N° 2463

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

 

SUR UN NOUVEL ACTE DE DÉCENTRALISATION,

 

 

À LA SUITE DES DÉBATS ORGANISÉS LES 7 ET 27 FÉVRIER 2024 PAR LA DÉLÉGATION,

 

 

 

 

 

PAR

M. David VALENCE,

Député


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

DÉBATS SUR UN NOUVEL ACTE DE DÉCENTRALISATION

1er DÉBAT : LES VOIES D’UNE RÉFORME INSTITUTIONNELLE DE LA DÉCENTRALISATION

Propos introductifs de certains groupes politiques

1. Le groupe Rassemblement national

2. Le groupe La France insoumise – Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (NUPES)

3. Le groupe Démocrate

4. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

5. Le groupe Socialistes et apparentés

6. Le groupe Écologiste – NUPES

7. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 1 : Dans l’hypothèse d’une suppression d’une des quatre strates (commune, INTERCOMMUNALIté, département, région), laquelle conviendrait-il de choisir en priorité ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 2 : La résurgence d’un conseiller territorial commun aux départements et aux régions paraît-elle aujourd’hui nécessaire ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 3 : Pourrait-on laisser les élus locaux, dans un cadre fixé par la loi, définir eux-mêmes leur organisation territoriale ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 4 : Conviendrait-il de reconnaître par la loi à toute collectivité le droit de s’emparer d’une compétence ne relevant pas de sa catégorie ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 5 : L’égal accès des citoyens aux services publics vous paraît-il menacé par le développement de la différenciation territoriale ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 6 : À la suite des communes, des départements et des régions, faudrait-il ajouter les actuels établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à la liste des collectivités territoriales, leur président pouvant êtRe élu au suffrage universel direct ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

DÉBAT N° 2 : L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS LOCAUX

QUESTION N° 7 : Le législateur devrait-il faire plus systématiquement référence au pouvoir réglementaire local pour l’application des textes qu’il adopte, à l’exception des domaines expressément proscrits par la jurisprudence constitutionnelle ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 8 : Au-delà de l’autonomie financière reconnue par la constitution en son article 72-2, serait-il opportun de consacrer, au moins dans la loi organique, le principe de l’autonomie fiscale locale, défini à partir du montant des ressources fiscales sur lesquelles les collectivités disposent d’un pouvoir de taux, et de fixer un socle minimal de ressources fiscales sur lequel la collectivité a un pouvoir de taux ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 9 : Dans la perspective du rétablissement d’une certaine autonomie fiscale locale, seriez-vous favorable à l’instauration d’une contribution au service public local acquittée par l’ensemble des habitants et/ou des entreprises de la collectIvité concernée et assise sur des taux entièrement pilotables par ladite collectivité ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 10 : Afin de permettre aux services déconcentrés de réorienter leurs moyens dans l’accompagnement des collectivités, faudrait-il aller jusqu’à supprimer le contrôle de légalité exercé par le représentant de l’état ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 11 : Comment pourrait-on renforcer le rôle des préfets de département en matière de coordination de l’ensemble des services déconcentrés de l’état et, à cette fin, quels seraient les moyens juridiques et budgétaires à leur attribuer ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

QUESTION N° 12 : Quel regard portez-vous sur le renforcement, par la loi, des mécanismes de délibération et de participation citoyenne ?

1. Le groupe Renaissance

2. Le groupe Rassemblement national

3. Le groupe La France insoumise – NUPES

4. Le groupe Les Républicains

5. Le groupe Démocrate

6. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

7. Le groupe Socialistes et apparentés

8. Le groupe Écologiste – NUPES

9. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

SYNTHÈSE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉCENTRALISATION

Première partie : un constat unanime : une décentralisation erratique et une démocratie locale en voie d’affaiblissement

I. L’essoufflement de l’élan de décentralisation opéré dans les années 1980

A. L’introuvable relance de la dynamique des années 1982-1983

B. La difficulté de la France à résoudre les dilemmes inhérents au processus de décentralisation

II. L’émergence d’une crise de la démocratie locale

A. L’épuisement des mots de la décentralisation, symptôme d’une forme d’impuissance locale

B. De la « grève des électeurs » à la « grève des écharpes »

Seconde partie : Les multiples voies envisagées pour une relance d’envergure de la décentralisation

I. Les trois scenarii d’une nouvelle évolution institutionnelle

A. La piste d’une préférence assumée pour l’intercommunalité et la région

B. L’option risquée de la consécration des échelons territoriaux préférés des Français, à savoir la commune et le département

C. Les perspectives offertes par un approfondissement de la différenciation institutionnelle

II. Les conditions d’émergence de véritables pouvoirs locaux

A. La différenciation des compétences

B. les voies de la régénération de la démocratie locale

C. Le renforcement des moyens d’action : autonomie fiscale et ingénierie

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

 


  1  

   AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

En 1835, dans son essai consacré à la démocratie américaine ([1]), Alexis de Tocqueville célébrait les vertus de l’administration publique « prodigieusement décentralisée » des États-Unis où régnait, selon lui, un « esprit de liberté » qui « soutient » et « vivifie » les institutions politiques. À rebours du citoyen français, dont il déplorait le peu d’intérêt pour « la fortune de son village », Tocqueville décrit un système politique modèle où la création d’un service public est menée au niveau local par une assemblée d’élus en liaison avec leurs électeurs depuis la définition du besoin jusqu’à l’implantation du service, celui-ci étant financé par l’impôt voté par cette même assemblée ([2]).

Près de deux siècles après ce constat, la France a progressé dans la voie de la décentralisation. Au début de la IIIe République, des assemblées élues au suffrage universel direct ont été mises en place au niveau des départements et des communes, ainsi érigés en « collectivités locales » appelées à s’administrer librement. Mais ce sont bien les lois « Defferre » de 1982 et 1983 qui ont insufflé à notre pays un élan décentralisateur au travers de la suppression de la tutelle préfectorale et de l’attribution d’importants « blocs de compétences » aux différentes strates de collectivités.

Le thème de la décentralisation n’a jamais déserté depuis le débat public : confier aux collectivités des compétences ou leur laisser davantage de liberté pour intervenir est ainsi évoqué depuis 40 ans comme une méthode pour agir de façon plus efficace et plus adaptée. Dans une enquête d’opinion effectuée en 2020 par l’Institut CSA pour le compte du Sénat ([3]), 75 % des personnes interrogées appellent ainsi sans surprise à « aller plus loin » vers « plus de libertés locales ». Le manque de « clarté » dans la « répartition des rôles et des compétences » entre les différentes strates figure toutefois, pour 65 % des répondants, parmi les principaux griefs portés à l’encontre de notre organisation territoriale.

L’acte II de la décentralisation en 2004, puis les lois de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (2014), sur la nouvelle organisation territoriale de la République (2015) et 3DS ([4]) (2022)  n’ont pas permis, semble-t-il, de rendre l’organisation des pouvoirs plus intelligible pour nos concitoyens.

Le sentiment d’une certaine confusion dans la répartition des compétences et des responsabilités entre l’État et les collectivités, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes, s’est aujourd’hui imposé dans l’opinion nourrissant une forme de défiance généralisée pour l’action publique.

La mission temporaire confiée à Éric Woerth, député de l’Oise, par le président de la République sur la « clarification de l’action publique territoriale » et « l’identification de nouvelles pistes de décentralisation » ([5]) constitue un premier niveau de réponse des pouvoirs publics à ce malaise grandissant.

Le Parlement est toutefois dans son rôle quand il favorise le dialogue entre les formations politiques sur cette question et s’affirme comme une force de propositions. En choisissant d’organiser en son sein, les 7 et 27 février derniers, un débat sur « un nouvel acte de décentralisation », la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale a ainsi souhaité apporter son éclairage à la mission d’Éric Woerth.

À l’issue des auditions menées en 2023 par la délégation dans le cadre d’un groupe de travail consacré à la décentralisation, une douzaine de questions structurantes portant sur les voies d’une réforme institutionnelle ainsi que sur les conditions d’exercice des mandats locaux avaient pu être identifiées. Les groupes politiques ont pu tirer profit des débats pour répondre à ces questions et exposer le détail de leurs positions, qui sont retracées dans le présent rapport et pourront alimenter les réflexions de la mission gouvernementale.

À moins d’un mois de l’expiration des travaux correspondants, il paraît utile de compléter ces échanges par la définition de « lignes directrices » qui ont vocation à orienter le contenu d’une future réforme de la décentralisation. Il faut pourtant préciser à ce stade que certains groupes politiques semblent peu enclins à une nouvelle organisation des pouvoirs au bénéfice des collectivités territoriales et cultivent volontiers une approche jacobine, voire discrètement recentralisatrice.

Dans sa présentation devant l’Assemblée nationale, le 27 juillet 1981, du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, Gaston Defferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation, estimait au contraire qu’il était « temps de donner aux élus des collectivités territoriales la liberté et les responsabilités auxquelles ils ont droit ». La « liberté » et la « responsabilité » sont précisément les principes autour desquels pourrait s’organiser la réponse aux attentes actuelles des Français en matière de décentralisation.

La première des libertés des collectivités territoriales consisterait à pouvoir s’affranchir des contradictions issues des dévolutions de compétences effectuées successivement depuis 1983.

Une collectivité territoriale serait ainsi habilitée, dans des limites fixées par la loi et par un accord local, à intervenir dans des domaines relevant en principe d’une autre strate, ce qui lui permettrait de répondre à des besoins spécifiques exprimés par les citoyens. Par exemple, il pourrait être pertinent que les métropoles assument, si elles le souhaitent, les compétences sociales des départements pour le ressort de leur territoire. Quelles que soient les compétences en jeu, l’initiative doit revenir à l’échelon local et les transferts doivent faire l’objet d’un accord entre les collectivités concernées.

Un tel mécanisme éviterait ainsi aux élus locaux de rester enfermés dans un schéma de répartition des compétences devenu obsolète et, ainsi, permettrait de donner corps au principe de différenciation reconnu par la loi « 3DS » en son article premier.

Compte tenu des facilités offertes par ce dispositif, il ne paraît, en revanche, ni nécessaire, ni souhaitable de s’engager dans la voie, éminemment délicate, du bouleversement institutionnel. La suppression d’une strate et la mise en place d’élus communs à deux échelons, à l’image du conseiller territorial envisagé en 2010, semblent donc devoir être écartées.

La deuxième des libertés locales réside, naturellement, dans la capacité d’une collectivité territoriale à fixer elle-même les conditions d’application d’une norme fixée au niveau national, c’est-à-dire à disposer d’un pouvoir réglementaire élargi, pour des raisons d’efficacité.

En 2020, une mission « flash » menée dans le cadre de la délégation par les députées Monica Michel et Patricia Lemoine avait préconisé le renvoi plus systématique aux assemblées délibérantes locales pour la mise en œuvre de compétences décentralisées. On pourrait, par exemple, imaginer que les régions et les communautés de communes, désignées autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en application de la loi d’orientation des mobilités (LOM) ([6]), puissent fixer à leur niveau les obligations incombant aux fournisseurs de services numériques multimodaux, alors que la loi se contente actuellement de renvoyer sur ce point au pouvoir réglementaire national ([7]).

La troisième des libertés locales, qui est également un facteur de responsabilité, consiste à redonner aux élus la capacité de définir eux-mêmes le niveau des ressources nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques qu’ils souhaitent mettre en œuvre au niveau local.

Tocqueville lui-même avait fait du pouvoir de « voter l’impôt » le critère essentiel d’une décentralisation réussie. Sur ce point, il convient de reconnaître que, si les collectivités conservent une autonomie financière, les réformes successives de la fiscalité locale ont abouti à priver les régions (dès 2010) puis les départements surtout, du « pouvoir de taux » dont ils disposaient autrefois au travers des « quatre vieilles » ([8]). En revanche, les communes ont, au sein du bloc communal, conservé une autonomie fiscale significative contrairement aux idées reçues. Le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve, évaluait à 29,5 % en 2021 le taux d’autonomie fiscale de l’ensemble des collectivités territoriales et, s’agissant des seules régions, à moins de 10 %.

Dès lors, il pourrait être décidé d’attribuer aux collectivités territoriales la possibilité d’instaurer une nouvelle contribution au service public local, acquittée par l’ensemble des habitants du territoire concerné. Le taux de cette contribution pourrait, naturellement, être modulé à la hausse ou à la baisse par décision de l’organe délibérant. L’électeur pourrait ainsi faire le lien entre la contribution financière dont il devra s’acquitter et le service public qui lui est proposé.

Une autre aspiration consisterait à sortir du cadre des dotations de fonctionnement de l’État aux collectivités territoriales dans leur état actuel, car il est devenu incompréhensible, même pour ses meilleurs experts. Une répartition d’impôts nationaux liée à certaines compétences pourrait ainsi se substituer à une partie des dotations.

Bien évidemment, l’extension du champ des libertés locales doit aller de pair avec la responsabilité qui s’attache au respect des lois. En ce sens, il paraît essentiel de « réarmer » l’État déconcentré en renforçant sa capacité à accompagner les élus dans l’exercice de leurs compétences nouvelles, dans le respect de leur capacité de décision.

Enfin, afin de donner au représentant de l’État une plus forte légitimité dans son dialogue avec les collectivités locales et la mobilisation des services déconcentrés, il pourrait être envisagé de placer le préfet sous l’autorité directe du Premier ministre.

* * *

Les Français attendent des parlementaires qu’ils aient l’audace de donner aux élus locaux un « pouvoir d’agir » plus rapidement et plus simplement.

Le présent rapport s’efforce d’appréhender un large panel d’options envisageables en matière de décentralisation et, dès lors, est appelé à apporter une contribution utile aux débats qui s’ouvriront à l’issue des travaux de la mission gouvernementale. Les propositions devront s’accompagner d’un nécessaire effort de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales et plus globalement à l’action des pouvoirs publics.

Sur chacun des points évoqués, la délégation n’hésitera pas à réagir aux initiatives, tant législatives que constitutionnelles, qui en découleront.

 


  1  

   DÉBATS SUR UN NOUVEL ACTE DE DÉCENTRALISATION

 

Le 30 novembre 2022, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a mis en place un groupe de travail composé de dix‑huit membres issus de l’ensemble des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale afin d’identifier les moyens de relancer un processus de décentralisation qui, en France, s’est indéniablement essoufflé après l’élan réformateur des années 1982 et 1983.

Le groupe de travail a mené sept auditions au cours du premier semestre 2023, essentiellement de personnalités du monde universitaire. Les échanges, dont la teneur a fait l’objet d’une synthèse jointe en annexe, ont fait émerger un certain de nombre de constats concernant le processus de décentralisation mis en œuvre depuis les grandes lois du début des années 80 et ont permis d’identifier plusieurs scénarii et orientations possibles d’évolution de la décentralisation.

Parallèlement à ces travaux, Éric Woerth, député de l’Oise, a été chargé par le Gouvernement le 6 novembre 2023 d’une mission sur « la clarification de l’action publique territoriale et l’identification de nouvelles pistes de décentralisation » ([9]). Parmi les sujets évoqués par le président de la République dans sa lettre de mission ([10]) figurent des questions qui ont été précisément traitées par le groupe de travail, telles que la « simplification » de l’organisation territoriale, la « clarification » des compétences et la « consolidation » des moyens à disposition des collectivités territoriales.

Afin que la délégation puisse apporter, en tant que telle, sa contribution aux réflexions en cours, son bureau a décidé, lors de sa réunion du 29 novembre 2023 :

– d’adresser aux responsables des groupes politiques de l’Assemblée nationale et aux membres de la délégation la synthèse des auditions du groupe de travail, accompagnée d’une liste de douze questions structurantes sur la décentralisation ;

– d’organiser en deux temps un débat destiné faire apparaître, au travers des réponses aux questions transmises, les points de convergence et les points de désaccord entre les uns et les autres.

Les neuf groupes ci-après ont apporté une contribution écrite : Renaissance, le Rassemblement national, la France insoumise - Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), les Républicains, Socialistes et apparentés, Horizons et apparentés, Écologiste – Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), Démocrate et Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT).

Les deux sessions ont eu lieu les mercredi 7 février et mardi 27 février 2024.

Le premier débat s’est limité aux six premières questions (n° 1 à 6) relatives aux aspects institutionnels de la décentralisation, c’est‑à-dire sur les catégories de collectivités territoriales, les compétences et la différenciation territoriale ainsi, que sur l’éventuelle résurgence du « conseiller territorial » envisagé en 2010.

La seconde réunion a été consacrée aux six dernières questions (n° 7 à 12) portant sur l’exercice des pouvoirs locaux par les élus, à savoir les capacités d’action des collectivités territoriales au travers du pouvoir réglementaire local ou de l’autonomie fiscale, la place de l’État déconcentré dans l’accompagnement des élus locaux et les voies d’un éventuel approfondissement de la participation citoyenne.

Le présent rapport récapitule, pour chaque question, la position des groupes qui se sont exprimés ou, lorsque le groupe n’était pas présent, le contenu de sa contribution écrite.

 

 

 


  1  

   1er DÉBAT : LES VOIES D’UNE RÉFORME INSTITUTIONNELLE DE LA DÉCENTRALISATION

Propos introductifs de certains groupes politiques

1.   Le groupe Rassemblement national

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Rassemblement national était représenté par M. Jocelyn Dessigny, député de l’Aisne.

Le Rassemblement national a souhaité répondre au questionnaire en s’appuyant sur l’expérience de ses élus locaux ainsi que sur les conclusions formulées par la Cour des comptes dans la partie thématique de son rapport public de 2023 consacrée à « la décentralisation 40 ans après », en référence aux lois Defferre de 1982 et 1983.

Le groupe rejoint ainsi la Cour dans sa critique de l’enchevêtrement des compétences, le manque de lisibilité et l’absence d’économies générées par la création des « grandes régions » par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015. Il déplore également la part excessive prise par les impôts nationaux dans les recettes des collectivités : selon la Cour ([11]), la fiscalité nationale partagée ([12]) représentait 37 % des recettes fiscales des collectivités territoriales en 2021, contre 14 % en 2017.

À l’instar de la Cour, les députés du Rassemblement national appellent donc à une « relance organisée » de la décentralisation et une redéfinition du mode de financement des collectivités. Toutefois, s’ils soutiennent les trois principes fondateurs de la décentralisation, à savoir la démocratie locale, le rapprochement entre les citoyens et les décisions qui les concernent ainsi que l’efficacité de l’action publique, ils sont en désaccord avec certaines des préconisations formulées, en particulier celles portant sur la diminution du nombre de communes et le renforcement de l’intégration intercommunale.

À l’heure où les Français s’inquiètent sur leur avenir et appellent de leurs vœux une remise en cause du processus de métropolisation, il convient, plus que jamais, de s’appuyer sur la commune qui est l’échelon de proximité par excellence. L’intercommunalité doit venir en appui des communes dans le respect du principe de subsidiarité au lieu de se voir confier de nouvelles compétences à marche forcée. Dans une logique similaire, la région devrait être une instance de coordination de l’échelon départemental.

Du point de vue du Rassemblement national, la réforme des compétences et du financement des collectivités territoriales doit permettre au citoyen de savoir « qui fait quoi », de limiter les doublons et in fine de contribuer à résorber l’inflation normative qui en résulte.

2.   Le groupe La France insoumise – Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (NUPES)

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe de la France insoumise – NUPES était représenté par Mme Catherine Couturier, députée de la Creuse.

Le chef de l’État a confié à M. Éric Woerth une mission sur la décentralisation et la simplification territoriale, excluant ainsi la diversité des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat qui avaient pourtant déjà entamé des travaux sur ce sujet. Le groupe La France insoumise – NUPES le regrette, car il s’agit d’une forme de mépris pour le travail des parlementaires.

Les députés du groupe espèrent que leur contribution écrite et les échanges dans le cadre de ce débat permettront de nourrir la réflexion commune.

3.   Le groupe Démocrate

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Démocrate était représenté par M. Emmanuel Mandon, député de la Loire.

Le débat sur la décentralisation ne s’est pas achevé avec le vote des « grandes lois » de décentralisation de 1982 et 1983. Le groupe Démocrate reste attaché aux principes de la décentralisation, conçue comme un moyen de libérer les énergies, de responsabiliser les acteurs de terrain et de permettre un développement local assumé par les habitants.

Pour autant, les élus aspirent aujourd’hui à une certaine stabilité de notre organisation territoriale, trop de lois ayant imposé des transformations jugées inadaptées aux réalités locales, en particuliers aux territoires ruraux. En ce sens, les députés du groupe Démocrate estiment qu’un « big bang territorial » n’est pas plus souhaitable que le retour au cadre traditionnel du « jardin à la française » issu de la Révolution et de l’Empire. Il convient donc de faire preuve de volontarisme sans porter atteinte à la culture démocratique qui s’est constituée au fil de l’histoire dans les territoires de la République.

Par ailleurs, la décentralisation ne saurait être envisagée en France sans son pendant, à savoir la déconcentration, que l’on peut définir comme le rapprochement de l’État vis-à-vis des citoyens.

Les principes qui doivent, selon les députés du groupe Démocrate, guider une réforme de la décentralisation sont la simplification et l’évaluation, celle-ci devant s’appuyer sur une expérimentation préalable. La différenciation s’est également affirmée comme une dimension essentielle de la décentralisation au cours des dernières années : elle est au cœur des discussions en cours sur l’autonomie de la Corse, mais aussi à des degrés divers dans d’autres territoires de la République.

Bien évidemment, aucune évolution ne saurait être envisagée en dehors du cadre républicain auquel les Français sont très attachés, et au sein duquel figure le principe d’égalité. Mais ce cadre ne doit pas être considéré comme un « carcan » bloquant toute capacité d’adaptation de l’action publique aux particularités des territoires.

4.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Lors du débat du 7 février 2024, les députés du groupe Horizons et apparentés étaient représentés par M. Frédéric Valletoux, député de Seine-et-Marne.

Les députés du groupe Horizons membres de la délégation identifient deux éléments constitutifs de l’architecture décentralisée des pouvoirs publics qu’ils appellent de leurs vœux : la commune, tout d’abord, doit rester la « brique » fondamentale autour de laquelle s’est construite la vie démocratique dans notre pays. Ensuite, il importe que l’État fasse confiance aux collectivités territoriales qui participent à ses côtés à la recherche de l’intérêt général.

Au titre de la gouvernance locale, le principe de subsidiarité, qui consiste à laisser l’initiative et la responsabilité aux élus locaux lorsque ce niveau d’action est le plus pertinent, doit être réaffirmé. Cela suppose l’attribution aux collectivités des moyens financiers et humains nécessaires à la mise en œuvre de leurs compétences, notamment au travers d’un lien fiscal avec les habitants et les entreprises. En outre, les collectivités sont invitées à exercer toutes leurs compétences, mais rien que leurs compétences, avec, le cas échéant, des ajustements obtenus par la voie du conventionnement.

Enfin, les députés du groupe voient dans les deux couples formés, d’une part, de la commune et de l’intercommunalité et, d’autre part, du département et de la région, les deux axes autour desquels toute réforme de la décentralisation devrait être envisagée.

5.   Le groupe Socialistes et apparentés

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Socialistes et apparentés était représenté par Mme Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme.

Le groupe Socialistes et apparentés se réjouit de la volonté de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de mener un travail proactif sur notre organisation territoriale depuis plusieurs mois et de contribuer pleinement au débat (re)lancé par le président de la République sur la décentralisation, notamment dans le cadre de la mission qu’il a confiée à au député Éric Woerth.

Cependant, le format retenu d’un questionnaire fermé traitant de plusieurs questions structurelles en silo est insuffisant. En effet, notre organisation territoriale, la répartition des compétences, les modes d’élection des élus locaux et les ressources des collectivités locales doivent découler d’une vision d’ensemble et cohérente de la décentralisation. Cet exercice n’est pas aisé dès lors que le président de la République lui-même n’a donné ni vision ni orientations quant à sa conception de la décentralisation.

La réforme territoriale de 2014-2015, outre une dynamique de métropolisation et de renforcement de l’échelon intercommunal, disposait pour sa part de cette vision d’ensemble dans la répartition des compétences entre niveaux de collectivités territoriales mais cette cohérence a été en partie perdue dans les tractations entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur la loi « NOTRe ».

Le groupe Socialistes et apparentés n’en fait ainsi pas grief à la délégation mais souhaite que celle‑ci travaille en ce sens plutôt qu’en émettant un simple avis sur des mesures qui, entre elles, peuvent ne pas être cohérentes. La contribution finale de la délégation ne saurait être une simple synthèse du plus petit dénominateur commun des réponses au questionnaire. Les réponses du groupe à ces questions doivent donc être lues à l’aune des réflexions qui suivent.

En premier lieu, il convient de se poser la question de l’objectif poursuivi par tout projet de réforme de la décentralisation. Il ressort des discours du président de la République que la volonté de « simplification » poursuivie est d’abord motivée par une volonté de réduire les dépenses des collectivités territoriales, en cohérence avec les objectifs que la majorité présidentielle a forcés dans la loi, malgré l’opposition des deux tiers du Parlement.

Les députés du groupe considèrent que toute réforme doit permettre d’offrir à l’ensemble de nos concitoyens, quels que soient les territoires, un meilleur niveau et un égal niveau de services publics. C’est cet objectif qui doit guider les parlementaires et il n’est pas exclu que la poursuite de cet objectif génère dans un second temps, du fait d’une meilleure fluidité de l’action publique, des économies. Cet objectif suppose deux conditions préalables :

– Garantir à chaque collectivité territoriale un niveau de ressources permettant de faire face aux dépenses publiques induites par l’exercice de leurs compétences obligatoires ;

– Donner, à la main des collectivités territoriales, des outils fiscaux leur permettant d’aller plus loin au niveau du service rendu à leurs usagers sur leurs compétences obligatoires, comme optionnelles ou facultatives.

Ces deux conditions nécessitent de redonner aux collectivités territoriales une véritable autonomie financière et fiscale.

Depuis quinze ans, cette autonomie a été progressivement grignotée. D’abord en 2009, sous l’impulsion d’Éric Woerth, alors ministre du budget, avec la suppression de la taxe professionnelle, la création de la contribution économique territoriale (CET) et l’intégration des compensations d’exonérations d’imposition directe locale décidées par l’État dans le périmètre des variables d’ajustement. En 2022, cette dernière réforme représentait une perte de 813 millions d’euros pour le seul bloc communal du fait de la minoration progressive de ces compensations.

Entre 2014 et 2017, la contribution au redressement des finances publiques a réduit la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 9,2 milliards d’euros engageant une seconde phase de réduction de l’autonomie financière des collectivités territoriales et notamment du bloc communal. Si la péréquation a fortement progressé en parallèle, cette contraction de la DGF ne s’est pas accompagnée d’une nécessaire réforme pour la rendre plus juste.

Cette dynamique s’est poursuivie sous la présente majorité avec la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), composante de cette CET, et la suppression de la taxe d’habitation. Les départements et les régions ne disposent plus chacune que de deux leviers fiscaux, secondaires, à leur main : les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la taxe d’aménagement pour les départements, la taxe sur les certificats d’immatriculation et la majoration de la taxe sur les carburants pour les régions.

Si ces suppressions ont entraîné la mise en place de ressources de compensation, en particulier avec le transfert de fractions du produit de la TVA, les collectivités n’ont pas de pouvoir de taux et sont dépendantes de la conjoncture économique.

Cette absence de pouvoir de taux limite leur capacité à développer des services publics adaptés aux besoins et aux attentes de leurs usagers, au-delà de la seule mise en œuvre des compétences transférées par l’État. Les collectivités ne sont pas des administrations déconcentrées : un département géré par la gauche ou par la droite ne porte pas les mêmes priorités politiques et doit pouvoir se différencier.

La Cour des comptes elle-même, dans son fascicule 2 du rapport sur les finances publiques locales 2023, reconnaît que l’évaluation quantitative de l’autonomie financière est « peu opérante » et qu’elle masque la perception qu’ont les élus locaux de leur autonomie réelle. Elle rappelle ainsi que : « de manière générale, la perte de pouvoir fiscal des élus semble remettre en cause l’un des attendus des lois de décentralisation, selon lequel le transfert d’impôts aux collectivités devait renforcer la démocratie de proximité et le consentement à l’impôt » ([13]).

Une refonte globale des ressources des collectivités territoriales apparaît ainsi essentielle. Elle est d’autant plus urgente pour le bloc communal alors que les réformes successives ont induit une forte rigidité des composantes internes de la DGF et amplifié son caractère inégalitaire. Le passage des communes les plus riches en DGF négatives, exonérées d’écrêtement, et le gel de l’évolution de la péréquation horizontale depuis 2017 ne permettent pas, en outre, d’amplifier la correction partielle de ces inégalités par la péréquation verticale.

Il convient donc de mettre en œuvre une refonte intégrale des ressources des collectivités territoriales qui pourraient se baser sur quatre composantes :

Une dotation de fonctionnement universelle de base assurant à chaque collectivité une dotation socle. Les travaux du rapport Pires Beaune de 2015 ([14]) et les travaux à venir du Comité des finances locales pourront utilement éclairer ces réflexions. Cette refonte serait sans préjudice du maintien de dotations d’investissement spécifiques ;

Un pouvoir fiscal permettant aux collectivités, en complément de la dotation précitée, de financer l’ensemble de leurs compétences et d’offrir, dans le cadre d’un contrat social avec leurs usagers, des services supplémentaires. Ainsi aux impositions nationales à leur main pourrait s’ajouter une contribution pour service public local dont le montant dépendrait des services et politiques publiques complémentaires offertes aux usagers lorsque leur financement ne peut être couvert par un tarif seul ;

Une dotation de péréquation nationale unique pour chaque niveau de collectivités, permettant de compenser les inégalités de ressources fiscales entre elles et d’assurer un financement équitable du socle de compétences obligatoires. Cette dotation de péréquation permettra ainsi un rééquilibrage, outre des ressources, de l’effort fiscal entre les collectivités riches et les collectivités pauvres par un transfert de ressources fiscales entre les territoires. Un tel transfert contrôlé et assuré par l’État ne serait pas une novation. Il existe déjà à travers le coefficient correcteur instauré pour compenser les sur- ou sous-compensations de la suppression de la taxe d’habitation par la part départementale de la taxe foncière.

Ce sont ainsi 3,2 milliards d’euros de ressources fiscales qui ont été transférés en 2022 des communes rurales pour l’essentiel vers les communes urbaines au sein des métropoles. Avec cette réforme, un tel mécanisme deviendrait caduc, mais les transferts perdureraient, cette fois-ci, dans un objectif péréquateur ;

Une dotation de décentralisation propre à chaque département, région ou collectivité à statut particulier permettant de compenser les compétences supplémentaires transférées par l’État à leur demande. Si seules les communes disposent d’une clause de compétence générale, les collectivités des autres niveaux peuvent demander le transfert de compétences de l’État là où elles s’estiment plus compétentes au titre du principe de subsidiarité.

Afin d’offrir un meilleur service public rendu aux usagers, que le groupe a posé comme objectif à toute réforme, il convient également de s’interroger sur notre organisation territoriale.

Alors que la présence de l’État recule chaque jour un peu plus depuis quinze ans dans nos territoires, les collectivités locales ont cherché à combler ce vide. Leur engagement au quotidien pour faire fonctionner le pays et préserver les plus modestes durant la pandémie de Covid-19 en a été une démonstration éclatante. Elles ont fait la démonstration de leur volonté et de leur capacité à faire, souvent bien mieux que l’État. Il faut donc libérer leur capacité à intervenir en faisant du principe de subsidiarité un véritable principe directeur de la décentralisation.

Sur toutes les compétences non-régaliennes de l’État, des transferts ou des mises à disposition, sur le modèle de ce qui a été ouvert dans la loi « 3DS » pour le réseau routier non-concédé, doivent être permis à l’initiative de la collectivité, sous le contrôle de l’État et dans le respect du cadre législatif et réglementaire national.

En développant largement la différenciation dans les territoires, on pourra répondre au plus près aux besoins exprimés par les habitants et aux spécificités de ces territoires.

Il ne s’agit évidemment pas d’un saut fédéral, ces collectivités ne seraient pas libres d’édicter des normes environnementales ou de construction, ni de définir le contenu des manuels scolaires. L’État fixerait le cadre règlementaire et un socle pour chaque compétence transférée à l’échelle nationale afin d’assurer à chaque citoyen une égalité de traitement.

En revanche, celles des collectivités qui souhaitent aller plus loin sur les services rendus ou disposer des moyens de gérer ou d’aménager des espaces économiques ou naturels différemment pourront le faire. Des coopérations plus fortes pourront ainsi être développées entre collectivités de niveaux différents, comme entre régions et départements sur les compétences économiques, d’emploi, d’orientation ou de formation, par exemple.

Dès lors que cette réforme est liée à celle des ressources des collectivités territoriales, cette capacité de différenciation ne saurait être une prime aux collectivités les plus riches au risque d’amplifier des inégalités territoriales que le groupe entend justement combattre.

Ce principe d’adaptation à la réalité des territoires suppose également une possibilité de réorganisation territoriale là où celle-ci est pertinente. La création de collectivités issues de fusions sur plusieurs niveaux, telles que la métropole de Lyon ou la Collectivité européenne d’Alsace, doit être facilitée dès lors qu’elle répond à une logique territoriale, économique et politique et participe de la volonté de simplification de l’action publique. Elle doit être le produit de la volonté des élus locaux de ces collectivités et autorisée par l’État sous réserve d’un référendum local favorable à un tel projet. L’État devra cependant veiller à ce qu’une telle liberté ne vise pas à concentrer des territoires riches ou pauvres au sein d’ensembles homogènes, car c’est bien la logique d’une meilleure solidarité territoriale qui doit être poursuivie. C’est celle qui a présidé en 2015 à l’exclusion de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle du périmètre de la métropole du Grand Paris par exemple, afin de ne pas dévitaliser le reste du département du Val-d’Oise.

Garantir une réelle autonomie financière et fiscale aux collectivités territoriales pour offrir plus de services publics, mieux adaptés aux besoins des territoires, et permettre une organisation des compétences fluidifiées ainsi que des organisations territoriales alternatives là où elles sont plus pertinentes, tels doivent être pour le groupe Socialistes et apparentés les objectifs d’une réforme de la décentralisation. Loin d’un grand soir qui verrait le sacrifice d’un niveau de collectivités par principe, les députés du groupe proposent un retour à l’esprit initial de la décentralisation, avec un pouvoir et des moyens renforcés pour les élus locaux, un nouveau pouvoir de différenciation et un État qui fait confiance, contrôle leur action et accompagne la décentralisation.

6.   Le groupe Écologiste – NUPES

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Écologiste – NUPES était représenté par M. Jean-Claude Raux, député de Loire-Atlantique.

Les collectivités territoriales ont connu des changements successifs qui ont produit une instabilité et, sans doute aussi, une fatigue des élus, tout cela sans que nos institutions soient plus démocratiques ou plus proches des citoyens ou que les citoyens sachent qui fait quoi.

Quand on parle de décentralisation, il faut d’abord se demander pour quoi faire et selon quels objectifs. Pour le groupe Écologiste – NUPES, il s’agit d’améliorer les relations et les coopérations verticales entre l’État et les collectivités mais aussi entre les collectivités agissant sur un même territoire ainsi que les relations et les coopérations horizontales entre les collectivités voisines.

On ne pourra pas s’attaquer à la transition écologique et à la justice sociale chacun dans son coin car les enjeux environnementaux, notamment en termes d’investissements financiers, sont gigantesques. Les politiques publiques doivent agir de manière concertée. Les défis sociaux et environnementaux recoupent différentes politiques publiques et ne rentrent donc dans aucun moule de répartition des compétences.

Enfin, assurer une solidarité nationale et réduire les inégalités territoriales doivent être mis au service d’un grand projet, à savoir améliorer la vie des gens : se déplacer, se nourrir, se loger, se soigner, accéder à la culture et aux loisirs, s’instruire, tout cela à proximité et en tenant compte des spécificités des territoires de notre pays.

7.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe LIOT était représenté par M. Benjamin Saint‑Huile, député du Nord.

Beaucoup de sujets ont été évoqués. Pour autant, il importe d’évoquer des points qui peuvent être considérés, par certains, comme « irritants » mais qui sont essentiels.

D’un point de vue général, la discussion sur l’organisation institutionnelle ne peut être traitée de manière distincte de celle sur l’autonomie financière et fiscale, qui fait l’objet du second débat (infra). Il est quelque peu regrettable que l’exercice ait été « saucissonné » en deux, ce qui empêche d’avoir une approche globale.

 

 


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QUESTION N° 1 : Dans l’hypothèse d’une suppression d’une des quatre strates (commune, INTERCOMMUNALIté, département, région), laquelle conviendrait-il de choisir en priorité ?

  1.   Le groupe Renaissance

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Renaissance était représenté par Mme Stella Dupont, députée du Maine-et-Loire.

La suppression de l’une des quatre strates territoriales n’apparaît pas souhaitable au groupe Renaissance en raison même des disparités de situations. Il n’existe pas de « solution magique » qui permettrait à l’ensemble des territoires d’assurer une parfaite organisation des services publics.

Les députés Renaissance estiment qu’il est, avant tout, indispensable de faire confiance aux élus locaux, véritables connaisseurs et experts de leur territoire. Or, ces derniers semblent clairement peu désireux de bouleverser le cadre applicable aux collectivités territoriales. Pour autant, ils sont dans l’attente d’une plus grande clarification des compétences et d’une souplesse accrue dans l’organisation de la coopération entre les collectivités.

La loi pourrait ainsi fixer un cadre juridique incitatif à la mise en place de nouveaux accords entre les différentes strates de collectivités et d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Par ailleurs, il conviendrait de favoriser les initiatives des collectivités portant sur la définition de la « bonne taille » à privilégier pour l’action publique en faveur du citoyen. L’incitation à la création de communes nouvelles sur la base du volontariat, telle qu’elle figure dans la communication du 4 octobre 2023 effectuée par M. Stéphane Delautrette et Mme Stella Dupont en conclusion de la mission « flash » créée cette année-là au sein de la délégation, contribue à cet objectif.

  1.   Le groupe Rassemblement national

Compte tenu de l’exigence de proximité, le groupe Rassemblement national préconise de remettre la commune, seule à disposer de la clause générale de compétences, et le département au centre du jeu territorial.

Le rétablissement de la liberté communale suppose que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) redeviennent ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être, à savoir des espaces de coopération entre communes à l’image des syndicats intercommunaux, et non des espaces de mutualisation forcée. Il conviendrait donc de redonner un caractère facultatif à certains transferts de compétences aux EPCI, tels que la gestion de l’eau et de l’assainissement, le traitement des déchets et la politique de la ville.

Il faudrait également laisser le choix à certaines des communes relevant d’un EPCI de conserver des compétences transférées. Enfin, le maire, qui dispose d’une légitimité démocratique, devrait pouvoir disposer d’une clause de retrait lui permettant de s’opposer à des décisions de l’EPCI si celle-ci n’est pas au bénéfice de ses administrés.

Les départements, quant à eux, récupéreraient les compétences transférées aux régions, telles que l’entretien des lycées et la gestion des transports scolaires, afin de s’imposer comme un acteur de proximité et, ainsi, mieux asseoir leur légitimité auprès des citoyens

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

La France insoumise – NUPES affirme sa volonté de préserver le triptyque commune‑département-région. Dès lors, il ne paraît pas pertinent d’inclure l’intercommunalité parmi les strates de collectivités existantes que sont la commune, le département et la région puisque l’intercommunalité n’a pas le statut de collectivité territoriale prévu à l’article 72 de la Constitution.

Les députés du groupe ne sont pas opposés à la coopération intercommunale, au contraire, lorsqu’elle est faite librement pour et par les communes et non contre elles, à une échelle permettant de garantir la proximité : ce n’est pas le cas actuellement et le groupe est contre ce qu’est devenue l’intercommunalité au fil des lois de décentralisation (intercommunalité trop grande, obligatoire et imposée). Les intercommunalités doivent rester des espaces de coopération intercommunale choisis dans leur périmètre et leurs compétences.

Dans cette logique, les députés du groupe défendent la suppression des métropoles et proposent de revenir sur l’obligation d’appartenance des communes à des intercommunalités et sur des transferts de compétences obligatoires (par exemple, le transfert de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités). En ce sens, ils réaffirment les trois échelons d’organisation décentralisée (communes, départements, régions) pour mettre fin à la superposition d'échelons technocratiques (métropoles et intercommunalités géantes) qui éloignent les citoyens de la prise de décision. Le groupe ne considère donc pas l’intercommunalité comme une « strate » de même niveau que les communes, les départements et les régions, qui seront donc forcément prioritaires sur l’intercommunalité. Il est fermement opposé à la possibilité de supprimer la strate communale ou départementale au profit de la strate intercommunale.

Les députés du groupe souhaitent supprimer les grandes régions en redécoupant cellesci à partir des sous-bassins versants ([15]). Les grandes régions créées en 2015 ont accentué le sentiment d’éloignement des institutions et de perte de cohérence de l’organisation territoriale de la République.

Aujourd’hui, le bilan est unanime : cette réforme n’a convaincu personne, le redécoupage n’a pas non plus permis de réaliser des économies, la Cour des comptes a même estimé, au contraire, un coût de la réforme dépassant les 200 millions d’euros. Les grandes régions n’ont pas montré leur efficacité s’agissant des économies d’échelle attendues avec les fusions de régions. Depuis 2018, les grandes régions touchent une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nationale à la place de la DGF, contrairement aux communes et aux départements ; elles ne disposent plus de la clause de compétence générale et n’ont quasiment plus d’autonomie fiscale (ratio d’autonomie fiscale de 8,2 % sur le total de leurs recettes de fonctionnement). Tout cela en fait une strate « à part », la plus éloignée des citoyens, qu’il convient de réorganiser.

Le groupe La France insoumise – NUPES souhaite réaffirmer le rôle des communes, cellule de base de la démocratie locale et première porte d’entrée du service public de proximité. La commune représente la République aux yeux de nos concitoyens et les élus sont en contact direct avec les habitants et leurs difficultés. Malheureusement, les communes souffrent avec une diminution des moyens ; les députés du groupe demandent l’indexation de la DGF sur l’inflation.

Le groupe veut également réaffirmer le rôle du département comme échelle pertinente pour organiser un maillage équilibré du territoire en services publics essentiels à la population. Ces deux strates sont donc les plus importantes du fait de la proximité leur permettant une action publique cohérente et lisible. Les députés du groupe refusent leur suppression. Il leur paraît nécessaire de réformer leur mode de financement pour plus de cohérence et de justice sociale.

Au contraire, ils sont critiques face à ce que sont devenues les intercommunalités (qu’ils ne considèrent pas, de même que le droit, comme une strate égale aux autres mentionnées) et les régions. Il convient également de prendre en compte l’aspiration des élus et des citoyens à une plus grande stabilité institutionnelle. Il serait donc peut-être préférable de conserver le triptyque communes-départements-régions tout en leur donnant de nouvelles possibilités d’organisation : par exemple, s’agissant des régions, permettre leur scission et revoir le partage des compétences.

4.   Le groupe Les Républicains

Lors du débat du 7 février 2024, le groupe Les Républicains était représenté par M. Alexandre Vincendet, député du Rhône.

La question du nombre de strates de collectivités paraît devoir être abordée différemment. Une grande réforme de l’organisation territoriale marquant une nouvelle étape de la décentralisation doit nécessairement s’appuyer sur un cap idéologique pour réussir. C’est une fois ce cap fixé qu’il convient de décliner les mesures qui en découlent.

Depuis son élection en 2017, le président de la République n’a eu de cesse de relancer son projet de réforme territoriale sans parvenir à la concrétiser, faute de consensus et de pouvoir avancer de véritables idées-forces. À ce titre, le président Emmanuel Macron a chargé M. Éric Woerth d’une mission parlementaire de six mois sur la décentralisation, dont l’un des axes est de réfléchir à la simplification de l’organisation territoriale « en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd’hui trop nombreuses ». Cette question de la suppression de l’une des strates existantes est un « vieux serpent de mer » du débat sur l’organisation territoriale et les députés du groupe Les Républicains n’y sont pas favorables à ce stade.

En effet, l’organisation territoriale actuelle, bien qu’évidemment perfectible, ne parait pas mériter le traitement de choc esquissé par le président de la République en initiant une réflexion sur la suppression des départements. Par ailleurs, face à des régions de plus en plus lointaines depuis les fusions de 2015, les Français conservent un attachement fort à leurs départements, dont la carte n’est guère différente de celle de 1790.

De plus, la crise du Covid-19 a récemment rappelé l’importance et la complémentarité des différentes strates, qui ont œuvré de concert avec l’État pour assurer une organisation rapide dans un contexte inédit.

Plutôt qu’une grande transformation de notre organisation territoriale, dont on devine qu’elle relève surtout de la volonté présidentielle de laisser une trace durable, les députés du groupe Les Républicains proposent de travailler à des propositions pragmatiques.

Le groupe Les Républicains propose de consacrer l’intercommunalité de projet au lieu d’une intégration intercommunale uniforme et subie et de soutenir les formes choisies de coopération locale, garantes d’une libre administration effective.

Les Républicains sont également ouverts à ce que les communes puissent s’organiser comme elles le souhaitent au sein des intercommunalités par des accords locaux qui fixeront librement leurs compétences partagées. Aucune commune ne sera ainsi contrainte à fusionner avec une autre

5.   Le groupe Démocrate

La réponse à cette question ancienne, mais toujours d’actualité, soulève plusieurs difficultés. Poser l’hypothèse de la suppression d’une des quatre grandes strates en vigueur, revient en réalité à s’interroger sur l’avenir de ce que l’on attend du département. Sa suppression, envisagée un temps, lors de la relance des régions et de leur redécoupage, ne semble pas aujourd’hui une solution satisfaisante du point de vue du groupe Démocrate.

Le département reste un périmètre pertinent, notamment pour les territoires ruraux. Les « grandes régions » dessinées en 2015 n’ont pas permis de réaliser les économies d’échelle annoncées, même si elles se sont affirmées dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques, telles que l’aménagement du territoire.

Même si l’on peut constater parfois des situations de concurrence, le millefeuille administratif s’est de facto structuré en un bloc communal constitué des communes et des EPCI et un bloc territorial composé des départements et des régions. Le groupe Démocrate privilégie donc la stabilité dans ce domaine.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

De toute évidence, une simplification doit être opérée dans une architecture institutionnelle à laquelle les Français ne comprennent plus grand-chose. Une strate pourrait donc utilement être supprimée, étant rappelé que les députés du groupe Horizons membres de la délégation souhaitent « sanctuariser » la commune.

Dans la même logique, des leçons doivent être tirées des fusions de régions, qui n’ont pas permis d’économies financières et éloignent symboliquement les lieux de décision des habitants.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

En cohérence avec la contribution du groupe Socialistes et apparentés en préambule, aucune suppression de strate par principe ou par calcul économique n’est pertinente.

Il paraît cependant nécessaire de faciliter les coopérations entre ces différents niveaux de strates sur les compétences connexes ou sur celles qu’elles seraient susceptibles d’exercer ensemble à la suite d’un transfert de compétences de l’État dans le cadre d’un principe de subsidiarité renforcé.

Les députés du groupe ont également proposé que la création de collectivités à statut particulier, sur des territoires pertinents et sous réserve qu’elles participent d’une meilleure solidarité territoriale, soit facilitée.

La fusion de plusieurs départements, de départements et de leur région ou de métropoles avec leurs départements peut apporter une simplification territoriale pour une meilleure efficacité de l’action publique et une plus grande lisibilité pour le citoyen. Elle ne peut cependant qu’être le produit d’un projet politique territorial et suppose un soutien populaire exprimé par référendum local, sous le contrôle de l’État qui veillera à ce que ce projet n’induise pas un affaiblissement des territoires limitrophes.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le débat public relatif à la décentralisation s’articule souvent autour de la critique du « millefeuille territorial ». Si la question peut être légitime, elle est fréquemment mise au service des objectifs de réduction des dépenses et de rigueur budgétaire, dont l’efficacité reste au demeurant à démontrer, au lieu de s’inscrire dans une réflexion plus large sur l’organisation territoriale de la République et la participation des citoyens à l’action publique locale.

En dépit des effets négatifs du découpage territorial issu de la loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 ([16]), qui a éloigné les régions des territoires qu’elles couvrent, le groupe Écologiste  NUPES s’oppose à toute suppression de strate territoriale. S’agissant du département, les députés du groupe insistent sur le fait que cet échelon demeure l’interlocuteur privilégié des acteurs locaux dans les territoires ruraux.

L’organisation territoriale de la France doit permettre à tous de se déplacer, de se nourrir, de se loger, d’accéder à la culture et aux loisirs ainsi que de s’instruire dans les meilleures conditions. C’est avec cet objectif en tête que doit être pensée toute réforme territoriale et de décentralisation.

Le groupe Écologiste – NUPES est attaché à ce que toute modification éventuelle du périmètre géographique ou toute fusion, que ce soit des régions ou des départements, soit adoptée par la voie d’un référendum local qui permette aux habitants des territoires concernés de se prononcer.

D’un point de vue général, on peut constater une forme de « fatigue » des élus locaux face aux réformes qui se succèdent depuis 2010. Le contexte ne semble pas être à la modification des compétences et aux changements institutionnels. Néanmoins, le groupe Écologiste – NUPES appelle à réévaluer les modes de coopération entre collectivités territoriales, tant de manière verticale entre des collectivités différentes intervenant sur un même territoire que de manière horizontale entre collectivités voisines relevant d’un même échelon, ainsi qu’entre les collectivités territoriales et l’État lui-même.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Le groupe LIOT considère que toute suppression de strate ne peut s’effectuer que sur la base du volontariat. La fusion de régions décidée par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, sans véritable concertation avec les élus régionaux, représente le contre‑modèle à ne pas reproduire, tant celui-ci a pu faire naître de nombreuses frustrations au sein de la population et des élus.

Si l’initiative est portée par l’échelon local, comme cela s’est produit en Corse, une telle réforme peut fonctionner. Une telle suppression ne pourrait donc voir le jour qu’après une très large concertation et approbation des forces démocratiques, des élus et des citoyens. La suppression d’une telle strate pourrait ne pas être forcément monolithique et ne concerner que certains territoires où une demande spécifique existe.

Un regroupement imposé par l’État donnerait l’impression d’un « marteau » qui frappe le territoire et susciterait alors l’opposition du groupe LIOT.

Enfin, les députés du groupe s’étonnent de la persistance de deux strates de l’État déconcentré là où les collectivités locales ont fusionné, notamment en Corse et en Alsace. Cela traduit un manque de cohérence de la part de l’État et créent des surcoûts qui contrastent avec les efforts fournis par les élus locaux.

QUESTION N° 2 : La résurgence d’un conseiller territorial commun aux départements et aux régions paraît-elle aujourd’hui nécessaire ?

  1.   Le groupe Renaissance

Les principes qui avaient inspiré la création d’un conseiller territorial demeurent louables même si sa mise en œuvre suppose un travail de clarification des compétences entre collectivités. À la suite du redécoupage géographique des régions de 2015, la résurgence du conseiller territorial apparaît difficile à mettre en œuvre du point de vue du groupe Renaissance. Certes, l’instauration d’un nouvel élu à la fois commun aux départements et aux régions aurait des avantages : le conseiller territorial aurait une bonne connaissance des deux strates, ce qui lui permettrait d’instruire les dossiers plus rapidement. Il convient de rappeler, sur ce point, qu’il existe de nombreuses compétences partagées entre les départements et les régions : culture, tourisme, etc. In fine, cette réforme pourrait renforcer la professionnalisation de la vie politique.

Pour autant, dans la mesure où il en découlerait une réduction du nombre d’élus et un accroissement de leur champ de compétences, une telle résurgence aboutirait paradoxalement, selon les députés Renaissance, à distendre le lien entre les élus locaux et les citoyens, alors même que ceux-ci réclament de plus en plus de proximité.

Par ailleurs, il conviendrait de veiller à ce que le mode de scrutin mis en place pour élire le conseiller territorial ne vienne pas indirectement pénaliser la représentation des femmes, qui a été sensiblement améliorée dans les départements à la suite de la réforme de 2013 ([17]).

Enfin, on peut craindre avec ce nouvel élu une forme de « dilution » du projet régional au profit d’une simple « addition » de projets départementaux. L’échelon régional perdrait ainsi sa cohérence d’ensemble.

  1.   Le groupe Rassemblement national

Dès lors que l’on s’engagerait dans la voie du renforcement du département comme échelon de proximité pertinent au détriment de la région, la mise en place d’un élu commun aux deux niveaux de collectivités permettrait de favoriser leur bonne coordination des deux échelons.

Une telle réforme ne pourrait, toutefois, aboutir si les régions comportent un nombre trop élevé de départements. Une réflexion paraît devoir être engagée sur le redécoupage des « grandes régions », notamment celles qui regroupent au moins dix départements.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

La réforme du conseiller territorial de 2010 qui visait à remplacer les conseillers généraux et régionaux par un seul conseiller siégeant dans les deux assemblées n’est jamais entrée en vigueur, ayant été abrogée en 2013. Le conseiller territorial fait son grand retour aujourd’hui et avait été évoqué par la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, dans son discours de politique générale. Cette proposition demeure portée par une volonté de « rationaliser » les échelons territoriaux, et derrière la réduction du nombre d’élus qui en résulterait se cache une volonté de réduire le nombre de strates (n’oublions pas que dans la lettre de mission adressée à M. Éric Woerth ([18]), le président de la République a d’abord évoqué l’idée de strates trop nombreuses avant de « rétropédaler ») et de désorganiser le triptyque communes-départements-régions au profit de collectivités hybrides peu lisibles et à taille européenne. Les élus régionaux comme départementaux y sont opposés, surtout ces derniers qui craignent légitimement la disparition de l’échelon départemental trop souvent menacé.

La France insoumise – NUPES défend au contraire la réaffirmation du rôle des départements, échelon pertinent d’accompagnement des politiques publiques, environnementales et sociales.

Par ailleurs, créer un conseiller territorial unique commun aux départements et aux régions alimenterait le risque qu’un des deux échelons prenne l’ascendant sur l’autre, conduisant ces élus à désinvestir l’échelon dominé au bénéfice de l’autre. À l’évidence, les régions étant plus riches, elles risqueraient d’écraser les départements qui sont, à l’inverse, actuellement en difficultés financières. Cela alimenterait également le risque que ces élus ne soient pas ou mal identifiés par les citoyens qui votent déjà de moins en moins aux élections locales : le taux de participation aux élections régionales est passé de 74 % en 1986 à 33 % en 2021 !

4.   Le groupe Les Républicains

Portée par le président Nicolas Sarkozy dans la loi n° 2010‑1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, la création du conseiller territorial siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional visait à apporter une réponse efficace au besoin de souplesse que posait la concurrence entre départements et régions.

Cependant, le redécoupage territorial opéré en 2015, réduisant le nombre de Régions de 22 à 12 en France métropolitaine, est venu réduire considérablement l’utilité de l’instauration d’un conseiller territorial unique.

De plus, la création d’un conseiller territorial en 2010, rapidement abrogée en 2013 par le président François Hollande sans même avoir eu le temps d’être appliquée, est le symbole de l’enchaînement à un rythme effréné des lois d’organisation territoriales de ces dernières années : la réforme des collectivités territoriales de 2010, la loi « MAPTAM » en 2014, la loi « NOTRe » en 2015, la loi « 3DS », etc. Aujourd’hui, la majorité des élus locaux réclament une pause ; c’est pourquoi le groupe Les Républicains n’est pas favorable à la réintroduction du conseiller territorial unique.

Pour autant, si le conseiller territorial venait à être mis en place, quel serait alors le mode de scrutin ? Les députés du groupe Les Républicains sont fermement opposés à l’instauration d’un scrutin proportionnel et rappellent leur attachement au scrutin majoritaire à toutes les élections.

5.   Le groupe Démocrate

Le « bloc territorial » constitué du couple département-région fonctionne, mais les « grandes régions » nées en 2015 ne facilitent pas le rapprochement entre les deux échelons. Il paraît, dès lors, difficile d’envisager la résurgence du conseiller territorial tel qu’il avait été défini en 2010.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Aujourd’hui, les échelons régionaux et départementaux ont parfois tendance à intervenir au-delà de leur sphère de compétence : en ce sens, la mise en place d’un élu commun aux deux niveaux de collectivités contribuerait à rétablir une certaine cohérence de l’action territoriale. L’exemple de Paris, où un seul élu exerce à la fois les fonctions de conseiller municipal et de conseiller départemental montre qu’une configuration de ce type est possible dans les départements et les régions.

Sous réserve d’identifier un mode d’élection assurant à cet élu une pleine légitimité, les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation se montrent donc favorables à la résurgence du conseiller territorial.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Le rapport des habitants au territoire a changé depuis les premières lois de décentralisation. Les limites régionales ont évolué, de même que les compétences des départements et des régions. Nos concitoyens peinent à appréhender le rôle de ces deux niveaux de collectivités, d’autant plus lorsqu’elles exercent de manière séparée des compétences connexes ou liées voire, partagées.

La création d’un conseiller territorial suppose donc de s’interroger sur l’objectif politique d’un tel regroupement. S’il s’agit de réduire le nombre d’élus, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont pu exprimer dans leur propos liminaire leur appréciation d’une réforme purement comptable. S’il s’agit de repenser les missions des départements et des régions, notamment pour redonner de la lisibilité aux citoyens, alors c’est à l’aune de cette refonte que l’on pourra juger de la pertinence d’y faire siéger les mêmes élus.

Cela étant posé, il existe une contrainte technique majeure à la mise en place d’un conseiller territorial. Avec la création des grandes régions, quatre conseils régionaux verraient se réunir plus de 450 conseillers territoriaux et jusqu’à 516 en Nouvelle-Aquitaine, contre 183 conseillers régionaux aujourd’hui. C’est presque autant qu’à l’Assemblée nationale. Alors qu’on imagine mal les instances exécutives de la région comporter plus de membres, les assemblées régionales seraient réduites à un rôle de chambre d’enregistrement pléthorique avec un pouvoir réduit entre les mains de moins de 5 % de leurs membres. De telles instances ne seraient pas compréhensibles pour les citoyens. En outre, alors que ces régions commencent à arriver à maturité et que les élus comme les citoyens sont en demande de stabilité, il n’apparaît ni souhaitable ni envisageable de les redécouper à nouveau. Ainsi, si, avec le recul, cette réforme, à laquelle les députés socialistes s’étaient opposés, pouvait avoir une pertinence en 2012 avec 22 régions, elle n’est plus envisageable à 13 régions.

Toute réflexion inversée visant à réduire à la base le nombre total de conseillers territoriaux impliquerait, soit de réduire à nouveau le nombre de cantons, au risque d’une perte réelle de proximité dans les territoires ruraux, soit de revenir sur le principe du binôme par canton ce qui se ferait avec certitude au détriment de la place des femmes et consacrerait un recul majeur pour la parité en politique.

Au final, il n’existe ainsi aucune modalité pratique de mise en œuvre du conseiller territorial lequel semble relever d’une forme de fétiche plutôt que d’une évolution pertinente de notre organisation territoriale.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le groupe Écologiste – NUPES observe que le contexte qui avait présidé à l’instauration du conseiller territorial en 2010 a sensiblement évolué, en particulier avec la création des « grandes régions » en 2015.

La nouvelle carte régionale rend d’autant plus difficile le retour d’une telle réforme qu’il conviendrait d’assurer le principe constitutionnel d’égalité de représentation des citoyens ([19]) dans des ensembles régionaux aux écarts de populations parfois abyssaux. On peut rappeler, à cet égard, l’exemple de la région Occitanie, composée de treize départements, parmi lesquels figurent la Lozère (76 000 habitants) et la Haute-Garonne (1 400 000 habitants).

D’autre part, l’idée du conseiller territorial ne peut se faire qu’en appui d’une vision de l’organisation territoriale. Créer un mandat électif public qui assure à la fois la représentation départementale et la représentation régionale nécessite une définition renouvelée des relations entre les départements et la région à laquelle ils appartiennent, ce qui peut aller jusqu’à la mise au ban du principe constitutionnel d’absence de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre.

Par ailleurs, les problématiques sont si nombreuses au sein de chaque strate qu’il serait illusoire d’imaginer qu’un élu unique puisse maîtriser tous les sujets. Enfin, cette nouvelle catégorie d’élu local reviendrait à institutionnaliser une forme de cumul des mandats, en éloignant davantage ces élus du terrain.

Le groupe Écologiste – NUPES est donc formellement opposé à la résurgence du conseiller territorial. Il est, toutefois, favorable à la réforme du mode de scrutin des élections départementales, qui serait remplacé par un scrutin de liste à la proportionnelle, doté d’un seuil électoral. Plus généralement, les députés du groupe préconisent la généralisation d’une prime majoritaire de 25 % des sièges pour toute élection locale ainsi que la limitation du cumul des mandats dans le temps à trois mandats identiques successifs.

Il s’agit d’assurer une plus juste représentation des citoyens à tous les échelons de la vie politique locale tout en préservant, naturellement, l’exigence de parité au sein de l’assemblée délibérante.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Selon le groupe LIOT, la reprise de la réforme impulsée en 2010 par le président de la République, Nicolas Sarkozy, serait une erreur.

Dans un premier temps, il est nécessaire de préciser que la logique sous‑tendant la fusion des collectivités départementales avec la collectivité régionale dans une collectivité unique, qui peut être concevable dans certains territoires qui le demanderaient, n’est pas la même que celle prévalant à celle de l’instauration d’un conseiller territorial commun à ces deux strates. Dès l’instant que le choix est fait de maintenir deux strates différentes, il convient de garder des élus aux mandats non confondus. Cette confusion des mandats paraîtrait contraire au principe de libre administration des collectivités.

Avec l’instauration du conseiller territorial, il y aurait un risque de dilution du projet régional au travers des élus territoriaux qui seraient élus dans un cadre cantonal. La région, qui est le territoire où s’expriment le mieux l’intérêt général et la cohésion territoriale, s’effacerait derrière une multitude d’intérêts portés par des « barons locaux ».

Le groupe LIOT s’opposerait par ailleurs à une vision purement comptable de la création du conseiller territorial dont le but serait de faire des économies par la réduction mathématique du nombre d’élus. Une telle réforme aboutirait, par ailleurs, à diminuer drastiquement le nombre de conseillers territoriaux des petits départements, car les circonscriptions d’élection devraient, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, être rééquilibrées en fonction de leur nombre d’habitants.

Il pourrait, toutefois, être envisagé de reconsidérer le nombre de conseillers régionaux dans certaines assemblées régionales, demeurées pléthoriques suite aux fusions de 2015, tout en maintenant un nombre minimum de conseillers par département afin d’assurer une juste représentation des territoires les plus ruraux.

Enfin, les députés du groupe LIOT considèrent qu’il est essentiel de conserver le principe d’un mandat spécifique pour chaque strate de collectivité. En 2010, le Gouvernement avait probablement pour objectif de réaliser des économies d’échelle avec le conseiller territorial : aujourd’hui, une telle approche réduirait largement la portée du débat sur l’organisation territoriale de notre pays.

QUESTION N° 3 : Pourrait-on laisser les élus locaux, dans un cadre fixé par la loi, définir eux-mêmes leur organisation territoriale ?

  1.   Le groupe Renaissance

La flexibilité et l’esprit d’initiative sont les principes fondamentaux autour desquels s’articulent les préconisations du groupe Renaissance. La loi doit pouvoir établir le cadre au sein duquel les élus locaux pourraient définir par convention l’organisation territoriale qui leur paraît la plus pertinente, c’est-à-dire une répartition des compétences garantissant au mieux l’efficacité des services publics.

  1.   Le groupe Rassemblement national

Bien que les élus locaux doivent être consultés sur la définition des bassins de vie, les députés du groupe Rassemblement national estiment qu’il n’est ni souhaitable, ni pertinent de les laisser fixer eux-mêmes leur organisation territoriale, ce qui aboutirait à l’émiettement de notre pays. La Constitution offre déjà des possibilités de différenciation à certains territoires, qui peuvent se prévaloir d’une situation spécifique.

Les principes essentiels d'unité et d'indivisibilité de la République commandent la plus grande vigilance sur cette question. On peut ajouter que la « personnalisation » de l’organisation territoriale s’opposerait à l’objectif de clarté et de simplicité qui doit guider la décentralisation.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

La question posée est relativement large.

Si l’on entend par organisation territoriale la liberté d’association et la coopération intercommunale, les députés du groupe La France insoumise – NUPES sont favorables à un retour à une intercommunalité partant des besoins des communes, à leur service, basée sur le volontariat et non imposée de force, sur le modèle des syndicats intercommunaux. Ils sont opposés aux regroupements forcés de communes ainsi qu’aux transferts obligatoires de compétences et, au contraire, favorables un renforcement des libertés communales. Plutôt que d’imposer, la loi pourrait ouvrir la possibilité aux élus locaux de s’organiser en bonne intelligence sur certains sujets, selon ce qui correspond le mieux à chaque situation. Cela irait dans le sens des principes de libre administration des collectivités et de subsidiarité prévus à l’article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement ». La loi pourrait également étendre la clause de compétence générale dont seules les communes disposent à présent.

La question posée est révélatrice de plusieurs risques : celui d’une décentralisation « à la carte », celui de la différenciation territoriale.

Une décentralisation « à la carte », où chaque collectivité choisit ses compétences et sa forme institutionnelle, conduirait à rendre le schéma territorial illisible alors qu’il est déjà complexe. Il faut, au contraire, regagner en lisibilité pour que l’action publique locale soit plus compréhensible, applicable et identifiable. S’agissant des compétences, le groupe La France insoumise – NUPES défend le maintien, voire la recentralisation, des compétences régaliennes et essentielles de l’État que sont la santé, l’éducation, l’énergie, les transports, le logement, la protection sociale, la police et la justice qui doivent permettre une égale protection de tous les citoyens sur le territoire national.

La question posée renvoie également à celle de la différenciation territoriale à laquelle le groupe s’oppose fermement, car elle aggrave les fractures entre collectivités et les inégalités entre citoyens, par la mise en concurrence des collectivités qui n’ont pas les mêmes moyens humains et financiers.

4.   Le groupe Les Républicains

Pour le groupe Les Républicains, la seule boussole sur ce sujet doit être le renforcement constant de l’efficacité de l’action publique locale. Dans les faits, il est courant qu’en fonction des territoires, l’échelon approprié d’exercice diffère car nul ne sait mieux que les élus locaux eux-mêmes à quel échelon une compétence doit être exercée. À l’inverse, il est vain pour le législateur de vouloir régler uniformément l’ensemble des situations pouvant se présenter.

C’est pourquoi le groupe est favorable à ce qu’il soit possible pour les communes de modifier la répartition des compétences « à la carte », par accord local pris à l’unanimité (ou à une forte majorité qualifiée) des conseils municipaux et du conseil communautaire ou métropolitain de l’EPCI à fiscalité propre concerné.

C’est le sens des intercommunalités d’être des outils communautaires entre les communes. Les députés du groupe soutiennent un assouplissement des règles concernant le fonctionnement des intercommunalités.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate n’estime pas souhaitable de laisser les élus locaux définir eux-mêmes leur organisation territoriale. La décentralisation a été pensée autrement.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Laisser les élus locaux décider de leur organisation territoriale revient précisément à mettre en œuvre le principe de subsidiarité, auquel les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation sont très attachés. Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 72, alinéa 4, permet à la loi d’autoriser une ou plusieurs collectivités à déroger, de manière expérimentale, aux dispositions régissant l’exercice de leurs compétences. Les députés du groupe estiment que cette facilité devrait être plus systématiquement utilisée.

Bien évidemment, le choix d’une organisation différenciée de manière expérimentale par une collectivité s’effectuerait sous le contrôle de l’État, garant de l’intérêt général et du principe d’égal accès aux services publics.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Les députés du groupe Socialistes et apparentés défendent, dans leur propos liminaire, cette possibilité dès lors qu’elle permet d’améliorer l’efficacité de l’action publique ainsi que la solidarité interne aux collectivités, et donc aux territoires ainsi fusionnés, et qu’elle se fait sur un territoire pertinent d’un point de vue politique, économique, culturel, etc.

Une telle possibilité suppose plusieurs garde-fous contrôlés par l’État :

1° Elle ne doit pas entraîner une ghettoïsation des territoires concernés par le regroupement excessif de territoires riches leur permettant de s’extraire de leur solidarité territoriale actuelle ou par l’affaiblissement du territoire limitrophe du futur ensemble. À cet égard, si la métropole de Lyon a constitué une évolution intéressante, le département du Rhône se retrouve dépourvu de son poumon économique et dispose comme nouvelle commune chef-lieu, avec Villefranche‑sur‑Saône, d’une commune de seulement 35 000 habitants ;

2° Cette organisation doit être préalablement soumise à référendum local interrogeant l’ensemble des habitants touchés par le changement de périmètre. L’adhésion des citoyens doit être un préalable ;

3° Les compétences de la nouvelle collectivité, en accord avec le renforcement du principe de subsidiarité qui est porté ici, doivent permettre le rendu d’un meilleur service public aux citoyens.

Le groupe a déjà pu exprimer ses réserves sur la fusion de communes urbaines riches en commune nouvelle, très loin de l’esprit qui présidait à ce dispositif. Les fusions de communes comme celle d’Annecy ne doivent pas être reproduites dans ce format.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le code général des collectivités territoriales, en son article L. 1111‑8 ([20]), permet à une collectivité territoriale de déléguer l’une de ses compétences à une collectivité d’une autre strate. Toutefois, cette possibilité a rencontré un succès qui paraît mitigé aux yeux du groupe.

Le dispositif de délégation de compétences actuellement en vigueur pose des garanties pour la collectivité territoriale qui l’entreprend avec un exercice en son nom par la collectivité délégataire ainsi qu’une convention qui fixe une durée, des objectifs et des modalités de contrôle. Ce cadre est indispensable à la bonne mise en œuvre de la compétence concernée.

Le législateur a toutefois fixé un certain nombre de limites au dispositif : celui-ci ne s’applique que sous certaines conditions aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ([21]) et certaines compétences ne peuvent pas faire l’objet de délégations ([22]).

Si les élus locaux doivent définir leur organisation, c’est avant tout sur les compétences exercées par leur collectivité. Toute collectivité d’une même strate territoriale ne fait pas face aux mêmes enjeux sur son territoire. Il en résulte des capacités d’action et de mutualisation différenciées.

Le groupe Écologiste – NUPES insiste sur la nécessité de parvenir à un juste équilibre entre la fixation unilatérale par l’État des compétences des collectivités et la liberté totale dans l’organisation territoriale, qui nuirait à la lisibilité des responsabilités politiques.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Le groupe LIOT est attaché à l’autonomie de décision et à la prise en compte de la différenciation partout où elle paraît nécessaire. Il souhaite donc que la modification des limites territoriales soit facilitée.

Alors qu’aujourd’hui, seule la loi peut décider des fusions de régions et de départements en une collectivité unique ([23]) ou des limites territoriales des régions ([24]), il pourrait être décidé au pouvoir réglementaire de « valider » la décision prise par des assemblées locales, autant que faire se peut après consultation des populations concernées.

Ainsi, la loi devrait prévoir la possibilité pour l’État de consulter les électeurs d’un département ou d’une région afin de recueillir leur avis sur un projet de modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe ainsi que pour les autres modalités de modification des limites territoriales, telles que la création d’une collectivité unique par la fusion des départements et de la région ou le regroupement de départements. Cela doit se concrétiser sans recréer les verrous de quorum et de double majorité appliqués au référendum du 7 avril 2013 sur la création de la collectivité territoriale d’Alsace ([25]).

Pour le groupe LIOT, la consultation des populations est un élément essentiel : plus les citoyens se reconnaîtront dans leurs institutions, plus cellesci seront légitimées.

Des conférences territoriales incluant les élus concernés d’un département, sans que ceux-ci ne soient soumis au pouvoir discrétionnaire des préfets, pourraient être instituées afin de revoir la carte des EPCI là où les demandes existent.

Enfin, il paraît opportun de laisser la possibilité aux collectivités qui le désirent de reproduire dans les conseils départementaux et régionaux le modèle des collectivités de Corse et de Martinique consistant à distinguer l’assemblée territoriale d’un « conseil exécutif ». Cette organisation pourrait également être envisagée dans les communes, à condition d’y instaurer un seuil d’habitants relativement élevé pour être concrètement applicable.

QUESTION N° 4 : Conviendrait-il de reconnaître par la loi à toute collectivité le droit de s’emparer d’une compétence ne relevant pas de sa catégorie ?

  1.   Le groupe Renaissance

Une telle reconnaissance reviendrait à réattribuer à toutes les collectivités territoriales la clause générale de compétences, limitée aux seules communes depuis la loi « NOTRe » ([26]).

Le groupe Renaissance n’est pas favorable à sa réinstauration. Comme indiqué supra (question n° 3), le dialogue entre collectivités et la délégation de compétences doivent être privilégiés. L’administration d’une compétence peut varier d’un territoire à un autre si une délégation de compétences entre deux ou plusieurs collectivités territoriales le permet.

  1.   Le groupe Rassemblement national

La mise en œuvre d'une telle règle, aboutissant à une concurrence désordonnée entre collectivités de différents niveaux, n'est pas souhaitable et devrait, selon le groupe Rassemblement national, être résolument écartée. Une fois encore, c’est le principe d’unité de la République qui risquerait d’être considérablement fragilisé.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Les députés du groupe La France insoumise – NUPES y sont opposés car, encore une fois, cela va dans le sens d’une plus grande illisibilité territoriale. Les élus souhaitent de la stabilité. L’abstention actuelle aux élections locales doit conduire à adopter une attitude réfléchie s’agissant du schéma territorial.

La différenciation et le développement de collectivités territoriales à statut particulier telles que la Collectivité européenne d’Alsace – département qui n’en a pas le nom et qui dispose de compétences exceptionnelles – ou la métropole de Lyon – à la fois département et métropole – ne contribuent en rien à clarifier les strates de collectivités, bien au contraire. Chacun irait réclamer ici et là des compétences différentes, de sorte qu’en fin de compte, cela encourage la mise en concurrence des collectivités, toujours au profit des plus dotées, et au détriment des citoyens.

Du point de vue de La France insoumise – NUPES, permettre à toutes les collectivités d’exercer correctement leurs compétences semble être un impératif plus important que de permettre à telle ou telle collectivité de déroger à la loi qui s’applique aux autres collectivités. Cette question sous-entend une vision individualiste et libérale de la décentralisation, un chacun pour soi territorial qui rompt avec les principes d’égalité, d’indivisibilité, d’unicité de la République. La décentralisation ne peut se transformer en un « supermarché » à échelle nationale où chacun fait ses courses, il faut une vision politique et une cohérence nationale.

4.   Le groupe Les Républicains

La loi « NOTRe » a supprimé la clause générale de compétence pour les départements et les régions.

La position du groupe Les Républicains est de conserver la clause de compétence de plein droit lorsqu’elle existe, en permettant à la seule collectivité responsable d’intervenir dans le champ de compétences qui lui a été attribué

Dans le cas des compétences partagées, les députés du groupe sont ouverts sur le fait de laisser la possibilité aux autres collectivités d’intervenir en bonne intelligence. En revanche, ils sont opposés aux tutelles d’une collectivité sur une autre dans le cadre de l’exercice des compétences, mais favorables à un exercice souple de ces compétences.

Enfin, le groupe réaffirme la nécessité, pour être efficace, que toute réforme de notre organisation territoriale apporte au préalable des réponses claires à la question du financement des collectivités.

5.   Le groupe Démocrate

Un tel droit peut être considéré comme une forme de résurgence de la clause générale de compétence, supprimée pour les départements et les régions depuis 2015.

Les députés du groupe Démocrate ne sont pas favorables à la remise en cause de cet équilibre et privilégient l’application du principe de subsidiarité au travers du conventionnement.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Dès lors que leurs compétences sont clairement définies, les collectivités ne devraient pas pouvoir aller au-delà de ce qui leur est attribué, à l’exception, bien sûr, de la commune qui doit conserver sa clause générale de compétences.

On peut constater que les collectivités ont souvent tendance à empiéter sur les compétences des autres, à l’image de certains départements qui interviennent, par exemple, en matière d’aide au développement économique alors même qu’il s’agit d’une compétence exclusive de la région ([27]).

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

En cohérence avec leurs propositions sur le renforcement du principe de subsidiarité, les députés du groupe Socialistes et apparentés sont favorables à ce qu’une collectivité puisse exercer, dans un cadre contractuel, une compétence exercée par les collectivités de rang inférieur de son périmètre lorsque celles-ci y consentent.

Des conventions de transfert ou de coopération doivent alors permettre d’optimiser l’exercice de cette compétence ainsi que la cohérence de l’action publique sur le territoire concerné et régler les questions financières. Cela doit procéder d’un accord politique des élus des collectivités concernées, sous le contrôle de l’État.

De la même manière, une collectivité doit pouvoir se voir transférer ou déléguer une compétence de l’État sur son territoire lorsqu’elle estime pouvoir mettre en œuvre cette compétence d’une manière plus efficace ou cohérente avec les politiques publiques connexes qu’elle met en œuvre dans le cadre de ses propres compétences.

S’il ne s’agit, à ce stade, que d’une expérimentation, la mise à disposition aux régions volontaires de portions du réseau routier non concédé pour qu’elles y développent des aménagements ou des services participant de leur politique en matière de transport, de développement économique et d’emploi est une évolution positive qu’il faut développer largement.

L’État doit cependant veiller à ce que cette différenciation s’inscrive dans le respect d’un cadre législatif et réglementaire national garantissant un égal traitement des citoyens sur le territoire.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le groupe Écologiste – NUPES est favorable au maintien de la clause générale de compétences pour les communes. Elle avait été retirée des départements et des régions une première fois en 2010 ([28]), avant d’être réattribuée en 2014 ([29]) puis de nouveau supprimée pour les mêmes collectivités en 2015 ([30]).

La clause générale de compétences ne correspond nullement au droit des collectivités de faire « tout et n’importe quoi » mais doit être perçue comme une habilitation à réaliser une action si, et seulement si, l’intérêt public local est en jeu et si cette action ne vient pas interférer avec le domaine réservé d’une autre collectivité.

Les députés du groupe considèrent, par ailleurs, que la répartition des compétences effectuée par la loi ne saurait s’ajuster parfaitement aux réalités de l’ensemble des territoires. La crise sanitaire a montré que les collectivités peuvent entreprendre des actions dans des domaines qui ne sont pas les leurs et aboutir à des résultats tangibles par leur présence ainsi que par la connaissance de leur territoire et de leur population.

La complexité des défis sociaux et environnementaux auxquels notre société est confrontée ne peut être traitée sous leur seul angle d’une lecture juridique des compétences des acteurs publics. Aux côtés de la clause générale de compétences, ces défis appellent à un affermissement de la coopération entre collectivités territoriales, d’une part, ainsi qu’entre les collectivités territoriales et l’État, d’autre part.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Du point de vue du groupe LIOT, cette question ne se poserait pas dans ces termes si la clause de compétence générale avait été maintenue pour l’ensemble des collectivités locales.

Bien que la spécialisation des compétences ait pu avoir des effets positifs dans certains cas, certains députés du groupe déplorent le choix opéré par le législateur en 2015 au vu des marges de manœuvre laissées par l’instauration des « chefs-de-filât ».

Le groupe LIOT réaffirme son attachement au principe de subsidiarité, selon lequel on n’attribue à l’échelon supérieur que ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer efficacement.

Cela reviendrait à inscrire dans la Constitution la possibilité d’opérer par la loi des transferts différenciés de compétences de l’État vers les collectivités territoriales ainsi que d’une collectivité vers une autre. Un tel dispositif se justifierait par des motifs d’intérêt général ou par des différences de situations liées à la position géographique ou à la démographie du territoire concerné.

Ces transferts ne pourraient pas avoir lieu lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ainsi que pour les compétences régaliennes.

La réponse à la question posée s’inscrit dans le cadre d’une réflexion plus vaste sur la façon de concevoir la décentralisation dans notre pays. Il s’agirait de donner sa pleine effectivité au principe de subsidiarité mentionné au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

QUESTION N° 5 : L’égal accès des citoyens aux services publics vous paraît-il menacé par le développement de la différenciation territoriale ?

  1.   Le groupe Renaissance

La différenciation désigne l’attribution par la loi de compétences spécifiques à une collectivité territoriale ainsi que l’exercice différencié d’une compétence par des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie.

Selon le groupe Renaissance, la différenciation ne peut se déployer que dans le respect du principe d’égalité, et notamment de l’égal accès des citoyens au service public. Ce cadre a été réaffirmé par la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (« 3DS ») en son article premier.

Les députés du groupe estiment que cette égalité n’est pas menacée à condition de maintenir une politique nationale de péréquation et d’aménagement du territoire.

  1.   Le groupe Rassemblement national

Les députés du groupe Rassemblement national considèrent que l’unité de la loi et le caractère régulier de l’organisation administrative du pays sont des fondements essentiels de la cohésion nationale dès lors qu’ils garantissent l’égal accès des citoyens au service public.

Selon eux, la différenciation territoriale, telle qu’elle se développe dans notre pays, menace cette égalité d’accès. Les citoyens qui se tournent vers leur maire pour des problèmes du quotidien, notamment en matière de logement ou d’urbanisme, se voient renvoyer vers des intercommunalités « XXL » ou des métropoles sur lesquelles les élus ont peu de prise et qui ne parviennent pas pour autant à garantir un service public performant et peu coûteux. Dans de nombreux territoires, le maire n’est plus à même défendre les intérêts de sa population.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Du point de vue du groupe La France insoumise – NUPES, il y a effectivement une menace. La différenciation territoriale, nouvelle obsession sous le mandat présidentiel d’Emmanuel Macron en l’absence de toute vision politique de la décentralisation, conduit à ce que des collectivités de même catégorie ne disposent pas des mêmes compétences (différenciation des compétences) et puissent déroger aux normes législatives ou réglementaires (différenciation des normes). Portée par une logique de rupture face aux principes d’égalité, d’indivisibilité de la République et d’uniformité de la loi, la différenciation ne fait qu'accroître les inégalités et fractures locales préexistantes, dans une logique de concurrence entre collectivités et de décentralisation à géométrie variable. Face aux défaillances de l’État et à la limitation des marges de manœuvres locales, des collectivités réclament telle ou telle compétence différente des autres collectivités de leurs strates ou de pouvoir déroger aux normes législatives ou réglementaires.

Cette différenciation met en danger les citoyens qui ne seront pas traités de la même manière selon l’endroit où ils se trouvent, puisque la loi pourrait ne pas être appliquée de la même manière sur l’ensemble du territoire, ce qui pourrait être particulièrement préjudiciable s’agissant de certaines compétences, telle que la protection sociale par exemple. Certaines collectivités pourraient être tentées par le moins disant social ou environnemental afin d’attirer des entreprises.

Elle aggrave aussi les inégalités entre collectivités qui auront les moyens de gérer de nouvelles compétences et celles qui ne le pourront pas.

Enfin, elle menace la forme de l'État actuel par le développement d’une forme de fédéralisme avec un État de moins en moins présent. En toile de fond se profile le désengagement continu de l’État en matière d’égalité des services publics. Afin de garantir l’égalité entre les citoyens et entre les collectivités, les députés du groupe La France insoumise – NUPES s’opposent fermement au « droit à la différenciation ».

À rebours de la différenciation, le groupe défend l’inscription dans la Constitution de l’égalité d’accès aux services publics des habitants de tout le territoire de la République s’agissant des missions essentielles de l’État : la santé, l’éducation, l’eau, l’énergie, les transports, les modes de communication, l’accès à la culture et aux services sociaux.

La France insoumise – NUPES souhaite stopper les fermetures de services publics et mettre en place un plan de redéploiement sur les territoires ruraux et périurbains : les services postaux, les gares de proximité, les hôpitaux et les services de santé, les écoles, les palais de justice, le Trésor public.

4.   Le groupe Les Républicains

Il faut d’abord rappeler que l’inégalité dans l’accès des citoyens aux services publics existe déjà dans un système uniforme et centralisé.

Le premier article de la loi « 3DS » est venu instaurer un équilibre entre, d’une part, une liberté de différenciation entre collectivités et, d’autre part, le principe constitutionnel d’égalité. La possibilité de différenciation n’est pas nouvelle : la loi « NOTRe » de 2015 avait déjà ouvert cette faculté notamment pour les régions et pour les départements d’outre-mer. La loi « 3DS » (le premier D correspondant au mot « différenciation ») a étendu cette possibilité à tous les départements. Le groupe soutient l’inscription du principe de différenciation dans la Constitution qui permet l’attribution différenciée de compétences et de règles les régissant.

Cependant, si le principe de la différenciation est mis en place, il devra permettre le libre arbitre des collectivités territoriales et non être imposé par un échelon supérieur, comme c’était le cas pour les intercommunalités. Il sera également nécessaire de proportionner cette différenciation en préservant l’équilibre entre unité nationale et autonomie locale.

Enfin, il semble que le développement de la différenciation territoriale apporte une mauvaise réponse à un vrai problème, celui de l’inflation normative.

5.   Le groupe Démocrate

L’État doit préserver le principe de l’égal accès des citoyens au service public. Il faut reconnaître, toutefois, que notre pays n’est jamais parvenu à le traduire de manière effective sur l’ensemble du territoire. La différenciation territoriale suppose donc des moyens en fonctionnement, notamment humains, afin de répondre aux besoins croissants en ingénierie territoriale.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Par principe, l’égalité des citoyens devant le service public ne semble pas menacée par le développement de la différenciation territoriale. Comme indiqué supra ([31]), l’application différenciée des compétences entre collectivités suppose l’exercice plein et entier par l’État de son contrôle de légalité.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Selon que l’on habite à Versailles, à Sevran, dans le Comminges ou à Fort‑de-France, il existe d’ores et déjà d’importantes disparités dans l’accès des citoyens aux services publics.

Les inégalités de richesses entre territoires et collectivités territoriales créent de puissantes inégalités en matière de services publics, dont l’intensité est directement reliée à l’insuffisante présence des services de l’État dans les territoires. Sans surprise, la géographique des inégalités est également celle du vote en faveur du Rassemblement national. Ainsi, l’enjeu posé n’est pas seulement celui d’une efficience de l’action publique mais aussi celui d’un raccrochage d’une partie de nos concitoyens qui s’estiment relégués.

La différenciation n’est donc pas un danger mais peut être une solution, complémentaire d’une meilleure solidarité nationale et entre les territoires, comme les députés du groupe le proposent au travers de la refonte des ressources des collectivités dans leur propos liminaire.

La différenciation vient en complément d’un socle minimal qui doit être assuré à chaque citoyen, non pour compenser son insuffisance mais pour permettre d’aller plus loin là où les élus locaux le souhaitent ou bien pour faire différemment là où les circonstances locales appellent une réponse mieux adaptée.

Elle suppose de s’inscrire dans un cadre normatif national, d’exclure les matières régaliennes et de toujours être développée dans le sens d’une extension des droits et non de la mise en place de restrictions à l’encontre de certaines catégories de populations ou de bénéficiaires.

Elle s’inscrit aussi dans le débat plus large sur le statut de la Corse, de la Nouvelle-Calédonie ou des collectivités d’outre-mer, qui toutes connaissent des particularismes qui nécessitent une capacité d’adaptation importante. Le régime d’habilitation actuellement prévu par l’article 73 de la Constitution apparaît à cet égard dépassé, insuffisant et trop rigide.

Partout où l’action de l’État a montré ses limites ou son inadaptation, les collectivités doivent pouvoir, au titre du principe de subsidiarité, prendre la main. Cela suppose bien entendu, un transfert de ressources ou une dotation de décentralisation compensatoire, à son juste niveau, conformément au nouveau cadre d’autonomie financière et fiscale posé en préambule.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

La différenciation territoriale est un moyen de dépasser les tensions susceptibles d’apparaître entre le principe d’égalité entre les citoyens, qui suppose une application uniforme des normes sur le territoire, et le maintien d’inégalités de fait ne pouvant être corrigées que de manière circonstanciée.

Le groupe Écologiste – NUPES considère, par conséquent, que la différenciation territoriale n’atteint son objectif que si elle aboutit à une amélioration du service rendu aux habitants. Il apparaît donc nécessaire de définir dans quels domaines une différenciation pourrait s’avérer pertinente et d’identifier les compétences devant, au contraire, demeurer nationales pour des raisons de capacité de mise en œuvre ou au titre d’une application stricte du principe d’égalité.

À cette fin, l’invocation du principe de subsidiarité peut s’avérer pertinente, dans la mesure où cela revient à reconnaître aux collectivités le droit de prendre des décisions à l’échelle qui paraît la plus efficace. Dans la même optique, les délégations de compétences entre collectivités doivent être renforcées et la coconstruction des politiques publiques par l’État et les élus locaux devrait être systématisée.

Les députés du groupe insistent sur la nécessité d’ajuster les moyens humains, techniques et financiers des collectivités à un éventuel approfondissement de la différenciation sous peine d’aboutir de manière contreproductive à un creusement des inégalités territoriales.

D’un point de vue général, le groupe Écologiste – NUPES est attaché à la lisibilité des politiques publiques et à la clarté pour les citoyens de l’acteur public responsable, par souci de redevabilité politique.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Le groupe LIOT ne voit pas dans la différenciation la remise en cause de la République elle-même ou de ses principes fondamentaux. Il s’agit tout simplement de souligner que la situation des citoyens au regard d’une politique publique n’est pas la même selon que l’on habite dans une métropole, dans la Creuse ou dans une zone de montagne.

On peut rappeler que la différenciation a été reconnue par le Conseil constitutionnel qui, dans une décision du 9 avril 1996, considère que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ([32]). »

Certains mécanismes de différenciation, certes limités, existent déjà dans le droit français. Ainsi, les communes ne conservent pas toutes les mêmes compétences selon l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de référence. Des collectivités territoriales à statut particulier existent déjà, telles que Paris, la métropole de Lyon, la collectivité de Corse ou certaines collectivités d’outre-mer.

Enfin, il est fréquent que le législateur adopte des règles spécifiques ne s’appliquant qu’à certaines collectivités territoriales en raison de différences de situation qu’elles soient géographiques (territoire de montagne, littoral, etc.) ou démographiques ([33]).

Il s’agit désormais de trouver les outils permettant de résorber les inégalités entre nos territoires par une application différenciée des normes et des compétences. Il convient de préciser que cette différenciation ne peut se développer que si elle s’accompagne de la création d’une fiscalité permettant d’ajuster les recettes au coût de la compétence transférée.

Les députés du groupe estiment que, si un socle républicain est évidemment nécessaire, il doit donc y avoir également la capacité d’aller plus loin.

QUESTION N° 6 : À la suite des communes, des départements et des régions, faudrait-il ajouter les actuels établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à la liste des collectivités territoriales, leur président pouvant êtRe élu au suffrage universel direct ?

  1.   Le groupe Renaissance

Soucieux de ne pas accroître un « millefeuille » territorial déjà très complexe, le groupe Renaissance est réservé quant à la création d’une nouvelle catégorie de collectivités territoriales, au demeurant s’agissant des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, qui demeurent des émanations des communes.

Les députés du groupe sont, en revanche, favorables à l’organisation de débats à l’échelle locale sur les projets métropolitains ou intercommunaux. Par ailleurs, ils ne souhaitent pas pour autant remettre en cause les compétences obligatoires et facultatives des EPCI et demeurent favorables à la possibilité pour les communes de transférer la compétence « eau et assainissement », par exemple, à l’EPCI ou à certains syndicats sans caractère obligatoire.

  1.   Le groupe Rassemblement national

Le groupe Rassemblement national n’est pas favorable à l’émergence d’un quatrième échelon de collectivités territoriales, ce qui serait unique en Europe. Cela renforcerait les doublons et les interpénétrations, serait source de pertes d’efficacité et affecterait davantage la lisibilité de l’organisation territoriale.

Par ailleurs, l’élection au suffrage universel direct des présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) acterait la fin de la légitimité des maires, déjà entravée par l’obligation, issue de la loi « NOTRe » de 2015, de se rattacher à un ensemble intercommunal. Du point de vue du groupe Rassemblement national, l’intercommunalité doit avant tout redevenir un espace de coopération choisie.

Dans cette logique, on pourrait envisager des mécanismes de « différenciation » au sein des EPCI permettant, par exemple, à des communes de ne pas transférer certaines compétences à leur intercommunalité, les délibérations n’étant votées que par les communes ayant accepté le transfert. Des mécanismes de « juste retour » des crédits des EPCI vers les communes qui en ont le plus besoin pourraient être également mis en place. D’un point de vue général, les députés du Rassemblement national souhaitent que les maires, seuls représentants du peuple élus au suffrage universel direct, aient la liberté d’action suffisante pour répondre aux attentes des citoyens.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Le groupe La France insoumise – NUPES considère que les EPCI n’ont pas vocation à devenir une catégorie de collectivités. Comme cela a été exposé ci-avant, la coopération intercommunale est, à l'origine, au service des communes, mais elle a été très largement dévoyée, jusqu’à devenir une menace pour les communes et pour les départements. Elle est devenue une mutualisation forcée, au nom du principe de « rationalisation ». D’une libre coopération, elle est devenue une façon de remplacer progressivement les échelons de proximité au bénéfice des grandes métropoles et régions européennes.

Les conseillers communautaires sont élus lors des élections municipales, certes au suffrage universel direct (pour les communes de 1 000 habitants et plus), mais ce scrutin est directement lié au scrutin municipal puisqu’ils sont élus en même temps conseiller municipal et conseiller communautaire (2 listes distinctes mais un seul bulletin de vote) et nul ne peut être conseiller communautaire s’il n'est conseiller municipal.

L’intercommunalité découle de la commune et n’a pas vocation à s’en détacher pour devenir indépendante.

4.   Le groupe Les Républicains

Il est essentiel que la commune, cellule de base de notre démocratie, demeure toujours au cœur des intercommunalités. L'ajout des EPCI en tant que nouvelle catégorie de collectivité territoriale aurait pour effet de complexifier encore davantage le paysage administratif français, déjà caractérisé par un enchevêtrement de compétences entre différents niveaux de collectivités.

La mise en place d'une telle réforme nécessiterait une réflexion approfondie sur l'équilibre des pouvoirs entre les EPCI et les communes membres, notamment en termes de répartition des compétences et de ressources financières.

Cette évolution ne leur paraissant pas aujourd’hui pertinente, les députés du groupe Les Républicains n’y sont donc pas favorables.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate reste attaché à l’échelon communal, qui incarne parfaitement la démocratie de proximité. En ce sens, les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales. Leur transformation en collectivités territoriales à part entière aboutirait à une altération du bloc communal et, consécutivement, une modification de l’architecture de la décentralisation en France.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

L’élection des présidents d’EPCI au suffrage universel direct porterait atteinte à la légitimité du maire : pour cette raison, les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation ne sont pas favorables à cette idée.

Pour autant, la tendance à la constitution de grandes métropoles éloignées des citoyens dans certaines agglomérations (Paris, Lyon, Marseille, mais aussi Toulouse, par exemple) devrait amener le législateur à envisager une réforme du mode d’élection des conseillers communautaires des EPCI correspondants.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Les EPCI ont été conçus comme des lieux de la coopération des communes sur une gamme de services publics pour lesquelles un changement d’échelle ou de masse critique est rendu nécessaire pour un meilleur service public rendu aux usagers.

De ce point de vue, il n’apparaît pas pertinent de faire de ces établissements des collectivités territoriales de plein exercice. D’autant que les compétences exercées par celles-ci, outre le noyau de compétences obligatoires de droit commun, sont extrêmement variables d’un territoire à un autre.

La question du contrôle démocratique de leur action demeure néanmoins posée, en particulier dans les ensembles les plus grands où la part majoritaire des conseillers communautaires est inconnue du grand public.

Aux yeux des députés du groupe Socialistes et apparentés, la question d’une élection directe du président ou de l’ensemble des conseillers communautaires ne paraît pertinente que pour les organes délibérants des EPCI les plus peuplés ou des établissements publics territoriaux (EPT) de la Métropole du Grand Paris, ces derniers ayant la particularité (sauf ceux qui siègent également comme conseillers métropolitains), d’être désignés par les communes membres et non élus.

Au-delà d’un seuil de population et de budget de fonctionnement à définir, une telle proposition pourrait être soumise à référendum local pour une mise en œuvre à l’occasion des élections municipales suivantes. Cela permettrait à chaque territoire de choisir le mode de gouvernance de son EPCI ou EPT le plus adapté au-delà de ce seuil de population. Il conviendrait, le cas échéant, que les candidats soient obligatoirement candidats aux élections municipales dans le ressort territorial de l’EPCI ou de l’EPT afin de garantir une cohérence des offres politiques.

Plus largement et en particulier pour des établissements publics ayant de tels budgets et compétences, il convient de réfléchir à la manière de créer les conditions d’un réel débat politique sur les projets portés par les candidats pour l’échelon intercommunal à l’occasion des élections municipales.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Compte tenu des larges compétences exercées et de leurs modalités de fonctionnement, les 1 254 EPCI à fiscalité propre, qui couvrent l’ensemble du territoire hexagonal et des départements d’outre-mer à l’exception de quatre communes insulaires, présentent toutes les caractéristiques des collectivités territoriales sans le titre.

Le groupe Écologiste – NUPES est donc favorable à l’ajout des EPCI à fiscalité propre à la liste des catégories de collectivités territoriales.

Une telle réforme leur offrirait des garanties supplémentaires, notamment de valeur constitutionnelle : libre administration, stricte compensation par l’État des transferts de compétences, principe d’autonomie financière, possibilité de consulter les habitants par référendum, accès à l’expérimentation.

Les députés du groupe se montrent, en revanche, opposés à l’élection du président de l’EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct, préférant le principe d’une élection par le conseil communautaire, lui-même élu de manière directe et distincte des conseils municipaux.

La mission d’information sur l’intercommunalité créée en 2023 au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et menée conjointement par Mme Anne Brugnera, députée du Rhône, et M. Jean-Claude Raux, député de Loire-Atlantique, s’efforcera d’apporter des perspectives à cette question récurrente au travers de ses recommandations.

Quelle que soit sa forme, toute élection doit aboutir à l’élaboration d’un projet de territoire par des listes candidates plutôt qu’à une simple agglomération d’intérêts communaux.

Le groupe Écologiste – NUPES préconise également l’ouverture d’un débat sur le non-cumul des fonctions de maire avec celles de président d’un EPCI à fiscalité propre afin de réduire la charge de travail conséquente qui pèse sur les maires, répartir les responsabilités et éviter une mise en concurrence déloyale entre une ville centre et les communes alentour.

De même, les syndicats intercommunaux, s’ils restent utiles en offrant liberté et souplesse dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques, entretiennent des relations encore trop lointaines avec les habitants des territoires concernés alors même qu’ils gèrent des biens communs essentiels à la vie quotidienne (eau, énergie, déchets, transports, etc.). Le groupe préconise donc la mise en place de mécanismes de fonctionnement plus démocratiques de ces établissements publics.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Les citoyens reprochent souvent aux élus de ne pas se concerter avec eux sur la définition et la mise en œuvre des grands projets territoriaux. L’échelon municipal, qui reste pertinent sur les sujets de proximité, éprouve des difficultés à aborder des enjeux plus larges. Les conseillers municipaux sont élus sur des programmes dont le contenu ne pourra se retrouver intégralement au niveau des EPCI, ce qui nourrit le reproche selon lequel les élus se mettraient d’accord entre eux « après coup ». Il est, effectivement, étrange de définir un projet de territoire après une élection au conseil communautaire quasiment sans campagne électorale.

Le groupe LIOT considère qu’il y a là un déficit démocratique auquel une réforme de l’intercommunalité peut apporter une solution.

Le renforcement du contrôle démocratique sur les EPCI à fiscalité propre au travers de l’élection au suffrage universel direct des membres du conseil communautaire, et donc de leur président, fait partie des options envisageables, ce qui aurait pour corollaire la transformation de cet échelon en collectivité territoriale.

Bien évidemment, la place de la commune, échelon de base de notre organisation territoriale, ne doit pas être fondamentalement remise en cause. Alors que les communes se sentent de plus en plus dépossédées et qu’elles n’ont souvent plus les capacités financières, juridiques ou humaines d’exercer leurs prérogatives, l’élection au suffrage universel direct au sein des intercommunalités devra se construire avec le soutien des maires pour éviter que cette réforme ne soit perçue comme l’achèvement de leur raison d’être.

Une solution alternative, défendue par certains députés du groupe, consisterait à ouvrir la possibilité pour une commune de se transformer en « section » d’un EPCI sur approbation du conseil municipal à la majorité qualifiée. Le partage des compétences entre les sections communales et l’intercommunalité pourrait être fixé par le conseil de l’intercommunalité, dont le mode d’élection resterait inchangé.


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   DÉBAT N° 2 : L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS LOCAUX

QUESTION N° 7 : Le législateur devrait-il faire plus systématiquement référence au pouvoir réglementaire local pour l’application des textes qu’il adopte, à l’exception des domaines expressément proscrits par la jurisprudence constitutionnelle ?

  1.   Le groupe Renaissance

Lors du débat du 27 février 2024, le groupe Renaissance était représenté par le président David Valence.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré l’existence d’un pouvoir réglementaire local en l’inscrivant dans la Constitution à l’article 72, alinéa 3 ([34]). Le groupe Renaissance souhaite que le législateur fasse davantage référence au pouvoir réglementaire local pour l’application de la loi, tout en rappelant que la capacité des collectivités à s’en saisir est inégale et dépend du niveau d’ingénierie disponible.

Au titre des aspects pratiques, il convient de se référer aux propositions formulées par Mmes Monica Michel, députée des Bouches-du-Rhône, et Patricia Lemoine, députée de Seine-et-Marne, à l’occasion d’une communication devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale le 10 décembre 2020 ([35]) :

– les lois relatives aux collectivités territoriales devraient se limiter à énoncer les principes fondamentaux, laissant aux assemblées délibérantes locales le soin de décider des modalités d’application (proposition n° 7) ;

– pour les projets de loi sur les compétences décentralisées, il conviendrait de distinguer clairement ce qui relève du pouvoir réglementaire local de ce qui relève du pouvoir du Premier ministre, évitant les renvois à un décret en Conseil d’État en tant que de besoin (proposition n° 8) ;

– il serait également nécessaire de compléter les études d’impact pour préciser les mesures d’application et justifier les recours au pouvoir réglementaire local (proposition n° 9).

2.   Le groupe Rassemblement national

Lors du débat du 27 février 2024, le groupe Rassemblement national était représenté par M. Jocelyn Dessigny, député de l’Aisne.

Du point de vue du groupe Rassemblement national, la décentralisation ne doit pas remettre en cause l’unité de la Nation, ce qui plaide en défaveur du renforcement du pouvoir réglementaire local.

La loi dite « 3DS, en son article 5, a reconnu cette faculté aux collectivités territoriales « pour l’exercice de leurs compétences » ([36]), mais il faut admettre qu’elle a été peu utilisée. Cela prouve que les collectivités considèrent encore majoritairement le principe d’unité de la République comme un bouclier, et non comme un handicap.

Plutôt que d’envisager une nouvelle série de transferts de compétences dans le domaine réglementaire, les députés du groupe Rassemblement national estiment plus urgent de limiter la production législative et la multiplication des normes qui pèsent sur les collectivités, puis d’engager un vaste chantier de simplification.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Lors du débat du 27 février 2024, le groupe de la France insoumise – NUPES était représenté par M. Sébastien Rome, député de l’Hérault.

La demande d’un pouvoir réglementaire local plus important apparaît souvent comme une réponse à l’inflation législative et au coût des normes de plus en plus techniques pour les collectivités. La multiplication des normes est estimée par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) à 2,5 milliards d’euros pour 2022, en augmentation de plus de 200 % en 4 ans. En l’état de la jurisprudence, les collectivités territoriales ne disposent que d’une compétence de second rang après l’exercice du pouvoir réglementaire de droit commun du Premier ministre.

Sur certains sujets très précis, on peut entendre l’inutilité de certaines précisions législatives ou de renvoi au pouvoir réglementaire national, mais la question posée semble ouvrir un champ beaucoup plus large au pouvoir réglementaire local puisqu’elle n’exclut que les « domaines expressément proscrits par la jurisprudence constitutionnelle ». Le groupe La France insoumise  NUPES estime important de définir avec précision le champ de compétences des collectivités pour éviter les risques de dérogations à la norme nationale.

L’argument de l’inflation législative peut être trompeur car, en permettant aux collectivités de faire plus ample usage de leur pouvoir réglementaire local pour appliquer les lois, cela pourrait conduire à une multiplication des normes édictées localement. Les collectivités se retrouveraient également à devoir interpréter la loi, de manière différente, ce qui pourrait poser à la fois des problèmes politiques et juridiques. Il y aurait également des répercussions sur le contrôle de légalité effectué par les services préfectoraux. Or, les préfectures ne sont déjà pas en mesure d’effectuer correctement leurs missions par manque de moyens. Cela pourrait donc aboutir à une complexification du droit, une multiplication des recours contre des décisions locales et une remise en question permanente de la norme nationale.

De telles évolutions, qui peuvent sembler positives, pourraient en réalité de nouveau aggraver les inégalités entre collectivités puisque les plus dotées en moyens techniques et financiers (services juridiques) pourront s’en saisir alors que les moins dotées peineront à exercer ce pouvoir réglementaire local. On constate déjà aujourd’hui ces inégalités s’agissant du manque d’ingénierie dans les appels à projets, dans l'accès aux subventions, etc.

4.   Le groupe Les Républicains

Lors du débat du 27 février 2024, le groupe Les Républicains était représenté par M. Xavier Breton, député de l’Ain.

Les Républicains n’y sont pas opposés par principe. Il conviendrait que, au moment de la construction de la loi, le législateur s’interroge plus souvent sur la place laissée au pouvoir réglementaire local, sans pour autant que sa mise en œuvre soit systématisée.

Il ne doit cependant pas s’agir d’un moyen pour l’échelon national de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités.

5.   Le groupe Démocrate

Lors du débat du 27 février 2024, le groupe Démocrate était représenté par M. Emmanuel Mandon, député de la Loire.

L’élargissement des compétences des collectivités territoriales par le législateur via le pouvoir réglementaire local peut être admis si les conséquences concrètes de cet élargissement en termes de moyens matériels et financiers d’action des collectivités concernées sont prises en compte au moment de l’élaboration de la loi.

Le groupe Démocrate est favorable au principe de subsidiarité tout en restant prudent quant à ses modalités de mise en œuvre.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation estiment qu’il est important de renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, en particulier celui des communes. Cette exigence résulte du principe constitutionnel de subsidiarité, insuffisamment exploité aujourd’hui.

En dépit des transferts par « bloc de compétences » aux différents niveaux de collectivités et de l’attribution de la clause générale de compétence à la seule commune, chaque strate a tendance à intervenir au-delà des domaines qui la regardent, ce qui est source de coûts accrus et d’efficacité moindre dans le « cœur de métier » de l’échelon concerné. La question de la clarification se pose donc tout autant entre l’État et les collectivités qu’entre les collectivités elles-mêmes.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Si le groupe est favorable à une plus grande différenciation territoriale, notamment par une plus grande liberté en matière d’exercice de compétences ne relevant pas des compétences obligatoires ou spéciales de chaque niveau de collectivités, il paraît essentiel que toute adaptation normative locale soit fortement encadrée.

En Corse et dans les différentes collectivités d’outre-mer, des situations particulières liées à l’insularité ou au contexte économique, culturel et social peuvent justifier d’adaptations dès lors qu’elles visent à atteindre les mêmes objectifs que ceux assignés aux autres collectivités ou permettre un fonctionnement effectif de certains services publics.

Les matières dans lesquelles la loi doit pouvoir autoriser ces adaptations doivent exclure les matières régaliennes et ces dispositions réglementaires locales doivent être encadrées par décret en Conseil d’État et soumises préalablement à ce dernier dans le cadre d’un processus de contrôle qui pourrait s’inspirer de celui existant en Polynésie Française pour les lois du pays ([37]).

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Seules les communes disposent actuellement d’un pouvoir réglementaire large en vertu de la clause générale de compétence qu’elles détiennent. Les autres collectivités possèdent uniquement un pouvoir réglementaire spécifique qui s’exerce dans le cadre d’une de leurs compétences.

La proposition d’un accroissement d’une référence au pouvoir réglementaire local pour l’application des textes du législateur rendrait d’autant plus nécessaire le renforcement des moyens humains à disposition des collectivités, en particulier des communes. Il convient de rappeler, à cet égard, que les quelque 35 000 communes de notre pays font souvent face à l’absence d’un service juridique en leur sein. Quand celui-ci existe, les agents correspondants doivent assurer un suivi législatif et réglementaire marqué par la complexification et une perpétuelle mutation. La charge de travail et la technicité induites par une application réglementaire locale des lois conduiraient alors à une impérative et conséquente revalorisation des moyens des collectivités.

Au-delà de la question du renvoi par le législateur au pouvoir réglementaire local, le groupe Écologiste – NUPES soumet à débat collectif l’hypothèse d’une autonomie réglementaire locale dans le respect des principes du « mieuxdisant » et de subsidiarité.

Autrement dit, il s’agirait d’offrir une liberté d’application des textes par les collectivités territoriales tant que les normes réglementaires prises viennent apporter davantage que ce que permet la loi dans le sens de la volonté du législateur. De même, ce pouvoir réglementaire local devrait respecter le principe de subsidiarité selon lequel l’action concernée revient à la collectivité locale la plus pertinente si cette action ne peut être assurée par la collectivité territoriale de taille inférieure.

Enfin, compte tenu du nombre important de mises en accusation du législateur face à une inflation normative, il convient de rappeler le rôle détenu par le Gouvernement dans l’établissement de normes réglementaires. Certaines des normes fixées par le Gouvernement pourraient utilement être définies à un échelon local en fonction des réalités du territoire concerné.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Les députés du groupe LIOT estiment que les collectivités territoriales doivent avoir la possibilité d’exercer pleinement leur pouvoir réglementaire, voire leur pouvoir législatif dans les territoires qui le demandent, notamment en Corse.

La révision constitutionnelle de 2003 ([38]) a inscrit dans le texte fondamental l’existence de ce pouvoir réglementaire au niveau local. Dans la réalité, il est peu effectif car trop restrictif, les collectivités territoriales ayant par ailleurs tendance à en être dépossédées par l’administration centrale. Ce constat vient rejoindre celui de la constitutionnaliste Wanda Mastor qui, dans un rapport au conseil exécutif de Corse de 2021, rappelle qu’il n’existe pas en droit de pouvoir réglementaire « tant qu’il n’est pas autonome ».

Les collectivités territoriales n’ont que des compétences « que l’État central accepte de leur transférer » et « qu’elles exercent sous le contrôle de légalité de l’État et du juge administratif ». La constitutionnalisation du pouvoir réglementaire local en 2003 « ne fait de ce dernier qu’un pouvoir secondaire et résiduel. » ([39]) 

Les expérimentations menées par les collectivités territoriales pour adapter les dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ont connu un très faible succès. En effet, ces expérimentations obéissent à de strictes conditions d’application. De plus, il faut rappeler que les actes dérogatoires adoptés dans ce cadre sont des actes administratifs, soumis au contrôle de légalité.

Le groupe LIOT est donc favorable à la création d’un véritable pouvoir normatif autonome et permanent qui ne passerait pas par le filtre du législateur, ce qui suppose, là aussi, qu’il n’empiète pas sur le pouvoir réglementaire des collectivités locales en faisant des lois trop bavardes.

À défaut de pouvoir normatif autonome et permanent, il convient que la Constitution prévoie que la loi et le règlement prennent obligatoirement en compte les spécificités des territoires en faisant référence au pouvoir normatif local pour l’application des textes législatifs et réglementaires adoptés. Cela permettrait aux collectivités locales de pouvoir se saisir plus facilement et plus largement de leurs prérogatives d’adaptation normative là où elles ont tendance à être en concurrence avec les préfets à condition, naturellement, que cette référence au pouvoir normatif local ne soit pas trop enserrée par le législateur.

QUESTION N° 8 : Au-delà de l’autonomie financière reconnue par la constitution en son article 72-2, serait-il opportun de consacrer, au moins dans la loi organique, le principe de l’autonomie fiscale locale, défini à partir du montant des ressources fiscales sur lesquelles les collectivités disposent d’un pouvoir de taux, et de fixer un socle minimal de ressources fiscales sur lequel la collectivité a un pouvoir de taux ?

  1.   Le groupe Renaissance

L’autonomie financière est le seul concept défini et protégé par la Constitution en son article 72-2, qui prévoit que les collectivités territoriales « peuvent disposer librement » de leurs ressources, dont une part déterminante doit être constituée de ressources propres.

À ce jour, l’autonomie fiscale n’a donc ni définition officielle, ni existence constitutionnelle ou juridique. Sur ce point, une communication du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, effectuée le 21 juin 2023 ([40]) propose d’adopter une « définition claire et précise de l’autonomie fiscale fondée sur le pouvoir de taux des collectivités territoriales ». Le degré d’autonomie fiscale serait ainsi évalué à partir du ratio entre, d’une part, les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités disposent d’un pouvoir de taux et, d’autre part, l’ensemble de leurs ressources ([41]). Cette communication envisage également la constitutionnalisation d’un niveau minimum d’autonomie fiscale.

Les députés du groupe Renaissance sont favorables à la définition constitutionnelle d’un socle minimal de ressources destinées aux collectivités territoriales. On peut rappeler, à cet égard, que les collectivités territoriales disposent de moins en moins de leurs ressources fiscales, l’autonomie fiscale des départements ayant fortement décru et celle des régions étant très faible depuis 2010 ([42]). Les communes sont les seules à avoir conservé une autonomie fiscale significative.

2.   Le groupe Rassemblement national

Le principe constitutionnel d’autonomie financière apparaît aujourd’hui obsolète : cette « autonomie » est censée s’être accrue au cours des dernières années alors que, dans le même temps, se réduisait le périmètre des taxes sur lesquelles les collectivités disposaient d’un pouvoir de taux.

Une collectivité peut-elle être sérieusement considérée comme « autonome » quand ses recettes sont presque exclusivement issues de dotations de l’État et de produits de fiscalité transférée, sans aucun pouvoir de taux, comme c’est le cas pour la région ?

Le groupe Rassemblement national n’est pas favorable à la consécration constitutionnelle d'un principe d'autonomie fiscale, dans la mesure où cela risquerait de fragiliser notre pays vis-à-vis des marchés financiers. Actuellement, l’État est seul responsable de l’équilibre d’ensemble des finances publiques. Une autonomie fiscale réelle pourrait indirectement aboutir à contrecarrer les efforts de l’État visant à réduire les impôts pesant sur les entreprises françaises.

Pour autant, le groupe n’est pas hostile à toute forme d’évolution en la matière : il pourrait, ainsi, être envisagé de laisser les collectivités bénéficier d’un pouvoir de taux sur certaines des recettes perçues sur leur territoire.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Cette proposition est, actuellement, une fausse bonne idée. Le groupe La France insoumise – NUPES est pour la reconnaissance de l’autonomie fiscale des collectivités, mais la reconnaître en l’état actuel de la loi reviendrait à figer l’état dans lequel se trouvent les finances locales, après plusieurs réformes qui ont drastiquement réduit leur autonomie fiscale (suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation, suppression de la taxe foncière des départements, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Comme le soulignait récemment le professeur de droit public Michel Bouvier : « Il n'y a plus assez de fiscalité locale pour que les collectivités locales disposent d'une réelle autonomie fiscale. Il faudrait rebâtir les impôts locaux. On ne peut pas parler d'autonomie fiscale si les collectivités locales n'ont pas un pouvoir de décision sur le taux d'imposition. La difficulté c'est que l'on part de quasi rien aujourd'hui. » Consacrer l’autonomie fiscale des collectivités en l’état serait donc un cadeau empoisonné : depuis 2019, l’autonomie fiscale du bloc communal est passée de 50 % à 43 %, celle des départements de 40 % à 20 %, et celle des régions est en dessous de 10 %. En 2021, 37 % des ressources fiscales des collectivités proviennent d'impôts nationaux sans relation avec une base territoriale, contre 14 % en 2014, et la TVA représente plus de 50 % de leurs recettes de fonctionnement. La constitutionnalisation de l'autonomie fiscale seule ne protégera en rien les marges de manœuvre des décideurs locaux.

Un ratio d'autonomie fiscale correspondant à un pouvoir de taux et une capacité à agir sur les bases d’un intérêt : les députés du groupe y seraient favorables dans le cas où il y aurait une restauration d’impôts locaux. Le calcul d’un socle minimal devrait au moins être réalisé à partir de 2018 pour se rendre compte de la baisse de l’autonomie fiscale après la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) et de la CVAE. Mais un taux réalisé antérieurement à aujourd’hui imposerait de revenir sur des suppressions d’impôts locaux puisqu’il ne serait plus respecté actuellement. Ainsi, le groupe soutient la consécration du principe d’autonomie fiscale, mais la question du socle minimal pose problème en l’état. Consacrer un principe qui a été bafoué depuis plusieurs années est contradictoire, même si cela pourrait permettre a minima de ne pas réduire encore davantage l’autonomie fiscale locale. Les députés du groupe souhaitent plutôt la renforcer.

Par ailleurs, l’autonomie fiscale doit être établie quantitativement et qualitativement. Avec les baisses d’impôts, et surtout la suppression de la CVAE, la fiscalité des collectivités territoriales repose de plus en plus sur les ménages. Or, elle doit reposer de manière équilibrée entre les entreprises et les ménages (le poids de la contribution fiscale des entreprises est déséquilibré par rapport aux ménages, il est passé de 41,5 % en 2009 à 20 % depuis 2021). Plus largement, la réduction des outils fiscaux à disposition des collectivités réduit leur capacité à répartir l’effort fiscal, et les contraint à imposer un seul profil : les ménages propriétaires via la taxe foncière.

4.   Le groupe Les Républicains

L'article 72-2 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales jouissent d'une autonomie financière, laquelle est garantie par des ressources propres, dont elles peuvent disposer librement dans le cadre de leurs compétences. La consécration dans la Constitution de l'autonomie fiscale locale reviendrait à confier le pouvoir aux collectivités de fixer les taux sur une part substantielle de leurs ressources fiscales.

En réalité, les collectivités territoriales n’ont plus, aujourd’hui, qu’une faible marge de manœuvre sur leur budget. Aussi, après un mouvement de limitation de l’autonomie locale depuis des nombreuses années, le groupe Les Républicains est favorable à ce que l’État puisse redonner des moyens et des marges de manœuvres aux communes, en s’assurant d’un système de péréquation efficace entre les communes sur des bases fortes.

Cependant, les problèmes financiers ne s’arrêteront pas avec la seule inscription ou non d’une autonomie fiscale locale dans la Constitution.

Enfin, il faut rappeler que la démocratie locale n’existe que si les élus font des choix clairs qui les engagent devant leurs administrés. Elle cesse de fonctionner si les élus locaux se défaussent sans cesse sur l’échelon du dessus.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate est favorable au principe d’autonomie fiscale locale dans la mesure où il s’agit d’une condition essentielle d’une décentralisation effective et démocratique. On peut noter que les majorités parlementaires précédentes, quelles qu’elles soient, ont progressivement réduit cette autonomie au point qu’il est difficile, aujourd’hui, d’envisager sa restauration.

Les finances sont au service des libertés et de l’action publique locales et les ressources des collectivités doivent être logiquement ajustées à l’étendue des compétences exercées.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

La décentralisation doit aller de pair avec l’autonomie fiscale, qui permet à chaque territoire de faire ses choix propres en matière de politiques menées et de faire face aux chocs et aléas externes. C’est également un vecteur de redevabilité des élus devant les citoyens et de participation de tous au financement des services publics locaux. Disposer de ressources propres et mobilisables est, enfin, un levier d’attractivité et d’incitation pour les territoires à accueillir des entreprises et des habitants. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation sont donc favorables à ce que l’autonomie fiscale soit reconnue en tant que telle.

Dans un objectif de simplification des relations financières entre l’État et les collectivités, il conviendrait également d’accompagner le renforcement de l’autonomie fiscale d’une clarification sur l’évolution de leurs ressources.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

En cohérence avec sa réflexion sur les ressources des collectivités locales au sein de son propos liminaire, le groupe Socialistes et apparentés estime qu’il serait pertinent d’inscrire le principe d’une autonomie fiscale locale dans la constitution ou dans une loi organique.

Ce socle minimal de ressources fiscales n’a de sens que s’il est rapporté au socle minimal de services publics à financer ou aux dépenses contraintes de la collectivité au regard de ses compétences et dépenses obligatoires. Dans le cas contraire, il sera confronté aux mêmes limites que celles relevées par la Cour des comptes s’agissant de l’autonomie financière.

Cette autonomie fiscale doit aussi s’entendre comme la possibilité pour la collectivité de lever une contribution au service public local en rapport avec le niveau de services publics supplémentaires qu’elle entend proposer à sa population.

Enfin, ce pouvoir de taux doit être réel et non enserré dans des plafonds et planchers ou contraints par des règles de liaison de taux iniques qui empêchent de fait la collectivité de mener ses politiques publiques. C’est l’exemple de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) qui ne peut être utilisée comme outil de politique du logement du fait d’une règle de liaison de taux qui ne trouve aucune justification pertinente.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le groupe Écologiste  NUPES est très favorable à l’inscription dans un cadre organique de l’autonomie financière et fiscale des collectivités.

À l’heure actuelle, les collectivités territoriales voient diminuer la réalité de leur autonomie fiscale : le pouvoir de fixation par les collectivités des taux applicables aux impôts dont le produit leur est affecté apparaît de plus en plus limité. On observe également une distorsion forte entre la réalité économique et le cadre juridique de l’assiette de certaines de ces impositions : c’est le cas, notamment, des valeurs locatives, qui sont gelées sur une longue période.

Dès la quinzième législature, la majorité parlementaire a gelé et compensé le produit de la taxe d’habitation sur les résidences principales, même pour les plus aisés, maintenant un pouvoir de taux au niveau de la seule taxe pesant sur les résidences secondaires. La contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a également été supprimée avec compensation.

La rigidité des contributions directes met désormais sous pression les impositions indirectes allouées aux collectivités, telles que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ou encore les prélèvements sur l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères.

Par ailleurs, les politiques de transport sont confrontées notamment à un versement mobilité insuffisamment dynamique pour les autorités organisatrices de la mobilité.

Le groupe Écologiste – NUPES s’est toujours opposé à la suppression des impôts locaux et à cette tendance à leur substituer des compensations.

Cette limitation du pouvoir de taux est particulièrement regrettable à une période où les collectivités territoriales doivent faire face aux répercussions financières importantes issues de la hausse des coûts de l’énergie ainsi que de l’augmentation de la précarité et de la pauvreté qui pèse sur les budgets des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS). On peut rappeler que les collectivités doivent également assurer l’entretien et la rénovation du patrimoine immobilier et prendre en charge des politiques nationales dont l’État a tendance à se désengager, par exemple dans le domaine du logement.

Le groupe Écologiste – NUPES défend le principe d’une autonomie fiscale des collectivités territoriales qui doit leur assurer des ressources fiscales propres dont elles peuvent déterminer le taux, des ressources affectées préservées des choix budgétaires de l’État et un lien direct avec les citoyens et les contribuables locaux. Le groupe demeure également attaché aux politiques de solidarité qui conduisent à des redistributions équitables entre des collectivités favorisées et des collectivités défavorisées via, notamment, les mécanismes de péréquation.

Enfin, le groupe insiste sur la nécessité de mettre en perspective le contenu de la loi organique officialisant le principe de l’autonomie fiscale avec les effets du changement climatique sur les biens et les comportements. Le changement climatique tend, en effet, à maximiser les besoins en services publics et en interventions publiques sur nombre de territoires soutenus par les collectivités. En outre, il peut, à plus ou moins court terme, éroder, voire bouleverser, certaines assiettes des prélèvements locaux et leurs rendements. Une loi organique consacrée aux finances locales aurait donc vocation à inscrire les politiques fiscales locales dans la perspective de ces bouleversements à venir.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Le groupe LIOT fait siennes les conclusions de la mission « flash » sur l’autonomie financière des collectivités territoriales de MM. Christophe Jerretie, alors député de la Corrèze, et Charles de Courson, député de la Marne, de mai 2018 ([43]).

L’inclusion de l’autonomie fiscale locale dans une loi organique paraît nécessaire, à défaut d’être suffisante, puisque les députés du groupe soutiennent la proposition n° 2 du rapport de la mission « flash » précitée consistant à consacrer ce principe dans la Constitution pour l’ensemble des collectivités territoriales et non pour le seul bloc communal.

Le constat est alarmant. Dans sa communication du 21 juin 2023, M. Jean‑René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances ([44]), évalue à 29,5 % le taux d’autonomie fiscale de l’ensemble des collectivités territoriales en 2021. Ce taux s’élevait à 35,8 % pour le bloc communal, à 21,8 % pour les départements et seulement à 9,8 % pour les régions.

La tendance va en s’empirant. Pour le bloc communal, entre 2012 et 2021, le taux d’autonomie fiscale, selon la définition proposée par M. Cazeneuve, a perdu près de 4,4 points. La perte serait de 8,4 points pour les départements sur la même période. Pour les régions, il n’y aurait eu aucune variation. Cette perte d’autonomie fiscale s’explique notamment par plusieurs réformes récentes comme la suppression progressive de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales entre 2018 et 2023 et la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) engagée en 2020.

S’agissant de la définition de l’autonomie fiscale locale, le groupe LIOT souhaite que cela corresponde à l’acception stricte du ratio des seules recettes fiscales ayant une assiette territorialisée et dont le taux est fixé par les assemblées des collectivités sur l’ensemble de leurs ressources au sens de la loi organique, rejoignant en cela les recommandations de MM. Jerretie et de Courson en 2018 ([45]).

Comme l’ont énoncé justement les deux co-rapporteurs à l’époque, il est certainement préférable d’éviter de chercher à qualifier le degré d’autonomie fiscale des collectivités dans la Constitution. « Vouloir qualifier un ratio, quel que soit le terme envisagé (de « prépondérant » à « significatif » en passant par « déterminant »), c’est non seulement s’exposer aux pires difficultés et contorsions pour faire coïncider ce qualificatif avec la réalité, mais aussi prendre le risque de justifier des accommodements ultérieurs avec les concepts et ce, au détriment de la volonté du constituant. » ([46])

Par conséquent, s’agissant de la consécration d’une autonomie fiscale des collectivités territoriales, le groupe LIOT reprend la proposition de la mission « flash » consistant à « renvoyer à la loi organique le soin de déterminer, pour chaque catégorie de collectivités, la part minimale de leurs ressources qui devra être constituée de recettes fiscales dont elles peuvent, dans les limites prévues par la loi, fixer l’assiette, le taux ou le tarif.

Il appartiendra ensuite au législateur organique de déterminer cette part minimale, en tenant compte de la réalité fiscale du moment, mais aussi en faisant en sorte de donner un corps suffisant à l’exigence d’autonomie fiscale. Pour donner de l’ambition au ratio d’autonomie fiscale qui serait fixé, un rehaussement progressif, échelonné dans le temps, pourrait constituer une incitation à une refonte, elle aussi progressive, de la fiscalité locale qui devrait tendre vers un renforcement de l’autonomie fiscale des collectivités. » ([47])

QUESTION N° 9 : Dans la perspective du rétablissement d’une certaine autonomie fiscale locale, seriez-vous favorable à l’instauration d’une contribution au service public local acquittée par l’ensemble des habitants et/ou des entreprises de la collectIvité concernée et assise sur des taux entièrement pilotables par ladite collectivité ?

  1.   Le groupe Renaissance

Les collectivités territoriales devraient pouvoir créer, si elles le souhaitent, une nouvelle contribution au service public local, à condition que cette contribution réponde à un objectif de politique publique précis et soit accompagnée d’une obligation de résultats.

Le modèle de cette contribution pourrait être celui de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), taxe facultative levée par les EPCI à fiscalité propre ([48]).

2.   Le groupe Rassemblement national

Une modification du financement des collectivités locales paraît indispensable. Les réformes de la fiscalité locale, qu’il s’agisse de la suppression de la taxe professionnelle en 2010, de la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) engagée en 2020 ou de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales entre 2018 et 2023, ont contribué à distendre le lien entre, d’une part, les collectivités et, d’autre part, les habitants et les entreprises. Les dotations d’État, variables d’ajustement, créent un déséquilibre dans les relations avec les collectivités qui peut être d’autant plus une source de tensions et de malentendus qu’elles apparaissent souvent peu compréhensibles.

Plusieurs pistes peuvent être envisagées. Tout d’abord, une réduction du socle de compétences des EPCI et des régions conforme aux préconisations du Rassemblement national devrait limiter les besoins en matière de taxation spécifique.

Par ailleurs, les dépenses des départements sont, pour une large part, composées de prestations de solidarité dont ils ne déterminent que très peu les modalités d’éligibilité et de versement. Le groupe Rassemblement national recommande donc qu’une dotation spécifique leur soit allouée en compensation des dépenses impactées par les décisions de l’État et souhaite que se poursuive l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) engagée par la loi de finances pour 2022 ([49]).

Les députés du groupe insistent, enfin, sur la nécessité de recréer un lien des habitants et des entreprises avec les collectivités. Si les départements devaient recouvrer la compétence de soutien au développement économique, ils ne seraient pas en mesure de créer un nouvel impôt. En lieu et place d’outils fiscaux, le groupe Rassemblement national préconise l’instauration d’une « dotation exceptionnelle de compensation » au profit des collectivités dont la population augmenterait en dépit d’une baisse des recettes fiscales.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Le groupe La France insoumise – NUPES est favorable à une telle initiative qui va de pair avec sa ferme opposition aux réformes ayant conduit à la suppression de la taxe d’habitation puis de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. À défaut de les rétablir, il paraît nécessaire de mener une réflexion à ce sujet pour redonner du sens politique, entre élus et citoyens, à l’action publique locale. Le lien entretenu par l’impôt (et la possibilité de faire varier les taux et les bases) permet aux élus de conduire localement une politique, de rendre des comptes aux électeurs et aux contribuables de réclamer des services publics. Depuis la suppression de la taxe d’habitation, seuls les propriétaires demeurent les contribuables locaux ; il en découle un délitement du lien fiscal qui abime la démocratie locale ; le même constat peut être fait s’agissant des entreprises après la suppression de la CVAE. Il est facile de supprimer des impôts, il est bien plus compliqué d’en rétablir, mais cette réflexion est nécessaire.

Les députés du groupe ont défendu, lors des débats budgétaires, plusieurs mesures visant à redonner des marges de manœuvre financières aux collectivités locales en revalorisant leur pouvoir de taux : supprimer le mécanisme de liaison de taux, permettre à l’ensemble des communes de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, permettre une majoration de cette taxe jusqu’à 100 % et permettre aux départements d’augmenter le taux de droits de mutation à titre onéreux sur les transactions supérieures à 1 million d’euros.

Ils défendent également une réflexion sur la refonte de la taxe foncière qui est actuellement un impôt local très injuste. Il s'appuie sur la base des valeurs locatives du bien, valeurs qui n'ont pas été révisées depuis les années 1970.

Surtout, l'assiette ne prend pas en compte l'ensemble des biens possédés par un individu, ni ses dettes, ce qui pénalise les ménages les plus pauvres et aussi les plus jeunes.

Une personne habitant dans une petite maison pour laquelle elle est encore endettée sur vingt ans paiera la même taxe foncière sur son logement qu'une personne riche propriétaire possédant plusieurs maisons achetées pour faire de l'investissement locatif. Proportionnellement par rapport au patrimoine total, la taxe foncière pèse donc de manière bien plus importante sur le premier propriétaire que sur le deuxième. La taxe foncière représente jusqu'à 10 % du patrimoine des ménages ayant acheté en s'endettant, contre à peine 0,01 % du patrimoine d'un investisseur immobilier. Les députés du groupe souhaitent réformer le mode de calcul de la taxe foncière par une nouvelle assiette composée de l'ensemble du patrimoine, immobilier comme financier, en y déduisant les dettes. Ce barème serait progressif. Les contribuables les moins dotés payeront ainsi une taxe foncière plus faible et, au contraire, les riches propriétaires verront leur taxe foncière augmenter.

4.   Le groupe Les Républicains

Le groupe Les républicains accueille avec méfiance les solutions simples et limpides en apparence, mais qui se révèlent souvent être des usines à gaz technocratiques dans leur mise en place. La fiscalité a toujours une histoire propre, qui donne son sens aux exonérations existantes. Faire table rase et repartir de zéro risque de créer des disparités injustes et plus de difficultés qu’il n’en règlera, comme cela a été le cas lors de la suppression de la taxe d’habitation.

De façon plus générale, les députés du groupe Les Républicains seraient favorables à un renforcement de la lisibilité de la fiscalité locale, en permettant à chaque collectivité de collecter une taxe propre plutôt que des taxes partagées.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate est favorable au principe de l’instauration d’une contribution spécifique pilotée par la collectivité. Dans la mesure où il s’agit d’un nouvel impôt, il convient de lui donner du sens : la simple restauration de l’une des « quatre vieilles » qui ont été supprimées n’aurait aucun sens.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Dans le contexte actuel, les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation jugent important de limiter la pression fiscale des ménages. Concernant les entreprises, les taxes locales représentent des impôts de production qui pèsent sur leur compétitivité et qui sont bien supérieures à la moyenne européenne.

Toutefois, il s’agit aussi de recettes importantes pour les collectivités et de contreparties légitimes aux services publics dont bénéficient les acteurs économiques privés.

Aujourd’hui, le pouvoir fiscal est principalement cantonné au bloc communal avec la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), impôt complexe, injuste et dont la révision des valeurs locatives est repoussée depuis cinquante ans.

Il pourrait donc être envisagé de remplacer les impositions locales, au-delà même de la seule TFPB, par un dispositif de partage entre l’État et les collectivités nationaux du produit d’impôts nationaux tels que l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la contribution sociale généralisée (CSG), etc. Les collectivités disposeraient d’un pouvoir de taux avec la possibilité de voter des taux additionnels.

Une telle réforme ne pourrait, bien évidemment, être menée qu’à pression fiscale constante pour les ménages : le produit de ces impôts partagés reversé aux collectivités viendrait remplacer la TFPB ou serait déductible de l’impôt sur le revenu versé à l’État, qui diminuerait d’autant le montant de ses dotations aux collectivités. Il faudrait également envisager une refonte des mécanismes de péréquation.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à une telle proposition, comme évoqué dans son propos introductif, afin de permettre aux collectivités territoriales de financer les services offerts à leurs habitants ou d’en développer de nouveaux en complément de la dotation de fonctionnement universel et d’un panier de ressources fiscales sur lesquelles elles exerceraient un pouvoir de taux effectif.

Pour rappel, la vision d’une nouvelle autonomie financière et fiscale repose sur les quatre piliers suivants :

1° Une dotation de fonctionnement universelle de base assurant à chaque collectivité une dotation socle, à laquelle s’ajouteraient les dotations d’investissement spécifiques ;

2° Un pouvoir fiscal permettant aux collectivités, en complément de la dotation précitée, de financer l’ensemble de leurs compétences et d’offrir, dans le cadre d’un contrat social avec leurs usagers, des services supplémentaires. Aux impositions nationales s’ajouterait une contribution pour service public local dont le montant dépendrait des services et des politiques publiques complémentaires offerts aux usagers lorsque leur financement ne peut être couvert par un tarif seul ;

3° Une dotation de péréquation nationale unique pour chaque niveau de collectivités, permettant de compenser les inégalités de ressources fiscales entre elles et d’assurer un financement équitable du socle de compétences obligatoires ;

4° Une dotation de décentralisation propre à chaque département, région ou collectivité à statut particulier permettant de compenser les compétences supplémentaires transférées par l’État à leur demande.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Les principales ressources financières des collectivités territoriales, en plus de ne pas être pilotables par les collectivités elles-mêmes puisqu’elles ne peuvent en définir ni les taux ni les assises, sont aujourd’hui très majoritairement distantes des citoyens et souvent même sans rapport avec l’action publique menée par la collectivité concernée, comme c’est le cas des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements.

Une contribution au service local acquittée à la fois par les ménages et par les entreprises du territoire viendrait ainsi apporter une solution à ce problème. Une telle contribution ferait émerger l’idée d’une relation de service rendu entre la collectivité et les citoyens : d’une part, la collectivité disposera d’une ressource fiscale pilotable et, d’autre part, les citoyens pourront s’appuyer sur cette contribution pour exiger la mise en œuvre de services publics locaux sur leur territoire.

Cette question-proposition amène néanmoins une multitude d’interrogations sur la mise en œuvre concrète de cette contribution, que ce soit sur son assise, sa répartition entre les différents niveaux territoriaux ou sa forme de progressivité. Par ailleurs, une telle mesure doit être envisagée dans un souci constant d’égalité. Dans le contexte actuel d’une forte inflation, une très grande majorité des ménages se retrouverait en incapacité de payer un nouvel impôt.

Ainsi, le groupe Écologiste – NUPES appelle à une réforme globale de la fiscalité dans laquelle ce type de contribution pourrait s’inscrire.

Il est également attaché à la résorption des inégalités territoriales et s’oppose à une mise en concurrence fiscale entre les territoires. Afin de parvenir à la satisfaction de ces objectifs, il conviendrait de prévoir que toute création d’une contribution au service public local soit soumise à un double encadrement de taux sous la forme d’un plancher et d’un plafond. De même, des outils de péréquation entre les collectivités territoriales d’un même échelon, fixés au niveau national, paraissent nécessaires pour assurer la solidarité territoriale.

Une telle contribution devra, enfin, permettre d’améliorer les mécanismes de réallocation actuellement en vigueur pour les dotations d’État afin de soutenir les populations les moins favorisées au travers des collectivités territoriales où elles résident.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Un lien minimal doit exister entre le citoyen-contribuable local et les collectivités qu’ils élisent. Il s’agit d’un impératif de démocratie locale et de responsabilité des élus et des électeurs.

L’autonomie, qu’elle soit financière ou fiscale, ne peut en effet aller sans la responsabilité politique devant les citoyens-électeurs et contribuables, tel qu’il résulte de l’article 9-3 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Cela passe par une capacité minimale des élus des collectivités territoriales à déterminer, que ce soit à la hausse ou à la baisse, l’évolution de leurs ressources fiscales via l’acquittement d’une contribution, proportionnée voire symbolique, par l’ensemble des habitants et des entreprises de la collectivité concernée.

Comme l’a souligné l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, M. Jean-Éric Schoettl dans sa contribution écrite à la mission flash sur l’autonomie financière des collectivités territoriales conduite par MM. Jerretie et de Courson en 2018, « la coïncidence entre électeurs locaux, usagers des services publics locaux et contribuables locaux, sur un territoire donné, est la pierre angulaire de la démocratie locale. C’est son triangle magique. Elle garantit, par la responsabilisation mutuelle des trois catégories d’acteurs, la bonne régulation de la gouvernance locale : si la population estime que les services qui lui sont fournis sont insuffisants au regard des impôts qu’elle paie, elle sanctionnera les responsables locaux aux élections. Elle pourra aussi élire une équipe qui, fût-ce au prix d’un effort fiscal supplémentaire, mettra en place des équipements auxquels aspire la majorité des habitants. » ([50])

Au cours des vingt dernières années, cet impératif démocratique a été, dans les faits, largement mis à mal par les évolutions de la fiscalité locale. Les élus locaux partagent tous le même sentiment de dépossession de leurs marges d’action et de déconnexion du lien avec leurs citoyens-électeurs. Il convient d’y répondre.

Une telle contribution pourrait prendre la forme, par exemple, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) laissée à la main des régions, des départements, voire des grandes intercommunalités.

QUESTION N° 10 : Afin de permettre aux services déconcentrés de réorienter leurs moyens dans l’accompagnement des collectivités, faudrait-il aller jusqu’à supprimer le contrôle de légalité exercé par le représentant de l’état ?

  1.   Le groupe Renaissance

L’article 72 de la Constitution confie en son dernier alinéa au « représentant de l’État » dans le département ou la région le soin d’exercer le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Du point de vue du groupe Renaissance, ce contrôle de légalité doit être maintenu. Il pourrait, dans certains cas, être assoupli si son existence conduit à paralyser les actions de certaines collectivités.

Le groupe Renaissance souhaite également un « réarmement » de l’État déconcentré afin que le préfet puisse assurer un meilleur contrôle de légalité et contribuer à une meilleure unité de la parole de l’État à l’échelle locale.

2.   Le groupe Rassemblement national

Le contrôle de légalité est un instrument incontournable permettant de garantir l’unité de la République. L’accompagnement doit, naturellement, être privilégié par rapport à la sanction : or, celui-ci fait défaut, en particulier vis-à-vis des petites collectivités. Comme l’a souligné à maintes reprises la Cour des comptes ([51]), cette lacune résulte de l’affaiblissement des services déconcentrés de l’État depuis la mise en place de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le groupe Rassemblement national préconise donc une réallocation de moyens au profit des services déconcentrés de l’État.

Par ailleurs, afin de renforcer la visibilité du cadre législatif et réglementaire pour des élus locaux déjà saturés de normes, il est souhaitable de développer la pratique du « rescrit préfectoral » ([52]).

En conclusion, le respect des lois et règlement de la République par toutes les autorités publiques est le fondement même de notre État de droit. Le contrôle de légalité constitue, en conséquence, une contrepartie essentielle de la décentralisation qui doit absolument être préservée.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Il n’y a pas de lien de causalité entre la suppression d’une tâche réalisée par les préfectures et le renforcement d’une autre tâche.

Le groupe La France insoumise – NUPES est évidemment pour un renforcement de l’accompagnement des collectivités par les services déconcentrés, notamment en termes d’ingénierie territoriale, face au recul de l’État sur le territoire national et pour réduire les inégalités entre les collectivités qui ne disposent pas des mêmes moyens, notamment pour répondre aux appels à projet ou avoir accès aux subventions.

Dans un rapport du Sénat de septembre 2022 ([53]) intitulé « À la recherche de l’État dans les territoires », les collectivités et acteurs locaux auditionnés font le constat d'une baisse de compétences des services déconcentrés de l’État en matière d’ingénierie, notamment depuis la suppression de l’Assistance technique fournies par les services de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) en 2014.

Les services déconcentrés ont été dépossédés de moyens techniques et de personnels et progressivement remplacés par des agences (ANCT, CEREMA, etc.) basées sur des logiques d’appels à projets et dont le contrôle peut facilement leur échapper du fait du recours à des cabinets privés (ces agences elles-mêmes étant sous-dotées). Pour les collectivités, l’accès à ces services plus éloignés est particulièrement complexe et inégal.

Pourtant, les besoins sont particulièrement importants à l’heure de la transition écologique et face à la complexification des normes qu’elles doivent appliquer. Il faut recentrer les moyens de ces agences vers les services déconcentrés de l’État qui bénéficient réellement et directement aux collectivités les plus dans le besoin. Le paradoxe étant que celles, plus grandes, bénéficiant de capacités d’ingénierie, ont plus facilement accès aux programmes subventionnés. Ce renforcement n’implique pas la suppression en parallèle du contrôle de légalité du préfet.

Les députés du groupe s’opposent à la suppression du contrôle de légalité exercé par le préfet sur les actes des collectivités. Il est nécessaire de vérifier la conformité des actes des collectivités avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Comme l’a rappelé la Cour des comptes tant en 2022 qu’en 2023, le contrôle de légalité des actes réglementaires et des actes budgétaires constitue une mission du préfet prévue par la Constitution (alinéa 5 de l’article 72). Il permet au représentant de l’État de détecter les irrégularités dans les actes et les budgets des collectivités et d’y mettre fin rapidement. Ce contrôle est essentiel pour préserver l’égalité de tous devant la loi et assurer la bonne application des lois décidées par le Parlement.

Mais la Cour critique fortement le manque de moyens humains en préfecture qui affecte le bon déroulement de cette mission dont « la qualité est variable selon les départements tandis que le contrôle budgétaire est en difficulté quasi partout » ([54]). La capacité de réponse dans les délais réglementaires aux collectivités locales est aussi amoindrie car « l’exercice des contrôles de légalité et budgétaire confiés aux préfets est fragilisé par l’érosion de moyens », déplore la Cour qui note que 7 % seulement des agents lui sont affectés.

Le groupe La France insoumise  NUPES souhaite réaffirmer l’exigence que tout acte soit fondé légalement et contrôlé.

4.   Le groupe Les Républicains

La question de l’accompagnement de l’État et de son rôle de conseil dans le processus de construction de l’action publique locale est fondamentale.

Le sentiment d’abandon des élus locaux par l’État est fort. Les députés du groupe Les Républicains partagent le constat dressé par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation ([55]) et par Départements de France, qui appellent à un changement de paradigme dans la relation État-collectivités territoriales, l’État n’étant plus aujourd’hui un partenaire de co-construction mais ayant uniquement un rôle de censeur.

Pour cela, la proposition portée par le Sénat de recréer la faculté de rescrits juridictionnels sur les grands projets des collectivités semble intéressante.

Selon le rapport sénatorial, l’article 31 de la loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « ESSoC », a prévu l’expérimentation d’un dispositif de « rescrit juridictionnel » qui n’a fait l’objet, sur les trois années de l’expérimentation, d’aucune application, à cause d’un champ d’expérimentation trop restreint. Peu de décisions des collectivités territoriales, notamment des communes en matière d’urbanisme, y sont éligibles. Il convient donc d’approfondir cette expérimentation en élargissant son champ d’application, notamment à certaines décisions complexes des communes, par exemple en matière d’urbanisme.

L’autre sujet important paraît être celui du repositionnement de la justice administrative, qui est progressivement devenue un « empêcheur de tourner en rond » pour les collectivités territoriales. Les députés du groupe Les Républiques seraient favorables à une réflexion globale sur la place des Chambres régionales des Comptes.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate est réservé quant à l’éventuelle suppression du contrôle de légalité. Même si ce dispositif est parfois mal perçu par les élus locaux, il permet d’assurer la soumission au droit des actes exécutoires des collectivités. En ce sens, il constitue une garantie pour le citoyen qu’il convient de réformer avec précaution.

Si sa suppression devait être envisagée, il faudrait repenser les conditions dans lesquelles se réalisent le débat démocratique local et le fonctionnement des assemblées délibérantes.

L’accompagnement des collectivités par l’État territorial doit parallèlement être encouragé.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Le contrôle de légalité est une fonction importante de l’État dans les territoires et ne doit donc pas être supprimé.

Il conviendrait parallèlement de mettre un terme aux réductions de crédits des préfectures et de doter les services correspondants en emplois équivalents temps plein (ETP) de façon à ce que la saisine puisse être traitée le plus en amont possible et, par ailleurs que les collectivités soient mieux accompagnées.

D’un point de vue général, les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation estiment que l’État doit absolument éviter d’exercer le contrôle de légalité de manière « tatillonne », en particulier dans les relations qui peuvent lier les communes et les associations du territoire communal.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

La réduction continue des moyens des préfectures s’est traduite par une quasidisparition de fait du contrôle de légalité. Celui-ci se retrouve souvent cantonné aux actes les plus importants de la collectivité ou est mis en œuvre selon un principe d’échantillonnage qui laisse parfois passer des budgets insincères, tout en mobilisant plusieurs ETP sur le contrôle du niveau de rémunération d’un agent contractuel par exemple.

Toute réflexion en la matière suppose donc au préalable le retour de moyens adéquats au sein des services de l’État.

En l’état, il apparaît souhaitable que ce contrôle de légalité soit a minima concentré sur les actes les plus importants de la collectivité (budgets, actes affectant le patrimoine et le domaine), délégations de service public, etc.

L’État pourrait, en outre et en amont, renforcer son rôle de conseil pour aider les collectivités à préparer les actes complexes afin de limiter le besoin de contrôle en aval, un contrôle qui se fait nécessairement dans un délai contraint par les délais de recours.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales exercé par le représentant de l’État, mentionné au dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution, correspond à la conciliation du principe d’indivisibilité de la République, qui découle de l’article 1er de la Constitution, et de celui de la libre administration des collectivités garanti par le même article 72 en son alinéa 3. Le dispositif en vigueur ne fait donc que refléter cet équilibre.

Ainsi, le contrôle de légalité permet de s’assurer du respect des actes des collectivités au regard des normes nationales et de garantir l’égalité de chaque citoyen sur l’ensemble du territoire national. Le contrôle de légalité ne peut être considéré comme une tutelle de l’État sur les collectivités, à l’image de celle existant antérieurement à la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Le préfet n’exerce qu’un contrôle de légalité postérieurement à la prise de l’acte et il appartient au juge administratif d’annuler ou non un acte en cas de déféré préfectoral.

Le groupe Écologiste  NUPES refuse d’avoir à choisir entre des moyens consacrés à l’accompagnement des collectivités et le maintien du contrôle de légalité. Il défend au contraire une augmentation des effectifs des services préfectoraux affectés à cette tâche.

Un rapport de la Cour des comptes portant sur la capacité d’action des préfets ([56]) constate que l’exercice des contrôles de légalité et budgétaire confiés aux préfets est « fragilisé par l’érosion des moyens humains ». Entre 2009 et 2014, une baisse de 30 % a été opérée dans les effectifs affectés au contrôle de légalité. Entre 2014 et 2021, ils n’ont progressé que de 1 %. En parallèle, le nombre d’actes reçus par les préfectures est en constante hausse. Certaines préfectures n’ont que deux ou trois personnes pour assurer ce travail, avec des inégalités entre les territoires. Ce différentiel entre les moyens humains et la quantité d’actes conduit des préfectures à « ne plus être en mesure de respecter les délais réglementaires de réponse aux collectivités territoriales ». Là réside le véritable problème : l’austérité dans la gestion des ressources humaines de l’État des deux dernières décennies.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Plusieurs raisons amènent le groupe LIOT à demander, non pas la suppression du contrôle de légalité, mais le renforcement des moyens des préfectures pour le rendre plus effectif face à sa qualité insuffisante, son coût important et sa perception globale par les élus locaux qui sont sources de tensions.

Dans son rapport spécial relatif à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » dans le projet de loi de finances pour 2024 ([57]), M. Charles de Courson, député de la Marne, partage le constat de la Cour des comptes quant à un contrôle de légalité « dont la qualité n’est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l’État. » ([58])

Dans son rapport de 2022 sur le contrôle de légalité ([59]), la Cour des comptes observe que cette mission constitutionnelle est « en difficulté du fait d’un effet ciseau entre la croissance des actes reçus chaque année (+ 22 % sur six ans) et l’érosion des moyens humains » ([60]). En effet, les effectifs qui y sont consacrés ont décru de près d’un tiers entre 2011 et 2014 avant de se stabiliser au niveau actuel.

C’est ce qui faisait dire à l’ancien ministre Alain Lambert en 2016 que « le contrôle de légalité prend aujourd’hui la forme soit d’une passoire pour les matières non-identifiées comme prioritaires, soit d’une louche pour les autres » ([61]). Cette maxime est corroborée par l’exploitation par Charles de Courson des indicateurs de performances du Gouvernement qui ne font référence qu’au taux de contrôle des actes entrant « dans le champ des priorités nationales (urbanisme, commande publique et fonction publique territoriale) et des priorités locales définies par chaque préfet » ([62]), et non plus de l’ensemble des actes des collectivités locales et de leurs établissements. C’est un aveu certain du manque d’ambition de l’État dans sa mission de contrôle de légalité.

En résumé, les services des préfectures ne disposent plus des compétences suffisantes au traitement juridique des plus de six millions d’actes qu’ils reçoivent, et ils sont en situation de sous-effectif. Chacun s’accorde désormais à reconnaître que cette procédure, devenue source de lenteur, s’effectue sans la moindre contrepartie de sécurité juridique. Pour la Cour, « la situation est devenue intenable dans de nombreux départements » ([63]) : aucun des objectifs du plan pour les préfectures de nouvelle génération déployé en 2016 n’a été, tenu, « une partie des contrôles réalisés sont superficiels ou interviennent trop tardivement ([64]) ».

Le contrôle de légalité est aussi source de coûts élevés, la Cour des comptes estimant ceux-ci chaque année à environ 100 millions d’euros comme le relèvent Mme Véronique Louwagie et M. Robin Reda en 2023, rapporteurs de la mission d’information sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaires ([65]).

Reprenant les préconisations de la Cour estimant qu’un renforcement des effectifs à hauteur de 190 ETP serait nécessaire, le rapporteur spécial Charles de Courson avait présenté lors du projet de loi de finances pour 2024 un amendement ([66]) allouant 12,77 millions d’euros supplémentaires en dépenses de personnel à l’action « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales » du programme « Administration territoriale de l’État ». Le ministère de l’intérieur et des outre-mer a jugé cette préconisation difficilement réalisable dans la mesure où elle absorberait plus de 55 % des créations d’emploi obtenues par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (dite « LOPMI ») pour la période 2023-2027.

L’État n’a donc, dans ce domaine, plus les moyens de ses ambitions pour effectuer pleinement un contrôle de légalité devenu inefficient et coûteux, en plus d’être source de tensions avec les collectivités locales.

Le contrôle de légalité exercé par les préfectures sur les actes des collectivités locales est à juste titre perçu par ces dernières comme un vestige de la tutelle de l’État près de 40 ans après l’adoption des lois de décentralisation. La Cour des comptes relève d’ailleurs que « la logique croissante de la contractualisation de l’État avec les collectivités territoriales crée parfois une dissonance entre sa mission de contrôle et la logique partenariale » ([67]), ce qui est immanquablement vécu comme une marque de suspicion.

Le groupe LIOT ne demande donc pas que le contrôle de légalité soit supprimé, puisqu’il demeure utile pour préserver l’intérêt général, mais que les moyens humains et financiers nécessaires à son accomplissement soient renforcés pour les actes les plus complexes dans le respect de la libre-administration des collectivités locales.

QUESTION N° 11 : Comment pourrait-on renforcer le rôle des préfets de département en matière de coordination de l’ensemble des services déconcentrés de l’état et, à cette fin, quels seraient les moyens juridiques et budgétaires à leur attribuer ?

  1.   Le groupe Renaissance

Le groupe Renaissance est favorable au renforcement des moyens du préfet de département et des sous-préfectures en matière de coordination des services déconcentrés de l’État. Pour cela, il pourrait même être envisagé de placer le préfet et les sous-préfets sous l’autorité directe du Premier ministre.

En outre, le préfet devrait être tenu d’engager un échange structuré avec les parlementaires du département.

2.   Le groupe Rassemblement national

Une des grandes difficultés rencontrées par les collectivités locales tient à l’absence d’un réel interlocuteur unique du côté de l’État et a fortiori d’une autorité décisionnaire unique. On assiste régulièrement à des injonctions contradictoires entre les services de l’État au niveau local (directions départementales des territoires, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, services préfectoraux, etc.) et les orientations données au niveau central.

Le groupe Rassemblement national estime qu’il est indispensable de restaurer l’autorité et la crédibilité de l’État en le faisant parler d’une seule voix, à savoir celle du préfet de département.

Cela suppose de redonner à l’État des compétences qu’il a perdues au profit d’agences diverses, telles que l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ([68]) ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ([69]). Tout au moins devrait‑on faire systématiquement du préfet de département le délégué exécutif départemental de ces agences. Il faudrait également, comme évoqué supra ([70]), réaffecter des agents dans les préfectures, tant dans les services techniques que dans les secrétariats généraux.

La réforme de l’État territorial pourrait s’effectuer en deux temps. Dans un premier temps, il s’agirait de recenser les différents intervenants, leurs missions et leurs moyens. Puis, dans un second temps, il conviendrait de définir les agences ayant vocation à être réinternalisées, avec une allocation des moyens correspondants au niveau local, puis de distinguer les services devant être départementalisés ou, à défaut, maintenus au niveau régional.

Dans tous les cas de figure, le préfet de département doit disposer d’une autorité sur l’ensemble des services concernés, sauf exceptions (notamment les directions des douanes et les directions départementales des finances publiques). Si des agences sont maintenues, elles devront exercer leurs activités sous l’autorité du préfet de département.

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Pour renforcer le rôle du préfet de département, il faudrait renforcer ses prérogatives et plus souvent renvoyer les décisions en lien avec les collectivités au préfet de département et non au préfet de régions. Par exemple, les députés du groupe La France insoumise – NUPES ont déjà proposé que la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) soit attribuée par le préfet de département au lieu du préfet de région.

Le préfet de département a une proximité avec les élus locaux plus grande qui justifie un pilotage départemental, déjà partiellement mis en œuvre en pratique, mais toujours administrativement aux mains du préfet de région. Renforcer le rôle du préfet doit également passer par un approfondissement des échanges concertés avec les élus locaux.

Surtout, il faudrait renforcer les moyens humains et financiers des préfectures, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2023 ([71]) sur la capacité d’action des préfets dans lequel elle critique la baisse des effectifs qui a fragilisé certaines missions des préfectures. La Cour enjoint le ministère de l’intérieur à leur affecter « des moyens humains adaptés à leur niveau d’activité ». Le rapport de la Cour porte sur la période 2016-2022 qui correspond à la constitution des grandes régions et au lancement du plan « Préfectures nouvelle génération ». On y constate que les effectifs préfectoraux n’ont cessé de se réduire. Entre 2010 et 2020, la baisse a atteint près de 5 000 ETP. Le rapport estime ainsi que « des missions préfectorales [sont] fragilisées par une décennie de réduction d’emplois », et que le ministère de l’Intérieur a pour responsabilité d’affecter à ces missions « des moyens humains adaptés à leur niveau d’activité ».

C’est pour cela que le groupe demande chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances l’augmentation des effectifs des préfectures, notamment par la voix du député Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État » qui dénonçait encore cette année « une stagnation des crédits malgré des besoins en hausse » ([72]).

4.   Le groupe Les Républicains

Ces dernières années, un double effet a pu être observé : d’abord, la revue générale des politiques publiques (RGPP) qui a concentré les services départementaux au niveau régional, et ensuite, le mouvement de constitution de grandes régions qui a concentré les administrations déconcentrées de l’État au niveau de l’échelon régional.

Les députés du groupe Les Républicains soutiennent la réaffirmation du rôle du préfet de département comme représentant unique de l’État dans les territoires, en en faisant le garant de l’unicité de la parole de l’État et l’interlocuteur unique des maires et des élus locaux.

Ils souhaitent redonner des moyens aux services déconcentrés au niveau départemental, plutôt que la concentration actuelle à l’échelon régional, à condition évidemment de rester à effectif constant.

5.   Le groupe Démocrate

Le groupe Démocrate est favorable au principe de la déconcentration et observe que le processus engagé en 1992 avec la Charte de la déconcentration ([73]) n’a pas encore donné toute sa mesure.

La coordination par le préfet des services déconcentrés de l’État doit donc être renforcée tout en veillant à ne pas alourdir la charge de travail des préfets, qui manquent parfois des moyens humains correspondants.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Le préfet de département devrait pouvoir pleinement coordonner et diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État au travers d’une plus grande autonomie dans la décision en concertation avec les collectivités territoriales. Il s’agirait ainsi de conforter le couple formé par le maire et le préfet de département.

Pour les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation, les compétences du préfet de département en matière de coordination des services déconcentrés devraient être définies plus clairement. Les préfets pourraient, notamment, bénéficier d’un budget spécifiquement consacré aux activités de coordination, qui pourrait compter des ressources humaines, des outils de communication ainsi que des moyens logistiques permettant de faciliter cette coordination.

Par ailleurs, une réflexion pourrait être engagée sur la mise sous tutelle du préfet des offices et des agences de l’État, tels que l’Office français de la biodiversité (OFB).

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Les préfets de département sont, d’ores et déjà, les représentants ou délégués territoriaux de plusieurs agences et opérateurs de l’État au niveau local et disposent des services déconcentrés de l’État pour mener leur action. De ce point de vue, ils disposent déjà en théorie des moyens de cette coordination.

Il ne semble pas nécessaire de prévoir d’évolution législative ou règlementaire en la matière. Cependant, les préfets eux-mêmes signalent des difficultés ponctuelles à mobiliser certains établissements publics ou agences de l’État ne relevant pas de leur tutelle directe à l’occasion de comités de pilotages ou d’autres séquences.

Il pourrait ainsi être utile, par voie de circulaire, de rappeler aux entités concernées le rôle central que joue le préfet de département comme coordinateur local de l’État, comme interface avec les élus locaux et comme facilitateur en cas de nécessité.

À l’inverse, le rôle du préfet de département ne doit jamais être un obstacle au maintien de liens forts entres élus locaux, parlementaires et services techniques des administrations déconcentrées ainsi que des agences et établissements publics.

Enfin, il paraît nécessaire de rappeler le rôle du parlementaire comme interlocuteur privilégié du préfet comme des services déconcentrés. Il peut également être un facilitateur, en plus d’être un relai au niveau national.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Les préfets de département détiennent d’ores et déjà une mission de direction des services déconcentrés des administrations civiles de l’État et de mise en cohérence globale de l’action de l’État en application du décret n° 2004‑374 du 29 avril 2024 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements ([74]). Ce n’est donc pas tant son rôle qu’il convient de renforcer que les services déconcentrés sur lesquels il a autorité.

Le rapport de la Cour des comptes portant sur la « capacité d’action des préfets » ([75]) souligne que « la coordination par le préfet des services de l’État placés sous son autorité ne pose pas de difficulté » ([76]).

Le rapport note néanmoins que « la constitution des grandes régions a accru la difficulté pour les préfets de département de mobiliser à leur profit l’expertise des directions régionales » ([77]).  Le rôle de coordination du préfet doit mieux intégrer l’action des opérateurs et les interventions directes de l’État central.

Un éventuel accroissement des pouvoirs du préfet de département vis-à-vis des services de l’État ne donnera lieu à aucune amélioration de l’action publique si les moyens restent constants pour ces services. On peut rappeler, par exemple, que les effectifs des sous-préfectures ont été réduits de 21 % entre 2016 et 2020.

Le groupe Écologiste  NUPES dénonce ainsi les réductions d’effectifs opérées entre 2006 et 2020 selon les chiffres des rapports spéciaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur les projets de loi de finances successifs.

Cette baisse du nombre de personnels dans les services déconcentrés de l’État sur le territoire national s’inscrit dans un mouvement de réforme de l’organisation territoriale de l’État qui a conduit à la transformation de directions départementales en directions régionales et aux regroupements de services : réorganisation de l’administration territoriale de l’État (RÉATE) en 2010, réforme territoriale de 2016, plan « préfectures nouvelles générations » en 2017.

Dans un autre rapport, consacré aux effectifs de l’administration territoriale de l’État et publié en 2022 ([78]), la Cour des comptes indique que la RÉATE s’est suivie de « dix années de réduction ininterrompues d’effectifs, conduisant à la perte de plus de 11 000 ETPT soit 14 % de l’effectif initial » ([79]). Les schémas d’emplois des différents ministères indiquent également une réduction depuis une vingtaine d’années des postes dans les services déconcentrés au profit des administrations centrales.

Pourtant, les services déconcentrés sont à la fois le « bras armé » de l’État sur le terrain pour permettre la mise en œuvre de ses politiques publiques nationales en adéquation avec les territoires concernés et également les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales pour les accompagner dans l’exercice de leurs compétences. Les défis que représente la transition écologique et sociale, avec particulièrement l’atténuation et l’adaptation face à la multiplication des événements dus au dérèglement climatique, appellent à un renforcement de la coopération entre des services déconcentrés renforcés et les collectivités territoriales. Alors que ces dernières interpellent fréquemment les pouvoirs publics nationaux sur le manque de détention en propre de compétences d’ingénierie, les services de l’État peuvent être des acteurs ressources pour soutenir les collectivités locales dans leurs actions à forte technicité.

Enfin, le groupe Écologiste  NUPES déplore un mouvement de recentralisation sous l’égide des préfets départementaux de certaines politiques autrefois menées par des opérateurs de l’État, comme l’ADEME, ou des administrations régionales telles que les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). L’annonce récente de la mise sous tutelle préfectorale de l’Office français de la biodiversité (OFB) illustre une tendance que le groupe juge inquiétante.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Les députés du groupe LIOT sont attachés à un renforcement de la décentralisation et de l’autonomie des collectivités territoriales. Aussi, le renforcement sans borne claire des prérogatives préfectorales va à l’encontre de cette ambition, dont l’un des moteurs est le transfert de compétences étatiques vers les échelons locaux. Or, ces transferts de compétences devraient immanquablement avoir pour conséquence un transfert de l’autorité de certains de ces services déconcentrés vers les exécutifs locaux.

Il en est ainsi, sans que cela ne soit exclusif, des agences régionales de santé, (ARS) ou de l’opérateur France Travail (ex-Pôle emploi), dont l’autorité pourrait utilement être transférée des préfets aux présidents de régions dans le cadre d’un mouvement de décentralisation plus global, ce qui impliquerait un éclatement de ces opérateurs nationaux sur le modèle des établissements publics fonciers.

On peut rappeler que, si le préfet a autorité sur les services déconcentrés des administrations civiles de l’État, ce principe général souffre toutefois de quelques exceptions concernant des champs importants, tels que l’action éducatrice, l’inspection du travail, la santé ou les finances publiques. Dans cette logique, le groupe LIOT se montre réticent vis-à-vis d’un double mouvement de centralisation qui, d’un seul coup, éloignerait la perspective de transfert de ces autorités aux collectivités locales et concentrerait également les pouvoirs dans les mains d’un seul homme, le préfet, alors qu’il est aujourd’hui davantage déconcentré au sein de plusieurs autorités.

Le groupe LIOT estime donc que les préfets doivent se concentrer sur leur cœur de métier en renforçant leurs moyens humains et budgétaires là où cela est nécessaire à l’exercice de ces missions. Il reprend, une fois encore, les préconisations formulées par M. Charles de Courson dans son rapport spécial de 2023 sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du PLF 2024 ([80]). Il est noté dans ce rapport que, globalement, les suppressions d’emploi ont principalement concerné les sous-préfectures qui ont perdu un quart de leurs effectifs entre 2012 et 2019 d’après la Cour des comptes. Au niveau des missions, ce sont celles dédiées à l’instruction des titres d’identité et à certaines fonctions support qui semblent avoir été les plus touchées par les réductions de poste, et qu’il convient de renforcer.

Les nombreuses années de réduction d’effectifs l’ont ainsi conduit à demander à ce que l’allocation des effectifs, tant au niveau des missions que des territoires, soit optimisée. Reprenant l’avis de la Cour notant que « le dialogue de gestion entre la centrale et les préfets de région, puis entre région et départements est quasi-inexistant » ([81]), il estime qu’une réflexion devrait être engagée quant à la rémunération et au temps de travail des agents publics affectés sur des postes en tension.

Observant par ailleurs que le nombre d’emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) n’est pas proportionnel au nombre d’habitants, il invite le Gouvernement à accroître les efforts de mutualisations interdépartementales, voire inter-régionales. Dans la mesure où le « réarmement » de l’État territorial ne sera pas atteint si celui-ci souffre d’un manque d’attractivité, le Gouvernement est invité à réfléchir à une évolution du régime indemnitaire pour donner aux préfets plus de libertés en matière de rémunération afin de rendre les postes plus attractifs.

Enfin, il convient également de s’interroger sur une réforme des affectations des lauréats des concours nationaux qui permettrait de garantir l’affectation de nouveaux agents, pour une durée indéterminée, dans un périmètre géographique défini.

Le groupe LIOT préconise également la reprise de la proposition n° 16 du rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de Mme Agnès Canayer, sénatrice de Seine-Maritime, et de M. Éric Kerrouche, sénateur des Landes ([82]) visant proscrire les fermetures simultanées de services déconcentrés sur le territoire d’une même commune, d’un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI), voire d’un même département pour ceux de moins de 250 000 habitants.

QUESTION N° 12 : Quel regard portez-vous sur le renforcement, par la loi, des mécanismes de délibération et de participation citoyenne ?

  1.   Le groupe Renaissance

La participation citoyenne est une pratique démocratique qui consiste à associer les citoyens au processus de décision politique en-dehors des grands rendez‑vous électoraux. Les élus peuvent disposer de cette méthode pour éclairer la décision politique.

Pour utile qu’elle soit à la vie politique locale, la participation citoyenne doit rester un outil à la disposition des élus locaux sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans la loi.

2.   Le groupe Rassemblement national

Le groupe Rassemblement national estime qu’il existe déjà de nombreux dispositifs associant la population aux décisions des exécutifs locaux, qu’il s’agisse des conseils de quartier ([83]), des commissions consultatives des services publics locaux ([84]), des sous-commissions pour l’accessibilité des personnes handicapées ([85]), des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD, CISPD) ([86]), etc.

Il serait donc utile d’améliorer le fonctionnement des outils existants au lieu d’en créer des nouveaux. Plus précisément, ces organismes devraient représenter plus fidèlement la population et ne pas, comme c’est parfois le cas, être réservés à des associations choisies ou utilisés par l’opposition comme porte-voix.

Une réduction du nombre de conseillers municipaux pourrait également être envisagée afin de favoriser la diversité des listes dans les communes et, ainsi, de faire « respirer » la démocratie locale. Le groupe préconise, enfin, un recours plus systématique au référendum d’initiative locale : celui réalisé dans l’Aisne, en avril 2023, sur l’implantation de nouvelles éoliennes a affiché un taux de participation significatif ([87]).

3.   Le groupe La France insoumise – NUPES

Le groupe La France insoumise  NUPES défend une implication citoyenne forte dans la vie politique locale (consultation, droit de regard, mise en œuvre des politiques), ce qui implique de revoir le cadre institutionnel de notre organisation territoriale afin de rapprocher les instances de décision des populations et de leurs lieux de vie : la démocratie locale doit s’appuyer sur les communes et les départements qui, par leur taille, sont les échelons les plus aptes à organiser efficacement la vie démocratie. Les députés du groupe souhaitent confier aux communes la responsabilité d’organiser des débats citoyens, ouverts à toutes et tous et permettant la participation du plus grand nombre dans un souci de diversité sociale. Par ailleurs, il pourrait être pertinent de confier aux départements la mise en place d’assemblées constituées de citoyens tirés au sort, dont les travaux seront nourris des comptes rendus des débats locaux. Dans cette logique, le groupe souhaite développer les projets de gouvernement ouvert (transparence, participation citoyenne et collaborative).

En ce sens, le renforcement des mécanismes de participation tels que le droit de pétition locale, le référendum local, le droit d’initiative citoyenne, la création d’instances dédiées (conseils de quartiers, conseils citoyens) est salutaire.

Le groupe La France insoumise – NUPES défend cependant un approfondissement de ces dispositifs par le développement de référendums à l’initiative des citoyens : référendum d’initiative citoyenne législatif national et local (adopter d’un projet de délibération ou d’acte relevant de la compétence des collectivités), référendum d’initiative citoyenne abrogatif tant au niveau national que local (abroger une délibération ou un acte de la compétence des collectivités), référendum d’initiative citoyenne révocatoire des élus nationaux et locaux. Actuellement, seul l’exécutif local peut proposer à l’assemblée délibérante l’organisation d’un référendum portant sur un projet.

Afin de lutter contre l’abstention et de renforcer la souveraineté populaire, les députés du groupe soutiennent la reconnaissance du vote blanc et l’instauration du vote obligatoire. Pour lutter contre la mal-inscription, des mesures simples comme l’inscription automatique dans le lieu de résidence doivent être prises. La France insoumise – NUPES défend également le droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers en situation régulière (comme en bénéficient déjà les ressortissants des pays de l’Union européenne) et le droit de vote à partir de seize ans.

Tous ces outils démocratiques permettraient une meilleure représentation de l’ensemble des citoyens ainsi que de leur diversité, et réduiraient les phénomènes actuels de concentration du pouvoir.

Pour améliorer la participation citoyenne, il convient également de mieux reconnaître le statut d’élu et de faciliter la participation politique des citoyens. Actuellement les conditions d’exercice des mandats peuvent freiner la candidature de citoyens face aux contraintes de temps, aux contraintes financières et aux droits limités ne garantissant pas leur protection. Les députés du groupe défendent la création d’un statut de l’élu pour démocratiser l’accès aux responsabilités politiques, en permettant à chacun de prendre un congé républicain, sans risque pour son emploi ou ses droits, en vue de se présenter aux élections.

4.   Le groupe Les Républicains

Face à la crise que traverse la démocratie locale en France (violences contre les élus, démission de maires, crise des vocations, etc.), inciter et renforcer l’engagement des citoyens dans la vie publique est évidemment une priorité. Les mécanismes de participation, tels que les conférences et les ateliers de citoyens sur les enjeux relatifs à leur commune, permettent depuis des années d’éclairer la décision publique locale.

Les modalités de participation citoyenne numérique doivent également être encouragées car elles participent à un engagement des citoyens plus accessibles (on peut citer les budgets participatifs en ligne) et à la transparence de l’action publique via la mise en ligne des informations et la publication de données ouvertes.

Il paraît également prioritaire de revaloriser la fonction d’élu local afin de la rendre plus attractive, plus sûre et plus facilement conciliable avec une vie professionnelle et personnelle.

Enfin, à l’heure où la demande d’un renforcement de la démocratie directe se fait sentir, le groupe propose d’encourager l’échelon local à recourir au référendum, afin d’opérer un réarmement démocratique et de réapprendre ce qu’est un référendum en partant du local.

5.   Le groupe Démocrate

L’aspiration à une plus grande participation citoyenne, insuffisamment développée, mérite d’être prise en considération. Les dispositifs existants, qu’il s’agisse des conseils de quartier ou des commissions consultatives évoquées supra, devraient être modernisés et encouragés.

Cela ne signifie pas pour autant une remise en cause des mécanismes de délibération et de contrôle de la gouvernance des collectivités territoriales dont le groupe Démocrate appelle, au contraire, au renforcement.

6.   Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation

Tout renforcement des mécanismes de délibération et de participation citoyenne est positif tant que ces derniers servent l’intérêt général et qu’ils ne viennent pas remplacer le principe de délibération en conseil municipal.

Les collectivités doivent avoir les moyens d’organiser et de conduire les initiatives de participation citoyenne. Les députés du groupe Horizons et apparentés membres de la délégation attachent toutefois une importance à ce que les procédures ne soient pas complexifiées, de façon à ne pas décourager les communes les plus petites.

7.   Le groupe Socialistes et apparentés

Dans la lignée de l’initiative portée par le groupe en 2019 en faveur d’un référendum d’initiative partagée sur la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP), les députés du groupe Socialistes et apparentés sont très favorables à un renforcement de la participation citoyenne aux délibérations publiques.

L’association, en amont et tout au long d’un projet, des citoyens est une condition essentielle du succès de ces projets et de nombreux élus locaux en font une pierre angulaire de leur action.

L’existence de référendums locaux et la possibilité de votations citoyennes sur un format juridique plus léger existent déjà et doivent être encouragées.

En cohérence avec les propositions liminaires du groupe, le champ du référendum local pourrait être étendu à la prise d’une nouvelle compétence par la collectivité locale ou à la mise en œuvre d’adaptations réglementaires locales de dispositions législatives dans les limites qui ont été précisées plus haut.

Si la loi a vocation à faciliter l’appropriation de ces outils par les élus locaux et les citoyens et leurs conditions de mise en œuvre, l’initiative doit demeurer aux élus locaux qui s’en saisissent déjà largement.

8.   Le groupe Écologiste – NUPES

Des dispositifs de participation citoyenne au niveau local existent d’ores et déjà et certains rencontrent plus ou moins l’intérêt des citoyens. Un travail d’évaluation de ces mécanismes est donc à mener pour aboutir soit à des modifications de leur fonctionnement, soit à une suppression au profit de nouveaux dispositifs plus adaptés en fonction des territoires et des publics visés.

Tel qu’il le porte au niveau national, le groupe Écologiste  NUPES défend l’ouverture à l’initiative citoyenne du référendum local ([88]) pour chaque échelon territorial. Une consultation pourrait ainsi être mise en place par la mobilisation d’un nombre d’électeurs correspondant à une proportion prédéfinie du nombre d’inscrits sur les listes électorales du territoire concerné.

Dans la même optique, le groupe souhaite retirer à l’assemblée délibérante d’une collectivité la possibilité de refuser la mise en place d’une consultation locale lorsque celle-ci est initiée par les citoyens ([89]) et préconise la systématisation du budget participatif dans les collectivités territoriales à partir d’un certain seuil démographique ou budgétaire. Par ailleurs, il est proposé d’ouvrir aux citoyens, à partir d’un seuil à définir, le droit de déposer un projet de délibération, de motion ou de vœu et d’inscrire le texte à l’ordre du jour d’une réunion de l’organe délibérant.

S’agissant plus particulièrement des organes participatifs, les seuils de population applicables aux conseils de quartier dans les communes ([90]) mériteraient d’être revus. Les modalités de fonctionnement de ces conseils pourraient utilement être améliorées par le législateur en s’appuyant sur les retours d’expériences et les études menées sur ces instances. Il apparaît, d’ores et déjà, nécessaire de consacrer des moyens financiers au fonctionnement de ces conseils et à la participation de leurs membres. Par ailleurs, les conseils doivent pouvoir exercer leurs fonctions en toute indépendance vis-à-vis de la collectivité à laquelle ils sont adossés et, bien entendu, vis-à-vis des élus de l’organe délibérant.

En outre, le groupe soutient activement la constitution de conseils locaux de jeunes auprès des collectivités municipales comme départementales et régionales afin d’assurer l’expression et la représentation de la jeunesse dans le cadre de l’action publique territoriale.

Les députés Écologiste – NUPES sont, par ailleurs, favorables à tout mécanisme permettant aux citoyens de participer aux choix structurants de leur territoire, tels que les enquêtes publiques. Les éclairages apportés par les autorités environnementales (AE) et les missions régionales d’autorité environnementale (MRAE) ([91]) ne doivent pas subir de restrictions. Des dispositifs analogues aux « conférences de citoyens » doivent, par ailleurs, être encouragés.

Enfin, à l’image de ce qu’il souhaite pour le Conseil économique, social et environnemental (CESE) au niveau national, le groupe propose de réformer la composition du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) ([92]) pour parvenir à une composition, pour moitié, de personnes volontaires tirées au sort et, pour l’autre moitié, de représentants de la société civile organisée.

La question des mécanismes de délibération et de participation citoyenne ne doit pas masquer ou éluder le sujet de la représentativité et de la diversité des assemblées délibérantes locales. Garantir l’accès de tous aux institutions politiques et une représentation de la diversité sociale de notre société permet d’asseoir la confiance des citoyens. À cette fin, les travaux engagés en vue de la mise en place d’un véritable statut de l’élu local doivent aboutir à l’adoption de mesures à destination des catégories sociales les moins représentées au sein de nos institutions locales.

9.   Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

Au-delà du renforcement par la loi des mécanismes de délibération et de participation citoyenne, il conviendra absolument qu’un volet d’une réforme constitutionnelle y soit consacré, notamment pour modifier l’article 11 de la Constitution relatif aux référendums. C’est le sens de la proposition de loi constitutionnelle visant à faciliter le recours au référendum d’initiative partagée de M. Bertrand Pancher, député de la Meuse et président du groupe LIOT ([93]).

À droit constitutionnel constant, de nombreuses marges de manœuvres existent. Premièrement, il s’agirait de renforcer la participation des citoyens aux élections en reconnaissant le vote blanc et en rendant le vote obligatoire dans le prolongement de la proposition de loi de M. Benjamin Saint-Huile, député du Nord ([94]), qui prévoit la reconnaissance du vote blanc comme suffrage valablement exprimé, avec l’organisation d’une seconde élection lorsque les votes blancs dépassent 50 % des voix, l’instauration du vote obligatoire, les contrevenants s’exposant à une amende minime, ainsi que l’inscription automatique des citoyens sur les listes électorales.

Ensuite, il convient d’assouplir et d’élargir les procédures de consultations locales, et notamment permettre les consultations citoyennes locales sur les limites territoriales des collectivités, dans le sens de la proposition de loi de M. Paul Molac, député du Morbihan, visant à permettre la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance ([95]). Il s’agirait de permettre à l’État de laisser les habitants d’un département ou d’un territoire donné de se prononcer sur leur région d’appartenance, à charge, par la suite, pour le législateur, de traduire la volonté exprimée des citoyens par une loi modifiant les limites territoriales d’une région.

Enfin, pour les pétitions citoyennes à l’Assemblée nationale ([96]), il conviendrait de prévoir qu’une fois le seuil de 100 000 citoyens dépassés, la commission n’ait plus la possibilité de classer sans suite et procède à un examen qui donne lieu à un rapport en associant les citoyens auteurs de la pétition.

* * *


  1  

   SYNTHÈSE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR
LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉCENTRALISATION

Afin de bénéficier de regards croisés sur les origines de la décentralisation en France et les objectifs originels qui l’ont motivée, sur les grandes étapes de son développement, sur les avantages, inconvénients et défis d’ordre économique, social et politique qu’elle rencontre aujourd’hui, le groupe de travail a décidé de procéder à l’audition de personnalités du monde universitaire ([97]), professeurs de droit public ou de science politique, spécialistes des questions territoriales.

Sept auditions ont été organisées entre le 25 janvier et le 21 juin 2023. Les échanges ont fait émerger un certain de nombre de constats concernant le processus de décentralisation mis en œuvre depuis les grandes lois du début des années 80 et ont permis d’identifier plusieurs scénarii et orientations possibles d’évolution de la décentralisation.

Au titre des constats, il est apparu que la France ne parvenait plus à retrouver l’élan décentralisateur initié par les lois « Defferre » de 1982 et 1983 et que le législateur ne parvenait plus, depuis lors, à résoudre les dilemmes inhérents à tout processus de décentralisation. La vie politique locale, confrontée aux pesanteurs d’un système institutionnel complexe et peu propice à l’esprit de responsabilité, doit aujourd’hui faire face aux symptômes d’une crise démocratique de plus en plus profonde.

Plusieurs pistes de réforme ont été évoquées par les auditionnés : certains préconisent la définition de deux strates principales (soit l’intercommunalité et la région, soit la commune et le département) autour desquelles s’articulent les autres niveaux de collectivités, d’autres privilégient la voie de la différenciation pour redonner à l’action publique locale la souplesse dont elle a besoin.

Bien évidemment, un nouvel acte de décentralisation ne saurait se limiter à sa seule dimension institutionnelle : l’émergence de « pouvoirs locaux » suppose une plus grande liberté d’intervention, une meilleure autonomie financière, voire fiscale, ainsi que des moyens en ingénierie renforcés. La participation citoyenne pourrait être également approfondie sans que ce soit un critère déterminant dans la régénération de la vie politique locale.

Les aspects institutionnels et les conditions d’exercice des mandats locaux ont précisément été les deux axes autour desquels ont été définies les douze questions structurantes soumises aux groupes politiques représentés au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation préalablement à l’organisation des débats des 7 et 27 février derniers.

* * *


Première partie : un constat unanime :
une décentralisation erratique et une démocratie locale en voie d’affaiblissement

Les universitaires auditionnés par le groupe de travail s’accordent sur l’absence de dynamique globale de la décentralisation plus de quarante ans après les « lois Defferre » et sur les effets délétères de cet essoufflement sur la vie politique locale.

I.   L’essoufflement de l’élan de décentralisation opéré dans les années 1980

L’« acte I de la décentralisation » des années 1982 et 1983 apparaît rétrospectivement comme un moment privilégié dans l’histoire institutionnelle de la France. Indéniablement, le souffle de cette dynamique est aujourd’hui retombé.

A.   L’introuvable relance de la dynamique des années 1982-1983

La perspective historique adoptée par le groupe de travail permet de prendre la mesure de l’ampleur du processus engagé entre 1982 et 1983, dénommé « acte I de la décentralisation » ([98]). Comme le rappelle M. Bertrand Faure, l’organisation territoriale de la France a été régie pendant près de deux siècles par le décret du 14 décembre 1789 instituant 44 000 municipalités, sous le nom de « communes » sur les territoires des anciennes paroisses et la loi du 22 décembre 1789 créant les départements. Une rupture indéniable s’opère dans les années 1980. Selon les termes mêmes employés par M. Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, devant l’Assemblée nationale le 27 juillet 1981, la décentralisation des années 1980 constituait une « grande transformation politique et administrative » fondée sur les principes de « liberté » et de « responsabilité ».

M. Jean-Pierre Balligand, qui a vécu de près cette période de bouleversements et a été maire de Vervins (02) entre 1983 et 2013, indique qu’il s’agissait bien, à l’époque, « de mettre des élus à la place des préfets dans les exécutifs locaux » et de leur permettre de réaliser les programmes sur lesquels ils s’étaient engagés devant leurs électeurs. Si la suppression de la tutelle préfectorale symbolise l’approfondissement des libertés locales, l’attribution de nouvelles compétences a également été une réussite.

M. Balligand rappelle ainsi que c’était bien la décentralisation qui avait permis à la France de rénover les écoles et, ainsi, de faire face à l’accroissement de la démographie scolaire issu des réformes des années 1970 ([99]). L’élan des années 1982 et 1983, présenté comme fondateur, apparaît aujourd’hui retombé en dépit des nombreuses réformes, listées ci-après, qui ont suivi :

Réforme portant sur l’organisation territoriale

Principales dispositions du texte

Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (AETR)

Renforcement de la déconcentration, création des communautés de communes, amélioration du statut des élus locaux.

Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (« loi Chevènement »)

Création des communautés d’agglomération.

Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

Consécration constitutionnelle des régions, reconnaissance d’un droit à l’expérimentation des collectivités, garantie d’autonomie financière, possibilité de mettre en œuvre des référendums locaux.

Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT)

Adhésion obligatoire d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), mise en place d’un nouveau mode de regroupement des communes (communes nouvelles) et création des métropoles (catégorie d’EPCI).

Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM)

Création de la métropole de Lyon, érigée en collectivité à statut particulier, mise en place d’un « chef-de-filât » entre strates de collectivités.

Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

Nouvelle délimitation du périmètre des régions (« grandes régions »).

Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe)

Renforcement des compétences des régions, refonte de la carte de l’intercommunalité.

Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS)

Reconnaissance du principe de différenciation territoriale, possibilité de transférer aux départements la gestion de certaines routes nationales, expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA).

Loin d’être assimilables à la « grande transformation » des années 1982-1983, ces lois apparaissent comme des « mises à jour » pour reprendre les termes employés en audition par M. Faure. M. Vincent Aubelle est, pour sa part, plus sévère dans son appréciation, évoquant un simple « bricolage ». Au-delà des slogans, tendant à identifier un « acte II » et un « acte III » de la décentralisation ([100]), aucune réforme de grande ampleur n’a eu lieu depuis 1983. Il est à noter, cependant, que des compétences structurantes ont pu être transférées de l’État aux collectivités territoriales en dehors des grands textes dits de décentralisation (trains express régionaux, par exemple).

B.   La difficulté de la France à résoudre les dilemmes inhérents au processus de décentralisation

Pour M. Nicolas Kada, un tel essoufflement trouve son origine dans l’incapacité de la France à s’affranchir des trois points de tension qui caractérisent tout processus de décentralisation.

1° La première de ces tensions oppose le développement des libertés locales, d’une part, et le principe d’égalité républicaine, d’autre part. Par nature, l’affirmation d’un « pouvoir local » va à l’encontre du principe d’égalité entre collectivités, reconnu par le Conseil constitutionnel comme découlant de la rédaction de l’article premier de la Constitution ([101]).

À travers sa propre expérience de maire de Vervins, M. Balligand a fait part aux membres du groupe de travail sa conviction selon laquelle « l’autonomie locale s’appuie avant tout sur la fiscalité ». Dans les années 1980 et 1990, la commune n’a pu obtenir l’installation d’une usine de pain grillé et d’un site de production de parfums de marque qu’en mobilisant des moyens financiers considérables, obtenus par un relèvement de la fiscalité de 9,5 % dès la première année.

Cette époque apparaît révolue : la fiscalité locale, notamment les impôts dont les collectivités ont la maîtrise des taux, représentait 25,4 % des recettes de fonctionnement en 2022, contre 40,7 % en 2003. La montée en puissance concomitante des concours financiers de l’État, et notamment de la fiscalité transférée (40 milliards d’euros en 2022 ([102])) illustre la volonté de l’État de soutenir les budgets locaux par une action, certes péréquatrice, mais aussi restrictive de la liberté d’action des élus locaux. Comme l’indique M. Balligand lui-même en audition, « qui pourrait imaginer un élu local réclamer à l’État une augmentation de 9,5 % de sa fraction de TVA ? ».

Les choix opérés dès l’« acte I » de la décentralisation en matière de compétences témoignent également des réticences de l’État à ne pas trop favoriser une catégorie de collectivités par rapport aux autres. La répartition des compétences en matière scolaire, où chacune des trois catégories (communes, départements, régions) prend en charge un niveau d’enseignement public (école primaire, collège, lycée), illustre le dilemme auquel est confronté l’État à chaque fois qu’il envisage un transfert de responsabilités. Lors de son audition, Mme Géraldine Chavrier prend l’exemple du tourisme ([103]) pour montrer à quel point il est difficile d’appliquer le principe d’organisation énoncé en 1976 dans le rapport ([104]) de M. Olivier Guichard, à savoir un acteur territorial par compétence. Il en résulte ce que M. Olivier Renaudie qualifie de « crumble » territorial, l’image du millefeuille étant, à ses yeux, peu représentative du degré d’imbrication des différentes couches.

2° Le deuxième point de tension est apparu à la suite de l’« acte I » de la décentralisation : il oppose, d’une part, la recherche de l’efficacité de l’action publique et l’exigence démocratique de la vie politique locale.

Lorsque M. Philippe Marchand, ministre de l’intérieur, présente devant l’Assemblée nationale le 25 mars 1991 le projet loi destiné à devenir la loi « AETR » n° 92-125 du 6 février 1992 (cf. supra), il affirme que le morcellement communal français ne correspond pas aux exigences du développement économique et appelle au développement de l’intercommunalité, celle-ci étant conçue comme un moyen de pallier l’échec des fusions de communes.

Dix-huit ans plus tard, le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur fait le même constat : dans son rapport au président de la République, il constate que l’administration du territoire ne parvenait que « de manière imparfaite et coûteuse » à répondre aux besoins de la population et met en avant l’émiettement communal, accusé de constituer « une source d’augmentation de la dépense publique » ([105]).

Dans cette recherche du territoire « pertinent », pour reprendre les termes employés à l’audition par Mme Laurence Lemouzy, directrice scientifique de la revue « Pouvoirs locaux », la région est apparue comme un échelon à conforter : le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales se fixe ainsi pour objectif de « doter les régions d’une population moyenne de l’ordre de 3 à 4 millions d’habitants », ce qui « serait de nature à leur donner force et vigueur » ([106]).

Dès lors, les lois « RCT », « MAPTAM » et « NOTRe » précitées se sont efforcées de renforcer le poids des intercommunalités et des régions mais, comme le souligne M. Kada, ce sont paradoxalement la commune et le département qui sont sortis renforcés des dernières crises, en particulier celle issue de la pandémie de Covid‑19. Les deux échelons bénéficient d’une « meilleure lisibilité démocratique » auprès des citoyens qui les positionnent au cœur du jeu politique local.

S’agissant du bloc communal, le législateur a cherché à inciter les communes de petite taille à se regrouper dans des « communes nouvelles » sans réitérer les erreurs commises par la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971, dite « loi Marcellin », jugée dirigiste et inopérante malgré quelques succès dans plusieurs départements. Après une phase d’engouement manifeste de quatre années (2016-2019) au cours de laquelle 793 communes nouvelles ont été créées, la dynamique s’est nettement interrompue depuis 2020 (8 communes nouvelles en 2023). Du point de vue de Mme Chavrier, le régime des communes nouvelles n’est pas aussi « incitatif » que le législateur l’avait conçu. Quant à la « commune-communauté » issue de la « loi Gatel » de 2019 ([107]), elle est décrite comme un « rendez-vous manqué », arrivant trop tard alors que l’intercommunalité recouvre déjà la totalité du territoire national.

3° Le troisième niveau de tension renvoie à la période récente : il oppose le désir de différenciation de l’action publique et l’impératif d’intelligibilité de l’organisation territoriale.

Comme l’indique M. Renaudie, la notion de « différenciation » a deux facettes, l’une « correctrice » d’inégalités et l’autre « adaptatrice » des spécificités locales. Si la première dimension existe depuis longtemps au travers, par exemple, du « zonage » ([108]) ou de la péréquation, la seconde est celle qui a présidé en 2022 à l’adoption de la loi « 3DS » précitée. Lors du lancement de la concertation sur le projet de loi, le Gouvernement a défini la différenciation comme « l’attribution par la loi de compétences spécifiques à une collectivité territoriale » identifiée ou comme « la capacité des collectivités territoriales à exercer de manière différente une même compétence » ([109]).

Si, selon Mme Chavrier, la loi « 3DS » apporte finalement peu « d’outils nouveaux » en matière de différenciation, la France n’a pas attendu ce texte pour procéder à des adaptations territoriales.

En effet, M. Kada relève que le législateur avait déjà rompu avec le schéma traditionnel des trois catégories de collectivités en créant des « collectivités à statut particulier » au sens que lui donne l’article 72 de la Constitution issu de la réforme constitutionnelle de 2003. Il rappelle ainsi que la loi « MAPTAM » a créé, avec la métropole de Lyon, une structure hybride, à mi-chemin entre l’EPCI et le département, destinée à couvrir le seul territoire de l’agglomération lyonnaise. Il s’agit, au sens propre, d’un acte de différenciation.

La difficulté de la France à s’engager résolument dans un vaste mouvement de différenciation réside dans l’approche « dérogatoire » qui sous-tend la plupart de ces réformes. Or, selon les termes employés par Mme Chavrier en audition, une telle approche est tellement « illisible » qu’elle en devient peu souhaitable. La différenciation, par nature « source de complexité » selon M. Renaudie, heurte le désir de simplicité des citoyens vis-à-vis de leurs institutions : comment, en effet, faire comprendre aux Lyonnais qu’ils ne peuvent pas voter pour l’élection du conseil départemental du Rhône ?

II.   L’émergence d’une crise de la démocratie locale

Confrontée aux pesanteurs d’un système institutionnel difficile à réformer, la vie politique locale commence à manifester les signes d’une crise démocratique de plus en plus profonde.

A.   L’épuisement des mots de la décentralisation, symptôme d’une forme d’impuissance locale

Confrontés à la difficulté de relancer un véritable processus de décentralisation, les décideurs politiques nationaux semblent s’enfermer dans une rhétorique qui apparaît d’autant plus décalée que les avancées sont mineures. Comme le souligne Mme Lemouzy, on assiste à un réel « épuisement des mots » : les termes de « modernisation » et de « simplification » irriguent la plupart des textes relatifs à la décentralisation sans que l’on puisse y voir une véritable clarification de l’organisation territoriale.

M. Renaudie va même plus loin en affirmant que le mot même de « territoire » a tendance à « se désintégrer ». Alors qu’il s’agit d’une notion juridique précise, qui renvoie à une « portion d’espace permettant d’identifier un État ou une collectivité territoriale », il est devenu un « mot-valise » désignant un espace « où des problèmes émergent et où des solutions doivent être trouvées ».

Lors de son audition, M. Dominique Reynié a estimé que l’on pouvait voir dans cette perte de sens le symptôme d’un mouvement plus profond de « territorialisation » du politique lié à la mondialisation et à la numérisation de l’espace public.

Numérisation des usages et politiques territoriales : l’exemple de la Poste

Service public emblématique avec ses 17 000 points de présence répartis sur l’ensemble du territoire national, la Poste est aujourd’hui confrontée à une mutation rapide des usages. Avec le recours de plus en plus massif aux communications électroniques, la fréquentation des guichets a baissé de 52 % entre 2016 et 2022 selon les bilans annuels de l’entreprise. L’acheminement du courrier, qui représentait la moitié du chiffre d’affaires du groupe en 2013, pèse à peine 30 % de l’activité aujourd’hui.

Face à la tentation du groupe de réorganiser son réseau, les élus locaux s’efforcent d’en conserver la maîtrise au travers, notamment, des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT), chargées de se prononcer sur tout projet d’évolution d’un point de présence postale. Ces instances de concertation symbolisent à elles seules le décalage croissant entre un espace économique global en extension et la démocratie locale.

M. Reynié a prolongé son analyse en indiquant qu’à ses yeux, le discours décentralisateur se heurtait à une réalité inverse, c’est-à-dire recentralisatrice.

Au-delà de l’exemple donné en audition, à savoir la suppression de la taxe d’habitation, il est certain que les enjeux liés à la maîtrise des finances publiques et à la lutte contre le changement climatique amènent les pouvoirs publics nationaux et européens à adopter des mesures jugées parfois contraignantes pour les collectivités territoriales.

Ainsi, les associations d’élus locaux avaient fortement critiqué l’objectif de progression, limitée à 1,2 % par an, des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales (APUL) inscrit dans la loi de programmation des finances publiques 2018‑2022 ([110]). En matière environnementale, la mise en œuvre de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) inscrit dans la loi « Climat et résilience » ([111]) a suscité, l’an dernier, l’opposition de l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF) qui voyait dans les projets de décrets d’application une « approche de recentralisation rigide » ([112]). Les dispositions ont été assouplies par une proposition de loi récente avec le soutien du Gouvernement.

B.   De la « grève des électeurs » à la « grève des écharpes »

Loin d’être prisonnier des slogans décentralisateurs, le citoyen a le sentiment d’une faiblesse des « pouvoirs locaux » et se détourne logiquement d’une organisation territoriale qu’il a du mal à appréhender. Pour Mme Chavrier, ce comportement montre que la France serait avant tout une « démocratie de contestation », c’est-à-dire un système où le citoyen ne cherche pas à « participer » stricto sensu, mais attend des résultats de ceux en lesquels il place sa confiance.

M. Aubelle a rappelé en audition que, lors de son discours du 27 juillet 1981 précité, Gaston Defferre avait fait de l’émergence d’une « nouvelle citoyenneté » la pierre angulaire du dispositif de décentralisation, cet objectif ayant vocation à être atteint par des modalités d’exercice des compétences « rapprochées » des administrés. Plus de quarante ans après, la citoyenneté locale paraît marquée par une abstention croissante que M. Aubelle qualifie de « grève des électeurs » ([113]). Le taux de participation à l’ensemble des élections locales n’a, en effet, presque jamais cessé de décroître depuis la fin des années 1980. Il est structurellement plus faible, y compris pour les élections municipales, que celui constaté pour les élections présidentielles.

La baisse est particulièrement forte pour la région, symbole le plus marquant de l’« acte I » de la décentralisation, mais aussi, désormais, pour les départements (2021).

Source : DCTD à partir des données du ministère de l’intérieur.

Même les élections municipales ont été affectées, puisque la participation au premier tour des élections de 2020 est passée sous la barre des 50 %, contre 61,5 % en 2001 et 72,8 % en 1989. Selon M. Aubelle, la prochaine étape du processus d’épuisement de la démocratie locale sera une « grève des écharpes » ([114]), c’est-à-dire une baisse de l’engagement des citoyens dans la vie politique locale. Il observe que, dès les élections municipales de 2020, 106 communes se sont retrouvées sans le moindre candidat. Bien que cela représente encore une très faible part, il s’agit peut-être d’un « signal faible » annonciateur d’une crise plus profonde. On peut ajouter que, selon les données publiées par le ministère de l’intérieur le 5 avril dernier, 1 293 maires avaient démissionné depuis 2020.

M. Reynié indique, pour sa part, qu’il partageait les mêmes inquiétudes et a insisté sur la nécessité de rendre les fonctions d’élu local plus attractives au travers d’une amélioration du statut. Le « statut de l’élu local », conçu historiquement comme la simple compensation de l’exercice de fonctions considérées comme « gratuites » ([115]), devrait aujourd’hui mieux contribuer à la reconnaissance du travail accompli.


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Seconde partie : Les multiples voies envisagées pour une relance d’envergure de la décentralisation

Unis sur le constat, les experts auditionnés ont toutefois montré une large diversité de points de vue quant aux solutions susceptibles d’être apportées pour relancer le processus de décentralisation.

I. Les trois scenarii d’une nouvelle évolution institutionnelle

Face à l’empilement des échelons territoriaux, une première piste de réforme peut consister à rompre avec l’équilibre instauré en 1982-1983 en favorisant nettement deux strates de « territoires », érigées en véritables « pouvoirs locaux » au détriment des autres, devenues secondaires. Certains universitaires ont exprimé leur préférence pour l’intercommunalité et la région, tandis que d’autres ont évoqué surtout la commune et le département. D’autres, enfin, privilégient la voie de la différenciation comme un mode de résolution des « tensions » consubstantielles au processus de décentralisation.

  1.   La piste d’une préférence assumée pour l’intercommunalité et la région

Selon M. Faure, le législateur n’est pas allé jusqu’au bout des réformes initiées en 1982 (création des régions) et en 2010 (systématisation des EPCI). Perçues comme des acteurs de la rationalisation de l’action publique locale, ces structures apparaissent paradoxalement « amputées », puisque, d’une part, les régions ne disposent plus, depuis la loi NOTRe ([116]) de la clause générale de compétences et, d’autre part, les intercommunalités restent, d’un point de vue juridique, des établissements publics : ce ne sont pas des collectivités territoriales au sens de l’article 72 de la Constitution.

Selon Mme Chavrier, une telle situation fragilise politiquement les EPCI dans la mesure où ils sont privés des garanties offertes à toute collectivité territoriale par la Constitution, à savoir la protection de la libre administration ([117]), l’autonomie financière et la stricte compensation des transferts de compétences opérés par l’État ([118]) ainsi que la possibilité de soumettre au référendum un projet de délibération ([119]).

Afin d’apporter ce qu’il définit comme un nouvel « ordre territorial », M. Faure estime nécessaire de faire des intercommunalités et des régions les échelons « principiels » : eux seuls seraient dotés de la clause de compétence générale et du pouvoir fiscal, y compris de celui de voter les taux. Les ressources collectées seraient ensuite réparties entre, d’une part, les départements concernés et, d’autre part, les communes de l’EPCI dans un rapport de coopération.

La consécration de la prééminence de l’EPCI suppose logiquement un changement de la nature juridique de cette strate : c’est ce qu’a envisagé clairement Mme Chavrier lorsqu’elle a proposé de l’ériger en nouvelle catégorie de collectivité sous la dénomination de « collectivité territoriale de coopération intercommunale » (CTCI). Il est rappelé, sur ce point, que les dispositions de l’article 72 de la Constitution indiquant que « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » n’excluent nullement la création par la loi de nouvelles catégories de collectivités territoriales, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel au début des années 1980 ([120]).

M. Balligand tire des conclusions analogues : il a rappelé en audition qu’il avait déposé en 2006 une proposition de loi tendant à l’élection au suffrage universel direct des présidents des EPCI à fiscalité propre ([121]). Sans pour autant annihiler le pouvoir délibératif des conseils municipaux, il s’agissait pour lui de donner une légitimité démocratique à un exécutif distinct de l’assemblée délibérante et positionné à un niveau pertinent en termes de marges de manœuvre.

S’agissant du niveau régional, sa consécration impose la mise en place de mécanismes de coopération plus étroits entre les organes délibérants. En 2009, le comité pour la réforme des collectivités locales (cf. supra) avait jugé nécessaire de matérialiser cette coordination par la « désignation par une même élection des conseillers régionaux et départementaux » ([122]). La création du conseiller territorial par la loi RCT précitée apparaît donc comme la traduction de la montée en puissance de l’échelon régional, même si elle faisait courir le risque d’une « départementalisation des régions ».

Dès lors, faut-il, comme l’a récemment esquissé le président de la République ([123]), restaurer le conseiller territorial supprimé dès 2013 ? Les avis des universitaires sont, sur ce point, partagés, même chez ceux qui sont favorables à l’échelon régional.

L’équation complexe de la résurgence du conseiller territorial

Comme l’évoquait la sénatrice Cécile Cukierman dans un rapport en 2020 ([124]), l’instauration d’un conseiller « unique » se heurte à la définition d’un mode de scrutin à la fois pertinent et respectueux des exigences constitutionnelles. Trois pistes avaient été envisagées :

1° L’élection des conseillers régionaux par les conseillers départementaux ;

2° L’élection du conseiller territorial au scrutin de liste proportionnel par département, avec « fléchage » des conseillers régionaux ;

3° L’élection sur une base cantonale des conseillers territoriaux, ceux-ci siégeant à la fois au conseil régional et au conseil départemental (option de 2010).

La première option paraît difficile à défendre d’un point de vue démocratique. La deuxième piste pourrait poser problème d’un point de vue constitutionnel en raison du lien de conditionnalité qu’elle crée entre l’élection du conseil départemental et celle du conseil régional.

La troisième option est plus séduisante, mais, comme l’a rappelé M. Renaudie, elle supposerait une remise en cause des « grandes régions » dans la mesure où il serait mathématiquement difficile d’éviter des écarts importants de représentation d’un département à un autre par rapport à la moyenne régionale, ce qui est une exigence constitutionnelle et avait donné lieu à une censure d’une première version du dispositif en 2010 ([125]).

Mme Chavrier note, par ailleurs, que la plupart des scenarii envisagés pour le conseiller territorial pourraient aboutir paradoxalement à conforter le département : « si un échelon a le pouvoir de coordination, mais si ses élus appartiennent à une autre collectivité, la coordination devient factice, les intérêts d’un des échelons prévalant sur l’autre ».

D’un point de vue plus politique, M. Reynié estime que la résurgence du conseiller territorial pourrait avoir sur l’opinion publique les effets inverses de ceux recherchés dans la mesure où il aura l’impression de perdre quelque chose qu’il connaît bien au profit de quelque chose qu’il ne connaît pas.

  1.   L’option risquée de la consécration des échelons territoriaux préférés des Français, à savoir la commune et le département

Un deuxième scénario de rupture pourrait consister à faire prévaloir les échelons auxquels les citoyens semblent les plus attachés, à savoir la commune et le département. Elle serait toutefois paradoxale, car ignorant les « territoires de vie » qui excèdent les périmètres communaux. C’est pourtant l’option envisagée par M. Kada, qui rappelle que le maire et le conseiller départemental restent des figures dans laquelle les Français se retrouvent.

Dans sa dernière enquête d’opinion, en date de juillet 2021, l’Observatoire de la démocratie de proximité constatait que près des trois quarts des personnes interrogées (74 %) avaient confiance en leur maire, loin devant les députés (43 %). Mais le conseiller départemental (57 %) fait seulement un peu mieux que le conseiller régional (54 %) ([126]).

Dans cette hypothèse, les échelons intercommunaux et régionaux seraient réduits à un simple rôle de coordination. Tout en admettant qu’un tel projet serait politiquement difficile à défendre, il considère qu’il serait a contrario peu cohérent à ses yeux de transformer les EPCI en collectivités territoriales, la création d’un quatrième niveau apparaissant comme une aggravation du « millefeuille territorial » tant décrié.

M. Aubelle développe une vision similaire : selon lui, « tout part de la commune ». Il plaide pour :

– le développement de la forme particulière de fusion de communes issue de la « loi Gatel » précitée, et désignée parfois sous le nom de « commune-communauté » ;

– l’attribution au département, dans les zones rurales, des compétences aujourd’hui dévolues aux communautés de communes.

Sur ce dernier point, il a cité en audition l’exemple de l’Allier, où les recettes fiscales consolidées de l’ensemble du département représentent 80 % de celles de la métropole de Clermont-Ferrand (Clermont-Auvergne Métropole).

L’introuvable « commune-communauté »

Créée en 2019, la commune-communauté est une commune nouvelle dispensée de l’obligation d’adhérer à un EPCI à fiscalité propre. Il faut, pour cela, que la totalité des communes regroupées – et non seulement une partie – soient membres d’une même intercommunalité à fiscalité propre. La commune nouvelle se substitue alors à l’ancien EPCI à fiscalité propre et exerce ses compétences. Ce critère restrictif explique probablement l’échec de cette forme particulière de regroupement (aucune créée à ce jour).

  1.   Les perspectives offertes par un approfondissement de la différenciation institutionnelle

Une autre piste, tout aussi audacieuse, consisterait à rompre avec l’approche stato-centrée de la décentralisation qui a prévalu depuis les années 1980 et à permettre aux élus locaux eux-mêmes de définir leur organisation selon leurs besoins.

Comme l’expliquait déjà Michel Crozier dans la revue « Pouvoirs locaux » en 1992 ([127]), la décentralisation reste une réforme de l’État : c’est lui qui « tient le stylo » pour reprendre l’image utilisée par en audition Mme Lemouzy. En laissant les territoires se configurer eux-mêmes, les élus locaux pourraient ainsi sortir de la phase « d’adolescence » dans laquelle ils se laissent parfois enfermer par l’État. À titre d’illustration, Mme Chavrier évoque le périmètre des « grandes régions » de 2015, intégralement délimité par l’État. Selon elle, il pourrait être opportun de laisser ces collectivités décider d’une éventuelle redéfinition de leur aire territoriale.

M. Aubelle observe, pour sa part, que le rapport du président de la commission de développement des responsabilités locales (cf. supra) préconisait, dès les années 1970, la mise en œuvre d’une démarche reposant sur l’initiative locale : les élus locaux auraient été invités à se positionner sur les compétences de leur choix selon des modalités fixées préalablement par le législateur. Une telle approche, fondée sur les préférences des populations, pourrait s’appliquer à une éventuelle réforme de la décentralisation qui assumerait ainsi qu’il puisse y avoir une organisation territoriale « à la carte ». Selon M. Aubelle, c’est la satisfaction des besoins en service de « haute nécessité » ([128]) (mobilité, logement, santé, eau, etc.) qui doit guider la définition d’une collectivité territoriale. Il évoque ainsi la métropole de Bordeaux qui, sur le sujet de l’organisation des mobilités, pourrait englober utilement la communauté d’agglomération du Libournais. Dans son esprit, la réflexion matérielle doit précéder celle sur la structure : si, par exemple, on définit un bassin d’emplois à cheval sur deux départements, il ne devrait pas y avoir d’obstacle à ce qu’une intercommunalité couvre l’intégralité du bassin, quitte à ce que les frontières des départements concernés soient redécoupées. Dans la même idée, on pourrait confier cette compétence de la mobilité à un autre échelon territorial que l’EPCI (le département, par exemple) dans les zones à faible densité de population, telle que la Creuse ([129]).

À l’instar de M. Aubelle, M. Kada plaide pour un approfondissement de la différenciation car, selon lui, en matière de décentralisation, « l’uniformité ne garantit pas l’égalité ».

En réponse à une interrogation de M. Lionel Royer‑Perreaut, député des Bouches-du-Rhône, sur ce sujet, il estime intéressante l’idée selon laquelle les citoyens pourraient être amenés, de manière différenciée selon les territoires, à se prononcer sur les deux strates (EPCI, département ou région) à conserver au-delà de la commune.

La conférence territoriale de l’action publique, mise en place par la loi « MAPTAM » et chargée de « favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements » ([130]), pourrait être l’instance idéale pour traiter de ces questions.

Quelle que soit l’ampleur du mouvement de différenciation engagé, MM. Kada et Reynié alertent les élus sur les effets pervers d’une « réforme permanente », c’est‑à‑dire d’une succession d’allers-retours liés à la différenciation. S’il est sain d’évoluer dans une certaine direction, il est essentiel d’offrir au citoyen un socle de stabilité institutionnelle, gage d’intelligibilité et surtout d’acceptabilité sociale : selon M. Reynié, les réformes de la décentralisation opérées depuis trente ans ont été perçues comme une « altération d’un territoire dans lequel les citoyens s’identifient » au profit d’un dispositif complexe et technique où il est difficile de s’y retrouver.

  1.   Les conditions d’émergence de véritables pouvoirs locaux

Au-delà des questions institutionnelles, l’engagement d’une nouvelle réforme de la décentralisation suppose une réflexion sur l’étendue des compétences allouées à chaque échelon, sur la légitimité démocratique des décisions prises et sur les moyens disponibles, notamment budgétaires, pour les mettre en œuvre. En dépit d’une forte diversité des points de vue, les experts auditionnés ont identifié des pistes intéressantes en matière de différenciation, d’autonomie fiscale et même de participation citoyenne.

A.   La différenciation des compétences

Lors de son audition, M. Balligand a fait l’éloge des collectivités qui, indépendamment des compétences qui leur sont dévolues par les textes, n’hésitent pas à prendre des initiatives en marge de ces compétences afin de répondre à des besoins spécifiques de leurs territoires. Il cite ainsi l’exemple du département de Saône-et-Loire qui, depuis 2017, a décidé de salarier lui-même 70 médecins généralistes afin de lutter contre la désertification médicale.

Ce succès illustre, selon lui, l’intérêt qui s’attache à ce qu’une collectivité puisse, dans certains cas, exercer des compétences différentes des autres relevant de la même catégorie.

Un tel scénario est d’autant plus envisageable qu’il est rendu possible, sous certaines conditions, sur le plan juridique.

En effet, si les règles d’attribution des compétences sont, en principe, les mêmes au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales de droit commun, rien ne s’oppose « ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » ([131]).

Mme Chavrier rappelle que, depuis 2009 ([132]), la jurisprudence constitutionnelle distingue les « collectivités à compétences dérogatoires » qui, à l’image de Lyon et de Marseille, ne sont que des collectivités de droit commun dotées de compétences spécifiques, des « collectivités à statut particulier » qui, comme Paris, sont des modes particuliers d’organisation territoriale. Au lieu de s’engager dans un mouvement de démantèlement des catégories de droit commun, le législateur devrait s’appuyer sur les catégories existantes pour allouer des compétences distinctes à des collectivités qui peuvent justifier d’une différence de situation. L’exemple cité par Mme Chavrier sur ce sujet est la « collectivité européenne d’Alsace » (CeA) qui, en dépit de son nom, n’est pas une collectivité à statut particulier, mais un département doté de quelques compétences supplémentaires ([133]).

Une autre piste qui permettrait aux collectivités d’investir des champs de compétences encore inexplorés consisterait à tirer profit de l’officialisation du pouvoir réglementaire local par la réforme constitutionnelle de 2003 ([134]) : bien que résiduel et soumis à la primauté du règlement national, fixé par le Premier ministre, un tel pouvoir reste encore peu utilisé au titre de l’application des lois. Mme Chavrier suggère donc que le législateur en appelle plus souvent aux collectivités territoriales pour la mise en œuvre des dispositions législatives qui les concernent au lieu d’effectuer le traditionnel renvoi au décret en fin d’article. Cette option, plus à même de responsabiliser l’échelon local, a également recueilli l’assentiment de M. Renaudie en audition.

Sur ce point, on peut rappeler que la Constitution n’autorise pas pour autant les collectivités, sauf celles d’outre-mer, à « adapter » les lois à leur territoire. Selon M. Kada, une telle option reviendrait à faire basculer la France dans une organisation d’État plus fédérale et nécessiterait clairement une profonde révision constitutionnelle.

B.   les voies de la régénération de la démocratie locale

Face au désintérêt croissant des citoyens pour la vie politique locale, il peut être intéressant de développer les outils de démocratie participative qui, comme l’a évoqué en audition M. Jean-Claude Raux, député de Loire-Atlantique, donnent satisfaction dans certaines des collectivités qui les ont institués. Il évoque l’exemple des « conseils citoyens » de la commune de Kingersheim (68), où sont discutés la plupart des grands projets de la collectivité, ainsi que la commune de Couffé (44), qui a mis en place des commissions ouvertes aux habitants.

Le développement progressif de la démocratie participative locale

Dès les années 1960, des citoyens prennent l’initiative de former des « groupes d’action municipale » (GAM), qui s’efforcent de pallier les insuffisances, selon eux, des partis politiques à répondre à leurs besoins en matière d’urbanisme, de service public ou de vie culturelle. Le premier GAM est fondé à Grenoble en 1965. Des dizaines de GAM se développent dans les années 1970.

En 1992, la loi AETR (art. 26) oblige une partie des communes à mettre en place des « commissions consultatives des services publics locaux » (CCSPL) associant des représentants d’associations d’usagers du ou des services concernés.

Des « budgets participatifs », où les habitants sont appelés à se prononcer, directement ou indirectement, sur des dépenses d’investissement, se mettent en place : Morsang-sur-Orge (Essonne) et Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) sont les premières villes en France à expérimenter le dispositif en 1995.

La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite « loi Vaillant », systématise en son article 1er les « conseils de quartier » dans les communes de 80 000 habitants et plus (dispositions aujourd’hui codifiées à l’article L. 2143-1 du CGCT).

Les deux universitaires qui se sont exprimés en audition sur ce sujet (MM. Aubelle et Reynié) ont estimé que ces mécanismes de « participation citoyenne » n’étaient pas en mesure de revivifier par eux-mêmes la démocratie locale. Pour M. Reynié, les conventions citoyennes et les conseils de quartier ne peuvent prétendre représenter la population : seule la primauté de l’élection, qu’il qualifie de « répétition de l’acte démocratique fondamental » est, à ses yeux, à même de conférer une légitimité aux décisions prises.

M. Aubelle est du même avis : la démocratie participative ne peut, selon lui, contribuer à « restaurer un niveau décent de participation électorale ». Il évoque, toutefois, une piste d’évolution intéressante sous la forme d’un « bicamérisme local ». Ce système, qui consisterait à dupliquer au niveau d’un territoire le schéma applicable au niveau national (Assemblée nationale et Sénat), permettrait d’associer sur des grands sujets une première assemblée délibérante composée d’élus, qui aurait le dernier mot, et une seconde assemblée composée de citoyens, soit désignés comme les membres du conseil économique, social et environnemental (CESE), soit tirés au sort et formés en conséquence.

À l’instar de la « navette » décrite à l’article 45 de la Constitution, tout projet de texte important ferait l’objet de plusieurs lectures auprès de chacune des deux assemblées avant d’être définitivement adopté par l’assemblée élue après une éventuelle « commission mixte paritaire ».

Ce système aurait l’avantage d’ouvrir plus largement le champ de la participation, actuellement cantonné à ce que les élus veulent bien lui adjoindre.

C.   Le renforcement des moyens d’action : autonomie fiscale et ingénierie

À l’image de la revue « Pouvoirs locaux », qui est l’organe de presse d’un laboratoire d’idées sur la décentralisation ([135]), il ressort des auditions qu’un processus de décentralisation ne peut se concevoir sans l’attribution aux exécutifs locaux des moyens d’action nécessaires à la mise en place des politiques pour lesquelles ils ont été élus.

Les moyens budgétaires apparaissent, naturellement, au premier plan des préoccupations des collectivités territoriales. Fort de son expérience d’ancien élu local, M. Balligand regrette logiquement la suppression progressive des « quatre vieilles » taxes locales issues de la Révolution, en particulier de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d’habitation sur la période récente. Il estime que le lien fiscal entre l’habitant et sa collectivité a été profondément altéré et ne subsiste plus désormais qu’au niveau des propriétaires, qui s’acquittent de la taxe foncière. En conséquence, il plaide pour l’instauration d’une « taxe de services » qui permettrait de rétablir en gros une contribution de l’ensemble des habitants aux services rendus par les collectivités territoriales.

Parmi les universitaires interrogés, il n’y a pas eu, en revanche, de consensus sur le sujet de l’autonomie fiscale. Mme Chavrier considère que les ratios d’autonomie découlant de la réforme constitutionnelle de 2003 ([136]) sont largement factices et préconise le rétablissement d’un véritable pouvoir des collectivités sur le taux des impositions dont elles bénéficient. À ses yeux, une autonomie fiscale plus élevée est d’autant plus nécessaire que la France est un pays de tradition centralisatrice où la concertation est moins « spontanée ». M. Aubelle a exprimé un avis différent : l’exemple de l’Allemagne, où les collectivités territoriales (Länder, Kreise et Gemeinde ([137])) disposent de larges pouvoirs alors que leurs ressources sont, pour une large part ([138]), composées de recette fiscales partagées avec l’État fédéral, montre que l’autonomie fiscale n’est nullement une condition nécessaire à la décentralisation.

S’agissant de la capacité des collectivités territoriales à mener des politiques dans des domaines de plus en plus complexes, M. Renaudie insiste sur la place de l’État déconcentré qui, paradoxalement, doit être renforcé afin d’accompagner le processus de décentralisation. L’ingénierie territoriale est une donnée centrale du problème. Lors de son audition, il préconise la mise en place de « pôles interministériels » d’appui qui, sans aller jusqu’à restaurer les anciens services techniques départementaux ([139]), pourraient se déployer sur une aire territoriale suffisamment large pour assister les collectivités les plus en difficulté sous la forme de personnels mis à disposition.

Le contrôle de légalité, corollaire de la décentralisation en France

Lors de son audition, M. Renaudie a rappelé que le contrôle de légalité exercé par le représentant de l’État en application de l’article 72 de la Constitution était une dimension souvent négligée de la décentralisation en France. Sans un contrôle effectif des actes des collectivités, la forme de l’État s’éloignerait de son caractère unitaire ([140]). On peut noter que l’existence d’un tel contrôle crée les conditions d’un dialogue entre les préfets et les collectivités. Dans un rapport d’évaluation publié le 16 septembre 2022 (S2022-1762), la Cour des comptes le juge défaillant dans certains territoires ou dans certains domaines et préconise son amélioration au travers d’un renforcement des effectifs qui lui sont consacrés (190 emplois équivalents temps plein ([141])).


LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

 

(Par ordre alphabétique)

– M. Vincent Aubelle, professeur associé des universités en droit public à l’université Gustave-Eiffel ;

– M. Jean-Pierre Balligand, ancien député de l’Aisne, président de l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation et Mme Laurence Lemouzy, directrice scientifique de la revue Pouvoirs locaux ;

– Mme Géraldine Chavrier, professeure de droit public à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;

– M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l’université de Nantes ;

– M. Nicolas Kada, professeur de droit public à l’université de Grenoble et codirecteur du Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (GRALE) ;

– M. Olivier Renaudie, professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et codirecteur du Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (GRALE) ;

– M. Dominique Reynié, professeur des universités à Sciences Po Paris, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).


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   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 10 avril 2024 à 15 heures, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

https://assnat.fr/sVzTPr

 

 

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([1]) De la démocratie en Amérique (Tome 1, pages 98 et 104).

([2]) « Je suppose qu'il s'agisse d'établir une école; les [élus locaux] convoquent à un certain jour, dans un lieu indiqué d'avance, la totalité des électeurs; là, ils exposent le besoin qui se fait sentir; ils font connaître les moyens d'y satisfaire, l'argent qu'il faut dépenser, le lieu qu'il convient de choisir. L'assemblée, consultée sur tous ces points, adopte le principe, fixe le lieu, vote l'impôt, et remet l'exécution de ses volontés dans les mains des [élus locaux] » (op. cit., tome I, page 98).

([3]) « Les Français et la décentralisation » (mars 2020).

([4]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

([5]) Décret de nomination du 6 novembre 2023.

([6])  Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019.

([7]) Art. L. 115‑10 du code des transports. 

([8]) Contribution foncière, contribution personnelle et mobilière, patente, impôt sur les portes et fenêtres.

([9]) Décret du 6 novembre 2023 chargeant un député d'une mission temporaire.

([10]) Lettre de mission du 3 novembre 2023.

([11]) Données de la Cour citées à la page 37 du rapport de la commission des finances du Sénat n° 41 (2022-2023) du 12 octobre 2022 (MM. Charles Guené, Jean-François Husson et Claude Raynal).

([12]) C’est-à-dire les reversements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA).

([13]) Les finances publiques locales 2023 - fascicule 2 (page 68).

([14]) Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : osons la réforme, rapport au Premier ministre, 24 juillet 2015.

([15]) Découpage des régions par zone géographique recevant des eaux qui circulent naturellement vers un même cours d’eau.

([16]) Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([17]) Scrutin binominal paritaire à deux tours (loi n° n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral).

([18]) Lettre de mission précitée du 3 novembre 2023.

([19]) Dans sa décision n° 2010 618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel avait exigé que l’écart de représentation de chaque département au sein d’un ensemble régional ne soit pas supérieur de plus de 20 % à la moyenne démographique régionale.

([20]) Issu de l’article 73 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

([21]) La délégation ne vaut que si elle est prévue dans les statuts de l’EPCI, si toutes les communes membres ont expressément donné leur accord et si elle porte sur des compétences transférées par les communes de manière volontaire à l’exclusion des compétences transférées en application d’une loi. Par ailleurs, le bénéficiaire de la délégation ne peut être, sauf exceptions, que le département ou la région (art. L. 1111-8 CGCT).

([22]) C’est le cas, notamment, des compétences régaliennes de l’État, qui ne peuvent être déléguées à une collectivité territoriale (art. L. 1111-8-1 CGCT).

([23]) Art. L. 4124‑1 CGCT.

([24]) Art. L. 4122‑1 CGCT.

([25]) Le « oui » devait recueillir plus de 50 % des suffrages exprimés dans chacun des deux départements et représenter au moins 25 % des électeurs inscrits dans chacun des départements.

([26]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([27]) Art. L. 4211‑1 CGCT.

([28]) Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT).

([29]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

([30]) Loi « NOTRe » précitée.

([31]) Réponse à la question n° 3.

([32]) CC, n° 96-375 DC du 9 avril 1996.

([33]) C’est le cas, par exemple, des objectifs de logements locatifs sociaux issus de la  loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui ne s’appliquent pas aux communes de moins de 3 500 habitants.

([34]) « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. »

([35]) Mission « flash » sur le pouvoir réglementaire local.

([36]) Art. L. 1111‑2 du CGCT modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

([37]) L’article 140 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française définit les lois du pays comme les actes de l’assemblée de la Polynésie française qui relèvent du domaine de la loi ou ressortissent de la compétence de la Polynésie française ou sont pris au titre de la participation de la Polynésie française à l’exercice de certaines compétences étatiques. L’article 32 de la même loi organique prévoit une procédure d’approbation des lois du pays par décret du Premier ministre.

([38]) Loi constitutionnelle  n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République. 

([39]) W. Mastor - Rapport sur l’évolution institutionnelle de la Corse (11 octobre 2021) (page 30).

([40]) Communication relative à l’autonomie financière et à l’autonomie fiscale des collectivités territoriales à l’issue des réformes des finances locales.

([41]) Op. cit. (page 5).

([42]) Avant son remplacement par la contribution économique territoriale en 2010, la taxe professionnelle représentait à elle seule près de 12 % des recettes totales des régions en 2009.

([43]) Rapport n° 912 présenté devant la délégation aux collectivités territoriale et à la décentralisation de l’Assemblée nationale le 9 mai 2018.

([44]) Communication relative à l’autonomie financière et à l’autonomie fiscale des collectivités territoriales à l’issue des réformes des finances locales (précitée).

([45]) Communication du 9 mai 2018 précitée (page 71).

([46]) Op. cit. (page 73).

([47]) Op. cit. (page 73).

([48]) Art. 1530 bis du code général des impôts.

([49]) Art. 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([50]) Communication du 9 mai 2018 précitée (page 66).

([51]) Notamment dans le rapport n° S2022-1762 de la 4ème chambre publié le 16 septembre 2022 portant sur le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires en préfecture.

([52]) Mécanisme figurant à l’article L. 1116-1 du CGCT et issu de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

([53]) Rapport d’information (n° 909) relatif aux services préfectoraux et déconcentrés de l’État, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, par Mme Agnès Canayer et M. Eric Kerrouche, sénateurs, 29 septembre 2022 .

([54]) Rapport précité n° S2022-1762 portant sur le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires en préfecture (synthèse).

([55]) Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d’agir », rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, 6 juillet 2023.

([56]) Rapport n° S2023-1031-1 de la 4ème chambre publié le 19 janvier 2023 (page 7).

([57]) Rapport spécial n° 1745 annexe 2 du 14 octobre 2023.

([58]) Rapport spécial n° 1745 annexe 2 précité (page 17).

([59]) Rapport n° S2022-1762 de la 4ème chambre publié le 16 septembre 2022 portant sur le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires en préfecture (page 5).

([60]) Op. cit. (page 4).

([61]) Alain Lambert « Supprimez le contrôle de légalité » Gazette des Communes du 21 mars 2016.

([62]) Rapport spécial n° 1745 annexe 2 précité (page 17).

([63]) Rapport n° S2022-1762 précité (page 5).

([64]) Rapport n° S2022-1762 précité (page 5).

([65]) Rapport n° 1329 du 7 juin 2023 (commission des finances).

([66]) Amendement n° II-CF369 (première lecture du PLF 2024).

([67]) Rapport n° S2022-1762 précité (page 5).

([68]) Issue de l’ancien Fonds national d’amélioration de l’habitat créé en 1950.

([69]) Issue, notamment, de l’ancien commissariat général à l’égalité des territoires, lui-même héritier de la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR).

([70]) Voir la réponse à la question n° 10.

([71]) Rapport précité n° S2023-1031-1 de la 4ème chambre publié le 19 janvier 2023 (pages 6 et 7).

([72]) Rapport pour avis fait au nom de la commission des lois n° 1778 tome I du 16 octobre 2023.

([73]) Le décret n° 92-604 du 1 juillet 1992 portant charte de la déconcentration affirme la compétence de droit commun des services déconcentrés de l'État.

([74]) Pouvoir consacré dès l’article 1er du décret.

([75]) Rapport n° S2023-1031-1 supra.

([76]) Op. cit. (page 8).

([77]) Op. cit. (page 31).

([78]) Rapport n° S2022-0494 de la 4ème chambre publié le 14 avril 2022.

([79]) Op. cit. (page 3).

([80]) Rapport spécial n° 1745 du 14 octobre 2023 (précité).

([81]) Op. cit. (page 39).  

([82]) Op. cit. (page 86).

([83]) Art. L. 2143-1 du CGCT.

([84]) Art. L. 1413-1 du CGCT.

([85]) Décret n° 95-260 du 8 mars 1995.

([86]) Décret n° 2007-1126 du 23 juillet 2007 (modifié).

([87]) Plus de 40 % de participation (l’Union du 2 avril 2023).

([88]) Art. LO. 1112-1 du CGCT.

([89]) Art. L. 1112-16 du CGCT.

([90]) Art. L. 2143-1 du CGCT (obligation pour les communes de plus de 80 000 habitants, faculté pour les communes de 20 000 à 79 999 habitants).

([91]) Art. L. 122-1 et R..122-6 du code de l’environnement.

([92]) Actuellement composé de 4 collèges (représentants d’entreprises, représentants d’organisations syndicales, représentants d’organismes et d’associations, personnalités qualifiées « concourant au développement de la région) en application de l’article R. 4134-1 du CGCT.

([93]) Proposition de loi constitutionnelle n° 1106 visant à faciliter le recours au referendum d’initiative partagée.

([94]) Proposition de loi n° 1157 visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique.

([95]) Proposition n° 1163 relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance.

([96]) Art. 148 du Règlement de l’Assemblée nationale.

([97]) La liste figure en annexe.

([98]) Lois « Defferre » : loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

([99]) Notamment la loi Haby du 11 juillet 1975 dite du « collège unique ». En audition, M. Balligand a évoqué sans regret le souvenir des constructions modulaires de type « Pailleron » qui émaillaient le territoire national lorsque cette compétence relevait encore des services de l’État à la fin des années 1970.

([100]) La réforme constitutionnelle de 2003 a été présentée comme « l’acte II de la décentralisation ». L’acte III désigne indifféremment les lois des années 2010.

([101]) CC, 84-174 DC du 25 juillet 1984, loi relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion.

([102]) Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) 2023.

([103]) La commune institue les offices de tourisme, le département élabore le schéma d’aménagement touristique départemental et la région fixe les objectifs du développement touristique régional.

([104]) « Vivre ensemble » - Rapport du président de la commission de développement des responsabilités locales.

([105]) Rapport du comité pour la réforme des collectivités locales (5 mars 2009) - pages 10 et 40.

([106]) Rapport précité (page 67).

([107]) La loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires permet, sous conditions, à des communes de se regrouper sans se rattacher à un EPCI.

([108]) On peut citer l’exemple du zonage (ABC et 1,2,3) qui permet de définir des territoires où les locataires d’un logement ou des acquéreurs de biens immobiliers peuvent bénéficier d’aides financières plus élevées afin de réduire la tension sur le marché.

([109]) Dossier de présentation du projet de loi dit « 3D » en 2020.

([110]) Art. 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

([111]) Art. 192 de la loi n° n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

([112]) Communiqué de l’AMF du 22 juin 2022.

([113]) Référence au pamphlet d’Octave Mirbeau publié en 1902.

([114]) Expression employée dans l’entre-deux-guerres par M. Georges Bonnet, député radical-socialiste de Dordogne.

([115]) L’article 74 de la loi municipale du 5 mars 1884 précise expressément que « les fonctions de maires, adjoints, conseillers municipaux sont gratuites ».

([116]) L’article 1er de la loi « NOTRe » supprime la clause générale de compétences des régions qui figurait à l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) depuis 1982 (à l’exception d’un court intermède entre la loi « RCT » de 2010 et la loi « MAPTAM » de 2014).

([117]) Art. 72, alinéa 3, de la Constitution.

([118]) Art. 72-2 de la Constitution.

([119]) Art. 72-1 de la Constitution

([120]) Décision n° 82-138 DC du 25 février 1982 (considérant 4).

([121]) Texte n° 3143 (douzième législature) déposé le 13 juin 2006.

([122]) Proposition n° du rapport précité (page 72).

([123]) Réunion à huis clos avec les présidents des deux chambres du Parlement et les chefs de partis (Saint-Denis, 30 août 2023).

([124]) Rapport n° 706 du 15 septembre 2020 présenté au nom de la mission d’information « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées aujourd'hui et demain ? ».

([125]) CC, 2010 618 DC du 9 décembre 2010.

([126]) Cinquième AMF - CEVIPOF - Sciences Po (juillet 2021).

([127]) Travaux du colloque de l'Institut de la Décentralisation, dans le cadre du programme « Décentralisation 2000 », Marseille, avril 1992

([128]) Concept développé par l’écrivain Édouard Glissant dans un manifeste publié avec Patrick Chamoiseau en 2009.

([129]) 20,8 habitants au kilomètre carré.

([130]) Dans chaque région, la conférence regroupe le président du conseil régional, qui la préside, les présidents des conseils départementaux ainsi que des représentants du bloc communal (art. L. 1111-9 du CGCT).

([131]) CC n° 91-291 DC du 6 mai 1991.

([132]) CC, 2009-588 DC du 6 août 2009

([133]) Avis n° 396789 du Conseil d’État du 21 février 2019.

([134]) « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences » (article 72, alinéa 3 de la Constitution).

([135]) La revue, éditée par l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation, a été créée en 1989 par un élu local (Paul Graziani) et un historien (Jean-Marc Ohnet).

([136]) Pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 (art. LO 1114-3 du CGCT), soit 60,8 % pour les communes et les EPCI, 58,6 % pour les départements, 41,7 % pour les région.

([137]) « États », arrondissements et communes.

([138]) 57,5 % en 2017.

([139]) Dont les directions départementales de l’équipement (DDE) ont été le symbole entre leur création en 1967 et leur fusion au sein des directions départementales des territoires (DDT) en 2009.

([140]) C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel avait censuré en 1982 une disposition législative rendant les actes des collectivités exécutoires avant même leur transmission au préfet (CC, n° 82-137 DC du 25 février 1982).  

([141]) Recommandation n° 5.