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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
déposé
AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ([1]),
sur le développement de la pratique féminine du sport
par
Mme Véronique RIOTTON,
M. Stéphane VIRY
Députés
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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :
Mme Véronique Riotton, présidente ; Mme Virginie Duby-Muller, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Sandrine Josso, vice‑présidents ; Mme Julie Delpech, Mme Anne-Cécile Violland, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Soumya Bourouaha ; Mme Céline Calvez ; Mme Émilie Chandler ; Mme Mireille Clapot ; M. Jean-François Coulomme ; Mme Béatrice Descamps ; Mme Christine Engrand ; Mme Agnès Firmin Le Bodo ; Mme Géraldine Grangier ; Mme Catherine Jaouen ; Mme Fatiha Keloua Hachi ; Mme Amélia Lakrafi ; Mme Élise Leboucher ; Mme Julie Lechanteux ; Mme Sarah Legrain ; Mme Delphine Lingemann ; Mme Marie-France Lorho ; Mme Pascale Martin ; Mme Graziella Melchior ; Mme Frédérique Meunier ; Mme Sophie Panonacle ; Mme Josy Poueyto ; Mme Ersilia Soudais ; M. Emmanuel Taché de la Pagerie ; Mme Sarah Tanzili ; M. Jean Terlier ; M. Stéphane Viry.
SOMMAIRE
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Pages
PREMIÈRE PARTIE : Le sport fÉminin amateur et professionnel fait face À DE MULTIPLES obstacles
A. Historiquement le sport s’adresse à un public principalement masculin
B. LE SPORT, vecteur de stéréotypes de genre dont les sportives peinent encore à se débarrasser
1. Les tenues des sportives : une mainmise sur le corps des femmes ?
2. Une répartition sexuée de la pratique sportive entre hommes et femmes
1. Des freins qui apparaissent à chaque étape de la vie et s’accumulent
a. Petite enfance : point de départ d’une inégalité de long terme
b. Adolescence : un décrochage des filles bien identifié
d. Sport adulte/sport senior : l’enjeu du bien vieillir
1. Une reconnaissance limitée sous tendue par des stéréotypes de genre exacerbés
a. Des écarts de rémunération persistants malgré des avancées disparates
b. Des conditions matérielles et d’encadrement peu enviables
c. Un désintérêt pour la santé des sportives en attente d’être comblé
d. De faibles perspectives de reconversion professionnelle
DeuxiÈmE PARTIE : DES leviers clés pour consolider la place des femmes dans le monde sportif
I. changer les mentalités en misant sur l’éducation et la visibilité du sport féminin
A. donner le goût du sport dès le plus jeune âge pour accroître la pratique tout au long de la vie
1. Dès le plus jeune âge, inciter les jeunes filles à aimer le sport
i. La formation du personnel encadrant
ii. Un aménagement du temps et des infrastructures scolaires
iii. Faciliter la pratique sportive des filles sur leur temps libre
2. Inciter les femmes à faire du sport tout au long de la vie
b. Dans le sport de haut niveau, faciliter la maternité des sportives
B. encourager les sportives à s’approprier l’espace public et sportif
1. Accroître le recours au design actif dans l’espace public
2. Mettre en place un « plan Marshall » des vestiaires et des sanitaires
C. renforcer la visibilité du sport féminin dans les médias sous le regard attentif de l’ARCOM
1. Une faible visibilité du sport féminin pourtant plébiscité par les spectateurs
2. Une faible valorisation des femmes journalistes de sport trop souvent ramenées à leur genre
1. Depuis les années 2000, le cadre légal favorise l’accès des femmes à des postes à responsabilité
b. La loi du 2 mars 2022 s’inscrit dans le chemin tracé par les lois de 2000 et 2014
a. Une organisation structurelle reposant sur des biais de genre plus favorable aux hommes
b. Des stratégies de contournement de la règle pour maintenir un statu quo
i. Des stratégies de contournement diverses et efficaces pour écarter les femmes
ii. Une préférence pour le statu quo à peine voilée
B. Ces avancées doivent être prolongées pour garantir aux femmes une place dans le monde du sport
1. « Imposer l’égalité par le sommet » en renforçant les dispositions législatives existantes
a. Préciser à qui s’applique l’exigence de parité réelle et contrôler son respect
i. Préciser l’exigence de parité réelle
ii. Contrôler le respect de la parité réelle
b. Limiter le cumul des mandats
c. Repenser les règles électorales
2. Accroître le vivier des femmes candidates à des postes techniques ou officiels
i. Des formations dès le plus jeune âge et jusqu’à l’âge adulte
ii. Le « chantier du bénévolat » : faciliter la conciliation entre vie associative et vie familiale
b. Un plus grand contrôle de la progression de la féminisation
c. Une politique de quotas dans l’encadrement technique
III. REPENSER LE FINANCEMENT DU SPORT FEMININ
A. Une nécessaire contribution des financements privés au développement du sport féminin
1. Au niveau des fédérations et des clubs, un soutien conditionné à la promotion du sport féminin
2. Pour les sponsors, des incitations à soutenir le sport féminin
B. Une plus grande vigilance lors de l’attribution des financements publics
2. À l’ANS, renforcer l’attention accordée au sport féminin
II. Évènement sur la mixité dans le sport
III. Examen du rapport par la délégation
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs
Axe n° 1 : à travers l’éducation, inciter les jeunes filles à prendre goût au sport
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N° |
Recommandation |
Support |
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1 |
Renforcer le module d’enseignement sur le sport dans la formation initiale des enseignants du premier degré afin d’y inclure une sensibilisation aux enjeux de la parité et de la mixité de la pratique sportive, dès le plus jeune âge. |
Formation |
36 |
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2 |
Créer un nouveau module de formation axé sur la déconstruction des stéréotypes de genre et la promotion d’une culture de l’égalité dans la formation diplômante des éducateurs sportifs et dans les licences de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). |
Formation |
37 |
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3 |
À l’école, expérimenter des projets d’école ou d’établissement, prévus à l’article L. 401-1 du code de l’éducation, ménageant plus de temps à l’activité physique. |
Législatif |
37 |
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4 |
À travers l’Association des maires de France (AMF), informer les collectivités territoriales sur le design actif dans les cours d’école afin de le développer. |
Communication/ information |
38 |
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5 |
Au collège et au lycée, enjoindre les établissements à réserver le mercredi après-midi pour une pratique sportive. |
Circulaire |
38 |
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6 |
Renforcer les liens entre les établissements scolaires, l’Union nationale du sport scolaire du secondaire (UNSS) et les clubs de sport à travers une semaine du sport féminin. |
Évènementiel |
38 |
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7 |
Systématiser et généraliser l’intervention de l’UNSS et des clubs sportifs dans les établissements scolaires, au moins une fois par an, pour inciter les jeunes filles à s’inscrire. |
Communication/ information |
38 |
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8 |
Proposer des licences à 1 euro pour les enfants dans les fédérations comptant moins de 10 % de femmes ou d’hommes |
Fédérations |
39 |
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9 |
Pour le Gouvernement, au moyen d’un rapport remis au Parlement, recenser les sections mixtes et féminines sur l’ensemble du territoire. |
Rapport du Gouvernement |
39 |
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10 |
En partant de l’état des lieux fourni par le Gouvernement, inciter les clubs à maintenir des sections mixtes et féminines en particulier dans les zones où l’offre est faible. |
Clubs et associations sportives |
39 |
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11 |
Pour les clubs et associations sportives, coupler les horaires des cours pour enfants et pour adultes afin d’accroître la pratique sportive de toute la famille. |
Clubs et associations sportives |
39 |
Axe n° 2 : inciter les femmes à faire du sport tout au long de la vie
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N° |
Recommandation |
Support |
Page |
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12 |
À travers une campagne institutionnelle annuelle, promouvoir l’activité physique pour les femmes tout au long de la vie. |
Campagne d’information institutionnelle |
40 |
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13 |
Lors des consultations médicales gratuites aux trois âges clés de la vie, informer les patients sur les bienfaits du sport. |
Information |
40 |
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14 |
Modifier l’article R. 221-8 du code du sport et ainsi porter à deux ans, à compter de l’annonce de la grossesse, l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau. |
Réglementaire |
41 |
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15 |
Pour les collectivités, adopter le design actif dans l’espace public promu par le plan « 5 000 équipements – Génération 2024 ». |
Collectivités territoriales grâce au plan 5 000 équipements – Génération 2024 |
42 |
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16 |
Pour le Gouvernement, effectuer un état des lieux des infrastructures sportives, en particulier des vestiaires et des sanitaires avant de mettre en place un « plan Marshall des vestiaires et des sanitaires » assurant aux femmes un confort minimal lors de la pratique sportive. |
Rapport du Gouvernement |
43 |
Axe n° 3 : renforcer la visibilité du sport féminin
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N° |
Recommandation |
Support |
Page |
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17 |
En élargissant le décret sur les Évènements sportifs d’importance majeure (EMI), instaurer des quotas de diffusion du sport féminin à des heures de grande audience pour les chaînes de la Télévision numérique terrestre (TNT). |
Décret |
45 |
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18 |
Afin de résorber l’écart de diffusion entre sport masculin et féminin, sanctuariser la part du fonds de soutien à la production audiovisuelle consacrée au sport féminin jusqu’à ce que la part de sport féminin diffusée dans les médias atteigne 40 % du total du contenu sportif diffusé. |
Fonds de soutien à la production audiovisuelle |
45 |
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19 |
Conditionner l’agrément des fédérations à la mise en œuvre d’une politique publique du sport inclusive, mesurée à l’aide d’indicateurs tels qu’une composition mixte des lots de retransmission des compétitions sportives. |
Agréments des fédérations |
46 |
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20 |
Dans les rédactions sportives, organiser des sessions de prévention du sexisme ordinaire chaque année. |
Formation |
47 |
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21 |
Étoffer la politique d’accompagnement des femmes journalistes de sport victimes de sexisme en communiquant davantage sur les infractions existantes et en ouvrant des dispositifs d’accompagnement psychologique lorsque nécessaire. |
Chaînes de télévision |
48 |
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22 |
Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), inclure la charte de l’association des journalistes sportifs dans les conventions des chaînes de la TNT et évaluer les chaînes à l’aune du respect de cette charte. |
Conventions des chaînes de la TNT |
48 |
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23 |
Dans les médias, privilégier la mixité des rédactions avec des mesures incitatives. Lorsqu’elle constate des plateaux non mixtes dans les programmes sportifs, l’ARCOM prend des sanctions financières contre les chaînes mises en cause. |
ARCOM |
48 |
Axe n° 4 : réformer la gouvernance du monde sportif et accroître le nombre de femmes dirigeantes
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N° |
Recommandation |
Support |
Page |
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24 |
Préciser dans la loi la définition du terme « d’instances dirigeantes » soumises à la parité pour mettre fin aux stratégies de contournement. |
Législatif |
55 |
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25 |
Si les Alpes françaises remportent l’organisation des Jeux d’hiver de 2030, instaurer la parité dans le comité d’organisation et pour les athlètes participants. |
Statuts constitutifs du comité organisateur |
56 |
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26 |
Pour le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), veiller au respect de la parité réelle dans les instances dirigeantes des fédérations sportives. |
CNOSF et fédérations |
56 |
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27 |
Pour le Parlement, effectuer en 2025, un contrôle de l’application de la loi du 2 mars 2022 afin de vérifier si l’exigence de parité dans les instances dirigeantes du sport est effectivement respectée. |
Législatif |
56 |
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28 |
Limiter le cumul des mandats des instances dirigeantes du sport à trois mandats consécutifs. |
Législatif |
57 |
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29 |
Redéfinir les règles électorales en élargissant le corps électoral aux clubs afin de favoriser le renouvellement des dirigeants à l’échelle territoriale et nationale. |
Législatif |
57 |
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30 |
Pour le Gouvernement, recenser le coût des campagnes électorales dans les fédérations afin, à terme, en plafonner le coût. |
Rapport du Gouvernement |
58 |
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31 |
Mettre en place un dispositif de contrôle du mouvement sportif permettant de faire respecter l’éthique dans le sport à travers des règles minimales et un pouvoir de sanction. |
Législatif |
59 |
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32 |
Au moyen du programme des jeunes officiels de l’UNSS, inciter les jeunes filles à exercer des postes à responsabilité dans le monde sportif. |
Fédérations |
60 |
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33 |
Sur le modèle du club des 300 du CNOSF, accroître l’offre de formation tout en la renforçant à travers le doublement horaire des enseignements dispensés. |
CNOSF et fédérations |
60 |
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34 |
En s’appuyant sur un rapport du Gouvernement concernant les bénévoles du sport, lancer une réflexion sur la rémunération des personnes exerçant des responsabilités dans les instances sportives locales pour lever l’obstacle financier. |
Rapport du Gouvernement |
61 |
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35 |
Instaurer une décharge horaire pour les personnes occupant des postes de direction dans les instances sportives locales afin d’inciter les femmes à se porter candidates. |
Instances sportives locales |
61 |
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36 |
Dans les contrats de développement des fédérations sportives, imposer la création de cellules de féminisation et de mixité au niveau national et local. |
Contrats de développement des fédérations |
61 |
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37 |
Pour le ministère des sports, contrôler davantage la mise en œuvre des plans de féminisation des fédérations et des clubs à travers des indicateurs objectifs. |
Ministère des sports |
62 |
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38 |
À travers un système de quotas, tendre vers la parité dans l’encadrement technique sportif à long terme. À court et moyen terme, fixer une part de femmes dans l’encadrement (technique, médical et paramédical) proportionnel au nombre de femmes dans les fédérations. |
Fédérations |
63 |
Axe n° 5 : repenser le financement du sport féminin
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N° |
Recommandation |
Support |
Page |
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39 |
Pour les fédérations, associer l’attribution de labels qualité et de badges mixité au respect d’un cahier des charges précis soumis à une évaluation annuelle. |
Fédérations |
66 |
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40 |
Pour les clubs, conditionner les financements reçus à un score élevé de l’index égalité professionnelle. |
Clubs |
66 |
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41 |
Au moyen d’un rapport du Gouvernement, étudier l’opportunité de recourir à des leviers incitatifs (crédits d’impôt, Sociétés anonymes sportives professionnelles (SASP)) pour attirer les sponsors vers le sport féminin. |
Rapport du Gouvernement |
67 |
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42 |
Avant le versement de toute subvention publique, vérifier que l’entité bénéficiaire respecte effectivement les lois en matière de parité dans le monde sportif. |
Agence Nationale du Sport (ANS), collectivités territoriales |
68 |
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43 |
Lier le versement de subventions publiques à la mise en place de mesures concrètes en faveur du sport féminin. |
ANS, collectivités territoriales |
69 |
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44 |
Dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs entre la direction des sports et l’ANS, renforcer le mandat de l’ANS sur la promotion du sport féminin. |
Convention d’objectifs de l’ANS |
69 |
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45 |
Consacrer 20 % du budget de l’ANS au sport féminin à l’horizon 2030. |
ANS |
69 |
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46 |
Pour l’ANS, recourir à la Budgétisation intégrant l’égalité (BIE) afin de mieux évaluer les dépenses et à terme atteindre un financement paritaire du sport féminin et du sport masculin. |
ANS |
70 |
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47 |
Pour l’ANS, exercer un contrôle a posteriori sur les subventions attribuées aux fédérations. |
ANS |
70 |
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48 |
Dans les collectivités territoriales, au moyen de la BIE, accroître la part des financements accordés au sport féminin. |
Collectivités territoriales |
71 |
En 2024, pour la première fois de leur histoire, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), organisés à Paris, seront strictement paritaires. Une décision qui s’inscrit dans la volonté de la France de promouvoir le sport féminin, souvent marginalisé au profit du sport masculin.
Le sport revêt plusieurs fonctions : il constitue un puissant outil d’émancipation et de promotion de l’égalité et se pose comme un reflet de la société, qui a trait à de nombreuses problématiques liées aux inégalités de genre (les représentations sociales, l’usage des espaces publics, l’éducation, le rapport au corps). En outre, en cette année olympique, la mise en lumière du sport féminin de haut niveau doit avoir un effet d’entraînement sur la pratique amateur.
De plus, le sport comporte de nombreux bienfaits sur la santé physique et mentale. Sur le plan physique, l’activité sportive permet de maintenir une bonne condition et atténue les risques de certaines maladies (cardiovasculaires, diabète, obésité) ainsi que certains types de cancers, par exemple les cancers du sein ou de l’endomètre chez la femme. En termes de santé mentale, le sport aide à lutter contre le stress, la dépression ainsi que les troubles anxieux.
Or, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ une femme sur trois (contre un homme sur quatre) ne pratique pas assez de sport pour se maintenir en bonne santé et ce alors que « les personnes ayant une activité physique insuffisante ont un risque de décès majoré de 20 % à 30 % par rapport à celles qui sont suffisamment actives » ([2]).
C’est pourquoi, la Délégation aux droits des femmes a souhaité créer une mission d’information sur les femmes et le sport.
Bien que la lutte contre les Violences sexistes et sexuelles (VSS) soit la condition sine qua non d’un monde sportif inclusif des femmes, cette thématique a déjà été adressée par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif qui a rendu ses conclusions le 19 décembre 2023.
Outre le rapport la commission d’enquête, le présent rapport s’inscrit dans la continuité et en complémentarité des travaux récemment publiés sur le monde sportif par le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport ([3]), l’association 2GAP ([4]) et la mission actuellement menée par la commission parité du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE).
Dans ce contexte, vos rapporteurs font le choix de se concentrer sur la place des femmes dans le sport amateur et professionnel. Dans le sport amateur, alors que les hommes sont 62 % à pratiquer du sport au moins une fois par semaine, seules 58 % des femmes en font de même ([5]). La pratique sportive des femmes est, en outre, moins tournée vers la compétition que celle des hommes : seulement 38 % des licenciés sont des licenciées ([6]).
Au terme de leurs travaux au cours desquels ils ont entendu plus de soixante-dix acteurs du monde sportif, les rapporteurs dressent un bilan mitigé de la pratique sportive des femmes et de leur place dans le sport.
Dans le sport amateur, à tous les âges de la vie, la pratique sportive des femmes diffère de celle des hommes : le premier écart de pratique sportive entre les filles et les garçons se manifeste entre cinq et neuf ans, les garçons sont près de 1,5 million à être inscrits dans des activités sportives contre environ 980 000 filles de la même tranche d’âge ([7]).
Cet écart se creuse à l’adolescence où la pratique sportive des filles décroche et ne rattrape celle des garçons qu’à l’âge de la retraite où le temps libre des femmes augmente. Les raisons de ces écarts de pratique sont multifactorielles : une persistance de stéréotypes de genre dévalorisant la pratique féminine et un sous-investissement chronique dans le sport féminin (infrastructures, moyens humains, activités proposées) éloignent les femmes du sport notamment amateur.
De la même manière, dans le sport de haut niveau, les femmes subissent encore des stéréotypes de genre et s’entraînent dans des conditions matérielles souvent difficiles. De plus, on constate une faible représentation des femmes dans l’encadrement technique et les instances dirigeantes en dépit d’une volonté politique d’asseoir la place des femmes dans le sport comme en attestent les lois du 4 août 2014 et du 2 mars 2022.
Partant du constat que le sport féminin, amateur et professionnel, fait encore face à de multiples obstacles (I), vos rapporteurs identifient des leviers d’actions majeurs : l’éducation et la visibilité, la gouvernance et le financement du sport, pour consolider la place du sport féminin (II).
PREMIÈRE PARTIE : Le sport fÉminin amateur et professionnel fait face À DE MULTIPLES obstacles
I. L’histoire et la culture du sport mettent en avant la pratique sportive des hommes au détriment des femmes
La massification de la pratique sportive intervenue au cours du XIXe siècle a principalement concerné les hommes au détriment des femmes (A) longtemps tenues à l’écart du monde sportif du fait de stéréotypes de genre (B).
A. Historiquement le sport s’adresse à un public principalement masculin
Trouvant son origine dans l’Antiquité grecque, l’Histoire des compétitions sportives est essentiellement liée à la pratique masculine, particulièrement valorisée ([8]). Le sport était simultanément considéré comme un entraînement à la guerre et comme un hommage religieux, réservé aux hommes. A contrario, les femmes qui disposaient d’un statut similaire à celui des étrangers et des esclaves et n’étaient pas considérées comme des citoyennes à part entière, n’étaient pas autorisées à prendre part aux différentes compétitions organisées, ni même à les regarder. Elles ne participaient qu’à une seule compétition féminine, organisée en l’honneur d’Héra et composée d’une unique épreuve, le sprint.
À l’époque, à travers le culte du corps, le sport promeut la virilité et la masculinité. Ainsi, les sculptures héritées dans l’Antiquité grecque montrent souvent des corps harmonieux réalisant un effort physique intense. Le public répond et encourage ces images guerrières, les vainqueurs étant traités en héros et couverts de cadeaux.
Par la suite, le sport demeure la chasse gardée des hommes que seules quelques femmes issues des sphères les plus privilégiées peuvent expérimenter, à travers des sports comme l’équitation par exemple. À partir du XIXe siècle, alors que le sport s’impose comme un loisir, les femmes pratiquant des activités sportives font face à des obstacles.
Si elles sont autorisées à pratiquer du sport, les femmes doivent le faire avec modération, étant constamment renvoyées à leur fonction reproductive et à leur rôle de mères. Ainsi, en 1967, lorsque que Kathrine Switzer s’inscrit pour courir le marathon de Boston, celui-ci est considéré comme trop extrême pour les femmes car pouvant avoir des effets délétères sur l’utérus et la fertilité. De ce fait, de nombreuses disciplines sont longtemps interdites aux femmes, à l’instar du 800 mètres qui est réservé aux hommes jusqu’en 1960 ([9]).
De plus, la pratique sportive des femmes devait être discrète, les exploits féminins ont longtemps été ignorés voire niés : en 1928, alors que le record en athlétisme sur 800 mètres est battu par une Linda Radke, la presse préfère mettre en avant l’extrême fatigue des autres concurrentes. Selon Anita DeFrantz, ancienne athlète et membre du Comité international olympique (CIO), « les administrateurs, les membres du CIO et les médias avaient apparemment décidé une fois pour toutes que les femmes étaient trop fragiles pour courir une distance aussi longue » ([10]) , ce qui les a poussés à « dénaturer les comptes rendus » et à « falsifier le déroulement réel » de la course pour répandre de fausses rumeurs sur la fatigue des participantes. En conséquence, le 800 mètres est exclu du programme olympique pour les femmes jusqu’en 1960.
Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant que nous redécouvrions tardivement le rôle des sportives pionnières, à l’image d’Alice Milliat. Alors que Pierre de Coubertin estimait qu’« une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte » ([11]), Alice Milliat s’est battue pour valoriser les sportives en organisant les premiers jeux mondiaux féminins en 1922.
B. LE SPORT, vecteur de stéréotypes de genre dont les sportives peinent encore à se débarrasser
Dans ce cadre traditionnel peu propice à la participation des femmes, le milieu sportif véhicule, consciemment ou non, des stéréotypes de genre ([12]) qui éloignent les femmes de la pratique sportive.
Selon les Nations unies, un stéréotype de genre est « une opinion généralisée ou un préjugé quant aux attributs ou caractéristiques que les femmes et les hommes possèdent ou doivent posséder et aux rôles qu’ils jouent ou doivent jouer » ([13]). Ainsi, alors que les petits garçons sont souvent « culturellement prêts » pour le sport en portant par exemple des joggings, les petites filles portent plus souvent des tenues sophistiquées dans lesquelles il leur est difficile de pratiquer une activité sportive. Un instituteur qui peinerait à remarquer cette distinction ferait donc l’application de stéréotypes de genre.
La transmission de stéréotypes de genre provient souvent d’une méconnaissance presque inconsciente de la part des adultes. Nicole Abar le montre dans son documentaire La conquête de l’espace à travers une institutrice prenant conscience que recourir à une image de « Monsieur propre » comme figure d’autorité auprès de ses élèves contribue à segmenter les rôles entre hommes et femmes. En ce sens, la déconstruction des stéréotypes de genre est donc un travail collectif devant mobiliser activement les femmes et les hommes, à tous les âges de la vie.
1. Les tenues des sportives : une mainmise sur le corps des femmes ?
Les tenues de sport par exemple, illustrent les biais de genre auxquels sont confrontées les femmes, qu’ils soient prévus dans les règlements sportifs ou bien ancrés dans les habitudes des sportives.
Initialement, les tenues sportives des femmes sont encadrées dans l’objectif de préserver la « pudeur des femmes ». Dès le XIXe siècle, les règlements sportifs prévoient que les femmes doivent porter des jupes longues et dans certains sports comme le football, leur tête doit également être couverte. Ces règles limitent l’agilité des femmes pourtant essentielle dans la pratique sportive et entravent donc leurs performances.
A contrario, à partir des années 1960, le corps des femmes est conçu comme un outil permettant d’accroître l’intérêt d’un public masculin pour le sport féminin. Ainsi, en 1970, la Martini Rosso Cup est organisée par des hommes d’affaires italiens pariant sur l’intérêt du public masculin pour le corps des sportives. Un raisonnement longtemps prédominant dans le football : en 2004, Sepp Blatter alors président de la fédération internationale de football (FIFA), se prononçait en faveur de tenues « plus sexy, des shorts moulants » ([14]) pour les sportives afin d’attirer davantage de sponsors.
De la même manière, dans les sports de souplesse et de grâce et les beach sports, la sexualisation à outrance a longtemps été prégnante. Si depuis 2012, les joueuses de beach-volley n’ont plus l’obligation de porter un bikini, en 2021, les joueuses norvégiennes de beach handball ont été sanctionnées d’une amende de 1 500 euros pour avoir porté un short lors d’une compétition en lieu et place d’un bikini.
De plus, les tenues exigées ne tiennent pas toujours compte de spécificités féminines. Ainsi, dès sa création en 1877 et jusqu’en 2022, le tournoi de Wimbledon exigeait le port d’une tenue blanche aux athlètes. Or, cette règle engendre un stress supplémentaire pour les sportives lorsque les menstruations arrivent en période de compétition, comme l’ont souligné dans des interviews récentes, Alicia Barnett et Qinwen Zheng ([15]), des joueuses internationales de tennis.
Progressivement, alors que la contrainte vestimentaire disparaît des règlements, elle laisse place à une contrainte de fait, intériorisée par les joueuses. Ainsi, en gymnastique où le justaucorps n’est plus imposé, il reste souvent privilégié par les sportives. Le règlement de la gymnastique artistique autorise par exemple le port d’une combinaison pantalon, l’académique. Cependant, aux championnats d’Europe de 2021, mais seule une athlète allemande avait osé porter cette tenue. L’équipe française justifie le choix du justaucorps pour des raisons esthétiques ([16]).
En dépit de ces évolutions, le corps des femmes est encore trop souvent utilisé comme un outil de promotion du sport féminin, là où la performance devrait primer. Ainsi, en avril 2024, les athlètes américaines qui participeront aux Jeux olympiques de Paris se sont vues proposer, par leur équipementier, une tenue particulièrement échancrée, peu adaptée à la compétition. En réponse, l’ancienne sportive américaine, Lauren Fleshman a dénoncé des « tenues qui ne sont plus bienvenues ni nécessaires pour attirer l’attention sur les sports féminins » ([17]) en rappelant que « les athlètes professionnelles devraient être capables de concourir sans (…) se demander si elles risquent de révéler une partie vulnérable de leur corps » ([18]).
Dans le documentaire Toutes Musclées ([19]), la championne d’arts martiaux mixtes (MMA) Témy Say, revenant sur cette difficulté pour les sportives de faire prévaloir un corps efficace face aux impératifs esthétiques imposés aux femmes, exprimait le souhait que « le corps ne soit pas qu’un décor ».
2. Une répartition sexuée de la pratique sportive entre hommes et femmes
Cette « sexuation des corps » qui dure « depuis 150 ans » selon Catherine Louveau, favorise la segmentation de la pratique sportive, certains sports étant étiquetés comme des sports féminins et d’autres masculins. En effet, en 2014, une personne sur deux adhérait à l’idée selon laquelle « certains sports conviennent mieux aux filles qu’aux garçons » ([20]).
Les sports perçus comme féminins, tels que le twirling bâton, les sports de glace, la danse, l’équitation et la gymnastique demeurent les disciplines qui regroupent le plus de femmes. A contrario, les sports particulièrement intenses comme la pêche sportive en apnée ou dangereux comme le planeur ultraléger motorisé sont presque exclusivement pratiqués par des hommes.
Une réalité difficile à dépasser alors qu’en 2023, sur les 85 fédérations olympiques et non olympiques en France, environ la moitié comptait moins de 20 % de femmes ([21]), parmi lesquelles les fédérations de rugby et de cyclisme.
Le graphique ci-dessus présente les fédérations en fonction de leur fréquentation soit par les hommes soit par les femmes.
II. Le sport féminin (amateur comme professionnel) est confronté à de nombreux obstacles qui limitent la pratique
Dans ce contexte, pour le sport amateur, il apparaît qu’à chaque étape de la vie, les femmes sont confrontées à des obstacles qui entravent leur pratique sportive (A). Le sport féminin professionnel, où ces nombreux obstacles sont exacerbés par la compétition, illustre la difficile réalité qu’affrontent les femmes dans le monde sportif (B).
A. Dans le sport amateur, des sportives occasionnelles dont la pratique s’interrompt tout au long de la vie
1. Des freins qui apparaissent à chaque étape de la vie et s’accumulent
Le schéma présente les différents freins auxquels les femmes sont confrontées, tout au long de la vie, dans leur pratique sportive
.
Le graphique ([22]) ci-dessous illustre ce décrochage progressif de la pratique sportive féminine aux différents âges de la vie.
Le premier constat, et sans doute le plus important, est que la petite enfance constitue le point de départ d’une inégalité pérenne face au sport qui ne se résorbe qu’à l’âge de la retraite.
a. Petite enfance : point de départ d’une inégalité de long terme
Si entre 0 et 4 ans, les enfants sont inscrits dans des proportions équivalentes dans les fédérations sportives et occupent l’espace de la même manière, les premiers écarts dans la pratique sportive apparaissent chez les enfants entre cinq et neuf ans, selon Marie-Carmen Garcia et Cécile Ottogalli-Mazzacavallo ([23]).
Comme le souligne Nicole Abar, ancienne footballeuse professionnelle aujourd’hui engagée pour la pratique sportive des filles dès le plus jeune âge, cet écart résulte d’une construction sociale inculquée par les adultes. Au premier rang, les parents et les éducateurs qui reproduisent les biais de genre avec lesquels ils ont été élevés : les jeunes filles sont incitées à être moins actives, à rester sages là où les jeunes garçons sont encouragés à être aventureux et à s’approprier l’espace. En conséquence, comme l’a expliqué Nicole Abar lors de son audition, les enfants finissent par intérioriser « une vision genrée de la pratique sportive ».
Ces biais de genre sont d’autant plus problématiques qu’ils sont renforcés par l’école et les infrastructures scolaires. Édith Maruéjouls, géographe spécialiste du genre, explique le rôle des cours d’école dans l’enracinement de la pratique sportive. L’essentiel des cours d’école est aujourd’hui construit autour du terrain de football. Il constitue le noyau central de la cour, dans les faits et dans l’imaginaire des enfants. Ce faisant, les jeunes garçons s’approprient cet espace dans lequel ils se sentent particulièrement à l’aise, étant par ailleurs encouragés à le faire, ce qui relègue les filles aux marges de la cour de l’école.
Selon Édith Maruéjouls, « l’organisation, très répandue, des cours avec un terrain de foot contribue grandement à cette ségrégation : les garçons occupent une place centrale, alors que les filles sont reléguées aux coins. Elles sont invisibilisées ; même si elles sont nombreuses, on ne les voit pas. Sur les dessins des enfants, les filles sont souvent représentées dans les toilettes, donc un endroit privé » ([24]).
Comme le montre Nicole Abar dans son documentaire La conquête de l’espace, une fois ces habitudes prises, à l’école primaire, les jeunes filles, même les sportives d’entre elles, ont tendance à fuir le ballon et suivent passivement les consignes des garçons lors des sports collectifs, et ce malgré les encouragements des enseignants. À ce si jeune âge, il est déjà difficile de « sortir les filles des coins » ([25]).
Cette situation est aggravée par la faible prise en compte de cette problématique par les personnes encadrant les enfants dans le temps scolaire et périscolaire. Selon la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) ([26]), les enseignants sont peu sensibilisés à l’égalité dans le sport entre les filles et les garçons. Leur formation initiale consacre peu de temps au sport et n’évoque pas la sensibilisation des filles à la pratique sportive.
b. Adolescence : un décrochage des filles bien identifié
Les freins constatés dès l’enfance s’accumulent et se cristallisent à l’adolescence, souvent perçue comme le moment clé du décrochage de la pratique sportive des enfants. Selon Santé Publique France, en 2016, seuls 65,2 % des adolescents déclaraient avoir effectué une activité sportive dans au moins un club de sport au cours des douze derniers mois, une baisse de 17 % par rapport à la classe d’âge 11-14 ans ([27]). De l’avis général, ce décrochage est plus marqué chez les jeunes filles. Selon Santé Publique France, parmi les 15-17 ans, seules 15,7 % des filles atteignent la recommandation de 60 minutes d’activité physique par jour (contre 40,1 % des garçons) ([28]).
Différents facteurs explicatifs extérieurs au genre peuvent être avancés, par exemple une volonté d’autonomie sur le choix des loisirs, à un âge où les adolescents préfèrent se réunir entre pairs plutôt qu’à travers une activité organisée par une institution.
Toutefois, la littérature scientifique sur le sujet et les différentes personnes entendues par vos rapporteurs s’accordent à dire que les causes liées au genre jouent un rôle déterminant : en premier lieu, depuis l’enfance, les filles portent un sentiment d’incompétence vis-à-vis de l’activité physique dans un contexte où le sexisme et la pression du corps qui change sont exacerbés. Selon une enquête de 2021, une fille sur quatre abandonnerait le sport à l’adolescence, en particulier de peur de perdre du sang et de tâcher ses vêtements ([29]).
À l’adolescence, l’essentiel des activités sportives collectives deviennent non mixtes, entraînant par là même des difficultés pratiques pour les jeunes filles, en particulier dans les zones rurales. L’offre d’activités y dépend à la fois des « logiques locales et sportives » ainsi que de l’engagement des parents selon Yaëlle Amsellem-Mainguy ([30]). Dans ces milieux souvent modestes, les filles sont peu nombreuses à avoir pratiqué des activités en club et donc des sports collectifs.
Toutes zones confondues, le faible nombre de pratiquantes conduit les clubs à réduire voire fermer les sections féminines. Les filles doivent alors trouver une solution de transport pour les amener dans la ville voisine ou bien changer de sport. De la même manière, les classes sport études sont peu prisées par les filles : pour l’année 2023-2024, la fédération française de football (FFF) dénombre 33 000 élèves en sections sportives scolaires et licenciés FFF dont seulement 5 100 sont des filles ([31]) . Ce cursus spécifique suppose souvent une scolarité en internat peu prisée par les filles. Ainsi, à la rentrée 2018, seules 3,3 % des filles scolarisées dans le second degré étaient internes (contre 3,9 % des garçons) ([32]).
À cet âge et dans ces conditions, les filles sont nombreuses à abandonner le sport. Une décision qui a des conséquences néfastes puisque chez les femmes en particulier, un faible niveau d’activité physique à l’adolescence se poursuit à l’âge adulte. Toutefois, ce constat ne se limite pas à la France et est même plus grave dans d’autres pays. Au Canada par exemple, 62 % des adolescentes ne pratiquent aucun sport et elles sont près d’une sur trois à avoir abandonné le sport à l’adolescence.
c. Grossesse, maternité et parentalité : une difficile conciliation entre la vie active et la vie familiale affectant la pratique sportive
À l’âge adulte, la conciliation entre la vie professionnelle et familiale est difficile et les obstacles pratiques pour faire du sport se multiplient.
Lorsqu’elles tombent enceintes, en raison de la croyance populaire que le sport pourrait nuire à la santé de l’enfant et du fait de la fatigue engendrée par certaines caractéristiques de la grossesse (nausées, rétention d’eau, mouvements du bébé), les femmes ont tendance à réduire leur activité physique en particulier à partir du troisième mois. Ainsi, moins de 25 % des femmes en cours de grossesse effectuent les 30 minutes de marche par jour préconisées ([33]).
Pourtant, selon la Haute autorité de santé (HAS), pour les femmes enceintes en bonne santé générale, une activité physique régulière d’intensité modérée et d’une durée de 150 à 180 minutes par semaine est recommandée. Certains sports tels que la marche, la natation ou le vélo stationnaire sont même particulièrement indiqués. Selon la HAS, l’action physique a des effets bénéfiques tant sur la santé maternelle que fœtale et néonatale ([34]). En d’autres termes, le sport contribue à la bonne santé de la mère et de l’enfant.
En effet, outre les bienfaits généraux du sport, une pratique sportive modérée pendant la grossesse apporte de nombreux bienfaits sur le plan physique (mobilité, prise de poids, prévention de douleurs, facilitation de l’accouchement) et sur la santé mentale puisque le sport atténue l’anxiété ([35]). Après la naissance, le sport facile la récupération physique (diminution des douleurs lombaires, renforcement de la ceinture musculaire abdominale) et mentale (réappropriation du corps, amélioration du sommeil, limitation des troubles anxieux et symptômes dépressifs liés au post-partum).
Par la suite, particulièrement investies dans la vie familiale, les femmes sont contraintes de réduire, voire d’abandonner leur pratique sportive, faute de temps. Les femmes se chargent de la supervision des enfants, de l’organisation de leur temps et continuent d’assurer l’essentiel des tâches ménagères ([36]).
Dans leur vie professionnelle, les femmes bénéficient moins des dispositifs d’aide à la pratique sportive en entreprise que les hommes : seulement 18 % des femmes contre 25 % des hommes ([37]). Selon une enquête de l’association 2GAP, les femmes l’expliquent par l’absence d’infrastructures de type douches ou sanitaires pourtant nécessaires après le sport. L’absence de dispositifs de garde d’enfants en entreprise est également identifiée comme un obstacle ([38]).
À ce frein du temps disponible, s’ajoute un frein mental pour certaines femmes, c’est-à-dire une réticence à s’accorder du temps pour soi et de maintenir des loisirs en dehors de la vie familiale. Comme le signale Catherine Louveau, « ce qui importe est donc moins la quantité de temps disponible que le fait de prendre du temps pour soi… ce à quoi la majorité des femmes ne sont guère habituées, les représentations dominantes de la division du travail les amenant à s'occuper d'abord de la famille, mari, enfants, et des tâches domestiques et parentales » ([39]).
Dans ces conditions, les femmes ayant des enfants, en particulier en bas âge, n’ont pas le temps de s’investir dans la vie d’un club sportif, qui représente une charge mentale et une logistique supplémentaire. En effet, le sport amateur s’appuie fortement sur la bonne volonté et la passion des bénévoles. Comme le résume Doriane Domenjo, arbitre internationale française de rugby, le bénévolat, « c’est ce qui fait tenir le sport amateur ». Or pour les femmes, ce surinvestissement peut aboutir à une forme d’épuisement qui les pousse, à terme, à se désengager du monde sportif.
d. Sport adulte/sport senior : l’enjeu du bien vieillir
Les femmes ne renouent avec le sport qu’à l’âge de la retraite. L’écart de pratique sportive entre les hommes et les femmes tend alors à se réduire. Le sport revêt alors une dimension d’émancipation et de sociabilité et permet de rompre l’isolement dans lequel se trouvent certaines personnes âgées.
Néanmoins, à cet âge, « le mal est déjà fait », les femmes étant nombreuses à souffrir de maladies dégénératives ou articulaires, résultat d’une pratique sportive peu intensive voire inexistante dans la jeunesse et la vie adulte. Concernant la maladie de Parkinson par exemple, une étude, menée par des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), a montré que plus les femmes « avaient une activité physique importante, moins elles risquaient de développer la maladie de Parkinson et ce, même lorsque l’activité physique était évaluée plus de 20 ans avant le diagnostic » ([40]).
Le sport comme un chemin vers la guérison
Pour les femmes ayant souffert d’affections graves telles que le cancer du sein, le sport peut être une voie vers l’acceptation et la guérison. Il participe également à la réduction des risques de récidive. En effet, selon l’oncologue Bruno Cutili qui se fonde sur des études américaines, l’activité physique régulière à hauteur de deux à trois heures par semaine peut réduire le risque de rechute de 20 % à cinq ans ([41]).
Dans ce contexte, l’association Drôles de Rames installée à Annecy par exemple, aide les femmes atteintes de cancer à se reconstruire sur le plan physique et émotionnel en les réunissant autour du dragon boat, embarcation composée de vingt pagayeurs, sur le lac d’Annecy.
Dans ce contexte, différents freins s’accumulent et limitent la pratique des femmes. Si 84 % des femmes pratiquent une activité physique (contre 87 % des hommes ([42])), cette pratique sportive est souvent occasionnelle : seulement 59 % des femmes pratiquent du sport au moins une fois par semaine contre 69 % des hommes ([43]). De ce fait, seuls 38 % des licenciés sportifs en 2018 étaient des licenciées ([44]).
Plus grave encore, Santé Publique France estime que l’activité physique des femmes est en elle-même moins intensive puisque souvent liée aux tâches domestiques dans un contexte où les femmes portent encore une grande part de la charge mentale ([45]). Cette dernière est, à présent, bien identifiée par les femmes qui y voient une réelle limite à la pratique sportive : en 2021, 43 % des femmes estimaient que le rythme de vie notamment familial les empêchait de pratiquer du sport, une hausse de cinq points par rapport à 2018 ([46]).
Selon cette même étude, d’autres freins sont également identifiés par les femmes, 43 % d’entre elles évoquent le manque de motivation et d’intérêt s’expliquant par la faible incitation des jeunes filles à faire du sport. En parallèle, 31 % des femmes interrogées justifient leur désintérêt pour le sport par les activités proposées qui ne correspondent pas à leurs recherches.
B. Pour les sportives de haut niveau, une faible reconnaissance de leurs mérites et des conditions matérielles d’entraînement difficiles
Les constats dressés pour le sport amateur se trouvent confirmés et même exacerbés dans le sport féminin professionnel. Les sportives de haut niveau qui jouent pourtant un rôle essentiel de modèle pour les plus jeunes générations, doivent encore composer avec une faible reconnaissance de leur mérite dans un milieu où les stéréotypes de genre persistent (1), et avec des conditions de travail difficiles malgré quelques améliorations (2).
1. Une reconnaissance limitée sous tendue par des stéréotypes de genre exacerbés
Plus encore que dans le sport amateur, les sportives de haut niveau sont confrontées à une persistance des stéréotypes de genre sous diverses formes, par exemple une attribution de leurs exploits à leur entourage masculin. Ainsi, dans les années 2000, lorsque Laure Manaudou remporte différents titres de championne du monde et championne olympique de natation, de nombreux reportages insistent sur le rôle de son entraîneur allant jusqu’à dire : « bien évidemment, ce n’est pas Philippe Lucas qui nage (...) mais il est clair que Laure doit beaucoup à son entraîneur » ([47]).
De plus, les exploits sportifs féminins même lorsqu’ils dépassent le sport masculin ne sont pas reconnus à leur juste titre. Ainsi, à l’occasion de différentes interviews, le joueur de tennis Andy Murray, a dû rappeler aux journalistes que les exploits des sœurs Serena et Vénus Williams ont souvent précédé ceux des sportifs masculins ([48]).
Il arrive également que les sportives féminines, pourtant prometteuses, soient sacrifiées au profit de leurs homologues masculins. Ainsi, l’équipe féminine d’Orléans évoluant en deuxième division, équivalant à la ligue 2 masculine, devrait prochainement disparaître. Le club fait le choix de concentrer ses ressources sur développement de l’équipe masculine, actuellement en troisième division. Le président du club, Cyril Courtin, aurait ainsi déclaré à ses joueuses « non, on ne repartira pas en D2 la saison prochaine. Vous nous coûtez trop cher et vous ne rapportez rien » ([49]).
Loin d’être anecdotiques, ces exemples illustrent une vision limitée et sexiste du sport féminin. Dans une étude de 2016 sur le langage ([50]), l’université de Cambridge relève que les hommes ont deux à trois fois plus de chances d’être mentionnés dans des programmes sportifs que les femmes. Le terme homme est souvent associé à une sémantique liée à la compétition avec des mots tels que « battre », « dominer » ou encore « fort », « grand » alors que le terme femme est accolé à des mots plus neutres tels que « participer » ou « aspirer ». La même étude souligne que les athlètes féminines sont interrogées de « manière disproportionnée » sur l’apparence, les vêtements et la vie personnelle. Une infantilisation et une sexualisation qui trouve son pendant dans les images diffusées. Il a ainsi été démontré que lors des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, 20 % des plans montraient les poitrines joueuses et environ 17 % les fessiers ([51]).
Ces situations sexistes ont régulièrement été dénoncées par les joueuses. Ainsi, en 2013, lorsqu’elle gagne le tournoi de Wimbledon, Marion Bartoli fait face à une vague de commentaires sur son apparence de la part des journalistes sportifs, auxquels elle répond en déclarant : « Oui je ne suis pas blonde. C’est un fait. Est-ce que j'ai rêvé de devenir mannequin ? Non, désolée. Mais est-ce que j'ai rêvé de gagner Wimbledon ? Oui, absolument » ([52]).
2. Malgré des premières évolutions, des conditions de travail qui demeurent difficiles sans garantie de reconversion professionnelle
a. Des écarts de rémunération persistants malgré des avancées disparates
La faible reconnaissance symbolique accordée aux sportives trouve un écho sur le plan financier.
Dans le sport de haut niveau, les femmes gagnent en général moins que les hommes tant en termes de salaire que de prize money, c’est-à-dire la prime financière attribuée aux vainqueurs lors des compétitions. Pour les sportifs et les sportives inscrits dans les listes de haut niveau, en 2023, le salaire minimum de croissance (SMIC) était de 1 783 euros bruts mensuels pour un temps plein et de 800 euros pour un temps partiel plafonné à 17,5 heures par semaine.
De plus, le niveau de rémunération fluctue en fonction des disciplines, des fédérations et des échelles (national ou international) et les écarts entre les femmes et les hommes sont d’autant plus forts que la discipline est lucrative. Ainsi, en 2019, selon Nathalie Boy de la Tour, présidente de la ligue de football professionnel, « la joueuse la mieux payée en D1 ([53]) gagne environ cent fois moins que son homologue masculin » ([54]) tandis qu’en moyenne, les footballeurs de la ligue 1 gagnent douze fois plus que les joueuses de D1 ([55]).
La faiblesse de ces rémunérations contraint souvent les sportives à une véritable précarité financière comme en témoignait il y a seulement quelques semaines l’équipe féminine de Brest dans une lettre ouverte ([56]) à la direction du club. Les joueuses y dénonçaient leurs mauvaises conditions de travail ainsi que des écarts entre le salaire annoncé et celui effectivement versé voire même des cas de joueuses jouant sans contrat.
Ce faisant, de nombreuses sportives doivent mener une double carrière pour subvenir à leurs besoins, en particulier dans les sports peu médiatisés. Dans ce contexte, des athlètes talentueuses comme la cycliste Typhaine Laurance ([57]), font le choix d’arrêter le haut niveau qui ne leur permet pas de vivre décemment.
Toutefois, des premières avancées apparaissent : ainsi, au volley ball, un salaire minimal de 1 330 euros a été mis en place pour tenter de réduire l’écart de rémunération entre les joueurs et les joueuses ([58]). Dans d’autres sports comme le football ou le basket, des accords sectoriels ont pu être trouvés récemment afin d’améliorer la protection sociale des joueuses.
Les ligues professionnelles féminines
Depuis quelques années, certains pays européens mettent en place des ligues professionnelles féminines afin de développer le sport féminin de haut niveau. Ainsi, au football, la Liga F a été fondée dès 1988, et la Women's Super League anglaise créée en 2010 a adopté un modèle entièrement professionnel depuis 2018.
Ce statut de ligue professionnelle répond à plusieurs objectifs :
- accroître la visibilité du sport féminin en s’appuyant sur des bonnes performances internationales et une meilleure couverture médiatique ;
- rendre plus égalitaires les conditions de travail plus égalitaires entre les femmes et les hommes (niveau de rémunération notamment) ;
- développer le sport féminin professionnel, dès le plus jeune âge grâce à un système d’académies et de programmes de formations permettant de former un vivier de jeunes pratiques d’élite.
S’inspirant d’exemples étrangers, la structuration professionnelle du sport féminin devrait aller dans le sens d’une égalité salariale nécessaire. La création d’une ligue féminine de football dotée d’un budget de soixante-dix millions d’euros sur cinq ans témoigne de cette volonté, « d’assurer l’essor du football féminin, accompagner la professionnalisation des clubs et rayonner sur la scène européenne et internationale » ([59]) selon Philippe Diallo, président de la FFF.
b. Des conditions matérielles et d’encadrement peu enviables
La même logique prime sur le plan matériel à un degré presque caricatural. Ainsi, dans son rapport sur la coupe du monde de football féminine organisée en France en 2019, le Délégation aux droits des femmes du Sénat déplorait « vivement le fait que, une semaine à peine avant le début de la Coupe du monde et pendant cette période décisive de leur préparation, les Bleues aient été contraintes de quitter leurs chambres de Clairefontaine pour laisser la place à l'équipe de France masculine, au motif que les joueurs devaient préparer un match amical contre la Bolivie » ([60]). De la même manière, dans le documentaire Toutes Musclées, Mélissa Plaza explique que les chaussettes inutilisées par les joueurs sont parfois proposées aux joueuses reflétant le peu de considération accordée aux sportives de haut niveau.
De leur côté, les femmes arbitres subissent une situation similaire y compris au haut plus niveau. Ainsi, selon Doriane Domenjo, lors de la coupe du monde de rugby féminine en Nouvelle-Zélande en 2022, outre leur travail sur le terrain, les arbitres femmes étaient contraintes de s’organiser entre elles et par elles-mêmes pour l’alimentation et même le transport. On imagine mal que des conditions similaires soient proposées aux arbitres hommes.
Les enjeux de l’arbitrage au féminin
- Des inégalités structurelles dans l'arbitrage multisport féminin
L'Association française du corps arbitral multisport (AFCAM) met en évidence un déséquilibre de représentation entre hommes et femmes dans l'arbitrage : les femmes arbitres tous niveaux confondus ne représentent que 30,5 % des arbitres. Une disparité encore plus marquée dans le haut niveau où les femmes ne représentent que 20,3 % des effectifs ([61]), révélant ainsi des barrières d'accès et de progression pour les femmes dans cette profession.
Comme les joueuses de haut niveau, les arbitres font face aux stéréotypes de genre persistants. Ils se traduisent par des comportements déplacés de la part des supporteurs, de l’encadrement technique et même des joueuses. Au cours de sa carrière, Stéphanie Frappart, première arbitre femme à arbitrer une finale de coupe du monde de football masculin, a par exemple dû faire face à des joueurs refusant de lui serrer la main avant un match.
Les femmes arbitres subissent également des conditions de travail difficiles. Ainsi, Charlotte Girard-Fabre, arbitre internationale de hockey sur glace et secrétaire générale de l’AFCAM, prenait en charge tous les frais de déplacement pour les tournois internationaux en lieu et place de sa fédération. Un engagement sans faille pour le sport peu valorisé par les fédérations alors qu’il pèse lourdement sur la vie personnelle des arbitres.
Lucie Le Tiec, ancienne arbitre de football au niveau fédéral, signale un « double processus d’exclusion » ([62]). D’une part, les arbitres féminines sont « écartées des postes les plus valorisés » et d’autre part, elles sont « cantonnées aux domaines réputés féminins », c’est-à-dire qu’elles sont affectées soit à des compétitions strictement féminines soit à des ligues inférieures. A contrario, les arbitres masculins, même moins expérimentés, sont privilégiés au sein des championnats et compétitions masculines d’élites, au détriment des arbitres féminines.
- Des évolutions en cours qu’il convient de soutenir
À l’image de Stéphanie Frappart au football, Aurélie Groizeleau au rugby ou Charlotte Girard-Fabre au hockey sur glace, la visibilité croissante d’arbitres féminines menant une carrière exemplaire participe directement au développement de la pratique féminine de l’arbitrage.
Parallèlement, des mesures d’accompagnement se mettent progressivement en place pour améliorer les conditions de travail des femmes arbitres. Concernant la grossesse, les femmes arbitres étaient souvent déclassées au retour de leur congé maternité. Heureusement ces pratiques semblent changer : en effet, à partir de 2021, la fédération internationale de basketball a par exemple mis en place un congé maternité spécifique aux arbitres. La fédération française de handball, de son côté, a développé un plan « grossesse et maternité » destiné à pérenniser les effectifs féminins.
Pour aller dans le sens d’une véritable égalité des sexes dans l'arbitrage, des initiatives telles que des programmes de professionnalisation, l’ouverture des ligues masculines aux arbitres féminines ou encore la mise en place de mesures de mixité sont nécessaires.
Néanmoins, en matière d’encadrement au football, un premier rééquilibrage s’opère pour les femmes arbitres, sous l’égide de Stéphanie Frappart. Elle y a impulsé un renforcement des équipes techniques et médicales entourant les arbitres.
c. Un désintérêt pour la santé des sportives en attente d’être comblé
Ce désintérêt pour les sportives de haut niveau a également des répercussions sur le plan de la santé. En effet, les athlètes de haut niveau sont confrontées à des injonctions et à une méconnaissance des encadrants, en particulier sur les règles.
Or, du fait d’une pratique sportive de haut niveau, certaines athlètes sont confrontées à une absence de règles, aménorrhée, jusqu’au début de l’âge adulte. Pour d’autres, la préoccupation d’avoir ses règles pendant les phases de compétition est réelle mais peu comprise par l’encadrement sportif ([63]). Ainsi, selon une enquête interne menée en 2021 par l’Institut national du sport (INSEP), 84 % des sportives de haut niveau déclaraient vivre la menstruation comme une difficulté dans le cadre de la pratique sportive ([64]). De la même manière, l’encadrement sportif est peu sensibilisé aux problématiques de l’endométriose et des symptômes du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
Plus grave encore, la contraception y demeure un tabou, le gynécologue Thierry Adam décrit « un déficit d’information énorme » ([65]), en particulier concernant la pilule qui peut engendrer une variation du poids, source d’angoisse pour certaines sportives. Selon la gynécologue Carole Maître, « certaines demandes de contraception nous arrivent trop tardivement à cause de cela (…) c’est la plus nocive des idées reçues. Parfois, certaines sportives arrêtent la pilule parce qu’elles ont pris du poids alors que ce n’est pas la pilule qui en est la cause » ([66]).
Au-delà des règles, cette méconnaissance des spécificités féminines s’étend à tout le corps féminin. Il est par exemple démontré qu’en faisant du sport, le risque de rupture du ligament croisé antérieur est entre deux à six fois plus élevé pour les femmes. Une blessure particulièrement douloureuse qui peut mettre un terme à une carrière de haut niveau, en particulier au football.
Parmi les facteurs explicatifs, une des hypothèses suppose que les femmes commencent le sport plus tardivement que les hommes, celles qui souhaitent s’orienter vers le haut niveau doivent donc intensifier leur pratique à l’adolescence à un moment où les os se consolident, elles sont de ce fait, plus susceptibles de se blesser à cet endroit.
Or, ce n’est qu’en 2023 que l’Union des associations européennes de football, s’est inquiétée de cette problématique en lançant une enquête sur les ligaments croisés dans le football féminin ([67]).
Toutefois, vos rapporteurs saluent des premières avancées pour une meilleure information des sportifs et de l’encadrement technique sur la santé des femmes. L’INSEP a par exemple développé un livret pédagogique à destination des sportives de haut niveau sur la problématique des règles. Surtout, le pôle performance de l’INSEP en collaboration avec des fédérations sportives mène un programme nommé Exploring Menstrual Periods of Women athletes to Escalate Ranking (Empow’her) dont l’objectif est de mieux connaître la physiologie féminine et d’adapter la pratique sportive en conséquence.
d. De faibles perspectives de reconversion professionnelle
Lorsqu’elles arrivent en fin de carrière, les sportives de haut niveau se trouvent dans une situation encore plus délicate. Peu de mécanismes de reconversion professionnelle sont prévus par les fédérations, et ils sont d’une intensité variable.
Les passerelles pour devenir entraîneuse ou dirigeante sportive n’existent pas réellement.
En outre, les conditions de travail et les rémunérations proposées aux entraîneuses et éducatrices sportives sont instables, supposent parfois un éloignement géographique d’autant que peu de dispositifs d’accueil des enfants sont prévus pour les joueuses et les équipes techniques. De plus, dans ces corps de métiers, les femmes sont souvent moins bien rémunérées qu’en tant que joueuses. Elles tendent donc à s’orienter vers une autre voie, en général vers la carrière professionnelle qu’elles mènent en parallèle du sport.
Comme l’a résumé Thibault Dagorne, co-secrétaire général de la fédération des entraîneurs professionnels (FEP) auprès de vos rapporteurs « des femmes qui ont été au sommet de leur activité sportive n’ont pas les conditions pour rester dans ce secteur et transmettre leur expérience ». Aujourd’hui, dans les 128 équipes professionnelles des deux premières divisions de football, de basket, de rugby, de handball et de volleyball, seulement 20 % des encadrants sont des femmes ([68]).
Par ailleurs, si certains sportifs se voient proposer des postes comme commentateurs sportifs ou de consultants pour des chaînes, les sportives de haut niveau à ces postes, sont rares.
DeuxiÈmE PARTIE : DES leviers clés pour consolider la place des femmes dans le monde sportif
Renforcer la place des femmes dans le monde sportif est un « combat » mené de longue date par les pouvoirs publics, comme l’ont rappelé en réunion plénière de la Délégation, trois anciennes ministres des sports, Marie-George Buffet, Najat Vallaud-Belkacem et Roxana Maracineanu.
Saluant leur engagement, vos rapporteurs identifient trois leviers majeurs pour prolonger leur action et consolider la place des femmes dans le monde sportif, à savoir : à travers l’éducation, donner le goût du sport dès le plus jeune âge, pour accroître le nombre de pratiquantes (I), réformer la gouvernance pour mieux inclure les femmes (II) et utiliser les financements publics comme un moyen de développer le sport féminin (III).
I. changer les mentalités en misant sur l’éducation et la visibilité du sport féminin
Si la place des femmes dans le monde sportif, amateur et professionnel, demeure fragile, vos rapporteurs relèvent des avancées en matière de visibilité du sport féminin que ce soit à travers l’éducation des plus jeunes, l’appropriation de l’espace public ou la visibilité du sport féminin dans les médias. Vos rapporteurs effectuent des recommandations pour consolider ces avancées.
A. donner le goût du sport dès le plus jeune âge pour accroître la pratique tout au long de la vie
1. Dès le plus jeune âge, inciter les jeunes filles à aimer le sport
Partant du constat que l’écart de pratique sportive entre les filles et les garçons commence dès l’âge de cinq ans, vos rapporteurs voient en l’éducation le premier levier de transmission du goût du sport aux jeunes filles.
Vos rapporteurs sont favorables à toutes les mesures permettant de rapprocher les jeunes filles du sport et de déconstruire les stéréotypes de genre trop souvent transmis aux enfants de manière inconsciente par les adultes, du fait d’un manque de connaissances sur cette question. Comme l’a expliqué Claire Pontais, représentante du Syndicat national de l’éducation physique – Fédération syndicale unitaire (SNEP-FSU), « c’est parfois à l’école que les filles se voient confier un ballon pour la première fois et où les garçons s’essaient à la danse ».
i. La formation du personnel encadrant
En premier lieu, la formation des enseignants du premier degré semble être un levier clé. Or, elle accorde peu de temps au sport : sur les 800 heures de formation pour les enseignants du premier degré, seulement quarante heures sont consacrées au sort dont deux à quatre heures sur la mixité dans le sport ([69]).
C’est pourquoi, dans le cadre de la réforme à venir sur la formation des enseignants du premier degré, vos rapporteurs suggèrent de renforcer ce module d’enseignement pour y inclure une sensibilisation aux enjeux de parité et de pratique sportive mixte dès le plus jeune âge. De manière concrète, puisque la formation devrait se dérouler sur cinq ans (contre deux actuellement), le module consacré au sport devrait augmenter en conséquence pour atteindre cent heures. Dans le cadre de ce module sport, des séances spécifiques seraient consacrées aux enjeux de la parité et de la mixité à l’école.
En sensibilisant les futurs professeurs, vos rapporteurs espèrent accroître la place accordée au sport à l’école primaire où en fonction des enseignants, le temps scolaire réservé au sport fluctue.
Recommandation n° 1 : renforcer le module d’enseignement sur le sport dans la formation initiale des enseignants du premier degré afin d’y inclure une sensibilisation aux enjeux de la parité et de la mixité de la pratique sportive, dès le plus jeune âge.
De la même manière, les formations des encadrants sportifs telles que le Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BP JEPS) ou la licence STAPS souvent suivie par les professeurs d’Éducation physique et sportive (EPS) devrait être renforcée sur les enjeux de parité et de sport féminin.
Trop souvent, les encadrants peinent à accompagner pleinement les jeunes filles soit parce qu’ils ne perçoivent pas les difficultés auxquelles elles font face ou par manque de formation, par exemple sur les règles. De la même manière, la question des VSS est peu abordée ce qui a pu aboutir à des dérives dans un monde favorisant l’entre-soi et la résolution en interne des problèmes.
Il semble donc nécessaire de proposer une meilleure formation aux encadrants sportifs. Pour ce faire, vos rapporteurs proposent, au sein des modules de formation dits Unités capitalisables (UC), la création d’un cycle d’enseignements sur les spécificités du sport féminin et les enjeux de parité et de mixité du sport. Cette formation doit permettre d’accroître le niveau de connaissance des éducateurs sur la physiologie du corps féminin et déconstruire les stéréotypes de genre.
Recommandation n° 2 : créer un nouveau module de formation axé sur la déconstruction des stéréotypes de genre et la promotion d’une culture de l’égalité dans la formation diplômante des éducateurs sportifs et dans les licences STAPS.
Dans le même objectif, vos rapporteurs proposent un aménagement du temps scolaire pour y inclure des plages horaires réservées au sport. Dans les années 1990, la ville d’Épinal a par exemple expérimenté dans les établissements volontaires, un aménagement du temps scolaire : en raccourcissant les vacances, les cours étaient concentrés sur le matin permettant de libérer trois demi-journées par semaine pour des activités sportives. Cette mesure innovante incitait les enfants à jouer en mixité et tester différents sports permettant in fine d’enraciner la pratique sportive dans leurs habitudes.
En s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 401-1 du code de l’éducation tel que modifié par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance et sur les travaux du Conseil national de la refondation (CNR), vos rapporteurs proposent une expérimentation dans les établissements volontaires permettant de renforcer l’éducation sportive des enfants.
Concrètement, les écoles et établissements scolaires en lien avec les représentants de la communauté éducative, élaboreraient un projet d’école ou d’établissement consacrant plus de temps à l’activité physique, sur le modèle de l’expérimentation menée à Épinal. Cette mesure devrait permettre aux filles de prendre au goût au sport et de trouver l’activité sportive qui leur convient le plus tout en ayant des effets bénéfiques sur les autres enfants.
Recommandation n° 3 : à l’école, expérimenter des projets d’école ou d’établissement, prévus à l’article L. 401-1 du code de l’éducation, ménageant plus de temps à l’activité physique.
ii. Un aménagement du temps et des infrastructures scolaires
En outre, vos rapporteurs saluent la transformation de 1 500 cours d’école, à l’horizon 2026, en des espaces communs mixtes favorisant la pratique sportive des enfants, dans le cadre des plans 5 000 équipements sportifs du ministère des sports.
Grâce au design actif ([70]), la cour d’école n’est plus construite autour du terrain de football, les marquages au sol prévoient des terrains de différents sports en cohabitation avec des espaces plus calmes, comme des cercles de méditation par exemple. Ces cours d’école de nouvelle génération déconstruisent les stéréotypes de genre auxquels sont soumis les enfants en leur proposant une cohabitation mixte et plus libre de l’espace.
À ce stade, 170 cours d’écoles actives et non genrées sont déjà prêtes. Vos rapporteurs saluent la pleine mobilisation du ministère des sports, de l’ANS et de Paris 2024 qui a donné l’exemple. À travers l’AMF, les municipalités devraient être informées de ce dispositif.
Recommandation n° 4 : à travers l’AMF, informer les collectivités territoriales sur le design actif dans les cours d’école afin de le développer.
Par la suite, à l’adolescence où de nombreuses filles abandonnent le sport. Sacraliser le temps le mercredi après-midi pour la pratique sportive semble donc nécessaire ; d’autant plus que ce créneau est de plus en plus utilisé pour du temps scolaire. Vos rapporteurs enjoignent donc les établissements scolaires à respecter le temps du mercredi après-midi historiquement consacré au sport. Au moyen d’une circulaire, le ministère de l’Éducation pourrait rappeler aux rectorats l’objectif premier de ce temps libre, c’est-à-dire d’avoir un temps dédié à la pratique sportive.
Recommandation n° 5 : au collège et au lycée, enjoindre les établissements à réserver le mercredi après-midi pour une pratique sportive.
De plus, les liens entre les établissements scolaires, l’UNSS et les clubs de sport gagneraient à être renforcés. Sur le modèle de la semaine du numérique portée par l’Économie, vos rapporteurs plaident pour l’organisation d’une semaine du sport féminin sous le haut patronage du ministère des sports. Sur le terrain, elle serait organisée par les établissements scolaires en collaboration avec l’UNSS et les clubs de sport.
Recommandation n° 6 : renforcer les liens entre les établissements scolaires, l’UNSS et les clubs de sport à travers une semaine du sport féminin.
Cette collaboration pourrait également prendre la forme d’une intervention régulière, au moins une fois par an, des clubs sportifs et de l’UNSS dans les établissements scolaires pour inciter les jeunes filles à faire du sport.
Recommandation n° 7 : systématiser et généraliser l’intervention de l’UNSS et des clubs sportifs dans les établissements scolaires, au moins une fois par an, pour inciter les jeunes filles à s’inscrire.
iii. Faciliter la pratique sportive des filles sur leur temps libre
En dehors de l’école, sur le temps libre, la stimulation sportive des enfants doit se poursuivre dans un cadre mixte. C’est pourquoi, vos rapporteurs suggèrent que dans les fédérations comptant majoritairement des femmes ou des hommes, des mesures en faveur de la parité soient prises. De manière concrète, les frais d’inscriptions aux activités sportives pour les enfants débutant une activité sportive, devraient être portés à 1 euro.
Recommandation n° 8 : proposer des licences à 1 euro pour les enfants dans les fédérations comptant moins de 10 % de femmes ou d’hommes.
De plus, il semble nécessaire des sections mixtes aussi longtemps que possible dans l’ensemble des clubs. Dans les zones rurales, il est fondamental de maintenir des sections féminines ([71]). C’est pourquoi, vos rapporteurs sollicitent du Gouvernement un rapport en forme d’état des lieux sur le nombre de sections mixtes et de sections féminines existant en France afin de disposer des données nécessaires sur le sujet.
Recommandation n° 9 : pour le Gouvernement, au moyen d’un rapport remis au Parlement, recenser les sections mixtes et féminines sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, en partant du constat du Gouvernement, des leviers incitatifs pourraient être mis en place pour aider les clubs à maintenir des sections mixtes ou féminines dans les zones où l’offre est faible.
Recommandation n° 10 : en partant de l’état des lieux fourni par le Gouvernement, inciter les clubs à maintenir des sections mixtes et féminines en particulier dans les zones où l’offre est faible.
En outre, comme l’a suggéré l’ANS à vos rapporteurs, il pourrait être judicieux de coupler les horaires de cours pour les adultes et pour les enfants. En offrant cette solution de garde aux parents, il serait ainsi possible d’accroître la pratique sportive de toute la famille.
Recommandation n° 11 : pour les clubs et associations sportives, coupler les horaires des cours pour enfants et pour adultes afin d’accroître la pratique sportive de toute la famille.
2. Inciter les femmes à faire du sport tout au long de la vie
a. Dans le sport amateur, communiquer régulièrement sur les bienfaits du sport tout au long de la vie
Conscients que les obstacles au sport augmentent tout au long de la vie, vos rapporteurs estiment nécessaire de mettre en place des mesures permettant de rappeler régulièrement aux femmes les bienfaits du sport.
S’inspirant des résultats positifs de la campagne This girl can menée au Royaume-Uni depuis 2015, vos rapporteurs promeuvent l’idée d’une campagne de communication institutionnelle incitant les femmes à faire du sport.
La campagne anglaise met par exemple en scène des femmes de tout âge et de toute condition physique s’adonnant à une pratique sportive. Les photos sont accompagnées de slogans amusants à l’instar de « Take me as I am or watch me go » ([72]) pour une femme portant une prothèse à la jambe ou « I am acting my age » ([73]) pour une femme âgée jouant un sport collectif avec des jeunes. Entre son lancement en 2015 et 2017, cette campagne aurait permis de toucher environ 2,8 millions de femmes qui auraient repris une activité physique grâce à celle-ci ([74]).
Une campagne similaire pourrait être menée en France également déclinée sur tous les âges de la vie. Dans ce cadre, plusieurs étapes de la vie devraient être ciblées :
- la grossesse pendant laquelle de nombreuses femmes réduisent leur activité sportive alors qu’une activité physique modérée est vivement recommandée ;
- l’âge adulte où les femmes réduisent leur temps de loisir personnel au profit de la vie familiale. L’objectif serait de déculpabiliser les mères de famille et les inciter à prendre du temps pour soi ;
- les seniors, en particulier ceux souhaitant maintenir une activité sportive, gagneraient à être mieux informés sur le rôle des maisons sport santé dont les professionnels de santé peuvent aiguiller les patients vers les sports les plus adaptés.
Recommandation n° 12 : à travers une campagne institutionnelle annuelle, promouvoir l’activité physique pour les femmes tout au long de la vie.
De la même manière, l’activité physique devrait également être mentionnée lors des trois consultations médicales gratuites aux trois âges clés de la vie (25, 45, 65 ans) introduites par la loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Les praticiens devraient insister sur les bienfaits du sport tout au long de la vie.
Recommandation n° 13 : lors des consultations médicales gratuites aux trois âges clés de la vie, informer les patients sur les bienfaits du sport.
b. Dans le sport de haut niveau, faciliter la maternité des sportives
À ce stade, les sportives de haut niveau qui souhaitent être mères, bénéficient d’un maintien d’une année supplémentaire sur la liste des sportifs de haut niveau (SHN) à compter de la déclaration de la grossesse.
Cette mesure bienvenue doit néanmoins être complétée, comme l’a annoncé, à plusieurs reprises, la ministre des sports. En effet, une fois déduit le temps de la grossesse, les sportives n’ont en réalité que trois à quatre mois pour renouer avec le haut niveau. De ce fait, une modification de l’article R. 221-8 du code du sport s’impose pour porter à deux ans l’inscription sur la liste SHN à compter de l’annonce de la grossesse.
Si le ministère des sports a annoncé être favorable à cette mesure, elle ne s’est pas encore concrétisée. C’est pourquoi, vos rapporteurs appellent le Gouvernement à modifier, dans les meilleurs délais, le code du sport afin que les sportives de haut niveau puissent gérer le plus facilement possible la transition entre la grossesse et le retour au haut niveau.
Recommandation n° 14 : modifier l’article R. 221-8 du code du sport et ainsi porter à deux ans, à compter de l’annonce de la grossesse, l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau.
B. encourager les sportives à s’approprier l’espace public et sportif
1. Accroître le recours au design actif dans l’espace public
Le recours au design actif dans l’espace public permet d’accroître le nombre de pratiquantes et la visibilité du sport féminin.
Concept venu d’Amérique du Nord, le design actif consiste à « aménager l’espace public et les bâtiments afin d’inciter l’activité physique ou sportive, de manière libre et spontanée, pour tous » ([75]). Il se structure autour de cinq principes clés que sont la libre utilisation, la mixité et l’inclusion, l’incitation, l’approche usager et la qualité urbaine. Les couleurs, les formes, le mobilier ou encore la lumière sont étudiés pour inciter à la pratique sportive ([76]).
Son déploiement est actuellement facilité par le plan « 5 000 terrains de sport » et son prolongement par le plan « 5 000 équipements – Génération 2024 ». Annoncé en 2021, le « plan 5 000 terrains de sport » prévoyait la construction ou la requalification de 5 000 équipements sportifs de proximité et l’acquisition d’équipements mobiles pour un coût total de 200 millions d’euros répartis sur trois ans. Il visait en priorité les quartiers politique de la ville ainsi que les milieux ruraux et ultra marins. En 2023, ce plan a été prolongé pour atteindre 5 500 équipements sportifs supplémentaires dans les trois ans, grâce à un budget de 300 millions d’euros.
Dans la pratique, ces plans s’adressent aux collectivités territoriales ; elles peuvent candidater pour obtenir des subventions allant de 5 000 à 25 000 euros afin de financer l’aménagement, selon les principes du design actif, des cours d’école allant de la maternelle à l’université et des équipements sportifs et du matériel (arbres à basket, trampolines, modules de fitness) dans l’espace public.
De nombreuses collectivités y ont déjà eu recours, par exemple le terrain multisport des Halles à Paris dispose d’un marquage au sol de type design actif. De la même manière, grâce au mobilier urbain ainsi qu’à des animations ludiques et sportives, la ville de Biarritz a créé un parcours nommé « les chemins de la forme ».
Vos rapporteurs encouragent vivement les collectivités territoriales à recourir à ce plan qui permet de rénover les infrastructures et de créer des terrains dans la ville incitant les usagers à faire du sport.
Recommandation n° 15 : pour les collectivités, adopter le design actif dans l’espace public promu par le plan « 5 000 équipements – Génération 2024 ».
En effet, les femmes sont nombreuses à recourir à la pratique libre qui leur permet une gestion autonome de leur temps, ces infrastructures de nouvelle génération viendraient donc combler un besoin d’autant qu’en 2021, 32 % d’entre elles estimaient les infrastructures proposées n’étaient pas adaptées aux femmes ([77]).
Il faut dire que les infrastructures actuelles se limitent souvent à des barres de tractions monopolisées par un public masculin. L’association Amunanti, entendue par vos rapporteurs, considère que de ce fait, l’espace public se résume à « un lieu de passage pour les femmes ».
2. Mettre en place un « plan Marshall » des vestiaires et des sanitaires
Il semble également souhaitable que tous les aménagements sportifs publics soient équipés de sanitaires et de vestiaires confortables pour les femmes, ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui dans certains territoires. Les installations actuelles sont souvent vieillissantes et ne prévoient pas ces deux infrastructures pourtant essentielles pour les femmes. De ce fait, les joueuses mais aussi les arbitres sont contraintes de se changer dans « placards à balais » ([78]).
C’est pourquoi, vos rapporteurs demandent au Gouvernement un rapport sur l’état des lieux des infrastructures existantes afin d’identifier au mieux les besoins par territoire. Ce travail permettrait ensuite de déployer un financement massif de type « plan Marshall des vestiaires et des sanitaires » assurant un confort minimal aux femmes dans leur pratique sportive.
Sur le modèle des plans 5 000 équipements sportifs, ce plan serait porté par l’État pour aider les collectivités territoriales à financer ces nouvelles infrastructures.
Recommandation n° 16 : pour le Gouvernement, effectuer un état des lieux des infrastructures sportives, en particulier des vestiaires et des sanitaires avant de mettre en place un « plan Marshall des vestiaires et des sanitaires » assurant aux femmes un confort minimal lors de la pratique sportive.
C. renforcer la visibilité du sport féminin dans les médias sous le regard attentif de l’ARCOM
Partant du constat que la visibilité du sport et même l’économie du sport repose, en grande partie sur la médiatisation, vos rapporteurs estiment essentiel d’améliorer la visibilité du sport féminin dans les médias.
Dans ce sens, l’ARCOM, pour les médias et l’Autorité de régulation de la publicité (ARPP), doivent maintenir une vigilance active sur les contenus diffusés, sous peine de l’édiction de sanctions.
En effet, comme en témoigne le documentaire Je ne suis pas une salope, je suis journaliste ! ([79]), le journalisme sportif a très longtemps exclu les femmes journalistes. Un constat qui se reflète à l’antenne où le sport féminin a longtemps été ignoré. C’est pourquoi, vos rapporteurs plaident aujourd’hui pour une vigilance stricte de l’ARCOM qui sanctionne lourdement les programmes sportifs discriminants à l’encontre des femmes, que ce soit par une infantilisation ou une sexualisation à outrance des sportives notamment.
1. Une faible visibilité du sport féminin pourtant plébiscité par les spectateurs
Si le sport féminin est effectivement plus présent dans les médias, les retransmissions de compétitions sportives féminines ayant augmenté de 50 % entre 2018 et 2021 ([80]), le sport masculin reste seize fois plus diffusé (en volume horaire) que le sport féminin ([81]). Selon l’ARCOM, entre 2018 et 2021, le sport masculin représentait 71,5 % du contenu sportif diffusé à la télévision contre seulement 4,5 % pour le sport féminin et 24 % pour le sport mixte.
De plus, la diffusion du sport féminin est principalement portée par les chaînes du service public : près de la moitié du contenu en sport féminin diffusé entre 2018 et 2021 diffusé sur les chaînes de la TNT provenait de France télévisions ([82]).
Les diffuseurs justifient les écarts entre le sport féminin et masculin en avançant que le sport féminin reste encore peu rentable. Une logique si prépondérante dans les médias qu’en 2019, le ministère des sports a été contraint d’intervenir pour imposer la médiatisation de la coupe du monde de football féminin organisée en France, comme l’a expliqué Brigitte Deydier à vos rapporteurs. Pourtant, cette compétition a réuni plus d’un milliard de téléspectateurs à l’échelle mondiale ([83]) et a même engendré une contribution, directe ou indirecte, d’environ 284 millions d’euros au produit intérieur brut de la France ([84]).
Le public est en effet de plus en plus enclin à regarder du sport féminin. L’infographie ci-dessous présente les principales réponses des français sur l’intérêt qu’ils portent au sport féminin et sa diffusion dans les médias.
Source : ARCOM, « La représentation des femmes à la télévision et à la radio - Rapport sur l'exercice 2023 », mars 2024.
Selon l’ARCOM, plus de six français sur dix regardent des contenus en lien avec du sport féminin en particulier les hommes, premiers consommateurs de contenus sportifs ([85]). Une habitude qui s’enracine, 35 % des français estiment qu’ils suivent, à la télévision ou à la radio, plus de compétitions féminines qu’avant. Huit français sur dix estiment que le sport féminin n’est pas assez diffusé et 64 % des français seraient disposés en regarder davantage s’il était diffusé.
S’appuyant sur ces données, vos rapporteurs considèrent que l’argument sur la rentabilité du sport féminin est caduc et plaident pour une plus grande diffusion du sport féminin, conformément aux attentes des téléspectateurs.
Tenant compte du retard du sport féminin dans la part de diffusion de contenus sportifs et du sport en général par rapport aux autres contenus, vos rapporteurs recommandent donc d’instaurer des quotas de diffusion du sport féminin à des heures de grande audience pour les chaînes de la TNT. Cette mesure pourrait prendre pour modèle le décret n° 2004-1392 obligeant la télévision publique à diffuser les EMI. Considérées comme des EMI, les finales de compétitions sportives féminines des principaux championnats sont aujourd’hui diffusées grâce à ce décret. Vos rapporteurs proposent de construire sur cet acquis et d’élargir la diffusion du sport féminin au-delà des finales. Ainsi, certaines compétitions de sport féminin seraient diffusées intégralement, par exemple les championnats du monde de handball ou de natation.
Recommandation n° 17 : en élargissant le décret sur les EMI, instaurer des quotas de diffusion du sport féminin à des heures de grande audience pour les chaînes de la TNT.
De la même manière, vos rapporteurs sont favorables au maintien d’un soutien à la production autour du sport féminin. En effet, la diffusion d’un évènement sportif de type compétition engendre des coûts de production conséquents pouvant atteindre au moins entre 30 000 et 50 000 euros ([86]).
Créé en 2014, le fonds de soutien à la production audiovisuelle facilite la retransmission d’évènements sportifs ou de reportages consacrés à des disciplines peu médiatisées ou émergentes. Son budget a été doublé en 2023 afin de soutenir la diffusion du sport féminin, grâce à une enveloppe de 1,5 million d’euros dont 1 million provient du ministère des sports.
Vos rapporteurs appellent à la pérennisation de ce fonds jusqu’à ce que le sport féminin représente 40 % du contenu sportif (masculin, mixte, féminin) diffusé dans les médias contre 4,5 % entre 2018 et 2021. Ce fonds permettrait d’améliorer la qualité des images proposées et donc renforcer l’attractivité du sport féminin pour les téléspectateurs.
Recommandation n° 18 : afin de résorber l’écart de diffusion entre sport masculin et féminin, sanctuariser la part du fonds de soutien à la production audiovisuelle consacré au sport féminin jusqu’à ce que la part de sport féminin diffusée dans les médias atteigne 40 % du total du contenu sportif diffusé.
Par ailleurs, cet effort pourrait être prolongé par les acteurs privés dans le cadre des négociations de retransmission des compétitions sportives. Pour ce faire, lors des appels d’offres, les fédérations devraient proposent des lots réunissant des compétitions masculines et féminines.
Pour les inciter à entreprendre cette démarche, vos rapporteurs proposent que la composition des lots mixtes soit un critère d’attribution clé de l’agrément aux fédérations. En effet, la diffusion du sport féminin participe de la mise en œuvre d’une politique publique du sport paritaire et inclusive. C’est pourquoi, usant de son pouvoir discrétionnaire dans l’examen des agréments, le ministère des sports devrait refuser d’agréer les fédérations ne prenant pas ce type de mesures.
Recommandation n° 19 : conditionner l’agrément des fédérations à la mise en œuvre d’une politique publique du sport inclusive, mesurée à l’aide d’indicateurs tels qu’une composition mixte des lots de retransmission des compétitions sportives.
2. Une faible valorisation des femmes journalistes de sport trop souvent ramenées à leur genre
Un constat similaire s’impose pour les femmes journalistes de sport. Bien que la part des femmes dans les plateaux sportifs soit passée de 12 % en 2019 à 18 % en 2020 ([87]), ce chiffre semble stagner depuis lors.
Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la présence en plateau en télévision et à la radio pour chaque type de programme.
Source : ARCOM, « Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021 », janvier 2023.
On constate que par rapport aux autres contenus, le sport est particulièrement en retard concernant la présence de femmes journalistes : là où le divertissement, l’information et les documentaires atteignent une moyenne de 40 % environ, le sport se trouve très en retard à environ 20 %.
Selon l’ARCOM, les plateaux de compétitions sportives sont souvent peu mixtes, dans 60 % des cas, le plateau est même exclusivement masculin. La configuration inverse, c’est-à-dire un plateau exclusivement féminin, ne se produit que dans 1 % des cas ([88]). Si la télévision est souvent citée, la situation à la radio est particulièrement inquiétante, les femmes journalistes de sport ne représentent que 6 % du personnel ([89]).
Si un changement de mentalité semble opérer, les journalistes sportives interrogées par Marie Portolano dans son documentaire, dénoncent une ambiance de « boys club » longtemps prégnante dans les rédactions sportives. Les femmes y recevaient des commentaires sur leur apparence, étaient parfois qualifiées de « potiches » et leur légitimité était remise en cause ([90]). Une des journalistes interrogées dans le documentaire explique par exemple avoir été remplacée par une plante verte lorsqu’elle s’était absentée du programme temporairement.
Malgré l’évolution des comportements à la faveur de l’arrivée d’une nouvelle génération de journalistes, vos rapporteurs plaident pour la mise en place de formations annuelles sur le sexisme ordinaire, à caractère obligatoire, dans les rédactions sportives.
Recommandation n° 20 : dans les rédactions sportives, organiser des sessions de prévention du sexisme ordinaire chaque année.
En outre, les programmes sportifs se distinguent comme ceux qui donnent le moins la parole aux femmes (11 % en 2023). De plus, comme l’a constaté l’ARCOM, les femmes sont plus souvent assignées à commenter du sport féminin (perçu comme moins prestigieux dans l’écosystème journalistique) que du sport masculin. Une observation confirmée par les journalistes sportives : lors de son passage dans l’émission stade 2, la journaliste de sport, Clémentine Sarlat, a remarqué que pour certaines émissions, le conducteur du programme ne lui indiquait aucun temps de parole ([91]).
Toutefois, les journalistes sportives ne sont pas toujours désireuses d’animer des émissions à la télévision. Comme l’a expliqué Laurie Delhostal, co-présidente du collectif des Femmes journalistes de sport (FJS), à vos rapporteurs, à l’issue des diffusions, les femmes présentatrices de contenu sportif subissent un cyber harcèlement violent et traumatisant. Elles sont nombreuses à décrire des flots d’insultes souvent sexistes et concentrés sur leur apparence physique. Charlotte Namura, journaliste sportive, souligne le décalage qui en résulte au sein des rédactions puisque seules les femmes sont soumises à ce type de commentaires ([92]).
Vos rapporteurs incitent donc les chaînes de télévision à mieux faire connaître, à leurs employés, les infractions d’outrage sexiste et de cyber harcèlement en meute récemment crées. Des dispositifs d’accompagnement psychologiques devraient également être mis en place par les chaînes de télévision pour les femmes journalistes qui en effectueraient la demande.
Recommandation n° 21 : étoffer la politique d’accompagnement des femmes journalistes de sport victimes de sexisme en communiquant davantage sur les infractions existantes et en ouvrant des dispositifs d’accompagnement psychologique lorsque nécessaire.
Dans ce contexte, alors que l’ARCOM s’apprête à négocier le renouvellement des conventions de quinze chaînes de TNT pour 2025, vos rapporteurs l’invitent à inclure en annexe la charte rédigée par l’association des journalistes sportives. Déclinée en trois piliers, à savoir recruter, accompagner et promouvoir, cette charte liste des actions concrètes pouvant être entreprises par les rédactions. Vos rapporteurs appuient l’idée de recevoir toutes les candidatures féminines en entretien pour chaque poste ouvert voire de leur réserver un recrutement sur deux tant qu’elles seront sous-représentées dans le milieu. Pour aller plus loin, ils suggèrent que pour chaque poste, le binôme finaliste soit paritaire.
Cette charte a déjà été signée par au moins soixante et une rédactions, son inclusion dans les conventions lui donnerait une valeur supplémentaire, l’ARCOM serait susceptible de la prendre davantage en compte lors de l’examen d’éventuelles sanctions pour les chaînes.
Recommandation n° 22 : pour l’ARCOM, inclure la charte de l’association des journalistes sportives dans les conventions des chaînes de la TNT et évaluer les chaînes à l’aune du respect de cette charte.
Vos rapporteurs sont également favorables à toutes les mesures permettant de renforcer la mixité dans les rédactions sportives de radio et de télévision afin, d’à terme, atteindre la parité. D’un point de vue incitatif, elle pourrait par exemple se concrétiser à travers la mise en place de binômes de journalistes sportifs. Sur le volet correctif, vos rapporteurs plaident pour un pouvoir de sanction financière de l’ARCOM lorsqu’elle constate des plateaux non mixtes, au moins pour les programmes de sport qui n’ont pas montré leur volonté de tendre vers la parité.
Recommandation n° 23 : dans les médias, privilégier la mixité des rédactions avec des mesures incitatives. Lorsqu’elle constate des plateaux non mixtes dans les programmes sportifs, l’ARCOM prend des sanctions financières contre les chaînes mises en cause.
La gouvernance des instances sportives constitue un autre pan dans lequel des avancées, portées par le législateur, sont à saluer. À présent, vos rapporteurs plaident pour leur approfondissement afin de consolider la place des femmes dans les instances de gouvernance du sport.
A. Les lois de 2000, 2014 et 2022 ont clarifié et amélioré la place des femmes dans les instances de gouvernance sportives
1. Depuis les années 2000, le cadre légal favorise l’accès des femmes à des postes à responsabilité
a. Les lois du 6 juillet 2000 et du 4 août 2014 posent les premiers jalons d’une gouvernance du sport paritaire
En inaugurant les premières Assises nationales, « Femmes et Sport » en 1999, Marie-George Buffet en tant ministre des sports déclarait : « cette action est motivée par le constat du grand décalage entre, d'un côté, le nombre de pratiquantes, les performances des femmes, leur désir de faire du sport et, la persistance de discriminations » ([93]). Un constat similaire pourrait être dressé aujourd’hui malgré les politiques volontaristes menées depuis près de vingt-cinq ans.
En effet, la tenue de ces assises a abouti à la loi du 6 juillet 2000 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives dite « loi Buffet » dont l’article 5 prévoit que l’agrément accordé aux fédérations doit, entre autres, tenir compte de l’égal accès des femmes et des hommes aux instances dirigeantes. Ce faisant, la loi de 2000 pose les premiers jalons de la représentation des femmes dans les instances de gouvernance.
Par la suite, le décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004 instaure un principe de proportionnalité (et non de parité) pour la représentation des femmes dans les instances dirigeantes, perçu comme un problème pour les fédérations très féminisées. Ainsi, à la demande de la fédération de gymnastique qui entendait instaurer la parité dans les instances dirigeantes ce décret a finalement été abrogé.
Le vide laissé a été comblé par la loi du 4 août 2014 relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. À une époque où seules douze fédérations sportives se rapprochent de la parité dans leurs instances de direction, Najat Vallaud-Belkacem alors ministre des Droits des femmes, décrit « un bras de fer » avec le monde sportif à propos de la nouvelle obligation prévue par la loi.
Sous peine d’un retrait de leur agrément, celle-ci impose aux fédérations sportives d’assurer une représentation minimale de 40 % de femmes et des hommes dès lors que l’un des sexes compte plus de 25 % des licences ou si l’un des deux sexes compte moins de 25 % des licences, de lui assurer une représentation minimale de 25 %.
Selon Annabelle Caprais, sociologue du sport et spécialiste de la gouvernance des fédérations sportives, le nombre de femmes dirigeantes a de ce fait augmenté d’environ 8 % à chaque élection ce qui lui permet d’atteindre aujourd’hui environ 40 % ([94]). Ainsi, à la suite des dernières élections fédérales, les bureaux directeurs comptent 32,3 % de femmes à des postes de trésorières, 44,1 % à des postes des secrétaires générales et 42,3 % à des postes de vice-présidentes ([95]).
De plus, la loi de 2014 ([96]) impose aux fédérations de se doter de plans globaux de féminisation concernant les joueuses, les arbitres, les entraîneuses et les dirigeantes.
b. La loi du 2 mars 2022 s’inscrit dans le chemin tracé par les lois de 2000 et 2014
En complément de la loi de 2014, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France pose une nouvelle obligation de parité stricte mais progressive dans les instances dirigeantes du sport. En 2024, au niveau national, le comité national olympique sportif française (CNOSF), le Comité paralympique sportif français (CPSF) ainsi que les fédérations nationales doivent atteindre la parité dans les instances dirigeantes. Les fédérations régionales ont quant à elle jusqu’en 2028 pour se conformer à cette exigence.
Dans un souci de renouvellement des postes d’encadrement, la loi limite à trois le nombre de mandats possibles pour les dirigeants de fédérations sportives de ligues professionnelles.
Ce cadre légal est complété par les initiatives de ces instances, à l’image du club des 300 ([97]) crée par le CNOSF dans l’objectif de former les femmes à occuper des postes d’encadrement.
2. Malgré ces initiatives courageuses de réforme, un bilan en demi-teinte dans un milieu réfractaire au changement
S’ils saluent la volonté politique qui a impulsé ces évolutions positives, vos rapporteurs dressent un bilan en demi-teinte de la mise en œuvre de ces premières avancées législatives.
S’il y a effectivement une progression du nombre de femmes à la tête de fédérations sportives, elle se fait lentement. En 2022, Béatrice Barbusse, vice-présidente de la fédération de handball et sociologue du sport, dénombrait dix-neuf femmes présidentes de fédération sportives contre quatre-vingt-huit hommes ce qui l’amenait à estimer que « à ce rythme, il faudra attendre encore 5 à 10 olympiades pour espérer approcher d’une représentation paritaire » ([98]).
Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la proportion de femmes présidentes de fédérations sportives en France. Si entre 2001 et 2004, elle était d’environ 5,20 %, elle n’atteignait que 17,75 % vingt ans plus tard, en 2021.
Source : Béatrice Barbu