE est initialement pensé comme un instrument clé pour permettre la décarbonation de l’industrie européenne

1.   Le SEQE-UE est un marché créé de toutes pièces à la suite du protocole de Kyoto pour lutter contre le changement climatique

Afin de mettre en œuvre la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 (CNUCC), le protocole de Kyoto adopté en 1997 fixe un objectif de réduction d’au moins 5 % des émissions de gaz à effet de serre en 2012 par rapport aux niveaux observés en 1990. Cette cible concerne les 38 pays les plus industrialisés au monde, et couvre les six principaux gaz à effet de serre, soit le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbones, les perfluorocarbones, et l’hexafluorure de soufre (SF6).

Le protocole de Kyoto établit également plusieurs mécanismes novateurs, dont le mécanisme de droit d’émissions négociables, conçu pour aider les parties contractantes à réduire les coûts entraînés par la réalisation des objectifs des émissions. L’utilisation de ce mécanisme est toutefois facultative : chaque pays dispose du choix des moyens pour atteindre les objectifs de réduction des émissions. Les parties contractantes peuvent ainsi en définir les modalités opérationnelles. La création du mécanisme des quotas négociables doit permettre de fixer un prix au carbone, de manière à intégrer les externalités négatives liées à son émission dans les choix de production des entreprises.

Les externalités négatives en matière climatique

Une externalité correspond à une situation où la décision d’un agent économique affecte le bien-être d’un autre agent. L’externalité peut être positive, et avoir des effets bénéfiques sur la collectivité. L’externalité peut également être négative : le comportement individuel n’intègre alors pas les effets négatifs sur le bien-être collectif.

En matière climatique, la décision individuelle d’une entreprise peut avoir un impact environnemental nocif. Le coût privé de l’émission de gaz à effet de serre est en effet inférieur au coût social du réchauffement climatique.

L’objectif de l’intervention publique est alors d’internaliser l’externalité, en faisant coïncider le coût privé et le coût social : donner un prix au carbone permet ainsi d’augmenter le coût de production des entreprises polluantes.

L’Union européenne a fait le choix de créer un marché des quotas carbone en 2005, avec pour objectif initial une réduction de 8 % des émissions de gaz à effet de serre de 2008 et 2012 ([1]). À long terme, la directive européenne prévoyait une réduction des émissions de 70 % par rapport aux niveaux de 1990.

Votre rapporteur relève toutefois que le SEQE-UE n’est pas un marché naturel, mais repose sur des considérations politiques. Le marché carbone est artificiel dans la mesure où il résulte d’une initiative de la puissance publique, et non d’une offre et d’une demande naturelles des entreprises. Les objectifs de réduction des émissions, le périmètre d’application du marché, les modes d’allocation des quotas et l’utilisation de mesures de flexibilité temporelles et géographiques sont issus de choix politiques. Cette approche a entraîné des distorsions économiques, car le marché n’émerge pas organiquement de besoins économiques mais d’exigences réglementaires.

La nécessité d’interventions fréquentes sur ce marché pour moduler les prix de la tonne de carbone en lien avec les objectifs climatiques est la démonstration du manque de robustesse du marché, qui nécessite une intervention politique et institutionnelle pour corriger ses lacunes.

Marché des quotas d’émission ou taxe carbone ?

L’intervention publique pour lutter contre les externalités négatives peut prendre plusieurs formes.

La solution la plus simple est la régulation par les prix, envisagée par l’économiste Arthur Pigou ([2]) : la taxe doit permettre de faire coïncider le prix avec l’optimum social. La taxe pigouvienne est ainsi une taxe qui incite les agents à réduire leur consommation, leur production, ou à transformer les modes de production, en augmentant le coût. La puissance publique doit alors déterminer le taux adéquat de la taxation pour atteindre la cible de pollution visée.

La solution la moins interventionniste est la création d’un marché d’échange, théorisé par l’économiste Ronald Coase ([3]), par l’introduction de droits de propriété. Coase prend l’exemple de la pollution d’une rivière à truites par une usine, qui réduit ainsi la pêche. Si le pêcheur obtient le droit de propriété de la rivière, il peut alors empêcher l’usine de rejeter ses déchets dans la rivière, ou demander un dédommagement. Le pêcheur peut alors négocier d’être dédommagé. Cet exemple est transposable aux émissions de gaz à effet de serre émises par les entreprises.

Coase remet toutefois en question l’hypothèse de la perfection des marchés : le recours au marché engendre des coûts de transaction, liés à la coordination entre les agents, croissants avec le nombre de participants sur le marché. Ce sont, sur le SEQE-UE, les coûts de collecte de l’information, de surveillance de l’ensemble des entités…

2.   L’échange de quotas sur le marché européen est l’instrument choisi pour donner un prix au carbone

L’Union européenne a opté pour une approche économique en donnant un prix aux émissions de carbone par le SEQE-UE afin d’atteindre ses objectifs climatiques.

Le SEQE-UE repose sur le principe de plafonnement et d’échange, dit « Cap and Trade ». Les institutions européennes fixent ainsi un plafond total d’émissions autorisées sur une période fixée pour les secteurs couverts par le mécanisme dans l’Union européenne et dans l’Espace économique européen (EEE). Le plafond est ensuite divisé en quotas d’émission alloués à chaque installation industrielle. Chaque unité de production dispose ainsi d’un montant maximal d’émissions de gaz à effet de serre. À la fin du cycle, chaque installation doit disposer d’un montant de quotas carbone égal au montant total de ses émissions, ou s’acquitter d’une pénalité par tonne de carbone non couverte par un quota. Depuis 2013, le plafonnement du nombre de quotas attribués diminue d’année en année pour inciter les industries à décarboner davantage leurs processus de production.

Ainsi, une entreprise dont les émissions se situent en-deçà du plafond fixé pourra revendre ses quotas excédentaires sur le marché. En revanche, une entreprise qui émet plus que son nombre de quotas initialement alloué doit acheter des droits à polluer supplémentaires. Cette possibilité d’échange crée un marché pour le carbone : le prix du quota reflète l’équilibre entre l’offre de quotas déterminée par les allocations, la demande influencée par la croissance économique et les fluctuations des prix de l’énergie.

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Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Le SEQE-UE concerne les émissions de 11 500 installations industrielles les plus émettrices, responsables de près de 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. Les secteurs concernés sont la production d’électricité et de chaleur, ainsi que l’industrie lourde comme les raffineries, la production d’acier, de ciment, de produit chimique, d’aluminium, de verre, de céramique, de papier-carton… Le secteur de l’aviation a été inclus en 2012. Des plafonds distincts sont appliqués aux émissions des installations industrielles et des exploitants d’aéronefs ([4]).

Chiffres annuels du plafond du SEQE de l’UE relatifs aux installations et aux exploitants d’aéronefs (en tonnes)

Année

Plafond annuel (installations)

Plafond annuel (aviation)

2021

1 571 583 007

28 206 545

2022

1 528 579 492

27 268 379

 

L’idée fondamentale derrière le marché carbone est de créer des incitations économiques pour réduire les émissions. Lorsque la tonne de carbone atteint un prix suffisamment élevé, l’investissement dans la décarbonation est plus efficace d’un point de vue économique, que l’achat de nouveaux quotas. Les baisses d’émissions de CO2 se réalisent lorsqu’elles sont moins coûteuses, dépendant du coût des énergies, du tarif des quotas, et de la capacité des opérateurs à ajuster leur mix énergétique. Dès lors, un prix de quota plus élevé incite davantage les exploitants à basculer vers des alternatives moins émettrices. Le marché encourage dès lors à l’innovation, à la transition vers des technologies propres et à la mise en œuvre de pratiques durables, là où cette évolution coûte le moins cher.

Le prix du carbone est payé par le producteur, qui peut le répercuter sur le consommateur. Cette charge supplémentaire engendre ainsi une perte de compétitivité des biens dont l’intensité carbone est la plus élevée.

B.   Le SEQE-UE s’est organisé en différentes phases temporelles, qui ont permis aux acteurs concernés de se familiariser avec leurs nouvelles obligations

1.   Le marché carbone européen impose des obligations croissantes aux entreprises qui ont pu s’adapter progressivement au fil des différentes phases

Le SEQE-UE s’est structuré en différentes phases temporelles, chacune caractérisée par un renforcement des obligations pour les entreprises par rapport aux règles préexistantes :

-         La phase I du marché carbone s’étend de 2005 à 2007 : cette période pilote, considérée comme une phase test, prévoit une allocation gratuite des quotas aux installations. Les quotas pouvaient ensuite être échangés entre entreprises. Le SEQE-UE couvrait alors uniquement les émissions de CO2 des producteurs d’électricité et des industries à forte consommation d’énergie ;

-         La phase II du SEQE-UE, entre 2008 et 2012 coïncide avec la première période d’engagement du protocole de Kyoto. Le marché est étendu à trois nouveaux pays (l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège), à de nouveaux types d’émissions comme le protoxyde d’azote, et à un nouveau secteur : l’aviation. Le nombre de quotas distribués diminue d’environ 6,5 %, et la part de quotas gratuits diminue ;

-         La phase III, sur la période 2013-2020 prévoit des changements considérables, avec un plafond d’émissions unique à l’échelle de l’Union en lieu et crée des plafonds nationaux. Cette phase prévoit également un facteur linéaire de diminution du plafond de 1,74 % par an. La mise aux enchères est définie comme une méthode par défaut pour l’attribution de quotas, au lieu de l’allocation gratuite. Le marché est par ailleurs étendu à de nouveaux types d’émissions, comme le perfluorocarbure, et à de nouvelles installations industrielles, comme les installations de captage et de stockage du carbone.

-         La phase IV ([5]), débutée en 2021, prévoyait avant l’adoption de la « loi européenne sur le climat » ([6]) et la réforme de 2023, un objectif de réduction de 43 % des émissions des secteurs couverts par le SEQE-UE. Le plafond d’émissions est réduit, alors que le facteur linéaire de diminution de ce plafond augmente à 2,2 % par an.

Votre rapporteur tient à souligner que les entreprises ont ainsi pu s’adapter progressivement à leurs obligations climatiques croissantes. La mise en œuvre du SEQE-UE par phases a offert une transition échelonnée, évitant de faire peser de manière brutale une charge administrative et financière trop importante aux acteurs économiques. Grâce à ces phases successives, et à un échange constant avec les administrations nationales et européennes, la tarification du carbone est devenue une partie intégrante des opérations commerciales de nombreuses entreprises européennes. De même, les entreprises ont bénéficié d’un temps suffisant pour arbitrer leurs investissements dans la décarbonation des processus de production.


Le marché carbone de l’aviation (SEQE-UE aviation)

Le secteur de l’aviation a été inclus dans le SEQE-UE à partir de 2012 pour réguler les émissions de CO2 provenant des vols intra-européens. Légalement, ce système s’applique aux exploitants des vols depuis, vers et à l’intérieur de l’EEE : en pratique, l’Union a toutefois limité les obligations du SEQE-UE aux vols intra-EEE, afin de favoriser le développement d’un système mondial de régulation. En 2022, le SEQE-UE aviation couvre environ 350 compagnies d’aviation à l’échelle européenne et a couvert 48,7 millions de tonnes de CO2 d’émissions issues de l’aviation dans l’Union européenne.

 

Les quotas gratuits représentent la grande majorité des quotas attribués sur le SEQE-UE aviation. En 2021, le secteur de l’aviation soumis au SEQE a émis 27,9 millions de tonnes équivalent CO2, dont 24 millions sont couverts par des allocations gratuites.

Source : Commission européenne

 

Le SEQE-UE aviation coexiste avec le mécanisme de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale « CORSIA », prévu par l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Ce système, lancé en 2021, est volontaire jusqu’en 2026. Les États participants doivent obliger les compagnies aériennes basées dans leur pays à compenser leurs émissions au-delà d’un niveau de référence initialement défini comme la moyenne des niveaux de 2019 et de 2020 par l’achat de crédits internationaux. En octobre 2021, l’OACI a modifié le niveau de référence du régime pour la période 2024-2035 en l’établissant à 85 % des émissions de 2019 ([7]).

2.   La mise en œuvre du SEQE-UE a également permis de dégager des recettes pour les États membres

La mise aux enchères des quotas génère des recettes affectées en grande majorité aux États membres. La directive de 2003 prévoit que les États doivent utiliser au moins 50 % de ces recettes, et l’intégralité des recettes provenant des quotas délivrés pour l’aviation, dans des actions liées au climat et à l’énergie.

Une partie des recettes est également affectée à deux fonds européens :

-         le Fonds européen pour l’innovation doit apporter un soutien de plus de 40 milliards d’euros sur la période 2020-2030, pour le déploiement de technologies net-zéro innovantes ;

-         le Fonds européen pour la modernisation vise à aider 10 États membres de l’Union à faible revenu, puis 13 à partir de 2024, à atteindre leurs objectifs de neutralité climatique en contribuant à moderniser leurs systèmes énergétiques et à améliorer l’efficacité énergétique.

Depuis sa création, le SEQE-UE a permis de générer plus de 152 milliards d’euros de recettes tirées de la mise aux enchères des quotas. En 2022, le SEQE-UE a généré un total de 38,8 milliards d’euros de recettes tirées de la mise aux enchères des quotas dans l’Espace économique européen, soit une augmentation de 7,7 milliards d’euros par rapport à 2021. Sur ce montant, 29,7 milliards d’euros ont été distribués aux États membres de l’Union européenne et de l’EEE ([8]). 9,1 milliards d’euros ont été reversés au Fonds européen pour l’innovation et au Fonds européen pour la modernisation.

En 2021, 45 % des recettes totales des États membres ont été collectées par la Pologne et l’Allemagne (12 milliards d’euros). La France est le cinquième bénéficiaire des recettes, à hauteur d’environ 1,4 milliard d’euros.


Recettes issues des mises aux enchères par État membre

Source : ERCST, BloombergNEF, Ecoact et Université de Graz

 

II.   S’il a permis de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre, le SEQE-UE a néanmoins manqué son objectif principal de décarbonation de l’industrie

A.   Le SEQE-UE présente une vertu majeure : la connaissance détaillée des émissions de carbone de l’industrie européenne

1.   Le SEQE-UE dispose d’un cadre performant de surveillance et de déclaration des émissions

La crédibilité et le succès du SEQE-UE dépendent du respect par les entreprises concernées de leurs obligations. Deux règlements européens de 2018 prévoient ainsi un cadre de surveillance, de déclaration, de vérification et d’accréditation ([9]).

-         En matière de surveillance et de déclaration, les exploitants bénéficient d’une liberté de choix de la méthode de surveillance. Cette méthode doit être approuvée par l’autorité nationale compétente pour les installations et les exploitants d’aéronefs ;

-         En matière d’accréditation et de vérification, les organismes compétents en la matière doivent être accrédités par un organisme national, de manière à jouir d’une reconnaissance mutuelle dans tous les pays participants. En 2022, il y a ainsi 110 vérificateurs accrédités pour les installations et 23 pour les exploitants d’aéronefs. 28 pays ont déclaré qu’au moins un vérificateur étranger était actif sur leur territoire en 2022 et six pays ont indiqué n’avoir que des vérificateurs étrangers.

Dans le cadre de ce cycle de conformité, les exploitants doivent ainsi soumettre un rapport d’émissions, analysé par un vérificateur accrédité. Les exploitants ont ensuite jusqu’au 30 avril de l’année en cours pour remettre un nombre équivalent de quotas d’émission. À partir de 2024, la date limite de restitution des quotas passera du 30 avril au 30 septembre.

Source : Ministère de la transition énergétique

Le marché du carbone est également soumis à une stricte règle de surveillance financière, puisque les quotas d’émissions sont considérés comme des instruments financiers. La surveillance du marché est ainsi partagée entre les autorités financières de l’ensemble des États membres et coordonnées par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). L’AEMF a ainsi publié en 2022 une enquête sur le fonctionnement du marché carbone de l’Union, concluant qu’il fonctionnait correctement et que les fluctuations de prix étaient conformes aux fondamentaux du marché, sans spéculation ([10]).

2.   La connaissance et la comptabilisation des émissions de carbone sont un atout dans la poursuite des objectifs climatiques et économiques dans l’Union

Le SEQE-UE est le premier marché carbone à apparaître au niveau mondial. La mise en œuvre du SEQE-UE a en effet débuté avec une phase test en 2005, tandis que les autres marchés carbone, avec des systèmes de fonctionnement différents, sont apparus plus tardivement. Le marché des droits à polluer chinois, le plus vaste au monde, est ainsi créé en 2021, tandis que les États-Unis ne disposent pas de cet instrument au niveau fédéral.

Entre 2022 et 2023, de nouveaux mécanismes de tarification ont été mis en place à travers le monde : l’Indonésie a ainsi lancé en 2023 la première phase de son marché des droits à polluer couvrant 99 centrales électriques. Au Japon, 400 entreprises se sont engagées volontairement dans le nouveau marché carbone couvrant 28 % des émissions.

Chaque marché carbone a ainsi un périmètre différent, couvrant une part plus ou moins importante des émissions de gaz à effet de serre du territoire.

Secteurs couverts par le marché des droits à polluer
selon les territoires concernés

Source : International Action Partnership

Au 1er août 2023, 74 mécanismes de tarification carbone ont été recensés à travers le monde, sous la forme de taxes carbone, ou de systèmes d’échange de quotas d’émission. Le SEQE-UE est le seul mécanisme opérant à l’échelle internationale. Les territoires couverts par des mécanismes de tarification carbone représentent ainsi 54 % du PIB mondial en 2023. 24 % des émissions sont couvertes par un mécanisme de tarification carbone ([11]).

En 2024, alors que plusieurs États sont aux balbutiements de la mise en œuvre de la tarification du carbone sur leur territoire, l’Union européenne a ainsi une longueur d’avance dans la mise en œuvre des dispositions du protocole de Kyoto, qui prévoit la création d’un marché des droits à polluer.

Votre rapporteur souligne ainsi que le principal apport des premières phases du SEQE-UE jusqu’à 2023 est d’avoir permis la diffusion au sein des entreprises d’une « culture du carbone », plus prégnante sur le territoire européen que dans les autres zones géographiques. La nécessaire conciliation des intérêts industriels avec les impératifs de la transition écologique est désormais bien ancrée dans la vision stratégique des opérateurs économiques européens. L’ensemble des entreprises couvertes sur le sol de l’Union sont accoutumées au processus de comptabilisation des tonnes de gaz à effet de serre émises et savent intégrer le coût de ces émissions à leur modèle d’affaires.

Votre rapporteur relève également que, dans un contexte de transition écologique et énergétique, la « longueur d’avance » des entreprises européennes dans leur capacité à comptabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre sera un vecteur important de leur compétitivité d’ici à 2030.

B.   Le SEQE-UE a néanmoins manqué sa cible principale : inciter les secteurs couverts à la décarbonation

1.   Le surplus de quotas sur le marché a mené à un prix dérisoire de la tonne de carbone, ne correspondant pas aux objectifs climatiques

Le fonctionnement du SEQE-UE n’a pas encore démontré, au début de l’année 2024, sa pleine efficacité pour inciter à la décarbonation des secteurs couverts. Le prix du quota est en effet fixé par la loi de l’offre et de la demande, sans corridor de prix. Le prix de la tonne de carbone augmente lorsque les droits à polluer sont très demandés : en période de faible demande ou d’offre trop abondante, le prix de la tonne de carbone chute.

Le prix du quota était ainsi faible, autour de 5 €, durant une période de cinq ans entre 2013 et 2018. Ce prix ne donne pas les bonnes incitations aux secteurs couverts : il est alors moins intéressant d’investir dans la décarbonation des processus de production, que d’acheter des quotas correspondant aux émissions supplémentaires. Ce phénomène s’explique notamment par un déséquilibre structurel du marché entre l’offre et la demande :

-         du côté de l’offre, le nombre de quotas gratuits alloués était trop important, exerçant une pression à la baisse sur les prix du marché ;

-         la contraction de l’activité industrielle liée à la crise financière de 2008 a également réduit la demande.

 

Les entreprises n’étaient ainsi pas incitées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les émissions du secteur de l’électricité ont baissé de 27,7 % entre 2013 et 2019 : l’existence du SEQE-UE n’est toutefois pas l’unique raison de cette forte diminution, qui s’explique également par des politiques nationales et européennes particulièrement proactives en matière de déploiement de sources de production d’énergies décarbonées.

Les émissions de l’industrie n’ont en revanche reculé que de 2,1 % ([12]). Ce chiffre est discuté : une récente note fait état d’une diminution de 6 à 21 % en moyenne selon les années pour l’industrie manufacturière française ([13]). Certaines entreprises, comme Arcelor Mittal, sont par ailleurs soupçonnées d’avoir tiré un bénéfice de leur participation au marché du carbone en revendant leurs quotas gratuits ([14]).

 

Source : Institut Jacques Delors

Les effets limités de l’instauration du SEQE-UE sur le secteur de l’industrie s’expliquent par les grandes quantités de quotas gratuits attribuées aux installations industrielles, afin de préserver leur compétitivité sur le marché mondial. L’attribution n’a en effet pas pris en compte l’évolution de l’activité. Ces quotas sont par ailleurs stockables d’une année sur l’autre, avec un risque de spéculation et d’instabilité des prix. L’allocation généreuse des quotas gratuits par la puissance publique européenne a donc conduit à l’inefficacité du marché carbone européen pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le nombre de quotas gratuits alloués aux entreprises du secteur de la production d’énergie était bien moindre, en raison de la moindre concurrence internationale dans ce domaine. Ce choix explique ainsi la trajectoire de réduction des émissions de ce secteur, bien plus importante que pour l’industrie.

Excédents de quotas dans le SEQE-UE (2013-2021)

Source : Commission européenne

En 2023, la tonne de carbone s’échangeait toutefois au prix de 90 euros, notamment grâce à la mobilisation de deux leviers :

-         la mise en place d’une réserve de stabilité du marché en 2017 effective en 2019 ;

-         la modification du calcul des référentiels qui servent de support à l’allocation des quotas gratuits, en 2018 : les référentiels sont ajustés annuellement, avec un taux de réduction variant de 0,2 % à 1,6 % selon les progrès technologiques observés dans chaque sous-secteur.

La création d’une réserve de stabilité du marché pour le SEQE-UE

Face à l’excédent d’environ 2,1 milliards de quotas sur le marché en 2013,
le Parlement européen et le Conseil ont créé une réserve de stabilité. La réserve adapte les volumes de quotas à mettre aux enchères en fonction de l’évaluation annuelle du nombre de quotas en circulation sur le marché.

Chaque année, lorsque le nombre de quotas est supérieur à 833 millions, 24 % du surplus constaté est retiré des enchères et placé dans la réserve pour une durée de 12 mois. 12 % du nombre total de quotas en circulation l’année n-2 est placé dans la réserve.
À l’inverse, lorsque le nombre de quotas est inférieur à 400 millions, 100 millions de quotas sont injectés au marché sous forme d’enchères.

La réserve de stabilité contenait plus de 3 milliards de quotas le 31 décembre 2022. À partir de 2023, la réserve annule les quotas détenus au-delà d’un certain seuil : 2,5 milliards de quotas sont ainsi devenus caducs le 1er janvier 2023.

Le prix de 90 euros par tonne est toutefois nettement inférieur à la valeur tutélaire du carbone, évaluée à 250 euros par tonne de CO2 en 2030 ([15]). La valeur tutélaire du carbone permet de prioriser les investissements : les réductions de gaz à effet de serre qui coûtent moins cher que la valeur tutélaire du carbone doivent être effectuées en priorité.

Les incitations fournies par le marché carbone européen avant la réforme de 2023 n’étaient donc pas alignées avec les engagements européens de la France, qui visent la neutralité climatique à l’horizon 2050, aux termes de la « loi européenne sur le climat » ([16]) et des accords de Paris de 2015.

Les réductions d’émission du secteur couvert par le SEQE-UE en 2022

Selon la Commission européenne ([17]), les émissions globales couvertes par le SEQE‑UE se sont élevées à 1 362,1 millions de tonnes, soit une baisse de 1,8 % par rapport à 2021. Cette diminution s’explique principalement par la chute de 6,5 % des émissions du secteur industriel (-6,5 % en 2022).

Du fait de la crise énergétique en Europe, les émissions liées à la production d’électricité et de chaleur ont augmenté de 2,4 %. Cette évolution est principalement due à l’utilisation accrue de combustibles fossiles, notamment le charbon, pour la production d’électricité.

2.   L’industrie aurait sans doute fourni les mêmes efforts de décarbonation sans l’existence du SEQE-UE

La mise en place du SEQE-UE n’a amené qu’une réduction limitée des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de l’industrie depuis 2005.

Sur la période 2005-2023, la réduction des émissions du secteur peut par ailleurs s’expliquer par d’autres facteurs que l’effort de décarbonation :

-         la désindustrialisation est en effet marquée dans l’Union européenne. En France par exemple, l’industrie ne représentait que 10 % du total des emplois contre 25 % en 1977 ([18]) ;

-         les délocalisations ont également provoqué une diminution de la part de l’industrie dans le PIB : la part du made in France dans l’industrie a chuté de 81,7 % en 1965 à 37,8 % en 2019 ([19]) ;

-         l’augmentation des gains de productivité.

Entre 2000 et 2021, la part de l’industrie dans le PIB a ainsi diminué dans la plupart des États de l’Union européenne.

Source : Banque mondiale, Les Echos

Même si la décarbonation de l’industrie semble plus effective en fin de période avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2022, les effets imputables à la mise en œuvre du SEQE-UE sont nécessairement limités, au regard du cumul avec le phénomène de désindustrialisation.

Votre rapporteur tient à souligner l’effet limité du marché carbone européen sur la réduction des émissions de l’industrie européenne : il est permis d’imaginer que sans cet instrument, l’industrie aurait fourni les mêmes efforts pour sa décarbonation.

Les premières phases du marché des droits à polluer européen ont donc permis aux entreprises de s’accoutumer aux exigences de comptabilisation de leurs émissions, et d’inclure le coût du carbone dans leurs modèles d’affaires. Toutefois, les premières phases ont eu un impact relativement limité sur l’incitation à verdir les processus de production, principalement en raison du nombre trop important de quotas gratuits mis sur le marché. Entre l’objectif de protection de la compétitivité des entreprises et l’impératif de lutte contre le changement climatique, le curseur était donc placé du côté des entreprises, rendant peu efficace l’instrument du marché carbone européen.

Le SEQE-UE n’a ainsi pas désavantagé les entreprises réglementées : leurs ventes annuelles ont augmenté en moyenne de 5 à 10 % par an, par rapport à un scénario contre factuel non réglementé ([20]).

Effets du marché carbone européen
sur les ventes domestiques des entreprises françaises

Source : EACEI, EUTL, FICUS-FARE, CAE

Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, la réforme de 2023 du SEQE-UE vise à revaloriser l’objectif politique de lutte contre le réchauffement climatique, tout en préservant la compétitivité des entreprises et de l’industrie européenne.
Ce recalibrage du marché pose toutefois de nouvelles difficultés.


DeuxiÈme partie : La réforme du marché carbone marque l’ambition climatique de l’Union mais risque d’être un « cheval de troie » pour les entreprises européennes

  1.   la réforme du seqe-ue prévoit la réduction des quotas mis sur le marché et la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe promu par la Commission européenne depuis 2019, l’adoption de la loi européenne sur le climat ([21]) prévoit un relèvement des objectifs climatiques de l’Union : les États membres doivent relever la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % d’ici 2030 par rapport à leurs niveaux de 1990. La loi européenne sur le climat prévoit également un objectif de neutralité climatique de l’Union à horizon 2050.

Pour atteindre les objectifs de 2030, la Commission européenne a présenté le 14 juillet 2021 une série de mesures permettant de décliner l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. La réforme du SEQE-UE est l’une des pierres angulaires de ce paquet « Fit for 55 » ([22]), déclinée en deux directives : l’une concernant les installations ([23]) , l’autre concernant l’aviation ([24]). Une décision du Parlement européen et du Conseil prévoit également de renforcer la réserve de stabilité du marché ([25]).

A.   La réforme prévoit la diminution du nombre de quotas mis sur le marché et l’intégration de nouveaux secteurs

La réforme du SEQE-UE adoptée en mai 2023 et applicable à partir du 1er janvier 2024 doit permettre à l’Union européenne de s’adapter au nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 2030, à la fois par un approfondissement du dispositif existant et par un élargissement de son champ d’application.

1.   Le relèvement de la cible de réduction des émissions et la suppression des quotas gratuits doivent provoquer une hausse du prix de la tonne de carbone

La directive de 2023 sur les installations prévoit une réduction de
62 % des émissions d’ici 2030 dans les secteurs couverts par le SEQE-UE par rapport aux niveaux de 2005. L’objectif précédemment fixé en 2018 était de 43 %, tandis que la proposition de la Commission en 2021 était de 61 %. Cette évolution passe par trois vecteurs :

-         le plafond sera réduit à deux reprises : de 90 millions de quotas en 2024, et de 27 millions de quotas en 2026 ;

-         le facteur linéaire de réduction, précédemment fixé à 2,2 % par an en 2018, est porté à 4,3 % par an pour la période 2024-2027, et à 4,4 % par an à partir de 2028.

Évolution du plafond des émissions du SEQE-UE
comparé aux émissions vérifiées

Source : Commission européenne

 

-         le rythme de réduction des quotas gratuits s’accélère.

 

o       Dans les secteurs non couverts par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le mode de calcul des référentiels qui servent de support à l’allocation des quotas gratuits est de nouveau modifié : alors que le taux de réduction variait entre 0,2 % et 1,6 % depuis 2018 selon les progrès technologiques par sous-secteur, ce taux variera entre 1,6 % et 2,5 % dès 2026.

 

o       Les secteurs soumis au MACF ont leur allocation gratuite progressivement réduite à partir de 2026, jusqu’à son extinction totale en 2034.

 

 

La directive relative au SEQE-UE aviation prévoit par ailleurs une suppression progressive des quotas gratuits dans le transport aérien d’ici 2027. Les vols intra-européens ne seront pas assujettis au mécanisme CORSIA, qui ne sera appliqué qu’aux vols internationaux. La réforme prévoit également que les émissions hors CO2 dont l’impact est au moins équivalent à celui de la combustion de kérosène seront intégrées dans le SEQE-UE aviation.

L’utilisation des recettes du SEQE-UE

Jusqu’au 1er janvier 2024, les États membres devaient utiliser au moins 50 % des recettes issues de la mise aux enchères des quotas et l’intégralité des recettes provenant des quotas du SEQE-UE aviation pour mettre en œuvre des actions liées au climat et à l’énergie.

La directive de 2023 prévoit que les États membres devront, à partir du 1er janvier 2024, dépenser l’ensemble de ces recettes afin de financer la transition écologique et des mesures sociales.

Le 20 juin 2023, la Commission a également proposé une attribution d’une part des recettes du SEQE-UE et du MACF comme ressources propres de l’Union européenne pour rembourser l’emprunt commun lié à la crise de la Covid-19 ([26]).

Votre rapporteur souligne cependant qu’en fixant un objectif de réduction de 62 % des émissions de gaz à effet de serre des entreprises d’ici à 2030, la réforme du SEQE-UE n’a pas tenu compte de la faisabilité de cet objectif pour l’industrie. Cet objectif est en effet fixé uniquement en fonction de la cible climatique de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et n’est pas fondé sur la réalité industrielle. Imposer un taux homogène de réduction des émissions à l’ensemble des secteurs couverts par le SEQE-UE est également un choix téméraire, dans la mesure où le potentiel de décarbonation est fortement dépendant du progrès technique dans les différentes branches.

L’impact d’une hausse du prix du carbone sur l’emploi ([27])

Les données individuelles montrent qu’au sein d’un même secteur d’activité, les entreprises ne sont pas égales face à l’effort à fournir pour décarboner leurs processus de production. L’effet de l’augmentation d’une hausse de 100 euros du prix de la tonne de carbone, en prenant en compte le fait que certains établissements voient leurs coûts diminuer par rapport à leurs concurrents, est d’environ -1,5 % sur l’emploi. Le graphique ci-dessous présente l’effet sur la moyenne de l’emploi entre le 5ème et le 95ème percentile de chaque secteur.

Impact sur l’emploi de la variation de prix relative due à une taxe additionnelle du carbone de 100 euros par tonne de CO2 émis

La hausse du prix du carbone engendre par ailleurs des perdants et des gagnants : d’importantes réallocations intrasectorielles sont à attendre.

 

Source : Données Fare, DADS Postes et EACI (2008-2019), CAE

2.   L’intégration de nouveaux secteurs d’activité au SEQE-UE au pour objectif de favoriser la décarbonation d’autres secteurs que l’industrie

La réforme du SEQE-UE de 2023 prévoit d’étendre le mécanisme à de nouveaux secteurs, afin de renforcer la décarbonation de l’économie européenne :

-         les émissions du secteur du transport maritime seront incluses dans le champ d’application du SEQE-UE. Les obligations imposées aux compagnies maritimes de restituer des quotas à hauteur de leurs émissions seront introduites progressivement : 40 % pour les émissions vérifiées à partir de 2024, 70 % à partir de 2025 et 100 % à partir de 2026 ;

-         un nouveau système distinct d’échange de quotas d’émission applicable aux secteurs du bâtiment, au transport routier et à la petite industrie a été mis en place : le SEQE-UE bis. Le nouveau système s’appliquera aux distributeurs qui fournissent des carburants aux secteurs du bâtiment et du transport routier. L’objectif pour le SEQE-UE bis est la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 43 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Tous les quotas seront mis aux enchères : aucun quota gratuit ne sera alloué aux entreprises ;

-         les pays de l’Union doivent mesurer, déclarer et vérifier les émissions des installations d’incinération des déchets municipaux à partir de 2024. D’ici au 31 janvier 2026, la Commission présentera un rapport visant à inclure ces installations dans le SEQE-UE à partir de 2028, avec une possibilité de dérogation jusqu’en 2030 au plus tard.

Secteurs couverts par le SEQE-UE et le SEQE-UE bis

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Sans hostilité franche à cette extension, votre rapporteur s’interroge toutefois sur l’opportunité d’un élargissement du SEQE-UE et sur la création d’un mécanisme bis, alors même que le marché carbone n’a pas véritablement fait ses preuves quant à sa capacité à permettre aux entreprises européennes d’atteindre leurs objectifs climatiques.

 

Le Fonds social pour le climat

Le paquet « Fit for 55 » prévoit la création d’un Fonds social pour le climat ([28]) afin de limiter les incidences des réformes climatiques sur les petites et moyennes entreprises et les ménages les plus vulnérables. Ce fonds, dont la création effective est prévue pour 2026, sera doté de 86,7 milliards d’euros pour soutenir les mesures et les investissements destinés à réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, par exemple grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.

Le Fonds sera financé par 25 % des recettes du SEQE-UE bis : sur la période 2025‑2032, cet instrument pourrait ainsi mobiliser 72,2 milliards d’euros selon l’étude d’impact.

La France pourrait bénéficier de 8 milliards d’euros sur la période, soit 11 % du total : elle serait donc contributrice nette au dispositif, compte tenu de la part plus élevée de son économie dans le PIB européen ([29]).

Par ailleurs, votre rapporteur reprend ici à son compte l’interrogation de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur l’articulation entre le SEQE-UE bis et le règlement sur la répartition de l’effort (RRE) ([30]). Le règlement RRE fixe en effet les objectifs de l’Union européenne en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs qui n’étaient jusqu’alors pas couverts par le SEQE-UE, soit les transports, le bâtiment, l’agriculture et la gestion des déchets. Ce règlement, régulièrement actualisé, fixe des objectifs nationaux contraignants de réduction des émissions pour chaque pays de l’Union. Chaque État doit ainsi adopter des mesures nationales pour atteindre ces objectifs.

 

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Source : Cour des comptes européenne

Avec la réforme du SEQE-UE, le secteur du transport maritime domestique intègre le marché carbone, et sort du périmètre du règlement sur la répartition de l’effort. Les secteurs du bâtiment et du transport routier, intégrés au SEQE-UE bis, restent toutefois dans le périmètre du règlement RRE. Les politiques publiques nationales doivent continuer à accompagner la décarbonation de ces secteurs et les États membres restent responsables du respect des objectifs dans ce périmètre au titre du règlement RRE.

Votre rapporteur s’interroge donc sur la question de la redevabilité démocratique des institutions nationales et européennes : qui pourrait être tenu responsable en cas de non atteinte des objectifs climatiques dans les secteurs couverts à la fois par le SEQE-UE et le règlement RRE ? Les États membres, qui sont responsables d’assurer le respect des objectifs dans les secteurs concernés, ou les institutions européennes, responsables de la mise en œuvre du SEQE-UE ?

B.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières doit permettre de limiter le différentiel de compétitivité entre les entreprises européennes et le reste du monde, induit par la suppression de quotas gratuits

1.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est indispensable pour préserver la compétitivité des entreprises couvertes par le SEQE‑UE, en particulier l’industrie

En miroir de la réforme du SEQE-UE, le paquet « Fit for 55 » prévoit un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières visant à faire payer aux importateurs le contenu carbone des produits importés dans l’Union européenne. Le MACF a deux objectifs principaux :

-         limiter le phénomène des fuites de carbone, soit principalement les fuites directes qui résultent des délocalisations d’entreprises vers des pays tiers moins-disants en matière environnementale. Les modélisations estiment le taux de fuites de carbone entre 5 et 30 % : pour 10 tonnes d’émissions évitées dans le pays ou région qui adopte une politique climatique plus ambitieuse, les émissions dans le reste du monde augmentent de 0,5 à 3 tonnes ([31]). Ainsi, un tiers de l’empreinte carbone de l’Union européenne est dû à ses importations ([32]) ;

-         préserver la compétitivité des entreprises européennes, qui doivent s’acquitter d’une tarification carbone, contrairement aux entreprises produisant dans les pays tiers qui n’ont pas de système équivalent au SEQE-UE.

Le MACF doit ainsi permettre de garantir une égalité de traitement entre un bien produit sur le sol européen et un bien produit dans un État tiers, sans réglementation climatique ou avec des dispositifs moins-disants. Il y aura ainsi un alignement du prix du carbone payé pour les produits importés dans l’Union avec le prix du carbone payé pour les produits de l’Union.

Le mécanisme fonctionne ainsi en miroir du SEQE-UE : l’importateur devra acheter des « certificats MACF » au moment où le bien franchit la frontière pour entrer dans l’Union. Le nombre de certificats MACF devant être acquis pour l’importation d’un bien dépendra de l’intensité carbone de ce bien, soit des émissions de gaz à effet de serre nécessaires à sa production. Le prix des certificats MACF reflètera le prix du SEQE-UE, puisqu’il sera indexé chaque jour sur le prix moyen des quotas vendus aux enchères.

L’achat des certificats « MACF » dépendra également des normes environnementales et climatiques du pays d’importation. Une entreprise implantée dans un État tiers ayant une législation alignée sur les objectifs et l’ambition de l’Union européenne paiera ainsi une taxation environnementale dans cet État. Il n’y aura ainsi pas de double taxation de l’intensité carbone du bien à l’entrée du produit sur le sol de l’Union européenne.

Le mécanisme aurait pu prendre la forme d’une taxation par un mécanisme fiscal, lors de l’entrée sur le territoire européen de produits dont la production a conduit à l’émission de gaz à effet de serre. Cette solution un inconvénient majeur : le mécanisme aurait alors été assimilé à un dispositif fiscal, qui relève d’une procédure législative spéciale de l’Union, requérant l’unanimité des États membres au Conseil.

Le MACF diffère ainsi par certains aspects du SEQE-UE : il n’y a pas de système de Cap and Trade. Le mécanisme ne fixe pas de plafond d’émissions importées.

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Source : Traace

Cet instrument, voté en avril 2023 par le Parlement européen et le Conseil, est entré en vigueur au 1er octobre 2023 ([33]) : sa mise en œuvre est toutefois progressive, les importateurs ne devant s’acquitter de surcoûts qu’à compter de 2026.

-         Pendant une période de transition, du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025, les importateurs de marchandises extra-européennes devront déclarer les émissions de carbone pour les produits importés.

-         À compter du 1er janvier 2026, les importateurs de marchandises extra‑européennes seront tenus d’acheter auprès des autorités nationales les certificats MACF.

-         Le MACF ne sera pleinement opérationnel qu’en 2034, soit au moment de l’extinction des quotas gratuits ; les importateurs devront avoir un statut de « déclarant MACF » pour être éligibles à l’importation.

Les recettes générées par le MACF

Les recettes générées par le MACF sont estimées à 1 milliard d’euros par an à partir de 2027. A l’inverse des dispositions prévues pour SEQE-UE avant la réforme de 2023, ces recettes font partie du nouveau panier de ressources propres en cours de discussion entre le Parlement européen et le Conseil. L’objectif est de contribuer au remboursement du volet « subventions » du plan NextGenerationEU, financé par un emprunt commun.

2.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est un atout pour l’Union européenne dans la conduite de ses relations commerciales

Les débats au Parlement européen et au Conseil ont porté sur la question de la conformité du MACF au droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’article XX du GATT autorise les États à mettre en place des mesures restrictives en vue de protéger l’environnement, sous réserve de ne pas créer de discriminations injustifiables ou une protection déguisée. Le droit de l’OMC impose nécessairement une suppression des quotas gratuits du SEQE-UE en parallèle de l’adoption du MACF : les entreprises produisant sur le sol européen bénéficieraient sinon d’un avantage commercial, du fait de l’attribution de ces quotas.

Les détails de la conception du MACF doivent toutefois respecter les contraintes prévues par le droit de l’OMC : ainsi, la référence utilisée pour le calcul de la teneur en carbone des importations concernées sera examinée de près par les pays tiers ([34]). Le nombre de certificats MACF à acheter pour l’importation d’un produit doit être basé sur les émissions réelles : sinon, le mécanisme sera considéré comme pénalisant ou distorsif au regard des normes du commerce international.

Le MACF est également un moyen pour l’Union européenne d’inciter ses partenaires commerciaux à adopter des normes environnementales ambitieuses. La théorie économique des « clubs climat » ([35])  indique ainsi que des prix élevés du carbone doivent inciter les États tiers à adopter à leur tour une législation climatique et environnementale ambitieuse. L’intérêt pour ces États est en effet de percevoir les recettes de la taxation carbone, qui est sinon captée par le pays le plus ambitieux sur le plan environnemental.

Le mécanisme est ainsi un moyen pour l’Union européenne « d’exporter » des normes environnementales et climatiques ambitieuses dans les États tiers moins-disants.

II.   la réforme du SEQE-UE de 2023 et l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières s’apparentent à un « saut de l’ange » pour l’industrie européenne

Votre rapporteur relève une tension majeure dans la réforme du SEQE-UE et du MACF. D’une part, la disparition des quotas gratuits d’ici à 2034 est inéluctable, inscrite dans le règlement européen. D’autre part, le fonctionnement du MACF, qui doit protéger la compétitivité des entreprises européennes est très incertain : ce mécanisme a un périmètre limité, laissant la porte ouverte à de nombreuses stratégies de contournement.

Le législateur européen a ainsi agi avec une confiance dans le fonctionnement d’un mécanisme comportant des lacunes conceptuelles et dont la faisabilité technique n’est pas démontrée.

A.   Les lacunes dans la conception même du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peuvent rapidement mettre le dispositif en échec

1.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne concerne pas les produits finis

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne concerne pas toutes les importations dans l’Union européenne. Afin de limiter la complexité du dispositif, le MACF s’appliquera aux marchandises énumérées dans une annexe du règlement de 2023. Seules les marchandises « simples », fortement exposées au risque de fuite carbone, sont ainsi concernées : l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais azotés, l’hydrogène.

Le mécanisme ne s’applique ainsi que de façon limitée, au secteur aval. Ce choix s’explique par les difficultés techniques et administratives pour mesurer l’intensité carbone de produits du secteur aval. L’objectif de la Commission est d’élargir progressivement ce périmètre à d’autres secteurs de l’industrie, et aux produits aval, notamment grâce à la clause de revoyure prévue par le règlement.

En l’état, votre rapporteur souligne le risque très élevé de contournement du MACF. L’importation d’acier brut en Europe nécessitera par exemple d’acheter des certificats MACF, alors que l’importation de produits finis à base d’acier en sera exemptée, tels que les portières de voitures. Il en va de même pour l’aluminium brut, soumis au mécanisme, alors que l’importation de moteurs de véhicules électriques contenant de l’aluminium n’est en l’état pas soumise à l’achat de certificats MACF. La substitution de produits finis aux matériaux de base couverts par le mécanisme dégradera mécaniquement la compétitivité des entreprises du secteur aval.

Recommandation 1 : étendre le plus rapidement possible le MACF aux produits finis, de façon à préserver la compétitivité des entreprises opérant sur le secteur aval de l’Union européenne.

Votre rapporteur tient également à souligner l’existence d’un autre risque de dégradation de la compétitivité de l’industrie européenne, opérant sur le secteur amont et sur le secteur aval. Une entreprise dans un État tiers disposant d’une gamme de moyens de production carbonés et décarbonés pourrait réserver sa production décarbonée à l’export sur le sol de l’Union européenne, et mettre la production carbonée sur le marché local. Par exemple, un producteur d’acier disposant de fours électriques et de fours à charbon pourrait exporter la production issue de l’électrique sur le sol de l’Union européenne, nécessitant un achat d’un montant très faible de certificats MACF. La production issue du four à charbon serait à l’inverse destinée au marché local.

2.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières tend à grever la compétitivité européenne à l’export

Le MACF dégrade la compétitivité européenne à l’export en ne couvrant que les importations. Les secteurs couverts par le MACF ne bénéficient plus de quotas gratuits et voient leur compétitivité réduite à l’export du fait du renchérissement de leurs coûts de production. En revanche, la concurrence extra-européenne ne sera pas soumise à une tarification carbone équivalente pour les produits ne franchissant pas les frontières européennes ([36]).

Le fonctionnement du MACF ne tient pas non plus compte des exportations des entreprises produisant des biens à partir de matières premières couvertes par le mécanisme. Les entreprises produisant des biens à partir d’acier devront par exemple s’acquitter de « certificats MACF » lors de son importation, renchérissant les coûts de production. Lors de l’exportation dans un État tiers, une partie du différentiel de compétitivité entre les entreprises européennes et les entreprises du reste du monde s’explique ainsi par ce renchérissement des coûts de production.

Une solution envisageable serait de rendre le mécanisme bilatéral, avec un remboursement du montant payé pour les certificats MACF au moment du franchissement de la frontière pour l’exportation du produit de l’Union européenne vers un pays tiers. Le mécanisme se transformerait ainsi en véritable taxe sur le carbone ajouté.

Recommandation 2 : prévoir un mécanisme de subvention à l’export, de manière à ne pas grever la compétitivité des produits européens dans les pays tiers.

B.   les modalités de mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières sont très incertaines, rendant absolument nécessaire la création d’une porte de sortie

1.   La nécessité d’une méthode harmonisée et d’un acteur indépendant pour mesurer les émissions

Les modalités de mise en œuvre du MACF sont également décisives pour l’industrie européenne. La question de la méthode de mesure des quotas carbone émis dans les pays tiers est centrale.

Votre rapporteur tient à souligner le risque de capture du régulateur. Si les acteurs en charge l’audit de l’intensité carbone des produits importés dans l’Union européenne sont des acteurs privés, il est nécessaire de prévoir des garanties de leur indépendance. Les bureaux de certification pourraient en effet être captifs d’un nombre limité de clients industriels dans les pays tiers, produisant ainsi des comptes carbone en deçà des émissions réelles. La Chine produit par exemple 1 milliard de tonnes d’acier par an, alors que l’entreprise Arcelor produit environ 60 millions de tonnes. Face au déséquilibre mondial entre les producteurs, les acteurs en charge de l’audit, rémunérés par ces industriels, seraient ainsi sujets à d’importants conflits d’intérêts.

Cette crainte est notamment inspirée par l’observation du contrôle des agences de notation durant la crise de 2008. Ces agences étaient rémunérées à 100 % par les entités qu’elles notent, remettant en cause leur indépendance. Les agences de notation avaient ainsi noté « AAA » des produits structurés alors que plusieurs de leurs composants étaient infectés par la crise des subprimes. Depuis la crise, les agences de notation font désormais l’objet d’une surveillance accrue, notamment de l’Autorité européenne des marchés financiers.

De la même manière, les institutions européennes doivent s’assurer de l’indépendance des bureaux de contrôle et d’audit en matière d’intensité carbone, de façon à garantir le bon fonctionnement du MACF. Outre les entités chargées du contrôle, il est également nécessaire de prévoir des normes, au niveau mondial, permettant de garantir l’objectivité de la mesure de l’intensité carbone des différentes marchandises.

Recommandation 3 : instaurer une méthode harmonisée de mesure des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne et dans les pays tiers, avec un opérateur indépendant pour garantir l’objectivité de la mesure.

Au regard de la difficulté de produire rapidement des normes communes au niveau mondial, une autre solution est envisageable selon votre rapporteur : déterminer le prix et le nombre de certificats MACF à acheter lors de l’importation d’un bien en fonction du mix énergétique du pays d’origine. La composition des mix énergétique et les émissions de carbone sont connues par État : la taxation carbone se ferait ainsi sur la base de données objectives. Cette solution présente toutefois deux écueils :

-         sa compatibilité avec le droit de l’OMC n’est pas assurée ;

-         aucune individualisation n’est possible parmi les entreprises d’un même État membre, quels que soient leurs efforts pour la décarbonation des processus de production.

La composition du mix énergétique et du mix électrique est néanmoins un bon indice de l’intensité carbone des produits industriels, qui pourrait être pris en compte dans l’analyse par les institutions européennes dans la mise en œuvre du MACF.

2.   La nécessité de prévoir une porte de sortie en cas d’échec de la réforme

La combinaison de la suppression des quotas gratuits dans le SEQE-UE et de l’efficacité hypothétique du MACF fait craindre une perte de compétitivité des entreprises européennes.

L’Union est dans une position particulièrement inconfortable :

-         le SEQE-UE dans les phases précédentes ne permettait pas d’atteindre les objectifs climatiques fixés par le cadre international et européen. L’adoption de la loi européenne pour le climat, qui vise une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 à l’horizon 2030, nécessitait ainsi une révision de cet instrument ;

-         la réforme du SEQE-UE de 2023 prévoit la suppression des quotas gratuits pour revoir à la hausse les ambitions climatiques du dispositif et des différents secteurs couverts. La suppression des quotas gratuits fait cependant naître un différentiel de compétitivité de l’industrie de l’Union avec les entreprises des États tiers. Institué dans le but de combler ce différentiel de compétitivité, ainsi que pour inciter les pays tiers à adopter des normes climatiques ambitieuses, le MACF n’offre toutefois aucune garantie de bon fonctionnement en l’état.

Face à l’ensemble de ces écueils, votre rapporteur ne saurait trop insister sur la nécessité de prévoir une porte de sortie du SEQE-UE et du MACF en cas de destruction de la compétitivité de nos entreprises européennes.

Si donner un prix au carbone est une absolue nécessité pour atteindre les objectifs climatiques : les instruments choisis ne peuvent détruire le tissu industriel et aller à l’encontre de l’attractivité du territoire de l’Union, notamment à l’heure où les États-Unis font le choix de subventions massives pour les industries propres sur leur sol au moyen de l’Inflation Reduction Act.


Conclusion

Votre rapporteur relève l’importance et la nécessité de donner un prix au carbone au niveau mondial.

La conception du SEQE-UE et du MACF après la réforme de 2023 fait toutefois naître la possibilité d’un péril pour l’industrie européenne. Le bon fonctionnement de cette réforme relève du pari. La croyance n’est pas un moyen efficace pour la conception de politiques publiques : au cas où le pari s’avérerait perdant, il est essentiel de réfléchir dès à présent à d’autres moyens d’attribuer un prix au carbone au niveau mondial, pour atteindre nos objectifs climatiques et se doter d’une référence commune dans les négociations internationales.

 


EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 7 février 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, pour examiner le présent rapport d’information.

 

M. Henri Alfandari, rapporteur. Mon intervention sera brève et se résumera à une question, que j’ai voulue volontairement provocatrice : sommes‑nous en train de tuer notre industrie française et européenne avec la réforme du marché carbone européen ?

Évidemment, nous devons nous féliciter de l’aboutissement des réformes du Pacte vert européen, parmi lesquelles l’évolution du marché des crédits carbone. Évidemment, nous pouvons être satisfaits que l’Union européenne soit le leader mondial dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec un mécanisme propre à fixer un prix du carbone de plus en plus ambitieux. Évidemment, nous ne pouvons que nous réjouir de la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui permettra à l’Europe de sortir d’une forme de naïveté climatique en incitant les autres États membres à respecter des normes protectrices du climat par la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Néanmoins, en travaillant sur ce sujet, je me suis rendu compte qu’au-delà des motifs de satisfaction de façade, l’ensemble de ces évolutions présentait des dangers pour notre économie. Nous avons en effet « sauté sans parachute » et élargi un dispositif qui n’avait pas vraiment convaincu jusqu’ici.

Je m’explique. Le marché carbone européen, créé en 2005, avait un objectif principal : la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, afin de permettre aux secteurs exposés à la concurrence internationale de rester compétitifs, les institutions de l’Union européenne ont prévu l’allocation de quotas carbone gratuits. Cette allocation, particulièrement généreuse, couplée à la récession de 2008, a ainsi fait chuter le prix du quota carbone autour de 5 euros la tonne en 2013. Il était alors beaucoup plus intéressant de payer pour les émissions produites, que d’investir dans la décarbonation des processus de production. Si des réformes paramétriques et une reprise de l’activité économique depuis 2021 ont permis d’atteindre aujourd’hui le prix de 90 euros la tonne, la plupart des études montrent tout de même les effets très limités du marché carbone sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre depuis sa création.

Face à ce constat, une décision s’imposait : la réforme du système d’échange de quotas carbone, de manière à atteindre des objectifs climatiques de plus en plus ambitieux avec le Pacte vert pour l’Europe. Nous ne pouvons que souscrire à cette nécessité. Ce sont les modalités de la réforme qui suscitent néanmoins notre inquiétude : nous avons créé de nouveaux instruments, sans être certains qu’ils fonctionnent. Si, et personne ne le souhaite, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne fonctionnait pas en pratique, l’industrie européenne se retrouverait nue, sans protection, face à la concurrence des pays tiers, au premier rang desquels figurent les États-Unis et la Chine.

La réforme du marché carbone prévoit en effet la suppression progressive des quotas gratuits dans l’Union européenne, de manière à rehausser le coût de la tonne de carbone et à atteindre nos objectifs climatiques et environnementaux. La réforme prévoit également l’extension du marché carbone à de nouveaux secteurs : le transport routier, le transport maritime et le bâtiment.

La contrepartie de la suppression de ces quotas, qui expose donc l’industrie européenne à la concurrence internationale, est la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Mais ce mécanisme est vicié dès sa création pour trois raisons.

La première raison tient au fait que ce mécanisme ne couvre pas les produits finis. Ainsi, si un importateur fait venir de Chine une tonne d’acier, l’entreprise exportatrice chinoise paiera alors des certificats carbone correspondant aux émissions. En revanche, si un importateur fait venir de Chine une voiture dans laquelle se trouve une tonne d’acier transformé, l’entreprise exportatrice n’aura pas à payer les certificats carbone correspondant aux émissions. Cette lacune est extrêmement préoccupante pour tous les secteurs aval de notre industrie. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pose un problème pour la compétitivité à l’export des produits européens : c’est la seconde raison. Les secteurs couverts par le MACF ne bénéficient plus de quotas gratuits et voient leur compétitivité réduite à l’export du fait du renchérissement de leurs coûts de production. En revanche, la concurrence extra européenne ne sera pas soumise à une tarification carbone équivalente pour les produits ne franchissant pas les frontières européennes. La troisième raison est en lien avec les méthodes de vérification des émissions dans les pays tiers. Comment s’assurer que les méthodes de mesure des quotas refléteront fidèlement l’intensité carbone des produits ? Les conclusions du rapport vont même plus loin : les bureaux de certification pourraient en effet être captifs d’un nombre limité de clients industriels dans les pays tiers, produisant ainsi des comptes carbone en deçà des émissions réelles. Les acteurs en charge de l’audit, rémunérés par les acteurs audités, seront ainsi sujets à d’importants conflits d’intérêts qu’il faut prévenir.

Je crois donc qu’il y a un consensus politique sur les objectifs à atteindre : la décarbonation de l’économie pour atteindre les objectifs climatiques d’une part, et la préservation de la compétitivité de note industrie d’autre part. Le rapport que je vous soumets aujourd’hui ne remet évidemment pas en cause ces deux cibles.

Mais dans le climat d’auto-satisfaction générale autour de la réforme du marché carbone, je crois qu’il est important que des voix s’élèvent pour faire connaître la possibilité d’un péril pour l’industrie européenne. Le bon fonctionnement de cette réforme relève du pari, et nous espérons tous qu’il sera payant. Mais la croyance n’est pas un moyen efficace pour la conception de politiques publiques : il est absolument nécessaire, face à l’ensemble des écueils que je viens de mentionner, si nous ne parvenons pas à effectuer les ajustements nécessaires, de prévoir une porte de sortie du marché carbone et du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en cas d’échec.

Sans remettre en cause la nécessité de donner un prix au carbone, ce rapport s’interroge donc sur le choix des instruments choisis pour parvenir à cet objectif : inefficace dans ses premières phases, potentiellement dangereux pour la compétitivité européenne à l’avenir, le marché carbone européen suscite de nombreuses interrogations critiques.

L’exposé du rapporteur a été suivie d’un débat.

M. David Amiel (RE). Votre rapport s’intéresse à un sujet central à la fois pour notre souveraineté énergétique, française et européenne, pour notre souveraineté industrielle et pour notre engagement à respecter l’Accord de Paris sur le climat.

Sur le marché carbone, comme dans d’autres domaines, l’Europe a su rompre avec un certain nombre de dogmes archaïques et apprendre de ses erreurs. Elle a d’abord corrigé des dysfonctionnements majeurs, identifiés depuis longtemps, des marchés carbone en introduisant un fond stratégique pour réguler le nombre de quotas et éviter ainsi des prix qui ont trop longtemps fait l’objet de spéculation. L’Union a aussi su élargir le champ du marché carbone en intégrant des secteurs – comme le secteur maritime. Ce choix était indispensable si l’on souhaite à la fois respecter l’équité avec les autres secteurs de notre industrie et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne a ensuite accepté de mettre en place une taxe carbone aux frontières qui est longtemps restée un vœu pieux des autorités françaises. Enfin, l’Europe a admis la nécessité d’accompagner au niveau européen les classes moyennes et populaires dans la transition écologique en mettant en place un fonds de solidarité.

À l’évidence, nous sommes toutefois aujourd’hui à mi-chemin. Nous avons ouvert des brèches idéologiques extrêmement importantes mais nous ne sommes pas arrivés au terme de ce qu’il faut entreprendre pour assurer cette souveraineté énergétique dans une manière qui soit soutenable sociable et industriellement. Trois éléments me paraissent importants.

Premier élément, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ne concerne pas les produits finis. Il est désormais nécessaire qu’il puisse s’étendre à d’autres secteurs de notre industrie, en particulier le secteur automobile, qui est soumis à une concurrence féroce, notamment venue de Chine. Depuis 1995, nous avons davantage baissé nos émissions de gaz à effet de serre que notre empreinte carbone pour une raison simple : nous avons en partie importé des biens que nous produisions autrefois sur notre sol. C’est ce que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières entend corriger.

Deuxième élément, les quotas gratuits n’étaient pas la meilleure façon de soutenir notre industrie. Il faut mettre en place des programmes ciblés, innovants : l’assouplissement du régime des aides d’État, notamment face à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, nous en offre la possibilité mais il faut maintenant, sur ce sujet aussi, que l’on monte en puissance.

Troisième point important : le fonds européen de solidarité. À ce stade, il n’est alimenté qu’à hauteur de 25 % par les quotas carbone. Cela est insuffisant. Il faut que l’on puisse augmenter les recettes et les ressources de ce fonds pour assurer une transition juste.

M. Alexandre Sabatou (RN). Vous soulignez dès le début de votre rapport que le système d’échange de quotas d’émission a manqué sa cible principale : inciter les secteurs couverts à la décarbonation. La raison : le prix de la tonne de CO2 émise était trop faible pour inciter à décarboner. Pourtant, l’idée de ce système d’échange reposait justement sur ce principe. Le prix du quota de CO2 devait rendre plus intéressant le prix des investissements dans la transition écologique des entreprises par rapport à l’achat de quotas. Le prix de la tonne de CO2 était de 5 euros entre 2013 et 2018 et de 90 euros en 2023. Vous expliquez dans votre rapport qu’un prix de 250 euros serait nécessaire pour obtenir les effets escomptés.

Ce prix faible découlait de l’octroi d’un trop grand nombre de quotas gratuits aux entreprises. Nous avons mis en place une sorte de demi-mesure pour lisser la transition écologique des entreprises et éviter d’accélérer la désindustrialisation de nos économies européennes. Or, le constat est sans appel : l’industrie aurait sans doute fourni les mêmes efforts de décarbonation sans l’existence de ce système. Pire, les réductions des émissions des entreprises européennes pourraient s’expliquer par la désindustrialisation du continent et les délocalisations. De là à penser que ce système en est en partie la cause, il n’y a qu’un pas...

Comme vous le notez dans votre rapport, la suppression des quotas gratuits augmenterait le différentiel de compétitivité de l’industrie de l’Union européenne avec les entreprises des États tiers. Ainsi, au lieu de pousser les entreprises étrangères à devenir plus écologique, ce système pousserait à la désindustrialisation et à la délocalisation.

Finalement, la seule vertu que vous trouvez à ce système est qu’il a permis la comptabilisation des émissions et d’instituer une sorte de culture du carbone au sein des milieux industriels. Toutefois, l’Europe ne semble pas faire le même constat d’inefficacité. Avec le vote d’avril dernier visant à réformer ce système, l’Union européenne a introduit de nouveaux secteurs dans le marché tels que le transport routier, le transport maritime et le bâtiment. Surtout, le texte adopté par le Parlement européen prévoit l’instauration de quotas d’émission à partir de 2027 sur les carburants et le chauffage des particuliers. Disposez-vous d’une estimation de cette future taxe pour un ménage moyen français ? Pensez-vous que ce système se révélera in fine bénéfique ?

Mme Danielle Obono (LFI-NUPES). Selon votre rapport, le marché carbone européen « n’a pas permis de donner un prix au carbone compatible avec les ambitions climatiques de l’Union européenne. Il est indispensable de ménager une porte de sortie. » Nous partageons cette conclusion.

Entré en vigueur en 2005, le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, qui avait pour objectif une diminution des émissions de gaz à effet de serre des secteurs industriels énergivores, des producteurs d’électricité et des compagnies aériennes, est un échec patent presque vingt ans plus tard. Le mécanisme de quotas gratuits a conduit les entreprises à mettre en place des stratégies de revente des droits à polluer qui ont permis aux industries les plus polluantes d’encaisser jusqu’à 50 milliards d’euros entre 2008 et 2019. En raison d’un prix du carbone bien trop faible sur le marché, il n’a pas contribué de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En ne prenant pas en compte les émissions liées au transport des importations, il a rendu impossible de réellement favoriser les productions écologiques et de proximité, jalon pourtant indispensable à la bifurcation idéologique. Surtout, le principe de marchandisation de droits à polluer sous-tend l’idée qu’à partir du moment où une entreprise paie, peu importe le prix, elle est légitime à polluer, et ce malgré tous les effets négatifs sur l’environnement, qui sont irréversibles et ne peuvent être compensés par l’argent. Il faut en finir avec ce système.

Il y a urgence : l’Organisation météorologique mondiale indiquait que l’année 2023 était la plus chaude jamais enregistrée et appelle à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons basculer de la marchandisation à la planification de la bifurcation écologique. Le principe directeur de cette nouvelle politique – la règle verte – consiste à ne pas prélever sur la nature plus que ce qu’elle peut reconstituer, ni produire plus de pollution et de déchets qu’elle ne peut en supporter. Cela passe par plusieurs mesures. Dans les transports, secteur fortement émetteur puisqu’il concentre 31 % des émissions, il existe plusieurs solutions : l’augmentation du fret, l’interdiction des lignes aériennes pour lesquelles il existe une alternative en train, ou la mise en place immédiate d’un moratoire sur toutes les nouvelles infrastructures routières – comme l’A69 – ou aéroportuaires pour permettre un état des lieux des alternatives. En ce qui concerne les émissions de la France à l’étranger, l’instauration d’une taxe kilométrique aux frontières, fixée en fonction de la distance parcourue par les produits importés, permettrait de dissuader les délocalisations et l’importation de produits trop éloignés. Un moratoire sur l’ensemble des accords de libre-échange, ce grand déménagement du monde qui participe amplement à accélérer la crise, doit également être mis en place. Le mot d’ordre doit être « un protectionnisme écologique et solidaire » afin de relocaliser les productions essentielles dans notre pays et permettre l’autonomie.

Mme Sabine Thillaye (Dem). La réforme du marché du carbone rend la lutte contre le réchauffement climatique prioritaire, avec des objectifs très ambitieux. Votre regard est sévère, vous parlez d’un éventuel « cheval de Troie » pour les entreprises européennes ! Il faut, en effet, sur ces questions, maintenir un équilibre entre recherche de compétitivité et lutte contre le réchauffement climatique. D’évidence vous ne croyez pas à cette réforme, vous dites « il faut réfléchir à d’autres moyens pour atteindre un prix de carbone sur les marchés mondiaux ». Quelle serait « la porte de sortie » en cas d’échec de cette réforme ? À supposer que cette réforme soit maintenue, existe-t-il des moyens pour accompagner les petites et moyennes entreprises pour conserver leur pouvoir d’achat ?

M. André Chassaigne (GDRNUPES). Je salue la qualité de ce rapport dont je ne peux que partager les conclusions. Tout d’abord, je suis en total accord avec votre appréciation sévère, mais ô combien objective, de l’efficacité du marché carbone européen et de son projet de réforme. Je suis aussi en accord total également avec votre analyse des risques inhérents à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières vis-à-vis de l’industrie européenne et française.

Je présenterai deux remarques. La première concerne l’alignement permanent de la politique européenne sur la doxa libérale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce dogmatisme libéral annihile toute capacité de mettre en place des systèmes ou des mécanismes efficaces pour réindustrialiser notre pays. Le meilleur exemple est la critique portée par le rapporteur sur le risque majeur de contournement et d’adaptation des grands groupes transnationaux et des pays tiers du nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Les instruments choisis ne sont pas les bons, pour la simple et bonne raison que le capital européen a pesé de tout son poids pour ne pas être entravé dans sa liberté de poursuivre ses stratégies financières. Stratégies qui sont assises sur les délocalisations industrielles dans les pays à bas coûts de main-d’œuvre et les importations de produits finis. On ne peut pas continuer à vouloir décarboner sans s’attaquer à la financiarisation et au coût du capital dans la gestion de nos entreprises industrielles. Je salue d’ailleurs votre proposition d’instaurer un mécanisme bien plus simple, fondé sur une taxation à l’entrée sur le marché européen basée sur le mix énergétique et électrique du pays d’origine. Certes, il y a incompatibilité avec le actuel de l’OMC. La simple raison climatique nous appelle pourtant à franchir le pas au plus vite.

Ma deuxième remarque porte sur l’enjeu déterminant de l’électrification rapide des processus de production de notre industrie. Plutôt que de poursuivre dans la voie aussi obsessionnelle qu’inefficace des outils de la finance carbone, le levier prioritaire devrait être celui de l’incitation à l’électrification de tous les usages actuels, avec la maîtrise et la sécurisation des prix de l’électricité pour nos consommateurs industriels. Si, comme on le dit souvent, l’électricité est l’industrie de demain, alors il faut sécuriser les industriels sur le long terme avec des prix réglementés et bas. Quitte à paraphraser le très libéral économiste Ricardo pour essayer de convaincre les plus libéraux de cette commission, il faut que les industriels soient incités au plus vite à bénéficier de l’avantage comparatif majeur que constitue une électricité décarbonée à des prix stables sur longue période, inférieurs aux prix du pétrole, au gaz ou au charbon dans la détermination des coûts de production. Nous savons tous que le mix électrique français sera pour cela un atout considérable pour peu que l’on ne se laisse pas séduire par les sirènes de la libéralisation aveugle ou de l’abandon d’une filière aussi essentielle que notre industrie électronucléaire. Cela ne surprendra personne, mais je suis plus que jamais convaincu que nous n’y arriverons pas sans la reconstruction d’un grand service public de l’énergie, autour d’Electricité de France (EDF) et d’ENGIE renationalisés, et en sortant l’électricité des mécanismes de marchés européens.

Mme Liliana Tanguy (RE). Tout d’abord rappelons que l’accord sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) a été obtenu sous la présidence française, en mars 2022. Dans le rapport d’information portant observations sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, j’avais déjà alerté la commission sur les risques que ce mécanisme pourrait induire en termes de délocalisation, en termes de comportement environnemental moins strict et de divergences de compétitivité. Vous semblez très prudent sur la mise en œuvre de ce mécanisme, alors que sa mise en œuvre visait justement à éviter les risques de distorsion de concurrence. Que préconisez-vous comme « porte de sortie » afin que l’Union européenne puisse atteindre ses objectifs climatiques d’ici 2030 ?

M. Grégoire de Fournas (RN). Il est évident que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières doit s’accompagner de mesures anti-dumping pour protéger nos entreprises de la concurrence internationale. Malheureusement, le dogmatisme écologique se trouve, une fois de plus, à l’œuvre. Le MACF qui devait permettre de redonner une place vitale à nos entreprises, va provoquer l’effet inverse. L’accélération du calendrier de la fin des quotas d’émission gratuits d’ici 2034 ne permettra pas aux entreprises de faire les investissements nécessaires pour s’adapter. Ces quotas gratuits étaient une manière de soutenir nos entreprises face aux distorsions de concurrence avec les pays tiers. Mais surtout, ainsi que vous le rappelez dans votre rapport, le MACF concerne les produits simples et non les produits finis, ce qui inéluctablement créera des distorsions. Ce dispositif menace ainsi des centaines d’emplois ainsi que les exportations de l’Union européenne. Ainsi sa mise en œuvre aura pour conséquence la suppression d’1 % des emplois dans l’Union européenne, dont 27 000 dans l’industrie française d’après un rapport de la Fabrique de l’industrie. Aucune étude d’impact n’a été faite, ni aucune expérimentation n’est prévue afin d’anticiper les conséquences de ce mécanisme sur l’économie de l’Union européenne. Et nous ne prenons pas en compte les surcoûts occasionnés pour la compétitivité européenne à propos de marchés non soumis aux mêmes exigences réglementaires environnementales : je pense en particulier aux engrais azotés qui représentent une part considérable de la consommation en France, alors que la colère des agriculteurs gronde partout en Europe.

L’Union européenne doit sortir impérativement de son dogmatisme écologique et se reconnecter au réel. Pour rappel, la Chine et les États-Unis représentent près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, alors que l’Union européenne, seulement 7 %. Au regard des conclusions de votre rapport, ne faut-il pas mettre fin à la course effrénée, à une écologie punitive pénalisante pour nos entreprises, mais instaurer des mesures de décarbonation neutres grâce à l’innovation ?

Mme Laetitia Saint Paul (RE). L’agriculture produit 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Je soutiens votre proposition d’augmenter le crédit carbone à 200 euros, mais comment peut-on atteindre cet objectif ? Le marché du carbone volontaire ne serait-il pas un moyen pour réconcilier agriculture et écologie, par la création d’un revenu complémentaire ? Par ailleurs, les rendements des entreprises possédant des crédits carbone ne sont pas inférieurs à celles qui n’en possèdent pas, ce qui plaide pour un comportement vertueux. J’ai une question spécifique, on parle même de créer des micro‑forêts à Paris. Aussi les associations pourraient-elles obtenir des crédits carbone ?

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Concernant le marché du carbone bis, un plafonnement de la tonne de CO2 est prévu à 45 euros jusqu’en 2030, ce qui n’est en réalité pas un véritable plafond, car il repose sur un mécanisme de stabilisation hasardeux. A partir de 2030, ce plafond n’existera plus et les citoyens européens paieront pour se chauffer et se déplacer un prix fluctuant. L’extension du marché du carbone laisse présager une envolée des prix de l’énergie comme en 2020 et 2021, alors que les entreprises continueront à bénéficier de quotas gratuits jusqu’en 2034. Comment l’analysez-vous et quel est votre avis ?

M. Henri Alfandari, rapporteur. Pour éviter tout malentendu, je précise que je souscris à l’intégralité des objectifs de décarbonation des économies française et européenne. Mon propos ne remet pas du tout cela en cause. Il convient d’inscrire notre réflexion dans une culture du résultat dans notre politique. Le temps est court et pour paraphraser M. Jancovici : « c’est un fusil à un seul coup ».

Pour répondre à M. Amiel, le rapport fait état d’une réussite du marché du carbone, liée au changement de culture au sein des entreprises, qui prennent désormais en compte la comptabilisation de leurs émissions. Pour mettre en œuvre des mécanismes, la première chose à savoir est ce que nous émettons. Il faudrait par ailleurs que le prix du carbone soit stable.

Pour répondre à M. Sabatou, je ne suis pas « eurobéat » et je considère comme étant un danger mortel pour l’Europe de poursuivre des politiques qui ne marchent pas. Nous avons besoin de nous projeter et que nos politiques fonctionnent.

Pour en revenir au point de départ, nous avons pris conscience de la problématique écologique et de la nécessité d’agir sur nos émissions. Le problème de départ est celui du GIEC et de nos émissions et, partant de là, nous définissons des quotas. Si l’économie va mal le politique va faire le choix d’augmenter le nombre de quotas, et inversement. Mais ce système n’obéit à aucune logique. Nous ne sommes pas allés vers la régulation par les prix, mais par les quantités : c’est un problème. Les différentes crises telles que celle des gilets jaunes et les crises actuelles n’incitent pas à aller dans cette direction, mais ce serait une idée indispensable. Il convient de pouvoir s’adapter en temps réel. Vous m’interrogez sur la porte de sortie : c’est le dernier recours. Si les choses se sont mal passées et que nous avons été incapables de corriger la trajectoire erronée, il faudra envisager la sortie. Seront posées la question du financement et la méthode de compensation de cette sortie. Mais la sortie sera sans doute trop tardive car cela voudrait dire que nous avons suffisamment souffert pour en arriver à cette extrémité.

Pour répondre à Mme Obono, il y a une partie du débat sur laquelle nous sommes en désaccord, c’est la vision du marché. Mon approche est que le marché est utile mais qu’il ne faut pas le laisser faire n’importe quoi. Sur le protectionnisme, le risque est à mon sens de raidir les échanges avec vos interlocuteurs.

En réponse aux questions de Mme Thillaye et de M. Chassaigne sur la « porte de sortie », ce que nous voyons avec le marché du carbone et le MACF, c’est qu’une vision française s’est imposée. Lorsque nous nous donnons les moyens, nous y arrivons. Plus nous avançons et plus les objectifs deviennent ambitieux et difficiles à accomplir. Nous agissons ainsi en raison du réchauffement climatique et de l’impact des activités humaines sur ce dernier. Ces activités humaines sont liées à des consommations énergétiques. Je suis libéral, en ce qui me concerne, mais le libéralisme tient avec des règles. Les gains réalisés avec le marché du carbone se font hélas avec les délocalisations et la baisse des activités. Le problème est que dans la constitution du marché carbone, personne n’est allé interroger les industries pour leur demander ce qu’elles auraient voulu faire, alors qu’elles sont le principal acteur.

M. Chassaigne, vous évoquez un problème de mesure des émissions réelles de carbone dans les produits tiers. En réponse à ce problème, il nous a été proposé pendant les auditions de faire certifier les émissions par des bureaux d’audit sur place. Se posera alors la question du conflit d’intérêts pour ces bureaux d’audit, qui risquent d’être captives de leur plus gros clients et donc d’émettre des certificats de complaisance. L’idée que nous proposons dans le rapport est donc de se fonder sur la composition du mix énergétique national pour déterminer les émissions liées à la production de tel ou tel produit. Nous pourrions ainsi asseoir une taxe carbone sur le mix énergétique.

Concernant la maîtrise des prix de l’électricité que mentionne M. Chassaigne, l’économie libérale n’empêche pas la subvention. Si nous souhaitons jouer sur le carbone pour rendre nos économies compétitives, nous pourrons agir sur ce volet.

Pour répondre à Mme Tanguy, il y a un risque de contournement sur les investissements en zone euro et notamment dans notre marché. Il est donc indispensable d’avoir des points d’étapes et des mécanismes de corrections.

En réponse à M. de Fournas, pour les produits finis il y a un risque de perte de valeur ajoutée sur le sol européen. Sur la question des engrais azotés, je l’avais proposé comme amendement sur la loi pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ENR) : je le reproposerai peut-être pour la loi d’orientation agricole (LOA).

Il est vrai que l’Union européenne ne représente que 7% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Pour résoudre le problème du réchauffement climatique, il faudra appréhender le sujet à l’échelle mondiale, de façon globale, en incluant par exemple la question des transferts de technologies. Il faut accélérer et devenir des meneurs dans ce domaine.

Pour répondre à Mme Saint-Paul sur l’agriculture et son entrée dans le marché carbone, il faudra changer les mentalités et s’interroger sur le pourcentage du revenu des agriculteurs issu du fonctionnement du marché du carbone. Se pose également la question de la renaturation.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

Administrations

Autorité des normes comptables (ANC)

Chambres d’agriculture France

Ministère de la transition énergétique

Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères

Secrétariat général à la planification écologique


Entreprises

AirFrance KLM

Arcelor Mittal

Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA CGM)

EDF

Total Énergies


Associations

France Industrie

Institut national de l’économie circulaire (INEC)

 

Think-tanks

La Fabrique Écologique

The Shift Project

 


([1]) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE

([2]) Arthur Pigou, The Economics of Welfare, 1920

([3]) Ronald Coase, The problem of social cost, 1960

([4]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du marché européen du carbone en 2022, présenté conformément à l’article 10, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE

([5]) Directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2018 modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814

([6])  Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999

([7])  Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du marché européen du carbone en 2022, présenté conformément à l’article 10, paragraphe 5, t à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE

([8]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du marché européen du carbone en 2022, présenté conformément à l’article 10, paragraphe 5, t à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE

([9]) Règlement d’exécution (UE) 2018/2066 de la Commission du 19 décembre 2018 relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et modifiant le règlement (UE) n° 601/2012 de la Commission et règlement d’exécution (UE) 2018/2067 de la Commission du 19 décembre 2019 concernant la vérification des données et l’accréditation des vérificateurs conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil

([10]) AEMF, 28 mars 2022, rapport final sur les quotas d’émission et les produits dérivés associés, ESMA70-445-38

([11]) Les comptes mondiaux du carbone en 2023, I4CE

([12]) No more free lunch, Institut Jacques Delors, février 2022

([13]) Conseil d’analyse économique, Estimation de l’effet du marché carbone européen sur l’industrie manufacturière française, Focus n° 101, novembre 2023

([14]) Comment les entreprises polluantes ont transformé les quotas gratuits de CO2 en un marché de plusieurs milliards d’euros, Le Monde, 30 mai 2023

([15]) Rapport de la commission présidée par Alain Quinet sur la valeur de l’action pour le climat, février 2019

([16]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999

([17]) Rapport COM(2023) 654 de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du marché européen du carbone en 2021, présenté conformément à l’article 10, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE [modifiée par la directive 2009/29/CE et par la directive (UE) 2018/410]

([18]) Rapport d’information de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur la souveraineté industrielle, 13 décembre 2023

([19]) Insee analyses n° 89, paru le 30 octobre 2023

([20])  Conseil d’analyse économique, Estimation de l’effet du marché carbone européen sur l’industrie manufacturière française, Focus n° 101, novembre 2023

([21]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999

([22]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Ajustement à l’objectif 55 » : atteindre l’objectif climatique de l’Union à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique, COM(2021) 550 final

([23])  Directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023, modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union

([24]) Directive (UE) 2023/958 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions dans tous les secteurs de l’économie de l’Union et la mise en œuvre appropriée d’un mécanisme de marché mondial

([25])  Décision (UE) 2023/852 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne le nombre de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030

([26]) Proposition de décision du Conseil modifiant la décision (EU, Euratom) 2020/2053 sur le système des ressources propres dans l’Union européenne, COM(2023) 331 final

([27]) Conseil d’analyse économique, Choc de l’énergie, prix du carbone et emploi : une analyse sur données individuelles, Focus n° 102, novembre 2023

([28]) Règlement (UE) 20203/955 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 instituant un Fonds social pour le climat et modifiant le règlement (UE) 2021/1060

([29]) Rapport d’information n° 576 fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la réforme du marché carbone européen dans le cadre du paque « Ajustement à l’objectif 55 » par M. Guillaume Chevrollier et Mme Denise Saint-Pé, 15 mars 2022

([30]) Règlement (UE) 2023/857 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et le règlement (UE) 2018/1999

([31]) Lettre Trésor-Eco n° 280, Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, mars 2021

([32]) Insee Analyses, n° 74, paru le 20 juillet 2022

([33]) Règlement 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

([34]) Discours de M. Jean-Marie Paugam, directeur général adjoint de l’OMC, devant le Comité économique et social européen.

([35])  W. Nordhaus (1993), « Optimal Greenhouse-Gas Reductions and Tax Policy in the ‘DICE’ Model », American Economic Review, vol. 83, pp. 313-317, mai

([36]) Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes le 28 juin 2023 portant sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, n° 1450