N° 460
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux de la mission d’information
sur la semaine de quatre jours,
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. François GERNIGON et StÉphane VIRY,
Députés.
——
SOMMAIRE
___
Pages
I. travailler quatre jours par semaine, une idée dans l’air du temps
A. en France, un sujet sous les feux de l’actualité
1. Un dispositif qui séduit de plus en plus de Français
2. Un dispositif qui se déploie progressivement sur le terrain
3. Un dispositif récemment promu dans la fonction publique
B. À l’étranger, des expériences aussi nombreuses que variées
1. Dans les États membres de l’Union européenne
A. dans le secteur privé, entre possibilités théoriques et réalité pratique
1. Un bref état des lieux du cadre juridique
3. Quelques règles à respecter
B. dans la fonction publique, une solution praticable selon des modalités variées
1. Un bref état des lieux du cadre juridique
2. Quelques règles à respecter
A. un mode de répartition de la durée du travail hebdomadaire à géométrie variable
1. La répartition de la durée du travail hebdomadaire
2. Le choix du jour non travaillé
3. Les personnels inclus dans le champ d’application du dispositif
B. un changement organisationnel aux multiples conséquences
a. Sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée
b. Sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail
3. Pour l’économie et la société
IV. quelques enseignements, en guise de conclusion, tirés des travaux de la mission d’information
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR Les RAPPORTEURs
ANNEXE N° 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS écrites reçues PAR Les RAPPORTEURs
Quel sens le travail revêt-il ? Quelle place les anciennes et les nouvelles générations lui accordent-elles dans leur existence ? Depuis des années, ces questions, éminemment complexes et qui en recèlent bien d’autres, nourrissent les débats dans diverses sphères de la société et engendrent des réponses aussi nombreuses que divergentes de la part des acteurs économiques, des observateurs ou des experts.
Face à ceux qui affirment que le travail ne serait plus qu’une « pièce du puzzle » ([1]) de la vie des jeunes, que le rapport contemporain à l’autorité, au bonheur ou à l’engagement n’aurait plus grand-chose de commun avec ce qu’il était dans le passé, il y a ceux qui soutiennent que l’importance accordée au travail ne serait pas si différente aujourd’hui de ce qu’elle était hier et que les constats soi-disant objectifs dans ce domaine ne sont pas davantage que des préjugés malheureux.
La vérité se situe probablement à mi-chemin de ces deux approches.
Ce qui est indéniable, et du reste parfaitement naturel, c’est que le monde du travail évolue avec le temps sous l’effet de multiples facteurs, entre mutations du paysage économique, progrès technique et avancées sociales. Et ce qui l’est tout autant, c’est que, cause et conséquence de ce phénomène, les modes d’organisation et les modalités d’exécution de l’activité se transforment également. Aux innovations et aux interrogations qu’elles charrient succèdent de nouvelles innovations et de nouvelles interrogations.
Des interrogations, la semaine de quatre jours ([2]), devenue un sujet d’actualité sans être à proprement parler une nouveauté, en soulève une grande quantité. S’y intéresser invite à faire preuve à la fois d’humilité, les intuitions étant facilement déçues et les certitudes volontiers battues en brèche, de mesure et de prudence, les expériences engagées sur le territoire comme en dehors demeurant peu abondantes et les données relatives à leur déroulement encore limitées.
C’est dans cet état d’esprit que les rapporteurs, renommés dans leurs fonctions au début de la XVIIe législature ([3]), se sont efforcés de remplir leur mission. Sans parti pris ni dogmatisme. Sans idées préconçues ni conclusions toutes faites. Avec la conviction que chaque témoignage, chaque contribution, chaque anecdote même enrichirait leur réflexion.
Le présent rapport en est le fruit.
Le lecteur y trouvera, présentés de la manière la plus didactique possible, les principaux constats et les grands enseignements que tirent de leurs travaux les auteurs de ces lignes, guidés par les observations variées et toujours utiles de leurs interlocuteurs, chefs d’entreprise et représentants syndicaux, élus locaux et agents de l’État, économistes, sociologues et spécialistes des ressources humaines pour ne citer qu’eux.
Il faut espérer que ces travaux feront progresser l’état des connaissances sur la semaine de quatre jours. Si tel est effectivement le cas, la commission des affaires sociales pourra s’enorgueillir d’avoir fait œuvre utile.
I. travailler quatre jours par semaine, une idée dans l’air du temps
Avec la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19, les discussions sur le sens du travail en général et la flexibilisation des conditions d’activité des actifs en particulier ont pris une nouvelle dimension.
En effet, les ouvrages, les études, les articles de presse se multiplient sur ces thématiques, sur fond de montée en puissance du télétravail, considéré par beaucoup comme une avancée sociale majeure insusceptible de faire l’objet du moindre retour en arrière ([4]).
Parmi les questions que recouvre la réflexion contemporaine en France et, à des degrés divers, à l’étranger, celle de la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours, entre semaine en quatre jours et semaine de quatre jours ([5]), occupe une place importante et, en bien des endroits, grandissante.
La semaine en quatre jours et la semaine de quatre jours :
deux notions distinctes
La semaine en quatre jours correspond à une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours plutôt que cinq, sans réduction concomitante de la durée globale du travail. On parle volontiers de semaine de travail « comprimée » dans cette situation.
La semaine de quatre jours correspond à une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours plutôt que cinq accompagnée d’une réduction de la durée globale du travail.
Par commodité, on utilise en général la formulation « semaine de quatre jours » pour faire référence à l’un ou l’autre de ces schémas.
A. en France, un sujet sous les feux de l’actualité
La semaine de quatre jours n’est pas un sujet de préoccupation entièrement nouveau dans notre pays. Il existe des traces dans l’ordre juridique de textes anciens régissant sa mise en œuvre et des exemples de sociétés ayant tenté l’expérience dans le courant des années quatre-vingt-dix à la faveur d’une législation incitative ([6]).
Cela étant, elle est indéniablement un sujet à la mode, un « sujet national », à en croire l’économiste Philippe Askenazy ([7]). Un coup d’œil à l’actualité des mois récents, où se mêlent analyses d’experts de tous ordres et récits de dirigeants d’entreprise, suffit à le démontrer.
1. Un dispositif qui séduit de plus en plus de Français
L’emballement médiatique autour du dispositif tient notamment à ce qu’il séduit de plus en plus de Français.
Les conditions de travail idéales selon les français
Réponses à la requête : « Décrivez en quelques phrases quel serait votre rythme de travail idéal (horaires, journées, congés). »
Note : les personnes interrogées ont pu mentionner plus d’une réponse.
Source : Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer, étude réalisée pour la fondation The Adecco Group, avril 2024, p. 11.
Un sondage conduit à la fin de l’année 2021 révélait que 64 % des salariés auraient souhaité bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leur activité et pouvoir la répartir sur quatre jours, ce qui constituait une progression de quatre points par rapport à 2019 ([8]). Deux ans plus tard, un sondage montrait que 77 % des actifs se disaient prêts à travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq à durée du travail constante ([9]). Et un autre sondage effectué peu après indiquait que 70 % des Français et 77 % des actifs étaient favorables à l’instauration de la semaine de quatre jours accompagnée d’une réduction de la durée du travail hebdomadaire à trente-deux heures sans diminution de la rémunération ([10]).
L’adhésion à l’instauration de la semaine de quatre jours
dans les entreprises en France
|
Ensemble des Français (%) |
Ensemble des actifs (57 % de l’échantillon) (%) |
Total favorable |
70 |
77 |
Tout à fait favorable |
37 |
45 |
Plutôt favorable |
33 |
32 |
Total pas favorable |
30 |
23 |
Plutôt pas favorable |
14 |
12 |
Pas du tout favorable |
16 |
11 |
TOTAL |
100 |
100 |
Question : « [S]eriez-vous favorable ou pas favorable à l’instauration de la semaine de 4 jours, 32 heures payées 35 heures, dans les entreprises publiques et privées en France ? ».
Source : Ifop pour Politis, Les Français et la semaine de 4 jours, mars 2024.
De ce dernier sondage, il ressortait que les femmes adhèrent davantage à la formule que les hommes, les actifs de moins de trente-cinq ans davantage que les actifs plus âgés, les « catégories populaires » (ouvriers et employés) davantage que les « catégories supérieures » (artisans, commerçants, cadres et professions intellectuelles supérieures). Une tendance que le ministère du travail observait déjà à l’aube des années quatre-vingt.
La perception de la semaine de quatre jours
au début des années quatre-vingt
« La semaine de quatre jours, en accroissant la journée ou le poste de travail pour bénéficier d’une journée de repos supplémentaire déconcerte. Le taux de non‑réponse est en effet important : 23 % (56 % chez les personnes travaillant en horaires variables). Cette formule est acceptée par 44 % des salariés, 33 % n’étant pas d’accord ou pas concernés. […]
« [I]l est possible de noter des différences sensibles entre catégories socioprofessionnelles, les ouvriers étant plus favorables (48 %) [au dispositif] que les employés (43 %) et que les cadres (39 %). »
Source : Alain Doyelle, Françoise Bonnel, Jean-Paul Blanchet, La perception du temps chez les salariés, Travail et emploi n° 3, janvier 1980, p. 12.
De l’avis général, l’attrait pour la semaine de quatre jours s’inscrit dans le contexte d’une recherche toujours plus poussée de modulation du rythme de travail et, cela est évidemment lié, d’optimisation de l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, elle-même plus complexe que par le passé aux dires du Conseil économique, social et environnemental. Un phénomène bien décrit par la littérature et largement commenté par les interlocuteurs de la mission.
L’articulation des temps de vie analysée
par le Conseil économique, social et environnemental
« [L]e temps libre ne l’est pas totalement : on peut distinguer, dans les temps libres, le temps contraint par des obligations personnelles de celui libéré de toute contingence matérielle.
« L’articulation des temps de vie est de plus en plus complexe : elle ne distingue pas seulement le temps passé sur le lieu de travail et celui passé chez soi ; elle implique plusieurs autres dimensions. Le lieu d’habitation, les conditions de logement, les mobilités, le rapport à l’environnement, les engagements individuels et collectifs etc. sont autant d’éléments qui ont un impact sur l’articulation des temps. »
Source : avis du Conseil économique, social et environnemental sur proposition de la commission travail et emploi (mandature 2021-2026) fait par Mmes Christelle Caillet et Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, Articulation des temps de vie professionnel et personnel : de nouveaux défis, avril 2024, p. 14.
2. Un dispositif qui se déploie progressivement sur le terrain
Imaginer, à la lecture de ce qui précède, que le dispositif se répand à toute vitesse sur le terrain serait une erreur. Certes, il se déploie. Mais il se déploie progressivement.
Ainsi, depuis quelque temps, le nombre d’accords collectifs tendant à prévoir une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours évolue à la hausse. Selon les informations transmises par la direction générale du travail (DGT) au printemps dernier, cent quarante-sept accords d’entreprise traitant de la question étaient recensés dans la base de données du ministère entre 2017 et le 1er mai 2024. Trente avaient été déposés en 2022, soixante et onze en 2023 et trente‑cinq sur les quatre premiers mois de l’année en cours ([11]). Des chiffres a priori en deçà de la réalité ([12]). Une publication du Centre d’études de l’emploi et du travail en date de septembre 2024 faisait d’ailleurs état de cent cinquante accords conclus durant la seule année 2023 ([13]).
Faut-il y voir la traduction d’un intérêt croissant des partenaires sociaux pour le sujet ? Peut-être. Mais il est vraisemblablement un peu tôt pour l’affirmer de manière définitive au vu des positions défendues par les syndicats devant les rapporteurs. Force est de reconnaître qu’il n’y a de leur part aucune revendication majeure en la matière.
Quoi qu’il en soit, le nombre d’entreprises ayant franchi le pas s’avère limité. Elles seraient 5 %, d’après les observations du cabinet ADP. Une donnée évoquée par le Conseil économique, social et environnemental dans un avis récent ([14]) difficile à vérifier, la DGT ne disposant, de son propre aveu, que d’une vision partielle des choses.
Il ne saurait naturellement être déduit de cette même donnée que les Français travaillent, dans leur grande majorité, trente-cinq heures par semaine, du lundi au vendredi, suivant des horaires standards. À cet égard, il est bon de rappeler, en premier lieu, qu’ils travaillent en vérité 38,9 heures en moyenne au cours d’une semaine habituelle ([15]) et, en second lieu, qu’ils exercent leur activité, pour une part significative d’entre eux, suivant des horaires atypiques (45 %) ([16]), la nuit (10 %) ([17]) ou à temps partiel (près de 17,5 %) ([18]). Il faut également garder en mémoire que le recours aux horaires individualisés, mécanisme qui offre aux salariés une marge de manœuvre dans la détermination des horaires de début et de fin de la journée de travail, progresse ([19]).
3. Un dispositif récemment promu dans la fonction publique
● Si la semaine de quatre jours – ici en quatre jours – a tant fait parler d’elle récemment, c’est aussi en raison du souhait de l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, de la voir mise en place, à titre expérimental, dans la fonction publique, à la fois dans les services d’administration centrale et dans les services déconcentrés de l’État ([20]).
La démarche devait s’inscrire « dans la politique globale de soutien à l’attractivité des métiers de la fonction publique, d’amélioration des conditions de travail et de modernisation de son fonctionnement » ([21]), en accord avec les attentes exprimées par les agents.
Du reste, elle devait obéir à une méthodologie et à certains principes directeurs, parmi lesquels :
– le respect des volumes horaires annuels obligatoires (1 607 heures) et, plus globalement, des dispositions réglementaires applicables dans le domaine du temps de travail (durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, pause méridienne, etc.) ;
– le maintien des effectifs à un niveau constant ;
– la liberté dans le choix de la formule : répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours, quatre jours et demi ou sur quatre et cinq jours alternativement ;
– la délivrance d’un service de qualité a minima équivalente.
Introduits dans les premiers services dès le printemps de cette année, les cycles de travail revisités devraient être déployés plus largement à l’automne pour un an au moins – quarante services comptant mille cinq cents agents seraient concernés – et faire l’objet d’une évaluation in itinere et d’une évaluation à terme ([22]) ([23]).
● Avant le lancement de cette initiative, la semaine en quatre jours n’était toutefois pas étrangère à la fonction publique.
Plusieurs structures relevant de chacun de ses trois versants ([24]) avaient fait le choix d’y rendre éligibles leurs agents, à titre expérimental – notamment l’Eurométropole de Strasbourg, la métropole de Lyon ou le centre hospitalier universitaire de Bordeaux – ou à titre pérenne – notamment le ministère chargé de l’agriculture, le ministère chargé des armées ou le ministère chargé de l’écologie, la direction générale de l’aviation civile, l’Eurométropole de Lille, le conseil régional d’Île-de-France ou le centre hospitalier Annecy Genevois ([25]).
Il ne faut cependant pas s’y tromper. Il y a là un mode d’organisation de l’activité qui, bien qu’ayant le vent en poupe, demeure marginalement retenu par les administrations. Elles seraient une cinquantaine dans cette situation à l’heure actuelle ([26]).
À la métropole de Lyon, de l’expérimentation
à la pérennisation de la semaine en quatre jours
À compter du 1er septembre 2023, la métropole de Lyon a mis en œuvre, à titre expérimental et pour une durée d’un an, la semaine en quatre jours dans une triple perspective :
– améliorer la qualité de vie des agents, aussi bien professionnelle que personnelle ;
– favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en donnant la possibilité aux agents travaillant à temps partiel, qui sont pour 90 % des femmes, de travailler à temps plein ;
– participer à l’attractivité de la collectivité et à la fidélisation des agents.
Quatre formules de répartition de la durée du travail hebdomadaire étaient proposées :
– 35 heures sur 4 jours ;
– 36 heures sur 4 jours ;
– alternance de semaines de 4 jours (32 heures) et 5 jours (40 heures) ;
– 36 heures sur 4,5 jours.
Le bilan de l’expérimentation, à laquelle 315 agents ont participé, s’est révélé positif (pas d’impact négatif sur la continuité et la qualité du service public, impact positif sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail notamment) et 93 % des agents ayant répondu à l’enquête d’évaluation se sont prononcés en faveur de sa pérennisation.
La collectivité a donc décidé, à l’occasion du conseil métropolitain du 24 juin 2024, la généralisation de l’application du dispositif à compter du 1er septembre 2024. 5 500 agents (à temps plein) y seront éligibles et pourront choisir, pourvu qu’ils soient volontaires, l’une des trois formules de répartition de la durée du travail hebdomadaire suivantes (*) :
– 36 heures sur 4 jours ;
– 37 heures 15 sur 4,5 jours ;
– alternance de semaines de 4 jours (33 heures) et 5 jours (41 heures 15).
(*) En plus des formules de répartition de la durée du travail hebdomadaire sur 5 jours.
Source : délibération n° 2024-2327 du 24 juin 2024 du conseil de la métropole de Lyon.
B. À l’étranger, des expériences aussi nombreuses que variées
Nombreux sont les États, proches ou moins proches du nôtre, dans lesquels la répartition de la durée de l’activité hebdomadaire sur moins de cinq jours est autorisée, qu’elle repose ou non sur une législation spécifique. Néanmoins, elle est généralement pratiquée par un petit nombre d’entreprises ou d’administrations publiques, sous la forme d’expérimentations la plupart du temps, et bénéficie à un nombre restreint de travailleurs, si bien que les données issues des expériences engagées ici et là sont encore limitées.
Ce qui ne fait pas de doute, en revanche, c’est que les questions touchant au rythme de travail et à la conciliation entre les différents temps de vie occupent le débat public et le dialogue social au-delà de nos frontières, avec une intensité variable selon les pays.
1. Dans les États membres de l’Union européenne
Les exemples d’États membres dans lesquels la semaine de quatre jours existe, toutes formules confondues, sont assez abondants. Ils ne peuvent donc pas tous être évoqués ici. Seuls le sont ceux que les rapporteurs ont jugé pertinent de mettre en exergue ([27]).
● En Allemagne
La convention collective applicable aux entreprises de médias ouvre la possibilité d’instituer une semaine de travail de trente-deux heures réparties sur quatre jours, sans que cela n’emporte une baisse de la rémunération des salariés. Un modèle que le syndicat IG Metall souhaiterait importer dans le secteur de la sidérurgie, qui emploie environ 70 000 personnes ([28]).
Par ailleurs, la semaine de quatre jours a été mise en œuvre, à titre expérimental, par quelques collectivités publiques et, à compter de février 2024, par quarante‑cinq sociétés investies dans un projet accompagné par l’association 4 Day Week Global.
● En Belgique
Le cadre juridique a évolué avec la loi du 3 octobre 2022 ([29]) pour permettre aux salariés de travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq, sans réduction concomitante du temps de travail, à moins que l’employeur refuse – de façon motivée – d’y consentir.
Il est trop tôt pour évaluer pleinement les conséquences de la réforme. Mais il apparaît d’ores et déjà qu’elle ne fait pas l’unanimité. Une étude de l’Université catholique de Louvain révèle que la majorité des Belges privilégie une répartition de l’activité sur une semaine complète afin que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ne soit pas altéré.
● En Espagne
Des collectivités publiques, d’une part, et deux cents entreprises du secteur secondaire de moins de deux cent cinquante salariés, d’autre part, ont testé, avec le soutien financier de l’État pour ces dernières, la répartition de la durée du travail sur quatre jours. À ce stade, le bilan de ces essais semble mitigé ([30]).
Avant cela, le dispositif existait dans de grandes entreprises intervenant dans les domaines des communications (Telefónica) ou de la mode (Desigual).
● En Italie
Les initiatives en faveur de ce mode d’organisation de l’activité sont rares et cantonnées à la sphère économique privée. Fait notable, le principal groupe bancaire de la péninsule (Intesa Sanpaolo) l’a institué par accord collectif au début de l’année 2023.
● Au Portugal
Entre les mois de juin et décembre 2023, une quarantaine de sociétés relevant principalement des secteurs du conseil, de la science et des technologies mais aussi de la communication a participé à un projet pilote sur la semaine de quatre jours, soutenu par les pouvoirs publics ([31]), conçu autour de trois principes : la diminution du temps de travail hebdomadaire, négociée entre l’employeur et les collaborateurs (à hauteur de 13,5 % environ en moyenne ([32])), le maintien de la rémunération et la stabilité de la productivité (modèle baptisé « 100 : 80 : 100 »).
Le test a produit de bons résultats.
Plus de huit sociétés sur dix ont vu leur chiffre d’affaires croître et près des trois-quarts leurs bénéfices augmenter (de 12 % en moyenne) d’une année sur l’autre ([33]). De leur côté, les salariés y ont gagné sur le plan de la qualité des conditions de travail, la prévalence de la fatigue en fin de journée ou de l’épuisement lié à l’activité professionnelle étant moindre durant la phase expérimentale, et de la conciliation entre les différents temps de vie ([34]). En définitive, l’adoption d’un nouveau rythme de travail s’est avérée bénéfique pour leur santé mentale et physique ([35]).
Les conséquences de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours
sur l’état de forme des travailleurs
En %
Ce que les travailleurs disent ressentir la moitié du temps, souvent ou toujours |
Avant le projet pilote |
Pendant le projet pilote |
Fatigue à la fin de la journée de travail |
71 |
47 |
Épuisement dû au travail |
39 |
24 |
Avoir de l’énergie pour la famille et les amis |
61 |
80 |
Source : Pedro Gomes, Rita Fontinha, Semaine de quatre jours – Résultats du projet pilote portugais – Infographie et résumé exécutif, juillet 2024, p. 5.
Les conséquences de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours
sur la santé mentale des travailleurs
En %
Part des travailleurs qui présentent ce symptôme tous les jours ou une ou deux fois par semaine |
Avant le projet pilote |
Pendant le projet pilote |
Anxiété |
42 |
27 |
Fatigue |
64 |
42 |
Insomnie ou problèmes de sommeil |
37 |
30 |
Découragement ou dépression |
27 |
16 |
Tension |
39 |
25 |
Sentiment d’isolement |
13 |
7 |
Source : Pedro Gomes, Rita Fontinha, op. cit., p. 5.
Ces résultats expliquent que 93 % des travailleurs aient souhaité poursuivre l’aventure au terme du projet ([36]) et que 80 % des structures aient fait le choix de conserver une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours ([37]).
*
Il est évidemment compliqué de disposer du nombre exact d’individus qui, dans l’Union européenne, travaillent moins de cinq jours par semaine. Si l’on se fie aux informations contenues dans l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’articulation des temps de vie professionnel et personnel, il apparaît qu’ils seraient environ 8 % et que, parmi eux, 40 % travailleraient entre vingt et une et trente-quatre heures, 30 % entre trente-cinq et quarante heures et 15 % entre quarante et quarante-huit heures ([38]) ([39]).
Jusqu’à ce jour, c’est sans doute l’expérimentation conduite au Royaume‑Uni entre juin et décembre 2022 qui a reçu le plus grand écho médiatique en Europe. Soixante et une entreprises employant près de trois mille personnes dans de nombreux pans de l’économie, accompagnées par plusieurs organismes, dont l’association 4 Day Week Global, y ont participé. Le dispositif, bâti autour du triptyque « 100 : 80 : 100 » susmentionné – 100 % de la rémunération pour 80 % du temps de travail en échange du maintien de 100 % de la productivité –, a rencontré un réel succès.
92 % des entreprises, dans lesquelles la durée du travail est passée de trente‑huit à trente-quatre heures par semaine en moyenne ([40]), ont souhaité le maintenir en vigueur, à titre permanent pour le tiers d’entre elles, eu égard à leurs performances économiques satisfaisantes ([41]).
Quel avenir pour la semaine de quatre jours
dans les entreprises après l’expérimentation ?
Note : S4J : semaine de 4 jours.
Source : Autonomy, The results are in: the UK’s four-day week pilot, février 2023, p. 27.
Pour les salariés, sa mise en place a généré quantité d’effets positifs, entre baisse du stress (chez 39 % d’entre eux), de l’épuisement professionnel (chez 71 % d’entre eux) et accroissement concomitant de la satisfaction au travail (pour 48 % d’entre eux) ([42]), entre amoindrissement de la fatigue (chez 46 % d’entre eux) ou des troubles du sommeil (chez 40 % d’entre eux) ([43]), amélioration de la santé mentale (chez 43 % d’entre eux) et physique (chez 37 % d’entre eux) ([44]) et facilitation de la conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales (pour 60 % d’entre eux) ([45]).
La mesure a toutefois provoqué une intensification du rythme de travail pour une part non négligeable des salariés (62 %) ([46]).
Malgré cela, les taux d’absentéisme et de démission, dans un contexte pourtant marqué par la prégnance du second phénomène, ont chuté respectivement de 65 % et 57 % ([47]).
poursuivre ou non l’expérimentation d’une semaine
de travail de quatre jours : le point de vue des salariés
Source : Autonomy, op. cit., p. 27.
La réflexion autour de l’instauration d’une semaine de travail écourtée n’est pas une spécificité européenne, pas plus que le lancement d’initiatives allant dans ce sens. Dans beaucoup de pays situés sur différents continents, entreprises privées ou collectivités publiques testent ou pratiquent de façon permanente de nouveaux modes d’organisation de l’activité.
C’est le cas en Islande, où la semaine de quatre jours et demi – accompagnée d’une diminution de la durée du travail hebdomadaire – a connu une première application réussie dans le secteur public à Reykjavik dès 2015 puis un déploiement au profit de l’ensemble des agents de la ville en 2021 ([48]) en même temps (ou presque) que des dispositifs équivalents étaient proposés aux salariés. Si bien que, en juin 2021, 86 % des actifs avaient bénéficié d’une réduction de leur temps de travail (trente-cinq ou trente-six heures par semaine dans le secteur privé, trente-six heures dans le secteur public contre quarante heures auparavant ([49])) ou y étaient éligibles grâce aux accords collectifs conclus à compter de 2019 ([50]).
C’est le cas en Nouvelle-Zélande, où la semaine de quatre jours, présentée par l’ancienne Première ministre comme un remède à la crise économique consécutive à la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19 ([51]), est désormais la norme dans quelques dizaines de sociétés et une formule dont près des deux tiers de la population soutiendraient la généralisation ([52]).
C’est aussi le cas en Australie, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs.
Il est difficile de connaître précisément le bilan détaillé de chacune des expériences conduites aux quatre coins du monde. Des informations disponibles, il ressort qu’elles ont, dans l’ensemble, donné satisfaction aux employeurs comme aux salariés : productivité améliorée, bien-être au travail renforcé, conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée facilitée, etc.
Mais cela ne saurait signifier que les solutions imaginées soient sans faille ou ne soulèvent aucune interrogation. Ni qu’elles pourraient être déployées plus largement avec la garantie du succès. Ce qui fonctionne dans une entreprise ne fonctionne pas toujours dans une autre, quand bien même l’activité serait similaire. Et ce qui réussit dans un pays peut naturellement échouer dans un autre, y compris voisin, en raison du nombre et de la complexité des paramètres qui entrent en ligne de compte. Une évidence rappelée en ces termes par le Conseil économique, social et environnemental dans son avis déjà cité : « Les évolutions contemporaines affectant les temps et lieux du travail, observables partout en Europe, comme le développement des possibilités de travail à distance ou les expérimentations de rythmes de travail alternatifs (dans la semaine ou la journée), s’inscrivent dans des environnements culturels et juridiques assez divers et peuvent être vécues différemment selon les pays. » ([53])
*
Les résultats des initiatives lancées à l’étranger, prometteurs ou décevants, doivent donc être appréhendés avec prudence, les données et le recul temporel étant limités, et les conclusions qui peuvent en être tirées doivent autant que possible être mesurées.
II. instituer la semaine de travail de quatre jours, une faculté ouverte depuis un moment aux organisations privées et publiques
Il est indéniable que la semaine de quatre jours occupe une place importante dans la réflexion du moment sur la transformation du travail. Pour autant, elle n’est ni un sujet, ni un objet nouveau en France. Déjà, à la fin des années soixante-dix, le législateur lui conférait une assise légale ([54]), formellement abrogée peu après il est vrai ([55]), preuve qu’elle comptait parmi les préoccupations de nos prédécesseurs. Et déjà, à cette époque, les entreprises pouvaient l’instituer par voie d’accord collectif.
Naturellement, la donne normative a évolué avec le temps et la législation, entendue dans son acception la plus large, est sans doute plus riche aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Toujours est-il qu’il est bon de se souvenir qu’elle est le produit d’une histoire ancienne, pas d’un mouvement récent que la pandémie de covid-19 aurait fait naître ex nihilo.
A. dans le secteur privé, entre possibilités théoriques et réalité pratique
À l’heure actuelle, aucune disposition n’encadre, dans la loi, la répartition de la durée du travail sur les jours de la semaine. On le sait, cela ne signifie nullement qu’une répartition sur quatre jours soit inenvisageable. Il se trouve même qu’une telle répartition peut procéder de différents fondements juridiques, à tel point qu’il n’est pas exagéré de considérer que l’état du droit souffre en la matière d’un léger manque de lisibilité.
1. Un bref état des lieux du cadre juridique
Bien maîtriser les règles qui régissent la mise en œuvre de la semaine de quatre jours est moins évident qu’il n’y paraît. Il importe donc de faire montre de la plus grande pédagogie. C’est pourquoi ces règles sont présentées aussi synthétiquement et, il faut l’espérer, clairement que possible.
En premier lieu, il est prévu, à l’article L. 3121‑67 du code du travail, que des décrets en Conseil d’État peuvent fixer, pour l’ensemble des branches d’activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière, les prescriptions touchant à la répartition et l’aménagement des horaires de travail.
Dans les faits, peu de textes ouvrent aux entreprises relevant de secteurs donnés la possibilité de procéder à une modulation du rythme de travail hebdomadaire sur un nombre de jours inférieur à cinq. Néanmoins, c’est le cas notamment :
– du décret relatif à la durée du travail dans les établissements de banque, de finance, de crédit, d’épargne et de change ([56]), dont l’article 2 autorise, lorsque la durée du travail n’excède pas trente-neuf heures par semaine, la répartition de la durée du travail sur quatre jours moyennant la conclusion d’une convention ou d’un accord de branche étendu ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, en l’absence d’accord, moyennant l’absence d’opposition des représentants du personnel et l’information préalable de l’inspection du travail ;
– du décret relatif aux modalités d’application du code du travail concernant la durée du travail du personnel des entreprises assurant la restauration ou l’exploitation des places couchées dans les trains ([57]), dont les articles 13 et 18 limitent les séquences de travail à quatre jours consécutifs dans des situations précises ;
– des articles R. 3312-5 et R. 3312-38 du code des transports ([58]), qui indiquent que la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, dans le premier cas, de marchandises, dans le second cas, peut être répartie sur moins de cinq jours avec l’accord du comité social et économique (CSE) ou, lorsque les structures n’en sont pas dotées, avec l’accord de l’inspection du travail ;
– des articles R. 4511-17 et D. 4511-20 du même code ([59]), qui prévoient que la répartition de la durée du travail hebdomadaire des salariés des entreprises de navigation intérieure transportant des marchandises, pour le premier, des personnes, pour le second, peut être organisée sur un nombre de jours inférieur à cinq à la condition que les représentants du personnel donnent leur accord ou, en l’absence de tels représentants, que l’inspection du travail y consente.
En deuxième lieu, il est établi, à l’article L. 3121-68 du code du travail, qui trouve son origine dans l’ancien article L. 212-2 de ce code, qu’il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement aux dispositions des décrets prévus à l’article L. 3121-67 qui portent sur l’aménagement et la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine.
L’ancien article L. 212-2 du code du travail dans sa rédaction résultant
de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative
à la durée du travail et aux congés payés
« Des décrets en conseil des ministres déterminent les modalités d’application de l’article précédent pour l’ensemble des branches d’activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière. Les décrets fixent notamment l’aménagement et la répartition des horaires de travail, les dérogations permanentes ou temporaires applicables dans certains cas et pour certains emplois, les modalités de récupération des heures de travail perdues et les mesures de contrôle de ces diverses dispositions.
« Ces décrets sont pris et révisés après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées et au vu, le cas échéant, des résultats des négociations intervenues entre ces dernières.
« Il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendu ou par accord collectif d’entreprise ou d’établissement à celles des dispositions de ces décrets qui sont relatives à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail, ainsi qu’à la récupération des heures de travail perdues.
« En cas de dénonciation ou de non-renouvellement de ces conventions ou accords collectifs, les dispositions de ces décrets auxquelles il avait été dérogé redeviennent applicables. »
Pour leur part, les sociétés relevant d’un secteur pour lequel aucun décret n’a été pris sur le fondement de l’article L. 3121‑67 ont le loisir de mettre en place la semaine de quatre jours par accord collectif ou sur décision unilatérale de l’employeur soumise à la consultation du CSE ([60]) ([61]).
En troisième et dernier lieu, il est admis par une partie de la doctrine que demeure applicable l’ancien article L. 212-2-1 du code du travail ([62]), dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 16 janvier 1982 ([63]) ([64]), qui permettait à l’employeur, sauf stipulation contraire résultant d’une convention collective et par dérogation aux prescriptions réglementaires, de décider unilatéralement la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours ouvrables ou quatre jours et demi, sous réserve que les représentants du personnel émettent un avis conforme et que l’inspection du travail en soit avertie ([65]).
Toutefois, ces dispositions ne valent que pour les entreprises appartenant à des secteurs, peu nombreux en réalité ([66]), pour lesquels un décret d’application de la loi du 21 juin 1936 ([67]), qui a instauré la semaine de travail de quarante heures, a été pris. Elles ne valent, au surplus, que pour les structures disposant d’un CSE, soit celles qui comptent au moins onze salariés ([68]).
L’ancien article L. 212-2-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure
à l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative
à la durée du travail et aux congés payés
« Sous réserve des articles L. 212-9 et L. 212-13 et sauf stipulation contraire résultant d’une convention collective, lorsque la durée hebdomadaire du travail n’excède pas quarante heures, les employeurs peuvent, sur avis conforme du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et après en avoir informé l’inspecteur du travail et de l’emploi, déroger aux dispositions des décrets pris en application de l’article L. 212-2 en répartissant la durée hebdomadaire, soit sur quatre jours ouvrables, la répartition journalière devant alors être égale, soit sur quatre jours et demi. »
Cette présentation de l’état du droit n’est pas dénuée d’intérêt pour celui ou celle qui s’intéresse de près au sujet dont le présent rapport fait l’examen. Mais elle ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel : dans la plupart des situations, c’est par accord d’entreprise qu’est établie la modulation du rythme de travail hebdomadaire. Un constat fait par les rapporteurs, aucun exemple contraire n’ayant été porté à leur connaissance, et confirmé par la DGT. Hélas, il n’est guère possible d’entrer davantage dans le détail, faute de donnée chiffrée disponible.
Ce que l’on peut préciser, par ailleurs, c’est qu’il existe des conventions de branche dans lesquelles figurent des stipulations sur la répartition de la durée du travail sur moins de cinq jours ([69]). C’est le cas notamment :
– de l’accord du 4 janvier 1999 sur la réduction du temps de travail attaché à la convention collective nationale de travail du personnel des banques mise à jour au 1er juin 1975 ;
Article 2.2.4 [Mise en place de la réduction du temps de travail]
de l’accord du 4 janvier 1999 (étendu) (extraits)
« La répartition du temps de travail du salarié peut se faire sur la base :
« - d’une semaine de 5 jours ouvrés ;
« - d’une semaine de 4 jours et demi ouvrés ;
« - d’une semaine de 4 jours ouvrés (cf. art. 2.2.4 bis) ;
« - ou selon un autre mode d’organisation du travail. »
*
Article 2.2.4 bis [Semaine de 4 jours]
de l’accord du 4 janvier 1999 (étendu) (extraits)
« Les signataires du présent accord précisent qu’un mode d’organisation comprenant des semaines de 4 jours sera tout particulièrement examiné et sera envisagé chaque fois qu’une telle formule répondra aux souhaits des salariés et sera compatible avec les besoins de l’entreprise.
« Ce type d’organisation pourra être mis en œuvre, notamment par l’utilisation :
« - des jours supplémentaires de repos accordés par l’entreprise au titre de la réduction du temps de travail dans le cadre du présent article et, le cas échéant, par voie d’accord ;
« - d’une partie des 9 jours de repos à la disposition du salarié visés à l’article 2.1.2 ;
« - et des jours de repos prévus aux articles 3.2 et 3.3. »
– de l’accord du 14 janvier 1999 sur l’aménagement et la réduction du temps de travail attaché à la convention collective nationale des cadres, ingénieurs et assimilés des entreprises de gestion d’équipements thermiques et de climatisation du 3 mai 1983 ([70]) ;
Article 5 [Modulation du temps de travail]
de l’accord du 14 janvier 1999 (étendu) (extraits)
« Après consultation des institutions représentatives du personnel, d’autres modalités d’organisation du travail sont possibles au niveau des entreprises :
« - ainsi les entreprises pourront adopter un horaire hebdomadaire de 35 heures sur 4 ou 5 jours, par exemple : 39 heures une semaine et 31 heures la semaine suivante, sur 4 jours ;
« - ou bien les entreprises pourront adopter un horaire de 36 heures par semaine sur 4 jours et les salariés bénéficieront de 6 jours ouvrés de repos rémunérés par an, dont les modalités de prise seront fixées au niveau de l’entreprise ;
« - ou bien l’horaire pourrait aussi être de 39 heures par semaine sur 5 jours, le dépassement de la durée conventionnelle du travail étant remplacé par des jours ouvrés de repos rémunérés, dont les modalités de prise seront fixées au niveau de l’entreprise. »
*
Article 12 [Temps de travail des cadres]
de l’accord du 14 janvier 1999 (étendu) (extraits)
« Pour ce qui concerne les contreparties en temps libre, on peut envisager pour les cadres diverses solutions, par exemple :
« - semaine de 4 jours : considérant le nombre important actuel d’heures de travail de l’encadrement, dû notamment aux déplacements, on peut envisager la semaine de 4 jours pour certaines catégories de cadres ;
« - alternance de semaines de 4 jours et 5 jours : toujours dans le même esprit, mais afin de lisser la présence de l’encadrement quand cela est nécessaire, il peut être envisagé ce mode d’organisation, sans que cela entraîne de dépassement d’horaires ;
« - il est également possible que la diminution de l’horaire se fasse par l’attribution annuelle de jours de congé supplémentaires, dont le nombre sera fixé au niveau de chaque entreprise. »
– de l’accord du 31 août 1999 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail attaché à la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972 ([71]) ;
Article 5.1 [Modalités de la réduction de la durée légale du travail]
de l’accord du 31 août 1999 (étendu) (extraits)
« La répartition du temps de travail pourra se faire, par exemple, sur la base :
« - d’une semaine de 5 jours ;
« - d’une semaine de 4,5 jours ;
« - d’une semaine de 4 jours ;
« - ou selon un autre mode d’organisation du travail. »
*
Article 10.1 [Forfait annuel sur la base d’une référence horaire]
de l’accord du 31 août 1999 (étendu) (extraits)
« La répartition du temps de travail pourra se faire, par exemple, sur la base :
« - d’une semaine de 5 jours ;
« - d’une semaine de 4,5 jours ;
« - d’une semaine de 4 jours ;
« - ou selon un autre mode d’organisation du travail. »
– de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ([72]) ;
Préambule du titre V [Durée et organisation du temps de travail] (étendu) (extraits)
« Les dispositions du présent titre intègrent l’attention à la prise en compte des obligations familiales des salariés. Les entreprises sont incitées à rechercher des modes d’organisation du travail répondant aux aspirations des salariés (par exemple semaine de 4 jours) tout en permettant de développer les services attendus par les clients. »
*
Article 5.2.2 [Organisation hebdomadaire du temps de travail] (étendu)
(extraits)
« Le travail individuel ou des équipes pourra notamment être organisé sur une durée inférieure à 5 jours, sous réserve que la durée quotidienne du travail effectif de chaque salarié n’excède pas 10 heures et que le temps de repos par période de 24 heures ne soit pas inférieur à 12 heures consécutives, sauf dérogations prévues par la loi ou en cas de réalisation des inventaires comptables entraînant un surcroît d’activité, dans la limite de deux par an, ou de travaux urgents dont l’exécution immédiate est requise afin de prévenir des accidents ou organiser des mesures de sauvetage. »
– de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 ([73]) ;
Article 5.1.4.1.1 [Repos hebdomadaire et travail dominical – Le principe]
(non étendu) (extraits)
« La durée hebdomadaire du travail peut être répartie de manière inégale entre les jours de la semaine. Elle peut être organisée sur 4 jours pour les salariés à temps complet.
« Le travail par cycle peut être organisé sur la base suivante : 70 heures par cycle de 2 semaines réparties sur une semaine de 4 jours et une semaine de 5 jours. »
– de l’accord du 28 juin 2023 relatif à la réduction du temps de travail attaché à la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010 ([74]).
Article 4.2 [Aménagement du temps de travail] de l’accord
du 28 juin 2023 (non étendu) (extraits)
« Le temps de travail peut être réparti sur la base d’une semaine de 4 jours, 4,5 jours, 5 jours ou tout autre mode d’organisation résultant d’un accord d’entreprise. »
3. Quelques règles à respecter
L’aménagement du temps de travail à l’intérieur de la semaine, indépendamment de la solution retenue, ne peut se faire que dans le respect des règles relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire du travail édictées par la loi et soumises aux exigences du droit européen ([75]).
● Premièrement, un salarié ne peut pas travailler plus de dix heures par jour ([76]). Toutefois, le code du travail admet qu’il soit dérogé à ce principe dans les situations prévues à l’article L. 3121-18, à savoir :
– sur autorisation de l’inspecteur du travail, « en cas de surcroît temporaire d’activité » ([77]) ;
– par accord collectif ([78]), « en cas d’accroissement de l’activité ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise », sous réserve que cela n’ait pas pour effet de porter la durée du travail au-delà de douze heures ([79]) ;
– en cas d’urgence ([80]).
● Deuxièmement, il ne peut pas travailler plus de quarante-huit heures par semaine, en application de l’article L. 3121-20 du même code, sauf « [e]n cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci », sur autorisation de l’administration, sans que cela ne puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures ([81]).
En outre, il ne peut pas travailler plus de quarante-quatre heures par semaine au cours d’une période quelconque de douze semaines consécutives, en application de l’article L. 3121-22. Cette durée peut cependant être fixée à quarante-six heures au plus par accord collectif ([82]) ([83]) ou sur autorisation de l’administration ([84]).
À titre exceptionnel, il peut être dérogé à la durée de quarante-six heures, pendant des périodes déterminées, « dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises », sur autorisation administrative là encore ([85]).
● Troisièmement, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, conformément à l’article L. 3121-16 dudit code, et d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, conformément à l’article L. 3131-1 du même code.
Il peut être dérogé à la seconde disposition :
– sur décision de l’employeur, moyennant information de l’inspection du travail, « en cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire » pour organiser des mesures de sauvetage ou prévenir des accidents imminents ([86]), entre autres ;
– par accord collectif ([87]), par exemple lorsque sont en cause « des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées », sous réserve que cela n’ait pas pour effet de réduire la durée du repos en deçà de neuf heures ([88]) ;
– à défaut d’accord et « en cas de surcroît exceptionnel d’activité », dans des conditions définies par voie réglementaire ([89]).
B. dans la fonction publique, une solution praticable selon des modalités variées
Répartir la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours n’est pas l’apanage des entreprises privées. Cela est aussi possible dans la fonction publique, selon des mécanismes propres à chacun de ses versants, ainsi qu’il est évoqué plus haut ([90]) et précisé dans les développements qui suivent.
1. Un bref état des lieux du cadre juridique
● L’article L. 611-1 du code général de la fonction publique énonce deux règles importantes.
D’abord, celle en vertu de laquelle la durée du travail effectif des agents de l’État est identique à celle des salariés, établie à trente-cinq heures par semaine ([91]), sans préjudice des dispositions statutaires fixant les obligations de service pour les personnels enseignants et de la recherche.
Ensuite, celle en vertu de laquelle le décompte du temps de travail est effectué sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
L’article 4 du décret du 25 août 2000 ([92]) indique que le travail est organisé en cycles et que ceux-ci sont définis par des arrêtés ministériels pris après avis des comités sociaux d’administration ministériels compétents. Il ajoute que ces mêmes arrêtés déterminent en particulier la durée des cycles, les bornes quotidiennes et hebdomadaires, les modalités de repos et de pause.
Ce sont donc ces arrêtés qui sont susceptibles de permettre l’instauration, sous une forme ou sous une autre, de la semaine en quatre jours dans les services ([93]). Un mode d’organisation du travail auquel plusieurs d’entre eux font effectivement référence, notamment :
– l’arrêté du 18 octobre 2001 relatif aux cycles de travail au ministère de l’agriculture et de la pêche ([94]) ;
– l’arrêté du 31 décembre 2001 relatif aux cycles de travail au ministère de la défense ;
L’article 3 de l’arrêté du 31 décembre 2001
« Le cycle de travail de référence applicable dans les établissements et services du ministère de la défense est un cycle hebdomadaire :
« Sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, le temps de travail est fixé pour une durée hebdomadaire moyenne de 38 heures réparties sur cinq jours, à raison d’une durée quotidienne de travail de 7 heures 36 minutes.
« Ce cycle de travail de référence peut être aménagé, le cas échéant, sur quatre jours et demi, ce qui porte la durée quotidienne du travail à 8 heures 27 minutes pour une journée pleine. »
– l’arrêté du 4 février 2002 relatif aux cycles de travail dans certains établissements publics du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ([95]) ;
– l’arrêté du 19 novembre 2002 relatif à l’organisation du temps de travail des personnels techniques de la direction générale de l’aviation civile assurant leurs missions dans les organismes de maintenance et d’exploitation, à l’exclusion de ceux assurant un service du contrôle, de ceux assurant un service de coordination dans les détachements civils de coordination et de ceux qui sont assujettis aux horaires de bureau ;
L’article 10 de l’arrêté du 19 novembre 2002
« En application de l’article 6 de l’arrêté du 12 septembre 2001 susvisé, le décompte du temps de travail des ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne travaillant en horaires programmés est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures.
« Les cycles de travail correspondants sont établis sur la base d’une durée hebdomadaire de travail de 36 heures réparties sur quatre jours de travail et comportant l’exécution complémentaire de travaux ponctuels de maintenance programmés en fonction des besoins du service selon les modalités définies à l’article 14.
« Au-delà des droits à congés annuels, les personnels assujettis à ce type d’horaire bénéficient de quatre jours de repos intitulés jours d’aménagement et de réduction du temps de travail pris dans des conditions fixées par une instruction du directeur de la navigation aérienne.
« Les dispositions prévues au présent article s’appliquent également aux ouvriers de l’État de l’aviation civile assurant la maintenance des systèmes de la sécurité aérienne, travaillant en horaires programmés. »
– l’arrêté du 25 novembre 2002 relatif aux cycles de travail à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ([96]) ;
– l’arrêté du 23 février 2010 pris pour l’application du décret n° 2000‑815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État, dans les services et certains établissements publics du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, travaillant selon des cycles hebdomadaires et non hebdomadaires ([97]) ;
– l’arrêté du 8 novembre 2017 relatif à l’organisation du temps de travail dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et dans les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ([98]) ;
– l’arrêté du 8 juillet 2024 relatif à l’organisation du temps de travail des personnels de la direction générale de l’aviation civile assurant le service du contrôle dans les organismes de contrôle de la circulation aérienne et des instructeurs de formation pratique au contrôle de l’École nationale de l’aviation civile.
L’article 33 de l’arrêté du 8 juillet 2024
« Hors situation particulière telle qu’une contrainte de programmation ou de planification, une programmation de visites, de stages particuliers ou d’évaluations nécessitant la présence d’un instructeur sur plus de quatre jours, le cycle de travail hebdomadaire est organisé sur quatre jours entiers glissants. Le nombre de demi-journées de débordement donne droit au nombre équivalent de demi-journées de récupération. »
● L’article L. 611-2 du code général de la fonction publique dispose que les règles relatives à la définition, la durée et l’aménagement du temps de travail des agents territoriaux sont déterminées par la collectivité ou l’établissement, dans les limites applicables aux agents de l’État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par la structure.
Aux termes de l’article 4 du décret du 12 juillet 2001 ([99]), c’est à l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement qu’il appartient de décider, après avis du comité social territorial compétent, les conditions de mise en place des cycles de travail.
C’est sur le fondement de cette procédure que la métropole de Lyon ou l’Eurométropole de Strasbourg, pour ne citer qu’elles, ont ouvert la voie à la confection dans les services de formules de travail réparti sur quatre jours (ou quatre jours et demi) plutôt que cinq.
● L’article L. 611-3 du même code prévoit que la durée du travail des agents hospitaliers est fixée par référence à celle applicable aux agents de l’État et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir, selon des modalités analogues à celles applicables aux agents de l’État et aux agents territoriaux, les règles relatives à l’organisation du travail des agents hospitaliers.
Aux termes de l’article 8 du décret du 4 janvier 2002 ([100]), c’est au chef d’établissement qu’il revient de prendre les décisions portant sur l’aménagement et la répartition des horaires de travail, « après avis du comité social d’établissement ou du comité social et compte tenu de la nécessité d’assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit ».
Si la semaine en quatre jours est une réalité dans un petit nombre de structures, il n’en reste pas moins que beaucoup de professionnels intervenant dans les établissements de santé, d’une part, médico-sociaux, d’autre part, sont soumis à des horaires dérogatoires qui rendent compliqué voire impossible l’aménagement de leur activité suivant ce schéma.
2. Quelques règles à respecter
À l’instar de la situation qui prévaut dans le secteur privé, l’organisation du travail dans la fonction publique doit être définie dans le respect des garanties que les textes accordent aux agents. En ce qui concerne les agents de l’État, elles sont énumérées au I de l’article 3 du décret du 25 août 2000 ([101]). Ainsi, et pour l’essentiel :
– la durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures ;
– la durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d’une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives ;
– le repos quotidien ne peut être inférieur à onze heures ;
– le repos hebdomadaire, qui comprend en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures ;
– aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
Il peut être dérogé à ces dispositions en vertu du II de l’article 3 précité, lorsque l’objet même du service public en cause l’exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, ou lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient.
III. observer et évaluer la mise en œuvre de la semaine de travail de quatre jours : des solutions déployées sur le terrain aux conséquences pour les organisations et les personnels
Les éléments de contexte évoqués, le cadre juridique exposé, il y a maintenant lieu de se pencher sur les aspects concrets de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours.
Une remarque avant toute chose. Il est assez frappant de constater que les interrogations que soulève aujourd’hui le sujet dans notre pays ne sont pas tellement éloignées de celles qui l’entouraient hier. L’examen des débats consacrés au projet de loi relatif à la durée maximale hebdomadaire du travail, devenu la loi du 2 janvier 1979 ([102]), est, à cet égard, riche d’enseignements. On constatera que les observations formulées alors par les parlementaires conservent, près d’un demi‑siècle plus tard, une véritable part d’actualité. En témoigne l’analyse livrée à l’époque en ces termes par le sénateur et rapporteur du texte Robert Schwint :
« Les syndicats de salariés [ne] sont guère favorables [au dispositif]. Ils considèrent en effet que des durées de travail trop longues, compte tenu du temps de transport, sont néfastes à la santé et à la sécurité des travailleurs. Le risque d’accidents du travail ou de trajet est renforcé.
« Ces arguments ne sont pas sans valeur. Mais, sont-ils suffisants pour empêcher le législateur de permettre l’expérimentation de formules nouvelles lorsque, présentant un avantage pour l’organisation de la production, elles sont acceptées par les salariés ? L’employeur est fondé à rechercher une rentabilité meilleure de son équipement. Le personnel est en droit de préférer un allongement de la journée de travail moyennant trois jours consécutifs de repos.
« En outre, la mesure en cause, quoique novatrice, peut déjà être mise en œuvre par voie de convention collective, même si aucune, pour le moment, ne la prévoit. […]
« Enfin, il ne serait guère logique de refuser, au nom de la sécurité, quatre journées de dix heures alors que, avec les heures supplémentaires, la législation actuelle permet une semaine de travail de cinq journées de dix heures chacune. » ([103])
Difficile, à la lecture de ces lignes, de soutenir que l’analyse appartient entièrement au passé.
A. un mode de répartition de la durée du travail hebdomadaire à géométrie variable
La semaine de quatre jours n’obéit pas à un modèle unique d’organisation. Au contraire, et c’est ce qui fait son intérêt, elle peut être instituée sur la base de différentes formules conçues à partir des spécificités des entreprises et des caractéristiques des salariés.
Si, comme il est indiqué plus haut, le droit autorise qu’elle le soit par accord collectif ou sur décision unilatérale de l’employeur, les faits démontrent que c’est le premier scénario qui domine largement, à tel point que les exemples relevant du second scénario sont peu évidents à trouver.
1. La répartition de la durée du travail hebdomadaire
À titre liminaire, il faut préciser que la modification des modalités de répartition de la durée du travail hebdomadaire peut être proposée ou imposée aux travailleurs, chacun de ces schémas ayant ses défenseurs et ses détracteurs.
● Lorsque le volume horaire global de travail est maintenu, c’est-à-dire dans la plupart des situations, les accords prévoient classiquement une répartition de cette durée sur quatre jours à raison de :
– huit heures quarante-cinq minutes par jour, dès lors que la durée du travail est égale à trente-cinq heures ;
– neuf heures quarante-cinq minutes par jour, dès lors que la durée du travail est égale à trente-neuf heures.
Ils peuvent prévoir une répartition de la durée du travail sur quatre jours ou quatre jours et demi afin que les collaborateurs soient en mesure de retenir le système qui leur convient le mieux. Ce cas de figure est relativement fréquent.
Il arrive aussi que les accords proposent une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre ou cinq jours alternativement. Une méthode également pratiquée dans la fonction publique. Une métropole dont le président s’est exprimé devant les rapporteurs admet que ses agents travaillent successivement trente‑deux heures sur quatre jours et quarante heures sur cinq jours ([104]).
Exemples de stipulations relatives à la répartition de la durée du travail hebdomadaire contenues dans un accord collectif
Les salariés peuvent opter pour l’une des solutions suivantes :
● En cas de semaine de 4 jours et demi :
– 4 jours de travail de 8 heures 30 et une demi-journée de 3 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 37 heures ;
– 4 jours de travail de 9 heures et une demi-journée de 3 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 39 heures ;
– 4 jours de travail de 9 heures et une demi-journée de 4 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 40 heures.
● En cas de semaine de 4 jours :
– 3 jours de travail de 9 heures et une journée de 10 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 37 heures ;
– 3 jours de travail de 10 heures et une journée de 9 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 39 heures ;
– 4 jours de travail de 10 heures, dans le cas où la durée du travail est égale à 40 heures.
● Lorsque le volume horaire global de travail est réduit, les accords prévoient volontiers une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours à raison de huit heures par jour, soit trente-deux heures au total, sans diminution de la rémunération. C’est l’option privilégiée par plusieurs entreprises considérées comme des pionnières dans le passage à la semaine de quatre jours. Rien n’interdit toutefois que ce même volume soit réduit tout en demeurant supérieur à la durée légale, fixée à trente-cinq heures.
Exemples de stipulations relatives à la mise en œuvre de la semaine
de quatre jours accompagnée d’une réduction du temps
de travail contenues dans un accord collectif
« Article 3 – Les modalités d’organisation de la "semaine de travail sur 4 jours"
« 3-1- La "semaine de travail sur 4 jours"
« La durée du travail des salariés sera désormais répartie sur 4 jours, et non plus sur 5. Cette nouvelle organisation se traduit par une réduction de la durée du travail, dans les conditions et selon les modalités ci-après définies :
« 3-1.1. Pour les non-Cadres
« La durée hebdomadaire de travail effectif est fixée à 32 heures, réparties sur 4 jours, soit 138,67 heures par mois.
« La durée du travail quotidienne est fixée à 8 heures.
« Le jour non travaillé hebdomadaire sera déterminé selon les modalités ci-après définies à l’article 3.2.
« […]. »
semaine de quatre jours et durée du travail hebdomadaire
Type d’accords |
Nombre d’accords |
% |
Sans baisse de la durée du travail, ni de la rémunération |
133 |
89 |
Avec réduction de la durée du travail et de la rémunération (temps partiel) |
2 |
1 |
Avec réduction de la durée du travail et sans perte de rémunération
Avec une durée supérieure ou égale à 35 h par semaine Avec une durée inférieure à 35 h par semaine |
15
8 7 |
10
5 5 |
Total |
150 |
100 |
Lecture : 133 accords d’entreprise (sur les 150 recensés pour l’année 2023) organisant la semaine de 4 jours ne proposent ni une réduction de la durée du travail, ni une baisse de la rémunération.
Source : Pauline Grimaud, La semaine de 4 jours : travailler moins tout en travaillant… plus ?, Centre d’études de l’emploi et du travail, Connaissance de l’emploi, n° 199, septembre 2024, p. 3.
2. Le choix du jour non travaillé
Là non plus, il n’y a pas de formule toute faite. Le jour non travaillé est tantôt fixe, tantôt fluctuant. Il est parfois imposé aux salariés, de sorte que soit garantie une présence continue auprès du public s’il y a lieu, parfois choisi par eux, avec une marge de manœuvre plus ou moins grande. Difficile, en effet, de concevoir que les locaux soient déserts le mercredi ou le vendredi… D’autres approches peuvent encore être retenues. Dans une société spécialisée dans la vente de matériel informatique, le choix du jour non travaillé est, une semaine sur deux, arrêté par l’employeur ou laissé à l’appréciation des employés.
En résumé, tout, ou presque, est envisageable pourvu que l’organisation de l’activité ne soit pas affectée.
Exemples de stipulations relatives à la fixation du jour non travaillé
contenues dans un accord collectif
« Article 2 – Les modalités d’organisation de la "semaine de travail sur 4 jours"
« 2-1. La "semaine de travail sur 4 jours"
« […]
« Concernant la détermination du jour hebdomadaire non travaillé, il est précisé que la présence de tous est obligatoire le mardi et le jeudi. Le jour non travaillé hebdomadaire pourra donc être fixé au lundi, mercredi ou vendredi.
« Le jour hebdomadaire non travaillé sera fixé par la Direction (après recueil des souhaits de chaque collaborateur) et communiqué aux personnes concernées lors d’un entretien individuel.
« Le choix de ce jour non travaillé devra être strictement compatible avec l’organisation de l’activité.
« Ce jour pourra être modifié de manière unilatérale par la Direction après information des salariés en fonction des besoins de l’activité en respectant un délai de prévenance de 15 jours calendaires.
« Il est précisé que le jour non travaillé tombant un jour férié, ne fait l’objet d’aucune récupération sur un autre jour.
« De même, ce jour non travaillé ne pourra pas être fractionnable.
« […]. »
3. Les personnels inclus dans le champ d’application du dispositif
Pas plus que dans les précédents, il n’existe dans ce registre de règle intangible. Les solutions dessinées par les accords varient avec les particularités des structures et des métiers en leur sein.
● Dans certaines d’entre elles, la possibilité de travailler moins de cinq jours est ouverte à l’ensemble des personnels alors que, dans d’autres, elle n’est accessible qu’à une partie des équipes (découpage par unité de travail ou catégorie professionnelle), pour des motifs tenant couramment à la nature des activités exercées. Toutes ne s’y prêtent effectivement pas de la même manière, ainsi que l’ont concédé plusieurs chefs d’entreprise. Par ailleurs, elle peut être ouverte ou non aux intérimaires, aux titulaires de contrats d’apprentissage et de professionnalisation ou aux stagiaires. De façon générale, il n’est pas rare que la semaine de quatre jours soit expérimentée par quelques catégories de salariés dans un premier temps puis proposée à un panel plus étendu de travailleurs dans un second temps, si les résultats sont jugés satisfaisants.
Dans les collectivités territoriales, les agents soumis à des sujétions particulières, qui se traduisent par un rythme de travail spécifique (usines d’incinération, stations d’épuration, etc.), n’y ont pas forcément accès, à tout le moins dans l’immédiat. Mais les choses ne sont pas figées et les agents concernés par ce type de sujétions peuvent avoir vocation à travailler quatre jours par semaine à terme. C’est le message que les représentants d’une métropole ont porté devant les rapporteurs.
● La question du sort qu’il convient de réserver aux salariés ayant conclu une convention de forfait en jours, à laquelle aucun texte n’apporte de réponse, suscite des débats et des désaccords parmi les employeurs, les partenaires sociaux et les observateurs. D’un côté, il y a ceux qui estiment, au nom du principe d’égalité de traitement, qu’il n’y a guère de raison d’exclure ces salariés de l’application du dispositif. D’un autre côté, il y a ceux qui considèrent qu’il est sinon infaisable, du moins délicat de les rendre éligibles à une mesure susceptible d’emporter de sérieuses conséquences sur le plan de la durée quotidienne du travail, laquelle pourrait devenir déraisonnablement élevée, mais aussi sur le plan organisationnel pour les sociétés. Toujours est-il qu’il y a des schémas qui paraissent fonctionner.
Exemples de stipulations relatives à l’inclusion des salariés soumis à un forfait annuel en jours dans le champ d’application du dispositif organisant
la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins
de cinq jours contenues dans un accord collectif
« 4.3 Dispositions applicables aux salariés soumis à un forfait annuel en jours
« La Direction souhaite également permettre l’accès au dispositif de flexibilité hebdomadaire aux salariés soumis à une convention de forfait de 218 jours par an.
« La charge de travail du salarié en forfait jours reste inchangée. S’il est volontaire, et que le projet/service sur lequel il est positionné le permet, il peut organiser différemment sa charge de travail quotidienne de façon à la répartir sur une semaine de 5 jours, de 4 jours et demi ou de 4 jours en deux demi-journées sur deux journées différentes au sein d’une même semaine, en fonction de ses contraintes personnelles et/ou obligations professionnelles.
« En effet, dans le cadre du présent dispositif, une ou deux demi-journées de flexibilité par semaine sont décomptées comme une demi ou une journée de travail effectif, bien qu’elles n’aient pas été effectivement travaillées, la charge de travail ayant été intégralement réalisée sur une période inférieure à 5 jours.
« En effet, et en cas d’utilisation des demi-journées de flexibilité, la charge de travail est effectuée sur un nombre de jours de la semaine inférieur à 5.
« Il est précisé que cette demi-journée (ou ces deux demi-journées) de flexibilité ne constituent pas une demi-journée (ou deux demi-journées) de repos au sens de l’Accord de Groupe relatif à l’aménagement du temps de travail et son Avenant et ne modifient pas le nombre de jours de travail annuel stipulé à la convention de forfait.
« Les dispositions relatives au décompte des jours des forfaits sur la base d’une ou de deux demi-journées restent en effet inchangées, le dispositif de flexibilité ayant pour objet de permettre au salarié qui y adhère de gagner plus de souplesse dans la manière dont il exécute ses tâches.
« Il est rappelé que la rémunération et la durée du travail, c’est-à-dire le nombre de jours de travail stipulé à la convention de forfait en jours, ainsi que le nombre de jours de congés sur l’année demeurent identiques.
« Le salarié éligible et volontaire a la possibilité de choisir une ou deux demi-journées au titre de la flexibilité chaque semaine, en fonction de ses contraintes personnelles et/ou obligations professionnelles. Ces deux demi-journées sont nécessairement réparties sur deux journées différentes d’une même semaine.
« Cette flexibilité dans l’organisation des missions n’a pas d’incidence sur les stipulations contenues dans l’Accord de Groupe relatif à l’aménagement du temps de travail et son Avenant. »
B. un changement organisationnel aux multiples conséquences
La mise en œuvre de la semaine de quatre jours engendre des conséquences de différentes sortes pour les entreprises, les salariés et, sur un plan plus global, l’économie et la société. Ces conséquences, très concrètes ou plus théoriques, ne sont ni nécessairement positives, ni nécessairement négatives. Tout est affaire d’appréciation au cas par cas, de nuance, si bien qu’il ne saurait être affirmé que le dispositif est bon ou mauvais en soi, gage de succès assuré ou facteur d’échec inéluctable pour les structures qui en font usage ([105]).
Analyse des conséquences de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours : attention à l’« effet Hawthorne » !
Ce biais bien connu en sociologie veut que les employés qui ont conscience qu’ils sont évalués dans le cadre d’une expérimentation ont tendance à adopter des comportements vertueux qui peuvent ne pas persister à moyen ou long terme.
Il a été identifié à l’occasion d’une enquête conduite entre 1924 et 1932 par les sociologues Elton Mayo, Fritz Roethlisberger et William Dickson dans l’usine Western Electric de Cicero (près de Chicago).
● La répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours peut emporter plusieurs types d’effets positifs pour les entreprises. Tel est le constat qui découle tant de l’analyse livrée par les interlocuteurs de la mission que de la littérature sur le sujet.
D’abord, le niveau de la production ne diminue pas, y compris lorsque la durée du travail est réduite. C’est ce que l’on observe à la fois en France, comme l’attestent les données transmises au ministère du travail par les sociétés qui se sont lancées dans l’aventure, et à l’étranger. Au Royaume-Uni, le chiffre d’affaires des entreprises incluses dans le périmètre de l’expérimentation qui s’est déroulée entre juin et décembre 2022 aurait progressé de 1,4 % en moyenne ([106]). Celui des entreprises installées au Canada, aux États-Unis et en Irlande ayant participé à un essai conduit entre février et juillet de la même année aurait crû de 8,1 % en moyenne ([107]).
Ensuite, la productivité des salariés reste stable, quand elle n’évolue pas à la hausse. Là encore, c’est ce que l’on observe à l’intérieur et au-delà des frontières hexagonales. Une hausse qui peut atteindre 40 % (chez Microsoft, au Japon) ([108]).
L’adoption de la semaine de quatre jours peut, en outre, constituer un levier d’attractivité et de fidélisation des personnels, jeunes en particulier, dans les secteurs économiques en tension au premier chef. « [Elle] peut offrir un avantage concurrentiel aux organisations qui ne peuvent être compétitives sur le plan salarial. » ([109])
Bien que l’argument soit fréquemment avancé, il n’est pas évident d’en vérifier la véracité. Mesurer avec précision l’impact d’un tel changement sur la force d’attraction des établissements et l’évolution des recrutements n’est pas une tâche facile. De même, tirer des enseignements généraux à propos de l’incidence du changement sur le renouvellement des effectifs demeure malaisé en raison de la rareté des chiffres et du faible recul disponibles, quoique plusieurs témoignages recueillis par les rapporteurs laissent penser qu’il diminue avec la refonte du rythme de travail.
Enfin, le passage à la semaine de quatre jours, lorsqu’il est accompagné d’un jour de fermeture supplémentaire, peut être une source d’économies pour les structures. Moins de dépenses énergétiques, c’est moins de dépenses tout court. Et, dans un contexte où celles-là pèsent lourd dans les budgets, cela n’a rien d’anecdotique.
● Ces effets ont beau être réels, ils ne sont pas les seuls à pouvoir résulter d’une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours, cette dernière pouvant sans conteste soulever des difficultés.
La première, souvent évoquée, tient à ce qu’elle implique, à des degrés divers, un aménagement des programmes de travail et une réorganisation des équipes (constitution de binômes ou de trinômes, gestion des rotations, etc.), qui peuvent s’avérer complexes et chronophages pour les encadrants.
La deuxième réside dans le fait qu’elle entraîne, à l’instar du télétravail, une perte de proximité entre collaborateurs potentiellement préjudiciable au partage d’informations et de connaissances ainsi qu’à la cohésion des collectifs. À cet égard, elle serait une nouvelle marque du processus d’individualisation du travail sur lequel ont insisté les économistes et les sociologues qui se sont exprimés devant la mission ([110]).
La troisième réside dans le fait qu’elle peut provoquer des tensions entre les travailleurs et générer de la frustration lorsqu’ils ne peuvent pas tous en bénéficier.
La quatrième tient à ce qu’elle peut conduire à une dégradation de la coordination avec les entités extérieures, particulièrement redoutée des très petites entreprises (TPE), dès lors que fournisseurs ou clients ne retiennent pas une organisation du travail identique. Ce n’est sans doute pas un hasard si, en 2024, à peine plus du quart (28 %) des dirigeants de TPE se déclaraient favorables à l’instauration de ce système ([111]).
En dépit de ces difficultés, qui se posent avec une intensité hétérogène en fonction des configurations, force est de constater que les sociétés qui proposent la semaine de quatre jours sont peu nombreuses à opérer un retour en arrière. Preuve que le dispositif donne en principe des résultats satisfaisants lorsque ses paramètres sont correctement définis.
Les conséquences pour les salariés d’une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours peuvent varier sensiblement suivant les situations. Elles doivent donc être appréhendées avec prudence.
a. Sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée
● La première chose qui vient à l’esprit, c’est que la semaine de quatre jours aurait pour vertu de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Sans surprise, c’est ce qui ressort régulièrement des sondages et autres enquêtes menés sur ce thème.
Le temps libéré serait consacré aux loisirs, à l’accomplissement de tâches domestiques, administratives ou de visites médicales, autrement effectuées le samedi ou le dimanche. Il pourrait aussi être mis à profit pour venir en aide à un proche ou exercer une activité associative, voire un autre emploi, indépendant ou salarié. « Cette pratique, consistant à cumuler deux activités rémunérées de travail, apparaît déjà chez les plus jeunes générations » ([112]) et le « phénomène touche toutes les catégories sociales » ([113]). En 2018, plus de deux millions d’actifs étaient concernés ([114]).
De surcroît, la formule profiterait aux parents de jeunes enfants, qui disposeraient de plus de temps en leur compagnie et feraient au surplus des économies de frais de garde non négligeables.
Pour quels motifs changer de rythme de travail ?
Réponses à la question : « Quelles seraient pour vous, personnellement,
les deux principales motivations à changer de rythme de travail ? »
Source : Crédoc, op. cit., p. 12.
● Tout ceci se vérifie dans bien des cas. Mais pas toujours.
L’augmentation de l’amplitude de la journée de travail peut susciter des problèmes de garde d’enfants, singulièrement pour les familles monoparentales, et même entraîner des frais supplémentaires lorsqu’ils sont scolarisés. C’est la raison pour laquelle l’initiative prise par une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales n’a pas séduit plus que quelques personnes ([115]).
L’augmentation de l’amplitude de la journée de travail peut accentuer le déséquilibre dans la répartition des tâches parentales (devoirs, soins, transports, etc.) au détriment des femmes qui, selon les observations de l’Institut national de la statistique et des études économiques, en assurent près des trois quarts ([116]).
Enfin, elle peut aller jusqu’à donner le sentiment aux personnes intéressées que la journée travaillée est intégralement consacrée à l’activité professionnelle, faute de temps libre pour faire autre chose. « Analysée sous cet angle, la semaine en 4 jours propose[rait] plutôt un séquencement des temps de vie qu’une conjugaison facilitée de ces derniers. » ([117])
Semaine de quatre jours et garde d’enfants : extraits d’une étude
du Centre de recherche pour l’étude et l’observation
des conditions de vie (Crédoc)
« 37% des parents de jeunes enfants (10 ans ou moins), anticipent des difficultés pour organiser la garde des enfants. […] Les conséquences financières pour les parents d’enfants en âge scolaire ou préscolaire sont diverses selon les situations. Selon les dirigeants ou DRH interrogés, les salariés ayant des enfants non encore scolarisés peuvent faire part d’économies, liées au jour de travail libéré qui permet parfois d’économiser un jour de garde hebdomadaire (crèche ou assistante maternelle). De leur côté, les salariés ayant des enfants scolarisés peuvent au contraire regretter des frais supplémentaires de garderie, périscolaire ou baby-sitter, en lien avec l’extension journalière des heures de travail. »
Source : Crédoc, Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer, étude réalisée pour la fondation The Adecco Group, avril 2024, pp. 26-27.
b. Sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail
Il n’est pas rare de lire ou d’entendre, preuves à l’appui, que la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours influerait favorablement sur le bien-être des personnels. L’affirmation n’est pas fausse mais la règle n’est pas absolue.
● S’il est admis que le niveau de la production doit être maintenu, le passage à la semaine de quatre jours entraîne, en l’absence d’embauches compensatoires, une modification du rythme de travail qui n’est pas neutre pour les individus.
D’une part, lorsque le volume horaire global de l’activité demeure inchangé, l’allongement de la durée des journées de travail peut engendrer une fatigue accrue chez les salariés, elle-même susceptible d’augmenter la fréquence des accidents. Un travail accompli sur de longues plages horaires amplifie par exemple le risque de mortalité liée aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux, d’après une étude de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation internationale du travail ([118]). Un tel allongement peut également favoriser l’apparition ou le développement de troubles psychosociaux ou musculo‑squelettiques provoqués par un labeur physique ou stressant, en particulier pour ceux qui exercent dans des secteurs où l’exposition à ces phénomènes est forte. Cette double crainte revient souvent dans le débat.
D’autre part, lorsque le volume horaire global de l’activité est diminué, l’optimisation des processus de travail s’impose volontiers comme une solution sine qua non à la réussite du projet. C’est le constat que formule l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans une publication d’août 2023 : « Pour obtenir une production équivalente mais en un temps réduit, les entreprises tentent de limiter les temps non productifs, ce qui n’est pas sans rappeler les excès du lean ([119]) : les tâches sont chronométrées, les temps de réunion et l’usage de certains outils numériques (chasse aux mails) sont réduits, de même que les "temps morts", comme les pauses et les moments de relations sociales. » ([120])
Indépendamment des modalités retenues, le passage à la semaine en ou de quatre jours entraîne une intensification plus ou moins marquée de l’activité qui conviendra diversement aux collaborateurs. Peu gênante, voire bénéfique, pour certains, elle pourra se révéler plus difficilement tolérable pour d’autres, séniors, personnes handicapées ou atteintes de maladies chroniques notamment, ainsi que le laissent penser les chiffres contenus dans un récent rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie ([121]). Qui plus est, l’activité pourra connaître un « débordement » sur le jour non travaillé ou sur le week‑end si le droit à la déconnexion n’est pas garanti. Et nul n’ignore qu’il ne l’est que rarement.
Enfin, la répartition du travail sur quatre jours plutôt que cinq peut être une cause d’éloignement entre les membres des équipes, d’isolement dans les cas les plus extrêmes, surtout lorsqu’elle est associée au télétravail, ce qui conviendra une fois encore différemment aux uns et aux autres.
● Il est compliqué de faire un bilan un tant soit peu étayé des effets de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours sur la santé des travailleurs tant les informations sont parcellaires et le recul limité. Cela étant, si les inquiétudes liées à l’intensification de l’activité, quelle qu’en soit la traduction, ne doivent pas être occultées, ainsi que le fait valoir le Syndicat national des professionnels de la santé au travail ([122]), il ressort des données tirées à ce stade des expérimentations françaises ou étrangères que ces effets semblent être au pire inexistants, au mieux positifs.
Au Royaume-Uni, les résultats de l’essai conduit sous l’impulsion de l’association 4 Day Week Global se sont avérés encourageants de ce point de vue : plus du tiers des salariés se sont dit moins stressés à son terme et près des trois quarts ont déclaré que leur niveau d’épuisement professionnel avait baissé ([123]).
Au Portugal, des résultats similaires ont été observés ([124]).
Les conséquences de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours
sur la santé des travailleurs au Portugal
En %
Part des travailleurs qui considèrent leur santé mentale ou physique comme « très bonne » ou « excellente » |
Avant le projet pilote |
Pendant le projet pilote |
Santé mentale |
15 |
31 |
Santé physique |
20 |
27 |
Source : Pedro Gomes, Rita Fontinha, op. cit., p. 5.
Il convient toutefois de préciser que, dans les deux cas, les structures incluses dans le périmètre des expérimentations, toutes volontaires, avaient opté pour une réduction du temps de travail.
*
La question de l’impact de la semaine de quatre jours sur la qualité de vie au travail, le bien-être et la santé des travailleurs n’appelle pas de réponse toute faite. Si les leçons en provenance du terrain sont dans l’ensemble prometteuses, elles ne sauraient avoir valeur de conclusions définitives pour le présent ou pour l’avenir. Du reste, il faut se souvenir que les comparaisons internationales présentent des limites dans la mesure où chaque État possède son propre environnement économique, juridique et politique.
3. Pour l’économie et la société
Au-delà des conséquences pour les entreprises et les personnels que son adoption emporte, la semaine de quatre jours pourrait avoir des incidences plus globales, plus diffuses, plus profondes sur l’économie et la société. L’hypothèse, que formulent les observateurs en tous genres, n’a rien de saugrenue. Mais les avis sur la nature et l’ampleur de ces incidences témoignent d’une absence de consensus en la matière. Ce qui paraît à peu près acquis, en revanche, c’est qu’elles ne se feront réellement sentir qu’à la condition que le dispositif se déploie avec suffisamment de dynamisme dans les années à venir.
● Premièrement, la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours encouragerait la résorption des inégalités dans le secteur privé comme dans la fonction publique.
Entre les hommes et les femmes, d’abord, par le biais d’une diminution de la part des femmes employées à temps partiel – près de 27 % en 2023 contre moins de 8 % des hommes ([125]) – et rémunérées en conséquence. Une situation dans laquelle 30 % environ de ces dernières se trouveraient pour des motifs tenant à des obligations familiales (s’occuper des enfants ou d’un proche) ([126]). Or il est bon de se souvenir que l’exercice d’une activité à temps partiel constitue le premier facteur explicatif des écarts de revenus entre les personnes des deux sexes.
Entre les individus qui ont accès au télétravail et ceux qui n’y ont pas accès parce qu’ils exécutent des métiers qui ne s’y prêtent pas (emplois postés, accueil physique, etc.), ensuite. Ici, le bénéfice du travail sur quatre jours compenserait en quelque sorte la privation du travail à distance.
Les inégalités d’accès au télétravail analysées par le Conseil économique,
social et environnemental
« [L]a principale inégalité réside entre ceux qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas. Elle est apparue clairement pendant la crise sanitaire. Elle perdure sous une autre forme aujourd’hui : il y a celles et ceux pour lesquels le télétravail constitue un choix possible et une modalité positive d’articulation des temps et les autres, pour lesquels il est inenvisageable, en raison de la nature même de leur activité. Cette réalité recoupe largement les distinctions existantes entre catégories socio-professionnelles. Le télétravail est principalement concentré sur les cadres et, dans une moindre mesure, sur les professions intermédiaires.
« Selon l’INSEE, 52 % des cadres ont télétravaillé en 2022. Les professions intermédiaires (20 %) et les employés qualifiés (15 %) viennent loin derrière. Les ouvriers et les employés peu qualifiés ne sont pratiquement pas concernés par le télétravail.
« Dans la fonction publique, les agents des services impliquant une rencontre physique avec les usagers ont peu de possibilité de télétravailler. Le télétravail est concentré sur les fonctions administratives des services de taille importante.
« La césure entre les salariés éligibles au télétravail et ceux qui ne le sont pas passe aussi entre les différentes fonctions de l’entreprise et comporte des risques de fracture des collectifs de travail, à la fois en raison d’un phénomène de désynchronisation et du sentiment des collaborateurs affectés à la production d’être traités inéquitablement. »
Source : Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 78.
● Deuxièmement, la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours serait bénéfique pour l’environnement en ce qu’elle limiterait la consommation énergétique des établissements, dès lors qu’elle se traduirait par une moindre présence dans les locaux et par une utilisation de l’éclairage, du chauffage, de la climatisation et de tout autre équipement énergivore revue à la baisse, de même que les déplacements des travailleurs qui, pour 75 % peu ou prou, se servent de leur voiture pour se rendre au bureau ([127]).
Si l’argument a de quoi séduire, il doit être manié avec prudence. Car, pour que l’impact soit véritablement positif, il importe que le jour non travaillé ne soit pas mis, ou alors peu, au service de comportements polluants de tous ordres. Tel ne serait pas le cas, à en croire les premiers retours d’expérience, notamment britanniques. Cela est bon signe mais il est néanmoins trop tôt pour en tirer des enseignements de portée générale, les effets sur l’environnement étant tributaires de nombreux paramètres.
L’impact de la semaine de quatre jours sur la planète
Extraits de l’entretien donné au journal Le Monde par Mme Aurélie Piet, économiste et chercheuse.
Ne faut-il pas craindre une hausse des plaisirs polluants ?
Dans son rapport intitulé Stop the Clock (« arrêtez l’horloge »), publié en 2021, l’association britannique Platform montre que les salariés n’emploient pas leur temps libre pour consommer davantage. La semaine de quatre jours leur permettrait plutôt de passer plus de temps avec leurs proches, de cuisiner à la maison, de jardiner, de s’engager dans une activité bénévole. Au Royaume-Uni, plus de soixante entreprises ont testé, entre juin et décembre 2022, la semaine de quatre jours de travail. Le rapport de cette expérimentation montre qu’avec ce dispositif les hommes accordent plus de temps aux tâches domestiques et à la garde des enfants.
Cette appétence pour des activités plus sobres doit engager le politique et être soutenue par un financement du secteur culturel – des théâtres aux bibliothèques en passant par les terrains de sport –, mais aussi de l’environnement, avec le développement des espaces verts, par exemple, afin de s’assurer que le temps libre ne soit pas orienté vers des plaisirs polluants. Au XXe siècle, la diminution du temps de travail a permis l’essor de la société de consommation. Aujourd’hui, elle prend une nouvelle orientation en cherchant à renforcer le lien social et l’engagement. Afin d’avoir du temps pour soi, pour les autres, pour notre société, notre planète, pour le bien commun.
Lorsque la semaine de quatre jours ne réduit pas le temps de travail mais le comprime, les bénéfices climatiques sont-ils les mêmes ?
Pas vraiment. Imaginons qu’on reste sur un rythme de trente-cinq heures, et qu’on ferme boutique le vendredi. On va certes réduire le nombre de déplacements, mais on va quand même consommer de l’énergie au sein du bureau, en allongeant les journées de travail. Un rythme trop intense est associé à des comportements défavorables à l’environnement. En 2011, des chercheurs de l’université de Lille ont montré que pour décompresser après de longues semaines de travail, les salariés se réfugient dans une consommation frénétique : ils achètent davantage sur Internet, se font livrer des produits alimentaires de mauvaise qualité, ou se font plaisir avec un billet d’avion.
Par ailleurs si on propose une semaine de quatre jours aux salariés tout en restant ouvert le vendredi avec une souplesse dans l’organisation des employés, qui choisiraient quels jours ils travaillent, on réduit certes le nombre de déplacements par employé, mais on va tout de même aussi consommer de l’énergie au sein de l’entreprise. Le mieux, pour avoir un impact écologique, serait de passer à trente-deux heures sur quatre jours.
Source : « Passer à la semaine de quatre jours au travail aurait un vrai impact sur la planète », article paru sur Le Monde.fr
● Troisièmement, la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours favoriserait la croissance de certains secteurs, celui des loisirs ou celui des travaux d’entretien et d’aménagement pour ne citer qu’eux. De même, elle faciliterait la progression de l’engagement associatif des citoyens. Si la théorie s’entend, sa traduction en pratique n’est pas déjà mesurable.
*
L’essor du passage à la semaine de quatre jours génèrerait probablement d’autres transformations macroéconomiques ou sociétales. S’il n’était guère envisageable d’en faire un inventaire exhaustif dans le présent rapport, il apparaissait à tout le moins nécessaire de faire mention de celles qui, dans la réflexion, sont évoquées le plus couramment.
IV. quelques enseignements, en guise de conclusion, tirés des travaux de la mission d’information
Au premier abord, la semaine de quatre jours peut donner le sentiment d’être un sujet relativement facile à traiter. En réalité, il soulève beaucoup d’interrogations complexes qui, toutes ou presque, appellent des réponses nuancées, mesurées, prudentes.
● Premier enseignement tiré des observations des rapporteurs, le dispositif n’est ni un remède universel aux maux qui affectent le monde du travail, ni une fausse bonne idée sans avenir. Ni panacée, ni supercherie. En d’autres termes et pour résumer les choses simplement, il peut contribuer, dans certains cas et sous certaines conditions, à l’amélioration des situations professionnelles et personnelles des travailleurs d’une part, des performances économiques des entreprises d’autre part.
Ainsi, il conviendra plus ou moins bien aux organisations eu égard, en particulier, à la nature de leur activité et au profil de leurs collaborateurs et donnera, fort logiquement, des résultats différents en fonction des structures.
● Deuxième enseignement, le dispositif peut être établi sans difficulté sur la base des normes juridiques en vigueur. L’intervention du législateur ne paraît donc pas nécessaire, si ce n’est peut-être, à la faveur de la discussion d’un futur texte touchant au droit du travail, pour apporter à la législation la lisibilité qui lui fait aujourd’hui quelque peu défaut.
En tout état de cause, il ne saurait être envisagé d’inscrire dans la loi une quelconque disposition sur la généralisation de son déploiement dans les sociétés privées ou les administrations publiques. Pareille solution serait en tous points irréaliste et dénuée de sens. Les auteurs de ces lignes, à l’instar de leurs interlocuteurs, y sont résolument hostiles.
● Ce qui ne fait pas de doute, et cela constitue le troisième enseignement, c’est qu’il convient de laisser les entreprises choisir, dans le respect des règles d’ordre public, le mode d’organisation du temps de travail le plus approprié pour elles. On l’a vu, celles qui entendent instituer la semaine de quatre jours peuvent le faire selon des formules variées, adaptables à leurs spécificités. Et, aux yeux des acteurs de terrain, dirigeants ou représentants syndicaux, il y a là une souplesse qu’il convient de préserver.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe aucune bonne pratique quant à la méthode à suivre pour l’employeur qui souhaiterait s’engager dans cette voie. Au contraire, il apparaît que certaines modalités de mise en œuvre du système peuvent être retenues aux fins de maximiser les chances de réussite de l’expérience.
Elles sont, pour les principales, énumérées ci-après :
Poser, lors de la phase de conception du projet, les questions essentielles soulevées par la réforme ([128]) :
Évaluer le degré d’acceptabilité de la réforme auprès des syndicats, des représentants du personnel et des salariés, ce qui peut se faire en recourant à divers instruments (entretiens, questionnaires, référendums).
Il est pertinent d’informer les syndicats et les représentants du personnel du projet le plus en amont possible.
Il peut aussi être opportun d’informer le service de prévention et de santé au travail avant qu’il soit procédé à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à proprement parler et à la modification subséquente du document unique d’évaluation des risques professionnels.
Fixer la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours par accord collectif plutôt que par décision unilatérale de l’employeur dès lors que cela est matériellement faisable. La première option présente le double avantage de conférer au dispositif une solide légitimité et de nourrir le dialogue social.
Il peut s’avérer judicieux de faire précéder la négociation d’un recensement des stipulations conventionnelles ou des usages applicables dans la société dans le champ de l’aménagement du temps de travail.
Conclure un accord à durée déterminée. Au vu de l’ampleur du changement, il est préférable d’arranger la mutation vers la semaine de quatre jours en deux temps : d’abord de façon expérimentale, de sorte qu’il soit aisé de revenir en arrière s’il y a lieu ; ensuite, de façon permanente, si les résultats sont satisfaisants. Il semble que cela soit la méthode la plus usitée par les organisations, en France et à l’étranger, et qu’elle ait fait ses preuves.
Évaluer les effets de la mise en place du nouveau mode de répartition de la durée du travail hebdomadaire durant l’essai (bilans réguliers et/ou bilan à mi‑parcours) et à son terme (évolution du chiffre d’affaires, de la rentabilité, de la productivité, du renouvellement des effectifs, de la qualité de vie au travail, de l’absentéisme, de la satisfaction de la clientèle, etc.) avant d’en décider le maintien en vigueur sous forme expérimentale, la pérennisation ou l’abandon.
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Voilà, très brièvement décrit, le chemin que l’entreprise intéressée pourra utilement emprunter. Ce qui précède n’a pas valeur d’obligation. Il ne s’agit que de suggestions inspirées par les lectures et les témoignages qui n’ont cessé d’alimenter la réflexion des rapporteurs au cours des derniers mois.
Au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2024, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de la mission d’information ([129]).
M. le président Frédéric Valletoux. Une mission d’information sur la semaine de quatre jours avait été confiée à Stéphane Viry et à Paul Christophe au début de l’année. La dissolution est venue interrompre ces travaux, mais la commission a souhaité en juillet dernier qu’ils puissent aller à leur terme dans cette nouvelle législature. La nomination de Paul Christophe au gouvernement conduit François Gernigon à lui succéder dans la fonction de rapporteur. Je remercie nos deux collègues de nous présenter leurs conclusions.
M. Stéphane Viry, rapporteur. En février dernier, Paul Christophe et moi-même entamions nos travaux sur un sujet dans l’air du temps, qui suscite des débats passionnés et soulève des interrogations multiples : la semaine de quatre jours. Nous avons entendu des chefs d’entreprise, des représentants syndicaux, des élus locaux, des agents de l’État, des économistes et sociologues, des spécialistes des ressources humaines. Qu’il me soit permis en tout premier lieu de les remercier pour leur contribution toujours précieuse.
Il faut le dire d’emblée : la semaine de quatre jours est une matière complexe. S’y intéresser invite à faire preuve à la fois d’humilité – les intuitions étant facilement déçues et les certitudes volontiers battues en brèche – mais également de mesure et de prudence, car les expériences engagées, sur le terrain comme en dehors demeurent peu abondantes et les données relatives à leur déroulement encore limitées. C’est dans cet esprit que Paul Christophe et moi-même nous sommes efforcés de remplir cette mission sans parti pris, sans dogmatisme, sans idées préconçues, dans le souci de faire progresser la réflexion. De cette mission, plusieurs enseignements peuvent être retirés.
Le premier enseignement est que la semaine de quatre jours, ou plus exactement la semaine de travail de moins de cinq jours, est indéniablement un sujet à la mode dans notre pays et, à des degrés divers, à l’étranger. On peut même parler d’un emballement médiatique autour de ce dispositif, qui séduit de plus en plus de Français. Un sondage conduit à la fin de l’année 2021 a révélé que 64 % des salariés auraient souhaité une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs activités. Deux ans plus tard, un autre sondage montrait que 77 % des actifs se disaient prêts à travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq, à durée constante.
Si l’adhésion au dispositif semble progresser ainsi avec le temps, cela ne signifie pas pour autant qu’il se répande à toute vitesse dans les entreprises. Certes, le nombre d’accords collectifs prévoyant une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours évolue à la hausse, mais le déploiement de la formule n’en reste pas moins progressif. Ainsi, à ce jour, le nombre d’entreprises ayant franchi le pas apparaît limité. Elles seraient de l’ordre de 5 % d’après l’estimation la plus fréquemment avancée. Ce pourcentage est toutefois néanmoins difficile à vérifier puisque le ministère du travail ne dispose que d’une vision partielle.
À l’étranger, la situation est peu ou prou comparable. La semaine de quatre jours existe bien dans certains endroits, mais elle est généralement pratiquée par un petit nombre d’entreprises ou d’administrations publiques sous la forme, là encore, d’expérimentations. C’est le cas au sein de l’Union européenne, notamment en Allemagne et en Espagne, où quelques dizaines de sociétés testent le dispositif. C’est le cas en Belgique, où le cadre juridique a récemment évolué pour permettre aux salariés de travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq, sans réduction du temps de travail. C’est le cas également au Portugal, où une quarantaine de sociétés ont participé entre les mois de juin et décembre 2023 à un projet pilote sur la semaine de quatre jours autour de trois principes : la diminution du temps de travail hebdomadaire ; le maintien de la rémunération ; la stabilité de la productivité. En l’état de nos investigations, ce projet a donné de bons résultats, aussi bien sur le plan des performances économiques des entreprises que sur la qualité de vie au travail et la santé des individus.
C’est aussi le cas au Royaume-Uni, où l’expérimentation a été conduite pendant un semestre. Ainsi, soixante-et-une entreprises employant près de 3 000 personnes y ont participé et les résultats se sont avérés encourageants, si bien que 92 % des structures ont souhaité poursuivre dans la voie de la semaine de quatre jours. Pour les salariés, quantité d’effets positifs ont été observés : baisse du stress, de l’épuisement professionnel ou des troubles du sommeil, accroissement de la satisfaction au travail, meilleure conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales. Les États-Unis, l’Islande, le Canada et la Nouvelle-Zélande se sont également évertués à fonder cette nouvelle organisation du temps de travail.
Le deuxième enseignement est le suivant : le débat autour de la semaine de quatre jours prend une place de plus en plus importante dans la vie politique. Elle peut, dans les entreprises, être instituée selon des modalités variées en théorie ; en pratique, elle se réalise par voie d’accord collectif. La situation est différente dans la fonction publique d’État où elle peut être instituée par arrêté ministériel. On recense quelques cas aux ministères de l’agriculture, des armées ou encore de l’écologie. Toutefois, avec la déclaration de politique générale de Gabriel Attal et l’expérimentation engagée au printemps dernier, le nombre de services régis par des cycles de travail aménagés sur moins de cinq jours devrait croître.
Au-delà de la fonction publique de l’État, au sein de la fonction publique territoriale, la semaine en quatre jours peut être instaurée par délibération de la collectivité ou de l’établissement. C’est sur ce fondement que la métropole de Lyon ou l’Eurométropole de Strasbourg, par exemple, ont ouvert la voie à la confection, dans les services, de formules de travail réparties sur quatre jours. Enfin, dans la fonction publique hospitalière, il revient au chef d’établissement de prendre des décisions touchant à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail. La semaine en quatre jours est ainsi devenue une réalité dans un petit nombre de structures comme le centre hospitalier universitaire de Bordeaux ou le centre hospitalier Annecy Genevois. Mais en définitive, mes chers collègues, il ne faut pas s’y tromper : ce modèle demeure à ce stade faiblement retenu par les administrations.
M. François Gernigon, rapporteur. Troisième enseignement à tirer de cette analyse : la semaine de quatre jours n’obéit pas à un modèle unique d’organisation, bien au contraire. Elle a pu être instituée sur la base de différentes formules conçues à partir des spécificités des entreprises.
Cela se vérifie en ce qui concerne les modalités de répartition de la durée du travail hebdomadaire. Les solutions dessinées par les accords sont multiples : une semaine de quatre jours, une semaine de quatre jours et demi, voire une alternance entre une semaine de quatre jours et une semaine de cinq jours. Ces options sont accompagnées soit d’une réduction de la durée du travail, soit du maintien du volume horaire global, ce dernier scénario étant le plus répandu.
Cela se vérifie aussi en ce qui concerne les modalités de détermination de jours de repos supplémentaires. Ceux-ci sont tantôt fixes, tantôt fluctuants, tantôt arrêtés par l’employeur, tantôt choisis par les travailleurs. Dans certaines structures, la possibilité de travailler moins de cinq jours est ouverte à l’ensemble des personnels. Dans d’autres, elle n’est accessible qu’à une partie des équipes, pour des motifs tenant couramment à la nature des activités exercées. Il n’est pas rare qu’elle soit expérimentée par quelques catégories de salariés, puis proposée à un panel plus étendu de collaborateurs si les résultats sont jugés satisfaisants.
Le quatrième enseignement de cette étude est que la mise en œuvre de la semaine de quatre jours emporte différents ordres de conséquences pour les entreprises, les salariés et, plus globalement, l’économie et la société. Ces conséquences ne sont ni nécessairement positives, ni nécessairement négatives. Tout est affaire d’appréciation au cas par cas, si bien qu’une grande prudence s’impose pour appréhender les résultats des expériences conduites en France ou à l’étranger.
Pour les entreprises, il y a des effets positifs. On relève une plus grande capacité à attirer les personnels et à les conserver, en particulier dans les secteurs économiques en tension ; une production dont le niveau ne diminue pas, y compris lorsque la durée du travail est réduite ; une productivité qui reste stable quand elle n’évolue pas à la hausse ; des dépenses d’énergie réduites lorsque les locaux ferment un jour supplémentaire.
Mais des effets négatifs peuvent également intervenir, notamment avec l’aménagement des programmes de travail et la réorganisation des équipes qui peuvent s’avérer compliqués et chronophages pour les encadrants. En outre, une perte de proximité entre collaborateurs peut intervenir, potentiellement préjudiciable au partage d’informations et de connaissances ainsi qu’à la cohésion des collectifs. Enfin, une dégradation de la coordination entre les entités extérieures est possible. En dépit de ces difficultés d’intensité variable en fonction des configurations, force est de constater que les sociétés qui proposent la semaine de quatre jours sont peu nombreuses à revenir en arrière.
Pour les travailleurs, les conséquences peuvent sensiblement varier, également suivant les situations. Tout d’abord, le dispositif aurait pour vertu de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Le temps libéré serait consacré aux loisirs, aux tâches domestiques ou administratives, à l’aide apportée à un proche, à un investissement associatif, voire à un autre emploi. De surcroît, la formule peut avantager les parents de jeunes enfants, qui disposent de plus de temps en leur compagnie et profitent au surplus d’économies de frais de garde non négligeables.
À l’inverse, l’amplitude accrue de la journée de travail susciterait des problèmes de garde d’enfants, singulièrement pour les familles monoparentales, et même entraîner des frais supplémentaires lorsqu’ils sont scolarisés. Elle accentuerait le déséquilibre dans la répartition des tâches parentales au détriment des femmes, qui en assurent déjà près des trois quarts. Elle peut aller jusqu’à donner le sentiment que la journée travaillée est intégralement consacrée à l’activité professionnelle, faute de temps libre pour faire autre chose.
Par ailleurs, il n’est pas rare de lire ou d’entendre que la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours influera favorablement sur le bien-être des personnels. L’affirmation n’est pas fausse, mais la règle n’est pas absolue. À volume horaire global d’activité inchangée, l’allongement de la durée des journées de travail peut engendrer une fatigue accrue chez les salariés et augmenter la fréquence des accidents. À volume horaire global d’activité diminuée, l’optimisation des processus de travail s’impose volontiers comme une condition indispensable à la réussite du projet. Chronométrage des tâches, réduction des temps de réunion, disparition des temps morts – tels les moments de convivialité – en sont les principales traductions, avec les conséquences dommageables que l’on imagine.
Quoi qu’il en soit, le passage à la semaine de quatre jours emporte une intensification plus ou moins marquée de l’activité qui conviendra diversement aux collaborateurs. Peu gênante, voire bénéfique pour certains, elle pourra se révéler plus difficilement tolérable pour d’autres. Enfin, les effets sur la santé des travailleurs apparaissent encore incertains, tant les informations sont parcellaires et le recul limité. Cela étant, il ressort des données tirées à ce stade des expériences lancées en France ou à l’étranger que ces effets semblent être, au pire, inexistants et, au mieux, positifs.
Au-delà de ses conséquences pour les entreprises et les individus, la mise en place de la semaine de quatre jours pourrait avoir des incidences plus que plus globales sur l’économie et la société. Premièrement, elle pourrait encourager une résorption des inégalités entre les sexes par le biais d’une diminution de la part des femmes employées à temps partiel et rémunérées en conséquence, comme entre les personnes qui ont accès au télétravail et celles qui en sont exclues parce qu’elles exécutent des métiers ne s’y prêtant pas.
Deuxièmement, la semaine de quatre jours pourrait préserver l’environnement en limitant la consommation énergétique des établissements et les déplacements des salariés. Mais, afin que l’impact soit véritablement positif, il faudrait que le jour non travaillé ne soit pas consacré à des comportements polluants.
Troisièmement, elle pourrait favoriser la croissance de certains secteurs, comme les loisirs ou les travaux d’entretien et d’aménagement, et faciliter l’engagement associatif des citoyens.
M. Stéphane Viry, rapporteur. Quelles conclusions tirer de ces enseignements ? D’abord, le dispositif n’est ni un remède universel aux maux qui affectent le monde du travail, ni une fausse bonne idée sans solution et sans avenir. Pour le dire simplement, il peut contribuer, dans certains cas et sous certaines conditions, à l’amélioration des situations professionnelles et personnelles des travailleurs, mais également des performances des entreprises.
Deuxièmement, le dispositif peut reposer sans difficulté sur les normes juridiques en vigueur. De notre point de vue, une nouvelle loi n’est pas nécessaire, si ce n’est peut-être pour apporter la lisibilité qui fait aujourd’hui légèrement défaut. De plus, il ne saurait être envisagé d’inscrire dans le droit une quelconque disposition sur un déploiement généralisé dans les sociétés privées ou les administrations publiques. Pareille solution serait à nos yeux irréaliste et dénuée de sens. Il est souhaitable de laisser les entreprises choisir l’organisation du temps de travail qui leur convient le mieux. Celles qui entendent instituer la semaine de quatre jours peuvent le faire selon des formules variées, adaptables selon leurs spécificités. Il y a là une souplesse qu’il importe de préserver.
En conclusion, nos travaux me laissent encore très prudent sur la question. Mais j’émets, à titre personnel, un avis en « ballottage favorable » sur l’idée que le dispositif peut constituer une solution. Toutefois, il doit être nécessairement assorti de garde-fous.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). À l’écoute de vos conclusions, plusieurs questions se font jour concernant la pertinence d’un débat autour de la semaine de quatre jours. Je souhaite revenir sur les observations contenues dans votre projet de rapport, précisément celle concernant les motifs conduisant à réévaluer ou à adapter le rythme de travail à l’avenir. Il est flagrant qu’à la question : « Quelles seraient, pour vous personnellement, les deux principales motivations pour changer des rythmes de travail ? », les motivations saillantes sont le temps accordé aux enfants et à soi-même, un meilleur équilibre de vie personnelle et familiale. Dans un contexte où la santé mentale est toujours davantage mise en exergue dans le débat public, il faudra nécessairement mettre au profit de notre réflexion collective ces éléments précis qui influent sur le quotidien des Français.
Selon vous, dans quelle mesure cette semaine de quatre jours pourrait-elle mieux accompagner les familles, notamment monoparentales, dans une optique d’ergonomie de vie et d’organisation ? D’autre part, ce sujet pose également la question de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
M. Jean-François Rousset (EPR). Le travail a toujours été un combat majeur pour notre groupe. Comme le rappelait Gabriel Attal, alors Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale en janvier 2024, « nous devons déverrouiller le travail afin de l’adapter aux nouvelles aspirations de nos concitoyens ». En ce sens, il avait alors proposé de réfléchir non pas à la semaine de quatre jours, mais à la semaine en quatre jours, sans réduction du temps de travail. C’est en ce sens que nous souhaitons continuer à avancer sur ce projet.
Dans votre rapport, vous évoquez des aspects majeurs. En effet, vous soulignez l’importance d’analyser ce dispositif afin d’évaluer s’il convient à l’organisation, à la nature de l’activité et au profil des collaborateurs d’une entreprise. Vous énumérez une liste de questions à se poser lors de la construction d’un tel projet. De fait, ce modèle de la semaine de quatre jours n’est pas adapté à toutes les activités. Par ailleurs, vous insistez sur l’importance de laisser aux entreprises le choix du mode d’organisation du temps de travail le plus approprié pour elles, bien entendu en coordination avec le personnel.
En effet, nous avons besoin de souplesse et le législateur ne doit pas intervenir pour compliquer, mais pour simplifier. En ce sens, quel est, selon vous, le bon équilibre entre l’encadrement de la semaine de quatre jours, qui selon votre rapport passerait par des textes réglementaires ou conventionnels, et la nécessaire liberté laissée aux entreprises pour l’organisation du travail en leur sein ?
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Objet constant de lutte sociale, la réduction du temps de travail a été un processus régulier jusqu’aux lois Aubry sur les trente-cinq heures, qui constituent la dernière avancée nationale en la matière. Toutes les lois sur le temps de travail ont prévu des dérogations, instituant ainsi une norme tout en limitant sa portée. Trente-cinq heures n’est pas la durée maximale hebdomadaire, mais la durée légale qui sert au déclenchement des heures supplémentaires. Le code du travail autorise quarante-huit heures par semaine et quarante-quatre heures en moyenne sur douze semaines. D’autres dérogations aux trente-cinq heures existent avec les forfaits jours où la seule limite est le repos hebdomadaire de onze heures.
Le patronat encourage le travail supplémentaire de certains pour ne pas augmenter les salaires de tous et, ainsi, continuer à rémunérer davantage le capital. La meilleure illustration en est le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy. En répartissant le temps de travail de manière inégalitaire et en fonction de ses seuls intérêts, le patronat n’agit pas pour réduire le chômage de masse et la précarité, car ce chômage de masse et cette précarité lui permettent justement de faire pression sur les salaires.
Je vous renvoie d’ailleurs aux propos de Tim Gurner, dirigeant de Gurner Group. Le 12 septembre 2023, il déclarait : « Il faut que la souffrance revienne dans notre économie. Nous devons rappeler aux gens qu’ils travaillent pour leur employeur et non l’inverse. Désormais, les salariés pensent que leur patron a beaucoup de chance de les avoir. Cette dynamique doit changer. Il faut écraser cette arrogance et cela passe par plus de souffrance dans l’économie. » C’est cru. C’est dur. C’est la mentalité du grand patronat.
Sans réduction du temps de travail, il ne s’agit pas d’une semaine de quatre jours, mais d’une semaine en quatre jours. Elle ne doit donc pas être considérée comme une avancée sociale, mais comme un recul. La semaine de quatre jours doit se concevoir en trente-deux heures. Il faut urgemment agir pour mieux répartir le temps de travail entre tous les actifs, femmes et hommes, jeunes et seniors, à temps partiel, temps complet ou privés d’emploi. Il s’agit d’une mesure écologique et féministe. Travailler moins laisse plus de temps à consacrer à des activités non marchandes, du temps libre pour s’occuper des autres, des enfants, des personnes âgées, de la planète. Cela permet de prendre le temps de réparer plutôt que d’acheter neuf, de cuisiner ou de fabriquer ses produits d’entretien, de participer à des initiatives de type associatif pour une agriculture paysanne, de prendre le vélo ou le train plutôt que l’automobile. Il faut un véritable partage du temps de travail. Avez-vous étudié la question au cours de la préparation de votre rapport ?
Mme Océane Godard (SOC). Notre groupe approuve le fait de donner au travail son importance dans le débat public. Trop souvent, les préoccupations sur le travail demeurent occultées par les discours sur l’emploi. Néanmoins – et vous l’avez nettement précisé – il ne faut pas laisser penser que travailler en quatre jours améliorera à coup sûr la qualité de vie au travail. Le sujet est bien plus complexe et il est nécessaire de prendre en compte tous les éléments : les conditions de travail, l’organisation du travail et du management, la santé et le bien-être au travail, le télétravail.
En ce sens, nous serons proactifs et vigilants. Nous veillerons à ce que les sujets ne soient pas segmentés mais considérés de manière systémique. De même, il faut veiller à la méthode employée. À ce titre, la qualité du dialogue social a été particulièrement maltraitée depuis 2017. Il importe de travailler avec les branches, avec tous les acteurs du dialogue social pour construire un consensus dans le cadre d’un pacte social renouvelé.
Je vous invite à étudier une expérimentation intéressante qui s’est déroulée dans ma région, en Bourgogne-Franche-Comté, au sein de l’entreprise SIS. J’insiste sur le besoin de nuances et de consensus à construire car, si la qualité de vie au travail repose effectivement par des aspirations individuelles, elle passe aussi par le collectif.
Mme Justine Gruet (DR). Je vous remercie de ce rapport d’information. Il permet d’explorer un sujet qui paraît nouveau, mais qui était déjà discuté dans les années 1970. Il répond à un sentiment d’idéal collectif, à une volonté également d’une plus grande flexibilité, pour 64 % des Français.
En termes de sémantique, nous devons différencier la semaine en quatre jours et la semaine de quatre jours. La semaine de quatre jours correspond à une répartition du temps de travail, en diminuant sa durée. Cela ne semble pas adapté quand la France est déjà l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques où l’on travaille le moins. La semaine en quatre jours semble, au regard de votre rapport, davantage plébiscitée par les femmes, les moins de 35 ans et les classes populaires.
Alors que nous travaillons déjà en moyenne trente-huit heures par semaine et que 45 % de nos concitoyens salariés ont des horaires atypiques, cela nous interroge sur plusieurs points. N’allons-nous pas créer une vraie iniquité entre les salariés, ceux pour qui la semaine de quatre jours est possible et ceux qui travaillent où elle ne l’est pas ? Ne devrions-nous pas réfléchir collectivement à mieux séparer la vie professionnelle de la vie personnelle et familiale ? Je pense ici aux messages électroniques qui arrivent le soir ou le dimanche sur les téléphones portables personnels et qui viennent empiéter sur le temps de repos ou, à l’inverse, aux messages personnels qui arrivent en journée sur le lieu de travail. Qu’en est-il de nos artisans, commerçants, agriculteurs et professions libérales qui ne comptent pas leurs heures de travail ?
Je tiens à vous remercier pour cette mission de qualité menée aux côtés de notre ancien collègue Paul Christophe. Le travail est considéré par notre groupe comme une source d’épanouissement. En cloisonnant les moments de vie pour disposer de vrais temps de repos et d’instants précieux consacrés à la famille, aux loisirs, à l’engagement associatif, à l’accompagnement d’un proche, on recréerait une véritable efficacité au travail et un état d’esprit collectif.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). La semaine de quatre jours est une idée qui fait son chemin, à juste titre. De notre point de vue, elle ne doit pas être envisagée seulement comme une simple adaptation de nos rythmes de travail. Nous croyons que l’on peut travailler moins, mieux et tous. Tel est d’ailleurs le sens de notre histoire sociale.
Il s’agit d’une transformation profonde de notre rapport au temps, au travail et à la société. Réduire la semaine de travail à quatre jours peut s’accompagner d’une baisse du temps de travail global. Si cette mesure est en quelque sorte dévoyée pour que les salariés accomplissent les mêmes tâches en quatre jours au lieu de cinq, elle perdra une partie de son sens. À ce titre, nous devons nous rappeler pourquoi cette idée est apparue. Elle est le fruit d’une réflexion sur le partage du travail, sur la nécessité de mieux répartir les richesses et les temps de vie.
Alors que la productivité a augmenté et que l’automatisation fait son œuvre, il est crucial que ces gains de productivité profitent à tous. Actuellement, la durée légale en France est de trente-cinq heures par semaine, mais les salariés français sont en moyenne à la tâche trente-neuf heures. Ils travaillent plus, ne vous en déplaise. Réduire la semaine de travail à trente-deux heures hebdomadaires, tout en répartissant ces heures sur quatre jours, permettrait de redistribuer le temps sans perte de salaire, comme l’ont montré plusieurs expériences en France et à l’étranger. Par exemple, au Royaume-Uni, une expérimentation dans soixante‑et‑une entreprises a révélé une augmentation de la productivité de 40 % et une baisse de 65 % des arrêts maladie. En ce sens, la réduction du temps de travail doit être pensée avec une véritable politique publique du temps libéré.
C’est ici que se situe la promesse d’une société plus juste et plus humaine. Il ne suffit pas de libérer du temps. Il faut aussi créer les conditions pour que chacun puisse l’utiliser de manière épanouissante et émancipatrice. Développer les infrastructures culturelles et sportives, promouvoir la formation tout au long de la vie, encourager les engagements associatifs et solidaires, faciliter l’accès à la culture et aux loisirs, telles sont les voies à explorer pour une semaine de quatre jours qui soit un véritable progrès social.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai apprécié l’exhaustivité de votre présentation sur ce que permet la loi, en matière publique ou en matière privée, mais aussi votre humilité devant la difficulté à tirer des enseignements définitifs, compte tenu des données parcellaires existantes sur votre sujet. Cette réflexion intéresse clairement de plus en plus nos concitoyens, notamment les plus jeunes, parce qu’elle offre de la souplesse et qu’elle permet parfois de concilier au mieux le travail avec la vie privée. Elle intéresse aussi des entreprises parce qu’elle autorise un meilleur usage des facteurs de production.
Cependant, il me semble que votre rapport ne questionne pas suffisamment l’impact macroéconomique selon que l’on parle d’une semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail ou d’une semaine en quatre jours. Dans mon groupe, nous considérons que l’une des faiblesses structurelles de notre pays réside dans le manque de production de richesses pour assumer un système de protection sociale de notre qualité.
En conséquence, nous sommes plutôt favorables à des solutions qui permettraient une augmentation du temps de travail et non sa diminution. En revanche, nous trouvons intéressant de favoriser une plus grande souplesse, qui ne doit pas s’exercer au détriment des salariés. Le cadre doit être protecteur dans la mesure où la semaine en quatre jours ne correspond pas aux aspirations de tous.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Thibault Bazin (DR). Messieurs les rapporteurs, votre approche prudente et humble face à la complexité du sujet doit être saluée. Votre conclusion semble justifiée au regard des premiers retours d’expérience, non seulement en France mais aussi à l’étranger. Même en Belgique, où a été instaurée la liberté de choisir entre quatre et cinq jours, un Belge sur deux cents seulement a choisi cette possibilité. Plus intéressante encore est l’expérience menée par l’Urssaf Picardie sur la base du volontariat. Sur deux cents salariés éligibles, même si les trois quarts étaient au départ intéressés, trois seulement se sont réellement engagés, tous sans enfant à charge.
La question de l’organisation des heures d’école, de garderie périscolaire ou de crèche est en effet cruciale quand la journée de travail s’allonge. L’organisation du temps de travail ne peut pas être étudiée sans s’intégrer dans l’organisation générale de notre société. La France a besoin de ressources humaines pour assurer des services publics sept jours sur sept, tels que la sécurité ou la santé. Dans quelle mesure la généralisation de la semaine de quatre jours rendrait-elle les secteurs, notamment régaliens, de sécurité et de protection de soins, moins attractifs demain ? Alors que le développement du télétravail a parfois généré un sentiment d’injustice pour ceux dont le métier ne le permet pas, ne risque-t-on pas d’accroître des fractures dans notre société ?
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ce rapport s’inscrit dans la droite ligne du discours de politique générale qu’avait prononcé Gabriel Attal. Il y expliquait qu’il fallait faire en quatre jours ce que nous faisons aujourd’hui en cinq jours.
Aujourd’hui, la productivité du travail en France diminue pour différentes raisons. Ainsi, 43 % des salariés se déclarent en souffrance au travail et 20 % en souffrance extrême ; 500 000 situations d’épuisement professionnel sont à déplorer. Notre pays est celui qui enregistre le plus grand nombre d’accidents du travail. En réalité, il aurait fallu interroger la santé au travail autour de cette semaine de quatre jours.
Je vous alerte sur le fait que les secteurs intensifs en main-d’œuvre, simultanément ceux où les salaires sont les plus faibles, sont aussi ceux qui souffriraient les premiers d’une semaine en quatre jours et non pas d’une semaine de quatre jours.
M. Stéphane Viry, rapporteur. Je suis assez satisfait d’entendre que vous avez mesuré la volonté d’objectiver qui a guidé notre étude, au cours de laquelle nous avons été confrontés à des données rudimentaires et incertaines. Nous avons cherché à raisonner de façon claire sur la productivité, la qualité de vie au travail, l’absentéisme, la santé mentale. À ce jour, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives et il me semble opportun que ce travail soit reconduit d’ici deux ans par notre commission. Cependant, lors de nos auditions, nous avons ressenti une aspiration à réfléchir autrement à la question du travail. Le paradigme a totalement changé : il met en avant une quête de sens, une meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle et, partant, une autre organisation du temps de travail.
Vous avez rappelé notre attitude faite de prudence et d’humilité. Le leitmotiv consiste à ne pas altérer la capacité des entreprises à produire, à n’affaiblir ni le chiffre d’affaires ni la productivité globale et individuelle. Lors de nos auditions, nous avons pu constater que du côté des entreprises, le passage à la semaine en quatre jours a pour objet de fidéliser les salariés et d’attirer de nouveaux collaborateurs. Dès lors que la performance économique n’en est pas affectée, cette modalité peut permettre de s’organiser autrement et d’adopter une relation de travail différente.
Monsieur Taché de la Pagerie, vous avez évoqué la question du temps libre, de l’équilibre de vie, de l’égalité salariale femmes-hommes et de la répartition des tâches. Dans les témoignages que nous avons recueillis, nous avons constaté que, dans les entreprises qui avaient privilégié cette nouvelle organisation, il existait une aspiration à la hausse du salaire des femmes. En effet, dans le modèle actuel, celles qui doivent s’occuper des enfants choisissent de ne travailler qu’à 80 %, ce qui implique un salaire à 80 %. Ce passage à quatre jours leur permet un temps de travail normal et 20 % de salaire en plus. Avec la mesure et la prudence qui caractérisent nos travaux, ces six mois d’investigation ont permis de montrer que le dispositif pouvait être un facteur contributif d’évolution sociétale.
Monsieur Rousset, ce dispositif est en phase d’expérimentation. En tant que rapporteurs, nous nous sommes efforcés d’écrire un chemin permettant d’éclairer les entreprises qui pourraient être intéressées par ce changement dans l’organisation du temps de travail. La direction générale du travail nous a d’ailleurs indiqué qu’elle envisageait d’écrire un guide pour recenser les bonnes pratiques. Pour ma part, je considère qu’il faut laisser les accords d’entreprise se nouer au plus près du terrain, pour respecter les spécificités de tous.
Monsieur Boyard, notre rapport ne suggère effectivement pas de réduire le temps de travail, mais de l’organiser différemment. Cela ne nous a pas empêché d’auditionner des promoteurs de la semaine en trente-deux heures et des entreprises qui l’avait mise en œuvre. L’audition de Pierre Larrouturou a été captivante. Nous avons entendu deux entreprises, LDLC et Yprema, qui ont choisi quatre jours en réduisant le volume à trente-deux heures sans perte de salaire. Les reculs de productivité ont été nuls ou marginaux pour ces deux sociétés qui avaient fait ce choix pour améliorer leur attractivité et fidéliser leurs salariés.
Madame Godard, l’approche systémique est effectivement importante. Le passage doit reposer sur un accord d’entreprise. Je suis favorable à ce que la ministre du travail rencontre les branches professionnelles et qu’elle tente une forme de « dynamisation sociale », dans le cadre du dialogue social.
Madame Gruet, l’aspiration des salariés est profonde. Une partie de plus en plus importante d’entre eux fait état d’un besoin de liberté dans le travail. Nous l’avons entendu, sans pour autant préconiser une liberté absolue qui risquerait de déstructurer l’entreprise, d’affaiblir sa productivité ou l’équité qui doit régner en son sein. C’est la raison pour laquelle nous recommandons un dialogue sur le terrain pour définir une solution gagnant-gagnant, pour tout le monde. J’ajoute que, lorsque nous avons auditionné les représentants des syndicats de salariés, nous n’avons pas eu le sentiment qu’ils étaient particulièrement demandeurs ; ils adoptaient plutôt une position d’attente.
Monsieur Turquois, je comprends votre remarque concernant la faiblesse de nos travaux sur le plan macroéconomique. Il n’a pas été possible de fournir des données dans la mesure où il n’en existe pas suffisamment. C’est précisément la raison pour laquelle il faudra remettre le sujet sur l’ouvrage. Le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller de cette question fondamentale.
Monsieur Bazin, des échecs ont effectivement été enregistrés à l’Urssaf Picardie, mais également dans une compagnie d’assurance mondialement connue. Dans ces deux cas, les salariés demandeurs se sont rendu compte qu’ils n’en voulaient finalement pas, ou alors que l’entreprise s’en trouvait désorganisée, notamment dans sa relation avec la clientèle. Cependant, dans certains établissements hospitaliers, les personnels de santé, notamment les infirmiers et les aides-soignants, étaient très attachés à cette idée, de manière fractionnée. Ils considèrent que la semaine de quatre jours, quitte à travailler une à deux heures de plus au quotidien, offre un jour de répit supplémentaire qui permet de se détacher d’un contexte de travail parfois difficile.
Madame Rousseau, nous avons naturellement passé une matinée pour évoquer ces sujets avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), la médecine du travail et des universitaires. Leur position a été plus philosophique que doctrinale dans la mesure où il n’existe pas encore de retour sur l’usure professionnelle et sur la santé au travail. Des mises en garde ont été adressées. Nous les comprenons. Mais dans notre rapport, au-delà d’exprimer l’importance du bien-être des salariés, nous ne pouvions aller plus loin. L’Anact elle-même a indiqué qu’il n’existe pas suffisamment de retours d’évaluations en l’état.
M. François Gernigon, rapporteur. Je ne dispose pas du recul de mon collègue rapporteur, n’ayant pas participé à tous les travaux de la mission d’information. J’ai cependant rencontré il y a quelques semaines dans le Maine-et-Loire une entreprise du bâtiment d’une quinzaine de salariés qui a mis en place un tel système à la demande de certains personnels. Cette évolution ne s’est pas effectuée de manière uniforme dans l’entreprise. Certaines équipes travaillent du lundi au jeudi et d’autres du mardi au vendredi, mais le personnel administratif est encore présent cinq jours par semaine. Il s’agit ici aussi d’une expérience et le recul manque encore pour tirer des enseignements complets. Le chef d’entreprise m’a néanmoins indiqué qu’elle avait permis un dialogue social. J’estime qu’il s’agit là de l’élément le plus important : une démarche libre, qui n’est pas imposée par une décision unilatérale ou une branche.
Il faut certes fixer un cadre, réfléchir au sein des branches, mais la décision doit appartenir à chaque entreprise, dans le dialogue. Il n’y a pas une solution unique mais des solutions, qu’il s’agisse du public ou du privé. Quoi qu’il en soit, le sujet mérite d’être encore investigué, en étant à l’écoute des initiatives mises en place sur le terrain.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie pour la qualité de ce travail et de vos interventions.
En application de l’article 145, alinéa 7 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d’information.
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR Les RAPPORTEURs
(Par ordre chronologique)
Welcome to the Jungle – Mme Marie Hugon, directrice juridique
Accenture * – Mme Jacqueline Haver Droeze, directrice des ressources humaines d’Accenture France et Benelux
Yprema – M. Claude Prigent, président
M. Pierre Larrouturou, député européen
Métropole de Lyon – M. Bruno Bernard, président
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) Picardie – Mmes Valérie Hadet, directrice, et Anne-Sophie Rousseau, directrice adjointe
Table ronde réunissant des chercheurs
– M. Philippe Askenazy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)-Centre Maurice Halbwachs et professeur attaché au département d’économie de l’École normale supérieure (ENS)
– M. Jean-Yves Boulin, chercheur associé à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso) de l’Université Paris Dauphine-PSL
– M. Thomas Coutrot, chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires)
– Mme Danièle Linhart, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre du laboratoire du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (Cresppa)
Table ronde réunissant les organisations syndicales de salariés
– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mmes Bénédicte Moutin, responsable du service vie au travail et dialogue social, et Carole Giet, secrétaire confédérale en charge de la qualité de vie au travail et des conditions de travail
– Confédération générale du travail (CGT) – M. Baptiste Talbot, membre de la direction confédérale, et Mme Amel Kefti, secrétaire fédérale
– Force ouvrière (FO) – M. Frédéric Souillot, secrétaire général, et Mme Brussia Marton, collaboratrice du secrétaire général
– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Maxime Legrand, secrétaire national en charge du travail, de l’organisation et de la santé, et Mme Aurélie Cea, chargée d’études dans le champ des relations individuelles au travail
Groupe LDLC – M. Laurent de la Clergerie, président
Groupe Alixio – M. Philippe Vivien, vice-président
AXA France * – Mme Christelle Bouron, directrice du développement social, M. Hubert Marck, directeur des affaires publiques, et Mme Jesila Bensalah, responsable des affaires publiques
Metro France * – MM. Pascal Pirotte, directeur des ressources humaines, et Nicolas Héron, directeur des affaires sociales, de la communication interne et du care
Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) * – M. Benoit Serre, vice-président
Table ronde réunissant les organisations professionnelles d’employeurs
– Mouvement des entreprises de France (Medef) * – Mmes Garance Pineau, directrice générale, Pia Voisine, directrice adjointe en charge des relations sociales et des politiques de l’emploi, Odile Menneteau, directrice adjointe en charge de la veille stratégique et des nouveaux enjeux sociaux, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission en charge des affaires publiques
– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * – M. François Asselin, président, et Mme Gwendoline Delamare‑Deboutteville, directrice des affaires sociales
Audition conjointe
– Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés à but non lucratif (Fehap) * – MM. Charles Guepratte, directeur général, et Dominique Bloch-Lemoine, directeur du centre psychothérapique de l’Ain
– Fédération hospitalière de France (FHF) * – M. Rodolphe Soulié, responsable du pôle ressources humaines hospitalières
Centre des jeunes dirigeants (CJD) – Mmes Mélanie Berger-Tisserand, présidente, et Krystel Didier, responsable de programme RSE
Conseil économique, social et environnemental (Cese) – Mmes Sophie Thiéry, présidente de la commission permanente travail et emploi, Élisabeth Tomé-Gertheinrichs et Christelle Caillet, rapporteures de l’avis « Articulation des temps de vie professionnel et personnel : de nouveaux défis »
Ministère de la transformation et de la fonction publiques (MTFP) – Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Guillaume Tinlot, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières
Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) – Dr Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général
Ministère du travail, de la santé et des solidarités (MTSS) – Direction générale du travail (DGT) – Mme Aurore Vitou, sous-directrice des relations du travail, MM. Alexandre Sallé, adjoint au chef du bureau de la durée et des revenus du travail, Alexandre Laurent, chargé d’études au bureau de la durée et des revenus du travail, Mme Marie‑Lise Carton-Zito, adjointe à la sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, M. Maxime Pradier, chef de la mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail, et Mme Nadine Lhuillier, chargée de mission au sein de la mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE N° 2 :
LISTE DES CONTRIBUTIONS écrites reçues
PAR Les RAPPORTEURs
(Par ordre chronologique)
Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)
Union des entreprises de proximité (U2P)
([1]) « "Le travail ne serait pour les jeunes plus qu’une pièce du puzzle de leur vie" : le grand malentendu des générations au travail », article paru sur Le Monde.fr
([2]) En toute rigueur, il serait plus correct de retenir la formule « semaine de travail de quatre jours » mais, pour ne pas alourdir la rédaction du texte, il sera fait référence dans le présent rapport à la « semaine de quatre jours », qui se trouve être la formule usuelle.
([3]) Les rapporteurs, initialement désignés dans ces fonctions par la commission des affaires sociales en décembre 2023, ont conduit l’intégralité de leurs travaux sous la XVIe législature. Ils ont été renommés dans leurs fonctions en juillet 2024, quelques jours après l’ouverture de la XVIIe législature. Le 21 septembre 2024, M. Paul Christophe a été nommé ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes et, le 16 octobre 2024, il a été remplacé dans ses fonctions de rapporteur par M. François Gernigon, sur décision de la même commission.
([4]) Alors qu’en 2019, 11 % des actifs dans l’Union européenne avaient une pratique occasionnelle ou habituelle du télétravail, ils étaient 22 % en 2021 (source : avis du Conseil économique, social et environnemental sur proposition de la commission travail et emploi (mandature 2021-2026) fait par Mmes Christelle Caillet et Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, Articulation des temps de vie professionnel et personnel : de nouveaux défis, avril 2024, pp. 22-23).
([5]) Dans le présent rapport, il est fait référence à la « semaine de quatre jours » pour évoquer indifféremment la semaine de quatre jours stricto sensu et la semaine en quatre jours. Lorsqu’il est fait référence à la « semaine en quatre jours », cela renvoie au cas dans lequel la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours se fait sans réduction concomitante du temps de travail.
([6]) Voir la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite « loi Robien ».
([7]) « La semaine de quatre jours est bien devenue un sujet national », article paru sur Le Monde.fr
([8]) ADP France, People at Work 2022 : l’étude Workforce View, mai 2022.
([9]) Odoxa, Baromètre de l’économie, février 2024.
([10]) Ifop pour Politis, Les Français et la semaine de 4 jours, mars 2024.
([11]) Réponses de la direction générale du travail au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([12]) C’est l’analyse de la direction générale du travail dans la mesure où ne sont pas incluses dans le total les stipulations relatives à la semaine de quatre jours susceptibles de se trouver dans des accords collectifs traitant plus généralement de l’organisation du temps de travail.
([13]) Pauline Grimaud, La semaine de 4 jours : travailler moins tout en travaillant… plus ?, Centre d’études de l’emploi et du travail, Connaissance de l’emploi, n° 199, septembre 2024, p. 2.
([14]) Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 82.
([15]) Il est ici question des salariés exerçant une activité à temps complet (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-duree-individuelle-du-travail).
([16]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), Le travail en horaires atypiques en 2021, n° 52, octobre 2022, p. 1.
([17]) Id.
([19]) Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 33.
([20]) Déclaration de politique générale de M. Gabriel Attal, Premier ministre, à l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024.
([21]) Direction générale de l’administration et de la fonction publique, Note sur l’expérimentation de la semaine en 4 jours dans la fonction publique – Principes directeurs et méthodologie, 22 mars 2024.
([22]) À l’heure où ces lignes sont écrites, le principe de la mise en œuvre de l’expérimentation n’est pas remis en question par la nomination du Gouvernement dirigé par Michel Barnier.
([23]) Réponses de la direction générale de l’administration et de la fonction publique au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([24]) La fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
([25]) Réponses de la direction générale de l’administration et de la fonction publique au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([26]) Id. Ce nombre inclut les structures qui mettent en œuvre la semaine en quatre jours sur le fondement de l’expérimentation lancée par le Gouvernement au début de l’année 2024 et celles qui la mettent en œuvre sur un fondement différent.
([27]) Sauf indication contraire, les données présentées dans les développements qui suivent sont issues des réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs au Centre européen de recherche et de documentation parlementaires.
([28]) https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/30/en-allemagne-le-syndicat-ig-metall-plaide-pour-la-semaine-de-quatre-jours-a-32-heures_6175437_3234.html?random=2141648154.
([29]) Loi du 3 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail.
([30]) Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 26.
([31]) Il s’agissait d’un soutien technique, pas financier.
([32]) Réponses de la direction générale du travail au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([33]) Pedro Gomes, Rita Fontinha, Semaine de quatre jours – Résultats du projet pilote portugais – Infographie et résumé exécutif, juillet 2024, p. 4.
([34]) Ibid., pp. 5-6.
([35]) Ibid., p. 5.
([36]) Ibid., p. 6.
([37]) Ibid., p. 4.
([38]) Une partie des salariés travaillant moins de trente-cinq heures par semaine occuperait très vraisemblablement des emplois à temps partiel.
([39]) Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 24.
([40]) Autonomy, The results are in: the UK’s four-day week pilot, février 2023, p. 32.
([41]) Ibid., p. 27.
([42]) Ibid., p. 36.
([43]) Ibid., p. 38.
([44]) Ibid., p. 37.
([45]) Ibid., p. 39.
([46]) Ibid. p. 42.
([47]) Ibid. p. 30.
([48]) Profil public, Semaine de 4 jours – Étude secteur public, février 2024, pp. 15-16.
([49]) Autonomy, Going public: Iceland’s journey to a shorter working week, juin 2021, p. 54.
([50]) Ibid., p. 53.
([51]) https://www.theguardian.com/world/2020/may/20/jacinda-ardern-flags-four-day-working-week-as-way-to-rebuild-new-zealand-after-covid-19.
([53]) Conseil économique, social et environnemental, op. cit., p. 19.
([54]) Loi n° 79‑3 du 2 janvier 1979 relative à la durée du travail et au travail de nuit des femmes.
([55]) Voir infra, le 1 du A du présent II.
([56]) Décret n° 97-326 du 10 avril 1997 relatif à la durée du travail dans les établissements de banque, de finance, de crédit, d’épargne et de change.
([57]) Décret n° 2003-849 du 4 septembre 2003 relatif aux modalités d’application du code du travail concernant la durée du travail du personnel des entreprises assurant la restauration ou l’exploitation des places couchées dans les trains.
([58]) Dont les dispositions sont issues respectivement, à l’origine, du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes et du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d’application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises.
([59]) Dont les dispositions sont issues, à l’origine, du décret n° 83-1111 du 19 décembre 1983 déterminant les modalités d’application des dispositions du code du travail dans les entreprises de transport par voie de navigation intérieure et au personnel navigant de la batellerie fluviale.
([60]) En application de l’article L. 2312-8 du code du travail.
([61]) Réponses de la direction générale du travail au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([62]) Issu de la loi n° 79-3 du 2 janvier 1979 précitée.
([63]) Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés.
([64]) L’article 3 de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 a abrogé l’article L. 212-2-1 du code du travail tout en indiquant que ses dispositions demeureraient en vigueur jusqu’à l’intervention des mesures réglementaires précisant les conditions dans lesquelles la durée hebdomadaire du travail devait être répartie sur la semaine. Toutefois, ces mesures n’ont jamais vu le jour.
([65]) Cette faculté était ouverte à l’employeur à la condition que la durée du travail hebdomadaire n’excède pas quarante heures.
([66]) Entrent notamment dans cette catégorie, d’après les informations transmises par la direction générale du travail, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) ou celui de la métallurgie.
([67]) Loi du 21 juin 1936 instituant la semaine de quarante heures dans les établissements industriels et commerciaux et fixant la durée du travail dans les mines souterraines.
([68]) Aux termes de l’article L. 2311-2 du code du travail, un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d’au moins onze salariés.
([69]) La direction générale du travail ne dispose pas d’information sur l’application que les entreprises font des stipulations sur la répartition de la durée du travail hebdomadaire contenues dans les conventions de branche.
([70]) Étendue par arrêté du 22 janvier 1987.
([71]) Étendue par arrêté du 10 mai 1973.
([72]) Étendue par arrêté du 26 juillet 2002.
([73]) Étendue par arrêté du 21 novembre 2006.
([74]) Étendue par arrêté du 27 février 2012.
([75]) Voir la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
([76]) En application de l’article L. 3121-1 du code du travail, « [l]a durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».
([77]) Voir l’article D. 3121-4 du code du travail.
([78]) Par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche.
([79]) Article L. 3121-19 du code du travail.
([80]) Voir l’article D. 3121-6 du code du travail.
([81]) Article L. 3121-21 du code du travail. Voir aussi l’article R. 3121-10 du même code.
([82]) Par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche.
([83]) Article L. 3121-23 du code du travail.
([84]) Article L. 3121-24 du code du travail.
([85]) Article L. 3121-25 du code du travail. Voir aussi les articles R. 3121-12 à R. 3121-16 du même code.
([86]) Article D. 3131-1 du code du travail.
([87]) Par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche.
([88]) Article L. 3131-2 du code du travail. Voir aussi les articles D. 3131-4 à D. 3131-6 du même code.
([89]) Article L. 3131-3 du code du travail. Voir aussi l’article D. 3131-7 du même code.
([90]) Voir supra, le 3 du A du I.
([91]) Article L. 3121-27 du code du travail.
([92]) Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature.
([93]) La semaine en quatre jours peut également être mise en œuvre sur le fondement d’un règlement intérieur dès lors que l’arrêté définissant les cycles de travail ne l’interdit pas.
([94]) Voir l’article 4.
([95]) Voir les articles 3 et 4.
([96]) Voir l’article 4.
([97]) Voir l’article 2.
([98]) Voir l’article 2.
([99]) Décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
([100]) Décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
([101]) Des règles équivalentes sont applicables dans la fonction publique territoriale (voir l’article 1er du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 précité) et dans la fonction publique hospitalière (voir les articles 6 et 7 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 précité).
([102]) Loi n° 79-3 du 2 janvier 1979 précitée.
([103]) Rapport (n° 153, première session ordinaire de 1978‑1979) fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par Robert Schwint sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la durée maximale hebdomadaire du travail, p. 15.
([104]) Seuls les agents relevant de certaines catégories sont éligibles au bénéfice d’une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours.
([105]) Le présent B traite des conséquences de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours dans les entreprises privées uniquement, les éléments d’évaluation relatifs à sa mise en œuvre dans les administrations publiques n’étant pas suffisants.
([106]) Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), La semaine de 4 jours, Enjeux pour la santé et la sécurité au travail, août 2023, p. 2.
([107]) Jean-Yves Boulin, « Semaine de quatre jours : une préfiguration de l’avenir du temps de travail ? », futuribles, n° 461, juillet-août 2024, p. 66.
([108]) Audition des représentants du Centre des jeunes dirigeants (30 avril 2024). Il s’agit de la hausse de la productivité la plus forte dont les rapporteurs ont eu connaissance.
([109]) Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer, étude réalisée pour la fondation The Adecco Group, avril 2024, p. 18.
([110]) Table ronde réunissant des économistes et des sociologues (20 mars 2024).
([111]) Ifop pour Fiducial, Baromètre de conjoncture des TPE – Vague 76, juin 2024, p. 43.
([112]) INRS, op. cit., p. 3.
([113]) Id.
([114]) Réponses de la direction générale du travail au questionnaire adressé par les rapporteurs.
([115]) Moins de cinq salariés sur deux cents salariés éligibles ont souhaité bénéficier d’une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur quatre jours.
([116]) Crédoc, op. cit., p. 31.
([117]) Ibid., p. 32.
([118]) Environment International, « Global, regional, and national burdens of ischemic heart disease and stroke attributable to exposure to long working hours for 194 countries, 2000–2016: A systematic analysis from the WHO/ILO Joint Estimates of the Work-related Burden of Disease and Injury », volume 154, septembre 2021.
([119]) Le lean management est une méthode de gestion et d’organisation du travail qui vise à améliorer les performances d’une entreprise par l’intermédiaire, notamment, de la réduction des gaspillages.
([120]) INRS, op. cit., p. 3.
([121]) Crédoc, op. cit., p. 33.
([122]) Audition du docteur Jean-Michel Sterdyniak (7 mai 2024).
([123]) Voir supra, le 2 du B du I.
([124]) Voir supra, le 1 du B du I.
([125]) Ces données, publiées par la Dares, concernent les salariés du secteur privé (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/le-temps-partiel).
([126]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Emploi, chômage, revenus du travail, Insee Références, édition 2022, p. 134.
([127]) Insee, La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances, Insee Première, n° 1835, janvier 2021, p. 1.
([128]) Cette démarche incombe à la direction de l’entreprise. La liste des questions n’est pas exhaustive.