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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur le thème « recrutement et fidélisation : gagner la bataille des ressources humaines du ministère des Armées »
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Caroline COLOMBIER et M. Loïc KERVRAN,
Députés
——
SOMMAIRE
___
Pages
A. Une augmentation des effectifs
B. Un renforcement de l’attractivité, des compétences et de la fidélisation
C. Un accroissement des forces morales
A. Le recrutement du personnel militaire
1. L’amélioration du processus de recrutement et de la communication réalisée par les armées
2. Les types de contrats ou de statuts proposés
3. Les formations et les allocations
5. La contrainte des enquêtes d’habilitation, qui demeure nécessaire
B. Le recrutement des personnels civils
1. L’attractivité des métiers auxquels peuvent prétendre les personnels civils
2. La communication destinée au recrutement du personnel civil
A. Les mesures de fidélisation à destination des personnels militaires
B. Une forme singulière de départ de l’institution : le cas des désertions
C. Les mesures de fidélisation à destination des personnels civils
1. L’indicateur de mesure du moral, boussole de la politique de ressources humaines du ministère
4. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)
a. Les travaux conduits par le ministère des Armées en matière de rémunération indiciaire
b. Une progressivité renforcée de la grille indiciaire des militaires du rang
c. Une réévaluation de la grille indiciaire des sous-officiers pour préserver l’escalier social
e. Des mesures en faveur de l’encadrement supérieur
A. Le Conseil supérieur de la fonction militaire
B. Les associations profesionnelles nationales de militaires
C. Le dialogue social avec les syndicats représentatifs du ministère
A. Les réservistes de l’Armée de Terre
3. Sur l’emploi des réservistes
B. Les réservistes de l’Armée de l’Air et de l’Espace
C. Les réservistes de la Marine nationale
Liste des recommandations des rapporteurs
Annexe 1 : liste des personnes auditionnées par les rapporteurs et déplacements
Annexes 2 et 3 : carte des CIRFA et organigramme de l’armée de Terre
Cette mission d’information avait pour caractéristique de constituer une « réactivation » d’une précédente mission d’information créée sous la XVIe législature, portant le même intitulé, conduite par les mêmes co-rapporteurs, et dont les travaux avaient été interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée par le président de la République le 9 juin 2024.
Ainsi, dans le cadre des travaux menés sous la précédente et sous l’actuelle législature, les rapporteurs ont conduit 25 auditions de représentants du SGA, de l’EMA et de la DGA, mais également de chercheurs. Ils ont par ailleurs effectué deux déplacements : un premier déplacement à Tours, pour rencontrer les antennes locales des directions des ressources humaines des trois armées, et un second déplacement à la base aérienne de Creil, pour rencontrer des représentants de la DRM en charge des ressources humaines.
En conclusion, les rapporteurs formulent 12 recommandations. Convaincus que les ressources humaines constituent le cœur de la politique de défense de la Nation, ils formulent le vœu que le ministère des Armées renforce sa politique de ressources humaines du ministère des Armées en matière de recrutement et de fidélisation, condition sine qua non de la défense nationale.
Relever les défis du recrutement et de la fidélisation des ressources humaines du ministère des armées, pierre angulaire de la politique de défense de la nation
I. La gestion des ressources humaines du ministère des armées repose sur un dialogue entre la DRH-MD, en charge de la gouvernance et du pilotage de la politique de ressources humaines, et les états-majors, directions et services
La gouvernance des ressources humaines, définie dans une instruction ministérielle, répartit les compétences et les responsabilités des acteurs RH dans chacun des processus structurant la fonction RH :
Créée en 2007, la DRH‑MD exerce une autorité fonctionnelle RH sur les DRH des armées, directions et services depuis 2014 et détient la responsabilité déléguée du programme de titre 2 ministériel depuis 2019. Elle assure la représentation unique du ministère des Armées en interministériel. Sa place de « DRH groupe » en fait le levier ministériel pour la conduite des politiques RH et d’accompagnement social.
La DRH‑MD élabore et met en œuvre la politique RH du ministère pour l’ensemble du personnel militaire et civil. Elle est chargée de la prévision et du suivi des effectifs et de la masse salariale. Elle élabore et conduit la politique ministérielle en matière d’action sociale, de santé et de sécurité au travail et de reconversion. Elle assure l’animation du dialogue social (organisations syndicales) et de la concertation (conseil supérieur de la fonction militaire). Elle pilote le réseau des compétences métiers (32 familles professionnelles organisées en réseau).
Les moyens financiers affectés à la politique de ressources humaines du ministère des Armées du programme 212 hors T2 étaient de 207,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 198,4 millions d’euros en crédits de paiements décomposés comme suit :
En tant que « DRH groupe », la DRH‑MD se fixe des objectifs de performance en matière :
Conformément aux dispositions de l’arrêté du 6 juin 2023 portant organisation de la direction des ressources humaines, elle comprend différentes structures, qui ont évolué ces dernières années, notamment :
Par son positionnement et par l’étendue de ses compétences et de son champ d’expertise, la DRH‑MD travaille ainsi en relation très étroite avec les DRH d’armées, directions et services notamment au travers des comités ou collèges des DRH (en format élargi ou limité) afin de coordonner efficacement les nombreux dossiers d’actualité.
La spécificité de la condition militaire entraîne également l’existence d’une organisation originale de la fonction RH, qui est partagée entre le secrétariat général, le chef d’état-major des armées et les états-majors d’armées.
Au niveau central, le secrétaire général pour l’administration (SGA) du ministère assiste le ministre des Armées dans tous les domaines de l’administration générale du ministère et est, à ce titre, responsable de la fonction RH ministérielle. Il dispose, à cet égard, de l’autorité sur la DRH du ministère, dite DRH‑MD.
Le chef d’état-major des armées (CEMA) est responsable de l’expression du besoin RH des armées et participe à la définition de la politique RH du ministère dont il est responsable de la mise en œuvre au sein des armées. Il est également responsable de la formation dans les armées.
Les chefs d’état-major (CEM) des trois armées sont responsables de la cohérence de leur armée et participent à ce titre aux travaux de planification et de programmation des moyens et du format correspondant à leurs missions. Dans le cadre de l’élaboration de la politique des ressources humaines, ils proposent au DRH‑MD les mesures relatives à l’évolution statutaire des corps relevant de leur périmètre.
Ils sont responsables du recrutement, de la formation initiale et continue, de la discipline, du moral, de la concertation et de la condition des militaires, de l’élaboration des parcours professionnels et de carrière du personnel (à l’exception de l’encadrement supérieur militaire), de la gestion des effectifs, des emplois et des compétences et de l’administration du personnel (à l’exception, notable, des officiers généraux).
Pour ce faire, les chefs d’état‑major des trois armées disposent de directions des ressources humaines propres.
II. Le recrutement et la fidélisation des ressources humaines du ministère des armées SONt un des axes cardinaux de la loi de programmation militaire 2024-2030
La loi de programmation militaire (LPM) 2024‑2030, promulguée le 1er août 2023, s’inscrit dans le prolongement de la précédente LPM en portant l’effort de défense à 2 % de la richesse nationale à partir de 2025, soit 413 milliards d’euros de dépenses militaires prévues. Elle définit également, dans le domaine des ressources humaines, les orientations du ministère des Armées pour les sept prochaines années.
Pour atteindre ces objectifs, le ministère des Armées met en œuvre une série de mesures visant à fidéliser le personnel et à renforcer les carrières par une approche 360° dépassant la seule problématique des ressources humaines stricto sensu, en s’attachant à impliquer tous les acteurs pour améliorer les conditions de vie et de travail, le logement, l’organisation et l’infrastructure.
A. Une augmentation des effectifs
Le ministère des Armées bénéficie, au travers d’un calendrier pluriannuel, d’une augmentation significative de ses effectifs. Il vise à être composé de 275 000 équivalents temps plein (ETP), militaires et civils, en 2030, soit une augmentation de plus de 6 000 effectifs, conformément à l’article 7 de la LPM 2024-2030.
B. Un renforcement de l’attractivité, des compétences et de la fidélisation
L’atteinte de la cible repose sur la captation de nouvelles compétences et une fidélisation soutenue. C’est le sens des mesures destinées à soutenir la fidélisation visant notamment à préserver l’attractivité des carrières par une révision des grilles indiciaires militaires, dans le prolongement de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), mais aussi par une considération améliorée. Ainsi, la LPM intensifie les efforts au profit de la condition des militaires et personnels civils.
Doté de 750 millions d’euros, le « plan Famille II » vise à mieux compenser les contraintes opérationnelles, à accompagner la mobilité des militaires et à améliorer la vie quotidienne des familles dans les territoires. L’attention portée aux blessés et à leurs proches via une simplification administrative, une réparation au juste niveau des préjudices subis et un accompagnement renforcé, soutient cette ambition.
Le plan « Fidélisation 360 » lancé par le ministre des armées le 18 mars 2024 vient mettre en synergie l’ensemble des leviers pour permettre une réalisation effective des schémas d’emploi prévus dans la LPM.
C. Un accroissement des forces morales
La LPM met également l’accent sur la rénovation du lien Armée‑Nation, indispensable dans le contexte et menaces actuels. Principal vecteur de l’engagement citoyen, la réserve opérationnelle est repensée et se décline au travers d’un nouveau modèle afin de rejoindre l’équilibre d’un réserviste pour deux militaires d’active à horizon 2035. Un calendrier pluriannuel porte les effectifs des réservistes à 80 000 en 2030 puis à 105 000 au plus tard en 2035. Pour ce faire, des mesures visent à promouvoir l’engagement et le parcours au sein de la réserve opérationnelle. Deux mesures phares sont l’allongement de la limite d’âge de la réserve opérationnelle à 72 ans et l’augmentation du nombre de jours d’autorisation d’absence annuelle de 8 à 10 jours au sein des conventions collectives conclues entre le Ministère des Armées et les employeurs.
La politique salariale 2024 s’inscrit pleinement dans la politique des ressources humaines du ministère des Armées décrite dans la LPM 2024‑2030. Elle vise la fidélisation des catégories expertes tout en soutenant l’attractivité des nouvelles compétences.
En définitive, elle a pour objectif de valoriser l’expertise avec un effort sur des mesures indemnitaires ciblées pour des métiers en tension forte comme le numérique, le nucléaire, les filières Sociale et administrative, le Service de santé des armées (SSA), de renforcer les leviers de gestion individualisés (bourses, PLS, etc.), de continuer la mise en cohérence indiciaire d’ensemble entamée par les militaires du rang et les sous-officiers subalternes, l’indiciaire demeurant le premier levier de la reconnaissance du mérite pour les militaires et de prendre en compte les rendez‑vous salariaux incontournables dont l’augmentation annuelle des agents sous contrat.
III. L’année 2023 s’est caractérisée par des difficultés certes ponctuelles mais particulièrement alarmantes en termes de recrutement et de fidélisation des ressources humaines du ministère des armées
Si le secteur public est confronté à une moindre attractivité, c’est également le cas de l’ensemble des entreprises françaises. Près de la moitié d’entre elles indiquent connaître des difficultés de recrutement. En outre, s’agissant d’un certain nombre de métiers, il peut être observé que plus les contraintes du métier sont élevées, plus les difficultés à recruter sont importantes. Il s’agit par exemple du cas des métiers qui exigent une condition physique élevée, des horaires aléatoires, ou encore, du travail de nuit, qui sont autant de caractéristiques du métier militaire.
L’année 2023 a été au ministère des Armées une année difficile tant du point de vue des recrutements que des départs qui ont atteint un niveau particulièrement élevé.
Le tableau ci-dessous présente la chronique des schémas d’emplois exécutés entre 2019 et 2023 inclus, en rapport des schémas d’emploi inscrits en lois de finances initiales et des schémas d’emploi cibles de la gestion prévisionnelle sur la même période. Les données sont détaillées par catégories d’emplois, par population (personnel militaire et personnel civil) et au total du périmètre des effectifs sous plafond ministériel des emplois autorisés.
Chronique des schémas d’emplois du ministère sur la période de la LPM 2019‑2025
en ETP arrondis à l’entier |
Schéma d’emplois 2019 |
Schéma d’emplois 2020 |
||||
Catégorie |
SE LFI |
SE Cible |
SE exécuté |
SE LFI |
SE Cible |
SE exécuté |
Officiers |
+312 |
+403 |
+289 |
+286 |
+415 |
+490 |
Sous‑officiers |
0 |
-86 |
-484 |
-130 |
+485 |
-366 |
Militaires du rang |
-50 |
+439 |
+736 |
-172 |
-892 |
+136 |
Volontaires |
+20 |
-290 |
-340 |
-71 |
+541 |
-156 |
Total Militaires |
+282 |
+466 |
+201 |
-87 |
+549 |
+104 |
Catégorie A |
+315 |
+654 |
+798 |
+408 |
+147 |
+558 |
Catégorie B |
+433 |
+536 |
+710 |
+798 |
+571 |
+617 |
Catégorie C |
+250 |
+375 |
+217 |
+53 |
+106 |
-159 |
Ouvriers de l’État |
-814 |
-1 027 |
-927 |
-872 |
-1 024 |
-705 |
Total Civils |
+184 |
+538 |
+798 |
+387 |
-200 |
+312 |
TOTAL MINARM |
+466 |
+1 004 |
+999 |
+300 |
+349 |
+416 |
en ETP arrondis à l’entier |
Schéma d’emplois 2021 |
Schéma d’emplois 2022 |
||||
Catégorie |
SE LFI |
SE Cible |
SE exécuté |
SE LFI |
SE Cible |
SE exécuté |
Officiers |
+334 |
+223 |
+176 |
+512 |
+433 |
+273 |
Sous‑officiers |
-87 |
+345 |
-89 |
+303 |
+251 |
-622 |
Militaires du rang |
+28 |
-899 |
-836 |
-889 |
-537 |
-883 |
Volontaires |
-548 |
-54 |
-277 |
+147 |
+120 |
+132 |
Total Militaires |
-273 |
-385 |
-1 026 |
+73 |
+267 |
-1 100 |
Catégorie A |
+558 |
+604 |
+475 |
+394 |
+828 |
+431 |
Catégorie B |
+544 |
+628 |
+558 |
+599 |
+850 |
+341 |
Catégorie C |
+56 |
+108 |
+235 |
+272 |
+7 |
+29 |
Ouvriers de l’État |
-585 |
-722 |
-727 |
-845 |
-742 |
-720 |
Total Civils |
+573 |
+618 |
+541 |
+419 |
+943 |
+82 |
TOTAL MINARM |
+300 |
+233 |
-485 |
+492 |
+1 210 |
-1 018 |
en ETP arrondis à l’entier |
Schéma d’emplois 2023 |
||
Catégorie |
SE LFI |
SE Cible |
SE exécuté |
Officiers |
+610 |
+418 |
+260 |
Sous‑officiers |
+847 |
-52 |
-1 226 |
Militaires du rang |
-768 |
-342 |
-2 611 |
Volontaires |
+35 |
+12 |
-22 |
Total Militaires |
+724 |
+36 |
-3 599 |
Catégorie A |
+795 |
+1 008 |
+1 143 |
Catégorie B |
+742 |
+569 |
+759 |
Catégorie C |
+4 |
-206 |
-73 |
Ouvriers de l’État |
-718 |
-604 |
-744 |
Total Civils |
+823 |
+768 |
+1 084 |
TOTAL MINARM |
+1 547 |
+804 |
-2 515 |
Source : ministère des Armées
Les facteurs à l’origine des sous-réalisations successives entre 2021 et 2023, par rapport aux cibles d’effectifs programmées, sont pluriels, mais se concentrent sur les tendances suivantes qui ont affecté durablement le pilotage des effectifs par les gestionnaires RH du ministère.
IV. Afin de recruter personnels militaires et civils qualifiés et en nombre suffisant, le ministère des armées a mis en œuvre plusieurs politiques visant à renforcer son attractivité
En rupture avec la dynamique déflationniste qui prévalait depuis la fin de la Guerre froide, la LPM 2019‑2025 prévoyait une augmentation nette de 6 000 effectifs, qui a généré une ambitieuse politique de recrutement. L’absence de réalisation des schémas d’emplois a touché tant le personnel militaire que le personnel civil, notamment en 2022 (-2 228 ETP d’écart à la cible ministérielle), qui est pourtant l’année du plus important volume de recrutement (27 707 ETP) réalisé depuis 2017.
Le déficit d’effectifs s’est accru en 2023, marqué par une difficulté liée aux militaires du rang, particulièrement de l’armée de Terre. Ceci peut s’expliquer par un niveau de recrutement particulièrement élevé en 2022, qui a asséché le vivier de candidats en raison d’une sélectivité particulièrement basse. Les départs ont également été nombreux. Malgré cela, le ministère réalise encore 27 164 entrées nouvelles externes en 2023 (niveau identique aux 27 210 ETP de 2019). Parmi celles-ci, les recrutements de sous-officiers ont progressé par rapport à 2022, bien qu’en-deçà des prévisions. Les cibles de recrutement du personnel civil ont été augmentées en cours de gestion, dans la perspective et en anticipation des évolutions programmées en LPM 2024‑2030, et à défaut de réalisation des cibles globales d’effectifs attendues en personnel militaire. Cette situation s’inscrit dans un contexte de maintien d’importants volumes de recrutements programmés et de capacités de formation initiale portées à saturation par les gestionnaires militaires depuis 2022.
Le tableau ci-dessous livre la chronique des flux de recrutement et de départs définitifs exécutés entre 2018 et 2023 inclus, couvrant la période de la LPM 2019-2025 (encadré rouge).
Source : ministère des Armées
La non atteinte des schémas d’emplois du ministère, depuis 2021 et la sortie de crise sanitaire, ne s’explique pas tant par les difficultés de recrutement que par un déficit de fidélisation. Face à ce défi, l’effort des politiques de soutien à la fidélisation sera poursuivi sur la nouvelle LPM.
Les difficultés en matière de recrutement sont ainsi multiples, du fait que le ministère des Armées est le premier recruteur public, avec plus de 10 % de ses effectifs renouvelés chaque année, soit près de 27 000 agents. Ce niveau de recrutement très élevé paraît difficilement soutenable dans la durée car il résulte en partie d’un volume de départs trop important. Il s’agit donc d’agir prioritairement sur la fidélisation des agents en place (militaires et civils) tout en maintenant les efforts sur la notoriété du ministère et de la diversité des métiers.
À la différence de nombreux autres employeurs publics, le ministère des Armées assure une gestion de flux principalement liée à la prépondérance du personnel contractuel :
Dans ce contexte, le recrutement externe au ministère des Armées parvient à se maintenir à un niveau élevé, même si le taux de sélectivité connaît des évolutions différenciées :
Dans ce cadre, le défi du ministère des Armées est à la fois de recruter en volume et en qualité, dans plusieurs centaines de métiers différents, avec pour objectif de répondre à l’ambition opérationnelle et aux priorités politiques. À cet égard, la LPM 2024‑2030 cible les domaines qui font l’objet d’un effort de recrutement soutenu : spatial, quantique, cyber, drones, intelligence artificielle, notamment.
Le ministère des Armées doit donc continuer à jouer sur sa « marque employeur » afin d’être attractif pour capter les viviers utiles au recrutement et de maintenir de bons taux de sélection. Un ensemble de mesures est d’ores et déjà mis en œuvre par le ministère pour relever le défi du recrutement.
A. Le recrutement du personnel militaire
Pour atteindre les objectifs de recrutement du personnel militaire, le ministère fait appel à tous les outils disponibles : renouvellement des procédures de recrutement, financements innovants pour attirer des étudiants et des apprentis, levier indemnitaire pour attirer et fidéliser. Ces outils sont pérennisés et amplifiés, afin d’adapter la ressource à l’évolution rapide des métiers du ministère.
1. L’amélioration du processus de recrutement et de la communication réalisée par les armées
Les procédures de recrutement ont été renouvelées en utilisant de nouveaux outils disponibles, notamment numériques comme le coaching digital (application s’engager.fr), le e-ciblage marketing, le e-sourcing (en complément de la capacité de recrutement actuelle ciblée sur les compétences rares), la création d’un espace numérique pour le recrutement des agents sous contrat (e-recrutement) ou la mise en place d’un dispositif de mise en contact des étudiants et candidats au recrutement avec des référents métier civils et militaires dans les armées, directions et services (myjobglasses.fr).
Par ailleurs, des évènements spécifiques sont organisés dans le domaine cyber en appui de la communication relative au recrutement : Hackaton, Redteam, etc. À l’horizon fin 2024, un nouveau système d’information dédié au recrutement interarmées « Système du PArcours du RecrutemenT des Armées » (SPARTA) doit être déployé pour venir renforcer cette approche de digitalisation. Il convient de préciser que l’ensemble de ces mesures permettent aux armées de faire connaître ses métiers avec des temps d’échanges entre les potentiels candidats et les représentants du ministère dans le cadre de différentes configurations (forums, CIRFA, intervention dans des établissements scolaires, etc.).
À leur échelle, les armées, responsables du recrutement, mettent en œuvre des stratégies de communications adaptées. Par exemple, pour l’armée de Terre, 18,4 millions d’euros ont été investis en 2023 en actions marketing pour promouvoir le recrutement contre 17,7 millions d’euros en 2022. Les actions marketing ont permis de générer un volume de 80 000 rendez-vous en CIRFA, soit 4 % de plus qu’en 2022 pour répondre aux objectifs de recrutement. L’armée de l’Air et de l’Espace a également adapté son budget consacré à la campagne de recrutement (développement des spots TV et des affiches) pour le porter à 4 millions d’euros sur 3 ans.
En complément de cet effort particulier, l’AAE a consenti un effort supplémentaire pour adapter le budget global consacré au recrutement (14,4 millions d’euros en 2023 qui intègrent pour 10 millions d’euros le financement des espaces publicitaires). La Marine nationale consacre 10 millions d’euros, dont 5,4 millions d’euros dédiés à l’achat d’espaces publicitaires, et observe une augmentation sensible de la fréquentation du site lamarinerecrute.fr, des dépôts et des prises de rendez-vous en CIRFA.
2. Les types de contrats ou de statuts proposés
En plus de ces stratégies de communication, l’apprentissage militaire est développé avec des formations professionnelles qualifiantes proposées à des jeunes, en échange d’un engagement sous statut militaire.
Des partenariats ont été signés avec des écoles et des pôles universitaires (Pôle Pégase de l’armée de l’Air et de l’Espace, par exemple). Parallèlement, le recrutement de sous-officiers et de militaires du rang (MDR) est consolidé avec le renforcement ou la réouverture d’écoles de formation technique (École des mousses, École militaire préparatoire technique, École d’enseignement technique de l’armée de l’Air et de l’Espace, BTS Cyber, etc.)
En outre, le recrutement de militaires sous statut commissionné[1] est développé afin de permettre, pour des besoins en compétences spécifiques, de rester plus compétitif par rapport au monde du privé que le recrutement sous contrat classique (possibilité de recrutement à tous les niveaux de grade en fonction des critères d’âge, de diplôme et/ou d’expérience professionnelle). La possibilité de réengagement de militaires de carrière dans les 5 ans suivants la radiation des cadres (RDC) et le maintien en poste au-delà de la limite d’âge (3 ans maximum) ont également été mis en place.
3. Les formations et les allocations
Par ailleurs, des dispositifs de financements innovants ont été mis en place comme l’allocation financière spécifique de formation (AFSF) qui permet, depuis 2018, le versement d’une bourse sous condition de souscription à un contrat d’officier, de sous‑officier ou de militaires du rang, à l’issue d’une formation académique. Les scolarités financées recoupent un large spectre : du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au diplôme d’études spécialisé (praticiens) pour des allocations allant de 1 200 € à 20 000 €. L’enveloppe consacrée en 2023 est de 2 millions d’euros pour 416 allocations (consommation : 1,99 million d’euros pour 288 AFSF).
4. La réduction des écarts de rémunération avec d’autres entités du secteur public ou le secteur privé
La prime de lien au service (PLS) correspond à une indemnité attribuée aux militaires servant sous contrat ou en qualité de militaire de carrière, qui souscrivent un engagement à servir dans l’armée d’active, au sein d’une forme armée ou d’une formation rattachée, dont l’objectif est de renforcer la fidélisation des personnels en les incitant à prolonger leur engagement. Cette prime est en effet perçue à l’issue d’un engagement d’une durée pouvant varier selon le grade et le type d’engagement. Cette prime a été renforcée pour améliorer l’attractivité par le versement d’une prime en échange d’un lien service, avec un ciblage des catégories d’emploi et familles professionnelles en tension. Depuis 2019, ce dispositif a permis d’attirer en moyenne 1 619 nouveaux militaires chaque année.
Au total, depuis sa création, 8 094 militaires ont été recrutés avec une PLS « attractivité ». Les montants plafonds de la PLS ont été adaptés pour les familles professionnelles en forte concurrence avec le secteur privé :
5. La contrainte des enquêtes d’habilitation, qui demeure nécessaire
Au regard de la sensibilité des nombreux métiers proposés par les armées, l’enquête d’habilitation revêt une nécessité, plus encore dans un contexte de vives tensions sur le plan international. C’est le cas notamment à la DGSE, où cette question peut parfois représenter un frein au processus de recrutement, certains candidats finissant par se désister parce qu’ils ont trouvé un autre emploi. La lenteur du recrutement est en effet directement liée au processus d’habilitation. Ce problème est rencontré par tous les autres services de renseignement extérieur étrangers. Des mesures ont été mises en place pour raccourcir ce délai, en optimisant les processus, pour arriver à 5 à 6 mois en moyenne pour un contractuel, contre 9 à 12 mois il y a quelques années.
Il s’agit toutefois d’une contrainte assumée : le Service ne souhaite pas renoncer à ses procédures particulières en amont du recrutement, même si elles peuvent être améliorées. L’habilitation spéciale de sécurité est un outil fondamental qui apporte une garantie de sécurité indispensable.
Au sein du ministère, les enquêtes d’habilitation sont conduites par la DRSD. En 2023, la DRSD a reçu 467 000 demandes d’enquêtes administratives en 2023, correspondant à 1 demande toutes les 16 secondes.
Les délais dans lesquels la DRSD est tenue de rendre ses avis sont fixés réglementairement (180 jours pour les habilitations « très secret » et 90 jours pour les habilitations « secret »). Or, les objectifs internes du Service sont plus exigeants avec des cibles à 90 jours pour le « très secret » et 70 pour le « secret ». Dans ce contexte, 98 % des avis de la DRSD sont rendus dans les délais prescrits.
Il convient de rappeler que le processus d’habilitation implique plusieurs acteurs. La DRSD n’est responsable que du délai s’écoulant entre le moment de sa saisine et celui où elle rend son avis. Il revient donc aux employeurs d’être diligents dans la transmission de leurs demandes d’habilitation et dans la prise de décision relative à l’habilitation.
Afin de ne pas pénaliser le processus de recrutement, la DRSD a développé des systèmes d’information permettant d’accélérer le traitement des demandes :
B. Le recrutement des personnels civils
Concernant le personnel civil, la problématique est double : il s’agit à la fois d’attirer (un besoin en recrutement de plus en plus important du fait d’une pyramide des âges élevée) et de fidéliser, les nouvelles générations étant moins attirées par la sécurité de l’emploi et le statut de fonctionnaire, d’une part et celles-ci étant également beaucoup plus mobiles, d’autre part.
Le recrutement de contractuels est possible pour un besoin permanent :
1. L’attractivité des métiers auxquels peuvent prétendre les personnels civils
En termes d’attractivité, le constat est fait d’une baisse des viviers dans les domaines techniques recherchés très concurrentiels (renseignement, cyberdéfense, systèmes d’information et de communication, infrastructure, logistique).
Afin d’y remédier, plusieurs mesures ont été mises en œuvre :
Par ailleurs, les modes de recrutement au sein du ministère des Armées sont multiples. Le recrutement peut être réalisé par l’organisation de concours ministériels et interministériels permettant d’accéder à la qualité d’agent titulaire, avec des statuts variés. Il peut également avoir lieu par recrutement sous différentes formes de contrats (à durée déterminée, indéterminée, contrat de projet, contrat d’etc.).
2. La communication destinée au recrutement du personnel civil
Une campagne de communication digitale est mise en œuvre pour le recrutement des apprentis et relayée au niveau des centres ministériels de gestion (CMG), afin de mettre en avant la variété des métiers proposés par le ministère des Armées.
Le ministère mène une stratégie de communication globale de recrutement du personnel civil, avec la marque employeur interministérielle « Civils de la Défense » depuis fin 2022, avec une visibilité de la marque employeur via l’utilisation de tous les canaux de communication virtuels et physiques, ensemble d’actions pour structurer les relations avec les établissements de formation (partenariat en cours de finalisation avec le bureau national des élèves ingénieurs par exemple) et des acteurs de l’emploi (notamment France Travail).
V. Le ministère des Armées a également déployé plusieurs outils, rassemblés sous la bannière du plan « fidélisation 360 », pour fidéliser les ressources humaines recrutées
L’année 2020 a été marquée par la crise de la Covid-19, qui a engendré de moindres départs définitifs (‑8 %, avec 21 619 ETP contre 23 373 ETP en 2019) en raison des incertitudes pesant sur les perspectives d’emploi hors du ministère. L’année 2021 (23 590 ETP) a marqué un retour aux niveaux de sorties d’avant-crise.
En 2023, le ministère des Armées faisait toujours face à des difficultés de fidélisation dans un marché du travail très concurrentiel. Les volumes de départs demeuraient plus importants que programmés (25 496 ETP de sorties définitives, contre 24 952 ETP en 2022, et au plus haut niveau depuis 2017). Les sorties définitives couvraient notamment les départs à la retraite, les non-renouvellements de contrat, les démissions et les décès.
Aussi, le ministère travaille à renforcer son attractivité et la fidélisation de ses effectifs, par des moyens financiers, juridiques ou liés aux conditions de travail, au vu des difficultés qui persistent particulièrement pour les métiers d’expertise dans les filières en tension. Pour ceux-ci, le ministère est mis en forte concurrence avec les autres employeurs publics et privés, en particulier pour le personnel aux compétences immédiatement transposables tels que les sous-officiers et certains officiers dans les métiers de l’aéronautique et du nucléaire, les informaticiens civils et militaires dans le domaine de la cybersécurité et du renseignement, les ingénieurs cadres technico-commerciaux de l’armement.
Concernant le personnel militaire, le déficit de fidélisation se traduit, d’une part, par la dénonciation des contrats en cours de période probatoire, voire par anticipation avant échéance et, d’autre part, par le non renouvellement des contrats arrivés à terme.
Les tendances observées dans les armées s’expliquent en partie par le contexte socio‑économique. Le marché de l’emploi est fortement concurrentiel avec un taux de chômage historiquement bas à 7,5 % au 4e trimestre 2023 en France (hors Mayotte). Il est de 6,6 % chez les 25‑48 ans. Cela a notamment pour effet d’accroître le pouvoir de négociation des chercheurs d’emploi.
En outre, le rapport au travail évolue chez les jeunes, comme en témoignent certaines études, avec une préférence pour le télétravail. Un autre élément d’explication réside dans l’importance d’être en phase avec la culture et la stratégie de l’employeur et l’importance de l’équilibre vie personnelle‑vie professionnelle. Des évolutions en termes de souhait de mobilité professionnelle sont également notables : 40 % des jeunes se projettent moins de 3 ans sur leur poste actuel, tandis que 42 % des jeunes quittant leur premier emploi avant un an.
Enfin, le retour de la guerre en Europe depuis 2022 a un effet ambivalent qu’il n’est pas aisé de mesurer : il met en lumière la politique de défense et le rôle essentiel des armées pour une jeunesse en quête de sens, mais peut également générer des incertitudes, notamment pour les familles.
La problématique de la fidélisation apparaît ainsi au premier rang des préoccupations du ministère des Armées, raison pour laquelle le ministère des Armées a décidé de mettre en œuvre le plan « Fidélisation à 360° ».
Il apparaît fondamental de réduire les flux de départs pour non seulement accroître le niveau d’expertise des militaires et civils du ministère mais également pour reprendre la maîtrise de nos flux et réduire le volume de recrutement pour revenir à un niveau qui permet de retrouver des taux de sélection à l’entrée qui garantisse la qualité du recrutement
En effet, le constat est fait que les militaires restent en moyenne moins longtemps dans l’institution. Ainsi, l’ancienneté moyenne au départ a diminué pour toutes les catégories d’emploi depuis 10 ans, atteignant :
Or, si les 78 000 militaires du rang restaient 6 ans au lieu de 4,3 ans dans l’institution en moyenne, cela économiserait 5 000 recrutements pour renouveler les effectifs (13 000 au lieu de 18 000).
Le flux de départs du ministère s’intensifie. Il est passé de 8,3 % de l’effectif total en 2018 (‑22 000) à 9,6 % en 2023 (‑25 000). Il est plus particulièrement marqué pour certaines catégories : les sous‑officiers (6 800 départs en 2023 contre 5 800 en 2019) et les officiers (1 600 départs en, 2023 contre 1 250 en 2019). En revanche, les départs sont relativement stables pour les militaires du rang sur la période.
En outre, ces départs sont de plus en plus à l’initiative du personnel du ministère des Armées : 15 000 en 2022 ; en hausse de 5,6 % depuis 2018. En particulier, les non-renouvellements de contrats à l’initiative du militaire ont augmenté sensiblement depuis 2018 (de 1 700 à 2 900 par an). Depuis 2020, ces non-renouvellements de contrats militaires à l’initiative du militaire ont dépassé ceux à l’initiative de l’administration, signe d’une bascule du rapport de force entre employeur et agent.
Comme pour la problématique du recrutement, un certain nombre de mesures ont été prises pour faire face au défi de la fidélisation.
A. Les mesures de fidélisation à destination des personnels militaires
La gestion des ressources humaines des armées est soumise à un impératif de jeunesse et à un besoin de technicité élevé, qui se traduisent par un modèle de flux de recrutements et de départs, afin de répondre, en permanence, à tous les volets des contrats opérationnels. Ceci implique également une exigence élevée en matière de formation initiale et de spécialité, mais aussi en matière de construction de parcours professionnels.
La fidélisation est donc un enjeu majeur visant à conserver au sein du ministère une grande partie de la ressource recrutée depuis 2015, notamment des militaires du rang, ainsi que les compétences dans les domaines clés compte tenu de la concurrence du secteur civil (nucléaire, renseignement, SIC/Cyber, etc.).
Le plan « fidélisation 360 » lancé par le ministre des Armées vise à répondre aux principales difficultés en faisant effort pour :
Ces axes d’efforts permettent d’accentuer les actions déjà entreprises en matière de fidélisation et d’en démultiplier les effets :
En outre, le plan Famille 2, porté par la LPM 2024‑2030, doté de 750 M€ de crédits sur 7 ans (44 % de plus que pour le Plan Famille 1), avec pour objectif de fidéliser en particulier les cadres expérimentés, en atténuant les conséquences des sujétions militaires sur la vie de la famille du militaire, en particulier la mobilité et l’absence opérationnelle.
Par ailleurs, il existe des exemples de mesures non budgétaires déjà initiées tels que la publication d’un guide pour les familles concernées par le handicap (guide devenu une référence en interministériel), l’extension aux enfants scolarisés en maternelle de l’aide ASA à l’accueil périscolaire, la pérennisation des réductions ferroviaires pour les militaires et leur famille avec hausse des réductions accordées (de 25 % à 40 %).
« L’escalier social », particulièrement développé au sein du ministère (41 % des sous‑officiers sont d’anciens militaires du rang, 46 % des officiers sont d’anciens sous‑officiers), participe également de la fidélisation. Si la formation militaire initiale consiste à ancrer le personnel engagé dans la culture de milieu et les valeurs de son armée, très liées à son domaine d’emploi, elle est aussi un vecteur d’intégration et de socialisation pour des jeunes issus d’origines diverses. La promotion sociale vient récompenser les efforts fournis par le personnel méritant, désireux de monter en compétences et en responsabilités (passage d’examens et de concours).
Suivi des changements de catégories parmi le personnel militaire de 2019 à 2022
|
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
de S-OFF à OFF |
467 |
435 |
379 |
333 |
443 |
504 |
de MDR à OFF |
24 |
14 |
5 |
11 |
24 |
15 |
de MDR à S-OFF |
2 561 |
2 121 |
2 302 |
2 745 |
4 027 |
2 933 |
de Vol. À MDR |
953 |
869 |
847 |
770 |
832 |
702 |
Total |
4 005 |
3 439 |
3 533 |
3 859 |
5 326 |
4 154 |
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Évolution 2012‑2022 |
de S-OFF à OFF |
579 |
514 |
536 |
567 |
530 |
13 % |
de MDR à OFF |
26 |
18 |
25 |
28 |
18 |
‑25 % |
de MDR à S-OFF |
2 786 |
2 820 |
2 434 |
2 625 |
2 844 |
11 % |
de Vol. À MDR |
887 |
1 035 |
666 |
717 |
401 |
‑58 % |
Total |
4 278 |
4 387 |
3 661 |
3 937 |
3 793 |
‑5 % |
Source : bilan social, RSU 2021 et 2022 (en effectifs physiques). Champ : ensemble du personnel militaire sous PMEA du ministère des Armées ayant connu un changement de catégorie hors première affectation ou sortie d’école.
Plus généralement, la formation permet de proposer des parcours professionnels motivants. Elle favorise également l’obtention d’un niveau optimal de compétences, garantissant l’employabilité du personnel tout au long de sa carrière et lui assurant une bonne polyvalence, indispensable en opérations. Au travers du dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE), qui complète utilement les parcours académiques, chaque personnel est acteur de sa formation.
B. Une forme singulière de départ de l’institution : le cas des désertions
Selon les données recueillies par l’EMA, une augmentation des désertions a été observée, notamment dans l’armée de Terre et l’armée de l’Air et de l’Espace, avec un pic particulier en 2022 pour l’armée de Terre. La Marine nationale, en revanche, n’a pas connu d’évolution significative en termes de désertions.
|
|
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Nombre de désertions |
AdT |
909 |
943 |
804 |
768 |
893 |
1 418 |
1 188 |
MN |
64 |
45 |
49 |
43 |
44 |
50 |
31 |
|
AAE |
- |
8 |
13 |
23 |
14 |
17 |
34 |
Sur le plan juridique, la désertion, constatée officiellement à J+7 après l’absence, fait systématiquement l’objet d’une dénonciation au titre de l’article 698 du code de procédure pénale. En effet, la désertion militaire est un délit réprimé par une peine d’emprisonnement pouvant aller en temps de paix, de 5 à 10 ans.
Le plus souvent, les peines prononcées sont des peines d’emprisonnement assorties d’un sursis simple allant de 15 jours à 6 mois, voire par un classement sans suite selon les juridictions.
Les peines constatées actuellement ne sont pas dissuasives : par exemple, la section AC3 du Parquet de Paris - affaires militaires et atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation - classe systématiquement sans suite.
Par ailleurs, toutes les juridictions de droit commun spécialisées (seules compétentes pour juger de désertions) n’ont pas la même politique pénale : ainsi, les jugements intervenant une fois l’intéressé hors de l’institution militaire, le suivi par les armées des « effets » produits est peu aisé.
Au regard de ce constat, la radiation pour désertion, surtout en temps de paix, peut être comprise comme une forme de rupture unilatérale du contrat de travail. Les DRH d’armées ont mis en place des avenants réductifs aux contrats pour éviter et limiter ce flux de déserteurs. Cependant, pour certains militaires, la désertion reste une solution de facilité, avec effet immédiat.
Les DRH des trois armées indiquent qu’il est difficile d’identifier des causes génériques de désertion au vu du volume relativement réduit des occurrences par rapport aux effectifs gérés ainsi que de la singularité des cas.
En effet, chaque cas est traité individuellement, avec une saisine quasi-systématique du procureur de la République et une approche mesurée pour la résiliation des contrats. Il est à noter que les peines prononcées pour désertion tendent à être des sanctions pénales légères, principalement des peines d’emprisonnement avec sursis.
Sur le plan statistique, l’évolution récente est à la hausse, ce qui peut s’expliquer essentiellement par trois facteurs :
La conjugaison de ces deux derniers phénomènes contribue à expliquer le recours à la désertion pour obtenir une rupture de contrat refusée par le gestionnaire. S’agissant des causes profondes de la désertion, un déserteur ne rend évidemment pas compte des raisons de son départ. Il y a toutefois nécessairement un problème d’adaptation à la vie militaire et d’acceptation des singularités et contraintes de cet engagement. Il y a aussi une part de versatilité et d’immaturité qui restera toujours difficile à modéliser.
Sur le long terme, les armées développent des mesures directes et indirectes pour lutter contre la désertion :
Enfin, pour ce qui relève plus précisément des condamnations établies par la justice, seule l’Armée de l’Air et de l’Espace est en mesure d’établir un constat précis à ce stade.
C. Les mesures de fidélisation à destination des personnels civils
1. L’indicateur de mesure du moral, boussole de la politique de ressources humaines du ministère
Depuis 15 ans, le ministère des Armées suit l’évolution du moral de son personnel, au moyen d’une enquête annuelle pour évaluer les risques en matière de fidélisation. L’indicateur de mesure du moral (I2M) permet de mesurer les motifs de satisfaction et d’insatisfaction des agents pour y remédier. Les motifs de satisfaction du personnel militaire et civil sont autant d’atouts à cultiver pour le ministère des Armées, dont ils traduisent les forces humaines :
Pour autant, les motifs d’insatisfaction sont clairement identifiés :
Le plan « Fidélisation 360 » lancé le 18 mars 2024 par le ministre des Armées répond au double défi du recrutement et de la fidélisation, avec une approche volontairement globale et multisectorielle.
Six axes sont identifiés :
Pour chacun de ces axes, des mesures sont proposées, dans le domaine des ressources humaines, du logement, de l’organisation et de la modernisation, ainsi que de l’infrastructure. C’est le cas de la compensation des sujétions qui comprend un volet RH, avec la proposition d’intégrer une part de l’indemnitaire liée au statut militaire dans l’assiette de la pension, avec un mécanisme progressif adossé à la durée de service. Ce volet, qui va concerner tous les militaires, est également complété par un ensemble de mesures en faveur de l’habitat (faciliter l’accès à la propriété), à l’action sociale ou à la santé.
Plusieurs actions ont d’ores et déjà été menées depuis le 18 mars, dans chacun des différents champs d’action de la démarche Fidélisation 360. Par exemple, concernant la rémunération du personnel militaire, conformément aux dispositions de la LPM, les sous-officiers subalternes verront sur la solde d’avril 2024 le paiement des nouvelles grilles indiciaires, avant les sous-officiers supérieurs au mois d’octobre 2024 et les officiers en 2025. Par ailleurs, les mesures de revalorisation indemnitaire des fonctionnaires civils du ministère entreront en vigueur en juin 2024.
Dans le cadre de la mise en place des déménagements sans reste à charge pour les militaires mutés, le commissariat des armées a mis en place en ligne d’assistance dédiée et doit finaliser dans les prochains mois la révision du cadre juridique des plates-formes multidéménageurs. S’agissant de l’individualisation et de la dynamisation des parcours de carrière, la Marine nationale et l’armée de l’Air et de l’Espace développent les conventions avec les industriels afin de favoriser les parcours croisés et maîtriser la concurrence dans les filières professionnelles en tension. L’ensemble des armées, directions et services du ministère est mobilisé dans la mise en œuvre des mesures, dont l’avancée fait l’objet du compte rendu mensuel au Ministre.
D’une ampleur inégalée, suscitant beaucoup d’attentes de la part des militaires et civils du ministère, le plan « Fidélisation 360 » ne part toutefois pas d’une page blanche, mais peut s’appuyer sur des mesures sectorielles existantes dont elle démultiplie et valorise les effets ; c’est le cas des « plans famille » et de la nouvelle politique de rémunération du militaire (NPRM).
Le plan Famille 1 (2018‑2022), porté par une allocation de 528 M€ de crédits sur la durée de la LPM 2019‑2025 comprenait 61 mesures visant à atténuer les impacts des sujétions spécifiques rencontrées par le militaire et sa famille au quotidien, dans des domaines concrets : condition du personnel, action sociale, formation professionnelle et emploi des conjoints, logement familial (métropole et outre-mer) et hébergement.
Ce premier plan a permis des avancées notables :
Le plan Famille 2 comprend 44 mesures, portant un niveau d’ambition encore plus élevé. Il a été dévoilé en mars 2023 après une concertation approfondie menée à l’automne 2022. Adossé à la LPM 2024‑2030, il est doté de 750 millions d’euros de crédits sur 7 ans, soit plus de 40 % supplémentaires par rapport au précédent plan. Il se décline en trois axes :
Ses objectifs sont notamment de :
Si ce second plan a officiellement débuté au 1er janvier 2024, 73 % des mesures sont déjà engagées et certaines sont mises en œuvre, comme pour ce qui est de :
L’offre mise en place par l’opérateur social du ministère des Armées, si elle est insuffisamment connue voire utilisée, recueille des taux de satisfaction très élevés :
4. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)
La NPRM, déployée entre 2021 et octobre 2023, a rénové l’architecture indemnitaire de la solde afin de l’articuler autour de trois axes lisibles et revalorisés. Le militaire est rémunéré pour ce qu’il est (son statut et ses obligations), pour ce qu’il fait (son engagement militaire et ses responsabilités) et pour ce qu’il apporte (ses qualifications et ses compétences).
La NPRM permet ainsi de mieux reconnaître les contraintes et les sujétions des militaires, adapter la solde aux nouveaux enjeux sociétaux et valoriser les nouvelles compétences.
a. Les travaux conduits par le ministère des Armées en matière de rémunération indiciaire
Ces travaux, conduits dans le cadre de la LPM 2024‑2030, devraient aboutir à des évolutions échelonnées, selon les catégories, de 2023 à 2025. Comme indiqué précédemment, 41 % des sous-officiers sont d’anciens militaires du rang et 46 % des officiers sont d’anciens sous-officiers. Afin de conserver toute sa force à cet escalier social, modèle RH des armées fondé sur l’effort et le mérite, afin également d’éviter un déclassement par rapport au reste de la fonction publique, les grilles indiciaires doivent retrouver leur progressivité.
Un effort particulier sera porté sur les cadres expérimentés, cheville ouvrière de la future transformation des armées, détenteurs des compétences techniques et encadrement de contact afin d’aboutir à une mise en cohérence indiciaire d’ensemble (militaires du rang, sous‑officiers et officiers), l’indiciaire demeurant le premier levier de la reconnaissance du mérite pour les militaires.
b. Une progressivité renforcée de la grille indiciaire des militaires du rang
Afin de rétablir la progressivité de la grille indiciaire des militaires du rang, à laquelle ne répondent qu’imparfaitement les mesures interministérielles, une mesure complémentaire de détassement et de simplification a été introduite au 1er octobre 2023 pour une mise en paiement sur la solde d’avril 2024. Ainsi, la progressivité de la grille est préservée par l’attribution de points complémentaires afin que tous les échelons bénéficient d’un indice majoré différencié.
c. Une réévaluation de la grille indiciaire des sous-officiers pour préserver l’escalier social
L’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires à certains échelons des premiers grades des sous‑officiers entrée en application le 1er juillet 2023 (mise en paiement avec effet rétroactif sur la solde de novembre 2023) aboutit à ce que les échelons 1 et 2 des échelles de soldes 2 et 3 des sergents et les échelons 4 et 5 des sergents-chefs de l’échelle de solde 3 soient rémunérés à un même indice. C’est pourquoi une mesure de « détassement » de la grille indiciaire pour les sous‑officiers subalternes a été mise en œuvre le 1er octobre 2023 (mise en paiement sur la solde d’avril 2024).
Enfin, pour distinguer la prise de responsabilités, valoriser l’investissement, rendre le changement de catégorie attrayant pour les militaires du rang et, en définitive, répondre au défi de fidélisation, une revalorisation de la grille des sous-officiers supérieurs est prévue à compter du 1er octobre 2024.
d. Une différenciation des parcours indiciaires des officiers en fonction des potentiels et performances constatés
Une grille indiciaire des officiers rénovée sera mise en place en 2025 pour conserver à toute la carrière de l’officier une dynamique indiciaire à des fins de fidélisation. Cette nouvelle grille créé trois échelles de solde distinctes :
e. Des mesures en faveur de l’encadrement supérieur
Le ministère des Armées poursuit la mise en application des mesures interministérielles de revalorisation indiciaire (et indemnitaire) de l’encadrement supérieur qui ont accompagné la réforme de la haute fonction publique (HFP). L’entrée en vigueur en 2024 du statut d’emploi de directeur territorial du ministère des Armées permettra de valoriser l’occupation de postes d’encadrement supérieur en région par des administrateurs de l’État, autres corps A+, voire des attachés ou ingénieurs civils de la défense.
f. La poursuite et l’extension de la majoration de traitement indiciaire pour atteindre graduellement 49 points d’indice
Cette mesure consiste à transposer au profit du personnel du service de santé des armées (SSA) l’une des mesures phares du Plan Ségur de la Santé (création d’un complément de traitement indiciaire de 49 points à l’ensemble du personnel). Pour l’année 2024, cette mesure a été poursuivie au profit des soignants civils et militaires paramédicaux et psychologues (hors praticiens).
VI. Certains défis en matière de recrutement et de fidélisation peuvent être communs aux personnels civils et aux personnels militaires
Les défis de recrutement et de fidélisation sont communs au personnel militaire et au personnel civil lorsqu’on les examine par le prisme de la famille professionnelle. Par exemple, dans la famille professionnelle « Maintien en condition aéronautique opérationnelle » (MCO) composée de militaires et de civils, le ministère propose des réponses adaptées et coordonnées. L’effort du ministère porte à la fois sur les sous-officiers au profit de laquelle 96 % des primes de lien au service ont été distribuées en 2022, du fait de la concurrence du secteur privé, mais également sur la population de civils.
Fort d’environ 5 000 postes dont un peu plus de 3 500 relevant de la famille professionnelle MCO, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé) présente la particularité d’être constitué à 82 % de personnels civils ; l’essentiel de ses RH se trouvant dans la filière « maintenance aéronautique » (MAE) avec une part importante d’ouvriers d’État (OE) sous gestion du Service des ressources humaines civiles (SRHC). S’appuyant sur une vision pluriannuelle en effectifs identifiant des difficultés de pourvois de la ressource, le SIAé est engagé depuis quatre ans dans un processus de civilianisation qui se traduit par une déflation des effectifs militaires induisant une compensation par du recrutement de PC. Des travaux sont en cours pour envisager des leviers RH adaptés. Un projet de prime au profit des OE est en cours de réflexion, qui fonctionnerait selon le même principe que la PLS.
S’agissant de la DGSE, les difficultés liées aux besoins en volumes importants sur certains métiers en tension, pour lesquels les viviers sont soit rares soit très recherchés sur le marché du travail ou au sein des Armées, valent tant pour les personnels militaires que les personnels civils : SIC, cyber, big data, nouveaux champs technologiques (intelligence artificielle, domaine quantique), langues dites « rares », ainsi que certains métiers du soutien (immobilier-bâtiment-infrastructure, achats-finances). Si le concours de catégorie A reste très attractif, la participation à ceux de catégories B, bien qu’en légère hausse par rapport à 2022, reste très moyenne : on note en effet depuis quelques années des difficultés à attirer des candidats pour les concours de catégories B (ainsi que des difficultés sur le recrutement contractuel B), ce qui pourrait être en partie lié à la politique très volontariste de l’État en matière d’apprentis et à l’augmentation significative de leur nombre : de moins en moins d’étudiants arrêtent leurs études entre Bac et Bac+2 et poursuivent de plus en plus jusqu’à Bac+4 ou +5 ; le vivier des candidats pouvant être recrutés en catégorie B ou intéressés par cette catégorie de recrutement se restreint ainsi. Pour les sous-officiers, le déficit se situant dans les Armées, il est donc difficile de trouver la ressource. Il est à noter qu’en matière de recrutement en catégories C titulaires, la participation reste traditionnellement très faible. Toutefois, le besoin en catégories C reste limité et en diminution et le recrutement contractuel peut y pourvoir.
A. Les défis auxquels le ministère des armées doit faire face varient, pour les personnels militaires, selon les grades
Les différences de statuts, de parcours professionnels et des sollicitations associées entraînent des différences en matière d’attractivité et de fidélisation entre les catégories d’emploi (militaires du rang, sous-officiers et officiers). Les spécificités des métiers et des compétences recherchées ont également une incidence sur le recrutement et la fidélisation. Enfin la concurrence du marché du travail dans certains domaines (NUC, SIC, etc.) a aussi des conséquences sur le recrutement et la fidélisation.
À ce titre, le ministère des Armées déploie une politique d’attractivité au recrutement adaptée et ciblée (partenariat avec certaines écoles, apprentissage, PLS, grilles indiciaires) selon les niveaux de grades et compétences recherchées. Globalement, le recrutement officier est à un bon niveau, le ministère restant compétitif. Pour les militaires du rang, le faible niveau de recrutement en 2023 s’explique principalement par l’assèchement du vivier lié aux efforts de recrutement en fin d’année 2022. Concernant la fidélisation, un des objectifs du ministère est de conserver les sous-officiers expérimentés. La PLS s’est vue renforcée dès 2023 et continue en 2024, y compris au‑delà, même si davantage de souplesse est à rechercher dans son utilisation.
Les métiers à forte sollicitation opérationnelle présentent aussi des défis différents en matière d’attractivité et de fidélisation. Les gestionnaires adaptent leurs efforts sur ces domaines qui touchent directement la tenue des contrats opérationnels, dans l’utilisation de leurs leviers (renforcement de la PLS pour le volontariat sous‑marin, augmentation du plafond de la PLS pour les pilotes ou les infirmiers de bloc opératoire, etc.).
Enfin, les contraintes du statut militaire ne se matérialisent pas selon la même fréquence en fonction des catégories. Ainsi, l’obligation de mobilité s’applique peu aux militaires du rang mais concerne largement les sous-officiers et davantage encore les officiers. En revanche, les militaires du rang sont davantage confrontés aux sujétions liées à l’engagement opérationnel. En 2022, les militaires du rang représentaient 86 % des dénonciations de contrat pendant la période probatoire. Cette population se distingue aussi par sa surreprésentation dans les désertions (97 %), les réformes (69 %) et les non‑renouvellements de contrat du fait de l’autorité (80 %). Les militaires du rang sont une population très volatile. Pourtant, ils constituent le vivier indispensable permettant de générer les sous‑officiers (41 % des sous‑officiers sont d’anciens militaires du rang). La préservation de l’attractivité de l’escalier social a mené à une rémunération peu évolutive pour les militaires du rang ne souhaitant pas passer à la catégorie supérieure.
À titre d’illustration, en matière de recrutement, la principale difficulté pour la DRSD concerne les sous-officiers qui constituent une ressource très demandée et dont le recrutement est très contraint. Au sein de la DRSD, cette problématique se ressent particulièrement sur le recrutement des inspecteurs de sécurité et de défense (ISD) pour lesquels la totalité des effectifs n’est pas pourvue.
Les postes d’inspecteurs de sécurité et de défense ne sont armés qu’à hauteur de 80 %. Le déficit est plus important pour l’armée de l’Air et de l’Espace où le taux d’armement n’atteint que 63 % (contre 85 % pour l’armée de Terre et 83 % pour la Marine nationale). Chaque année, la DRSD mène une campagne de recrutement d’ISD auprès des armées au cours de laquelle les volontaires pour intégrer le Service sont identifiés. Or, tous les volontaires ne sont pas recrutés en qualité d’ISD compte tenu des conditions pour intégrer cette fonction et de la volonté des armées de conserver certains agents. À ce déficit, qui ne se résorbe pas, s’ajoutent les départs effectifs et prévisibles des agents. La plupart des départs d’ISD sont des démissions avec retraite à jouissance immédiate. Ils sont rarement atteints par la limite d’âge.
Les départs subis des officiers sont également un sujet de préoccupation : dès lors qu’ils atteignent la borne de la retraite à jouissance immédiate (RJI), il n’y a plus de moyens de les retenir. En 2023, 45 militaires toutes catégories confondues (sur 148 sorties au total) sont ainsi partis suite à démission ou résiliation.
B. S’agissant des personnels civils, les défis en matière de recrutement et de fidélisation ne sont pas toujours identiques selon le statut considéré
Le recrutement du personnel civil sous contrat a été multiplié par 2,2 entre 2017 et 2023 (+2 039 ETP, soit +115 %). À ce titre, la DGA, le SSA et la DGSE présentent des hausses significatives. Le principal gestionnaire du personnel civil du ministère, le Service des ressources humaines civiles (SRHC), participe également à cette hausse, en doublant ses entrées nouvelles externes de contractuels sur la période 2018‑2023.
Au niveau ministériel, alors que les agents contractuels représentaient 56 % des entrées nouvelles externes en 2017-2018, leur proportion est désormais de 68 % des recrutements d’agents civils en 2023. Pour le seul gestionnaire SRHC, qui recrute 92 % des agents titulaires recrutés au ministère en 2023, la part des contractuels évolue de 38 % en 2017 en 2018 à 54 % en 2023.
La physionomie de ces recrutements montre que les nouvelles générations sont moins attirées par le concours et le statut de fonctionnaire. En effet, la voie du concours est moins attractive que la voie du recrutement par contrat. Ce constat n’est pas propre au ministère des Armées et est partagé avec l’ensemble des ministères. C’est particulièrement le cas dans les domaines techniques dans lesquels il existe une concurrence directe avec le secteur privé. Ainsi, en 2023, seuls 67 % des postes ouverts au concours d’ingénieur civil de la défense (ICD) ont été pourvus, 73 % des postes ouverts aux concours de techniciens supérieurs d’études et de fabrications (TSEF) 2e et 3e classe. Les recrutements des ouvriers de l’État (OE) souffrent du même déficit d’attractivité avec en moyenne peu de candidats pour les essais et un taux de réalisation des cibles de recrutement 2023 de 83 %.
En outre, les décisions gouvernementales visant à créer des référentiels de rémunération pour les agents sous contrat dans le domaine du numérique (et demain dans le domaine du renseignement ou de l’immobilier) creusent le décalage entre les rémunérations proposées aux fonctionnaires et celles proposées aux agents sous contrat exerçant au sein des mêmes familles professionnelles.
Afin d’améliorer l’attractivité au recrutement, plusieurs mesures ont été mises en œuvre. Si pour les fonctionnaires recrutés par concours, la réglementation permet la reprise d’ancienneté permettant de valoriser en terme de classement indiciaire dans le grade de recrutement, les fonctions exercées antérieurement au recrutement dans la fonction publique, ce n’était pas le cas pour les ouvriers de l’État. Dorénavant, toutes fonctions exercées comme salarié, agent sous contrat ou comme militaire antérieurement au recrutement comme ouvrier de l’État seront prises en compte dans le classement indiciaire.
Dans le même ordre d’idée, permettre de nommer dans un grade d’avancement un fonctionnaire ayant acquis une expérience professionnelle importante précédemment à son recrutement serait une avancée.
Pour les corps dont le ministère des Armées assure la gestion (les corps techniques d’ingénieur civil de la défense, technicien supérieur d’études et de fabrication, agent technique du ministère de la défense), le ministère des Armées a engagé une refonte du contenu des épreuves de concours. Ainsi, le concours des ingénieurs civils de la défense étant ouvert à des agents titulaires d’un Master, l’épreuve écrite d’admissibilité a été supprimée et remplacée par une étude de dossier avec CV et lettre de motivation, la sélection finale se faisant par un oral. Ce choix permet de rapprocher le mode de sélection de celui applicable dans le secteur privé.
En outre, depuis 2023, et amplifiée en 2024, une politique salariale visant à revaloriser le régime indemnitaire des fonctionnaires est conduite. Cette politique s’appuie sur une veille conduite par le ministère des Armées visant à rester compétitif par rapport aux autres ministères, à corps comparables.
Dans un contexte très concurrentiel, la fidélisation du personnel doit permettre de maîtriser les départs non souhaités. L’analyse des départs et démissions montre une différence de comportements entre fonctionnaires et agents sous contrat. Les fonctionnaires représentent 25 % des départs (démissions et détachements sortants). Les contractuels sont beaucoup plus volatils (71 % des départs) et démissionnent plus tôt que les titulaires : 72 % des démissions ont lieu avant 4 ans d’ancienneté contre 49 % chez les fonctionnaires. Quinze démissions d’ouvriers de l’État ont été enregistrées en 2023. Les principales motivations sont soit l’existence d’un poste plus intéressant en dehors du ministère (quel que soit le statut), soit l’existence d’une opportunité financière plus attractive. Dans 18 % des cas toutefois, la raison avancée est une difficulté d’adaptation à l’environnement professionnel.
Mais l’un des facteurs de la fidélisation est la capacité du ministère des Armées de proposer des parcours de carrière/des avancements aux agents fonctionnaires. Or, l’avancement ou la promotion des fonctionnaires (mais aussi des ouvriers de l’État) repose sur un dispositif interministériel (dit ratio promus/promouvables). Visant à contingenter les avancements, ces ratios ne permettent pas d’avoir la souplesse nécessaire visant à promouvoir les agents. Un nouveau dispositif dans un cadre budgétaire défini mais à la main du Ministère serait de nature à donner des perspectives aux agents.
En outre, pour ses agents de catégories A, le ministère des Armées expérimente un dispositif de revue des cadres et des postes visant à accompagner les agents dans leurs parcours professionnels. Le ministère des Armées a également refondu son dispositif d’accompagnement des agents souhaitant intégrer l’encadrement supérieur (accès au corps des administrateurs de l’État).
C. Les difficultés rencontrées par le ministère des armées sont d’autant plus fortes dans les familles professionnelles les plus sujettes à la concurrence avec le secteur privé
Le référentiel des emplois ministériels 2024 est composé de 32 familles professionnelles (FP). Certaines d’entre elles rencontrent davantage de difficultés que d’autres et sont porteuses d’enjeux plus importants.
Les familles professionnelles « en tension » sont les suivantes :
Les familles professionnelles « en surveillance » sont les suivantes :
Le ministère des Armées répond donc à tous ces défis spécifiques par un suivi particulier, associé à l’organisation d’un comité des ressources humaines (CRH) co-présidé par la DRH-MD et le responsable ministériel de famille professionnelle. L’organisation d’un suivi en CRH garantit la mise en place de plans d’actions transverses et partagés sur l’ensemble du spectre (recrutement, attractivité, mobilité, parcours professionnels, fidélisation, formation, etc.). En plus de cette approche spécifique, une approche globale en matière de fidélisation est recherchée au travers du plan « Fidélisation 360 » susmentionné.
VII. Les états-majors, directions et services du ministère des armées ne sont pas confrontés à des difficultés de même ampleur en fonction de l’implantation géographique considérée
On constate des disparités fortes entre les zones géographiques en matière de recrutement et de fidélisation. À titre d’exemple, pour la DRSD, de manière générale, les personnels militaires ne souhaitent pas être affectés en Île-de-France en raison des difficultés liées au logement et à la perte de pouvoir d’achat. À l’inverse, les personnels civils, souvent plus jeunes et sans contrainte familiale, recherchent plutôt une affectation en région parisienne, jugée plus stimulante professionnellement. Par ailleurs, la DRSD connaît des difficultés à pourvoir les postes en outre-mer (principalement aux Antilles, en Guyane et à Mayotte). Plus globalement, les personnels militaires mais aussi civils rencontrent des difficultés pour se loger dans les grandes agglomérations de province comme sur la plaque parisienne. La tension du marché immobilier et l’insuffisance des logements réservés au personnel militaire comme civil ne permettent pas de répondre aux besoins et constituent une difficulté réelle, notamment sur Paris et l’Île-de-France qui concentrent les principales vacances de postes pour la DRSD.
Au niveau du ministère, la problématique est prise en compte par le 3e volet de la NPRM entré en vigueur en octobre 2023, qui apporte une réponse aux contraintes géographiques du personnel civil au travers de l’indemnité de garnison (IGAR). Cette nouvelle indemnité module la compensation financière en fonction de la tension immobilière du lieu d’affectation. Il convient de souligner qu’il s’agit d’une véritable nouveauté dans l’ensemble de la fonction publique.
En Île-de-France, les militaires affectés dans les zones où le marché immobilier est le plus tendu perçoivent une IGAR supérieure de 92 % au montant perçu dans les zones détendues (zone B2/C). L’utilisation du référentiel de l’INSEE permet de suivre la réalité économique locale.
Les militaires mutés vers l’Île-de-France bénéficient également d’une majoration de 12 % de l’IGAR (majoration territoriale région parisienne) lorsqu’ils doivent se loger en location avec leur famille. L’instauration de ces mesures indemnitaires en complément des actions sociales du ministère a pour objectif une meilleure acceptation des contraintes géographiques imposées par le statut.
VIII. Compte tenu de l’impératif de jeunesse de ses ressources humaines, le ministère des armées déploie d’autant plus d’efforts à leur attention pour les attirer, en tant que personnel civil et personnel militaire
Le rapport au travail évolue chez les jeunes comme le mettent en évidence différentes enquêtes menées par le ministère des Armées. S’agissant de la question de l’attractivité, il apparaît au regard des résultats d’une enquête menée en 2023 que les jeunes militaires rejoignent l’institution avant tout pour « être militaire », motivés par les missions (91 % d’entre eux), l’engagement au service de la France (89 %) et l’aspect atypique du métier (82 %).
En comparent ces résultats avec ceux d’une précédente enquête sur les jeunes militaires, réalisée en 2016, il ressort que les motifs d’engagement paraissent avoir peu évolué. En effet, cette enquête indiquait la forte influence des missions proposées (dépassement de soi, possibilité de voyager, protection des Français, de la défense des intérêts français) et des métiers (entraînement sportif, exercice d’un métier hors du commun, possibilité d’assumer des responsabilités, l’apprentissage d’un métier) sur l’engagement des jeunes. La décision de devenir militaire est très liée au souhait de participer à des missions extérieures. L’enquête de 2023 montre que plus de la moitié (53 %) des jeunes militaires associe son engagement à une aspiration profonde pour la Défense.
Les jeunes civils sont, quant à eux, particulièrement motivés par la possibilité d’acquérir une première expérience professionnelle (91 %). D’ailleurs, militaires comme civils de moins de 30 ans s’accordent à dire que le ministère est particulièrement attractif pour :
En outre, la plupart des jeunes du ministère pourrait recommander à d’autres jeunes de rejoindre l’institution (PM : 74 % / PC : 80 %).
Concernant la fidélisation, plus de 80 % des militaires et civils de moins de 30 ans tirent un bilan satisfaisant de leur expérience professionnelle au ministère. Les jeunes militaires sont particulièrement satisfaits des perspectives professionnelles dans les armées (75 %) ou encore des formations proposées (77 %), et les jeunes civils mettent en avant la cohésion (74 %) et le professionnalisme dans les armées (69 %).
Quel que soit leur statut, près de 90 % des jeunes ressortent satisfaits de la diversité et la technicité des métiers proposés au ministère. La plupart des jeunes retrouvent dans leur activité professionnelle ce qu’ils cherchaient au ministère :
Seule une minorité de jeunes militaires et civils estime avoir un rapport au travail différent des générations précédentes :
Par ailleurs, 60 % des jeunes militaires estiment que les armées leur offrent de meilleures perspectives professionnelles que dans la société civile et 80 % des jeunes militaires sous contrat peuvent être considérés comme « déjà fidélisés » (54 % savent déjà qu’ils souhaitent poursuivre leur parcours professionnel dans les armées) ou « fidélisables » (26 % ne sont pas encore décidés sur leur avenir professionnel). Une enquête menée en 2017 auprès des sous‑officiers sous contrat et des militaires du rang (à 2 ans de l’échéance de leur contrat) montrait des taux comparables (59 % souhaitant renouveler, 21 % préférant un départ et 20 % encore indécis). Enfin, 71 % des jeunes civils souhaitent rester dans l’institution aussi longtemps, voire plus, que ce qu’ils prévoyaient à leur arrivée.
Ces enquêtes ont toutefois révélé plusieurs points d’attention, auxquels le plan Fidélisation 360 ambitionne de répondre :
IX. Une politique de lutte contre les discriminations à l’échelle ministérielle qui se décline spécifiquement aux enjeux de recrutement et de fidélisation des ressources humaines du ministère
Le ministère des Armées, que ce soit dans le cadre de politiques interministérielles ou de dispositifs internes, se veut exemplaire dans la lutte contre toute forme de discrimination.
Au sein du ministère, des plans et actions en faveur de la diversité sont développés et mis en œuvre par différents acteurs pour prévenir et lutter contre les discriminations à l’embauche et à l’emploi. Ces dispositifs sont organisés selon quatre champs d’action prioritaires du ministère, à savoir :
Dans le cadre de la lutte contre la haine anti‑LGBT, un vade-mecum du changement de genre a été élaboré et publié en 2016 sur le site Intradef du MINARM, une plaquette ayant été publiée et diffusée en 2018.
En outre, le plan Mixité actuel a été initié en mars 2019 pour accélérer la dynamique de féminisation du ministère. Il s’articule autour de trois axes :
Il met en œuvre plusieurs mesures concrètes pour encourager la féminisation des personnels qui visent notamment à :
D’autres mesures visent à aider le personnel féminin à se sentir parfaitement à sa place au sein des armées : augmentation de la présence de femmes dans les CIRFA, création des ambassadeurs et ambassadrices du recrutement destinés à donner envie à un nombre plus important de jeunes femmes d’intégrer le Ministère, y compris dans les métiers du cyber et du numérique (Combattantes@Numérique), développement de la mixité des cadres au sein des écoles de formation initiale, mise en avant des femmes dans les différentes campagnes de recrutement des armées, obtention le 24 mai 2022, de la double labellisation « Alliance » par l’Afnor, qui comprend les deux labels « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et « Diversité ».
Les épreuves d’évaluation de la condition physique au recrutement et en cours de carrière ont été rationalisées. Dans ce cadre, un groupe de travail piloté par l’État‑major des armées a été mobilisé suite aux études réalisées par le service de santé des armées en 2019 afin d’évaluer la potentielle inégalité de certaines épreuves. Les épreuves sportives au recrutement initial et aux concours ont été adaptées et les barèmes corrigés pour plus d’équité.
Enfin, le ministère s’est engagé durablement sur l’ensemble du spectre des politiques publiques en matière d’égalité. Cela concerne, outre la promotion de l’égalité professionnelle :
Le pilotage de ces mesures est réalisé au niveau ministériel par la conseillère sociale du ministre, avec l’aide de la directrice de projet Mixité et en liaison avec les armées, directions et services, porteuses des actions. Par ailleurs, la plupart de ces mesures bénéficient du pilotage des plans Famille et Mixité.
X. Les statuts proposés aux personnels militaires et aux personnels civils sont-ils encore adaptés aux évolutions du marché du travail ?
A. L’équilibre entre sujétions et compensations, au cœur du statut général des militaires, face au défi des évolutions sociologiques et aux mutations du rapport au travail
Le statut militaire n’a pas été construit selon une logique d’attractivité mais pour offrir à l’État les moyens d’une défense en tout temps et en tous lieux. La singularité du métier des armes a conduit à l’adoption du statut général des militaires, distinct de celui de la fonction publique « civile », afin de prendre en compte la spécificité des missions du personnel militaire et de répondre aux sujétions qui lui sont propres. Il est le garant de la capacité opérationnelle des armées. Il entraîne des sujétions particulières (esprit de sacrifice, loyalisme et neutralité, discipline, disponibilité) qui se voient compensées, ce qui permet d’en assurer la pérennité et l’attractivité.
Il s’agit donc d’un équilibre qu’il convient d’interroger régulièrement entre les sujétions et contraintes (absence, mobilité, niveau d’engagement) et les compensations. À titre d’illustration, la notion de réparation intégrale et l’impératif de jeunesse justifiant le système des pensions militaires sont des piliers de la politique des ressources humaines militaires. Pour autant, comme l’a rappelé le HCECM, les sujétions militaires apparaissent pour les militaires insuffisamment compensées au regard de nombreux corps civils en uniforme. C’est la raison pour laquelle le ministre des Armées a annoncé une mesure visant à élargir l’assiette de calcul de la pension dans le cadre du plan Fidélisation 360° et à préconiser des mesures sur le logement visant à prioriser les militaires.
B. La perte d’attractivité du statut de fonctionnaire, signe d’un désintérêt croissant pour l’engagement à long terme
Une transformation de la population civile et une évolution de la fonction RH du fait de l’augmentation de la part d’agents civils sous contrat : faire carrière dans la fonction publique n’est plus aussi attractif qu’auparavant et les jeunes générations affichent une préférence pour le modèle contractuel qui autorise des parcours professionnels plus variés. L’arrivée de nouvelles générations au sein des forces armées s’est également traduite par un nouveau rapport à l’institution ainsi qu’une perception différente de la carrière. Sans remettre en cause leur engagement au sein de l’armée, qui reste solidement ancré, une proportion croissante de militaires envisage désormais leur passage au sein de l’institution militaire comme une étape de leur parcours professionnel, voire comme un tremplin vers une activité civile plus rémunératrice.
À titre d’illustration, alors que les agents contractuels représentaient 50 % des entrées nouvelles externes de civils du ministère en 2017, leur part est passée à quasiment deux tiers des recrutements d’agents civils en 2023. Pour le seul gestionnaire SRHC, qui porte 93 % des agents titulaires recrutés au ministère en 2023, la part des contractuels évolue de 31 % en 2017 (32 % en 2018) à 49 % en 2023.
XI. La promesse de poursuivre un parcours de carrière riche et varié au sein du ministère, facteur clé de recrutement et de fidélisation
La circulation entre armées, directions et services est une réalité au sein du ministère. Ainsi 30 % des militaires servent aujourd’hui hors de l’armée d’origine. Par ailleurs, dans les parcours d’officiers et pour accéder aux plus hautes responsabilités, les armées mettent en œuvre des parcours qualifiés de 3 I pour les meilleurs talents : expériences interarmées, expériences internationales et expérience interministérielles.
Une politique dynamique d’intégration des officiers à potentiel dans des emplois hors ministère des Armées est mise en œuvre avec la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État. Par ailleurs, la DRH‑MD est en charge de porter la position du ministère au niveau interministériel, notamment pour s’assurer de la cohérence au sein de la Fonction publique. Ce point est particulièrement important pour que le ministère puisse proposer des parcours professionnels attractifs.
S’agissant plus particulièrement de parcours au sein de la Fonction publique, il convient de noter que la reconversion des militaires constitue un moyen de rayonnement indispensable qui permet d’irriguer les administrations civiles avec des compétences reconnues et éprouvées. Le ministère des Armées concentre 80,6 % des recrutements par la voie du détachement-intégration permise par l’article L. 4139‑2 du code de la défense, ce qui permet de fidéliser les compétences utiles au ministère tout en assurant une politique RH de flux pour les militaires, nécessaire au modèle d’une armée d’emploi. Le dispositif dit « L. 4139‑2 » permet de proposer une seconde carrière durable et de qualité, sécurisée par le statut de la fonction publique, en valorisant l’expérience acquise dans les forces (reconnaissance de la nation). Ce dispositif favorise la transposition de l’expérience militaire sous statut civil. Le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Justice, deuxième et troisième recruteurs confirment l’intérêt de fidélisation des compétences dans le domaine régalien.
Le recrutement dit « L. 4139‑2 » dans les trois fonctions publiques est en augmentation croissante sur les quatre dernières années : +74,7 % entre 2020 et 2023, à l’exception de la fonction publique territoriale (FPT). Il se concentre essentiellement dans la fonction publique de l’État (FPE) avec 1 201 recrutements en 2023, soit 72,4 % des 1 658. La FPT n’a recruté que 22 anciens militaires en 2023.
En 2023, le ministère des Armées atteint 966 recrutements soit 80,4 % (+32,7 % par rapport à 2022) : 49 en catégorie A, 351 en catégorie B et 566 en catégorie C. Le ministère de l’Intérieur est le deuxième recruteur (8 %), suivi par le ministère de la Justice (5,2 %). Les recrutements « A+ » sont relativement stables en 2023 dans les 3 fonctions publiques : 5 recrutements dans la FPE (‑4 postes par rapport à 2022), 4 dans la FPT et dans la FPH (‑1 poste par rapport à 2022).
XII. Les allers et retours des personnels du ministère des armées dans le secteur privé : un facteur d’attractivité
Les départs de l’institution sont inhérents au modèle de flux des armées. Ils sont notamment liés à l’impératif de jeunesse. Les départs sont donc naturels et ne sont pas préjudiciables tant que le flux est maîtrisé et que la rentabilité de la formation est assurée par la durée de service. Aussi la majeure partie des formations dispensées est assortie à un lien au service.
Sur le plan général, les départs peuvent aussi être une opportunité de faire bénéficier l’État ou les entreprises des savoir-faire et de l’expérience singulière acquis par leur passage dans les armées.
C’est particulièrement le cas pour la DGA, où les militaires sont essentiellement des officiers des corps de l’armement (OCA), ingénieurs de l’armement (IA) et des ingénieurs des études et techniques de l’armement (IETA). Leurs départs peuvent concourir à des parcours croisés lorsque ces mêmes militaires reviennent au ministère avec une expérience supplémentaire ou une expertise qu’ils n’auraient pas pu acquérir au sein de la DGA. Cette connaissance de l’industrie leur sera également utile dans leurs futures négociations avec l’industrie dans le cadre des programmes. Dans le cas de départs sans retour au ministère, les compétences et l’expérience des IA et IETA sont profitables à l’État au sens large s’ils occupent des postes au sein d’entreprises françaises.
S’agissant plus particulièrement des retours vers les armées, les volumes observés sont peu importants. Par ailleurs, le recul est encore trop limité pour tirer des conclusions sur l’attractivité des récentes évolutions en la matière prévues par l’article 32 de la LPM :
Spécifique à la DGA, un dispositif de période d’ouverture pour les ingénieurs de l’armement (IA) leur permet d’occuper un poste dans l’industrie durant 2 ou 3 ans et acquérir ainsi des compétences complémentaires à celles qu’ils peuvent acquérir à la DGA. Une cinquantaine d’IA est ainsi partie dans l’industrie et en est revenue.
XIII. La concertation et le dialogue social au sein du ministère des armées permettent de nouer un dialogue entre les gestionnaires des ressources humaines et les personnels
La DRH‑MD entretient, à la fois de manière conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables et de manière proactive, des relations régulières avec les instances de la concertation militaire, notamment avec le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et les associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Parallèlement, la DRH‑MD conduit le dialogue social avec le personnel civil du ministère. Ce dialogue s’exerce au sein de différentes instances qui constituent un lieu privilégié d’information et de concertation entre l’administration et les représentants des organisations syndicales.
A. Le Conseil supérieur de la fonction militaire
En vertu de l’article L. 4124-1 du code de la défense, le CSFM est l’instance nationale de consultation et de concertation de l’ensemble des militaires des forces armées et formations rattachées.
Il exprime son avis :
– sur les questions à caractère général relatives à la condition militaire dont il est saisi par le ministre chargé de la Défense ou qui sont inscrites à l’ordre du jour d’une session sur proposition de ses membres et qui concernent les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnel des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, ainsi que les conditions de départ des forces armées et formations rattachées et d’emploi après l’exercice du métier militaire ;
– sur les projets de loi relatifs au statut des militaires ;
– sur les projets de décret portant statut particulier des militaires mentionnés à l’article L. 4111-2 du code de la défense ainsi que les projets de décret comportant des dispositions statutaires communes à plusieurs corps ou catégories de militaires ;
– et sur les projets de texte réglementaire portant sur les dispositions indiciaires ou indemnitaires relatives aux militaires.
Le CSFM est organisé en trois commissions (cf. infra) qui traitent des domaines des statuts, des régimes indiciaires ou indemnitaires et des pensions, des conditions de vie, des aspects sociaux, de l’environnement professionnel et de la santé et de la sécurité au travail. Tout membre du CSFM doit appartenir à une seule commission. Il se réunit au moins deux fois par an en séance plénière. Le CSFM s’appuie sur les 9 conseils de la fonction militaire (CFM) de chaque armée et formation rattachée. Ces 9 CFM comptent plus de 300 concertants titulaires et 850 suppléants.
Par ailleurs, le CSFM comprend, sous la présidence du ministre chargé de la Défense, un maximum de 60 membres et un membre siégeant avec voix délibérative :
– 42 militaires en position d’activité, représentant les forces armées et formations rattachées ;
– au plus 16 militaires représentant les associations professionnelles nationales de militaires (APNM), leurs unions ou leurs fédérations, représentatives ;
– et trois représentants des associations de retraités militaires.
Le CSFM est constitué d’un secrétariat général, dirigé par un secrétaire général, assisté d’une équipe de 10 personnes, et de 45 membres permanents répartis dans trois commissions :
– la commission des statuts, qui traite de questions liées au statut général, aux statuts particuliers, et de toutes autres questions à connotation juridique ;
– la commission « rémunération » (régimes indiciaires, indemnitaires et des pensions), qui traite différents sujets dont les régimes de solde, les prestations familiales et les droits individuels ;
– et la commission « condition du personnel » (du moral et du social des conditions de vie et de l’environnement professionnel), qui traite de différents sujets tels que la protection sociale des militaires, l’égalité professionnelle, le harcèlement, la fidélisation, la reconversion ou encore la vie quotidienne des militaires ou les blessés.
Le CSFM comprend, en outre, à titre consultatif, lors des séances plénières, un représentant du ministre de l’Intérieur, un représentant du ministre chargé du Budget et un représentant du ministre chargé de la Fonction publique, désignés par leur ministre respectif.
La répartition des membres militaires du CSFM par force armée ou formation rattachée et par groupes de grades, en tenant compte de leurs effectifs, est fixée par l’arrêté prévu à l’article R. 4124-27 du code de la défense. La répartition des sièges des membres représentant les APNM, leurs unions ou leurs fédérations, s’effectue en fonction de leur représentativité, appréciée au 1er janvier de l’année de renouvellement.
En matière de ressources humaines, le CSFM ainsi exprime obligatoirement un avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires relatifs à la condition militaire dans les domaines listés aux articles L. 4124‑1 et R. 4124‑1 du code de la défense. Ces projets sont principalement élaborés et présentés par la DRH‑MD. En outre, ces consultations régulières du conseil sont des moments privilégiés permettant d’associer les concertants du CSFM à l’élaboration de la politique des ressources humaines.
En effet, de manière unique au sein de l’administration, les projets de textes sont présentés avant leur soumission à la validation des ministères économiques et financiers (guichet unique de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et de la Direction du budget). Lors des échanges avec le Conseil, ces textes peuvent faire l’objet d’observations et de propositions d’améliorations susceptibles de donner lieu à des modifications substantielles. Dans ce cadre, le CSFM est informé et consulté par la DRH‑MD sur la traduction normative des grands chantiers ministériels, tels que la LPM, les projets de refonte des grilles indiciaires, ou la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC). Plus encore, l’interaction entre la DRH‑MD et les membres du CSFM se prolonge dans des instances de gouvernance de divers dispositifs (ex. conseil d’administration de l’Établissement Public des Fonds de Prévoyance militaire et de l’aéronautique, comité de pilotage et de suivi PSC).
Enfin, en complément des interactions précitées, la DRH‑MD échange périodiquement avec le Conseil dans le cadre des « dialogues RH ». Ces moments privilégiés, francs et constructifs, conduits sur la base d’un ordre du jour et d’un questionnaire soumis par les membres du CSFM, fournissent l’occasion de présenter et d’expliquer les politiques et projets menés par le ministère, mais également de recueillir les préoccupations des militaires portés par leurs concertants. Ces « dialogues RH » constituent généralement le préambule aux rencontres entre le ministre et le CSFM.
B. Les associations profesionnelles nationales de militaires
La loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a modifié le code de la défense pour accorder le droit aux militaires de créer et d’adhérer à des associations professionnelles nationales de militaires (APNM) pour tirer les conséquences de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 2 octobre 2014.
Exclusivement composée de militaires ([3]), une APNM a pour objet la préservation et la promotion des intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire ainsi définie par l’article L4111-1 du code de la défense :
« La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d’emploi après l’exercice du métier militaire. »
En vertu de l’article L4126-8 du code de la défense, pour être reconnues comme représentatives, les APNM doivent satisfaire aux conditions suivantes :
– le respect des obligations relatives au régime juridique des APNM mentionnées aux articles L4126-1 à L4126-7 du code de la défense ;
– la transparence financière ;
– une ancienneté minimale d’un an ;
– et une influence significative, mesurée en fonction de l’effectif des adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes de grades mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4131-1 du code de la défense.
En vertu de l’arrêté du 21 décembre 2021 portant reconnaissance de la représentativité de certaines APNM, les APNM représentatives sont les suivantes :
– l’APN AIR, représentative au titre de l’armée de l’Air et de l’Espace ;
– l’APNM Marine, représentative au titre de la Marine nationale ;
– France Armement, représentative au titre de la Direction générale de l’armement ;
– l’APNM-Commissariat, représentative au titre du service du commissariat des armées (SCA) ;
– l’Association des professionnels de la défense (APRODEF), représentative au titre de la DGA ;
– et l’Association nationale professionnelle des militaires relevant du ministre chargé de la Mer (AP3M), au titre des corps militaires servant au ministère chargé de la Mer.
Les APNM peuvent également se constituer en unions ou en fédérations entre elles ([4]) . Six APNM se sont constituées en union en 2017, sous le nom de « UNION APNM ». Cette union regroupe l’intégralité des APNM représentatives (à l’exception de l’APN AIR) et l’APNM GendXXI au titre de la Gendarmerie nationale.
Par ailleurs, les APNM peuvent participer au dialogue organisé, au niveau national, par les ministres de la défense et de l’intérieur ainsi que par les autorités militaires sur les questions générales intéressant la condition militaire. Elles sont appelées à s’exprimer, chaque année, devant le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) et peuvent, en outre, demander à être entendues par ce dernier sur toute question générale intéressant la condition militaire.
Enfin, les APNM ou leurs unions et fédérations reconnues peuvent être représentées sous conditions ([5]) au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) dans le cadre de la concertation rénovée. 16 sièges (au maximum) sont réservés pour les membres des APNM, les unions ou les fédérations, représentatives. Peuvent siéger au CSFM les APNM représentatives d’au moins trois forces armées et deux formations rattachées. À ce jour, aucune APNM n’est représentée au sein du CSFM.
S’agissant des APNM, le code de la défense définit trois types de relations. La première relation prend la forme d’un dialogue local entre la force armée ou formation rattachée (FAFR) à laquelle l’APNM se rattache prioritairement. À travers ce dialogue, l’APNM dispose des moyens d’influer sur la prise en compte de ses préoccupations dans les travaux de politique des ressources humaines de la FAFR, à travers les idées et propositions formulées par cette dernière.
La deuxième relation prend la forme d’un dialogue de niveau ministériel avec la DRH‑MD, conformément aux dispositions de l’article L. 4126‑9 du code de la défense, ouvert aux APNM dites « représentatives » à l’échelle de leur FAFR d’appartenance (au sens de l’article L. 4126‑8 du même code). Les six APNM représentatives au niveau d’une force armée ou formation rattachée sont régulièrement invitées à dialoguer avec le ministère. Ces associations sont tenues informées et peuvent exprimer leurs attentes sur les grands chantiers ministériels. Cela a été le cas, en 2023, pour le dernier volet de la NPRM, la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire, la loi de programmation militaire, ou encore le plan Ambition Logement. D’une année sur l’autre, le directeur des ressources humaines du ministère des Armées reçoit individuellement chaque association, au regard de l’ordre du jour proposé par ces dernières, afin d’examiner leurs attentes et préoccupations. Ce moment est également mis à profit afin d’informer les APNM des grands projets menés et à venir, afin de recueillir leurs observations et propositions. Ces associations sont également invitées à faire part, quand elles le souhaitent, de leurs sujets et études documentées pouvant aider le ministère à améliorer ses projets en matière de condition militaire. À titre d’exemple, le travail d’élaboration des grilles indiciaires des sous-officiers des armées a pris en compte des remarques formulées alertant sur l’évolution indiciaire des adjudants-chefs.
Enfin, la troisième relation prend la forme d’une représentation des APNM représentatives au sein du CSFM. Toutefois, si aucune APNM ne remplit à ce jour les conditions exigées par le code de la défense pour satisfaire à cette condition de représentativité (à l’échelle des trois forces armées parmi l’armée de Terre, la Marine, l’armée de l’Air et de l’Espace et la Gendarmerie et deux formations rattachées ou services interarmées de soutien, cf. art. R. 4126‑7 du code de la défense), le dispositif a le mérite d’exister.
C. Le dialogue social avec les syndicats représentatifs du ministère
Le ministère s’appuie sur une pratique du dialogue social solidement ancrée : elle se caractérise par son dynamisme et s’exerce dans un climat social apaisé dans son ensemble, entretenu au sein de nombreuses instances (452 instances hors EPA) dont 22 instances paritaires individuelles, 66 instances consultatives collectives et 364 formations spécialisées (FS) en matière de prévention des risques, adaptées au maillage territorial du ministère et à la diversité de ses métiers.
Le dialogue social repose sur une forte représentativité des organisations syndicales (taux de participation aux dernières élections de décembre 2022 de 61,5 % au Comité social d’administration ministériel (CSA‑M)) ainsi que sur des positions généralement constructives des organisations syndicales.
Le CSA-M s’est réuni six fois au cours de l’année 2023 et sa formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail 3 fois. Lors de l’installation de cette instance, un agenda social a été établi, à l’issue d’un travail commun entre la DRH‑MD et les propositions formulées par les organisations syndicales.
Prévu pour la période 2023‑2024, il a pour objet de fixer le cadre et le cadencement des chantiers RH à destination des agents. Dans le contexte de concurrence croissante du secteur privé ainsi que du secteur public pour l’accès aux meilleures compétences, les chantiers ont pour finalité essentielle de renforcer l’attractivité du ministère des Armées pour le personnel civil et sa capacité à fidéliser les agents, rejoignant ainsi l’ambition RH portée par la LPM.
Quatre axes, regroupant 40 mesures, ont été définis :
1/ la stratégie et la fonction RH, qui rassemblent les chantiers liés à la définition et au pilotage stratégique de la politique ministérielle des ressources humaines. Il intègre le développement d’une politique de rémunération destinée à être un outil d’attractivité et de fidélisation des personnels civils (mise en place d’une politique indemnitaire pluriannuelle des fonctionnaires et d’une politique salariale du personnel sous contrat établie dans une logique de compétitivité avec les rémunérations du privé) ;
2/ les carrières et parcours professionnels, qui recouvrent les chantiers statutaires, ceux relevant de l’accompagnement des parcours et de la formation, au bénéfice de la fidélisation du personnel qui peut être renforcée par le développement des compétences et de l’employabilité des agents, une plus grande souplesse dans les parcours de carrière et un meilleur accompagnement individuel ;
3/ les conditions de travail, qui traitent des questions relevant de l’organisation du travail, de la qualité de vie au travail, de la santé et la sécurité au travail. Il s’agit de concrétiser la promesse employeur et d’améliorer les conditions d’exercice des métiers ;
4/ et le dialogue social, qui regroupe les chantiers liés au fonctionnement des instances de dialogue social et aux moyens des organisations syndicales pour entretenir un dialogue de qualité. Les crises récentes ont montré que la capacité de résilience ministérielle nécessite que l’administration dispose d’interlocuteurs reconnus, aptes à discuter avec elle et que la qualité du dialogue social « en temps de paix » est déterminante pour celle des discussions en temps de crise.
En outre, dans la continuité des dispositions portées par l’ordonnance n° 2021‑1574 du 24 novembre 2021 visant à encourager les employeurs publics et les organisations syndicales à conclure des accords collectifs, le ministère des Armées a négocié deux accords adoptés à l’unanimité des organisations syndicales représentatives du personnel : le premier, relatif à la mise en œuvre du télétravail au sein du ministère des Armées publié le 11 mars 2023 et le second, relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident au ministère des Amées, publié le 5 octobre 2023.
Enfin, l’instruction ministérielle relative à l’exercice du droit syndical au sein du ministère des Armées a fait l’objet d’importants travaux informels préparatoires avec les organisations syndicales en vue de sa révision, intervenue le 13 octobre 2023. Cette refonte a notamment permis l’insertion de mesures nouvelles visant à faciliter l’exercice des fonctions des représentants syndicaux élus au sein des instances individuelles (CAP) et collectives (CSA). Ces mesures concernent la délivrance d’ordre de mission permanent et d’une carte de réduction SNCF au profit des élus de ces instances afin d’apporter des facilitations concrètes dans l’exercice de leurs mandats syndicaux.
XIV. Les réservistes, partie intégrante de la politique de ressources humaines du ministère des armées et vivier indispensable pour l’accomplissement des missions des armées
A. Les réservistes de l’Armée de Terre
Pour atteindre les objectifs en matière d’effectifs, l’armée de Terre doit à la fois continuer à recruter beaucoup mais aussi fidéliser mieux. Chaque année, 19 % de l’effectif de la réserve opérationnelle de 1er niveau (RO1) quitte la réserve. Si cette tendance perdure, il faudra recruter annuellement à l’horizon 2030 autant de militaires de réserve que de militaires d’active actuellement (15 000).
Le recrutement des réservistes est dynamique, l’armée de Terre dispose au 1er mars de 24 767 réservistes (pour 22 926 au 1er janvier 2023), ce qui correspond à sa cible fixée fin 2023. Le premier défi à relever est celui de la minimisation des délais de recrutement (5 à 7 mois actuellement), qui peuvent lasser les candidats, surtout ceux des jeunes générations. Pour cela, des études et expérimentations sont conduites actuellement avec le service de santé des armées pour adapter et raccourcir les formalités d’aptitude médicale. La généralisation du recrutement via le SI ROC devrait également favoriser le traitement des dossiers sans oublier les allègements de niveaux médico-physiologiques envisagés pour certains types de postes. La LPM a simplifié les critères de recrutement, rendant la réserve accessible à un public plus large.
En termes de communication, un plan de communication spécifique sur la réserve sortira d’ici fin avril 2024 et des actions sont déjà conduites, notamment via les réseaux sociaux. Le site de l’armée de Terre s’engager.fr dispose désormais d’une page dédiée aux réservistes.
Le défi majeur reste l’accompagnement individuel à l’engagement dans la réserve qui reste perfectible. Les CIRFA Terre ont été sensibilisés à ce sujet et montent en puissance. Pour les accompagner, un « call center » sera ouvert le 3 juin 2024 par le pôle recrutement-jeunesse de la DRHAT. Il permettra de donner des précisions techniques aux recruteurs tout en servant de plateforme d’appel utile aux candidats à la réserve en quête de renseignements.
La durée moyenne actuelle des services des réservistes opérationnels de l’armée de Terre est de 4 ans et 10 mois. L’objectif est de dépasser le seuil de 5 ans, ce qui suppose des activités (et donc l’abondement du titre 2), des parcours professionnels et des conditions d’exercice du métier attractifs.
L’adéquation entre vie professionnelle, vie familiale et vie militaire reste un enjeu majeur : disponibilité, préavis de convocation, durée d’engagement (OPINT et MISSINT), mobilité favorisée, etc. Pour reconnaître la spécificité des réservistes, certains étant ponctuellement moins disponibles du fait d’événements familiaux ou d’évolutions des situations professionnelles, un contrat spécifique dit « de continuité » a été créé en mars 2024. Il leur permet de demeurer dans les rangs sans condition minimale d’activité annuelle et de favoriser une reprise d’activité immédiate.
La lisibilité sur le parcours de carrière est également importante pour fidéliser. La refonte de l’ensemble des parcours OFF, SOFF et MDR de réserve, applicable dès janvier 2024, a été conçue dans ce sens.
L’armée de Terre adapte aussi sa capacité d’accueil en formation, car elle influe directement sur la qualification du réserviste et donc, à terme, sur son avancement et sa fidélisation. De façon plus générale, tout le modèle RH de la réserve est en cours de refonte.
3. Sur l’emploi des réservistes
La montée en puissance de la réserve opérationnelle doit permettre à l’armée de Terre d’accroître sa capacité de combat, par un supplément de masse et de compétence. La réserve est par nature une réserve d’emploi.
Cet aspect apparaît très nettement dans la physionomie de la RO, qui compte 60 % de militaires du rang et dont 60 % des effectifs sont employés au sein de la force opérationnelle. Enfin, 60 % des réservistes de l’armée de Terre servent en unités de réserve et sont donc formés, entraînés et employés à des missions opérationnelles (protection des emprises, protection du territoire, JOP…) ou de soutien direct. L’équivalent de dix sections de réservistes sont déployées chaque jour dans le cadre de l’opération SENTINELLE.
Les compléments individuels représentent 30 % de l’effectif et occupent pour certains des fonctions essentielles qui ne peuvent être tenues par des militaires d’active faute d’effectif ou de compétence, notamment pour des spécialités rares ou duales. À grade égal avec un personnel d’active, un réserviste assure des fonctions et des responsabilités égales, pour peu qu’il ait les qualifications nécessaires.
Enfin, si le ministère a recours, en application de politiques interministérielles, aux alternants et aux stagiaires, leur apport à la réalisation des missions du ministère se complète d’une découverte du milieu qui peut leur donner envie de rejoindre l’armée de Terre.
B. Les réservistes de l’Armée de l’Air et de l’Espace
Le recrutement des réservistes de l’AAE repose sur un triptyque qui comprend :
Ainsi, chaque année, en fonction des besoins actualisés des unités, des départs programmés ou subis et/ou des opportunités de recrutement (départ du service actif ou recrutement ab initio), des objectifs de recrutement sont définis. Ceux-ci sont arrêtés en fonction des priorités d’emploi établies dans certains métiers en tension, du volume de jour d’activités moyen par type de poste et de l’allocation budgétaire annuelle allouée. En 2024, l’AAE a enregistré 734 départs définitifs de la RO1 (dont 56 pour un engagement dans l’active), a engagé 723 réservistes sur un contrat initial et a renouvelé 1 770 contrats ESR. La majorité des postes de réservistes opérationnels concourt au contrat opérationnel (compléments individuels en unité) à la défense du territoire et à sa résilience.
Par ailleurs, dans le cadre du Plan Cap Réserve Air 2030, la réserve doit devenir une ressource complémentaire, disponible, formée et entraînée au juste besoin pour être en capacité d’intervenir. Elle doit permettre de durer (régénération des forces), de renforcer (compléments individuels ou collectifs) et d’amplifier (effet de masse) les effets des forces aériennes. Dans cette continuité, l’AAE porte l’ambition de constituer une Base Aérienne de Réserve à part entière, à vocation opérationnelle et reliée au concept MORANE sur le territoire national. Les directions et services interarmées sont pleinement intégrés dans cette démarche.
En outre, un effort de simplification et de dématérialisation est réalisé pour accélérer le processus de recrutement et de fidélisation au même titre que l’active (politique de recrutement des réservistes en cours d’élaboration début 2025, utilisation de « démarches simplifiées »). Concernant la fidélisation, des directives sont données pour accélérer le paiement des réservistes et la politique de formation évolue : la formation « au bon moment, au juste besoin » est mise en place : plus dynamique et plus courte, elle tient compte de la disponibilité du réserviste (employé à 50 % également par un employeur civil) et sera complétée par une formation à l’emploi au fur et à mesure de la progression professionnelle et du besoin de motivation de l’intéressé. Enfin, un travail est entrepris pour dessiner des parcours pour les réservistes, notamment les réservistes ab initio qui rejoignent l’AAE tôt et qui manifestent une volonté légitime de progresser et d’enrichir leurs compétences/connaissances.
C. Les réservistes de la Marine nationale
S’agissant de la Marine, celle-ci s’emploie à augmenter la surface de contact avec les forces vives de la Nation au plus près des territoires via les CIRFA-M et les flottilles et escouades de réserve pour recruter des jeunes et des ab initio afin de passer d’une réserve constituée à 70 % d’ancien marin à une réserve rénovée composée de 60 % d’ab initio en 2030.
On constate un engagement fort des réservistes opérationnels qui sont pleinement investis dans leur mission, porteuse de sens. Il s’agit pour chaque commandant de donner du sens à l’engagement et de les embarquer dans l’équipage. Les flottilles de réserves sont là pour accueillir, encadrer, former, employer et accompagner sur un parcours de réserviste avec des commandants portant un point d’attention sur les reconnaissances classiques de l’institution : notation, lettres de félicitations, médailles.
Tous les réservistes opérationnels ont une fiche de poste détaillant les tâches pour lesquelles ils se sont engagés sur un nombre de jours validés. Certains contribuent d’ailleurs pleinement à la réalisation de la mission.
En outre, les réservistes opérationnels de la Marine nationale ont désormais accès à de nouveaux postes et de nouvelles responsabilités. À titre d’exemple, dans une logique de valorisation des parcours professionnels et de fidélisation, des postes de commandant de flottilles de réservistes sont confiés à des réservistes.
XV. Une mission d’évaluation des besoins prospectifs des états-majors, directions et services du ministère des armées incombant à la DRH-MD
Concevoir des politiques RH, eu égard notamment aux enjeux actuels d’attractivité et de fidélisation, nécessite aujourd’hui de mieux connaître les tendances actuelles et futures en matière de ressources humaines ainsi que les politiques et pratiques RH constatées dans le secteur privé. À cette fin, la
DRH‑MD mène un travail de veille sur les évolutions sociales, sociétales et sur le monde du travail. En outre, la DRH‑MD a relancé depuis deux ans les travaux prospectifs en matière RH.
Un observatoire des ressources humaines a été créé en septembre 2023 afin de bénéficier de bulletins de veille RH, de notes d’analyse et d’une étude annuelle sur les grandes tendances RH, sur le marché du travail et les leviers et politiques RH mis en œuvre par les employeurs privés. Les différents livrables permettront ensuite aux acteurs RH du ministère de confirmer ou d’ajuster leurs propres leviers et, si nécessaire, de faire évoluer les politiques RH du ministère afin de les rendre plus efficaces et plus adaptées au contexte actuel, caractérisé notamment par une raréfaction des compétences et une concurrence accrue sur le marché du travail. Un évènement annuel sera également organisé dans le cadre de l’observatoire RH. Cet évènement sera l’occasion de réunir des acteurs RH du ministère, du secteur privé et d’autres ministères, d’échanger et de nourrir la réflexion sur une thématique RH identifiée.
Par ailleurs, face aux évolutions démographiques anticipées, à l’évolution des technologies et des compétences, la DRH‑MD a invité les responsables ministériels de famille professionnelle (RMFP) à réaliser un travail prospectif, à horizon 10 ans, sur l’évolution stratégique et technique des métiers et filières composant leur famille professionnelle. Afin de les accompagner dans leurs travaux, la DRH‑MD a organisé une formation à la prévision RH, au profit des conseillers coordinateurs ministériels de familles professionnelles (CCMFP), en octobre 2023.
Enfin, la DRH‑MD est membre du réseau interministériel de prospective RH, lancé en 2023 et piloté par la DGAFP. Ce réseau permettra à la DRH‑MD de prendre connaissance des travaux prospectifs menés dans les autres ministères. Ce réseau permettra également à la DRH‑MD de prendre part à des travaux prospectifs qui seront menés en interministériels sur des thématiques RH identifiées.
Liste des recommandations des rapporteurs
Recommandation n° 1 : permettre aux régiments et aux bases aérienne et navale dans les territoires de recruter directement des candidats qui souhaitent les rejoindre.
Actuellement, lorsqu’un candidat souhaite rejoindre une base ou un régiment en particulier, il doit tout d’abord s’affilier à l’armée correspondante et suivre une formation sans avoir la garantie qu’il pourra, à l’issue, intégrer la base ou le régiment qu’il convoite ; même si des recrutements locaux ont déjà été expérimentés à la marge, notamment par l’armée de Terre. Cela s’explique essentiellement par une centralisation du processus de recrutement et, plus globalement, de gestion des ressources humaines aux racines historiques. Ce qu’on appelle la « manœuvre RH », c’est-à-dire la gestion à l’échelle globale des ressources humaines, nécessite certes une coordination et un certain niveau de centralisation au niveau des états-majors et de la DRH-MD, ne serait-ce que pour éviter des distorsions de concurrence et les déséquilibres en matière de ressources humaines entre les régiments et les bases selon leur niveau d’attractivité qui pourraient, in fine, porter atteinte à la bonne conduite des missions. Mais il n’en demeure pas moins que les régiments et les bases aériennes et navales ont tous une identité et des spécificités qui justifient qu’elles puissent être en mesure de recruter localement des personnels qui aspirent à les rejoindre eux en particulier. En outre, au-delà de l’attachement aux identités ou spécificités des diverses implantations militaires sur le territoire, un certain nombre de candidats au recrutement sous statut de militaire du rang peuvent exprimer le désir de s’engager spécifiquement dans leurs territoires, par attachement à celui-ci ou par souci de commodité.
Recommandation n° 2 : dépasser le système de gestion des personnels militaires fondé sur la dichotomie entre les gestionnaires et les employeurs.
S’agissant du recrutement des personnels militaires dans les services interarmées (SEO, DGSE, DRM, DRSD…), ces deniers sont actuellement totalement dépendants des effectifs militaires que les armées sont en mesure de leur octroyer. Pour servir dans un service interarmées sous statut militaire, il est nécessaire de s’affilier à une armée, qui, dans un second temps et après un temps de formation, la redirigera – ou pas… – vers le service interarmées en question. Cela vaut également pour des personnels militaires expérimentés, qui, après plusieurs années, peuvent souhaiter s’orienter, par exemple, vers un service de renseignement, qui est une des priorités politiques fortes de la LPM 2024-2030. Ce système, hérité de l’histoire, s’applique, en outre, plus ou moins selon les services : tandis que certains ne sont qu’employeurs (DRM), d’autres cumulent totalement (DIRISI) ou partiellement (SID) les fonctions de gestionnaire et d’employeur. Or, les statistiques montrent que les taux d’armement de ces postes par les armées sont loin d’être satisfaisants : entre 85 et 92 % selon les armées et les services interarmées considérés. Par ailleurs, les rapporteurs ont été alertés à de nombreuses reprises lors des auditions sur le fait que les profils des personnels mis à la disposition des employeurs ne correspondaient pas toujours à leurs besoins. En outre, les personnels militaires affectés sur ces postes n’ont pas toujours la possibilité de se maintenir même s’ils le souhaitent. Sans nier les difficultés de recrutement et de fidélisation des armées, qui expliquent la faiblesse relative de ces taux d’armement, une réflexion pourrait être utilement menée sur les voies et moyens pour remédier à cette situation, qui est, du reste, regrettable pour tout le monde. Cette situation est d’autant plus regrettable qu’en conséquence, les postes non occupés par des personnels militaires que les armées n’ont pas été en mesure de fournir sont occupés par des personnels civils – ce que les armées appellent la « civilianisation » des postes –, ce qui, in fine, porte atteinte à la militarité de ces services interarmées, et singulièrement les services de renseignement dont le besoin de militarité n’est pas à démontrer. À titre d’exemple, s’agissant de la DRSD, en 2023, le taux de personnels militaires au sein du Service était de 60,5 % pour 39,5 % de personnels civils, soit 957 militaires et 607 civils (auxquels s’ajoutent 21 vacataires). L’objectif de la LPM 2024-2030 est de porter le ratio à 68 % de personnel militaire, soit au niveau de 2019/2020, ce qui constitue un défi compte tenu de la tendance actuelle. Il est en effet nécessaire pour la DRSD de disposer d’un socle de militarité solide afin de réaliser ses missions, que ce soit sur le territoire national ou en dehors. C’est pourquoi la DRSD attache un prix important à la qualité du dialogue de gestion avec les DRH des armées pour veiller à maintenir un équilibre raisonnable de militaires. La diversification des viviers de recrutement, notamment par la voie du recrutement d’officiers sous contrat, ou encore d’officiers commissionnés, ou encore par la voie du recrutement ab initio de sous-officiers de la spécialité « renseignement », est également privilégiée. Une vingtaine d’officiers sous contrat devrait rejoindre les rangs de la DRSD fin 2024 et début 2025.
Recommandation n° 3 : rationaliser la cartographie des CIRFA afin que chaque département soit doté a minima d’un CIRFA commun aux trois armées.
À l’heure actuelle, comme l’indique la carte en annexe du présent rapport, certains CIRFA ne sont pas communs aux trois armées. À titre d’exemple, à Bourges, il y a un CIRFA Air et un CIRFA Terre mais il n’y a pas de CIRFA Marine. Certains départements sont par ailleurs dépourvus de CIRFA, par exemple dans le département du Cantal ou le département Alpes-de-Haute-Provence. Les outils numériques permettent certes de pallier ces lacunes en proposant des informations sur les sites internet des armées dédiés. Des initiatives ont également été développées afin de permettre des échanges par visioconférence entre des candidats potentiels et des personnels militaires déjà en poste pour renseigner sur les métiers des armées. Mais cette situation entraîne une inégalité de fait dans le recrutement entre les trois armées, selon que celles-ci disposent ou non d’un CIRFA dans un département donné, qui, de ce fait, se privent de viviers de recrutements potentiels.
Recommandation n° 4 : poursuivre les efforts de rationalisation d’octroi des primes dans le cadre de la NPRM.
Dans sa conception initiale, la mise en place de la NPRM induisait des distorsions entre des agents appartenant à un même service – par exemple, la DGSE – selon qu’ils officient à Paris ou dans une autre implantation en Île-de-France. Si des mesures ont été mises en œuvre pour y remédier, les efforts en ce sens doivent encore être poursuivis. À titre d’exemple, il ressort des auditions que la base aérienne de Senlis-Creil n’a pas été inscrite dans la liste des communes isolées ouvrant droit à la majoration territoriale prévue dans le cadre de l’IGAR. Il ressort également des auditions que si la mise en place de l’ISAO a eu des effets positifs sur la fidélisation des personnels de la DGSE, la mise en place de l’IGAR a produit des effets négatifs pour les militaires affectés dans des emprises autres que celle de Paris. Cette situation crée ainsi une concurrence malsaine entre les services qui porte atteinte à la bonne gestion des ressources humaines et, in fine, à l’atteinte des objectifs fixés aux armées. À titre d’exemple, il n’existe pas de primes de sujétions harmonisées entre les différents services de renseignement relevant du périmètre du ministère des Armées.
Recommandation n° 5 : veiller à la bonne mise en œuvre des mesures de revalorisation de la dimension indiciaire des rémunérations des personnels.
Les rapporteurs ont noté avec satisfaction que de nombreux travaux ont été engagés pour revaloriser la dimension indiciaire des rémunérations des personnels militaires et des personnels civils. Il s’agit d’un enjeu crucial pour le recrutement et la fidélisation des personnels. Les différentes mesures annoncées à ce titre devront être effectivement mises en œuvre.
Recommandation n° 6 : garantir aux personnels civils du ministère des Armées qui le souhaitent de pouvoir servir dans la réserve.
Les rapporteurs ont pu constater qu’il peut y avoir des réticences, pour ne pas dire des obstacles, à ce qu’un personnel civil puisse servir en tant que réserviste. Le ministère des Armées ne peut pas à la fois promouvoir l’engagement dans la réserve et ne pas permettre à ses personnels civils de s’y engager pleinement. Cela passe évidemment par un dialogue fin avec les employeurs afin de déterminer les périodes idoines pour que le fait de servir dans la réserve ne porte pas atteinte par ailleurs à l’accomplissement des tâches incombant au personnel civil réserviste.
Recommandation n° 7 : construire des parcours de carrière permettant à certains officiers de bénéficier d’une plus grande souplesse en matière de mobilité afin de leur permettre d’en moduler le rythme en fonction de leurs souhaits d’évolution professionnelle.
Les officiers sont soumis à un niveau de mobilité relativement important compte tenu de la nature de leurs missions. Il ressort des travaux de la mission que la mobilité est non seulement de moins en moins comprise et acceptée, mais également qu’elle peine de plus en plus à se justifier. La gestion des ressources humaines du ministère des Armées semble dominée par le paradigme de la mobilité, qui se justifie certes en partie par les besoins opérationnels et les souhaits de progression de carrière des personnels, mais qui semble également être devenu une fin en soi. Or, la fidélisation des ressources humaines du ministère des Armées, singulièrement les plus expérimentées qui peuvent facilement se reconvertir dans le secteur privé, implique également de repenser le rythme de la mobilité, afin que des personnels qui ont été très mobiles par le passé puissent, à un moment de leur vie où la quête de stabilité est forte, trouver un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle.
Recommandation n° 8 : engager une réflexion sur les causes de la désertion au sein des armées.
Le choix pour un personnel militaire de déserter n’est pas un choix anodin. Il s’agit sans doute de la façon la plus brutale de quitter les armées. Lors de leurs travaux, les rapporteurs ont déploré le manque relatif d’informations quant aux causes pouvant justifier le choix pour un personnel militaire de déserter, en particulier s’il a la possibilité de quitter l’institution autrement. Une réflexion pourrait utilement être engagée en ce sens, afin de mieux comprendre ce phénomène et y apporter les réponses adaptées.
Recommandation n° 9 : poursuivre les efforts déjà engagés en matière de diversité jusqu’à l’échelon des officiers généraux.
Les armées, qui sont tributaires des évolutions de la société dont elles sont par ailleurs le réceptacle, ont déployé des efforts conséquents pour garantir la diversité en leur sein, qui est, du reste, très perceptible au sein des militaires du rang et des sous-officiers. Des actions concrètes ont été prises en faveur de la diversité, y compris sur le plan de la diversité sociale, les armées permettant par définition à leurs personnels, d’où qu’ils viennent, de se hisser à des postes à responsabilité au mérite (cf. rôle d’escalier social des armées). Les efforts accomplis doivent certes être poursuivis mais également salués. L’organigramme des « chefs » de l’armée de Terre en annexe du présent rapport témoigne, par l’absence quasi-totale de femmes et de personnes issues de la diversité, des efforts qu’il convient de poursuivre.
Recommandation n° 10 : réformer le système de représentativité des personnels militaires.
Les personnels militaires ont la possibilité d’adhérer à des APNM, dont les critères de représentativité sont complexes. À ce jour, entre les trois armées, seules l’armée de l’Air et de l’Espace et la Marine nationale ont, chacune, une APNM « représentative » au sens légal (APN Air et APNM Marine). L’armée de Terre, quant à elle, n’a pas d’APNM représentative en son sein, tandis que les ingénieurs de l’armement ont deux APNM représentatives : France Armement et l’APRODEF. Les critères de représentativité des APNM gagneraient à être simplifiés. En outre, coexistent aujourd’hui deux systèmes de représentativité des personnels militaires : les APNM d’une part, et le CSFM d’autre part. Les critères permettant à une APNM d’être représentée au sein du CSFM, distincts des critères permettant à une APNM d’être représentative, sont d’une complexité telle qu’à ce jour, aucune APNM n’est représentée au sein du CSFM. La coexistence de ce système de représentativité, sur un mode relativement concurrentiel, porte atteinte à l’aspiration légitime des personnels militaires à être correctement représentés, alors qu’ils sont déjà contraints de ce point de vue par le cadre légal (la création des APNM étant d’ailleurs le fruit d’un contentieux porté devant la CEDH).
Recommandation n° 11 : créer un statut ad hoc à destination des personnels civils sous statut contractuel permettant de les soumettre à des sujétions en contrepartie de compensations.
Aujourd’hui, les personnels civils contractuels sont parfois soumis à des rythmes de travail dépassant le cadre de leurs contrats de travail, ce qui place le ministère des Armées dans une situation de risque juridique accru. Les personnels civils ne sont pas des personnels militaires, et à ce titre, ils ne sauraient être soumis à des niveaux de sujétions semblables à ceux pesant sur les personnels militaires qui, eux, voient ces sujétions compensées. Pour autant, les rythmes de travail au sein du ministère, et les aspirations mêmes des personnels civils contractuels qui occupent parfois des postes initialement dévolus aux personnels militaires, sont tels qu’ils se retrouvent à devoir se soumettre à de tels rythmes de travail. Ce système est actuellement partiellement contourné par le recours au statut de réserviste opérationnel. Mais la fragilité de la situation actuelle, qui n’est in fine satisfaisante pour personne, ne saurait perdurer. Des réflexions sont en cours au sein du ministère pour créer un statut ad hoc, à mi-chemin entre le statut de personnel civil et le statut de personnel militaire, permettant de soumettre des personnels civils contractuels, sous conditions et en échange d’une juste compensation notamment salariale ou en termes de congés, à des niveaux de sujétions adaptés aux spécificités des métiers du ministère. Les rapporteurs appuient cette évolution, qui leur semble indispensable.
Recommandation n° 12 : poursuivre les mesures de lutte contre les VSS.
Un rapport, commandé par le ministre des Armées, a fait état des mesures prises par le ministère des Armées pour lutter contre les VSS au sein des armées. De nombreuses recommandations, précises et étayées, ont été listées dans ledit rapport. Les rapporteurs insistent en particulier sur les conséquences induites par ce fléau en termes de ressources humaines : pour l’image des armées vis-à-vis des femmes souhaitant les rejoindre, et donc à terme pour l’attractivité du ministère, la lutte contre les VSS doit devenir un axe primordial de la politique de ressources humaines du ministère. Il va sans dire que la lutte contre les VSS ne se justifie pas uniquement par des impératifs de gestion des ressources humaines : c’est la représentativité des armées vis-à-vis de la Nation qui est mise en péril par la permanence de ce fléau. Mais il s’agit également, de manière pragmatique, d’une privation des ressources humaines pour le ministère, engagé à juste titre dans une quête des talents et qui déploie des efforts considérables – y compris humains et financiers – pour former des personnels féminins qui renoncent à poursuivre leurs carrières au sein des armées en raison de ce fléau.
La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur « Recrutement et fidélisation : gagner la bataille des ressources humaines du ministère des Armées » au cours de sa réunion du mercredi 19 mars 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous reprenons nos travaux avec l’examen des conclusions de la mission d’information sur le thème « Recrutement et fidélisation : gagner la bataille des ressources humaines du ministère des Armées », dont les rapporteurs sont nos collègues Caroline Colombier et Loïc Kervran. Cette mission d’information a été créée une première fois sous la précédente législature. Ces travaux n’ont à l’époque pas pu être menés à leur terme en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le bureau de la commission a toutefois souhaité la faire renaître afin de permettre à nos collègues rapporteurs d’achever leurs travaux sur un thème dont l’actualité est d’importance.
En effet, les ressources humaines du ministère des Armées constituent la pierre angulaire de notre politique de défense. Nous ne le répéterons jamais assez : la politique de défense repose d’abord et avant tout sur les femmes et les hommes qui s’engagent au service de la France au quotidien, pour nous défendre. Les ressources humaines sont au cœur de notre politique de défense. À ce sujet, la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 était à juste titre qualifiée de LPM « à hauteur d’homme ». Les ressources humaines étaient également au cœur de la loi de programmation militaire 2024-2030, qui fixe des objectifs ambitieux, puisqu’elle a pour objet d’augmenter les effectifs pour atteindre 275 000 équivalents temps plein (ETP) en 2030.
Pour atteindre de tels objectifs, il faut être en mesure de recruter et surtout de fidéliser ces femmes et ces hommes, enjeu qui constitue le cœur du présent rapport. Je tiens d’emblée à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail, fruits de travaux denses et soutenus. Vous avez en effet effectué vingt-quatre auditions et deux déplacements sur le territoire national. Votre rapport est d’autant plus remarquable que vous êtes parvenus à traiter des enjeux de recrutement et de fidélisation de l’ensemble des catégories de ressources humaines du ministère des Armées, c’est-à-dire ses personnels militaires mais également civils, de manière synthétique et exhaustive. Vous formulez plusieurs recommandations dans votre rapport, dont la densité et la précision témoignent de la profondeur de l’analyse que vous avez réalisée sur le sujet. Nous avons donc hâte de vous entendre et de pouvoir débattre avec vous autour de cette mission d’information.
Mme Caroline Colombier, rapporteure de la mission d’information. En préambule, je tiens à saluer mon co-rapporteur, avec lequel j’ai particulièrement apprécié de travailler.
Mes chers collègues, nous sommes très heureux de vous présenter ce matin les conclusions de nos travaux sur le recrutement et la fidélisation des ressources humaines du ministère des Armées. L’intitulé de la mission d’information qualifiait la politique publique de ressources humaines du ministère de « bataille », et au risque de dévoyer des termes militaires, nous avons pu mesurer, lors de nos travaux, combien le recrutement et la fidélisation représentent effectivement des batailles permanentes menées avec vigueur par les états-majors, directions et services du ministère des Armées.
Il s’agissait d’une mission d’information particulièrement ambitieuse, à double titre. Tout d’abord, nous nous sommes intéressés à toutes les catégories de personnels du ministère des Armées, qu’il s’agisse des personnels civils ou des personnels militaires. Nous vous laissons imaginer l’étendue de la réflexion qui en a découlé, au regard de la très grande diversité des statuts dans chacune de ces deux catégories de personnels. Par ailleurs, s’intéresser au recrutement et à la fidélisation nécessite d’évaluer un nombre important de politiques, y compris des politiques dont on pourrait considérer de prime abord qu’elles sont hors champ. Je pense notamment à la politique de reconversion, qui, en réalité, fait partie intégrante de la politique d’attractivité du ministère, et donc de sa politique de ressources humaines.
M. Loïc Kervran, rapporteur de la mission d’information. Je remercie à mon tour ma collègue Caroline Colombier, avec laquelle il a effectivement été très agréable de travailler. Il me semble rassurant pour nos concitoyens que nous puissions nous retrouver sur des sujets aussi importants et produire un tel rapport, de manière consensuelle.
La politique de ressources humaines du ministère des Armées a fait l’objet de nombreux rapports, dont nous saluons d’ailleurs la grande qualité. En plus des rapports sociaux uniques annuels, des contributions réalisées par des organes comme le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ou encore du rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) sur la condition militaire, les parlementaires se sont saisis de cette politique publique à de nombreuses reprises. Ils ont agi de la sorte de manière régulière dans le cadre du projet de loi de finances, pour assurer un suivi annuel ou de manière plus ponctuelle, dans le cadre de missions d’information de la commission de la défense ces dernières années, par exemple sur les personnels civils du ministère des Armées, sur le plan Famille ou encore sur les réserves.
Dans ce contexte, nous avons choisi de ne pas céder à la tentation de l’exhaustivité et réfléchi à un moyen de proposer une contribution originale et personnelle à la réflexion globale. Notre rapport est ainsi volontairement succinct et se focalise, dans ses recommandations, sur des sujets spécifiques qui constituent le cœur de l’apport de nos travaux.
Avant de vous présenter nos conclusions, permettez-nous de remercier l’ensemble des personnes auditionnées qui ont toutes utilement contribué à la réflexion. Plus généralement, nous souhaitons profiter de l’occasion qui nous est donnée pour rendre hommage aux femmes et aux hommes de la défense, civils comme militaires, qui s’engagent chaque jour pour nous défendre. Nous savons les sacrifices requis par l’engagement dans une carrière au service des armées françaises. Nous savons également que les femmes et les hommes sont au cœur de notre défense : chaque pan de notre politique de défense comprend une dimension relative aux ressources humaines, lesquelles constituent la pierre angulaire de notre défense.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Compte tenu du caractère limité du temps dont nous disposons, et dans la mesure où le projet de rapport qui vous a été transmis lundi fait déjà état de la politique de recrutement et de fidélisation du ministère des Armées, nous vous proposons de vous présenter directement nos douze recommandations.
La première recommandation vise à permettre aux régiments et aux bases aériennes et navales dans les territoires de recruter directement des candidats qui souhaitent les rejoindre. Actuellement, lorsqu’un candidat souhaite rejoindre une base ou un régiment en particulier, il doit tout d’abord s’affilier à l’armée correspondante et suivre une formation, sans avoir la garantie qu’il pourra, à l’issue, intégrer la base ou le régiment qu’il convoite ; même si des recrutements locaux ont déjà été expérimentés à la marge, notamment par l’armée de terre.
Cela s’explique essentiellement par une centralisation du processus de recrutement et, plus globalement, de gestion des ressources humaines aux racines historiques. Ce qui est appelé la « manœuvre RH », c’est-à-dire la gestion à l’échelle globale des ressources humaines, nécessite certes une coordination et un certain niveau de centralisation au niveau des états-majors et de la direction des ressources humaines (DRH-MD), ne serait-ce que pour éviter des distorsions de concurrence et les déséquilibres en matière de ressources humaines entre les régiments et les bases selon leur niveau d’attractivité qui pourraient, in fine, porter atteinte à la bonne conduite des missions.
Il n’en demeure pas moins que les régiments et les bases aériennes et navales ont tous une identité et des spécificités qui justifient qu’elles puissent être en mesure de recruter localement des personnels qui aspirent à les rejoindre en particulier. En outre, au-delà de l’attachement aux identités ou spécificités des diverses implantations militaires sur le territoire, un certain nombre de candidats au recrutement sous statut de militaire du rang peuvent exprimer le désir de s’engager spécifiquement dans leurs territoires, par attachement à celui-ci ou par souci de commodité.
M. Loïc Kervran, rapporteur. La deuxième recommandation vise à dépasser le système de gestion des personnels militaires fondé sur la dichotomie entre les gestionnaires et les employeurs. S’agissant du recrutement des personnels militaires dans les services interarmées – nous pensons au service de l’énergie opérationnelle (SEO), à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à la direction du renseignement militaire (DRM) ou encore à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) –, ces derniers sont actuellement totalement dépendants des effectifs militaires que les armées sont en mesure de leur octroyer.
Pour servir dans un service interarmées sous statut militaire, il est nécessaire de s’affilier à une armée, qui, dans un second temps et après un temps de formation, redirigera – ou non – vers le service interarmées en question. Cela vaut également pour des personnels militaires expérimentés, qui, après plusieurs années, peuvent souhaiter s’orienter, par exemple, vers un service de renseignement, l’une des priorités politiques fortes de la LPM 2024-2030. Ce système, hérité de l’histoire, s’applique, en outre, plus ou moins selon les services : tandis que certains ne sont qu’employeurs – par exemple la DRM –, d’autres cumulent totalement – comme la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi) – ou partiellement – par exemple le service d’infrastructure de la défense (SID) – les fonctions de gestionnaire et d’employeur.
Or les statistiques montrent que les taux d’armement de ces postes par les armées sont loin d’être satisfaisants, entre 85 % et 92 % selon les armées et les services interarmées considérés. Par ailleurs, lors des auditions, nous avons été alertés à de nombreuses reprises sur le fait que les profils des personnels mis à la disposition des employeurs ne correspondaient pas toujours à leurs besoins. En outre, les personnels militaires affectés sur ces postes n’ont pas toujours la possibilité de s’y maintenir même s’ils le souhaitent. Sans nier les difficultés de recrutement et de fidélisation des armées, qui expliquent la faiblesse relative de ces taux d’armement, une réflexion pourrait être utilement menée sur les voies et moyens pour remédier à cette situation, qui est, du reste, regrettable pour tout le monde.
Cette situation l’est d’autant plus qu’en conséquence, les postes non occupés par des personnels militaires que les armées n’ont pas été en mesure de fournir sont parfois occupés par des personnels civils, ce que les armées appellent la « civilianisation » des postes. In fine, cela porte atteinte à la militarité de ces services interarmées, et singulièrement les services de renseignement dont le besoin de militarité n’est pas à démontrer. À titre d’exemple, s’agissant de la DRSD, en 2023, le taux de personnels militaires au sein du service était de 60,5 % pour 39,5 % de personnels civils, soit 957 militaires et 607 civils.
L’objectif de la LPM 2024-2030 vise à porter le ratio à 68 % de personnel militaire, ce qui constitue un défi compte tenu de la tendance actuelle. Il est en effet nécessaire pour la DRSD comme pour tous les services interarmées de disposer d’un socle de militarité solide afin de réaliser ses missions, sur le territoire national ou en dehors. C’est la raison pour laquelle ces services accordent un intérêt important à la qualité du dialogue de gestion avec les DRH des armées, afin de veiller au maintien d’un équilibre raisonnable entre les personnels militaires et les personnels civils. La diversification des viviers de recrutement, notamment par la voie du recrutement d’officiers sous contrat, par la voie des officiers commissionnés ou encore par la voie du recrutement ab initio de sous-officiers de la spécialité « renseignement », est également privilégiée.
La troisième recommandation vise à rationaliser la cartographie des centres d’information et de recrutement des forces armées (Cirfa), afin que chaque département soit doté a minima d’un Cirfa commun aux trois armées. À l’heure actuelle, certains Cirfa ne sont pas communs aux trois armées. À titre d’exemple, à Bourges, il y a un Cirfa Air et un Cirfa Terre mais aucun Cirfa Marine. Certains départements sont par ailleurs dépourvus de Cirfa, par exemple les départements du Cantal et des Alpes-de-Haute-Provence. Les outils numériques permettent certes de pallier ces lacunes en proposant des informations sur les sites internet des armées dédiés. Des initiatives ont également été développées afin de permettre des échanges par visioconférence entre des candidats potentiels et des personnels militaires déjà en poste. Mais cette situation entraîne une inégalité de fait dans le recrutement entre les trois armées, selon que celles-ci disposent ou non d’un Cirfa. Lorsque tel est le cas, elles se privent de viviers de recrutements.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. La quatrième recommandation vise à poursuivre les efforts de rationalisation d’octroi des primes dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Dans sa conception initiale, la mise en place de la NPRM induisait des distorsions entre des agents appartenant à un même service, par exemple, la DGSE, selon qu’ils officient à Paris ou dans une autre implantation en Île‑de‑France.
Si des mesures ont été mises en œuvre pour y remédier, les efforts en ce sens doivent encore être poursuivis. À titre d’exemple, il ressort des auditions que la base aérienne de Senlis-Creil n’a pas été inscrite dans la liste des communes isolées ouvrant droit à la majoration territoriale prévue dans le cadre de l’indemnité de garnison (Igar). Il ressort également des auditions que si la mise en place de l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle a entraîné des effets positifs sur la fidélisation des personnels de la DGSE, la mise en place de l’indemnité de garnison a produit des effets négatifs pour les militaires affectés dans des emprises autres que celle de Paris.
Cette situation crée ainsi une concurrence malsaine entre les services, qui porte atteinte à la bonne gestion des ressources humaines et, in fine, à l’atteinte des objectifs politiques fixés aux armées. À titre d’exemple, il n’existe pas de primes de sujétions harmonisées entre les différents services de renseignement relevant du périmètre du ministère des Armées.
De manière complémentaire avec la précédente recommandation, la cinquième recommandation vise à veiller à la bonne mise en œuvre des mesures de revalorisation de la dimension indiciaire des rémunérations des personnels. Nous avons noté avec satisfaction que de nombreux travaux ont été engagés pour revaloriser la dimension indiciaire des rémunérations des personnels militaires et des personnels civils. Il s’agit d’un enjeu crucial pour le recrutement et la fidélisation des personnels. Les différentes mesures annoncées à ce titre devront être effectivement mises en œuvre. S’agissant des officiers, ces mesures débuteront cette année.
M. Loïc Kervran, rapporteur. La sixième recommandation vise à garantir aux personnels civils du ministère des Armées qui le souhaitent de pouvoir servir dans la réserve. Nous avons pu constater lors des travaux qu’il peut exister des réticences, pour ne pas dire des obstacles, à ce qu’un personnel civil puisse servir en tant que réserviste. Le ministère des Armées ne peut pas à la fois promouvoir l’engagement dans la réserve et ne pas permettre à ses personnels civils de s’y engager pleinement. Cela passe évidemment par un dialogue fin avec les employeurs afin de déterminer les périodes idoines pour que le fait de servir dans la réserve ne porte pas atteinte par ailleurs à l’accomplissement des tâches incombant au personnel civil réserviste.
La septième recommandation vise à construire des parcours de carrière permettant à certains officiers de bénéficier d’une plus grande souplesse en matière de mobilité, afin de leur permettre d’en moduler le rythme en fonction de leurs souhaits d’évolution professionnelle. Les officiers sont soumis à un niveau de mobilité relativement important compte tenu de la nature de leurs missions. Il ressort des travaux de la mission que la mobilité est non seulement de moins en moins comprise et acceptée, mais également qu’elle peine de plus en plus à se justifier. La gestion des ressources humaines du ministère des Armées semble dominée par le paradigme de la mobilité, qui se justifie certes en partie par les besoins opérationnels et les souhaits de progression de carrière des personnels, mais qui semble également être devenu une fin en soi. Or la fidélisation des ressources humaines du ministère des Armées, singulièrement les plus expérimentées qui peuvent facilement se reconvertir dans le secteur privé, implique également de repenser le rythme de la mobilité, afin que des personnels qui ont été très mobiles par le passé puissent, à un moment de leur vie où la quête de stabilité est forte, trouver un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. La huitième recommandation vise à engager une réflexion sur les causes de la désertion au sein des armées. Le choix pour un personnel militaire de déserter n’est pas anodin. Il s’agit sans doute de la façon la plus brutale de quitter les armées. Lors de nos travaux, nous avons déploré le manque relatif d’informations quant aux causes pouvant justifier le choix pour un personnel militaire de déserter, en particulier s’il a la possibilité de quitter l’institution autrement. Une réflexion pourrait utilement être engagée en ce sens, afin de mieux comprendre ce phénomène et y apporter les réponses adaptées.
La neuvième recommandation vise à poursuivre les efforts déjà engagés en matière de diversité jusqu’à l’échelon des officiers généraux. Les armées ont déployé des efforts conséquents pour garantir la diversité en leur sein, qui est, du reste, très perceptible au sein des militaires du rang et des sous-officiers. Nous précisons que la recherche de la diversité ne peut en aucun cas se réaliser au détriment des compétences et du mérite. Des actions concrètes ont été prises en faveur de la diversité, y compris sur le plan de la diversité sociale, les armées permettant par définition à leurs personnels, d’où qu’ils viennent, de se hisser à des postes à responsabilité au mérite – il est souvent question à cet égard du rôle d’« escalier social » des armées. Les efforts accomplis doivent être salués et poursuivis. L’organigramme des « chefs » de l’armée de Terre montre que des efforts peuvent être accomplis en matière de féminisation.
M. Loïc Kervran, rapporteur. En complément, les Français d’outre-mer constituent une part extrêmement importante des militaires du rang dans nos régiments et nos bases. En revanche, cette part se dilue lorsque l’on monte dans la hiérarchie. Nous éprouvons donc encore des difficultés à promouvoir ces profils.
La dixième recommandation vise à réformer le système de représentativité des personnels militaires. Les personnels militaires ont la possibilité d’adhérer à des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), dont les critères de représentativité sont complexes. À ce jour, parmi les trois armées, seules l’armée de l’Air et de l’Espace et la Marine nationale ont, chacune, une APNM « représentative » au sens légal (l’APN Air et l’APNM Marine). L’armée de Terre, quant à elle, n’a pas d’APNM « représentative » en son sein, tandis que les ingénieurs de l’armement ont deux APNM « représentatives » : France Armement et l’Association des professionnels de la défense (Aprodef). Les critères de représentativité des APNM gagneraient donc à être simplifiés.
En outre, coexistent aujourd’hui deux systèmes de représentativité des personnels militaires : les APNM d’une part, et le CSFM d’autre part. Les critères permettant à une APNM d’être représentée au sein du CSFM, distincts des critères permettant à une APNM d’être représentative, sont d’une complexité telle qu’à ce jour, aucune APNM n’est représentée au sein du CSFM. La coexistence de ce système de représentativité, sur un mode relativement concurrentiel, porte atteinte à l’aspiration légitime des personnels militaires à être correctement représentés, alors qu’ils sont déjà contraints de ce point de vue par le cadre légal. Je rappelle à ce titre que la création des APNM est d’ailleurs le fruit d’un contentieux porté devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Mme Caroline Colombier, rapporteure. La onzième recommandation vise à créer un statut ad hoc à destination des personnels civils sous statut contractuel permettant de les soumettre à des sujétions en contrepartie de compensations. Aujourd’hui, les personnels civils contractuels sont parfois soumis à des rythmes de travail dépassant le cadre de leurs contrats de travail, ce qui place le ministère des Armées dans une situation de risque juridique accru. Les personnels civils ne sont pas des personnels militaires, et à ce titre, ils ne sauraient être soumis à des niveaux de sujétions semblables à ceux pesant sur les personnels militaires qui, eux, voient ces sujétions compensées.
Pour autant, les rythmes de travail au sein du ministère, et les aspirations mêmes des personnels civils contractuels qui occupent parfois des postes initialement dévolus aux personnels militaires, sont tels qu’ils se retrouvent à devoir se soumettre à de tels rythmes de travail. Ce système est actuellement partiellement contourné par le recours au statut de réserviste opérationnel. Mais la fragilité de la situation actuelle, qui n’est in fine satisfaisante pour personne, ne saurait perdurer. Des réflexions sont en cours au sein du ministère pour créer un statut ad hoc, à mi-chemin entre le statut de personnel civil et le statut de personnel militaire, permettant de soumettre des personnels civils contractuels, sous conditions et en échange d’une juste compensation notamment salariale ou en termes de congés, à des niveaux de sujétions adaptés aux spécificités des métiers du ministère. Nous appuyons cette évolution, qui nous semble indispensable.
Enfin, la dernière recommandation vise à poursuivre les mesures de lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS). Un rapport, commandé par le ministre des armées, a fait état des mesures prises par le ministère pour lutter contre les VSS au sein des armées. De nombreuses recommandations, précises et étayées, ont été listées dans ledit rapport. Nous souhaitons insister en particulier sur les conséquences induites par ce fléau en termes de ressources humaines, pour l’image des armées vis-à-vis des femmes souhaitant les rejoindre, et donc à terme pour l’attractivité du ministère.
La lutte contre les VSS doit devenir un axe majeur de la politique de ressources humaines du ministère. En réalité, ce sujet ne concerne pas uniquement les armées, mais il s’agit également, de manière pragmatique, d’une privation des ressources humaines pour le ministère, lequel est engagé à juste titre dans une quête des talents. À ce titre, il déploie des efforts considérables, y compris humains et financiers, pour former des personnels féminins qui renoncent à poursuivre leurs carrières au sein des armées en raison de ce fléau, que l’on retrouve dans d’autres métiers et pans de la société.
Telles sont les conclusions de nos travaux. Nous vous remercions pour votre attention et nous nous tenons à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour votre présentation et cède à présent la parole aux orateurs de groupe.
Mme Michèle Martinez (RN). Je vous remercie pour votre travail et vos conclusions communes, qui symbolisent l’union de la nation sur les sujets importants du recrutement et de la fidélisation. Ces sujets sont abondamment discutés au sein de cette commission, mais votre travail s’avère très utile et édifiant. Il pointe les secteurs où les défis RH sont les plus intenses, notamment au niveau interarmées ou dans nos services spéciaux.
Nous avons par ailleurs été interpellés par le taux de désertion. Afin de faire face à ces défis, votre rapport propose des solutions innovantes, que nous saluons. Il revient également sur des dispositifs en cours. Parmi les dispositifs mis en place par le ministère des Armées pour favoriser le recrutement et la fidélisation, votre rapport fait référence au plan Fidélisation 360 lancé en mars 2024. Six axes ont ainsi été identifiés : mieux compenser les sujétions face aux nouvelles conflictualités et aux évolutions sociétales, accompagner la mobilité, assurer une juste rémunération, individualiser et dynamiser les parcours, améliorer les conditions de travail de la vie en emprise militaire et gagner la bataille des perceptions.
Des premières mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre, concernant notamment le reste à charge zéro en cas de déménagement. Pouvez-vous dresser un premier bilan de ce plan, dont nous fêtons le premier anniversaire ?
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Le plan Fidélisation 360 lancé en mars 2024 répond à un besoin de modernisation et d’adaptation des dispositifs liés au recrutement et à la fidélisation au sein des armées. Il sera effectivement essentiel de dresser un premier bilan des mesures qui ont été mises en œuvre et de leur impact concret. Ce plan s’articule autour de six axes principaux qui couvrent des domaines aussi variés que les ressources humaines, le logement, la rémunération, la mobilité, les conditions de travail et la gestion des perceptions. Il s’agit de mieux compenser des sujétions liées aux nouvelles conflictualités et aux évolutions sociétales, mais aussi d’assurer une juste rémunération et de dynamiser les parcours professionnels.
Parmi les premières actions mises en place, il est possible de citer la revalorisation des grilles indiciaires des sous-officiers, effective dès avril 2024, ainsi que celle des officiers, prévue cette année. Cette mesure vise à renforcer l’attractivité des carrières militaire et à répondre à l’attente légitime des soldats, à tous les niveaux. En matière de déménagement, un effort a été accompli puisque le reste à charge zéro pour les militaires mutés constitue pour eux un progrès indéniable. De plus, une plateforme en ligne a été développée pour fournir une assistance pratique et immédiate pour des démarches souvent très complexes. Je pense notamment au fameux portail Atrium.
S’agissant des parcours de carrière, des conventions ont été établies pour favoriser des passerelles entre les armées et les industriels, permettant de diversifier les trajectoires professionnelles et de répondre aux besoins de chacun. Enfin, il existe des mesures d’accompagnement mises en place dans les domaines de l’habitat, de la santé et de l’action sociale, afin d’améliorer la qualité de vie des militaires.
Pour le moment, il est sans trop tôt pour dresser un premier bilan, mais ces premières actions concrètes s’inscrivent dans la bonne direction. Il convient de poursuivre ces efforts, dans le souci constant de répondre aux attentes de ces personnels.
Mme Corinne Vignon (EPR). La fidélisation de nos militaires représente, avec le retour de la guerre de haute intensité, un défi majeur pour nos armées. Ainsi, l’année 2023 a été particulièrement marquée par de nombreux départs et des difficultés de recrutement, qui n’ont pas permis de compenser ces pertes. Conscients de cette problématique aujourd’hui récurrente, le ministère des Armées a mis en œuvre une série de mesures visant à fidéliser le personnel et à renforcer les carrières par une approche à 360 degrés, afin de dépasser la seule problématique des ressources humaines.
Le plan Famille 2 a été doté de 750 millions d’euros pour sept ans, soit plus de 40 % supplémentaires par rapport au plan précédent, afin de mieux compenser les contraintes opérationnelles, d’accompagner la mobilité des militaires et d’améliorer leur vie quotidienne et celle de leur famille. Par ailleurs, le plan Fidélisation 360 lancé il y a un an vient mettre en synergie l’ensemble de ces leviers pour répondre à un enjeu de fidélisation.
Néanmoins, le constat demeure préoccupant. La durée moyenne de service diminue, nos militaires restent en moyenne moins longtemps dans l’institution et plusieurs freins entravent encore cette fidélisation, avec des motifs d’insatisfaction clairement identifiés. En premier lieu, le logement et l’hébergement restent des préoccupations centrales. Le logiciel Atrium qui a été mis en place et permet de mener des visites virtuelles de logements domaniaux, afin que les militaires puissent bénéficier d’une vision du logement qui leur est proposé. Malheureusement, ce service ne présente quasi uniquement que des appartements ou des logements dans la région parisienne.
Que préconisez-vous pour accélérer le déploiement sur tout le territoire ? Disposez‑vous de pistes pour favoriser l’offre de location de logements privés ?
M. Loïc Kervran, rapporteur. L’année 2024 n’a pas vu se reproduire le trou d’air constaté 2023 en termes de recrutement, même s’il convient d’être prudent.
Je partage votre intérêt pour l’enjeu du logement, car celui-ci demeure un des facteurs d’attractivité extrêmement important du ministère. Le logiciel Atrium est utilisé pour la gestion des logements de manière générale et propose parmi ses fonctionnalités des visites virtuelles pour un nombre effectivement limité de logements, pour l’instant. Tout retard dans le déploiement de logiciels, dont la vocation consiste à faciliter la vie des militaires, est regrettable. Nous appelons donc de nos vœux son accélération, dans toutes ces fonctionnalités. Plus généralement, une réflexion sur les systèmes d’information dédiés aux ressources humaines mériterait d’être conduite. Nous savons également qu’un certain nombre de projets sont en cours pour améliorer les logiciels dédiés aux ressources.
S’agissant des locations de logements privés, tout ce qui peut être entrepris pour accroître l’offre de logements à destination des militaires doit l’être. À ce titre, une piste intéressante concerne les partenariats avec les collectivités locales. Le ministre Lecornu avait par exemple signé un certain nombre de conventions avec les collectivités territoriales de ma circonscription, à proximité de la base d’Avord. Dans ce domaine également, il existe une marge de progrès très concrète et atteignable.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Les difficultés de recrutement et de fidélisation au sein de nos forces armées sont réelles. Dans le contexte international actuel, cette réalité ne peut que nous inquiéter. Comme vous l’avez souligné, les carrières des militaires sont moins longues que par le passé, quel que soit le rang. Le taux de sélectivité s’établit à 1,3 pour un poste de militaire du rang et de moins de 2 pour les sous-officiers.
Dans un moment géopolitique où l’on parle volontiers d’économie de guerre et où l’on n’exclut plus l’escalade jusqu’à la confrontation armée sur notre Vieux Continent, il semble pertinent de se demander avec quelles forces nous partirions au front. Dès lors, il serait donc peut-être judicieux de s’intéresser à l’état réel de nos armées et à leur attractivité avant de jouer au va-t-en-guerre.
Le gouvernement ne semble pas pressé de recruter des militaires d’active et paraît plutôt compter sur un élan patriotique spontané du nombre de réservistes dans les années à venir. Il vise ainsi un ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active à l’horizon 2030, alors que ce ratio est actuellement d’un pour cinq. En 2035, le gouvernement souhaiterait même atteindre les 105 000 réservistes. Mais comment le gouvernement compte-t-il mener ce recrutement massif de réservistes étant donné les difficultés déjà rencontrées pour pourvoir les postes dans l’active ? Disposez-vous d’informations et quel est votre avis à ce sujet ?
Mme Caroline Colombier, rapporteure. L’élan patriotique s’est matérialisé par exemple lors du déclenchement de la guerre, avec un grand nombre de personnes qui se sont portées volontaires pour rejoindre l’armée ou la réserve.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Ayant l’honneur de côtoyer depuis sept ans nos militaires, je ne peux qu’être rassuré sur leur engagement. Si je devais partir au front, je le ferais avec chacun des militaires que j’ai pu croiser dans le cadre de mon activité de parlementaire, notamment ceux que j’ai rencontrés lors de notre mission d’information.
Ensuite, le recrutement de militaires est très dépendant de l’état du marché du travail. Lorsque le marché du travail était particulièrement tendu et que la demande était élevée, les recrutements du ministère des Armées devenaient plus compliqués. Quand le marché du travail civil est moins florissant, les armées retrouvent un plus grand nombre de candidats.
S’agissant de la réserve, nous avons formulé quelques recommandations. Nous estimons ainsi que le ministère doit être plus exemplaire dans sa promotion. S’il veut convaincre nos concitoyens, il doit déjà permettre à un plus grand nombre de ses propres personnels civils d’intégrer la réserve opérationnelle militaire quand ils le souhaitent. Par ailleurs, vous pouvez également constater que le débat public est actuellement marqué par un certain nombre de discussions sur une forme de service militaire volontaire ou une réserve militaire mobilisable pendant cinq ans. Ces questions ne sont complètement pas figées aujourd’hui.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Si les armées veulent plus attirer et fidéliser, elles doivent également disposer des moyens financiers en conséquence.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Je vous remercie pour votre travail, qui met en lumière le défi du recrutement pour nos armées, lequel se pose à de nombreux niveaux. Parmi ces défis, je me permets de mettre un exergue celui de la question cyber. Dans ce domaine, nous pouvons en effet payer très cher nos vulnérabilités. Les effets et les conséquences sont extrêmement importants. Les attaques à l’encontre de nos hôpitaux et de nos collectivités sont bien connues.
Mais il faut également évoquer la sécurité de nos logiciels embarqués et le risque de diminution de la surface d’attaque. Je pense notamment aux attaques qui ne visent pas les systèmes mais les personnes. L’armée française s’est ainsi dotée d’un commandement de la cyberdéfense (Comcyber) afin de parer ces attaques. Ces talents sont évidemment très recherchés sur le marché du travail, notamment par des entreprises privées qui disposent de plus grandes marges de manœuvre financières. Le rapport y fait d’ailleurs référence.
Quelques solutions sont proposées pour concurrencer ces entreprises qui font valoir de nombreux atouts. Il s’agit notamment du dispositif innovant de la prime de lien au service pouvant aller jusqu’à 50 000 euros pour le cyber, en échange d’un engagement à servir de deux à cinq ans ou du développement du recrutement de militaires sous statut commissionné pour répondre à des besoins et compétences spécifiques. Bien qu’il faille saluer ces avancées, elles peuvent paraître malheureusement insuffisantes dans le contexte international actuel et face à la concurrence des entreprises privées.
Dès lors, qu’est-il envisagé pour améliorer la compétitivité du secteur militaire par rapport au secteur privé sur ces métiers en tension ? Quelle évaluation en sera faite par rapport aux objectifs de renforcement de nos forces armées sur ce volet cyber et numérique ?
Mme Caroline Colombier, rapporteure. En matière cyber, l’armée est confrontée à une très forte concurrence du privé, dont les moyens financiers sont nettement supérieurs. Il faut cependant relever que les primes de lien au service ont été augmentées.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Dans la LPM, le cyber constitue un axe de progression, l’objectif affiché portant sur une hausse de plus de 950 ETP dans ce domaine, tous services confondus. Au-delà de la prime de lien au service, des grilles sont utilisées, notamment la grille de la direction interministérielle du numérique (Dinum), qui a été revalorisée, mais la mise en œuvre de sa deuxième version (Dinum 2) a été retardée. Lors de nos auditions, certains services, notamment les services de renseignement, ont indiqué que ce retard de mise en œuvre s’était avéré préjudiciable pour les recrutements.
Néanmoins, cette grille Dinum 2 vise précisément à améliorer la compétitivité face au secteur privé. Elle constitue un outil important pour continuer à pouvoir recruter ce type de profils. Enfin, le ministère est très attractif pour les débuts de carrière, en offrant des responsabilités qui ne pourraient pas être obtenues dans le civil, lesquelles permettent aux spécialistes en question de se constituer une véritable carte de visite. L’essaimage ultérieur n’est pas non plus totalement inintéressant pour le ministère, car il permet d’envoyer vers le secteur privé des gens compétents, dotés d’une culture militaire.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Une fois de plus, à travers ce rapport, notre commission fait œuvre utile. Nous sommes tous conscients que la richesse de nos armées réside dans les femmes et les hommes qui les servent. Je vous remercie donc pour ce travail, qui nous permet de témoigner notre reconnaissance à l’égard de ceux qui, pour reprendre le mot d’Aragon, ont librement accepté d’être les fiancés de la terre et les promis de la douleur.
Votre rapport comporte-t-il une étude comparative avec les pays qui éprouvent des difficultés dans le recrutement ? Je pense en particulier au Royaume-Uni qui a été conduit à désarmer des frégates, ou un pays comme la Pologne qui nourrit de grandes ambitions militaires légitimes compte tenu de sa situation géopolitique, mais qui peine à recruter, d’autant plus qu’elle connaît une situation de quasi plein emploi.
Ensuite, avez-vous travaillé sur les filières ? Je pense en particulier à la problématique post école de guerre pour la filière internationale. Ces postes sont stratégiques, notamment ceux des attachés de défense, mais les perspectives de carrière sont plutôt moins favorables.
Enfin, avez-vous proposé des mesures en matière symbolique ? Je pense par exemple à l’existence dans les régiments de sociétés équestres militaires, qui permettent de pratiquer l’équitation dans des conditions acceptables. De même, je sais que la disparition dans nos ports du cercle naval à Toulon ou du cercle naval à Brest a constitué un véritable traumatisme, notamment pour les officiers subalternes.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Nous n’avons pas cherché à établir de telles comparaisons, tant le sujet que nous devions traiter était déjà extrêmement dense. Par ailleurs, votre réflexion sur la problématique de la carrière après l’école de guerre est effectivement très pertinente.
M. Loïc Kervran, rapporteur. S’agissant de la comparaison avec d’autres pays, nos auditions ont permis de mettre en lumière que la France est moins confrontée que d’autres nations à des problèmes de santé ou de forme physique de sa jeunesse. Dans ce domaine, les États-Unis font face à un défi absolument gigantesque en matière d’obésité. Si la France n’est pas totalement épargnée, ces difficultés y sont moins prégnantes.
S’agissant des filières, nous avons surtout voulu réfléchir sur des parcours peut-être un peu moins systématiquement ascendants, moins linéaires. Les passages obligés dans les états-majors ne sont pas toujours attractifs pour des profils très opérationnels qui ont été très exposés, par exemple au sein de nos forces spéciales. Dès lors, il convient de mener une réflexion sur des parcours plus « circulaires, » y compris au sein du service de santé des armées (SSA).
Enfin, je partage vos propos concernant les cercles et centres équestres militaires, éléments importants qui se sont objectivement affaiblis, notamment en termes d’équipements dédiés.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Il est nécessaire de tisser un lien pérenne entre la jeunesse et les armées. Les générations se suivent mais ne se ressemblent pas. Monsieur le rapporteur, vous venez de dresser le parallèle entre la santé de notre jeunesse et celle des États-Unis. J’en profite donc pour vous appeler à soutenir les bons modèles agroalimentaires tels que ceux défendus par les écologistes.
La refonte de la journée défense et citoyenneté (JDC) constitue également un sujet. D’autres formats doivent être approfondis comme les classes de défense et la création de liens avec les armées. Le recrutement massif de réservistes parmi les civils et les anciens militaires d’active poursuit également son chemin. Il s’agit ainsi qu’ils puissent mettre leur savoir-faire et leur savoir-être au service des armées.
Ensuite, penser la place des femmes est primordial. Le travail se joue ici dans l’imaginaire des filles et leur capacité à se projeter dans les métiers de la défense, en prenant en compte les réalités de vie d’une femme, qui peut être aussi une mère. La poursuite des mesures de lutte contre les VSS représente également un enjeu crucial pour la fidélisation, comme le souligne votre douzième recommandation. L’accès à des responsabilités et la présence de rôles modèles représenteraient un indicateur et un facilitateur pour l’attractivité des armées. Les mêmes chances ne sont pas accordées aux femmes et à nos concitoyens issus de la diversité, même si des progrès sont réalisés au sein du ministère.
Un autre enjeu concerne le cadre de vie. Les personnels de l’armée sont intégrés dans nos collectivités, dans nos villes, dans nos communes. La vie de famille doit être conciliée avec l’agenda professionnel et une mobilité accrue par rapport à d’autres métiers de la fonction publique. De plus, la garantie d’un bon cadre de vie est importante pour l’image de l’institution. En conséquence, « gagner la bataille des ressources humaines » correspond-il à l’adaptation du ministère des Armées au changement de société ? Sur le volet de la rémunération et des primes, Bercy sera-t-il à l’écoute ?
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Nombre des éléments que vous avez évoqués sont abordés dans le rapport. Si des progrès demeurent à accomplir, les armées ont pris conscience de l’importance du cadre de vie des militaires et de leurs familles. Les temps ont changé, les femmes de militaires travaillent de plus en plus et souhaitent poursuivre une activité professionnelle dans les lieux où leurs maris ou conjoints sont mutés. Des améliorations voient ainsi le jour, même si ces personnes sont parfois contraintes d’occuper des postes de moindre envergure que ceux qui étaient les leurs, dans une vie antérieure.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je vous remercie d’avoir soulevé la question des femmes dans l’armée, à laquelle nous sommes très attachés, ma collègue et moi-même. À ce titre, je ne peux me satisfaire de l’organigramme actuel de nos chefs de l’armée de terre, qui ne comporte pas de femmes, ni de personnes issues de la diversité. J’espère qu’il en sera autrement, demain, tant ce sujet me paraît absolument vital. Nous avons auditionné des sociologues qui nous disent que ces éléments impactent le recrutement des armées. Elles doivent pouvoir montrer qu’il est possible d’atteindre le plus haut niveau de commandement, quel que soit son profil.
Je parlais également précédemment des parcours plus « circulaires », grâce à une gestion plus individualisée des carrières. Il faudrait par exemple permettre de passer plus de temps à un certain grade avec un peu moins de mobilité, en fonction des différents moments de la vie, en lien par exemple avec la parentalité.
S’agissant des désertions ou, de manière plus générale, des départs de l’institution, des progrès doivent également être accomplis pour bien en cerner les raisons. Lors de nos auditions, des sociologues indiquaient que le terme générique « d’inadaptation à la vie militaire » pouvait en réalité cacher l’inadaptation des armées à certains profils. Il convient donc de mener un travail plus fin pour comprendre les raisons qui poussent certains à quitter les armées, parfois de la manière la plus violente, c’est-à-dire en désertant.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je remercie nos deux rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je souhaite également adresser une très sincère pensée pour les hommes et les femmes du ministère des Armées, qui nous défendent avec un engagement sans faille.
Ensuite, je tiens à vous faire part d’une préoccupation. Je ne sais pas comment nous allons pouvoir simultanément renforcer notre industrie de défense et maintenir dans les armées tous les excellents techniciens qui y ont développé leurs compétences. Je pense par exemple aux mécaniciens qui sont très rapidement captés par les industriels une fois qu’ils ont été formés. À ce titre, il sera nécessaire de passer des contrats, des conventions, de partenariats avec l’industrie de défense pour que nous soyons gagnants-gagnants et non perdants-perdants, en définitive.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Ce sujet d’importance n’est malheureusement pas neuf et je souscris complètement à vos propos concernant la nécessité de conventions avec l’industrie. Il n’existe malheureusement pas de solution miracle, même si les armées mènent une réflexion en ce sens.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Madame la ministre, vous avez souligné à juste titre les efforts menés par le ministère des Armées, notamment avec le plan Famille, la politique de rémunération ou les mesures à destination des blessés.
Il existe déjà des outils, voire des processus de déconfliction entre les industriels et les forces armées en matière de recrutement, mais il convient d’aller plus loin. Les capacités de formation de nos forces armées subissent en effet une très forte pression concurrentielle et voient des effectifs de qualité les quitter après y avoir été formés, en particulier au niveau des sous-officiers et de l’encadrement. Il s’agit là d’une véritable difficulté, qui va sans doute s’accroître. À défaut de disposer de solution magique, je crois à un travail fin au niveau territorial entre les grands acteurs industriels et les forces, qui sont souvent présents sur les mêmes bassins.
Mme Lise Magnier (HOR). Je remercie nos deux rapporteurs pour leur rapport qui met parfaitement en lumière des enjeux concernant la gestion des ressources humaines au sein de nos armées. Celui-ci nous fournit l’occasion de témoigner notre reconnaissance à tous ceux qui servent nos armées, qu’ils soient militaires, personnels civils ou réservistes. Il est évident que le recrutement et la fidélisation représentent des piliers essentiels pour assurer la capacité opérationnelle et la défense de notre nation. Vous avez identifié un certain nombre de défis, comme l’attractivité des carrières, la compensation des sujétions spécifiques aux métiers militaires et la nécessité de moderniser les processus de recrutement.
Dans ce cadre, un aspect retient particulièrement mon attention. Il s’agit de la potentielle dichotomie entre gestionnaire et employeur au sein de nos forces armées. Il apparaît que de nombreuses directions et services dépendent de l’allocation de ressources par les différentes DRH d’armée pour leurs personnels militaires. Cette situation peut parfois engendrer une inefficacité et des déséquilibres, notamment en termes de correspondance entre les besoins spécifiques des services et les profils des personnels qui leur sont effectivement alloués.
De quelle manière cette dichotomie influence-t-elle concrètement la capacité de certains services – je pense particulièrement à la DRM – à répondre à leurs besoins opérationnels ? Surtout, quelles mesures pourraient être envisagées pour harmoniser davantage le processus de gestion et d’allocation des ressources humaines et des compétences afin de garantir une meilleure adéquation entre les compétences requises et les personnels effectivement disponibles ?
M. Loïc Kervran, rapporteur. À l’heure actuelle, il n’existe pas d’harmonisation. Certains services comme la DRM dépendent totalement pour leurs effectifs militaires de l’allocation des trois armées, quand d’autres comme la Dirisi sont à la fois gestionnaires et employeurs. De son côté, le SID dépend de l’allocation des trois armées pour un certain nombre de postes militaires, mais a également créé son propre corps d’ingénieurs, les ingénieurs militaires d’infrastructure (IMI).
Or cette disparité nuit au bon fonctionnement. D’abord, les armées ne sont pas capables de fournir les effectifs dont elles devraient disposer. À titre d’exemple, les décisions politiques ont mis l’accent sur le renseignement, mais les armées n’affectent pas le nombre de personnels qu’elles sont censées allouer à la DRM, à la DGSE ou à la DRSD. En conséquence, les services ont tendance à « civilianiser », c’est-à-dire à recruter directement des civils, ce qui contribue à porter atteinte à la militarité et aux fonctions opérationnelles. Ce faisant, on se prive d’utiliser des « marques employeur » pourtant reconnues. Par exemple, aujourd’hui, il n’est pas possible de rejoindre directement la DRM : il faut d’abord passer par l’armée de terre ou l’armée de l’air, qui à un moment de leur carrière, affecte des personnels à la DRM. Au-delà du nombre, il est surtout question de la bonne allocation des compétences. Il existe parfois un décalage abyssal entre les profils et compétences dont ces services ont besoin et ceux que les armées leur allouent.
En conclusion, face à ces dysfonctionnements, se pose la question du recrutement direct, y compris sous statut militaire, d’un certain nombre de ces directions et services.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Je partage entièrement ce point de vue : la marque employeur n’est pas suffisamment exploitée.
M. Loïc Kervran, rapporteur. À ce titre, au-delà des services de renseignement, d’autres directions comme le SID peuvent constituer de très belles marques employeur.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de questions complémentaires.
Mme Stéphanie Galzy (RN). La revalorisation des soldes des militaires représente un enjeu crucial pour l’attractivité et la fidélisation des forces armées. Si la nouvelle politique de rémunération des militaires a permis certaines avancées, notamment via la révision des grilles indiciaires et des indemnités spécifiques, l’indemnité de garnison pose encore problème. En effet, son application inégale crée des distorsions entre les militaires d’un même service selon leur affectation géographique. Comme le souligne le rapport d’information, ces disparités engendrent une concurrence malsaine entre les services et nuisent à la gestion des ressources humaines des armées. Quelles mesures faudrait-il prendre pour corriger ces effets pervers et garantir une véritable équité dans l’application des dispositifs indemnitaires ?
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Vous avez tout à fait raison. La revalorisation des soldes de militaires, notamment l’indemnité de garnison et son complément, constitue un véritable enjeu pour attirer et fidéliser le personnel militaire. Des inégalités persistent en raison de l’application différenciée de cette Igar, laquelle a été créée en 2023 pour mieux compenser les contraintes géographiques. Cette situation crée des tensions chez les militaires affectés dans des zones géographiques différentes et nuit à la bonne gestion des ressources et la cohésion au sein des armées.
Afin de corriger ces distorsions, il est essentiel de poursuivre les efforts de rationalisation de l’octroi des primes dans le cadre de la NPRM. Il convient en outre d’envisager une réévaluation des critères d’évaluation de l’Igar pour mieux prendre en compte les spécificités locales et étendre des zones qui bénéficient de la majoration territoriale. Une telle action garantirait une plus grande équité entre les militaires et renforcerait l’attractivité et la fidélisation des forces armées.
M. Loïc Kervran, rapporteur. La question des primes constitue un enjeu de taille dans les services de renseignement, afin d’éviter une forme de concurrence déloyale entre eux. Par exemple, la DGSE à Mortier ne connaît pas le même régime de primes qu’une autre implantation, située de l’autre côté du périphérique. De même, la DRM a été pendant longtemps le dernier service de renseignement à ne pas bénéficier de la prime de sujétion, mais dispose désormais d’une prime plus intéressante que celle de la DRSD.
Vous constatez ainsi l’absence d’alignement. Il convient donc de mener un travail d’harmonisation des primes pour les services de renseignement, en lien avec la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT).
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne la planification du recrutement des jeunes générations de soldats en fonction de la grande bataille du XXIe siècle, le changement climatique global. Il s’agit d’un problème majeur auquel les forces armées sont d’ores et déjà confrontées. Il convient ainsi de penser et d’opérationnaliser la nécessaire adaptation au changement climatique de nos sociétés. À l’échelle des forces militaires, cela impose de nouvelles missions, notamment un suivi et une réponse aux crises et catastrophes naturelles qui s’accompagnent de missions de sécurisation, d’aide à des populations sinistrées ou rendues vulnérables par des désastres causés par le changement climatique. Ces actions s’effectuent avec en interaction d’autres acteurs bien connus comme les sécurités civiles, les ONG humanitaires et le management de crise.
Cette nouvelle donne climatique impose une projection dans un avenir toujours plus prévisible à la lumière du diagnostic scientifique sur les dégradations des conditions d’habitabilité de la terre. Simultanément, nous constatons une certaine indétermination dans la réponse collective pour y faire face. De quelle manière le ministère intègre cette variable dans sa politique de recrutement et de fidélisation durable des ressources humaines dans une planète qui se réchauffe toujours plus ?
M. Loïc Kervran, rapporteur. Cette question est effectivement importante pour une partie significative de notre jeunesse. Il convient à ce titre de mentionner la stratégie globale « Climat & Défense ». En s’engageant dans nos armées, nos jeunes contribuent également à protéger la biodiversité, par exemple à travers les opérations de lutte contre la pêche illégale. Ils portent secours aux populations à la suite de catastrophes climatiques.
Ensuite, les armées mènent une réflexion propre en matière de climat, qui se traduit notamment dans leur équipement capacitaire. Il y a quelques jours, j’ai assisté à Bourges au concours Defstart, qui a pour objet de financer des PME innovantes. L’une des PME récompensées propose un quad électrique doté d’une autonomie extrêmement longue et d’une capacité d’emport très importante pour nos armées. En conclusion, à travers ses missions et ses efforts d’adaptation, notre armée française peut contribuer directement à la protection du climat et de la biodiversité, sans être en contradiction avec ses propres valeurs.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). En complément, je rappelle que le ministère des Armées a établi un grand plan centré autour de la biodiversité, de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et plus globalement de l’ensemble de ces sujets environnementaux. Je considère qu’il s’agit là d’un levier important aussi pour attirer la jeunesse. Le ministère des Armées s’implique fortement dans ce domaine et je tenais à le signaler.
M. Pascal Jenft (RN). Je souhaite évoquer les effectifs du service de santé des armées (SSA), lequel revêt une importance capitale pour nos armées, aussi bien lors des opérations extérieures que sur le territoire national. Le SSA effectue également des recherches médicales et peut constituer un soutien précieux en cas de crise sanitaire. Dans votre rapport, vous indiquez qu’il fait partie des métiers en tension forte. Parmi les mesures de fidélisation, on peut observer grâce à votre rapport que le complément de salaire pour atteindre l’indice 49 du plan Ségur est toujours étendu aux psychologues et aux services paramédicaux des services de santé des armées.
Estimez-vous que ces mesures soient suffisantes pour fidéliser les personnels du SSA ? Sinon, comment les fidéliser davantage ? Il s’agit là d’une question importante dans la mesure où le bon fonctionnement du service peut exercer une influence sur la fidélisation de tous les corps d’armée dans leur ensemble. De plus, le SSA doit être en mesure de s’adapter aux défis contemporains.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. La LPM 2024-2030 a placé un accent particulier sur le SSA, en reconnaissant son rôle crucial pour assurer une capacité médicale optimale dans le cadre des missions militaires. Cette attention se traduit notamment par la mise en place de mesures spécifiques pour renforcer l’attractivité du SSA et soutenir ses effectifs face aux nombreux défis qu’il rencontre, notamment dans le contexte de la modernisation de nos forces armées.
Dans cette optique, des mesures salariales ciblées ont été introduites pour améliorer les conditions de travail des personnels du SSA. Tout d’abord, la prime de lien au service peut atteindre jusqu’à 50 000 euros pour certains professionnels. Cette prime est particulièrement destinée à des familles professionnelles spécifiques comme celles du nucléaire, des systèmes d’information et de communication, ainsi qu’aux praticiens. Cependant, elle demeure conditionnée par un engagement à servir en son sein pour une durée de deux à cinq ans, l’objectif consistant à attirer et fidéliser des compétences rares et essentielles à la défense nationale, tout en en renforçant la stabilité du service de santé.
Parallèlement, une majoration indiciaire a été instaurée. Elle attribue quarante‑neuf points d’indice supplémentaires aux membres du SSA dans le cadre d’une augmentation de leur traitement indiciaire. Elle s’inscrit également dans le plan Ségur de la santé qui visait à revaloriser les soignants. Désormais, cette majoration bénéficie aussi aux soignants civils et militaires, aux paramédicaux et psychologues du SSA, à l’exception des praticiens. Ces mesures illustrent bien l’engagement de soutenir le SSA tout en assurant l’attractivité et la fidélisation de ce service vital pour nos armées.
M. Thomas Gassilloud (EPR). À travers les différents exemples qui ont été évoqués concernant les disparités de statut, force est de constater que les civils sont toujours mieux traités que les militaires. Vous parliez des armées, mais l’on pourrait comparer les différences de traitement entre nos gendarmes mobiles et nos CRS, qu’il s’agisse des conditions d’implantation ou des niveaux de salaire.
Je souhaite donc attirer votre attention sur deux points particuliers. Je pense d’abord à l’importance de la singularité militaire, qui a tendu à diminuer à l’époque des « dividendes de la paix », à la fois en termes capacitaires, mais aussi de civilianisation. Or cette singularité militaire demeure extrêmement importante en raison des considérations éthiques, juridiques et morales qui y sont attachées. L’Assemblée nationale et notre commission doivent y être particulièrement attentives.
Ensuite, toujours dans le cadre de cette singularité, nous devons veiller à ne pas prendre prétexte des restrictions des libertés syndicales de nos militaires pour trop dégrader leurs conditions d’exercice, ce qui a pu intervenir par le passé. Nous devons être attentifs à l’équilibre entre les sujétions, mais aussi les droits des militaires. À ce titre, le Parlement est également destinataire, au même titre que le président de la République, du rapport du HCECM, qui chaque année fait le point sur cette singularité militaire.
De manière un peu plus générale, vous avez exposé des propositions techniques en faveur de l’attractivité et de la fidélisation du métier des armes. Quel regard personnel portez‑vous sur la place du militaire dans notre société ? Au-delà des conditions salariales ou d’hébergement, l’attractivité et la fidélisation se jouent avant tout sur la place offerte à chacun dans la société, notamment vis-à-vis d’une jeunesse à la recherche de sens. Qu’ont-ils à nous dire ? Que peuvent-ils apporter à la Nation, au-delà de la défense de ses intérêts ?
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé ces points d’attention, que nous partageons. J’ai fortement insisté sur la notion de gestionnaire‑employeur, qui constitue une des sources profondes de civilianisation de nos services et directions. S’agissant de l’équilibre entre droits et devoirs, notre rapport comporte une recommandation sur la représentativité.
Vous avez également mentionné la question de la place des militaires dans la société. D’abord, je considère que la moindre visibilité des uniformes dans nos rues doit être prise en compte. Il me semble nécessaire de réobjectiver cette question. En termes de fierté individuelle, de visibilité et de contact, il m’apparaît important que les militaires puissent à nouveau circuler en uniforme dans les rues de nos villes.
Ensuite, je suis pour ma part nostalgique de l’image de l’officier du XIXe siècle tel qu’elle a été notamment dépeinte par la littérature de cette époque. Par le passé, la société a accordé une place plus importante aux officiers, qui faisaient partie des notables, au même titre que d’autres professions, notamment en province. Cela n’est pas spécifique aux armées ; il suffit de penser par exemple à nos instituteurs, nos médecins.
À titre personnel, je m’efforce de contribuer à cette réémergence. Il y a quelques jours, j’ai participé à un débat aux écoles militaires de Bourges avec Jean-Laurent Cassely, auteur de La France sous nos yeux. J’estime nécessaire de renforcer ces liens et la présence de nos militaires dans l’espace public, le débat public et la vie de la cité.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. Je partage tout à fait ce point de vue. Il me semble nécessaire d’envisager des manières de mieux rendre visible nos militaires, notamment dans les rues de nos villes. Par ailleurs, certains militaires quittent l’institution à défaut de pouvoir s’impliquer dans des missions qui donnent du sens à leur engagement.
M. Aurélien Rousseau (SOC). Je souhaite m’attarder également sur les questions relatives au recrutement et à la fidélisation. Comme nous pouvons le constater dans d’autres grands secteurs comme ceux de la santé ou l’éducation, le ressort de l’héroïsme ne suffit plus à maintenir l’engagement. Les militaires ont à la fois la volonté d’être au service de leur pays, mais doivent également se projeter dans la suite de leur carrière.
L’hybridité des menaces, la diversité des moyens que peut utiliser quelqu’un qui a connu la chose militaire doit pouvoir lui offrir des débouchés. Il est essentiel que l’armée en tant que gestionnaire et employeur puisse offrir aux militaires des exemples de sortie, afin qu’ils puissent se projeter. Cela vaut aussi bien pour les soldats, les sous-officiers, mais également les officiers supérieurs, par exemple ceux qui n’ont pas suivi l’école de guerre.
Mme Caroline Colombier, rapporteure. L’enjeu de la « reconversion » des militaires d’active est pris en charge par les armées, mais il convient sans doute de progresser encore dans ce domaine.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je suis persuadé que la gestion de la reconversion constitue plutôt une force de ce ministère. Ensuite, lors de nos auditions, nous avons évoqué avec des sociologues les ressorts de l’engagement. Il apparaît que le pourcentage de la jeunesse française intéressée par le fait de rejoindre les armées demeure très stable sur le long terme, alors même que ces ressorts varient dans le temps. Le vivier naturel de personnes intéressées par le métier des armes reste très stable, sur plusieurs décennies.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour la présentation de votre mission d’information qui a mis en valeur la richesse humaine de nos armées.
La commission autorise à l’unanimité le dépôt du présent rapport d’information.
Annexe 1 :
liste des personnes auditionnées par les rapporteurs et déplacements
1. Auditions
Direction des ressources humaines du ministère des Armées – M. le contrôleur général des armées Thibaut de Vanssay, directeur, et M. le lieutenant-colonel Lionel Monnot, adjoint au chef de la division métiers ;
Direction générale de la sécurité extérieure – Représentants ;
Associations professionnelles nationales de militaires – M. Lionel Hillaireau, président et M. Philippe Glimois, vice-président de l’APNAIR, M. Michaël Berben, secrétaire général et M. Frédéric Verdu, co-président officier marinier de l’APNM Marine, M. Romain Berline, président de France Armement et M. Alexandre Tran Ba Tho, membre de l’APRODEF ;
Conseil supérieur de la fonction militaire – M. le contrôleur général des armées Christophe Jacquot, secrétaire général, M. le lieutenant-colonel Alexis Dupré, secrétaire de la commission des statuts, M. le caporal-chef de 1re classe Madi Laza, secrétaire de la commission des « régimes indiciaires ou indemnitaires et des pensions », M. l’adjudant Thomas Legris, secrétaire-adjoint de la commission des statuts, M. l’adjudant-chef Jean-Frédéric Le Phoulër, secrétaire de la commission « conditions de vie, des aspects sociaux, de l’environnement professionnel et de la santé et sécurité au travail », M. l’adjudant Grégory Rivière, secrétaire-adjoint de la commission « conditions de vie, des aspects sociaux, de l’environnement professionnel et de la santé et sécurité au travail », M. le major Stéphane Sorlin, secrétaire-adjoint de la commission « régimes indiciaires ou indemnitaires et des pensions », M. l’ingénieur Arnold Thomas, secrétaire du conseil ;
État-major de la Marine nationale – M. le vice-amiral d’escadre Éric Janicot, directeur du personnel de la Marine nationale ;
Direction générale de l’armement – Mme Caroline Krykwinski, directrice des ressources humaines, et M. l’ingénieur général de 2e classe de l’armement Pascal Fintz, chargé de la sous-direction de la politique des ressources humaines ;
Direction du renseignement et de la sécurité de la défense – Représentants ;
Direction du renseignement militaire – Représentants ;
Haut comité d’évaluation de la condition militaire – Mme Catherine de Salins, présidente ;
État-major des armées – M. le général de brigade aérienne Sébastien Mazoyer, chargé de mission « ressources humaines » ;
État-major de l’armée de Terre – M. le général de corps d’armée Marc Conruyt, directeur des ressources humaines ;
Syndicats des personnels civils du ministère des Armées – M. Laurent Tintignac, secrétaire général et Mme Nathalie Albertin, adjointe de l’UNSA Défense, M. Didier Lenfant, président de la CFTC Défense, M. Valéry Michel, secrétaire fédéral et M. Olivier Hussard, représentant de FO Défense ;
Institut catholique de Paris – Mme Bénédicte Chéron, maître de conférences ;
Direction générale de l’administration et de la fonction publique – Mme Mathilde Icard, cheffe de service de la synthèse statutaire, du développement des compétences et de la donnée au sein de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, et Mme Sandrine Staffolani, sous-directrice du recrutement, des compétences et des parcours professionnels ;
Ministère des Armées – Mme la commissaire générale Catherine Bourdès, haute fonctionnaire à l’égalité des droits ;
Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan – M. le général de division Hervé de Courrèges, commandant ;
Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme – Représentants ;
Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information – M. le général de division Erwan Rolland, directeur central adjoint, officier en charge des ressources humaines ;
Service de l’énergie opérationnelle – M. Cyrille Foulon, sous-directeur en charge des ressources humaines, et M. Matthieu Trutaud, chef de bureau personnel militaire ;
École Polytechnique – Mme Laura Chaubard, directrice générale et présidente par intérim ;
Service d’infrastructure de la défense – M. l’ingénieur général hors classe de l’armement Alexandre Barouh, directeur central, et Mme Corinne Sinnassamy, directrice « ressources humaines, métiers et compétences » ;
État-major de l’armée de l’Air et de l’Espace – M. le général de corps aérien Philippe Hirtzig, directeur des ressources humaines ;
Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan – M. Claude Weber, professeur des universités de sociologie à l’Université de Rennes 2 et chercheur associé à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan ;
Défense mobilité – M. le commissaire général de 1re classe Frédéric Sternenberg, directeur.
2. Déplacements
5 juin 2024, Creil : entretien avec des représentants de la DRM
6 juin 2024, Tours : entretien avec des représentants des antennes locales des directions des ressources humaines des trois armées
[1] Un recrutement sous statut commissionné désigne un recrutement en qualité d’officier ou de sous-officier pour satisfaire des besoins immédiats des armées ou des formations rattachées, aux fins d’occuper des emplois de spécialistes à caractère scientifique, technique ou pédagogique qui ne sont pas pourvus par les autres modes de recrutement et de formation ou qui font l’objet d’une vacance temporaire. La liste de ces emplois est fixée par arrêté du ministre chargé de la Défense ou du ministre de l’Intérieur pour les militaires commissionnés de la Gendarmerie nationale.
([2]) Accès en tout Temps, tout Lieu Au Soutien.
([3]) Militaires de carrière, militaires servant en vertu d’un contrat et militaires réservistes opérationnels.
([4]) Une « union » regroupe des APNM partageant des objectifs communs mais conservant leur autonomie de décision. En revanche, au sein d’une « fédération », les décisions sont prises au niveau de la fédération et elles s’imposent aux APNM, qui doivent s’y tenir. Le fonctionnement d’une « union » est donc plus souple dans la mesure où il permet aux APNM de garder leur autonomie et leur mode de fonctionnement propres.
([5]) Les conditions de représentativité des APNM ou leurs unions et fédérations reconnues pour siéger au sein du CSFM sont, elles, régies par l’article L4126-10 du code de la défense. Il s’agit de règles distinctes des règles fixées par l’article L4126-8 du code de la défense relatives à la représentativité des APNM.