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N° 2460

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-7, alinéa 1, du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

sur
la mise en application de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à
la protection des enfants,

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

Mme Michèle PEYRON et M. Serge MULLER,

 

Députés.

 

——

 


 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

État d’application de la loi du 7 fÉvrier 2022

TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   Avant-propos

● Promulguée il y a un peu plus de deux ans, la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a consolidé et renforcé l’édifice législatif relatif à la protection de l’enfance. À l’instar des dernières grandes lois sur ce sujet, elle poursuivait l’objectif de garantir toujours mieux l’intérêt supérieur de l’enfant.

La richesse des sujets que recouvre cette loi et l’ampleur des changements qu’elle a introduits rendent aujourd’hui incontournable l’examen de sa mise en application, conformément à l’article 145‑7 du Règlement de l’Assemblée nationale. Ce travail est d’autant plus important que cette loi s’est inscrite dans la lignée de plusieurs missions de parlementaires ([1]), dont les conclusions ont permis d’enrichir significativement le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le rapporteur Serge Muller regrette cependant la suppression de la création d’un droit de visite des parlementaires au sein des établissements de l’aide sociale à l’enfance, lors des débats parlementaires ([2]). Cette proposition phare du groupe Rassemblement National aurait permis une avancée supplémentaire dans l’objectif de protection de l’enfance.

● Les quarante‑deux articles de la loi du 7 février 2022 comportent d’importantes avancées sur un nombre varié de sujets. Un nombre significatif de dispositions appelaient pour leur mise en œuvre pleine et entière, un important travail réglementaire, nécessitant une concertation étroite des acteurs locaux – en premier lieu les départements et les associations. Il était par ailleurs nécessaire de consulter différents organismes et agences, à l’instar du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), du Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN) ou de la Haute Autorité de santé (HAS). Ce travail de coconstruction explique en partie, le délai de publication de certains décrets.

Plusieurs dispositions, ne nécessitant pas de mesures réglementaires d’application, ont été immédiatement effectives. Il s’agit notamment des dispositions relatives à l’organisation de la justice ou à l’office du juge en matière d’assistance éducative prévues à l’article 26, qui prévoit l’audition systématique du mineur capable de discernement par le juge et la désignation d’office, ou à la demande de l’aide sociale à l’enfance (ASE), d’un avocat pour l’enfant capable de discernement lorsque son intérêt l’exige.

Les mesures relatives à la rémunération des assistants familiaux, prévues à l’article 28 ont été mises en œuvre relativement rapidement. Le décret n° 2022‑1209 du 31 août 2022 ([3]) a détaillé les nouvelles modalités de détermination de la rémunération, qui se sont appliquées dès le 1er septembre 2022.

La procédure de traitement des informations préoccupantes (IP), prévue à l’article 24, a également été effective fin 2022, avec les décrets n° 20221697 du 29 décembre 2022 ([4]) et n° 2022-1728 du 30 décembre 2022 ([5]) portant respectivement sur l’information des personnes ayant signalé une information préoccupante et approuvant le référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant.

S’agissant des dispositions relatives à la gouvernance, la refonte des instances existantes au sein d’un nouveau groupement d’intérêt public (GIP), prévue à l’article 36, est pleinement effective depuis le 1er janvier 2023. La convention constitutive du GIP « France enfance protégée » a été approuvée par arrêté du 10 décembre 2022 ([6]). Un décret n° 2022-1729 du 30 décembre 2022 ([7]) a par ailleurs redéfini les missions du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) ainsi que la composition de ses cinq collèges. En ce qui concerne l’échelon départemental, l’article 37 avait prévu la mise en place, à titre expérimental et dans les départements volontaires, d’un comité départemental pour la protection de l’enfance (CDPE). Le décret n° 2022-1730 du 30 décembre 2022 est venu préciser la composition de ce CDPE et déterminer ses modalités de réunion et d’organisation, ainsi que son articulation avec l’observatoire départemental de la protection de l’enfance (ODPE). La liste des dix départementaux volontaires a également été précisée : Bouches‑du‑Rhône, Cher, Drôme, Eure-et-Loir, Loiret, Maine-et-Loire, Nord, Pas‑de‑Calais, Pyrénées-Atlantiques et Somme a été fixée par un décret du 29 mars 2023 ([8]).

Plusieurs mesures phares du texte sont entrées en vigueur plusieurs mois après la promulgation de la loi, les textes réglementaires d’application ayant tardé à être publiés. Il s’agit notamment de l’article 1er, qui prévoit, en cas d’accueil d’un enfant protégé chez un membre de la famille ou un tiers digne de confiance, l’information et l’accompagnement par un référent du service de l’aide sociale à l’enfance ou un organisme public ou privé habilité dans des conditions définies par décret en Conseil d’État (décret n° 2023-826 du 28 août 2023 ([9])), de l’article 14, qui prévoit la possibilité pour le juge de proposer aux parents une mesure d’assistance éducative (décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 ([10])), de l’article 17, qui permet au mineur accueilli par l’ASE de désigner une personne majeure de confiance afin de l’accompagner dans ses démarches administratives (décret n° 2023‑826 du 28 août 2023 ([11])) ou encore de la possibilité pour le juge des enfants de renvoyer un cas complexe à une formation collégiale en assistance éducative (article 25 et décret n° 2023‑914 du 2 octobre 2023 ([12])).

Deux mesures phares du texte ont fait l’objet d’une application particulièrement tardive. Il s’agit d’abord de l’article 7, qui a posé le principe de l’interdiction de l’hébergement en hôtel des enfants pris en charge au titre de l’ASE, sauf exceptions. Le décret n° 2024‑119 du 16 février 2024 ([13]), très attendu, a permis de définir les conditions dans lesquels il reste possible à titre exceptionnel, de les accueillir au sein de structures « jeunesse et sport ». Cet accueil n’est désormais possible pour les jeunes âgés de 16 à 21 ans, qu’en cas d’urgence et pour une durée de deux mois maximum, dans des conditions « adaptées à leur âge et répondant à leurs besoins fondamentaux ». Les établissements devront répondre à des critères d’habilitation définis par les départements. Enfin, le décret prévoit que l’accueil exceptionnel des jeunes dans ce type de structure est soumis à une « surveillance de nuit comme de jour [...] par des professionnels formés à cet effet ». À cet égard, le co-rapporteur Serge Muller déplore l’imprécision du décret quant au champ des exceptions autorisées au titre de l’urgence et vos rapporteurs tiennent à souligner que les dérogations prévues par ce décret limitent la portée de l’interdiction de principe introduite par la loi. En outre, sa publication tardive a conduit à ce que des jeunes ne relevant d’aucune de ces dérogations continuent d’être accueillis dans de tels établissements pendant plus de deux ans à compter de l’adoption de la mesure.

Il s’agit en outre des dispositions prévues à l’article 9, portant sur le mentorat et le parrainage des enfants faisant l’objet d’une mesure de protection. Les décrets n° 2024-117 ([14]) et n° 2024-118 ([15]) du 16 février 2024 ont ainsi prévu qu’une évaluation préalable à toute décision de mentorat ou de parrainage est réalisée pour s’assurer de l’adéquation de ces dispositifs aux besoins et à l’intérêt du jeune accompagné. Ils garantissent pour le mentorat, l’information du titulaire de l’autorité parentale et du mineur ainsi que l’avis et l’adhésion de ce dernier. Pour le parrainage, le recueil de l’accord du titulaire de l’autorité parentale et du jeune sont également nécessaires. Ces décrets précisent par ailleurs les missions et les rôles respectifs du conseil départemental et de l’association chargée de la mise en œuvre de l’action de mentorat et du parrainage, notamment les modalités d’habilitation de celle-ci et de contrôle des parrains.

Enfin, en application de l’article 22 du projet de loi, le décret n° 2024‑166 du 29 février 2024 ([16]) est venu préciser le contenu minimal des projets d’établissements ou de services des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Il prévoit que ce projet d’établissement, qui concerne l’ensemble des ESMS et non spécifiquement les établissements ou services mettant en œuvre des mesures de prévention ou d’aide sociale à l’enfance, comprend notamment les modalités de coordination et de coopération avec d’autres personnes physiques ou morales concourant aux missions exercées, une démarche interne de prévention et de lutte contre la maltraitance, les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service et les critères d’évaluation et de qualité.

● Trois dispositions n’ont, à ce jour, pas encore fait l’objet d’une mise en œuvre réglementaire. Il s’agit des dispositions relatives à la réforme de la protection maternelle et infantile, prévues à l’article 32 et à l’article 34, et à la mise en œuvre, en application de l’article 36, d’une base nationale recensant les demandes, agréments, retraits et refus d’agrément en vue d’une adoption.

L’article 32 prévoit l’instauration d’objectifs nationaux de santé publique (ONSP) visant à garantir un niveau minimal de réponse aux besoins de la population sur chaque territoire en remplacement des normes datant de 1992, régissant l’activité des services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI) pour le suivi périnatal et suivi en prévention des enfants de 0 à 6 ans ainsi que l’activité des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF), désormais dénommés centres de santé sexuelle. Alors que l’article 32 précise que la fixation de ces objectifs nationaux et des normes minimales d’effectifs relève d’un décret en Conseil d’État pour une entrée en vigueur au 31 décembre 2022 au plus tard, ce décret n’a pas encore été publié. Interrogé sur ce point, le cabinet de la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles a indiqué que la concertation avec Départements de France sur ce projet de décret ainsi que les consultations obligatoires et, partant, la publication de ce décret, ont été reportées à l’issue des travaux des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. Les normes d’activité et d’effectifs régissant l’activité des services de protection maternelle et infantile et des centres de santé sexuelle figurant dans le code de la santé publique restent donc en vigueur dans l’attente du décret.

L’arrêté fixant la liste des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement pouvant être prescrits par un infirmier puériculteur prévue par l’article 34 est encore en cours d’élaboration, sans qu’une échéance précise ait pu être communiquée à vos rapporteurs par le cabinet de la ministre déléguée.

Le rapport prévu à l’article 35 sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmiers et infirmières puéricultrices dans les services départementaux de protection maternelle et infantile parmi les actes pris en charge par l’assurance maladie n’a pas non plus été rendu. Il sera rédigé à l’issue des Assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie.

Les travaux relatifs à la mise en œuvre d’une base nationale d’agréments prévue par l’article 36 ont débuté le 24 janvier 2024 par une réunion visant à présenter aux conseils départementaux les objectifs de cette base ainsi que le calendrier de déploiement dans les départements. Dans cette perspective, deux groupes de travail ont été constitués par l’Agence française de l’adoption (service du GIP « France enfance protégée »), composés chacun d’une quinzaine de départements. Ils ont pour mission de déterminer au cours du premier semestre 2024, le cahier des charges du nouveau système d’information, en vue de la conception de la base de données au second semestre 2024 et d’un déploiement complet en 2025. Parallèlement, les travaux réglementaires nécessitant l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et du Conseil d’État sont prévus simultanément à cette conduite de projet, afin de publier le décret d’application fin 2024.

Vos rapporteurs regrettent l’absence de mise en œuvre de ces dispositions plus de deux ans après la promulgation de la loi. Ils invitent le Gouvernement à veiller à ce que leur application intervienne dans les meilleurs délais.

 


   État d’application de la loi du 7 fÉvrier 2022

Mise en application de la loi n° 2022-140 du 7 fÉvrier 2022 relative à la protection des enfants

Article

Objet du dispositif

Textes publiés

Textes en attente

Commentaire

1er

Accueil privilégié de l'enfant chez un proche en cas d'assistance éducative

Décret n° 2023-826 du 28 août 2023 relatif aux modalités d'accompagnement du tiers digne de confiance, de l'accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur

 

 

2

Versement de l'allocation de rentrée scolaire au membre de la famille de l'enfant qui en assume la charge

 

 

Disposition d'application directe

3

Possibilité pour le juge d'autoriser la personne gardienne de l'enfant à exercer des actes relevant de l'autorité parentale

 

 

Disposition d'application directe

4

Suppression, en cas de décès d'un parent ou de retrait de l'autorité parentale, de l'automaticité du report de l'autorité parentale vers le seconde parent lorsque lui-même en a été privé

 

 

Disposition d'application directe

5

Principe de non-séparation des fratries

 

 

Disposition d'application directe

6

Assouplissement des conditions de la mise en place d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial (MJAGBF)

 

 

Disposition d'application directe

7

Interdiction de l'accueil hôtelier pour les enfants et les jeunes majeurs accueillis au titre de la protection de l'enfance

Décret n° 2024-119 du 16 février 2024 relatif aux conditions d'accueil des mineurs et jeunes majeurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance hébergés à titre dérogatoire dans des structures d'hébergement dites jeunesse et sport ou relevant du régime de la déclaration

 

 

8

Généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens en protection de l'enfance

 

 

Disposition d'application directe

9

Proposition systématique d'un parrainage et d'un mentorat aux enfants pris en charge par l'ASE

Décret n° 2024-117 du 16 février 2024 relatif aux modalités de mise en œuvre du mentorat pour les enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance

Décret  n°2024-118 du 16 février 2024 relatif aux modalités de mise en œuvre du parrainage pour les enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance

 

 

10

Accompagnement des jeunes majeurs confiés à l'ASE avant leur majorité par les départements en vue de préparer leur autonomie

 

 

Disposition d'application directe

11

Le projet pour l'enfant doit formaliser une coordination de parcours de soin pour les enfants ESH

 

 

Disposition d'application directe

12

Intégration d'un bilan pédiatrique, psychique et social de l'enfant au rapport de situation de l'enfant transmis au juge dans le cadre d'un suivi en assistance éducative

 

 

Disposition d'application directe

13

Possibilité pour le juge d'ordonner des mesures d'AEMO renforcées ou intensives

 

 

Disposition d'application directe

14

Possibilité pour le juge des enfants (à l'instar du juge aux affaires familiales) de proposer aux parents une mesure de médiation.

Décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d'assistance éducative

 

 

15

Les mineurs émancipés ou les jeunes majeurs de l'ASE sont considérés comme un public prioritaire au titre des aides au logement

 

 

Disposition d'application directe

16

Information des MNA lors de l'entretien réalisé un an avant leur majorité de la possibilité de bénéficier d'un accompagnement par l'ASE pour l'obtention d'une carte de séjour ou pour le dépôt d'une demande d'asile

 

 

Disposition d'application directe

17

Possibilité pour le mineur de désigner une personne de confiance pour l'accompagner dans ses démarches en vue de préparer son autonomie.

Décret n° 2023-826 du 28 août 2023 relatif aux modalités d'accompagnement du tiers digne de confiance, de l'accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur

 

 

18

Possibilité pour le mineur de désigner une personne de confiance pour l'accompagner dans ses démarches en vue de préparer son autonomie.

 

 

Disposition d'application directe

19

Ajout aux missions de l'ASE d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs qui se livrent à la prostitution

 

 

Disposition d'application directe

20

Renforcement du dispositif des incapacités à intervenir auprès d'enfants en cas d'antécédents judiciaires, notamment lorsque le professionnel ou le bénévole est auteur d'infractions sexuelles ou violentes

 

 

Disposition d'application directe

21

Élargissement de l'impossibilité d'obtenir un agrément à l'exercice du métier d'assistant familial en cas de condamnations pénales incompatibles

 

 

Disposition d'application directe

22

Stratégie de prévention des maltraitances institutionnelles dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS)

Décret n° 2024-166 du 29 février 2024 relatif au projet d'établissement ou de service des établissements et services sociaux et médico-sociaux

 

 

23

Définition de la maltraitance

 

 

Disposition d'application directe

24

Traitement des informations préoccupantes

 

Décret n° 2022-1728 du 30 décembre 2022 relatif au référentiel national d'évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant

Décret n° 2022-1697 du 29 décembre 2022 relatif à l'information des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 226-5 du code de l'action sociale et des familles

 

25

Possibilité de jugement collégial en assistance éducative

Décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d'assistance éducative

 

 

26

 Obligation d'un entretien individuel de l'enfant capable de discernement avec le juge des enfants lors de son audience ou de son audition et possibilité pour le juge des enfants de désigner un avocat pour l'enfant capable de discernement, ou un administrateur ad hoc pour l'enfant non capable de discernement

Décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d'assistance éducative

 

 

27

Obligation pour l'ASE d'informer le juge et de justifier le changement de lieu d'accueil de l'enfant, notamment en cas de séparation de la fratrie

 

 

Disposition d'application directe

28

Rôle et rémunération des assistants familiaux

Décret n° 2022-1198 du 31 août 2022 relatif à la rémunération des assistants familiaux et à certaines indemnités

 

 

29

Possibilité d'accorder un repos mensuel aux assistants familiaux

 

 

Disposition d'application directe

30

Délivrance des agréments pour l'exercice de la profession d'assistant familial

 

 

Cette mesure nécessite préalablement la mise en place d'une base nationale sur les agréments, qui doit encore être constituée. La disposition devrait être intégrée dans le texte créant la base nationale des agréments des assistants familiaux et maternels. L’entrée en vigueur est prévue pour la fin de l’année 2024.

31

Possibilité pour un assistant familial de travailler au-delà de l'âge limite de départ à la retraite

 

 

Disposition d'application directe

32

Réforme de la protection maternelle et infantile (PMI)

Décret n° 2022-716 du 27 avril 2022 relatif aux priorités pluriannuelles d'action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile

Attente du/des décret(s) fixant les normes minimales d'effectifs devant être respectées lors de l'organisation des activités mentionnées aux articles L. 2112-2 et L. 2112-3 du code de la santé publique, et visant à garantir un niveau minimal de réponse aux besoins sanitaires et sociaux de la population et les objectifs nationaux de santé publique devant être respectés lors de l'organisation des activités mentionnées aux articles L. 2112-2 et L. 2112-3 du code de la santé publique, et visant à garantir un niveau minimal de réponse aux besoins sanitaires et sociaux de la population

 

33

Expérimentation, dans les départements volontaires, de maisons d'enfants et de la familles

Arrêté du 1er juin 2023 relatif à l'expérimentation nationale « Maison de l'Enfant et de la Famille»

 

 

34

Diverses mesures relatives à la protection maternelle et infantile

 

 

En attente de la publication de l'arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixant la liste des dispositifs médicaux de soutien à l'allaitement pouvant être prescrits par l'informier ou l'infirmière titulaire du diplôme d'Etat de puéricultrice.

35

Rapport sur la prise en charge par l'assurance maladie des actes et examens effectués par les infimières puéricultrices dans les services de PMI

 

 

Rapport non rendu

36

Regroupement des instances nationales de protection de l'enfance

Décret n° 2022-1729 du 30 décembre 2022 relatif au Conseil national de la protection de l'enfance

Attente de la publication du décret relatif aux modalités d’application de l'article L. 225-15-1 du code de l'action sociale et des familles, relatif à la mise en oeuvre d'une base nationale recensant les demandes, agréments, retraits et refus d'agréments en vue de l'adoption.

 

37

Expérimentation dans les départements volontaires de comités départementaux de protection de l'enfance

Décret n° 2022-1730 du 30 décembre 2022 relatif à l'expérimentation du comité départemental pour la protection de l'enfance

Décret n° 2023-207 du 28 mars 2023 fixant la liste des départements participant à l'expérimentation de la mise en place d'un comité départemental pour la protection de l'enfance

 

 

38

Modification de la clé de répartition des mineurs non accompagnés (MNA) entre les départements

 

 

Disposition d'application directe

39

Interdiction de réévaluer la minorité et l'isolement des MNA par les départements

 

 

Disposition d'application directe

40

Création d'un accueil provisoire d'urgence spécifique aux MNA et d'un temps de répit avant de procéder aux investigations relatives à leur situation et à l'évaluation de la minorité et de l'isolement

Décret n° 2023-1240 du 22/12/2023 modifiant les modalités de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille et les modalités de versement de la contribution forfaitaire de l'Etat aux dépenses engagées par les départements pour l'évaluation de ces personnes

 

 

41

Facilitation des conditions d'accès au séjour des MNA confiés à des tiers dignes de confiance

 

 

Disposition d'application directe

42

Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relatives à l'adaptation de la loi en OM

 

 

Ordonnances non publiées

 

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 10 avril 2024 ([17]), la commission examine le rapport d’application de la loi n° 2022140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants (Mme Michèle Peyron et M. Serge Muller, rapporteurs).

M. Serge Muller, rapporteur. Trois décrets d’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », ont été publiés au Journal officiel du 19 février 2024, plus de deux ans après la promulgation du texte.

Les deux premiers décrets, n° 2024-117 et n° 2024-118 du 16 février 2024, précisent les modalités de mise en œuvre du mentorat ainsi que le dispositif de parrainage au profit des mineurs et des majeurs de moins de 21 ans, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Le troisième texte, le décret n° 2024-119 du 16 février 2024, précise les dérogations à l’interdiction d’hébergement à l’hôtel des personnes mineures ou âgées de moins de 21 ans, prises en charge au titre de l’ASE, créée par l’article 7 de la loi.

La publication tardive et relativement récente de ces décrets démontre bien l’intérêt de réaliser un rapport d’application des lois votées par le Parlement. L’importance des sujets que recouvre cette loi rend incontournable l’examen de sa mise en application.

Conformément à l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, ce travail est d’autant plus important que cette loi s’est inscrite dans la lignée de plusieurs missions parlementaires : le rapport de la mission d’information sur l’ASE, publié le 3 juillet 2019, et celui de ma collègue Peyron Pour sauver la PMI, agissons maintenant de mars 2019, qui a été remis au Gouvernement en juin 2019.

Ces travaux ont permis d’enrichir significativement le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale et au Sénat. Fort heureusement, la majorité des quarante-deux articles que compte la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, est entrée en vigueur, notamment parce que la plupart des mesures étaient d’application directe.

Pour autant, nous sommes contraints de déplorer, à l’occasion de ce rapport d’application de la loi, que la publication des décrets d’application nécessaires à l’entrée en vigueur de certains articles pourtant importants a beaucoup tardé. Ainsi, les mesures relatives à la petite enfance ne sont, pour l’essentiel, toujours pas en vigueur.

Nous résumerons donc ici, en premier lieu, les avancées permises par la loi et qui sont entrées en vigueur, avant d’évoquer celles entrées en vigueur tardivement. Nous détaillerons enfin les mesures qui ne sont pas entrées en vigueur, au sujet desquelles nous devons collectivement rester attentifs dans la perspective d’un prochain rapport d’évaluation de la loi, que nous appelons de nos vœux.

Plusieurs dispositions ne nécessitant pas de mesures réglementaires d’application ont été rapidement effectives. Il s’agit, notamment, des dispositions relatives à l’organisation de la justice ou à l’office du juge en matière d’assistance éducative, définies à l’article 26. Ce texte prévoit l’audition systématique du mineur capable de discernement par le juge, et la désignation d’office ou à la demande de l’ASE, d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, lorsque son intérêt l’exige.

Les mesures relatives à la rémunération des assistants familiaux, prévues à l’article 28, ont été mises en œuvre rapidement. Le décret n° 2022-1209 du 31 août 2022 a détaillé les nouvelles modalités de détermination de la rémunération, qui se sont appliquées dès le 1er septembre 2022.

La procédure de traitement des informations préoccupantes prévue à l’article 24, a également été effective fin 2022, avec le décret n° 2022-1697 du 29 décembre 2022 et le décret n° 2022-1698 du 30 décembre 2022, portant respectivement sur l’information des personnes ayant signalé une information préoccupante, et approuvant le référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant.

S’agissant des dispositions relatives à la gouvernance, la refonte des instances existantes au sein d’un groupement d’intérêt public (GIP) prévue à l’article 36, est pleinement effective depuis le 1er janvier 2023. La convention constitutive du GIP France enfance protégée a été approuvée par l’arrêté du 10 décembre 2022.

Le décret n° 2022-1729 du 30 décembre 2022, a par ailleurs redéfini les missions du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), ainsi que la composition de ses cinq collèges.

En ce qui concerne l’échelon départemental, l’article 37 avait prévu la mise en place, à titre expérimental et dans les départements volontaires, d’un comité départemental pour la protection de l’enfance (CDPE). Le décret n° 2022-1730 du 30 décembre 2022 est venu préciser la composition du CDPE et déterminer ses modalités de réunion et d’organisation ainsi que son articulation avec l’observatoire départemental de la protection de l’enfance. La liste des dix départements volontaires, que nous saluons, a également été précisée par un décret du 29 mars 2023. Ces départements sont les Bouches-du-Rhône, le Cher, la Drôme, l’Eure‑et‑Loir, le Loiret, le Maine‑et‑Loire, le Nord, les Pyrénées-Atlantiques, le Pas‑de‑Calais et la Somme.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. En préambule de mon intervention, je souhaiterais également souligner l’importance des rapports d’application. Il revient au législateur de contrôler l’action du Gouvernement et l’application de l’ensemble des mesures que nous avons votées.

Au-delà de ces avancées pour la protection des enfants, dont nous pouvons nous féliciter, il convient également d’évoquer la publication tardive de certains décrets, ayant retardé l’entrée en vigueur de plusieurs de ces mesures.

Il s’agit notamment de l’article 1er, qui prévoit, en cas d’accueil d’un enfant protégé chez un membre de la famille ou un tiers digne de confiance, dont le décret d’application a été publié le 28 août 2023.

Nous pouvons également évoquer l’article 14, prévoyant la possibilité pour le juge de proposer aux parents une mesure d’assistance éducative, dont le décret d’application n’a été publié que le 2 octobre 2023.

De même, l’article 17, permettant aux mineurs accueillis par l’ASE de désigner une personne majeure de confiance afin de l’accompagner dans ses démarches, n’a été suivi de la publication de son décret d’application que le 28 août 2023. Le décret d’application de l’article 25, créant la possibilité pour le juge des enfants de renvoyer un cas complexe à une formation collégiale en assistance éducative, a été publié le 2 octobre 2023.

Deux mesures phares du texte ont fait l’objet d’une application particulièrement tardive. Il s’agit des décrets publiés le 19 février dernier, évoqués en préambule de cette intervention. Ainsi l’article 7, qui a posé le principe de l’interdiction de l’hébergement en hôtel des enfants pris en charge au titre de l’ASE, sauf exception, et l’article 9, portant sur le mentorat et le parrainage des enfants faisant l’objet d’une mesure de protection, sont entrés en vigueur il y a un peu plus d’un mois seulement.

Si l’entrée en vigueur très attendue de l’article 7 de la loi, qui interdit l’hébergement à l’hôtel des mineurs relevant de l’ASE, est à saluer, nous déplorons néanmoins la tardiveté de la publication du décret, ce qui n’a pas permis aux départements de trouver des solutions alternatives adaptées pour ces jeunes, et nous regrettons la portée des dérogations introduites au principe d’interdiction.

En effet, dans certaines situations d’urgence, les jeunes majeurs de moins de 21 ans et les mineurs de plus de 16 ans pourront être hébergés dans des structures telles que des centres de vacances ou autres structures autorisées sous la surveillance, de jour comme de nuit, d’un professionnel formé et sans excéder deux mois d’hébergement. Le décret ne mentionne pas de ratio d’encadrement par jeune accueilli et ne précise pas la nature de la formation suivie par ces professionnels accompagnants, dont le rôle semble relever de la simple surveillance.

Nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre de ce décret, afin que le nombre et la qualification des professionnels chargés de l’accueil des enfants en pareille situation soient compatibles avec l’intention du législateur, qui est de renforcer la protection de ces enfants et d’améliorer leurs conditions de vie et de développement.

Enfin, les mesures relatives à la petite enfance prévues dans la loi ne sont, pour l’essentiel, pas entrées en vigueur, faute de publication des décrets, ce dont on ne peut se satisfaire.

La réforme de la protection maternelle et infantile (PMI), prévue par l’article 32 de la loi, est largement privée de sa portée en l’absence de publication des décrets, déterminant d’une part les objectifs nationaux de santé publique devant être respectés pour garantir un niveau minimal de réponse aux besoins sanitaires et sociaux de la population, et d’autre part, les normes minimales d’effectifs à respecter au sein des services et activités intervenant dans le champ de la petite enfance.

Alors que l’article 32 de la loi précise que la fixation de ces objectifs nationaux et des normes minimales d’effectifs relève d’un décret en Conseil d’État pour une entrée en vigueur au 31 décembre 2022 au plus tard, le décret n’a pas encore été publié.

L’arrêté prévu par l’article 34, relatif aux dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement que l’infirmier est habilité à prescrire, n’a pas non plus été publié.

Le rapport sur la prise en charge par l’assurance maladie des actes et des examens effectués par les infirmiers est également en attente.

Nous déplorons que l’ensemble des mesures qui concrétisent la réforme de la petite enfance dans la loi du 7 février 2022 subissent un tel retard de mise en œuvre.

Le cabinet de la ministre déléguée chargée de l’enfance et de la jeunesse, rencontré dans le cadre de nos travaux, a pu nous exposer les difficultés de concertation tout autant que techniques rencontrées pour la mise en œuvre de certaines mesures.

Ainsi, l’instauration de la base de données nationale des agréments, prévue par l’article 36, nécessite une importante conduite de projets sous l’égide de l’Agence française de l’adoption, coordonnant des groupes de travail composés chacun d’une quinzaine de départements, en vue de la conception de la base de données au second semestre 2024 et d’un déploiement complet en 2025.

Parallèlement, les travaux réglementaires nécessitant l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Conseil d’État sont prévus simultanément à cette conduite de projets, afin de publier le décret d’application fin 2024.

Sans minimiser les obstacles techniques et le temps de concertation nécessaire de l’ensemble des acteurs nationaux et locaux, nous regrettons l’absence de mise en œuvre de ces dispositions, plus de deux ans après la promulgation de la loi. Nous invitons le Gouvernement à veiller à ce que leur application intervienne dans les meilleurs délais.

Pour conclure, nous serons attentifs à l’évaluation qui devra être faite de l’application de cette loi et à son application sur le terrain, notamment en ce qui concerne la situation des mineurs non accompagnés dans les territoires ruraux. En particulier, les dérogations à l’interdiction d’hébergement à l’hôtel des mineurs de l’ASE, devront faire l’objet d’une attention très particulière dans le cadre de la future évaluation.

Il conviendra également, dans ce cadre comme dans le rapport d’application de la loi, de veiller à la conformité des pratiques avec l’intention claire du législateur, pouvant ainsi être synthétisée : toujours protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, quels que soient son histoire, son parcours, son état de santé physique ou psychique, ou sa nationalité.

Mme la présidente Charlotte ParmentierLecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Caroline Janvier (RE). Merci pour la qualité de ce rapport d’application, qui nous permet d’analyser l’efficacité de la loi et d’évaluer les besoins qu’elle nécessite désormais.

Au nom de mon groupe parlementaire, j’aimerais mettre en lumière les mesures clefs adoptées dans cette loi, dite « loi Taquet », qui revêtent une importance majeure pour le bien‑être des enfants sous protection.

En particulier, l’article 28 a permis une révision de la rémunération des assistants familiaux et l’accès à certaines indemnités, assurant ainsi une reconnaissance pleine et continue de leur rôle crucial dans l’accompagnement éducatif, psychologique et médical des enfants.

De même, l’article 10 a instauré un accompagnement éducatif et professionnel pour les jeunes majeurs pris en charge par l’ASE, les préparant ainsi à une future autonomie.

Tandis que certaines de ces dispositions étaient directement effectives dès la promulgation de la loi, d’autres articles, vous l’avez souligné, ont exigé des actes d’application ultérieurs pour être mis en œuvre. C’est notamment le cas de l’article 7, qui prévoyait le principe d’interdire l’accueil en chambre d’hôtel des enfants de l’ASE. Un décret d’application de cette interdiction a été publié le 16 février, en réponse notamment au tragique suicide d’une jeune fille de l’ASE dans l’un de ses hôtels sociaux à Clermont-Ferrand.

En réalité, ce décret contient un nombre trop élevé de dérogations à l’interdiction, telles que la possibilité d’accueillir des jeunes de 16 à 21 ans dans les conditions prévues par ce texte. Je rejoins donc mes collègues dans leur appel au Gouvernement pour que les dernières dispositions évoquées par les rapporteurs soient mises en application, près de deux ans après la promulgation de la loi.

Mme Laure Lavalette (RN). Je souscris aux propos de ma collègue Caroline Janvier, mais n’aborderai pas ce sujet tragique en deux minutes.

Merci, madame et monsieur les rapporteurs, pour la présentation de ce rapport d’application sur l’une des lois les moins bien appliquées. Malheureusement, ce rapport permet d’avoir une vue d’ensemble sur les dispositions dont l’application était dite « directe » ou nécessitait un décret. Je mets le terme « directe » entre grands guillemets, car la loi Taquet, ambitieuse, s’est heurtée à de nombreuses réalités structurelles ne permettant qu’une application très partielle.

Lors de son audition devant la commission des affaires sociales le 24 mai 2023, la secrétaire d’État Charlotte Caubel, expliquait que les études d’impact sur plusieurs dispositions de la loi Taquet, avaient été « un peu rapides » et qu’il était nécessaire de poursuivre les discussions avec les départements avant la publication de ses décrets.

La non-séparation des fratries, qui est une mesure salutaire, est l’un des exemples de la difficile application de la loi par les départements. En effet, ce principe oblige les services de l’ASE à conserver suffisamment de places disponibles dans un même établissement pour accueillir conjointement plusieurs enfants. Si les structures, telles que les villages d’enfants, parviennent à répondre en partie à cette obligation, force est de constater que cela ne suffit pas malgré une réelle volonté.

En 2021, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, soixante‑douze départements n’accueillaient aucun enfant en village d’enfants et la pénurie d’assistants familiaux ne permet pas de répondre entièrement à cette impossibilité pour les départements.

De plus, la mission de l’ASE consistant à veiller au maintien des liens familiaux entre l’enfant accueilli et ses frères et sœurs n’est pas suffisamment assurée, notamment du fait de placements souvent trop éloignés du lieu de vie familial ou du reste de la fratrie. Cette mission est même complexifiée par un changement incessant des lieux de placement. Si d’aventure un lieu d’accueil commun est introuvable, ce qu’on peut imaginer, il convient de faire en sorte que la fratrie puisse continuer à passer des moments ensemble.

Lorsque les enfants sont placés dans des lieux séparés au titre de mesures d’assistance éducative, les juges doivent veiller à l’organisation de moments de réunion entre eux, afin d’entretenir le lien familial. Or, à cet égard, de nombreux témoignages montrent l’inapplicabilité du travail du législateur en la matière.

La semaine dernière, nous avons auditionné Lyes Louffok, qui déplorait précisément le trop grand nombre de fratries encore séparées. Cet aspect nous paraît évidemment un point non négociable de cette loi et de son application.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Comme vous l’avez souligné, alors que la loi du 7 février 2022 a été promulguée il y a plus de deux ans, le fait qu’il manque encore des décrets à ce jour est grave. De surcroît, si l’application de cette loi a pris du retard, même l’évaluation de son application connaît un retard puisque le présent rapport intervient deux ans après. Or en principe, l’application d’une loi a lieu dans les six mois suivant la promulgation de celle-ci.

Certains de mes collègues ont souligné la qualité de votre rapport. Je suis désolée, mais l’échéancier qui nous a été communiqué, correspond globalement à ce que l’on trouve déjà sur le site public Légifrance. Par conséquent, j’aurais apprécié de connaître, à la lecture de ce rapport, les raisons expliquant les manques et les retards dans la parution des décrets d’application, ainsi que les dates de parution des prochains décrets.

En d’autres termes s’agissant des décrets, il m’apparaît indispensable d’avoir des explications sur les causes du blocage. Selon moi, il s’agit précisément du contenu de l’évaluation à effectuer aujourd’hui. Quelles sont les raisons justifiant que nous ayons tant retardé l’entrée en vigueur totale de la loi du 7 février 2022 ?

Je rappelle qu’en mai 2023, Charlotte Caubel nous faisait part de l’imminence du décret sur l’interdiction des placements hôteliers. Malheureusement, il a fallu attendre le suicide de Lily dans mon département et la pression de tous les acteurs – les anciens enfants placés, les travailleurs sociaux mais aussi les parlementaires – pour qu’enfin, un décret soit pris. Pour autant, le décret dont il s’agit, est presque cynique au regard de la gravité de la situation de ces enfants, qui sont encore logés dans des hôtels aujourd’hui. En effet, ce décret vise simplement à déroger à la loi, c’est-à-dire à permettre de maintenir des enfants dans les hôtels. Or il est indéniable qu’à 16 ans, ce sont encore des enfants, tant au regard de la loi que de leur développement.

Il nous a été indiqué que les départements avaient éprouvé des difficultés dans l’application de la loi, alors qu’en réalité, les départements n’ont consenti aucun effort pour préparer cette application. Aucun dispositif n’a été mis en place.

En définitive, au vu de la gravité de la situation, dans laquelle des vies d’enfants sont en jeu, je réitère ma demande aux rapporteurs de préciser dans leur rapport les causes des blocages. À l’heure actuelle, les enfants sont pris dans un conflit entre les départements et l’État, qui chacun, « se renvoient la balle ».

Mme Maud Petit (Dem). Le groupe Démocrate se félicite que l’essentiel des décrets d’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, portée à la fin du quinquennat précédent par le secrétaire d’État Adrien Taquet, ait été publié.

Je pense notamment aux différents décrets du 16 février dernier, qui ont rendu possible l’application de l’une des mesures phares de la loi : l’interdiction de faire dormir à l’hôtel des jeunes accueillis au titre de la protection de l’enfance. Enfin ! Mais pourquoi aussi tardivement ? Il en va en effet de la dignité de notre République de prendre en soin dignement ces jeunes, parfois des enfants, qui subissent déjà une situation familiale et un début dans la vie particulièrement difficiles.

Bien entendu, la bonne application du décret devra elle-même être respectée sur le terrain. C’est là un enjeu réel, ne nous voilons pas la face. Cette disposition pose néanmoins une exigence forte pour l’ASE, celle de ne plus se résoudre à ce que des jeunes soient exposés au risque d’une nuit seuls à l’hôtel. Il s’agissait d’une solution qui ne pouvait être que provisoire, à laquelle les services de l’aide sociale ne recouraient évidemment pas de gaieté de cœur.

À cet égard, le groupe Démocrate tient à saluer le dévouement et l’abnégation des personnels de l’ASE face à l’urgence de situations sociales dramatiques, face à la violence et face parfois à un sentiment d’impuissance.

Il est essentiel que la volonté du législateur pour mieux protéger les enfants soit respectée. C’est ce que ce rapport nous permet de vérifier aujourd’hui.

Notre groupe prend acte des décrets restant à édicter pour réformer la PMI, comme le prévoit la loi Taquet. Comme les autres parlementaires engagés sur le sujet, les députés du groupe Démocrate seront vigilants envers le pouvoir réglementaire, à qui il appartient de rendre cette loi applicable. Nous avons néanmoins confiance en la volonté du Gouvernement de faire de cette loi, dont il est à l’origine, une réalité pour améliorer la protection des enfants.

M. Arthur Delaporte (SOC). Permettez-moi de remercier Mme la rapporteure Peyron, notamment pour son propos introductif qui permettait de replacer le débat et aussi de souligner – venant de la part d’une députée de la majorité, je pense que cela mérite d’être salué – les manques dans la mise en application de cette loi.

Il est vrai qu’il apparaît assez singulier de débattre d’un rapport d’application pour lequel nous n’avons reçu qu’un tableau. Ce tableau correspond peu ou prou à ce qu’on peut déjà trouver sur les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui listent les mesures d’application de nature législative et réglementaire.

Nous pouvons être légitimement frustrés, notamment parce qu’un certain nombre de décrets ont été pris très tardivement et que d’autres sont encore absents, notamment en ce qui concerne la PMI. Par ailleurs, alors même que la loi Taquet était une loi timide mais attendue par le secteur, son application est encore plus timide, voire parfois muette.

La place et le rôle de l’État dans la protection des enfants doivent être renforcés. Les drames humains qui ont été évoqués, comme celui cité par ma collègue Maximi dans le Puy‑de‑Dôme, doivent nous alerter sur les carences de l’action publique et la nécessité de renforcer cette action.

Je rappelle par ailleurs que le groupe Socialistes et apparentés a choisi d’utiliser son « droit de tirage » pour lancer une commission d’enquête sur les manquements de la politique de protection de l’enfance. Il faut continuer, notamment en ce qui concerne l’interdiction du placement des enfants. Il a fallu attendre le 16 février, mais vous l’avez dit, c’est incomplet.

Il manque encore des précisions sur le taux d’encadrement et les compétences requises pour être encadrant. Enfin, je dirais qu’il manque aussi quelque chose pour moi dans les propos que vous avez eus.

Enfin, quid des mineurs non accompagnés (MNA) et des traitements dégradants dans les lieux de mise à l’abri ? Je pense, par exemple, à la protection des enfants à la frontière à Menton. Ces sujets font partie des angles morts de cette loi, et mériteraient aussi d’être traités.

M. Paul Christophe (HOR). Madame et monsieur les rapporteurs, votre travail sur l’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection de l’enfance fait état de l’engagement du Gouvernement et de sa majorité en faveur de la protection de l’enfance, dans la lignée de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 qui, avec cette loi, est venue apporter plusieurs réponses concrètes aux défaillances alors identifiées.

Je pense notamment à l’interdiction des placements à l’hôtel des mineurs et jeunes majeurs confiés à l’ASE, au droit de retour à l’ASE avant 21 ans ou encore au renforcement massif des contrôles, notamment en faveur de la politique de lutte contre la maltraitance.

Je tiens également à souligner qu’en novembre 2023, la Première ministre Élisabeth Borne a lancé le troisième plan contre la violence faite aux enfants lors du comité interministériel à l’enfance, qui vise à aller plus loin pour mettre fin aux insuffisances persistantes sur ce sujet. En ce sens, on peut citer notamment la création d’un pack « jeunes majeurs » destiné à accompagner vers l’autonomie chaque jeune accédant à la majorité, ou encore le doublement du budget consacré aux enfants protégés en situation de handicap.

Cependant, nous relevons également que trois dispositions de la loi n’ont à ce jour pas encore fait l’objet d’une mise en œuvre réglementaire. Il s’agit des dispositions relatives à la réforme de la PMI, prévue aux articles 32 et 34, et à la mise en œuvre en application de l’article 36 d’une base nationale recensant les demandes, retraits et refus d’agrément en vue d’une adoption.

Rappelons que si la loi dite « Taquet » portait des avancées concrètes et attendues, il nous reste encore du chemin à parcourir pour assurer le soin efficace que nécessitent et méritent ces enfants.

M. Paul-André Colombani (LIOT). J’ai pris connaissance du rapport présentant les mesures ayant fait ou non l’objet d’une mise en application. Selon ce tableau, il semblerait donc que seulement trois mesures de la loi du 7 février 2022 nécessitent encore la publication d’un décret.

Mieux vaut tard que jamais puisque le Sénat en mars 2023, dans sa mission d’information sur l’application des lois relatives à la protection de l’enfance, attirait l’attention sur le fait qu’un an après sa promulgation, seules 37 % des mesures réglementaires attendues avaient été prises.

Le Sénat soulignait aussi que ce texte apportait des ajustements et des améliorations aux dispositifs existants, et forme désormais un bloc normatif cohérent avec les lois de 2007 et 2016.

Il était donc regrettable que certaines de ces mesures ne produisent pas des effets juridiques. Pour autant, je souhaite tout de même vous alerter sur certains obstacles qui persistent.

En effet, malgré l’augmentation significative du nombre de jeunes bénéficiant de mesures de protection et d’accompagnement vers l’autonomie sociale et professionnelle, leur intégration sociale reste un véritable parcours du combattant.

Un questionnaire mené par le collectif Cause Majeur ! auprès de 3 000 jeunes, révèle que seuls 7 % d’entre eux ont passé l’entretien prévu six mois après leur sortie de la protection sociale, notamment du fait du refus de la part des départements.

Enfin, l’accompagnement, qui est une obligation légale, reste soumis à de fortes inégalités territoriales, puisque sa durée et le montant de l’allocation varient beaucoup actuellement d’un département à l’autre.

Ce sont des pistes de travail pour continuer à améliorer les dispositifs actuels.

La cause des mineurs ne peut pas être prise en otage entre les départements et l’État.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La loi Taquet était une loi attendue puisqu’elle venait rattraper une situation extrêmement dégradée dans la protection de l’enfance. Cette loi posait quelques protections élémentaires, notamment l’interdiction des sorties « sèches » à 18 ans et de l’hébergement d’un mineur à l’hôtel ainsi que la nécessité d’un agrément pour les assistants familiaux. Il s’agissait même du minimum attendu de l’ASE.

Pourtant, le temps pris pour publier les décrets, l’absence de certains d’entre eux et le fait que même le rapport sur la loi soit présenté sous forme de tableau sans un approfondissement de l’effet des mesures me semblent dire en filigrane à quel point la volonté politique indispensable à la protection de nos enfants n’est pas tout à fait présente. Or, il s’agit d’enfants qui sont confiés à l’État, précisément parce que leurs familles sont défaillantes.

En réalité, alors que nous sommes les parents de substitution des enfants concernés, même le rapport d’application de cette loi ne dit pas combien nous traitons avec importance et considération la situation de ces enfants.

Le premier élément sur lequel je souhaite mettre l’accent, est l’absence de base de données nationale des agréments des familles d’assistants familiaux. J’entends qu’il y ait des problèmes informatiques. Je rappelle cependant qu’il s’agit de la sécurité des enfants placés. Par conséquent, il ne saurait être question d’accepter, parce que la famille s’est déplacée d’un département à l’autre, une absence de suivi ou de considération de l’agrément de ces familles.

En deuxième lieu, je déplore le nombre de dérogations pour les mineurs qui sont encore hébergés aujourd’hui à l’hôtel. Nous avons évoqué le cas de Lily qui s’est suicidée, après avoir passé cinq mois à l’hôtel. Quel État social permet ainsi qu’une enfant de 15 ans soit logée seule, pendant plusieurs mois à l’hôtel ?

J’insiste sur ce point parce que dans la mission d’information sur les urgences psychiatriques que nous menons avec Nicole Dubré-Chirat, les problématiques de l’ASE et de la PMI pèsent de manière conséquente sur la santé psychique de ces enfants, qui manquent de soins, de suivi et d’accompagnement.

Enfin, en France, 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans sont issues de l’ASE, car les sorties sèches à 18 ans sont encore trop nombreuses. Nous devons absolument avoir une volonté politique bien plus affirmée sur ces questions.

Mme la présidente Charlotte ParmentierLecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Philippe Frei (RE). Je souhaite interroger les corapporteurs sur l’absence de publication du rapport sur la prise en charge par l’assurance maladie des actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices dans les services de PMI, qui était pourtant prévu à l’article 35 de la loi Taquet. Si ces services départementaux remplissent depuis toujours une mission essentielle en matière de protection sanitaire de la mère et de l’enfant, ils sont pourtant confrontés à de nombreuses difficultés mises en évidence antérieurement au vote de la loi dans le rapport de Mme Peyron. Parmi ces difficultés, figurent la pénurie de moyens et les difficultés de recrutement causées en raison, notamment, du départ à la retraite de deux tiers des médecins de PMI en 2020.

Cette demande de rapport traduit donc dans son contenu une piste de réflexion judicieuse pour améliorer sur le plan économique la situation de la PMI.

Le rapport d’application de la loi Taquet indique toutefois que ce rapport n’a toujours pas été rendu à ce jour. Aussi, les corapporteurs ont-ils obtenu des informations du Gouvernement sur son état d’avancement ?

Mme Anna Pic (SOC). Nous souhaiterions connaître la liste des personnes auditionnées pour préparer le rapport d’application de la loi du 7 février 2022.

Mme la rapporteure. En premier lieu, j’apporterai une réponse sur la forme. Le rapport d’application n’est pas un rapport d’évaluation, étant observé que je m’attellerai à ce dernier le plus rapidement possible. Madame Maximi, tout comme vous je suis dans les starting blocks et un peu amère sur les manques constatés, de même que sur la manière dont le travail a été fait. Pour autant, il faut avoir conscience de la différence entre un rapport d’évaluation et un rapport d’application.

En second lieu, je traiterai des questions de fond et des explications des retards pris, dans l’ordre des articles.

L’article 7 a trait à l’interdiction de l’accueil hôtelier pour les enfants et les jeunes majeurs accueillis au titre de la protection de l’enfance. Pour cet article, un groupe de travail a été constitué, réunissant les conseils départementaux les plus concernés par l’accueil des mineurs et de jeunes de moins de 21 ans dans des structures autres que celles autorisées par le code, à savoir la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine, ainsi que l’Association nationale des directeurs de l’action sociale et de la santé, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant. Plusieurs partenaires, représentant notamment les conseils départementaux et les usagers, bien qu’invités, ne se sont pas présentés.

À l’issue d’une réunion de concertation organisée début juillet 2023, une version finalisée du texte a été établie. La rédaction issue de cette concertation constitue un équilibre entre les différents acteurs présents, portant des positions opposées quant aux normes à définir. Le projet de décret a recueilli par la suite l’assentiment du cabinet de la secrétaire d’État chargé de l’enfance de l’époque. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a rendu un avis négatif définitif lors de la séance du 7 décembre 2023. Le CNPE, saisi le 3 novembre 2023, a rendu un avis défavorable le 30 janvier 2024. Par conséquent, le décret a été mis dans le circuit de publication à la suite de la réception de l’avis du CNPE, puisque c’était le dernier à s’exprimer.

Le décret est le résultat d’une concertation au cours de laquelle des positions divergentes ont été exprimées quant aux normes d’encadrement à fixer, notamment en ce qui concerne la surveillance de nuit. Sa rédaction constitue donc un équilibre fin entre les diverses revendications et positions exprimées.

Cependant, le texte comporte des lignes fortes et des garde-fous, tels que l’interdiction de placer des mineurs de moins de 16 ans dans des structures relevant du régime dérogatoire. Le décret prévoit en outre l’obligation de s’assurer, préalablement au recours à ce type d’hébergement et tout au long de la prise en charge, que ce mode d’hébergement soit adapté à l’âge et aux besoins fondamentaux du jeune concerné.

De plus, le décret fixe l’obligation, pour le président du conseil départemental, de s’assurer par des visites régulières sur site, des conditions matérielles de la prise en charge. Il prévoit également une surveillance, de nuit comme de jour, au sein de la structure, par la présence physique sur site d’au moins un professionnel formé à cet effet, aux fins de garantir la protection des personnes qui y sont accueillies.

Comme annoncé dans mon avant-propos, je serai très vigilante quant à la formation de ces personnels, qui ne sont pour le moment que de surveillance, afin de déterminer s’ils sont en mesure d’accompagner les jeunes dont ils ont la responsabilité, aussi bien sur le plan de leur sécurité qu’au niveau de leur évolution personnelle et sociale.

En tout état de cause, il n’est pas inutile de rappeler le contexte général du vote de février 2022, qui s’est déroulé à la veille de deux élections majeures en France : l’élection présidentielle et les élections législatives.

Le premier décret d’application de la loi a été publié début août 2022, avant qu’une grande latence ne s’installe. Par la suite, nous avons subi des changements de secrétaire d’État ou de ministres délégué. De surcroît, certains partenaires intéressés par cette loi ne se sont pas présentés aux réunions, notamment les représentants des hôtels, de sorte que le Gouvernement a mené la concertation avec les personnes présentes.

L’article 9 prévoit la proposition systématique d’un parrainage et d’un mentorat aux enfants pris en charge par l’ASE. Des travaux ont été engagés avec les acteurs du parrainage et du mentorat à l’automne 2022. Dans le cadre de ces travaux, différents points juridiques ont été soulevés, portant sur les modalités de déclinaison de la disposition législative sur le plan réglementaire, notamment en ce qui concerne le contrôle des antécédents judiciaires et l’habilitation de l’association chargée de coordonner l’action de parrainage, au regard de la nécessité de maintenir une certaine souplesse du dispositif pour ne pas entraver le recours au parrainage et au mentorat.

Ces travaux ont permis d’aboutir à des projets de décret à la fin du premier semestre 2023, soumis à l’avis du CNPE et du CNEN en juillet 2023. Le CNEN a rendu un avis négatif lors de sa réunion du 7 septembre, confirmé lors de la séance du 5 octobre 2023. Le CNPE a rendu un avis sous réserve le 13 octobre 2023. Le processus de signature n’a cependant pu aboutir qu’après le changement gouvernemental, avec une publication en février 2024.

Pour rappel, l’article 32 rénove la politique de la PMI. Un projet de décret a été élaboré sur la base de travaux d’un groupe de travail technique piloté par la direction générale de la santé, qui a associé notamment des experts de la santé de l’enfant, des représentants des professions concernées et un représentant des départements de France désigné par Départements de France.

Cependant, la concertation avec Départements de France sur le projet de décret ainsi que les consultations obligatoires du CNEN et du Conseil d’État, et donc la publication de ce décret, ont été décalées en raison du lancement des travaux des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. À cet égard, je vous annonce que le rapport des Assises de la pédiatrie, que j’attends depuis juin 2022, sera publié fin avril 2023.

En tout état de cause, l’absence de publication du décret à ce jour ne pose pas de difficulté, dès lors que les normes d’effectifs régissant l’activité des PMI et des centres de santé sexuelle existent déjà dans le code de la santé publique. De ce fait, il n’existe aucun vide juridique.

La publication du décret pourrait intervenir d’ici la fin de cette année, dès lors que les concertations en amont avec les départements de France, qui sont indispensables, auront pu être menées pour permettre le lancement des consultations obligatoires.

Le II de l’article 32 concerne la date d’entrée en vigueur des dispositions, qui seront intégrées dans le décret en Conseil d’État susmentionné. Il y aura un seul texte pour ces deux mesures.

Concernant les dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement, l’arrêté fixant leur liste n’a toujours pas été publié. Les travaux sont encore en cours pour une publication dans les meilleurs délais, ainsi qu’il me l’a été indiqué.

Au titre de l’article 30, le GIP France enfance protégée est chargé, en application de l’article L. 421-7-1 du code de l’action sociale et des familles, de la base nationale de données des agréments des assistants familiaux et des assistants maternels. La création du GIP a donc été un préalable au lancement des travaux d’ingénierie des systèmes d’information prévus par la loi du 7 février 2022.

S’agissant de la base précitée, des concertations ont été engagées à l’automne 2023 pour réaliser un premier état des lieux. Parallèlement, le GIP a procédé au recrutement d’un chef de projet Systèmes d’information, chargé de la création et du déploiement de deux bases de données prévues par la loi du 7 février 2022.

Les travaux relatifs à la base nationale de données des agréments en vue d’adoption pouvant prendre appui sur un cadre déjà existant et ceux relatifs aux assistants familiaux et maternels nécessitant une expertise avec le système d’information de Pajemploi, la priorité a été donnée à la création de la base nationale de données des agréments en vue d’adoption.

L’article 35 prévoit la production d’un rapport sur la prise en charge par l’assurance maladie des actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices dans les services de PMI. À ce jour, ce rapport n’a pas été rédigé, car il était prévu de l’articuler avec les travaux relatifs aux Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, à paraître à la fin du mois. Je ferai donc en sorte d’insister pour que l’ensemble avance enfin.

Enfin, concernant l’article 36 et le regroupement des instances nationales de protection de l’enfance, le décret prévu a pour objet de répartir, entre les départements, leurs contributions annuelles respectives pour le fonctionnement du GIP France enfance protégée. Ainsi, le décret du 25 septembre 2023 a fixé le montant de la contribution financière des départements au fonctionnement du GIP au titre de l’année 2023. Un décret similaire est en cours de préparation pour l’exercice 2024.

S’agissant de la création du système d’information du GIP et parallèlement, des travaux réglementaires le nécessitant, la date est fixée à fin 2024.

Telles sont les explications que j’ai recueillies concernant les retards, mais je reconnais la nécessité d’accélérer encore le processus.

Je ne m’exprimerai pas sur les MNA car je mène depuis janvier 2024, avec Elsa Faucillon, une mission pour le compte de la délégation aux droits des enfants. Notre rapport sera rendu fin juin. Après nous être rendues à Calais il y a une quinzaine de jours, nous serons demain à Menton et à Nice. À cette occasion, nous rencontrerons évidemment les représentants du département et de la préfecture.

Pour conclure, je reconnais que vous ne disposez que d’un tableau, mais pas encore d’avant-propos. La raison tient au fait que mon corapporteur et moi-même sommes encore en désaccord sur certains éléments. Par conséquent, dès que nous serons parvenus à un accord, ce que j’espère, l’avant‑propos sera disponible.

M. le rapporteur. Mme Peyron a été claire sur l’état de nos conclusions. Sachez que nous sommes comme vous. Nous avons sous les yeux des décrets appliqués et des décrets encore en attente. Notre rôle est d’avoir toujours à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous serons donc attentifs, dans les mois à venir, à la publication de ces décrets.

En application de l’article 1457 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’application.

 

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([1]) Rapport (n° 2110) de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance (M. Alain Ramadier, président ; Mme Perrine Goulet, rapporteure), déposé le 3 juillet 2019, et rapport de Mme Michèle Peyron, Pour sauver la PMI, agissons maintenant !, remis au Gouvernement en juin 2019.

([2]) Un article 3 bis C, introduit par l’Assemblée nationale lors de l’examen en première lecture, tendait à permettre aux députés, aux sénateurs et aux représentants au Parlement européen élus en France de visiter, après information du président du conseil départemental, les établissements et services mettant en œuvre des mesures de prévention ou d’aide sociale à l’enfance et les prestations d’aide sociale à l’enfance, les centres éducatifs fermés ainsi que les lieux de vie et d’accueil. Il a été supprimé par la commission des affaires sociales du Sénat.

([3]) Décret n° 2022-1209 du 31 août 2022 modifiant les dispositions communes relatives à l’organisation des carrières des fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l’État.

([4]) Décret n° 2022-1697 du 29 décembre 2022 relatif à l’information des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 226-5 du code de l’action sociale et des familles.

([5]) Décret n° 2022-1728 du 30 décembre 2022 relatif au référentiel national d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant.

([6]) Arrêté du 10 décembre 2022 portant approbation de la convention constitutive du groupement d’intérêt public « France enfance protégée ».

([7]) Décret n° 2022-1729 du 30 décembre 2022 relatif au Conseil national de la protection de l’enfance.

([8]) Décret n° 2023-207 du 28 mars 2023 fixant la liste des départements participant à l’expérimentation de la mise en place d’un comité départemental pour la protection de l’enfance.

([9]) Décret n° 2023-826 du 28 août 2023 relatif aux modalités d’accompagnement du tiers digne de confiance, de l’accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur.

([10]) Décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d’assistance éducative.

([11]) Décret n° 2023-826 du 28 août 2023 relatif aux modalités d’accompagnement du tiers digne de confiance, de l’accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur.

([12]) Décret n° 2023-914 du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d’assistance éducative.

([13]) Décret n° 2024-119 du 16 février 2024 relatif aux conditions d’accueil des mineurs et jeunes majeurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance hébergés à titre dérogatoire dans des structures d’hébergement dites jeunesse et sport ou relevant du régime de la déclaration.

([14]) Décret n° 2024-117 du 16 février 2024 relatif aux modalités de mise en œuvre du mentorat pour les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

([15]) Décret n° 2024-118 du 16 février 2024 relatif aux modalités de mise en œuvre du parrainage pour les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

([16]) Décret n° 2024-166 du 29 février 2024 relatif au projet d’établissement ou de service des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

([17]) https://assnat.fr/tq7tmW