N° 791

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

portant observations sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes ( 529),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Charles SITZENSTUHL,

Député

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  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL vice‑présidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM.  David AMIEL, Gabriel AMARD, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, MM. François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Andy KERBRAT, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Thierry SOTHER, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLE-POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 


SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE :  des marchÉs de capitaux mieux integrÉs  et plus transparents pour relancer la croissance europÉenne et financer les transitions

I. des progrès vers l’union des marches de capitaux, qui doivent être mis en œuvre au niveau national

A. Une meilleure diffusion des informations publiÉes par les entreprises grâce à la mise en place d’un point d’acces unique européen (ESAP)

1. Le point d’accès unique européen, négocié sous présidence française, vise à faciliter les décisions d’investissement au sein de l’Union

a. L’accessibilité des informations publiques des entreprises est un enjeu économique et stratégique

b. Le paquet législatif ESAP organise la centralisation des informations sur une plateforme unique selon un calendrier progressif

2. Une transposition par voie d’ordonnance justifiée par la grande technicité du dispositif et une nécessité de coordination

B. la rÉvision de la directive MIFID II et du règlement mifir : vers un fonctionnement plus sur et transparent des marchés financiers

1. Une révision nécessaire pour mieux garantir les intérêts des investisseurs au niveau européen

a. Une architecture des marchés financiers qui exigeait des progrès en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts

b. La révision de la directive MiFID II et du règlement MiFIR permet la création de bases de données consolidées sur les transactions et l’interdiction de la pratique du paiement pour flux d’ordres

2. L’article 1er (I) du projet de loi transcrit l’interdiction du paiement pour flux d’ordres et élargit le partage d’informations entre les autorités de supervision

C. Le dÉploiement des virements instantanÉs à l’Échelle européenne

1. La généralisation de services de virements instantanés abordables et sécurisés au bénéfice des entreprises et des particuliers

a. Des obstacles persistants au développement des virements instantanés

b. Le règlement (UE) n° 2024/886 améliore l’accessibilité et la fiabilité des services de virements instantanés en vue de leur généralisation

2. L’article 2 (IV, V et VI) assure le contrôle du respect des obligations des prestataires de services de paiement relatives aux virements instantanés

II. Une meilleure allocation des financements vers les grandes priorités de l’union grÂce À des exigences en matiÈre de transparence

A. L’Union europÉenne, pionniÈre de la finance durable : le dÉveloppement des obligations vertes europeennes

1. Un marché des obligations vertes en plein essor en France et en Europe qui doit être mieux encadré pour garantir la confiance des investisseurs

a. La zone euro est le premier émetteur d’obligations vertes, notamment sous l’impulsion de la France

b. Une nécessaire standardisation pour améliorer la transparence et prévenir les risques d’éco-blanchiment

2. La création d’un standard européen d’obligations vertes

a. Des exigences en matière de transparence et un alignement sur la taxinomie de l’Union, en préservant une marge de flexibilité

b. Le projet de loi confie à l’Autorité des marchés financiers (AMF) la supervision de l’émission des obligations vertes européennes

B. La directive CSRD

1. Une meilleure prise en compte des enjeux de durabilité par les entreprises

a. Un cadre harmonisé et renforcé pour la publication des informations extra-financières des entreprises

b. Une application progressive qui engendrera des coûts pour les entreprises

2. La transposition de la directive CSRD, réalisée en 2023, doit être ajustée pour optimiser son application par les entreprises

a. La France a été le premier pays à transposer la directive CSRD

b. Le projet de loi vise à corriger et simplifier certaines dispositions afin d’alléger la charge pour les entreprises

DEUXIÈME PARTIE :  des avancÉes majeures en matiÈre de transition Écologique

I. Construire un marché européen de l’Énergie unifie pour assurer la transition ÉNERGÉtique

A. Construire un marché européen unifié de l’électricité tout en veillant à s’assurer du respect des règles établies

1. La mise en place d’une politique énergétique dans l’Union européenne

2. Le paquet énergie propre renouvelle la politique énergétique européenne en l’unifiant et en assurant le respect de ses règles

B. Assurer le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

1. Assurer la souveraineté européenne par l’accroissement des énergies renouvelables et la décarbonation des énergies

2. L’efficacité énergétique comme pilier de la stratégie énergétique européenne

II. Des objectifs ambitieux pour assurer la dÉCARBONATION du secteur des transports

A. Le développement des carburants d’aviation durables

1. La fixation de mandats d’incorporation de carburants aéronautiques durables par le règlement RefuelEU prolonge les initiatives françaises en la matière

2. Au niveau national, la définition d’un régime de sanctions qui doit s’accompagner d’un soutien accru à la filière des carburants durables

B. La réduction des Émissions du parc automobile

1. L’interdiction des voitures thermiques neuves à l’horizon 2035

2. En parallèle, la nécessaire préservation de la compétitivité de l’industrie automobile européenne

Troisième partie :  des droits renforc֤֤és pour les consommateurs  et les travailleurs etrangers hautement qualifiés

I. Mieux protÉger les consommateurs en renforÇant le mÉcanisme de l’action de groupe

A. Une nouvelle législation européenne garante des droits du consommateur

1. La genèse de l’action collective : construire un droit de protection du consommateur

2. Les spécificités de la directive 2020/2018 : un régime juridique européen soucieux des particularités nationales

B. Le régime de l’action de groupe en France

1. L’introduction du mécanisme de l’action de groupe en droit français

2. L’initiative parlementaire a cherché à apporter de plus importantes garanties des droits du consommateur

3. Le gouvernement fait le choix d’une transposition simple

II. Renforcer l’attractivité de l’Union européenne pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés

A. Le recours aux travailleurs étrangers hautement qualifiés est essentiel pour répondre aux pénuries de compétences au sein de l’Union

1. Une immigration hautement qualifiée qui permettrait de stimuler la croissance européenne

2. Les initiatives françaises et européennes pour attirer les travailleurs étrangers hautement qualifiés

B. La révision de la carte bleue européenne par la directive 2021/1883 vise à mieux attirer les talents.

1. Des conditions d’entrée et de séjour assouplies mais soumises à un contrôle approfondi

a. Des conditions de délivrance assouplies

b. Un approfondissement du contrôle des employeurs

c. Le renforcement des droits liés à la délivrance d’une carte bleue européenne

2. En France, une évolution du titre de séjour « talent » consacrée par le projet de loi

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 :

Résumé des dispositions du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes


   introduction

Mesdames, Messieurs,

Ce projet de loi a pour objet de transposer plusieurs directives et de mettre en cohérence le droit national avec plusieurs règlements européens. Il procède, par ailleurs, à des mises en conformité de dispositions nationales avec le droit de l’Union européenne rendues nécessaires dans le cadre de mises en demeure ou à la suite de décisions contentieuses.

La transposition des directives est une obligation pour les États membres de l’Union européenne. Contrairement aux règlements, les directives ne sont pas directement applicables en droit national et doivent être transposées. Le texte de la directive fixe ainsi les objectifs à atteindre, tout en laissant chaque État libre de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cet objectif. Un délai de transposition doit néanmoins être respecté, la plupart du temps inférieur à deux ans.

Quatre grands domaines sont concernés par ce projet de loi : droit bancaire, monétaire et financier (mise en place du point d’accès unique européen, déploiement des virements instantanés en euros, correction de la transposition de la directive CSRD, création d’un standard européen pour les obligations vertes, régulation bancaire, évolution de l’accès au registre des bénéficiaires effectifs des entreprises) ; droit de la consommation (création d’une action de groupe transfrontière) ; transition écologique (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, carburants d’aviation durables, interdiction de la vente des voitures à moteur thermique à l’horizon 2035, marché européen de l’électricité, développement des énergies renouvelables) ; entrée et séjour des étrangers (assouplissement des conditions de délivrance de la carte bleue européenne pour les travailleurs hautement qualifiés).

La Commission des affaires européennes s’est saisie de ce projet de loi afin de produire un rapport d’information portant observations.

Le rapporteur a souhaité mettre l’accent sur quelques mesures qui viennent transposer en droit national des avancées européennes notables en matière économique, financière, et écologique, rappelant ainsi que l’Europe est une chance pour la France.

 

 


   PREMIÈRE PARTIE :
des marchÉs de capitaux mieux integrÉs
et plus transparents pour relancer la croissance europÉenne et financer les transitions

I.   des progrès vers l’union des marches de capitaux, qui doivent être mis en œuvre au niveau national

Alors que le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité dresse le constat sans appel d’un décrochage économique de l’Europe par rapport aux ÉtatsUnis, il est urgent que l’Union investisse massivement pour améliorer sa productivité, réindustrialiser son territoire et accélérer les transitions écologiques et numériques. Elle ne pourra y parvenir qu’en mobilisant d’importants financements privés, mais se heurte pour ce faire à la faiblesse de ses marchés de capitaux : les marchés financiers européens ne représentent en effet que 11 % de la capitalisation boursière mondiale et 15 % des introductions en bourse, contre 45 % et 32 % pour le marché américain, dont le dynamisme attire une grande part de l’épargne européenne.

Ce sous-développement des marchés de capitaux repose sur plusieurs facteurs, largement documentés : un défaut d’harmonisation des règles fiscales et financières, des difficultés d’accès à l’information pour les investisseurs, des infrastructures de marché fragmentées, une prédominance du financement bancaire, ou encore une insuffisance du capital-risque.

Face à ces multiples enjeux, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a annoncé, dès 2014, la relance de l’Union des marchés de capitaux. Après un premier plan présenté en 2015, la Commission européenne a proposé, le 24 septembre 2020, un nouveau plan d’action ([1]) qui se décline en deux trains de mesures. Le premier, présenté le 25 novembre 2021 et entièrement mis en œuvre, visait à renforcer l’attractivité des marchés financiers européens grâce à quatre initiatives :

 

-       la mise en place d’un point d’accès unique européen centralisant les informations publiées par les entreprises (European Single Access Point – ESAP) ;

-       la révision du règlement MiFIR et de la directive MiFID II sur les marchés financiers pour renforcer leur transparence et la protection des investisseurs ;

-       la révision des règles encadrant les fonds d’investissement à long terme (European Long-Term Investment Funds – ELTIF) pour favoriser leur développement ;

-       et une surveillance accrue des risques de gestion des fonds d'investissement alternatifs.

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union déposé par le Gouvernement le 31 octobre 2024 tend à mettre en œuvre les deux premières mesures, auxquelles s’ajoute le développement des virements instantanés à l’échelle européenne.

A.   Une meilleure diffusion des informations publiÉes par les entreprises grâce à la mise en place d’un point d’acces unique européen (ESAP)

1.   Le point d’accès unique européen, négocié sous présidence française, vise à faciliter les décisions d’investissement au sein de l’Union

a.   L’accessibilité des informations publiques des entreprises est un enjeu économique et stratégique

Conformément à la réglementation européenne, les entreprises sont tenues de communiquer un nombre croissant d’informations en matière financière, sociale ou environnementale, afin d’éclairer les décisions des investisseurs et d’assurer une allocation optimale des capitaux.

La fragmentation des systèmes nationaux d’information ne permet cependant pas de diffuser les données publiées, lesquelles demeurent peu accessibles et peu lisibles. Elles sont en effet souvent dispersées sur les sites internet des entreprises ou des autorités de supervision. Ainsi, en 2020, seulement 18 % des informations communiquées par les entreprises étaient centralisées sur une base de données, et seulement 3 % l’étaient sur une base couvrant l’ensemble du territoire européen. En outre, le format de publication n’est pas standardisé et ne permet que rarement l’extraction des données, empêchant leur traitement numérisé.

Cette situation est triplement problématique. Elle constitue tout d’abord un frein à l’investissement, en empêchant les entreprises de valoriser les informations publiées pour améliorer leur attractivité, et en renchérissant le coût de conception des produits financiers. Elle affecte également la capacité de l’Union à atteindre ses objectifs environnementaux, en ne permettant pas d’orienter les capitaux vers les projets durables, tout en augmentant les risques de divergence entre pays faute de comparabilité des données. Enfin, elle compromet l’autonomie stratégique européenne, en contraignant les investisseurs à s’appuyer sur des fournisseurs de données privés, le plus souvent non européens, au risque de conférer à ces derniers une influence normative.

b.   Le paquet législatif ESAP organise la centralisation des informations sur une plateforme unique selon un calendrier progressif

La présidence française du Conseil de l’Union ayant permis de faire progresser les négociations sur plusieurs points majeurs, le règlement du Parlement européen et du Conseil a pu être adopté le 13 décembre 2023 pour établir un point d’accès unique européen qui centralise les informations financières et extra-financières publiées par les entreprises.

L’ensemble des informations publiées seront accessibles sur un portail numérique unique, géré par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), permettant de rechercher des données selon différents critères (nom de l’entité, talle, pays du siège, secteurs économiques d’activité…). L’accès aux informations sera gratuit, même si des frais exceptionnels pourront être facturés aux utilisateurs qui demandent des volumes de données très importants. L’AEMF est chargée de garantir la sécurité informatique de la plateforme et le respect du règlement général de protection des données (RGPD).

Ce règlement est complété par une directive omnibus et un règlement omnibus qui modifient respectivement seize directives et dix-neuf règlements pour imposer que les informations dont ces textes prévoient la publication soient transmises à l’ESAP dans un format standardisé. La transmission se fera par l’intermédiaire d’organismes de collecte nationaux.

Les négociations conduites par la France ont permis d’acter le principe d’un élargissement progressif du périmètre des informations publiées sur l’ESAP, afin de garantir son opérationnalité et sa sécurité. L’entrée en vigueur des obligations de transmission des informations s’échelonnera ainsi entre le 10 juillet 2026 et le 10 janvier 2030, en donnant la priorité aux informations publiées par les sociétés cotées et sur les produits d’investissement.

Il importe de souligner que le texte ne crée aucune nouvelle obligation de publication d’informations pour les entreprises, mais se contente de modifier le canal de transmission et le format des informations publiées. Il n’en résultera donc aucun surcroît de charge administrative pour elles.

2.   Une transposition par voie d’ordonnance justifiée par la grande technicité du dispositif et une nécessité de coordination

Pour assurer la mise en œuvre du paquet législatif ESAP au niveau national, il est nécessaire de définir dans la loi l’organisme national chargé de la collecte et les modalités de celle-ci pour chaque catégorie d’information couverte par les trente-cinq textes européens concernés.

Les spécificités techniques du projet seront en outre définies en 2024 par la Commission européenne par voie d’actes délégués, sur la base de propositions du comité mixte des autorités européennes de surveillance. Pour concevoir ces normes au plus près des besoins des utilisateurs et des contributeurs de l’ESAP, le comité organise une consultation publique auprès de tous les acteurs concernés.

Compte tenu du haut niveau de technicité du dispositif, qui exige un travail de coordination entre l’ensemble des autorités concernées (AMF, ACPR, Banque de France, différents ministères…) et de nombreuses consultations pour effectuer les meilleurs choix opérationnels, le Gouvernement sollicite auprès du Parlement une habilitation pour transposer ces dispositions par voie d’ordonnance dans un délai de 9 mois. Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

B.   la rÉvision de la directive MIFID II et du règlement mifir : vers un fonctionnement plus sur et transparent des marchés financiers

1.   Une révision nécessaire pour mieux garantir les intérêts des investisseurs au niveau européen

a.   Une architecture des marchés financiers qui exigeait des progrès en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts

L’organisation des marchés financiers au sein de l’Union a été profondément redéfinie par la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF), entrée en vigueur le 1er novembre 2007. En mettant fin au monopole des bourses traditionnelles, elle a permis la multiplication des plateformes de négociation et leur mise en concurrence pour favoriser l’innovation et la baisse des coûts de transaction.

Cette libéralisation s’est accompagnée d’obligations renforcées en matière de transparence sur les marchés organisés afin de permettre la correcte formation des prix et de garantir ainsi l’efficience des marchés. La transparence pré-négociation doit ainsi permettre à chaque investisseur de connaître les prix et les volumes proposés à l’achat et à la vente sur chaque plateforme de négociation ; et la transparence post-négociation oblige les plateformes à publier, en temps réel, le volume et les prix des transactions effectuées. Ces exigences de transparence permettent la bonne application du « principe de meilleure exécution », en vertu duquel les intermédiaires financiers sont tenus d’exécuter les ordres de leur client sur la plateforme de négociation qui offre les conditions les plus favorables.

Si la directive MiFID II du 15 mai 2014 a opportunément étendu les obligations de transparence et renforcé la protection des investisseurs, force a été de constater que les progrès demeuraient insuffisants. La fragmentation des marchés financiers entraîne en effet une fragmentation des données disponibles, ce qui augmente le coût d’accès à l’information pour les petits investisseurs.

Pour y remédier, la directive MiFID II a établi un cadre juridique adapté au développement de systèmes consolidés de publication qui regrouperaient l’ensemble des données relatives aux prix et volumes des transactions pour donner aux investisseurs et aux superviseurs une vue d’ensemble sur les marchés. Cependant, aucune entité n’a souhaité se constituer comme tel en sollicitant un agrément. Cela serait dû à trois principaux obstacles, identifiés par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) : les difficultés pour obtenir la transmission des informations des plateformes ; la qualité insuffisante et le défaut d’harmonisation des données ; et l’absence d’incitation commerciale.

Par ailleurs, la protection des investisseurs était menacée par un risque de conflit d’intérêts résultant du paiement pour flux d’ordres. Cette pratique consiste pour un négociateur de haute fréquence, aussi appelé teneur de marché, à offrir un paiement aux courtiers de détail pour qu’ils lui confient l’exécution des ordres de leurs clients. Les intermédiaires financiers peuvent ainsi proposer à leurs clients des frais d’exécution moindres, voire des transactions « zéro commission ». En dépit de ces bénéfices apparents, il s’est révélé que cette pratique incitait les courtiers à acheminer les ordres de leurs clients vers les négociateurs de haute fréquence qui leur versaient la commission la plus élevée, et non vers ceux qui garantissaient la meilleure exécution pour leur client. Une étude publiée par l’Autorité des marchés financiers néerlandaise a ainsi démontré que, dans les trois-quarts des cas, les ordres étaient passés à des cours moins avantageux pour les clients sur les plateformes qui ont recours au paiement pour flux d’ordres.

b.   La révision de la directive MiFID II et du règlement MiFIR permet la création de bases de données consolidées sur les transactions et l’interdiction de la pratique du paiement pour flux d’ordres

Le règlement et la directive du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2024 ont révisé le règlement MiFIR et la directive MiFID II pour entériner deux avancées majeures : la création de systèmes consolidés de publication de données sur les transactions financières, et l’interdiction du paiement pour flux d’ordres.

En premier lieu, il est prévu de mettre en place un consolidateur de données unique et indépendant pour chaque catégorie d’actifs financiers (actions, obligations, fonds cotés, produits dérivés), désigné par l’Autorité européenne des marchés financiers à l’issue d’une procédure de sélection concurrentielle. Les plateformes de négociation seront tenues de transmettre les données de marché, dans un format harmonisé, directement et exclusivement aux fournisseurs de systèmes consolidés de publication (consolidated tapes providers – CTP). La viabilité économique de l’activité sera assurée par le droit de tarifer de façon raisonnable la fourniture du service de publication consolidée. En favorisant l’accès des petits investisseurs et investisseurs de détail aux données de marché et en améliorant la confiance, ce dispositif devrait accroître la liquidité des marchés et faciliter le financement des entreprises.

En second lieu, il est introduit dans le règlement MiFIR un article 39 bis portant interdiction de recevoir un paiement pour le flux d’ordres. Il harmonise ainsi la réglementation des États membres en la matière, alors que les Pays-Bas ou le Royaume-Uni avaient déjà interdit la pratique, à la différence de l’Allemagne et de la France qui l’autorisaient. Le texte offre la possibilité aux États de maintenir son maintien sur leur territoire jusqu’au 30 juin 2026.

2.   L’article 1er (I) du projet de loi transcrit l’interdiction du paiement pour flux d’ordres et élargit le partage d’informations entre les autorités de supervision

La France n’ayant pas choisi d’exercer l’option lui permettant de maintenir le paiement pour flux d’ordres jusqu’en 2026, le projet de loi transcrit son interdiction dans le code monétaire et financier.

Par ailleurs, le projet de loi élargit le champ des autorités de supervision auxquelles l’Autorité des marchés financiers (AMF) est tenue de transmettre les comptes rendus détaillés sur leurs transactions que lui communiquent les entreprises d’investissement, afin de faciliter la surveillance globale des marchés.

C.   Le dÉploiement des virements instantanÉs à l’Échelle européenne

1.   La généralisation de services de virements instantanés abordables et sécurisés au bénéfice des entreprises et des particuliers

a.   Des obstacles persistants au développement des virements instantanés

Dès le début des années 2000, la constitution d’un espace unique de paiements en euros (ou Sepa, Single euro payments area) a permis d’effectuer des paiements dans les mêmes conditions dans toute l’Union européenne. La mise en place de ce marché intégré, et la concurrence accrue qui en résulte, a favorisé la réduction des coûts des moyens de paiement et leur sécurisation, au profit des consommateurs et des entreprises.

Le cadre réglementaire des services de paiement devrait néanmoins évoluer pour accompagner le développement de l’utilisation des virements instantanés. Cette méthode de paiement innovante permet de transférer des fonds en temps réel à tout instant et de les mettre à disposition du bénéficiaire en moins de dix secondes, à la différence des virements classiques qui demandent plusieurs jours de traitement. Ils sont particulièrement adaptés à la numérisation progressive de l’économie, répondant aux nouvelles habitudes de consommation et aux besoins de trésorerie croissants des entreprises.

Pourtant, en 2022, seulement 13 % des virements en euros au sein de l’Union étaient effectués de manière instantanée ([2]). Leur généralisation se heurte en effet à plusieurs obstacles : un coût plus élevé que celui des virements traditionnels ; un défaut d’acceptation universelle par les prestataires de services de paiement ; un manque de confiance des utilisateurs ; des frictions générées par l’application de la réglementation européenne en matière de gel des avoirs, qui exige un filtrage des transactions transfrontières par les institutions financières.

b.   Le règlement (UE) n° 2024/886 améliore l’accessibilité et la fiabilité des services de virements instantanés en vue de leur généralisation

Le règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2024 vise à accélérer le déploiement des paiements instantanés en levant les obstacles auxquels ils sont confrontés.

Il s’agit tout d’abord d’améliorer l’accessibilité de ce type de virement. Le règlement impose ainsi à tous les prestataires de services de paiement d’offrir à leurs utilisateurs la possibilité d’émettre et de recevoir des virements instantanés en euros, pour un coût plafonné à celui des virements standards.

Les risques spécifiques de fraude ou d’erreur qui résultent de l’instantanéité de ces paiements ont également conduit à adopter des mesures de protection des utilisateurs, en veillant à ce que les contrôles ne se traduisent pas par un allègement des délais de transaction. Les prestataires devront fournir gratuitement un service de fiabilisation des IBAN, permettant de vérifier la cohérence entre le nom du bénéficiaire et l’identité bancaire saisie.

Afin de concilier la bonne application des mesures de gel des avoirs et la fluidité des virements instantanés, le règlement impose aux institutions financières de vérifier quotidiennement que leurs clients ne sont pas affectés par une telle mesure restrictive. Le déplacement du filtrage sur les bases de clientèle plutôt que sur les transactions permettra ainsi de limiter les frictions affectant les virements instantanés, sans porter préjudice à la qualité des contrôles.

Par ailleurs, pour tenir compte de la numérisation croissante des pratiques, le règlement autorise les établissements de paiement – c’est-à-dire les prestataires de services de paiement autres que les établissements de crédit – et les établissements de monnaie électronique à participer à des systèmes de paiement, dont ils étaient jusque-là exclus par la directive du 19 mai 1998. En contrepartie, ces établissements seront soumis à des exigences renforcées, prévues par la directive du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement, afin de garantir la protection des fonds des utilisateurs ainsi que la stabilité et l’intégrité des systèmes. Ils auront également la possibilité de cantonner les fonds reçus de la part de leurs clients sur un compte auprès d’une banque centrale de l’Union européenne, à la discrétion de celle-ci.

Le comité national des moyens de paiement s’est félicité, dans son communiqué du 28 mars 2024, de ces nouvelles règles qui « vont permettre aux citoyens et aux entreprises de bénéficier de paiements instantanés abordables et sécurisés » et « contribueront à renforcer l’autonomie stratégique du secteur financier européen en aidant les projets de solutions de paiement pan-européens à émerger tout en pérennisant l’utilisation d’infrastructures de paiement souveraines, nationales et européennes ».

2.   L’article 2 (IV, V et VI) assure le contrôle du respect des obligations des prestataires de services de paiement relatives aux virements instantanés

L’obligation de fournir un service de virement instantané à un coût plafonné et un mécanisme de fiabilisation des IBAN doit entrer en vigueur au plus tard le 9 janvier 2025 dans les États membres dont la monnaie est l’euro, et au plus tard le 9 janvier 2027 dans les autres États membres.

L’article 2 (IV) du projet de loi donne compétence à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour rechercher et constater les manquements des prestataires de services de paiement aux obligations susmentionnées.

L’article 2 (V) inscrit dans le code monétaire et financier l’élargissement des systèmes de règlement interbancaire aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique. Il transpose également les exigences que devront remplir les établissements de ce type qui souhaitent participer à des systèmes de paiement, et la nouvelle possibilité qui leur est offerte de cantonner les fonds de leurs clients sur le compte d’une banque centrale.

Enfin, l’article 2 (VI) habilite le Gouvernement à définir par voie d’ordonnance la procédure permettant d’évaluer si les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique se conforment à leurs obligations, en raison des délais restreints et de la technicité des mesures à prendre. Il est pour l’heure envisagé que ce contrôle soit confié à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), déjà compétente pour délivrer des agréments aux établissements de paiement, et, le cas échéant, à la Banque de France.

Si le rapporteur salue les progrès réalisés à travers ce premier train de mesures, il appelle à poursuivre les efforts en faveur de l’intégration des marchés de capitaux européens.

Cela suppose tout d’abord de mettre en œuvre le second train de mesures publié par la Commission européenne le 7 décembre 2024. Le Conseil a en effet adopté ces deux derniers mois des règles simplifiées pour la cotation des entreprises afin de permettre aux PME d’être plus facilement cotées sur les places boursières européennes, la révision du règlement et de la directive sur l’infrastructure du marché européen (EMIR) afin d’améliorer les services de compensation, et la révision de la directive Solvabilité II pour renforcer la capacité du secteur de l’assurance à fournir une source d’investissement à long terme aux entreprises européennes.

L’union des marchés de capitaux ne pourra cependant être achevée qu’en engageant des chantiers d’ampleur. Votre rapporteur invite ainsi les institutions de l’Union européenne à ouvrir une réflexion sur les propositions formulées par le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité, et par le rapport de Christian Noyer, présenté le 25 avril 2024. Ils préconisaient notamment de développer les produits d’épargne européens de long terme, de renforcer les compétences de l’Autorité européenne des marchés financiers pour en faire le superviseur unique des marchés de capitaux, d’unifier les infrastructures de marché pour réduire le coût des transactions transfrontières, ou encore de relancer la titrisation pour augmenter la capacité de prêts des banques.

II.   Une meilleure allocation des financements vers les grandes priorités de l’union grÂce À des exigences en matiÈre de transparence

La réalisation des objectifs ambitieux de l’Accord de Paris de 2015 exige de mieux mobiliser les financements privés en faveur de la transition écologique. Le rôle déterminant du secteur financier s’est ainsi concrétisé par le développement d’une finance verte qui prend en compte l’impact environnemental des décisions d’investissement afin d’orienter les capitaux vers des actifs environnementaux. Cette bonne allocation suppose néanmoins selon l’Union européenne une transparence accrue, tant sur les activités des entreprises pour identifier les opportunités d’investissements durables, que sur l’affectation des produits financiers pour garantir la confiance des épargnants.

A.   L’Union europÉenne, pionniÈre de la finance durable : le dÉveloppement des obligations vertes europeennes

1.   Un marché des obligations vertes en plein essor en France et en Europe qui doit être mieux encadré pour garantir la confiance des investisseurs

a.   La zone euro est le premier émetteur d’obligations vertes, notamment sous l’impulsion de la France

Les obligations vertes se sont imposées comme l’un des principaux instruments de la finance durable. Pouvant être émis par des entités publiques ou des entreprises privées, ces titres de dette se distinguent en ce qu’ils servent exclusivement à financer des projets favorables à l’environnement. Particulièrement attractifs, ils répondent à la volonté des investisseurs de contribuer à la transition et offrent des garanties supplémentaires de transparence sur l’affectation des fonds.

La France a été à l’avant-garde en la matière grâce à un cadre réglementaire ambitieux sur la publication extra-financière des entreprises et au rôle moteur de la place financière parisienne, « capitale de la finance verte » ([3]). La France a émis en 2017 le plus important emprunt souverain vert au monde, pour un montant de 7 Md€. D’autres émissions de ce type ont suivi, en 2021, 2022 et 2024, pour un encours total de 72,5 Md€. La mobilisation de grandes banques et entreprises françaises comme le Crédit Agricole, BNP Paribas, EDF ou Engie, rend le marché français d’obligations vertes particulièrement dynamique, avec des émissions cumulées supérieures à 200 Md€ depuis 2014 ([4]).

Le marché européen d’obligations vertes est lui-même en plein essor : sur les 587,6 Md$ d’obligations vertes émises dans le monde en 2023, plus de 52 % proviennent d’Europe, soit 309,6 Md$ ([5]). La Commission européenne remplit un rôle moteur par l’émission de plus de 65 Md€ d'obligations vertes cumulées dans le cadre de l’emprunt commun Next Generation EU qui doit financer à hauteur de 30 % des dépenses liées à la transition écologique – à terme, les obligations vertes Next Generation EU devraient représenter 264,6 Md€.

b.   Une nécessaire standardisation pour améliorer la transparence et prévenir les risques d’éco-blanchiment

Faute d’un cadre juridique spécifique, les émetteurs d’obligations vertes ont été conduits à s’appuyer sur des standards de marché non-réglementaires pour garantir le caractère durable des dépenses financées. Si la généralisation de bonnes pratiques, comme les Green Bonds Principles (GBP) développés par l’Internatonal Capital Market Association (ICMA), a permis un premier encadrement, celui-ci demeurait dépourvu de toute force contraignante.

Cependant, l’absence de définition des dépenses vertes et de contrôle de l’allocation des fonds risquait à terme d’affecter la crédibilité des obligations vertes, en permettant à certains émetteurs de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse sans engagement réel en faveur de l’environnement. Au-delà de la prévention des pratiques d’écoblanchiment, la standardisation des obligations européennes devrait permettre de réduire les divergences de pratiques entre les pays et d’améliorer la comparabilité des titres pour les investisseurs.

La création d’un standard européen d’obligation verte reposait sur trois conditions préalables : une définition commune des dépenses vertes pour identifier les investissements éligibles ; un cadre renforcé et harmonisé sur la publication extra-financière des entreprises pour mesurer l’impact environnemental de leurs activités ; et un dispositif de contrôle exigeant sur l’affectation des fonds.

Sur ce point, le cadre défini par la France pour l’émission de ses obligations vertes souveraines constitue une référence, qui a inspiré les initiatives européennes ultérieures. Les dépenses éligibles sont sélectionnées en plusieurs étapes, sous la direction d’un comité interministériel, en s’appuyant sur le document-cadre OAT verte qui définit quatre objectifs nationaux et six secteurs verts. L’Agence France Trésor publie chaque année un rapport d’allocation et de performance sur l’OAT verte, qui donne lieu à un audit financier par un prestataire externe. Enfin, l’impact environnemental des dépenses fait l’objet d’un processus d’évaluation abouti, confié au Conseil d’évaluation des OAT vertes.

2.   La création d’un standard européen d’obligations vertes

a.   Des exigences en matière de transparence et un alignement sur la taxinomie de l’Union, en préservant une marge de flexibilité

La création, en 2020, d’une taxonomie verte européenne ([6]) permettant d’identifier les activités favorables à l’environnement a ouvert la voie à la création d’un standard commun d’obligation verte. Négocié sous présidence française, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 novembre 2023 a instauré le premier standard de nature réglementaire relatif aux obligations vertes à l’échelle de plusieurs États, consacrant le rôle pionnier de l’Union européenne en matière de finance durable.

Ce standard, plus exigeant que ceux du marché, offre de fortes garanties de transparence qui doivent permettre de renforcer encore l’attractivité des titres qui s’y conforment. Tout d’abord, le produit des obligations devra être affecté à des activités couvertes par la taxonomie verte de l’Union européenne. Les émetteurs seront tenus de publier une fiche d’information avant l’émission, un rapport d’affectation annuel sur l’orientation des fonds, et un rapport d’impact environnemental une fois l’intégralité des capitaux investis. Ces documents feront l’objet d’une certification par des examinateurs indépendants, agréés par l’Autorité européenne des marchés financiers.

En vue de ne pas contraindre excessivement un marché encore nouveau, le standard a vocation à demeurer facultatif : les émetteurs d’obligations vertes pourront choisir de l’adopter ou non, sans que ce choix ne conditionne leur recours à cette terminologie.

Il a également été décidé de ménager une marge de flexibilité de 15 % dans l’alignement des projets financés avec la taxonomie verte de l’Union européenne. Cette souplesse, qui tient compte du fait que cette classification récente ne couvre pas encore toutes les activités favorables à l’environnement, doit permettre de renforcer l’accessibilité du standard afin de ne pas décourager les émetteurs de l’utiliser.

Enfin, le souci de renforcer la transparence sur l’ensemble du marché des obligations durables a conduit, à l’initiative du Parlement européen, à ouvrir la possibilité à tous les émetteurs d’obligations commercialisées comme durables de publier des informations pré et post-émission en s’appuyant sur des modèles harmonisés établis par la Commission, auquel cas ils seront soumis aux obligations de transparence qui en résultent.

b.   Le projet de loi confie à l’Autorité des marchés financiers (AMF) la supervision de l’émission des obligations vertes européennes

L’article 44 du règlement confie la supervision de l’émission des obligations vertes européennes aux autorités nationales déjà compétentes pour le contrôle de la mise en œuvre du règlement « Prospectus ». Il s’agit, en France, de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Bien que le règlement européen soit d’application directe, il a semblé plus clair d’inscrire cette nouvelle mission dans le code monétaire et financier.

Il incombe dès lors à la France de s’assurer que l’AMF dispose bien de toutes les compétences de contrôle, de surveillance et de sanction prévues par le règlement. À cet égard, il est apparu nécessaire de compléter ses pouvoirs de sanction : si un émetteur enfreint le règlement, l’AMF pourra lui interdire d’émettre des obligations européennes pour une durée pouvant aller jusqu’à un an, et l’obliger à rendre publique cette sanction sur son site internet. Au titre de ses pouvoirs d’injonction, l’AMF pourra également prononcer une interdiction d’émission à l’égard des personnes qui ont déjà été sanctionnées pour des manquements graves et répétés au règlement, dès l’ouverture d’une nouvelle procédure de sanction.

Par ailleurs, votre rapporteur souligne les bénéfices que retirerait la France en mettant en œuvre le standard européen dans l’émission de ses obligations vertes souveraines. Cela permettrait de garantir l’attractivité de la dette française pour les investisseurs, tout en anticipant l’hypothèse où le verdissement de sa politique monétaire conduirait la Banque centrale à concentrer ses rachats d’obligations sur celles qui se conforment au standard européen.

B.   La directive CSRD

1.   Une meilleure prise en compte des enjeux de durabilité par les entreprises

a.   Un cadre harmonisé et renforcé pour la publication des informations extra-financières des entreprises

Élément clé du Pacte vert pour l’Europe, la directive CSRD (Corporate sustainability reporting directive) du 14 décembre 2022 vise à renforcer les obligations de transparence des entreprises sur leur responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Elle permettra ainsi de répondre aux besoins d’information des acteurs financiers, qui sont eux-mêmes soumis à des obligations de transparence en matière de durabilité, conformément à la directive SFRD, pour orienter les flux de capitaux vers les projets bénéfiques sur le plan environnemental.

La directive CSRD s’inscrit dans la continuité de la directive NFRD (Non-financial reporting directive) de 2014, qui imposait pour la première fois aux grandes entreprises européennes la publication d’informations extra-financières. Elle s’était traduite en France par la déclaration de performance extra-financière (DPEF), qui analysait les principaux risques ESG rencontrés par l’entreprise et présentait les actions mises en œuvre pour y répondre. La transparence ainsi instituée demeurait néanmoins limitée, tant au regard des entités concernées que des informations à apporter, et pâtissait d’un défaut d’harmonisation empêchant sa bonne analyse par les acteurs intéressés.

Les négociations conduites sous présidence française ont permis d’adopter un texte qui consacre plusieurs évolutions par rapport au cadre précédent du reporting extra-financier.

Les informations publiées sont enrichies, grâce à l’application du principe de double matérialité. Les entreprises devront ainsi rendre compte non seulement de leur impact sur la société et l’environnement, mais aussi de l’influence de ces facteurs sur leur performance financière. Le rapport de durabilité aurait ainsi vocation à devenir un outil de pilotage stratégique pour l’entreprise, qui lui permettrait d’appréhender sa performance globale et de s’engager dans une transformation de son modèle d’affaires, en intégrant les risques climatiques et de transition comme les opportunités en matière de durabilité.

Le périmètre d’application est élargi. Alors que la directive NFRD concernait seulement les entreprises de plus de 500 salariés, la directive CSRD s’applique à toutes les entreprises cotées, à l’exception des micro-entreprises, et à toutes les grandes entreprises – qui présentent plus de 250 salariés et soit un chiffre d’affaires supérieur à 40 M€, soit un total de bilan supérieur à 20 M€ – et certaines grandes entreprises de pays tiers ayant un ancrage européen significatif. La CSRD s’appliquera ainsi à plus de 50 000 entreprises dans l’Union européenne, contre 11 700 pour la NFRD[7]. En France, le champ des entreprises concernées passera de 2 500 à 6 000.

Le reporting sera standardisé, en s’appuyant sur des normes européennes harmonisées, dites « ESRS », et publié dans un format électronique imposé, ce qui en améliorera l’accessibilité, la lisibilité et la comparabilité.

Enfin, l’information devra faire l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes ou, si les États prévoient une telle option, par un organisme tiers indépendant accrédité. Ces auditeurs seront soumis à des exigences harmonisées au niveau européen.

b.   Une application progressive qui engendrera des coûts pour les entreprises

La directive CSRD entrera en application de façon progressive pour permettre aux entreprises de s’adapter graduellement aux nouvelles exigences de durabilité et assurer leur acceptabilité. Le périmètre des entreprises concernées doit ainsi s’élargir selon un calendrier déterminé :

 

Catégories d’entreprises

Exercice de référence

Reporting publié à partir de

Grandes entreprises déjà soumises à la NFRD

2024

2025

Toutes les grandes entreprises européennes et non-européennes

2025

2026

PME cotées sur un marché réglementé européen

2026
Possibilité de report à 2028

2027
Possibilité de report à 2029

La mise en œuvre de la directive devrait néanmoins représenter des coûts opérationnels conséquents pour les entreprises, en particulier pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Le coût moyen lié à la mise en place de la directive pourrait représenter entre 40 000 € et 320 000 € par entreprise, quand le coût annuel d’audit pourrait représenter entre 67 000 € et 540 000 € ([8]). Au niveau macro-économique, l’application de la directive au sein de l’Union a été chiffrée à 1,2 Md€ non récurrents pour l’installation et 3,6 Md€ de coûts récurrents annuels.

2.   La transposition de la directive CSRD, réalisée en 2023, doit être ajustée pour optimiser son application par les entreprises

a.   La France a été le premier pays à transposer la directive CSRD

La France a été le premier État membre à transposer la directive dans son droit interne, par l’ordonnance du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernance, dite « ordonnance CSRD ». Elle a pu s’appuyer pour ce faire sur la grande expérience acquise par ses acteurs en la matière, grâce à une application pionnière du reporting extra-financier dès 2001.

La transposition a permis de modifier les dispositions relatives à la déclaration de performance extra-financière des entreprises (DPEF) dans le code du commerce pour y substituer l’obligation de publication d’un rapport de durabilité, conformément aux exigences de la directive CSRD. Elle fixe des dispositions transitoires pour permettre l’application échelonnée des obligations de publication.

L’ordonnance a également renforcé l’encadrement de l’audit des informations en matière de durabilité, pour le soumettre aux mêmes exigences et garanties que la certification des comptes, conformément à la directive.

Elle prévoit de ne pas réserver la réalisation de l’audit aux seuls commissaires aux comptes, mais de l’étendre aux organismes tiers indépendants accrédités, levant l’option ouverte par la directive. La France avait en effet défendu, durant les négociations, que des professionnels puissent être accrédités pour effectuer cette mission afin de favoriser la concurrence et la diversification du marché d’audit de durabilité. Il a donc été nécessaire de créer un régime unifié applicable aux commissaires aux comptes comme aux organismes tiers indépendants, et de les soumettre au contrôle d’un même superviseur, la Haute autorité de l’audit (H2A) – ancien Haut conseil du commissariat aux comptes – dont la gouvernance a été repensée.

Si la rapidité de la transposition de la directive a assuré une large visibilité aux entreprises pour leur permettre d’anticiper les adaptations à conduire, l’appropriation des dispositions par les acteurs dans les premiers mois de sa mise en œuvre a révélé que des ajustements techniques étaient nécessaires.

b.   Le projet de loi vise à corriger et simplifier certaines dispositions afin d’alléger la charge pour les entreprises

Les articles 7 à 12 du projet de loi apportent plusieurs modifications à la transposition de la directive CSRD par l’ordonnance du 6 décembre 2023. Ils visent à simplifier ou corriger certaines dispositions et revenir sur quelques légères surtranspositions, afin d’assurer une meilleure cohérence avec la directive européenne et faciliter la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations de reporting pour les entreprises.

Le projet de loi permet tout d’abord de préciser les règles applicables à la certification des informations de durabilité, en vue d’en favoriser l’exercice. Si les auditeurs doivent en principe exercer au sein d’une société unique, il est prévu d’étendre aux organismes tiers indépendants la dérogation dont bénéficient actuellement les commissaires aux comptes pour leur permettre d’exercer également au sein d’un groupe de sociétés.

Le projet de loi modifie également la composition du comité spécialisé que peuvent mettre en place les entreprises afin de suivre l’élaboration et le contrôle du reporting en matière de durabilité. Elle supprime ainsi l’exigence qu’un membre au moins du comité dispose d’une compétence particulière en matière financière, comptable ou de contrôle légal des comptes, la directive CSRD ne prévoyant aucune obligation de ce type.


Par ailleurs, le champ d’application de l’exemption de publication dont peuvent bénéficier certaines sociétés se voit étendu. La directive prévoit que les filiales sont exemptées de leurs obligations de publication si leur « entreprise » mère réalise un rapport consolidé de gestion les incluant. Mais en réservant le bénéfice de cette exemption aux seules filiales contrôlées par une « société consolidante », l’ordonnance du 6 décembre 2023 exclut les filiales qui entrent dans le champ de consolidation d’une société non-commerciale. En y substituant le terme « entreprise consolidante », l’article 7 garantit un champ d’exemption aussi large que celui prévu par la directive, afin de mieux s’adapter aux différentes structures des groupes.

Enfin, le projet de loi favorise une meilleure articulation entre les différentes obligations de publication auxquelles sont soumises les entreprises, au niveau français et européen. L’article 9 précise ainsi que la publication d’informations en matière de durabilité au titre de la CSRD permet aux entreprises de se conformer à l’obligation de publier un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges) prévue par la législation nationale, à condition qu’elles comportent des informations spécifiques sur les émissions produites par leurs activités nationales.

Le rapporteur accueille avec intérêt l’annonce par la présidente de la Commission européenne d’une proposition législative omnibus qui viserait à simplifier les nombreuses réglementations qui pèsent sur les entreprises, notamment la CSRD. Il est en effet urgent de simplifier le paysage normatif pour améliorer la compétitivité des entreprises européennes, sans renoncer pour autant aux objectifs ambitieux en matière de transition. Faire et défaire, c’est toujours travailler.

 


   DEUXIÈME PARTIE :
des avancÉes majeures en matiÈre de transition Écologique

I.   Construire un marché européen de l’Énergie unifie pour assurer la transition ÉNERGÉtique

A.   Construire un marché européen unifié de l’électricité tout en veillant à s’assurer du respect des règles établies

1.   La mise en place d’une politique énergétique dans l’Union européenne

L’énergie a constitué un enjeu majeur dès les débuts de la construction européenne comme l’illustre la première initiative de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Cependant, la mise en place d’une politique énergétique unifiée et cohérente n’a pas été chose aisée en raison d’approches différenciées entre les États membres, en particulier s’agissant de certaines sources d’énergie (nucléaire, gaz de schiste).

L’article 194 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dit de Lisbonne est venu établir le fondement juridique de la politique européenne dans les différents secteurs énergétiques.

Les grands axes de cette politique européenne sont de plusieurs ordres :

-          Assurer un bon fonctionnement du marché en s’assurant de la libre circulation de l’énergie et de la suppression des entraves ;

-          Assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union, de promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies renouvelables ;

-          Promouvoir les interconnexions des réseaux énergétiques.

2.   Le paquet énergie propre renouvelle la politique énergétique européenne en l’unifiant et en assurant le respect de ses règles

La Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, a publié un paquet de propositions législatives constitué de huit règlements et directives visant à consolider l’Union de l’énergie en 2016 qui ont été adoptés en 2019.


Plusieurs objectifs sont recherchés à travers ce paquet dit « énergie propre » :

-          l’efficacité énergétique (objectif de réduction d’énergie de 32.5 %), augmentation de la part d’énergies renouvelables (32 % de la consommation totale) ;

-          la révision des textes régissant l’organisation du marché de l’électricité ;

-          une gouvernance renouvelée de l’Union de l’énergie.

Ces textes représentent un pas important dans la politique de transition énergétique mise en place à l’échelle européenne. S’agissant du marché de l’électricité, ils visent à créer un marché concurrentiel transfrontalier favorisant les interconnexions afin de renforcer la compétitivité de l’Union, sécuriser son approvisionnement et bénéficier au consommateur.

Par le biais d’une habilitation insérée à l’article 39 de la loi du 8 novembre 2019 dite Énergie-Climat, le gouvernement disposait des moyens pour transposer plusieurs textes structurants du paquet :

-          la directive dite Red II relative aux énergies renouvelables ;

-          la directive relative aux règles communes du marché de l’électricité ;

-          et le règlement relatif au marché de l’électricité.

La transposition de ces textes, initialement effectuée à travers trois ordonnances du 3 mars 2021, a été jugée insuffisante par la Commission européenne. Elle a mis en demeure la France de procéder à la transposition de l’ensemble des dispositions.

C’est cette sous-transposition constatée qui a justifié l’article 20 du présent projet de loi qui vise à intégrer en droit national les dispositions manquantes.

La modification du marché commun de l’électricité recouvre l’ensemble du processus en établissant des règles concernant la production, le transport, la distribution, le stockage d’énergie et la fourniture d’électricité, ainsi que des dispositions relatives à la protection des consommateurs.

À ce titre, l’article 21 du projet de loi précise la participation des installations de production au mécanisme d’ajustement dont l’objectif est d’assurer la modulation de la production d’énergie en fonction des besoins, ce dont manquait jusqu’à présent le Réseau de transport d’électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d’électricité en France.

La structuration du marché de l’électricité nécessite de confier à un organisme national la surveillance de ses règles de fonctionnement. C’est le sens de l’article 22 du projet de loi qui renforce les pouvoirs de la commission de régulation de l’énergie (CRE).

Autorité administrative indépendante, la CRE occupe une place essentielle dans le bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz. C’est donc très logiquement qu’elle s’est vue confier le rôle de surveillance des marchés de gros de l’énergie que prévoit le règlement dit REMIT relatif à l’intégrité et la transparence du marché de gros.

Cette surveillance permet notamment d’assurer un suivi des fondamentaux du marché de l’énergie ainsi que la production de gaz à effet de serre (en pratique, les quotas relèvent de la régulation financière).

Le règlement REMIT détaille à son article 16 les modalités de coopération des organismes de surveillance, plus précisément entre l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et les régulateurs de l’énergie des États membres de l’Union.

Le règlement fixe plusieurs obligations et interdictions dont la CRE doit s’assurer : obligations en matière de transparence et interdictions de délits d’initiés et de manipulation des marchés.

B.   Assurer le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

1.   Assurer la souveraineté européenne par l’accroissement des énergies renouvelables et la décarbonation des énergies

Assurer le bon fonctionnement du marché de l’énergie européen tout en assurant la transition énergétique rend nécessaire le développement des énergies renouvelables.

En la matière, les ambitions européennes sont élevées puisque l’objectif fixé pour 2030 est d’au moins 42.5 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie. Cette question a pris une acuité particulière lorsque les prix des marchés de l’énergie ont connu une hausse vertigineuse dans un contexte climatique difficile et de lancement de la guerre en Ukraine par la Russie en 2022.

Initialement, la part d’énergies renouvelables avait été fixée à 32 % en 2018 dans la directive dite Red II. Cette ambition a été relevée avec l’adoption de la directive dite Red III en juillet 2023 qui fixe la part à 42.5 % (article 26 du présent projet de loi).

Ces deux directives sont essentielles au développement des énergies renouvelables puisqu’elles en fixent les paramètres. Ces textes régissent les sites de biocarburants en établissant des seuils de production. Pour autant, ne sont pas uniquement concernés les biocarburants mais aussi la chaleur, le froid et l’électricité à partir de la biomasse.

En fixant des règles en matière de transparence de production, de durabilité et de réduction des gaz à effets de serre, ces textes permettent de lutter contre le changement climatique et d’assurer une durabilité des capacités de production énergétique.

L’article 23 du projet de loi vise ici à accorder des aides au développement des énergies renouvelables. Il matérialise ainsi l’ambition climatique de la France en tenant compte de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

La PPE constitue un document stratégique de pilotage à la transition énergétique française. Cette stratégie s’inscrit donc en conformité avec l’ambition européenne en s’assurant du développement des énergies renouvelables, de la sécurité des approvisionnements, de l’amélioration du fonctionnement des réseaux et de l’amélioration de l’efficacité énergétique et de la baisse de la consommation d’énergie.

Le développement des énergies renouvelables (soleil, vent) nécessite une stratégie à plusieurs volets afin de développer des capacités de production. À cet égard, l’article 24 prévoit des dispositions relatives à l’éolien en mer.

L’ambition du développement des énergies renouvelables s’inscrit également dans le cadre du Paquet dit « Ajustement à l’objectif 55 » dont l’objectif est la réduction des gaz à effet de serre à hauteur de 55 % d’ici 2030.

Ce paquet de textes législatifs comporte :

-          la directive Red III ;

-          la directive relative à l’efficacité énergétique ;

-          la refonte du système d’émissions de quotas carbone ;

-          la taxation de l’énergie ;

-          et la performance énergétique des bâtiments.


2.   L’efficacité énergétique comme pilier de la stratégie énergétique européenne

L’efficacité énergétique constitue un des axes d’intervention de l’Union pour lui permettre de parvenir à un approvisionnement durable en énergie, réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer la sécurité d’approvisionnement et réduire le coût des importations.

La réussite de la transition énergétique dépend pour partie de l’efficacité énergétique et constitue ainsi un angle d’intervention pour l’Union européenne.

En effet, la réduction de la consommation d’énergie combinée à l’évolution du mix énergétique – vers des énergies décarbonées – permet de réduire le nombre de gaz à effet de serre et de remplir ainsi les objectifs ambitieux que l’Union s’est fixés.

C’est dans ce contexte que la directive relative à l’efficacité énergétique de 2012 a constitué une avancée en présentant un cadre de mesures à adopter au sein de l’Union. L’objectif fixé par la directive était d’accroître de 20 % l’efficacité énergétique à l’horizon 2020.

Pour atteindre cet objectif, les États membres se sont vus fixer des objectifs nationaux. En complément de ces objectifs figuraient des mesures pour aider les États à atteindre les 20 % fixés ainsi que des règles applicables aux utilisateurs finaux et aux fournisseurs d’énergie.

Le paquet dit Énergie propre contenait une proposition de la directive de 2012 qui est entrée en vigueur le 24 décembre 2018. Cette révision a constitué par une augmentation du taux d’efficacité énergétique à atteindre passant ainsi à 32,5 % d’ici à 2030.

Pour réaliser cet objectif rehaussé, les États membres ont dû mettre en place des mesures visant à réduire leur consommation annuelle d’énergie à hauteur de 4,4 % en moyenne d’ici à 2030. En outre, la directive prévoit la mise en place de plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat d’une durée de dix ans pour la période 2021-2030.

Des rapports d’avancements biannuels contrôlés et évalués par la Commission permettent de s’assurer de la cohérence globale des objectifs nationaux avec la stratégie européenne dans son ensemble.

La directive dite « efficacité énergétique » a de nouveau été révisée dans le cadre des mesures législatives proposées par le paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». L’objectif était la mise en cohérence avec les nouvelles ambitions climatiques.

L’objectif contraignant annuel pour l’Union est ainsi porté à 9 % en matière d’efficacité énergétique par rapport aux projections de 2020. De même, l’objectif de réduction de consommation énergétique primaire est porté à 39 % et celui de la consommation énergétique finale à 36 % d’ici à 2030 (projection de référence 2007).

La question de l’efficacité énergétique a également été traitée dans le cadre du plan REPowerUE présentée par la Commission suite à l’agression russe de l’Ukraine. Afin de faire face à la haute vertigineuse des coûts énergétiques induits par l’agression russe, REPowerEU a permis, via un semblant de mesures de court et moyen termes, de répondre au défi.

Les objectifs ont ainsi une nouvelle fois été rehaussés : de 9 à 13 % de réduction de consommation d’énergie, de 39 à 41 % de réduction énergétique primaire et de 36 % à 39 % de réduction énergétique finale.

Le 20 septembre 2023, la refonte de la directive sur l’efficacité énergétique a été publiée complétant les dispositions existantes et ajoutant de nouveaux principes et obligations.

Ainsi, la consommation finale d’énergie par État doit être réduite de 11,7 % par rapport à 2030. De même, le niveau d’économies d’énergie augmentera progressivement entre 2024 et 2030. La France a choisi le dispositif de certificats d’économies pour répondre à cette nouvelle obligation.

L’article 27 du présent projet de loi concrétise la transposition de la directive refondue. Il comporte notamment de nouveaux objectifs de réduction d’énergie pour les organismes publics et en matière de rénovation du patrimoine à forte consommation énergétique. Cet article donne ainsi à la France les moyens d’atteindre les objectifs d’efficacité et de sobriété énergétiques.

II.   Des objectifs ambitieux pour assurer la dÉCARBONATION du secteur des transports

A.   Le développement des carburants d’aviation durables

1.   La fixation de mandats d’incorporation de carburants aéronautiques durables par le règlement RefuelEU prolonge les initiatives françaises en la matière

L’aviation représentant 14 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire européen, sa décarbonation est essentielle pour que l’Union réalise son objectif de réduction des émissions de 55 % en 2030 par rapport à 1990 et atteigne la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Les carburants aéronautiques durables constituent un levier de décarbonation majeur, aux côtés des innovations technologiques et de l’optimisation des opérations aériennes. Selon la filière, ils représentent des gains d’émissions de gaz à effet de serre de 65 % à 95 % sur l’ensemble de leur cycle de vie par rapport au kérosène d’origine fossile. Leur développement est d’autant plus aisé qu’ils sont directement miscibles avec le kérosène et ne requièrent donc pas d’adaptation de la chaîne carburant de l’avion ou de la logistique d’approvisionnement de l’aéroport. Si leur incorporation est pour l’instant limitée à 50 %, elle pourrait atteindre 100 % dès la fin de la décennie.

Le règlement européen du 18 octobre 2023 relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable, dit RefuelEU, vise ainsi à accélérer l’utilisation des carburants aéronautiques durables en Europe, à travers trois mesures centrales.

Il fixe aux fournisseurs de carburant d’aviation une trajectoire ambitieuse d’incorporation de carburants durables. Ils devront ainsi veiller à ce que tout le carburant d’aviation mis à disposition dans les aéroports de l’Union contienne une part minimale de carburants durables à partir de 2025, et une part minimale de carburants de synthèse à partir de 2030. Ces parts augmenteront progressivement jusqu’en 2050 selon le calendrier ci-dessous.

 

Date

Part minimale de carburants d’aviation durables

Dont carburants de synthèse

2025

2 %

 

2030

6 %

1,2 % en moyenne sur la période 2030-2035

2035

20 %

5 %

2040

34 %

10 %

2045

42 %

15 %

2050

70 %

35 %

Source : Annexe 1 du règlement du 18 octobre 2023, dit RefuelEU

Les exploitants d’aéronefs au départ de l’Union seront tenus de veiller à ce que, sur une année, la quantité de carburant embarquée représente au moins 90 % de la quantité requise. Cela permettra d’éviter les émissions liées au surpoids qui résulte des pratiques de sur-emport, lesquelles consistent à transporter du carburant supplémentaire pour éviter un ravitaillement dans l’aéroport de destination où le carburant est plus cher.

Enfin, les gestionnaires d’aéroports auront l’obligation d’assurer les infrastructures nécessaires à la fourniture et au stockage de carburants d’aviation durables.

Dans le souci de garantir des conditions de concurrence équitables sur l’ensemble du marché européen du transport aérien, il s’applique à tous les aéroports de l’Union dont le trafic annuel de passagers est supérieur à 800 000 passagers, ou le fret annuel supérieur à 100 000 tonnes par an, et qui n’est pas situé dans une région ultrapériphérique.

Ce règlement a été directement inspiré par la France qui a été le premier pays de l’Union à imposer des mandats d’incorporation de carburants d’aviation durables obligatoires pour les vols au départ du territoire métropolitain dès 2022, par le biais d’un mécanisme fiscal incitatif. La France a, en outre, adopté une feuille de route ambitieuse de décarbonation du secteur aérien dans le cadre de la loi climat et résilience de 2023. Celle-ci prévoit deux scénarios, « Action » et « Accélération », qui visent respectivement un objectif de décarbonation de 80 % et de 92 % à l’horizon 2050, et reposent sur une trajectoire d’incorporation de carburants durables de 63 % et 85 %.

Cette trajectoire exigeante ne pourra être réalisée qu’en s’appuyant à la fois sur les biocarburants et sur les carburants synthétiques. À ce titre, la France a défendu et obtenu durant les négociations que les carburants synthétiques produits à partir d’électricité nucléaire soient considérés comme des carburants d’aviation durables, alors que la Commission prévoyait initialement que seuls les carburants synthétiques produits à partir d’énergies renouvelables soient pris en compte pour la réalisation des objectifs d’incorporation.

2.   Au niveau national, la définition d’un régime de sanctions qui doit s’accompagner d’un soutien accru à la filière des carburants durables

Le règlement confie aux États le soin de définir le régime de sanctions applicable avant le 31 décembre 2024.

La mise en œuvre des objectifs français d’incorporation de carburants durables reposait sur un mécanisme fiscal, la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (Tiruert). Le montant de celle-ci dépendait de la part de carburants durables incorporés, et devenait nulle une fois l’objectif atteint – 1,5 % pour les carburéacteurs en 2024. Un tel dispositif ne correspond cependant pas aux dispositions du règlement européen, qui prévoit des pénalités de nature non libératoire.

En conséquence, l’article 34 du projet de loi introduit dans le code de l’environnement de nouvelles sanctions administratives applicables à l’encontre des fournisseurs de carburants, des exploitants d’aéronefs, et des gestionnaires d’aéroport en cas de manquement. Elles consistent en des amendes, dont le montant varierait selon la nature, la durée, la récurrence et la gravité des manquements constatés. En parallèle, le dispositif Tiruert dédié à l’aviation doit être supprimé dans le cadre de la loi de finances pour 2025.

En raison du prix plus élevé des carburants d’aviation durable que du kérosène conventionnel, les mandats d’incorporation entraîneront une hausse du coût du ravitaillement pour les compagnies aériennes, qui devrait être répercuté sur les passagers. Le surcoût sera particulièrement manifeste à l’horizon 2035 en raison de la forte augmentation de l’objectif d’incorporation et de la suppression en 2031 des quotas gratuits attribués aux transporteurs aériens pour couvrir l’écart de prix entre le kérosène et les carburants durables. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a ainsi évalué le surcoût pour le pavillon français à 485 M€ à l’horizon 2030 et à 1 921 M€ à l’horizon 2035, ce qui pourrait se traduire par une hausse des prix des billets d’avion jusqu’à 15 %.

Un tel différentiel de prix pourrait affecter la compétitivité des aéroports et des compagnies aériennes européennes. Il existe notamment un risque de distorsion de concurrence avec les liaisons opérées en correspondance via des hubs extra-communautaires et qui échappent aux obligations d’incorporation. Pour y remédier, votre rapporteur appelle à étudier l’opportunité d’élargir à l’aviation internationale le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Mais le développement des carburants d’aviation durables représente également pour la France une opportunité de réindustrialiser le pays en créant une nouvelle filière industrielle, et de rééquilibrer la balance commerciale en remplaçant les importations de kérosène par une production locale de carburants décarbonés. La France pourra y parvenir en s’appuyant sur l’excellence de son ingénierie aéronautique, reconnue au niveau mondial.

Dans la lignée des recommandations formulées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dans son rapport du 30 mai 2024 ([9]), le rapporteur appelle à développer la filière des carburants d’aviation de synthèse. La France dispose pour ce faire d’avantages concurrentiels grâce à son mix électrique décarboné et à son avance technologique sur l’électrolyse, mais elle devra impérativement renforcer la recherche et l’innovation sur les technologies de capture du dioxyde de carbone.

B.   La réduction des Émissions du parc automobile

1.   L’interdiction des voitures thermiques neuves à l’horizon 2035

La décarbonation du secteur routier est, elle aussi, un pilier de la stratégie européenne « Fit for 55 ». Les transports routiers représentent en effet un cinquième des émissions de gaz à effet de serre sur le sol européen ([10]). En France, le transport était responsable en 2021 de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 48 % au titre des voitures particulières et 13 % au titre des véhicules utilitaires légers, selon les travaux du Secrétariat général de la planification écologique.

S’inscrivant au sein du paquet législatif « Fit for 55 », le règlement européen du 19 avril 2023 vise à inciter la filière automobile à développer la production de voitures électriques et hybrides rechargeables en renforçant les normes de performance en matière d’émissions. Il prévoit que l'objectif d’émissions moyennes des voitures neuves à l’échelle de l’UE, fixé à 95 mg de CO2/km en 2020, sera réduit de 55 % à partir de 2030 et de 100 % à partir de 2035, les émissions excédentaires donnant lieu au versement d’une prime par les constructeurs. Il en résulte l’interdiction de la vente de voitures particulières et des camionnettes neuves à moteur thermique (essence, diesel ou hybride) à compter de 2035.

La France s’est déjà engagée dans une trajectoire de réduction des émissions des voitures particulières à travers la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019. L’article 73 de la loi prévoyait ainsi la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles, d’ici à 2040. L’objectif défini au niveau européen prévoit donc un calendrier plus resserré de cinq ans.

Les règlements européens étant d’application directe, il n’est pas nécessaire d’inscrire la trajectoire européenne dans la loi nationale pour qu’elle s’impose juridiquement. Le projet de loi vise néanmoins à modifier l’objectif inscrit dans la législation nationale pour l’aligner sur l’objectif européen par souci de clarté et d’intelligibilité de la loi par tous les acteurs concernés.

2.   En parallèle, la nécessaire préservation de la compétitivité de l’industrie automobile européenne

La transition du secteur automobile du thermique vers l’électrique est essentielle tant pour lutter contre le changement climatique que pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne en limitant sa dépendance aux pays fournisseurs d’énergies fossiles.

Le secteur des voitures électriques a d’ailleurs connu une forte croissance au sein de l’Union européenne : les immatriculations de véhicules neufs à batterie électrique et hybrides rechargeables sont passées de 575 000 en 2019 à 2,4 millions en 2023. Cette progression s’est traduite par une recomposition du marché européen des véhicules neufs : les voitures électriques et les hybrides rechargeables en représentent respectivement 14,6 % et 7,7 % en 2023 ([11]).

La trajectoire exigeante de réduction des émissions imposée aux constructeurs automobiles suscite pourtant des inquiétudes croissantes, tenant au risque de fragiliser l’industrie automobile européenne. La position de l’industrie automobile européenne s’érode en effet face à la concurrence croissante de la Chine et des États-Unis. Alors qu’en 2015, 80 % des voitures électriques neuves enregistrées sur le marché européen étaient fabriquées dans l’Union européenne, ce n’est plus le cas que de 60 % en 2023. Dans le même temps, la part des voitures électriques fabriquées en Chine est passée de 5 à 15 %. Plus de la moitié d’entre elles proviennent de constructeurs européens produisant en Chine, mais les constructeurs chinois progressent et représentent déjà 8 % du marché de l’Union européenne contre 0,4 % en 2019 ([12]).

Le rapporteur appelle ainsi à soutenir la transition de l’industrie automobile par des investissements européens massifs et un renforcement de la politique commerciale afin de produire en Europe des voitures compétitives, respectueuses de l’environnement et abordables.

À cet égard, il y a lieu de se féliciter de la décision de la Commission du 30 octobre 2024 tendant à imposer des droits de douane compensateurs contre les importations de véhicules électriques chinois qui bénéficient de subventions déloyales. En parallèle, l’Union européenne devrait favoriser les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permettant aux États membres d’accorder des subventions à des entreprises nationales, sur le modèle du PIEEC « batteries » qui a permis de financer des usines de batteries électriques en France, en Allemagne et en Italie, tout en sécurisant son approvisionnement en matériaux critiques.

 

 


   Troisième partie :
des droits renforc֤֤és pour les consommateurs
et les travailleurs etrangers hautement qualifiés

I.   Mieux protÉger les consommateurs en renforÇant le mÉcanisme de l’action de groupe

A.   Une nouvelle législation européenne garante des droits du consommateur

1.   La genèse de l’action collective : construire un droit de protection du consommateur

Les mesures proposées au sein du chapitre III du Titre 1er visent à transposer les dispositions de la directive (UE) 2020/2018 relative aux actions représentatives en droit national. Cette directive devait être transposée avant le 25 décembre 2022. La France a notifié à la Commission européenne la transposition partielle de la directive en septembre 2022.

La directive introduit une action représentative en cessation (article 8) et en réparation (article 9) dans tous les États membres, ajoutant ainsi un volet « réparation des préjudices » à l’action en cessation prévue par la directive de 2009 qu’elle abroge. L’action est ouverte aux « entités qualifiées » ayant qualité pour agir, telles que les associations ou des organismes publics. Le champ d’application de la directive recouvre des domaines variés listés par l’annexe 1 de ladite directive.

L’action de groupe, entendu comme la possibilité d’un recours collectif en justice pour réparer un préjudice de faible valeur monétaire, ou faire cesser un comportement délictueux lésant le consommateur, représente un volet essentiel de la protection du consommateur qui est advenu tardivement en raison de dissensus sur le sujet entre certains États membres.

La protection des consommateurs est un corollaire du marché intérieur, compétence de l’Union européenne, et a donc trouvé un développement important à compter du traité de Maastricht (article 153 du traité des communautés européennes devenu article 169 du traité de fonctionnement sur l’Union européenne).

La protection du droit des consommateurs est devenue plus concrète à compter de la directive 93/13 dite « clause abusive » et plus encore avec la directive 2011/83 dite « droits des consommateurs ». Ces deux textes constituent aujourd’hui encore le socle sur lequel l’Union s’appuie lorsqu’il s’agit de légiférer sur cette matière.

L’ambition de créer un régime juridique spécifique aux actions de groupe a connu une première concrétisation à travers la directive 2009/22/CE relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs. C’est cependant la directive 2020/1828, que transpose le projet de loi ici présenté, qui constitue l’achèvement de la création d’un véritable régime juridique pour les recours collectifs.

2.   Les spécificités de la directive 2020/2018 : un régime juridique européen soucieux des particularités nationales

La directive repose sur un double constat : la mauvaise indemnisation des préjudices en raison de la fragmentation des systèmes juridiques et le besoin de redonner confiance au consommateur par la mise en place d’une législation avec des effets concrets.

L’apport le plus important de la directive européenne repose dans la création des actions transfrontières. Ce mécanisme d’action de groupe est spécifique dans la mesure où il ne s’agit pas de créer un régime juridique de l’action de groupe dans chacun des États membres, avec les risques de divergences inhérents à la mise en place d’une directive.

Le champ d’application de la directive est relativement large, tant pour les actions en cessation qu’en réparation, puisque soixante-six domaines figurent à son annexe I.

Afin d’éviter abus et embolie du système judiciaire des États membres, le législateur européen a prévu plusieurs dispositions pour circonscrire le champ d’action.

En premier lieu, il est nécessaire de disposer d’entités qualifiées pour ester en justice. Ces entités qualifiées sont définies à travers des critères d’habilitation différant selon le type d’action envisagée. Cela assure également transparence, indépendance et absence de tout conflit d’intérêts.

Il convient de noter que les États membres demeurent libres de restreindre les critères d’habilitation s’agissant des actions se réalisant dans le cadre d’un seul État. La constitution d’entités ad hoc pour une action particulière est autorisée alors qu’elle est interdite s’agissant des actions transfrontières.

Dans le cas des actions transfrontières, un contrôle strict est exercé avec, notamment, la nécessité d’absence de tout conflit d’intérêts. À ce titre, des garanties doivent être apportées en matière de transparence, de financement et d’informations démontrant la capacité à agir des entités dans le respect de la législation.

En matière de financement, l’article 10 de la directive précise que le financement des actions représentatives à des fins de réparation doit s’opérer de sorte qu’aucun conflit d’intérêts ne puisse exister ou financement indu qui viendrait léser le consommateur.

Cette situation rend indispensable un contrôle effectif par les juridictions. Ces dernières peuvent d’ailleurs déclarer irrecevable l’action, faute de qualité pour agir, en cas de non-respect de ces critères.

La transposition par chaque État membre de la directive permettra d’établir si les critères choisis par chacun d’eux pour établir l’agrément d’entité qualifiée respectent bien l’esprit de la directive et assure une protection effective du consommateur.

La directive prévoit la coexistence de deux mécanismes selon que les actions se font en cessation ou en réparation. En effet il est possible d’opter pour la participation (opt-in) ou bien la non-participation (opt-out).

Dans le cas des actions en réparation, la possibilité est laissée aux États de choisir le mécanisme à privilégier même si le texte encourage néanmoins la participation jugée plus protectrice des droits du consommateur. En revanche, dans le cas d’actions en cessation, l’opt–in est rendu obligatoire.

Les actions transfrontières constituent le point le plus innovant du texte puisqu’elles permettent à l’échelle d’un État de créer les conditions d’une action transnationale.

Cette possibilité est réalisée par le biais d’une forme d’agrément, c’est-à-dire la reconnaissance par chaque État membre d’une entité qualifiée dont les critères de désignation sont relativement stricts pour garantir transparence, indépendance et protection du consommateur.

Afin de réaliser cette action, il est indispensable de se voir délivrer un agrément transfrontière, le principe de reconnaissance mutuelle de la qualité pour agir au sein de l’Union ainsi que la procédure de contestation de la qualité pour agir.

Il conviendra d’évaluer à l’avenir les risques d’un « forum shopping » entre États membres afin de bénéficier du droit le plus favorable. Ceci ne pourra néanmoins être réellement perceptible qu’une fois la transposition achevée dans chacun des États membres.

B.   Le régime de l’action de groupe en France

1.   L’introduction du mécanisme de l’action de groupe en droit français

Si l’initiative législative européenne est venue apporter de l’harmonisation entre les États membres, créant les conditions d’un dispositif minimal au sein de chaque pays, la France disposait déjà d’un régime spécifique de l’action de groupe.

En effet, le dispositif du recours collectif a été introduit en France avec la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation dite « Loi Hamon ». Initialement, les domaines visés étaient circonscrits au droit et à la santé (loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a ouvert la possibilité de recourir au dispositif dans le cas de litiges relevant de l’environnement, de la protection des données personnelles et de discriminations professionnelles. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a également étendu le champ d’intervention.

Originellement, la loi Hamon de 2014 s’inscrivait déjà dans le sillon de la législation européenne, à savoir la directive 2009/22/UE relative aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs. Le texte a ainsi permis de porter à la connaissance des consommateurs le droit opposable de rétractation dans le cadre de contrats conclus à distance.

2.   L’initiative parlementaire a cherché à apporter de plus importantes garanties des droits du consommateur

À l’occasion d’un rapport d’information, rendu public le 11 juin 2020, évaluant les effets de l’introduction du mécanisme de recours collectif, Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin en ont dressé un bilan.

Les deux rapporteurs ont souligné le développement très insuffisant du mécanisme soulignant qu’en près de six ans seules vingt-et-une actions avaient vu le jour, et pour plus des deux tiers dans le domaine de la consommation.

Plusieurs constats ressortent du rapport. La qualité pour agir apparaît comme étant trop restreinte. Ainsi, dans le cadre du droit de la consommation, seules les associations représentatives des consommateurs de niveau national ont reçu la qualité pour agir.

De plus, la procédure est particulièrement longue puisqu’elle peut durer parfois plusieurs années. La mise en responsabilité de l’entreprise est ainsi considérablement retardée.

En outre, les actions de groupe constituent un mécanisme particulièrement coûteux, du fait de l’identification des victimes, de la recherche des preuves et de l’engagement des procédures. Le coût de la procédure et la rémunération des juristes constituent autant d’entraves au développement du mécanisme. L’absence de financement des actions de groupe apparaît comme un frein supplémentaire.

Enfin, l’absence de sanctions dissuasives auprès des entreprises ou des professionnels délictueux ne permet pas de créer un effet préventif auprès de possibles contrevenants.

Les deux co-rapporteurs précédemment mentionnés ont anticipé la transposition de la directive de 2020 et déposé une proposition de loi en 2022 visant à refonder le régime juridique de l’action en France. Tout en intégrant les dispositions de la directive, les co-rapporteurs sont allés au-delà du texte européen en proposant des avancées complémentaires.

Mme Vichnievsky et M. Gosselin ont ainsi proposé l’instauration d’une action de groupe universelle, une limitation de la durée des procédures et l’introduction d’une garantie de financement pour assurer les recours.

Par ailleurs, la qualité pour agir à des entités qualifiées a été étendue. L’agrément est en effet supprimé et les critères permettant aux associations d’agir en justice abaissés. Ces modifications permettraient ainsi d’ouvrir un mécanisme que la loi rend encore très limitatif.

L’ouverture du champ de l’action de groupe par la proposition d’aller au-delà des soixante-six domaines listé dans la directive permet ainsi de rendre effectifs les droits des consommateurs français et européens.

La proposition du législateur introduit une sanction civile, une amende, qui ne se confond pas avec les dommages-intérêts à caractère punitif que le texte de la directive interdit.

Enfin, la création de juridictions spécialisées devrait permettre l’accélération des actions de groupe en permettant le jugement des affaires par des juges experts du recours collectif.

Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale (15 décembre 2022) et au Sénat (6 février 2024), le texte aurait dû être examiné le 23 juillet 2024 en seconde lecture à l’Assemblée nationale mais la dissolution de cette dernière en a empêché l’examen.

3.   Le gouvernement fait le choix d’une transposition simple

La transposition de la directive (UE) 2020/1828 est prévue aux articles 14 à 19 du projet de loi.

L’article 14 prévoit l’ouverture de la qualité à agir aux « entités qualifiées », la possibilité pour le juge de prononcer l’irrecevabilité d’une action de groupe en présence d’un conflit d’intérêts et crée les nouvelles dispositions relatives aux actions de groupes transfrontières imposées par la directive (définition et champ d’application, reconnaissance mutuelle de la qualité pour agir, contrôle de la qualité pour agir).

En faisant le choix d’une simple transposition de la directive à travers ce projet de loi, le gouvernement a fait le choix d’abandonner les propositions formulées par l’Assemblée nationale et le Sénat.

La facilitation d’accès aux actions de groupe pour les victimes, l’extension de la qualité pour agir et l’instauration d’une amende civile pour faute intentionnelle sont donc écartées.

Il résulte de cette transposition plusieurs constats.

Le contrôle des conflits d’intérêts est renforcé par rapport à l’initiative des parlementaires ainsi que le prévoit l’article 17 du projet de loi. Le juge serait ainsi en capacité de déclarer l’action irrecevable s’il constate l’existence d’un conflit d’intérêts.

La demande d’agrément fera l’objet d’une procédure juridictionnelle afin de questionner la délivrance de l’agrément par une autorité étrangère afin de contrôler la qualité pour agir.

Le Sénat avait intégré ces dispositions dans la version de la proposition de loi qu’il avait votée en février 2024 en transposant plusieurs dispositions de la directive par biais d’amendement s’agissant des actions de groupe transfrontières.

La question du financement des actions de groupe ne connaît pas d’avancées puisqu’il n’est pas prévu de financer le recours à ces actions. Ni la directive, ni la proposition de loi abandonnée ne contenaient de dispositions en ce sens.

Le régime de l’action juridique pour les actions de groupe n’est pas refondu et le champ des matières reste celui prévu par la directive quand les parlementaires l’avaient étendu très largement. Enfin, la proposition d’introduction de juridictions spécialisées ne sera pas mise en pratique.

II.   Renforcer l’attractivité de l’Union européenne pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés

A.   Le recours aux travailleurs étrangers hautement qualifiés est essentiel pour répondre aux pénuries de compétences au sein de l’Union

1.   Une immigration hautement qualifiée qui permettrait de stimuler la croissance européenne

Si les effets de l’immigration peu qualifiée sur l’économie restent ambivalents, il est démontré que l’accueil de travailleurs étrangers très diplômés contribue positivement à la croissance en augmentant la productivité, la capacité à innover, et les créations d’entreprises ([13]). Le cas emblématique en est les États-Unis, qui ont fait le choix d’une immigration qualifiée : bien qu’ils ne soient que 13 % dans la population américaine, les immigrés représentent un quart des entrepreneurs et sont à l’origine de plus de 20 % des brevets déposés ([14]).

L’immigration qualifiée serait d’autant plus bénéfique pour l'Union européenne qu’elle constituerait une réponse au déclin démographique et aux pénuries de compétences identifiés par le rapport Draghi comme l’un des principaux freins à la compétitivité européenne. Confrontées à un manque de travailleurs qualifiés, près de 77 % des entreprises de l’Union rapportent que leurs employés nouvellement recrutés ne disposent pas des compétences requises. Le déficit de compétences est particulièrement critique dans les secteurs stratégiques : le taux de vacance d’emploi s’élève à près de 4 % dans le secteur de l’information et de la communication et celui des professions scientifiques et techniques, atteignant même 25 % dans le secteur des technologies propres, menaçant la capacité de l’Union à réaliser les transitions ([15]).

C’est un enjeu particulier pour la France, qui souffre d’un déficit d’attractivité à l’égard des travailleurs étrangers qualifiés. En 2023, la France se classe ainsi seulement à la 19e position dans l’Index mondial compétitivité et talents élaboré par l’INSEAD pour mesurer la capacité d’un pays à attirer les jeunes talents – soit derrière neuf pays de l’Union, dont les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, l’Allemagne ou la Belgique.

2.   Les initiatives françaises et européennes pour attirer les travailleurs étrangers hautement qualifiés

Dans la lignée du programme de La Haye de 2005 qui reconnaît l’importance de l’immigration légale dans le développement économique de l’Europe et la nécessité d’élaborer des politiques européennes pour soutenir les besoins en main-d’œuvre des États membres, la directive du Conseil du 25 mai 2009 a instauré une « carte bleue européenne » destinée à concurrencer la carte verte américaine. En harmonisant les conditions d'entrée et de séjour des travailleurs étrangers hautement qualifiés et de leur famille, tout en simplifiant leur recrutement par les entreprises, elle visait à rendre l’Union plus attractive pour les diplômés des pays tiers.

La France a également fait évoluer sa politique migratoire en ce sens. La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a ainsi créé une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, intitulée « passeport-talent » qui fusionne plusieurs titres de séjours existants (scientifique-chercheur, profession artistique et culturelle, salariée en mission, carte bleue européenne) et permet l’exercice d’une activité salariée sans solliciter d’autorisation de travail. Une carte de séjour de la même durée est délivrée aux membres de la famille du titulaire, sans passer par la procédure du regroupement familial. La carte de séjour a été rebaptisée « talent », par souci de clarté, par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, qui étend son bénéfice aux personnels médicaux.

Ces progrès se sont néanmoins révélés insuffisants pour répondre aux besoins de main-d’œuvre. La révision de la carte bleue européenne est apparue indispensable pour corriger ses deux principales limites : des conditions de délivrance trop restrictives, notamment l’exigence d’un salaire supérieur à 1,5 fois le salaire brut moyen, inadaptée à certaines professions qualifiées en tension ; et une mobilité trop limitée au sein de l’Union.

B.   La révision de la carte bleue européenne par la directive 2021/1883 vise à mieux attirer les talents.

1.   Des conditions d’entrée et de séjour assouplies mais soumises à un contrôle approfondi

La directive du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2021 révise profondément les règles encadrant la carte bleue européenne afin de la rendre plus attractive pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés.

a.   Des conditions de délivrance assouplies

La directive réduit de douze à six mois la durée du contrat de travail minimale requise pour solliciter la carte bleue européenne. Elle confère également aux États membres une marge de manœuvre pour fixer un seuil salarial minimal entre 1 fois et 1,6 fois le salaire annuel brut moyen, contre 1,5 fois dans le cadre précédent.

La durée de validité minimale de la carte est également allongée. Alors que les États membres pouvaient auparavant la fixer librement, avec un maximum de quatre ans, la durée de validité ne pourra plus être inférieure à vingt-quatre mois si le contrat couvre bien une telle période. Dans le cas contraire, la durée de validité de la carte correspondra à celle du contrat de travail plus trois mois, ménageant un délai pour une recherche d’emploi à l’expiration du contrat.

Enfin, la condition selon laquelle le titulaire doit présenter des « qualifications professionnelles élevées » – soit un diplôme sanctionnant trois ans d’études supérieures, soit cinq ans d’expérience professionnelle d’un niveau comparable – est assouplie pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs stratégiques : seuls trois ans d’expérience professionnelle suffiront pour certaines professions recensées en annexe. La liste se limite pour l’instant aux postes de manager et de spécialiste des technologies de l’information et de la communication.

b.   Un approfondissement du contrôle des employeurs

Pour faciliter le processus de recrutement de talents étrangers par les entreprises, la directive autorise les États membres à mettre en place une procédure pour agréer des employeurs qui pourront, dès lors, bénéficier d’une démarche simplifiée pour l’obtention d’une carte bleue européenne.

Elle renforce en parallèle la lutte contre l’immigration irrégulière, en imposant aux États de refuser la délivrance de la carte lorsque l’entreprise a été créée dans le but principal de faciliter l’entrée de ressortissants de pays tiers. Les États peuvent également rejeter la demande de délivrance ou de renouvellement si l’employeur a manqué à ses obligations légales en matière de sécurité sociale, de droit du travail, ou de fiscalité, ou s’il a été sanctionné pour avoir employé des étrangers en situation irrégulière.

c.   Le renforcement des droits liés à la délivrance d’une carte bleue européenne

La directive facilite la mobilité intracommunautaire en permettant aux titulaires de la carte et à leur famille de se rendre dans un second État membre pour y vivre et y travailler après douze mois de séjour dans un premier État membre, contre dix-huit auparavant. Ils seront dès lors tenus d’introduire une demande de carte auprès du second État membre.

Enfin, les conditions d’accès au statut de « résident de longue durée  UE » sont assouplies, offrant aux talents étrangers la possibilité de s’établir durablement sur le territoire européen. Alors qu’il fallait avoir séjourné dans l’Union cinq ans sous couvert d’une carte bleue européenne pour solliciter la carte de résident, il suffira désormais de cumuler deux ans de séjour sous carte bleue européenne et trois ans sous d’autres statuts (chercheurs, emploi hautement qualifié, bénéficiaire de la protection internationale, et le cas échéant, étudiant).

Les membres de la famille du titulaire de la carte pourront également obtenir plus facilement un titre de séjour autonome, à condition d’avoir séjourné pendant cinq ans au sein de l’Union, et non plus cinq ans dans l’֤État membre ou la demande est déposée. Les États pourront cependant exiger deux ans de résidence sur leur propre territoire.

2.   En France, une évolution du titre de séjour « talent » consacrée par le projet de loi

Le délai de transposition ayant expiré le 18 novembre 2023, la Commission européenne a adressé à la France une lettre de mise en demeure le 25 janvier 2024, ainsi qu’à dix-sept autres États membres.

Le projet de loi prévoit d’inscrire dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile les modifications de la carte de séjour pluriannuelle « talent » portant la mention « carte bleue européenne » et à la carte « talent (famille) ».

Certaines dispositions ne nécessitent que des ajustements marginaux. La durée de validité de la carte étant déjà égale, en France, à celle du contrat, le respect de la directive n’oblige qu’à allonger de trois mois supplémentaires cette durée lorsque le contrat s’étend sur moins de vingt-quatre mois. Dans le souci de favoriser avant tout une immigration hautement qualifiée, il a par ailleurs été décidé de maintenir le seuil salarial minimal à 1,5 fois le salaire brut moyen annuel.

L’assouplissement des conditions de mobilité intracommunautaire et d’accès à la carte de résident longue durée  UE est en revanche pleinement mis en œuvre, conformément à la directive. Il est également prévu de se saisir de la possibilité offerte par la directive de mettre en place une procédure spéciale d’agrément pour que les entreprises puissent bénéficier de conditions assouplies pour l'obtention de la carte.

Le rapporteur salue ces progrès qui contribueront à rendre le territoire européen plus attractif dans la course mondiale aux talents, et à répondre aux besoins de compétences des entreprises dans les secteurs de pointe. Il appelle également à discuter la proposition de la Commission européenne de créer un « réservoir européen de talents » destiné à soutenir les employeurs européens dans leur recherche de compétences en les mettant en relation avec des demandeurs d’emploi qualifiés issus de pays tiers.

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission s’est réunie le mardi 21 janvier 2025, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner le présent rapport d’information.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur. Notre commission s'est saisie pour observations du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit au droit de l'Union européenne, communément appelé Ddadue. C’est un texte qui vise à transposer des directives européennes et à mettre en cohérence le droit national avec des règlements européens. Les États membres de l'Union européenne, et donc la France, ont l'obligation de transposer les directives européennes afin d'assurer l'effectivité du droit européen et de respecter leurs engagements internationaux. En effet, contrairement aux règlements qui sont d'application directe, les directives ne sont pas directement applicables en droit national : elles fixent seulement des objectifs à atteindre tout en laissant à chaque État membre la liberté de déterminer les moyens pour y parvenir.

Comme toujours, le projet de loi Ddadue est fourni et couvre diverses questions. Vous trouverez à l'annexe 1 du rapport une présentation détaillée de l'ensemble du texte.

Le projet de loi acte tout d'abord des avancées sur l'union des marchés de capitaux. Ce projet, lancé en 2015 par la Commission européenne, vise à achever la libéralisation des flux financiers en Europe pour augmenter les possibilités de financement des entreprises et multiplier les opportunités d'investissement des épargnants. La publication récente des rapports de Mario Draghi et de Christian Noyer a redonné à cette ambition toute son actualité. La France est d’ailleurs l’un des États moteurs sur ce sujet, appelant depuis longtemps à achever l'union des marchés de capitaux. Nous considérons en effet qu'elle permettra de mobiliser l'ensemble du potentiel de financement de l'Europe pour investir et renforcer la croissance.

Le projet de loi assure la transposition d'une partie du train de mesure annoncée en 2021 par la Commission, avec des conséquences directes pour les entreprises, les petits investisseurs et les consommateurs européens.

Premièrement, les banques sont désormais tenues de proposer un service de virement instantané gratuit. Depuis le 1er janvier 2025, les Européens peuvent donc transférer de l'argent dans toute l'Union européenne en temps réel et en toute sécurité grâce à un système de fiabilisation des IBAN.

Le projet de loi permet également de mieux protéger les investisseurs en actant l'interdiction de la pratique du paiement pour flux d'ordres. Cette pratique consiste pour un courtier à confier à un tiers l’exécution des ordres passés par ses clients, en échange d’une rémunération. Extrêmement critiquée en raison du risque de conflit d’intérêts qu’elle induit, elle a été interdite par l’Union européenne.

Enfin, la mise en place d'un point d'accès unique européen mettra fin à la fragmentation des systèmes d'information qui nuit à l'attractivité des marchés financiers européens. Désormais, les investisseurs auront accès, sur une plateforme unique, à l'ensemble des données publiées par les entreprises en application de la législation européenne. La technicité et l'ampleur du sujet justifient une transposition par voie d'ordonnance, comme le prévoit le projet de loi.

S’il y a lieu de se féliciter de ces progrès, il est nécessaire d'accélérer pour achever l'union des marchés de capitaux. Je pense en particulier au développement de produits d'épargne européens de long terme, ou encore au renforcement des pouvoirs de l'Autorité européenne des marchés financiers.

Le projet de loi prévoit également la transposition de la directive européenne du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs. Elle vise à rendre la protection des consommateurs effective en posant un double principe : l'obligation pour chaque État membre d'instaurer un régime juridique d'action de groupe en cohérence avec son droit interne ; et l’instauration d'une action de groupe transfrontière qui pourra rassembler les consommateurs de différents États membres. Le projet de loi opère à cet effet une refonte du régime juridique de l'action de groupe à la française, en cohérence avec les dispositions de la directive.

Le projet de loi entérine également des avancées importantes sur la transition écologique, qui visent à faire de l'Union européenne un leader des industries décarbonées et à renforcer son autonomie stratégique.

Des dispositions promeuvent le développement de la finance verte afin d'orienter les flux financiers vers les investissements durables. L'Union européenne a ainsi instauré en 2023 un standard réglementaire pour les obligations vertes, le premier au monde à s’appliquer à plusieurs États. Elle a pu s'inspirer de l'expérience pionnière de la France en la matière, puisque notre pays a émis en 2017, au début du premier mandat d’Emmanuel Macron, un emprunt souverain vert de 7 Md€, le premier au monde d’un tel montant. Le projet de loi assure l'effectivité de ce nouveau standard réglementaire en permettant à l'Autorité des marchés financiers d'interdire toute émission aux entités qui ne respectent pas leurs obligations de transparence.

Le projet de loi Ddadue met également en œuvre les objectifs ambitieux de l'Union européenne sur la décarbonation des transports. Le règlement ReFuelEU de 2023 a défini dans le secteur de l'aviation des seuils d'incorporation de carburants durables. Là aussi, la France a été à l'avant-garde, puisqu'elle a été le premier pays européen à instaurer de tels mandats d'incorporation.

La sauvegarde de notre compétitivité passe par la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), aussi appelé taxe carbone aux frontières. Le projet de loi en poursuit la transposition, qui avait débuté avec le projet de loi Ddaddue du 22 avril 2024, afin que le dispositif entre pleinement en application en 2026.

Il faut enfin veiller à ne pas alourdir excessivement les charges déclaratives qui pèsent sur nos entreprises. À cet égard, la directive dite CSRD du 14 décembre 2022 a étendu considérablement le champ d'application du reporting en matière sociale, environnementale et de gouvernance, suscitant des débats dans la presse française cet automne. Plus de 6 000 entreprises seront désormais concernées en France par ce reporting, contre 2 500 auparavant. Les nouvelles obligations devraient engendrer des coûts supplémentaires importants, en particulier pour les entreprises de taille intermédiaire. Le projet de loi permet de revenir sur la transposition de la directive CSRD qu’avait opérée l’ordonnance du 6 décembre 2023 afin de corriger certaines surtranspositions et d’alléger la charge pour les entreprises.

Cependant, cela ne saurait suffire : il est crucial que la législation sur la simplification, qui sera présentée par la nouvelle Commission européenne à la fin du mois de février, permette de repenser en profondeur la CSRD. Cela traduit le brouillard qui entoure cette directive, qui est de plus en plus critiquée par les entreprises européennes. Il y aura certainement des questions à poser au gouvernement en séance sur ce sujet.

Pour terminer, le titre IV du projet de loi transpose la directive du 20 octobre 2021 sur la carte bleue européenne, le titre de séjour réservé aux travailleurs étrangers hautement qualifiés. En assouplissant les conditions de délivrance de la carte et de mobilité intracommunautaire de ces bénéficiaires, l'Union européenne vise à retrouver une place de choix dans la course mondiale aux talents. Il s’agit donc là d’une immigration très qualifiée, indispensable pour répondre aux pénuries de compétences sur notre continent, notamment dans les secteurs des technologies de pointe, et pour relancer la croissance. Afin que cet accueil demeure ciblé sur les profils les plus qualifiés, la France a choisi de maintenir le seuil salarial minimal à 1,5 fois le salaire brut moyen annuel, alors que l'Union européenne autorise à descendre jusqu’à une fois.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Monsieur le rapporteur, nous réaffirmons ce que vous écrivez en introduction : l’Europe est une chance pour la France, et elle doit le rester.

La France a été mise en demeure en 2022 pour n’avoir pas transposé la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité. L’article 20 du projet de loi assure cette transposition, et notre groupe, europhile par nature, ne peut que soutenir des dispositions qui mettent en conformité notre droit avec la législation européenne. Nous regrettons néanmoins que la réforme du marché européen de l’électricité n’ait pas abouti à des mesures ambitieuses. Elle aurait notamment pu remettre en cause le couplage des prix de l’électricité avec ceux du gaz, principale cause de la hausse dramatique des prix à la suite de la guerre en Ukraine.

Le projet de loi inscrit également dans notre droit la fin de la vente des voitures thermiques neuves à l’horizon 2035. Cette disposition n’était pas nécessaire pour que l’objectif défini au niveau européen s’impose juridiquement, mais elle répond à un souci de clarté. Pour autant, la trajectoire exigeante de réduction des émissions imposée aux constructeurs automobiles suscite des inquiétudes croissantes. Elle risque en effet de fragiliser l’industrie automobile européenne, alors même qu’il n’est pas certain que la substitution de véhicules électriques ait un impact significatif sur nos émissions de carbone puisque la production et le recyclage des batteries électriques demeurent problématiques.

Sur le marché européen, la part des voitures électriques fabriquées en Europe est en diminution, tandis que plus de la moitié des véhicules électriques importés de Chine ont été produits par des constructeurs d’origine européenne. Dans ce contexte, comment devons-nous considérer l’accord conclu entre Stellantis et CATL qui prévoit d’investir plus de 4 Md€ dans la construction d’une usine de batteries lithium-fer-phosphate en Espagne ? Est-ce une opportunité pour l’Europe, ou un cheval de Troie chinois visant à contourner nos barrières douanières ?

Le passage à l’électrique a bien des effets positifs indiscutables sur la santé publique. Mais ces véhicules ne seront efficaces pour réduire nos émissions qu’à la condition que l’électricité qu’ils utilisent soit produite dans les États membres et provienne du nucléaire ou des énergies renouvelables. Je m’associe donc à votre appel à soutenir la transition de l’industrie automobile par des investissements européens massifs et un renforcement de la politique commerciale – mais cela suffira-t-il pour que nous respections l’engagement de 2035 ?

Mme Yaël Ménaché (RN). Votre rapport offre une analyse détaillée des adaptations du droit français au droit européen dans divers domaines. Il souligne, ironiquement je l’espère, l’importance de l’intégration européenne pour la compétitivité de la France, sans remettre en cause certaines orientations, notamment en matière d’immigration.

Tout d’abord, nous nous opposons catégoriquement à l’adoption de projets de loi d’adaptation au droit de l’Union, qui renforcent la relation de vassalité de la France à l’Union européenne. Notre collègue, Hélène Laporte expliquait déjà, lors des débats à l’Assemblée nationale, que nous rejetions ce texte, qui dessaisit une fois de plus le Parlement de sa prérogative au profit du gouvernement et impose aux acteurs économiques français une complexification inutile et néfaste de leur encadrement juridique. Vous écrivez que l’Europe est une chance pour la France, mais c’est bien l’inverse : c’est la France qui est une chance pour l’Europe.

Je relève que vous ne vous opposez pas à la définition d’une date limite pour la commercialisation des voitures thermiques. Mais dans quel monde vivez-vous ! Le groupe Rassemblement national, quant à lui, est favorable à la suppression pure et simple d’un tel objectif.

Vous recommandez par ailleurs de poursuivre les efforts en faveur de l’intégration des marchés de capitaux européens, et de soutenir la transition de l’industrie automobile par des investissements européens et un renforcement de la politique commerciale. Pour notre part, nous souhaitons instaurer une priorité nationale dans les attributions de marché public.

Enfin, nous appelons à un retour des contrôles aux frontières nationales. Nous ne pouvons donc pas accepter l’assouplissement des conditions d’octroi de la carte bleue européenne que tend à mettre en œuvre le projet de loi, s’inscrivant dans une logique d’immigration de travail, à rebours des efforts qui doivent être entrepris au profit des nationaux.

Mme Constance Le Grip (EPR). J’ai souhaité, moi aussi, rappeler la phrase que vous mettez en exergue dans votre rapport d’information : « l’Europe est une chance pour la France ». La France, membre fondateur de l’Union européenne, doit continuer de prendre toute sa place dans la construction et le renforcement de notre projet européen commun. Je vous remercie, cher collègue, pour la précision et la densité de votre rapport d’information, qui met en lumière un certain nombre de dispositifs essentiels pour renforcer notre compétitivité économique et partant notre souveraineté.

L’un des points centraux concerne la création d’un point d’accès unique européen, négocié sous présidence française. Le projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures de transposition nécessaires à sa mise en œuvre. Il permettra de centraliser les données financières et extra-financières des entreprises sur une plateforme unique, accessible gratuitement, afin de surmonter la fragmentation de nos systèmes d’information nationaux qui limite la compétitivité et l’attractivité des marchés de capitaux européens et freine les investissements. C’est une étape importante pour l’approfondissement de l’Union des marchés de capitaux, dont vous avez souligné l’importance.

Je tiens également à souligner que la carte bleue européenne est essentielle pour drainer les profils compétents, très hautement qualifiés, dont nous avons besoin en France comme sur le continent européen.

M. Pascal Lecamp (Dem). Tout d’abord, sur le plan fiscal, les dispositions prévues à l'article 1er permettront de mieux encadrer les services financiers. Il tend à interdire à partir de 2026 la pratique du paiement par flux d’ordre, très controversée en raison des conflits d'intérêts qu'elle engendre pour les courtiers. D’autre part, l’article 2 transpose la directive Daisy Chains II et met en œuvre le règlement dit CRR3 sur les exigences de fonds propres, finalisant la mise en œuvre des accords de Bâle III. Ces textes permettront de disposer d'un cadre macroprudentiel renforcé en matière de défaillances bancaires, en corrigeant certaines lacunes révélées par la dernière crise financière mondiale. Enfin, alors que notre pays a été le premier État membre à transposer la directive CRSD, les articles 7 à 12 de ce texte apportent divers ajustements techniques et clarifications nécessaires autant qu’attendues pour assurer la bonne mise en œuvre de cette réforme d'ampleur.

Le projet de loi marque également une avancée majeure sur le plan judiciaire avec le renforcement du régime des actions de groupe. Il vise en effet à instaurer un régime universel des actions de groupe applicable à tous les domaines et à tous les types de préjudices, et à élargir la qualité pour agir afin de rendre ce dispositif plus inclusif et plus efficace.

Enfin, sur le plan écologique, ce texte apporte des clarifications sur les responsabilités financières liées au raccordement des projets au réseau électrique, qui représente un enjeu majeur pour le développement des énergies renouvelables. Il simplifie également les règles permettant l’implantation des panneaux solaires dans les parkings, répondant ainsi à une attente forte en matière d'innovation énergétique. Des adaptations de nos dispositifs de protection environnementale afin de concilier le développement des énergies renouvelables et la préservation de la biodiversité illustrent notre volonté de bâtir un modèle énergétique respectueux de l'environnement.

Pour finir, le groupe Les Démocrates salue la transposition des obligations européennes relatives à la prévention des inondations ainsi que la reconnaissance des qualifications des professionnels de santé étrangers.

Ce projet de loi porte une ambition plus large : renforcer l’efficacité de la construction européenne et favoriser une convergence accrue entre les États membres. Notre groupe émet le vœu que ces dispositions seront reprises par de nombreux pays, consolidant ainsi l’Union européenne.

Mme Sylvie Josserand (RN). Le rapport d’information est favorable à une union des marchés de capitaux européens, qui vise à mobiliser l’épargne privée des Européens pour investir massivement dans l’amélioration de la productivité et la réindustrialisation du territoire. Cette union des marchés de capitaux est présentée comme le remède à « vingt années de décrochage économique de l’Europe par rapport aux États-Unis ». Plutôt que d’investir aux États-Unis, les pays dotés d’une épargne conséquente, comme la France, abonderaient ainsi les pays européens qui en sont dépourvus.

Ce faisant, votre rapport d’information semble faire fi de deux réalités incontournables. Tout d’abord, ce qui attire les capitaux européens aux États-Unis, c’est avant tout la rentabilité des actions et des obligations, favorisée par la grande flexibilité du marché du travail. Or, la zone euro n’offre ni flexibilité, ni rentabilité. Ensuite, l’investissement dans les entreprises non cotées en Bourse, le private equity, est opéré par les fonds de pension américains, et non par les particuliers, en raison des risques de perte sèche du capital investi ou d’illiquidité, c’est-à-dire d’impossibilité de revendre les titres.

Quelles sont les garanties offertes aux épargnants français face au risque majeur de non-recouvrement ? Quelles seront les retombées économiques concrètes pour la France si elle cesse de recycler l’épargne du livret A pour exporter les capitaux vers des périphéries européennes ?

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur. Je répondrai tout d’abord à M. Laurent Mazaury au sujet du marché de l’électricité européen. Ce marché avait été vertement critiqué, il y a deux ans, par certains partis politiques qui lui attribuaient la pénurie d’électricité de la France en 2022 – c’était infondé puisque le marché européen de l’électricité nous a justement permis d’importer pour faire face à nos difficultés. Alors maintenant que nous battons des records en termes de production et d’exportation d’électricité, le marché européen de l’électricité est plus que jamais une chance pour la France.

Concernant l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves, je précise qu’un objectif de ce type figure déjà dans la législation française. La loi d’orientation des mobilités de 2019 prévoyait en effet que cette interdiction entre en vigueur en 2040. Cependant, le règlement européen du 19 avril 2023 ayant fixé cet objectif à 2035, c’est désormais cette date qui s’impose, conformément à la hiérarchie des normes. Étant donné que les règlements européens sont directement applicables, il n’est pas nécessaire d’inscrire ce nouvel objectif dans la loi, comme l’a relevé justement Mme Ménaché. Il est néanmoins préférable de corriger notre droit national, par souci de cohérence et de lisibilité, afin de ne pas y laisser un objectif qui n’est plus valable.

Sur la question de l’Europe, Madame Ménaché, il faut convenir que nous avons des positions diamétralement opposées. Nous ne nous lancerons pas maintenant dans un grand débat – gardons-le plutôt pour l’hémicycle. Je vous dirai simplement qu’il n’y a pas de relation de vassalité entre la France et l’Union européenne. C’est un élément de langage habituel du Rassemblement national dès qu’il est question des sujets européens, et vous en êtes probablement convaincus. Mais les pro-européens, dont je fais partie, vous rappelleront toujours que la République française est entrée souverainement dans la Communauté économique européenne, et que celle-ci n’est devenue l’Union européenne qu’avec le traité de Maastricht, qui a été approuvé par référendum par une majorité de Français. Certes, toutes les étapes de la construction européenne n’ont pas été soumises aux Français par référendum – c’est également le cas dans les autres États membres –, mais elles ont nécessité des modifications de la Constitution qui ont été adoptées par le Congrès du Parlement.

Il n’y a donc aucune relation de vassalité : la France a fait le choix collectif et souverain d’appartenir à l’Union européenne, et elle contribue pleinement à l’élaboration de la législation européenne en tant que membre du Conseil, dans le cadre de la procédure de codécision prévue par les traités.

Comme votre présidente de groupe n’a cessé de le répéter pendant la campagne des élections européennes, vous êtes favorables à un retour des contrôles systématiques aux frontières, en sus des contrôles volants déjà en vigueur. Cela poserait cependant des difficultés à nos entreprises, et je n’en connais pas beaucoup qui souhaiteraient revenir quelques décennies en arrière, quand il fallait arrêter les marchandises entre la France et l’Allemagne, l’Espagne ou la Belgique.

Comme l’a souligné Constance Le Grip, le point d’accès unique européen est l’une des avancées importantes que permet de transposer ce projet de loi.

S’agissant de l’union des marchés de capitaux, elle fera l’objet d’une analyse approfondie au sein de notre commission puisqu’un rapport d’information y sera consacré. L’objectif n’est cependant pas de prendre l’épargne des Français pour la donner à quelque pays européen. N’attisez pas les peurs là-dessus : l’Union européenne ne va pas ponctionner le Livret A ou le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) pour financer des projets ailleurs en Europe.

L’union des marchés de capitaux vise simplement à unifier les législations sur les flux de capitaux, qui demeurent très fragmentées. Il y a une grande incohérence à avoir construit une union douanière et une union monétaire sans avoir harmonisé les services bancaires et financiers. La crise des dettes souveraines a permis de réaliser quelques progrès en la matière, mais nous n’y sommes toujours pas. Or, une telle harmonisation est indispensable pour lever des fonds de façon massive et réaliser des investissements importants.

Pour que vous ne fassiez pas peur à nos concitoyens, je rappelle que, depuis la crise de l’euro et la crise des dettes souveraines, l’Union européenne a mis en place des règles pour mieux protéger les épargnants. La législation européenne garantit ainsi la protection de tous les dépôts bancaires jusqu’à 100 000 euros. Compte tenu de ces progrès, il serait faux de laisser penser que l’union des marchés de capitaux représente un risque pour les épargnants.

Je remercie enfin Pascal Lecamp pour le soutien qu’il apporte au texte.

 

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 

 


   annexe n° 1 :

   Résumé des dispositions du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

Titre Ier.  Dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

Chapitre Ier. – Dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier.

L’article 1er (I) met en œuvre le règlement (UE) 2024/791 du 28 février 2024 modifiant le règlement 600/2014 du 15 mai 2014, dit MiFIR. Il transcrit en droit interne l’interdiction de la pratique du paiement pour flux d’ordre, consistant pour une entreprise d’investissement à confier l’exécution des ordres de ses clients à un tiers qui lui verse une commission, en raison du risque de conflits d’intérêts qu’elle induit. Il étend également le champ des autorités compétentes auxquelles l’Autorité des marchés financiers (AMF) doit transmettre des comptes rendus de transactions sur des instruments financiers.

L’article 1er (II) habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour assurer la mise en œuvre du règlement (UE) 2023/2859 du 13 décembre 2023 établissant un point d’accès unique européen (European single access point – ESAP) destiné à centraliser les données financières et extra-financières publiées par les entreprises. En favorisant l’information des investisseurs au niveau européen, l’ESAP doit constituer une étape importante pour l’approfondissement de l’union des marchés de capitaux.

L’article 1er (III) désigne l’AMF comme autorité compétente pour superviser l’émission d’obligations vertes européennes et complète les pouvoirs de surveillance et de sanction dont elle dispose dans ce cadre, en application du règlement (UE) 2023/2631 du 22 novembre 2023 sur les obligations vertes européennes qui vise à faciliter l’identification des investissements durables sur le plan environnemental en limitant les risques d’écoblanchiment.

L’article 1er (IV) institue un régime de garanties financières et de nantissement sur les crypto-actifs afin de sécuriser et favoriser le développement des opérations de financement utilisant les crypto-actifs en guise de sûretés – le règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) demeure silencieux en la matière. Il clarifie également la détermination de la loi applicable aux titres financiers inscrits sur une technologie de registres distribués.

L’article 2 (I) transpose diverses dispositions de la directive (UE) 2024/1174 du 11 avril 2024, dite « Daisy Chains II », qui permet aux autorités de résolution (l’ACPR en France) de mieux calibrer les exigences de fonds propres et d’engagements éligibles des filiales des groupes bancaires afin de garantir la remontée au niveau de la société mère des éventuelles pertes de ces filiales en cas de crise bancaire.

L’article 2 (II) modifie la définition de la compagnie financière holding et le cadre prudentiel de prise en compte du risque opérationnel pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPVCM) en renvoyant directement au règlement (UE) 575/2013 modifié par le règlement (UE) 2024/1623, dit CRR3, pour mettre en œuvre la réforme de Bâle III sur le contrôle bancaire.

L’article 2 (III) complète la transposition de la directive (UE) 2021/2167 relative aux gestionnaires de crédits et acheteurs de crédits, à la suite de l’ordonnance du 6 décembre 2023, en renforçant les modalités de contrôle des gestionnaires de crédit par l’ACPR.

L’article 2 (IV, V et VI) met en œuvre le règlement (UE) 2024/886 du 13 mars 2024 qui vise à accélérer le déploiement des paiements instantanés en euros en les rendant plus abordables, accessibles et sûrs de façon harmonisée au sein de l’Union. Il prévoit notamment d’habiliter la DGCCRF à rechercher, constater et sanctionner les manquements relatifs aux frais afférents aux virements instantanés et à la vérification du bénéficiaire, et de permettre aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique de participer à un système de règlement interbancaire.

L’article 2 (VII) habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance les directives 2023/2225 du 18 octobre 2023 et 2023/2673 du 22 novembre 2023 qui visent à assurer une meilleure protection des consommateurs dans le cadre des contrats de crédit aux consommateurs et des contrats de services financiers conclus à distance.

L’article 3 (I) assure l’accès du conducteur d’un véhicule motorisé, qu’il en soit ou non le propriétaire, aux informations contenues dans le fichier des véhicules assurés (FVA) s’agissant de sa couverture assurantielle, pour permettre l’application adéquate de la directive 2009/103/CE sur l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules à moteur, à la suite de la suppression de la carte verte en France en 2023.

L’article 3 (II) adapte les dispositions relatives aux sanctions prononcées par l’ACPR et l’AMF afin qu’elles puissent prononcer les amendes prévues par le règlement (UE) 2019/1238 du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle en cas de manquement aux obligations qu’il fixe.

L’article 4 transpose les dispositions de la directive 2024/1640 du 31 mai 2024, dite 6e directive anti-blanchiment, qui mettent en conformité le droit de l’Union avec la décision du 22 novembre 2022 de la CJUE, Sovim / WM c. Luxembourg Business Registers. Cet arrêt ayant jugé illégale l’obligation imposée aux États par la 5e directive anti-blanchiment de mettre à disposition du public les registres des bénéficiaires effectifs des sociétés en raison de l’ingérence grave à la vie privée que cela constituait, il est prévu de restreindre l’accès aux registres des bénéficiaires effectifs aux personnes démontrant un intérêt légitime.

L’article 5 complète le régime des clauses d’action collective figurant dans les titres de dette française, conformément aux « termes de références communs » adoptés par le comité économique et financier auxquels renvoie le traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES).

L’article 6 précise les modalités de déclaration des paiements en nature aux gouvernements et autorités publiques dans le rapport sur les paiements que doivent publier les grandes entreprises extractives, conformément aux dispositions de la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013, dite directive comptable.

Les articles 7 à 12 visent à corriger et à clarifier certaines dispositions issues de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 qui transpose la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022, dite directive CSRD, concernant la production d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Il corrige notamment quelques légères surtranspositions afin d’alléger la charge pour les entreprises.

Chapitre II. – Dispositions relatives au droit de la commande publique.

L’article 13 poursuit un objectif de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne s’agissant de la commande publique pour laquelle la qualification de produits innovants est étendue.

Chapitre III. – Dispositions relatives au droit de la consommation.

Les articles 14 à 19 visent à transposer les dispositions de la directive (UE) 2020/1828 relative aux actions représentatives en droit national (recours collectifs). Considérant l’existence en droit français d’une telle procédure, des dispositions législatives doivent être modifiées en conséquence. Par ailleurs, une action de groupe transfrontière est instituée par la directive.

Titre II. – Dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de transition écologique.


Chapitre Ier. – Dispositions en matière de droit de l’énergie.

L’article 20 vise à transposer certaines dispositions de la directive (UE) 2019/1944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité en vue de créer des marchés unifiés de l’électricité au sein de l’Union. Cet article poursuit également comme objectif le développement des énergies renouvelables au sein du mix énergétique français.

L ’article 21 vient intégrer certaines dispositions de la directive (UE) 2019/1944. Plus précisément, il vient instituer l’obligation d’offrir la puissance disponible à l’ensemble des installations de production, y compris celles rattachées au réseau public de distribution.

L’article 22 a pour objectif de renforcer la surveillance des marchés de gros par la commission de régulation de l’énergie (CRE). Ces marchés permettent d’assurer un bon fonctionnement du système électrique en veillant à permettre une concurrence ouverte, loyale et équitable. Le règlement (UE) 1227/2011 du 25 octobre 2011 vient définir les règles de surveillance du marché (règlement dit Remit). Certaines dispositions de Remit sont d’application directe mais l’article 22 vient acter certaines modifications.

L’article 23 vise à accorder des aides au développement des énergies renouvelables, après mise en concurrence, en accord avec la programmation pluriannuelle de l’énergie en cours. Est concerné plus spécifiquement l’éolien en mer.

L’article 24 décline une disposition issue de la loi pour l’accélération de la production d’énergie renouvelable (poste de référent pour l’éolien en mer pour la zone économique exclusive).

L’article 25 permet de transposer la directive (UE) 2023/2413 du 18 octobre 2023 dont l’objet est de promouvoir l’énergie produite à partir de sources renouvelables en rehaussant les objectifs fixés aux États membres en matière de production d’énergies renouvelables (part d’énergie produite à partir de sources renouvelables fixée à 42.5 % en 2030).

L’article 26 s’inscrit dans le prolongement de l’article 25 et vise à remédier à la dispersion normative entre deux codes ainsi qu’à la non-codification de certaines dispositions des lois climat et résilience.

L’article 27 vise à transposer la directive relative à l’efficacité énergétique du 20 septembre 2023. Cette directive est issue du paquet dit « fit for 55 » et constitue un des éléments de la stratégie européenne énergétique de décarbonation. Cet article prévoit des dispositions structurantes et ambitieuses pour la réduction de consommation d’énergie en France. Il complète ainsi les outils nécessaires pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique et de sobriété argentique fixés dans le cadre de la planification écologique.

Chapitre II.  Dispositions en matière de droit des transports.

L’article 28 prévoit l’allongement de la durée maximale du contrat de régulation économique (CRE) aéroportuaire, conclu avec l’État à la suite d’un contrat de concession pour la construction, l’entretien et l’exploitation d’un aérodrome, qui pourra être portée de cinq à quinze ans afin de donner davantage de visibilité au concessionnaire sur ses hypothèses tarifaires et de favoriser le financement d’investissements lourds. Il prévoit également une dérogation au principe général de publication des avis de l’Autorité de régulation des transports lorsque ces avis portent sur un avant-projet de CRE proposé par un soumissionnaire non retenu afin de garantir la confidentialité de la procédure de passation.

L’article 29 précise les modalités de mise en œuvre du règlement (UE) 2023/1804 du 13 septembre 2023, dit AFIR, sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs s’agissant des aéroports du réseau transeuropéen de transport. Il vise à imposer aux gestionnaires des aéroports concernés des obligations de fourniture d’électricité et d’air conditionné aux aéronefs stationnés, et à fixer un régime de sanction adapté.

L’article 30 transpose la révision de la directive 2010/40/UE sur les systèmes de transport intelligents, dite directive ITS, par la directive (UE) 2023/2661 du 22 novembre 2023, en renforçant les obligations de fourniture de données aux services d’informations en temps réel sur la circulation routière.

L’article 31 adapte le règlement délégué (UE) 2017/1926 sur le service d’information multimodal sur les voyages afin de permettre aux passagers de trouver plus facilement des informations sur les différents modes de transport disponibles, mis à jour en temps réel.

L’article 32 vise à étendre le champ des aéronefs exclus de l’application des règles de l’aéronautique civile, qui est plus restreint au niveau national qu’au niveau européen. En adéquation avec règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, il ne sera plus nécessaire que l’aéronef relève de la propriété de l’État pour bénéficier de l’exclusion, améliorant la marge de manœuvre dont dispose l’administration dans l’utilisation d’aéronefs non-patrimoniaux.

L’article 33 tire les conséquences de la révision du règlement d’exécution (UE) 2019/773, dit STI OPE, par le règlement d’exécution (UE) 2023/1693 du 10 août 2023, qui tend à accroître l’interopérabilité ferroviaire au sein de l’Union en unifiant la réglementation applicable aux personnels ferroviaires non conducteurs de train. L’article prévoit de supprimer des dispositions qui interviennent désormais dans un champ harmonisé au niveau européen, et unifie le contentieux relatif à l’aptitude de l’ensemble des personnels ferroviaires.


L’article 34 adapte le règlement européen 2023/2405 du 18 octobre 2023 relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable, dit ReFuelEU Aviation, en définissant les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations fixées en matière de fourniture d’utilisation et de fourniture de carburants d’aviation durable (CAD). Parmi celles-ci, l’obligation pour les fournisseurs de carburant que le carburant contienne une part minimale de CAD, en augmentation progressive jusqu’à 2050.

L’article 35 modifie l’article 73 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, pour y inscrire l’objectif de réduction de 100 % des émissions moyennes de CO2 du parc de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers neufs d’ici 2035, fixé par le règlement (UE) 2023/851 du 19 avril 2023, et plus ambitieux que l’objectif précédemment fixé dans la loi.

Chapitre III.  Dispositions en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Les articles 36 et 37 assurent la bonne application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), prévu par le règlement (UE) 2023/956 du 10 mai 2023. L’article 36 transcrit le régime de sanctions applicables, à compter du 1er janvier 2026, en cas de manquement des déclarants MACF à leurs obligations. L’article 37 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour garantir la cohérence du droit national avec la législation secondaire qui doit préciser les conditions et modalités d’octroi des autorisations MACF.

L’article 38 complète le régime de sanctions prévu dans le code de l’environnement pour assurer le respect des règlements (UE) 2024/573 et (UE) 2024/590 du 7 février 2024 qui renforcent le contrôle de la production, de l’importation, et de l’utilisation des gaz à effets de serre fluorés.

Chapitre IV. – Dispositions en matière de droit de l’environnement.

L’article 39 concerne la directive 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation dite » directive Inondation ». Un plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) constitue le document de planification central. Il est proposé de clarifier et simplifier la mise en œuvre de la directive en modifiant l’élaboration de ce document à l’intention des collectivités et des citoyens.

Titre III. – Dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé.

L’article 40 transpose la directive (UE) 2024/505 du 7 février 2024 en ce qui concerne la reconnaissance des qualifications professionnelles des infirmiers responsables de soins généraux formés en Roumanie.


L’article 41 adapte en droit national le règlement (UE) 2024/1860 concernant le déploiement d’Edamed (base de données européennes sur les dispositifs médicaux) ainsi que l’obligation d’informer en cas d’interruption ou de cessation d’approvisionnement de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Il désigne également l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) comme autorité compétente pour recueillir les déclarations d’interruption ou de cessation d’approvisionnement.

Titre IV.  Dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’entrée et de séjour.

L’article 42 transpose la directive (UE) 2021/1883 du 20 octobre 2021 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être modifié pour mettre en œuvre l’assouplissement des conditions de délivrance du titre de séjour « carte bleue européenne », favoriser la mobilité intracommunautaire des travailleurs hautement qualifiés, étendre l’accès à la carte de résident longue durée – UE aux titulaires d’une carte bleue européenne ayant effectué une mobilité, et assouplir les conditions de délivrance à leur famille d’un titre de séjour autonome.

 


([1]) Communication de la Commission du 24 septembre 2020 intitulée « Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises » (COM(2020)590 final)

([2]) Étude d’impact sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne du 30 octobre 2024.

([3]) Rapport « Choisir une finance verte au service de l’accord de Paris », présenté par M. Alexandre Holroyd le 22 juillet 2020.

([4]) Banque de France, « L’éco en bref : ka finance verte », juin 2024.

([5]) Climate Bonds Initiative, 2024.

([6]) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020.

[7] Cour des comptes, Rapport public annuel 2024, mars 2024, p. 184.

([8])  Cour des comptes, Rapport public annuel 2024, mars 2024, p. 184.

([9]) Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Rapport sur la décarbonation du secteur de l’aéronautique, présenté par M. Jean-Frabçois Portarrieu, député, et M. Pierre Médevielle, sénateur, le 30 mai 2024.

([10])  Transport & Environment, State of European Transport, 2024.

([11])  ACEA, New car registrations European Union, janvier 2024.

([12])  Transport & Environment, To raise or not to raise – How Europe can use tariffs as part of an industrial strategy, mars 2024.

([13]) Banque mondiale, « Immigration qualifiée : un signe de la fragmentation de l’Europe ou de son intégration ? », 2022.

([14]) Conseil d’analyse économique, « L’immigration qualifiée : un visa pour la croissance », 2021.

([15]) Rapport sur les raisons de la perte de compétitivité de l’Union européenne, présenté par Mario Draghi en septembre 2024.