N° 870

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

sur le déplacement d’une délégation de la commission à New York à l’occasion de la 79ème Assemblée générale des Nations unies, à l’automne 2024

 

présenté par

Mme Estelle YOUSSOUFFA,
M. Nicolas FORISSIER, Mme Amélia LAKRAFI
et M. Kévin PFEFFER,

Députés

____

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La délégation de la commission était composée de : Mme Estelle Youssouffa (Mayotte  Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), secrétaire de la commission ; M. Nicolas Forissier (Indre  Droite Républicaine); Mme Amélia Lakrafi (Français établis hors de France – Ensemble pour la République) ; M. Kévin Pfeffer (Moselle – Rassemblement national).


 SOMMAIRE 

___

 Pages

Introduction

I. Un attachement au multilatéralisme onusien fragilisé par la désagrégation de l’ordre international

A. De la « parenthèse enchantée » des années 1990 à la paralysie actuelle du CSNU

1. Presque inactif pendant la guerre froide, le Conseil de sécurité a exercé un rôle significatif jusqu’au début des années 2010

2. La division des membres permanents du Conseil de sécurité au cours de la dernière décennie, facteur majeur de l’impuissance de l’ONU

B. L’exacerbation délétère des tensions entre le « Nord » et le « Sud » ébranle l’ensemble du système onusien

1. Le récit du « double discours occidental » : une accusation permanente que la France récuse

2. La cohésion discutable des deux blocs « Nord » et « Sud » : une grille de lecture parfois caricaturale qu’il convient de nuancer

II. L’ONU à la croisée des chemins : entre luttes d’influence et projection vers l’avenir

A. Des rapports de force évolutifs à l’épreuve desquels la France doit tenir son rang

1. La stratégie d’influence de la Chine et la position incertaine des ÉtatsUnis depuis la réélection de Donald Trump

2. Le rôle-clef de la France à l’ONU : une diplomatie indépendante qui doit assumer la défense de ses intérêts et de ses valeurs

B. L’adoption du pacte pour l’avenir : une ambition louable de réformer l’architecture onusienne au risque de rester lettre morte

1. La réforme indispensable mais improbable de la gouvernance mondiale

a. La réforme du CSNU, véritable serpent de mer onusien

b. La modernisation de l’architecture financière mondiale

2. Les engagements de l’ONU sur l’intelligence artificielle et la protection de l’environnement

a. La gouvernance internationale de l’intelligence artificielle

b. La réaffirmation de la protection de l’environnement à travers l’accélération des ODD

3. Des points d’alerte récurrents : sécuriser le financement de l’ONU, consolider les OMP, préserver le droit humanitaire

a. La crise de financement de l’ONU

b. La nécessaire consolidation des OMP

c. La préservation de l’aide humanitaire sur les zones de conflit

Examen en commission

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par la délégation  de la commission

Annexe  2 : Organigramme du système des Nations unies

 


   Introduction

Chaque automne, une délégation de la commission des affaires étrangères se rend à New York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU).

Du 18 au 22 novembre 2024, quatre députés de la commission ont ainsi participé à la 79ème AGNU : Mme Estelle Youssouffa, secrétaire de la commission, M. Nicolas Forissier, Mme Amélia Lakrafi et M. Kévin Pfeffer. Les membres de cette délégation ont rencontré trois types d’interlocuteurs :

– des représentants permanents d’États auprès des Nations unies, dont le représentant de la France, M. Nicolas de Rivière, mais aussi ceux du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, du Liban, de la Russie, du Soudan, de l’Ukraine, ainsi que des représentants de la délégation palestinienne ;

– des responsables de l’Organisation des Nations unies (ONU) tels que le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et celui chargé des politiques ;

– des représentants du Comité international de la Croix-rouge (CICR), de l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch et du thinktank américain Council on Foreign Relations.

Près de 80 ans après sa création, l’ONU occupe encore aujourd’hui une place centrale sur la scène internationale. Forum mondial unique, le système onusien repose sur une logique interétatique. Si le préambule de la Charte signée à San Francisco le 26 juin 1945 mentionne les « peuples des Nations unies », son article 2 consacre « l’égalité souveraine » des 193 États membres. La fonction tribunicienne de l’Assemblée générale, notamment lors de ses sessions annuelles, fait l’objet d’une importante médiatisation en ce qu’elle favorise l’expression publique de chaque État, reflétant ainsi les antagonismes qui traversent la communauté internationale.

Au-delà de ses organes principaux ([1]) dont l’activité suscite autant d’attentes que de frustrations, l’ONU comprend plusieurs dizaines d’organes subsidiaires ([2]), de fonds et de programmes ([3]) ou encore d’institutions spécialisées ([4]) qui illustrent sa vocation multidimensionnelle. Son action protéiforme se structure autour de trois objectifs primordiaux : préserver la paix et la sécurité, favoriser le développement socio-économique et apporter une aide humanitaire aux populations en souffrance.

Les difficultés opérationnelles auxquelles sont confrontés l’ensemble des acteurs onusiens, qu’elles procèdent de moyens matériels insuffisants ou de la multiplication des conflits armés à travers le monde ([5]), s’ajoutent aux divisions croissantes entre les États membres qui entravent, en premier lieu, l’action du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU). Les interlocuteurs étrangers et non‑gouvernementaux avec lesquels la délégation a pu s’entretenir font état d’un constat sévère : les processus décisionnels du système onusien sont régulièrement paralysés et son abondante production normative ([6]) s’apparente essentiellement à des pétitions de principe dont la portée juridique s’avère incertaine ([7]). En outre, le respect de décisions théoriquement contraignantes, à l’instar des résolutions adoptées par le CSNU n’est pas systématiquement garanti, ce qui nuit à la crédibilité des actions accomplies par l’ONU sur le terrain.

Il en résulte une forme d’amertume, sinon de désillusion, qui interroge la capacité de l’ONU à remplir la mission que lui a assignée son ancien secrétaire général Dag Hammarskjöld : « l’ONU n’a pas été inventée pour emmener l’humanité au paradis mais pour lui éviter l’enfer ». Lors de son audition, le secrétaire général adjoint Guy Ryder a estimé que le monde contemporain connaît la plus grave crise du multilatéralisme depuis la création de l’ONU, ce qui met un terme définitif à la « parenthèse enchantée » ouverte depuis la fin de la guerre froide.

Pour autant, les fractures géopolitiques qui minent la cohésion des Nations unies, au risque d’affaiblir durablement l’influence de l’ONU, soulèvent un certain paradoxe. En effet, le renforcement des clivages entre les États n’altère pas leur volonté de légitimer leurs positions tant au regard de la Charte des Nations unies que des décisions préalablement prises par l’Organisation. Bien que concurrencée par l’émergence de nouvelles structures de coopération, à l’instar du groupe que forment le Brésil, l’Inde, la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud ([8]), l’ONU demeure la seule organisation internationale de premier plan, à la fois théâtre des rivalités entre puissances et acteur institutionnel incontournable.

Aucun État ne souhaite donc s’en affranchir. La conclusion du « Pacte pour l’avenir » en septembre 2024 témoigne de l’attachement que vouent l’ensemble des États aux Nations unies, sous réserve des réformes institutionnelles, aussi indispensables qu’improbables, qui devront être réalisées pour assurer la pérennité du système onusien à long terme. L’évolution des rapports de forces entre les États‑Unis et Chine conjuguée à la conflictualisation des relations entre le « Nord » et le « Sud » constituent bien sûr une menace pour l’ordre international. Elles représentent cependant une opportunité que la France doit saisir afin de développer une diplomatie indépendante, protectrice de ses intérêts comme des valeurs qu’elle entend promouvoir à travers le monde.


I. Un attachement au multilatéralisme onusien fragilisé par la désagrégation de l’ordre international

Contrastant avec son activité inédite au cours des décennies 1990 et 2000, l’incapacité actuelle du CSNU à œuvrer efficacement en faveur de la paix s’explique par la division structurelle qui oppose aujourd’hui les cinq membres permanents, dans un contexte marqué par la résurgence de conflits meurtriers et l’accentuation des tensions entre le « Nord » et le « Sud ».

A.   De la « parenthèse enchantée » des années 1990 à la paralysie actuelle du CSNU

Si la fin de la guerre froide et l’avènement – provisoire – d’un monde unipolaire ont ressuscité le CSNU au tournant des années 1990, la succession de crises sécuritaires de grande ampleur a fini par diviser les membres permanents, au point d’aboutir à sa paralysie.

1. Presque inactif pendant la guerre froide, le Conseil de sécurité a exercé un rôle significatif jusqu’au début des années 2010

Confronté au clivage entre les États-Unis et l’URSS, le CSNU n’a pas été en mesure d’empêcher ni de résoudre les conflits qui ont émaillé la période de la guerre froide, qu’il s’agisse de la guerre de Corée ([9]), de la guerre américaine au Vietnam, du génocide cambodgien, de l’invasion soviétique en Afghanistan ou de la guerre opposant l’Iran à l’Irak. Bien qu’adoptées à l’unanimité, les résolutions n° 242 ([10]) et n° 262 ([11]) exigeant le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés en Cisjordanie et au Liban à la suite de la guerre des six jours en juin 1967 n’ont pas été respectées, l’ONU demeurant impuissante à pacifier durablement la situation au Proche-Orient.

La chute de mur de Berlin le 9 novembre 1989 représente un point de bascule majeur : le CSNU a ainsi adopté autant de résolutions entre 1990 et 2000 qu’entre 1946 et 1989 ([12]). Une forme de « parenthèse enchantée », faisant écho à l’hypothétique « fin de l’histoire » théorisée par l’essayiste américain Francis Fukuyama ([13]) a permis au CSNU de jouer un rôle décisif notamment pour mettre fin à l’invasion irakienne au Koweït ([14]) et au conflit israélo-libanais ([15]), diligenter des opérations de maintien de la paix au Cambodge ([16]) et dans la région des Grands lacs ([17]) ou encore autoriser les États victimes d’actes de terrorisme à recourir à la force ([18]) pour se défendre.

Pour autant, ces succès ne sauraient occulter les échecs essuyés par le CSNU. Celui-ci a ainsi été contourné à l’occasion des frappes aériennes réalisées par les États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sur Belgrade lors de la guerre au Kosovo en 1999 et de l’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003.

Ces deux exemples préfigurent les clivages qui vont progressivement émerger entre les cinq membres permanents opposant, d’une part, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, et d’autre part, la Russie et la Chine. L’antagonisme croissant entre les États-Unis et la Russie depuis la fin des années 2000 ([19]), renforcé par la gestion de la crise libyenne et la chute du régime du colonel Kadhafi en 2011, a durablement fragilisé le CSNU, le rendant désormais inapte à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales.

2. La division des membres permanents du Conseil de sécurité au cours de la dernière décennie, facteur majeur de l’impuissance de l’ONU

Selon l’ambassadeur Nicolas de Rivière auditionné par les membres de la délégation, l’ambiance de travail au sein du CSNU s’est profondément dégradée depuis le début des années 2010. La résolution n° 1973 adoptée le 17 mars 2011 par le CSNU – la Russie et la Chine ayant renoncé à poser leur veto en s’abstenant – a autorisé le recours à la force afin d’empêcher la répression menée par le régime libyen à l’encontre des populations civiles à Benghazi. À la suite de cette résolution, l’intervention militaire conduite par les armées américaine, britannique et française ([20]), soutenue par la Ligue arabe, a abouti à l’élimination du régime du colonel Kadhafi, entraînant de sévères critiques émises par la Russie qui considéra que le mandat voté par le CSNU avait été outrepassé.

Le rapport d’information de Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq publié en juin 2024 ([21]) souligne le « tournant » qu’a constitué cet évènement qui a nourri la défiance réciproque des puissances occidentales et de la Russie, mêlant accusations d’ingérence à l’encontre des pays membres de l’OTAN et critiques occidentales quant au soutien qu’a apporté la Russie à des régimes autoritaires.

Extraits du rapport d’information « L’ONU : la réforme impossible ? », juin 2024

Quelle qu’en soit l’interprétation, le renversement du régime libyen a ensuite motivé le refus constant de la Russie et de la Chine de s’accorder avec les États-Unis, le Royaume‑Uni et la France pour réprimer le régime de Bachar el-Assad dès le début de la guerre civile syrienne. En l’espèce, l’impuissance de l’ONU face aux massacres de civils illustre l’introuvable consensus des membres permanents. Ces clivages réactivent les débats habituels sur l’existence controversée d’un droit ou d’un devoir d’ingérence découlant de la responsabilité de protection des populations consacrée par l’Assemblée générale en 2005.

En dépit de l’approbation de l’intervention militaire en Libye par de nombreux États arabo-musulmans, l’idée selon laquelle le mandat délivré par le Conseil de sécurité avait été « détourné » par la coalition conduite par l’OTAN a nourri le schéma narratif anti‑occidental. Au risque de paralyser le fonctionnement du Conseil de sécurité face aux crises sécuritaires majeures, cette posture tend à refermer la parenthèse ouverte depuis le début des années 1990 qui avait pourtant réussi à surmonter, non sans difficulté, les clivages survenus à l’occasion des conflits en ex-Yougoslavie et en Irak.

Source : rapport d’information n° 2732, op. cit., p. 14.

Impuissant face au fiasco de la sortie de crise en Libye, caractérisé par une forte instabilité politique, la montée de l’islamisme radical et l’amplification des enjeux migratoires, le CSNU apparaît depuis lors de plus en plus divisé, se montrant notamment incapable de mettre fin aux exactions commises par le régime syrien de Bachar el-Assad jusqu’à son renversement survenu le 8 décembre 2024.

Le clivage entre les cinq membres permanents, en premier lieu les États‑Unis et la Russie, présente désormais un caractère structurel, solidement ancré dans les pratiques observées au CSNU. Les entretiens menés par la délégation avec les représentants de l’Ukraine, du Liban et de la délégation palestinienne ont montré la dimension quasiment « automatique » des vetos opposés par les États-Unis et la Russie sur les projets de résolution relatifs à la crise au Proche-Orient, selon qu’ils mettent ou non en cause l’intervention militaire israélienne à Gaza.

L’usage décomplexé du veto par la Russie et les États-Unis – et dans une moindre mesure la Chine – s’est généralisé au cours de la décennie 2014-2024 ([22]), à rebours des tendances observées au cours des deux décennies précédentes ([23]). Cette évolution témoigne d’un raidissement des rapports de force entre les membres permanents qui assument de faire prévaloir leurs intérêts immédiats – et ceux de leurs alliés – sur toute volonté de bâtir des compromis afin de garantir la sécurité collective.

Cette situation aboutit à des impasses qui ne sont plus circonscrites au conflit israélo-palestinien, à l’image du projet de résolution rejeté par les États-Unis le 20 novembre 2024 visant à mettre en place un cessez-le-feu à Gaza, ou à la guerre en Ukraine. Les blocages s’étendent désormais à des enjeux moins centraux, tels que les sanctions visant la junte militaire au Mali ([24]), la condamnation de la prolifération d’armes nucléaires imputable au régime nord-coréen ([25]) ou la résolution du conflit au Sud-Soudan ([26]), la Russie ayant systématiquement fait obstacle à l’ensemble de ces projets de résolution. Sur un sujet pourtant plus consensuel, la transformation du mandat de la mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti en mission de paix ([27]) a fait l’objet de réserves exprimées par la Chine et la Russie, alors même que cette évolution permettrait de mobiliser plus de ressources financières et d’apports matériels essentiels pour répondre utilement à l’ampleur de la crise sécuritaire ([28]).

Usage du veto par la russie, les états-unis et la chine
sur les projets de résolution examinés par le CSNU depuis 2014

Date

Projet de résolution

Sujet

Membre(s) permanent(s) ayant fait usage du veto

20 novembre 2024

S/2024/835

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

18 novembre 2024

S/2024/826

Situation au Sud-Soudan

Russie

24 avril 2024

S/2024/302

Non-prolifération

Russie

18 avril 2024

S/2024/312

Admission de la Palestine comme État membre

États-Unis

28 mars 2024

S/2024/255

Non-prolifération : Corée du Nord

Russie

22 mars 2024

S/2024/239

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

Russie, Chine

20 février 2024

S/2024/174

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

8 décembre 2023

S/2023/970

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

25 octobre 2023

S/2023/792

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

Russie, Chine

18 octobre 2023

S/2023/773

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

30 août 2023

S/2023/638

Situation au Mali

Russie

11 juillet 2023

S/2023/506

Situation au Moyen-Orient

Russie

30 septembre 2022

S/2022/720

Maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine

Russie

8 juillet 2022

S/2022/538

Situation au Moyen-Orient

Russie

26 mai 2022

S/2022/431

Non-prolifération : Corée du Nord

Russie, Chine

25 février 2022

S/2022/155

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

13 décembre 2021

S/2021/990

Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Russie

31 août 2020

S/2020/852

Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme

États-Unis

10 juillet 2020

S/2020/667

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

7 juillet 2020

S/2020/654

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

20 décembre 2019

S/2019/961

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

19 septembre 2019

S/2019/756

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

28 février 2019

S/2019/186

Situation au Venezuela

Russie, Chine

1er juin 2018

S/2018/516

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

10 avril 2018

S/2018/321

Situation au Moyen-Orient

Russie

26 février 2018

S/2018/156

Situation au Moyen-Orient

Russie

18 décembre 2017

S/2017/1060

Situation au Moyen-Orient incluant la question palestinienne

États-Unis

17 novembre 2017

S/2017/970

Situation au Moyen-Orient

Russie

16 novembre 2017

S/2017/962

Situation au Moyen-Orient

Russie

24 octobre 2017

S/2017/884

Situation au Moyen-Orient

Russie

12 avril 2017

S/2017/315

Situation au Moyen-Orient

Russie

28 février 2017

S/2017/172

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

5 décembre 2016

S/2016/1026

Situation au Moyen-Orient

Russie, Chine

8 octobre 2016

S/2016/846

Situation au Moyen-Orient

Russie

29 juillet 2015

S/2015/562

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

8 juillet 2015

S/2015/508

Situation en Bosnie-Herzégovine

Russie

22 mai 2014

S/2014/348

Situation au Moyen-Orient : Syrie

Russie, Chine

15 mars 2014

S/2014/189

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Russie

Source : données publiées par l’Organisation des Nations unies, décembre 2024.

Lors des entretiens conduits avec les représentants permanents étrangers, la délégation a pu constater l’existence d’un climat de défiance généralisé qu’alimentent de nombreuses assertions provocatrices et fausses informations. Le représentant russe a ainsi qualifié l’Ukraine de « proxy » de l’OTAN et accusé le bloc occidental d’avoir sciemment « saboté » les accords conclus à Minsk en 2015 dans le but inavoué de contraindre la Russie à recourir in fine à l’option militaire.

L’inertie du CSNU provoque une forme de résignation, sinon de colère, exprimée par plusieurs représentants permanents au cours des entretiens. L’ambassadeur ukrainien a déploré l’impossibilité de débattre devant le CSNU de tout projet de résolution relatif à la guerre menée par la Russie en Ukraine depuis le déclenchement des hostilités ([29]), reléguant le traitement du conflit à l’examen de l’Assemblée générale dont la résolution adoptée le 2 mars 2022 ([30]) a exigé, sans succès, le retrait des troupes russes du territoire ukrainien. L’image de l’ONU auprès du peuple ukrainien s’en trouve logiquement écornée. Cette incompréhension légitime a été renforcée par la rencontre entre le secrétaire général António Guterres et Vladimir Poutine à l’occasion du sommet des BRICS organisé à Kazan le 24 octobre 2024.

Les représentants du Liban et de la délégation palestinienne ont également témoigné de leur exaspération quant à l’impuissance du CSNU, d’une part, à garantir le respect de la résolution n° 1701 du 11 août 2006 établissant un cessez‑le‑feu entre Israël et le Liban et, d’autre part, à parvenir à stopper l’intervention militaire israélienne à Gaza et au Liban tout en assurant la sécurité d’Israël et la libération des otages détenus par le Hamas.

Ces échecs successifs obscurcissent considérablement les perspectives de paix au Proche-Orient, ce qui rend à ce stade illusoire la « solution à deux États », en partie du fait de l’obstruction systématique des États-Unis qui refusent de reconnaître l’État palestinien ([31]), en dépit du vote de l’Assemblée générale ([32]). Ces blocages complexifient les possibilités d’une sortie de crise, alors même que l’ONU constitue le seul acteur international susceptible d’apporter un soutien financier ([33]) et humain décisif, grâce à l’envoi de casques bleus supplémentaires au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) ([34]). Cette aide est une condition essentielle pour lutter efficacement contre l’escalade des tensions qui ont provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes au sud du Liban depuis l’offensive terrestre israélienne déclenchée en septembre 2024 ([35]).

Les entraves constatées au CSNU rendent d’autant plus nécessaire la mobilisation d’autres organes ou mécanismes relevant du système onusien afin d’objectiver la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sur les différents théâtres de conflit. Les représentants du CICR auditionnés par la délégation se sont félicités du rôle majeur qu’exerce le « Mécanisme international, impartial et indépendant » créé par l’Assemblée générale ([36]) et des investigations accomplies par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) afin de documenter les atrocités commises par le régime de Bachar el-Assad depuis le début de la guerre civile syrienne. Ce travail fructueux a notamment permis à la justice allemande de condamner à perpétuité en février 2022 l’ex-officier syrien Anwar Raslan pour avoir perpétré des actes de torture à l’encontre de plusieurs milliers de prisonniers incarcérés à Damas.

B.   L’exacerbation délétère des tensions entre le « Nord » et le « Sud » ébranle l’ensemble du système onusien

Au-delà des antagonismes opposant les membres permanents du CSNU, le clivage entre les pays développés et le reste du monde, schématiquement appréhendé à travers le prisme des tensions entre le Nord et le Sud, s’appuie sur une accusation contestable de « double standard » visant explicitement les États occidentaux.

1. Le récit du « double discours occidental » : une accusation permanente que la France récuse

Les entretiens réalisés par la délégation auprès des représentations permanentes française et étrangères ont permis d’évoquer les critiques tenant à l’existence d’un « double discours » que tiendraient les États occidentaux. Ces derniers sont en effet régulièrement accusés de promouvoir un double standard dans les positions qu’ils expriment sur les conflits actuels. En d’autres termes, la défense de l’intégrité territoriale des États, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et du droit humanitaire serait différenciée selon qu’il s’agisse de la guerre russo‑ukrainienne ou du conflit israélo-palestinien, au nom des intérêts et alliances propres aux États du Nord.

Ces critiques sont abondamment relayées par la Russie et l’Iran, et dans une moindre mesure par la Chine. Elles visent à dénoncer la mauvaise foi imputée aux Occidentaux, dont les principes et valeurs seraient défendus de façon différente selon l’identité des belligérants.

Se fondant sur le principe d’autodétermination des peuples garanti par la résolution n° 3548 adoptée par l’Assemblée générale le 10 décembre 1975, le représentant russe a ainsi justifié l’annexion de la Crimée en mars 2014 au regard du résultat du référendum relatif au rattachement de la Crimée à la Fédération russe. Il a rappelé à ce titre l’approbation par la plupart des pays occidentaux de l’indépendance du Kosovo en 2008, malgré les fortes critiques émises par Vladimir Poutine qui dénonça alors leur « inconséquence » et les potentiels effets « boomerang » d’une telle reconnaissance ([37]). Le double discours occidental résiderait en l’espèce dans le refus de reconnaître le choix souverain de la population de Crimée d’intégrer la Fédération de Russie, alors même que l’indépendance unilatéralement proclamée par le Parlement kosovar avait été assez largement entérinée par les États européens ([38]).

De manière plus récurrente, la principale critique tenant à l’existence d’un « deux poids, deux mesures » concerne le traitement du conflit israélo-palestinien par les États du Nord. Le représentant iranien considère en effet que les reproches constamment adressés à la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine – agression militaire, violation des frontières, occupation territoriale, attaques contre des populations civiles – ne seraient pas formulés à l’encontre d’Israël à la suite de ses interventions à Gaza et au Liban, malgré des situations qu’il estime comparables. Ce discours imprègne fortement la plupart des États appartenant au « Sud global », suggérant de façon explicite la mauvaise foi du Nord dans l’application des principes et valeurs qu’il prétend défendre.

En outre, cette grille de lecture ne se limite pas aux seuls enjeux géopolitiques. Le représentant iranien a également reproché à la France d’instrumentaliser la cause des femmes en Iran, s’agissant notamment du port du voile, tout en soulignant les interdictions prétendument discriminatoires auxquelles les femmes de confession musulmane vivant en France seraient assujetties, au titre de leur pratique sportive ou dans le milieu scolaire. Bien que ces parallèles apparaissent non pertinents sinon outranciers, ils témoignent d’un récit anti‑occidental particulièrement offensif auquel notre diplomatie se doit de répondre avec fermeté, au regard de ses conséquences sur l’image de la France dans le monde.

Les diplomates de la représentation permanente française à l’ONU ont unanimement rejeté les accusations de « double discours » visant la France. Ils ont rappelé à juste titre notre attachement indéfectible aux principes du droit international, qu’il s’agisse de la préservation de l’intégrité territoriale des États ou des exigences humanitaires, à l’aune des nombreux projets de résolution soutenus par la France afin d’obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza, de condamner la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie et d’admettre la Palestine en tant qu’État membre de l’ONU.

Par ailleurs, la cohérence du « Sud global » sur les conflits actuels a pu soulever plusieurs interrogations, inversant en quelque sorte l’accusation de « double standard » à l’encontre de ceux qui la professent. Le représentant ukrainien a par exemple mentionné l’opposition régulière de nombreux États du Sud à des projets de résolution présentés par l’Ukraine devant la troisième commission de l’Assemblée générale visant à dénoncer les discriminations dont souffrent les minorités musulmanes en Crimée ([39]).

Selon lui, cette position semble davantage justifiée par la volonté de ne pas froisser la Russie que par le refus de reconnaître la violation des droits des minorités tatares en Crimée. Dans la même perspective, l’abstention de la Chine, de l’Iran, de l’Inde et de l’Afrique du Sud lors de l’adoption de la résolution du 2 mars 2022 par laquelle l’Assemblée générale a condamné à une large majorité l’invasion russe en Ukraine semble avoir été dictée par des considérations similaires, ce qui illustre la réversibilité des accusations de « double standard » habituellement portées à l’encontre des États occidentaux.

Si les facteurs de division entre le Nord et le Sud existent, la pertinence de ce clivage doit cependant être relativisée, tout comme la cohésion des deux blocs précités.

2. La cohésion discutable des deux blocs « Nord » et « Sud » : une grille de lecture parfois caricaturale qu’il convient de nuancer

La conflictualité croissante des relations interétatiques à l’ONU se traduit par le recours de plus en plus fréquent au vote afin d’adopter des résolutions au sein des commissions de l’Assemblée générale, délaissant la procédure d’adoption par consensus traditionnellement utilisée.

Pour autant, si les sujets de friction entre le Nord et le Sud concernent aussi bien la résolution des conflits armés que la réforme de la gouvernance internationale, il serait abusif de considérer qu’un monde bipolaire se serait imposé au cours des dernières années. La production normative des organes onusiens ne fléchit pas particulièrement, ce qui témoigne de la volonté exprimée par la majorité des États de se doter de nouveaux instruments juridiques à l’échelle internationale, à l’image de la signature du traité international sur la haute mer et la biodiversité marine le 20 septembre 2023 ([40]) ou du traité sur la cybercriminalité le 8 août 2024.

Par ailleurs, la coopération Nord-Sud se développe au sein même du CSNU : en dépit des vetos fréquemment opposés par la Russie et les États-Unis, la plupart des projets de résolution qu’il examine font l’objet d’accords réunissant la majorité des membres permanents et non-permanents, indépendamment de leur appartenance à l’un des deux blocs. Sur un plan plus opérationnel, le CSNU a adopté à l’unanimité le 21 décembre 2023 une résolution déterminant le cadre juridique et financier applicable à la coopération entre l’ONU et l’Union Africaine (UA) ([41]). La résolution établit les modalités du soutien humain, militaire, logistique et financier qu’apportera l’ONU aux opérations de paix menées par l’UA, sur la base d’un mandat adopté par le CSNU. Les entretiens menés par la délégation ont fait apparaître l’utilité d’un tel partenariat qui pourrait par exemple prochainement se concrétiser en Somalie afin d’y préserver la paix et la sécurité ([42]).

Plus fondamentalement, la cohésion des deux blocs du Nord et Sud est sujette à caution. La Chine tente d’incarner le chef de file du groupe du « G77 » ([43]), qui réunit à ce jour 134 États appartenant au « Sud global ». Dans cette perspective, elle a lancé en septembre 2024, aux côtés du Brésil, l’initiative « Friends for peace » dans le but de « relayer les positions du Sud global » – selon les mots prononcés par le représentant de la Chine lors de son audition – afin de lutter contre les risques d’escalade des conflits armés. Outre la Chine et le Brésil, ce groupe informel rassemble l’Afrique du Sud, l’Algérie, la Bolivie, la Colombie, le Kazakhstan, l’Égypte, l’Indonésie, le Mexique, la Tanzanie, la Turquie et le Kenya.

Cependant, les écarts de développement économique – la Chine étant en passe de devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2030 – et d’influence géostratégique entre les différents membres du G77 relativisent l’homogénéité de ce groupe, dont les intérêts et les ambitions des États qui le composent ne sont pas strictement comparables. En outre, les rivalités régionales qui s’expriment en son sein, à l’instar des relations parfois tendues entre l’Inde et la Chine, interrogent l’unité du G77 face aux enjeux globaux.

Symétriquement, la cohésion du bloc occidental tend à s’affaiblir ces dernières années, en particulier au sein de l’Union européenne (UE). Les États membres de l’UE ont récemment affiché leurs divisions, qu’il s’agisse de la reconnaissance de l’État palestinien ([44]), des enjeux sociétaux ([45]) ou migratoires ([46]), voire de l’attitude à adopter à l’égard de la Russie ([47]).

Ces dissensions se sont reflétées lors des débats organisés au cours de la 79ème AGNU, ce qui illustre l’éclatement de l’ordre international et l’étendue des difficultés auxquelles le multilatéralisme onusien est plus que jamais confronté. Néanmoins, ainsi que l’observe l’ancien secrétaire général adjoint de l’ONU Jean‑Marie Guéhenno, « [l]’ONU est en crise comme les États qui la composent, mais elle reste un ciment utile, et au moment où les briques que sont les États s’effritent, ces derniers hésitent à se passer du ciment qui les relie encore » ([48]). Si l’existence de l’ONU n’est pas remise en cause à court terme, l’évolution des rapports de force internationaux ouvre la voie à des mutations profondes, dont le « Pacte pour l’avenir » adopté en septembre 2024 par l’Assemblée générale esquisse les contours.


II. L’ONU à la croisée des chemins : entre luttes d’influence et projection vers l’avenir

La montée en puissance de la Chine dans le système onusien et les incertitudes entourant l’action de la future administration américaine soulèvent des interrogations quant au futur rôle des Nations unies. La France a vocation à faire entendre sa voix, à la fois indépendante et protectrice du multilatéralisme, afin d’accompagner les nécessaires réformes que l’ONU entend mettre en œuvre.

  1.   Des rapports de force évolutifs à l’épreuve desquels la France doit tenir son rang

Face à la rivalité sino-américaine, la France dispose de moyens lui permettant de défendre sans naïveté ses intérêts et de promouvoir efficacement ses valeurs.

1. La stratégie d’influence de la Chine et la position incertaine des États‑Unis depuis la réélection de Donald Trump

Les entretiens réalisés par la délégation avec les représentants permanents étrangers, dont l’ambassadeur de Chine aux Nations unies, ont souligné le déploiement d’une stratégie d’influence chinoise au sein de l’ensemble des organes et institutions de l’ONU. Cette ambition se décline sur un plan financier et idéologique, mais aussi au regard des fonctions que les diplomates chinois convoitent au sommet des organigrammes onusiens.

Le développement économique fulgurant de la Chine depuis son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 l’a rapidement propulsée au rang de second contributeur au budget régulier de l’ONU ([49]), qui s’élève à environ 3,8 milliards de dollars, et des opérations de maintien de la paix (OMP), soit environ 5,6 milliards de dollars. En 2023, la Chine a donc versé environ 2,16 milliards de dollars de contributions obligatoires, selon une quote-part calculée de façon triennale sur la base d’un barème prenant en compte le poids économique et démographique de l’État contributeur et, s’agissant des OMP, de son statut ou non de membre permanent du CSNU.

 

 

Classement des six principaux États financeurs au titre des contributions obligatoires qu’ils versent au budget régulier de l’ONU et à celui des OMP (période 2022-2024)

 

Classement

État

Quote-part

Budget régulier

OMP

1

États-Unis

22 %

27 %

2

Chine

15,3 %

18,7 %

3

Japon

8 %

8 %

4

Allemagne

6,1 %

6 %

5

Royaume-Uni

4,4 %

5,4 %

6

France

4,3 %

5,3 %

-

Russie

1,7 % ([50])

2,6 % ([51])

-

Autres États

38,6 %

27 %

Source : service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

Pour la période 2025-2027, les quotes-parts de la Chine correspondant au financement du budget régulier de l’ONU et des OMP devraient nettement augmenter par rapport au triennat 2022-2024, passant respectivement de 15,3 % à 20 % et de 18,7 % à 23,8 % ([52]).

Conséquence mécanique de son dynamisme économique, cette montée en puissance spectaculaire aiguise l’appétit de la Chine quant aux postes de direction des organes et départements de l’ONU, et surtout des organisations internationales associées aux Nations unies, pour lesquels elle présente de plus en plus de candidats. Cette volonté d’infiltration des sphères onusiennes ([53]) n’est pas propre à la Chine et ne paraît pas injustifiée compte tenu de son rang de second contributeur obligatoire. La réélection en 2023 de Qu Dongyu en tant que directeur général de la FAO s’inscrit dans cette perspective. De façon plus stratégique, l’articulation entre les intérêts commerciaux de la Chine et sa volonté d’accroître son influence diplomatique au sein du système onusien constitue une priorité : l’intégration du projet de « nouvelles routes de la soie » relatif à la construction d’infrastructures de transports ferroviaires et maritimes transcontinentales aux objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU s’est concrétisée par la signature d’un protocole d’accord conclu avec vingt-cinq agences onusiennes dès 2017.

En outre, les échanges entre la délégation et le représentant permanent de la Chine ont confirmé la sensibilité que revêt la préservation d’un libre-échange dérégulé pour la défense des exportations industrielles chinoises. La capacité de la Chine à imposer son idéologie et à défendre ses intérêts au sein du système onusien, tout en revendiquant le leadership du « Sud global », contraste avec l’isolationnisme revendiqué par Donald Trump au cours de son premier mandat présidentiel.               Cette posture avait alors abouti à une forme de désengagement américain vis-à-vis des enceintes onusiennes ([54]).

Lors de son audition, Thomas Graham, expert du think-tank Council on Foreign relations, a esquissé les possibles orientations de la diplomatie américaine à la suite de la réélection du président Trump. Les premières nominations au sein de la nouvelle administration américaine s’inscrivent dans le prolongement de la politique étrangère esquissée au cours de la campagne présidentielle. La nomination d’Elise Stefanik en tant qu’ambassadrice des États-Unis à l’ONU constitue notamment un signal fort envoyé à l’attention du gouvernement israélien, au regard de son soutien constant à la politique menée par le Premier ministre Netanyahou depuis les attaques terroristes survenues le 7 octobre 2023.

Par ailleurs, la relation transatlantique connaîtra probablement de nouvelles tensions. La désignation de l’UE en tant que rival commercial et la volonté réaffirmée de forcer les États européens à contribuer davantage au financement des dépenses visant à garantir leur sécurité ne sont pas surprenantes.

Cependant, Thomas Graham considère que la défiance de l’administration Trump à l’égard du multilatéralisme n’entraînera pas nécessairement un surcroît de tensions à l’échelle internationale. D’une part, le souhait du président de Trump de parvenir à mettre un terme en « 24 heures » au conflit entre l’Ukraine et la Russie pourrait, à court terme, impliquer le maintien du soutien américain à l’Ukraine afin d’engager les négociations avec la Russie dans les meilleures conditions possibles, sans que cette dernière ne puisse apparaître comme la « gagnante » d’un tel accord avec le bloc occidental. D’autre part, l’isolationnisme trumpiste rend improbable le déclenchement d’une guerre de grande ampleur avec l’Iran, en dépit de l’affaiblissement actuel du régime des mollahs et de l’élévation préoccupante des tensions avec Israël.

En définitive, l’insaisissabilité comportementale du président américain, la radicalité accrue des équipes qui l’entoureront lors de son second mandat et l’absence de perspective de réélection en 2028 ne facilitent pas les prévisions des analystes géopolitiques sur les évolutions à venir de la politique étrangère des États‑Unis. Dans ce contexte particulièrement incertain, la France doit assumer à l’ONU une diplomatie indépendante, protectrice de ses intérêts et de ses valeurs.

2. Le rôle-clef de la France à l’ONU : une diplomatie indépendante qui doit assumer la défense de ses intérêts et de ses valeurs

Les entretiens réalisés par la délégation avec les représentants permanents étrangers et ceux des organisations non-gouvernementales ont souligné le rôle spécifique de la France sur la scène internationale. Loin d’être d’une posture surannée, la diplomatie gaullienne reste un modèle encore d’actualité, suscitant le respect de l’ensemble des pays émergents sensibles au principe de « non‑alignement » de la politique étrangère française. Si les ambassadeurs russe, iranien et chinois ont critiqué la prétendue « vassalisation » de la France au profit des États-Unis, les échanges avec les représentants brésilien et indien ont montré que la diplomatie française était encore perçue comme un « pont » entre le Nord et le Sud, révélant ainsi sa place singulière dans les relations internationales. Le travail quotidien de la représentation permanente française à New York, salué par la plupart de ses homologues étrangères, s’exerce pleinement au CSNU, notamment sur les dossiers du Proche-Orient. La France participe activement à la rédaction et à la négociation des projets de résolution en lien avec les parties concernées et les membres non-permanents, dans le but de parvenir à des compromis. Ces efforts ont pu se concrétiser à travers l’adoption de deux résolutions les 25 mars et 24 mai 2024 relatives à la mise en place d’un cessez-le-feu humanitaire à Gaza et à la protection des civils exposés à des conflits armés.

En outre, la francophonie constitue un atout que notre diplomatie doit veiller à mobiliser dans ses activités aux Nations unies, s’agissant par exemple de la formation des contingents de casques bleus intervenant dans des environnements francophones.

L’action pédagogique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères
à l’attention des États dont les contingents participent aux OMP

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est engagé dans le développement de moyens pédagogiques pour exporter et développer la langue française dans les zones non francophones. Il s’agit principalement de la diffusion d’exemplaires de la méthode d’apprentissage du français en milieu spécifique de défense « En Avant ! ». Constituée d’une collection de trois tomes et distribuée aujourd’hui à hauteur de 25 000 exemplaires, cette méthode a été développée par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère de l’Europe et des affaires étrangères en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Préfacée du secrétaire général adjoint de l’ONU, directeur des OMP, la méthode « En Avant ! » prépare notamment les États contributeurs aux OMP à intervenir en environnement francophone.

Source : projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l’État » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Langue officielle de l’ONU depuis 1945, le français apparaît cependant fragilisé par la domination croissante de l’anglais lors des négociations et réunions officielles. Ces dérives se sont même amplifiées en raison des difficultés budgétaires qui affectent le fonctionnement de l’Organisation : le recours aux services d’interprétariat se réduit, en l’absence de financements suffisants. Il en résulte hélas un recul de l’usage du français et une perte d’influence symbolique de la France dans les instances internationales.

Dans cette perspective, et compte tenu des divisions multiformes précédemment évoquées entre les États membres de l’UE, il s’avère indispensable de préserver notre autonomie stratégique et les moyens dont la France dispose à l’ONU, s’agissant en particulier de son siège de membre permanent au CSNU. Si la coordination avec nos partenaires européens demeure bien sûr nécessaire, la France ne saurait envisager, même à long terme, de se départir des attributs de sa souveraineté aux Nations unies, tant au regard de ses intérêts vitaux ([55]) que du maintien de son influence dans le monde.

De façon plus inquiétante, la France fait également l’objet de tentatives d’intimidation, de menaces voire d’ingérences étrangères dans ses affaires intérieures. Les positions qu’elle défend sur la scène internationale, à l’instar du soutien apporté à l’Ukraine ou à l’Arménie, l’expose ainsi à des représailles de la part de la Russie et de l’Azerbaïdjan. Cette hostilité se manifeste de façon latente à travers l’instrumentalisation de revendications indépendantistes dans la plupart des territoires ultramarins, dans un objectif insidieux de déstabilisation politique, comme le démontre le rapport d’enquête sénatorial sur les influences étrangères malveillantes publié en juillet 2024 :

« Le statut de la France en tant que septième puissance mondiale et ses prises de position sur la scène internationale contribuent à en faire une cible pour les opérations d’influence étrangères. Les manœuvres d’influence informationnelle apparaissent fréquemment en réaction aux positions de la France. À titre d’exemple, le soutien exprimé par la France à l’Ukraine suite à l’agression russe a conduit à de virulentes opérations d’influence informationnelle. Pareillement, les agissements de l’Azerbaïdjan à l’égard de la France s’inscrivent dans cette logique de rétorsion.

Du fait des prises de positions françaises sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le régime de Bakou s’est engagé dans des campagnes de désinformation particulièrement virulentes et des tentatives d’influence visant les Outre-mer et la Corse. Caractérisé par un faible coût et une simplicité d’organisation, le recours à ces opérations constitue une réponse du faible au fort , permettant à une petite puissance du Caucase de frapper un État doté » ([56]).

Les départements et régions d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie constituent des cibles privilégiées, compte tenu des multiples difficultés politiques, économiques et migratoires auxquels certains d’entre eux sont aujourd’hui confrontés. Si les territoires ultramarins contribuent au rayonnement de la France à travers le monde, ils sont aussi appréhendés par des puissances hostiles comme une potentielle vulnérabilité au risque de donner lieu à des manipulations visant à porter préjudice aux intérêts français. En ce sens, les enceintes onusiennes peuvent représenter une caisse de résonance afin de propager un discours anti-français, exploitant sans vergogne une grille de lecture « décoloniale » à laquelle peuvent être sensibles certains États du Sud, tant pour des raisons historiques que géopolitiques. Ces enjeux revêtent une importance particulière au sein des Nations unies, eu égard à son rôle moteur lors de la décolonisation du continent africain au cours des années 1950 et 1960 ([57]), et de son attachement au principe d’auto-détermination.

Le dernier usage individuel du droit de veto par la France devant le CSNU a ainsi permis de faire obstacle, le 6 février 1976, à un projet de résolution remettant en cause la souveraineté française à Mayotte, au nom du respect de l’intégrité territoriale des Comores ([58]). Par la suite, l’Assemblée générale a adopté une quinzaine de résolutions réitérant la souveraineté de la république comorienne à Mayotte.

Principalement menées par la Russie et l’Azerbaïdjan, ces offensives sont délibérées et massives. Elles prennent la forme de partenariats noués avec l’État comorien, de l’accueil chaleureux de représentants du mouvement indépendantiste kanak à Bakou ou de propagandes numériques à grande échelle attisant la haine contre la France. Interrogé par la délégation à ce sujet, le représentant permanent de la Chine a réfuté toute volonté ou tentative d’ingérence chinoise en Nouvelle‑Calédonie ou à Mayotte, allant jusqu’à feindre l’ignorance de ces enjeux. Niant toute implication de son gouvernement, l’ambassadeur russe a néanmoins rappelé les résolutions onusiennes concernant Mayotte, légitimant implicitement le bien‑fondé des manœuvres précitées.

Publié en décembre 2024, un rapport du service VIGINUM ([59]) objective avec précision la stratégie déployée par les services azerbaïdjanais grâce à l’action du « Baku Initiative Group » (BIG), dans le but de déstabiliser la France à travers ses territoires ultramarins.

Extraits du rapport technique de VIGINUM « UN-Notorious BIG :
une campagne numérique de manipulation de l’information
ciblant les DROM-COM et la Corse »

Le 3 septembre 2024, à l’image de ce qui avait été réalisé précédemment avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, le BIG a une nouvelle fois procédé à la signature d’un accord de coopération avec une délégation comorienne dans le cadre d’une conférence intitulée « La question de l’occupation illégale de l’île comorienne de Mayotte par la France ».

Plus tard en septembre 2024, plusieurs journalistes camerounais du média panafricaniste pro-russe « For You MEDIA Africa » ont été invités à participer à la conférence internationale sur Mayotte organisée par le BIG. Ces journalistes ont servi de relais pour diffuser des narratifs concernant la souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte, et le rôle de la France dans la « persécution des populations locales ». La couverture de cette conférence a été assurée par le média panafricaniste, via la publication de vidéos, ces dernières ayant ensuite été republiées sur les comptes du BIG […]. Entre le 2 et le 7 octobre 2024, le BIG a organisé une nouvelle conférence à Bakou sur « La politique française du néocolonialisme en Afrique » autour de laquelle une mobilisation coordonnée de l’écosystème informationnel azerbaïdjanais a pu être détectée.

Source : VIGINUM, rapport technique publié en décembre 2024, pp. 10 et 11.

Ces pratiques malveillantes voire agressives doivent être dénoncées avec la plus grande fermeté. Elles menacent autant la conduite de la politique étrangère française que les intérêts fondamentaux de la Nation, au regard des effets délétères qu’elles peuvent engendrer sur l’unité et l’indivisibilité de la République. Face à ce danger clairement documenté, la diplomatie française doit faire entendre sa voix à l’ONU afin de combattre, sans naïveté ni faiblesse, ces actes résolument hostiles qui ciblent délibérément les intérêts français.

  1.   L’adoption du pacte pour l’avenir : une ambition louable de réformer l’architecture onusienne au risque de rester lettre morte

La 79ème AGNU a été principalement marquée par l’organisation du Sommet de l’avenir les 22 et 23 septembre 2024. Préparé depuis près de trois ans et la présentation par le secrétaire général António Guterres d’un rapport prospectif intitulé « Notre programme commun » ([60]), cet événement a donné lieu à l’adoption par consensus des États membres ([61]) du « Pacte pour l’avenir », du « Pacte numérique mondial » et de la « Déclaration sur les générations futures ». Le secrétaire général a ainsi résumé la raison d’être du Sommet de l’avenir : « nous sommes ici pour préserver le multilatéralisme des affres de l’échec » ([62]).

Dotés d’une portée non-contraignante, ces documents ont pour objet de dessiner une ambition commune partagée par l’ensemble des États, s’agissant aussi bien de la consolidation de la paix et de la sécurité internationales, du développement économique, social et environnemental grâce à l’accélération des ODD liés à l’Agenda 2030, de la protection des droits et intérêts des générations futures, de la coopération scientifique ou encore de la réforme de la gouvernance internationale.

Derrière ce succès diplomatique onusien unanimement salué par les représentants permanents étrangers auditionnés par la délégation, la mise en œuvre concrète des orientations impulsées par le Sommet de l’avenir soulève de nombreuses interrogations. Si l’approche optimiste consiste à retenir l’engagement textuel des États à atteindre ces différents objectifs, le pessimisme amène à considérer ces déclarations d’intention comme un nouvel exercice communicationnel, entre vœux pieux et promesses hélas impossibles à tenir. Pour autant, les engagements pris à l’occasion du Sommet de l’avenir constituent des pistes de réflexion, voire des bases de travail utiles à l’évolution des Nations unies au cours des prochaines années.

1. La réforme indispensable mais improbable de la gouvernance mondiale

Parmi les 58 engagements contenus dans le « Pacte pour l’avenir », 19 d’entre eux visent à « transformer la gouvernance mondiale ». Si certaines mesures apparaissent particulièrement floues, à l’instar de celles visant à « redonner sa vigueur au multilatéralisme » ([63]) ou renforcer le « système des Nations unies » ([64]) et « l’action internationale face aux chocs mondiaux complexes » ([65]), d’autres engagements semblent plus opérationnels, s’agissant notamment de la réforme du CSNU ([66]) et de l’architecture financière internationale ([67]).

a.   La réforme du CSNU, véritable serpent de mer onusien

Envisagée depuis le milieu des années 1990 mais rendue improbable, sinon impossible, par la nécessité d’obtenir l’aval des cinq membres permanents, la réforme du CSNU concerne principalement deux paramètres : d’une part, sa composition et, d’autre part, les processus décisionnels applicables, au premier rang desquels figure la détermination du champ et des modalités d’usage du droit de veto.

Le principe d’un élargissement du CSNU recueille un relatif consensus. Il s’agit en l’espèce d’augmenter le nombre de membres permanents et de membres non permanents ([68]), afin d’améliorer la représentativité du CSNU sans pour autant compromettre sa capacité à agir. La mesure n° 39 évoque plus précisément le besoin de « réparer à titre prioritaire l’injustice historique faite à l’Afrique » et d’« améliorer la représentation des régions et des groupes sous-représentés, comme l’Asie, le Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes ».

Trois grandes propositions de réforme ont ainsi été avancées par des groupes d’États concurrents ([69]), révélant implicitement les rapports de force et intérêts de ceux qui les soutiennent.

Les principales propositions de réforme de la composition du CSNU

Premièrement, le groupe dit « G4 » – composé de l’Allemagne, de l’Inde, du Japon et du Brésil – souhaite intégrer la catégorie des membres permanents dans laquelle deux États africains auraient également vocation à entrer. La réforme impliquerait aussi la création de quatre sièges de membres non-permanents, aboutissant à un nombre total de vingt-cinq membres. La France soutient activement la position du G4, dont la démarche apparaît à ce jour la plus crédible.

Deuxièmement, le groupe « Unis pour le consensus » ([70]), concurrent du G4 et regroupant notamment l’Argentine, le Mexique, le Pakistan, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Italie et la Turquie, préconise l’élargissement de la catégorie des membres non-permanents de dix à vingt et l’adoption de la réforme par consensus.

Troisièmement, les États africains sont attachés au « consensus d’Ezulwini » ([71]) élaboré en 2005 concurremment au G4. Visant à préserver l’unité du continent africain, le consensus d’Ezulwini souhaite la création de trois sièges permanents assortis du droit de veto et de trois sièges non-permanents en faveur d’États africains, pour un total de vingt-six membres. Jugée maximaliste, cette position est constamment réitérée lors des débats sur la réforme du Conseil.

Source : rapport d’information n° 2732, op. cit., p. 119.

Au-delà de la nécessaire augmentation du nombre de membres permanents et non-permanents, la principale difficulté à laquelle se heurtent les négociations réside dans la désignation des futurs États bénéficiaires. Les rivalités régionales s’exprimant entre les prétendants africains à un poste de membre permanent, qu’il s’agisse du Maroc, de l’Afrique du Sud, du Nigéria ou de l’Égypte, se conjuguent aux rejets exprimés par la Russie et la Chine de voir l’Inde ou le Japon accéder à la catégorie des membres permanents.

Ces multiples obstacles favorisent des stratégies dilatoires dont la conséquence aboutit à un irrémédiable statu quo, malgré les bonnes volontés résumées dans la mesure n° 39 du « Pacte pour l’avenir ».

Outre l’évolution de la composition du CSNU, la réforme de ses procédures de décision apparaît cruciale, à l’épreuve de la multiplication des usages du veto par la Russie et les États-Unis. Si la suppression du droit de veto semble aussi bien irréaliste ([72]) que potentiellement dangereuse ([73]), son maintien cristallise les critiques au regard du privilège archaïque qu’il représente et de la paralysie décisionnelle qu’il provoque.

Face à ce constat, la France et le Mexique ont proposé dès 2015 une initiative visant à interdire l’usage du veto en cas d’atrocités de masse. Si 106 États ont approuvé cette déclaration politique franco-mexicaine à ce jour, aucun des quatre autres membres permanents ne l’a signée. Le représentant russe auditionné par la délégation s’est montré circonspect devant cette proposition, arguant de son imprécision quant à la qualification et à l’ampleur des crimes concernés.

Cependant, les représentants de Human Rights Watch ont salué cette initiative qui témoigne d’une prise de conscience de l’impasse que constitue l’usage répété du veto au CSNU, nuisant subséquemment à sa crédibilité en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales.

La mesure n° 41 du « Pacte pour l’avenir » ne détaille pas le sens d’une réforme éventuelle du droit de veto, ce qui traduit l’embarras sinon l’opposition des cinq membres permanents à renoncer, même partiellement, à l’étendue de leurs prérogatives en la matière.

b.   La modernisation de l’architecture financière mondiale

La crise financière de 2008 et les difficultés économiques survenues à la suite de la crise sanitaire de 2020 ont souligné la nécessité de réformer l’ensemble des dispositifs de gouvernance chargés de préserver la stabilité et le fonctionnement des systèmes monétaire et financier mondiaux, s’agissant principalement des banques multilatérales de développement et du Fonds monétaire international (FMI). Au-delà de l’aggravation des déséquilibres globaux et des risques liés à un endettement structurel excessif, les enjeux entourant la lutte contre la pauvreté et la protection de l’environnement semblent désormais revêtir un caractère prioritaire, au regard des besoins de financement liés à la poursuite des ODD.

Les mesures n°s 47 à 52 du « Pacte pour l’avenir » déclinent ainsi une série d’objectifs tendant à assurer une meilleure représentation des pays émergents au sein des instances internationales ([74]), à renforcer l’assistance financière, comptable et technique dont ces pays bénéficient afin de réaliser des investissements d’avenir, et à intégrer les préoccupations environnementales dans les aides qui leur sont versées.

Ces enjeux supposent d’engager la mutation des systèmes économiques de nombreux pays en développement. Leur spécialisation s’appuie fréquemment sur l’exploitation des énergies fossiles, ce qui fragilise leur modèle de développement compte tenu des préoccupations environnementales actuelles et des multiples conséquences induites par le changement climatique, tant sur le plan alimentaire que sanitaire.

Ainsi que l’a rappelé le secrétaire général adjoint Guy Ryder lors de son audition, il semble difficile de « résoudre les problèmes de nos petits-enfants avec les mécanismes de nos grands-parents ». Les initiatives concurrentes des BRICS ([75]) et de la Chine ([76]) soulignent l’urgence de réformer la gouvernance des institutions financières internationales afin de sauvegarder la crédibilité du système onusien en la matière.

2. Les engagements de l’ONU sur l’intelligence artificielle et la protection de l’environnement

Le Sommet de l’avenir a également permis de réaffirmer les engagements de l’ONU afin de renforcer la protection de l’environnement et d’esquisser les principes d’une gouvernance internationale de l’intelligence artificielle.

  1.   La gouvernance internationale de l’intelligence artificielle

L’émergence fulgurante des technologies d’intelligence artificielle ([77]) (IA) au cours de la dernière décennie a fait l’objet d’une attention particulière de la part des Nations unies à l’épreuve des enjeux économiques, militaires et éthiques qui entourent leur usage. Le secrétaire général António Guterres s’est fortement mobilisé sur cette question, en créant en octobre 2023 un organe réunissant un panel pluridisciplinaire de trente experts internationaux chargés de bâtir un consensus scientifique mondial sur les risques et défis de l’IA. Les conditions d’accès à l’IA et les modalités de sa maîtrise ont également fait l’objet de plusieurs résolutions adoptées par l’Assemblée générale en 2023 et 2024 ([78]).

Ces travaux ont préfiguré la signature lors du Sommet de l’avenir du « Pacte numérique mondial » dont l’objectif n° 5 vise à « renforcer la gouvernance internationale de l’intelligence artificielle pour le bien de l’humanité ». Ainsi que l’observe le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) publié en novembre 2024 sur le bilan et les perspectives de l’IA, le « Pacte numérique mondial » établit « un premier cadre global préparatoire à une gouvernance mondiale des technologies numériques et de l’intelligence artificielle. Il en définit les objectifs, les principes, les engagements et les actions permettant de développer un avenir numérique ouvert, libre et sûr pour tous, en soulignant les avantages que les technologies numériques apportent à l’humanité » ([79]).

L’organisation en France les 10 et 11 février 2025 du sommet international pour l’action sur l’IA s’inscrit pleinement dans la démarche initiée par l’ONU. Qu’ils relèvent de la fracture numérique entre le Nord et le Sud, des potentialités de développement économique ou du respect des droits de l’Homme, les défis que soulèvent les technologies de l’IA requièrent la définition d’un cadre normatif commun, dans un souci d’interopérabilité et de transparence des règles applicables à l’IA. À ce titre, l’adoption définitive du règlement européen sur l’IA ([80]) poursuit l’objectif fixé par les Nations unies, en déterminant les principes généraux qui doivent guider la gouvernance de ces technologies.

b.   La réaffirmation de la protection de l’environnement à travers l’accélération des ODD

Plus de trente ans après le premier Sommet de la Terre organisé à Rio de Janeiro en 1992, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique constituent la colonne vertébrale des 17 ODD regroupés au sein de l’Agenda 2030. Six ODD concernent spécifiquement les enjeux écologiques, inhérents à l’accès à l’eau potable et à l’électricité, aux mesures prises par les États afin de lutter contre le changement climatique, à la protection de biodiverité dans les zones aquatiques ([81]), à la préservation de la forêt ou encore à la réduction des consommations énergétiques.

Les mesures n°s 9, 10 et 12 du « Pacte pour l’avenir » réaffirment la nécessité d’accélérer la réalisation de ces ODD qui constituent des priorités partagées par la plupart des États, en dépit de la résurgence de positions climatosceptiques développées par plusieurs chefs d’États, à l’instar de Javier Milei ou Donald Trump. Les entretiens conduits par la délégation avec les représentants permanents étrangers ont témoigné de l’existence d’une prise de conscience partagée du fléau que représentent le changement climatique et ses conséquences sur les populations des pays émergents.

Si ces enjeux doivent être intégrés dans les règles encadrant le commerce international, l’ambassadeur indien à l’ONU a souligné la nécessité d’apporter un véritable soutien aux pays du Sud engagés dans la décarbonation de leur économie. Il conviendrait, selon lui, de garantir le financement de leur transition écologique grâce aux produits fiscaux résultant des éventuels droits de douane « anti‑pollution » appliqués sur les exportations de leurs marchandises. Cette mesure permettrait ainsi de réorienter efficacement les modèles industriels des pays émergents sans aggraver les fractures économiques entre le Nord et le Sud.

Enfin, l’organisation de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques au Brésil en novembre 2025 (COP 30) suscite de fortes attentes. Selon le vœu exprimé par le représentant permanent brésilien auditionné par la délégation, cet événement constitue l’opportunité de prendre des mesures concrètes afin de lutter contre la déforestation, alors que plus d’un millier de kilomètres carrés de zones forestières a disparu entre 2000 et 2020 ([82]).

3. Des points d’alerte récurrents : sécuriser le financement de l’ONU, consolider les OMP, préserver le droit humanitaire

Les entretiens conduits par la délégation auprès de la représentation permanente française, du CICR et de Human Rights Watch ont également soulevé trois sujets de préoccupation majeurs ayant trait au financement des Nations unies, à l’efficacité des OMP et au respect du droit humanitaire sur les zones de conflit.

  1.   La crise de financement de l’ONU

L’ONU connaît depuis plusieurs années des difficultés de financement structurelles qui affectent durablement sa trésorerie. Cette crise de liquidités s’explique principalement par l’accumulation de retards de paiement principalement et habituellement imputables aux États-Unis, mais aussi à la Chine depuis 2023 ([83]). Cette situation est d’autant plus délicate que ces deux États représentent les deux premiers contributeurs obligatoires au budget régulier de l’ONU et à celui des OMP. En 2023, seuls 82,3 % du montant du budget régulier avaient ainsi été recouvrés. Le non-respect des délais de paiement s’est aggravé en 2024 : s’agissant du budget régulier, le montant total des contributions obligatoires restant dues s’élevait à 1,2 milliard de dollars ([84]) à la fin du mois de novembre, soit près d’un tiers du montant total budgété ([85]).

Ces retards de paiement fragilisent considérablement les Nations unies. Ils compromettent sa capacité à remplir les missions qui lui incombent, tout en complexifiant la planification de ses opérations. Les règles de financement de l’ONU ne lui permettent pas de sécuriser sa trésorerie : les crédits non-dépensés par l’ONU à l’issue de chaque année civile doivent être intégralement reversés aux États membres, ce qui revient en pratique à restituer des fonds insusceptibles d’être dépensés par les Nations unies en raison de leur versement tardif par les États contributeurs.

La rigidité de ces contraintes budgétaires et la faible lisibilité de la comptabilité onusienne ([86]) emportent des conséquences concrètes telles que la fermeture totale de locaux au cours des périodes de congé, la fin anticipée de certaines réunions ([87]), la limitation des services d’interprétariat et le gel de nombreux de recrutements.

Maintes fois dénoncées par le secrétaire général, ces problématiques doivent faire l’objet d’une attention renouvelée des États membres, notamment des principaux contributeurs, afin de permettre à l’ONU de disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de son action.

  1.   La nécessaire consolidation des OMP

Dotées d’un budget total d’environ 5,6 milliards de dollars – soit un montant inférieur à celui du budget de la police new-yorkaise selon l’observation formulée par le secrétaire général adjoint aux opérations de paix Jean-Pierre Lacroix lors de son audition –, les onze OMP actuellement en activité regroupent près de 80 000 personnels, dont environ 60 000 soldats. Près de 750 soldats français sont déployés dans le cadre de quatre OMP, dont la majorité sous l’égide de la FINUL.

À l’image des difficultés qu’éprouve la FINUL à préserver la paix au Sud‑Liban depuis sa création en 1978, les OMP font l’objet de critiques parfois sévères tenant à leur impuissance, à l’imprécision ou à l’ambition démesurée des mandats sur la base desquels elles agissent, aux relations conflictuelles qu’elles peuvent entretenir avec les armées et les combattants des parties aux conflits, au sous-équipement et à la formation insuffisante de certains contingents de casques bleus ([88]), voire aux abus commis par ces derniers sur les populations civiles.

Le secrétaire général adjoint Jean-Pierre Lacroix a rappelé l’intérêt de bâtir des solutions politiques susceptibles de résoudre les conflits en fixant un horizon temporel crédible au terme duquel les OMP ont vocation à s’achever, afin de limiter les risques d’enlisement. Si leur rôle demeure essentiel pour favoriser la déconfliction entre les belligérants, les OMP devraient également bénéficier d’une chaîne de commandement unifiée, alors même que l’autonomie dont disposent les responsables opérationnels sur le terrain ne facilite pas les remontées d’informations dans les meilleurs délais.

Lors de son entretien avec la délégation, le général Vincent de Kytspotter, chef de la représentation militaire française aux Nations unies, a souligné la nécessité de centraliser le pilotage de ces opérations depuis le siège de l’ONU, en fluidifiant les relations entre le terrain et l’État-major à New York. C’est à cette condition que les OMP renforceront leur efficacité, en évitant la multiplication de décisions unilatérales potentiellement incohérentes au regard des objectifs stratégiques qui leur sont assignés.

  1.   La préservation de l’aide humanitaire sur les zones de conflit

Bien que les actions humanitaires accomplies par les organes et institutions des Nations unies représentent 43 % du budget du système onusien, soit l’équivalent de 20 milliards de dollars ([89]), les conditions dans lesquelles l’aide humanitaire est fournie aux populations en souffrance se dégradent fortement.

La guerre de haute intensité entre l’Ukraine et la Russie et l’intervention militaire israélienne à Gaza rendent plus difficile l’intervention des personnels chargés d’apporter une aide aux victimes civiles de ces conflits, notamment dans les zones urbaines fortement peuplées.

Lors de leur audition, les représentants du CICR ont ainsi déploré la multiplication des entraves à leur activité dans la bande de Gaza, s’agissant aussi bien de la destruction de structures médicales et de l’inaccessibilité des couloirs humanitaires permettant de secourir les civils gazaouis que de l’absence de contact avec les civils israéliens retenus en otages par le Hamas ([90]).

Dans une perspective plus large, le CICR et Human Rights Watch dénoncent à juste titre la dimension transactionnelle croissante du droit humanitaire, davantage perçue comme une « monnaie d’échange » ou un moyen de négociation par les belligérants et non comme un droit inconditionnel dont les modalités sont régies par les conventions internationales. En outre, sur les théâtres de conflit hors zone urbaine, le déploiement d’une opération humanitaire se heurte régulièrement à l’hostilité de groupes armés présents sur la zone, indépendamment des garanties de sécurité préalablement offertes aux personnels humanitaires par les armées régulières.

Ces problématiques impliquent de mieux intégrer les enjeux humanitaires aux solutions apportées pour résoudre les conflits. Dans cette optique, le CICR se félicite de l’initiative lancée en septembre 2024 par la France, la Chine, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Jordanie et le Kazakhstan visant à revitaliser l’engagement politique en faveur du droit international humanitaire. Ces travaux sont censés aboutir en 2026 à l’organisation d’une réunion de haut niveau chargée de garantir le respect des considérations humanitaires dans les conflits armés ([91]).


   Examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 29 janvier 2025, la commission procède à une communication, ouverte à la presse, sur le déplacement effectué à New York à l’occasion de la 79ème Assemblée générale des Nations Unies par une délégation de la commission composée de Mmes Estelle Youssouffa et Amélia Lakrafi, ainsi que de MM. Nicolas Forissier et M. Kévin Pfeffer du 18 au 22 novembre 2024.

M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, notre ordre du jour appelle la présentation d’une communication de nos collègues Mmes Estelle Youssouffa et Amélia Lakrafi, et MM. Nicolas Forissier et Kévin Pfeffer sur leur déplacement à New York, du 18 au 22 novembre 2024, à l’occasion de la 79ème session de l’Assemblée générale des Nations unies.

Prévue le 18 décembre dernier, cette présentation avait dû être reportée en raison du drame vécu par nos compatriotes de Mayotte à la suite du cyclone Chido, lequel avait obligé notre collègue Mme Youssouffa à retourner auprès de la population dont elle est la députée. Je saisis l’occasion pour remercier les autres membres de la délégation qui avaient bien voulu accepter ce report, afin de permettre à Mme Youssouffa d’être présente pour cette communication qui lui tient à cœur.

Ce déplacement annuel à New York, pour récurent et routinier qu’il puisse paraître, s’avère toujours riche en enseignements et nécessaire à l’appréhension, par notre commission, des grandes tendances à l’œuvre au sein de l’ONU, qui est mobilisée dans un très grand nombre de dossiers de crise ou de guerre à l’échelle mondiale.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. J’aimerais avant tout vous remercier, chers collègues, pour les marques d’affection et de soutien que vous avez exprimées à l’égard de Mayotte et qui nous ont beaucoup touchés.

À l’occasion de la 79ème session de l’Assemblée générale des Nations unies, notre délégation a conduit, entre le 19 et le 21 novembre 2024, une vingtaine d’auditions de personnalités provenant de tous horizons. Nous nous sommes bien entendu entretenus avec les membres de la mission française à l’ONU, que je remercie ici pour leur soutien, mais aussi avec les représentants permanents du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, du Liban, de la Russie, du Soudan, de l’Ukraine, de la délégation palestinienne ainsi qu’avec deux secrétaires généraux adjoints de l’ONU et des responsables du Comité international de la Croix-Rouge et de Human Rights Watch.

Cette année, l’Assemblée générale de l’ONU a été marquée par la conclusion d’un Pacte pour l’avenir adopté par consensus par l’ensemble des États membres. Ce pacte témoigne d’une ambition salutaire et légitime de réformer la gouvernance mondiale au nom d’un objectif de paix, de prospérité et de développement. Cependant, sa portée non-contraignante risque de le résumer à de nouveaux vœux pieux et de révéler l’impuissance du système onusien à atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés.

La diversité de nos interlocuteurs a permis à notre délégation d’aborder l’ensemble des enjeux auxquels l’ONU est aujourd’hui confrontée en tant qu’actrice et malheureusement trop souvent spectatrice des multiples crises qui bouleversent les relations internationales. Je laisserai mes trois co-rapporteurs développer plus spécifiquement les thèmes détaillés dans le rapport qui vous a été transmis avant-hier. Ce rapport rend compte de l’ensemble de ces questions en s’appuyant sur les échanges riches, parfois rugueux, que nous avons pu avoir au cours de nos auditions, principalement avec les ambassadeurs de plusieurs États, dont la Russie, la Chine et l’Iran. Nous avions également, et je veux le souligner, sollicité un entretien avec le représentant d’Israël, mais la rencontre n’a pas pu avoir lieu.

Au cours de ces échanges, nous avons fait valoir l’intérêt de notre statut de parlementaire. Nous ne représentions pas le gouvernement français et disposions par conséquent d’une liberté de ton absolue pour aborder sans tabou ni naïveté un certain nombre de sujets délicats. L’exercice n’est pas toujours agréable ni confortable, mais il a le mérite de la franchise et de la clarté, quitte à s’éloigner des postures diplomatiques habituelles.

Pour ma part, j’ai souhaité insister sur un point qui m’est cher : les tentatives d’intimidation, de menaces et d’ingérence étrangères dont la France est l’objet ces dernières années, principalement en outre-mer. Il s’agit d’attaques délibérées contre nos intérêts pour influer sur nos choix diplomatiques, s’agissant par exemple du soutien que nous apportons à l’Ukraine et à l’Arménie. En décembre, le rapport du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a exposé les campagnes numériques de manipulation de l’information mises en œuvre par le Baku Initiative Group (BIG), qui relaie la stratégie de l’Azerbaïdjan visant à déstabiliser la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou Mayotte.

Concernant Mayotte, il était important pour moi de dialoguer avec nos diplomates, mais aussi avec les représentants des pays qui remettent en cause le choix des Mahorais de rester au sein de la République française et alimentent un discours anti-français particulièrement écouté au sein des instances onusiennes. Vous le savez, les Comores revendiquent Mayotte et ont obtenu vingt résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant la France et remettant en cause nos frontières. Bien que ces résolutions n’aient aucune portée contraignante ni légale au regard de notre Constitution, ces condamnations ont eu un impact visiblement traumatique sur notre diplomatie, qui estime que la question mahoraise ne doit pas être portée à discussion à New York, au risque de révéler notre vulnérabilité diplomatique et nous obliger à utiliser notre veto. En d’autres termes, défendre une Mayotte française, défendre notre intégrité territoriale et remettre les Comores à leur place ne fait pas partie des priorités de la délégation permanente de la France à l’ONU.

Cette ligne est assumée par le Quai d’Orsay, qui s’obstine à défendre une coopération avec les Comores, alors que ce pays déstabilise notre département en instrumentalisant les flux migratoires. Lors de chaque Assemblée générale des Nations unies, les Comores clament en tribune leurs revendications territoriales sur notre île sans provoquer la moindre réaction ni condamnation de Paris. La posture française de statu quo sur Mayotte contraste fortement avec son volontarisme et ses grands discours. Entendre nos diplomates se gargariser des efforts de notre pays pour produire de l’eau potable en Afrique devant la représentante d’un département français qui en manque cruellement, souligne les incohérences de notre politique étrangère.

Les Comores ont obtenu de la Chine et de la Russie un soutien à leurs revendications relatives à Mayotte. J’ai directement évoqué ce sujet avec les ambassadeurs de ces deux pays à l’ONU. Le représentant chinois a feint d’ignorer ces problématiques, tout en laissant entendre qu’il les connaissait parfaitement. Quant à l’ambassadeur russe, s’il a lui aussi réfuté toute implication de son gouvernement, il a également pris soin de rappeler les débats organisés à l’ONU sur le statut de Mayotte et a dressé un parallèle avec le Donbass en Ukraine. Autrement dit, il légitimait implicitement les manœuvres hostiles de Moscou.

Ma conviction est simple : la France doit assumer la protection de ses intérêts fondamentaux dans les enceintes onusiennes, quel qu’en soit le prix. Notre politique étrangère doit défendre l’unité et l’indivisibilité de la République que nos adversaires attaquent par tous les moyens. Je regrette cette forme de gêne, voire de faiblesse, qui consiste à esquiver ces enjeux sur la scène internationale, comme si nous étions mal à l’aise face aux accusations outrancières dont la France fait l’objet, comme si nous devions baisser les yeux face aux Comores, à la Russie ou à l’Azerbaïdjan, au regard de l’audience des thèses prétendument décoloniales que ces États développent pour nous nuire. J’appelle donc à une prise de conscience majeure sur la guerre d’influence qui nous est menée, que ce soit à l’ONU ou ailleurs. C’est à cette condition que nous pourrons garantir et protéger notre souveraineté.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Les entretiens que nous avons menés à New York ont révélé une situation qui peut sembler assez paradoxale. Tout en constatant la crise réelle du multilatéralisme, nos interlocuteurs réaffirment leur attachement sincère au cadre multilatéral et au respect de la Charte des Nations unies.

Certes, les États parviennent encore à s’accorder sur des sujets importants, comme en témoigne la signature récente des traités sur la haute-mer et la biodiversité marine, ainsi que celui sur la lutte contre la cybercriminalité. Mais les antagonismes croissant sur les crises majeures – je pense bien entendu à la guerre en Ukraine ou au conflit israélo-palestinien – paralysent les organes onusiens, au premier rang desquels figure le Conseil de sécurité des Nations unies. Ces blocages se sont accentués depuis le début des années 2010 et l’intervention militaire en Libye, pourtant effectuée sur la base d’un mandat de l’ONU. Sur la dernière décennie, 49 veto ont été déposés sur des projets de résolution qui concernaient principalement la situation au Moyen-Orient. C’est quatre fois plus qu’entre 1994 et 2003, et trois fois plus qu’entre 2004 et 2013.

Cette inflation des veto traduit des clivages progressivement devenus structurels. Ils s’étendent désormais à des enjeux qui parvenaient encore jusqu’à ces dernières années à rassembler les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. En effet, les projets de résolutions relatifs au conflit au Soudan, aux sanctions visant la junte militaire du Mali ou à la condamnation de la prolifération d’armes nucléaires en Corée du Nord, ont tous été entravés par des veto russes. De leur côté, les États-Unis se sont opposés à de nombreuses résolutions, s’agissant par exemple de l’admission de la Palestine comme État membre de l’ONU.

Ces lignes de fracture représentent un double danger. D’une part, elles alimentent les déceptions et les frustrations à l’égard du rôle et de l’utilité très concrète de l’ONU dans la résolution des crises sécuritaires. Ce sentiment d’impuissance provoque légitimement l’exaspération des États, mais surtout le désarroi des peuples. D’autre part, cette situation nourrit une grille de lecture opposant le Nord à un prétendu « Sud global », dont la Chine et la Russie revendiquent le leadership en accusant les États occidentaux de tous les maux, notamment celui de tenir un double discours sur le conflit en Ukraine ou sur le Proche-Orient.

La voix de la France à l’ONU doit s’attacher à déconstruire ces récits et à sortir d’une logique d’affrontement entre blocs. Nos échanges avec les ambassadeurs indien et brésilien ont montré à quel point la France était encore perçue comme une puissance d’équilibre sur la scène internationale, héritière de la politique étrangère du général de Gaulle en ce qu’elle refuse tout alignement sur un camp ou sur un autre.

Notre rapport de mission relativise d’ailleurs la cohésion de ces deux blocs au regard de multiples disparités en leur sein, qu’elles soient économiques, idéologiques ou sociétales. On pourrait d’ailleurs retourner l’accusation de double discours envers certains pays du Sud global qui ont la condamnation à géométrie variable lorsqu’il s’agit par exemple d’actions de la Russie ou de la Chine. L’action de nos diplomates à l’ONU, que je tiens à saluer ici pour leur professionnalisme et leur dévouement sans faille, montre que la France ne tient pas un double discours. Nous assumons nos positions sur tous les théâtres de conflit.

Nous avons par ailleurs de nombreux atouts à faire valoir aux Nations unies, en particulier grâce à la francophonie, qui représente un important levier d’influence. Je rappelle que le français est l’une des six langues officielles des Nations unies et l’une des deux langues de travail même si, dans les faits, la domination de l’anglais est écrasante. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF), bénéficie par ailleurs d’un statut d’observateur aux Nations unies et l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) a entrepris des démarches pour obtenir le même statut. Les ambassadeurs des missions permanentes des pays francophones à l’ONU se réunissent régulièrement au sein du groupe des ambassadeurs francophones en vue de promouvoir le multilinguisme aux Nations unies et de contribuer à une concertation qui enrichit les contenus des grands débats internationaux.

L’usage du français doit être ainsi réaffirmé en dépit des restrictions budgétaires qui fragilisent le recours à l’interprétariat au sein des organes onusiens. Ces éléments peuvent sembler anecdotiques au regard de la multiplication des crises sécuritaires, mais je crois qu’ils doivent être pleinement pris en compte afin de permettre à notre pays de préserver sa capacité d’action sur la scène internationale.

M. Kévin Pfeffer, rapporteur. J’aborderai d’une part les perspectives de réforme du Conseil de sécurité, un sujet que nous avons abordé avec tous les ambassadeurs que nous avons rencontrés, et d’autre part les enjeux liés au financement des Nations unies.

Nous avons pu constater que la réforme du Conseil de sécurité cristallise toujours les débats à l’ONU. Chaque pays ou presque avance une proposition différente pour réformer cette représentation qui est restée le reflet du monde à la sortie de la Seconde guerre mondiale, tant en termes d’influence que de démographie.

Après trente années de débats, on peut raisonnablement qualifier de serpent de mer ce sujet qui pourtant nourrit des attentes très fortes, car il révèle un double dysfonctionnement : la paralysie actuelle du Conseil de sécurité et l’injustice de sa composition, en particulier à l’égard du droit de veto réservé aux cinq membres permanents. Pour la première fois, il est vrai, le Pacte pour l’avenir adopté en septembre invoque la nécessité d’une réforme et le besoin d’améliorer la représentativité des continents africain, sud-américain et asiatique. Toutefois, nous sommes très loin d’une position partagée et encore davantage d’une mise en œuvre.

La France soutient activement la proposition du G4, qui vise à intégrer parmi les membres permanents le Brésil, l’Allemagne, le Japon, l’Inde et deux États africains. Bien évidemment, cette initiative est très largement contestée et nous avons pu mesurer l’étendue des doutes exprimés par nos interlocuteurs sur la faisabilité de cette réforme. Tous les pays non-européens estiment que l’Europe est déjà surreprésentée, la Chine ne veut pas du Japon ni de l’Inde, les États africains ne s’entendent pas sur une position commune et les querelles régionales sont très nombreuses. Quant à la Russie et la Chine, elles s’abritent habilement derrière les rivalités entre les pays émergents, notamment sur le continent africain. Toute cette concurrence favorise finalement le statu quo. En outre, cette révision de la Charte est susceptible d’être bloquée par l’usage du veto et nul doute qu’un accord entre les cinq membres permanents représente déjà une marche quasiment insurmontable. De nombreux pays appellent d’ailleurs à un encadrement, une extension, voire une suppression du droit de veto.

La France doit ainsi naviguer avec habileté entre l’ambition légitime d’une réforme du Conseil de sécurité et la conservation de l’un des derniers attributs de sa puissance sur la scène internationale, à savoir son statut de membre permanent et son droit de veto, quand bien même celui-ci n’a plus été utilisé à titre individuel depuis 1976 sur la question des Comores, qui, Mme Youssouffa l’a rappelé, est toujours d’actualité. Nous devons d’ailleurs nous réjouir pour notre souveraineté que la question, un temps à la mode, du partage de notre siège avec l’Allemagne ou, pire encore, de son transfert au profit de l’Union européenne, soit aujourd’hui éloignée des débats, tant les divergences entre les États européens sont importantes.

Concernant les enjeux liés au financement, l’ONU connaît une crise désormais structurelle. Celui qui paie décide et cela, beaucoup de grands pays, États-Unis en tête, l’ont bien compris. Les questions budgétaires s’immiscent dans toutes les discussions. Les délais de versement des contributions obligatoires et des contributions volontaires des États représentent de plus en plus un moyen de pression, un moyen d’orienter les choix de l’institution et d’y imposer ses thèmes.

En 2024, les retards de paiement concernant les budgets réguliers se sont élevés à près de 1,2 milliard de dollars, soit presque un tiers du montant total du budget. Ces retards s’accumulent année après année et sont principalement imputables aux États-Unis et à la Chine, les deux principaux contributeurs qui, et à eux seuls, représentent maintenant la moitié du budget de l’ONU. L’augmentation spectaculaire des contributions de la Chine, du fait de sa démographie, laisse entrevoir un changement total de visage de l’institution. La France, quant à elle, remplit pleinement ses obligations financières à l’égard de l’ONU, se plaçant au sixième rang des contributeurs. Il nous appartient de nous montrer particulièrement vigilants afin que les manquements et la mauvaise volonté affichée par certaines grandes puissances ne se répercutent pas sur les pays, dont nous faisons partie, qui respectent leurs engagements à la lettre.

J’aimerais pour conclure partager avec vous une phrase qui, au cours de ce voyage très dense et très riche en enseignements, m’a peut-être marqué plus que toute autre. Je l’ai entendue de la bouche du secrétaire général adjoint de l’ONU, Guy Ryder. Je lui avais demandé ce que nous devions répondre à nos concitoyens doutant que l’action de l’ONU et parfois son incapacité à apporter des solutions concrètes aux conflits comme en Ukraine, au Proche-Orient ou au Soudan, vaillent les sommes importantes versées par la France. Sa réponse fut la suivante : « ce que l’on ne voit pas, c’est la guerre qui n’a pas eu lieu, le conflit qui a pu être évité grâce à cet espace de dialogue qu’est l’ONU. Si nous perdons cet espace, ce sera mauvais pour tout le monde ». Il est vrai que cet espace de dialogue est tout à fait unique, le seul où le monde entier se côtoie pour des échanges formels et informels dans cet immense labyrinthe qu’est le bâtiment de l’ONU à New York. L’ONU ne répond pas toujours à nos attentes, ni à celles de ses 192 autres États membres, mais elle a le mérite d’exister et la voix de la France y reste importante.

M. Nicolas Forissier, rapporteur. J’ai été, moi aussi, très sensible à cette phrase prononcée par M. Ryder. Je crois que l’on mésestime souvent le rôle de forum absolument unique que représentent les Nations unies et leurs différents prolongements. Il est tout aussi important de souligner le rôle que peut et que doit y jouer la France, qui porte des valeurs de multilatéralisme et d’indépendance, de même qu’elle exprime, autant qu’elle le peut, son attachement aux droits de l’homme.

Je voudrais conclure cette présentation collective en évoquant trois points : l’influence croissante de la Chine, la nécessaire consolidation des opérations de maintien de la paix et le souci impérieux de préserver le droit humanitaire sur les zones de conflit, qui est remis en cause dans la pratique.

Premièrement, la conflictualisation des rapports de force entre le Nord et le Sud évoquée par Mme Lakrafi correspond à la réalité incontournable d’une rivalité structurelle entre la Chine et les États-Unis. Apparue durant le mandat de Barack Obama avec la notion de pivot asiatique de la diplomatie américaine, cette concurrence entre les deux premières puissances mondiales s’est accélérée avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Face aux critiques de l’hégémonie américaine, la Chine jour avec habileté une partition consistant à revendiquer, notamment dans les instances onusiennes, le leadership du Groupe des 77 (G77), qui réunit aujourd’hui 134 États. Cette incarnation du Sud global constitue pour la Chine un levier lui permettant d’imposer ses vues sur la scène internationale. La Chine se sert très efficacement des Nations unies en proposant une alternative attractive au modèle occidental. Bien entendu, il convient de nuancer l’idée d’un retour à un monde bipolaire, tant les blocs du Nord et du Sud paraissent hétérogènes. Mais il s’agit d’une grille de lecture efficace qui tend à instaurer un nouveau clivage géopolitique dans lequel la Chine défend avec ardeur ses intérêts politiques et commerciaux.

La discussion que nous avons eue avec le représentant à l’ONU de la République populaire de Chine a été très révélatrice de la détermination de son pays à promouvoir un libre-échange mondial sans aucune barrière, les mesures protectionnistes des États occidentaux étant perçus comme un moyen déloyal de combattre l’industrie exportatrice chinoise. Cet agenda économique s’est progressivement intégré aux objectifs de développement durable fixés par l’ONU, à l’image du protocole d’accord conclu par vingt-cinq agences onusiennes en 2017 avec la Chine afin de développer les infrastructures de transport ferroviaire et maritime des nouvelles routes de la soie.

L’influence chinoise repose évidemment et avant tout sur son influence économique. Mais il s’agit également d’une stratégie d’influence aux Nations unies, renforcée à la faveur du désengagement des enceintes multilatérales opéré par les États-Unis lors du premier mandat de Donald Trump. Une certaine incertitude règne aujourd’hui, mais il est certain que l’espace laissé vacant par les États-Unis suscite des convoitises, notamment à l’égard du choix des dirigeants des agences et des institutions onusiennes.

Je voudrais insister, à la suite des propos de M. Pfeffer, sur le poids financier de la Chine, qui est maintenant le deuxième contributeur obligatoire au budget des Nations unies et le deuxième contributeur aux opérations de maintien de la paix. Cette part ne fera que se renforcer puisque les contributions financières sont calculées à l’aune de la puissance économique de chaque pays. Gardons bien cela à l’esprit.

Deuxièmement, les entretiens que nous avons menés ont souligné l’impératif besoin de consolidation des opérations de maintien de la paix décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Leur budget global, qui s’élève à 5,6 milliards de dollars, est relativement faible. Comme nous l’a fait remarquer l’un de nos interlocuteurs, il est inférieur à celui de la police new-yorkaise.

Cette faiblesse budgétaire se conjugue à des défauts régulièrement dénoncés, qu’il s’agisse de l’imprécision des mandats sur la base desquels agissent les missions d’opération de maintien de la paix ou de la formation insuffisante des contingents nationaux constituant les casques bleus. Comme l’avaient déjà souligné nos collègues Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq dans leur rapport d’information présenté l’année dernière, il conviendrait de mettre en place un pilotage centralisé des opérations de maintien de la paix depuis le siège de l’ONU à New York, ainsi qu’un commandement militaire véritablement intégré afin d’en préserver la cohérence stratégique et l’efficacité opérationnelle.

Troisièmement, notre délégation a été très sensibilisée par les ONG, en particulier par Human Rights Watch et le Comité international de la Croix-Rouge, aux menaces qui pèsent sur le respect du droit humanitaire dans les zones de conflit. On constate en effet une tendance croissante des belligérants à appréhender le droit humanitaire non plus comme un droit inconditionnel protégé par les conventions internationales, mais comme une monnaie d’échange. À cette difficulté s’ajoute la multiplicité des groupes armés qui ne permet pas d’assurer systématiquement le respect des garanties de sécurité offertes au personnel humanitaire, notamment dans les zones très étendues, peut-être un peu moins dans les zones urbaines.

J’aimerais néanmoins terminer mon propos par une note d’espoir. La France s’est récemment associée à une initiative visant à organiser l’année prochaine une réunion internationale de haut niveau dans le but de préserver l’effectivité du droit humanitaire dans les zones de guerre. Notre pays joue un rôle de leader dans cette démarche importante, et y trouvera peut-être l’occasion d’exprimer sa fidélité à la mission que l’ancien secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, avait assignée aux Nations unies : « L’ONU n’a pas été inventée pour emmener l’humanité au paradis, mais pour lui éviter l’enfer ».

M. le président Bruno Fuchs. J’ignore si cette citation nous incline vers l’optimisme, mais votre rapport très intéressant intervient à un moment où l’ordre mondial multilatéral dans lequel nous nous sommes longtemps projetés est mis à mal par des penchants nationalistes voire impérialistes. De nombreux conflits en témoignent, et il n’est pas anodin que la première décision de Donald Trump pour son retour à la Maison-Blanche a consisté à supprimer la contribution américaine à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Je donne à présent la parole aux députés qui souhaitent intervenir.

M. Jérôme Buisson (RN). Votre rapport, de grande qualité, met l’accent sur la stratégie d’influence de la Chine dans les organisations onusiennes. Cette stratégie se déploie notamment sur le plan financier puisque votre rapport indique que les quotes-parts de la Chine correspondant au financement du budget régulier de l’ONU et des opérations de maintien de la paix, devraient nettement augmenter au cours de la période 2025-2027 par rapport au triennat 2022-2024, passant respectivement de 15,3 % à 20 % et de 18,7 % à 23,8 %.

S’il est tout à fait normal que le développement économique de la Chine engendre une hausse de ses quotes-parts, il nous faut interroger les conséquences d’une contribution chinoise accrue, notamment sur l’attribution des postes à responsabilité. Quels sont selon vous les principaux résultats de la politique d’influence chinoise au sein des institutions onusiennes ?

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il est certain que la sinisation de l’ONU n’en est qu’à ses débuts, et prendra rapidement de l’ampleur. Bien entendu, les Chinois visent des postes importants, mais aussi les postes ordinaires de l’administration onusienne, dans lesquels ils sont sous-représentés. Par ailleurs, l’influence chinoise grandissante implique une redéfinition de l’agenda de l’ONU par le prisme de la Chine, de sa vision et de ses principes.

Nos interlocuteurs à New York nous ont décrit très précisément cette sinisation en cours, dont l’impact sur l’ONU sera très important, sur l’aspect commercial, certes, mais aussi sur les questions relatives aux droits de l’homme et à la vision des minorités. Il importe de bien comprendre que la Chine, jusqu’à présent, n’a pas exercé l’ensemble des pouvoirs que sa contribution financière majeure lui octroie et qu’à cet égard elle amorce un virage très significatif, mais à bas bruit.

Ainsi, des diplomates nous ont expliqué que non seulement la rédaction des rapports allait porter la marque de cette sinisation, mais aussi le choix des sujets à discuter et le financement de certaines opérations et de certains programmes. Je crois que nous sommes à l’aube d’un changement majeur dont on peine encore à prendre la mesure. Le représentant chinois que nous avons rencontré a été sans ambiguïté sur ce point : la Chine ne s’interdit rien. Et il paraît tout à fait normal que, compte tenu de sa contribution financière, elle entende exercer ses droits, au même titre que les autres pays.

M. Nicolas Forissier, rapporteur. La Chine, par son poids économique, son rôle de leader du « Sud global » – et je place cette expression entre guillemets parce qu’il convient de s’en méfier –, mais aussi sa part dans le financement des Nations unies, cherche à obtenir davantage de postes dans des organisations visibles comme celle pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) par exemple, dont le nouveau directeur est chinois, mais aussi dans l’administration générale des différents organismes de l’ONU. À titre personnel, cela me semble légitime.

Il est à noter que, ce faisant, la Chine commence à se comporter comme les États-Unis. J’en veux pour preuve que, comme le font les Américains depuis des années, elle est désormais régulièrement en retard dans le paiement de sa contribution, ce qui fragilise la gestion courante des Nations unies, au point que l’on en vient à fermer des services et des locaux durant certaines périodes pour faire des économies. À leur tour, et à la suite des Américains, les Chinois instrumentalisent les Nations unies selon leurs propres intérêts, ce qui sur le plan symbolique représente un signal fort.

M. Alain David (SOC). Lors de la 74e Assemblée générale des Nations unies, la délégation dont j’étais membre avait été reçue par le secrétaire général, António Guterres, qui avait souligné le rôle de la France dans un contexte de paralysie du Conseil de sécurité et de recul du multilatéralisme. Le contexte actuel est comparable, et pourtant nous constatons une baisse inquiétante du recours de la France à ce levier stratégique qui a longtemps été l’un des fils conducteurs de notre politique étrangère, avec notre engagement en faveur du multilatéralisme.

Notre diplomatie d’influence, qu’elle soit culturelle, linguistique, académique, audiovisuelle, économique, universitaire ou scientifique, recule sur la scène internationale, et les récentes orientations en matière de politique étrangère n’ont fait qu’accentuer ce déclin. Là où la France a su, par le passé, faire du soft power un atout majeur de sa politique étrangère, elle semble aujourd’hui marquer le pas. À l’heure où les tensions Nord-Sud se durcissent, nous ne pouvons pourtant pas nous permettre de négliger cet outil essentiel. Un rapport sera prochainement présenté sur la diplomatie parlementaire par notre collègue Pierre Pribetich. Je ne doute pas qu’il confirmera l’utilité de cette diplomatie et du soft power.

Comment la France peut-elle redynamiser ses outils diplomatiques en matière de soft power et en faire à nouveau un levier stratégique ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Le constat que vous dressez relève d’un avis personnel. Il est toutefois vrai que nous avons constaté un manque de position commune de l’Union européenne et, à cet égard, la France peut jouer un rôle de leader pour organiser les idées et les propositions européennes au sein des Nations unies.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous avons été frappés par un paradoxe : nos diplomates déploient un effort ambitieux en matière de multilatéralisme et, en même temps, la France souffre d’une fragilité au niveau national. Elle ne se conçoit plus seule, défend un discours d’exception et pourtant demeure très vulnérable et timorée sur l’exercice de son droit de veto et la défense de ses intérêts propres. Notre pays est tiraillé au niveau national, politique, ce qui fragilise sa position au sein d’une Union européenne elle-même divisée, et génère une ambiguïté permanente dans son positionnement à l’ONU. En d’autres termes, notre diplomatie se trouve à un moment charnière.

M. Nicolas Forissier, rapporteur. Je souscris à cette analyse et j’ajoute que les Nations unies sont un lieu d’influence majeur pour une France qui a perdu beaucoup de sa puissance économique d’antan. Nous avons tout intérêt à nous y montrer extrêmement actifs.

Il me semble en effet déterminant que les parlementaires, sans se substituer aux diplomates, apportent un regard différent sur l’action de la France au sein des instances internationales. Nous sommes nombreux à défendre cette diplomatie parlementaire, parfois mal comprise et suspectée de correspondre à une forme d’ingérence dans le travail diplomatique. En réalité, en tant que représentants du peuple, nous avons un rôle de contrôle mais aussi de soutien à l’action généralement excellente de nos diplomates. À ce titre, nous attendons avec intérêt le rapport de Pierre Pribetich sur la doctrine française en matière de diplomatie parlementaire.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je remercie mesdames et messieurs les rapporteurs, mais j’aimerais indiquer à Mme Lakrafi qu’elle n’est pas obligée de me regarder chaque fois qu’elle prononce les mots « Russie » ou « Chine ». Je ne suis l’ambassadeur d’aucun de ces deux pays.

Il apparaît que Mme Youssouffa a profité de ce voyage à New York pour défendre ses thèses, et cela est tout à son honneur. Mais la situation des Comores et de Mayotte, à l’image d’autres espaces géographiques, est toujours questionnée au sein Comité spécial de la décolonisation de l’ONU. Ce comité aborde différents sujets, dont un qui, vous le savez, me tient particulièrement à cœur : le Sahara occidental, pour lequel a été dépêchée la Mission des Nations unies pour l’organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso).

Peu avant votre déplacement à l’ONU, le Président de la République, par ses déclarations relatives à la marocanité du Sahara occidental, a créé un véritable séisme dans la diplomatie française. J’aimerais savoir si les vagues du tsunami sont parvenues jusqu’à New York et de quelle manière la diplomatie française à l’ONU a pris acte de cet événement. A-t-il seulement été évoqué ? Avez-vous, vous-même, abordé ce sujet de décolonisation avec vos interlocuteurs ?

J’aimerais savoir également si vos échanges ont porté sur le désarmement nucléaire. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), comme d’autres instruments onusiens, est actuellement en panne. Et, à l’heure où certains font référence à l’arme nucléaire – à l’image de Poutine –, il importe de s’en préoccuper.

Enfin, ce que vous appelez avec précaution le Sud global est une expression issue des BRICS et d’un nouvel ordre qui s’installe. Cet ordre oppose, pour le dire ainsi, l’Occident et le non-Occident. Entre les deux, l’Afrique n’est guère évoquée alors qu’elle connaît des évolutions. L’Inde n’est pas la seule à revendiquer davantage d’espace à l’ONU qui, rappelons-le, est l’expression d’un ordre mondial structuré par les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale. Les victorieux de l’époque disposaient d’un empire colonial qui n’existe plus, et les pays de ces empires revendiquent, à mon sens légitimement, le droit d’exister sur la scène internationale.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je précise, pour ménager la susceptibilité de mon collègue, que je regarde à droite et à gauche lorsque je m’exprime, afin de n’oublier personne, et sans viser qui que ce soit.

Pour répondre à votre question, nous n’avons pas abordé lors de notre voyage à l’ONU le sujet de la reconnaissance française du Sahara marocain…

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Du Sahara occidental !

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je respecte votre opinion sur ce point, mais je ne peux que répéter que nous n’avons pas abordé ce sujet.

En revanche, nous avons évoqué avec nos interlocuteurs la question africaine et avons fait valoir que la France soutient la proposition consistant à octroyer deux sièges permanents pour des États africains au Conseil de sécurité, contrairement aux États-Unis et à d’autres pays membres.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vous confirme, monsieur Lecoq que personne ne nous a parlé des provinces du sud du Maroc ni, contrairement à vous, remis en question la marocanité du Sahara. La position exprimée par le Président de la République est celle de la France désormais.

Concernant les pays africains, j’ajouterais qu’ils expriment le souhait d’obtenir des postes plus importants et plus influents.

Monsieur Lecoq, poser une question et partir lorsqu’on vous apporte une réponse est une attitude quelque peu particulière.

Un incident oppose M. Jean-Paul Lecoq et M. Guillaume Bigot.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). M. Bigot vient de me dire que j’étais « rappelé à Alger ». C’est scandaleux ! Monsieur le président, je vous demande de réagir !

M. le président Bruno Fuchs. Il s’agit d’un incident entre deux membres de la commission, et à ce titre, il ne concerne pas la commission. Je n’ai pas entendu la remarque de M. Bigot et ne peux donc pas réagir.

M. Lecoq quitte la séance.

Protestations dans la salle.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Il est inacceptable qu’un député puisse dire à un autre qu’il est « rappelé » par une puissance étrangère. M. Bigot est coutumier de ce genre d’apostrophe.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. M. Lecoq est lui aussi coutumier des éclats.

M. le président Bruno Fuchs. Il s’agit d’une interaction entre deux parlementaires, et non d’un sujet qui concerne la commission dans son expression publique.

M. Guillaume Bigot (RN). Monsieur le président, mon intervention n’était pas publique ni destinée à nourrir un débat en commission. Il s’agissait d’un mot d’esprit entre collègues. M. Lecoq a commencé par dire qu’il se sentait visé lorsque Mme Lakrafi évoquait certains pays. Ensuite, il s’apprêtait à quitter la séance lorsque certains propos sur le Maroc ont été tenus. J’ai trouvé cette attitude quelque peu curieuse. Par son départ, M. Lecoq exprime son refus du débat et son soutien à la position d’un gouvernement étranger. Il en a le droit, et cela ne lui retire rien à sa qualité de parlementaire français.

J’en reviens à notre débat. Nous nous souvenons tous de l’intervention de Dominique de Villepin à la tribune des Nations unies, à une époque où la France exerçait effectivement son autorité de membre permanent du Conseil de sécurité et parlait d’une voix audible. Il existe deux logiques à l’ONU, une logique d’agora où tous les États peuvent s’exprimer, et une logique de directoire avec la responsabilité qui pèse sur les épaules des membres permanents du Conseil de sécurité.

Je comprends mal ce que l’admission de l’Allemagne parmi les membres permanents du Conseil de sécurité apporterait à la France, qui pourtant s’y montre favorable. Cette position française, qui consiste à défendre un État étranger, certes membre de l’Union européenne, mais qui tient parfois des positions contraires aux nôtres, voire hostiles, est une atteinte profonde à notre souveraineté. Avez-vous interrogé les représentants de la France aux Nations unies sur ce sujet ?

Par ailleurs, Mme Youssouffa a fait remarquer avec raison que la France n’utilise pas son droit de veto à propos de Mayotte et semble craindre d’exercer ce droit. Je dirais même que la diplomatie française, qui a la prétention de défendre les points de vue français sur quasiment tous les dossiers, se liquéfie totalement au moment de défendre ses propres intérêts. Les représentants de la France à l’ONU vous ont-ils éclairé sur ce point ?

M. Kévin Pfeffer, rapporteur. La France demeure une voix qui compte à l’ONU, une voix écoutée, attendue. Certains ambassadeurs ont même regretté notre manque d’implication sur certains dossiers. Je dirais même que la voix de la France est plus attendue que ce qu’elle pèse réellement, en dépit du travail admirable effectué par nos représentants. Le métier de diplomate est un véritable métier, et à cet égard la suppression du corps diplomatique est regrettable.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. La France s’implique sur la plupart des dossiers, elle effectue un travail en profondeur, mais à bas bruit. Elle n’a pas pour tradition de pratiquer une diplomatie du mégaphone et s’efforce toujours d’éviter d’humilier certains pays ou certains groupes de pays. Or sa voix est très attendue. Les ambassadeurs que nous avons rencontrés, très attentifs aux positions de la France et aux raisons pour lesquelles elles les prennent, l’ont confirmé. Aussi je pense qu’il convient de rompre avec cette culture de la discrétion, ne serait-ce qu’au regard des versements financiers non obligatoires qu’effectue la France.

M. Nicolas Forissier, rapporteur. Ce débat rejoint celui sur l’implication de la France dans les instances de l’Union européenne. Nous souhaitons faire valoir que la France a tout intérêt à s’impliquer, à développer son soft power et son influence, à affirmer ses valeurs. Elle en a même le devoir.

Aux Nations unies, cette influence ne s’exerce pas seulement dans les débats sur les résolutions à l’Assemblée générale ou par une présence dans un certain nombre d’organismes onusiens. Elle passe aussi par la diplomatie plus discrète de nos représentants, que les autorités politiques doivent saluer et renforcer.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. J’ai retenu de nos échanges avec les diplomates français que l’exercice du droit de veto est analogue à la dissuasion nucléaire, au sens où il s’agit d’une arme de dissuasion qui n’est jamais utilisée. Mais pourquoi détenir un pouvoir que l’on ne veut pas exercer ? Sur ce point, la réponse de nos diplomates laissait transparaître une crainte et une vulnérabilité, puisqu’elle consisterait à dire : si nous brandissions l’arme du veto, nous ne serions pas suivis, nous serions isolés. C’est la raison pour laquelle je disais précédemment que la question du veto renvoie à la vulnérabilité de la France et au changement des rapports de force au sein de l’ONU.

Par ailleurs, le refus d’user du droit de veto traduit une absence de lisibilité de la politique française. Sur le conflit au Proche-Orient, par exemple, des membres de la délégation palestinienne nous ont dit avec force qu’ils ne saisissaient pas la position de la France, alors qu’ils sont très attentifs aux débats qui agitent l’Hexagone. De l’autre côté, l’absence d’une ligne claire, les tergiversations, placent les diplomates français dans une situation de grand inconfort, ce dont nous avons été témoins.

J’aimerais pour finir revenir sur la question de la francophonie. J’ai été très touchée d’entendre de nombreux diplomates nous parler dans un français parfait, à l’image de l’ambassadeur du Brésil, de celui du Liban et d’un représentant palestinien. Historiquement, le français est la langue de la diplomatie. On évoque souvent la voix singulière de la France, mais cette voix, c’est d’abord une langue qui est entendue et attendue. Par rapport à cette attente, je ne suis pas certaine que nous soyons à la hauteur.

M. Michel Guiniot (RN). Mesdames et messieurs les rapporteurs, votre rapport comporte peu de motifs de réjouissances, entre la désagrégation de l’ordre international que vous évoquez et le déclin du Conseil de sécurité du fait des nombreuses divisions qui l’agitent.

Vous écrivez que la France fait l’objet de campagnes de dénigrement au sein des instances onusiennes de la part des ambassadeurs russe, iranien et chinois, ces derniers allant même jusqu’à évoquer la vassalisation de la France au profit des États-Unis. Vous ajoutez que la perte d’influence française est accrue par le recul de la pratique de la langue française. Aussi, il convient de s’interroger sur le rôle et l’importance réels de la France au sein de l’ONU.

Selon les termes de votre rapport, l’ONU n’est plus un lieu où les rumeurs et ragots sont étouffés par le respect dû aux États, mais la caisse de résonance d’un discours antifrançais sur la base d’une grille de lecture décoloniale. Depuis 1976, la France fait l’objet d’une cabale comorienne au sujet de sa souveraineté sur le territoire mahorais, actuellement meurtri par une catastrophe et auquel nous portons naturellement secours, contrairement à ses voisins. La résolution 34 a-t-elle été évoquée lors de vos échanges à New York ?

Par ailleurs, j’ai lu avec satisfaction dans votre rapport que la France a rejoint les propositions de création de nouveaux sièges permanents au sein du Conseil de sécurité, afin de renforcer la représentation de pays qui importent de plus en plus dans la géopolitique moderne. Il s’agit d’une idée proche de celle émise par notre candidate lors de la campagne présidentielle de 2017, aussi elle n’est pas nouvelle pour nous. Quand la mesure 39 du Pacte pour l’avenir de l’ONU, relative à la réforme du Conseil de sécurité, sera-t-elle formalisée ?

M. Kévin Pfeffer, rapporteur. À ce jour, aucune date d’application de la mesure 39 n’est avancée, faute d’accord sur cette réforme. Personnellement, je suis assez pessimiste quant à la possibilité même d’une telle réforme tant les discours sur ce sujet sont pétris de contradictions et de blocages. De nombreux ambassadeurs estiment qu’une réforme du Conseil de sécurité est impossible à moyen terme tant chacun campe sur ses positions, notamment certains membres permanents du Conseil de sécurité, qui n’entendent pas faire de concessions relatives à leurs prérogatives. Toutefois, nous avons pu mesurer le fort attachement des pays à l’Assemblée générale des Nations unies, véritable agora dans laquelle un pays égale une voix, et qui permet à tous les pays, même les plus petits, de se faire entendre.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Permettez-moi en premier lieu de revenir sur l’incident qui a opposé tout à l’heure MM. Lecoq et Bigot. Défendre dans notre commission une position sur une question internationale ne signifie pas que l’on dégrade sa fonction de député français. M. Lecoq défend ses positions de manière constante sur un certain nombre de sujets, notamment celui Sahara occidental, où il considère que le droit de ce peuple à l’autodétermination doit être respecté. Il a aussi eu de vifs échanges sur la question de Mayotte et des Comores. M. Lecoq soutient ses vues au nom de la fin de la colonisation et du respect du droit international, et cela ne fait absolument pas de lui un agent étranger, comme l’a sous-entendu M. Bigot. D’ailleurs, monsieur Bigot, on pourrait légitimement s’interroger sur le revirement du Rassemblement national qui, depuis qu’il a obtenu la présidence du groupe d’amitié France-Maroc, défend des positions très proches de Rabat. Je ne vous ferai pas l’affront d’insinuer que vous êtes un agent de l’étranger alors, de grâce, ne faites pas cet affront à notre collègue qui, lui, s’est au moins montré constant dans ses prises de position.

M. Bigot proteste hors micro.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Si, monsieur Bigot, vous avez plus ou moins traité M. Lecoq d’agent de l’étranger. Traiter vos adversaires politiques d’agents de l’anti-France et d’agents de l’étranger est d’ailleurs une habitude dans votre famille politique, alors n’insistez pas.

J’en viens à notre débat. Mesdames et messieurs les rapporteurs, vous avez rappelé que la France défend l’introduction de deux États africains au Conseil de sécurité des Nations unies. D’autre pays soutiennent-ils cette proposition ?

Vous avez dit que la France n’était pas à la hauteur sur la question de la francophonie. Pourquoi ce jugement ? Que devrait mettre en œuvre la France pour être au rendez-vous de sa langue ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je pense que la France devrait encourager une évolution des modalités d’embauches du personnel onusien et y imposer la maîtrise de deux langues en plus de la langue maternelle. L’anglais est obligatoire, naturellement, mais la question des deux langues a été soulevée à l’ONU et, souvent, les personnes qui pratiquent deux langues supplémentaires parlent souvent le français. Cela renforcerait la francophonie onusienne.

Concernant la place des États africains au sein du Conseil de sécurité, la France est une fois encore le seul pays à formuler une proposition sincère. D’autres pays, notamment la Russie et la Chine, savent que les pays africains peineront à s’entendre sur le choix de leurs représentants et jouent de ces divisions.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le statu quo du Conseil de sécurité convient finalement à tout le monde. Il importe de faire la part entre les discours, les postures, et la réalité des efforts que chacun déploie pour faire évoluer cette instance. Réclamer une place pour l’Afrique au Conseil de sécurité, cela ne coûte rien. Les diplomates les plus francs concèdent que la perspective d’un accord entre les pays africains sur la désignation de deux pays est illusoire, ce qui est une manière d’enterrer ce projet.

Le Conseil de sécurité reflète l’ordre mondial issu de la Seconde guerre mondiale et il est très éloigné de l’ordre, ou plutôt du désordre mondial actuel. Au-delà des discours de façade, rien n’est fait pour transformer l’instance, il n’existe même pas un comité dédié à cette question. L’inertie arrange les membres permanents, et en réalité aucun d’eux ne produit le moindre effort pour intégrer l’Afrique. J’y inclus la France qui, à mon sens, se paie de mots sur le sujet et n’est au fond pas favorable à la moindre évolution.

M. Nicolas Forissier, rapporteur. La France est tout de même à l’initiative sur ce point, et soutient la proposition du G4, c’est-à-dire l’alliance entre l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Japon visant à obtenir une réforme du Conseil de sécurité. Le statu quo s’explique par les réticences quant à certains pays africains susceptibles d’être admis, et qui varient d’un pays à l’autre. En outre, il convient de prendre en compte la question des contributions financières, qui n’est pas négligeable. Mais je tiens à dire que la France joue un rôle d’influence dans le projet d’élargissement du Conseil de sécurité, notamment aux États africains.

M. le président Bruno Fuchs. Un consensus sur le choix des pays africains à intégrer au Conseil de sécurité semble certainement difficile à trouver, mais il n’est pas interdit d’imaginer que l’on y parvienne. À cet égard, je pense que l’attitude de la France ne relève pas de la posture.

Mme Dieynaba Diop (SOC). J’aimerais revenir une dernière fois sur l’incident entre MM. Lecoq et Bigot. Monsieur Bigot, nous vous saurions gré d’éviter de prendre à partie nos collègues lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec vous, comme vous en avez l’habitude. Traiter un député français d’agent de l’étranger est déplacé. Je tenais à vous le dire.

Mesdames et messieurs les rapporteurs, j’aimerais savoir comment, selon vous, les membres de la commission des affaires étrangères peuvent contribuer, en tant que composants de la diplomatie parlementaire, à faire entendre la voix de la France. Comment pouvons-nous, de par notre diversité, être utiles pour faire avancer des sujets tels que la francophonie ou l’amélioration de la représentativité de l’Afrique ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. L’Assemblée parlementaire de la francophonie réclame un statut d’observateur à l’ONU, et nous devons la soutenir. De même, je pense que l’Union interparlementaire (UIP) pourrait s’associer avec la Sixième commission de l’ONU, qui traite du droit international et des traités internationaux. Il importe en effet que les travaux onusiens relatifs au droit international impliquent les parlementaires des pays qui devront par la suite voter des textes en conformité avec les traités internationaux.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il importe de prendre en considération le travail législatif à l’ONU, auquel on ne pense pas suffisamment. Le Pacte pour l’avenir, par exemple, peut sembler relever du simple déclaratif, mais en réalité il fait office de base juridique solide.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie, mesdames et messieurs les rapporteurs.

 

Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.

 

 


   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la délégation
de la commission

Représentants de la France à l’ONU :

 

Représentants d’autres États membres et de la délégation palestinienne à l’ONU :

 

Responsables au sein de l’ONU :

 

 

 

Représentants des organisations non-gouvernementales (ONG) :

 


—  1  —

 

 

   Annexe n° 2 :
Organigramme du système des Nations unies

C:\Users\blegall\Desktop\org ONU.png 

    


([1]) L’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Secrétariat, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle (inactif depuis 1994) et la Cour internationale de justice.

([2]) Tels que le Conseil des droits de l’Homme, la Commission du droit international ou la Commission du désarmement.

([3]) Tels que le Programme alimentaire mondial, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ou le Programme des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

([4]) Tels que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation internationale du travail (OIT) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

([5]) Près de 120 conflits armés sont ainsi dénombrés en 2024 selon le CICR.

([6]) L’Assemblée générale adopte ainsi entre 200 et 300 résolutions au cours de ses sessions annuelles.

([7]) Cette critique est principalement formulée à l’encontre des résolutions adoptées par l’Assemblée générale.

([8]) BRICS.

([9]) Cependant, l’Assemblée générale a adopté la résolution dite « Acheson » du 3 novembre 1950 afin de pallier l’inaction du CSNU pour préserver la paix.

([10]) Résolution S/RES/242 du 22 novembre 1967.

([11]) Résolution S/RES/262 du 31 décembre 1968.

([12]) Le CSNU s’est réuni 2 903 fois entre 1946 et 1989 et a adopté 646 résolutions, soit moins d’une quinzaine par an. Entre 1990 et 2000, il s’est réuni 1 183 fois et a adopté 638 résolutions.

([13]) Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, 1992.

([14]) Résolution S/RES/678 du 29 novembre 1990.

([15]) Résolution S/RES/1701 du 11 août 2006.

([16]) Mission provisoire des Nations unies au Cambodge (MIPRENUC) entre octobre 1991 et mars 1992 et Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC) entre février 1992 et septembre 1993.

([17]) Mission d’observation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) créée en novembre 1999.

([18]) Résolutions S/RES/1368 du 12 septembre 2001 et S/RES/1373 du 28 septembre 2001.

([19]) Lors de la conférence de Munich sur la sécurité organisée en février 2007, le président russe Vladimir Poutine avait fermement dénoncé l’unilatéralisme américain et l’éventuel élargissement de l’OTAN.

([20]) Opération « Unified Protector » entre mars et octobre 2011.

([21]) Rapport d’information n° 2732 « L’ONU : la réforme impossible ? » au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq, juin 2024.

([22]) 49 vetos.

([23]) 12 vetos entre 1994 et 2003, 16 vetos entre 2004 et 2013.

([24]) Projet de résolution examiné par le CSNU le 30 août 2023.

([25]) Projets de résolution examinés par le CSNU le 26 mai 2022 et le 28 mars 2024.

([26]) Projet de résolution examiné par le CSNU le 18 novembre 2024.

([27]) Résolution S/RES/2751 du 30 septembre 2024.

([28]) Le représentant haïtien a indiqué que 3 600 homicides avaient été comptabilisés au premier semestre de l’année 2024, soit une augmentation de 74 % par rapport à l’année précédente.

([29]) L’article 27 de la Charte prévoit qu’un membre partie au différend soumis à l’examen du CSNU doit s’abstenir de voter. Cette stipulation n’est pas respectée en pratique, car elle conduirait notamment les membres permanents éventuellement concernés à renoncer à l’exercice de leur droit de veto.

([30]) Résolution A/RES/ES-11/1 du 2 mars 2022.

([31]) Les États-Unis ont ainsi opposé leur veto au projet de résolution examiné par le CSNU le 18 avril 2024.

([32]) La résolution A/ES-10/23 a été adoptée par l’Assemblée générale le 10 mai 2024 par 143 voix pour, 9 voix contre et 25 abstentions.

([33]) Lors de son audition, le représentant libanais a estimé que le recrutement et la formation de 10 000 nouveaux soldats de l’armée libanaise représente un coût d’environ 1,25 milliard de dollars.

([34]) 10 000 casques bleus de la FINUL sont actuellement déployés, dont environ 700 militaires français.

([35]) Un accord de cessez-le-feu a finalement été conclu entre Israël et le Hezbollah le 27 novembre 2024.

([36]) Résolution A/71/L.48 du 21 décembre 2016.

([37]) Alain Barluet, « Kosovo : Poutine menace l’Occident », Le Figaro, 23 février 2008.

([38]) En dépit de l’opposition affichée par la Grèce, la Roumanie et l’Espagne.

([39]) Voir notamment la résolution A/C.3/75/L.32 du 30 octobre 2020.

([40]) Traité dit « BBNJ » (Biological diversity of areas Beyond National Jurisdiction).

([41]) Résolution S/RES/2719 du 21 décembre 2023.

([42]) Prenant appui sur la mission de l’UA en Somalie créée en janvier 2007.

([43]) Fondé en 1964, le G77 regroupe l’ensemble des puissances émergentes et des pays en développement.

([44]) La Suède, la Finlande, l’Italie, l’Allemagne se sont par exemple abstenues lors de l’adoption le 10 mai 2024 par l’Assemblée générale de la résolution visant à admettre la Palestine en tant qu’État membre de l’ONU.

([45]) S’agissant notamment des droits reproductifs et des minorités sexuelles.

([46]) Si la France, l’Espagne et l’Allemagne ont signé le pacte mondial sur les migrations en décembre 2018, l’Italie s’est abstenue et la Pologne s’y est opposée.

([47]) Ces dissensions concernent notamment certains pays à l’Est de l’Europe, tels que la Pologne et la Hongrie.

([48]) Jean-Marie Guéhenno, Qu’attendre de l’ONU aujourd’hui ?, Politique étrangère, printemps 2021, p. 89.

([49]) Le budget régulier de l’ONU finance les dépenses de fonctionnement, d’investissement et de personnel. Il représente une part du budget de l’ensemble du système onusien, comprenant l’intégralité des agences et des organisations internationales qui s’y rattachent et dont le montant global atteint près de 50 milliards d’euros par an. Le financement du système onusien repose essentiellement sur les contributions volontaires versées par les États membres, soit près de 33 milliards d’euros.

([50]) Soit le 13ème rang.

([51]) Soit le 10ème rang.

([52]) Par comparaison, les quotes-parts de la France correspondant au financement du budget régulier de l’ONU et des OMP devraient diminuer par rapport au triennat 2022-2024, passant respectivement de 4,3 % à 3,9 % et de 5,3 % à 4,6 %.

([53]) Par ailleurs, seulement 1,7 % des marchés publics de l’ONU ont été attribués à des entreprises chinoises en 2024, selon un double critère relatif au prix et à la qualité des prestations ou produits proposés. Cette proportion a vocation à s’accroître au cours des prochaines années.

([54]) À l’image du retrait des États-Unis de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en octobre 2017.

([55]) La France refuse ainsi de signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté par l’ONU en juillet 2017.

([56]) Dominique de Legge, Rachid Temal, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l’étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d’entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté, Lutte contre les influences étrangères malveillantes. Pour une mobilisation de toute la Nation face à la néo-guerre froide, Sénat, session de droit de juillet 2024, n°°739, 23 juillet 2024, p. 67.

([57]) Créé en 1961 en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemblée générale, le comité spécial C-24 est chargé d’étudier l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, conformément à la résolution n° 1514 adoptée par l’Assemblée générale le 14 décembre 1960.

([58]) Françaises depuis 1892, les Comores ont obtenu leur indépendance le 6 juillet 1975.

([59]) Créé en 2021 et rattaché au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), VIGINUM est le service technique et opérationnel de l’État chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères.

([60]) Résolution A/RES/76/6 adoptée par l’Assemblée générale le 15 novembre 2021.

([61]) Résolution A/79/L.2 adoptée par l’Assemblée générale le 22 septembre 2024.

([62]) Déclaration d’António Guterres devant l’Assemblée générale le 22 septembre 2024.

([63]) Mesure n° 38.

([64]) Mesure n° 45.

([65]) Mesure n° 54.

([66]) Mesures n°s 39 à 41.

([67]) Mesures n°s 47 à 52.

([68]) Les dix membres non-permanents sont élus pour une période de deux ans, selon une clef de répartition géographique.

([69]) Un quatrième groupe dit « Accountability, Coherence, Transparency » (ACT) réunit vingt-cinq États autour d’une réforme centrée sur les méthodes de travail du Conseil de sécurité, dans le but de renforcer les exigences de redevabilité, de transparence et d’ouverture de son fonctionnement.

([70]) Anciennement désigné « Coffee club ».

([71]) Cette proposition est promue par le groupe « C10 » composé de l’Algérie, de la Libye, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Congo, de la Guinée équatoriale, de l’Ouganda, de la Zambie, de la Namibie et du Kenya.

([72]) Cette réforme supposerait que les cinq membres permanents acceptent de renoncer à ce privilège.

([73]) Le droit de veto attribué aux cinq membres permanents est souvent présenté comme l’un des piliers du système onusien en ce qu’il permet aux grandes puissances de manifester leur désaccord sans être contraintes pour ce faire de quitter l’ONU. L’exercice du droit de veto remédie aux défauts du système décisionnel qui prévalait au sein de la Société des Nations (SDN) et qui reste considéré comme l’une des raisons de son échec.

([74]) À l’image du conseil d’administration du FMI et des organes directeurs de la Banque mondiale.

([75]) Nouvelle Banque de Développement (NBD) créée en 2015.

([76]) Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) créée en 2014.

([77]) Dans son étude préliminaire concernant un éventuel instrument normatif sur l’éthique de l’IA publiée en 2019, l’UNESCO définit l’IA comme « des machines capables de reproduire certaines fonctionnalités de l’intelligence humaine, notamment sur certaines caractéristiques telles que la perception, l’apprentissage, le raisonnement, la résolution de problèmes, l’interaction linguistiques et même la production d’un travail de création ».

([78]) Résolutions A/RES/78/241 du 22 décembre 2023, A/RES/78/L.49 du 21 mars 2024 et A/RES/78/311 du 1er juillet 2024.

([79]) Rapport de l’OPECST sur les nouveaux développements de l’IA, novembre 2024, p. 304.

([80]) Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024.

([81]) L’organisation à Nice en juin 2025 de la Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 25) permettra d’aborder ces questions.

([82]) Selon le rapport d’activité du secrétaire général des Nations unies publié en 2023, p. 49.

([83]) La France paye dans les délais impartis et en totalité sa contribution obligatoire au budget régulier de l’ONU et au budget des OMP.

([84]) Dont 720 millions de dollars imputables aux États-Unis et 381 millions de dollars imputables à la Chine.

([85]) Ces données ont été communiquées par le service économique et financier de la représentation permanente française à New York.

([86]) En l’absence d’unité de caisse, les organes principaux et subsidiaires de ONU, le financement des OMP et de l’ensemble des organisations et institutions rattachées aux Nations unies bénéficient de budgets distincts.

([87]) Le site internet des Nations unies fait ainsi apparaître les messages suivants : « En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions ».

([88]) L’envoi de contingents peut s’avérer lucratif pour de nombreux pays en développement qui en tirent une forme de rente de situation : l’ONU leur verse en effet 1 453 dollars par mois et par soldat mobilisé en tant que casque bleu.

([89]) Ce montant permet de financer l’assistance de 190 millions de personnes à travers le monde, alors que les besoins estimés par le chef des affaires humanitaires de l’ONU Tom Fletcher s’élèvent à 305 millions de personnes à ce jour.

([90]) À l’exception des procédures de libération pour lesquelles le CICR est autorisé à intervenir.

([91]) https://www.icrc.org/fr/communique-de-presse/le-bresil-la-chine-la-france-la-jordanie-le-kazakhstan-et-lafrique-du-sud