N° 2432

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Jean-Paul MATTEI et Jean-Pierre VIGIER

Députés.

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. UNE « LÉGISLATION DÉLÉGUÉE » ÉTABLIE dans le respect des habilitations reçues du parlement

A. Un PROCESSUS NORMATIF MENÉ À BIEN DANS lES DÉLAIS IMPARTIS

1. Des ordonnances élaborées et publiées de manière accélérée

2. Des ratifications réalisées ou engagées

B. DES textes FORMALISANT LES DÉROGATIONS autorisÉes par la loi AFIN D’accÉlÉrer les procÉdures nÉcessaires à la reconstruction

1. Des tempéraments aux principes et conditions de délivrance des autorisations d’urbanisme

2. Des latitudes exceptionnelles reconnues aux acheteurs soumis au code de la commande publique

3. Des facilités accordées dans le versement des attributions du FCTVA et le cofinancement des investissements des collectivités territoriales

II. Une mise en application de la loi assurÉe au plan juridique, mais N’impliquant pas nÉcessairement un recours effectif À ses dispositions

A. Une entrÉe en vigueur expresse et effective

1. Des textes d’effet direct

2. Des procédures dérogatoires dont l’appropriation semble acquise

a. Une mise en application de la loi facilitée par un cadre d’interprétation formalisé par les administrations centrales

b. Des ordonnances dont la conception et la mise en œuvre peuvent s’appuyer sur des aménagements du droit en vigueur

B. DES dispositifs exceptionnels SANS cas d’usage ?

1. Des mesures utilisées afin de répondre à des besoins circonscrits ?

2. Des précisions à apporter dans la mise en œuvre d’un dispositif exceptionnel ?

a. Un champ d’application des ordonnances suffisamment défini au regard de la diversité des statuts des bâtiments détruits ?

b. Des mécanismes dérogatoires à pérenniser ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs

annexe  2 : GUIDE MÉTHODOLOGIQUE POUR La mise en application de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023

 


   Introduction

La loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 constitue la première réponse apportée par l’État à l’une des plus graves crises du maintien de l’ordre que le pays ait traversée. Survenues dans le contexte crée par la mort de Nahel Merzouk, décédé dans les circonstances compliquées d’un contrôle policier suivi d’un refus d’obtempérer, les émeutes de l’été 2023 ont en effet entraîné des destructions spectaculaires et des atteintes aux biens publics et privés en nombre significatif. Le bilan dressé ci-après témoigne de ce que le territoire national a pu être éprouvé de manière assez inégale. Dans certaines localités, l’ampleur des exactions commises semblait toutefois devoir compromettre un retour à la vie normale à brève échéance, à commencer par le bon déroulement de la rentrée scolaire 2023/2024.

Évaluation des destructions et dommages subis dans le contexte des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

I – Concernant les bâtiments privés, il n’existe pas à ce jour de chiffres consolidés permettant un recensement exhaustif des biens détruits ou endommagés du fait des troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. Dans le cadre d’un premier bilan établi au lendemain des évènements, le ministère de l’intérieur dénombrait 2 508 bâtiments privés ou publics objets de dégradations, ce chiffre global comprenant : plus de 1 000 commerces (dont plus de 400 bureaux de tabac, environ 370 banques et 200 supermarchés).

Les éléments recueillis auprès des organisations représentatives des employeurs confirment que les sinistres se localisent dans quelques grandes régions métropolitaines, au premier rang desquelles l’Île-de-France. Du reste, ils mettent en relief le caractère très hétérogène des préjudices subis par les activités économiques, ainsi que l’inégale exposition des secteurs aux destructions et aux dommages causés par les émeutes. Ainsi qu’il ressort des réponses apportées par l’Union des entreprises de proximité (U2P), un tel constat s’applique à la branche du bâtiment et des travaux publics : plus d’une entreprise sur 10 a été touchée par les émeutes ; 5 % ont subi une dégradation matérielle (véhicule, matériel de chantier, dégradation de locaux) ; 3 % ont rencontré des difficultés pour accéder aux chantiers ou assurer les déplacements de leur personnel ; 50 % des entreprises ayant subi des dégâts sont couvertes par leur assurance, 5 % ne le sont pas, 25 % ne savent pas si elles sont couvertes ou non.

II – S’agissant des bâtiments publics, le premier bilan établi par le ministère de l’intérieur, évoqué ci-dessus, mentionnait plus de 750 bâtiments publics (dont 273 bâtiments appartenant aux forces de l’ordre, 243 écoles, 105 mairies) ([1]) ayant fait l’objet de dégradations.

Le premier état des lieux réalisé en octobre 2023 estimait le coût global des destructions et dommages à 223 millions d’euros à l’échelle nationale. D’après les conclusions de l’inspection générale de l’Administration (IGA) et de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) remises en novembre 2023, le montant des préjudices dépassaient 15 millions d’euros dans quatre départements : le Nord, les Yvelines ; la Seine-Saint-Denis ; le Val d’Oise. Cette estimation conserve néanmoins un caractère partiel dans la mesure où certaines collectivités territoriales ne connaissent pas encore l’indemnisation des assurances à laquelle elles peuvent prétendre et, en conséquence, les subventions qu’elles pourraient obtenir auprès du fonds « violences urbaines ». Au 6 février 2024, 252 collectivités réparties dans 55 départements avaient déposé des demandes de subventionnement à la direction générale des collectivités locales, pour un montant total de 32,7 millions d’euros.

Il ressort de l’examen des dossiers transmis que la majorité des dégradations réalisées portaient sur la voirie (92 dossiers), les bâtiments municipaux (81 dossiers), le  mobilier urbain (24 dossiers) et les poubelles (18 dossiers). Font par ailleurs l’objet d’une demande de subventionnement pour réparation les équipements sportifs, l’éclairage public ou encore le nettoyage des graffitis.

Les atteintes recensées affectent très majoritairement les biens des communes. La part des EPCI (35 dossiers), des conseils départementaux (7 dossiers) et des conseils régionaux se relève très accessoire parmi les demandes de subventionnement.

Pour ce qui concerne l’État, les atteintes aux bâtiments et aux équipements se révèlent très concentrées à l’échelle du territoire, particulièrement en Île-de-France. Des régions (telles que la Bretagne ou les Pays-de-La Loire) ne déplorent aucune destruction ou aucun dommage.

Le ministère de l’intérieur et des outre-mer et celui des comptes publics s’imposent comme les départements ministériels dont les services ont le plus pâti des violences urbaines (à raison des dommages subis par les commissariats et les préfectures, ainsi que par les centres des Impôts en Île-de-France, en Occitanie et dans la région Grand Est). D’après l’analyse de la direction de l’Immobilier de l’État (DIE), les dégradations recensées pour ces immeubles portent sur les sas, les entrées et sur les vitres. Le ministère de l’intérieur fait état de 137 bâtiments à réhabiliter, dont 78 détruits (en Île-de-France, dans le Nord et dans l’Est).

Le ministère de la justice constate quant à lui des dégradations relativement mineures s’agissant des services judiciaires. Principales structures affectées par les émeutes pour ce département ministériel, les maisons de la justice et du droit (MJD), les tribunaux judiciaires et tribunaux de proximité ont pour l’essentiel été victimes de tags, de bris de vitre et de tentatives d’intrusion. Les seuls dommages d’ampleur résident dans l’incendie et la destruction des maisons de la justice et du droit (MJD) d’Aix-en-Provence et de Forbach ([2]), ainsi que de la cafétéria de l’annexe du tribunal judiciaire de Nanterre et du tribunal de proximité d’Asnières-sur-Seine. Deux tribunaux de proximité ont été visés à des degrés divers. Des tribunaux judiciaires/palais de justice ont également été affectés, mais en faible nombre et pour des dégradations mineures (tags).

Pour sa part, le ministère de la culture indique qu’aucun dommage significatif n’est à relever en ce qui concerne les monuments historiques placés sous sa tutelle ou sous celle de ses établissements publics. D’après les réponses apportées à la mission, un récent sondage auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) évoque quelques intrusions sur les échafaudages des chantiers de cathédrales et quelques tags vite nettoyés dans le cadre de l’entretien des monuments.

Source : réponses aux questionnaires de la mission.

Afin de garantir la continuité de la vie économique et sociale de la Nation et remédier dans les meilleurs délais aux conséquences matérielles de la crise, les pouvoirs publics ont bâti un régime juridique d’exception. Adoptée par le Sénat puis par l’Assemblée nationale les 18 et 20 juillet 2023, la loi vise à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. Son dispositif consiste en une délégation temporaire du pouvoir législatif destinée à permettre de procéder aux allègements et simplifications du droit en vigueur que pouvaient exiger les circonstances.

Dans l’exercice des pouvoirs de contrôle conférés par l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques a résolu d’établir un rapport sur la mise en application du texte. Cette mission poursuit deux principaux objectifs : en premier lieu, recenser et décrire les textes publiés qui participent de l’exécution de la loi (ordonnances, décrets, arrêtés) ; en second lieu, rendre compte des éventuelles difficultés et des enjeux entourant sa pleine entrée en vigueur, notamment en considération de l’intention exprimée par le législateur et de la nécessité d’assurer dans les meilleurs délais la reconstruction des bâtiments publics et privés victimes de dégradations.

En conséquence, le présent rapport ne prétend pas fournir des éléments d’évaluation de la loi ([3]). Il n’invite pas moins dès à présent à une réflexion sur la manière dont l’État peut relever les défis soulevés par de tels évènements à l’aune de deux considérations : d’une part, la capacité des pouvoirs publics à établir une législation de circonstance dans des délais exigeants ; d’autre part, les conditions d’usage d’un tel dispositif.

 


I.   UNE « LÉGISLATION DÉLÉGUÉE » ÉTABLIE dans le respect des habilitations reçues du parlement

La mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 reposait fondamentalement sur l’exercice du droit conféré au Gouvernement de prendre des mesures relevant du domaine de la loi sous la forme d’ordonnances, dans les limites de l’autorisation accordée par le Parlement et dans le respect du cadre fixé par l’article 38 de la Constitution. Le recours à cette procédure de « législation déléguée » obéissait à des considérations de rapidité, l’élaboration en urgence de dispositions dérogatoires et de simplifications techniques comportant des exigences qui se prêtaient mal au calendrier des travaux parlementaires.

À l’examen, la mise en application de la loi peut être jugée conforme à l’intention du législateur, tant au regard des délais de publication des textes que de l’objet des mesures qu’ils édictent.

A.   Un PROCESSUS NORMATIF MENÉ À BIEN DANS lES DÉLAIS IMPARTIS

Aux termes de l’article 38 de la Constitution, l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances présente nécessairement un caractère temporaire, déterminée par le législateur suivant l’espèce. L’article 38 dispose en outre que les ordonnances « entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse ».

À cet égard, la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 apparaît respectueuse des principes constitutionnels puisque les textes nécessaires à son exécution remplissent les conditions de validité formelle que lui assigne la durée de l’habilitation.

1.   Des ordonnances élaborées et publiées de manière accélérée

Les mesures d’urgence prises sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 procèdent à ce jour de trois ordonnances :

– l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, prise en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi ;

– l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, établie en application de l’article 1er ;

– l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, en conséquence de l’habilitation définie à l’article 3 de la loi.

Ainsi que le montre le tableau ci-après, la date de leur publication anticipe assez sensiblement l’échéance prévue par les dispositions de la loi, en l’occurrence un délai de trois ou deux mois à compter de sa promulgation.
Ce constat vaut tout particulièrement en ce qui concerne l’ordonnance n° 2023‑660 du 26 juillet 2023 relative au droit de la commande publique, publiée le jour suivant la parution de la loi au Journal officiel.

ÉchÉancier de publication des ordonnances

prises sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023

Ordonnance

Article de la loi

ÉCHÉANCE POUR LA PUBLICATION DE L’ORDONNANCE

DATE DE PUBLICATION

DE L’ORDONNANCE

Ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

Article 1er

Au plus tard

le 25 octobre 2023.

13 septembre 2023.

Ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

Article 2

Au plus tard

le 25 septembre 2023.

26 juillet 2023.

Ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, en conséquence de l’habilitation définie à l’article 3 de la loi.

Article 3

Au plus tard

le 25 octobre 2023.

13 septembre 2023.

Au vu des éléments recueillis par les rapporteurs, la brièveté du processus normatif reflète l’exceptionnelle mobilisation des services impliqués dans l’édiction des textes, autant que le souci de concevoir des procédures simples dans leur maniement.

Il convient également de souligner la rapidité des consultations obligatoires réalisées sur le dispositif de l’ensemble des ordonnances, les procédures ayant été menées à terme dès les mois de juillet et d’août 2023.

Il en va ainsi pour l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique, le Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN) et le conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) ayant rendu leur avis dès les 22 et 24 juillet 2023. Selon les informations communiquées par les représentants de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, le dispositif a en outre fait l’objet de concertations avec les associations de collectivités afin de mesurer les besoins en matière d’adaptation de la procédure d’autorisation d’urbanisme.

Pour ce qui est de l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023, la direction générale des collectivités locales fait état d’une consultation du CSCEE organisée du 21 au 28 août 2023, par voie électronique ([4]). Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) s’est prononcé quant à lui dans le cadre d’une procédure d’urgence ; un avis d’accord tacite ayant été rendu par un courrier de son président en date du 31 août 2023 ([5]).

Cette date correspond à celle à laquelle le CNEN a émis favorable sur le dispositif de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme.

2.   Des ratifications réalisées ou engagées

De fait, les ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 font aujourd’hui l’objet de trois projets de loi de ratification déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale dès le 11 octobre 2023. Ainsi que le montre le tableau ci-après, ce dépôt intervient bien avant l’échéance fixée par le législateur, soit un délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.

Par ailleurs, on notera que l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 figure parmi les textes dont le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ([6]) devrait très prochainement assurer la ratification.

État du processus de ratification des ordonnances

prises sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023

Ordonnance

Article de la loi

ÉCHÉANCE POUR DÉPÔT D’UN PROJET DE LOI DE RATIFICATION

PROJET DE LOI DE RATIFICATION

Ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

Article 1er

Au plus tard

le 13 décembre 2023.

11 octobre 2023 ([7]).

Ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

Article 2

Au plus tard

le 26 octobre 2023.

11 octobre 2023 ([8]).

Ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, en conséquence de l’habilitation définie à l’article 3 de la loi.

Article 3

Au plus tard

le 13 décembre 2023.

11 octobre 2023 ([9]).

B.   DES textes FORMALISANT LES DÉROGATIONS autorisÉes par la loi AFIN D’accÉlÉrer les procÉdures nÉcessaires à la reconstruction

Sur le fond, la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 peut être jugée conforme à la volonté du législateur dès lors que les trois ordonnances qui en assurent la matérialité retranscrivent, de manière scrupuleuse, le contenu de l’habilitation accordée au Gouvernement. En pratique, leur dispositif précise les modalités de mise en œuvre de mesures exceptionnelles définies dans le champ couvert par les trois articles de la loi, avec une finalité essentielle : alléger les formalités et raccourcir des délais identifiés comme susceptibles de peser sur le déroulement et le financement des travaux nécessaires à la réparation ou la reconstruction des bâtiments et équipements endommagés ou détruits en conséquence des émeutes urbaines du 27 juin au 5 juillet 2023.

1.   Des tempéraments aux principes et conditions de délivrance des autorisations d’urbanisme

Dans le champ des autorisations d’urbanisme, l’habilitation inscrite à l’article 1er de la n° 2023-656 du 25 juillet 2023 autorisait le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine législatif susceptibles de permettre :

– la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées, de ces bâtiments sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement ;

– l’engagement des opérations et travaux préliminaires dès le dépôt, selon le cas, de la demande de permis ou de la déclaration préalable requise ;

– l’adaptation des règles de délivrance des autorisations d’urbanisme et, le cas échéant, des autorisations préalablement requises au titre d’autres législations, en aménageant les procédures d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme, ainsi que les délais prévus par des dispositions législatives, et en prévoyant que, lorsque la consultation d’un organisme ou d’une autorité administrative ou l’obtention d’un accord ou d’une autorisation sont prévues, le silence gardé sur la demande d’avis, d’accord ou d’autorisation vaut, selon le cas, avis favorable ou décision d’acceptation.

L’ordonnance précitée n° 2023-870 du 13 septembre 2023 découle très directement de ces prescriptions en ce qu’elle met en place, à titre provisoire, un régime d’exception en droit de l’urbanisme, au bénéfice des bâtiments et équipements ayant pu subir des dommages à raison des émeutes urbaines.

● D’une part, le texte consacre la faculté d’une reconstruction à l’identique ou avec des adaptations et améliorations limitées.

L’article 1er de l’ordonnance établit que les dispositions de droit commun du droit de l’urbanisme s’appliquent aux bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, sous réserve des dérogations spécifiquement prévues par l’ordonnance. L’article 2 pose le principe suivant lequel les travaux, installations ou aménagements nécessaires à cette reconstruction ou à cette réfection peuvent comporter des adaptations de la construction initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5 % de son gabarit initial ([10]). Il ménage la possibilité de modifications proportionnées des bâtiments au-delà de cette norme en cas de travaux pouvant être nécessaires à la réalisation d’un objectif d’amélioration de la performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité. En revanche, l’article 2 précise que de telles adaptations et améliorations ne peuvent avoir pour effet de modifier la destination ou la sous-destination initiale du bâtiment. Il impose que les bâtiments bénéficiant du régime dérogatoire autorisé par l’ordonnance aient été régulièrement édifiés, « nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris lorsqu’un plan local d’urbanisme, tout document en tenant lieu ou la carte communale en dispose autrement ». Par ailleurs, la reconstruction ou la réfection ne peut être autorisée si elle contrevient aux règles applicables aux risques naturels, technologiques ou miniers, et, le cas échéant, sous réserve des prescriptions de sécurité dont l’autorité compétente peut assortir le permis.

● D’autre part, l’article 3 de l’ordonnance reconnaît au maître d’ouvrage la capacité d’engager les opérations et travaux préliminaires de reconstruction ou de réfection dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable. Cette faculté s’applique aux opérations et travaux de démolition, de terrassement ou de fondation. En revanche, ainsi qu’il ressort du rapport au Président de la République, le constructeur devra solliciter et obtenir les autorisations requises par les autres législations, auxquelles il n’est pas dérogé, notamment en matière d’occupation du domaine public et de la voirie publique ([11]).

● Les articles 4 à 7 de l’ordonnance déterminent les modalités
d’établissement et d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme en application de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023.

L’article 4 fait obligation aux pétitionnaires de préciser dans la demande d’autorisation d’urbanisme que le projet est soumis au régime dérogatoire prévu par l’ordonnance et, le cas échéant, de motiver les adaptations de la construction initiale envisagées. Il organise également des adaptations procédurales, notamment de publicité (affichage en mairie ou publication par voie électronique de la demande à la charge des maires ; affichage du récépissé de la demande sur le terrain par les demandeurs).

L’article 5 détermine des délais pour l’instruction des demandes, délais limités à un mois pour les permis de construire, d’aménager ou de démolir et à 15 jours pour les déclarations préalables. Il prévoit que l’autorité compétente dispose d’un délai de cinq jours à compter de la réception du dossier pour notifier, le cas échéant, au demandeur que son dossier est incomplet, en lui indiquant les pièces et informations manquantes.

L’article 6 tend à réduire les majorations et prolongations de délais requises pour le recueil des avis, accords ou autorisations prévus par le code de l’urbanisme ou les législations connexes. En l’occurrence, il prévoit :

– 15 jours supplémentaires si la majoration ou la prolongation du délai d’instruction de la demande d’urbanisme découle de règles de délivrance établies par d’autres législations que le droit de l’urbanisme : le délai s’entend à compter de la réception du dossier par l’organisme ou l’autorité administrative concernés ([12]) ;

– 45 jours supplémentaires en cas de travaux subordonnés à l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public selon les modalités prévues à l’article L. 123-19 du code de l’environnement.

L’article 6 dispose que les avis, accords ou autorisations requis sont adressés à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme dans un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier. Il affirme le principe suivant lequel «[n] onobstant toute disposition contraire, le silence gardé passé ce délai vaut, selon le cas, avis favorable ou acceptation tacite ». D’après le rapport remis au Président de la République, la durée totale d’instruction ne pourra pas, sauf cas très exceptionnels, dépasser un mois et demi, à comparer aux délais de droit commun, qui sont souvent de plusieurs mois notamment lorsque des consultations sont requises ([13]).

L’article 7 habilite l’autorité compétente à recourir à une procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, en lieu et place d’une enquête publique.

2.   Des latitudes exceptionnelles reconnues aux acheteurs soumis au code de la commande publique

Consacré au droit de la commande publique, l’article 2 de la loi n° 2023‑656 du 25 juillet 2023 habilitait le Gouvernement à établir temporairement deux dérogations aux principes qui régissent la passation et la structuration des marchés publics nécessaires à la reconstruction :

– premièrement, la faculté de conclure un marché ou des lots d’un marché sans publicité préalable mais avec mise en concurrence pour des marchés inférieurs à un seuil défini par l’ordonnance ;

– deuxièmement, la possibilité d’écarter l’application du principe d’allotissement et de recourir aux marchés globaux.

L’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 décline ces objectifs en instaurant trois dérogations applicables aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de son entrée en vigueur, ainsi qu’aux marchés lancés dans les neuf mois à compter de cette date.

● L’article 1er de l’ordonnance confère aux acheteurs publics la capacité de négocier, sans publicité mais avec mise en concurrence préalable, des marchés publics de travaux soumis au code de la commande publique d’une valeur inférieure à 1,5 million d’euros hors taxes, sous réserve qu’ils soient nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. Le texte admet également le recours à cette procédure pour les lots d’un montant inférieur à 1 000 000 d’euros hors taxes, à la condition que leur montant cumulé n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots d’un marché alloti.

 Pour la reconstruction ou la réfection des immeubles et constructions mentionnés par l’ordonnance, l’article 2 autorise les maîtres d’ouvrage à conclure un marché unique, par dérogation au principe de l’allotissement consacré par les articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique ([14]). Ce faisant, ainsi que le souligne le rapport remis au Président de la République ([15]), l’ordonnance les dispense en pratique de démontrer qu’ils se trouvent dans l’une des situations légales permettant de s’affranchir de cette obligation cardinale du droit de la commande publique. En l’absence de toute précision, la dérogation au principe s’applique à l’ensemble des marchés susceptibles d’intervenir dans la reconstruction ou la réhabilitation des bâtiments, indépendamment du montant du besoin estimé.

● L’article 3 de l’ordonnance ouvre la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation mentionné à l’article L. 2171-2 du code de la commande publique. D’une part, il dote expressément les acheteurs publics de la capacité de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et des bâtiments affectés par les violences urbaines. D’autre part, le texte lève les restrictions à l’usage d’un tel procédé qui découlent de :

– l’impossibilité de conclure un marché de conception-réalisation pour les acheteurs soumis aux dispositions qui régissent les marchés publics liés à la maîtrise d’ouvrage publique et à la maîtrise d’ouvrage privée, en dehors des cas où des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage (en application du deuxième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique) ;

– la nécessaire distinction entre la mission de maîtrise d’œuvre et celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux (en vertu du second alinéa de l’article L. 2431-1 du même code).

Conformément à l’esprit et à la lettre de l’ordonnance, les maîtres d’ouvrage peuvent ainsi confier une mission globale portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux quel que soit le montant estimé des prestations.

3.   Des facilités accordées dans le versement des attributions du FCTVA et le cofinancement des investissements des collectivités territoriales

L’article 3 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 visait à adapter temporairement le cadre dans lequel les collectivités territoriales pouvaient recevoir un soutien financier au titre des dépenses d’investissements engagées pour remédier aux conséquences matérielles des émeutes urbaines. À cette fin, le Parlement a confié au Gouvernement le soin d’édicter par ordonnance des dispositions provisoires ayant pour objet :

– d’aménager les modalités de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), au titre des dépenses éligibles au bénéfice des dispositions de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;

– d’assouplir l’exigence d’une participation minimale au financement des projets d’investissement des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage (consacrée par le premier alinéa du III de l’article L. 1111-10 du même code) ;

– de définir les modalités d’une dérogation au plafonnement des fonds de concours pouvant être versés à leurs communes membres, selon le cas, par les communautés de communes ([16]), les communautés urbaines ([17]) ou les communautés d’agglomération ([18]) pour le financement de la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement.

En conséquence, l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 tend à écarter, pour une durée limitée, les règles applicables au co-financement des dépenses d’investissement des collectivités territoriales au profit d’un régime d’exception destiné à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits.

● L’article 1er de l’ordonnance autorise ainsi le versement des attributions du FCTVA au titre des dépenses exposées pour la réparation des dommages directement causés par les émeutes urbaines dès l’année de leur règlement par les collectivités territoriales.

Ce faisant, l’ordonnance établit une dérogation de circonstance au régime de droit commun. En vertu de l’article L. 1615-6 du CGCT, les dépenses réelles d’investissement afférentes à l’avant-dernier exercice (la « pénultième année ») précédant l’année de versement constituent, par principe, la base des dépenses prises en considération afin de déterminer les attributions auxquelles peuvent prétendre les collectivités. La référence aux dépenses de l’exercice en cours ne vaut à titre dérogatoire, que pour certaines collectivités et leurs groupements, ainsi qu’au titre de situations limitativement énumérées (telles que des engagements pris s’agissant de l’évolution des dépenses réelles d’équipement, la création d’un établissement public de coopération intercommunale ou la succession entre collectivités) ([19]).

Aux termes de l’article 1er, l’attribution du FCTVA l’année d’exécution des dépenses d’investissement revêt un caractère systématique, sous réserve que les investissements réalisés soient éligibles aux FCTVA et aient pour finalité de réparer « les dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023 ».

● L’article 2 de l’ordonnance affranchit les collectivités territoriales de l’obligation d’une participation minimale au financement des projets d’investissement qui visent « à réparer les dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023 » et dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. À cet effet, le texte écarte expressément l’application de deux dispositions essentielles qui encadrent les financements croisés entre collectivités territoriales :

– le 2° de l’article L. 1111-9 du CGCT, qui impose, dans l’exercice de compétences nécessitant le concours de plusieurs collectivités territoriales, que la participation minimale du maître d’ouvrage représente 30 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques ;

– le III de l’article L. 1111-10 du CGCT, qui pose le principe d’une participation minimale au financement d’une opération d’investissement de la collectivité maître d’ouvrage de l’ordre de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet ([20]).

Ainsi que le précise le rapport remis au Président de la République ([21]), sur le fondement de l’article 2 de l’ordonnance, les collectivités territoriales pourront donc prétendre à des subventions pouvant couvrir l’intégralité du coût des travaux financés pour la reconstruction.

● Dans une logique analogue, l’article 3 de l’ordonnance supprime le plafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les EPCI à fiscalité propre et leurs communes pour la réparation des dommages causés par les violences urbaines. En pratique, l’article établit une dérogation au principe en vertu duquel dans le financement de la réalisation ou du fonctionnement d’un équipement, le montant total du fonds de concours dont bénéficie une collectivité ne peut être supérieur à la part de financement que cette dernière assure, hors subvention. Il admet même que cette part puisse être nulle.

Ainsi, l’article 3 de l’ordonnance lève expressément les restrictions applicables aux fonds de concours apportés par les communautés de communes (au V de l’article L. 5214-16 du CGCT), aux communautés urbaines (article L. 5215‑26 du CGCT) et aux communautés d’agglomération (VI de l’article L. 5216-5 du CGCT).


II.   Une mise en application de la loi assurÉe au plan juridique, mais N’impliquant pas nÉcessairement un recours effectif À ses dispositions

De fait, les travaux de la mission conduisent à un constat relativement paradoxal, au regard des attentes ayant pu entourer un texte conçu comme étant indispensable pour répondre à des situations d’urgence. En effet, si la publication des ordonnances représentait le préalable nécessaire à une incorporation des dérogations autorisées par le législateur au droit applicable, il semble qu’elle ne constitue pas une condition suffisante à une mise en œuvre effective.

Les rapporteurs n’entendent pas ici préjuger des développements ultérieurs que pourrait comporter la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 dès lors que dans certains départements, des projets de reconstruction demeurent à l’état embryonnaire et que leur réalisation comporte des délais. À l’évidence, il s’agit là d’une précaution élémentaire dès lors que, même si l’on s’en tient seul plan des procédures de subventionnement assurées par l’État, la direction générale des collectivités locales (DGCL) indique ne pas disposer d’estimations actualisées du nombre de dossiers en attente de pièces complémentaires – notamment de la part des assureurs – qui pourraient lui être transmis dans les prochains mois.

Pour autant, le satisfecit qu’appellent les conditions d’entrée en vigueur d’une telle législation déléguée ne saurait dispenser d’une réflexion sur les conditions d’utilisation de dispositifs de portée exceptionnelle.

A.   Une entrÉe en vigueur expresse et effective

1.   Des textes d’effet direct

À ce jour, les trois ordonnances prises sur le fondement de la loi
 2023-656 du 25 juillet 2023 n’ont donné lieu à aucun texte réglementaire. Cette situation résulte de deux facteurs.

D’une part, il s’avère que dans leur conception, les règles formalisées à titre temporaire comportent des énonciations nécessaires afin de fixer le champ et la durée de leur application. Du reste, les ordonnances ne renvoient matériellement à aucun décret ou arrêté afin de préciser les modalités d’exécution des règles qu’elles édictent. Ainsi qu’il ressort des éléments communiqués aux rapporteurs, il s’agit là d’un choix délibéré, le Gouvernement s’étant donné pour objectif d’assurer la mise en application rapide de la loi par des dispositions suffisamment claires et ne nécessitant pas des précisions complémentaires au plan réglementaire.

D’autre part et même si elles établissent un régime spécial pour une durée limitée, les trois ordonnances s’insèrent assez aisément dans l’ordre juridique existant dans la mesure où elles se bornent à écarter ou tempérer certains principes et certaines procédures. Le constat vaut tout particulièrement en ce qui concerne le champ de la commande publique. Ainsi, l’article 4 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 assure l’application des dérogations autorisées par le législateur aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de son entrée en vigueur.

S’agissant des autorisations d’urbanisme, les éléments recueillis par les rapporteurs suggèrent que, par une interprétation assez souple du droit applicable, les dispositions de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre ont pu être invoquées dans la conduite d’opérations de construction ou de restructuration lourde ayant donné lieu à la passation de marchés avant la survenue des émeutes. Il en va ainsi pour le commissariat de Wattignies (Nord), dont le site en construction avait été victime de plusieurs départs d’incendie en marge des violences urbaines des 29 et 30 juin 2023.

2.   Des procédures dérogatoires dont l’appropriation semble acquise

L’état des lieux établi par la mission donne en effet à penser que dans l’ensemble, la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 ne se heurte pas à des difficultés de compréhension ou d’application.

Il ressort ainsi des éléments recueillis que les services de l’État chargés de la mise en œuvre des ordonnances ne semblent pas voir été confrontés à ce jour à des besoins prégnants de précision ou de clarification sur le plan des mesures applicables. Formulée par l’ensemble des représentants des administrations centrales auditionnés par les rapporteurs, cette appréciation tend à corroborer les constats de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Dans ses réponses au questionnaire de la mission, ses représentants indiquent ainsi que la DHUP n’a été saisie ni par les services déconcentrés, ni par les élus ou d’autres acteurs, de difficultés quant à son application ou en raison de projet qui ne pourrait pas être réalisé.

Si des organisations représentatives des employeurs ont pu regretter que leurs adhérents n’aient pas reçu un accueil à la hauteur de la part des services de certaines communes, rien ne permet de conclure à la généralité d’une telle situation. En revanche, on ne peut écarter l’hypothèse d’une certaine méconnaissance parmi les acteurs économiques des assouplissements apportés par les ordonnances, notamment dans le champ des autorisations d’urbanisme.

Au-delà, il convient de signaler que la mise en application des ordonnances n’a entraîné jusqu’à présent aucun recours gracieux ou l’engagement de procédures contentieuses.

En l’état des informations dont disposent les rapporteurs, deux facteurs déterminants paraissent contribuer à la lisibilité du cadre découlant de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 : un cadre d’interprétation formalisé par les administrations centrales et des dispositifs dérogatoires préexistants.

a.   Une mise en application de la loi facilitée par un cadre d’interprétation formalisé par les administrations centrales

Le premier facteur de la mise en application rapide des ordonnances de juillet et de septembre 2023 réside dans la diffusion d’instructions et de précisions visant à créer les conditions d’une interprétation souple et pragmatique des facilités et dérogations autorisées par le législateur.

En ce qui concerne les autorisations d’urbanisme, ces instructions procèdent d’une note de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) en date du 16 octobre 2023 ([22]), assortie du guide pratique relatif à la mise en œuvre de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023.

S’adressant aux services instructeurs des autorisations d’urbanisme, le guide explicite le champ d’application de l’ordonnance, les modalités de traitement des demandes à leur dépôt, les critères de leur instruction, ainsi que les formes et les mentions de l’arrêté d’autorisation d’urbanisme. Les principales précisions relatives à la mise en application de l’ordonnance portent notamment sur :

– l’interprétation souple des conditions de reconstruction avec une augmentation ou une diminution de 5 % du gabarit : le guide méthodologique invite les services instructeurs à apprécier la compatibilité des évolutions envisagées au regard des prescriptions de l’ordonnance à l’aune d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation ; seules les améliorations de performance énergétique, de sécurité ou d’accessibilité, dont le niveau de la performance serait sans rapport avec l’augmentation ou la diminution du gabarit et cela d’une manière flagrante, ne pourront pas bénéficier du droit de reconstruction ;

– le primat des règles du droit commun de l’urbanisme pour les projets ne répondant pas aux besoins auxquels l’ordonnance n° 2023-870 vise à répondre : il en va ainsi dans l’hypothèse où « le bâtiment initial n’était plus adapté à son usage au moment de sa dégradation, [et où] qu’il est souhaité d’en modifier significativement les caractéristiques, des études seront alors nécessaires pour en redéfinir complètement les caractéristiques constructives et fonctionnelles, ainsi que le gabarit. Dès lors, le temps nécessaire à la définition d’un projet nouveau adapté aux besoins actuels, laisse apparaître que la reconstruction ne s’inscrit pas dans l’urgence » ;

– l’obligation de déposer la demande d’autorisation d’urbanisme dans les dix-huit mois suivant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, soit avant le 14 mars 2025 : le guide méthodologique précise que les travaux pourront s’échelonner ensuite, une fois l’autorisation d’urbanisme délivrée, dans la limite de droit commun de validité de l’autorisation d’urbanisme ;

– la nécessaire identification par le guichet unique des demandes susceptibles de bénéficier des dispositions du régime dérogatoire de l’ordonnance : suivant le guide méthodologique, la mention explicite dans le dossier de la soumission du projet aux règles de l’ordonnance permet d’en présumer l’application ;

– les conditions d’application des délais pris en compte dans l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme : le guide méthodologique précise ainsi que le point de départ du délai pour notifier la liste des pièces manquantes au dossier court, en application de l’article 5 de l’ordonnance, à compter de la réception du dossier par l’autorité compétente, et non à compter de la date de dépôt du dossier en mairie ; il préconise aux services instructeurs de signaler à leurs éventuels interlocuteurs, par tout moyen, la nécessité d’un traitement accéléré des demandes afin de respecter les délais assignés par l’ordonnance.

b.   Des ordonnances dont la conception et la mise en œuvre peuvent s’appuyer sur des aménagements du droit en vigueur

Le second facteur d’appropriation des assouplissements institués par les ordonnances tient à la pratique de dispositifs ou procédures dérogatoires préexistant en droit ordinaire.

En ce qui concerne le régime des autorisations d’urbanisme, on notera ainsi que, sans reconnaître formellement un droit inconditionnel, la loi ménage déjà la possibilité d’une reconstruction à l’identique des bâtiments. Aux termes de l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme, cette faculté existe pour les bâtiments régulièrement édifiés, dans un délai de dix ans à compter de leur destruction ou de leur démolition. Toutefois, suivant la jurisprudence, la disposition ne s’applique que pour une reconstruction à l’identique en termes de surface, de destination, de volume, d’aspect extérieur et de configuration. En outre, la reconstruction demeure subordonnée aux dispositions de la carte communale, du plan local d’urbanisme ou du plan de prévention des risques naturels prévisibles. Des dispositions expresses de ces documents d’urbanisme prévoyant l’interdiction de la reconstruction à l’identique de bâtiments détruits par sinistre ou démolis peuvent y faire légalement faire obstacle ([23]).

Dans le champ de la commande publique, l’article L. 2113-10 du code de la commande publique écarte l’application du principe de l’allotissement des marchés « si leur objet ne permet pas l’identification de prestations distinctes ». L’article L. 2113-11 du même code admet trois hypothèses dans lesquelles un acheteur public peut déroger au principe dans un souci d’efficacité de la procédure de passation :

1°L’incapacité à assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;

2°Le risque d’une restriction de la concurrence ou d’une exécution des prestations techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse ;

3°Pour les entités adjudicatrices, la probabilité d’une procédure infructueuse à raison d’une dévolution en lots séparés.

L’article L. 2113-11 du code de la commande publique précise que lorsqu’un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision.

Par ailleurs, en dehors de la dispense accordée aux marchés d’une valeur inférieure à 100 000 euros TTC sur le fondement de la « loi ASAP » ([24]), le code de la commande publique autorise la passation de marchés sans publicité, ni mise en concurrence dans des circonstances relevant de « l’urgence impérieuse ». Suivant la définition donnée par l’article R. 2122-1 du code de la commande publique, l’urgence impérieuse résulte de « circonstances extérieures et que l’acheteur ne pouvait pas prévoir ». Dans ce cadre, la loi confère au pouvoir réglementaire la faculté d’autoriser les acheteurs à déroger aux procédures de mise en concurrence et de publicité dans des cas et pour des marchés expressément définis par décret. Ce nouveau motif s’ajoute à ceux qui sont inscrits aux articles R. 2122-1 à R. 2122-9-1 du code de la commande publique.

Pour ce qui est du cofinancement et de la participation aux dépenses d’investissement des collectivités territoriales, les facilitées accordées par l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 se révèlent très directement inspirées de procédures en vigueur destinées à répondre à des besoins et des circonstances spécifiques.

Les conditions de versement anticipé des attributions du FCTVA présentent ainsi de grandes similitudes avec le régime dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales confrontées à des intempéries exceptionnelles et ayant fait l’objet d’une constatation de l’état de catastrophe naturelle. Fondé sur le III de l’article L. 1615-6 du CGCT, le dispositif ouvre droit à des attributions du fonds au titre des dépenses visant à réparer les dommages directement causés par des intempéries exceptionnelles reconnues par décret dès l’année de leur règlement.

Ainsi que l’ont souligné les représentants de la DGCL, l’article 1er de l’ordonnance n° 2023-656 ne diffère de ce mécanisme que du point de vue du fait générateur justifiant la mise en œuvre d’un régime dérogatoire. Sur un plan pratique, le versement anticipé des attributions du FCTVA repose sur des procédures éprouvées et connues des collectivités territoriales, en particulier des communes et des intercommunalités. Les services préfectoraux peuvent s’appuyer sur une instruction traditionnellement diffusée par l’administration centrale afin de préciser les modalités de mise en œuvre de cette disposition et faciliter l’accompagnement des bénéficiaires. En outre, le système d’information « ALiCE », utilisé par les préfectures afin de procéder aux attributions de FCTVA, intègre un suivi des avances exceptionnelles et permet le versement d’acomptes trimestriels par un dispositif automatisé.

Le principe d’une participation minimale des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage au financement des travaux ou à l’usage des fonds de concours connaît lui aussi des tempéraments. Relatif aux opérations d’investissement faisant appel au concours de plusieurs collectivités, l’article L. 1111-10 du CGCT admet que le pourcentage du reste à charge puisse varier et être en deçà de la norme de droit commun à raison de l’objet spécifique des travaux réalisés. En l’occurrence, le III de l’article prévoit un pourcentage minimal du montant total des financements apportés par des personnes publiques  de :

– 10 % pour les projets d’investissement en matière d’eau potable et d’assainissement, d’élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale qui sont réalisés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de Corse ou par les communes membres d’un tel établissement ;

– 15 % pour les opérations d’investissement financées par le Fonds européen de développement régional dans le cadre d’un programme de coopération territoriale européenne.

Sur ce même fondement, les collectivités territoriales peuvent obtenir des dérogations auprès du représentant de l’État dans le département en ce qui concerne leur part dans le financement des projets d’investissement :

– en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine, ainsi que pour le patrimoine non protégé (en considération de l’urgence ou de la nécessité publique, ou lorsque le représentant de l’État estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage) ;

– destinés à réparer les dégâts causés par les calamités publiques (au vu de l’importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés) ;

– destinés à restaurer la biodiversité au sein d’un site Natura 2000 exclusivement terrestre (au vu de l’importance de la dégradation des habitats et des espèces et des orientations fixées dans le document d’objectifs mentionné à l’article L. 414-2 du code de l’environnement, lorsque le représentant de l’État estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage).

En comparaison de ces dispositifs, l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 institue de manière exceptionnelle une dérogation permanente, qui ne nécessite pas une autorisation expresse du préfet.

B.   DES dispositifs exceptionnels SANS cas d’usage ?

Sans se placer sur le terrain de l’opportunité, les travaux de la mission portent à s’interroger sur les conditions dans lesquelles les acteurs publics et privés peuvent se saisir des facilités et dérogations accordées par le législateur. De ce point de vue et à ce stade, le recours aux dispositions de la loi n° 2023-656 du 13 juillet 2023 peut susciter en tous cas des appréciations contrastées.

En soi, ces observations ne mettent pas en cause en cause l’opportunité de mesures exceptionnelles afin de tourner au plus vite la page des émeutes urbaines de l’été 2023. En revanche, elles invitent à reconsidérer la nature des besoins auxquels un tel dispositif peut répondre, ainsi que les améliorations que sa mise en application pourrait nécessiter.

1.   Des mesures utilisées afin de répondre à des besoins circonscrits ?

● En pratique, les éléments recueillis par les rapporteurs rendent compte d’une utilisation relativement mesurée et inégale des facilités et dérogations prévues par les ordonnances de juillet et de septembre 2023.

Du côté des acteurs publics locaux, il existe une relative incertitude quant à la propension des collectivités territoriales à invoquer les dérogations que ces textes formalisent ([25]). Elle prévaut en particulier dans le champ des autorisations d’urbanisme et de la commande publique, en l’absence de données consolidées à l’échelle nationale sur le traitement des dossiers pouvant faire intervenir les services de l’État et les établissements publics nationaux ([26]). S’agissant des assouplissements apportés au versement des attributions du FCTVA, la DGCL signale qu’au jour de son audition par les rapporteurs, 27 collectivités avaient déposé une demande de versement anticipé.

Du côté de l’État, les travaux de la mission portent à conclure qu’en général, les services déconcentrés et les établissements publics s’appuient assez peu sur les dispositions issues de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023. Au-delà du degré d’exposition aux troubles survenus dans le contexte des émeutes urbaines, l’usage des régimes dérogatoires établis par les ordonnances se révèle fondamentalement tributaire des modalités d’implantation des services.

Il ressort ainsi du bilan dressé par les représentants des administrations centrales que les services de l’État font peu usage jusqu’à présent des dispositions de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023. En pratique, les situations de droit ou de fait des locaux occupés les exonèrent assez largement de l’obligation d’obtenir des autorisations d’urbanisme. Ceci explique par exemple que suivant les réponses apportées par les représentants de la direction des services judiciaires, le ministère de la justice n’a pas eu recours au régime spécial mis en place en ce qui concerne la réparation des maisons de la justice et du droit. À l’inverse, il apparaît que les services de police ont pu tirer parti des dérogations au droit de l’urbanisme, en particulier celles facilitant la reconstruction à l’identique. D’après les représentants de la direction générale de la police nationale (DGPN), les dispositions de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 leur auraient en effet procuré une certaine souplesse et une capacité d’adaptation dans la réhabilitation des locaux détruits ou endommagés.

Un constat assez similaire s’impose quant à l’usage assez disparate des mesures dérogatoires introduites en matière de commande publique. D’après les représentants de la direction des services judiciaires, la sécurisation du site du tribunal de proximité de Nanterre représente la seule opération ayant donné lieu à la mise en application du dispositif de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023. Du point de vue des services de police, il semble au contraire que l’absence de publicité et la faculté de passer plus largement des marchés publics de conception/réalisation constituent une avancée significative. Suivant les témoignages recueillis auprès des services opérationnels par les représentants de la DGPN, les marchés de conception-réalisation permettraient une réduction de l’ordre de 6 à 8 mois d’une opération de rénovation complète d’un commissariat.

● Au-delà des contingences tenant à la situation de chaque acteur public ou privé, le recours aux ordonnances issues de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 se révèle fondamentalement tributaire d’arbitrages fondés sur des considérations opérationnelles.

Une première variable de la mise en application de la loi réside ainsi dans les délais nécessaires à la formalisation et à la réalisation des projets de réhabilitation ou de reconstruction.

Ainsi qu’il a été précédemment observé, rien n’assure aujourd’hui que l’ensemble des opérations ait été engagées, compte tenu des démarches administratives nécessaires mais aussi des aléas pouvant entourer le reste à charge inhérent aux conditions de financement des travaux. Les analyses développées devant les rapporteurs tendent ainsi à montrer que des réhabilitations et des reconstructions peuvent dépendre de la perception d’indemnités en réparation des dommages ou destructions subis. À bien des égards, la question se pose, pour les collectivités territoriales comme pour les acteurs privés (opérateurs économiques et particuliers), du degré de prise en charge des sinistres occasionnés par les troubles à l’ordre public. Sur ce plan, les travaux de la mission ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure les facilités apportées par les ordonnances de juillet et de septembre 2023 et la lisibilité du cadre juridique peuvent ainsi conforter la position des personnes publiques et privées vis-à-vis des assureurs mais surtout des établissements de crédits. À tout le moins, les éléments recueillis auprès de la Banque des Territoires tendent à mettre en relief l’absence d’une demande supplémentaire de financement des collectivités territoriales en rapport avec des projets dont la réalisation peut s’appuyer sur le dispositif des ordonnances.

À ces considérations, peut s’ajouter pour les personnes publiques, selon les lieux, la nécessité d’arbitrages quant à la pertinence d’une reconstruction ou d’une réhabilitation d’immeubles détruits ou endommagés à l’occasion des émeutes urbaines.

L’exigence d’une telle décision préalable revêt une acuité toute particulière pour l’État. Suivant un constat renouvelé par M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État, la puissance publique possède un parc trop vaste, avec des locaux fréquemment sous-occupés. C’est la raison pour laquelle il existe des réflexions tendant à la réaffectation des agents et à une évolution des implantations de l’État, surtout dans le cas d’emprises ou d’immeubles difficiles à densifier ou à sécuriser. La démarche semble avoir été relancée à la suite des émeutes urbaines et conduirait à reconsidérer l’opportunité de réinvestir, en utilisant les facilités procurées par les ordonnances de juillet et de septembre 2023, les sites détruits ou endommagés par des actes de dégradation, à l’exemple du centre des impôts de Vernon (Eure).

La seconde variable de la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 tient à la concurrence potentielle, dans la sphère publique, entre le recours aux dispositifs des ordonnances et la mise en œuvre de procédures de droit commun.

Le bilan des opérations de réhabilitation réalisées pour les services de l’État met ainsi en lumière un recours privilégié aux marchés de travaux et aux marchés d’entretien passés sur le fondement des dispositions ordinaires du code de la commande publique.

Il en va ainsi pour les services judiciaires, les représentants du ministère de la justice auditionnés par les rapporteurs indiquant que les travaux relevant de dépenses de fonctionnement ont été réalisés dans le cadre de marché d’exploitation-maintenance, de marchés d’entretien notamment. Ainsi, le dispositif de la loi 2023‑656 a été utilisé par le département immobilier de Paris en vue de la sécurisation du site du tribunal de proximité d’Asnières (pour une dépense estimée à 88 000 euros).

Le constat s’applique également aux travaux sur les implantations de la police nationale. Ainsi, les opérations de faible envergure ont donné lieu à la mobilisation des instruments juridiques existants (tels que des accords-cadre existant avec les plateformes régionales des achats de l’État – PFRA – ou avec des centrales d’achat comme Centralis ([27]), ainsi que des prestations sur devis), conformément aux seuils du code des marchés publics qui dispensent de procédures formalisées. Pour les opérations d’un montant inférieur à 100 000 euros hors taxes, les représentants de DGPN signalent également le recours aux dispositions de la « loi ASAP » ([28]).

De fait, la réalisation de travaux urgents de sécurisation ou de nettoyage de locaux dégradés n’impliquaient pas nécessairement le recours à des procédures de marché nouvelles. En outre, suivant une analyse convergente des ministères auditionnés et de la direction de l’immobilier de l’État, le cadre dérogatoire et les assouplissements apportés par les ordonnances se révèlent davantage conçus et adaptés pour des travaux plus importants et des opérations de restructuration lourde. D’ailleurs, cinq des vingt opérations les plus significatives pour la reconstruction ou la réhabilitation d’implantations de la police nationale font appel aux dispositions de l’article 3 de l’ordonnance n° 2023‑660 du 26 juillet 2023 relatives aux marchés de conception/réalisation.

Premier bilan des opérations de réhabilitation

et de reconstruction menées pour les services de l’État

– Suivant l’analyse de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), les dépenses engagées par les administrations centrales et les services déconcentrés demeurent à ce stade relativement restreintes. Pour l’essentiel, les opérations menées consistent à procéder au nettoyage des bâtiments dégradés, ainsi qu’à assurer la sécurisation des sites par des travaux d’urgence (avec le remplacement de vitrages, la réparation de portails, etc.) ou encore le relogement des services dans des installations provisoires. S’agissant par exemple du centre des finances publiques de Cenon (Gironde), la DIE signale ainsi la location de constructions modulaires destinées à maintenir l’accueil du public dans l’attente de la remise en état du bâtiment incendié.

 En ce qui concerne le ministère de l’intérieur et, plus spécifiquement la police nationale :

D’après le recensement de la DGPN, les destructions ou dégradations subies par les services de police dans le contexte des émeutes urbaines de l’été 2023 concernent 137 sites. Sur les 137 opérations recensées, 44 sont terminées, 81 en cours d’études ou de travaux et 12 sont toujours en cours de chiffrage. L’essentiel des opérations porte sur des travaux de remise en état de faible envergure (remplacement de vitrage, de serrures, réparation de dégradations légères etc.) pour des montants peu significatifs et, en tout état de cause, inférieurs au seuil de procédure formalisée.

Au total, des crédits d’un montant de 2,8 millions d’euros ont été engagés en 2023 au titre de la rénovation des commissariats et bureaux de police, sur un coût prévisionnel total de 11,5 millions d’euros. Pour les sites nécessitant les réhabilitations ou reconstructions les plus lourdes, le montant des crédits engagés dès l’exercice 2023 s’élève à 1,8 million d’euros pour le financement de 11 opérations. En revanche, celles‑ci n’ont donné lieu qu’à des paiements de l’ordre de 0,125 million d’euros. En 2024, le  montant des engagements prévisionnels est fixé à 6,7 millions d’euros, avec pour objectif une dépense cumulée de 9,5 millions d’euros sur un coût global programmé de 11,5 millions d’euros.

S’agissant des 20 opérations les plus significatives (soit d’un montant supérieur à 120 000 euros), 3 sont terminées (Wattignies, Montbéliard, Beaune), 12 sont en cours (au stade des travaux ou des études). 5 font l’objet d’un marché de conception-réalisation lancé en application des dispositions de l’article 3 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023. Représentant un coût prévisionnel total de 4,4 millions d’euros, ces dernières portent sur les commissariats et emprises de :

– Bagnolet (opération estimée à 1,2 million d’euros) ;

– Sceaux (opération estimée à 1,2 million d’euros) ;

– la brigade d’assistance aux personnes sans abri (BAPSA) du 18ème arrondissement de Paris (opération estimée à 1,1 million d’euros) ;

– Bezons (0,5 million d’euros) ;

– Gennevilliers (0,4 million d’euros).

Source : réponses aux questionnaires de la mission.

2.   Des précisions à apporter dans la mise en œuvre d’un dispositif exceptionnel ?

Aux lendemains des émeutes urbaines, le recours à une procédure de législation déléguée et la généralité des règles édictées par ordonnance manifestaient la volonté des pouvoirs publics de disposer d’instruments juridiques immédiatement opérationnels. Comme précédemment observé, la publication expresse des textes et l’absence de procédures contentieuses marquent indéniablement l’efficacité du processus normatif. Cela étant, rien n’interdit de considérer que le traitement des conséquences résultant d’une crise telle que celle des émeutes urbaines de l’été 2023 appelle d’autres développements. Dans cette optique prospective, la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 soulève des questions quant à la capacité des dispositifs d’appréhender des situations très spécifiques et quant aux circonstances de leur déclenchement.

a.   Un champ d’application des ordonnances suffisamment défini au regard de la diversité des statuts des bâtiments détruits ?

À l’évidence, la question se pose pour la réhabilitation et la reconstruction des bâtiments publics occupés par l’État ou faisant l’objet d’une protection particulière. Certes, les éléments recueillis auprès des services ministériels montrent que, dans l’ensemble, le dispositif des ordonnances de juillet et septembre 2023 intègre de manière pertinente la spécificité des emprises relevant du domaine public. En revanche, l’application de certaines dérogations, en particulier dans le champ des autorisations d’urbanisme, semble ne pas aller de soi dans deux cas de figure.

● La première incertitude porte sur la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 en ce qui concerne la reconstruction ou la réhabilitation des immeubles pris à bail par l’État.

Suivant l’analyse de plusieurs secrétariats généraux du ministère de l’intérieur (SGAMI), une interprétation restrictive des dispositions de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 peut conduire à réserver leur application aux seuls locaux relevant du domaine public de l’État. Il en résulterait que les dérogations que le texte autorise ne pourraient être invoquées utilement pour les immeubles ou les emprises faisant l’objet d’un contrat de location ou d’une convention d’occupation sur le domaine privé des collectivités locales, ce qui pourrait peser sur le lancement et les délais des travaux de réfection. D’après les réponses de la direction générale de la police nationale, une telle difficulté a été observée en particulier dans la zone Sud-Ouest.

De fait, le dépôt des demandes d’autorisation d’urbanisme appartient aux propriétaires et aux collectivités territoriales et non aux services occupants. Dès lors, la véritable question posée par l’absence de mentions expresses sur un tel cas de figure porte sur la propension des propriétaires à faire usage des facultés offertes par les ordonnances, à commencer par l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 en matière d’urbanisme. Du point de vue des rapporteurs, ceci plaide en faveur d’une meilleure information sur la mise en application de la loi auprès des acteurs privés. En leur qualité de personnes publiques, les collectivités territoriales semblent en effet prédisposées à mieux mesurer les possibilités offertes par les textes pour la réhabilitation ou la reconstruction de biens immobiliers relevant de leur domaine privé.

● La seconde incertitude touche à l’application des exceptions et procédures particulières des ordonnances aux immeubles et équipements relevant du code du patrimoine.

Ainsi que l’ont souligné les représentants du ministère de la culture, en l’absence de mentions expresses, les monuments historiques et les sites patrimoniaux ne rentrent pas formellement dans le champ d’application de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 en ce qui concerne les autorisations d’urbanisme. Plus globalement, les analyses communiquées aux rapporteurs portent à conclure à une absence de véritable articulation entre les régimes d’exception institués à titre temporaire sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 et le cadre de droit commun applicable en vertu des dispositions du code du patrimoine.

S’agissant des autorisations de travaux délivrées dans les conditions du droit commun, ni le code du patrimoine, ni le code de l’urbanisme ne comportent des prescriptions spécifiques relatives au patrimoine protégé au titre des monuments historiques appartenant à l’État. Du point de vue du ministère de la culture, la question pourrait néanmoins se poser en théorie, suivant le statut de l’immeuble, des adaptations auxquelles peuvent procéder les maîtres d’ouvrage, dans la limite d’une augmentation ou d’une réduction de 5 % du gabarit initial. On soulignera toutefois qu’en toute rigueur, les travaux sur les monuments historiques classés relèvent d’une autorisation prise au titre du code du patrimoine, autorisation qui ne relève pas du champ de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023. De même, les dispositions de texte relatives à l’engagement des travaux dès le dépôt de la demande ou de la déclaration préalable ne s’appliquent à ce type de bâtiments.

L’examen des dispositions relatives à la commande publique et au financement des travaux d’investissement applicables aux monuments historiques conduit à des constats assez similaires. Suivant l’analyse du ministère de la culture, l’ordonnance n° 2023-656 du 26 juillet 2023 ne remet pas en cause les règles relatives du code du patrimoine relatives à l’exigence d’une maîtrise d’œuvre spécialisée pour les travaux sur les monuments classés ([29]). De même, les dispositions du CGCT autorisent les collectivités, sous réserve d’une dérogation accordée par le préfet du département, à verser des subventions couvrant l’intégralité des travaux de restauration des immeubles classés. L’article L. 621-29 du code du patrimoine ménage quant à lui la possibilité de subventionner les travaux portant sur les immeubles inscrits, à hauteur de 40 % de la dépense relative aux travaux d’entretien et de réparation que nécessitent la conservation des immeubles ou parties d’immeubles.

Au regard des éléments recueillis par les rapporteurs, la seule source d’interférence entre le droit commun et le régime dérogatoire établi par la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 réside dans la mise en application des dispositions destinées à réduire les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme.

Comme précédemment indiqué, l’article 6 tend à réduire les majorations et prolongations de délai requises pour le recueil des avis, accords ou autorisations prévus par le code de l’urbanisme ou les législations connexes. En pratique, la mise en application de la loi soulève deux questions d’ordre matériel : celles de la coordination entre les services instructeurs des autorisations d’urbanisme et les services des architectes des Bâtiments de France, ainsi que de leur capacité respective à examiner les demandes et à rendre des décisions dans des délais plus restreints.

Au terme des travaux de la mission, aucune des opérations de réhabilitation ou de reconstruction ne semble avoir pâti de dysfonctionnements ou d’un conflit de normes. Il n’en paraît pas moins indispensable de veiller à la cohérence du droit applicable entre le code de l’urbanisme et le code du patrimoine ce qui, du point de vue des rapporteurs, n’interdit pas de repenser l’organisation des procédures et la place de chacun des services instructeurs.

b.   Des mécanismes dérogatoires à pérenniser ?

Dans son esprit comme dans son économie, la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 se conçoit comme un dispositif législatif extraordinaire motivé par des circonstances exceptionnelles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les ordonnances prises sur le fondement de l’habilitation accordée au Gouvernement comportent des mesures applicables de manière temporaire. Ainsi, l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 fixe à neuf mois la durée d’application des dispositions dérogatoires aux principes de la commande publique, tandis que le régime spécial instauré par l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 en droit de l’urbanisme vaut pour les demandes d’autorisation déposées dans les dix-huit mois à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les analyses développées au cours des travaux de la mission ne portent pas à mettre en cause la pertinence des délais retenus pour leur application, au regard des opérations de réhabilitation ou de reconstruction engagées dès les lendemains des émeutes urbaines. Toutefois, ainsi que l’ont relevé plusieurs personnes auditionnées, rien ne permet d’exclure que des évènements similaires ou des violences de même nature mais plus circonscrites ne puissent se reproduire sur tout ou partie du territoire national et n’occasionnent des dommages d’une même gravité. À l’évidence, le risque de tels préjudices revêt une acuité particulière pour les locaux des forces de l’ordre car de fait, ils constituent une cible de choix au vu des dégradations et destructions recensées à l’été 2023.

Dès lors, les rapporteurs estiment qu’il conviendrait de formaliser, pour des bâtiments détruits ou endommagés à raison de troubles publics d’une particulière intensité, un cadre de droit commun autorisant le recours à des règles et procédures dérogatoires de nature à en faciliter la reconstruction.

Suivant une proposition approuvée par plusieurs services, les pouvoirs publics pourraient dans cette démarche valablement s’inspirer du régime de l’état de catastrophe naturelle, fondé sur l’article L. 125-1 du code des assurances.

Le régime de l’état de catastrophe naturelle

Procédant des dispositions de l’article L. 125-1 du code des assurances, le régime de l’état de catastrophe naturelle désigne un mécanisme d’indemnisation des « dommages matériels directs non assurables ayant pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ou également pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, la succession anormale d’évènement de sécheresse d’ampleur significative, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou être prises ».

La constatation de l’état de catastrophe naturelle résulte d’un arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s’est située la catastrophe, ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles, mentionnée à l’article L. 125-1 précité. Elle nécessite une demande des communes touchées par les évènements pouvant justifier le déclenchement de la procédure. L’arrêté interministériel doit préciser, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Aux termes du code des assurances, cette dernière doit être « motivée de façon claire, détaillée et compréhensible » ; elle mentionne les voies et délais de recours, ainsi que les règles de communication des documents administratifs, notamment des rapports d’expertise ayant fondé cette décision, dans les conditions fixées par décret.

L’article L. 125-1 prévoit que la décision fait ensuite l’objet d’une notification à chaque commune concernée par le représentant de l’État dans le département en précisant les conditions de communication des rapports d’expertise. L’arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de deux mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture.

Les mécanismes d’indemnisation de l’état de catastrophe naturelle reposent sur la solidarité nationale. Ils ont vocation à couvrir les préjudices subis par les particuliers, les entreprises et les collectivités publiques.

Source : travaux de la mission.

Sur ce modèle, il reviendrait au législateur de définir précisément les circonstances pouvant justifier la suspension temporaire de principes et de procédure de droit commun et de déterminer l’objet de ces dérogations ou assouplissements. En toute logique, il pourrait être expédient d’autoriser la prise de mesures dans les domaines couverts par les ordonnances publiées sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023. Dans la définition des faits générateurs, les pouvoirs publics pourraient sans doute utilement prendre en considération des dispositions existantes, telles que le III de l’article L.1615-6 du CGCT (relatif au versement anticipé des attributions du FCTVA en cas d’intempéries exceptionnelles) ([30]) ou l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure (qui établit les fondements de la responsabilité sans faute de l’État du fait des attroupements) ([31]).

L’activation du dispositif pourrait revenir au représentant de l’État dans le département, lequel aurait à préciser les circonstances de temps et de lieu dans des conditions analogues à celles qu’exige le régime de l’état de catastrophe naturelle.

Cette préconisation d’ordre opérationnel ne signifie pas que l’exigence par les ordonnances d’un lien direct entre les dommages causés aux bâtiments et les actes de dégradation et de destruction liés aux émeutes inscrites dans les ordonnances revêt un caractère problématique. Figurant dans les trois ordonnances, cette condition n’a fait l’objet d’aucune observation critique au cours des travaux et ne semble pas peser sur la mise en application de la loi. Dans l’esprit des rapporteurs, il s’agit surtout de garantir que le droit national permette d’apporter en tous temps une réponse adaptée aux conséquences d’évènements d’une gravité exceptionnelle, indépendamment des aléas qui peuvent entourer le fonctionnement des pouvoirs publics et le vote par le Parlement de mesures exorbitantes du droit commun dans des délais utiles.

 

*

*     *

En définitive, les rapporteurs ne peuvent que partager le sentiment qui se dégage confusément de l’ensemble de leurs travaux : celui que passé l’émotion des temps de crise, il importe de mener une action résolue et constante en faveur de la simplification du droit de l’urbanisme, du droit de la commande publique comme des conditions de financement des projets d’investissements collectivités territoriales. Si elle offre un exemple de la capacité d’adaptation de notre droit et de la réactivité des services de l’État, la mise en application de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 ne saurait conduire le pays à céder au confort d’une reconstruction à l’identique. Il importe au contraire de rénover les moyens de régulation dont dispose la puissance publique. Cette exigence vaut pour le droit – l’accélération des procédures ne saurait tenir lieu de réponse de long terme à l’alourdissement des normes et à l’engorgement des services – mais également pour le domaine public dans une acception plus matérielle – les bâtiments publics devant s’adapter à l’évolution des besoins et des objectifs de la collectivité.

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du 3 avril 2024, la commission a examiné le rapport de la mission d’application de la loi n° 2023656 du 25 juillet 2023 relative à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (MM. JeanPaul Mattei et Jean-Pierre Vigier, rapporteurs).

 

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

 

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/YwSNhA

 

 

 


   annexes

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs

 

Table ronde des organisations représentatives des employeurs

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

M. Bernard Cohen Hadad, président de la CPME Paris Île-de-France,

Mme Nicole Richard-Verspieren, vice-présidente de la CPME Bouches‑du‑Rhône, chargée du commerce

M. Adrien Dufour, responsable affaires publiques

MEDEF

Mme Christine Lepage, directrice générale adjointe du MEDEF, responsable du Pôle Économie

Mme Marion Unal, directrice du logement et du projet immobilier au sein du pôle Économie

Mme Marie David, chargée de mission affaires publiques au sein du pôle Affaires publiques

Banque des Territoires

M. Pierre Laurent, directeur du développement à la direction des prêts

Mme Marina Alcalde, directrice de la politique de la ville à la direction des prêts

Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles à la direction des relations institutionnelles, internationales et européennes

Direction de l’immobilier de l’État (DIE) – direction générale des Finances publiques (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

M. Alain Resplandy-Bernard, conseiller maître à la Cour des comptes, directeur de l’immobilier de l’État au ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Mme Delphine Marekovic, administratrice de l’État, chef du bureau réglementation domaniale, contentieux et expertise domaniale (DIE3B)

Ministère de la culture – sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux

M. Franz Schoenstein, adjoint à la sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux

Mme Chloé François, chargée de mission juridique auprès de la sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) [direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) – ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires]

Mme Amélie Renaud, ingénieure en chef des ponts, des eaux et des forêts, adjointe au directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

Mme Laura Krieps, adjointe au sous-directeur de la qualité du cadre de vie

Direction générale des collectivités locales (DGCL) – ministère de l’intérieur et des outre-mer

Sous-direction des compétences et des institutions locales

Mme Marie Cornet, administratrice de l’État, cheffe du bureau des services publics locaux (CIL3)

Mme Élise Dassonville, adjointe à la cheffe du bureau des services publics locaux

Sous-direction des finances locales et de l’action économique

M. Thomas Fauconnier, administrateur de l’État hors classe, sous-directeur des finances locales et de l’action économique

M. Nicolas Saleille, administrateur de l’État, adjoint au chef du bureau des concours financiers de l’État

Audition conjointe de services du ministère de l’intérieur et des outre-mer et du ministère de la justice exposés aux dégradations commises à l’occasion des violences urbaines

Direction générale de la police nationale (ministère de l’intérieur et des outre-mer)

Mme Marie-Laure Berbach, conseillère référendaire à la Cour des comptes, sous-directrice des finances et du soutien opérationnel de la direction générale de la Police nationale

M. Pierre-Ange Savelli, conseiller budgétaire du directeur général de la police nationale

Sous-direction des finances, de l’immobilier et de la performance (SDFIP) de la direction des services judiciaires (ministère de la justice)

M. Gautier Lefort, administrateur de l’État, adjoint à la sous-directrice des finances, de l’immobilier et de la performance (SDFIP) de la direction des services judiciaires

Mme Hélène Fortin-Cremilliac, adjointe au chef du bureau de l’immobilier et de la sûreté des juridictions

 


   annexe n° 2 :
GUIDE MÉTHODOLOGIQUE POUR La mise en application de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023

 

 

Guide pratique relatif à la mise en œuvre de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 et à destination des services instructeurs

 

Annexé à une note du directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, le guide méthodologique vise à illustrer in concreto les travaux concernés par l’ordonnance n° 2023-870 du 14 septembre 2023, ainsi qu’à préciser ses modalités d’application.

1. Champ d’application de l’ordonnance : quels dossiers sont concernés ?

Le guide rappelle ou indique que pour bénéficier du régime dérogatoire issu de l’ordonnance n° 2023-870 du 14 septembre 2023, les demandes d’autorisation d’urbanisme doivent respecter les conditions suivantes :

1- La demande doit porter sur la réfection ou la reconstruction des bâtiments démolis durant les épisodes de violences urbaines du 27 juin au 5 juillet 2023.

2.- La reconstruction peut s’effectuer soit à l’identique, soit avec une diminution ou une augmentation du gabarit de 5 % du bâtiment initial. La diminution ou l’augmentation du gabarit peut dépasser les 5 % si elle est justifiée par des améliorations de performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité. Cette seconde condition devra être interprétée de manière souple pour faciliter la reconstruction. La plupart des projets de reconstruction ou de réhabilitation seront susceptibles de relever de ces dispositions, dès lors qu’il sera le plus souvent possible de justifier une évolution du bâtiment, même substantielle, par ces considérations d’améliorations de performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité.

Ainsi, le contrôle de l’adaptation des améliorations bâtimentaires mis en regard de l’augmentation du volume total du bâtiment s’effectuera-t-il sous le régime de l’erreur manifeste d’appréciation : seules les améliorations de performance énergétique, de sécurité ou d’accessibilité, dont le niveau de la performance serait sans rapport avec l’augmentation ou la diminution du gabarit et cela d’une manière flagrante, ne pourront bénéficier du droit de reconstruction.

Ces dossiers pourront alors librement être examinés dans le cadre de la procédure de droit commun et pourront, le cas échéant, faire l’objet d’un refus d’autorisation si les règles de fond d’urbanisme s’y opposent. Par exemple, si le bâtiment initial n’était plus adapté à son usage au moment de sa dégradation, qu’il est souhaité en modifier significativement les caractéristiques, des études seront alors nécessaires pour en redéfinir complètement les caractéristiques constructives et fonctionnelles, ainsi que le gabarit. Dès lors, le temps nécessaire à la définition d’un projet nouveau adapté aux besoins actuels, laisse apparaître que la reconstruction ne s’inscrit pas dans l’urgence. L’application des règles de droit commun est alors indispensable.

3- La demande d’autorisation d’urbanisme doit être déposée dans les dix-huit mois suivant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, soit avant le 14 mars 2025.

Les travaux pourront s’échelonner ensuite, une fois l’autorisation d’urbanisme délivrée, dans la limite de droit commun de validité de l’autorisation d’urbanisme.

L’ensemble des autres règles de procédure du code de l’urbanisme, auxquelles il n’est pas explicitement dérogé, demeurent pleinement applicables.

2. Dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme : comment accueillir les dossiers entrant dans le champ de l’ordonnance ?

Au dépôt ou à la réception du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme en mairie, il appartient au guichet unique d’identifier si le projet faisant l’objet de la cette demande peut bénéficier des dispositions du régime dérogatoire prévu par l’ordonnance. Une  attention particulière à la détection de ces projets est demandée. La mention explicite dans le dossier de la soumission du projet aux règles de l’ordonnance permet d’en présumer l’application.

Si le guichet unique n’est pas en mesure d’identifier le projet comme ayant vocation à bénéficier du régime dérogatoire de l’ordonnance ou si le récépissé est envoyé automatiquement au pétitionnaire dans le cadre d’un dépôt par voie dématérialisée de la demande, il ne pourra être faire mention, dans le récépissé de dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, des délais applicables en vertu de l’ordonnance.

En conséquence, une notification de ces délais au pétitionnaire par le service instructeur devra être réalisée postérieurement à l’émission du récépissé de dépôt de la demande. Cette notification comprendra également la mention de la date à laquelle une décision tacite peut intervenir. Par ailleurs, le service instructeur devra rappeler au pétitionnaire la nécessité d’afficher, sur le terrain, le récépissé de dépôt de la demande avant le début des travaux préliminaires.

Si le guichet unique estime, au regard des éléments fournis, que les dispositions de l’ordonnance s’appliquent au projet, il en informe le service instructeur lors de la transmission du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.

3. Instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme : comment traiter les dossiers entrant dans le champ de l’ordonnance ?

Dès la réception du dossier par le service instructeur, celui-ci vérifie que le projet qui fait l’objet de la demande d’autorisation d’urbanisme est bien soumis au régime dérogatoire de l’ordonnance.

Si le projet s’avère ne pas être soumis à ce régime, le service instructeur informe le service compétent en matière de police de l’urbanisme pour que celui-ci dresse un arrêté interruptif de travaux si les opérations mentionnées à l’article 3 de l’ordonnance ont été illégalement mises en œuvre. Le service instructeur instruit la demande dans les conditions prévues par le code de l’urbanisme.

Si le projet entre bien dans le champ du régime dérogatoire prévu par l’ordonnance, une attention particulière devra être portée à l’instruction de ces dossiers au regard des délais contraints prévus par celle-ci.

Le point de départ du délai pour notifier la liste des pièces manquantes au dossier court, en application de l’article 5 de l’ordonnance, à compter de la réception du dossier par l’autorité compétente, et non à compter de la date de dépôt du dossier en mairie. Le délai laissé au pétitionnaire pour fournir les pièces complémentaires est celui prévu par le droit commun. Il n’est donc pas nécessaire de modifier les informations prévues dans la l’âtre de demande de pièces complémentaires.

Afin de permettre l’émission des avis, accords ou autorisations au titre d’une autre législation que celle de l’urbanisme, la majoration ou la prolongation du délai d’instruction est de quinze jours maximum.

Elle est de quarante-cinq jours maximum lorsque le projet fait l’objet d’une procédure de participation par voie électronique.

Lors de l’envoi de la demande d’avis, accords ou autorisations aux organismes ou autorisés administratives consultées, l’autorité compétente leur précise qu’elles disposent d’un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande d’avis pour y répondre.

Afin de garantir un examen rapide et d’éviter la multiplication des avis tacites, certes juridiquement valables mais peu sécurisants pour les services instructeurs, il ne peut qu’être conseillé à ces derniers de signaler à leurs interlocuteurs, par tout moyen, la nécessité d’un traitement accéléré des demandes.

À défaut de réponse expresse, leur silence vaudra acceptation tacite de la demande d’assise, d’accord ou d’autorisation.

4. Décision

Les visas de l’arrêté d’autorisation d’urbanisme comprennent la mention de l’ordonnance.

Les adaptations et améliorations éventuellement demandées par le pétitionnaire ne font pas l’objet d’un article spécifique dans l’arrêté, ni d’une motivation expresse, cette motivation n’étant requise que dans le dossier de demande d’autorisation d’urbanisme. La décision autorisant le projet vaut acceptation de ces adaptations et améliorations, sous réserve d’éventuelles prescriptions.

L’autorité compétente rappelle au bénéficiaire de l’autorisation qu’il doit procéder à l’affichage de l’arrêté d’autorisation d’urbanisme, et à son maintien, pendant toute la durée des travaux.

Il se substitue alors au récépissé de dépôt de la demande.

Source : Réponses de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

 


([1]) Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, sur les émeutes survenues depuis le 27 juin par la commission des lois du Sénat, le 5 juillet 2023.

([2]) D’après les informations communiquées par la sous-direction des finances, de l’immobilier et de la performance (SDFIP) de la direction des services judiciaires, l’état des bâtiments incendiés nécessite aujourd’hui leur démolition. Au total, sept MJD ont fait l’objet de dégradations.

([3]) Au-delà du caractère sans doute prématuré de cet exercice, l’alinéa 3 de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit la présentation d’un rapport d’évaluation sur l’impact de la loi à la commission compétente à l’issue d’un délai de trois ans suivant l’entrée en vigueur d’une loi.

([4]) Le CSCEE a émis un avis favorable le 29 août 2023.

([5]) Le CNEN a exprimé un accord unanime sur le projet d’ordonnance.

([6]) Article 17 du projet de loi n° 1984, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2023 (renvoyé à la commission des affaires économiques). L’Assemblée nationale et le Sénat ayant trouvé un accord en commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion, le texte a été adopté conforme à l’issue de la lecture des conclusions de la CMP le 27 mars 2024.

([7]) Projet de loi (n° 1717) ratifiant l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023 (renvoyé à la commission des affaires économiques).

([8]) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023 (renvoyé à la commission des affaires économiques).

([9]) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023 (renvoyé à la commission des affaires économiques).

([10]) Le gabarit désigne l’ensemble des plans verticaux, horizontaux ou obliques constituant la forme extérieure de la construction. Il correspond concrètement au volume global du bâtiment, selon la définition donnée par le guide pratique relatif à la mise en œuvre de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 et à destination des services instructeurs élaborés par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages.

([11]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2023/9/14/TREL2321592P/jo/texte ).

([12]) L’article 6 prévoit que le cas échéant, la majoration ou la prolongation du délai d’instruction est notifiée sans délai au demandeur.

([13]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2023/9/14/TREL2321592P/jo/texte).

([14]) Le principe de l’allotissement des marchés publics emporte l’obligation légale de passer les marchés en lots séparés : il incombe aux acheteurs publics de déterminer le nombre, la taille et l’objet des lots. Formalisé à l’article L 2113-10 du code des marchés publics, cette règle fondamentale participe de la mise en œuvre du principe constitutionnel d’égal à l’accès à la commande publique.

([15]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2023/7/27/ECOM2320056P/jo/texte)

([16]) V de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

([17]) Article L. 5215-26 du code général des collectivités territoriales.

([18]) VI de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

([19]) La liste des dérogations à la périodicité des versements du FCTVA figure au premier alinéa du II de l’article L. 16515-6 du CGCT. D’après les données transmises par la DGCL, l’application des règles de droit commun conduit au versement des attributions du FCVTA en N+1 ou N+2, c’est-à-dire à un versement du FCTVA une année ou deux années après la réalisation de la dépense. Le régime ordinaire concerne la très grande majorité des bénéficiaires du FCTVA (soit près de 43 000 collectivités et groupements). Seuls 2 000 bénéficiaires reçoivent des attributions du FCTVA en année N. Ce régime particulier ne vaut que pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communes nouvelles, les métropoles issues de communauté d’agglomération, les communautés urbaines se substituant à une communauté d’agglomération, les établissements publics territoriaux et les collectivités bénéficiant de dérogations.

([20]) Aux termes du III de l’article L. 1111-10 du CGCT, le principe d’une participation minimale au financement des opérations d’investissement ne s’applique pas aux collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de la Martinique, de Mayotte, de Saint‑Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. L’article retient un seuil de participation minimale identique pour les projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine, sauf dérogation accordée par le représentant de l’État dans le département.

([21]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2023/9/14/TREB2321157P/jo/texte ).

([22]) Note du directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature aux préfets de région et préfets de département relative à l’accélération de la délivrance et de la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines, 16 octobre 2023.

([23]) Cf. Rapport (n° 1533) de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, juillet 2023, pp. 10-11.

([24]) Article 142 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique. L’article 6 du décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique a prolongé la dispense de publicité et de mise en concurrence pour ces marchés jusqu’au 31 décembre 2024.

([25]) Les auditions proposées aux associations représentatives des collectivités territoriales n’ont pu être organisées faute de réponse positive ou de disponibilité des élus dans des délais utiles à l’élaboration du présent rapport.

([26]) Comme précédemment observé, les guichets uniques chargés de recevoir et de transmettre aux services instructeurs les demandes d’autorisation d’urbanisme sont tenus d’identifier les demandes susceptibles de bénéficier des dispositions du régime dérogatoire de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 : suivant le guide méthodologique, la mention explicite dans le dossier de la soumission du projet aux règles de l’ordonnance permet d’en présumer l’application.

([27]) Centralis désigne une centrale d’achat public dont les prestations portent sur la rénovation et l’entretien du patrimoine immobilier. Créée en 2018 et possédant une forme associative, elle intervient dans le cadre fixé par l’article L.2113-2 du code de la commande publique.

([28]) Article 142 de la loi n° 2020-12525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (cf. supra. p.25).

([29]) Le code du patrimoine établit notamment, selon le statut des immeubles, la répartition des compétences entre les architectes en chef des monuments historiques, les architectes des Bâtiments de France, les autres architectes-urbanistes de l’État, les architectes du patrimoine et les architectes non spécialisés.

([30]) Le III de l’article L. 1615-6 du CGCT dispose que « [l]es dépenses éligibles en application de l’article L. 1615-1 réalisées par les bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et visant à réparer les dommages directement causés par des intempéries exceptionnelles reconnues par décret, et situés dans des communes ayant fait l’objet d’une constatation de l’état de catastrophe naturelle, ouvrent droit à des attributions du fonds l’année au cours de laquelle le règlement des travaux est intervenu ».

([31]) Aux termes de l’article L. 221-10 du code de la sécurité intérieure, « [l]’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».