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N° 2458

______

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’information
sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif,

 

 

 

ET PRÉSENTÉ

 

 

PAR Mmes BÉatrice DESCAMPS et Estelle FOLEST,

 

Députées.

 

——


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

première partie : L’enseignement supérieur privé à but lucratif : un secteur en pleine expansion, difficile à définir, caractérisé par une connaissance lacunaire des pouvoirs publics et un cadre juridique obsolète

I. un secteur en PLEINE EXPANSION

A. L’enseignement supÉrieur privÉ attire dÉsormais plus d’un quart des Étudiants

1. Une hausse spectaculaire des effectifs étudiants de l’enseignement supérieur privé

2. Une augmentation des effectifs proportionnellement plus importante dans le privé que dans le public depuis quelques années

3. Les rentrées universitaires 2021 et 2022 révèlent la forte croissance des effectifs du privé et la trajectoire déclinante de ceux du public

B. malgrÉ l’absence de donnÉes prÉcises, cette progression semble en grande partie portÉe par la croissance de l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif

1. Jusqu’à 15 % de la totalité des effectifs étudiants seraient actuellement inscrits dans le secteur privé lucratif

2. Une incertitude importante sur le nombre d’établissements du privé lucratif

II. un secteur difficile À identifier car non dÉfini en droit et mal connu des pouvoirs publics

A. comment dÉfinir l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif ?

1. Les notions de lucrativité et non-lucrativité ne sont pas définies par le cadre juridique de l’enseignement supérieur

a. La reconnaissance récente par les codes de l’éducation et du travail du caractère non lucratif de certains établissements d’enseignement supérieur privés

b. La notion de non-lucrativité est définie par le droit fiscal

c. Le contrôle par le ministère chargé de l’enseignement supérieur de la réalité du caractère non lucratif d’un établissement d’enseignement supérieur privé

2. Une proposition de définition : malgré ses limites, le statut juridique de l’établissement apparaît comme le seul critère opérationnel aisément identifiable pour déterminer le caractère lucratif d’un établissement

B. le secteur privÉ lucratif reste un « angle mort » de la connaissance de l’enseignement supÉrieur

1. L’enseignement supérieur privé lucratif : un objet non identifié par les pouvoirs publics

2. L’enseignement supérieur privé lucratif est un objet mal cerné par la recherche

C. UNE OBLIGATION DE PUBLICITÉ DU STATUT JURIDIQUE PEU RESPECTÉE et des systÈmes d’information n’intÉgrant pas la donnÉe du statut juridique

1. Pour les familles, une information déficiente

2. Au niveau des pouvoirs publics : l’absence de cartographie de l’enseignement supérieur privé lucratif rend impossible son suivi et obère la délivrance d’une information complète au public

a. Un secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif trop mal connu par les autorités ministérielles

b. L’identification des établissements d’enseignement : la base de recensement RAMSESE n’offre pas une vision exacte de la réalité de l’enseignement supérieur privé lucratif

c. Le système d’information d’identification des étudiants ne permet pas de connaître le statut juridique des écoles

III. un secteur caractérisé par la présence de quelques grands groupes et de « petites » entreprises indépendantes

A. Un secteur dominé par les grands groupes

B. des petites écoles à rayonnement souvent local subsistent

IV. Le cadre juridique applicable À l’enseignement supérieur privé À but lucratif

A. Les grands principes : un régime libéral qui consacre l’enseignement supérieur libre

1. « L’enseignement supérieur est libre »

2. Une liberté qui connaît quelques tempéraments

B. Un cadre statutaire complexe et des règles qui manquent de clarté, pour un régime déclaratif qui paraît obsolète et mal appliqué

1. Les établissements de l’enseignement supérieur privé à but lucratif peuvent correspondre à plusieurs formes statutaires prévues dans le code de l’éducation

a. La diversité des statuts

b. Un régime d’ouverture déclaratif assorti d’un certain nombre d’obligations

2. Les établissements d’enseignement supérieur à but lucratif peuvent aussi être des centres de formation des apprentis, dans les conditions prévues par le code du travail

3. Les règles prévues dans le code de l’éducation sont en grande partie obsolètes et peu appliquées

a. Des distinctions de statuts, sources de confusion et de comportements opportunistes

b. Des obligations déclaratives pas toujours respectées et peu contrôlées

c. Des contrôles a posteriori limités en droit et encore davantage en fait

4. La question des plaintes et des signalements

C. Différents mécanismes de reconnaissance des formations et des établissements, à la signification très variable

1. La reconnaissance des établissements par le ministère de l’enseignement supérieur

a. La qualification d’EESPIG : un haut niveau de reconnaissance, par nature exclu pour les établissements relevant du secteur privé lucratif

b. La reconnaissance des EETP : une reconnaissance a minima

2. La reconnaissance par le ministère de l’enseignement supérieur des formations délivrées par les établissements privés

a. Le visa et le grade : des procédures exigeantes qui garantissent la qualité académique et pédagogique des formations

b. Une minorité des formations relevant du secteur privé lucratif fait l’objet d’un grade ou d’un visa

3. La reconnaissance par le ministère du travail : les titres RNCP et la certification Qualiopi

a. L’inscription d’une formation au répertoire national des certifications professionnelles, une reconnaissance avant tout fondée sur l’insertion professionnelle

b. Qualiopi : une reconnaissance avant tout procédurale

deuxième partie : L’Essor de l’eNSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ À BUT LUCRATIF : des causes multifactorielles

I. UN enseignement supÉrieur public qui ne paraît pas en mesure de rÉpondre À la FORTE demande d’enseignement supÉrieur d’une partie de la jeunesse

A. de plus en plus de jeunes souhaitent prolonger leurs Études aprÈs le baccalaurÉat

B. L’enseignement supÉrieur public n’a pas absorbÉ la hausse des effectifs des Étudiants

II. la rÉforme de l’apprentissage a jouÉ un rôle majeur dans le dÉveloppement du secteur privÉ lucratif

A. La rÉforme de l’apprentissage

1. Une libéralisation du secteur portée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018

2. Des aides financières exceptionnelles, massives et sans précédent

3. Un système triplement gagnant

B. Une explosion de l’apprentissage dont le secteur lucratif a su particuliÈrement tirer parti

1. Une hausse sans précédent du nombre d’apprentis…

2. … largement portée par le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur

3. Le secteur privé lucratif dynamisé par l’apprentissage

C. un succÈs quantitatif indÉniable

III. des investissements publics et privés qui soutiennent la croissance du secteur

A. l’appui de bpifrance

B. DES investisseurs PRIVÉs attirés par un secteur rentable et résilient

IV. l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif : un enjeu important pour les territoires

A. L’INSTALLATION de l’enseignement supÉrieur privÉ lucratif : une réponse aux besoins de développement local mais une demande de régulation

1. L’implantation d’établissements d’enseignement supérieur revêt d’indéniables avantages pour les collectivités d’accueil

2. La volonté des communes : être mieux informées sur l’installation des écoles et leur qualité

B. une Concertation entre les collectivitÉs qui peine À freiner la logique concurrentielle

1. Les outils de planification et de concertation entre collectivités n’intègrent pas réellement le secteur privé lucratif

2. Des collectivités en ordre dispersé face aux stratégies des écoles privées

V. Un marketing commercial efficace, offensif et parfois trompeur

A. Des moyens considérables

B. une conquête du marché qui joue sur le sentiment d’incertitude et les craintes des jeunes face à leur avenir

1. De l’« exploitation émotionnelle » à la réussite professionnelle garantie : un marketing qui fait ses preuves

2. Le « Parcoursup bashing »

C. un monde de réussite et d’« enchantement » par opposition au public présenté comme un contre modèle

1. L’accompagnement personnalisé, l’expérience étudiante, l’ambiance « campus »

2. Une formation « professionnalisante » qui promet un emploi rapide et bien rémunéré

D. des outils de communication multiples qui ciblent particulièrement les jeunes issus des classes populaires

1. Des canaux de diffusion variés

2. Le cas des salons étudiants : une vitrine pour les formations privées lucratives

a. Les formations privées lucratives sont surreprésentées dans les salons étudiants

b. Le rôle des pouvoirs publics en question

3. Des jeunes issus des classes populaires réceptifs et moins bien armés pour s’orienter

troisième partie : des dysfonctionnements nombreux qui appellent la mise en place d’une stratégie de régulation du secteur

I. des dysfonctionnements nombreux

A. un problème central de lisibilité

1. La « jungle » des diplômes et des formations

2. La confusion autour des appellations et de la mention « reconnu par l’État »

a. Une confusion généralisée autour des intitulés des formations proposées

b. La mention « reconnaissance par l’État » recouvre des situations extrêmement variées

B. la qualité des formations non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur en question

1. Les limites et difficultés posées par les titres RNCP

2. Les limites et difficultés posées par Qualiopi

3. Une mission de contrôle pédagogique lacunaire

4. L’absence de contrôle des diplômes d’établissement

C. des dérives récurrentes bien que non généralisées

1. Des dérives rendues possibles par la régulation insuffisante du secteur et la mauvaise identification d’organes de contrôle aux compétences par ailleurs limitées : une protection du consommateur perfectible

a. Une autorégulation défaillante du secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif

b. Un cadre juridique de protection de l’étudiant éclaté entre une pluralité d’acteurs aux compétences limitées et des interlocuteurs insuffisamment identifiés

2. Les dérives observées : de l’information fallacieuse à l’escroquerie caractérisée

a. Une tentative de typologie des dérives des établissements

b. La question des frais de scolarité : des sujets de litige variés

c. Les problématiques des fermetures d’écoles et des « écoles fantômes » : mauvaise gestion et escroquerie

D. des risques sociétaux

1. Le risque de l’inadéquation de l’offre avec la demande et les besoins du pays

2. Les incertitudes autour de l’endettement étudiant

II. construire une véritable stratégie de régulation du secteur

A. un préalable essentiel : améliorer la connaissance du secteur

B. renforcer la lisibilité et la transparence des formations

1. Clarifier les appellations et les intitulés des formations proposées

2. Distinguer clairement les diplômes visés et gradés reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur des certifications reconnues par le ministère du travail

3. La question d’une plateforme unique d’information recensant l’ensemble de l’offre de formation

4. Renforcer la lisibilité sur Parcoursup

5. Mettre en place une carte d’identité des formations

6. Objectiver la mesure de l’insertion professionnelle

7. Former les prescripteurs d’orientation et encadrer davantage l’organisation des salons étudiants

C. instaurer un véritable contrôle de la qualité pédagogique des formations délivrées par le secteur privé lucratif

1. La piste d’un nouveau label explorée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

2. Mettre en place une véritable évaluation de la qualité pédagogique des titres RNCP

3. Réguler la « location » de titres et les « titres RNCP parapluies »

D. simplifier et moderniser le cadre juridique

E. l’enseignement supérieur n’est pas un service marchand comme un autre : encadrer la relation contractuelle

1. Mieux protéger l’étudiant dans le cadre de la relation contractuelle

2. Instituer un médiateur pour l’enseignement supérieur privé

F. Lutter contre la fraude et les pratiques illégales

1. Accroître les contrôles de la DGCCRF et leur portée

2. Garantir le respect de l’obligation de publication des comptes

Travaux de la commission

liste des recommandations

Liste des personnes entendues par les rapporteures

annexes

Annexe n° 1 :  conditions de rÉmunÉration des dirigeants des Établissements sous statut associatif À but non lucratif

Annexe n° 2 :  Le rÉseau consulaire

Annexe n° 3 :  nombre d’Écoles et d’étudiants de quelques groupes d’enseignement supérieur privÉ À but lucratif

Annexe n° 4 :  PrÉsentation de quelques grands groupes  d’enseignement supÉrieur privé À but lucratif

ANNEXE N° 5 : ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS MEMBRES DE GRANDES ÉCOLES SOUS STATUT COMMERCIAL ET/OU APPARTENANT À DE GRANDS GROUPES D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

annexe n° 6 :  RÉcapitulatif des régimes dÉclaratifs applicables pour les Établissements d’enseignement supÉrieur privés (EESP) et les Établissements d’enseignement technique privÉs (EETP)

Annexe n° 7 :  L’information sur la reconnaissance par l’État des Établissements et des diplÔmes : l’absence de liste consolidÉe

 


 

   introduction

Plus d’un quart des étudiants suivent aujourd’hui leurs études supérieures dans un établissement privé. Ce chiffre est en constante augmentation depuis plusieurs années. La part du secteur privé au regard des effectifs d’étudiants est ainsi passée de 15 % dans les années 1990-2000 à plus de 26 % en 2024 ([1]).  

L’enseignement supérieur privé englobe des réalités très diverses. Aux établissements traditionnels – facultés libres, instituts catholiques, établissements consulaires –, s’ajoutent désormais de nouveaux acteurs, appartenant au secteur dit à but lucratif. Ces derniers recouvrent eux-mêmes une diversité importante mais ont généralement pour point commun de proposer des formations « professionnalisantes » relevant du secteur tertiaire, mettant l’accent sur les compétences opérationnelles et le lien avec le monde de l’entreprise. Sans qu’il soit possible d’avancer une statistique précise, on peut estimer qu’environ la moitié des étudiants du privé suivent leurs études dans un établissement relevant du secteur privé à but lucratif, soit au total plus d’un étudiant sur dix.

L’essor du secteur privé lucratif dans l’enseignement supérieur depuis les années 2015-2020 plus particulièrement est le résultat d’une conjonction de facteurs. Outre l’attrait propre aux formations proposées, l’incapacité de l’enseignement public à absorber un public étudiant toujours plus nombreux, le niveau et le dynamisme des investissements publics et privés consentis, mais également le développement de l’apprentissage, ont joué un rôle déterminant en la matière. Le succès sans précédent de la politique de l’apprentissage lancée en 2018 s’est accompagné d’une vitalité nouvelle des établissements privés lucratifs, qui ont su tirer parti de cette opportunité. Ainsi, selon le ministère du travail, un apprenti sur quatre dans le post-bac effectue sa formation dans un établissement privé lucratif ([2]).

Désignées par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation en juillet 2023, les rapporteures Béatrice Descamps et Estelle Folest ont conduit pendant près de sept mois une mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif, dont le présent rapport propose une restitution. Les rapporteures ont mené plus de quarante auditions et tables rondes à l’Assemblée nationale, qui leur ont permis d’entendre les administrations centrales et déconcentrées compétentes, les représentants de l’enseignement supérieur dans sa diversité (public, privé non lucratif, privé lucratif), les représentants des personnels enseignants des différents secteurs, les associations étudiantes, les représentants de parents d’élèves, les représentants des collectivités territoriales, la Cour des comptes, l’inspection générale des finances, etc. Loin de toute posture idéologique, les rapporteures se sont attachées tout au long des travaux de la mission à se placer du point de vue des étudiants et de leurs familles, pour mieux comprendre les difficultés qu’ils peuvent rencontrer et déterminer les voies et moyens d’y remédier.

Ces travaux conduisent d’abord à dresser le constat suivant : alors qu’il occupe désormais une part significative dans l’offre de formations supérieures, l’enseignement supérieur privé à but lucratif reste un secteur largement méconnu, et même non défini, par les pouvoirs publics. Au cours de leurs travaux, les rapporteures se sont ainsi heurtées à la difficulté à définir précisément l’enseignement supérieur privé à but lucratif et au manque de données publiques en la matière. Il n’existe en effet aucune définition juridique de l’enseignement supérieur privé à but lucratif et les outils statistiques du ministère ne permettent qu’un suivi très partiel du secteur, alors que des centaines de milliers d’étudiants sont concernés.

L’un des enjeux centraux à cet égard est celui du type de reconnaissance et de contrôle attaché à ces formations. Certaines des formations proposées peuvent faire l’objet d’une reconnaissance par le ministère de l’enseignement supérieur à travers un grade ou un visa, ce qui suppose un contrôle exigeant du ministère ainsi qu’un adossement des formations à la recherche. Néanmoins, ce cas de figure est minoritaire. Les formations proposées par le secteur privé lucratif correspondent, pour nombre d’entre elles, à une certification professionnelle inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) piloté par le ministère du travail. L’inscription d’un titre au RNCP suppose un certain nombre de contrôles effectués par France compétences, mais ces derniers n’apportent que trop peu de garanties sur le plan de la qualité pédagogique des formations. En outre, l’obtention d’une certification RNCP ne garantit ni la poursuite d’études ni l’accès aux bourses sur critères sociaux du ministère de l’enseignement supérieur, ce dont trop peu d’étudiants sont conscients.

Le développement de ce secteur suscite un certain nombre de préoccupations et d’inquiétudes qui se sont exprimées au cours des auditions conduites par les rapporteures. Ces préoccupations sont formulées par certaines autorités publiques et associations, mais également par les acteurs traditionnels de l’enseignement supérieur privé non lucratif, qui pâtissent du manque de lisibilité globale ainsi que de la concurrence jugée déloyale des établissements privés lucratifs dont ils déplorent l’absence de contrôle pédagogique.

Le présent rapport met en avant trois difficultés centrales du système actuel :

 un problème d’intelligibilité, de lisibilité et de transparence du paysage de l’enseignement supérieur : ce dernier s’est prodigieusement complexifié ces dernières années du fait de la multiplication des acteurs et des dénominations des formations proposées. Pour l’année 2024, Parcoursup propose et répertorie environ 23 000 formations. Ce nombre n’est pas exhaustif puisque beaucoup d’offres ne figurent pas sur la plateforme. Ces dernières ne sont aujourd’hui quantifiées ni par le ministère de l’enseignement supérieur ni par le ministère du travail. Au total, la multiplication des labels et les différentes formes de reconnaissance existantes auxquels correspondent autant d’intitulés rendent le système illisible pour l’usager ;

– un problème de contrôle de la qualité pédagogique des formations non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur. L’absence de contrôle pédagogique et scientifique de la grande majorité des formations proposées par l’enseignement supérieur privé lucratif pose une difficulté d’autant plus aiguë s’agissant des formations en apprentissage qui bénéficient du soutien financier de la puissance publique – on peut rappeler à cet égard que le total des dépenses publiques consacrées à l’apprentissage est aujourd’hui estimé à environ 16,8 milliards d’euros par la Cour des comptes ([3]) ;

 des dérives préoccupantes qui témoignent de l’absence de régulation du secteur privé lucratif et d’une protection insuffisante de l’étudiant-consommateur. Les alertes en la matière, qui vont de l’information lacunaire à des cas d’escroquerie en passant par des faillites au milieu de l’année universitaire, semblent se multiplier. Les enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) font état de nombreuses pratiques illégales, tandis que la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a également relayé ces problématiques dans son dernier rapport annuel.

En 1875, le législateur consacrait l’enseignement supérieur privé libre, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel. Aux yeux des rapporteures, ce principe de liberté doit être conservé et défendu. Mais le cadre juridique actuel est obsolète et impuissant à prévenir les dérives évoquées. Il apparaît donc primordial de renforcer les garde-fous, dans le double intérêt des étudiants et de l’avenir de la Nation.

Les rapporteures formulent 22 recommandations en ce sens, qui sont autant de pistes pour bâtir une nouvelle stratégie de régulation du secteur au service des étudiants, de leurs familles et de l’intérêt général. Elles s’articulent autour des grands axes suivants :

– améliorer la connaissance du secteur ;

– renforcer la lisibilité et la transparence des formations, de leur contenu et de leur valeur ;

– instaurer un véritable contrôle de la qualité pédagogique des formations proposées par le secteur privé lucratif ;

– simplifier et moderniser le cadre juridique ;

– mieux protéger l’étudiant dans sa relation contractuelle avec son établissement d’enseignement ;

– et renforcer les moyens déployés pour mieux lutter contre la fraude et les pratiques illégales.

 


   première partie :
L’enseignement supérieur privé à but lucratif : un secteur en pleine expansion, difficile à définir, caractérisé par une connaissance lacunaire des pouvoirs publics et un cadre juridique obsolète

Il faut d’abord partir d’un constat : le secteur de l’enseignement supérieur privé, longtemps marginal et concentré sur certains segments, n’a cessé de croître et de se diversifier depuis une quinzaine d’années, tant en France qu’à l’étranger. Au cours des précédentes décennies, l’enseignement supérieur privé avait connu un développement moins rapide en France que dans d’autres pays ; la qualité de l’enseignement public associée à la modicité des frais d’inscription expliquaient en partie ce décalage. Mais depuis quelques années, le développement du secteur privé est remarquable dans notre pays ; la hausse des effectifs étudiants en témoigne.

Malgré ce constat, une large part de ce secteur privé, aux opérateurs très hétérogènes, dotés de statuts juridiques différents, reste en grande partie mal connue de la puissance publique, dont les outils de pilotage et d’information apparaissent nettement insuffisants.

Contrairement à d’autres pays ([4]), qui distinguent les établissements selon leur caractère lucratif ou non lucratif, en France, l’enseignement supérieur privé à but lucratif n’entre pas dans une catégorie claire prévue en droit, mais dans le cadre plus général prévu pour l’enseignement supérieur privé, lequel apparaît aujourd’hui obsolète, illisible et mal adapté aux spécificités du secteur.

De fait, le critère de la finalité financière des établissements privés ([5]) (lucratif contre non lucratif) peine à émerger tant en droit qu’au niveau du pilotage des politiques publiques. L’absence d’un outil de recensement des établissements d’enseignement supérieur privés, comprenant a minima l’information quant à leur nature juridique, est à cet égard très révélatrice.

Cette méconnaissance de cet objet par les politiques publiques est de plus en plus problématique, dans un contexte marqué depuis quelques années par une très forte expansion du secteur privé lucratif.

À cet égard, la première partie du présent rapport vise à :

– décrire l’expansion du secteur privé lucratif ;

 en proposer une définition aujourd’hui inexistante en droit ;

 présenter les principales caractéristiques du secteur et des groupes qui le composent ;

 rappeler le cadre juridique applicable tout en montrant ses limites.

I.    un secteur en PLEINE EXPANSION

Plus d’un étudiant sur quatre est désormais inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur privé. La forte croissance du nombre d’étudiants à partir des années 2000 a en effet essentiellement profité à l’enseignement privé. Au cours de la décennie 2010‑2020, les effectifs post-bac ont globalement augmenté de 600 000 étudiants et le secteur privé en a absorbé presque la moitié. La part du secteur privé est ainsi passée de 15 % dans les années 1990-2000 à près de 20 % en 2015 pour atteindre 26,1 % des effectifs d’étudiants en 2024. Cette hausse reflète en grande partie l’essor du secteur privé lucratif.

A.   L’enseignement supÉrieur privÉ attire dÉsormais plus d’un quart des Étudiants

À la rentrée universitaire 2022, l’enseignement supérieur privé regroupait 766 800 des 2 935 000 étudiants, soit 26,1 % des effectifs. Une hausse qui s’est nettement confirmée lors des rentrées scolaires 2022 et 2023.

Même s’il n’est pas possible, en l’état actuel des connaissances statistiques, de déterminer le nombre exact des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur privé lucratif, il ne fait guère de doute pour les rapporteures que la croissance globale des effectifs dans l’ensemble de l’enseignement privé profite en majeure partie au secteur lucratif. C’est en tout cas ce que l’ensemble des auditions ont montré.

1.   Une hausse spectaculaire des effectifs étudiants de l’enseignement supérieur privé

La dernière ligne du tableau suivant (tableau n° 1) montre la trajectoire haussière de l’enseignement supérieur privé lucratif jusqu’à la rentrée universitaire 2021, avec une dynamique forte depuis la rentrée 2017.


 

Tableau n° 1 : nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur depuis 1960

(en milliers)

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ([6]).

La part des effectifs d’étudiants dans les établissements privés de l’enseignement supérieur est passée d’environ 13 % dans les années 1990 à plus de 26 % à la rentrée universitaire 2022, soit plus d’un étudiant sur quatre désormais. Longtemps stabilisée autour de 13 %, un premier « bond » quantitatif de l’enseignement supérieur privé est observé à la fin de la décennie 2000 où le privé représente 19 % des étudiants, taux qui n’a que légèrement progressé jusqu’à la rentrée 2016, pour atteindre 19,74 %. La barre des 20 %, soit un étudiant sur cinq inscrit dans le privé, est franchie à la rentrée universitaire de 2017.

Depuis 2015, la hausse des effectifs étudiants dans le privé est constante, comme en témoignent les tableaux ci-dessous.


Tableau n° 2 : les effectifs étudiants dans les établissements privés par rentrée universitaire et évolution annuelle

(en valeur absolue et en %)

Rentrée

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Effectifs étudiants

435 700

446 900

461 200

471 400

479 500

478 200

en %

18,59 %

19,02 %

19,34 %

19,47 %

19,39 %

19,07 %

Nombre d’étudiants supplémentaires

 

+11 200

+14 300

+10 200

+8 100

-1 300

Taux évolution annuelle

 

+2,57%

+3,20%

+2,21%

+1,72%

-0,27%

 

Rentrée

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Effectifs étudiants

492 000

516 600

565 700

590 100

617 200

670 100

en %

19,14 %

19,74 %

21,03 %

21,42 %

21,99 %

23,14 %

Nombre d’étudiants supplémentaires

+13 800

+24 600

+49 100

+24 400

+27 100

+52 900

Taux évolution annuelle

+2,89 %

+5,00 %

+9,50 %

+4,31 %

+4,59 %

+8,57 %

 

Rentrée

2021

2022

Effectifs étudiants

736 800

766 800

en %

24,82 %

26,13 %

Nombre d’étudiants supplémentaires

+66 700

+30 000

Taux évolution annuelle

+9,95 %

+4,07 %

Source : mission d’information.

2.   Une augmentation des effectifs proportionnellement plus importante dans le privé que dans le public depuis quelques années

Depuis 2015, le rythme de croissance des inscriptions dans l’enseignement privé a toujours été supérieur à celui observé dans l’enseignement public. Les comparaisons avec des périodes antérieures sont parlantes.

De 1990 à 2000, sur une croissance d’effectifs étudiants d’environ 443 000, le secteur public en absorbe presque 90 % ([7]). Sur la période 2011-2016, sur les 355 000 étudiants supplémentaires, seul un nouvel étudiant sur cinq environ (soit 76 500) rejoint le privé, 78 % intégrant le public.

La tendance s’inverse à partir de la rentrée scolaire 2017. Entre 2017 et 2021, alors qu’on enregistre une croissance de la population estudiantine à hauteur d’un peu plus de 350 000 étudiants, le privé absorbe plus de 220 000 étudiants, soit 63 % d’entre eux, et le public environ 130 000, soit presque 37 %.

Dans le détail, à la rentrée 2017, sur 72 500 étudiants supplémentaires, 49 000 s’orientent vers le privé, soit plus de 68 % ; la rentrée 2021 est encore plus marquante puisque presque 91 % des nouveaux étudiants (66 700 sur 73 400) rejoignent le privé.

Au final, sur un peu plus de dix ans (de la rentrée 2010 à celle de 2022), les inscriptions dans le privé ont augmenté de presque 72 %, contre 11 % dans le public. En valeur absolue, le secteur privé a absorbé près de la moitié de la croissance des effectifs d’étudiants depuis 2011 ([8]).

La comparaison des taux de croissance annuels entre les effectifs de l’enseignement public et ceux de l’enseignement privé ([9]) mettent en évidence le décrochage du secteur public :

– pour la période 2011-2015, les taux d’évolution des effectifs annuels sont relativement proches entre le public et le privé, oscillant, selon les années, entre 1,1 % et 2,2 % pour le public, et entre 1,7 % et 3,2 % pour le privé ;

– pour la période 2016-2020 en revanche, le fossé se creuse : si les taux d’évolution des effectifs du secteur public sont relativement stables, entre 1,10 % et 1,90 % selon les années, ceux du privé s’envolent, de 4,3 % à 9,5 %.

Les deux rentrées de 2021 et 2022 sont à cet égard encore plus révélatrices de l’écart qui s’est installé entre les secteurs public et privé ([10]).

3.   Les rentrées universitaires 2021 et 2022 révèlent la forte croissance des effectifs du privé et la trajectoire déclinante de ceux du public

À la rentrée scolaire 2021, le secteur privé accueille presque 25 % des effectifs d’étudiants. Ces derniers continuent d’augmenter (+ 2,5 %, soit 73 400 étudiants de plus qu’en 2020), mais l’écart se creuse considérablement entre les secteurs privé (+ 10 % de hausse annuelle) et public (+ 0,30 %). En valeur absolue, on dénombre 66 700 étudiants supplémentaires dans le privé pour environ dix fois moins dans le public. L’écart n’a alors jamais été aussi grand.

À la rentrée 2022, et pour la première fois depuis 2007, l’ensemble des effectifs étudiants supplémentaires connaît une baisse par rapport à l’année précédente (– 1,5 %, soit – 43 900 étudiants ([11])). Mais cette tendance ne se traduit pas de la même manière dans le secteur privé – où les effectifs augmentent – et dans le secteur public, où ils enregistrent une diminution (– 3,1 %) ([12]).

Projection pour l’année 2023-2024

Selon le ministère chargé de l’enseignement supérieur, la tendance à la baisse des effectifs étudiants dans l’enseignement supérieur, constatée en 2022-2023, devrait se confirmer pour la rentrée 2023-2024, à hauteur de – 0,5 %, mais de façon plus modérée qu’en 2022.

Les pertes d’effectifs à l’université seraient en partie compensées par des hausses dans les établissements privés, sans que la donnée pour l’enseignement supérieur privé soit disponible à ce stade (1).

(1) Note flash SIES « Prévisions des effectifs dans l’enseignement supérieur – Rentrées 2023 et 2024 », n° 23, octobre 2023. « Les données concernant les inscriptions pour l’année scolaire 2023-2024 et à date de référence du 15 janvier 2024 sont en cours de collecte et seront disponibles à l’été 2024 » (contribution écrite du ministère chargé de l’enseignement supérieur, sous-direction des Systèmes d’information et études statistiques).

B.   malgrÉ l’absence de donnÉes prÉcises, cette progression semble en grande partie portÉe par la croissance de l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif

1.   Jusqu’à 15 % de la totalité des effectifs étudiants seraient actuellement inscrits dans le secteur privé lucratif

En la matière, les données disponibles varient presque du simple au double, sans que les outils statistiques à disposition permettent d’en garantir la fiabilité.

Selon les données du ministère chargé de l’enseignement supérieur, le privé lucratif représenterait a minima 8 % de la population étudiante totale. Le tableau n° 4 ci-dessous indique un effectif de 226 000 étudiants inscrits dans les écoles sous statut de sociétés commerciales, structures à but lucratif (contrairement aux « associations » et aux « organismes consulaires », qui sont à but non lucratif). Même en y ajoutant les 11 000 étudiants de la catégorie « Autres », on obtient un effectif de 237 000 personnes, soit environ 8 % des effectifs totaux d’étudiants.

Les rapporteures estiment cette donnée largement sous-estimée. D’autres évaluations font par ailleurs état de taux aux alentours de 15 %.

Jean-Philippe Ammeux, à qui la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) du ministère chargé de l'enseignement supérieur avait confié une mission sur l’enseignement supérieur privé lucratif en octobre 2022, estime en effet les effectifs du privé lucratif à environ 15 % de la totalité des étudiants, soit presque 450 000 étudiants (sur les 767 000 étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur privé). Le président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) évoque un ordre de grandeur proche, autour de 400 000 jeunes. Environ la moitié des étudiants de l’enseignement supérieur privé pourraient donc être inscrits dans le secteur dit lucratif.

2.   Une incertitude importante sur le nombre d’établissements du privé lucratif

Lors de son audition par les rapporteures, la sous-directrice des Systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du ministère chargé de l’enseignement supérieur a admis ne pas disposer, à défaut d’outil statistique adapté, de données précises et fiables quant au nombre d’établissements privés répartis selon leur nature juridique.

L’outil du SIES (cf. tableau n° 3 ci-dessous), fondé sur l’immatriculation UAI ([13]) des établissements (elle-même incomplète) et d’un panel d’enquêtes, ne renseigne pas la nature juridique des écoles.

Selon ce tableau, 3 137 établissements d’enseignement privés ([14]), sans distinction de leur nature juridique, accueillaient à la rentrée 2022 les 767 000 étudiants suivant une formation post-bac. Si on retire les sections de technicien supérieur (STS) et/ou classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) intégrées dans 859 lycées, on obtient un chiffre de 2 278 établissements privés d’enseignement supérieur, dont une catégorie « Autres », de loin la plus importante (1 322), ne fournit par nature aucun type d’information quant au profil de l’établissement.



TABLEAU N° 3

Un autre outil de collecte de données (voir le tableau n° 4 ci-dessous) – construit à partir d’un croisement entre les bases mentionnant le numéro d’immatriculation des établissements UAI et celles mentionnant les numéros SIREN actifs et valides (base Sirene ([15])) – permet de distinguer les statuts associatifs et commerciaux des structures mais est, d’après le SIES lui-même, incomplet.

Selon le tableau ci-après, le nombre d’établissements privés, tous statuts confondus, s’élèverait a minima à 2 656.

TABLEAU N° 4 : nombre d’établissements d’enseignement supérieur privés par catégorie juridique

Source : ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche / SIES.

Quoiqu’incomplet, ce tableau fournit quelques renseignements utiles, dont l’intérêt doit cependant être relativisé compte tenu de son degré d’imprécision ([16]) :

– la majorité (56 %) des établissements privés seraient sous statut associatif, donc réputés à but non lucratif ;

– un peu plus du tiers (36 %) relèveraient d’un statut de société commerciale, soit à but lucratif ;

– 151 établissements, soit moins de 6 %, seraient des organismes consulaires (sans mention de leur statut juridique exact ([17])). Ce chiffre est proche de celui indiqué par la tête de réseau des chambres de commerce et d’industrie en France, CCI France.

Au vu des limites des outils actuels, les données disponibles restent parcellaires, ce qui ne permet ni d’évaluer exactement le volume actuel du privé lucratif ni, pour l’avenir, de connaître ses trajectoires de croissance.

Les rapporteures regrettent l’imprécision de l’outillage statistique qui ne permet pas d’identifier le caractère lucratif ou non lucratif des établissements. Au-delà, un tel constat conduit à s’interroger sur le degré d’exactitude des données portant sur le nombre total d’étudiants dans l’enseignement supérieur privé.

II.   un secteur difficile À identifier car non dÉfini en droit et mal connu des pouvoirs publics

En 2013, le législateur a souhaité reconnaître, au travers d’un contrat, le caractère non lucratif de certains établissements, en créant le statut spécifique des établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG), lesquels sont soumis à un contrôle et une évaluation qualitatifs de l’État. Ce statut permet d’amorcer une définition de l’enseignement privé non lucratif.

À l’inverse, l’enseignement supérieur privé lucratif demeure un secteur non défini et encore largement méconnu des autorités ministérielles qui n’ont fait évoluer ni le cadre juridique, ni les outils statistiques et documentaires, qui permettraient de mieux cerner la réalité de ce secteur.

A.   comment dÉfinir l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif ?

Pour être en mesure d’apprécier la réalité de l’enseignement supérieur privé lucratif en France, notamment dans sa dimension quantitative, il est indispensable au préalable d’adopter une définition partagée du périmètre que recouvre ce segment de l’enseignement supérieur.

Les auditions ont confirmé la difficulté d’élaborer une définition, en raison de la diversité des statuts juridiques et de l’imbrication des différents critères permettant de distinguer ce qui relève de l’activité commerciale lucrative de ce qui relève du secteur marchand non lucratif.

1.   Les notions de lucrativité et non-lucrativité ne sont pas définies par le cadre juridique de l’enseignement supérieur

La lucrativité se définit comme étant la recherche d’un profit, dans un but d’enrichissement, comme objectif principal ([18]). Contrairement aux États-Unis, le modèle français de l’enseignement supérieur privé ne s’est pas structuré autour de ce critère du profit.

C’est pourquoi, actuellement, aucune disposition normative de l’enseignement supérieur ne vient définir expressément la lucrativité d’un établissement d’enseignement supérieur privé, ce qui donne lieu à différentes interprétations, chacun appréciant à sa façon le comportement de l’établissement sur le marché de l’enseignement supérieur.

A contrario, le caractère non lucratif d’un établissement est mieux cadré juridiquement, avec des critères précis dégagés par le droit fiscal et la jurisprudence, et une reconnaissance, certes tardive et limitée, du concept par le droit applicable aux établissements d’enseignement supérieur.

a.   La reconnaissance récente par les codes de l’éducation et du travail du caractère non lucratif de certains établissements d’enseignement supérieur privés

Alors que le caractère non lucratif est identifié par le droit commun depuis longtemps, avec la loi de 1901 sur les associations ([19]) et le droit fiscal, la distinction entre la lucrativité et la non-lucrativité dans le champ de l’enseignement supérieur privé est expressément apparue dans le code de l’éducation avec la loi dite Fioraso du 22 juillet 2013 ([20]). Est créée à cette occasion une qualification d’EESPIG au bénéfice, comme le précise la loi, des seuls établissements « à but non lucratif », concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur ([21]).

Le statut d’EESPIG

La loi « Fioraso » de 2013 a créé le statut d’EESPIG, dont les contours sont fixés dans le code de l’éducation aux articles L. 732-1 à L. 732-3.

La mise en place des EESPIG peut être analysée comme le prolongement au supérieur du principe de contractualisation existant dans le primaire et le secondaire. Il convient de rappeler que ce type de contractualisation existe depuis 1984 pour ce qui concerne les relations entre les établissements agricoles privés et le ministère de l’agriculture. Le statut d’EESPIG dépend d’un double critère, le premier tenant à la finalité d’intérêt général, et le second étant relatif au statut de l’établissement, qui doit nécessairement être non lucratif .

Ainsi, en vertu de l’article L. 732-1 du code de l’éducation, des établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif, concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur peuvent, à leur demande, être reconnus par l’État en tant qu’établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, après avis du comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé.

Il est précisé que ne peuvent obtenir la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général que les établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif créés par des associations ou des fondations reconnues d’utilité publique ou des syndicats professionnels.

Les contrats pluriannuels prévoient, sous réserve du respect des lois de finances, les modalités de soutien de l’État et les engagements de l’établissement en contrepartie. Les premiers contrats peuvent être signés pour une durée comprise entre un et cinq ans. Le renouvellement – pour cinq ans – passe par une évaluation du Hcéres (article D. 732-4 du code de l’éducation).

 

Plus précisément, l’article L. 732-2 du code de l’éducation relatif aux EESPIG ([22]) associe le caractère non lucratif d’un établissement à une gestion désintéressée au sens de l’article 261 du code général des impôts (d du 1° du 7). Sont notamment examinées, pour qu’un établissement puisse obtenir la qualification d’EESPIG, les conditions d’indépendance de gestion, qui déterminent le caractère non lucratif ([23]).

Pour sa part, l’article L. 6241-5 du code du travail, introduit par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (LCAP) du 5 septembre 2018 ([24]), reconnaît également le caractère non lucratif d’établissements privés d’enseignement supérieur, mais sans définir cette notion ni renvoyer à une autre disposition explicite pour sa définition.

La non-lucrativité au sens de l’article L. 6241-5 du code du travail est mentionnée mais pas définie

L’article L. 6241-5 du code du travail liste les différentes catégories d’établissements d’enseignement scolaire et supérieur et de formation habilités à percevoir le solde de la taxe d’apprentissage.

Contrairement à certaines catégories d’établissements qui sont organiquement aisément identifiables ou définis par la loi (1), les établissements privés relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ou leurs groupements agissant pour leur compte (2) nécessitent d’être identifiés au cas par cas, au regard de leur caractère lucratif ou non lucratif supposé ou avéré. Cela implique, par conséquent, d’être en mesure de déterminer la non-lucrativité par l’examen de différents critères.

(1) Voir l’article L. 6241-5 du code du travail. Par exemple : les établissements publics d’enseignement du second degré ; les établissements d’enseignement privés du second degré gérés par des organismes à but non lucratif et qui remplissent certaines conditions (contrat avec l’État, habilitation à recevoir des boursiers nationaux, reconnaissance par l’État) ; les établissements publics d’enseignement supérieur ; les établissements gérés par une chambre consulaire et les établissements d’enseignement supérieur consulaire ; les écoles de la deuxième chance ; les écoles de production, etc.

(2) Une instruction interministérielle du 8 janvier 2024 est venue apporter une précision quant aux groupements : « pour qu’un groupement soit habilité, il ne doit être constitué que d’établissements eux-mêmes potentiellement habilitables à percevoir le solde de la taxe d’apprentissage » ; désormais, tant le groupement que les établissements qui le composent doivent satisfaire aux conditions de non-lucrativité.

Seul le droit fiscal, actuellement, précise les critères de la non-lucrativité des activités commerciales, en particulier celui de la gestion désintéressée.

b.   La notion de non-lucrativité est définie par le droit fiscal

À côté des entreprises commerciales dont la finalité première est la recherche d’un profit, un marché ouvert comprend aussi des structures dont le profit n’est pas l’objectif. Ces structures sont alors réputées à but non lucratif. L’activité lucrative ne constituant pas l’ensemble de l’activité marchande, un organisme privé non-lucratif dispose du droit de vendre des biens et services (secteur marchand), dès lors que la finalité ne consiste pas à tirer un profit individuel des bénéfices réalisés.

Afin de déterminer si un organisme réputé à but non lucratif exerce effectivement une activité non lucrative ([25]), le droit fiscal s’appuie sur l’examen de différents indices, le premier étant la « gestion désintéressée » (articles 261 et 242 C du code général des impôts), puis la situation de l’organisme au regard de la concurrence avec des entreprises lucratives du même secteur d’activité ([26]).

Le premier indice de la gestion désintéressée réside dans le bénévolat des dirigeants de l’association ([27]), qui doivent n’avoir aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation. Cependant, dans un secteur marchand fortement concurrentiel, y compris au niveau international, comme c’est le cas de l’enseignement supérieur privé, le bénévolat reste exceptionnel.

La loi prévoit donc la possibilité d’une rémunération des dirigeants, mais soumise à des conditions strictes, notamment en termes de plafonnement, qui déterminent le caractère lucratif ou non lucratif de l’activité exercée (voir annexe n° 1). Deux autres conditions sont également nécessaires : l’absence de redistribution directe ou indirecte de bénéfices, et l’interdiction pour les membres de l’organisme de posséder une part des actifs ; toute distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit, est proscrite.

Si la gestion désintéressée est avérée au regard de tous les critères mentionnés, le droit fiscal examine les indices liés à la concurrence. Les conditions de concurrence avec les entreprises commerciales lucratives, la disponibilité des produits, les publics visés par l’activité, les prix affichés différents du secteur concurrentiel, les éléments de communication externe, etc. sont autant d’éléments à prendre en considération pour apprécier la non-lucrativité initialement présumée.

Cependant, ainsi que le souligne un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR) de 2015 ([28]), ces critères ne sont pas toujours aisés à appréhender. Dans le champ de l’enseignement supérieur, il est manifeste que des établissements privés à la structure associative pourraient « être réintégrés dans le secteur lucratif, parce que […] leurs pratiques commerciales sont clairement concurrentielles, notamment par l’utilisation intensive de la publicité » ([29]). Il ressort en effet des auditions conduites par les rapporteures que, rapportés au nombre d’élèves inscrits, les budgets de communication de certains établissements privés sous format associatif, donc réputés à but non lucratif, équivalent voire dépassent les budgets d’écoles privées à but lucratif.

c.   Le contrôle par le ministère chargé de l’enseignement supérieur de la réalité du caractère non lucratif d’un établissement d’enseignement supérieur privé

Appuyé par le comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé, le ministère de l’enseignement supérieur vérifie, au regard des critères définissant la non-lucrativité, notamment la gestion désintéressée ([30]), si les conditions sont réunies pour délivrer ou renouveler la qualification d’EESPIG ([31]).

Dans ce cadre, suite à une décision ministérielle de refus du renouvellement de la qualification d’EESPIG, le juge administratif, saisi par l’établissement concerné, a été amené à rappeler ([32]) les différents critères matériels qui établissent le caractère non-lucratif (voir encadré ci-dessous).

La porosité entre deux structures d’un groupe d’enseignement – l’une à but non lucratif (formations initiales gérées par l’école sous statut d’EESPIG), l’autre dotée d’une structure commerciale (prestations de formation continue) –, les éléments de communication externe ainsi que l’absence de séparation des marques sont, parmi d’autres, au nombre des éléments déterminants pour apprécier la non-lucrativité d’un organisme. Le juge administratif considère que la qualité d’organisme à but non lucratif ne tient plus dès lors que, au sein d’un même groupe, la société commerciale, « organisme à but lucratif, profite de l’image de l’association à travers la marque » et que la communication indifférenciée sur le site internet, crée « une confusion, auprès du public, entre les deux structures, dont une seulement a le qualificatif d’intérêt général. » ([33])

Le contrôle par le juge administratif du caractère non lucratif d’un établissement d’enseignement supérieur privé : l’exemple de l’Institut supérieur du commerce (ISC)

Par arrêté du 8 juin 2016, le ministre chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a reconnu la qualification d’EESPIG à l’association Institut supérieur du commerce (ISC). La demande de renouvellement de cette qualification, arrivée à son terme le 31 décembre 2018, a été rejetée par une décision du 21 juin 2019, confirmée le 15 octobre 2019.

La décision ministérielle de refus du renouvellement, validée par le juge administratif (1), se fonde sur des éléments matériels qui attestent d’un défaut d’autonomie de la gouvernance et de non-lucrativité de l’association ISC :

– absence de séparation de propriété et d’utilisation des marques entre la structure lucrative et l’association, ce qui conduit à une utilisation indifférenciée de la marque ISC pour les formations gérées par l’association et pour celles gérées par la société commerciale, et concourt à une indifférenciation des dépenses ;

– communication trompeuse, du fait de l’utilisation sur le site internet de l’école de la marque ISC à la fois pour les formations gérées par l’association et pour celles gérées par la structure lucrative ;

– manque d’étanchéité entre la direction de l’association ISC et celle de la structure lucrative ;

– confusion de direction pédagogique et opérationnelle entre les deux structures.

La décision de refus ministériel de renouvellement est sans effet sur le statut juridique à but non lucratif de l’établissement ; seule la qualification d’EESPIG est retirée.

(1) Tribunal administratif de Paris, n° 1926896/1-1, 16 juin 2021.

2.   Une proposition de définition : malgré ses limites, le statut juridique de l’établissement apparaît comme le seul critère opérationnel aisément identifiable pour déterminer le caractère lucratif d’un établissement

Les rapporteures se sont essayées à examiner les critères permettant de caractériser aisément, sans recourir au faisceau d’indices du droit fiscal, la lucrativité ou la non-lucrativité d’un établissement de l’enseignement supérieur privé.

Le secteur lucratif ne se confond pas avec l’activité marchande. Les établissements d’enseignement supérieur relevant d’un statut privé, dont le modèle économique repose pour l’essentiel sur une prestation payante (par les étudiants), n’ont pas tous une finalité lucrative. Le principe qui prévaut pour tous les établissements privés, quels que soient leurs statuts, est le financement des prestations fournies par le paiement d’un prix par l’étudiant, dans le cadre d’un contrat commercial, et la réalisation de marges bénéficiaires. Aucun établissement privé d’enseignement supérieur, qu’il présente ou non un but lucratif, n’échappe à ce principe.

Dès lors, la perception de frais de scolarité et la réalisation de bénéfices ne sont pas des éléments discriminants permettant de distinguer lucratif et non lucratif.

Il est apparu que le critère de distinction le plus facilement identifiable demeure le statut juridique de l’établissement. C’est en effet le statut qui détermine la capacité juridique d’une école à décider de la finalité des bénéfices qu’elle dégage (redistribution sous forme de dividendes, réinvestissement dans l’établissement, politique d’acquisition, etc.).

Ainsi les sociétés commerciales, à but lucratif, dont l’objectif est la réalisation de profits, décident librement de la destination de leurs bénéfices. À l’inverse, les organismes dits à but non lucratif, qu’il s’agisse des associations « loi 1901 » ou des établissements consulaires (lesquels d’ailleurs ont souvent adopté un statut associatif) n’ont pas pour objectif premier de dégager des profits, et sont soumis à des règles contraignantes pour la destination de ces derniers.

Toutefois, le critère du statut juridique pose un certain nombre de difficultés, liées notamment aux associations réputées non lucratives qui masquent en réalité des activités commerciales ou aux établissements consulaires constitués sous forme de sociétés commerciales.

À défaut de meilleurs critères cependant, le statut juridique de l’établissement paraît demeurer l’élément le plus aisément identifiable pour le public, sous réserve que cette donnée soit effectivement renseignée, et mobilisable pour les bases de données ministérielles (systèmes d’information).

  1.   Le statut de société commerciale permet de décider de la finalité des profits

Selon les données du SIES et en dépit des réserves qu’elles suscitent, un peu plus du tiers des établissements d’enseignement supérieur privés relèvent d’un statut de société commerciale. Le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet. Sont commerciales à raison de leur forme, les sociétés par actions ([34]) ; elles sont inscrites au registre du commerce.

Plus que pour les autres modes de gouvernance des écoles, le statut commercial recouvre un spectre très large quant à la qualité des établissements, lesquels vont de l’école séculaire dont les formations sont soumises à évaluation jusqu’aux « officines », pour qualifier ainsi certains établissements aux méthodes peu scrupuleuses dont la qualité pédagogique peut être mise en cause.

Dans le champ de l’enseignement supérieur comme pour toute activité commerciale, les établissements, et, plus généralement, les groupes auxquels ils appartiennent, peuvent faire appel à des investisseurs. La rémunération de ces derniers peut prendre plusieurs formes, non exclusives : la perception plus ou moins immédiate de dividendes et/ou la plus-value lors de la cession des actifs.

Bien qu’il ne soit pas systématiquement retenu, le modèle actionnarial est le plus répandu parmi les établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif.

Les actionnaires sont les propriétaires de l’entreprise et celle-ci doit être gérée de manière à maximiser sa valeur et les intérêts des actionnaires, à travers diverses stratégies. Cela peut en conséquence influer sur les décisions de gestion concernant l’allocation des ressources, les investissements, et, au final, la qualité des formations et des conditions d’étude. Dans un groupe structuré sur plusieurs niveaux intermédiaires de contrôle, les dividendes « remontent » soit pour être réinvestis dans des cibles prioritaires du groupe, soit pour alimenter la tête de groupe.

Comme dans toute entreprise commerciale, l’actionnaire d’un établissement d’enseignement supérieur privé investit en vue d’un retour financier : l’école devient alors un actif qu’il convient de valoriser. Sans préjuger de la qualité des formations, de l’accomplissement de la mission éducative et de l’accompagnement des étudiants en vue de leur réussite sociale, la performance de l’établissement ne vise pas seulement à atteindre l’équilibre financier mais à dégager la meilleure rentabilité.

Lors des auditions, le groupe Galileo Global Education (GGE) a confirmé ne pas verser de dividendes à ses actionnaires ([35]), l’ensemble des marges dégagées étant systématiquement réinvesties. Mais la décision de ne pas distribuer de dividendes est sans incidence sur le caractère lucratif d’une école ou d’un groupe. Cela relève, non d’une contrainte juridique, mais d’une stratégie d’entreprise, notamment en vue d’une valorisation des actifs à moyen ou long terme.

Un autre mode de valorisation de l’entreprise et de « rémunération » des investisseurs consiste en la cession de tout ou partie des actifs lors de la vente d’actions sur le marché secondaire, ou par la revente à terme de l’ensemble des actifs. C’est notamment la modalité mise en œuvre par les fonds d’investissement qui entrent au capital pour une durée limitée, privilégiant à la distribution de dividendes, la plus-value sur la cession de telle école ou de telle marque.

Pour les dirigeants, la rémunération est librement décidée par l’entreprise, et peut être complétée par la perception d’actions gratuites. Cela différencie la société commerciale des associations à but non lucratif, dont la rémunération des dirigeants est soumise à des plafonds définis par la loi, et pour lesquels la perception d’actions est interdite.

  1.   Les établissements d’enseignement supérieur privés associatifs sont réputés à but non lucratif mais ils peuvent en réalité masquer des activités commerciales

Le statut associatif est actuellement la forme juridique la plus répandue dans le secteur dans l’enseignement supérieur privé. Selon les données du SIES, plus de la moitié des acteurs de l’enseignement supérieur privé relèvent d’un format associatif (format d’« association déclarée »). Ce modèle est largement prédominant dans les grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, y compris pour les écoles consulaires ([36]).

L’association « loi 1901 » est un regroupement de personnes, non systématiquement bénévoles, autour d’un projet commun qui n’a pas pour objectif de réaliser des bénéfices. Aux termes de la loi de 1901, elle est la convention par laquelle des personnes « mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices » ([37]).

Une association doit ainsi remplir un certain nombre de critères qui déterminent effectivement son caractère non lucratif : une gestion désintéressée notamment, et, si elle se livre à une activité concurrentielle, elle doit l’exercer dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales. Cela n’exclut pas de faire des bénéfices, mais la finalité ne doit pas être guidée par la recherche du profit. En conséquence, les profits dégagés doivent être obligatoirement réinvestis dans l’établissement, au bénéfice des activités éducatives.

Ces associations sont par conséquent réputées à but non lucratif, tant qu’il n’a pas été avéré qu’elles exercent de fait une activité lucrative au regard du droit fiscal.

Dans un fort environnement concurrentiel, qui requiert parfois des investissements financiers lourds, le statut associatif peut présenter un caractère insuffisamment sécurisé.

À cet égard, si certaines écoles décident de basculer vers un statut commercial ([38]), d’autres se livrent, de manière directe ou indirecte, à des activités commerciales à but lucratif sans changer de statut juridique, notamment car elles en retirent un avantage concurrentiel, les activités non lucratives exonérant du paiement des impôts commerciaux ([39]).

Les auditions conduites par les rapporteures ont montré que certains établissements sous statut associatif, même s’ils n’attribuent pas de dividendes, génèrent en réalité des profits en faveur de sociétés strictement commerciales avec lesquelles ils entretiennent des relations en amont ou en aval de leur propre activité. Cela peut concerner le versement de loyers importants à des sociétés propriétaires des locaux où ils exercent leurs activités, ou le paiement de services pour des activités intermédiaires intervenant dans le cycle de production de leurs propres activités. Par exemple, une école peut s’équiper auprès d’un prestataire informatique qui appartient au même groupe. Cela relève d’un conflit d’intérêts entre l’école et l’entreprise commerciale, qu’il est cependant souvent difficile d’identifier.

Deux écoles – l’une, vitrine d’une marque, sous statut associatif, et l’autre sous statut de société commerciale – peuvent coexister au sein d’une marque commune. Au-delà de confusions organique ou comptable, facilement identifiables, des éléments moins reconnaissables peuvent aussi traduire une porosité entre les deux structures (dénomination extrêmement proche, communication indifférenciée), et constituer des indices d’une finalité de facto lucrative.

  1.   Les écoles consulaires : une pluralité de statuts pour l’essentiel non lucratifs

Le réseau des établissements consulaires, qui sont rattachés juridiquement et financièrement, à des degrés divers, aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) ([40]), illustre également la complexité du cadre juridique de l’enseignement supérieur privé, marqué par la pluralité des statuts et leur imbrication.

La spécificité des écoles consulaires est qu’elles peuvent en effet choisir, avec l’accord de la CCI dont elles dépendent, leur statut juridique, lequel va déterminer non seulement leur degré d’autonomie vis-à-vis des CCI mais encore leurs marges de manœuvre sur le marché de l’enseignement supérieur privé, et donc leur rapport à la lucrativité.

Régies par les dispositions législatives applicables aux écoles techniques privées et dotées d’un mode de gouvernance similaire à celui des établissements privés, les écoles consulaires n’en restent pas moins des structures dépendant, en tout ou partie, des CCI, elles-mêmes établissements publics administrativement rattachés au ministère chargé de l’économie, du commerce et de l’industrie ([41]), et investis, aux termes de la loi, d’une mission de service public et d’intérêt général ([42]).

La majorité des écoles consulaires (voir annexe n° 2) se range donc :

– soit du côté hybride public-privé non lucratif, pour les quelques écoles en service consulaire sans statut juridique propre ([43]), sorte de régie directe des CCI ;

– soit du côté du privé non lucratif, de nombreux établissements étant dotés d’un statut associatif (avec le cas échéant la qualification d’EESPIG ([44])), notamment une grande partie des écoles supérieures de commerce et des écoles d’ingénieurs ([45]).

Il existe enfin une autre catégorie d’établissements consulaires, dotés d’un statut de société anonyme et recourant à l’actionnariat qui, selon les responsables de CCI France auditionnés, ne sauraient cependant être qualifiés de lucratifs, en raison des contraintes posées par la loi sur leur statut.

Les sociétés anonymes établissements d’enseignement supérieur consulaires (SA EESC ou EESC ([46])) sont des écoles d’enseignement supérieur privées régies par les dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes ([47]). À ce titre, ces établissements peuvent recourir à l’actionnariat privé, en ouvrant leur capital à des actionnaires extérieurs au monde consulaire, ce que ne permet pas le statut associatif.

Ce nouveau statut des écoles consulaires vise à diversifier les sources de revenus pour faire face à la diminution constante de leurs ressources financières suite au désengagement progressif des actionnaires historiques – les CCI – dans un contexte de concurrence internationale (classements, accréditations, compétition pour attirer professeurs et étudiants), qui exige des investissements pour assurer la croissance des activités ([48]). Ces écoles peuvent bénéficier à la fois d’une capacité financière pour mettre en œuvre leur stratégie de développement, et d’une souplesse de gestion propre aux entreprises privées (capacité de lever les fonds via l’actionnariat, valorisation du capital foncier, marges de manœuvre en matière de recrutement et de partenariat, capacité d’endettement, flexibilité dans la gestion quotidienne des activités, etc.).

Les EESC disposent d’une structure financière bien définie et indépendante, et ont un fonctionnement distinct de celui de la CCI, avec un conseil d’administration composé d’élus consulaires, de représentants des salariés et des étudiants ainsi que de personnalités qualifiées (chefs d’entreprise, acteurs académiques, etc.).

Cependant, l’actionnariat est contraint et n’offre pas une totale liberté aux actionnaires, ce qui rapproche les EESC des organismes à but non lucratif.

Le schéma de gouvernance imposé par la loi :

– d’une part, garantit la majorité des droits de vote pour le monde consulaire et l’absence de minorité de blocage : la CCI doit rester actionnaire majoritaire à hauteur d’au moins 51 %, et aucun investisseur privé ne peut détenir plus de 33 % du capital ([49]) ;

– d’autre part, proscrit le versement de dividendes en dehors de l’établissement, le code de commerce exigeant le réinvestissement des résultats financiers dans la structure de l’entreprise ([50]), notamment afin de financer la recherche, essentielle pour les écoles.

L’entrée dans le capital d’une EESC fait l’objet d’une décision de la CCI concernée. Rien n’empêche juridiquement un fonds d’investissement de capital-risque (private equity) de devenir actionnaire, mais les barrières statutaires à l’entrée dans leur capital paraissent dissuasives pour des fonds d’investissements en quête de performances financières ou des investisseurs d’envergure. L’investisseur extérieur privé ne peut donc que parier sur la valorisation de l’école à terme pour revendre ses actions et dégager une plus-value. Cette possibilité de plus-value « à la sortie » interdit à ce stade aux EESC d’obtenir la qualification d’EESPIG.

Les EESC

Sur le site de la direction générale des entreprises (1), on dénombre actuellement 19 EESC.

Alors que la plupart de grandes écoles françaises de commerce rattachées aux CCI étaient auparavant sous statut associatif, sept des 16 écoles supérieures de management ont adopté le statut d’EESC (HEC, ESCP Europe, Neoma Business School, Audencia, Burgundy School of Business, Grenoble École de Management, Toulouse Business School). Sur les 20 écoles de gestion et de commerce (EGC), deux ont adopté le statut d’EESC.

Les écoles de spécialité de la CCI Île-de-France (Gobelins, École supérieure de la mode et du luxe, LEA-CFI, Ferrandi) sont également passées sous statut d’EESC.

(1) https://www.entreprises.gouv.fr/fr/commerce-et-artisanat/acteurs/établissements-d-enseignement-superieur-  consulaires

Enfin, on notera, pour mémoire, le cas d’emlyon (groupe GGE), anciennement école consulaire sous statut associatif, privatisée en 2019, et actuellement sous statut de société anonyme, sans les contraintes du statut d’EESC. Selon les responsables de CCI France auditionnés, ce serait là un cas unique dans le paysage consulaire. Emlyon a adopté en 2021 le label de « société à mission ».

  1.   « Sociétés à mission » : un label sans impact sur le statut juridique des établissements d’enseignement supérieur privés

Non spécifique à l’enseignement supérieur, le label « société à mission » ([51]), prévu à l’article L. 210-10 du code de commerce, est réservé aux seules sociétés commerciales, y compris les EESC. Ce label peut être attribué, à leur demande, aux sociétés qui intègrent des objectifs sociaux et/ou environnementaux dans leurs statuts, permettant d’inscrire une dimension supplémentaire à celle du profit. Certaines écoles privées renommées ont adopté ce label, même si leur nombre reste encore modeste ([52]).

L’attribution du label n’a aucun effet sur le statut juridique de l’établissement bénéficiaire. Cependant, certaines écoles semblent entretenir volontairement la confusion en affichant un « statut de société à mission » ([53]), comme s’il s’agissait d’un statut juridique à mi-chemin entre l’associatif et le commercial. La Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic) dénonce ce label, craignant qu’il ne soit détourné pour justifier la transformation d’établissements d’enseignement supérieur associatifs en sociétés commerciales, affublées du « faux nez » de « société de mission » ([54]). En matière d’enseignement supérieur, cela pourrait dissimuler l’entrée en jeu, discrète, des actionnaires avec un objectif de rentabilité financière.

Les établissements d’enseignement supérieur ayant adopté le label de
« société à mission »

Des écoles membres de la CGE (les quatre grandes écoles d’ingénieurs du groupe Ionis (1), Grenoble École management, emlyon, Toulouse BS), des écoles reconnues par l’État (Aivancity) mais aussi des groupes d’enseignement supérieur (Collège de Paris, Eureka Education) ont adopté ce label.

(1) EPITA, Institut polytechnique des sciences avancées (IPSA), École spéciale de mécanique et de l’électricité (ESME Sudria), Sup Biotech.

B.   le secteur privÉ lucratif reste un « angle mort » de la connaissance de l’enseignement supÉrieur

En dépit d’une prise de conscience récente du besoin d’une meilleure connaissance de l’enseignement supérieur privé dit lucratif, les rapporteures observent que ce champ reste un « angle mort » pour nombre d’acteurs ministériels.

La connaissance fine par les pouvoirs publics de ce type d’établissements privés est matériellement freinée par l’absence d’une catégorie dédiée. Les établissements privés lucratifs sont inconnus tant du cadre juridique que des systèmes ministériels d’information et de pilotage (cf. infra). La documentation institutionnelle ou issue de la recherche est également très lacunaire.

1.   L’enseignement supérieur privé lucratif : un objet non identifié par les pouvoirs publics

« Alors que la montée en puissance de l’enseignement supérieur privé pose naturellement des questions sur l’évolution des rapports entre la sphère publique et la sphère privée, le sujet reste relativement "tabou" » observe le rapport de l’IGAENR de 2015 ([55]).

L’impression des rapporteures de faire face à une « zone grise » s’est forgée au fil des auditions avec les différents responsables ministériels, tous secteurs confondus. Deux éléments matériels, peu signifiants pris indépendamment, semblent parfaitement illustrer ce constat.

À cet égard assez révélatrice, la page internet du site du ministère chargé de l’enseignement supérieur ([56]) consacrée aux établissements privés d’enseignement supérieur (non actualisée depuis 2019) ne mentionne pas le secteur lucratif. Reflet du cadre juridique qui associe la non-lucrativité aux seuls EESPIG, sous contrat avec l’État ([57]), un lien renvoie à la page consacrée à cette seule catégorie d’établissements déterminés par la loi comme non lucratifs. Or, la non-lucrativité ne se réduit pas aux seuls EESPIG ; d’autres établissements privés d’enseignement supérieur ne sont pas à but lucratif.

Un second exemple concerne les récents programmes de travail de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), cosignés par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’enseignement supérieur privé lucratif n’apparaît à aucun moment comme objet des réflexions ministérielles.

Par ailleurs, les rapporteures ne peuvent que souligner la rareté documentaire institutionnelle.

Une documentation institutionnelle très lacunaire

Le champ de l’enseignement supérieur privé lucratif n’a pas donné lieu à des travaux institutionnels, qu’il s’agisse du ministère chargé de l’enseignement supérieur, à travers l’inspection générale, ou des institutions nationales de contrôle. La liste des rapports de l’IGESR, consultée pour les années de 2021 à 2023, ne mentionne aucune étude portant directement sur le secteur privé lucratif.

On note néanmoins des travaux de l’IGESR (1) ou de la Cour des comptes sur des secteurs thématiques connexes qui éclairent la forte croissance de ce secteur (par exemple, pour les écoles d’art).

Le rapport de l’IGAENR de 2015 constitue une source de données précieuse sur l’enseignement supérieur privé mais ne s’attache pas en particulier au secteur lucratif, à une époque où celui-ci n’avait pas connu une expansion importante.

Au final, les seuls travaux abordant avec précision l’enseignement supérieur privé lucratif sont les rapports du médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur de 2012 et de 2022, alors que la mission du médiateur, sur le plan juridique, ne concerne que le secteur public.

(1) Cependant une majeure partie des rapports de l’IGESR n’étant pas publiée, il est impossible de dire dans quelle mesure les inspecteurs généraux s’emparent éventuellement de la problématique du privé lucratif au travers des sujets qu’ils sont amenés à traiter https://www.aefinfo.fr/depeche/708860

De manière générale, une certaine invisibilité semble s’associer à l’enseignement supérieur privé lucratif, qui est appréhendé indistinctement, dans l’ensemble plus vaste de l’enseignement supérieur privé. Les diverses prises de position ministérielles expriment clairement l’absence de prise en compte de la nature juridique des établissements privés et de leur caractère lucratif ou non lucratif dans la réflexion sur la qualité de l’offre de formation ([58]).

2.   L’enseignement supérieur privé lucratif est un objet mal cerné par la recherche

Sans doute parce que la percée de l’enseignement supérieur privé lucratif en France est récente, contrairement aux États-Unis, ce champ demeure encore méconnu des chercheurs, peu nombreux à s’être emparés de cet objet ([59]). On peut néanmoins mentionner les travaux des sociologues Agnès Van Zanten et Aurélien Casta, et de l’économiste Julien Jacqmin, entendus par les rapporteures, ainsi qu’une étude à l’initiative de Laurent Batsch, ancien président de l’Université Paris-Dauphine, publiée pour la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) ([60]) .

 

 

Par ailleurs, ainsi que cela a été rappelé par les enseignants-chercheurs entendus par les rapporteures, le manque de travaux provient également de la singularité d’un secteur privé non astreint à la diffusion de ses données, en raison de leur nature commerciale.

La difficulté de collecte des données auprès d’écoles-entreprises, réticentes à fournir certaines informations, qu’il s’agisse d’éléments financiers ou comptables, de données sur la « sociologie » des étudiants (profil, types de bac d’origine, etc.) ou même du nombre des étudiants, a été soulignée à plusieurs reprises. Un document du SIES sur le nombre d’étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur privés rappelle à cet égard que « certains effectifs d’étudiants inscrits ne sont pas diffusés à la demande de l’établissement » ([61]).

En outre, il ressort des auditions que certaines sociétés organisatrices de salons étudiants, qui participent au processus d’orientation des néo-bacheliers, ne souhaitent pas transmettre aux chercheurs leurs données de clientèle des salons, arguant qu’il s’agit de données commerciales ne relevant pas du domaine public et donc non soumises à transmission. Il convient de rappeler que ces données individuelles sont valorisables, puisque potentiellement cessibles à des entreprises commerciales pour la vente de produits et services (banques, etc.).

Certains chercheurs souhaiteraient ainsi « une action de l’État pour obliger la transmission de données ». À défaut d’obtenir les moindres chiffres, il ne pourra pas y avoir de « grande enquête » sur l’enseignement supérieur privé lucratif. Enfin, a été évoquée l’idée que l’absence de cotation en bourse de certains des plus grands groupes privés d’enseignement pourrait participer, entre autres motifs, d’un choix stratégique de se soustraire à certaines obligations de publication de comptes.

C.   UNE OBLIGATION DE PUBLICITÉ DU STATUT JURIDIQUE PEU RESPECTÉE et des systÈmes d’information n’intÉgrant pas la donnÉe du statut juridique

Partant du postulat que l’un des critères pertinents et facilement identifiables pour définir le caractère lucratif d’un établissement était son statut juridique, les rapporteures ont voulu connaître le degré d’accessibilité à ce type d’information qui, de prime abord, pourrait paraître relativement simple. En effet, tant les sociétés commerciales que les associations doivent faire l’objet d’un enregistrement sur des bases nationales : registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les entreprises commerciales ; répertoire national des associations (RNA) ou système national d’identification des entreprises et leurs établissements (Sirene) pour les associations. L’information existe donc.

 

Or, les auditions ont montré que les « outils » du ministère de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse d’information à destination du public ou de pilotage par les données statistiques, n’intègrent pas le paramètre du statut juridique d’un établissement.

1.   Pour les familles, une information déficiente

À l’exception des EESPIG et des EESC (soit moins de 85 établissements), dont les statuts sont bien identifiés et les listings aisément accessibles, il s’avère que l’information relative au statut juridique d’un établissement privé d’enseignement supérieur n’est pas une chose aisée à trouver.

Même si cette information ne garantit aucunement la qualité des formations proposées par l’établissement, il n’existe aucune raison que le « consommateur » ne puisse aisément accéder à cette donnée qui, parmi d’autres, est susceptible d’éclairer un choix d’orientation, entre une école gérée par une société commerciale et une autre sous statut associatif.

L’absence de tout répertoire national des établissements privés d’enseignement supérieur, avec mention du statut juridique, contraint l’usager à une gymnastique de recherches, plus ou moins fructueuses, sur différents sites internet.

En premier lieu, aucune des listes fixées par arrêtés ministériels et interministériels portant reconnaissance par l’État soit des établissements, soit des diplômes, ne mentionne le statut juridique des établissements. Cela révèle le caractère secondaire, voire inutile, de cette information pour les autorités ministérielles.

En second lieu, on constate que les sites d’information et d’orientation publics de Parcoursup et de l’Onisep ne contiennent aucune information utile sur la nature juridique de l’établissement. Cela étant, la majeure partie des formations proposées par les établissements privés lucratifs (statut étudiant et alternance) ne sont pas sur Parcoursup.

Parcoursup n’indique pas le statut juridique de l’établissement

À la rentrée 2023, on dénombrait dans Parcoursup (1) 4 800 formations dans les rubriques « Privés enseignement supérieur » et « Privés hors contrat » (2), soit environ 20 % du total des formations proposées.

Les périmètres de ces rubriques ne tiennent pas compte du critère du statut juridique de l’établissement. La rubrique « Privés enseignement supérieur » recouvre ainsi le champ associatif (dont les EESPIG ) mais également le privé lucratif (sociétés commerciales). Le « privé hors contrat » regroupe des écoles professionnelles et des centres de formation des apprentis qui préparent principalement à des BTS en apprentissage.

(1) https://dossier.parcoursup.fr/Candidat/carte

(2) Les deux autres catégories sont : publics ; privés sous contrat, qui regroupent principalement des lycées privés proposant des brevets de technicien supérieur (BTS) ou des classes préparatoires aux grandes écoles, des instituts privés dispensant des cursus d’infirmiers ou de travailleurs sociaux, des CFA et des établissements privés dont les formations sont contrôlées par l’État (ex : diplôme national des métiers d’art et du design, DNMADE).

En troisième lieu, les écoles privées, y compris celles à but non lucratif (à l’exception des EESPIG) n’affichent que rarement leur statut juridique dans une rubrique soit d’accès intuitif, soit directement accessible. Alors que le code de l’éducation prévoit l’obligation pour les établissements privés de faire figurer « dans leur publicité une mention précisant leur statut et la nature de leurs relations avec l’État » ([62]), force est de constater que cette obligation n’est pas respectée sur les sites internet des écoles ([63]). Les mentions se limitent généralement à la catégorie juridique de l’établissement, peu lisible pour le public, définie dans le code de l’éducation ([64]).

On peut néanmoins trouver la mention du statut juridique dans la rubrique « mentions légales » du site internet ou, à défaut de cette mention expresse, un numéro d’immatriculation, qui permet une recherche sur les bases de l’Insee (Sirene ([65])) ou du registre du commerce ([66]). Ces derniers sites permettent en effet d’obtenir, de manière assez fiable, le statut juridique de l’école, dès lors que la recherche est correctement renseignée ([67]).

Cependant, d’une part, cela oblige à une gymnastique de recherche potentiellement dissuasive et, d’autre part, les rapporteures sont convaincues que la grande majorité des néo-bacheliers et leurs familles n’ont aucunement connaissance de l’existence de ces sites, ou du lien qu’ils peuvent avoir avec une recherche d’informations sur un établissement d’enseignement.

Au final, les rapporteures regrettent que la seule solution pour accéder, avec une certaine garantie de réussite et de fiabilité, à l’information relative au statut juridique d’une école soit de recourir à des bases en ligne sans lien avec l’orientation post-bac externes au ministère de l’enseignement supérieur, et sans aucun doute ignorées du grand public.

2.   Au niveau des pouvoirs publics : l’absence de cartographie de l’enseignement supérieur privé lucratif rend impossible son suivi et obère la délivrance d’une information complète au public

Les différentes auditions avec les responsables ministériels ont mis en évidence un constat : l’absence de toute cartographie nationale de l’enseignement supérieur privé mentionnant le statut juridique des établissements à but lucratif, et toute autre donnée utile permettant de connaître la « sociologie » des jeunes concernés.

Une cartographie des établissements paraît exister dans certaines régions académiques ([68]). Mais, d’une part, la situation est très hétérogène selon les territoires et, d’autre part, le ministère de l’enseignement supérieur n’est pas en mesure de garantir ni l’exactitude ni la complétude de l’information collectée.

a.   Un secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif trop mal connu par les autorités ministérielles

Les auditions ont démontré une connaissance pour le moins lacunaire de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, tant par le ministère de l’enseignement supérieur que par celui du travail, qu’il s’agisse du nombre d’établissements ou de formations, ou des effectifs d’étudiants et d’alternants qui y sont inscrits. Nul ne semble actuellement en mesure de disposer de statistiques fiables et exhaustives pour ce segment, qui n’est pas – ou trop peu – identifié dans les systèmes d’information.

De l’aveu des services statistiques ministériels de l’enseignement supérieur, si « le dispositif de synthèse effectué par le SIES, à partir de l’ensemble des dispositifs de remontées de collectes, permet de connaître un nombre d’écoles et d’établissements d’enseignements supérieur […] il reste difficile de connaître […] le nombre d’écoles avec exactitude ».

 

Il s’ensuit que les données chiffrées sur les établissements et les effectifs d’étudiants transmises aux rapporteures par le ministère de l’enseignement supérieur, outre qu’elles sont manifestement incomplètes, jettent un doute sur l’exactitude de l’ensemble statistique des effectifs étudiants de l’enseignement supérieur privé, comme les rapporteures ont pu l’entendre lors d’auditions.

Les données de fichiers en accès libre (voir encadré ci-dessous) illustrent les limites des bases de données ministérielles en la matière.

Des fichiers ministériels d’établissements en open data
soit incomplets soit non renseignés

Un premier fichier, qui mentionne le statut juridique des établissements, ne référence que les « établissements qui sont accrédités à délivrer un grade de master et/ou doctorat ». On y recense en conséquence seulement 80 établissements privés, dont aucun, en-dehors des EESC, n’a un statut de société commerciale (1), alors que certains de ces établissements sont effectivement accrédités à délivrer les grades de master.

Un second fichier (2), beaucoup plus complet, recense les effectifs par établissements ; le caractère privé ou public y est mentionné, mais pas l’information sur le caractère juridique des statuts associatif, consulaire et commercial.

(1) Principaux établissements d’enseignement supérieur — Plateforme open data (données ouvertes) (enseignementsup-recherche.gouv.fr)

(2) Effectifs d’étudiants inscrits dans les établissements et les formations de l’enseignement supérieur - détail par établissements — Plateforme open data (données ouvertes) (enseignementsup-recherche.gouv.fr)

Il n’existe a fortiori aucune donnée disponible sur la sociologie des étudiants inscrits dans les formations du secteur privé lucratif mentionnant, par exemple, le type de bac obtenu, ce qui permettrait de donner une idée, même approximative, des classes sociales les plus sensibles aux offres de formation proposées par ce secteur, ou le niveau d’études atteint. Ce type d’information statistique serait pourtant d’une grande utilité puisqu‘il permettrait d’identifier précisément le type de populations étudiantes attirées par ces écoles.

S’il ressort des auditions que les formations du secteur privé lucratif, en dépit de frais de scolarité élevés au regard des revenus des familles, semblent principalement attirer des jeunes issus d’un milieu social modeste, les rapporteures ne sont cependant pas en mesure d’objectiver cette estimation, faute de données statistiques disponibles.

Pour les rapporteures, cette carence est d’autant plus surprenante que quelques travaux, à l’initiative de l’inspection générale du ministère chargé de l’enseignement supérieur ou de la Cour des comptes, ont mis en exergue l’insuffisance de la donnée statistique (voir l’encadré ci-dessous).

Les alertes de l’inspection générale du ministère de l’enseignement supérieur et de la Cour des comptes

Dans son rapport de 2015, l’inspection générale recommandait d’« affiner les données statistiques disponibles sur les établissements privés au niveau des rectorats et du ministère » (1).

De manière générale, les inspecteurs généraux sont surpris par le défaut d’indicateurs disponibles pour le secteur de l’enseignement privé :

« Les indicateurs fins manquent ; ainsi la mission n’a pu rassembler des données consolidées sur l’orientation des néo-bacheliers, ce qui est pourtant un indicateur essentiel pour analyser l’évolution des effectifs et l’attractivité respective des formations publiques et privées. Plus globalement, la mission a eu le sentiment qu’au sein des rectorats – et même là où le poids du privé est considérable – les indicateurs de suivi de cette population sont peu utilisés dans le pilotage de l’académie ; l’attractivité relative des différents types d’établissement est pourtant une donnée essentielle sur l’évolution de l’enseignement supérieur. »

Dans un rapport de 2020 sur les écoles d’art plastique, la Cour des comptes relève la « presque totale méconnaissance par le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de la culture des évolutions de l’enseignement supérieur privé » (2). Ceci apparaît d’autant plus singulier, note la Cour, que cet essor considérable des établissements privés, s’il répond à une demande effective, s’accompagne néanmoins de frais de scolarité entre 15 et 20 fois supérieurs en moyenne à ceux des établissements publics, ce qui ne peut que générer une fermeture sociale très forte.

(1) IGAENR, L’enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l’État, juin 2015, p. 114.

(2) Cour des comptes, L’enseignement supérieur en arts plastiques, décembre 2020, p 38.

b.   L’identification des établissements d’enseignement : la base de recensement RAMSESE n’offre pas une vision exacte de la réalité de l’enseignement supérieur privé lucratif

Le répertoire académique et ministériel sur les établissements du système éducatif (RAMSESE), qui est l’outil de recensement de l’ensemble des établissements d’enseignement publics et privés (scolaire, supérieur et apprentissage) dotés d’un numéro d’immatriculation UAI n’offre pas une vision précise de l’enseignement supérieur privé.

D’une part, des pertes d’information ont lieu aux deux étapes du processus de recensement des établissements d’enseignement : à la déclaration d’ouverture – les établissements en exercice ne sont pas tous déclarés – et à l’immatriculation – les établissements déclarés ne sont pas tous immatriculés (voir l’encadré ci-après).

D’autre part, et surtout, l’information relative au statut juridique est manifestement imparfaitement renseignée. Selon le SIES, la variable « catégorie juridique » du référentiel RAMSESE, qui permet de saisir le statut juridique, n’est renseignée qu’au tiers environ, ce qui, à ce stade, rend le système d’information inopérant pour fournir une idée précise du nombre d’établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif ([69]).

Le référencement des établissements : les imperfections des processus de déclaration d’ouverture et d’immatriculation

La première étape est la déclaration de l’établissement par son fondateur auprès des autorités locales, préalablement à l’ouverture et conformément aux dispositions du code de l’éducation.

Matériellement, le dossier de déclaration d’ouverture des établissements d’enseignement supérieur privés (EESP) doit mentionner le statut (article L. 731-4 du code de l’éducation) ; en revanche, cette information reste une simple possibilité pour les établissements d’enseignement techniques privés (EETP) (article L. 441-2 du code de l’éducation) (1).

L’absence de déclaration réside le plus souvent soit dans l’ignorance, feinte ou réelle, de la nécessité d’une nouvelle déclaration par des organismes préalablement déclarés pour une autre activité (apprentissage, formation continue) auprès d’une autre autorité (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, DREETS), soit est liée à la structuration organique d’établissements organisés en réseau avec des campus sur plusieurs académies, dont seul le siège social est déclaré.

L’absence de déclaration, quoique non évaluée, semble néanmoins limitée. On notera que si l’ouverture sans déclaration préalable d’un EETP est sévèrement sanctionnée, la sanction pour la même infraction dans le cadre d’un EESP est largement moins dissuasive.

La seconde étape est l’immatriculation de l’établissement d’enseignement, c’est-à-dire l’attribution d’un numéro d’UAI par les services statistiques académiques ou de l’administration centrale. Seule cette immatriculation, qui est incrémentée dans RAMSESE, permet de garantir l’exhaustivité du répertoire. Or selon le SIES, « l’explosion du secteur privé dans l’enseignement supérieur, en termes d’effectif étudiant, de nombre d’établissements les accueillant et de la diversité juridique de ces derniers […] pose effectivement des problèmes d’immatriculation de ces établissements d’enseignement supérieur privés ».

Il ressort des auditions que l’absence de lien juridique entre la déclaration et l’immatriculation peut potentiellement entraîner une perte d’information, même si, globalement, selon le ministère de l’enseignement supérieur, la circulation de l’information entre les différents services en charge de ces deux missions est fluide.

L’immatriculation ne repose sur aucune base normative et ne s’impose donc pas aux établissements d’enseignement supérieur privés (2). L’immatriculation des centres de formation par apprentissage (CFA) se fait à la demande des organismes de formations eux-mêmes après l’obtention d’un numéro de déclaration d’activité auprès des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ; les CFA doivent en effet disposer d’un numéro UAI pour pouvoir enregistrer les contrats d’apprentissage qui ouvrent le bénéfice des fonds mutualisés.

Les groupes privés comportant plusieurs écoles, potentiellement regroupées sur un même campus régional et sous une même adresse (locaux partagés), ont parfois un seul numéro d’immatriculation, alors que les écoles sont distinctes. Le SIES indique avoir lancé un travail « pour préciser et mettre à jour les règles d’immatriculation afin d’uniformiser la gestion de ces cas par les rectorats ».

(1)     Néanmoins, l’article D. 441-2 du code de l’éducation impose que le dossier de déclaration d’ouverture comprenne un état prévisionnel qui précise l’origine, la nature, et le montant des principales ressources dont disposera l’établissement pour les trois premières années de son fonctionnement, ce qui renvoie à son statut juridique.

(2)     Le numéro UAI est en revanche exigé pour les établissements sollicitant le bénéfice d’une reconnaissance ou d’une accréditation de leurs formations par le ministère ou inscrits sur Parcoursup.

c.   Le système d’information d’identification des étudiants ne permet pas de connaître le statut juridique des écoles

Les représentants des deux régions académiques entendus par les rapporteures ont indiqué ne pas disposer de statistiques sur les effectifs d’étudiants inscrits dans les établissements privés à but lucratif, aucune base de données ne recensant, au niveau local, ce type d’information ([70]).

Si les établissements d’enseignement supérieur déclarés à l’ouverture sont identifiés au niveau académique, le système d’information n’indique pas les effectifs inscrits dans ces établissements. Dans la région académique Bretagne, il est demandé, dans l’enquête annuelle à destination des établissements supérieurs techniques privés, d’indiquer les effectifs en formation initiale, mais sans distinction quant au statut juridique des établissements.

L’arrêté du 18 octobre 2022 portant création d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Répertoire national des identifiants élèves, étudiants et apprentis » (RNIE) ([71]) prévoit l’attribution d’un identifiant national (INE) ([72]) à chaque élève du second degré, étudiant et apprenti au moyen d’une procédure automatisée, notamment afin de permettre le suivi statistique de ceux-ci.

Cependant, cet identifiant seul ne permet pas de connaître le statut de l’établissement d’inscription. Il est nécessaire de disposer des bases de données de l’enseignement supérieur qui centralisent les inscriptions des étudiants via différentes enquêtes annuelles qui alimentent la base SISE. C’est le rapprochement de l’INE et de ces bases qui permet d’associer le statut de l’établissement à l’étudiant.

III.   un secteur caractérisé par la présence de quelques grands groupes et de « petites » entreprises indépendantes

Apparu dès le XIXe siècle ([73]), l’enseignement supérieur privé lucratif en France s’est fortement développé entre les années 1960 et 1990 avant de connaître plus récemment une phase de concentration avec le développement, progressif d’abord, exponentiel ensuite, de grands groupes. Au cours des dix dernières années, des acteurs financiers ont investi fortement ce secteur, l’enseignement supérieur apparaissant comme une valeur refuge.

L’enseignement supérieur privé lucratif recouvre des réalités très hétérogènes. Cette diversité se retrouve dans l’organisation de la représentation des intérêts professionnels de ce secteur, éclatée entre de nombreuses associations, qui regroupent presque toutes et indistinctement des acteurs des secteurs privés non lucratif et lucratif.

Les organisations représentatives de l’enseignement supérieur privé lucratif

Première association au regard du nombre d’adhérents, la Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP) est « aujourd’hui la seule organisation reconnue représentative de l’ensemble de l’enseignement privé indépendant […] par arrêté du ministère du travail » (1) mais elle représente tous les niveaux de l’enseignement privé, des écoles maternelles à l’enseignement supérieur, et ne fait pas de distinction entre le lucratif et le non lucratif.

Les autres associations de l’enseignement supérieur privé sont structurées autour des filières (ingénieurs, commerce) ou du statut de grandes écoles. Elles accueillent donc l’ensemble des catégories juridiques de l’enseignement supérieur privé, et en réalité fort peu d’établissements privés à but lucratif.

Enfin, créée en 2018, l’association Les entreprises éducatives pour l’emploi (3E), centrée sur les thématiques de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, regroupe douze des grands groupes d’enseignement supérieur à but lucratif. Elle ne représente donc pas l’ensemble des écoles privées à but lucratif.

(1)     Contribution écrite transmise aux rapporteures par la FNEP. À ce titre, la FNEP est la seule fédération d’employeurs habilités à négocier la convention collective pour la branche de l’enseignement privé indépendant.

A.   Un secteur dominé par les grands groupes

En France, le secteur est aujourd’hui composé d’une quarantaine de groupes de tailles très différentes (voir annexe n° 3), dont le chiffre d’affaires est compris entre une quinzaine et plusieurs centaines de millions d’euros.

À l’exception de certains groupes qui ont fait le choix de se spécialiser sur un segment particulier ([74]), la plupart d’entre eux réunissent des écoles aux objets extrêmement diversifiés avec une large gamme de spécialités allant de l’informatique à l’architecture d’intérieur, en passant par l’e-sport et le développement durable (voir annexe n° 4).

Les écoles sont définies par les groupes eux-mêmes comme des « marques » ou des « enseignes ». Les groupes conservent ou acquièrent des « marques » renommées, ce qui constitue ensuite un élément de leur réputation pour attirer à eux les étudiants. Des institutions connues, bénéficiant d’une forte notoriété servent en effet à mettre en valeur le groupe et à asseoir son prestige. Quelques exemples l’illustrent : AD Education, groupe spécialisé dans le secteur de la création, a ainsi racheté l’Istituto d’Arte Applicata e Design (IAAD), plus vieille école de design automobile en Europe ; les Cours Florent appartiennent désormais au groupe Galileo ; l’École Pigier, fondée en 1850, est membre du groupe EduServices.

Les grands groupes du secteur partagent la caractéristique de mutualiser leurs fonctions support (ressources humaines, gestion immobilière, système d’information, gestion comptable et financière, communication, marketing commercial, etc.), et de centraliser la gestion financière de leurs différentes marques et entités au sein d’une même filiale, ce qui permet la réalisation d’investissements et d’achats conséquents.

Les stratégies économiques et financières des grands groupes reposent sur d’importants investissements immobiliers et des logiques de rachat d’écoles, au niveau national et international, lesquels leur permettent de proposer le plus de formations possible dans une multitude de domaines. Cette stratégie de croissance doit permettre in fine d’atteindre une taille critique en vue d’une cession qui devra engendrer la plus importante plus-value possible.

La stratégie d’investissement et de développement du secteur est décrite par Laurent Batsch dans son rapport consacré à L’enseignement supérieur privé en France publié par la Fondapol. Ce dernier montre que « deux stratégies d’investissement se dessinent. La première consiste à pousser la croissance du groupe en ouvrant le capital à des investisseurs et/ou en endettant le groupe. Ce modèle est caractéristique des plus grands groupes qui multiplient les acquisitions. Il se retrouve aussi dans des groupes de taille moyenne qui se développent par croissance organique. Dans tous les cas, il s’agit de mobiliser les capitaux nécessaires au financement du développement du groupe. La seconde stratégie est patrimoniale. Les bénéfices accumulés sont réinvestis dans des biens immobiliers, pour l’essentiel dédiés aux écoles qui en deviennent locataires. Un groupe d’école peut ainsi doubler sa structure d’enseignement avec celle d’une petite société foncière. Certains groupes combinent ces deux orientations et cumulent l’ouverture aux fonds avec l’accumulation immobilière du fondateur ».

Le secteur de l’enseignement privé paraît donc en constante évolution, avec de nombreuses acquisitions ou fusions réalisées chaque année. Omnes annonce ainsi ouvrir un campus par an dans une ville différente. Pour Laurent Batsch, dans le rapport précité, « une course à la taille est donc engagée par les acteurs les plus puissants. La croissance interne passe par l’élargissement de la gamme des formations et par l’extension géographique. L’implantation sur plusieurs villes permet de capter des candidats locaux ». Cette logique de rachat concerne également les établissements d’enseignement à distance.

Si la logique financière est commune à toutes les écoles, toutes se financent également via les frais de scolarité qu’elles perçoivent et bénéficient, depuis 2018, des fonds publics de l’apprentissage, comme l’illustrent les données transmises par les groupes que les rapporteures ont auditionnés :

– pour le groupe Omnes, les frais de scolarité ont représenté environ 60 % du budget annuel des établissements sur la période 2020-2021, le reliquat étant couvert par les financements publics de l’apprentissage (37 %) et les restes à charge pour les entreprises ;

– les frais de scolarité couvriraient 78 % des ressources du groupe Ionis ;

– le réseau des entreprises éducatives fait quant à lui état de la répartition suivante : 45 % proviennent des frais de scolarité étudiants, 45 % de l’apprentissage et 6 % des entreprises (restes à charge).

Il convient par ailleurs de préciser que le nombre d’étudiants peut être démultiplié par l’enseignement à distance. Là encore, le rapport de Laurent Batsch dresse un constat sans ambiguïté : « Un des enjeux du développement digital des écoles réside bien dans l’opportunité qu’il offre d’augmenter le nombre d’inscrits, de réduire la pression immobilière, et d’optimiser le coût des intervenants. En même temps, la digitalisation représente elle-même un investissement important. Mais l’arbitrage entre son gain et son coût semble acquis. ». Cette catégorie d’établissements en elearning ([75]) semble en effet se développer, avec des établissements proposant des formations exclusivement en distanciel ou d’autres pratiquant des formats mixtes.

Enfin, on peut également souligner que le modèle privé lucratif n’investit pas, ou uniquement de manière marginale, dans les formations qui nécessitent des investissements structurels élevés, telles celles adossées à la recherche ou les formations d’ingénieur, comme en témoigne la faible représentation de ces établissements au sein des associations des grandes écoles ([76]) (voir annexe n° 5).

B.   des petites écoles à rayonnement souvent local subsistent

Contrairement aux grands groupes, les « petites » écoles, souvent d’implantation régionale ([77]), représentent une partie moins visible du secteur privé lucratif. Les rapporteures n’ont pas été en mesure d’obtenir la moindre donnée chiffrée sur ces établissements.

Les grands groupes n’occupent pas tout l’espace, d’autant que ceux-ci, jusqu’à récemment, ciblaient principalement les métropoles en raison de la forte concentration de populations et de services. Historiquement, les écoles indépendantes se sont donc essentiellement implantées dans les villes moyennes pour proposer une offre de proximité. Celles-ci continuent de prospérer. Selon Laurent Batsch, ces « écoles indépendantes sont pour beaucoup d’entre elles des entreprises florissantes dans la durée, et disposent d’une surface financière solide. Il en sera ainsi tant qu’elles conserveront une position de quasi-monopole sur leur ressort géographique et qu’elles pourront suivre à leur échelle le déploiement de cours en ligne » (rapport précité). D’autres écoles peuvent aussi se développer au sein des grandes agglomérations, aux côtés des grands groupes, si elles sont positionnées sur un segment spécialisé notamment.

Si les écoles indépendantes, pour certaines anciennes, ont ainsi pu se maintenir jusqu’à présent « à l’abri de leurs barrières géographiques protectrices, la tendance est, depuis plusieurs années, à la concentration du secteur » selon Laurent Batsch ([78]). Une double dynamique est aujourd’hui à l’œuvre : d’une part, l’acquisition d’écoles indépendantes par les grands groupes et, d’autre part, au niveau territorial, la fusion d’écoles et une stratégie d’acquisition, deux tendances qui favorisent l’émergence de groupes à dimension régionale ([79]).

In fine, les rapporteures font le constat d’un secteur des formations post-bac extraordinairement dynamique, dont il est compliqué de suivre les évolutions des structures.

IV.   Le cadre juridique applicable À l’enseignement supérieur privé À but lucratif

Le droit ne prévoit pas de cadre particulier qui s’appliquerait spécifiquement aux établissements privés à but lucratif, qui ne sont du reste, comme on l’a vu, pas définis juridiquement. Le cadre juridique de ces établissements s’inscrit donc dans le paysage plus général prévu pour l’enseignement supérieur privé en France, aux sources éparses et au fonctionnement particulièrement complexe. Ce cadre découle également des règles fixées dans le code du travail, pour ce qui concerne l’apprentissage. De surcroît, les relations liant l’étudiant à l’établissement privé lucratif s’inscrivent dans le cadre du droit commun des contrats organisant les relations entre un client et une entreprise, et relèvent dès lors des règles prévues dans le code de commerce, le code de la consommation et le code civil.

A.   Les grands principes : un régime libéral qui consacre l’enseignement supérieur libre

Les fondements juridiques de l’enseignement supérieur libre puisent leurs sources dans le contexte historique du début de la IIIe République, à un moment où les débats autour de la liberté religieuse sont particulièrement prégnants. Les grands principes posés à l’époque demeurent, bien que la nature des enjeux ait considérablement changé. Depuis plusieurs décennies, la question centrale n’est plus d’ordre religieux, les préoccupations actuelles étant davantage en lien avec la question de la recherche du profit et les enjeux de qualité de la formation.

En 1875, le législateur a consacré le principe de l’enseignement libre, qui irrigue depuis le cadre juridique applicable à l’enseignement supérieur privé. En parallèle, par un mouvement de balancier, le législateur a cherché, dès 1880, à apporter quelques tempéraments à ce principe de liberté, sans jamais le remettre en cause dans son essence.

1.   « L’enseignement supérieur est libre »

La loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l’enseignement supérieur a posé les fondements d’un régime libéral. Cette loi énonce en son article premier le principe selon lequel « l’enseignement supérieur est libre ». Il s’agit à l’époque d’une forme de victoire pour les partisans de l’école libre, dans le prolongement des lois Guizot du 28 juin 1833 pour l’enseignement primaire, et Falloux du 15 mars 1850 pour l’enseignement secondaire.

En 1977, le Conseil Constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle au principe de liberté d’enseignement. La liberté d’ouverture des établissements est ainsi reconnue comme un principe fondamental des lois de la République (PFLR) ([80]). Dans une décision rendue le 8 juillet 1999, le Conseil Constitutionnel précise que ce principe vaut pour chacun des trois degrés d’enseignement, dont l’enseignement supérieur. Il souligne aussi que « toute disposition législative qui aurait pour effet de créer un monopole au profit des établissements d’enseignement public porterait atteinte au principe de liberté de l’enseignement ».

On peut également rattacher le principe d’enseignement supérieur libre aux libertés d’entreprendre ainsi qu’à la liberté de commerce et d’industrie, qui ont toutes deux une valeur constitutionnelle.

De cette liberté découle un simple régime de déclaration – et non d’autorisation – pour toute création d’un établissement supérieur privé, qu’il soit lucratif ou non.

2.   Une liberté qui connaît quelques tempéraments

Ce principe de liberté n’empêche pas l’existence de règles imposant certains contrôles et conditions devant être respectés par les établissements. Ainsi, dès 1875, en même temps que cette liberté était proclamée, le législateur imposait un régime de déclaration, assorti de conditions minimales devant être remplies par les déclarants (voir infra). Surtout, la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté d’enseignement supérieur défendue par Jules Ferry a apporté quelques tempéraments au régime libéral établi en 1875 :

– elle interdit l’exercice de l’enseignement aux membres des congrégations religieuses non autorisées ;

– elle réserve les noms de « faculté » et d’« université » aux seuls établissements publics, et prévoit que « les certificats d’études qu’on y jugera à propos de décerner aux élèves ne pourront porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat ». Ces règles sont toujours en vigueur et codifiées dans le code de l’éducation (article L. 731-14). Elles ont été étendues au terme de « master » par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso » ;

– elle supprime certaines garanties prévues dans la loi de 1875 pour les établissements libres, en leur retirant notamment la possibilité de collation des grades. En 1984, le législateur a réaffirmé ce principe, en consacrant le monopole de l’État pour la collation des grades (article L. 613-1 du code de l’éducation). Ce principe connaît toutefois lui-même des tempéraments avec le système de grade et de visa des diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur privé, qui permet notamment à des établissements privés de délivrer des diplômes ayant le grade de licence ou le grade de master (voir infra).

La protection des appellations s’est peu à peu renforcée. Les articles L. 731-14 et L. 731-19 du code de l’éducation prévoient une sanction pécuniaire (30 000 euros d’amende) pour toute utilisation illégale des termes « universités », « licence », « master » et « doctorat ». L’appellation « école d’ingénieurs » est également protégée : elle ne peut être utilisée que par les écoles habilitées et contrôlées par la commission des titres d’ingénieur (CTI). Cela vaut également pour l’intitulé « diplôme d’ingénieur ». Toute usurpation du titre entraîne des sanctions pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros (article L. 642-12 du code de l’éducation).

Enfin, le droit prévoit des règles particulières concernant les actions de publicité et de démarchage réalisées par les établissements supérieurs privés, héritées de la loi n° 71-556 du 12 juillet 1971 relative à la création et au fonctionnement des organismes privés dispensant un enseignement à distance, ainsi qu’à la publicité et au démarchage réalisés par les établissements d’enseignement. Le code de l’éducation encadre les publicités et interdit le démarchage par les établissements d’enseignement supérieur ([81]) :

– aux termes de l’article L. 471-2 du code de l’éducation, les organismes sont censés rappeler dans leur dénomination leur caractère privé ;

– toute publicité doit faire l’objet d’un dépôt préalable auprès du recteur d’académie et « la publicité ne doit rien comporter de nature à induire les candidats en erreur sur la culture et les connaissances de base indispensables, la nature des études, leur durée moyenne, les diplômes et les emplois auxquels elles préparent » (article L. 471-2 du code de l’éducation). Aucune publicité ne peut être mise en œuvre pendant le délai de quinze jours qui suit le dépôt. Pendant ce délai, le recteur d’académie doit transmettre aux services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les publicités qui lui paraissent en infraction avec l’article L. 731-14 du code de l’éducation, qui interdit aux établissements privés de prendre le titre d’université, ou de délivrer des diplômes portant des intitulés de baccalauréat, licence, master ou doctorat ;

– les établissements doivent faire figurer dans leur publicité et leur document d’inscription une mention précisant leur statut et la nature de leurs relations avec l’État (article L. 731-19 du code de l’éducation) ;

 en vertu de l’article L. 471-5 du code de l’éducation, toute infraction aux règles prévues en matière de publicité et de démarchage est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En cas de condamnation, le tribunal peut prononcer, pour une durée de cinq ans au plus, l’interdiction de diriger et d’enseigner ainsi que la fermeture de l’établissement.

B.   Un cadre statutaire complexe et des règles qui manquent de clarté, pour un régime déclaratif qui paraît obsolète et mal appliqué

En 2012, un rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur constatait, concernant le droit applicable à l’enseignement supérieur privé, « que l’administration n’avait pas une idée claire du paysage d’ensemble ni du rôle qu’elle devait y jouer » et déplorait des règles « trop complexes, éclatées en différentes sources, contradictoires, obscures et parfois inapplicables » ainsi que des « zones d’incertitude significatives » ([82]). En 2015, un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche qualifiait le droit applicable de « maquis législatif et réglementaire » ([83]). Aucune simplification d’ampleur n’a été apportée depuis, et les travaux des rapporteures montrent toute l’actualité de ce constat, pourtant dressé il y a une dizaine d’années.

En particulier, la distinction établie par le droit entre les établissements d’enseignement technique privés (EETP) et les établissements d’enseignement supérieur privés (EESP) apparaît comme l’un des facteurs importants d’illisibilité du cadre applicable. En effet, le code de l’éducation distingue ces deux types d’établissements, et prévoit à leur intention des régimes de déclaration distincts, à la fois complexes et peu appliqués. Dans le même temps, les critères permettant de distinguer les EETP des EESP sont opaques.

À cela s’ajoute également, en lien avec le développement massif de l’apprentissage, le statut des organismes de formation pour l’apprentissage, qui répond à d’autres règles de déclaration et de contrôle, prévues non pas par le code de l’éducation mais par le code du travail.

Les autres garde-fous prévus par le droit (protection des appellations, encadrement de la publicité, contrôles) sont peu respectés et – en partie au moins – obsolètes.

1.   Les établissements de l’enseignement supérieur privé à but lucratif peuvent correspondre à plusieurs formes statutaires prévues dans le code de l’éducation

Si le code de l’éducation comporte bien un titre intitulé « établissements d’enseignement supérieur privés » (EESP), on n’y retrouve pas l’ensemble des dispositions législatives relatives à ce secteur. En particulier, de nombreux établissements privés relèvent non pas du statut d’EESP, mais du statut d’établissement d’enseignement technique privé (EETP), qui se situe dans la partie du code de l’éducation qui concerne l’enseignement scolaire, en raison de la double vocation, scolaire et supérieure, des EETP. Les EETP comme les EESP peuvent être à but lucratif ou non lucratif. Le code de l’éducation prévoit également des règles particulières pour les établissements privés du supérieur délivrant des formations à distance.

Le code de l’éducation encadre les modalités d’ouverture de ces différents établissements et fixe les conditions de leur légalité.

a.   La diversité des statuts

  1.   Le statut d’EESP

Le statut des EESP a été posé dès la loi de 1875 précitée. Bien que cela ne résulte pas expressément du cadre prévu dans le code de l’éducation, ces établissements correspondent historiquement aux facultés libres et aux instituts catholiques. Selon la définition qu’en donne aujourd’hui le ministère, les EESP dispensent un enseignement de type généraliste. Le code de l’éducation ne fournit pas une définition juridique ou des critères de distinction permettant d’identifier les EESP. Les auditions conduites par les rapporteures et les rapports sur le sujet permettent toutefois de mieux appréhender le champ qu’ils recouvrent. Ainsi, comme l’indique le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France dans sa contribution adressée aux rapporteures, « ces enseignements concernent des formations de l’enseignement supérieur général en sciences humaines et sociales, droit, sciences et santé, lettres et langues […]. Les établissements dont l’enseignement concerne un ou plusieurs de ces enseignements, relèvent en conséquence du régime d’ouverture des EESP libres. »

Dans son rapport établi en 2012, le médiateur soulignait : « L’enseignement supérieur "libre" comprend les formations en langues, en droit et les formations relevant de la sphère religieuse. Les établissements intervenant dans le domaine de la santé (formations paramédicales, esthétique et cosmétique), dans les domaines de la mode et dans le domaine artistique sont réputés constituer des établissements d’enseignement supérieur libre. » Toujours selon l’analyse des services du recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation susmentionné, « les formations concernées doivent, en tout état de cause, présenter une certaine proximité ("des fins comparables") avec l’enseignement supérieur public ».

Le nombre total d’EESP est incertain. On trouve sur le site du ministère de l’enseignement supérieur des données qui ne sont manifestement plus à jour. Le site du ministère fait état de treize EESP, dont cinq établissements catholiques. Or, les services du recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation en signalent 240, pour la seule région Île-de-France.

  1.   Le statut d’EETP

Le statut des EETP découle du développement de l’enseignement technique au début du XXe siècle, avec la loi relative à l’organisation de l’enseignement technique industriel et commercial du 25 juillet 1919, dite loi Astier. L’article D. 443-1-1 du code de l’éducation, récemment modifié, définit les écoles techniques privées comme « tout établissement fondé et entretenu par une personne physique ou morale, donnant un enseignement sur place, commun à un certain nombre d’élèves, constituant un cycle d’études obligatoire dans toutes ses parties et mettant l’élève dans l’impossibilité d’occuper simultanément un emploi. Cet enseignement a pour objet la préparation en formation initiale d’un diplôme technologique ou professionnel ou d’un titre à finalité professionnelle. »

Pour sa part, le médiateur indiquait dans le rapport précité de 2012 : « Dans la pratique, sont considérés, semble-t-il, comme relevant de l’enseignement technique les établissements qui assurent des formations dans le domaine de l’industrie, du commerce et de la gestion. »

Les EETP peuvent recouvrir à la fois le champ du secondaire et le champ du supérieur.

  1.   Les établissements à distance

Aux côtés des EETP et des EESP, il existe au sein du code de l’éducation une troisième catégorie d’établissements plus spécifique, les établissements d’enseignement supérieur à distance soumis à un régime autonome s’appuyant sur la loi du 12 juillet 1971 (articles L. 444-1 à L. 444-11 du code de l’éducation).

b.   Un régime d’ouverture déclaratif assorti d’un certain nombre d’obligations

Si l’enseignement supérieur est libre, le régime déclaratif prévu en droit doit permettre à l’État d’effectuer une forme de contrôle minimal sur les établissements en question. Les règles prévues dans le code de l’éducation diffèrent en fonction du statut de l’établissement. Force est de constater que la complexité croissante du secteur rend ces garanties à la fois obsolètes et peu effectives.

Le régime applicable est détaillé dans le tableau fourni en annexe (voir l’annexe n° 6). Dans tous les cas, le droit précise les personnes habilitées à déposer une déclaration, soit toute personne de nationalité française n’étant pas privée de ses droits civils ou condamnée pour un crime ou un délit contraire à la probité et aux mœurs. L’établissement est tenu de déclarer l’identité du directeur, de fournir ses diplômes ainsi qu’un extrait de casier judiciaire. Les plans des locaux doivent être communiqués et être conformes aux règles d’hygiène et de sécurité.

Pour les établissements techniques, le dossier doit comporter des éléments relatifs au contenu des cours (programmes et horaires) ainsi que sur les modalités de financement de l’établissement. Pour les établissements supérieurs privés, il est prévu la transmission des justifications du niveau de qualification des enseignants ainsi que la transmission annuelle de la liste des professeurs et du programme des cours. Chaque nouvelle ouverture de cours est censée faire l’objet d’une nouvelle déclaration. Les déclarations doivent être déposées auprès du recteur de région académique.

Les déclarations doivent être transmises avant l’ouverture des établissements. Pour les EESP, un délai de dix jours est prévu entre la déclaration et l’ouverture ; pour les EETP, le délai est de trois mois. L’administration peut s’opposer à l’ouverture de ces établissements privés pour des motifs tenant à la protection des intérêts nationaux, l’ordre public et les bonnes mœurs. Pour les établissements techniques, l’ouverture peut également être refusée s’il résulte des programmes que l’établissement n’a pas le caractère d’un établissement d’enseignement technique. Le droit prévoit des sanctions pécuniaires en l’absence de déclaration ou d’ouverture malgré opposition.

Les établissements d’enseignement à distance relèvent également d’un régime déclaratif. En raison de la particularité de ce type de formation, l’instruction du dossier est plus poussée. Un contrôle pédagogique et le cas échéant financier ([84]) est prévu (article L. 444-1 du code de l’éducation). Les établissements sont soumis au pouvoir disciplinaire du recteur d’académie.

De surcroît, il faut aussi noter que les centres de formation d’apprentis (CFA) ne sont pas soumis à ces dispositions.

2.   Les établissements d’enseignement supérieur à but lucratif peuvent aussi être des centres de formation des apprentis, dans les conditions prévues par le code du travail

Les centres de formation des apprentis (CFA) peuvent également proposer des formations qui s’intègrent dans le paysage de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’apprentissage, sans pour autant relever du périmètre du ministère de l’enseignement supérieur. L’apprentissage dans l’enseignement supérieur a été possible à compter de 1987 avec la réforme initiée par Philippe Seguin, alors ministre des affaires sociales et de l’emploi. Il connaît un développement sans précédent depuis la réforme de 2018, et constitue l’un des facteurs déterminants du développement du secteur privé lucratif (voir infra).

Le cadre juridique applicable aux organismes de formation relève non pas du code de l’éducation, mais du code du travail (articles L. 6223-1 à L. 6235-6). Le statut d’organisme de formation proposant de l’apprentissage – ce qui correspond aux CFA – est obligatoire, dès lors qu’un établissement souhaite proposer une formation en apprentissage. En pratique, les établissements cumulent souvent plusieurs statuts.

La réforme de l’apprentissage, issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a simplifié en profondeur les règles de création des CFA et transformé le secteur en un marché ouvert. De nouveaux acteurs se sont dès lors développés.

Alors que le cadre antérieur à la réforme de 2018 prévoyait une autorisation administrative ainsi qu’un principe de conventionnement du CFA avec la région, la création d’un CFA ne nécessite aujourd’hui qu’une simple déclaration. Les CFA sont désormais soumis au cadre de droit commun prévu pour les organismes de formation tel que fixé par le code du travail, assorti d’un certain nombre de règles supplémentaires. En vertu de l’article L. 6351-1 du code du travail, la personne réalisant l’action de formation doit déposer auprès de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) une déclaration d’activité, dès la première convention de formation professionnelle ou le premier contrat de formation professionnel conclu. L’immatriculation est obligatoire. Un certain nombre de conditions sont par ailleurs posées :

– l’enregistrement peut être refusé dans quelques cas limités, prévus à l’article L. 6351-3 du code du travail. L’organisme de formation est notamment tenu de préciser dans son objectif, le cas échéant, son activité de formation en apprentissage ([85]) ;

 en vertu de l’article L. 6352-2 du code du travail « nul ne peut, même de fait, exercer une fonction de direction, d’enseignement aux apprentis ou d’administration dans un organisme de formation s’il a fait l’objet d’une condamnation pénale pour des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs et à l’honneur » ;

– un temps minimal de formation est prévu « sous réserve, le cas échéant, des règles fixées par l’organisme certificateur du diplôme ou titre à finalité professionnelle visé, la durée de formation ne peut être inférieure à 25 % de la durée totale du contrat » ( article L. 6211-2 du code du travail).

Les CFA doivent également se conformer aux 14 missions listées dans le code du travail, parmi lesquelles figurent l’obligation d’instituer un conseil de perfectionnement, celles de tenir une comptabilité analytique, de diffuser annuellement des résultats relatifs à l’obtention de certifications et à la poursuite d’étude, de délivrer une carte étudiante et de se soumettre, pour les formations diplômantes, à un contrôle pédagogique. Outre ce contrôle pédagogique, dont la portée effective paraît très limitée, les CFA peuvent également faire l’objet d’un contrôle administratif et financier par les Dreets et de contrôles des branches professionnelles, via les Opco.

3.   Les règles prévues dans le code de l’éducation sont en grande partie obsolètes et peu appliquées

a.   Des distinctions de statuts, sources de confusion et de comportements opportunistes

L’existence des trois régimes distincts dans le code de l’éducation (EETP, EESP, établissements à distance) est source de complexité, tant pour les rectorats que pour l’usager. Elle n’apparaît plus justifiée et peut en outre favoriser des comportements opportunistes de la part de certains acteurs.

Dès 2012, le médiateur de l’Éducation nationale soulignait que « le critère de répartition entre enseignement technique et libre ne tient donc pas au caractère "professionnel" ou "général" de la formation, mais plutôt à une distinction entre "industrie et commerce", d’une part et "autres formations", d’autre part. La frontière entre les deux secteurs apparaît donc floue. Elle est également peu rationnelle et ne correspond pas à la réalité du monde du travail et de l’enseignement professionnel. » Ce constat paraît toujours d’actualité, comme en témoigne le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France, selon qui « on observe une perméabilité de la frontière entre le technique et le libre. Les rectorats de Paris et de Versailles dénombrent des établissements ouverts dans le libre qui proposent des formations aboutissant à la délivrance de titres RNCP […] Trois réglementations différentes créent une réelle confusion notamment pour les étudiants. En outre le traitement à part de l’enseignement à distance paraît aujourd’hui inadapté au regard du développement de l’enseignement à distance dans lequel se sont engagés certains établissements ouverts en "présentiel", singulièrement depuis la crise sanitaire Covid. » ([86])

Le caractère obsolète de cette distinction complexifie le travail des services académiques. Le rapport de 2015 précité de l’inspection générale de l’Éducation nationale signalait que ces derniers peinaient à identifier la différence entre ces deux types d’établissements et le cadre applicable en la matière. Il relevait en conséquence la « grande confusion quant à la nature du contrôle qui peut être exercé par l’État à ce stade ».

L’état actuel du droit peut créer des inégalités de traitement entre établissements, notamment concernant les délais d’ouverture et les contrôles associés. Comme signalé au cours des auditions conduites par les rapporteures, le cadre actuel semble également être à l’origine de stratégies d’optimisation de la part des établissements en fonction des possibilités offertes par les statuts (habilitation à recevoir des boursiers, reconnaissance par l’État, etc.).

b.   Des obligations déclaratives pas toujours respectées et peu contrôlées

Les obligations déclaratives ne sont pas toujours respectées et les moyens de l’administration pour détecter leur absence et les sanctionner sont limités.

Selon le recteur de la région académique Bretagne entendu par les rapporteures, « il a pu être constaté que certains établissements ouvrent et régularisent leur situation ensuite, en général dans l’année ». L’académie indique ainsi ne pas disposer de moyens spécifiques pour s’assurer que les structures qui ouvrent effectivement aient bien effectué les démarches, ce qui rend très théoriques les contrôles pouvant être effectués par l’État avant l’ouverture d’un établissement.

Les mêmes pratiques sont constatées par le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France : « Certains établissements ne sont en effet pas déclarés malgré l’obligation légale. Il arrive régulièrement que la déclaration d’un établissement soit effectuée après son ouverture effective, dans le cadre d’une régularisation […] Le plus souvent la découverte d’un établissement non déclaré est fortuite. Par ailleurs, l’obligation de déclaration n’est pas partagée ni suffisamment comprise par l’ensemble des acteurs. » Certains établissements en réseau avec des campus sur plusieurs académies ne respectent pas l’obligation de déclaration : « Le siège social est généralement déclaré, mais l’ensemble des campus disséminés sur le territoire ne le sont pas forcément alors qu’ils devraient être systématiquement ouverts auprès du recteur de région territorialement compétent (avec délivrance d’un UAI). »

Le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France constate aussi une absence de sanction en cas de non-déclaration, malgré les dispositions prévues en droit : « Les signalements au procureur de Paris effectués dans le passé n’ont eu aucune suite. »

Ces difficultés sont accentuées par l’imbrication statutaire entre les établissements relevant du code de l’éducation et ceux relevant du code du travail. Selon les services de la région académique Bretagne : « Certains établissements semblent ignorer cette obligation, sans que l’on puisse quantifier cet état de fait. Certains établissements (CFA, Formation continue) peuvent avoir été créés antérieurement, selon un régime autre que celui contrôlé par l’autorité académique, et peuvent ignorer la nécessité de se déclarer auprès du rectorat quand ils ouvrent des formations initiales hors apprentissage […]. Nous avons il y a plusieurs années déjà opéré un travail de croisement des fichiers de la Dreets, ce qui a été une tâche de très grande ampleur, avec 5 établissements qui ont pu être identifiés et sollicités pour une mise en conformité. » Un constat similaire est dressé en Ile-de-France : « Il arrive que des CFA qui disposent d’une UAI au titre des formations en apprentissage proposent par la suite des formations initiales sans faire de déclaration d’ouverture, alors qu’ils y sont en principe tenus. »

Un « mélange des genres » croissant entre écoles et organismes de formation : l’analyse de Laurent Batsch, ancien président de l’université Paris-Dauphine et auteur du rapport L’enseignement supérieur privé en France, pour la Fondapol, juin 2023

« La tendance perceptible, bien que difficilement quantifiable, est au mélange des genres entre écoles et organismes de formation (OF). Les établissements d’enseignement supérieur technique ont compris l’intérêt de délivrer des formations courtes, y compris en ligne, à des clients qui payent éventuellement avec la liquidation de leur compte personnel de formation (CPF). De plus, le développement de l’apprentissage a familiarisé les écoles avec un usage performant des RNCP. Il n’est plus rare qu’une école cumule en même temps les statuts d’établissement technique privé et d’organisme de formation (y compris un CFA). La même enseigne proposera des diplômes, des titres RNCP et des certificats qualifiants. Inversement, des OF, en bons praticiens de l’alternance, étendent leur métier en amont, vers la formation initiale. »

c.   Des contrôles a posteriori limités en droit et encore davantage en fait

Le cadre juridique prévoit peu de contrôles pour les établissements d’enseignement supérieur privés – sauf pour les établissements qui s’engagent dans une procédure spécifique de reconnaissance (EETP reconnu, visa et grades notamment), comme développé ci-après. Ainsi, à l’exception des vérifications qui doivent être effectuées au moment de la déclaration d’ouverture et de la transmission annuelle des informations à jour, aucun autre type de contrôle n’est prévu, sauf en cas de signalement – et même dans ce dernier cas, les moyens d’action sont limités.

D’après le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France, « les contrôles sur place sont inexistants à Paris et très fragmentaires dans les académies de Créteil et Versailles. Sur l’académie de Paris, les IA-IPR ([87]) ne sont pas en capacité eu égard à leur charge de travail de se rendre dans les établissements, ni à l’ouverture de ceux-ci ni dans le cadre de contrôles périodiques de l’établissement. Pour l’académie de Versailles les IA-IPR sont dans l’impossibilité de se rendre sur place dans les 10 jours suivant la délivrance du récépissé pour les ouvertures d’établissements libres comme le veut la réglementation. C’est également le cas pour l’académie de Créteil. Le service parvient à faire visiter les établissements techniques au moment de leur demande d’ouverture, mais il n’y a pas d’autre contrôle par la suite, sauf à l’occasion de demandes de reconnaissance ou d’habilitation à recevoir des étudiants boursiers. » Des contrôles a posteriori peuvent être réalisés en cas de signalement.

Les enquêtes annuelles prévues en droit, qui doivent notamment permettre la vérification d’informations tenant aux volumes horaires et aux qualités des professeurs, ne sont que partiellement effectives. À titre d’exemple, moitié des établissements ouverts échappent au contrôle des services de la région académique Île‑de-France.

Pour les établissements à distance, le droit prévoit bien un contrôle pédagogique devant être réalisé par un Inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional (IA-IPR), mais selon le rapport précité de l’inspection générale de l’éducation nationale de 2015, il est très limité : « Il n’y a de contrôle ni sur la manière dont le programme est réalisé, ni sur la progression pédagogique. » Ce constat semble toujours d’actualité.

Les obligations en matière de publicité sont à la fois dépassées et inappliquées. Les services du recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation en Île-de-France indiquent que les transmissions préalables sont peu ou pas effectuées. L’obligation de rappeler dans la dénomination même de l’établissement son caractère privé n’est manifestement pas respectée non plus.

Or, malgré le peu de contrôles réalisés en pratique, la situation actuelle permet aux établissements de communiquer sur les titres et diplômes ou sur une « reconnaissance de l’État », source de confusion voire de contentieux avec les usagers, comme cela a été souligné par les services compétents entendus par les rapporteures. (voir développements infra).

 

4.   La question des plaintes et des signalements

Le problème du traitement des plaintes et des signalements illustre la difficulté à saisir par le droit la question des établissements privés à but lucratif, qui restent à ce stade un impensé des politiques publiques.

Des signalements peuvent être effectués auprès des rectorats. Les équipes du service régional académique de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation d’Île-de-France reçoivent « parfois des signalements de pratiques douteuses de certains établissements, notamment s’agissant de publicité mensongère, communication abusive pouvant induire les candidats en erreur quant à la qualité et la reconnaissance du diplôme, ou bien des signalements d’établissements "fantômes" dont l’objet semble être de vendre à de jeunes étrangers extra-communautaires une inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, pièce indispensable pour la délivrance d’un visa étudiant. Ces signalements sont l’occasion de contrôler la situation administrative et le site web de l’établissement et de faire un rappel écrit des sanctions encourues. »

La compétence du rectorat s’arrête toutefois aux obligations statutaires des établissements. Ainsi, en cas de sollicitation par des étudiants, les services régionaux académiques sont amenés à rappeler que la relation entre l’étudiant et l’établissement privé est d’ordre privé. Les services ne sont pas habilités à agir dans le cadre des relations contractuelles entre l’étudiant et son établissement. Comme le souligne justement le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France : « Il apparaît que le principe "l’enseignement supérieur est libre" n’est pas toujours compris par les étudiants. Dans l’académie de Paris, les signalements d’usagers sont également transmis, pour information, avis voire suite à donner auprès du médiateur académique […]. Les établissements plusieurs fois signalés peuvent faire l’objet d’un signalement à la DGCCRF, à la DDPP ou au procureur de la République. Habituellement, ces signalements n’aboutissent à aucune suite connue de notre part. »

La DGCCRF peut être amenée à intervenir de façon ponctuelle, en fonction des objectifs qui sont déterminés en amont dans ses programmes de contrôles (voir ci-après), ou en cas de signalement.

C.   Différents mécanismes de reconnaissance des formations et des établissements, à la signification très variable

Le paysage de l’enseignement supérieur s’est prodigieusement complexifié ces dernières années, du fait de la multiplication des acteurs et des dénominations des formations proposées.

Dans ce contexte, les établissements de l’enseignement supérieur privé à but lucratif peuvent faire l’objet de différentes formes de reconnaissance qui ne garantissent pas toutes le même niveau de qualité. De surcroît, ils ne relèvent pas des mêmes autorités, certains dépendant du ministère de l’enseignement supérieur, quand d’autres relèvent du ministère du travail. Ces mécanismes de reconnaissance existent à deux échelles : celle de l’établissement et celle de la formation. Au total, plusieurs niveaux et types de reconnaissance se superposent, rendant l’ensemble très peu lisible.

Les établissements relevant de l’enseignement supérieur privé lucratif peuvent également ne faire l’objet d’aucune forme de reconnaissance, auquel cas, ils sont uniquement soumis aux obligations déclaratives précédemment décrites.

1.   La reconnaissance des établissements par le ministère de l’enseignement supérieur

a.   La qualification d’EESPIG : un haut niveau de reconnaissance, par nature exclu pour les établissements relevant du secteur privé lucratif

La qualification d’EESPIG, créée par la loi du 22 juillet 2013, peut être considérée comme le degré de reconnaissance le plus avancé à l’égard d’un établissement privé. La création de ce statut montre la volonté du législateur d’instaurer une forme de contractualisation entre l’État et les établissements du supérieur privé. Le statut d’EESPIG garantit un haut niveau de reconnaissance concernant la qualité des formations et des engagements réciproques, formalisés par un contrat pluriannuel entre l’établissement et la puissance publique. La qualification EESPIG peut être obtenue tant par les EETP que par les EESP. Elle ne peut en revanche pas, par définition, être obtenue par les établissements relevant du secteur lucratif.

b.   La reconnaissance des EETP : une reconnaissance a minima

Les EETP peuvent faire l’objet d’une reconnaissance par l’État. Aux termes de l’article L. 443-2 du code de l’éducation, « les conditions dans lesquelles les écoles techniques privées légalement ouvertes peuvent être reconnues par l’État sont fixées par décret en Conseil d’État ([88]). Le bénéfice de la reconnaissance peut toujours être retiré dans les mêmes conditions. ([89]) »

La reconnaissance par l’État est entérinée par décret ou arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, après enquête administrative et avis simple du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) ([90]). Elle passe par un contrôle sur le fonctionnement de l’établissement, ses formations et son personnel encadrant et enseignant. Les EETP doivent dans ce cadre délivrer un ensemble de documents, concernant leurs plans d’études et leurs programmes. L’octroi de la reconnaissance par l’État suppose que l’établissement ait déjà fonctionné un certain temps afin que puissent être examinées son activité et la qualité de l’insertion professionnelle des diplômés. Pour les EETP reconnus par l’État, la nomination du directeur et du personnel enseignant est soumise à l’agrément de l’autorité administrative (article L. 443-3 du code de l’éducation).

La reconnaissance par l’État de l’EETP est une condition sine qua non des procédures de reconnaissance ou d’habilitation des diplômes délivrés par l’établissement (procédures développées ci-après). Elle conditionne également une éventuelle participation financière de la puissance publique, l’article L. 443-4 du code de l’éducation ouvrant cette possibilité pour les EETP reconnus, à condition d’un avis favorable du Cneser. Enfin, elle est aussi obligatoire pour que les étudiants puissent bénéficier d’une bourse de l’État, sous réserve là aussi d’un avis favorable du Cneser.

Habilitation à recevoir des étudiants boursiers par les établissements d’enseignement supérieur privés

Les établissements d’enseignement supérieur privés qui remplissent les conditions prévues à l’article L. 731-5 du code de l’éducation sont habilités de plein droit à recevoir des boursiers (article L. 821-2 du même code). Il s’agit des facultés libres, soit des établissements régulièrement ouverts qui comprennent au moins le même nombre de professeurs pourvus du grade de docteur que les établissements de l’État qui comptent le moins d’emplois de professeurs des universités.

Les autres EESP peuvent également recevoir des boursiers, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur et sur avis du Cneser (article L. 821-2 du même code).

Les EETP reconnus par l’État peuvent être habilités à accueillir des étudiants boursiers, après avis favorable du Cneser (article L. 821-3 du même code).

Il est difficile d’évaluer la portée de cette reconnaissance par l’État accordée aux EETP. Dans son rapport de 2015 susmentionné, l’inspection générale de l’Éducation nationale s’interrogeait « fortement sur la valeur d’une reconnaissance qui a été accordée parfois depuis plus de cinquante ans, sans qu’aucun contrôle réel n’ait été effectué depuis ». Depuis 2021, le ministère de l’enseignement supérieur incite les établissements à déposer simultanément la demande de reconnaissance par l’État de l’établissement et la demande d’autorisation à délivrer un diplôme revêtu du visa de l’État. Par l’encouragement de cette simultanéité, le ministère semble reconnaître, au moins en partie, le caractère insuffisant de la reconnaissance de l’établissement. Dans une note parue au bulletin officiel concernant cette procédure, le ministère précise d’ailleurs que « le concours utile au service public de l’enseignement supérieur par l’établissement privé est apporté par le diplôme visé » ([91]). On peut dès lors s’interroger sur la valeur de la simple reconnaissance par l’État d’un établissement, si ce dernier ne dispose d’aucune formation visée ou gradée. Les rapporteures soulignent en outre que cette forme de reconnaissance pose un problème de lisibilité par rapport aux autres formes de reconnaissance.

Puisqu’il n’existe pas de liste permettant d’identifier les EETP reconnus par l’État (voir annexe n° 7), il n’est pas possible d’estimer combien d’établissements relevant du secteur lucratif ont fait l’objet d’une telle reconnaissance.

Il convient en outre de souligner que pour les EESP, la procédure de reconnaissance par l’État n’est prévue ni par le code de l’éducation, ni par aucun autre texte ([92]), ce qui participe encore du manque d’intelligibilité du droit applicable.

2.   La reconnaissance par le ministère de l’enseignement supérieur des formations délivrées par les établissements privés

a.   Le visa et le grade : des procédures exigeantes qui garantissent la qualité académique et pédagogique des formations

Les diplômes délivrés par les établissements du supérieur privé peuvent bénéficier d’une reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur à travers deux procédures : celle du visa et celle du grade, cette dernière constituant la forme de reconnaissance la plus aboutie. Les établissements relevant du secteur lucratif peuvent s’inscrire dans une démarche de reconnaissance de visa ou de grade.

L’apposition du visa ou du grade suppose le respect d’une procédure exigeante, qui doit permettre de garantir la qualité pédagogique et académique des formations ainsi que leur adossement à la recherche. Les rapporteures ont pu constater au cours des auditions le consensus autour de la qualité afférente à ce type de procédure.

  1.   Le visa

Les diplômes délivrés par les établissements privés peuvent faire l’objet d’un visa de la part de l’État, dans des conditions qui ont été précisées par voie réglementaire ([93]). L’attribution d’un visa suppose au préalable que l’école ait fait l’objet d’une reconnaissance par l’État et nécessite un contrôle pédagogique sur les formations. Elle implique par la suite que le recteur de région académique, chancelier des universités, nomme les jurys d’admission et de fin d’études, après consultation des établissements intéressés. Les diplômes sont signés par le président du jury et le directeur de l’école ainsi que par le recteur de région académique qui y appose le visa de l’État.

Pour obtenir un visa, l’école doit déposer un dossier détaillant les moyens humains, matériels et financiers de la formation, son organisation, le contenu du programme, le profil des enseignants et la part d’enseignants permanents, les activités de recherche et les modalités de sélection et de validation des diplômes ainsi que les taux d’insertion professionnelle des étudiants ([94]).

L’instance en charge de l’examen de ce dossier varie en fonction des types de formations concernées.

L’obtention d’un visa nécessite au préalable une évaluation par la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), qui établit des référentiels en la matière. À l’issue de cette évaluation, l’autorisation de délivrer des diplômes fait l’objet d’une décision du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Le visa délivré après évaluation de la CEFDG est valable pour une durée maximale de cinq ans.

La Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG)

Créée par le décret n° 2001-295 du 4 avril 2001, cette instance est chargée de l’évaluation des formations de commerce et de gestion dispensées par les établissements d’enseignement supérieur technique privés et consulaires ainsi que des diplômes que ces établissements et écoles délivrent. Elle est placée auprès des ministres chargés de l’enseignement supérieur, de l’industrie et du commerce.

Elle exerce une mission générale de contrôle de la qualité des formations des établissements consulaires et privés qui délivrent des formations de commerce et de gestion. Ses avis permettent d’éclairer les décisions que les ministères ont à prendre. Ils sont fondés sur des critères d’évaluation qui sont présentés sous forme d’un référentiel d’évaluation, en ligne sur le site internet de la CEFDG.

Dans les faits, depuis 2021, la CEFDG, en accord avec le ministère de l’enseignement supérieur et le Hcéres, a opéré un processus d’autonomisation conduisant à distinguer plus clairement les missions d’évaluation (périmètre de la CEFDG) de celle d’accréditation (périmètre du ministère).

Un protocole d’accord relatif au fonctionnement de la CEFDG a été signé en 2022 entre le ministère et le Hcéres afin que ce dernier assure le fonctionnement de la CEFDG en lui mettant à disposition locaux, matériel et personnel. La CEFDG n’a pas la personnalité morale et ne dispose donc pas de budget propre.

Pour les écoles d’ingénieurs, la loi du 10 juillet 1934 relative aux conditions de délivrance et à l’usage du titre d’ingénieur diplômé a instauré un cadre toujours en vigueur, aujourd’hui codifié aux articles L. 642-1 à L. 641-12 du code de l’éducation. La commission des titres d’ingénieur (CTI) décide, sur demande des écoles légalement ouvertes, si ces dernières présentent des programmes et donnent un enseignement suffisant pour délivrer des diplômes d’ingénieur. La CTI statue en premier et dernier ressort, par des décisions motivées, sur les demandes dont elle est saisie. Ses décisions ne peuvent être prises que sur un rapport présenté sur ces programmes et cet enseignement par un ou plusieurs inspecteurs ou chargés de mission d’inspection. La CTI accorde alors une habilitation à délivrer un diplôme d’ingénieur, valable pour cinq ans. Cette habilitation vaut à la fois visa et grade. La CTI est aussi en charge de l’évaluation des bachelors proposés par les écoles d’ingénieurs.

Pour les écoles qui ne sont ni des écoles d’ingénieurs, ni des écoles de commerce, la demande d’autorisation à délivrer un diplôme visé donne lieu à une expertise au niveau national, soit par les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur, soit par le Hcéres. Le visa est délivré pour une durée maximale de six ans par arrêté du ministère ([95]), après avis du Cneser, et peut être assorti de recommandations. Des visas peuvent être attribués à bac+3, bac+4 et bac+5 ([96]).

  1.   Le grade

Si le code de l’éducation prévoit que l’État a le monopole de la collation des grades (article L. 613-1 du code de l’éducation) et que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) les délivrent de plein droit, les établissements privés peuvent, sous de strictes conditions, obtenir l’autorisation de délivrer un grade de licence ou de master pour certaines formations, comme le prévoit l’arrêté du 27 janvier 2020 relatif au cahier des charges des grades universitaires. Dans ce cas, les étudiants passent leurs examens sous le contrôle d’un jury nommé par le recteur.

L’arrêté du 27 janvier 2020 détaille les critères analysés en vue de l’obtention des grades de master et de licence. La procédure est proche de celle prévue pour l’obtention d’un visa mais les critères sont plus exigeants. Ils portent sur la qualité académique et l’adossement à la recherche, la politique sociale, l’ancrage territorial et la mobilité internationale.

Le cadre est particulier pour ce qui concerne les écoles d’ingénieurs privées, car le titre d’ingénieur confère de droit le visa bac+ 5 ainsi que le grade de master. Les écoles accréditées à délivrer le titre d’ingénieur peuvent obtenir que leurs diplômes de bachelor valent grade de licence, sous le contrôle de la CTI. Pour les écoles de commerce et de gestion, l’obtention du grade de licence ou de master est soumise, comme pour le visa, à une évaluation de la CEFDG.

Pour les autres écoles souhaitant obtenir des grades pour leur formation, la procédure passe par un examen de la Dgesip et du Hcéres.

b.   Une minorité des formations relevant du secteur privé lucratif fait l’objet d’un grade ou d’un visa

L’État publie tous les ans les « liste et coordonnées des établissements d’enseignement supérieur technique privés et consulaires autorisés à délivrer un diplôme visé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et/ou à conférer le grade de master à leurs titulaires » ([97]). Cette liste ne permet malheureusement pas d’identifier le nombre d’établissements privés lucratifs délivrant des formations gradées ou visées ; elle ne précise pas la forme juridique des écoles en question. Elle porte uniquement sur les accréditations annuelles, tandis que la délivrance du visa ou du grade est pluriannuelle.

Néanmoins, les divers travaux et données communiqués montrent que les formations relevant du privé lucratif n’occupent qu’une part minoritaire au sein des formations visées ou gradées.

La CTI a indiqué lors de son audition qu’environ une dizaine des écoles d’ingénieurs relèvent du privé lucratif, soit moins de 5 % du total des écoles accréditées par la commission.

En 2023, la CEFDG a examiné 167 formations correspondant à 63 écoles de management. Parmi elles, 16 sont des EESPIG, les autres sont soit des établissements consulaires, soit des établissements privés lucratifs. On dénombre parmi elles 14 écoles de management faisant partie de groupes privés tels que Galiléo, Omnes, Ionis. La CEFDG ne fait pas de distinction entre les formations et diplômes évalués selon qu’ils émanent d’établissements privés lucratifs ou non lucratifs. Néanmoins, la commission accorde « un soin particulier à étudier, analyser et évaluer l’environnement dans lequel la formation est dispensée à savoir l’école avec sa gouvernance ainsi que ses finances et la soutenabilité financière de chaque formation nouvelle soumise à son évaluation. Que les écoles soient lucratives ou non lucratives, le réinvestissement des bénéfices au service de la formation des étudiants est un élément clé auquel la commission attache une importance particulière. » ([98])

Certaines personnes auditionnées soulignent que le visa et le grade peuvent être utilisés comme « tête de gondole » par les établissements. En effet, une même école peut proposer des diplômes visés, voire gradés, et d’autres qui ne le sont pas.

Le fait que le grade et le visa soient minoritaires dans les formations proposées par le secteur privé lucratif doit aussi être analysé au prisme de la spécificité des enseignements qui y sont dispensés. Les acteurs du secteur mettent en avant le fait que le mécanisme du visa et du grade n’est pas adapté à la spécificité de leurs formations, souvent courtes et « professionnalisantes », avec des intervenants issus du milieu professionnel, tandis que les critères du visa et du grade accordent une place importante aux enjeux académiques et d’adossement à la recherche.

Les conventions et jurys rectoraux

Pour les EESP, une procédure supplémentaire est prévue pour délivrer un diplôme reconnu par l’État, à travers un principe de conventionnement avec l’université, ou à défaut dans le cadre de la procédure du jury rectoral (article L. 613-7 du code de l’éducation). Ces pratiques semblent peu concerner des établissements relevant du secteur privé lucratif.

Dans cette hypothèse, le jury est désigné par le recteur de région académique et présidé par un professeur d’université. Lorsqu’une convention est signée, les étudiants de l’établissement privé passent les examens universitaires dans les mêmes conditions que les autres étudiants. La procédure du jury rectoral, conçue initialement comme une exception à la procédure de conventionnement, tend à devenir la règle.

3.   La reconnaissance par le ministère du travail : les titres RNCP et la certification Qualiopi

En parallèle des règles de reconnaissance de formation développées par le ministère de l’enseignement supérieur, déjà complexes en tant que telles, le ministère du travail a développé ses propres mécanismes de reconnaissance et de contrôle des établissements et des formations. Initialement pensés pour la formation continue, ces outils se développent aujourd’hui massivement dans les formations initiales post-bac, notamment en lien avec l’essor de l’apprentissage.

Ainsi, les établissements peuvent proposer des formations correspondant à des certifications professionnelles inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), en apprentissage ou hors apprentissage et obtenir une certification intitulée Qualiopi. La certification Qualiopi et l’inscription d’une certification au RNCP sont obligatoires dès lors que l’organisme de formation souhaite pouvoir bénéficier des fonds publics de la formation (financement public ou mutualisé de la formation professionnelle et de l’apprentissage) ([99]). Les formations proposées par les établissements privés à but lucratif entrent pour la majorité d’entre elles dans cette catégorie.

a.   L’inscription d’une formation au répertoire national des certifications professionnelles, une reconnaissance avant tout fondée sur l’insertion professionnelle

  1.   Les titres professionnels inscrits au RNCP : un cadre juridique réformé depuis 2018

Le cadre juridique applicable en la matière a été profondément remanié par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a procédé à une refonte des certifications professionnelles, autour d’un rôle clé confié à un nouvel opérateur, France compétences. Les diplômes ou les titres à finalité professionnelle peuvent être obtenus par les voies scolaire et universitaire, par la formation professionnelle, notamment l’apprentissage, ou, en tout ou en partie, par la validation des acquis de l’expérience.

Le titre professionnel est une « certification d’État élaborée et délivrée par le ministère du travail. Il atteste que son titulaire maîtrise les compétences, aptitudes et connaissances permettant l’exercice d’un métier et favorise l’accès à l’emploi ou l’évolution professionnelle de son titulaire. » ([100]) Aux termes de l’article L. 6313-1 du code du travail, « les certifications professionnelles enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles permettent une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l’exercice d’activités professionnelles ». Le droit distingue huit niveaux de qualification, comme explicité dans l’encadré ci-dessous.

Les titres professionnels se décomposent obligatoirement en blocs de compétences (article L. 6113-1 du code du travail), appelés certificats de compétences professionnelles. Ces blocs sont définis comme des « ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l’exercice autonome d’une activité professionnelle ». Il s’agit d’une fraction de certification professionnelle enregistrée au RNCP, qui doit permettre de développer les parcours modulables et individualisés. Les rapporteures observent que cette logique paraît emprunter davantage aux enjeux de la formation continue que de la formation initiale, mais qu’elle imprègne aujourd’hui de facto les formations dites « professionnalisantes » proposées dans le supérieur, et en particulier dans le supérieur privé à but lucratif.

 

Les niveaux de qualification

Pris en application de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le décret d’application n° 2019-14 du 8 janvier 2019 distingue huit niveaux de qualification (1).

Le niveau 1 constitue le niveau le plus bas, associé à la maîtrise des savoirs de base. Les certifications correspondant à ce niveau ne sont pas rattachables à un métier déterminé et ne peuvent être enregistrées au RNCP. À partir du niveau 2, les formations peuvent être inscrites au RNCP. Le niveau 8 correspond aux capacités à identifier et résoudre des problèmes complexes et nouveaux impliquant une pluralité de domaines, en mobilisant les connaissances et les savoir-faire les plus avancés, à concevoir et piloter des projets et des processus de recherche et d’innovation.

Le décret précité indique les correspondances avec les diplômes nationaux. Le diplôme national du baccalauréat équivaut au niveau 4, la licence au niveau 6, le master au niveau 7 et le doctorat au niveau 8. Ces équivalences valent uniquement dans un sens : une licence équivaut à un titre RNCP de niveau 6, en revanche, un titre RNCP de niveau 6 n’équivaut pas à une licence.

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() La nomenclature de 1969 en vigueur jusqu’en 2019 était construite en référence aux seuls diplômes de l’éducation nationale. Cette nouvelle nomenclature s’appuie sur des savoirs et des compétences.

  1.   La procédure d’obtention d’un titre RNCP

La procédure d’enregistrement des titres et diplômes auprès de France compétences (article L. 6113-1 du code du travail) diffère en fonction du type de la formation concernée. Les diplômes et titres délivrés au nom de l’État sont inscrits de droit au RNCP pour une durée de cinq ans ([101]). Pour les autres titres et diplômes à finalité professionnelle, l’enregistrement d’un titre ou d’un diplôme est soumis à un avis conforme de France compétences et passe par l’intervention de la commission chargée des certifications professionnelles de France compétences. Dans cette seconde hypothèse, les demandes sont généralement formulées par les branches professionnelles ou les organismes de formation privés.

Les demandeurs doivent déposer un dossier auprès de France compétences, comportant notamment la durée d’enregistrement et le niveau de qualification souhaités, un extrait de casier judiciaire pour les personnes exerçant une fonction de direction, le domaine d’activité et la décomposition de la certification en blocs de compétences.

Si la demande est complète et recevable, elle est instruite par la direction de la certification professionnelle de France compétences, puis examinée par la commission de la certification professionnelle. La commission examine neuf critères au stade de l’instruction (article R. 6113-9 du code du travail), parmi lesquels :

 l’adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle s’appuyant sur l’analyse d’au moins deux promotions de titulaires du projet de certification professionnelle ;

– l’impact du projet de certification professionnelle en matière d’accès ou de retour à l’emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l’impact de certifications visant des métiers similaires ou proches ;

– la qualité du référentiel d’activités, du référentiel de compétences et du référentiel d’évaluation ;

– la mise en place de procédures de contrôle de l’ensemble des modalités d’organisation des épreuves d’évaluation ;

– la prise en compte des contraintes légales et réglementaires liées à l’exercice du métier visé par le projet de certification professionnelle ;

– la cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d’évaluation.

La commission compétente de France compétences rend son avis au regard des critères précités et fixe, le cas échéant, la durée d’enregistrement, laquelle ne peut être supérieure à cinq ans (article L. 6113-5 du code du travail). Le directeur général de France compétences approuve ensuite la demande. Pour les métiers identifiés par la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle comme particulièrement en évolution ou en émergence, une procédure simplifiée est prévue (article L. 6113-1 du code du travail).

Il ressort des auditions conduites par les rapporteures que le titre RNCP ne garantit pas nécessairement la qualité d’une formation sur le plan pédagogique. Si le contrôle s’est renforcé depuis l’entrée en vigueur de la dernière réforme de 2018, les critères précités portent en effet quasiment exclusivement sur les enjeux d’insertion professionnelle, dont l’évaluation est en outre difficile à objectiver, et de respect des procédures. Notons à cet égard qu’une fois le titre obtenu, les ministères et organismes certificateurs ([102]) sont tenus de communiquer au moins tous les deux ans les données statistiques portant sur l’insertion professionnelle des titulaires des certifications professionnelles enregistrées sur demande au RNCP (article R. 6113-15 du code du travail). À ce stade, les éléments communiqués sont encore d’ordre déclaratif. Le RNCP constitue d’ailleurs initialement et avant tout un outil visant à éclairer l’employeur dans le cadre de sa procédure de recrutement.

En revanche, les enjeux relatifs à la qualité pédagogique occupent une place très modeste dans l’examen réalisé par France compétences. Il n’existe pas de critères en lien avec le profil des professeurs recrutés ou le nombre d’heures délivrées par exemple. Il convient également de souligner que certains établissements ou CFA peuvent proposer des formations 100 % à distance et obtenir des titres RNCP.

En outre, le fonctionnement actuel du RNCP paraît aujourd’hui loin d’être satisfaisant, en raison d’une régulation et de contrôles insuffisants, comme développé ci-après ([103]).

b.   Qualiopi : une reconnaissance avant tout procédurale

  1.   Qu’est-ce que Qualiopi ?

La certification Qualiopi a été mise en place dans le prolongement de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, conformément aux dispositions de l’article L. 6316-1 du code du travail. La certification porte sur l’ensemble d’un établissement, et non sur une formation en particulier. Elle trouve son origine dans la volonté de créer un outil de régulation, garant de la qualité des organismes de formation, dans le contexte de profonde libéralisation de ce secteur d’activité. Depuis le 1er janvier 2022, sa détention est obligatoire pour pouvoir bénéficier des fonds de la formation.

  1.   La procédure de délivrance de la certification Qualiopi

La certification Qualiopi est délivrée pour une durée de trois ans aux organismes de formation, par des certificateurs accrédités par le Comité français d’accréditation (Cofrac) ou par une instance de labellisation reconnue par France compétences. L’organisme certificateur ([104]) effectue un audit initial, un audit de surveillance, puis un audit de renouvellement. Le label Qualiopi a conduit au développement d’un marché de la certification, puisque les organismes certificateurs sont des acteurs privés. On compte aujourd’hui 37 organismes certificateurs et huit instances de labellisation du label Qualiopi ([105]).

Les formations évaluées par la CTI, le Hcéres et les formations délivrées par les EESPIG (article L. 6316-4 du code du travail) bénéficient automatiquement du label Qualiopi ([106]).

Pour les autres formations, l’attribution du label Qualiopi s’effectue après examen d’une liste de sept critères et 32 indicateurs, regroupés dans un référentiel national qualité (article R. 6316-1-1 du code du travail) et faisant l’objet d’un guide de lecture « Qualiopi » disponible en ligne ([107]).

Les sept critères Qualiopi

Sept critères sont examinés dans le cadre de l’attribution du label Qualiopi, auxquels correspondent 32 indicateurs :

Les conditions d’information du public sur les prestations proposées, les délais pour y accéder et les résultats obtenus ;

L’identification précise des objectifs des prestations proposées et l’adaptation de ces prestations aux publics bénéficiaires, lors de la conception des prestations ;

3° L’adaptation aux publics bénéficiaires des prestations et des modalités d’accueil, d’accompagnement, de suivi et d’évaluation mises en œuvre ;

L’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement aux prestations mises en œuvre ;

La qualification et le développement des connaissances et compétences des personnels chargés de mettre en œuvre les prestations ;

6° L’inscription et l’investissement du prestataire dans son environnement professionnel ;

7° Le recueil et la prise en compte des appréciations et des réclamations formulées par les parties prenantes aux prestations délivrées.

La certification Qualiopi s’attache principalement à des garanties procédurales, dans un contexte où environ 40 000 organismes de formation sont certifiés Qualiopi. Les critères de Qualiopi concernent essentiellement la lisibilité offerte aux familles, la question de l’insertion professionnelle, la lutte contre la discrimination. En revanche, Qualiopi comporte très peu d’éléments en lien avec la qualité pédagogique, et aucun élément relatif aux personnels ou au taux d’encadrement. De très nombreuses personnes auditionnées par les rapporteures ont insisté sur le fait que Qualiopi atteste globalement des procédures mises en œuvre par l’organisme, mais non du contenu des formations dispensées ou des modalités pédagogiques.

Le coût de la certification Qualiopi est estimé entre 1 500 et 4 000 euros, selon la taille de l’organisme de formation.

 

 

 

 


   deuxième partie :
L’Essor de l’eNSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ À BUT LUCRATIF : des causes multifactorielles

L’enseignement supérieur privé à but lucratif connaît un essor sans précédent ces dernières années pour trois raisons principales : l’incapacité de l’enseignement public à absorber un public étudiant toujours plus nombreux ; une réforme de l’apprentissage dont il a su tirer parti, et le soutien d’investissements publics et privés dynamiques. L’intérêt des collectivités territoriales et l’efficacité d’une communication offensive et efficace doivent également être cités.

I.   UN enseignement supÉrieur public qui ne paraît pas en mesure de rÉpondre À la FORTE demande d’enseignement supÉrieur d’une partie de la jeunesse

La population étudiante a augmenté de quelque 600 000 étudiants en dix ans. La croissance des moyens alloués au secteur public de l’enseignement supérieur public ne permet pas d’absorber la dynamique haussière des effectifs étudiants.

L’inadéquation entre les capacités d’accueil de l’enseignement supérieur public et la croissance des effectifs étudiants n’est pas nouvelle. En 2015, le rapport susmentionné de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche présentait déjà ce constat : « À peu près partout, la hausse de l’enseignement supérieur privé au cours des dernières décennies a eu pour cause l’impossibilité matérielle (ou parfois le refus pour des raisons politiques) des gouvernements de faire face à l’accroissement massif de la demande d’enseignement supérieur par un effort public supplémentaire. » ([108])

Le développement du secteur privé lucratif répond non seulement à la capacité d’absorption limitée du secteur public mais également à une certaine rigidité de l’offre publique de formation et à son insuffisante réactivité pour répondre aux demandes du marché du travail et à l’évolution technologique.

A.   de plus en plus de jeunes souhaitent prolonger leurs Études aprÈs le baccalaurÉat

Trois facteurs se conjuguent pour expliquer cette hausse importante d’enseignement supérieur : le « boom » démographique des années 2000, des taux grandissants de succès aux baccalauréats et la demande croissante pour le diplôme, perçu comme une garantie contre le chômage.

Le début des années 2000 est marqué par une augmentation importante du nombre de naissances par rapport à la décennie précédente. De 728 000 naissances en moyenne par an sur la période 1993-1999, on passe à une moyenne annuelle d’environ 768 000 naissances pour la période 2000-2005, soit environ 40 000 naissances supplémentaires par an ([109]). Cela se traduit mécaniquement par un accroissement du nombre d’élèves accédant au baccalauréat.

Ce facteur démographique se conjugue par ailleurs à des taux de réussite de plus en plus élevés au baccalauréat. Toutes filières confondues, le taux de réussite au baccalauréat passe en effet de 75 % en 1995 à plus de 91 % en 2022.

Enfin, aux yeux des jeunes et de leurs parents, ainsi que l’ont confirmé les chercheurs du centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) lors de leur audition, le diplôme de l’enseignement supérieur apparaît comme la meilleure garantie pour l’insertion professionnelle et la mobilité sociale ascendante. Les études supérieures sont perçues comme un rempart face au chômage. La volonté politique, affirmée dès le milieu des années 1980, d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat et, ensuite, 50 % à la licence, se concrétise.

Un rapport de IGESR de 2023 note ainsi la « propension de plus en plus importante des bacheliers professionnels à poursuivre des études supérieures ». Aujourd’hui, presque la moitié des bacheliers professionnels (46 %) s’engagent dans des études supérieures, alors qu’ils étaient, selon le rapport, 17,3 % en 1997 et moins de 35 % en 2010 ([110]).

Les familles considèrent l’enseignement supérieur comme un investissement. Le prix payé pour les années d’étude (frais de scolarité éventuels, coût de la vie étudiante) doit apporter un bénéfice par rapport à celui qui n’a pas fait d’études, permettant ultérieurement une ascension économique et sociale.

Une grande partie des jeunes des classes populaires, désireuse de poursuivre au-delà du baccalauréat, se tourne vers des formations courtes (bac + 2, bac + 3), notamment celles proposées par l’enseignement privé (préparation BTS, bachelor), moins sélectives, qui constituent à leurs yeux une voie de promotion sociale. Ce sont notamment vers des formations en apprentissage que ces jeunes s’orientent, ce dernier ayant été profondément remanié par la loi pour choisir son avenir professionnel adoptée en 2018.

B.   L’enseignement supÉrieur public n’a pas absorbÉ la hausse des effectifs des Étudiants

L’enseignement supérieur public n’a pas été en mesure d’absorber la nouvelle population étudiante.

Beaucoup d’acteurs entendus, notamment les représentants des organisations de personnels, regrettent l’incapacité du secteur public, et plus précisément de l’université, à absorber la hausse de la population étudiante, du fait de moyens insuffisants en termes d’enseignants mais aussi de locaux, la capacité immobilière du secteur public n’étant pas illimitée.

France Universités souligne la dégradation de la situation financière des universités, et notamment l’insuffisance du financement par l’État. Depuis 2013, la dépense moyenne par étudiant à l’université recule de façon marquée (– 10% en euros constants) en raison d’une progression des effectifs (+ 13,2 %) supérieure à celle du financement (+ 1,9 % en euros constants), comme le souligne un récent rapport parlementaire ([111]), s’appuyant sur des données transmises par le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire pour 2024.

Selon une note du conseil d’analyse économique (CAE) de 2021 ([112]), « alors que les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % à l’université entre 2010 et 2020, le nombre d’enseignants diminuait de 2 % ». Un représentant du personnel enseignant entendu alerte sur le fait qu’en « 2022-2023, pour la première fois depuis plus de 13 ans, le nombre de places ouvertes en première année à l’université a baissé par rapport à l’année précédente ».

L’écart entre les capacités d’accueil de l’enseignement supérieur public et la population désireuse de poursuivre des études contraint mécaniquement à un déport d’une large partie de la jeunesse vers l’enseignement supérieur privé, notamment lucratif.

On ne saurait pourtant expliquer la forte hausse des effectifs du secteur privé lucratif par la seule insuffisance des moyens dans le secteur public.

Avec d’autres, les rapporteures font le constat préoccupant d’une désaffection des étudiants pour l’université en raison d’un encadrement jugé insuffisant, de taux d’échecs redoutés en première année, ou encore du manque de formations répondant aux aspirations de la jeunesse, notamment dans le secteur des industries culturelles. Ces étudiants craignent donc de ne pas parvenir à trouver un emploi et d’être en situation d’échec. Or c’est précisément ce que promettent de leur éviter les établissements d’enseignement supérieur à but lucratif, avantage auquel s’ajoutent, s’ils choisissent la voie de l’apprentissage, des frais d’inscriptions inexistants et une rémunération mensuelle qui leur permettra une poursuite d’études optimale.

II.   la rÉforme de l’apprentissage a jouÉ un rôle majeur dans le dÉveloppement du secteur privÉ lucratif

La réforme de l’apprentissage, issue de la loi LCAP de 2018 associée aux mesures de soutien à l’embauche, a incontestablement produit des effets bénéfiques en termes d’emploi des jeunes et de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Elle constitue aussi l’un des facteurs majeurs permettant de comprendre le développement de l’enseignement supérieur privé à but lucratif ces dernières années. Ce constat suscite néanmoins des interrogations légitimes quant à l’évolution des politiques publiques relatives à l’apprentissage, notamment sur le plan qualitatif.

A.   La rÉforme de l’apprentissage

L’apprentissage est défini par le code du travail comme « une forme d’éducation alternée qui a pour objet de donner à des jeunes travailleurs, ayant satisfait à l’obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l’obtention d’une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles » (article L. 6211-1). Cette forme d’éducation puise ses origines dans le compagnonnage, qui se développe au Moyen Âge et concerne à l’époque les métiers d’artisanat. Après sa suppression à la Révolution française dans le cadre de l’abolition des corporations, un nouveau cadre juridique est posé au sortir de la première guerre mondiale. L’apprentissage progresse tout au long du XXe siècle. En 1987, il est ouvert à l’enseignement supérieur, dans le cadre de la réforme conduite par Philippe Seguin, alors ministre des affaires sociales et de l’emploi.

La dernière grande réforme concernant le secteur date de 2018 à la faveur de la loi précitée présentée par Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, et qui entendait effectuer une « révolution copernicienne » de son organisation. Couplée aux aides exceptionnelles mises en place à compter de 2020, cette réforme a conduit l’apprentissage à connaître un essor sans précédent, particulièrement dans l’enseignement supérieur, et à jouer un rôle déterminant dans le développement du secteur de l’enseignement supérieur à but lucratif.

1.   Une libéralisation du secteur portée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018

La loi LCAP a cherché à encourager massivement l’apprentissage, à travers une libéralisation de son fonctionnement. On peut en retenir les principales caractéristiques suivantes :

– les conditions de création des CFA ont été assouplies : la création d’un CFA ne nécessite plus l’autorisation des régions et passe par une simple procédure de déclaration auprès de l’administration déconcentrée ;

– les procédures administratives et les règles encadrant le contrat d’apprentissage et les obligations des parties ont été assouplies et simplifiées. L’apprentissage est désormais possible pour les jeunes jusqu’à 29 ans révolus, contre 25 ans avant la loi ;

 les modalités de prise en charge des coûts de formation ont été entièrement revues. Un rôle clé est désormais confié à France compétences, instance de gouvernance de l’apprentissage et de la formation professionnelle, chargée de sa régulation et de son financement. La réforme a également transformé les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) en onze Opco. Les taxes prélevées sur les entreprises ont été refondues en une contribution unique, reversée à France compétences. L’opérateur se charge ensuite de distribuer aux organismes de formation les ressources devant couvrir les coûts de formation, conformément au niveau de prise en charge (NPEC), déterminé à l’échelle de chaque branche professionnelle (voir l’encadré ci-dessous) ;

 enfin, la loi de 2018 a également instauré une aide unique pour les employeurs, en remplacement des différentes aides qui existaient auparavant. Le montant de cette nouvelle aide votée en 2018 était de 4 125 euros maximum la première année, de 2 000 euros la deuxième année et de 1 000 euros la troisième année d’exécution du contrat. Ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et la préparation des diplômes inférieur ou égal au baccalauréat, sa finalité était donc de faciliter l’accès à l’emploi des jeunes qui en sont les plus éloignés, en incitant les petites et moyennes entreprises à les accueillir.

Le système des « coûts contrats » et les dérives identifiées concernant le niveau de prise en charge (NPEC)

Avant la réforme de 2018, le financement de l’apprentissage passait par la collecte de la taxe d’apprentissage directement auprès des entreprises et par le versement aux CFA d’une subvention d’équilibre par les régions. Désormais, les CFA sont financés par France compétences selon un mécanisme de calcul du coût de formation associé au contrat d’apprentissage, dit « coût contrat », et non plus par subvention des régions, dont le rôle est désormais mineur.

Les CFA reçoivent ainsi des financements de France compétences, qui collecte les ressources des Opco correspondant à la taxe de formation, selon un niveau de prise en charge (NPEC) des coûts de formation, déterminé par les branches. France compétences joue un rôle de régulation en la matière en formulant des recommandations. Si les branches ne parviennent pas à fixer les modalités de prise en charge ou en cas de divergence avec les recommandations de France compétences, l’État peut fixer lui-même le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage, par arrêté.

France compétences verse donc des financements aux organismes de formation, sur la base des « coûts contrats » calculés par chaque branche professionnelle. La loi de 2018 a instauré une obligation de remontée des comptes analytiques des CFA, qui doivent servir de fondement au calcul des niveaux de prise en charge.

Le fonctionnement actuel est marqué par un déséquilibre entre le total des financements nécessaires pour assurer la prise en charge des « coûts contrats » et les ressources afférentes. France compétences est donc amenée à compenser l’écart qui en résulte, ce qui explique la situation financière difficile de cet opérateur et le comblement de son déficit par l’État. Comme le note la Cour des comptes dans un récent rapport, « en 2022, sans le secours de 4 milliards d’euros de dotations exceptionnelles de l’État complétant les concours bancaires négociés à hauteur de 2,6 milliards d’euros, France compétences […] se serait trouvé en situation de cessation de paiement dès le mois de septembre » (1).

Les enjeux relatifs au calcul des NPEC soulèvent également un certain nombre de questions. Selon la Cour des comptes, « en moyenne, les niveaux de prise en charge des contrats ont été dans un premier temps supérieurs d’au moins 17 % aux coûts réels. La mise en place d’une rémunération forfaitaire à l’activité au 1er janvier 2020 par les opérateurs de compétences, en lieu et place d’un financement au réel par les régions, a eu un effet inflationniste sur la dépense en faveur de l’apprentissage. »

Le Gouvernement a cherché à faire davantage converger les niveaux de financement vers les coûts réels, en se fondant sur les remontées des comptabilités analytiques. Une baisse des niveaux de prise en charge a été annoncée par le Gouvernement au mois de juin 2022. Après des reports tenant aux besoins de concertation avec les branches, les NPEC ont baissé de 5 % en moyenne en novembre 2022, puis de 5 % au 1er septembre 2023.

(1)  Cour des comptes, Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, note thématique, juillet 2023, p. 4.

 


2.   Des aides financières exceptionnelles, massives et sans précédent

Dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid-19, le Gouvernement a pris une série de mesures pour éviter un effondrement de l’emploi des jeunes et soutenir l’activité. C’est ainsi que l’aide à l’apprentissage s’est très considérablement élargie. Ainsi, en juillet 2020, une loi de finances rectificative ([113]) a mis en place une aide exceptionnelle de 5 000 euros pour les apprentis mineurs et de 8 000 euros pour les majeurs. Les conditions pour pouvoir en bénéficier ont été considérablement étendues, par rapport à la philosophie initiale de l’aide unique mise en place en 2018 :

 toute entreprise peut désormais bénéficier de l’aide, à condition pour les entreprises de plus de 250 salariés de justifier d’un nombre minimal d’apprentis dans leurs effectifs, ou d’une croissance minimale de ce nombre sur une période donnée ([114]) ;

 l’aide n’est plus cantonnée aux formations du secondaire : les formations relevant de l’enseignement supérieur sont désormais éligibles, jusqu’au niveau 7 du RNCP (bac + 5).

Reconduite à plusieurs reprises, l’aide a de nouveau évolué en janvier 2023, conformément à la loi de finances pour 2023 ([115]). Son montant est désormais de 6 000 euros quel que soit l’âge de l’apprenti, pour la première année du contrat. Les autres conditions posées en 2020 restent identiques. La loi de finances pour l’année 2024 ([116]) a reconduit l’aide. Le Gouvernement et le Président de la République ont annoncé que celle-ci se poursuivrait jusqu’en 2027.

Les aides à l’embauche d’apprentis ont représenté un coût de plus de 4 milliards d’euros en 2021 et de 4,4 milliards d’euros en 2022.

3.   Un système triplement gagnant

L’apprentissage profite à de nombreux acteurs :

– il offre à l’apprenti une formation gratuite et une rémunération, tout en facilitant l’accès à l’emploi ;

– pour l’entreprise, l’aide à l’embauche mise en place est considérée comme l’une des plus importantes des dernières décennies ;

– du point de vue de l’établissement, l’apprentissage permet d’augmenter le nombre d’élèves inscrits ainsi que les ressources de l’école. Il permet d’économiser sur les dépenses de formation, puisqu’une partie importante de la formation de l’apprenti a lieu en entreprise.

B.   Une explosion de l’apprentissage dont le secteur lucratif a su particuliÈrement tirer parti

1.   Une hausse sans précédent du nombre d’apprentis…

Le Céreq distingue trois phases de développement de l’apprentissage ces cinquante dernières années en France :

– une période de stagnation dans les années 1970 et 1980, où l’on comptait moins de 250 000 apprentis ;

– une période de forte progression dans les années 1990 et 2000, au cours de laquelle le nombre d’apprentis se situe entre 350 000 et 400 000 environ ;

– une explosion des effectifs depuis 2019.

Entre 2016 et 2023, le nombre d’entrées de jeunes en apprentissage est passé d’un peu moins de 300 000 à 852 200 ([117]). L’année 2019 est identifiée comme un point de rupture : entre 2019 et 2021, la hausse a été de 98 %. On compte aujourd’hui au total 1,02 million de jeunes en contrat d’apprentissage.

Il convient toutefois de noter qu’un plateau du taux de progression du nombre de contrats signés semble être atteint : si le nombre de contrats a augmenté de 14,1 % entre 2021 et 2022 et de 38,1 % entre 2020 et 2021, la croissance n’a été que de 1,9 % entre 2022 et 2023 ([118]).

2.   … largement portée par le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur

L’augmentation spectaculaire du nombre de contrats d’apprentissage s’explique principalement par un effet « d’aspiration par le haut » : l’essentiel de la hausse est dû aux formations en apprentissage dans l’enseignement supérieur. Ainsi, parmi les 852 200 contrats d’apprentissage signés en 2023, la majorité (525 800) concerne une formation de l’enseignement supérieur ([119]).

La proportion s’est inversée par rapport à la situation qui prévalait avant la réforme. Selon la Cour des comptes, entre 2017 et 2022, l’augmentation du nombre de nouveaux apprentis dans l’enseignement supérieur a représenté plus de trois fois celle du nombre de nouveaux apprentis pré-bac. D’après le ministère de l’enseignement supérieur, « en 1993, seuls 2 % des apprentis préparaient un diplôme d’un niveau 5 ou plus. En 2006, cette proportion monte à 10 %, et en 2017 plus de 20 % des apprentis sont des étudiants du supérieur. Cinq ans après ils sont 38 % dans ce cas. Entre 2005 et 2021, le nombre d’apprentis préparant un diplôme de l’enseignement supérieur a bondi de + 580 %, cette augmentation s’élevant à + 1 220 % pour les étudiants préparant spécifiquement un master » ([120]).

Nombre d’entrées en apprentissage en fonction du niveau de diplôme préparé entre 2008 et 2022

7BE7C46

Source : Note de l’OFCE du 14 juin 2023, à partir des données de la DARES.

3.   Le secteur privé lucratif dynamisé par l’apprentissage

La croissance du nombre d’apprentis s’est logiquement accompagnée d’une augmentation de l’offre de formation, avec une hausse du nombre de CFA, passant de moins de 1 000 centres ouverts en 2018 à près de 3 825 aujourd’hui ([121]). Le paysage de l’offre de formation en apprentissage s’est considérablement modifié avec la libéralisation du secteur.

D’après le constat dressé par la Cour des comptes, de très nombreux CFA ont été créés, en général par des organismes de formation principalement positionnés sur le segment des formations tertiaires et supérieures au niveau bac + 2. La Cour souligne d’ailleurs que les modalités de financement des organismes de formation favorisent le développement de formations tertiaires dans l’enseignement supérieur, sans que ne puissent être pris en compte les besoins prioritaires de l’économie ([122]). Pour le Céreq, ces modifications sont à l’origine de difficultés pour identifier clairement les différentes structures qui interviennent dans le champ de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.

L’apprentissage apporte des ressources financières non négligeables aux établissements, qu’ils soient privés ou publics. Le secteur privé lucratif a particulièrement su en tirer parti. Le modèle économique de certains organismes de formation privés lucratifs paraît reposer en grande partie sur les ressources issues de l’apprentissage. Le réseau Entreprises Éducatives pour l’Emploi (3E), qui représente douze acteurs importants du secteur, évalue ainsi « le montant des financements public et mutualisé d’entreprises perçus par [ses] adhérents à environ 850 millions d’euros ». Toujours selon ce réseau, la prise en charge de l’apprentissage représente la moitié des recettes réalisées par les entreprises membres du réseau.

L’apprentissage a donc constitué une opportunité majeure pour les grands groupes de l’enseignement supérieur privé. L’un des leaders du secteur, Omnes, indique ainsi être dans une forte dynamique de croissance, avec l’objectif d’atteindre 50 000 étudiants d’ici 2025, contre 40 000 aujourd’hui. Comme l’indique le groupe : « Cette dynamique est notamment – mais pas uniquement – portée par l’apprentissage : un tiers de nos étudiants sont aujourd’hui en apprentissage, et c’est le cas de 50 % des promotions intégrées en septembre 2023. » Pour un chiffre d’affaires total atteignant 400 millions d’euros pour l’exercice 2022-2023, Omnes indique que 148 millions d’euros, soit 37 %, proviennent du financement des « coûts contrats ». Pour 2024, le pourcentage lié au financement issu de l’apprentissage est estimé à 32 %.

Le ministère du travail indique dans la contribution écrite adressée aux rapporteures que des travaux sont en cours pour estimer le nombre d’apprentis relevant du périmètre de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Les données actuelles du ministère permettent d’avancer que 131 902 entrées en apprentissage correspondent au secteur de l’enseignement supérieur privé réputé à but lucratif soit 26 % des entrées en apprentissage en post-bac (16 % du total ([123]) des entrées en 2022).

Les rapporteures regrettent de n’avoir pu obtenir les données permettant de chiffrer précisément le total des aides publiques versées aux organismes de formation privés à but lucratif dans le cadre du financement de l’apprentissage. Il s’agit pourtant là d’une donnée fondamentale pour évaluer la politique publique et envisager son évolution, notamment qualitative.

C.   un succÈs quantitatif indÉniable

La réforme de l’apprentissage constitue à n’en pas douter un succès quantitatif majeur. Elle a permis de changer l’image de l’apprentissage dans la société et participe à la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. De nombreuses questions se posent néanmoins sur le ciblage des aides et le besoin de régulation du secteur, notamment au vu de son coût pour les finances publiques – près de 17 milliards d’euros en 2022. La réforme a également généré des modèles d’optimisation et des effets d’aubaine.

Les rapporteures souhaitent saluer le rôle de l’apprentissage en matière de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, dans la mesure où il garantit aux étudiants concernés un accès gratuit à celui-ci (article L. 6211-1 du code du travail) ainsi qu’un revenu. Une étude de la conférence des présidents d’universités (CPU) conduite en 2021 montre ainsi que l’apprentissage est un accélérateur d’ascenseur social. D’après cette étude, l’apprentissage profite en majorité aux enfants dont les parents ne sont pas issus des CSP+. Sans l’apprentissage, 30 % des étudiants concernés n’auraient pas poursuivi leurs études en formation initiale, que ce soit au niveau licence ou au niveau master ([124]). Cet argument est aussi mis en avant par les acteurs du secteur privé lucratif. Entendu par les rapporteures, le groupe Omnes estime que l’apprentissage dans l’enseignement supérieur a permis d’augmenter de 3 points la part des jeunes issus de classes sociales les moins favorisées, qui est passée de 33 à 36 % entre 2020 et 2022. Omnes dénombre 38 % de jeunes issus d’un milieu populaire parmi le total de ses alternants, contre 29 % dans ses autres formations.

Néanmoins, il faut aussi rappeler qu’initialement, les politiques publiques de soutien à l’apprentissage ont pour objectif d’améliorer l’insertion professionnelle et le taux d’emploi des jeunes. Cet objectif paraît partiellement remis en cause aujourd’hui, compte tenu du poids de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. En effet, les effets de l’apprentissage sur l’emploi sont directement corrélés au niveau de diplôme préparé : si l’apprentissage garantit, tout niveau de diplômes confondus, un accès facilité à l’emploi durable, cet effet est moins marqué à mesure que le niveau de diplôme s’élève, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

accès à l’emploi en fonction des voies de formation

Source : Céreq, Enquête Génération 2013 (menée en 2016)

D’après la Cour des comptes, « cette recomposition ne correspond pas aux objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification (CAP, baccalauréat professionnel), ceux qui rencontrent le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail. À partir du niveau de la licence, la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible, l’apprentissage améliorant plutôt la qualité de l’emploi obtenu (type de contrat, rémunération, etc.). Le développement actuel de l’apprentissage dans les niveaux post-bac répond ainsi à de nouveaux enjeux, en représentant un levier d’évolution de l’enseignement supérieur, qu’il contribue à démocratiser, professionnaliser et financer, dans un contexte où de plus en plus de jeunes poursuivent des études supérieures. »

Le coût total pour les finances publiques de la politique publique de l’alternance était estimé, en 2022, par la Cour des comptes, à 16,8 milliards d’euros.

Coût de l’alternance pour les finances publiques en 2022

Source : Cour des comptes, Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, note thématique, juillet 2023

Sur ces 16,8 milliards d’euros, 4,3 milliards d’euros correspondent à l’aide à l’embauche d’apprentis et 10 milliards d’euros au financement des « coûts contrats ». Au sein de ce second ensemble, 6 milliards d’euros sont pris en charge par France compétences, via les Opco et 4 milliards d’euros correspondent à une subvention de l’État venant compenser le déficit de l’opérateur. Le reste correspond principalement aux compensations versées à la sécurité sociale pour les exonérations spécifiques des charges sur les contrats d’apprentissage, aux aides à l’embauche dans le cadre des contrats de professionnalisation, aux dépenses fiscales en faveur des apprentis et aux dotations aux régions.

 

 

La Cour des comptes ainsi que les inspections générales des finances et des affaires sociales ont alerté à plusieurs reprises sur ce niveau de dépenses publiques. La Cour appelle à prioriser les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value en évitant les effets d’aubaine. Les rapporteures s’interrogent fortement sur l’absence de ciblage de la politique de soutien à l’apprentissage, laquelle ne permet pas de privilégier la formation du secteur secondaire alors que l’industrie manque d’ouvriers qualifiés et de techniciens supérieurs.

Les rapporteures observent également un contrôle qualité défaillant, alors que le niveau de prise en charge (NPEC) ne varie pas entre les formations contrôlées et celles qui ne le sont que très peu sur le plan de la qualité pédagogique.

III.   des investissements publics et privés qui soutiennent la croissance du secteur

A.   l’appui de bpifrance

Bpifrance investit depuis 2015 dans le secteur de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Auditionnée par les rapporteures, la banque publique d’investissement considère en effet l’enseignement supérieur comme « un secteur d’investissement prioritaire ». Par ses investissements, Bpifrance souhaite ainsi « contribuer au développement international de champions français, dans une démarche responsable et centrée sur la qualité des services éducatifs » ([125]), afin notamment de ne pas laisser la maîtrise de ce secteur aux seuls acteurs étrangers.

Bpifrance est aujourd’hui présente au sein du capital de plusieurs groupes relevant du secteur privé lucratif, parmi lesquels Galileo Global Education, Omnes, AD Education et Collège de Paris. Bpifrance a également investi dans Open Classrooms en 2016 ([126]).

Les investissements de Bpifrance dans les groupes Galileo et AD Education

Bpifrance a fait le choix d’opérer dans le secteur de l’enseignement supérieur dans une perspective de diversification des actifs mais aussi d’accompagnement de futurs leaders, en les assistant notamment pour le développement à l’international (Omnes, Ad Education) et la numérisation, deux grands défis pour l’enseignement supérieur français.

Pour Bpifrance, sa présence au capital de Galileo Global Education (GGE) permet de valoriser l’actionnariat d’un investisseur français de long terme. Bpifrance est membre du conseil d’administration du groupe et peut donc régulièrement faire valoir son point de vue sur les grandes décisions stratégiques de Galileo (1). Bpifrance, entré au capital de GGE en mai 2018, y participe à hauteur de 10 %.

Pour AD Education, en 2016, il s’agissait d’accompagner le fondateur et dirigeant du groupe, qui souhaitait avoir à ses côtés un actionnaire minoritaire de long terme, en vue de créer un groupe d’enseignement supérieur constitué de plusieurs écoles (y compris par des acquisitions) dans les domaines spécifiques des disciplines créatives, pour lesquelles la France a une réelle réputation, et qui peuvent correspondre à des disciplines souvent peu représentées dans l’enseignement supérieur public.

(1) Contribution écrite adressée aux rapporteures de Bpifrance.

Considérant sa mission comme « d’intérêt général, d’où l’importance des actionnaires publics et institutionnels » ([127]), le groupe Galileo, valorise dans sa communication la participation de Bpifrance : « Nous appartenons maintenant à des acteurs publics et à des acteurs institutionnels qui s’inscrivent dans un temps long. […] La nature publique de nos actionnaires est très importante quand on vise à former un million d’étudiants dans le monde. » déclarait ainsi il y a quelques années le PGD de Galileo ([128]).

Les rapporteures considèrent que la participation, depuis 2015, d’un organisme public au capital des grands groupes privés lucratifs peut poser question au regard, notamment, des raisons qui ont guidé la création de la Bpi en décembre 2012 et des missions que l’État lui a confiées, en particulier celle de remédier aux difficultés de financement des PME et des acteurs de l’économie sociale et solidaire pour favoriser la croissance et la compétitivité de la France.

La conciliation entre l’objectif de rentabilité inhérent à tout groupe financier et celui d’intérêt général doit être interrogée, notamment lorsque les établissements privés lucratifs, contrairement à beaucoup d’autres, sont fort peu contrôlés sur le plan de la qualité pédagogique, a fortiori scientifique.

B.   DES investisseurs PRIVÉs attirés par un secteur rentable et résilient

L’enseignement supérieur privé à but lucratif est un secteur attractif pour les fonds d’investissement, ce qui contribue également à expliquer sa croissance.

Le secteur est qualifié de « résilient et dynamique » par Bpifrance. Il combine en effet plusieurs avantages aux yeux des investisseurs :

– un niveau de rentabilité élevé. Les taux de rentabilité des grands groupes de ce secteur se situeraient aux alentours de 20 %, selon les ordres de grandeur évoqués en audition. D’après le journal Libération, le profit brut dégagé par Galileo se situe aux alentours de 25 %, avec un Ebitda ([129]) supérieur à 200 millions d’euros et un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros. Dans un article paru dans le journal L’Opinion, un spécialiste du secteur évoque des taux de rentabilité très élevés, « dans la fourchette haute des rendements attendus dans le private equity […] au point qu’une école se négocie au même prix qu’une start-up à succès » ([130]). Les rapporteures n’ont cependant eu accès à aucun document susceptible de confirmer cette information dans le cadre de leur mission ;

– un risque globalement limité. Le secteur est peu touché par la conjoncture économique. En particulier, l’engagement des élèves dans le temps long de la scolarité constitue une forme de sécurité financière pour les investisseurs ;

– des perspectives de croissance encore importantes. Certains groupes comptent aujourd’hui plus de 200 000 étudiants dans le monde, et ambitionnent d’augmenter le nombre d’inscrits. Pour Bpifrance, « les besoins de formation post enseignement secondaire sont croissants (formation tout au long de la vie ; formations plus diversifiées ou ciblées que les formations académiques post-bac…), ce qui soutient le dynamisme de ce secteur » ;

 le rôle de co-investisseur joué par Bpifrance peut également constituer un facteur d’attractivité pour les fonds d’investissement privés.

L’attrait du secteur et la disponibilité des liquidités dans les années 2010 constituent ainsi deux facteurs clés pour comprendre son développement, comme l’analyse Laurent Batsch dans le rapport susmentionné. Selon ce dernier, une trentaine d’établissements ont aujourd’hui ouvert leur capital à des investisseurs (voir le tableau ci-dessous). Deux sociétés sont cotées à Euronext : M2i et Eduform’action, mais elles agissent principalement dans le domaine de la formation professionnelle et s’ouvrent peu à peu à la formation initiale.

Liste des établissements du secteur privé lucratif ayant ouvert leur capital et fonds correspondants

Source : Laurent Batsch, L’enseignement supérieur privé en France, Fondapol, 2023.

Concernant le profil des investisseurs, Bpifrance indique qu’il s’agit de « fonds de private equity, avec des horizons de 3 à 5 ans, mais aussi désormais d’investisseurs de plus long terme (fonds de pension, notamment canadiens ; family offices…) ». Bpifrance souligne également que « ces groupes ne versent en général pas de dividende et consacrent leurs ressources au développement (ouverture de nouveaux campus, enrichissement des formations etc…) et à des acquisitions. Les fonds d’investissement perçoivent donc la rentabilité au moment de la vente de leur participation à un nouvel investisseur au travers du prix payé par celui-ci. Cette rentabilité est en général dans la norme de celle visée par ces investisseurs. »

La stratégie de développement des groupes adossés à des fonds d’investissement semble pleinement s’inscrire dans cette logique. Le groupe fait état d’investissements de long terme. Si l’intégralité des bénéfices peut être réinvesti dans la croissance du groupe, les profits sont attendus au moment de la revente, en fonction de la plus-value obtenue.

Il convient en outre de rappeler qu’en leur qualité d’actionnaires au capital des sociétés, les fonds d’investissement peuvent être amenés à jouer un rôle dans les décisions stratégiques prises par le conseil d’administration. En fonction de leur intérêt à moyen ou long terme, ils peuvent chercher à augmenter la rentabilité de l’entreprise, ce qui peut conduire, en cas de gestion court-termiste, à une pression importante sur les dépenses de formation.

La structure du capital de Galileo, Omnes et Ionis

Galileo, dont le chiffre d’affaires en France atteint aujourd’hui environ 800 millions d’euros (1), a d’abord eu pour principal actionnaire, de 2011 à 2018, Providence Equity partners, un fonds d’investissement anglo-saxon. En 2020, celui-ci met en vente sa participation, pour un montant estimé à 2,5 milliards d’euros (2). Aujourd’hui, le capital est détenu à parité par Téthys Invest, société holding de la famille Bettencourt‑Meyers, principal actionnaire de L’Oréal, et l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, qui représentent à eux deux environ 77 % du total du capital du groupe. Bpifrance est également devenu actionnaire du groupe en 2018 et possède aujourd’hui environ 10 % des parts. Le fonds britannique Montagu private Equity en détient quant à lui 17 %.

Concernant Omnes Education, l’actionnaire principal, Apax Partners, décide en 2019 de céder ses parts du groupe (alors nommé Inseec U) : les écoles sont valorisées à près de 1 milliard d’euros (3). Le groupe est détenu à 80 % par le fonds d’investissement britannique Cinven et à 10 % par Bpifrance. En 2021, le groupe change de nom pour devenir Omnes Education, et annonce un plan d’investissement de 100 millions d’euros sur 5 ans (4). Le groupe fait état d’un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros (5).

Le modèle de Ionis diffère sensiblement. Le capital du groupe est détenu par un actionnaire majoritaire et un actionnaire minoritaire, respectivement Monsieur Marc Sellam, président-directeur général et fondateur de Ionis, et Monsieur Fabrice Bardèche, vice‑président du groupe. Aucun fonds d’investissement n’est donc présent au capital, ce qui relève d’un choix de la direction. Le chiffre d’affaires de Ionis est de l’ordre de 300 millions d’euros (6).

 

() https://www.challenges.fr/grandes-ecoles/enseignement-superieur-prive-les-ambitions-de-marc-francois-mignot-mahon-president-du-n1-mondial-galileo-education_861505  

(2) https://www.challenges.fr/education/exclusif-galileo-education-vendu-2-3-milliards-d-euros-a-tethys_701850    

(3) https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/enseignement-superieur-les-ecoles-dInseec-u-valorisees-pres-d1-milliard-959875

(4) https://www.omneseducation.com/2021/10/10/Inseec-u-devient-omnes-education /  

(5) https://www.omneseducation.com/wp-content/uploads/sites/7/2023/07/20230705-OMNESEducation-CPNominationJoseMilano-1.pdf  

(6) https://www.challenges.fr/grandes-ecoles/enseignement-superieur-prive-mission-chahutee-en-perspective-a-ionis-pour-lex-rectrice-de-versailles-charline-avenel_870523  

IV.   l’enseignement supÉrieur privÉ À but lucratif : un enjeu important pour les territoires

Au préalable, les rapporteures souhaitent appeler l’attention sur deux points :

 pas plus qu’au niveau ministériel, il n’existe une estimation consolidée par les acteurs locaux du nombre d’établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif qui se sont implantés dans les communes ces dernières années ni, a fortiori, du nombre d’étudiants concernés. Il ressort cependant des auditions le constat d’une forte augmentation du nombre d’établissements et d’élèves ([131]) ;

– à l’exception des EESPIG, les établissements privés ne sont que peu catégorisés en fonction de leur rapport à la lucrativité. Les observations peuvent en conséquence valoir pour toute catégorie d’établissement supérieur privé.

Longtemps ignorée par les élus locaux, l’implantation locale d’établissements privés est devenue ces dernières années un sujet de politique publique pour des collectivités confrontées aux stratégies de développement des écoles.

Les élus locaux entendus ont rappelé que les politiques conduites par les communes (ou leurs établissements publics de coopération intercommunale, EPCI) en matière d’enseignement supérieur, ne sont pas, en tant que telles, un facteur de développement spécifique à l’enseignement supérieur privé lucratif. Elles « accueillent » tout type d’établissement, indépendamment du statut juridique. Elles répondent aux propositions d’implantation d’une offre d’enseignement supérieur, déplorant, pour certaines d’entre elles, l’insuffisance de cette offre, notamment publique. Pour l’attractivité socio-économique de leur bassin d’emploi et le maintien sur place d’une partie de leur jeunesse, les communes sont en effet dépendantes de l’offre d’enseignement supérieur existant sur leur territoire.

A.   L’INSTALLATION de l’enseignement supÉrieur privÉ lucratif : une réponse aux besoins de développement local mais une demande de régulation

L’enseignement supérieur privé, lucratif ou non, dispose de réels atouts, notamment une souplesse de gestion, qui lui permet une adaptation rapide. Lors des auditions, les délais d’implantation évoqués étaient de plusieurs années pour une antenne universitaire et de quelques mois pour une école privée : « Le privé peut s’installer beaucoup plus rapidement que le public » reconnait Xavier Latour, viceprésident de la métropole Nice Côte d’Azur en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la formation continue, représentant l’association France Urbaine.

1.   L’implantation d’établissements d’enseignement supérieur revêt d’indéniables avantages pour les collectivités d’accueil

Les acteurs de l’enseignement supérieur, quels qu’ils soient, sont porteurs d’opportunités pour les collectivités, lesquelles cherchent à favoriser leur arrivée sur leur territoire. « Les collectivités territoriales tentent d’attirer des écoles privées dans une quadruple logique de marque pour la ville, de qualification des jeunes sur leur bassin d’emploi, de dynamique économique locale, et de fixation d’une population de jeunes actifs » note ainsi Laurent Batsch dans son rapport ([132]).

L’enseignement supérieur est à la fois créateur d’emplois et consommateur de biens et de services. Les écoles d’enseignement supérieur attirent des personnels et des étudiants qui habitent, dépensent, travaillent et participent à la vie collective du territoire. « Un étudiant réinjecte dans l’économie locale entre 650 et 700 euros par mois : logement, sorties, nourriture, fournitures, etc. […] cela représente donc entre 3,5 et 4,5 millions d’euros par an. » ([133])

Le secteur privé lucratif propose des réponses aux besoins de proximité. La croissance des écoles privées, conjuguée à la saturation de certaines métropoles, renforce la tendance à l’implantation d’établissements privés dans les villes moyennes. L’offre de formation locale répond aux aspirations tant d’une jeunesse désireuse d’étudier près de chez elle que de communes qui aspirent à valoriser leur territoire et à répondre aux besoins des acteurs économiques locaux.

Le développement d’un « enseignement supérieur près de chez soi » est perçu comme un axe essentiel pour l’emploi. Il existe un désir des jeunes de faire leurs études sur le territoire où ils ont leurs attaches, auquel le secteur privé lucratif s’efforce de répondre, notamment lorsque l’offre publique n’est pas présente.

L’implantation d’écoles d’enseignement supérieur dans les villes moyennes a longtemps été le fait de petits groupes locaux, circonscrits au territoire régional. On constate néanmoins que, depuis quelques années, les grands groupes, jusqu’alors concentrés prioritairement dans les métropoles, investissent de plus en plus dans les territoires, tant en raison de la saturation des métropoles que pour répondre à une demande sociale d’études et d’emploi « à domicile ». L’enseignement privé lucratif se positionne pour répondre aux besoins du tissu économique local, en permettant aux entreprises de recruter une main-d’œuvre locale formée et qualifiée.

Les écoles privées sont donc pourvoyeuses à la fois d’emplois et de fonds qui viennent irriguer directement et indirectement le tissu local par la consommation, et d’une jeunesse qui dynamise le territoire. Elles participent à la vitalité économique, et permettent le cas échéant des synergies territoriales avec d’autres écoles déjà présentes et des entreprises.

En cela, l’association des villes universitaires de France, France urbaine et Villes de France s’accordent pour dire que l’enseignement supérieur est un facteur d’attractivité pour les villes, notamment les villes moyennes. Les collectivités souhaitent bénéficier d’une offre de proximité professionnalisante qui réponde aux besoins de leurs entreprises locales et permettent de maintenir une population active sur place.

2.   La volonté des communes : être mieux informées sur l’installation des écoles et leur qualité

Les auditions avec les représentants des collectivités territoriales ont montré que les autorités municipales ne sont pas systématiquement informées en amont de l’ouverture d’un établissement. « Les établissements s’installent sans que les élus locaux ne soient informés » déclare le représentant de France Urbaine.

De fait, les autorités communales peuvent découvrir tardivement et de manière fortuite l’installation d’une école, à l’occasion de demandes auprès des services ou quand des difficultés apparaissent. Elles ont une connaissance inégale des projets d’implantation selon leur localisation ou le modèle immobilier retenu (en cas de location de locaux par exemple).

Les représentants des collectivités territoriales entendus sont particulièrement demandeurs d’une telle information, qui revêt une double importance.

D’une part, sur le plan juridique, au même titre que le recteur, le préfet et le procureur de la République, le maire doit être en capacité de s’opposer à l’ouverture d’un EETP ([134]) pour tout motif tenant, notamment, à l’intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse ([135]). Les élus locaux regrettent que les normes en la matière soient à la fois peu lisibles (voir encadré ci-après) et inefficaces, puisque la transmission de l’information n’est pas systématiquement assurée.

Que prévoient les textes pour l’information du maire en cas de déclaration d’ouverture d’une école privée d’enseignement supérieur ?

Il existe un régime différent selon le statut juridique de l’établissement. Dans les deux cas cependant, le maire ne figure pas parmi les autorités directement destinataires de la déclaration d’ouverture.

Dans le cas d’un projet d’ouverture d’un EETP, le recteur doit en informer le maire (article L. 441-1 du code de l’éducation).

En revanche, dans le cas d’un projet d’ouverture d’un EESP (article L. 731-2 du code de l’éducation), il n’est pas expressément prévu que le recteur en informe le maire. Aux termes de l’article R. 731-1 du code de l’éducation, la déclaration d’ouverture doit néanmoins être affichée pendant dix jours à la porte de la mairie du lieu où doit s’ouvrir le cours ou l’établissement d’enseignement supérieur privé.

D’autre part, sur un plan pratique, il incombe à la commune d’adapter les infrastructures et les services afférents à un nouvel afflux de population. Le développement d’établissements d’enseignement supérieur privés est souvent un phénomène peu maîtrisé, avec des impacts sur l’équilibre territorial, et des risques récurrents :

– une concentration des établissements dans l’hyper-centre, avec des développements opportunistes voire non désirés et, au final, une pression foncière accrue dans les centres-villes ;

– des situations de saturation des équipements et services collectifs (transports, etc.) ;

– un impact sur l’urbanisme et l’aménagement des mobilités (stationnement, desserte), le logement, l’accès à des équipements, ainsi que des conséquences sur l’environnement humain (relations avec le quartier d’implantation, etc.).

Les établissements peuvent prendre l’attache des communes avant de déposer une déclaration d’ouverture. Les associations représentatives des collectivités territoriales entendues par les rapporteures confirment que les villes sont fortement sollicitées par les écoles privées, de tous statuts, indépendantes ou appartenant à des groupes, pour ouvrir des campus ou des établissements.

L’hétérogénéité du paysage de l’enseignement supérieur privé est une difficulté pour des collectivités, qui ne sont pas toujours en mesure de distinguer les établissements en fonction de leur qualité. La renommée de certaines écoles n’est plus à faire tandis que d’autres « cherchent uniquement à faire du chiffre »([136]). À l’instar du constat fait pour les familles, les représentants des communes entendus regrettent un déficit d’information concernant la qualité des écoles, le manque de transparence des établissements et l’illisibilité de l’offre de formation en matière de statuts et de reconnaissance des diplômes par l’État. Les associations espèrent à cet égard que le label annoncé par le ministère de l'enseignement supérieur permettra de clarifier la situation.

Alors que le sujet immobilier est au cœur de la politique des entreprises du secteur privé de l’enseignement supérieur, les collectivités entendent mieux maîtriser le développement des écoles sur leurs territoires.

L’expansion des établissements privés s’accompagne en effet d’une intense politique immobilière par des groupes dotés de capacités financières considérables ([137]). « C’est le temps des grands mouvements et des grands travaux » observe Laurent Batsch ([138]). Les groupes ouvrent des campus dans différentes villes, ou programment des rénovations complètes.

La politique immobilière des grands groupes d’enseignement

L’enjeu est d’offrir aux candidats des locaux attirants, tout en permettant de concentrer les moyens pour accueillir au sein d’un même ensemble immobilier de nombreuses « marques-écoles ». La localisation des écoles dans la ville ressort comme un critère de choix ; il importe que les locaux soient dans des quartiers attractifs. « Les clients sont sensibles à la localisation en tant qu’expression de leur aspiration à la vie étudiante ainsi qu’à leur perspective professionnelle. » (1) Les locaux forgent l’image de l’école ; ils doivent par conséquent être d’un certain standing, en lien avec le prix des études. La politique du groupe Omnes, par exemple, est d’avoir des « campus premium » de centre-ville, modernes et bien entretenus, accessibles « et propices aux apprentissages et aux expériences variées ».

(1) Laurent Batsch, op.cit, p. 37.

Pour anticiper les difficultés évoquées ci-avant sur l’équilibre territorial, quelques collectivités, généralement des villes universitaires, tentent de poser un cadre lorsqu’elles sont informées en amont d’un projet d’installation d’une école. L’enjeu est de réussir à formaliser le dialogue avec les établissements, notamment en cas de création de nouveaux campus, dont il faut si possible évaluer l’impact sur l’environnement urbain et les services collectifs. « Pour ceux qui veulent dialoguer, nous formalisons les choses beaucoup plus qu’avant avec des cahiers des charges et des contrats d’objectif » note Xavier Latour, vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur. Il s’agit d’accompagner les projets, au cas par cas ; des outils sont mis en place afin de disposer d’une fiche d’identité de l’école, selon différents critères ([139]).

Les rapporteures ont relevé au cours des auditions que le label annoncé par le ministère de l’enseignement supérieur est attendu par les collectivités, afin de leur apporter des garanties quant à la qualité des établissements susceptibles de s’implanter sur leur territoire. De manière plus générale, les collectivités sont en attente d’un cadre de régulation dont elles déplorent l’absence. Villes de France a en outre proposé que les établissements privés lucratifs, qui ne contribuent pas à la recherche, participent financièrement à l’effort national de recherche et développement, au regard, notamment, des financements publics qui leur sont versés.

B.   une Concertation entre les collectivitÉs qui peine À freiner la logique concurrentielle

Le développement d’une offre locale de formation, publique et privée, ne s’est pas accompagné d’outils efficaces de concertation entre les collectivités.

1.   Les outils de planification et de concertation entre collectivités n’intègrent pas réellement le secteur privé lucratif

Si la compétence juridique en matière d’enseignement supérieur relève pour l’essentiel de l’État, les collectivités territoriales interviennent également sur ce champ des politiques publiques, qu’il s’agisse des régions, qui ont un rôle de chef de file auprès des autres collectivités, ou des communes (ou leurs EPCI) au nom de la clause générale de compétence ([140]). Sauf quelques-uns réellement impliqués, les départements sont plus en retrait sur le dossier de l’enseignement supérieur ([141]).

L’outil principal de planification et de concertation entre les collectivités d’un même territoire est le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (SRESRI), dont est responsable la région ([142]). De manière générale, ces outils sont, à ce stade, principalement destinés à l’offre de formation publique.

Selon le représentant de Régions de France entendu par les rapporteures, si certains SRESRI « inscrivent la volonté de soutenir tant les établissements d’enseignement supérieur publics que privés »([143]), ils n’intègrent pas spécifiquement le secteur privé lucratif.

Le défaut d’une approche réellement concertée entre collectivités peut de fait favoriser une logique concurrentielle entre les villes.

2.   Des collectivités en ordre dispersé face aux stratégies des écoles privées

Pour Xavier Latour, vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur, « il existe une mise en concurrence des territoires qui est organisée par les écoles », propos confirmés par le vice-président du conseil régional d’Occitanie, selon lequel « les établissements souhaitant s’impliquer font parfois le choix de solliciter uniquement l’EPCI ou uniquement la région. La logique concurrentielle demeure très présente. »

Les subventions ou avantages ([144]) accordés aux écoles privées, de tout statut juridique – les communes étant sollicitées « exactement de la même façon par les établissements d’intérêt général et les autres établissements privés pour les aides » ([145]) –, peuvent alimenter cette logique concurrentielle. Ces aides peuvent être perçues par les écoles comme un élément, parmi d’autres, de l’attractivité des territoires. Le rapport Batsch susmentionné confirme que l’installation d’une école peut être un investissement intéressant : « ’L’école compte 550 étudiants et une quarantaine de personnels : cela représente donc entre 3,5 et 4,5 millions d’euros par an. En un an, notre investissement est amorti. » ([146])

Les acteurs du privé lucratif entendus affirment que leurs écoles ne perçoivent aucune aide des collectivités locales sous quelque forme que ce soit (Ionis, Omnes), ou que cela correspond à une part très marginale dans le financement des écoles (association Entreprises éducatives pour l’emploi). Pour le président de l’UGEI, les écoles adhérentes « ne dépendent que peu des subventions. D’après une étude interne de 2020, le montant des subventions perçues chaque année par les établissements de l’UGEI ne représente en moyenne que 5,8 % de leur budget. Les subventions ne sont donc en aucun cas un moyen de faire vivre les écoles. Généralement, les aides qui sont perçues par les écoles sont soumises au contrôle de la puissance publique. » ([147])

V.   Un marketing commercial efficace, offensif et parfois trompeur

Le développement du secteur de l’enseignement supérieur privé à but lucratif prospère également grâce à des stratégies très offensives de conquête du marché.

A.   Des moyens considérables

Des moyens financiers très significatifs sont déployés par les établissements de l’enseignement supérieur privé à but lucratif pour développer leur stratégie marketing.

S’il est difficile d’obtenir un chiffrage précis concernant le montant total des dépenses consacrées au marketing, des ordres de grandeur situés entre 5 et 15 % du total des recettes des établissements ont été évoqués au cours des auditions.

 

Ces dépenses de marketing font l’objet d’importantes critiques. La Conférence des grandes écoles (CGE) dénonçait récemment ce phénomène dans une tribune publiée par le journal Le Monde : « Les établissements de la CGE sont exaspérés de se retrouver en concurrence avec des officines d’enseignement supérieur qui vantent leurs mérites de manière très agressive, avec de gros moyens de communication, en s’opposant au modèle pédagogique de nos écoles. » ([148]) Ce constat est également celui dressé par Julien Jacqmin ([149]) - auteur d’une thèse dans laquelle est analysée l’émergence des établissements privés à but lucratif dans l’enseignement supérieur - selon qui, « en ce qui concerne les stratégies des établissements pour attirer les étudiants, une distinction significative se fait entre les établissements déjà établis, à but non lucratif ou public, qui préfèrent investir dans la qualité de l’enseignement, et les nouveaux arrivants, qui privilégient le marketing pour informer et convaincre les étudiants de venir chez eux » ([150]).

B.   une conquête du marché qui joue sur le sentiment d’incertitude et les craintes des jeunes face à leur avenir

1.   De l’« exploitation émotionnelle » à la réussite professionnelle garantie : un marketing qui fait ses preuves

Les angoisses et incertitudes des élèves et des familles, dans une période délicate pour de nombreux jeunes qui s’interrogent sur leur avenir, apparaissent comme des ressorts principaux sur lesquels se fondent les stratégies marketing.

Lors de son audition, Julien Jacqmin a défini la stratégie des écoles de mettre à profit cette période de fragilité des jeunes comme une « exploitation émotionnelle » ([151]), approche qui rejoint les expressions d’un marketing de la peur ou d’un « marché de l’anxiété », employées par la sociologue Annabelle Allouch, auteure de La société du concours, qui constate que certaines formations « vendent de la sérénité aux usagers » ([152]). 

2.   Le « Parcoursup bashing »

Alors que le choix de l’orientation post-bac est un moment angoissant pour les jeunes et que cette angoisse se cristallise au moment de procéder à la saisie de leurs vœux sur la plateforme Parcoursup – 83 % des jeunes se disent inquiets et stressés ([153]) –  plusieurs écoles mettent au cœur de leur stratégie commerciale l’argument « hors Parcoursup », vantant à l’inverse la souplesse de leurs modalités de recrutement, une procédure « sans stress », où les résultats scolaires ne sont pas au cœur des modalités de sélection. La mention « hors Parcoursup » est ainsi très présente sur les sites internet des écoles concernées, de même que sur les différents supports de communication.

Les écoles semblent jouer sur la crainte des élèves qui n’ont pas encore reçu de propositions sur Parcoursup et leur proposent de les inscrire sans passer par la plateforme d’orientation, moyennant le paiement d’une partie des frais de scolarité pour « réserver » leur place. Un autre argument utilisé repose sur la grande souplesse dont font preuve les écoles, qui peuvent inscrire les élèves au fil de l’année, alors que Parcoursup fonctionne avec un calendrier unique et des dates butoir.

C.   un monde de réussite et d’« enchantement » par opposition au public présenté comme un contre modèle

Les écoles construisent un « discours de l’enchantement », selon l’expression de la sociologue Agnès Van Zanten ([154]).

Elles vendent une « expérience étudiante », promeuvent des méthodes pédagogiques plus souples ou plus « innovantes » que dans le public et insistent sur la dimension « professionnalisante » de leur formation.

1.   L’accompagnement personnalisé, l’expérience étudiante, l’ambiance « campus »

Les écoles mettent d’abord en avant leur capacité d’accompagnement des étudiants accueillis en leur sein et leur dimension « humaine ».

Ce « discours de l’enchantement » passe également par la valorisation de l’offre « extra pédagogique » proposée par l’école en question. L’université est par contraste décrite par ces écoles comme un « monde froid » au sein duquel il est difficile de trouver sa place. Comme le résume Agnès Van Zanten : « Les universités sont érigées en repoussoir : solitude, ennui, décorrélé des enjeux du marché du travail. » ([155])

Les écoles vendent avant tout une expérience étudiante, mettant également l’accent sur les possibilités d’effectuer une partie de la scolarité à l’étranger, les week-ends d’intégration, les sorties et évènements.

Les écoles promettent une relation d’encadrement étroite, comme l’analyse Laurent Batsch dans son rapport susmentionné : « Loin de l’anonymat qui règne dans les grandes cohortes universitaires, cette relation de proximité sert la cause du privé tout comme celle des Instituts universitaires de technologie (IUT) ou des classes préparatoires. Le succès des bachelors tient pour beaucoup à cela. »

Cet accompagnement des élèves est également mis en exergue du côté de l’offre pédagogique où une grande place est accordée aux « projets personnels », aux travaux menés en groupe, aux méthodes issues de pédagogies dites inversées, etc. C’est ce que dénonce la sociologue Agnès Van Zanten lorsqu’elle définit ces pédagogies dites « innovantes » comme celles qui « privilégient le travail d’équipe sur projets, '' loin des bouquins '', et l’acquisition d’attitudes et de compétences comportementales (soft skills), comme la créativité, l’autonomie et la flexibilité » ([156]).

2.   Une formation « professionnalisante » qui promet un emploi rapide et bien rémunéré

Comme le souligne la Fesic, « l’argumentaire souvent utilisé par ce secteur est celui d’une opposition supposée entre enseignement académique et enseignement professionnalisant » le premier ne menant pas à l’emploi quand le second se caractériserait par une employabilité garantie. Cette opposition mérite d’être nuancée, car non seulement l’enseignement supérieur public propose de nombreuses formations courtes professionnalisantes (BTS, IUT, licence professionnelle) mais les universités ont de nombreux liens avec le monde de l’entreprise, renforcés depuis la loi sur l’autonomie de 2007 ([157]) qui leur donne mission de veiller à l’insertion professionnelle de leurs étudiants ([158]). De même, pour les représentants de la Fesic « cette opposition a un caractère artificiel et inopérant. Nos établissements en contrat avec l’État, par leur excellence académique et leur réussite sur le champ de l’insertion professionnelle de leurs étudiants, sont en lien étroit avec le monde de l’entreprise et le monde de la recherche. Cette complémentarité évidente est essentielle pour répondre aux objectifs de long terme des politiques publiques, en termes de transition écologique et de souveraineté industrielle, numérique et énergétique notamment. »

L’argument de la « professionnalisation » va de pair avec celui de l’employabilité, également au cœur de la stratégie marketing des établissements concernés, qui communiquent sur les taux d’emploi des anciens élèves, la place de l’alternance et multiplient les « career centers ».

Les écoles valorisent le fait que leurs intervenants sont des professionnels, qui disposent d’une bonne connaissance du marché du travail et de ses attentes : « Les responsables des établissements mettent en avant leur vivier de professionnels qui proposeraient des enseignements ajustés aux besoins des entreprises, familiariseraient les jeunes avec les "codes" en vigueur dans cellesci et les feraient bénéficier de leurs réseaux dans le monde du travail. » ([159]) Les stages y sont très développés, de même que l’apprentissage, massivement utilisé comme argument de vente, puisque non seulement il assure à l’étudiant la gratuité de sa formation et lui garantit une rémunération mais il lui assure en outre une insertion dans le monde du travail.

Les données relatives à l’insertion professionnelle restent déclaratives (voir développement infra([160]). Certains élèves font par ailleurs état de difficultés à trouver des stages ou des contrats d’apprentissages.

Certains établissements jouent aussi sur les espoirs d’élèves aux résultats moyens, voire médiocres, en instillant l’idée selon laquelle « tout est possible », comme le décrit la sociologue Agnès Van Zanten. Les écoles disent accorder de l’importance à la personnalité et à la motivation de l’élève et non aux diplômes et aux résultats scolaires.

D.   des outils de communication multiples qui ciblent particulièrement les jeunes issus des classes populaires

1.   Des canaux de diffusion variés

Les écoles multiplient les canaux de diffusion de leurs messages promotionnels : publicités dans les transports en commun, via les réseaux sociaux, achat d’espaces publicitaires en ligne, présentation dans les salons étudiants, journées portes ouvertes, etc. Elles savent parfaitement jouer des codes marketing qui séduisent la jeunesse et mettent en place des stratégies efficaces, notamment en mobilisant leurs propres étudiants.

Comme ont pu le constater les rapporteures, la plupart du temps, le téléchargement de la brochure en ligne nécessite au préalable de renseigner ses coordonnées, dont l’adresse électronique et le numéro de téléphone, ce qui permet ensuite à l’école d’appeler le potentiel client et de le convaincre de signer « pendant qu’il y a encore de la place et que dure cette remise de 50 % sur les frais de réservation ». De nombreux sites internet disposent également d’une « chatbox » en ligne, pour répondre aux questions des internautes.

2.   Le cas des salons étudiants : une vitrine pour les formations privées lucratives

Les salons se sont imposés comme des acteurs majeurs de l’orientation des élèves, dans un contexte de massification et de diversification de l’offre de l’enseignement supérieur. Chaque année, plus d’une centaine de salons ont lieu en France, dont un quart en Île-de-France. La plupart d’entre eux le sont par les deux acteurs principaux du secteur, Studyrama et L’Étudiant. D’autres groupes de presse organisent également des salons, comme Le Monde, Le Figaro ou Digischool.

a.   Les formations privées lucratives sont surreprésentées dans les salons étudiants

En Île-de-France, les études conduites sur le sujet montrent que, sur 25 salons spécialisés dans l’orientation des lycéens, plus de 80 % de l’offre de formation présentée est privée ([161]). Si cette caractéristique semble particulièrement marquée dans cette région, un constat similaire peut être dressé dans d’autres régions académiques. Entendu par les rapporteures, le recteur de la région académique Bretagne souligne ainsi « qu’en dépit d’une meilleure mise en valeur cette année, l’espace Éducation nationale regroupe les acteurs publics et occupe une surface minoritaire au sein du salon (20 à 25 %). La présence des établissements hors contrat est très majoritaire, si bien que l’image renvoyée aux visiteurs n’est pas du tout représentative de la réalité du paysage de l’enseignement supérieur. »

À l’occasion de ces salons, les écoles déploient tout type de stratégies pour attirer les élèves et leurs familles, des goodies offerts aux activités ludiques proposées sur les stands. Une étude conduite sur le sujet cite des exemples : « Il est ainsi possible d’entendre [les élèves] s’exclamer, dans les allées des stands, " Venez, on va sur ce stand, on peut y gagner des popcorns !" ou de les voir s’y précipiter pour tester les lunettes de réalité augmentée sur les stands des écoles de jeux vidéo ou sur des stands publicitaires de téléphonie mobile ou de boissons chaudes. Il n’est pas non plus rare de les voir près de ces stands s’encourager à jouer aux défis proposés pour gagner des lots, ou encore énumérer les goodies et les brochures qu’ils ont amassés pendant leur visite. » ([162]).

Si les formations privées lucratives tirent pleinement parti des salons, les établissements publics sont, en comparaison, peu présents, ce qui s’explique à la fois par un manque de moyens et par des réticences d’ordre culturel. Comme l’expliquent les sociologues Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, « si les établissements d’enseignement supérieur publics sont fortement incités par leurs tutelles à participer une fois par an au Salon Post-Bac ou, hors de l’Île-de- France, à quelques grands salons régionaux parrainés par des acteurs publics, ils ne souhaitent pas être largement présents dans les autres salons car leur financement ne dépend pas strictement du nombre d’étudiants qu’ils forment. Attirant souvent plus de candidats qu’ils ne peuvent en accueillir, ils comptent en outre principalement sur leur réputation et sur leurs réseaux institutionnels pour être choisis par ceux qui les intéressent. À cela s’ajoutent des réserves d’ordre idéologique à l’égard des acteurs marchands et de leurs outils. Tous ces facteurs concourent aussi au fait que, quand ces établissements participent à des salons privés, ils y occupent une place marginale du fait de leur faible nombre, de la localisation et la taille de leurs stands, de leur décoration peu attractive et de l’attitude de retrait de leurs animateurs. »

Le constat précédemment dressé pose la question du modèle économique des salons étudiants et du rôle des pouvoirs publics en la matière, étant entendu que cette prédominance des écoles privées à but lucratif dans les salons étudiants « constitue à elle seule un puissant vecteur de canalisation des choix futurs d’études des jeunes visiteurs en leur direction » ([163]).

b.   Le rôle des pouvoirs publics en question

Pour Agnès Van Zanten : les salons étudiants « revendiquent […] le fait de remplir une mission d’intérêt public et font l’objet d’une forte reconnaissance de la part des agents étatiques ». Les équipes pédagogiques peuvent être encouragées à accompagner les élèves aux salons étudiants, des cars sont affrétés, « les proviseurs et enseignants, notamment ceux des lycées accueillant un public hétérogène ou populaire, en font une composante centrale de leurs activités en matière d’orientation ». Le fait que l’organisation d’un salon soit relayée par la puissance publique peut également donner indirectement une forme de crédibilité à l’ensemble des formations proposées sur le salon.

Si les conventions régionales peuvent permettre aux rectorats d’avoir un regard sur les modalités d’organisation des salons, de nouer des partenariats pour s’assurer de la représentativité de l’enseignement supérieur public ou et de limiter certaines dérives (voir encadré ci-dessous), la situation actuelle n’est pas satisfaisante, dans la mesure où il s’agit d’opérations commerciales très importantes pour des entreprises privées à but lucratif, dont certaines ont construit un discours visant à détourner les élèves de l’offre publique.

Les liens entre les rectorats d’Île-de-France et les salons étudiants : une volonté de régulation mais des moyens qui restent limités

Le recteur délégué pour l’enseignement supérieur de la région académique Île-de-France signale ainsi dans sa contribution écrite adressée aux rapporteures que « divers partenariats, régionaux comme académiques, avec les salonniers prévoient une participation des rectorats dans les salons, selon des modalités variables ».

« Des conventions régionales peuvent être mises en place, qui permettent un échange avec les salonniers sur les formations accueillies ainsi que sur la participation des rectorats et formations publiques. Une communication sur ces salons est assurée sur les sites académiques ainsi que via les différents réseaux. La région académique donne un avis sur les conférences organisées pendant les salons, ce qui permet d’être attentif au respect de la politique d’orientation régionale. Il n’y a pas à proprement parler de vérification des formations privées présentes. Néanmoins, lors de la préparation des salons organisés en partenariat avec les rectorats, une attention particulière est portée à la qualité de l’information dispensée sur les labels et reconnaissance des formations privées.

« Les salons les plus importants sont organisés en partenariat avec les rectorats, avec un travail préalable de définition des espaces, de préparation des conférences, d’organisation de la présence de certains établissements publics et de mise en valeur de certaines formations.

« La participation des rectorats ou personnels de l’éducation nationale permet d’attirer l’attention des familles sur la qualité des formations et les labels garantissant une qualité reconnue par l’État, ce qui est positif, sans empêcher que des établissements privés profitent de salons pour opérer une promotion intensive de leurs formations voire utiliser des assertions trompeuses (par exemple sur la "reconnaissance par l’État"). »

3.   Des jeunes issus des classes populaires réceptifs et moins bien armés pour s’orienter

Les jeunes issus des classes moyennes et populaires semblent globalement moins bien armés pour déconstruire le discours marketing mis en avant par certains établissements et apparaissent comme des cibles plus faciles à convaincre. Selon Julien Jacqmin : « Cette stratégie vise à attirer des étudiants moins informés sur la qualité de l’enseignement proposé, étant donné qu’ils n’ont pas accès à cette information par le biais de leur famille, de leurs amis ou du contexte scolaire. Par conséquent, ils sont plus susceptibles de succomber aux stratégies marketing qui exploitent leur vulnérabilité émotionnelle liée à des processus tels que Parcoursup ou à leur situation socioéconomique complexe. » Agnès Van Zanten propose une analyse similaire. D’après ses travaux, « alors que les dispositions et les ressources culturelles des jeunes et des parents des milieux populaires les rendent très perméables aux rhétoriques et aux arrangements marchands, ceux des classes supérieures font preuve de plus de scepticisme à leur égard et investissent les salons de façon stratégique ».

L’idée selon laquelle le prix constitue un indice de la qualité peut être intégrée par un certain nombre de familles, comme cela a été souligné au cours des auditions.


   troisième partie : des dysfonctionnements nombreux qui appellent la mise en place d’une stratégie de régulation du secteur

Au cours de leurs travaux, les rapporteures ont pu constater les nombreuses défaillances observées dans le secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif. Outre un problème majeur de lisibilité et de transparence de l’information, d’importantes questions se posent quant aux contrôles portant sur la qualité des formations. À cela s’ajoutent des dérives qui ne concernent pas l’ensemble des acteurs mais qui soulèvent la question de l’efficacité du cadre juridique actuel. Face à ce diagnostic, les rapporteures estiment essentiel de renforcer la transparence et de construire une véritable stratégie de régulation du secteur privé lucratif, au service des étudiants, de leurs familles et de l’intérêt général.

I.   des dysfonctionnements nombreux

L’absence de lisibilité du paysage du « post-bac », associée au défaut d’évaluation de la qualité de nombre de formations dites d’enseignement supérieur, ne permet pas aujourd’hui à l’étudiant de s’orienter de façon éclairée. Les rapporteures constatent une multiplication des alertes ces derniers mois, relayées par la presse et émanant de nombreux acteurs, dont la médiatrice de l’Éducation nationale, la DGCCRF (voir infra) et l’Association nationale des apprentis de France (ANAF).

A.   un problème central de lisibilité 

1.   La « jungle » des diplômes et des formations

Pour l’année 2024, Parcoursup propose et répertorie environ 23 000 formations. À cela s’ajoutent celles proposées « hors Parcoursup », qui ne sont aujourd’hui quantifiées ni par le ministère de l’enseignement supérieur, ni par le ministère du travail. La puissance publique ignore le nombre total de formations et d’établissements se rattachant au post-bac.

Ce foisonnement de l’offre rend le système illisible et anxiogène pour les familles et les étudiants. La multiplicité des modes de reconnaissance – visas, grades, titres, labels, accréditations nationales et internationales – se traduit par celle des intitulés dont la signification reste obscure pour les usagers.

Le terme de « diplôme » n’est pas protégé. Il peut donc être utilisé par tous les acteurs de l’enseignement supérieur et du post-bac, publics ou non, dépendant du ministère de l’enseignement supérieur ou non, sans obligation de contrôle associé concernant la qualité pédagogique et scientifique des formations.

Synthèse des types de diplômes et de certifications pouvant être délivrés par les établissements relevant du secteur privé à but lucratif

Les établissements privés lucratifs peuvent délivrer différents types de diplômes et de certifications que l’on peut classer de la façon suivante :

– des diplômes reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur, à travers les procédures du visa et du grade, ce dernier donnant lieu aux contrôles les plus approfondis ;

 des diplômes reconnus par le ministère du travail, à travers les titres RNCP ;

 des diplômes d’établissement sans reconnaissance autre que celle accordée par l’école en question ;

 des diplômes reconnus par la conférence des grandes écoles, qui a déposé ses propres « marques », avec une obligation d’accréditation pour pouvoir les utiliser. Il s’agit du master spécialisé (MS) et du Msc, Master of science – qui ne doit pas être confondu avec l’appellation non contrôlée « Master of science ». La Conférence des grandes écoles (CGE) contrôle la qualité de ces formations, avec des critères stricts fixés dans un référentiel.

La qualité et le niveau de reconnaissance sont très variables :

– un diplôme visé ou gradé fait l’objet d’un contrôle approfondi du ministère de l’enseignement supérieur et des commissions spécialisées, avec des exigences en termes de qualité pédagogique et d’adossement à la recherche ;

– un titre RNCP fait l’objet d’une procédure d’instruction et de contrôle par France compétences. Néanmoins, les titres RNCP n’apportent que très peu de garanties sur la qualité pédagogique des formations. Les pouvoirs de régulation et de contrôle de France compétences et, plus largement, des pouvoirs publics sur ces formations sont limités, comme développé infra ;

– un diplôme d’établissement n’est associé à aucune garantie de qualité. L’établissement doit simplement répondre aux obligations déclaratives minimales décrites dans la première partie du présent rapport. Si l’établissement est reconnu par l’État, quelques garanties supplémentaires sont exigées, mais elles restent lacunaires ;

– les diplômes reconnus par la Conférence des grandes écoles (CGE) font l’objet de contrôles assurés non pas par la puissance publique, mais par la CGE elle-même.

Un même établissement peut proposer des formations correspondant à ces différents degrés de reconnaissance.

La complexité du système fait qu’il est quasiment impossible pour un public non averti de comprendre ces distinctions qui sont pourtant centrales et devraient constituer des critères majeurs dans les choix d’orientation.

2.   La confusion autour des appellations et de la mention « reconnu par l’État »

Les établissements privés sont libres de donner à leurs formations les intitulés de leur choix, exception faite des termes de « licence » et de « master », réservés aux établissements publics, comme prévu par le code de l’éducation. Les établissements privés proposent généralement des formations allant de bac + 2 à bac +5, en reprenant souvent les terminologies de bachelors, pour les bacs + 2 et bac + 3, et de mastères pour les bacs + 5, bien que ce ne soit pas systématique.

a.   Une confusion généralisée autour des intitulés des formations proposées

Le terme « master », qui fait référence aux diplômes délivrés par les établissements publics ou, éventuellement, au grade de master pouvant être obtenu dans des établissements privés, fait l’objet d’une protection en droit qui paraît aujourd’hui purement théorique. Si le terme de « master » est protégé, on le retrouve orthographié « mastère », ou utilisé en anglais « master of » pour désigner les formations qui n’en ont ni le contenu scientifique, ni la reconnaissance académique nationale et internationale. Plusieurs campagnes publicitaires en ligne jouent sur ces ambiguïtés en utilisant à l’oral la prononciation « master », ce qui paraît manifestement contraire à l’esprit de la loi, sans oublier les plaquettes de communication qui désignent indifféremment les 2 ans de master et mastères par les initiales M1 et M2.

Quant au terme de « bachelor », il n’est aujourd’hui ni protégé, ni encadré.

Le terme de « bachelor » ne s’accompagne d’aucune garantie de qualité

Le terme est aujourd’hui utilisé indifféremment pour des formations bac + 2, bac + 3, voire bac + 4. La création par le ministère de l’enseignement supérieur du « bachelor universitaire de technologie » (BUT) en 2021 est un facteur supplémentaire de complexité, puisqu’il s’agit d’un diplôme national délivré en trois ans. Ainsi, à moins d’être dispensé par une université ou un IUT, auquel cas le bachelor est un diplôme national équivalent à une licence, le bachelor n’est pas un diplôme national. Il peut être un simple diplôme d’établissement ou une certification. Enfin le terme de « bachelor » n’est pas protégé et ne renvoie à aucun référentiel ou cadre académique. ; il n’est donc pas en soi une garantie de qualité.

Les établissements ont tendance à emprunter un ensemble de terminologies issu du monde anglo-saxon. Si la CGE a protégé l’intitulé « Msc, Master of science », les appellations « master of science », « master of art » peuvent être utilisées librement et sans contrôle.

Comme l’analysait dès 2012 le médiateur de l’Éducation nationale, cette difficulté résulte en partie du choix qui a été fait de retenir dans l’architecture LMD ([164]), le terme de « master », appartenant à l’univers académique anglo-saxon. Certains établissements privés peuvent d’ailleurs faire valoir qu’ils utilisaient déjà l’appellation « master » avant même la création du LMD. On peut noter que la même logique est aujourd’hui à l’œuvre concernant le terme « bachelor ».

b.   La mention « reconnaissance par l’État » recouvre des situations extrêmement variées

La mention « reconnaissance par l’État » perd son sens aujourd’hui en raison de la multiplicité des significations qui peuvent lui être attachées :

– comme on l’a vu, la reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur accordée aux formations à travers le visa et le grade offre des garanties rigoureuses sur leur qualité. En revanche, le ministère de l’enseignement supérieur peut accorder une simple reconnaissance de l’État à l’établissement, sans que les formations qui y sont proposées soient reconnues ;

– certains établissements peuvent aussi mettre en avant leur simple déclaration d’ouverture auprès du rectorat comme une forme de reconnaissance alors que, d’une part il s’agit d’une obligation légale et non d’une démarche qualité de l’établissement et, d’autre part les contrôles au stade de la déclaration sont très limités ;

– à cela s’ajoutent les reconnaissances, qui dépendent non du ministère de l’enseignement supérieur mais du ministère du travail, que sont les titres du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et la certification Qualiopi. Or, cette reconnaissance, certes accordée par le ministère du travail, n’est pas une garantie académique ou même pédagogique. Elle atteste simplement de la reconnaissance d’un besoin sur le marché du travail ou de bons taux d’insertion professionnelle – sur la base unique de déclarations des écoles lucratives. L’inscription au RNCP n’est donc en rien la garantie qualité attendue par les étudiants et leur famille, qui pourraient faire le choix d’un diplôme national reconnu par l’enseignement supérieur et qui se voient proposer une certification qui ne permet en aucun cas de poursuivre ses études à l’université ou d’avoir la reconnaissance, y compris salariale, accordée à un diplôme national.

Dès 2012, ce problème avait été identifié par le médiateur de l’Éducation nationale dans le rapport précité : « Certains établissements privés tirent parti de cette situation de flou pour attirer leur clientèle. Une partie des établissements privés s’efforcent de laisser penser à leurs élèves potentiels que leur activité est placée sous le contrôle de l’État et que les clients bénéficient d’une garantie de qualité. Certains établissements mettent en avant le fait qu’ils sont "déclarés à l’État", ou "déclarés au ministère de l’Éducation nationale", en mentionnant leur "numéro d’enregistrement". Certains établissements mettent en évidence le fait que les diplômes ou les certificats qu’ils délivrent sont enregistrés au RNCP, ce qui leur permet d’utiliser les mots "certification" ou "certifié" par l’État, ou par le ministère chargé du Travail. »

Ce constat reste d’actualité, comme l’ont montré les auditions. Ainsi, la CEFDG signale qu’« il existe à l’heure actuelle un problème de lisibilité de l’offre de formations en gestion : les familles se perdent dans la jungle des formations en gestion. L’expression "Établissement reconnu par l’État" octroyé dès lors qu’une formation est inscrite au RNCP, brouille tout repère pour les familles qui imaginent que, dès lors qu’une école et/ou un programme est reconnu par l’État, il est de bonne qualité. Or, l’adéquation entre les besoins en compétences exprimés par les acteurs socio-économiques et les compétences transmises par les formations (et qui donne lieu à l’inscription au RNCP) ne dit rien de la qualité PÉDAGOGIQUE d’une formation. » ([165]) Les mêmes pratiques sont constatées au sein de la région académique Île-de-France : « Les établissements présentent dans leur communication une habilitation à recevoir des boursiers, ou bien une certification RNCP, voire la simple déclaration d’ouverture auprès du rectorat comme une "reconnaissance" de l’État, c’est-à-dire une garantie apportée par l’État sur la qualité des formations et diplômes délivrés, ce que ces formalités ne sont absolument pas. Par extension cette complexité réglementaire incite les établissements peu scrupuleux à évoquer à tort la reconnaissance par l’État de leurs formations. Au final il apparaît que nombre d’étudiants ne saisissent pas clairement la terminologie dans l’enseignement supérieur et ne comprennent pas toujours quel type de qualification ils obtiendront dans les établissements d’enseignement supérieur privés, que ce soit au moment de l’inscription ou en cours d’études. » ([166])

Or, les garanties de qualité ne sont pas les mêmes et les débouchés pour l’étudiant non plus. Les diplômes reconnus par l’enseignement supérieur sont contrôlés. Ils donnent la possibilité de poursuivre ses études dans le supérieur en France, mais aussi en Europe. Ils sont aussi obligatoires pour présenter certains concours de la fonction publique ou accéder à des professions réglementées. Ce n’est le cas ni des titres RNCP reconnus par le ministère du travail ni des simples diplômes d’établissement. Un titre RNCP ne garantit pas la poursuite d’études à l’université. Au cours des auditions, des systèmes de passerelle ont été évoqués. Omnes souligne ainsi dans sa contribution écrite adressée aux rapporteures que « cette possibilité existe, mais elle est aléatoire et discrétionnaire, comme nous l’observons pour nos anciens étudiants dont certains rejoignent l’université en Master ». Ces mécanismes paraissent très loin d’être systématiques et le droit ne prévoit pas de principe d’équivalence. Le ministère de l’enseignement supérieur n’a pas été en mesure de fournir plus d’éléments aux rapporteures sur cette question.

Les rapporteures constatent que ce flou bénéficie aux formations RNCP et même aux simples diplômes d’établissement, et a contrario ne permet pas suffisamment aux EESPIG et aux formations visées et gradées d’être mises en valeur. D’après la CEFDG, « les labels de qualité (visa et/ou grade) décernés par le MESR ne sont pas suffisamment valorisés et ne permettent pas aux écoles qui les détiennent de tirer des bénéfices suffisamment conséquents en retour, au regard des efforts fournis pour les détenir. Un besoin de valorisation du travail réalisé par ceux qui acceptent de se soumettre à une démarche d’amélioration continue se fait réellement sentir, avec l’identification également des bénéfices associés aux exigences de l’évaluation. » ([167])

B.   la qualité des formations non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur en question

Sans que cela soit généralisable à l’ensemble des formations relevant du secteur privé lucratif, des remises en cause sont formulées quant à la qualité de la formation délivrée par un certain nombre de ces établissements. Sont tout particulièrement concernés les diplômes d’établissement ainsi que les formations détentrices d’un titre RNCP.

1.   Les limites et difficultés posées par les titres RNCP

Les rapporteures saluent un mouvement important de réduction du nombre de titres RNCP en circulation ainsi qu’une augmentation significative des taux de refus, qui paraissent traduire un resserrement des outils de contrôle a priori. En effet, dans un contexte d’ouverture et de libéralisation du marché de la formation, initié par la loi LCAP précitée, le législateur a cherché à renforcer certains outils de régulation, notamment en rehaussant les règles d’enregistrement au RNCP. La mise en place d’un rapport d’instruction établi par la commission de la certification professionnelle de France compétences a ainsi constitué une nouveauté qui garantit un examen plus approfondi que par le passé.

Ce rehaussement des critères examinés à l’examen du dossier ([168])  et la mise en place du rapport d’instruction sont des facteurs d’explication de l’augmentation du taux de refus d’enregistrement, passé de 10 % avant 2018 à 50 % en moyenne pour l’année 2022 ([169]). Une démarche de rationalisation a été entamée et le RNCP compte, au 1er janvier 2023, 4 881 certifications professionnelles, contre 7 966 au 31 décembre 2018, soit une baisse de 39 % ([170]). Les délais d’enregistrement ont également été réduits, passant d’environ 10 à 7 mois.

 


Évolution du nombre de titres RNCP et de la part des formations dans le secteur tertiaire

 

Source : Contribution écrite adressée aux rapporteures par le ministère du travail.

Néanmoins, d’importantes limites demeurent.

La première, déjà évoquée ([171]), est celle des critères même du RNCP, qui ne portent que très peu sur la dimension pédagogique des formations (absence de critères tenant aux qualifications des professeurs, au taux d’encadrement, au nombre d’heures délivrées par exemple).

Ensuite, la délivrance d’un titre repose essentiellement sur une procédure déclarative, malgré un processus d’instruction qui s’est renforcé.

Une fois un titre accordé – pour une durée maximale de cinq ans – France compétences n’effectue de contrôles qu’en cas de signalement, et n’a pas les ressources humaines suffisantes pour les démultiplier.

Les procédures de contrôle conduites par France compétences en 2022

En 2022, France compétences a procédé à 89 procédures de contrôle et à la mise en demeure de 63 certificateurs. Les mises en demeure portaient principalement sur une communication dysfonctionnelle sur la certification ou les formations préparant à celle-ci (formation non corrélée à la certification, formation ne préparant pas à l’obtention d’une certification ou d’un bloc de compétences, non-respect des caractéristiques de la certification : intitulé, prérequis, modalité d’évaluation, etc.).

Ces données portent sur l’ensemble des certifications professionnelles et incluent donc les contrôles effectués dans le champ de la formation continue (dont le compte personnel de formation).

Source : rapport d’activité de France compétences publié en juin 2023.

En droit, un certain nombre de pouvoirs sont donnés au directeur général de France compétences (article R. 6113-17 du code du travail), qui peut notamment prononcer la suspension ou le retrait des répertoires nationaux de certifications professionnelles. Toutefois, ces prérogatives paraissent peu utilisées en raison notamment des moyens humains limités de France compétences.

Ce nombre insuffisant de contrôles apparaît d’autant plus problématique que de nombreuses pratiques posent des difficultés, telles que des intitulés de formation trompeurs qui ne correspondent pas à l’intitulé de titres RNCP, ainsi que le développement de la « location » de titres.

Plusieurs acteurs dénoncent ainsi le décalage entre l’intitulé d’une formation vendue et celui de la certification inscrite au RNCP, ainsi que le mécanisme des « titres RNCP parapluies » qui consiste à abriter des offres de formation aux intitulés différents, correspondant pourtant au même numéro de titre enregistré au RNCP. Ces pratiques sont notamment dénoncées par les représentants du personnel que les rapporteures ont auditionnés ; ils y voient une manière de flouer l’étudiant : « Croyant avoir acheté un produit spécifique correspondant à un niveau de salaire, les divers clients se retrouvent en fin de cursus avec un même numéro de titre RNCP accompagné d’un diplôme maison, à la dénomination satisfaisante, sans la moindre valeur académique. Il est ainsi « vendu » un niveau de titre accompagné d’un emballage publicitaire. » ([172])  France compétences autorise aujourd’hui un organisme de formation à dénommer sa formation différemment du nom de la certification, à condition toutefois qu’il y ait un lien direct entre les deux intitulés. L’opérateur invite simplement les étudiants à s’interroger en cas d’intitulé significativement plus large de la formation, en comparaison de l’intitulé de la certification RNCP ([173]). C’est donc aujourd’hui à l’étudiant d’aller vérifier que la certification RNCP correspond bien au titre de la formation vendue, et de s’interroger en cas de discordance.

La « location de titres » fait également partie des pratiques décriées par un grand nombre d’acteurs entendus par les rapporteures. Cette expression fait référence à la « cocertification », qui permet à un organisme certificateur – c’est-à-dire un organisme ayant obtenu une certification inscrite au RNCP – d’habiliter un autre organisme à utiliser ledit titre, moyennant rémunération. Comme le prévoit la notice à destination des organismes certificateurs publiée par France compétences ([174]), « le principe de "co-certification" permet au "cocertificateur" de délivrer la certification au même titre que le déposant et peut également participer à la réalisation des actions de formation afférentes et des épreuves d’évaluation. Le déposant doit joindre l’ensemble de ses conventions de co-certification au moment de l’enregistrement. » Dans ce schéma, l’organisme certificateur détenteur du titre est chargé de vérifier que l’organisme habilité respecte bien les critères du RNCP et le descriptif de la fiche correspondante. Selon les précisions du ministère du travail dans la contribution écrite adressée aux rapporteures : « Afin de s’assurer de la mise en œuvre, de manière homogène, de la certification auprès de son réseau de partenaires, le certificateur doit formaliser les exigences et déployer des procédures de contrôles des modalités d’organisation des épreuves d’évaluation à destination de ses partenaires, obligation qui constitue un critère d’enregistrement. À ce titre, il est demandé au certificateur, à l’occasion de la demande d’enregistrement, de fournir les modèles de conventionnement et de cahier des charges qui lient les parties. Doivent figurer dans ces documents les modalités de traitement des anomalies et, le cas échéant, les modalités de clôture du partenariat. »

Ces pratiques, paraissent aujourd’hui avoir pris une certaine ampleur, avec 13 % des fiches du RNCP qui mentionnent des partenaires. Pour les défenseurs du système de la location de titre, « l’intérêt de cette pratique est de permettre un déploiement rapide de certaines formations pour répondre aux besoins d’emploi, et subsidiairement de réduire le nombre de certifications enregistrées au RNCP » ([175]). Elle pose pourtant d’importants problèmes de régulation et de transparence dans les circuits de validation des titres, certains organismes semblant s’être spécialisés dans cette pratique. Surtout, l’organisme certificateur se retrouve à la fois juge et partie, ce qui paraît constituer une faille majeure de la fiabilité de ce dispositif.

Dans un récent rapport, l’IGAS et l’IGESR mettent en exergue le manque de fiabilité du contrôle des certificateurs sur les prestataires habilités : « Les contrôles a posteriori des organismes porteurs de certification restent très limités, notamment sur leur capacité à maîtriser le déploiement de la certification par les organismes qu’ils ont habilités. » ([176]). Les rapporteures partagent cet avis et estiment que les dispositions réglementaires prises par le ministère pour tenter de mieux réguler cette pratique restent insuffisantes.

Des dispositions réglementaires prises pour tenter de renforcer les exigences sur les pratiques de co-certification

Un décret du 2 avril 2021 (1) a renforcé les exigences en matière de contrôle du réseau des organismes que les certificateurs habilitent pour préparer à acquérir, évaluer ou délivrer ces certifications professionnelles, certifications ou habilitations. Il précise que les informations communiquées au public par les ministères et organismes certificateurs et les organismes que les organismes certificateurs habilitent, pendant la durée de l’enregistrement de la certification professionnelle ou de la certification ou habilitation dans les répertoires nationaux, doivent être conformes aux informations transmises au directeur général de France compétences pour l’appréciation des critères d’examen fixés aux articles R. 6113-9 et R. 6113-11 du code du travail.

Un décret du 28 décembre 2023 (2) prévoit en son article 1er que les organismes certificateurs et instances de labellisation transmettent chaque année un bilan de leur activité relative à la certification mentionnée à l’article L. 6316-1 au ministre chargé de la formation professionnelle ainsi que, pour les organismes certificateurs, à l’instance nationale d’accréditation mentionnée à l’article L. 6316-2 et, pour les instances de labellisation, à France compétences. Le contenu de ce bilan sera fixé prochainement par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. Il devra permettre d’identifier notamment :

– le nombre de décisions de refus de certification, de décisions de suspension et le nombre de retraits de certification pour des non-conformités au référentiel mentionné à l’article L. 6316-3 du code du travail ;

– le nombre de prestataires mentionnés à l’article L. 6351-1 du code du travail dont les conclusions de l’audit font état de non-conformités.

 

(1) La qualité de la formation professionnelle, IGAS IGESR, juin 2023.

(2) Décret n° 2023-1396 du 28 décembre 2023 relatif à l'activité des organismes certificateurs et au contrôle exercé par les organismes financeurs en matière de formation professionnelle.

 

Source : Extrait de la contribution écrite adressée aux rapporteures par le ministère du travail.

2.   Les limites et difficultés posées par Qualiopi

Comme l’indique le ministère du travail dans la contribution écrite adressée aux rapporteures, « la certification Qualiopi s’attache à la structure (personne morale) et à la mise en place de processus au sein de la structure. Elle n’est pas une certification de l’action et des qualités pédagogiques des moyens et des personnels. » Elle est attribuée par des organismes certificateurs privés et le marché paraît imparfaitement régulé, comme l’a récemment montré un rapport du Sénat ([177]) ainsi que le rapport de l’IGAS et de l’IGESR précité, qui souligne l’absence de pilotage des certificateurs Qualiopi, « ce qui a permis des fraudes et crée un risque de disparité des pratiques ».

Des mesures ont été prises par les pouvoirs publics pour tenter de mieux réguler ce marché de la certification et renforcer la rigueur de la certification Qualiopi. Cette problématique a principalement été traitée sous l’angle de la lutte contre la fraude au compte personnel de formation. Là encore, ces mesures utiles restent incomplètes.

Les récentes évolutions concernant les modalités d’audit et d’accréditation

De récentes évolutions réglementaires ont été apportées au droit, pour préciser les modalités d’audit et d’accréditation dans le cadre de la certification Qualiopi (arrêté du 31 mars 2023).

En vertu de ces nouvelles dispositions, les organismes certificateurs et les instances de labellisation transmettent au ministre chargé de la formation professionnelle les listes des prestataires qu’ils ont certifiés (article R. 6316-5 du code du travail). Le ministère publie également une liste des organismes de formation, qui indique lesquels sont certifiés et les catégories d’actions couvertes par la certification (1).

Les audits initiaux, de surveillance et de renouvellement sont détaillés. L’arrêté souligne également l’obligation pour l’organisme certifié d’afficher son certificat dans ses locaux et en ligne. Il renforce les obligations pesant sur les organismes de formation en matière de transparence sur la procédure d’accréditation. Les certificateurs sont censés être davantage responsabilisés, avec une obligation de traiter les signalements qui leur parviennent, de la part des apprentis, des stagiaires ou de toute autre source.

(1) Disponible sur la Plateforme ouverte des données publiques françaises.

3.   Une mission de contrôle pédagogique lacunaire

La loi LCAP a instauré une mission de contrôle pédagogique des actions de formation par apprentissage mais celle-ci reste très limitée, comme cela a été souligné au cours des auditions. D’après le rapport du comité d’éthique de suivi de Parcoursup, pour l’année 2023 « les services du ministère et les rectorats soulignent que — sur le terrain — compte tenu de l’explosion du nombre de formations en apprentissage, les moyens humains manquent pour assurer réellement et efficacement cette mission ; les inspecteurs de l’éducation nationale ne sont pas assez nombreux et il est très difficile de trouver des professionnels pour accompagner ces contrôles […] De fait, la loi de septembre 2018 a rendu obligatoires ces contrôles, sans créer les conditions de leur mise en œuvre, en particulier les financements nécessaires. Le bilan est d’autant plus mitigé qu’aucune mesure de sanction n’est prévue par la loi en cas de défaillance des organismes qui auraient été relevées lors d’un contrôle. »

La Cour des comptes dresse un constat similaire : « Dans un contexte de libéralisation de l’offre, le contrôle de la qualité des formations devient d’autant plus sensible […] Or, la mise en place de ces missions de contrôle a pris du retard et les moyens affectés conduisent à s’interroger sur leur capacité à contrôler une offre de formation si importante » ([178]).

4.   L’absence de contrôle des diplômes d’établissement

Les diplômes d’établissement ne font quant à eux l’objet d’aucun contrôle, à l’exception des obligations déclaratives. Si cette situation pose moins question du point de vue du bon usage des deniers publics – ces formations ne pouvant pas bénéficier des fonds de l’apprentissage et ne recevant pas d’autres subventions publiques – elle reste problématique du point de vue de l’étudiant qui peut se laisser « séduire » sans être véritablement éclairé sur le contenu et les possibilités que lui offre sa formation.

C.   des dérives récurrentes bien que non généralisées

Sans que cela puisse être généralisé à l’ensemble du secteur, force est de constater que le développement de l’enseignement supérieur privé à but lucratif s’accompagne également de certaines dérives. Celles-ci vont de l’information mensongère sur le contenu d’une formation jusqu’à l’escroquerie, en passant par les litiges financiers portant sur les frais de scolarité. Certains acteurs, y compris au sein du secteur privé lucratif lui-même, recourent publiquement aux termes d’« officines » et de « margoulins » pour faire référence à des entreprises peu scrupuleuses qui jouent sur le manque de lisibilité du système. « De nombreuses familles font ainsi face à un maquis dense et étendu d’établissements, de formations, de diplômes et de régimes juridiques enchevêtrés. Cette situation produit des confusions, susceptibles d’être exploitées par quelques organismes d’enseignement supérieur privés peu scrupuleux » note la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur dans son rapport de 2022.

Les problèmes sont le plus souvent révélés aux autorités académiques ou ministérielles par les signalements des familles lésées, soit directement, soit via les médiateurs, voire par voie de presse. Les différents ministères compétents en matière d’enseignement supérieur privé paraissent démunis face à des pratiques qui soit interviennent en dehors de leur champ de compétences respectives, soit sont in fine du ressort du Procureur de la République.

1.   Des dérives rendues possibles par la régulation insuffisante du secteur et la mauvaise identification d’organes de contrôle aux compétences par ailleurs limitées : une protection du consommateur perfectible

a.   Une autorégulation défaillante du secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif

Le marché de l’enseignement supérieur privé à but lucratif est asymétrique.

L’achat d’une formation est un acte engageant sur plusieurs années et difficilement résiliable (possibilités de recours limitées, avec une procédure potentiellement longue en cas de contentieux, et à l’issue très incertaine). À l’inverse des biens matériels, qui peuvent ne pas correspondre aux attentes du consommateur mais sans remise en cause de la qualité du produit, il n’existe pas de marché de la seconde main pour les formations d’enseignement supérieur. Au-delà du délai légal de rétractation de 14 jours, donc très court, la clientèle est captive. « La déception du client le cas échéant ne l’amène pas à changer de fournisseur. L’engagement financier du client et la complétude du cycle de formation qu’il a choisi le fidélisent. La concurrence s’exerce à l’entrée du cursus. Une fois intégré à l’école, le client lui est acquis » note ainsi Laurent Batsch ([179]).

Un étudiant mécontent de sa formation hésitera à dévoiler publiquement une réalité susceptible d’amoindrir la valeur de son diplôme et de porter atteinte au crédit de son établissement, lesquels sont précisément la clé d’accès vers l’emploi et la réussite sociale. Toujours selon Laurent Batsch, « l’intérêt des étudiants et des diplômés n’est pas d’entacher la réputation de leur école sur le marché du travail ».

« Un hold-up » ? L’analyse du chercheur Julien Jacqmin

Auditionné par les rapporteures, le chercheur Julien Jacqmin mobilise le concept du « hold-up » pour caractériser ce qu’il définit comme une défaillance du marché : « Dès leur inscription et après avoir acquitté leurs frais de scolarité, les étudiants disposent de très peu de recours contre leur établissement en cas de mécontentement vis-à-vis de la formation reçue. L’enseignement supérieur constitue un service particulier où l’étudiant, en tant qu’acheteur, devient indissociable du service qu’il achète. Par conséquent, un étudiant aura peu d’incitation à dénoncer publiquement une formation de qualité médiocre, car cela aura un impact direct sur lui-même. Étant donné qu’il s’agit d’un achat unique, le marché ne permettra pas d’éliminer les établissements pratiquant des fraudes, et leur mauvaise réputation ne sera pas nécessairement connue des nouveaux acheteurs potentiels. »

Si les rapporteures entendent le discours de certains acteurs auditionnés selon qui « le marché se régule par lui-même ; si des imposteurs existent, leur école va peut-être tenir un ou deux ans, pas plus », elles estiment cependant que les conditions d’une capacité autorégulatrice efficace de ce secteur ne sont pas réunies.

Les rapporteures considèrent à cet égard que l’enseignement supérieur ne peut pas être considéré comme un service marchand comme un autre ([180]). D’autant que le cadre de protection juridique du consommateur y est moindre que dans la plupart des autres secteurs marchands, lesquels apportent des garanties aux clients dont ne bénéficient pas les étudiants consommateurs ; aucune garantie légale de conformité n’est prévue pour les formations payantes de l’enseignement supérieur.

b.   Un cadre juridique de protection de l’étudiant éclaté entre une pluralité d’acteurs aux compétences limitées et des interlocuteurs insuffisamment identifiés

En dépit de ses singularités (prestation onéreuse et engageante sur le long terme, « retour sur investissement » ([181]) tardif, impacts sur l’avenir du jeune et potentiellement sur le devenir de la société) et d’une capacité autorégulatrice manifestement insuffisante, les consommateurs du marché de l’enseignement supérieur privé ne bénéficient pas d’un régime de protection juridique spécifique. Hormis quelques dispositions dans le code de l’éducation ([182]), dont on peut douter de la portée effective, il relève pour l’essentiel du droit commun de la protection du consommateur, notamment en termes d’information, de publicité et de modalités de désengagement de l’étudiant.

Le champ de l’enseignement supérieur privé lucratif est appréhendé sans être réellement contrôlé ou évalué, encore moins piloté par une pluralité d’acteurs publics aux pouvoirs de contrôle restreints. Leur articulation, si elle s’est considérablement améliorée ces dernières années, laisse cependant apparaitre des failles dans le contrôle (« zones grises ») importantes, à l’intersection des champs de compétences de chacun, où nul acteur n’est véritablement compétent.

  1.   La pluralité des autorités ministérielles en charge du contrôle de l’enseignement supérieur privé lucratif

Les auditions menées par les rapporteures ont mis en évidence les champs de compétence de chaque ministère en charge de la régulation de l’enseignement supérieur privé lucratif. Chacun a rappelé les limites de son périmètre d’intervention.

En raison de l’objet concerné – les études post-bac – les étudiants ont naturellement tendance à se tourner vers le ministère de l’enseignement supérieur en cas de difficultés, alors que ce dernier est finalement rarement le mieux à même d’apporter une solution au regard des problèmes rencontrés. Il en est de même pour les services de médiation, les étudiants du privé s’adressant en priorité au médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Le ministère de l’enseignement supérieur ([183]) ne peut agir que dans le seul champ de la qualité pédagogique et du contenu des formations pour les établissements privés sous contrat et les établissements dont les formations, sous une forme ou sous une autre, sont reconnues et évaluées. Le ministère admet n’avoir aucun levier sur l’enseignement supérieur privé hors « label ». En outre, la relation commerciale entre « l’étudiant-client » et « l’école-entreprise », qui relève du droit commercial, lui échappe.

Le ministère chargé du travail, via les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), ne peut intervenir que dans le cadre d’un contrat d’apprentissage signé par l’étudiant, lequel assimile ce dernier à un travailleur salarié. Par ailleurs, le contrôle pédagogique ne relève pas des services régionaux de contrôle des Dreets mais de chaque ministère certificateur.

La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail rappelle qu’en cas de doute sur les pratiques d’un centre de formation, chaque apprenti a la possibilité de saisir la préfecture ; ce signalement peut déclencher une médiation ou un contrôle. Aurélien Cadiou, président de l’Association nationale des apprentis de France (Anaf), organisation d’apprentis et d’alternants reconnue d’intérêt général, entendu par les rapporteures, tempère cette possibilité : « Les élèves viennent nous voir lorsque c’est trop tard. La DGEFP dit qu’il faut signaler auprès des Dreets, mais en fait cela n’est pas fait car les étudiants ne sont pas outillés. Les écoles sont en position de force. »

Le ministère chargé de l’économie, via la DGCCRF, est le seul en mesure d’activer les outils de protection du consommateur, mais il ne peut porter aucun regard sur le lien entre l’information sur une formation et la qualité de cette dernière. Le rôle de la DGCCRF se limite à des contrôles matériels, ayant trait à la publicité (usage non légitime de labels et logos, de titres universitaires, etc.), à l’information pré-contractuelle (affichage des prix, par exemple), à la mention de clauses contractuelles abusives ou illicites, ou encore à des pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 121-2 du code de la consommation.

Depuis quelques années, le ministère de l’enseignement supérieur sollicite la DGCCRF pour contrôler des établissements privés ‒ essentiellement à but lucratif même si ce n’est pas un critère de sélection ‒ identifiés à la suite d’informations transmises par des académies (voir encadré ci-dessous). Les enquêtes portent également sur des établissements non signalés par les académies mais ayant fait l’objet de plaintes de particuliers.

Pour les rapporteures, les enquêtes de la DGCCRF sont véritablement opportunes et il convient de saluer la collaboration qui s’est installée depuis quelques années entre le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’économie, qui semble trancher avec la période antérieure ([184]). Néanmoins, la question des moyens à la disposition de la DGCCRF, qui n’est ni nouvelle ni limitée au service de la répression des fraudes ([185]), doit être soulevée. Les rapporteures s’interrogent également sur le fait que les écoles contrôlées demeurent anonymes, ce qui ne permet pas d’informer le consommateur des fraudes dont son école est responsable ni d’alerter de potentiels futurs clients.

Les contrôles de la DGCCRF dans le champ de l’enseignement supérieur privé

Une première enquête sur la protection des consommateurs dans le secteur de l’enseignement supérieur privé a eu lieu en 2013, auprès de 167 établissements, dont plus de la moitié était en infraction.

En 2020, à la demande du ministère l’enseignement supérieur, une enquête nationale de « Protection économique du consommateur dans les établissements privés d’enseignement supérieur » a été lancée par la DGCCRF, auprès de 80 établissements identifiés par le ministère. Ont été contrôlées l’ensemble des dispositions protectrices des droits des consommateurs, avec une attention particulière sur les pratiques commerciales des établissements de formation apposant les labels créés en 2019 par le ministère de l’enseignement supérieur pour informer le consommateur de l’existence de diplômes « contrôlés par l’État ». L’enquête a été menée dans 34 départements de 14 régions.

56,3 % des établissements contrôlés présentaient une anomalie sur au moins un des points de la réglementation contrôlée. Ces contrôles ont donné essentiellement lieu à des avertissements et des injonctions, mais également à quatre procès-verbaux pénaux, dont deux ont conduit à un contentieux.

Pour cette première année de contrôle sous l’angle de la protection économique du consommateur depuis l’enquête conduite en 2013, le taux d’anomalie dans les établissements concernés s’avère relativement élevé. En conséquence, l’enquête nationale a été reconduite en 2021.

En 2021-2022, l’enquête a été complétée par un volet consacré aux écoles d’ostéopathie, les études dans ce domaine étant particulièrement onéreuses. 90 établissements, dont 28 établissements d’enseignement d’ostéopathie (sur 31) ont été contrôlés dans 30 départements de 12 régions différentes.

56,7 % des établissements présentaient une anomalie sur au moins un des points contrôlés. Outre les avertissements et les injonctions, deux procès-verbaux administratifs et un procès-verbal pénal ont été dressés.

Sont contrôlés par la DGCCRF :

– l’absence de pratiques commerciales trompeuses induisant le consommateur en erreur ;

– le respect des obligations d’information précontractuelle ;

– le respect des obligations sur les prix et sur la facturation ;

– l’absence de clauses contractuelles abusives ou illicites ;

– le respect des règles relatives à la vente à distance ou hors établissement.

Ont été constatées des pratiques commerciales trompeuses dans 30,5 % des établissements contrôlés en 2020 et dans 21,5 % des établissements en 2021.

  1.   Des services de médiation aux possibilités d’intervention restreintes et pas toujours bien identifiés

Les services de médiation sont rattachés aux trois autorités ministérielles précitées : la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, le médiateur de l’apprentissage et le médiateur de la consommation.

Très souvent, avant d’envisager un contentieux, les familles saisissent la médiation de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur en raison de l’objet de leur réclamation, lié à l’enseignement supérieur. « Même si les médiateurs ([186]) invitent les étudiants à s’adresser en priorité à un médiateur de la consommation, il n’est pas rare qu’ils cherchent à régler le différend dans un esprit d’efficacité et de dialogue en contactant directement les établissements » note le rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur de 2022 ([187]).

Là aussi, l’éclatement des services de médiation est source de confusion pour les usagers. Pour un même litige financier avec l’établissement, il peut y avoir plusieurs services compétents (autorité judiciaire, DGCCRF, Dreets, médiateur de la consommation…). Enfin, à défaut de médiateur compétent, certaines requêtes semblent parfois rester sans réponse.

Le dernier rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur fait état d’une hausse importante des réclamations concernant le secteur privé à but lucratif.

Une hausse du nombre de saisines de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur ayant trait à l’enseignement supérieur privé (1)

« En 2022, le nombre de saisines émanant d’élèves et d’étudiants du secteur privé de l’éducation a atteint un pic (1 392 réclamations), qui s’inscrit lui-même dans une dynamique de forte augmentation du recours au médiateur, en particulier dans la catégorie « privé hors-contrat » (scolaire et supérieur) […]. Cette catégorie des établissements hors contrat représente un total de 655 saisines (soit une augmentation de 346 % depuis 2017) et concerne pour la majeure partie des établissements privés d’enseignement supérieur, avec 469 réclamations en 2022 – soit 70 % des établissements hors-contrat et un peu plus d’un tiers des réclamations relatives au secteur éducatif privé dans son ensemble . » (2)

(1)    Sans distinction du privé lucratif et du non lucratif. Le système d’information du service de la médiation, à l’instar de celui du ministère chargé de l’enseignement supérieur, ne reconnait pas ce critère.

(2)    Rapport annuel de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur 2022, p. 48.

En matière d’enseignement supérieur privé, la médiation de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur tient moins un rôle de médiation à l’endroit des étudiants qu’une fonction d’information de premier niveau, notamment en les orientant vers les services ministériels ou de médiation compétents. En l’absence de compétence fondée en droit, les établissements privés peuvent refuser de s’engager en médiation avec cette autorité externe du ministère, en particulier lorsque sont en cause des enjeux financiers.

En fonction des sujets, les requérants sont le plus souvent orientés vers les médiateurs de la consommation, mais également vers les services de la DGCCRF ou les Dreets, voire l’autorité judiciaire. La médiatrice de l’Éducation nationale observe cependant que des médiateurs de la consommation déclinent parfois leur compétence, mettant en conséquence les usagers en difficulté.

Les principaux types de requêtes adressées aux services de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur

Les types de requêtes le plus souvent adressées aux services de la médiation concernent :

– la « reconnaissance par l’État » des diplômes délivrés par les établissements privés (bachelor, mastère, doctorate in business administration (DBA), etc.) et leur équivalence dans le système LMD (licence-master-doctorat) ;

– l’habilitation des formations à recevoir des boursiers ;

– les demandes de remboursement de frais d’inscription et de scolarité ;

– les aides dans des démarches « administratives » diverses bloquées (par exemple, pour récupérer un diplôme ou une attestation de réussite en cas de fermeture définitive de l’établissement).

Les étudiants inscrits dans un établissement supérieur privé sont liés à leur école par un contrat. Considérés comme des clients qui achètent un service (leur formation), ils dépendent des médiateurs de la consommation ([188]) pour les démarches relatives aux relations financières et aux clauses contractuelles. Une large part des réclamations reçues concerne notamment des demandes de remboursement de frais d’inscription et de scolarité.

Tandis que le secteur public de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur bénéficie d’un médiateur unique aisément identifiable, le champ de l’enseignement supérieur privé, rattaché à la consommation, se caractérise par une pluralité de médiateurs. Contrairement à de nombreux secteurs d’activité ([189]), il n’existe pas de médiateur de la consommation spécifique pour l’ensemble des « écoles-entreprises » de ce secteur ([190]).

La consultation d’un médiateur de la consommation est un droit pour le consommateur : les professionnels sont tenus, par tous moyens, de garantir l’effectivité de ce droit ([191]) en communiquant au consommateur les coordonnées du médiateur compétent dont ils relèvent ([192]). Néanmoins, le récent rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur met en évidence un non-respect de cette obligation par certains établissements d’enseignement supérieur privés qui, à défaut d’avoir adhéré à un dispositif de médiation ou de disposer d’un médiateur en interne, se bornent à mentionner « le médiateur de la consommation » sur leur site ou leurs documents, sans plus de précision.

Il en résulte des difficultés supplémentaires pour les étudiants qui souhaitent régler un litige avec leur établissement, soit qu’ils sont dans l’incapacité de saisir un médiateur de la consommation, soit que le médiateur saisi, auquel l’établissement n’est pas affilié, se déclare incompétent. Comme le souligne la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, les familles « ne pourraient alors se tourner que vers la médiation judiciaire, à l’initiative des parties (si l’organisme en est également d’accord), ou bien du juge, mais après l’avoir saisi. Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante et ne permet pas de trouver une solution en rétablissant un dialogue à partir de positions souvent très tranchées. » ([193])

Instauré par la loi LCAP de 2018, le médiateur de l’apprentissage ([194]) est compétent pour intervenir sur les litiges relatifs à l’exécution du contrat (rémunération, temps de travail…) entre un apprenti et son entreprise. Mais le champ de la médiation se limite à l’entreprise ; le médiateur n’est pas habilité à intervenir auprès de l’organisme de formation par apprentissage.

2.   Les dérives observées : de l’information fallacieuse à l’escroquerie caractérisée

Les rapports de la médiation de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur de 2012 et 2022, ainsi que les conclusions des enquêtes de la DGCCRF menées de 2020 à 2022, donnent un aperçu des problèmes auxquels peuvent être confrontés les étudiants.

a.   Une tentative de typologie des dérives des établissements

Il est possible de sérier les dérives constatées selon le moment où elles interviennent dans le processus de contractualisation et leur objectif.

  1.   Des pratiques commerciales trompeuses destinées à influer sur la décision de l’étudiant

La DGCCRF a ainsi relevé :

– l’usage de mentions dépourvues de toute justification vérifiable sur les taux de réussite aux diplômes proposés, l’employabilité post-diplôme, la pérennité, la constance ou la qualification de l’équipe pédagogique, ou encore des partenariats non formalisés avec des grandes entreprises ;

– l’utilisation illégale des termes de « licence », « master » ou « doctorat » ou la délivrance de diplômes en référence à ces grades sans autorisation ou accréditation. Au regard de la sévérité des peines encourues ([195]), les abus explicites de titres sont assez rares ; en revanche, on assiste à une floraison de dénominations proches (mastère, master of…, M1, M2, etc.) trompeuses (cf. supra) ;

– des allégations commerciales mensongères de « places limitées » en vue de forcer l‘étudiant à signer rapidement un contrat avec l’établissement, potentiellement avant l’ouverture de Parcoursup ;

– des ventes de formations qui ne disposent pas du droit de délivrer le diplôme mis en avant (par exemple, vente d’une formation « d’auxiliaire vétérinaire » alors que l’organisme de formation n’a pas le droit d’en délivrer le diplôme ; vente d’un BTS alors qu’il s’agit d’une « préparation » au BTS, lequel devra être passé dans le public ensuite, potentiellement en candidat libre, etc) ;

– des informations déformées (nombre d’étudiants, partenariats avec l’étranger, modalités des cours, etc.) ;

– des avis complaisants sur internet, émanant d’employés de l’établissement.

La médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur fait état d’écoles se présentant sans nuance comme des établissements d’enseignement supérieur, au sens de ceux proposant des formations conduisant à des diplômes nationaux ou possédant une forme de reconnaissance académique permettant une poursuite d’études, alors qu’il s’agit en réalité d’écoles relevant de la formation professionnelle (titre RNCP) qui ne permettent pas l’accès à un diplôme de l’enseignement supérieur. Elle relève également des mensonges sur le niveau de qualification d’un bachelor présenté comme un niveau bac + 3 alors qu’il s’agit en réalité d’une qualification de niveau 5 dans la nouvelle nomenclature, soit un niveau bac + 2, l’école profitant de la méconnaissance des nomenclatures par le grand public et de l’absence de réglementation des bachelors, lesquels sont en effet des diplômes équivalents à la licence (donc des bac +3) lorsqu’ils sont dispensés dans l’enseignement supérieur public (cf supra).

Les services régionaux académiques d’Île-de-France confirment recevoir « des signalements de pratiques douteuses de certains établissements, notamment s’agissant de publicité mensongère, communication abusive pouvant induire les candidats en erreur quant à la qualité et la reconnaissance du diplôme » ([196]).

  1.   Des informations ambigües ou incomplètes au moment de la pré‑contractualisation

Pour les étudiants et les familles, le risque d’être induits en erreur existe dès le stade pré-contractuel, en raison de mentions ambiguës, incomplètes voire fausses.

  1.   L’insertion dans les contrats de clauses déséquilibrées au détriment des étudiants

La DGCCRF a recensé au cours de ses enquêtes des clauses contractuelles déséquilibrées dans les trois catégories existantes en fonction de leur gravité : des clauses abusives ([197]) interdites, en raison de leur caractère nettement disproportionné, sans contestation possible de la part du commerçant (clauses dites noires ([198])), des clauses présumées abusives que le commerçant peut expliquer (clauses dites grises ([199])) et enfin des clauses illicites. La DGCCRF vérifie notamment qu’il n’y a pas de déséquilibre majeur entre les parties (par exemple, qu’une entreprise ne puisse pas unilatéralement annuler une formation sans que ce même droit ne soit ouvert à l’étudiant pour un motif impérieux).

Les clauses problématiques recensées par la DGCCRF dans les contrats entre les établissements d’enseignement supérieur privés et les étudiants

 Les clauses abusives illégales, dites noires :

– clause par laquelle l’étudiant reconnaît avoir pris connaissance d’un règlement intérieur qui ne lui était en fait remis qu’à la rentrée donc postérieurement à la conclusion du contrat ;

– clause contraignant le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’est pas tenu d’exécuter les siennes ;

– clause qui supprime ou réduit le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une de ses obligations et son exonération de responsabilité en cas de vol ;

– clause permettant une modification unilatérale des prix ;

– clause prévoyant qu’en cas de défaut de paiement, l’établissement a le droit de résilier le contrat, mettant fin à la formation de l’étudiant et interdisant l’inscription aux examens de fin d’année, alors que le solde de la formation reste dû ;

– clause réservant au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix de la formation ;

– clause autorisant l’établissement à rompre discrétionnairement le contrat sans prévoir le même droit pour l’étudiant ;

 Les clauses présumées abusives, dites grises (les plus nombreuses) :

– clause reconnaissant à l’établissement le droit de résilier le contrat sans préavis ni indemnité sans prévoir réciproquement le même droit pour le consommateur ;

– clause autorisant le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur, en cas de renoncement de ce dernier à exécuter ses obligations, sans prévoir réciproquement le même droit pour le consommateur ;

 Les clauses illicites :

– clause obligeant le consommateur à saisir un tribunal en cas de litige qui ne correspond pas aux prescriptions légales ;

– clause interdisant au consommateur d’utiliser son droit de rétractation dans un contrat conclu en ligne ;

– clause prévoyant une autorisation générale d’utilisation de l’image de l’étudiant (interviews, enregistrements…) ainsi que de ses données personnelles, sans consentement exprès spécifique, sur les finalités, la durée et le territoire correspondant à cette autorisation.

b.   La question des frais de scolarité : des sujets de litige variés

La question des frais de scolarité, inhérents au modèle économique du secteur privé lucratif, paraît être le motif qui génère le plus de litiges.

  1.   L’information sur les tarifs des formations

L’accès des futurs étudiants aux grilles tarifaires des formations dispensées par les écoles est très hétérogène. Certains sites internet les indiquent distinctement et en accès libre, alors que pour d’autres établissements, il est nécessaire de télécharger la brochure (ce qui contraint à fournir ses données personnelles).

Les enquêtes de la DGCCRF ont démontré un défaut de transparence qui ne permet pas aux étudiants d’accéder à une information tarifaire complète et intelligible.

Les problèmes relevés par la DGCCRF en matière d’affichage des prix

– Absence d’information, avant la conclusion du contrat, sur les conditions de vente et sur le prix total TTC de la formation, ainsi que sur les conditions de paiement ;

– Indications imprécises du coût des formations, voire discordantes entre les différents supports (grille tarifaire, documents d’inscription, brochures…) ;

– Absence d’affichage des prix ;

– Présentation peu claire du coût réel du concours d’admission ;

– Absence de justification du prix d’origine lorsque des promotions sont présentées sous forme de prix barré ;

– Information sur les frais de scolarité obsolète (ceux de l’an passé alors que les tarifs sont annuellement révisés) ou incomplète (mention du prix de la première année seulement) sur les sites internet.

  1.   La difficulté pour les étudiants d’obtenir le remboursement des frais d’inscription

Les demandes de remboursement formulées par les étudiants qui souhaitent se désengager de leur contrat avec un établissement d’enseignement supérieur privé lucratif répondent à des motifs divers : grave maladie qui empêche de suivre la formation, admission dans une autre école, conflit relatif à la nature du diplôme ([200]), refus de visa pour un étudiant étranger, déception par rapport aux prestations attendues ou absence d’employeur qui ne permet pas de suivre la scolarité en apprentissage, etc.

Aucune règle ne régit spécifiquement la rétractation d’un contrat avec un établissement d’enseignement supérieur privé lucratif. S’applique le droit commun de la consommation pour les contrats de prestation de services conclus à distance, lequel prévoit un droit de rétractation dans un délai de quatorze jours à compter du jour de la conclusion du contrat, sans motivation requise et sans coûts à la charge du client qui choisit ainsi de mettre fin au contrat. On peut noter qu’en revanche, les règles de rétractation et de résiliation sont plus encadrées pour les établissements d’enseignement supérieur privé à distance ([201]).

Les rapports du service de médiation de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, mais également la presse, se font le relai de témoignages d’étudiants peinant à récupérer tout ou partie des sommes versées, y compris lorsque la demande intervient dans les délais légaux ou contractuels de rétractation ou de résiliation. Fréquemment, des écoles retiennent des sommes significatives (plusieurs centaines d’euros) sur le remboursement, en prétextant des frais ou des prestations non contractuelles, voire non fournies. Il faut parfois l’intervention d’un médiateur pour que l’étudiant puisse récupérer tout ou partie de son dû. Les litiges pointés par le rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur en 2012 se retrouvent de la même façon dix ans plus tard dans le second rapport sur l’enseignement supérieur privé, dans un contexte de croissance des contentieux.

  1.   Les clauses contractuelles de résiliation du contrat avec l’établissement : la question du solde des frais de scolarité en cas d’interruption de la formation à la demande de l’étudiant

Il revient à l’école de préciser, dans le contrat, les conditions d’interruption de la formation par un étudiant sans qu’il soit tenu de régler le solde restant à verser pour l’année en cours.

À cet égard, doit être soulignée une récente décision de la Cour de cassation ([202]). Dans un litige opposant une famille à un établissement d’enseignement supérieur privé lucratif, le juge est venu se substituer à l’école dans sa capacité à apprécier la légitimité du motif à l’origine de la résiliation demandée par l’étudiant, limitant à cet effet la liberté d’action de l’établissement.

La décision de la Cour de cassation :
le juge substitue à la décision souveraine de l’école sa propre appréciation du caractère impérieux d’un motif de résiliation d’un contrat

Dans le cas d’espèce, une étudiante, excipant de la clause contractuelle permettant une résiliation de son contrat en cours d’année en cas de force majeure ou de motif légitime et impérieux justifié par des documents probants, a demandé d’être libérée du solde des frais de scolarité pour l’année en cours. L’école, seule en mesure, aux termes du contrat, d’apprécier la légitimité de la demande au regard des conditions qui fondent, selon elle, un cas de force majeure ou un motif légitime et impérieux, a refusé d’appliquer ladite clause.

Le juge a d’abord confirmé la légalité d’une clause contractuelle confiant à la seule direction de l’école la capacité d’apprécier la légitimité d’une demande de résiliation, au motif que cela « ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties quand bien même ce motif serait laissé à l’appréciation de la direction de l’école ».

Toutefois, dans un second temps, le juge a substitué à celle de l’école sa propre appréciation du motif invoqué par l’étudiante. Il estime, contrairement à la direction de l’école, que les motifs invoqués par celle-ci réunissent les conditions requises pour relever d’un caractère manifestement impérieux, et qu’en conséquence, l’exercice de la clause de résiliation est justifié.

  1.   Les frais inattendus de l’apprentissage : quand les écoles font payer les apprentis

Lors de son audition, le président de l’Anaf a confirmé l’augmentation des signalements de situations abusives, qui concernent « les frais d’inscription qui ne sont pas remboursés quand l’apprenti a trouvé une entreprise, le "passage" sous statut étudiant, la signature de contrats très ambigus, où tout est mélangé sur les financements par l’élève, l’Opco et l’entreprise ».

L’article L. 6211-1 du code du travail l’indique clairement : « La formation est gratuite pour l’apprenti et pour son représentant légal. »

Pour chaque apprenti, le centre de formation des apprentis reçoit un versement financier (coût-contrat), lequel inclut la formation des apprentis mais aussi toute la partie administrative de la phase d’inscription. Et si le coût-contrat ne suffit pas pour que le CFA rentre dans ses frais, ce dernier est en droit de demander à l’entreprise de l’alternant un reste à charge.

Pourtant, il paraît fréquent que des écoles réclament des frais d’inscription aux apprentis, pour les autoriser à passer un concours ou pour réserver leur place, ou des acomptes en attendant qu’ils signent un contrat avec l’entreprise. Pour ne pas être en contradiction directe avec la loi, ces frais sont annoncés comme remboursables, selon une récente enquête conduite par la cellule investigation de Radio France ([203]). Les groupes identifiés ont confirmé dans le cadre de cette enquête journalistique l’usage de telles pratiques ([204]), parlant « d’acompte remboursable intégralement, dès que l’alternant signe un contrat dans les temps réglementaires » avec une entreprise, ou « de frais de concours de 80 euros remboursés aux apprentis ». « Chez PPA Business School, les conditions générales d’inscription précisent que chaque alternant qui n’a pas encore trouvé son entreprise doit débourser "300 euros de frais administratifs et de dossier", "remboursables" là aussi » indique l’enquête journalistique. Certains témoignages montrent toutefois que le remboursement est parfois difficile à obtenir, notamment lorsque l’apprenti, n’ayant pas obtenu le campus souhaité, décide de changer d’école ou parce qu’il craint qu’une telle demande de remboursement ait des conséquences sur l’obtention du diplôme.

Les CFA « historiques » ne semblent pas recourir à ce type de pratiques, ainsi que l’ont confirmé les responsables de la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir)([205]) qui, lors de l’audition, ont déclaré découvrir l’existence de ces dérives.

Selon Aurélien Cadiou, président de l’Anaf, « ce mélange entre les statuts d’étudiants et d’apprentis est sans doute le nœud du problème […] Ces écoles appliquent le même parcours à leurs apprentis et à leurs étudiants en formation initiale. Ils entretiennent l’ambiguïté » ([206]). Au final, l’apprenti, rarement au fait de la réglementation, ne sait pas s’il doit ou non contribuer au paiement de sa formation.

Sans disposer d’informations sur le volume de ces dérives, la Fnadir, qui regroupe les directeurs de CFA « historiques », demande « que tous les moyens soient mis en œuvre pour lutter et faire cesser ces pratiques. C’est toute une profession qui est mise à mal si cela ne cesse pas et si on ne qualifie pas le volume des dérives. Nous avons connu un précédent durant la pandémie, certains établissements ont utilisé le droit à garder l’apprenti sans contrat pendant 6 mois (3 mois en temps normal), quelques interventions du ministère dans la presse envers ces établissements ont tout de suite fait cesser les pratiques […]  Il faut peut-être repenser les moyens judiciaires alloués pour mieux cibler les dérives et agir dans un espace-temps court pour les faire cesser et communiquer en guise de prévention sur les mesures prises à l’encontre de ceux qui fraudent. » ([207]) Pour la Fnadir, la réforme de l’apprentissage, qui a permis de multiplier par plus de trois le nombre d’apprentis en France, est bénéfique pour les jeunes, les entreprises et la société en général : « Il ne faut pas gâcher cela. »

Se pose la question de la légalité de ces pratiques. Le ministère du travail confirme le caractère illégal de tout reste à charge imputé à l’apprenti, sans exclure pour autant la possibilité de facturer des frais d’inscription « raisonnables », notamment s’ils font l’objet d’un remboursement ([208]).

Une autre difficulté que rencontrent parfois certains jeunes en alternance est leur « bascule » sous statut étudiant, lequel, contrairement au statut d’apprenti, n’exonère pas des frais de scolarité. Les jeunes se retrouvent à devoir régler l’intégralité de leurs frais de scolarité, ce qui peut entraîner des complications graves sur le plan financier.

Cette bascule intervient quand le jeune souhaitant suivre un cursus en alternance ne parvient pas, dans le délai réglementaire requis, à trouver une entreprise d’accueil, condition indispensable pour valider cette voie de formation. En réalité, explique l’Anaf, les évènements se déroulent souvent selon le schéma inverse. « Au lieu d’intégrer les aspirants apprentis en tant que stagiaires de la formation professionnelle, ils leur font signer un contrat en tant qu’étudiant » ([209]), engageant « les futurs apprentis à payer des frais de scolarité en cas de non-conclusion ou de rupture du contrat d’apprentissage » ([210]).

L’Anaf dénonce l’actuel vide juridique qui laisse les établissements jouer sur un système de basculement « formation initiale » puis « formation par apprentissage » une fois l’employeur trouvé. D’autant qu’une partie de ces écoles, notamment celles qui se sont lancées dans la voie de l’apprentissage récemment, n’accompagnent pas réellement les nouvelles recrues dans leur recherche d’une entreprise en dépit des promesses d’un important réseau d’entreprises. Or, la bascule d’un statut à un autre est d’autant plus aisée que ces écoles sont présentes sur les deux voies de formation.

Dans ce contexte, l’Anaf propose d’interdire cette bascule, car même si on peut s’interroger sur l’éthique de ces pratiques au regard de la philosophie de l’apprentissage, elles ne sont actuellement pas illégales.

c.   Les problématiques des fermetures d’écoles et des « écoles fantômes » : mauvaise gestion et escroquerie

Les services ministériels ne disposent d’aucune statistique ([211]) sur les fermetures d’écoles dont il est généralement fait état par voie de presse écrite, en particulier dans la presse quotidienne régionale, et télévisée ([212]). Ces fermetures peuvent être la conséquence, dans un marché économique ouvert, d’une mauvaise gestion qui aboutit à une faillite et une liquidation ([213]), ou s’apparenter à une escroquerie frauduleuse lorsque le dirigeant de l’école disparaît soudainement avec l’argent perçu ([214]).

« Il est très rare que l’information parvienne en amont aux services des rectorats. […] La fermeture d’un établissement est simplement présumée quand celui-ci ne répond pas aux sollicitations renouvelées du rectorat » alertent les services régionaux académiques d’Île-de-France. Au mieux, les services de l’État détectent ces fermetures « en cours d’année, dans le cadre de l’enquête annuelle » ([215]). En réalité, les services ministériels découvrent le plus souvent tardivement ces fermetures à la suite du signalement des familles, voire par voie de presse.

Ces « faits divers » sont potentiellement dramatiques pour les centaines d’étudiants dont le cursus est brutalement interrompu, générant une « année blanche » et la perte éventuelle de milliers d’euros. Les étudiants peuvent également peiner pour récupérer leurs diplômes ou attestations de réussite. Par ailleurs, cela décrédibilise en partie leur éventuel diplôme.

Le ministère de l’enseignement supérieur paraît généralement démuni face à ces situations, n’étant pas en mesure de proposer une solution alternative aux étudiants, notamment parce que le service public est lui-même souvent saturé.

Les solutions proposées aux étudiants dépendent de l’honnêteté de l’entreprise et du degré d’escroquerie. En cas de faillite commerciale, notamment lorsqu’ils s’appuient sur un réseau d’écoles, les dirigeants peuvent proposer un transfert dans une autre école, la poursuite des cours en distanciel voire le remboursement des frais de scolarité au prorata du temps restant. L’impression des familles est cependant de « s’être fait voler », surtout quand les écoles inspirent confiance en affichant des gages de sérieux (diplômes et certifications « reconnus par l’État », etc.).

En outre, le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France a mentionné aux rapporteures d’autres signalements préoccupants, ceux « d’établissement "fantômes" dont l’objet semble être de vendre à de jeunes étrangers extra-communautaires une inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, pièce indispensable pour la délivrance d’un visa étudiant ».

D.   des risques sociétaux

1.   Le risque de l’inadéquation de l’offre avec la demande et les besoins du pays

Pour les rapporteures, les incertitudes sur la qualité et la pertinence des formations proposées par les établissements d’enseignement supérieur privé à but lucratif pourraient peser à terme sur les capacités du pays à répondre aux défis économiques et sociétaux.

Les formations proposées par le secteur privé lucratif, qui relèvent en grande partie du secteur tertiaire, ne correspondent pas toujours aux besoins du marché du travail et peuvent paraître – en partie au moins – éloignées des enjeux identifiés comme prioritaires, notamment dans le cadre de France 2030, dont l’une des conditions de réussite du plan est d’« accélérer l’adaptation des formations aux besoins de compétences des nouvelles filières et des métiers d’avenir » ([216]).

Ce risque d’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail a été identifié par plusieurs acteurs entendus par les rapporteures. Le représentant de Régions de France a ainsi insisté sur le fait que les formations proposées sur un territoire peuvent être déconnectées des besoins identifiés sur le terrain. Concernant plus spécifiquement les formations en apprentissage, la Cour des comptes craint « la fragilisation de formations peu attractives, pourtant nécessaires aux entreprises, et une évolution de l’offre uniquement fondée sur la demande des jeunes ».

En parallèle, les écoles communiquent sur de très bons taux d’insertion professionnelle, ce qui conduit à poser la question de la fiabilité de ces chiffres, lesquels reposent uniquement sur des données déclaratives et ne font pas l’objet d’un contrôle systématique de l’État (voir infra).

En outre, comme déjà indiqué, une formation qui conduit à l’acquisition d’un titre RNCP ne garantit en rien le droit à la poursuite d’études. Ainsi, un jeune qui a suivi un bachelor dans une école privée lucrative ne pourra pas, sauf exception, s’inscrire dans un master ou une formation visée ou gradée. Il se retrouve ainsi souvent captif de l’école où il a réalisé ses premières années de formation. Cet état de fait peut bloquer des trajectoires individuelles et influer sur les choix de carrière, surtout quand l’étudiant n’en a pas conscience quand il fait le choix de sa formation, ce qui est trop souvent le cas si l’on en croit les personnes auditionnées et les témoignages lus. À l’échelle du pays, l’impossibilité de poursuivre des études peut aussi faire obstacle à la montée en compétence des actifs.

Signalons enfin que l’enseignement supérieur à but lucratif répond à des objectifs qui ne sont pas ceux de l’État, pour lequel l’intérêt général et l’avenir des jeunes comme celui de la Nation sont nécessairement les considérants premiers et fondamentaux. Déléguer des parties entières de la formation à des acteurs qui pourraient demain se retirer du marché de l’éducation au profit d’un autre constitue une prise de risque non négligeable.

2.   Les incertitudes autour de l’endettement étudiant

Les formations offertes par les établissements relevant du secteur privé lucratif sont souvent associées à des frais de scolarité élevés et en augmentation, bien qu’ils restent en moyenne inférieurs aux frais de scolarité des écoles sous contrat.

Dans le cadre de l’apprentissage, les coûts de formation ne sont pas à la charge de l’étudiant. Mais ces écoles proposent également de nombreuses formations hors apprentissage, avec des frais de scolarité annuels situés entre 5 000 et 10 000 euros en moyenne. Au regard du profil sociologique des étudiants ciblés par ces écoles, que l’on situe plutôt dans les classes populaires ou de la classe moyenne inférieure, on peut avancer l’hypothèse qu’ils sont proportionnellement plus nombreux que la moyenne des étudiants à contracter un prêt. Or, le remboursement d’un emprunt au début de la vie professionnelle peut constituer une charge certaine, surtout lorsque la formation réalisée ne permet pas en réalité d’atteindre le niveau de rémunération espéré.

Il est aujourd’hui très difficile d’obtenir des données sur le poids de la dette étudiante, a fortiori sur la dette étudiante liée au développement du secteur privé lucratif. Un rapport du Sénat présenté à l’été 2021 ([217]) regrettait déjà le fait que le phénomène soit peu documenté et qu’aucune structure ne soit chargée d’agréger les données.

Quelques données sont toutefois éclairantes. Selon l’Union nationale des étudiants de France (Unef), 300 000 emprunts bancaires seraient contractés par les étudiants chaque année, ce qui correspond à environ 10 % de la population étudiante. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 11 % des effectifs en école de commerce auraient contracté un prêt, contre 6 % en école d'ingénieurs et 4,5 % à l'université. D’après une enquête menée en 2022 par le Bureau national des étudiants en école de management, qui assure une fonction de représentation des étudiants d’écoles de commerce membres de la CGE, 57 % des 38 000 étudiants interrogés se sont endettés pour rejoindre une école de commerce.

Aujourd’hui, le poids de l’endettement croît sous le triple effet de la hausse des frais de scolarité, du relèvement des taux d’intérêt et de la hausse des principaux postes de dépenses des étudiants (alimentation, logement). Les taux des prêts étudiants sont passés de moins de 1 % en 2022, à 2 % en 2023. Actuellement, ils semblent atteindre des niveaux situés aux alentours de 3 à 4 %. La BPCE ([218]), interrogée par la presse, observe un très fort dynamisme sur le crédit étudiant en 2022, avec une hausse importante du nombre de prêts (+ 70 800, soit + 9,5 %) ainsi que de leurs enveloppes (226 millions d’euros chez Banque populaire, en hausse de 21 %, et 985 millions d’euros pour l’ensemble du groupe) ([219]).

Le poids de la dette étudiante ne paraît pas aujourd’hui représenter un risque systémique pour l’économie française, en raison des faibles frais d’inscription à l’université et de l’existence d’un système des bourses. Néanmoins, les rapporteures considèrent qu’il s’agit d’un point de vigilance pour l’avenir, au vu du développement important de la place du secteur privé, et en particulier du privé lucratif, qui pose avec acuité la problématique du remboursement de ces prêts. Le modèle américain mériterait d’être examiné avec une grande attention par les pouvoirs publics, en raison des similitudes qu’il présente, par certains aspects, avec la situation en France. On peut relever que les États-Unis, modèle d’essence bien plus libérale que celui de la France, a décidé d’encadrer très strictement le secteur éducatif lucratif (voir l’encadré ci-après).

La crise liée aux écoles dites « for profit » aux États-Unis et les mesures de régulation prises

Le secteur privé lucratif s’est considérablement développé aux États-Unis au cours des années 2000 – 2010. Ce développement s’est accompagné de graves problèmes en matière d’endettement étudiant, lié au développement du secteur dit for profit, dont la qualité s’est avérée très insuffisante. Depuis, d’importantes mesures de régulation ont été mises en place.

Le développement des formations for profit et la crise de la dette étudiante

En 1970, aux États-Unis, l’enseignement supérieur lucratif rassemblait moins de 20 000 étudiants. Ce nombre est passé à 450 000 étudiants en 2000, puis son développement s’est accéléré avec l’usage d’internet et l’enseignement en ligne. Le nombre d’élèves a augmenté jusqu’à atteindre 2 millions d’étudiants en 2010, soit 10 % du nombre total des étudiants américains (1).

Le développement de ce secteur aux États-Unis s’explique notamment par la mise en place de prêts fédéraux, initialement conçus pour aider les étudiants à accéder à l’enseignement supérieur. Ces crédits ont été en partie « captés » par le secteur lucratif, comme l’ont montré les travaux de Claudia Goldin – prix Nobel d’économie 2023 – et Stephanie Riegg Cellini (2). Ce constat a également été dressé par le Sénat américain (3) qui constatait dans un rapport présenté en 2012 que 96 % des étudiants des écoles for profit ont contracté un prêt (généralement sur fonds fédéraux), contre 48 % des étudiants des universités publiques et 57 % de ceux des universités privées non lucratives.

Le développement du secteur est identifié comme l’un des facteurs d’explication de la crise de la dette étudiante américaine. Selon une étude menée par le Département du Trésor américain et citée par Jean-Philippe Ammeux, ancien directeur de l’IESEG, dans la contribution écrite adressée aux rapporteures, « l’écart de revenu entre ceux qui ont fréquenté un For Profit College et ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures, n’est pas statistiquement significatif. Les diplômés de formation for profit ne perçoivent pas un salaire significativement plus élevé par rapport à ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures, et rencontrent des difficultés sur le marché du travail ». Ainsi, d’après l’analyse livrée par Julien Jacqmin, chercheur spécialiste du sujet entendu par les rapporteures, la faible qualité des formations proposée dans les écoles for profit a empêché de nombreux étudiants d’accéder à un emploi correctement rémunéré et donc de pouvoir rembourser leurs prêts. Selon des chiffres parus dans la presse américaine, les taux de défaut de remboursement sont en moyenne bien plus élevés pour les prêts contractés avec les écoles for profit. Ainsi, le taux de défaut de remboursement de ces prêts atteindrait en moyenne 24,9 %, contre 13,5 % pour les établissements publics (4). Aujourd’hui, 43 millions d’Américains sont endettés en raison d’un crédit fédéral étudiant.

Les solutions envisagées et mises en place par l’administration américaine

Plusieurs établissements for profit ont été condamnés en justice pour pratiques trompeuses et mensongères. Comme l’indique Jean-Philippe Ammeux, le groupe Corinthian Colleges « a payé une amende de 30 millions de dollars pour publicité mensongère, concernant notamment l’emploi des diplômés, avant de disparaître ». L’Université de Phoenix a été condamnée à « une amende de 191 millions de dollars dont 141 versés à leurs diplômés trompés, et 50 millions à l’État américain ».

Au-delà de ces sanctions relevant du droit commun de la consommation, d’autres outils ont été mis en place.

L’administration Obama a mis en place le Gainfull Employment rule. Ce mécanisme permet de n’attribuer les prêts sur fonds fédéraux qu’aux étudiants fréquentant un établissement leur permettant d’avoir un emploi suffisamment rémunérateur pour rembourser leur dette. Selon les premières enquêtes citées par Jean-Philippe Ammeux, « 800 formations ne permettaient pas d’atteindre cet objectif et 98 % d’entre elles étaient proposées par des for profit ». Suspendu sous le mandat Trump, le Gainful Employment rule est de nouveau en vigueur depuis 2023.

Le College scorecard a également fait partie des outils conçus pour limiter les dérives. Il permet aux étudiants de s’informer sur la qualité d’une formation, à travers un nombre limité indicateurs : le type d’établissement (public, privé à but non lucratif, et privé à but lucratif), le nombre de diplômés, le salaire moyen et la dette moyenne des diplômés. D’après Julien Jacqmin, « les données proviennent de bases administratives et uniquement disponibles si la cohorte est suffisamment grande et les données représentatives », et « avant de s’inscrire, les étudiants sont obligés de voir cette information » (5).

En 2023, le Président Biden a annoncé vouloir annuler une partie de la dette étudiante. Cette décision a cependant été invalidée par la Cour suprême le 30 juin 2023 par une majorité de 6 juges sur 9, estimant que cette décision n’était pas du ressort du Président, mais qu’il revenait au Congrès de se prononcer sur cette mesure.

La crise de réputation des établissements for profit couplée à ces mesures de régulation ont conduit à une diminution importante des effectifs de ces établissements, passant de plus de 2 millions d’étudiants en 2010 à 1 million en 2021 (6).

(1) Contribution écrite adressée aux rapporteures par Jean-Philippe Ammeux.

(2) Stephanie Riegg Cellini et Claudia Goldwin, “Does Federal Student Aid Raise Tuition? New Evidence on For-Profit Colleges”, American Economic Journal, 2014.

(3) For Profit Higher Education : The Failure to Safeguard the Federal Investment and Ensure Student Access, rapport du Sénat américain, juillet 2012.

(4) Dans un délai de cinq ans après la fin des études.
https://www.nytimes.com/interactive/2018/08/25/opinion/sunday/student-debt-loan-default-college.html

(5) Contribution écrite adressée aux rapporteures par Julien Jacqmin.

(6) Contribution écrite adressée aux rapporteures par Jean-Philippe Ammeux.

II.   construire une véritable stratégie de régulation du secteur

En 1875, le législateur consacrait l’enseignement supérieur privé libre. Ce principe a évolué au cours du dernier siècle et demi, mais ses fondements ont perduré. Aux yeux des rapporteures, le principe de liberté de l’enseignement, dont la valeur est constitutionnelle, doit bien évidemment être conservé et défendu. Néanmoins, face aux nombreuses difficultés évoquées, il est primordial d’en renforcer les garde-fous, dans le double intérêt des étudiants et de la Nation.

Dès 2012, le médiateur de l’Éducation nationale indiquait dans son rapport annuel précité : « Un renforcement [des contrôles] peut être considéré comme souhaitable dans la mesure où une partie du public de l’enseignement privé est fragile, vulnérable et s’inscrit à la suite d’un parcours scolaire d’échec. » En un peu plus d’une décennie, ce sujet a pris une nouvelle ampleur, en raison du développement important du secteur, en particulier depuis 2019 et l’entrée en vigueur de la réforme de l’apprentissage. Les rapporteures rejoignent tout à fait le constat du Hcéres, selon lequel « la régulation des établissements privés d’enseignement supérieur est devenue un enjeu majeur pour l’avenir de notre système de formation » et elles ne pensent là ni aux EESPIG, ni aux établissements consulaires, évalués et contrôlés par le ministère de l’enseignement supérieur, mais à tous ceux qui se créent et se développent sans que le ministère de l’enseignement supérieur n'ait fixé un cadre minimal. Les rapporteures ont identifié au fil de leurs travaux plusieurs pistes pour mieux réguler ce secteur, ce qui passe avant tout par une amélioration de la lisibilité et de la transparence de l’information disponible.

A.   un préalable essentiel : améliorer la connaissance du secteur

Les travaux des rapporteures ont montré l’absence d’une cartographie des formations du secteur privé lucratif, sans laquelle il est difficile d’assurer un pilotage satisfaisant de celui-ci. Les rapporteures ne peuvent que regretter la connaissance aujourd’hui plus que lacunaire de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, alors même qu’il connaît un développement important depuis plusieurs années. Elles observent du reste que ce secteur n’a pas fait l’objet d’un effort de définition de la part des pouvoirs publics, ce qui constitue de fait une fragilité importante pour concevoir les politiques publiques de régulation adaptées.

Les rapporteures s’associent donc pleinement à la recommandation du Hcéres d’organiser « une cartographie plus complète et systématique de l’offre de formation initiale ». L’élaboration de cette cartographie nécessite au préalable un effort de définition, une meilleure application des obligations déclaratives qui s’appliquent aux établissements, ainsi qu’une amélioration de la coordination entre les préfectures (qui reçoivent les déclarations des organismes de formation) et les rectorats (qui reçoivent les déclarations des établissements d’enseignement supérieur).

L’élaboration de cette cartographie doit également s’accompagner de travaux statistiques et d’études qualitatives sur ce sujet, afin d’être en mesure d’analyser plus finement les spécificités du secteur et d’obtenir des informations précises quant à l’origine sociale des étudiants concernés et leur trajectoire scolaire ou professionnelle antérieure. Cette ambition statistique doit également comporter un volet concernant la mesure objective de l’insertion professionnelle qui constitue une information capitale pour les jeunes, comme développé infra.

Les rapporteures considèrent que le pilotage de ce travail pourrait être confié à l’Observatoire de l’enseignement supérieur, créé par le Hcéres. Il est également primordial de veiller aux moyens du Céreq qui, par son enquête Générations, est le seul organisme capable de fournir des outils précieux d’analyse concernant l’évolution des cohortes d’apprentis et d’étudiants de l’enseignement supérieur à but lucratif.

Recommandation n° 1 : Améliorer la connaissance du secteur de l’enseignement privé lucratif.

Établir une définition officielle de l’enseignement privé à but lucratif.

Construire une cartographie des établissements concernés. Conduire des études et mettre en place des outils statistiques de suivi, afin d’être en mesure de mieux connaître les acteurs de ce secteur, les étudiants concernés, et leur trajectoire. L’Observatoire de l’enseignement supérieur pourrait jouer un rôle de pilotage en la matière, en lien avec les administrations compétentes.

Confier au Céreq le suivi des cohortes de l’enseignement supérieur à but lucratif dans le cadre de ses enquêtes Générations.

Confier une mission aux corps d’inspection compétents (IGESR, IGAS et IGF) portant sur le modèle économique, managérial et pédagogique des établissements de l'enseignement supérieur privé à but lucratif, en consacrant un focus au soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage.

B.   renforcer la lisibilité et la transparence des formations

Face à la « jungle » des diplômes et des formations, les rapporteures identifient plusieurs pistes pour clarifier l’information à destination des étudiants et de leur famille, en améliorant la lisibilité d’ensemble du paysage du « post-bac » ainsi qu’en renforçant la transparence sur les programmes et les débouchés. Ces évolutions sont nécessaires pour que les jeunes et leur famille puissent choisir leur orientation de façon éclairée et éviter de s’en remettre aux seuls éléments vantés par les écoles sur leurs sites internet, avec toute la confusion entretenue entre les appellations propres aux diplômes nationaux reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur et dispensés dans les universités et les écoles qui ont obtenu la reconnaissance du « grade » pour une formation, et celles qui désignent des certifications inscrites au RNCP reconnues par le ministère du travail.

Il est indispensable de repenser et prolonger la protection des appellations dans l’esprit de la loi du 18 mars 1880.

Une réflexion d’ampleur est aujourd’hui nécessaire pour simplifier et remettre à plat les différentes appellations et formes de reconnaissance. Les rapporteures partagent ainsi pleinement les recommandations de la médiatrice de l’Éducation nationale, qui insiste sur la nécessité d’« améliorer la visibilité et la communication au sujet des dispositions existantes concernant les diplômes (diplômes d’État, diplômes visés, diplômes d’établissement) et de proposer des outils permettant aux usagers de vérifier leur nature et leurs perspectives en termes de poursuite d’études et d’insertion professionnelle » ([220]).

1.   Clarifier les appellations et les intitulés des formations proposées

Concernant l’utilisation des termes qui qualifient les formations, un effort majeur de clarté doit être fait pour que l’étudiant ne soit pas induit en erreur. Les protections prévues depuis la loi de 1880 et complétées depuis lors – protection des termes d’« université, master, licence et doctorat – ne sont plus suffisantes.

Les rapporteures considèrent en premier lieu qu’il convient de mieux protéger l’appellation « Master », qui ne peut être utilisée que pour les diplômes nationaux délivrés par l’enseignement supérieur public. Le Master doit être plus clairement distingué des appellations Mastère, Master in business administration (MBA), voire Mastère spécialisé labellisé par la Conférence des grandes écoles (CGE).

Les rapporteures appellent les pouvoirs publics à mieux faire appliquer les règles prévues en la matière par le code de l’éducation ([221]). Les sanctions financières pourraient être rendues plus dissuasives et assorties d’une obligation de fermeture de la formation.

Recommandation n° 2 : Mieux protéger l’appellation « Master ».

Faire appliquer la loi, en sanctionnant effectivement et plus lourdement les utilisations illégales du terme de « Master », notamment dans les publicités en ligne. Envisager une évolution du cadre législatif pour assortir les sanctions financières d’une obligation de fermeture de la formation.

Pour ce qui concerne le terme de « mastère » ou « master of » (et assimilés), les rapporteures considèrent que leur utilisation doit être limitée aux seules formations faisant effectivement l’objet d’une reconnaissance par le ministère de l’enseignement supérieur (diplômes visés ou gradés). Les formations correspondant uniquement à des certifications professionnelles ne devraient pas pouvoir utiliser cet intitulé.

Recommandation n° 3 : Limiter l’utilisation des termes « mastères » et assimilés aux seules formations faisant l’objet d’une reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur.

En conséquence, interdire l’usage de ces termes pour les formations qui ne font pas l’objet d’un visa ou d’un grade et prévoir des sanctions en cas de manquement.

Le terme de bachelor est quant à lui associé aux formations délivrées par l’enseignement supérieur privé. Néanmoins, comme on l’a vu, la création du bachelor universitaire technique (BUT), diplôme national, est une source de confusion en la matière. Il pourrait donc être opportun que le BUT change de nom afin de ne plus utiliser la terminologie « bachelor ».

Recommandation n° 4 : Limiter l’utilisation du terme « bachelor » aux formations proposées par le secteur privé.

Modifier le nom du bachelor universitaire technique (BUT), diplôme national délivré par l’enseignement supérieur public, aujourd’hui source de confusion.

De surcroît, pour éviter la multiplication hasardeuse de termes utilisés par les écoles privées lucratives pour les formations non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur, il pourrait être envisagé de rendre obligatoire l’usage d’une terminologie simple pour caractériser les certifications bac + 3 et bac + 5.

Recommandation n° 5 : Harmoniser et rendre obligatoire l’usage d’une terminologie simple pour caractériser les certifications bac + 3 et bac + 5 non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur.

Pour les formations bac +3, généraliser le terme de bachelor, et limiter son utilisation aux seules formations prévues en trois ans.

Pour les formations bac +5, imposer selon la même logique l’utilisation d’un terme unique.

Ces obligations nouvelles doivent s’assortir de contrôles plus nombreux et aléatoires, ce qui implique que des moyens soient alloués aux rectorats.

2.   Distinguer clairement les diplômes visés et gradés reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur des certifications reconnues par le ministère du travail

Les rapporteures souhaitent une évolution de la terminologie pour mieux distinguer, d’une part, les diplômes reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur et, d’autre part, les certifications RNCP délivrées par France compétences, placée sous la tutelle du ministère du travail.

Les rapporteures appellent les pouvoirs publics à effectuer plus clairement une distinction, en particulier sur les sites internet du ministère de l’enseignement supérieur, du ministère du travail et de France compétences. Il s’agit là d’un premier pas nécessaire pour clarifier l’information à destination des familles et des étudiants et mettre fin à la confusion entretenue entre des diplômes assis sur des formations académiques contrôlées au plan scientifique et adossés à la recherche, et des certifications professionnelles.

Recommandation n° 6 : Distinguer clairement dans les documents officiels les certifications délivrées par France compétences des diplômes reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur.

En complément, la mise en place d’outils de communication simples auprès des étudiants et de leurs familles est essentielle.

Dans son rapport présenté en 2015 déjà cité, l’inspection générale de l’Éducation nationale insistait sur la nécessité de « mettre à la disposition du public le maximum d’informations sur les établissements privés de l’académie : ceux qui sont reconnus et dont les diplômes sont visés par l’État, les formations qui ouvrent droit à des bourses sur critères sociaux, la signification des différents labels et leur portée juridique. Pour l’instant, en dehors de Paris, les sites des rectorats n’ont pas ou peu d’informations sur la situation des établissements privés de l’académie et sur la « reconnaissance », réelle ou non, des formations qu’ils dispensent. Il s’agit pourtant d’une information de base indispensable et que les usagers seraient en droit de trouver sur les sites officiels dédiés à l’enseignement supérieur. » L’inspection générale appelait ainsi chaque rectorat à rendre disponible une information claire en la matière : « Chaque personne intéressée devrait y trouver en particulier une liste précise et à jour des établissements inscrits au RNCP, habilités à recevoir des boursiers, dispensant des diplômes visés. » Alors qu’environ 23 000 formations sont proposées sur Parcoursup, sans compter celles qui n’y figurent pas, les rapporteures considèrent que ces recommandations formulées en 2015 sont toujours d’actualité. Leur mise en œuvre suppose d’allouer les moyens suffisants, notamment aux rectorats pour qu’ils puissent effectuer ces missions, ainsi que celles relatives à l’examen des déclarations d’ouverture, le contrôle des publicités et l’information des élus locaux.

Recommandation n° 7 : Doter les rectorats des moyens nécessaires afin que ces derniers puissent :

 diffuser une information claire à l’échelle des académies concernant les formations proposées dans l’enseignement supérieur ;

 mener à bien leurs missions d’examen des déclarations d’ouverture et de contrôle des publicités.

On peut également regretter qu’il n’existe pas à ce jour de guide clair et facile d’accès rappelant la signification des différents types de diplômes et certifications existants. Un travail de communication coordonné entre les différentes administrations compétentes est absolument essentiel en la matière. Les rapporteures souhaitent relayer l’importance de construire un tel guide, qui doit être assorti d’une campagne de communication d’ampleur, notamment dans les lycées.

Recommandation n° 8 : Conduire un travail interministériel afin d’élaborer un guide du « post-bac » à destination des élèves et de leur famille, rappelant la signification des différents types de diplômes et certifications existants.

3.   La question d’une plateforme unique d’information recensant l’ensemble de l’offre de formation

Certains acteurs proposent la mise en place d’une plateforme d’information unique sur laquelle serait répertorié l’ensemble des formations du « post-bac » et qui permettrait de connaître pour chaque formation le niveau de reconnaissance associé. Entendue par les rapporteures, la directrice de l’Onisep a fait mention du programme Avenir(s), qui repose sur un investissement de 30 millions d’euros sur 10 ans, financé dans le cadre de France 2030 et plus précisément de la stratégie « Enseignement et numérique ». Porté par l’Onisep, ce programme « vise à offrir à tous les jeunes, élèves (de la 4e jusqu’en terminale), apprentis et étudiants, les outils nécessaires pour construire progressivement et sereinement leurs projets d’orientation, leur parcours de formation, leur entrée dans la vie professionnelle et leur permettre de conduire leur parcours professionnel dans le monde du travail » ([222]). Dans un récent rapport ([223]), la Cour des comptes souligne qu’il s’agit là d’un « outil potentiellement important pour l’orientation scolaire et post-scolaire en France ». Trois briques composent ce programme :

– une plateforme numérique pour aider les jeunes à construire leur projet et les équipes éducatives dans leur mission d’accompagnement. Comme le précise la Cour des comptes, cette plateforme sera interopérable avec les outils et plateformes Affelnet et Parcoursup ;

– deux portfolios de compétences et d’apprentissages retraçant les expériences et compétences acquises des jeunes ;

– un outil de « conscientisation et de développement des compétences du XXIe siècle ».

L’ensemble du programme est progressivement disponible dès 2023, pour une généralisation en 2025.

Les rapporteures saluent ces annonces mais remarquent que les contours de cette plateforme restent encore flous. Aurait-elle vocation à recouvrir l’ensemble de l’offre « post-bac » ? Quelles informations seraient alors disponibles par formation ? La mise en place de cette plateforme pose également la question de son articulation avec l’Atlas des formations initiales, disponible sur le site de l’Onisep. Cet outil, conçu non pas pour les élèves, mais pour les professionnels de l’information et du conseil en orientation, recense aujourd’hui 19 738 établissements et 5 800 formations (diplômes, titres inscrits RNCP – et certificats d’écoles).

Les rapporteures observent qu’une telle plateforme pourrait être utile, mais elles s’interrogent sur son déploiement, en l’absence de cartographie complète. Du point de vue de l’usager, elle pourrait aussi constituer une source de complexité supplémentaire, en particulier puisqu’elle viendrait s’ajouter à Parcoursup. Plus largement, les rapporteures alertent sur la multiplication des plateformes, qui peut être contre-productive. La multiplication des sources d’information risque de rendre le système encore plus illisible et très peu pratique pour l’usager, sans compter que plusieurs acteurs privés ont aussi mis en place une plateforme d’information, intitulée « Parcours privé », qui recense une partie des formations relevant du secteur privé lucratif ([224]) qui ne figurent pas dans Parcoursup.

4.   Renforcer la lisibilité sur Parcoursup

Le récent rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup ([225]) comporte une partie entière consacrée à la question de la place des formations privées sur Parcoursup. Ce choix est justifié, selon les auteurs du rapport, par l’ampleur de la place occupée par des formations privées sur la plateforme, particulièrement concernant l’apprentissage. Le rapport rappelle ainsi « qu’en 2023, 22 % des formations présentes sur Parcoursup hors apprentissage sont portées par des établissements privés ; quant aux formations en apprentissage, ce sont 69 % d’entre elles qui sont dispensées par des établissements privés ». Dans le détail, le rapport précise que la part des formations hors apprentissage dispensées par des établissements « hors contrat » ([226]) n’est que de 1 %, tandis que pour l’apprentissage, le « hors contrat » représente 37 % de l’ensemble des formations.

Les règles et les conditions d’inscription sur Parcoursup

Ces règles découlent du cadre prévu dans la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018, dite loi ORE, codifié à l’article L. 612-3-2 du code de l’éducation et précisé par voie réglementaire (article D. 612-1 du code de l’éducation et arrêté du 19 novembre 2021). La loi ORE a fait le choix d’ouvrir largement l’accès de la plateforme Parcoursup aux établissements privés. Cette tendance s’est ensuite confirmée avec l’arrêté du 12 novembre 2021, qui précise les conditions d’éligibilité des formations des établissements privés qui ne sont ni sous contrat, ni labellisés EESPIG.

Le droit prévoit ainsi une obligation d’inscription sur Parcoursup :

– « soit en raison du statut de l’établissement porteur : tous les diplômes délivrés par les établissements publics, les établissements privés sous contrat d’association et les établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (EESPIG) sont inscrits sur la plateforme, quelle que soit leur nature ;

« soit en raison de la nature du diplôme préparé : sont concernés les diplômes nationaux et les diplômes délivrés au nom de l’État selon la réglementation propre à chaque formation. En ce cas, l’intégration a lieu, quel que soit le statut de l’établissement porteur. »

Le droit ouvre également une simple possibilité pour certaines formations d’être inscrites sur Parcoursup. C’est le cas des formations en apprentissage bénéficiant d’un titre RNCP et de la reconnaissance Qualiopi.

En revanche, les diplômes d’établissement, y compris les titres RNCP, proposés par des établissements privés qui ne sont ni sous contrat d’association, ni EESPIG et qui n’ont pas fait l’objet d’un visa ou d’un grade, ne peuvent être inscrits sur Parcoursup.

Ces règles conduisent à une situation qui peut sembler paradoxale : « la même formation conduisant à un même diplôme RNCP, selon qu’elle est offerte sous statut étudiant ou en apprentissage ne sera pas soumise aux mêmes dispositions : elle sera inscrite sur Parcoursup pour les parcours en apprentissage, mais pas pour les parcours étudiants. »

Les formations privées présentes sur Parcoursup s’engagent également au respect de la charte de Parcoursup, qui comporte des règles de non-discrimination, d’équité et de transparence dans l’examen des vœux des candidats.

Source : Sixième rapport du comité d’éthique et scientifique Parcoursup, 2024.

On peut reconnaître, avec le comité éthique et scientifique de Parcoursup, que l’inscription des formations privées sur Parcoursup s’est accompagnée d’effets positifs, notamment en raison des règles prévues par la Charte Parcoursup et du point de vue de la qualité de l’information disponible. Le comité observe que « les informations disponibles sur chacune des formations se sont constamment améliorées depuis 2018 : figurent en particulier sur chaque « fiche formation » accessible sur la plateforme, un certain nombre d’éléments précis, par exemple : les places disponibles, le taux d’accès, une présentation du contenu de la formation, les frais de scolarité par année, si la formation est ou non éligible à une bourse sur critères sociaux du MESR… Toutes ces informations sont facilement consultables, parfaitement lisibles et constituent une base de renseignements fiable pour le candidat. »

Néanmoins, la présence de certaines formations privées en apprentissage sur Parcoursup pose aujourd’hui problème, en raison de l’insuffisance des contrôles pédagogiques associés.

L’inscription d’une formation sur Parcoursup est censée en effet constituer en tant que telle un gage de qualité. Le site internet de la plateforme indique d’ailleurs que l’ensemble des 23 000 formations proposées « sont contrôlées par l’État ». En raison de l’illisibilité des différents types de reconnaissance, Parcoursup tend même à devenir pour les familles le seul critère clair de qualité des formations. C’est en tout cas le constat dressé dans le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup : « l’inscription sur Parcoursup devient […] le seul "label" que les candidats comprennent […] c’est l’affichage de la formation sur Parcoursup qui compte et qui aux yeux des familles "labellise" une formation et offre la garantie de l’État pour les familles. »

Le périmètre des formations pouvant être inscrites sur Parcoursup a régulièrement été évoqué au cours des auditions conduites par les rapporteures. Certains acteurs considèrent qu’il convient aujourd’hui de rehausser les critères de qualité nécessaires pour être inscrit sur Parcoursup. D’autres estiment que la plateforme gagnerait à s’élargir à l’ensemble des formations, pour assurer une forme de contrôle sur toutes les formations proposées et éviter l’argument marketing « hors Parcoursup ». Deux solutions radicalement opposées sont dès lors proposées par le rapport du comité précité : « soit on renforce le contrôle des formations inscrites sur Parcoursup et on clarifie les informations mises à disposition des candidats et de leurs familles […] soit on opte pour une solution beaucoup plus radicale qui serait l’ouverture totale de Parcoursup avec un référencement obligatoire de toutes les formations post-bac, couplé avec la création d’un label unique qui se substituerait aux labels actuels et permettrait au candidat de comprendre facilement les principales caractéristiques des formations offertes. Cette solution, quelque séduisante qu’elle soit sur le plan intellectuel, pose beaucoup de questions de faisabilité et notamment à quel organisme serait confié le soin d’attribuer ce type de label, qui couvrirait des formations aux objectifs très différents : académiques, professionnels. » ([227])

Les rapporteures considèrent qu’au regard du fonctionnement actuel du système, la solution la plus opportune est de clarifier l’information disponible sur Parcoursup, et d’en exclure les formations n’ayant pas fait l’objet de contrôles garantissant des qualités pédagogiques (cf. supra la recommandation n° 14 des rapporteures).

Cette recommandation rejoint celle formulée par le rapport du comité éthique et scientifique, qui propose de « n’inscrire sur la plateforme Parcoursup, à côté des formations conduisant à un grade ou un diplôme national ou à un diplôme reconnu par l’État, que les seules formations dont la qualité pédagogique est garantie par l’État, dans le cadre d’une évaluation périodique portant notamment sur le contenu de la formation dispensée et les débouchés offerts en termes d’insertion et de poursuites d’études ».

Les rapporteures considèrent en outre que les informations mises à disposition des élèves et des familles sur Parcoursup doivent être clarifiées, de façon à ce que ces derniers puissent clairement distinguer :

– les formations publiques ;

– les formations visées ou gradées (peu importe le statut de l’établissement) ;

– les formations RNCP ayant fait l’objet d’un contrôle en matière de qualité pédagogique, selon les modalités précisées par les rapporteures ci-dessous. Les autres formations (RNCP n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation pédagogique ou simple diplôme d’établissement) ne devraient pas figurer sur la plateforme.

Recommandation n° 9 : Simplifier et clarifier l’information disponible sur Parcoursup en distinguant nettement :

 les formations publiques ;

 les formations visées ou gradées (peu importe le statut) ;

 les formations RNCP ayant fait l’objet d’un contrôle en matière de qualité pédagogique, conformément à la recommandation n° 14.

Certains acteurs ont fait savoir lors des auditions qu’ils s’opposaient à ce que les établissements d’enseignement supérieur à but lucratif soient présents sur Parcoursup, car à leurs yeux, l’État n’a ni à les promouvoir ni à les légitimer. C’est un argument auquel les rapporteures ont été sensibles. Elles sont toutefois soucieuses avant tout de l’intérêt des élèves qui choisissent de toute façon ces formations de l’enseignement supérieur à but lucratif si bon leur semble, qu’elles soient sur Parcoursup ou non. Les rapporteures proposent ainsi de créer plusieurs filtres sur Parcoursup (voir encadré ci-dessus) pour bien distinguer les trois types d’établissements publics, privés à but non lucratif et privés à but lucratif, étant entendu que l’entrée par défaut devra être réservée à l’enseignement supérieur public. Les rapporteures proposent également de distinguer les formations relevant de l’enseignement supérieur des formations post-bac qui peuvent donner lieu à des « super stages » bien tutorés mais au cours desquelles on cherche parfois la trace d’« enseignements » dignes de ce nom.

5.   Mettre en place une carte d’identité des formations

Les rapporteures préconisent la mise en place d’une « carte d’identité » obligatoire des formations, qui permettrait à l’étudiant d’obtenir systématiquement et de façon claire et lisible les informations lui permettant de formuler un choix éclairé. Les rapporteures ont acquis au fil des auditions la conviction qu’il était nécessaire de retenir un nombre restreint de critères pour que cette fiche soit utile pour l’usager. Elles proposent de retenir les quatre critères suivants :

– le statut juridique de l’école ; cette information clé devra permettre de distinguer les EESPIG et les autres établissements non lucratifs (consulaires, associatifs non lucratif), des autres, notamment des sociétés commerciales ;

– la nature des diplômes ou certifications proposés, les processus d’évaluation associés et leur signification. Il s’agirait en particulier d’informer l’étudiant sur le type de reconnaissance du diplôme ou de la certification : diplôme gradé ou visé, c’est-à-dire, ayant fait l’objet d’un travail d’évaluation et de contrôle du ministère de l’enseignement supérieur, simple diplôme d’établissement sans aucun contrôle associé, certification professionnelle enregistrée au RNCP ;

– les possibilités ou non de poursuite d’études à l’université ou dans une autre école que celle proposant la formation concernée ;

– les possibilités d’accès aux bourses du Crous.

Cette carte devra figurer obligatoirement sur Parcoursup ainsi que sur tous les supports de communication des établissements d’enseignement supérieur à but lucratif – sans obligation de téléchargement préalable – et les documents contractuels, en respectant une charte graphique uniforme qui pourrait être élaborée par le ministère. Cette obligation devra être assortie de sanctions en cas de non-respect.

Sur Parcoursup et afin de s’assurer que l’étudiant a bien pris connaissance de la carte d’identité avant de valider son inscription, il devra confirmer sa lecture des éléments essentiels à son choix. Il s’agira également d’une obligation contractuelle pour les formations hors Parcoursup.

Le principe de cette fiche répond en partie aux propositions formulées par la médiatrice de l’Éducation nationale, qui propose de compléter l’article L. 731‑19 du code de l’éducation pour rendre également obligatoire la mention de la nature de chacun des diplômes et titres délivrés dans les publicités et documents d’inscription des établissements privés.

Recommandation n° 10 : Mettre en place une carte d’identité des formations

Cette carte d’identité devra obligatoirement informer sur :

– le statut juridique de l’école ;

– la forme de reconnaissance des diplômes ou certifications proposés, les processus d’évaluation associés et leur signification ;

– les possibilités ou non de poursuite d’études à l’université ou dans une autre école que celle proposant la formation concernée ;

– les possibilités d’accès aux bourses.

Rendre cette carte d’identité obligatoire sur Parcoursup, les supports de communications et les documents contractuels écoles privées. Prévoir un mécanisme par lequel l’étudiant certifie avoir pris connaissance de ces informations avant de confirmer son inscription (sur Parcoursup mais aussi sur les documents d’inscription des écoles).

 


6.   Objectiver la mesure de l’insertion professionnelle

Les travaux conduits par les rapporteures montrent la nécessité d’objectiver et de généraliser la mesure de l’insertion professionnelle dans l’enseignement supérieur. Les données actuelles sont incomplètes et de nombreuses écoles communiquent des taux d’insertion qu’elles ont elles‑mêmes calculés, avec des méthodologies qui peuvent susciter certaines interrogations malgré les contrôles effectués dans le cadre de la demande d’acquisition d’un titre RNCP. En dehors des titres RNCP, aucun contrôle n’est opéré concernant les taux d’insertion pouvant être communiqués par les écoles qui proposent de simples diplômes d’établissement.

Or, cette question de l’insertion professionnelle, qui doit porter sur des critères quantitatifs (taux d’emploi), mais aussi qualitatifs (taux d’emploi dans le métier visé, niveaux de rémunération, types de contrats de travail, évolution professionnelle) est un facteur déterminant du choix des étudiants qui perçoivent leurs études comme un investissement pour l’avenir, en particulier lorsque les formations sont payantes et, a fortiori, coûteuses.

L’insertion professionnelle constitue l’un des critères phares de la procédure d’obtention du titre RNCP. Au stade de l’instruction, France compétences est amenée à vérifier les données en la matière. Sont pris en compte le taux d’insertion dans le métier visé et le taux d’insertion global dans l’emploi. France compétences assure d’abord un contrôle de la représentativité des données communiquées, en vérifiant les méthodologies mises en place par les écoles pour les obtenir, celles-ci devant présenter un mécanisme de suivi rendant possible le contrôle de la qualité des données. France compétences effectue également des contrôles visant à vérifier la fiabilité des données communiquées, soit pour l’ensemble des titulaires, soit par échantillonnage, par exemple « en appréciant le poste de travail réellement occupé, la cohérence entre ces intitulés et la rémunération du titulaire par rapport à la moyenne des rémunérations pour le métier concerné à expérience comparable, etc. » ([228]). France compétences précise dans son vadémécum que « cet exercice aboutit majoritairement à établir des taux corrigés qui, sauf appréciation différente des membres de la commission, seront ceux publiés avec la fiche descriptive de la certification en cas de décision favorable d’enregistrement » ([229]).

S’il faut saluer cet effort de l’opérateur, les méthodes restent perfectibles et la mesure de l’insertion professionnelle peut encore gagner en précision. Un tel constat est d’ailleurs partagé par les acteurs du secteur lucratif eux-mêmes. Galileo formule ainsi des recommandations en la matière et propose de renforcer l’outillage statistique à travers une connexion avec les données sociales de l’emploi. Cette proposition fait écho au chantier sur les statistiques de l’insertion ouvert par les ministères compétents, avec le déploiement des plateformes Inserjeunes et Insersup.

La loi LCAP a en effet rendu obligatoire la publication d’indicateurs sur le parcours scolaire et l’insertion dans l’emploi des jeunes en formation professionnelle, par la voie scolaire ou l’apprentissage, au sein de chaque CFA et lycée professionnel. L’article L. 6111-8 du code du travail prévoit ainsi que les CFA rendent publics chaque année, quand les effectifs sont suffisants :

– le taux d’obtention des diplômes ou titres professionnels ;

– le taux de poursuite d’études ;

– le taux d’interruption en cours de formation ;

– le taux d’insertion professionnelle des sortants de l’établissement concerné, à la suite des formations dispensées ;

– la valeur ajoutée de l’établissement, qui correspond à la différence entre le taux d’emploi effectif des sortants de l’établissement à 6 mois et leur taux d’ « emploi attendu » ([230]) ;

– pour les CFA, le taux de rupture des contrats d’apprentissage conclus.

Ces indicateurs sont calculés par la plateforme Inserjeunes (hormis le taux d’obtention des diplômes) et publiés en open data. Ils sont obtenus par rapprochement de bases de données administratives relatives à la scolarité (remontées administratives des inscriptions des élèves et des apprentis) et à l’emploi (notamment la déclaration sociale nominative) ainsi que par les remontées de l’enquête SIFA ([231]). Le dispositif Inserjeunes est présenté comme « un service en ligne d’aide à l’orientation des jeunes en voie professionnelle ».

Il couvre aujourd’hui l’ensemble des apprentis préparant une certification allant jusqu’au niveau 5 (équivalent bac + 2), ainsi que les formations professionnelles par la voie scolaire, du niveau CAP au BTS (public et privé sous contrat).

Il présente toutefois un certain nombre de limites, notamment pour les CFA présentant des effectifs trop réduits : le secret statistique empêche dans ce cas d’afficher des données pour la formation ; Inserjeunes présente donc dans cette hypothèse les taux régionaux. Dans le rapport d’évaluation de la loi LCAP, les rapporteurs interrogeaient en outre la pertinence de certains critères : « La poursuite d’études est-elle une bonne ou une mauvaise chose ? La notion de rupture est-elle toujours signifiante ? Un taux d’emploi inférieur au taux d’emploi attendu est-il suffisamment bien "rendu" dans la présentation pour que sa signification soit évidente au "premier coup d’œil"? ».

Dans le prolongement d’Inserjeune, le Gouvernement déploie Insersup, opérationnel depuis l’automne 2023, qui doit permettre de fournir des indicateurs sur l’insertion professionnelle des sortants du supérieur au-delà bac +2. Inserjeunes et Insersup utilisent des indicateurs et une méthodologie très proches. Les données d’Insersup permettent de mesurer l’insertion professionnelle à 6, 12, 18, 24 et 30 mois après l’obtention du diplôme. L’insertion est appréciée au regard du type de contrat (CCD, CDI), du secteur d’activité, avec à terme l’objectif de parvenir à des informations sur la profession et catégorie socioprofessionnelle, la rémunération et la quotité de travail. Les statistiques obtenues ne permettent pas à l’heure actuelle d’identifier l’emploi et les poursuites d’études à l’étranger ainsi que les emplois non-salariés (sur ce dernier point, le dispositif devrait être complété d’ici 2025).

Le périmètre d’Insersup est aujourd’hui restreint puisqu’il ne concerne que les établissements universitaires et les diplômés de licence professionnelle et de master. Comme les services du ministère du travail l’ont confirmé aux rapporteures, « les licences générales puis les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce (publiques et privées) intégreront le dispositif fin 2024. Les extensions se poursuivront en 2025. Aussi, à l’heure actuelle, l’insertion professionnelle des diplômés d’un établissement supérieur du privé est connue par les enquêtes menées par les écoles elles-mêmes, certaines mutualisant la collecte via les conférences (CGE pour ingénieurs et commerce) » ([232]).

Les rapporteures jugent indispensable d’améliorer la fiabilité de la mesure de l’insertion professionnelle en fonction des différentes formations, à travers ce travail d’appariement entre les données de l’emploi et celles relatives au public étudiant. Une généralisation d’Inserjeune et d’Insersup paraît aujourd’hui souhaitable et devrait être accompagnée d’une obligation de publicité incombant aux écoles.

Recommandation n° 11 : Améliorer la mesure de l’insertion professionnelle à travers la généralisation d’Inserjeunes et Insersup et renforcer la publicité de ces informations.

Prendre en compte dans la mesure de l’insertion professionnelle les critères suivants : le taux d’emploi, le taux d’emploi dans le métier visé, le type de contrats obtenus ainsi que les niveaux moyens de rémunération. Rendre ces données publiques et rendre obligatoire leur publication sur les sites internet des écoles ainsi que sur Parcoursup et la plateforme Mon Master.

7.   Former les prescripteurs d’orientation et encadrer davantage l’organisation des salons étudiants

Face à une information illisible et à des stratégies de marketing très offensives, les rapporteures appellent à renforcer les outils de l’orientation au lycée. Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 313-1 du code de l’éducation, le droit au conseil en orientation « fait partie du droit à l’éducation ». L’éducation à l’orientation a été renforcée dans le cadre de la réforme du lycée et du baccalauréat général et technologique de 2018. Elle est aujourd’hui mise en œuvre à tous les niveaux du lycée dans le cadre d’un horaire spécifique.

En lien étroit avec les régions ([233]), les établissements scolaires élaborent des actions s’inscrivant dans une démarche de découverte du monde professionnel et des domaines de formation. Comme le précise le ministère de l’éducation nationale, « le volume horaire est, à titre indicatif, de 54 heures annuelles incluant des actions ponctuelles dédiées à l’orientation : les deux semaines de l’orientation (novembre-décembre et janvier-février), des journées de découverte des métiers, des périodes d’observation en milieu professionnel et dans l’enseignement supérieur » ([234]).

Cette politique d’orientation fait l’objet d’une mise en œuvre très variable en fonction des établissements. Un récent rapport du Sénat ([235]) faisait état de fortes disparités en fonction des établissements, disparités qui tendent à renforcer les inégalités sociales prévalant sur ces questions. Le rapport recommandait notamment de mieux former, outiller et doter les professeurs principaux pour accomplir leur mission d’orientation, de sanctuariser les 54 heures annuelles pour l’accompagnement à l’orientation au lycée, et de reconsidérer les effectifs des autres professionnels intervenant dans l’orientation.

Les rapporteures considèrent qu’une attention toute particulière doit être portée sur les moyens prévus pour accompagner les élèves en matière d’orientation. Elles proposent de former davantage les prescripteurs d’orientation sur les différents types de diplômes et de certifications pouvant être obtenus dans le supérieur, afin qu’ils soient en mesure d’accompagner les élèves face à des choix importants, dans un univers très complexe. Les rapporteures partagent en ce sens pleinement les conclusions du dernier rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup ([236]) qui recommande de « travailler sur l’information des parents et des élèves bien avant la terminale pour leur expliquer les différentes voies possibles avec leurs caractéristiques et les mettre en garde sur les pratiques douteuses de certains organismes ».

Recommandation n° 12 : Renforcer les outils de l’orientation au lycée.

– Veiller aux moyens humains et financiers déployés pour garantir le service public de l’orientation ;

– Former les professionnels de l’Éducation nationale compétents en matière d’orientation, les sensibiliser aux différentes formes de reconnaissance des diplômes et certifications. Concevoir des outils de formation adaptés en la matière.

 

Face aux nombreuses problématiques identifiées sur les salons étudiants (cf. infra), une réflexion doit être engagée pour mieux les encadrer. Il s’agit d’un moment clé de l’orientation des jeunes et il est donc nécessaire d’assurer une forme de contrôle sur les informations qui y sont communiquées et les pratiques qu’on y observe.

Les rapporteures appellent à davantage de régulation des salons étudiants, qui pourrait passer par l’élaboration d’une charte déontologique des organisateurs de salon ainsi que par un dialogue plus poussé avec les rectorats.

Recommandation n° 13 : Élaborer une charte déontologique des salons étudiants.

Organiser un dialogue renforcé entre l’État et les salons étudiants afin d’encadrer davantage l’organisation des salons étudiants pour offrir un minimum de garanties quant au sérieux des formations et des écoles qui y sont présentées.

C.   instaurer un véritable contrôle de la qualité pédagogique des formations délivrées par le secteur privé lucratif

De nombreuses propositions ont été formulées ces derniers mois par les acteurs du secteur de l’enseignement supérieur pour mieux contrôler la qualité des formations et tenter de garantir une information fiable aux familles et aux étudiants. Les travaux des rapporteures ont montré l’insuffisance du contrôle pédagogique des formations non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur. Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour répondre à cette problématique.

1.   La piste d’un nouveau label explorée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le ministère envisage aujourd’hui la mise en place d’un nouveau label « qualité », dans le cadre d’un groupe de travail mis en place pour proposer des pistes de régulation du secteur privé à but lucratif. Ses travaux ne sont pas achevés à l’heure où les rapporteures présentent leurs conclusions. Néanmoins, le ministère a rendu publiques les principales pistes envisagées à ce stade. Ce label s’appuierait sur une série de critères articulés autour des thématiques suivantes :

– la stabilité et la pérennité de l’établissement et de sa gouvernance ;

– la politique de formation. Seraient pris en compte dans ce cadre des critères tenant à la qualité des ressources humaines, à travers des indicateurs tels que le taux d’encadrement et le turn over des enseignants ;

– la qualité de l’équipe pédagogique, qui devrait être majoritairement issue du monde socio-économique, dont une équipe permanente qui assure cohérence et continuité du parcours de formation ;

– la qualité de la pédagogie ;

– la qualité de l’accompagnement de l’étudiant tout au long de son parcours ;

– la qualité de la politique sociale et sociétale ;

– la transparence et l’éthique de l’information délivrée aux jeunes et leurs familles.

Ce nouveau label, dont les critères listés ci-dessus restent à ce stade des pistes de travail, pourrait entrer en vigueur pour la rentrée 2025 ou 2026.

Les rapporteures ont pu constater au cours des auditions que ce projet de nouveau label suscite des réserves chez certains et des attentes chez d’autres. L’idée est globalement saluée par les représentants du privé lucratif. Les collectivités y voient également un outil utile, qui pourrait leur permettre d’identifier plus facilement la qualité des établissements souhaitant s’installer sur leur territoire. Les acteurs représentant le secteur public ou le secteur privé non lucratif paraissent dans l’ensemble plus réservés. Ils craignent une complexité supplémentaire pouvant nuire à la lisibilité d’ensemble, comme le souligne la Fesic : « il existe une vraie inquiétude face à un énième label qui pourrait complexifier un système déjà illisible pour les familles, à défaut de le réguler. […] les établissements d’enseignement supérieur privés engagés dans une démarche de qualité sont déjà contrôlés sur ces mêmes questions depuis de nombreuses années par les instances de certification de leur périmètre (CTI, CEFDG, Hcéres) : quelle articulation de ce label, moins contraignant, avec l’existant ? » ([237])

Si les rapporteures saluent les travaux entamés par le ministère sur cette question, elles relèvent que de nombreux points restent en suspens, tant concernant la méthode d’attribution du label que sur sa portée :

– quelle autorité sera en charge des contrôles préalables à l’octroi du label ?

– le label sera-t-il attribué aux établissements, ou aux formations ?

– sera-t-il octroyé avec une limite de temps ?

– deviendra-t-il une condition d’entrée sur Parcoursup ?

– deviendra-t-il une condition pour bénéficier des fonds publics à l’apprentissage ?

En outre, les rapporteures appellent à la vigilance face à certaines revendications formulées par une partie des acteurs du secteur privé lucratif qui ne leur paraissent pas opportunes. Elles considèrent ainsi qu’il n’est pas souhaitable que ce label vienne se substituer à la procédure d’attribution des titres RNCP par formation, ou qu’il permette automatiquement des passerelles avec l’université ainsi que l’accès aux bourses sur critères sociaux du ministère de l’enseignement supérieur.

Elles souhaitent aussi relayer la remarque formulée par le rapport de suivi du comité d’éthique de Parcoursup, pour qui cet outil « ne doit en aucun cas devenir un nouveau label qui s’ajoute aux autres figurant déjà sur la plateforme, au risque d’augmenter encore l’incompréhension des candidats ».

Enfin, elles soulignent qu’un label seul ne permettra pas de réguler le système ; or c’est bien d’une plus grande régulation dont celui-ci a besoin.

2.   Mettre en place une véritable évaluation de la qualité pédagogique des titres RNCP

Face aux insuffisances des titres RNCP et de la certification Qualiopi sur le plan de la qualité pédagogique ([238]), de nombreux acteurs demandent un renforcement des outils de régulation existants et la mise en place de nouvelles méthodes d’évaluation des formations privées lucratives, permettant d’en contrôler la qualité pédagogique.

Un certain nombre des acteurs entendus par les rapporteures appellent à la remise à plat du label Qualiopi. Ces demandes font écho aux travaux de l’IGAS et de l’IGESR conduits sur la formation professionnelle ([239]), qui recommandent l’évolution des indicateurs de Qualiopi dans le sens d’un « renforcement des exigences notamment en termes de méthodes pédagogiques ». Le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup préconise aussi « d’engager une réflexion interministérielle (éducation, enseignement supérieur, travail et emploi) sur les conditions d’obtention de la certification Qualiopi pour les formations en apprentissage ».

Le Hcéres s’est exprimé à plusieurs reprises pour demander la mise en place d’un « Qualiopi + » (voir l’encadré suivant).

Un « Qualiopi + » proposé par le Hcéres

Le Hcéres s’est exprimé au cours des derniers mois en faveur de la mise en place d’une régulation du secteur de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. L’autorité s’est dit prête à formuler des recommandations auprès du ministère de l’enseignement supérieur pour identifier un socle référentiel de la qualité de l’offre de formation. Dans l’esprit du Hcéres, ce socle pourrait ensuite être repris par le ministère du travail « pour augmenter et densifier les critères du référentiel national qualité Qualiopi, devenant Qualiopi + ».

Le Hcéres considère ainsi que « pour les formations inscrites au RNCP et non évaluées par une instance d’évaluation, le référentiel national qualité Qualiopi pourrait être rehaussé sur le volet qualité des formations (…) Dans cet esprit, tous les établissements privés, déjà certifiés Qualiopi et proposant de la formation initiale, auraient la possibilité de demander une certification Qualiopi + qui attesterait du niveau de la qualité des formations. Ainsi, d’ici cinq ans, tous les établissements offrant de la formation initiale pourraient être soumis à ce nouveau référentiel. Il en résulterait une meilleure compréhension de l’offre par les usagers, moyennant une campagne de communication ad hoc, et un affichage plus transparent de la qualité mise en œuvre par ces organismes de formation. Le label Qualiopi + deviendrait ainsi un label commun MESR/MTPEI ».

Source : Note sur la régulation du secteur privé de l’enseignement, Hcéres, juin 2023.

Ces réflexions mettent en évidence le besoin de construire un nouvel outil pour mesurer et transmettre une information fiable sur la qualité pédagogique des formations proposées dans le secteur privé lucratif, quand celles-ci ne sont pas visées ou gradées.

Les mécanismes du visa et a fortiori du grade ne sont en effet pas toujours adaptés aux formations professionnalisantes proposées par ces établissements, l’obtention du visa étant subordonnée à la présence de personnels permanents ainsi qu’à un investissement dans la recherche. Le rapport de l’inspection générale de 2015 avait d’ailleurs souligné cette problématique : « Les écoles de niveau bac + 3 prolifèrent et proposent des formations très différentes. La CEFDG est alors confrontée à la limite de ses outils puisqu’elle ne dispose que du visa pour caractériser des situations différentes. Certaines écoles, jouissant d’une bonne renommée locale et cultivant le partenariat avec les entreprises privilégient, en raison de la spécificité de leur formation, le recrutement d’intervenants professionnels. Il leur est alors difficile d’obtenir (voire de conserver) le visa, subordonné à la présence de personnels permanents et à un investissement dans la recherche. Pour autant, ces écoles souhaiteraient que le sérieux de la formation dispensée et la qualité de leur programme soient reconnus par l’État. »

Les rapporteures considèrent donc qu’il est nécessaire de construire une évaluation qui réponde aux spécificités de ces formations. Celle‑ci devrait apporter des garanties nouvelles concernant la qualité pédagogique, qui doit aussi reposer sur l’adéquation entre l’offre et les besoins de la nation, plutôt qu'entre l’offre et la demande des étudiants.

Le label évoqué par le ministère et les critères identifiés dans ce cadre pourraient constituer une base de travail pour construire cette évaluation. La définition à retenir des critères de la qualité pédagogique doit faire l’objet d’un travail approfondi, qui doit permettre de répondre aux questions suivantes : s’agit‑il d'une question de niveau de compétences enseignées, de qualification professionnelle des enseignants, d'adéquation avec la réalité du métier visé ?

Ce travail de définition des critères puis cette évaluation pourrait être conduits par le Hcéres, accompagné par les commissions spécialisées lorsqu’elles sont compétentes (CEFDG, CTI). Le modèle de la CTI, qui a fait ses preuves et protège rigoureusement le titre d’ingénieur, est intéressant à cet égard. Pour en garantir la faisabilité et la soutenabilité budgétaire, cette évaluation pourrait être payante et facturée aux organismes de formation concernés.

L’obtention de la certification à laquelle aboutirait cette évaluation serait une condition obligatoire pour pouvoir accéder aux fonds de l’apprentissage et être présent sur Parcoursup.

Les rapporteures estiment en effet aujourd’hui impératif de mieux contrôler les dépenses publiques concernant l’apprentissage et de les conditionner à la qualité des formations. Seules les formations dont la qualité pédagogique est avérée doivent pouvoir bénéficier des fonds correspondants. Les conditions de l’articulation de cette nouvelle évaluation avec Qualiopi devront être précisées.

Recommandation n° 14 : Mettre en place sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur une évaluation pédagogique des formations initiales post-bac dispensées par l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Faire de son obtention une condition :

 d’accès aux aides à l’apprentissage, dans un objectif d’utilisation qualitative des deniers publics ;

 de référencement sur Parcoursup.

Pour en garantir la faisabilité et la soutenabilité budgétaire, rendre l’évaluation payante et la facturer aux organismes de formation concernés. La rendre également publique.

Confier cette évaluation au Hcéres, accompagné par les commissions spécialisées lorsqu’elles sont compétentes (CEFDG, CTI).

3.   Réguler la « location » de titres et les « titres RNCP parapluies »

Concernant la location de titres, de nombreux acteurs s’expriment pour demander l’interdiction de cette pratique, ou à défaut, sa stricte régulation. La Fesic souligne ainsi que « cette pratique est légale mais n’est pas assez contrôlée : à défaut de l’interdire, il faut qu’elle puisse être strictement contrôlée et ne conduise pas à un usage abusif comme c’est parfois le cas. ». De nombreux représentants du personnel demandent quant à eux son interdiction. Quant aux acteurs de l’enseignement privé à but lucratif, ils n’ont pas tous la même position sur cette question. Ainsi, Omnes demande son interdiction sauf au sein d’un même groupe car « l’on constate aujourd’hui des dérives : plusieurs établissements n’effectuent pas ce suivi, et louent leur titre (…) sans s’attacher réellement à la qualité des formations proposées. À ce titre, Omnes Éducation est contre la location de titres RNCP en dehors des opérations intra-groupes ». Le réseau des entreprises éducatives considère quant à lui que cette pratique est nécessaire et permet « un déploiement rapide de certaines formations pour répondre aux besoins d’emploi, et subsidiairement de réduire le nombre de certifications enregistrées au RNCP. Cette pratique est régulée par France compétences au travers de procédures de qualité de la certification que doit présenter tout certificateur qui souhaite conclure des partenariats. »

La pratique de la location de titres paraît aujourd’hui poser une difficulté majeure pour contrôler la qualité des certifications professionnelles inscrites au RNCP. Les rapporteures ont été particulièrement sensibles aux arguments mis en avant par la CGE, qui insiste sur la nécessaire présence d’un tiers de confiance : il n’est pas satisfaisant que le « loueur » soit à la fois juge et partie.

Recommandation n° 15 : Réguler la « location » des titres RNCP, en instaurant un tiers de confiance, chargé de vérifier que le « loueur » respecte bien les exigences de la certification concernée.

En outre, la pratique des titres RNCP « parapluies » ([240]) doit également être davantage encadrée. France compétences pourrait contrôler plus strictement, voire interdire, ces pratiques consistant à choisir pour une formation un intitulé sensiblement différent de l’intitulé de la certification correspondante inscrit au RNCP.

Recommandation n° 16 : Rehausser les règles fixées par France compétences afin que les intitulés des formations proposées par les écoles correspondent aux intitulés des certifications inscrites au RNCP.

D.   simplifier et moderniser le cadre juridique

Concernant le cadre juridique et sa nécessaire simplification, les rapporteures observent qu’un bon nombre des préconisations formulées par l’inspection générale en 2015 restent d’actualité.

Les rapporteures soulignent qu’il serait dans l’absolu souhaitable de parvenir à distinguer, de façon aussi simple que dans le secondaire, le privé hors contrat du privé sous contrat, deux catégories claires qui sont bien identifiées par les Français. Atteindre cet objectif paraît toutefois difficile en raison de la multiplicité des formes de reconnaissance, qu’il faudrait simplifier à l’extrême pour parvenir à ce résultat.

Les rapporteures ont identifié plusieurs pistes de simplification du cadre juridique qui doit aujourd’hui faire l’objet d’une remise en plat, dans une double logique de simplification et de clarification. Elles appellent donc à refondre le cadre juridique en y intégrant les éléments suivants :

 unifier et clarifier le régime de déclaration applicable en supprimant la distinction entre EETP, EESP et établissements à distance. Cette recommandation fait écho aux remarques déjà formulées par le médiateur en 2012 : « La distinction entre enseignement “technique” et enseignement “supérieur”, source de confusion, ne correspond pas à la réalité de l’emploi et du marché de la formation ». De même le régime de l’enseignement à distance devrait être fondu dans le régime commun. Le médiateur n’a vu aucune raison plaidant pour le maintien de dispositions spécifiques à ce secteur. » La suppression de cette distinction pourrait également être l’occasion de revoir le cadre des jurys rectoraux ([241]) qui fait l’objet d’importantes critiques formulées par l’Inspection générale de l’Éducation nationale en 2015 ([242]), reprises par le Hcéres ainsi que par le recteur délégué pour l’enseignement supérieur de la région académique Île‑de‑France ;

 supprimer la simple reconnaissance des EETP par l’État, qui n’est assortie d’aucune limite dans le temps et participe de la confusion générale (cf. première partie du présent rapport) ;

 garantir la bonne information des élus locaux lors de la procédure de déclaration d’ouverture. Les auditions des collectivités territoriales ont en effet montré que les élus n’étaient pas suffisamment tenus informés des projets en cours.

Recommandation n° 17 : Modifier le code de l’éducation pour refondre, simplifier et actualiser le cadre juridique applicable à l’enseignement supérieur privé. Dans ce cadre :

– supprimer pour le supérieur la distinction entre établissement d’enseignement technique privé (EETP), établissement d’enseignement supérieur privé (EESP) et établissements à distance. Unifier et clarifier le régime de déclaration applicable ;

– supprimer la simple reconnaissance des EETP par l’État, qui n’est assortie d’aucune limite temporelle et participe de la confusion générale ;

 garantir la bonne information des élus locaux lors de la procédure de déclaration d’ouverture.

 

E.   l’enseignement supérieur n’est pas un service marchand comme un autre : encadrer la relation contractuelle 

L’enseignement supérieur n’est pas un service marchand comme un autre, ce qui justifie un encadrement de la relation contractuelle permettant de protéger l’étudiant.

  1.   Mieux protéger l’étudiant dans le cadre de la relation contractuelle

Plusieurs pistes pourraient être envisagées :

– dès 2012, le médiateur de l’Éducation nationale proposait dans le rapport déjà cité une modification du code de l’éducation pour interdire aux organismes privés d’enseignement de signer avec leurs clients des contrats de plus d’un an, le médiateur ayant été saisi de réclamations faisant apparaître que certains établissements font signer des contrats portant sur toute la durée de la formation prévue soit deux ans, voire trois ans ;

– le Hcéres préconise quant à lui de réglementer, voire d’interdire les droits de réservation, « et ce notamment pour les formations en apprentissage, droits de réservation dont il a été observé qu’ils pouvaient aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros » ([243]) 

 un remboursement obligatoire des frais de scolarité en cas de départ anticipé dans un délai de deux mois à compter du début de la scolarité pourrait également être garanti.

Les rapporteures tiennent aussi à relayer une idée formulée au cours des auditions par M. Jean-Philippe Ammeux, ancien directeur de l’IESEG, qui propose d’instaurer une garantie décennale que pourrait faire valoir les étudiants insatisfaits de leur formation. Cette garantie permettrait aux étudiants de se retourner contre leur école : « Dans la mesure où les problèmes de qualité se révèlent à moyen ou long terme, la mise place d’un dispositif de garantie décennale, à l’instar de la construction, pousserait les établissements à renforcer la qualité et à avoir une communication responsable. La mise en place de ce dispositif ne concernerait que les établissements refusant le contrôle qualité de leurs formations par le MESR, et qui annoncent répondre aux attentes du marché. » ([244])

Recommandation n° 18 : Mieux protéger l’étudiant dans les relations contractuelles qu’il entretient avec son école.

Interdire les droits de réservation.

Limiter la durée des contrats à un an, renouvelable.

Prévoir un mécanisme garantissant à l’étudiant le remboursement des frais de scolarité, en cas de départ anticipé, dans un délai de deux mois à compter du début de la scolarité.

  1.   Instituer un médiateur pour l’enseignement supérieur privé

À l’heure actuelle, il n’existe pas de médiateur unique vers qui l’étudiant peut se tourner en cas de difficultés.

La compétence du médiateur de l’Éducation nationale en la matière paraît incertaine. Comme le notait la médiatrice de l’Éducation nationale dans le rapport annuel du médiateur de 2022, « en principe, les établissements privés n’entrent pas dans le champ de compétence du médiateur, dès lors que l’application de stipulations contractuelles est en cause, a fortiori s’il s’agit de l’enseignement supérieur qui jouit d’une autonomie pédagogique et scientifique. Les dispositions du Code de l’éducation instituant le médiateur sont claires : il reçoit les réclamations relatives au fonctionnement du service public de l’éducation et de l’enseignement supérieur (article L 23-10-1 du code de l’éducation) […]. Toutefois, en pratique, non seulement les règles régissant l’enseignement supérieur privé sont également inscrites dans le code de l’éducation, mais le réseau des médiateurs de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a toujours reçu un nombre relativement important de saisines de la part des étudiants inscrits dans des établissements privés, qui font appel à eux pour connaître et faire respecter leurs droits. Les médiateurs veillent donc systématiquement à leur apporter une réponse, le plus souvent en délivrant des conseils ou en les guidant vers les médiateurs de la consommation compétents. »

Il existe également un médiateur de l’apprentissage, mais son champ d’intervention est limité aux relations entre l’entreprise et l’apprenti. Enfin, les différents médiateurs de la consommation peuvent être saisis, mais aucun ne paraît pleinement compétent pour les litiges relatifs à l’enseignement supérieur privé.

Or un besoin de médiation spécifique est identifié dans le rapport précité de Laurent Batsch, qui propose la mise en place d’une instance de recours pour les consommateurs.

Les rapporteures considèrent nécessaire de mettre en place un médiateur qui aurait la compétence sur l’ensemble de l’enseignement supérieur privé lucratif. L’étudiant pourrait se tourner vers cet interlocuteur notamment en cas de défaut de qualité, de tromperie, de faillite. Il pourrait travailler de concert avec le médiateur de l’Éducation nationale. Son existence permettrait un traitement centralisé et uniforme des problèmes et un meilleur compte rendu des difficultés rencontrés les étudiants et leurs familles. La mention et les coordonnées du médiateur devraient figurer obligatoirement sur les supports de communication et les contrats des écoles privées.

Recommandation n° 19 : Mettre en place un médiateur spécifique pour l’enseignement supérieur privé.

La mention et les coordonnées du médiateur devraient figurer obligatoirement sur les sites internet et les contrats des établissements privés.

Ces derniers devraient obligatoirement adhérer à ce médiateur pour figurer sur Parcoursup et accéder aux financements publics et mutualisés.

F.   Lutter contre la fraude et les pratiques illégales 

1.   Accroître les contrôles de la DGCCRF et leur portée

La lutte contre la fraude et contre les pratiques manifestement illégales de certaines officines doit se renforcer. Il conviendrait à cet égard d’accroître les contrôles conduits par la DGCCRF – qui doivent être plus réguliers et aléatoires – et de renforcer les sanctions associées.

Pour les rapporteures, les contrôles de la DGCCRF et les sanctions doivent être assortis d’une forme de publicité, dans une logique de « name and shame ».

Recommandation n° 20 : Accroître les contrôles de la DGCCRF, accentuer les sanctions et les assortir d’une publication du nom des écoles sanctionnées.

Les rapporteures appellent également les pouvoirs publics à mieux lutter contre les pratiques abusives observées concernant la publicité et le démarchage. Il est essentiel d’accroître les contrôles aléatoires en la matière, et de les assortir de lourdes sanctions pour garantir l’application de la loi.

Les rapporteures relèvent que si le démarchage est proscrit en droit, les sites internet des écoles réclament quasiment systématiquement communication des coordonnées personnelles de la personne concernée avant de permettre à celle-ci de télécharger la brochure des formations. Ces informations peuvent ensuite être utilisées pour appeler le potentiel client à des fins de démarchage.

Les rapporteures proposent d’interdire cette pratique. Cela permettra également de renforcer la transparence concernant le contenu des formations : la brochure doit pouvoir être directement accessible sur le site internet, sans qu’il soit nécessaire au préalable de fournir ses coordonnées personnelles.

Recommandation n° 21 : Garantir l’accessibilité de tout type d’information relative à un organisme, un établissement ou une formation sans obligation de fournir au préalable ses coordonnées.


2.   Garantir le respect de l’obligation de publication des comptes

Le code de commerce prévoit une obligation de publication des comptes sociaux qui s’applique à toutes les sociétés commerciales (articles L. 232-21 à L. 232-26 du code de commerce). Cette obligation passe par un dépôt auprès du registre du commerce des sociétés. Les comptes annuels sont ensuite publiés au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Une exception est prévue pour les microentreprises et les très petites entreprises (TPE), qui peuvent demander l’application d’une clause de confidentialité. En cas de non-respect, le droit prévoit des sanctions pénales (1 500 euros d’amende) et des sanctions civiles (injonction par le président du tribunal à procéder au dépôt). Une règle similaire s’applique pour les comptes des associations.

Toutefois, dans les faits, cette obligation n’est pas toujours respectée. Selon le rapport précité établi par Laurent Batsch, « nombre d’entreprises, y compris dans l’enseignement supérieur privé, se dispensent de l’obligation de publication de leurs comptes, les unes par négligence, les autres par une sorte de précaution ». De surcroît, le rapport note également que cette obligation « ne s’applique pas à l’échelle des sociétés membres d’un groupe ».

Le manque d’information financière est aujourd’hui problématique car il s’agit d’un élément de transparence qui participe à la bonne régulation du marché. Comme le rappelle Laurent Batsch, « la publication des comptes participe de l’information économique mise à la disposition de tous les partenaires de l’entreprise : clients, fournisseurs, salariés, pouvoirs publics. ».

Les rapporteures appellent donc les entreprises relevant du secteur privé lucratif à respecter le cadre juridique prévu en matière de publicité des comptes. Une réflexion visant à élargir cette obligation de publication à l’échelle des sociétés membres d’un groupe paraîtrait également utile.

Recommandation n° 22 : Garantir le respect de l’obligation de publication des comptes qui s’impose, dans le cadre du droit commun, aux entreprises de l’enseignement supérieur privé à but lucratif.


   Travaux de la commission

La commission des affaires culturelles s’est réunie le mercredi 10 avril 2024 pour examiner le rapport d’information présenté par Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif.

 

Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; elle est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/IuuNdC

À l’issue de sa présentation, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

 

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   liste des recommandations

 

Recommandation n° 1 : Améliorer la connaissance du secteur de l’enseignement privé lucratif.

– Établir une définition officielle de l’enseignement privé à but lucratif.

– Construire une cartographie des établissements concernés. Conduire des études et mettre en place des outils statistiques de suivi, afin d’être en mesure de mieux connaître les acteurs de ce secteur, les étudiants concernés, et leur trajectoire. L’Observatoire de l’enseignement supérieur pourrait jouer un rôle de pilotage en la matière, en lien avec les administrations compétentes.

– Confier au Céreq le suivi des cohortes de l’enseignement supérieur à but lucratif dans le cadre de ses enquêtes Générations.

Confier une mission aux corps d’inspection compétents (IGESR, IGAS et IGF) portant sur le modèle économique, managérial et pédagogique des établissements de l'enseignement supérieur privé à but lucratif, en consacrant un focus au soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage.

Recommandation n° 2 : Mieux protéger l’appellation « Master ».

Faire appliquer la loi, en sanctionnant effectivement et plus lourdement les utilisations illégales du terme de « Master », notamment dans les publicités en ligne. Envisager une évolution du cadre législatif pour assortir les sanctions financières d’une obligation de fermeture de la formation.

Recommandation n° 3 : Limiter l’utilisation des termes « mastères » et assimilés aux seules formations faisant l’objet d’une reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur.

En conséquence, interdire l’usage de ces termes pour les formations qui ne font pas l’objet d’un visa ou d’un grade et prévoir des sanctions en cas de manquement.

Recommandation n° 4 : Limiter l’utilisation du terme « bachelor » aux formations proposées par le secteur privé.

Modifier le nom du bachelor universitaire technique (BUT), diplôme national délivré par l’enseignement supérieur public, aujourd’hui source de confusion.

Recommandation n° 5 : Harmoniser et rendre obligatoire l’usage d’une terminologie simple pour caractériser les certifications bac + 3 et bac + 5 non reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur.

– Pour les formations bac +3, généraliser le terme de bachelor, et limiter son utilisation aux seules formations prévues en trois ans.

– Pour les formations bac +5, imposer selon la même logique l’utilisation d’un terme unique.

Recommandation n° 6 : Distinguer clairement dans les documents officiels les certifications délivrées par France compétences des diplômes reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur.

Recommandation n° 7 : Doter les rectorats des moyens nécessaires afin que ces derniers puissent :

– diffuser une information claire à l’échelle de l’Académie concernant les formations proposées dans l’enseignement supérieur ;

– mener à bien leurs missions d’examen des déclarations d’ouverture et de contrôle des publicités.

Recommandation n° 8 : Conduire un travail interministériel afin d’élaborer un guide du « post-bac » à destination des élèves et de leur famille, rappelant la signification des différents types de diplômes et certifications existants.

Recommandation n° 9 : Simplifier et clarifier l’information disponible sur Parcoursup en distinguant nettement :

– les formations publiques ;

– les formations visées ou gradées (peu importe le statut) ;

– les formations RNCP ayant fait l’objet d’un contrôle en matière de qualité pédagogique, conformément à la recommandation n° 14.


Recommandation n° 10 : Mettre en place une carte d’identité des formations

Cette carte d’identité devra obligatoirement informer sur :

– le statut juridique de l’école ;

– la forme de reconnaissance des diplômes ou certifications proposés, les processus d’évaluation associés et leur signification ;

– les possibilités ou non de poursuite d’études à l’université ou dans une autre école que celle proposant la formation concernée ;

– les possibilités d’accès aux bourses.

Rendre cette carte d’identité obligatoire sur Parcoursup, les supports de communications et les documents contractuels écoles privées. Prévoir un mécanisme par lequel l’étudiant certifie avoir pris connaissance de ces informations avant de confirmer son inscription (sur Parcoursup mais aussi sur les documents d’inscription des écoles).

Recommandation n° 11 : Améliorer la mesure de l’insertion professionnelle à travers la généralisation d’Inserjeunes et Insersup et renforcer la publicité de ces informations.

Prendre en compte dans la mesure de l’insertion professionnelle les critères suivants : le taux d’emploi, le taux d’emploi dans le métier visé, le type de contrats obtenus ainsi que les niveaux moyens de rémunération. Rendre ces données publiques et rendre obligatoire leur publication sur les sites internet des écoles ainsi que sur Parcoursup et la plateforme Mon Master.

Recommandation n° 12 : Renforcer les outils de l’orientation au lycée.

– Veiller aux moyens humains et financiers déployés pour garantir le service public de l’orientation ;

– Former les professionnels de l’Éducation nationale compétents en matière d’orientation, les sensibiliser aux différentes formes de reconnaissance des diplômes et certifications. Concevoir des outils de formation adaptés en la matière.

Recommandation n° 13 : Élaborer une charte déontologique des salons étudiants.

Organiser un dialogue renforcé entre l’État et les salons étudiants afin d’encadrer davantage l’organisation des salons étudiants pour offrir un minimum de garanties quant au sérieux des formations et des écoles qui y sont présentées.

 

Recommandation n° 14 : Mettre en place sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur une évaluation pédagogique des formations initiales post-bac dispensées par l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Faire de son obtention une condition :

– d’accès aux aides à l’apprentissage, dans un objectif d’utilisation qualitative des deniers publics ;

– de référencement sur Parcoursup.

Pour en garantir la faisabilité et la soutenabilité budgétaire, rendre l’évaluation payante et la facturer aux organismes de formation concernés. La rendre également publique.

Confier cette évaluation au Hcéres, accompagné par les commissions spécialisées lorsqu’elles sont compétentes (CEFDG, CTI).

Recommandation n° 15 : Réguler la « location » des titres RNCP, en instaurant un tiers de confiance, chargé de vérifier que le « loueur » respecte bien les exigences de la certification concernée.

Recommandation n° 16 : Rehausser les règles fixées par France compétences afin que les intitulés des formations proposées par les écoles correspondent aux intitulés des certifications inscrites au RNCP.

Recommandation n° 17 : Modifier le code de l’éducation pour refondre, simplifier et actualiser le cadre juridique applicable à l’enseignement supérieur privé. Dans ce cadre :

– supprimer pour le supérieur la distinction entre établissement d’enseignement technique privé (EETP), établissement d’enseignement supérieur privé (EESP) et établissements à distance. Unifier et clarifier le régime de déclaration applicable ;

– supprimer la simple reconnaissance des EETP par l’État, qui n’est assortie d’aucune limite temporelle et participe de la confusion générale ;

 garantir la bonne information des élus locaux lors de la procédure de déclaration d’ouverture.


Recommandation n° 18 : Mieux protéger l’étudiant dans les relations contractuelles qu’il entretient avec son école.

– Interdire les droits de réservation.

– Limiter la durée des contrats à un an, renouvelable.

– Prévoir un mécanisme garantissant à l’étudiant le remboursement des frais de scolarité, en cas de départ anticipé, dans un délai de deux mois à compter du début de la scolarité.

Recommandation n° 19 : Mettre en place un médiateur spécifique pour l’enseignement supérieur privé.

La mention et les coordonnées du médiateur devraient figurer obligatoirement sur les sites internet et les contrats des établissements privés.

Ces derniers devraient obligatoirement adhérer à ce médiateur pour figurer sur Parcoursup et accéder aux financements publics et mutualisés.

Recommandation n° 20 : Accroître les contrôles de la DGCCRF, accentuer les sanctions et les assortir d’une publication du nom des écoles sanctionnées.

Recommandation n° 21 : Garantir l’accessibilité de tout type d’information relative à un organisme, un établissement ou une formation sans obligation de fournir au préalable ses coordonnées.

Recommandation n° 22 : Garantir le respect de l’obligation de publication des comptes qui s’impose, dans le cadre du droit commun, aux entreprises de l’enseignement supérieur privé à but lucratif.

 


   Liste des personnes entendues par les rapporteures

(Par ordre chronologique)

 

 

  France compétences – M. René Bagorski, directeur de la certification professionnelle, et Mme Gwenola Cadeville, coordinatrice des enregistrements de droit au répertoire national des certifications professionnelles et au répertoire spécifique

  Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – M. Paul-Emmanuel Piel, chef du bureau « Médias, communications électroniques, culturel, économie de la donnée »

  France Universités – M. Dean Lewis, vice-président de France Universités et président de l’Université de Bordeaux, Mme Virginie Dupont, vice-présidente de France Universités et présidente de l’Université Bretagne Sud, M. Kévin Neuville, conseiller relations institutionnelles, et M. Timothé Gagnard, chargé de mission relations institutionnelles

  Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres)  M. Stéphane Le Bouler, président par intérim, Mme Lynne Franjié, directrice du département de l’évaluation des formations, préfigurateur de l’Observatoire de l’enseignement supérieur, et M. Thibaut Duchêne, préfigurateur de l’Observatoire de l’enseignement supérieur

  M. Laurent Batsch, économiste, auteur de l’étude L’enseignement supérieur privé en France (Fondation pour l’innovation politique, juin 2023)

            Table ronde de responsables de fédérations de parents d’élèves

 Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE)  Mme Florence Prudhomme, secrétaire générale, Mme Ghislaine Morvan-Dubois, trésorière, et Mme Alixe Rivière, administratrice

 Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP)  M. Olivier Toutain, président, M. Laurent Zameczkowski, porte-parole

 Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel nationale)  M. Gilles Demarquet, président, et M. Christophe Abraham, secrétaire général

 Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (Unaape) – Mmes Hélène Bue-Le Floch et Lydie Benay, administratrices

  Union des établissements d’enseignement supérieur catholique (Udesca) – M. Patrick Scauflaire, président, recteur de l’université catholique de Lille, M. Patrick Macary, délégué général

  Bpifrance * – M. José Gonzalo, directeur exécutif, et M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles

  Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - M. Jérome Teillard, chef de projet Réforme de l'accès à l'enseignement supérieur - Parcoursup

  Conférence des grandes écoles (CGE) *  M. Laurent Champaney, président, M. Hugues Brunet, délégué général, M. Marc Sagot, adjoint au délégué général en charge de la coordination opérationnelle et des relations extérieures, et M. Foucauld Kneuss, chargé de mission vie étudiante, sports, affaires publiques

  Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic) – Mme Laure Viellard, vice-présidente, Mme Delphine Blanc-Le Quilliec, déléguée générale, et M. Germain Comerre, chargé des relations institutionnelles

            Table ronde de représentants de syndicats étudiants

 Union nationale des étudiants de France (Unef) * – Mme Salomé Hocquard, responsable de la commission affaires sociales au bureau national de l’Unef, responsable du dossier LGBTI

– Union étudiante – Mme Eléonore Schmitt, porte-parole

– Fédération des associations générales étudiantes (Fage) * – Mme Maëlle Nizan, présidente

– Union nationale inter-universitaire (UNI) – M. Mathis Gachon, délégué national

            Audition commune

– Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) – Mme Mathilde Gollety, présidente, et Mme Émilie Verany, directrice déléguée

 Commission des titres d’ingénieur (CTI) – Mme Élisabeth Crepon, présidente, et M. Jean-Louis Allard, vice-président

            Audition commune

– L’Étudiant  Mme Chrystèle Mercier, présidente, Mme Ariane Despierres-Fery, directrice de la rédaction, et M. Valentin Randin, en charge des affaires publiques

– Studyrama – Mme Julie Mleczko, directrice déléguée de la rédaction, M. Nicolas Fellus, directeur général, et M. Raphaël Girard, responsable communication

            Audition commune :

 Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) *  M. Emmanuel Duflos, président, Mme Isabelle Schöninger, directrice exécutive, et Mme Chloé Jouglas, consultante affaires publiques

 Conférence des directeurs d’écoles françaises de management (CDEFM) – Mme Alice Guilhon, présidente, et Mme Françoise Grot, déléguée générale

  Entreprises éducatives pour l’emploi – M. Philippe Grassaud, président de l'association, M. Anil Bernard-Dende, administrateur, et M. Julien Blanc, secrétaire général

  Omnes Education – M. José Milano, président exécutif, et M. Grégory Blanchard, directeur de cabinet

  Ionis Education Group – M. Fabrice Bardèche, vice-président exécutif

  Mme Agnès van Zanten, Centre de recherche sur les inégalités sociales (Cris), Science Po/CNRS

            Audition commune

– M. Aurélien Casta, sociologue

– Mme Marie Piquemal, journaliste

            Table ronde de représentants des organisations syndicales

– Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT) – M. Nicolas Holzschuch, secrétaire fédéral SGEN-CFDT et M. Emmanuel Drouin, secrétaire fédéral de la fédération de l’enseignement privé FEP-CFDT

 Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC-CGT) – Mme Frédérique Bey, membre du bureau fédéral de la FERC-CGT, et M. Éric Janicot, membre du bureau national du SNPEFP-CGT

 Syndicat national de l’enseignement privé laïque (SNEPL-CFTC) – Mme Hélène de L’Estoile, membre du conseil, chargée de mission, et M. Patrick Burnel, négociateur de la branche de l’enseignement privé indépendant, défenseur syndical

– Syndicat national de l’enseignement privé SYNEP CFE-CGC – M. Bruno Deutsch, secrétaire général adjoint, et M. Jérome Lario, porte-parole, membre titulaire salarié de la SPP EPI, chargé de mission direction générale

            Audition commune

– Association nationale des apprentis de France (Anaf) – M. Aurélien Cadiou, président

– Fédération nationale des associations régionales de centres de formation d'apprentis (Fnadir)  M. Jean Philippe Audrain, président, et M. Pascal Picault, chargé de mission plaidoyer & influence

  Mme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, et Mme Charlotte Avril, adjointe à la médiatrice

  Galileo Global Education * – M. Marc-François Mignot-Mahon, président monde, et M. Martin Hirsch, vice-président exécutif

  Union des grandes écoles indépendantes (Ugei) * – M. Étienne Craye, président, M. Joël Cuny, trésorier, Mme Sophie Savin, déléguée générale, et Mme Chloé Jouglas-Geindreau, cabinet de conseil Communication & Institutions

     Audition commune

– Fédération nationale de l’enseignement privé (Fnep) * – M. Patrick Roux, président, M. Alain Léon, vice-président, et M. Cédric Fraboulet, chargé de mission

 Institut supérieur du droit – Me Amandine Sarfati, avocat à la Cour, directrice, et M. François Mével, assistant de la directrice

     Table ronde de représentants des organisations syndicales

– SNESUP-FSU – M. Hervé Christofol, membre du Bureau national

 SNPTES-Unsa – M. Alain Favennec, secrétaire général adjoint, et Mme Delphine Richer, secrétaire académique

– Fédération Sud Éducation – M. Kevin Le Tétour, co-secrétaire fédéral

  Association Walt – M. Yves Hinnekint, président, Mme Agnès Domenech, déléguée générale, et M. Pierre-Émile Ramauger, directeur des relations institutionnelles

     Audition commune

– Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques – Mme Pierrette Schuhl, sous-directrice

– Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) – Mme Magda Tomasini, directrice, et M. Erwan Coubrun, adjoint à la sous-directrice des statistiques et des synthèses

  Audition commune

 Chambres de commerce et d’industrie (CCI) * – Mme Danielle Dubrac, présidente de la CCI de Seine-Saint-Denis, Mme Delphine Wahl, directrice générale de la CCI Normandie, M. Thomas Jeanjean, directeur général adjoint éducation de la CCI Paris-Île-de-France, et M. Pierre Dupuy, responsable des relations avec le Parlement à CCI France

– EGC Business School – M. François-Xavier Brunet, président de EGC et de la CCI Tarbes Hautes-Pyrénées, et M. David Barthe, directeur général

  Audition commune :

– M. Emmanuel Ethis, recteur de région académique Bretagne, recteur de l’académie de Rennes

– Région académique Île-de-France : MM. Olivier Ginez, recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, Alexandre Bosch, secrétaire général, chef du service régional de l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, et Louis Buyssens, directeur de cabinet

  Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) – M. Damien Brochier, chargé de mission, mission partenariats formation professionnelle, Mme Marie-Hélène Toutin, chargée d’études, et Mme Françoise KogutKubiak, chargée de mission « Certifications et politiques éducatives »

  France Compétences – M. René Bagorski, directeur de la certification professionnelle, et M. Renaud Bricq, directeur de la régulation

  Ministère du travail, de la santé et de la solidarité – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Stéphane Rémy, sous‑directeur en charge des politiques de formation et du contrôle, et Mme Laetitia Le Roy, adjointe à la cheffe de la mission de l’alternance et de l’accès aux qualifications

  Table ronde de représentants d’associations d’élus locaux

 France urbaine – M. Xavier Latour, vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la formation continue, et M. Lionel Delbos, conseiller

 Villes de France  M. Florian Bercault, maire de Laval, Mme Margaux Beau, chargée de mission, et M. Antoine Grosset, chargé de communication

– Régions de France – M. Kamel Chibli, président délégué éducation-orientation de Régions de France, vice-président du conseil régional d’Occitanie

Audition commune

 Cour des comptes – Mme Anne-Laure de Coincy, conseillère maitre, présidente de la 3ème section : Travail, emploi, fonds européens à la 5ème chambre, et M. Philippe Duboscq, conseiller maître, responsable du secteur emploi et formation professionnelle

– Inspection générale des finances (IGF) – Mme Marie-Christine Lepetit, inspectrice générale des finances

– Inspection générale des affaires sociales (Igas) – M. Denis Le Bayon, inspecteur des affaires sociales

  M. Julien Jacqmin, professeur associé en économie, département finance de Neoma Business School

               Audition commune

 Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse  Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco)  Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, et M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales

– Onisep – Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale

  M. Jean-Philippe Ammeux, expert, ancien directeur général de l’Iéseg

               Audition commune

– Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale, Mme Laure Vagner-Shaw, adjointe à la directrice, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, Mme Muriel Pochard, sous-directrice à la stratégie et à la vie étudiante, et Mme Catherine Malinie, cheffe du département qualité et reconnaissance des diplômes

– Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), M. Marc Foucault, responsable du pôle enseignement supérieur, recherche et innovation (ESRI)

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


   annexes

 

Annexe n° 1 :

conditions de rÉmunÉration des dirigeants des Établissements sous statut associatif À but non lucratif

Les conditions de la compatibilité entre la rémunération des dirigeants d’un organisme à but non lucratif et le caractère non lucratif de l’activité au regard du droit fiscal sont définies à l’article 261 du code général des impôts (CGI), en son d du 1° du 7, complété par l’article 262 C du CGI.

Leurs dispositions déterminent les conditions requises pour caractériser une gestion désintéressée de l’organisme, dans l’hypothèse où ses dirigeants sont rémunérés. À cet égard, une rémunération peut leur être versée :

– si les statuts et les modalités de fonctionnement de l’organisme concerné permettent de satisfaire aux critères suivants :

– si les ressources de l’organisme dépassent un certain montant, croissant selon le nombre de dirigeants bénéficiaires ;

– si les statuts de l’organisme le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l’a expressément décidé à une majorité qualifiée ;

– si le montant des ressources est constaté par un commissaire aux comptes ;

– et si le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant n’excède pas trois fois le montant du plafond visé à l’article L. 241- 3 du code de la sécurité sociale.


Annexe n° 2 :

Le rÉseau consulaire

Le réseau consulaire est constitué de 16 écoles supérieures de management ([245]), de 9 écoles d’ingénieurs, de 20 écoles du réseau écoles de gestion et de commerce (EGC) et de 109 centres de formation pour apprentis (CFA) en gestion directe ou cogérés. En 2022, plus de 136 000 apprentis et 75 000 étudiants ont été formés. L’ensemble des établissements (hormis HEC) est ouvert à l’apprentissage ([246]).

Le réseau des 20 EGC est implanté dans des villes moyennes. Deux écoles ont adopté le statut d’EESC, une le statut associatif et 17 sont restés des services consulaires, simples services gérés par une CCI, qui ne peuvent contracter des alliances ou recevoir des fonds et sont soumises, tant pour la gestion de leurs personnels que pour la passation de marchés, aux règles du droit public. Les décisions stratégiques de ces écoles relèvent de l’assemblée générale de la chambre consulaire.


Annexe n° 3 :

nombre d’Écoles et d’étudiants de quelques groupes d’enseignement supérieur privÉ À but lucratif

Le tableau ci-dessous présente, pour les principaux groupes d’enseignement supérieur privé à but lucratif, des statistiques relatives au nombre d’écoles gérées et au nombre d’étudiants accueillis au sein de ces établissements. Issues de données figurant sur les sites internet des groupes ou de sources ouvertes – articles de presse notamment – elles sont nécessairement approximatives.

Nom du Groupe

Nombre d'écoles

Nombre d'étudiants en France

Nombre d'étudiants au total

GALILEO

61

85 000

210 000

EDUSERVICES

24

44 000

44 000

OMNES

15

32 000

40 000

IONIS

29

29 000

35 000

COMPÉTENCES ET DÉVELOPPEMENT

14

16 000

16 000

IGS

10

12 400

15 000

NOVETUDE

18

12 000

12 000

AD EDUCATION

19

11 500

36 000

ALTERNANCE

76

11 000

11 000

YNOV

1

11 000

11 000

EDUCTIVE

18

10 000

10 000

ADONIS

7

8 000

8 000

KDUCEA EDUCATION

6

8 000

8 000

TALIS

7

8 000

8 000

IMPARARE

8

5 500

5 500

EMINEO

7

3 572

3 572

IEF2i

4

3 500

3 500

ACE EDUCATION

4

3 200

7 150

ISO

11

3 000

3 000

MJM

4

3 000

3 000

IRSS

13

2 500

2 500

VISO

5

2 400

2 400

EDUKEA

4

1 630

1 700

ACCELIS

3

1 350

1 350

VIDAL

11

1 200

1 200

EUREKA

20

?

35 000

COLLÈGE DE PARIS

30

?

18 000

VENDÔME (groupe EDH)

14

?

15 000

LMD MEDIASCHOOL

16

?

10 000

ESRA

3

?

1 400

NEXT-U

5

?

?

SKILL & YOU (enseignement à distance)

14

?

?

 

481

328 752

562 272

Source : mission d’information.

Annexe n° 4 :

PrÉsentation de quelques grands groupes
d’enseignement supÉrieur privé À but lucratif

AD Education

Fondé en 2009, AD Education se présente comme le premier réseau d’établissements d’enseignement supérieur consacré aux métiers de la création (art, design, digital, communication, culture, luxe, animation, jeu vidéo…), avec 36 000 étudiants au sein de 19 établissements et 70 campus en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne et au Royaume‑Uni ([247]). L’École de Condé (SAS), établissement de référence formant aux métiers du design, de l’image et du patrimoine, est la première école de design privée reconnue par la Conférence des grandes écoles.

Quelques écoles du groupe : École de Condé, ECV, IAAD, SAE, IMAAT, CES, CEV, Animim, ESD, ESP, EAC, Institut national de Gemmologie, École supérieure du Parfum, A’Sfored – Edinovo, Visiplus, Iscod, Oktogone.

Les secteurs couverts : design, digital, communication, culture, luxe, animation, jeu vidéo, etc.

Compétences et développement

Le réseau Compétences et Développement rassemble aujourd’hui 14 écoles supérieures implantées dans plus de 30 campus en France et à l’international, pour environ 16 000 apprenants, Le réseau est multidisciplinaire et ses écoles proposent de formations du BTS au grade de Master.

Quelques écoles du groupe : ICL, IDRAC, EPSI, WIS, IEFT, IFAG, IGEFI, ESAIL, Sup’ de Com, 3A, IET, IHEDREA, ILERI, Viva Mundi.

Les secteurs couverts : informatique, architecture intérieure, commerce et marketing, tourisme, finance d’entreprise, agrobusiness, communication, etc.

EduServices

Groupe familial fédéré en 2010, se présentant comme le spécialiste français de l’enseignement supérieur privé en apprentissage, Eduservices est un réseau d’école composé de 9 enseignes nationales, 11 leaders régionaux et 4 formations professionnalisantes en ligne, implantées dans 42 villes. L’offre éducative va jusqu’à bac+5  ([248]). Les écoles Pigier, parmi les plus anciennes de l’enseignement supérieur privé, font partie de ce groupe.

Quelques écoles du groupe : École internationale Tunon, IHECF, Ipac Bachelor, ISCOM, MBway, MydigitalSchool, Pigier, Studio M, WIN, AFTEC, CIME Art, ESAP, ESICAD, ESI Mode, ESPL, IPAC, Isifa Plus Values, Supcréa, IPAC Online, Seira, L’École française.

Les secteurs couverts : management, commerce, affaires internationales, sport business, achats, design, audiovisuel, jeux vidéo, communication, digital, online, ressources humaines, mode, luxe, hôtellerie, tourisme, événementiel, finance, gestion, comptabilité, banque, notariat, immobilier, etc.

Ionis Education Group

Se présentant comme le « premier groupe de l’enseignement supérieur privé en France » ([249]), le groupe Ionis est singulier dans le paysage des grands groupes français d’enseignement supérieur. En effet, plus de quatre décennies après la fondation de l’Institut supérieur européen de gestion (ISEG), première école créée en 1980 par Marc Sellam, il s’agit toujours d’une entreprise familiale détenue en majorité par son fondateur initial, président-directeur général (PDG) et fondateur de Ionis en 2002. Aucun fonds d’investissement n’est présent au capital. La société est spécialisée dans la gestion, le rachat et la création d’établissements supérieurs privés.

Le groupe Ionis avait pour objectif initial de développer des formations autour du monde professionnel, en lien essentiellement avec les brevets de techniciens supérieurs (BTS). L’entreprise s’est ensuite développée avec les premières formes d’alternance.

En vingt ans, le groupe a plus que triplé le nombre d’étudiants accueillis – passé de 11 000 à 35 000 – , formés au sein de 29 écoles et entités, quasi exclusivement sous statut commercial ([250]). Il compte 15 grandes « marques », elles-mêmes composées de plusieurs sous-marques (ISG par exemple ([251])). Chacune de ces marques est implantée dans plusieurs villes. Au total, on dénombre plus de 80 établissements employant entre 2 000 et 2 500 salariés et plusieurs milliers de salariés occasionnels.

Quelques écoles du groupe : IPSA, ICS Bégué, Supbiotech, EPITA, ESME, Ionis STM, Ionis X, Secure sphere, IPSA, ISG, ISG Sport business, ISG Luxury, ISG RH, ISEG, Isefac, XP, ModSpeParis, PHG Academy, Advance, ICS, EPITECH, EPITECH digital school, EPITECH executive, ETNA, Supinfo, e-artsup, coding academy, web@cademie.

Les secteurs couverts : ingénierie, expertise informatique, digital et design, pôle business marketing et communication, commerce, gestion, finance, informatique, numérique, aéronautique, énergie, transport, biotechnologie et création, etc.

LMD MediaSchool

Fondé en 2002, le groupe Learning Management Developpement MediaSchool regroupe 15 marques spécialisées dans de nombreux domaines et implantées dans 17 villes en France et à l’étranger. Il se présente comme le leader français de l’enseignement supérieur privé et de la formation continue aux métiers de la communication, du digital et des médias ([252]), proposant des formations allant du bac pro à bac+5, en passant par les BTS. Il forme environ 10 000 étudiants par an, avec un objectif de 15 000 étudiants à l’horizon 2025.

LMD MS a par ailleurs diversifié ses activités avec une présence dans les secteurs des médias ([253]) et de l’événementiel (Salon du luxe de Paris…).

Quelques écoles du groupe : ECS, IEJ, Supdeweb, Supdeprof, Paris School of Luxury, MediaSchool Sports, ETS, Paris School of Tourism & Communication, IRIS, Paris BTS, Green Management School, La Business School, Talents Management School, IFC.

Les secteurs couverts : communication, journalisme, luxe, management, média, digital, production audiovisuelle, production de contenus, transition écologique et solidaire, sport, etc.

Omnes (ex-Inseec-U)

Par acquisition progressive de plusieurs grandes écoles ou écoles spécialisées, Omnes Education s’est constitué sous ce nom en 2021 autour de l’Institut des hautes études économiques et commerciales (INSEEC), établissement créé à Bordeaux en 1975.

Il accueille aujourd’hui 40 000 étudiants, sur neuf campus en France (Bordeaux, Lyon, Chambéry, Beaune, Rennes, Marseille et Paris) et à l’étranger (Abidjan, Barcelone, Genève, Lausanne, Londres, Monaco, Munich, San Francisco), et ambitionne d’en former 50 000 étudiants en 2025, dont 80 % en France.

Omnes connaît une dynamique de forte croissance portée notamment par l’apprentissage : selon les responsables auditionnés, un tiers des étudiants relèvent aujourd’hui de cette voie ([254]) ; tel est le cas de 50 % des promotions intégrées en septembre 2023.

Omnes détient quelques écoles « académiques » membres de la CGE, qui accueillent environ 30 % de leurs étudiants ([255])qui y suivent des formations diplômantes reconnues par l’État : deux écoles de management – l’ESCE (société anonyme) ([256]) et l’Inseec, sous statut associatif – et une école d’ingénieurs (ECE, sous statut associatif). 70 % des étudiants, au sein de 10 écoles, sont dans des parcours professionnalisants certifiés par France compétences.

Le groupe compte 4 600 intervenants, dont une majorité employée dans le cadre de contrats de travail intermittents et 1 900 salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). Les CDI représentent entre 130 et 140 enseignants-chercheurs, le reste relevant de fonctions support.

La stratégie du groupe consiste à être présent sur des campus de centre-ville, pour garantir une attractivité en termes de vie étudiante. Le groupe installe en moyenne un nouveau campus par an dans des grandes métropoles. Il cherche à développer des formats hybrides, qui allient maillage du territoire, apprentissage, et cours dans des capitales de région ou en distanciel.

Le chiffre d’affaires au titre de l’exercice 2022-2023 avait atteint 400 millions d’euros, dont 148 millions d’euros, soit 37 %, découlent du financement Opco. Un tiers de l’activité totale du groupe est en lien avec l’alternance. Sur les quatre dernières années (2020-2023), le chiffre d’affaires réalisé à partir des formations en alternance est d’environ 490 millions d’euros au niveau du groupe (Opco pour 420 millions d’euros, et reste à charge pour les entreprises de 70 millions d’euros), soit environ 40 % du chiffre d’affaires total généré sur cette période. Les financements publics liés à l’alternance ont donc représenté environ un tiers du chiffre d’affaires total du groupe sur cette période, les deux tiers restants étant financés par des acteurs privés et les frais d’inscription ([257]).

Quelques écoles du groupe : Omnes 2XL, ESCE, IFG exed, INSEEC, University of Monaco, Sup Career Alternance, CEI, Crea, Sup de Création, Sup de Pub, ECE, HEIP, CEDS, EU Business school, École Sup’ Paris, DataScientest.

Les secteurs couverts : luxe, digital et data, management, sport business, ingénierie, etc.


ANNEXE N° 5 :
ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS MEMBRES DE GRANDES ÉCOLES SOUS STATUT COMMERCIAL ET/OU APPARTENANT À DE GRANDS GROUPES D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Nom d'établissement

Statut juridique

CGE

UGEI

Accréditation

Management/
ingénieurs

Groupe

EBS European business school

association loi 1901

CGE

UGEI

CEFDG

CDEFM

Accelis

Institut international du commerce et du développement - ICD International Business School

association loi 1901

CGE

UGEI

CEFDG

 

IGS

Institut supérieur de gestion (ISG)

association loi 1901

CGE

UGEI

CEFDG

CDEFM

Ionis

ECE école d'ingénieurs

association loi 1901

CGE

UGEI

CTI

CDEFI

Omnes

Institut des hautes études économiques et commerciales (INSEEC) - INSEEC SBE

association loi 1901

CGE

UGEI

CEFDG

CDEFM

Omnes

École de Condé

SAS

CGE

 

 

 

AD Education

emlyon Business School

SA

CGE

 

CEFDG

CDEFM

Galileo

Strate École de design

SA

 

UGEI

 

 

Galileo

PSB Paris School of Business

SAS

CGE

UGEI

CEFDG

CDEFM

Galileo

ISTEC business school

SAS

CGE

 

CEFDG

CDEFM

Imparare

École spéciale de mécanique et de l'électricité (ESME Sudria)

SA Société à mission

CGE

UGEI

CTI

CDEFI

Ionis

EPITA

SA Société à mission

CGE

UGEI

CTI

CDEFI

Ionis

Institut polytechnique des sciences avancées (IPSA)

SA Société à mission

CGE

UGEI

CTI

CDEFI

Ionis

Institut supérieur des biotechnologies de Paris (Sup'Biotech)

SA Société à mission

 

UGEI

CTI

CDEFI

Ionis

École supérieure du commerce extérieur (ESCE) international business

SAS

CGE

UGEI

CEFDG

CDEFM

Omnes

Aivancity (IA)

SA Société à mission

 

UGEI

 

 

 

ESMOD

SA

 

UGEI

 

 

 


annexe n° 6 :

RÉcapitulatif des régimes dÉclaratifs applicables pour les Établissements d’enseignement supÉrieur privés (EESP) et les Établissements d’enseignement technique privÉs (EETP)

 

 

EESP

EETP

Personnes habilitées à ouvrir un établissement ou un cours

Tout français ou tout ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou de l’espace économique européen de plus de 25 ans ainsi que toute association légalement constituée dans un dessein d’enseignement supérieur peuvent ouvrir des cours ou des établissements (article L. 731-1 du code de l’éducation).

Les étrangers non ressortissants européens peuvent être autorisés à ouvrir des cours ou à diriger des établissements d’enseignement supérieur privés après avis du Cneser (L. 731-8 du même code)

Sont frappés d’incapacité les individus privés de leurs droits civils et condamnés pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs (article L. 731-7 du même code).

 

Toute personne de nationalité française ou membre de la Communauté européenne ou de l’espace économique européen de plus de 25 ans peut ouvrir un EETP (articles L. 441-1 et R. 913-21 du code de l’éducation).

Sont frappés d’incapacité les individus privés de leurs droits civils et condamnés pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs (article L. 441-1 du même code).

 

Pièces du dossier d’ouverture

Le dossier doit comporter les pièces d’identité, l’âge et la nationalité des administrateurs ou professeurs, des extraits de casier judiciaire, ainsi qu’une justification de leur niveau de diplôme ou de certification professionnelle, dont le niveau doit être au moins équivalent au plus haut niveau auquel prépare cet établissement, ou de leur justification d’une pratique professionnelle correspondant à l’enseignement demandé (article R. 731-1 du code de l’éducation).

Une double obligation prévaut : chaque nouveau cours doit faire l’objet d’une déclaration signée par l’auteur de ce cours, indiquant notamment son objet et l’identité du professeur (article L. 731-3 du même code).

La déclaration doit également comporter des informations attestant des capacités d’accueil des établissements (articles L.731-4 et L. 731-6 du même code).

 

Le dossier doit comporter une déclaration présentant notamment l’objet de l’enseignement et les diplômes ou les emplois auxquels l’établissement souhaite préparer ainsi que des indications sur les disciplines enseignées et les horaires des cours.

Des éléments doivent être fournis concernant l’établissement, dont des informations quant aux modalités de financement avec un état prévisionnel qui précise l’origine, la nature, et le montant des principales ressources dont disposera l’établissement pour les trois premières années de son fonctionnement ainsi que, le cas échéant, les statuts de la personne morale qui ouvre l’établissement.

L’établissement doit informer l’autorité compétente de l’État pour toute modification de son projet, objet d’enseignement, diplômes et emploi, horaire et discipline (articles L. 441-2 et L. 441-3 du code de l’éducation).

 

Mise à jour des informations

Chaque année, dix jours au moins avant l’ouverture du premier semestre, tout établissement d’enseignement supérieur privé est tenu d’adresser au recteur de région académique la liste des enseignants et le programme des cours (article R. 731-4 du code de l’éducation)

Les établissements d’enseignement supérieur technique privés adressent chaque année, dans la première quinzaine du mois de novembre, au recteur de la région académique dans laquelle l’établissement a son siège, une liste des enseignants. Il est joint à cette liste tous justificatifs permettant d’établir que chacune de ces personnes remplit les conditions requises, le cas échéant au bénéfice d’une dérogation, pour dispenser un enseignement dans un établissement d’enseignement supérieur technique privé (article R. 913-27 du code de l’éducation).

 

Transmission et publicité de la déclaration d’ouverture

 

La déclaration doit être faite :

‒ au recteur de région académique ;

‒ au représentant de l’État dans le département ;

‒ au procureur général de la cour du ressort ou au procureur de la République (article L. 731-2 du code de l’éducation).

 

La déclaration faite au recteur de région académique est affichée pendant dix jours, par les soins du recteur et du maire, à la porte des bureaux académiques et à la porte de la mairie du lieu où doit s’ouvrir le cours ou l’établissement d’enseignement supérieur privé (article R. 731-2 du même code).

 

Dans les dix jours qui suivent la déclaration d’ouverture d’un établissement d’enseignement supérieur privé, le recteur de région académique visite ou fait visiter les locaux, sans préjudice des dispositions relatives à la sécurité dans les immeubles accueillant du public (article R. 731-3 du même code)

 

 

La déclaration est transmise au recteur d’académie. Ce dernier doit en informer le maire de la commune dans laquelle l’établissement est situé, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République (article L. 441-1 du code de l’éducation)

Opposition

L’ouverture du cours ne peut avoir lieu que dix jours après délivrance du récépissé (article L. 731-3 du code de l’éducation).

 

Le procureur de la République peut intervenir et s’opposer si la déclaration indique comme professeur une personne incapable ou la mention d’un sujet contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (article L. 731-11 du même code).

 

Le préfet de département peut s’opposer à l’ouverture d’un cours ou d’un établissement afin de prévenir toute forme d’ingérence étrangère ou de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation (article L. 731-1-1 du même code)

 

 

 

 

 

 

L’ouverture de l’établissement ne peut avoir lieu que trois mois après dépôt de la déclaration.

L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, le maire, le préfet ou le procureur de la République peuvent s’opposer à l’ouverture de l’établissement, dans l’intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse, si la personne qui ouvre l’établissement ne remplit pas les conditions prévues par le droit, ou encore s’il ressort du projet de l’établissement que celui-ci n’a pas le caractère d’un établissement technique.

Le préfet de département peut également former opposition afin de prévenir toute forme d’ingérence étrangère ou de protéger les intérêts fondamentaux de la nation (article L. 441-1 du code de l’éducation).

Contrôle et sanctions

Les cours ou établissements d’enseignement supérieur privés sont toujours ouverts et accessibles aux délégués du ministre chargé de l’enseignement supérieur. La surveillance ne peut porter sur l’enseignement que pour vérifier s’il n’est pas contraire à la morale, à la Constitution et aux lois. (L. 731-13 du code de l’éducation).

 

L’ouverture sans déclaration est punie d’une amende de 3 750 euros et peut entraîner une suspension éventuelle du juge pour maximum trois mois (articles L. 731-9 et L. 731-10 du même code).

 

L’ouverture malgré interdiction préfectorale est sanctionnée par une amende de 15 000 euros. Une peine complémentaire d’ouvrir et de diriger un cours ou un établissement pour une durée de cinq ans maximum peut également être prononcée par le juge.

Le fait d’ouvrir un établissement d’enseignement scolaire privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. La peine complémentaire d’interdiction d’ouvrir et de diriger un établissement scolaire ainsi que d’y enseigner, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, est également encourue (article L. 441-4 du code de l’éducation).

 

 

 

Annexe n° 7 :

L’information sur la reconnaissance par l’État des Établissements et des diplÔmes : l’absence de liste consolidÉe

La recherche d’une information sur la reconnaissance par l’État d’un établissement d’enseignement technique privé et/ou d’un diplôme (visa, grade) est pour le moins difficile.

À l’exception des EESPIG (en dépit d’une absence de mise à jour sur le site du ministère chargé de l'enseignement supérieur ([258])), et des EESC (sur le site de la DGE ([259])), il n’existe aucun document exhaustif consolidé, ni même de liste consolidée par catégorie, ce qui ne facilite pas l’accès à l’information pour le public.

La liste des établissements d’enseignement supérieur technique privés et consulaires autorisés à délivrer un diplôme visé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et pouvant conférer le grade de licence ou de master à leurs titulaires est établie chaque année après avis de la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) par un arrêté du ministère chargé de l'enseignement supérieur. Cette liste, publiée dans un numéro spécial du Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche (BOESR), indique, pour chaque établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’État ([260]) concerné, les diplômes visés et gradés.

La liste des diplômes (de bac+3 à bac+5) accrédités pour une période temporaire (de 5 ans au plus) à compter de la rentrée universitaire 2023 a été publiée en août 2023 ([261]).

Au final, il est très difficile d’identifier, d’une année sur l’autre, les diplômes visés ou gradés, dont les périodes d’accréditation diffèrent en fonction des diplômes ; cela suppose de retrouver chaque arrêté ministériel annuel.

La liste des écoles de commerce et d’ingénieurs, publiques et privées, autorisées à délivrer un diplôme conférant le grade de licence (généralement un bachelor, bac+3 ou bac+4) à leurs titulaires est établie chaque année par le ministère chargé de l'enseignement supérieur après avis de la CEFDG, de la commission des titres d’ingénieur et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) et publiée au BOESR, en vue de la rentrée universitaire suivante ([262]) .

Si les listes annuelles des diplômes des écoles de commerce accrédités (visés ou gradés) par l’État ne sont pas disponibles sur un site ministériel dédié, une consolidation est en revanche accessible sur le site de la CEFDG ([263]). Ce site recense les accréditations en cours, avec mention de la période d’accréditation pour chaque diplôme.

La liste des écoles accréditées à délivrer un titre d’ingénieur diplômé est fixée par arrêté interministériel, publié chaque année au Journal officiel. L'accréditation pour délivrer le titre d'ingénieur diplômé est accordée après avis de la commission des titres d’ingénieur (CTI). L’habilitation est également temporaire. On retrouve par ailleurs une partie (notamment les plus anciens) des arrêtés ministériels sur le site de la CTI ([264]).

La liste des établissements privés reconnus par l'État pour les formations préparant aux spécialités du brevet de technicien supérieur (BTS) ([265]) fait l’objet chaque année d’un arrêté du ministère chargé de l'enseignement supérieur, publié au Journal officiel.

Enfin, il n’existe aucune liste consolidée des écoles techniques privés d’enseignement supérieur reconnues par l’État, cette reconnaissance faisant l’objet, au cas par cas, d’un décret ou d’un arrêté ministériel, publié au BOESR ([266]).

L’absence de liste consolidée des établissements reconnus et des formations et diplômes accrédités par l’État ne permet pas aisément aux familles de vérifier la véracité des informations délivrées par les établissements en la matière, d’autant plus que les accréditations de diplômes sont temporaires. La consultation des JO et des BO n’est pas un réflexe naturel dans le cadre d’une recherche d’information en particulier lorsqu’on ignore la référence réglementaire précise.

 


([1]) Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’enseignement supérieur.

([2]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par le ministère du travail.

([3]) Cour des comptes, Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, note thématique, juillet 2023.

([4]) Aux États-Unis, on distingue les secteurs dits « non profit » et « for profit ».

([5]) Les notions d’écoles ou d’établissements d’enseignement supérieur sont employées indistinctement dans le cadre du présent rapport.

([6]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/EESR16_Annexe_1/les_etudiants_inscrits_dans_l_enseignement_superieur/

([7]) 390 000 pour le public contre 53 400 pour le privé.

([8]) Sur 672 000 étudiants supplémentaires : 326 700 pour le privé et 345 300 pour le public.

([9]) Comparaison des effectifs étudiants d’une année sur l’autre.

([10]) Voir note d’information de la sous-direction des Systèmes d’information et études statistiques (SIES), 22.14 décembre, « Les effectifs d’étudiants dans le supérieur continuent leur progression en 2021-2022 » ; 23.11 décembre « Les effectifs étudiants dans le supérieur en 2022-2023 ».

([11]) Note du SIES, 23.11 décembre « Les effectifs étudiants dans le supérieur en 2022-2023 ».

([12])  Note flash du SIES « Baisse des effectifs inscrits dans l’enseignement supérieur en 2022-2023 », n° 12, juillet 2023 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/nf-sies-2023-12-28804.pdf

([13]) Pour Unité administrative immatriculée.

([14]) Contribution écrite du SIES transmise aux rapporteures.

([15]) Le Système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements est le répertoire français géré par l’Insee qui attribue un numéro Siren aux entreprises, aux organismes, aux personnes physiques ayant une activité économique indépendante non salariée et aux associations.

([16]) Par exemple, le nombre d’établissements sous statut d’association reconnue d’utilité publique –  57 – semble totalement surestimé. Selon le ministère de l’intérieur, qui propose sur son site (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/associations-reconnues-d-utilite-publique) une liste actualisée des associations reconnues d’utilité publique par domaines d’activité, le nombre serait inférieur à cinq, chiffre confirmé par la Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic).

([17]) Régie des chambres de commerce et d’industrie, association ou société anonyme.

([18]) Lucratif : Qui procure un gain. Droit. Association à but non lucratif, qui n’a pas pour objet de faire des profits (dictionnaire de l’Académie française).

([19]) Article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association : « L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

([20])  Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

([21]) Article L. 732-1 du code de l’éducation.

([22]) Article L. 732-2 du code de l’éducation : « L’établissement ayant obtenu la qualification d’EESPIG dans les conditions prévues à l’article L. 732-1 du présent code conclut avec l’État un contrat pluriannuel d’établissement. Ce contrat définit les conditions dans lesquelles l’établissement exerce les missions du service public de l’enseignement supérieur, dans le cadre d’une gestion désintéressée au sens du d du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts. »

([23]) Article R. 732-1 du code de l’éducation.

([24]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([25]) Aux fins de soumettre le cas échéant l’organisme aux impôts commerciaux dont les structures à but non lucratif sont libérées.

([26]) Voir Bulletin officiel des impôts (BOI) n° 208 du 18 décembre 2006, https://bofip-archives.impots.gouv.fr/bofip/24390-AIDA.html/identifiant%3D4H-5-06-20061218

([27]) La notion de « dirigeant » s’applique aux membres du conseil d’administration ou de l’organe délibérant qui en tient lieu, mais vise aussi les dirigeants de fait de l’association.

([28]) Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), L’enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l’État, juin 2015.

([29]) Idem.

([30]) Article L. 732-2 du code de l’éducation.

([31]) Article D.732-4 du code de l’éducation : « Le premier contrat est conclu pour une durée comprise entre un et cinq ans. Le contrat est renouvelé dans les mêmes conditions pour une durée de cinq ans après évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ».

([32]) Tribunal administratif de Paris, n° 1926896/1-1, 16 juin 2021, et cour administrative d’appel de Paris, n° 21PA04454, 13-10-2013.

([33]) Cour administrative d’appel de Paris, n° 21PA04454, 13-10-2013.

([34]) Les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par actions simplifiées (SAS) sont le modèle actionnarial le plus fréquent dans le secteur de l’enseignement supérieur privé. Il existe aussi des sociétés à responsabilité limitée (SARL), des sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) et des sociétés en commandite par actions (SCA).

([35]) Voir aussi l’avis n° 1781, tome V, XVIe législature, de M. Hendrick Davi sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2024, novembre 2023, p. 42, dans la deuxième partie : « La dangereuse progression du secteur privé dans le supérieur » : « GGE n’est pas coté en bourse et ne distribue pas de dividendes. Les bénéfices réalisés sont réinvestis dans l’entreprise. ». Cela a été confirmé par Bpifrance, actionnaire de GGE et membre du conseil d’administration, lors de l’audition de ses représentants.

([36]) On dénombre ainsi 34 écoles sur une cinquantaine d’écoles privées d’ingénieurs, une vingtaine d’écoles de commerce sur la trentaine d’écoles privées membres de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CDEFM), 65 écoles sur plus de 80 écoles privées membres de la Conférence des grandes écoles (CGE) et une trentaine d’écoles sur la quarantaine d’écoles privées membres de l’Union des grandes écoles indépendantes (UGEI).

([37]) Article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([38]) Par exemple, le groupe Ionis a transformé ses quatre écoles d’ingénieurs sous format associatif en sociétés commerciales.

([39]) Réciproquement, une association qui présente un caractère lucratif est soumise à l’impôt sur les sociétés, à la taxe professionnelle et à la TVA.

([40]) Article L. 711-4 du code de commerce : les CCI « peuvent, seules ou en collaboration avec d’autres partenaires […] créer et gérer des établissements de formation professionnelle initiale et continue dans les conditions prévues par les articles L. 443-1 et L. 753-1 du code de l’éducation pour la formation initiale […] » ; voir aussi l’article L. 711-9 du même code pour les CCI de région.

([41]) Article L. 710-1 du code commerce : « CCI France, les chambres de commerce et d’industrie de région, les chambres de commerce et d’industrie territoriales et les groupements interconsulaires sont des établissements publics placés sous la tutelle de l’État et administrés par des dirigeants d’entreprise élus. »

([42]) Article L. 710-1 du code commerce : « Le réseau et, en son sein, chaque établissement contribuent au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant […] toute mission de service public et toute mission d’intérêt général directement utiles à l’accomplissement de ses missions […] ».

([43]) Il s’agit pour l’essentiel des écoles de gestion et de commerce, EGC.

([44]) Brest Business school, ISMANS, CESI, 3iL Ingénieurs, EM Normandie, ESIGELEC, ESSEC, KEDGE BS, Ecole de design Nantes Atlantique, Montpellier Business School, SKEMA, UniLaSalle Amiens sont des EESPIG.

([45]) Certaines écoles ont été fondées sous ce statut (EDHEC, ESSEC, ESC Rennes, etc.) tandis que d’autres l’ont adopté dans les années 1970-90 (EM Lyon, Audencia Nantes) ou plus tardivement (EM Normandie, en 2007 ; Rouen Business School 2008 ; Reims Management School, ESC Troyes en 2011 ; Montpellier Business School, ESC Dijon, Kedge en 2013).

([46]) Ces établissements sont également appelés parfois « Écoles Mandon », du nom de la loi dite Mandon n° 20141545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, qui a créé ce nouveau statut.

([47]) Article L. 711-17 du code de commerce : « Les établissements d’enseignement supérieur consulaire sont des personnes morales de droit privé régies par les dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions spécifiques qui les régissent ».

([48])  L’enjeu de l’autonomie financière et juridique des grandes écoles consulaires se posait depuis plusieurs années, les écoles ayant souvent un budget plus élevé que leurs CCI de rattachement.

([49]) Article L. 711-17 du code de commerce : « Les chambres de commerce et d’industrie territoriales et les chambres de commerce et d’industrie de région détiennent […] la majorité du capital et des droits de vote à l’assemblée générale de ces établissements. Aucun autre actionnaire ou groupe d’actionnaires, agissant seul ou de concert, ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 33 % des droits de vote à l’assemblée générale de ces établissements. »

([50]) Article L. 711-17 du code de commerce : « Lorsqu’un établissement d’enseignement supérieur consulaire a réalisé un bénéfice distribuable, au sens du premier alinéa de l’article L. 232-11, il est affecté à la constitution de réserves ».

([51]) La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, a introduit, en son article 176, la qualité de société à mission qui permet d’intégrer la prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux. Les entreprises volontaires peuvent inscrire dans leurs statuts une raison d’être, dans le but de préciser leur projet collectif.

([52]) Il existe un observatoire des sociétés à mission, mais la recherche ne permet pas d’identifier exclusivement les établissements d’enseignement supérieur en formation initiale.

([53]) Emlyon devient une société à mission en juillet 2021 - L’Étudiant - Educpros (letudiant.fr).

([54]) Les écoles d’ingénieurs du groupe Ionis, initialement sous statut associatif, sont devenues des sociétés commerciales (SA) avec le label de société à mission en 2021.

([55]) IGAENR L’enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l’État, juin 2015, p. 98.

([56]) Les établissements d’enseignement supérieur privés | enseignementsup-recherche.gouv.fr

([57]) Ils sont au nombre de 64.

([58]) Par exemple : voir la dépêche AEF n° 690094, 30 mars 2023, « UGEI les 30 ans de sa création » : « La seule frontière qui compte est celle de la qualité » (T. Coulhon, alors président du Hcéres) ; « Il ne s’agit pas de viser des types d’établissements en particulier. Notre porte d’entrée, c’est le diplôme, pas l’établissement » (Anne-Sophie Barthez, directrice générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle).

([59]) Au contraire des grandes écoles privées sous statut associatif, étudiées à travers des thèmes comme la formation des élites ou l’ouverture sociale par exemple.

([60]) Laurent Batsch, L’enseignement supérieur privé en France, Fondapol, juin 2023.

([61]) Atlas régional des effectifs d’étudiants. Effectifs d’étudiants inscrits dans les établissements et les formations de l’enseignement supérieur – détail par établissements — Plateforme open data (données ouvertes) (enseignementsup-recherche.gouv.fr)

([62]) En application des articles L. 731-19 et L. 731-17 conjugués du code de l’éducation.

([63]) Les sites de la Conférence des grandes écoles (CGE), de la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) et de la Commission des titres d’ingénieur (CTI) donnent un accès plus ou moins direct et aisé, à l’information du statut juridique des écoles membres. Mais d’une part seul un contingent extrêmement faible d’établissements est sous statut de société commerciale (CGE : 8 écoles ; CTI : une dizaine), d’autre part, la qualité de ces écoles, par essence, ne fait guère de doute.

([64]) Établissement d’enseignement supérieur privé (EESP) ou établissement d’enseignement technique privé (EETP). Voir le chapitre IV consacré au cadre juridique.

([65]) https://www.sirene.fr/sirene/public/recherche

([66]) Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (https://www.bodacc.fr/pages/home) et Infogreffe (https://www.infogreffe.fr). Le code activité de l’enseignement supérieur est 8542Z. Ces sites indiquent si un établissement d’enseignement supérieur privé est inscrit comme « association déclarée » ou « société anonyme » (ou une autre forme de société).

([67]) La recherche à partir du nom de l’école est parfois plus aléatoire en raison des évolutions des dénominations sociales des établissements (au gré des absorptions par des groupes, de leur fusion avec d’autres établissements ou des stratégies de communication) et de la possible structuration d’une marque d’établissement en plusieurs organismes aux noms très proches (par exemple, un établissement d’enseignement sous format associatif et une société anonyme).

([68]) C’est ce qu’il ressort de la contribution de la région académique Île-de-France.

([69]) En conséquence, le SIES a mis en place un dispositif d’appariement avec la base Sirene à partir du numéro SIREN de l’établissement, qui permet de recueillir des informations qui y sont mieux renseignées. Mais des obstacles techniques limitent l’intérêt de cet outil qui ne permet pas non plus de connaître la totalité des établissements.

([70]) Les services statistiques académiques sont destinataires des données traitées, qu’ils peuvent seulement consulter, conformément à l’article 4 de l’arrêté du 30 juillet 2018 portant création par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Système d’information sur le suivi des étudiants » (SISE). Ils ne jouent aucun rôle dans la remontée des informations liées aux inscriptions dans les différents établissements de l’enseignement supérieur.

([71]) Il abroge et remplace l’arrêté du 16 février 2012 portant création d’un traitement dénommé « Répertoire national des identifiants élèves, étudiants et apprentis ».

([72]) Article L. 131-6-1 du code de l’éducation : « Afin notamment de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire et l’autorité de l’état compétente en matière d’éducation et de s’assurer ainsi qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction, chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article l. 131-1 se voit attribuer un identifiant national. »

([73])  Le réseau des écoles Pigier a été fondé en 1850. ESMOD, l’École supérieure des arts et techniques de la mode, qui forme aux métiers de la mode, a été fondée en 1841.

([74]) AD Education se présente comme le premier groupe d’établissements d’enseignement supérieur dédié aux métiers de la création ; Novétude et ISO sont positionnés sur les métiers de la santé.

([75]) Forme d’apprentissage permettant de suivre une formation en ligne et à distance.

([76]) La conférence des grandes écoles (CGE) compte 8 écoles sous statut de société sur plus de 80 établissements privés, l’Union des grandes écoles indépendantes (UGEI), 11 établissements lucratifs sur 37 membres, la Conférence des directeurs des écoles françaises de management, 5 acteurs lucratifs sur 36 écoles de commerce privées, et la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, une dizaine sur plus de 50 écoles privées. La plupart des écoles sont affiliées à plusieurs associations. Lors de son audition, la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) a rappelé que très peu d’écoles d’ingénieurs, qui sont en outre très contrôlées par la Commission des titres d’ingénieur, relevaient de ce modèle économique.

([77]) Laurent Batsch, op.cit.

([78]) Ibidem.

([79]) Ainsi le groupe IFC, qui s’est développé à partir d’une école ouverte en 1990 à Avignon avant de créer progressivement sept autres centres de formation IFC dans le Sud-Est, a racheté en 2023 l’école « d’enseignement supérieur » Wesford, de Clermont-Ferrand, créée en 1987, qui propose des études en alternance du BTS au bac+5 dans différents domaines. https://www.ifc.fr/groupe-ifc

([80]) Décision N° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi relative à la liberté d’enseignement.

([81]) Ce cadre concerne tant les établissements d’enseignement supérieur privé (EESP) que les établissements techniques privés (EETP), dont les caractéristiques sont explicitées ci-après.

([82]) Rapport annuel du médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, 2012, disponible au lien suivant : https://www.education.gouv.fr/rapport-2012-du-mediateur-de-l-education-nationale-et-de-l-enseignement-superieur-40835

([83]) IGAENR, L’Enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l’État, 2015.

([84]) Dans le cas où les établissements concernés bénéficient d’une aide sur fonds publics.

([85]) Sauf pour les CFA d’entreprises.

([86]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([87]) Inspecteur d’académie – Inspecteur pédagogique régional.

([88]) La procédure de reconnaissance par l’État est précisée par la circulaire du 14 janvier 2005 relative aux dispositions applicables aux établissements d’enseignement supérieur technique consulaires et privés (BO spécial n° 3 du 24 février 2005). Elle a été modifiée par le décret n° 2020-832 du 30 juin 2020 relatif aux modalités d’ouverture des établissements et cours d’enseignement supérieur privés et des établissements d’enseignement supérieur.

([89]) Selon les informations obtenues par les rapporteures, le bénéfice de la reconnaissance n’a été retiré qu’une seule fois.

([90]) Voir les articles R. 443-1 et R. 731-5-2 du code de l’éducation et la circulaire du 14 janvier 2005.

([91]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/bospe-mesri-3-1426038-pdf-17913.pdf

([92]) Le droit prévoit en revanche les modalités de reconnaissance des diplômes et formations délivrées par les EESP, comme développé ci-après.

([93]) Arrêté du 8 mars 2001 relatif aux diplômes délivrés par les établissements d’enseignement technique privés et consulaires reconnus par l’État et circulaire du 18 janvier 2007 publiée au BOESRI spécial du 14 février 2008.

([94]) Arrêté du 8 mars 2001 précité.

([95]) Article 2 de l’arrêté du 8 mars 2001 précité.

([96]) La procédure d’évaluation est détaillée dans ce document : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/BO_SPE_2_MESRI_1383674.pdf

([97]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/21/Hebdo28/ESRS2119841A.htm  

([98]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([99]) Les organismes de formation doivent être titulaires de la certification Qualiopi pour bénéficier de fonds des financeurs mentionnés à l’article L. 6316-1 du code du travail : les opérateurs de compétences, les associations Transitions Pro, l’État, les régions, la Caisse des dépôts et consignations, France Travail et l’Agefiph.

([100]) Définition donnée sur le site internet du ministère du travail.

([101]) Arrêté du 4 janvier 2019 fixant les informations permettant l’enregistrement d’une certification professionnelle ou d’une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux au titre des procédures prévues aux articles L. 6113-5 et L. 6113-6 du code du travail.

([102]) On entend ici par organisme certificateur tout organisme ayant obtenu l’autorisation de délivrer une certification professionnelle via un titre RNCP.

([103]) Voir la troisième partie du présent rapport.

([104]) L’organisme certificateur correspond ici non pas à l’organisme de certification mais à l’organisme en charge d’attribuer la certification Qualiopi. Le terme « organisme certificateur » est donc polysémique dans le code du travail : il peut faire référence soit aux organismes de formation (cf. la procédure d’attribution des titres RNCP), soit aux organismes chargés de la certification Qualiopi.

([105]) La liste précise est communiquée sur le site internet du ministère du travail : https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/acteurs-cadre-et-qualite-de-la-formation-professionnelle/liste-organismes-certificateurs.

([106]) Le label Qualiopi n’est en revanche pas octroyé automatiquement aux établissements dont les formations sont reconnues par la CEFDG. Ceci vient du fait que la CEFDG n’a pas d’existence législative dans le code de l’éducation comme le Hcéres, la CTI et les EESPIG.

([107]) https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/guide_de_lecture_qualiopi_v9_du_8_janvier_2024.pdf

([108]) IGAENR, L’enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l’État, juin 2015, p . 86.

([109]) https://www.Insee.fr/fr/statistiques/4238437?sommaire=4238781#titre-bloc-1

([110]) IGESR, Évaluation de l’expérimentation d’orientation des bacheliers professionnels vers les sections de technicien supérieur mise en place par l’article 40 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, n° 22-23 112A, juin 2023, p .14. La grande majorité des bacheliers professionnels s’engagent en sections de technicien supérieur (STS), cette part augmentant régulièrement. Symétriquement, les poursuites d’études de ces bacheliers au sein des universités diminuent progressivement.

([111]) Avis (n° 1781, tome V, XVIème législature) de M. Hendrick Davi sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2024, novembre 2023 p.46.

([112]) Gabrielle Facka et Élise Huillery, Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace, Note du Conseil d’analyse économique, n° 68, décembre 2021.

([113]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([114]) Les entreprises doivent s’engager à atteindre un seuil de contrats d’alternance ou de contrats favorisant l’insertion professionnelle dans leur effectif au 31 décembre de l’année suivant celle de conclusion du contrat d’apprentissage ou du contrat de professionnalisation (par exemple, une entreprise recrutant un alternant en 2024 devra s’engager à atteindre le seuil requis au 31 décembre 2025).

([115]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([116]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([117]) Données du ministère du travail.

([118]) Données du ministère du travail, disponible au lien suivant : https://poem.travail-emploi.gouv.fr/synthese/contrats-d-apprentissage

([119]) Idem.

([120]) Publication du ministère de l’enseignement supérieur, disponible au lien suivant : https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T260/l_apprentissage_dans_l_enseignement_superieur/  

([121]) Données issues de la contribution écrite adressée aux rapporteures par le ministère du travail.

([122]) Cour des comptes, Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, note thématique, juillet 2023.

([123]) En incluant le secondaire.  

([124]) https://franceuniversites.fr/actualite/un-veritable-outil-de-democratisation-et-delevation-du-niveau-detudes-enquete-inedite-de-la-cpu-sur-lapprentissage-dans-lenseignement-superieur/  

([125]) Contribution écrite adressée aux rapporteures

([126]) Avis (n° 1781, tome V, XVIème législature) de M. Hendrick Davi sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2024, novembre 2023

([127]) Dépêche Aef n° 660428, 25/10/2021 « M-F. Mignot-Mahon (Galileo) : "Nous visons à former un million d’étudiants dans le monde" »

([128]) Dépêche Aef n° 660428, 25/10/2021 « M-F. Mignot-Mahon (Galileo) : « Nous visons à former un million d’étudiants dans le monde ».

([129]) Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

([130]) https://www.lopinion.fr/politique/enseignement-superieur-prive-la-bombe-a-retardement

([131]) Selon un document transmis aux rapporteures par France Urbaine, un établissement privé lucratif est récemment devenu le troisième établissement en effectifs de la communauté urbaine d’Angers Loire Métropole, avec un doublement de ses étudiants entre 2020 et 2023 (de 1 850 à 3 750 étudiants).

([132]) Laurent Batsch, op. cit.

([133]) Laurent Batsch, op. cit.

([134]) Cette possibilité n’est en revanche pas expressément prévu par la loi pour les EESP.

([135]) Voir l’article L. 441-1 du code de l’éducation. Les motifs sont les suivants : intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse ; conditions de capacité et de nationalité de celui qui fait la demande d’ouverture et de celui qui dirigera l’établissement ; défaut de caractère technique (au sens de l’EETP) de l’établissement.

([136]) Audition France Urbaine, Villes de France, Régions de France.

([137]) C’est aussi le cas pour des business schools renommées, notamment consulaires, engagées dans une politique de grands travaux, soutenus par les CCI.

([138]) Laurent Batsch, op.cit.

([139]) Qualité de l’enseignement délivré (reconnaissance des diplômes, recherche, etc.) ; accessibilité sociale (montant des frais d’inscription, taux de boursiers, inclusion des étudiants en situation de handicap, etc.) ; vocation (financière ou d’intérêt général) ; statut d’entreprise locale enracinée ou de groupe financiarisé ; capacité à répondre aux enjeux de développement économique (filières clés), social (insertion professionnelle) ou urbain (implantation dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV).

([140]) La clause générale de compétence est un principe selon lequel une collectivité territoriale dispose d’une capacité d’intervention générale lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : d’une part , il existe un intérêt public local défini par l’autorité locale elle-même, d’autre part, le domaine d’intervention ne relève pas d’une compétence exclusive de l’État ou d’une autre collectivité territoriale. Seules les communes peuvent se prévaloir de ce principe, la clause générale de compétence ayant été supprimée pour les départements et les régions, dont les attributions sont expressément énumérées par la loi.

([141]) Ils peuvent cependant élaborer des schémas d’enseignement supérieur et de recherche et des schémas de développement universitaire départementaux (cf. article L. 214-2 du code de l’éducation).

([142]) Certaines régions ont également mis en place, sans que cela ne soit obligatoire à ce stade, une conférence régionale de la recherche, de l’enseignement supérieur et du transfert de technologie, en vue d’identifier, et d’éviter si possible, les situations désordonnées de concurrence, mais aussi les zones « blanches ».

([143]) L’exemple cité est le SRESRI 2022-2028 de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui fixe l’objectif de « Développer des nouvelles formations supérieures publiques et privées pour répondre aux besoins des secteurs clés ».

([144]) Les communes et les EPCI peuvent contribuer au financement des campus par divers moyens : vente du terrain par la ville à l’euro symbolique, financement du bâtiment, des locaux, aides d’investissement, aides de fonctionnement.

([145]) Audition France Urbaine, Villes de France et Régions de France.

([146]) Laurent Batsch, op.cit.

([147]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([148]) https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/07/10/parcoursup-les-grandes-ecoles-sont-exasperees-de-se-retrouver-en-concurrence-avec-des-officines-qui-vantent-leurs-merites-de-maniere-tres-agressive_6181285_4401467.html  

([149])  Professeur associé à Neoma Business School.

([150]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par Julien Jacqmin.

([151]) Expression initialement utilisée dans le cadre du rapport rendu par le Sénat américain sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif.

([152]) https://etudiant.lefigaro.fr/article/sur-parcoursup-l-essor-des-ecoles-privees-appelle-a-la-vigilance

([153]) Selon un sondage Ipsos de septembre 2022.

([154]) Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, « Le cadrage "enchanté" des choix étudiants dans les salons de l’enseignement supérieur », Formation emploi, 155, Juillet-Septembre 2021.

([155]) Ibidem.

([156]) Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, op. cit.

([157]) Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

([158]) Au sein du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la direction en charge de l’enseignement supérieur est la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

([159]) Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, op. cit.

([160]) Point développé dans la quatrième partie du présent rapport.

([161]) https://www.alternatives-economiques.fr/agnes-van-zanten-un-veritable-marche-de-leducation-train-de/00107915

([162]) Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, op. cit.

([163]) Anne-Claudine Oller, Jessica Pothet et Agnès van Zanten, op. cit.

([164]) Licence, Master, Doctorat.

([165]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([166]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Île-de-France.

([167]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par le recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique d’Île-de-France.

([168]) Voir pour le détail des critères examinés le III de la première partie du présent rapport qui détaille les critères du RNCP.

([169]) Données issues du rapport d’évaluatio, (n° 4922, XVe législature) de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel déposé par la commission des affaires sociales, de Mme Catherine Fabre, M. Gérard Cherpion, M. Sylvain Maillard, M. Joël Aviragnet, Mme Carole Grandjean et Mme Michèle de Vaucouleurs, Assemblée nationale, 19 janvier 2022, et du dernier rapport d’activité de France compétences, publié en juillet 2023.

([170]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par le ministère du travail.

([171]) Voir la première partie du présent rapport.

([172]) France compétences et la « gestion » des titres RNCP, article paru sur le site internet de la SNPEFP-CGT.

([173]) https://www.francecompetences.fr/fiche/votre-futur-diplome-est-il-reconnu-par-letat-2/  

([174]) https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2020/03/Note-sur-la-qualit%C3%A9-de-l-organisme-certificateur.pdf  

([175]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par le réseau des entreprises éducatives pour l’emploi.

([176]) Rapport IGAS-IGESR, La qualité de la formation professionnelle, juin 2023.

([177]) Rapport d’information du Sénat n° 741 (2021-2022), France compétences face à une crise de croissance, Mmes Frédérique Puissat, Corine Féret, M. Martin Lévrier, au nom de la commission des affaires sociales, juin 2022.

([178]) Cour des comptes, La formation en alternance, une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

([179])  Cour des comptes, La formation en alternance, une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

([180]) « L’enseignement supérieur, un bien de consommation comme un autre ? », L’Étudiant - Educpros (letudiant.fr), 25 août 2023. Dans sa contribution écrite, l’Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) considère que « la formation ne doit pas être un bien de consommation ».

([181]) Le « retour sur investissement » des frais de scolarité s’apprécie au regard du niveau de rémunération perçu à l’issue des études accomplies, compte tenu de l’investissement financier consenti initialement pour « s’offrir » lesdites études. Ce sujet, commun à l’ensemble de l’enseignement supérieur payant, fait l’objet de travaux d’économistes (Julien Jacqmin par exemple).

([182]) Article L.471-3 du code de l’éducation : « Toute publicité doit faire l’objet d’’un dépôt préalable auprès du recteur d’académie. La publicité ne doit rien comporter de nature à induire les candidats en erreur sur la culture et les connaissances de base indispensables, la nature des études, leur durée moyenne, les diplômes et les emplois auxquels elles préparent ».

([183]) Si la mission d’information s’est centrée sur les compétences du ministère chargé de l’enseignement supérieur, certains champs de formation sont partagés avec d’autres départements ministériels (ministère de la culture, de l’agriculture, etc).

([184]) On notait dans le rapport de l’IGAENR de 2015 précité, p. 99, l’observation suivante à propos de l’enquête de la DGCCRF de 2013 sur un échantillon d’établissements d’enseignement supérieur privé : « Il serait par ailleurs nécessaire que les différents services de l’État se coordonnent davantage dans les enquêtes et contrôles qu’ils peuvent être amenés à réaliser sur ces établissements ; ainsi, la mission s’est étonnée que le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ait jamais été informé des résultats de l’enquête réalisée par la DGCCRF, alors même que les résultats de cette enquête intéressaient directement l’enseignement supérieur et auraient dû être communiqués à chaque recteur. »

([185]) Rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur 2012, p.  17 : « les services [de l’État] ne disposent manifestement pas des moyens humains et matériels qui permettraient d’exercer de façon effective la mission de contrôle et de surveillance. »

([186]) La médiation de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur est composée d’un service de médiation au niveau de l’administration centrale et de médiateurs académiques.

([187]) Rapport annuel de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur 2022, p.  48.

([188]) A contrario, les litiges concernant les prestataires publics de l’enseignement supérieur ne sont pas considérés comme des litiges de consommation (article L. 611-4 du code de la consommation).

([189]) Assurance, tourisme et voyage, thermalisme, notariat, professions funéraires, etc.

([190]) https://www.economie.gouv.fr/mediation-conso/liste-des-mediateurs-references.

([191]) Article L. 612-1 du code de la consommation.

([192]) Article R. 616-1 du code de la consommation : « En application de l’article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l’absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs ». Ces obligations figurent au nombre des obligations générales d’information pré-contractuelles définies dans le code de la consommation (articles L. 111-1 et R. 111-1).

([193]) Rapport annuel de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur 2022, p.  57.

([194]) Article L. 6222-39 du code du travail : « Dans les entreprises ressortissant des chambres consulaires, un médiateur désigné par celles-ci peut être sollicité par les parties pour résoudre les différends entre les employeurs et les apprentis ou leur famille, au sujet de l’exécution ou de la rupture du contrat d’apprentissage. »

([195])  Article L. 731-14 du code de l’éducation : « [… ] Les certificats d’études qu’on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat. Le fait, pour le responsable d’un établissement de donner à celui-ci le titre d’université ou de faire décerner des certificats portant le titre de baccalauréat, de licence ou de doctorat, est puni de 30 000 euros d’amendes. Est puni de la même peine le responsable d’un établissement qui décerne des diplômes portant le nom de master, ou qui décerne des diplômes en référence au grade de master sans avoir été accrédité ou autorisé par l’État, dans l’un ou l’autre cas. »

([196]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([197]) Article L. 212-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

([198]) Article R. 212-1 du code de la consommation. Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre.

([199]) Article R. 212-2 du code de la consommation.

([200]) Lorsque des étudiants comprennent tardivement que le mastère poursuivi n’est pas un diplôme national de master par exemple.

([201]) Article L. 444-8 du code de l’éducation.

([202]) https://www.courdecassation.fr/decision/65b9f07b8452800008b2b339  

([203]) Cellule investigation de Radio France, « Formation en alternance : des milliers d’alternants victimes de l’"arnaque" aux frais d’inscription », 24 novembre 2023, https://www.radiofrance.fr/franceinter/formation-en-alternance-des-milliers-d-alternants-victimes-de-l-arnaque-aux-frais-d-inscription-2703967.

([204]) Les écoles mentionnées dans l’enquête appartiennent aux groupes Galileo et Omnes ; PPA Business School est également citée. Le groupe Galileo évoque des « frais de concours, qui ne dépassent pas 80 euros ».

([205]) « La Fnadir ne possède aucun élément qui tendrait à démontrer ces pratiques et en évaluer le nombre », contribution écrite de la Fnadir.

([206]) Cellule investigation de Radio France, « Formation en alternance : des milliers d’alternants victimes de l’"arnaque" aux frais d’inscription », 24 novembre 2023.

([207]) Contribution écrite de la Fnadir adressée aux rapporteures

([208]) Cellule investigation de Radio France, « Formation en alternance : des milliers d’alternants victimes de l’"arnaque" aux frais d’inscription », 24 novembre 2023.

([209]) « Les pratiques abusives de certaines écoles de commerce en matière d’apprentissage », Le Monde Campus, 23 novembre 2023.

([210]) Anaf, Propositions pour l’apprentissage, 2022 – 2023, p. 12.

([211]) La mission d’information a identifié la fermeture d’une dizaine d’écoles.

([212])  https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/il-a-pris-notre-argent-et-celui-de-nos-parents-et-il-nous-lache-au-pire-moment-une-prepa-privee-d-architecture-laisse-ses-etudiants-sur-le-carreau-2905469.htmlhttps://www.capital.fr/economie-politique/paris-une-prepa-payante-ferme-ses-portes-65-etudiants-laisses-sur-le-carreau-1490606; https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/yvelines/temoignage-on-savait-que-l-ecole-n-allait-pas-tenir-une-ecole-de-management-post-bac-ferme-ses-portes-du-jour-au-lendemain-2923965.html

([213]) « Après les magasins, des écoles post-bac de Michel Ohayon contraintes de fermer », Challenges, 26 février 2023, au sujet de la fermeture des écoles de la Campus Academy.

([214]) « Les mystérieuses fermetures de deux prépas privées », Le Monde, 6 février 2024.

([215]) Contribution écrite adressée aux rapporteures par la région académique Bretagne. 

([216]) France 2030 – Plan d’investissement, p. 11, https://www.economie.gouv.fr/files/files/2021/France-2030.pdf

([217]) Rapport d’information du Sénat n° 742 (2020-2021), Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d’avenir pour l’État et les collectivités, M. Laurent Lafon, au nom de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante, juillet 2021.

([218]) Banque Populaire, Caisse d'Épargne et Natixis.

([219]) https://www.20minutes.fr/economie/4066338-20231211-cause-inflation-etudiants-sortent-plus-prets  

([220]) Rapport annuel de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, 2022.

([221]) Pour mémoire, une amende de 30 000 euros est prévue à l’article L. 731-14 du code de l’éducation.

([222]) https://www.gouvernement.fr/actualite/programme-avenirs-un-projet-majeur-pour-faire-evoluer-l-accompagnement-a-l-orientation-des-jeunes-et

([223]) Cour des comptes, L’office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP), mars 2024. 

([224]) https://www.parcoursprive.fr/

([225]) Sixième rapport annuel au Parlement du comité éthique et scientifique de Parcoursup, mars 2024 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2024-03/rapport-cesp-2023-pdf-32001.pdf

([226]) La terminologie « hors contrat » est celle utilisée dans le rapport du comité d’éthique de Parcoursup. Elle correspond aux établissements qui ne sont ni des EESPIG ni des associations sous contrat.

([227]) Sixième rapport annuel au Parlement du comité éthique et scientifique de Parcoursup, mars 2024. 

([228]) Vadémécum de France compétences : https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2022/11/Vademecum-RNCP-VF.pdf

([229]) Idem.

([230]) Le taux d’emploi « attendu » correspond au taux d’emploi moyen des élèves accueillis dans des établissements comparables en termes de profil des élèves, de formations dispensées et domiciliés dans une zone d’emploi au taux de chômage comparable.

([231]) Système d’information sur la formation des apprentis.

([232]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([233]) Depuis janvier 2019, les régions, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, ont compétence pour participer également à l’accompagnement à l’orientation en organisant l’information sur les métiers et les formations. Elles sont amenées à intervenir notamment dans les établissements scolaires en concertation avec les équipes pédagogiques.

([234]) https://eduscol.education.fr/document/3166/download  

([235]) Rapport d’information du Sénat n° 793 (2022-2023) sur la procédure Parcoursup, M. Jacques Grosperrin, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, juin 2023.

([236]) Comité éthique et scientifique de Parcoursup, sixième rapport annuel au Parlement, 2024.

([237]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([238]) La qualité scientifique et la qualité académique ne sont pas mentionnées, étant donné que les titres RNCP ne sont pas des diplômes académiques adossés à la recherche.

([239]) IGAS IGESR, La qualité de la formation professionnelle, juin 2023.

([240]) Voir les développements à ce sujet dans la troisième partie du présent rapport.

([241]) Voir la première partie du présent rapport.

([242]) « Tel qu’il est mis en œuvre actuellement, le dispositif des jurys rectoraux est insatisfaisant et ne répond pas aux exigences d’une évaluation externe indépendante et périodique, qui devrait pourtant fonder toute décision d’accréditation. »

 

([243]) Extrait de la note précitée sur la régulation du secteur privé de l’enseignement supérieur du Hcéres.

([244]) Contribution écrite adressée aux rapporteures.

([245])  Parmi lesquelles : Kedge, Essec, Skema, HEC, ESCP Europe, Neoma BS, Audencia BS, Toulouse BS, Grenoble École de Management.

([246])  Données CCI France.

([247])  https://ad-education.com/

([248])  Eduservices, les entrepreneurs de l’éducation (groupe-eduservices.fr).

([249])  https://www.isg.fr/ecole/ionis-education-group/

([250])  Une école de management membre de la CGE - Institut supérieur de gestion (ISG) - est restée sous statut associatif.

([251])  ISG, ISG Sport business, ISG Luxury, ISG RH.

([252])  https://green-management-school.fr/mediaschool

([253])  CB NewsStratégiesPub - à hauteur de 66 % -, Loopsider -8%-, le Journal du Luxe

https://green-management-school.fr/mediaschool

([254])  Le site affiche 15 000 sur 40 000, https://www.omneseducation.com/

([255])  Contribution écrite transmise aux rapporteures.

([256])  École supérieure du commerce extérieur.

([257])  Contribution écrite transmise aux rapporteures.

([258]) La liste du MESR, sur https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/EESPIG_liste_etablissements_15_mai_2017_765090.pdf, date de 2021 et n’est plus à jour.

Le site de la FESIC dispose d’une liste plus à jour (2022) mais moins détaillée : https://www.fesic.org/wp-content/uploads/2022/01/Liste-EESPIG-2022.pdf

([259]) https://www.entreprises.gouv.fr/fr/commerce-et-artisanat/acteurs/etablissements-d-enseignement-superieur-consulaires

([260]) Sur le fondement de l’article L. 443-2 du code de l’éducation.

([261]) Arrêté du 19-7-2023. La liste a été publiée au BO MESR n° 31 du 24/8/2023 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/annexe-liste-des-tablissements-d-enseignement-sup-rieur-technique-priv-s-et-consulaires-autoris-s-d-livrer-un-dipl-me-vis-par-le-ministre-charg-de-l-e-28923.pdf

([262]) Pour la rentrée 2024, voir l’arrêté du 12 février 2024, Bulletin officiel n° 10 du 7 mars 2024, « Liste des écoles autorisées à délivrer un diplôme conférant le grade de licence à leurs titulaires | enseignementsup-recherche.gouv.fr » https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo10/ESRS2403235A

([263]) https://www.cefdg.fr/fr/ecoles-et-formations-visees Le site est présenté comme « Le site de tous les acteurs intéressés par les formations des écoles de commerce et de gestion visées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ».

([264]) https://www.cti-commission.fr/?s=arr%C3%AAt%C3%A9

([265]) Article D. 643-5 du code de l’éducation. « Le brevet de technicien supérieur est préparé : 1° Par la voie scolaire, dans les lycées ainsi que dans les écoles d'enseignement technique privées mentionnées aux articles L. 443-2 et R. 443-1 du présent code […] ».

([266]) Alors qu’auparavant, la reconnaissance d’un établissement privé par l’État se faisait indépendamment et préalablement à la demande de délivrance du visa pour un diplôme, le ministère chargé de l'enseignement supérieur, depuis trois ans, a changé de doctrine en incitant les écoles à coupler les deux procédures, le concours utile au service public de l’enseignement supérieur par un établissement privé étant apporté par le diplôme visé (cf. procédure d'évaluation des formations en vue de l'autorisation à délivrer un diplôme visé et/ou de conférer un grade (de licence ou de master), Bulletin officiel MESRI spécial n° 3 du 21 avril 2022, p. 72, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/bospe-mesri-3-1426038-pdf-17913.pdf)