N° 1269

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur les stratégies de marché de la filière vitivinicole

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Sylvain CARRIÈRE et Mme Sandra MARSAUD

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

liste des recommandations

Introduction

I. L’export, un relais de croissance nÉcessaire dans un contexte de diminution de la consommation

A. Une baisse de la consommation de vin rÉvÉlatrice de nouvelles habitudes

1. Une consommation de vin en réduction

a. Une baisse de plus de 60 % en soixante ans de la consommation de vin par habitant en France

b. Une baisse également observable au niveau mondial depuis 2018

2. L’émergence de nouvelles habitudes de consommation

a. L’évolution des préférences

b. Des modes de consommation différents

B. les marchÉs internationaux : des dÉbouchÉs indispensables

1. Un relais de croissance incontournable…

2. … fragilisé par un contexte international très incertain…

3. … et la concurrence des vins étrangers

II. la promotion des vins et du savoir-faire Français

A. L’enjeu de la communication autour des vins français

1. À l’international, une stratégie collective qui doit composer avec les mesures protectionnistes

a. Une stratégie collective axée sur l’art de vivre et le savoir-faire français…

b. … qui doit composer avec les barrières douanières

2. La promotion du vin en France : un exercice délicat

a. Le cadre strict de la loi du 10 janvier 1991

b. Des possibilités de communication insuffisamment exploitées

B. L’Œnotourisme, un secteur au service de la valorisation du savoir-faire français

1. Un secteur en plein essor

a. Douze millions d’œnotouristes en France

b. Une offre qui se diversifie

2. … dont le potentiel pourrait être davantage exploité

a. Une marge de progression importante

b. Les freins à lever

III. Mieux piloter l’offre de vins français

A. Renforcer la capacité d’analyse collective des marchés

1. Les outils de veille économique disponibles

a. Au niveau régional

b. Au niveau national

2. Les marges de progression existantes

a. Le manque de données relatives à la consommation

b. La nécessité d’un approfondissement de la démarche de filière au niveau national

B. Adapter les vins AUX demandeS des marchés

1. Produire pour l’ensemble des marchés existants ou émergents

a. S’appuyer sur nos forces : les appellations et la diversité des vins français

b. La segmentation de l’offre ne doit pas conduire à négliger l’entrée de gamme

2. Expérimenter et innover pour répondre aux attentes sociétales

a. Concevoir les aides à la filière en cohérence avec ses stratégies d’adaptation et de modernisation

b. L’évolution des cahiers des charges comme condition d’adaptation des vins sous signe de qualité aux attentes des consommateurs et aux conséquences du changement climatique

c. La question de la désalcoolisation

C. RÉguler les volumes pour crÉer de la valeur

1. Les mécanismes de gestion quantitative de l’offre

a. Des réponses structurelles inévitables pour répondre à la crise de surproduction

b. La nécessité d’approfondir la régulation interprofessionnelle

c. Le régime des autorisations de plantation

d. Sécuriser davantage la production face aux aléas climatiques

2. Répartir la valeur et investir pour la compétitivité de la filière

a. La contractualisation en viticulture

b. Le cas des coopératives viticoles

CONCLUSION

travaux de la commission

Liste des personnes auditionnÉes

Personnes entendues lors des dÉplacements

 

 


   liste des recommandations

(Par ordre d’apparition dans le rapport)

1 – Développer une filière de réemploi et de consigne des bouteilles de vins tranquilles en France.

2 – Renforcer la promotion à l’international des vins et des spiritueux en l’associant à celle de la gastronomie française.

3 – Définir une stratégie nationale visant à permettre au plus grand nombre de producteurs français d’accéder aux marchés étrangers et de se développer à l’international dans une approche collective.

4 – a) Sandra Marsaud : Veiller à ce que l’Union européenne préserve les intérêts de la filière vitivinicole française dans le cadre des négociations avec nos principaux partenaires commerciaux (États-Unis et Chine en particulier) et offre à la filière de nouveaux débouchés à l’international dans le cadre d’accords sectoriels, sans compromettre les intérêts des autres filières agricoles françaises.

b) Sylvain Carrière : Ajuster le niveau de nos tarifs douaniers et utiliser leurs produits pour compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole lié à la hausse des tarifs douaniers imposés par des pays comme les États-Unis ou la Chine, afin d’accompagner la transition de la filière viticole et son adaptation à de nouveaux marchés.

5 – Valoriser les régions viticoles en exploitant toutes les possibilités de communication offertes par le cadre juridique actuel.

6 – Doter la France d’une stratégie nationale ambitieuse pour accélérer l’essor de l’œnotourisme et favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs.

7 – Concrétiser rapidement la mise en place de l’observatoire national des tendances de marché et mobiliser les moyens pour l’alimenter en données.

8 – Envisager une évolution du rôle et des statuts du CNIV pour en faire une interprofession nationale.

9 – S’appuyer sur l’excellence reconnue des vins français pour mieux conquérir les marchés d’entrée de gamme.

10 – Concevoir des dispositifs d’aide permettant de sécuriser les viticulteurs dans leurs démarches d’expérimentation de pratiques innovantes visant à adapter leurs productions aux conséquences du changement climatique et aux attentes des consommateurs.

11 – Doter l’interprofession nationale d’un outil de prospective réalisant des études d’anticipation des crises afin d’orienter les politiques de restructuration des vignobles.

12 – Renforcer la régulation interprofessionnelle des volumes mis en marché au niveau de chaque interprofession régionale.

13 – Négocier, au niveau européen, la possibilité de modifier la référence à la moyenne olympique pour le calcul du rendement moyen d’une exploitation dans le cadre de l’assurance récolte.

14 – Inciter les interprofessions régionales à publier des indicateurs de coûts de production pertinents dans leur bassin de production en affirmant la conformité au droit de la concurrence de la publication de tels indicateurs.

15 – Prévoir que constitue un prix « abusivement bas » au sens de l’article L. 442-7 du code de commerce le prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de la négociation.


Introduction

La filière vitivinicole occupe une place singulière dans l’économie française. En 2023, les 58 000 exploitations de vin que compte la France ont produit 45,9 millions d’hectolitres (hors usages industriels) – dont plus de 12 millions d’hectolitres de cognac –, un niveau relativement stable ces dernières années ([1]), pour une valeur de l’ordre de 15,5 milliards d’euros selon l’Insee, soit 16 % de la valeur de la production agricole française ([2]). Les vins et les spiritueux constituent le troisième excédent commercial de la France après l’aéronautique et les cosmétiques.

La filière est constituée de l’ensemble des acteurs en charge de la production de raisin, de vin et d’eaux-de-vie de vin, essentiellement le cognac et l’armagnac, ainsi que de leur commercialisation. Producteurs et négociants sont rassemblés au sein de vingt-trois interprofessions membres d’une association nationale, le Comité national des interprofessions des vins (CNIV), dont le président, M. Bernard Farges, résumait ainsi la situation de la filière lors du dernier salon international de l’agriculture (SIA) : « De gros nuages s’amoncellent sur l’ensemble de la filière » ([3]).

Celle-ci doit en effet affronter une succession de crises depuis plusieurs années. D’une part, la production est régulièrement perturbée par des accidents climatiques à répétition (gels, violents orages avec grêle, sécheresses, etc.). Cela a conduit la filière à élaborer une stratégie pour faire face au changement climatique ([4]), les effets de ce dernier se faisant déjà largement sentir dans certains vignobles comme le Languedoc et le Roussillon, où les épisodes de sécheresse pénalisent la production. D’autre part, la filière a été affectée par des chocs exogènes : la pandémie de covid-19 a réduit de manière significative l’activité ; la guerre en Ukraine a entraîné une hausse des coûts de production ; les multiples contentieux économiques internationaux, en particulier avec les États-Unis, qui représentent le premier pays d’exportation des vins français, et la Chine, n’ont cessé de fragiliser la filière, dans un contexte de concurrence accrue avec les vins issus des pays européens (Italie et Espagne en premier lieu) ou du « Nouveau monde » ([5]).

Parallèlement, la filière doit s’adapter à des mutations profondes de la consommation, marquées par une baisse structurelle de la consommation de vin, en France mais aussi au niveau international. Les attentes des consommateurs évoluent, avec une préférence pour les vins légers, blancs, rosés, effervescents, etc.

Face à ces évolutions, la filière a mis en place, en lien avec les pouvoirs publics, des solutions d’appoint pour répondre à l’urgence (distillation, arrachage…). Elle a également engagé une réflexion stratégique, bienvenue, pour mieux prendre en compte les nouveaux enjeux. Ainsi, le plan stratégique de relance de la filière préparé depuis près de deux ans sous l’égide du CNIV, baptisé « Cap vins » et présenté lors du Salon international de l’agriculture 2025, aborde les besoins d’innovation, d’adaptation au changement climatique de la production, de valorisation de la transition agroécologique, de segmentation de l’offre, de diversification des profils et des produits, de dimensionnement de l’offre à la demande, de connaissance des attentes du consommateur et d’ambition de conquêtes à l’export.

C’est dans ce contexte qu’une première mission d’information de la commission des affaires économiques avait été lancée à la fin de l’année 2023, dont les travaux, initialement conduits par notre ancien collègue Eric Girardin et votre rapporteur Sylvain Carrière, ont été arrêtés par la dissolution du 9 juin 2024. Attentive à respecter l’adage selon lequel « Quand le vin est tiré, il faut le boire », la commission des affaires économiques a donc relancé, en septembre dernier, une mission d’information sur ce même thème. Vos rapporteurs Sylvain Carrière et Sandra Marsaud ont ainsi pu poursuivre la consultation des acteurs de la filière (interprofessions, producteurs, négoce, syndicats agricoles, organismes publics, etc.) et se sont déplacés dans plusieurs bassins viticoles (en Champagne, en Charente, en Gironde, dans l’Hérault et dans l’Aude) pour comprendre les défis qu’elle doit affronter et identifier des stratégies de marché favorables à son développement.

Après avoir rappelé les enjeux relatifs à l’export dans un contexte de diminution de la consommation de vin, le présent rapport aborde la question de la promotion du vin et du savoir-faire français avant de traiter du pilotage de l’offre, dans l’optique de mieux répondre à la demande et de créer de la valeur. Bien entendu, il n’a pas la prétention d’identifier des solutions toutes faites, « clés en main », pour l’ensemble de la filière. Puisse-t-il néanmoins constituer une contribution utile au débat public entourant l’avenir de la filière vitivinicole française.

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*     *


I.   L’export, un relais de croissance nÉcessaire dans un contexte de diminution de la consommation

Le commerce international fait partie de l’ADN de la filière vitivinicole française. Depuis l’Antiquité, ses vins sont exportés en Europe puis, à partir du XIXe siècle, vers les États-Unis ou encore la Russie grâce à l’essor des transports. Face à la baisse tendancielle de la consommation de vin par habitant, phénomène global qui dépasse les seules frontières de l’Hexagone, l’export demeure essentiel pour une filière qui doit faire face aux incertitudes géopolitiques.

A.   Une baisse de la consommation de vin rÉvÉlatrice de nouvelles habitudes

Depuis plusieurs décennies, la consommation de vin ne cesse de décroître en France. Ce phénomène est désormais observable à l’échelle planétaire sous l’effet de la forte baisse de la consommation chinoise au cours de ces dernières années.

1.   Une consommation de vin en réduction

a.   Une baisse de plus de 60 % en soixante ans de la consommation de vin par habitant en France

La consommation française de vin est en recul depuis plusieurs décennies. La consommation par habitant s’est établie à 32,4 litres en 2022 en baisse de 17 % sur la moyenne quinquennale. Depuis les années soixante, la consommation individuelle moyenne de vin des Français a chuté de plus de 60 %.

Évolution de la consommation de vin en France (2013 – 2022)

Source : FranceAgriMer, Les chiffres-clés de la filière Viti-vinicole 2023, d’après DGDDI, Insee

 

On note également une baisse de la consommation quotidienne de vin, qui ne concerne plus que 11 % de la population en 2022 contre 51 % en 1980. La proportion de personnes ne consommant pas de vin reste plutôt stable, autour de 37 % des Français depuis 2010. La consommation occasionnelle, fréquente ou rare, reste majoritaire pour le vin en 2022 : elle concerne 51 % des Français ([6]).

Évolution des frÉquences de consommation de vin EN FRANCE

Source : FranceAgriMer, Les chiffres-clés de la filière Viti-vinicole 2023, d’après l’enquête quinquennale sur la consommation de vin en France effectuée par l’IPSOS

Cette tendance s’explique par une consommation de vin plus modérée chez les nouvelles générations. On compte 21 % de consommateurs hebdomadaires chez les personnes de plus de 35 ans en 2022 contre 15 % chez les 18-34 ans ([7]). Plus largement, 23 % des 18-25 ans ne consomment pas d’alcool ([8]).

Cette baisse notable de la consommation de vin s’inscrit dans une baisse plus générale de la consommation d’alcool, même si celle-ci est plus modérée. En effet, « entre 1960 et aujourd’hui la bière est passée d’une consommation de 39 litres par personne et par an à 32,3 litres (– 18 %) tandis que les spiritueux sont passés de 5,8 litres à 5,3 litres (– 9 %)   ([9]).

Cette déconsommation, dont le constat est partagé par l’ensemble des acteurs de la filière, devrait se poursuivre dans les années à venir, en lien avec les modifications comportementales et l’évolution démographique française.

b.   Une baisse également observable au niveau mondial depuis 2018

Ce phénomène de déconsommation n’est pas propre à la France, puisque l’on observe la même tendance dans les autres pays européens et dans le reste du monde. Selon l’Organisation internationale du vin, la consommation mondiale a diminué de 2,6 % en 2023 par rapport à 2022, s’établissant à 221 millions d’hectolitres (Mhl), soit le plus faible volume enregistré depuis 1996 ([10]). Les pays de l’Union européenne représentent près de la moitié de la consommation mondiale (48 %), avec un marché estimé à 107 Mhl, en baisse de 1,8 % en 2023. Au sein de l’Union, la France maintient sa place de plus gros consommateur, avec une consommation estimée à 24,4 Mhl en 2023 (– 2,4 %), soit 11 % de la consommation mondiale. Les États-Unis représentent de loin le premier marché mondial, avec 33,3 Mhl (– 3,0 %), soit 15,1 % de la consommation mondiale. De manière globale, la consommation de vin reste très concentrée, puisque dix pays représentent plus des deux tiers de la consommation mondiale ([11]).

● Le déclenchement de la pandémie de covid-19 en 2020 a exacerbé cette tendance à la baisse, les mesures de confinement ayant eu des effets négatifs sur les principaux marchés du vin partout dans le monde. Après un rebond de la consommation en 2021, les tensions géopolitiques – en particulier, le conflit en Ukraine, la crise énergétique qui s’en est suivie et les perturbations au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales – ont entraîné une hausse des coûts de production (notamment des prix du verre et du liège) et de distribution, une augmentation significative des prix à la consommation et, in fine, un ralentissement de la demande globale de vin. C’est dans ce contexte que les principaux marchés du vin ont connu un net repli en 2023. La pression sur le pouvoir d’achat des consommateurs a contribué au recul de la consommation mondiale de vin au cours de ces deux dernières années ([12]).

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION MONDIALE DE VIN (2000-2023)

Source : OIV, Note de conjoncture vitivinicole mondiale 2023

La diminution de la consommation en Chine joue un rôle clé pour expliquer ce phénomène. La Chine a vu sa consommation de vin baisser très fortement à partir de 2018, avec un recul de 2 Mhl par an en moyenne depuis 2018 (– 15 % en moyenne). Les consommateurs chinois, qui privilégiaient des vins de qualité – pour beaucoup, des vins importés, particulièrement des vins français –, ont changé leurs habitudes d’achat : ils optent désormais davantage pour des bouteilles plus abordables. Ils se tournent encore très majoritairement vers les vins rouges (75 % de la consommation), les vins blancs représentant moins de 20 % de la consommation et le reste étant constitué des vins effervescents. Comme en Europe, ces statistiques sont susceptibles d’évoluer en faveur des vins blancs et des vins effervescents, en lien avec la féminisation de la consommation de vin ([13]). Désormais, la Chine ne représente plus que le neuvième marché mondial pour le vin (3,1 % de la consommation mondiale).

● De manière plus structurelle, des évolutions sociétales contribuent à expliquer la réduction de la consommation de vin. L’attention plus grande portée aux enjeux de santé publique incite à privilégier une consommation d’alcool plus modérée. Mais c’est surtout l’évolution des habitudes individuelles qui explique ce phénomène de déconsommation.

2.   L’émergence de nouvelles habitudes de consommation

  1.   L’évolution des préférences

Les évolutions du marché de la filière vitivinicole concernent également la modification progressive des goûts des consommateurs. Plus mélangés, ceux-ci s’éloignent peu à peu du modèle classique de consommation du vin. Les différents acteurs auditionnés par vos rapporteurs ont ainsi fait le constat d’une diminution de la consommation de vin rouge au bénéfice des vins rosés, blancs, effervescents et moins alcoolisés ou encore des cocktails.

Le recul de la consommation de vin est essentiellement porté par la baisse de la consommation de vin rouge, bien que celle-ci concerne également les autres couleurs de vin. Le graphique ci-dessous retrace l’évolution de la pénétration des vins tranquilles ([14]) par couleur de 2011 à 2023.

évolution de la pénétration des vins tranquilles par couleur (2011-2023)

 

Source : FranceAgriMer, « Données économiques filière viti-vinicole en France – 2023/24 », données de Kantar WorldPanel

L’évolution des attentes des consommateurs est également perceptible au regard de la décomposition des ventes par nature (vins rouges, blancs, rosés, etc.), qui fait apparaître un recul en volume pour tous les segments et une diminution plus marquée pour le rouge. Les chiffres fournis par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) sont, à cet égard, très éclairants : « En 2016, les volumes de vin rouge vendus en grande distribution représentaient 57 % des volumes totaux tandis que le rosé et le blanc représentaient respectivement 26 % et 17 %. En 2021, les ventes de vin rouge ne s’élèvent plus qu’à 46 % des volumes (…), alors que les rosés représentent 34 % (…) et les blancs 20 % (…). » Il ne faut pas pour autant occulter les réussites de certaines appellations en vin rouge qui, comme l’AOC Pic Saint Loup produit dans l’Hérault et dans le Gard, se portent bien et parviennent à récupérer des parts de marché ([15]).

Des tendances similaires sont observées à l’international, avec cependant quelques variations en fonction de la maturité des marchés. Selon Business France, les marchés matures sont marqués par une volonté de plus en plus fréquente de boire moins, mais mieux, et une préférence pour les vins plus légers (vins rouges moins alcoolisés, vins blancs), voire désalcoolisés, surtout chez les jeunes consommateurs. Business France note également un essoufflement de certaines « anciennes » tendances comme les rosés ou les effervescents. Des produits de niche, tels que les vins nature ou les vins oranges ([16]), suscitent un intérêt qui reste néanmoins très relatif ([17]).

Le prosecco : une réussite italienne

Issu de la Vénétie et du Frioul, le prosecco est un vin blanc effervescent produit à partir du cépage glera et apparu en Italie dès l’Antiquité. Aujourd’hui, son succès, notamment à l’export, est principalement dû à la popularité de l’Aperol Spritz. Ce cocktail, qui aurait été inventé lors de l’occupation autrichienne du nord de l’actuelle Italie, est en effet devenu un succès commercial majeur depuis une dizaine d’années. L’Aperol, un apéritif essentiel à la confection du Spritz, représente aujourd’hui près de 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise italienne Campari, qui a décidé en 2024 de doubler ses capacités de production tant la demande pour l’Aperol ne cesse d’augmenter ([18]).

Ce succès majeur a entraîné une grande popularité du prosecco, devenu une appellation emblématique qui représente désormais « près d’un tiers de la production viticole sous AOP » en Italie ([19]). Par ailleurs, « au sein du milliard de bouteilles de vin effervescent italien commercialisé annuellement, on estime qu’un tiers […] (donc plus de 300 millions de bouteilles…) sert de base aux cocktails et notamment au spritz ([20]). » Cette réussite commerciale du prosecco et du Spritz semble être le résultat d’une prise en compte des évolutions des goûts des consommateurs que la France peine encore à imiter. Coloré, moderne et facile à boire, y compris en dehors des repas, ce cocktail est souvent cité par les acteurs de la filière, aussi bien du négoce que de la production, comme une réussite inspirante, qui n’est pas sans rappeler celle du cognac à l’international, comme aux États-Unis où il est notamment consommé en cocktail.

La gouvernance de la filière n’est pas étrangère au succès du prosecco. Celle-ci bénéficie d’un soutien politique important de la part du ministère de l’agriculture, aussi bien dans la promotion du vin à l’international, qui est « systématiquement présenté comme le produit d’un patrimoine culturel et historique » ([21]), que dans la mise à jour relativement rapide du cahier des charges.

S’agissant des vins effervescents, les importations françaises de prosecco ont augmenté de 25 % lors de la campagne 2023-2024 par rapport à la campagne précédente et on compte, en 2023, 14 % de foyers acheteurs contre 10 % en 2019 ([22]). Des vins effervescents français AOP commencent toutefois à se démarquer, portés par un transfert de consommation de la bière vers ces nouvelles boissons et par des producteurs mettant en place des stratégies de diversification. La cave coopérative du muscat de Frontignan en est un bon exemple : celle-ci commercialise désormais des vins secs et effervescents. Même si la commercialisation de ces nouveaux produits demeure surtout locale compte tenu de leur volume limité, celle-ci semble être le signe d’une volonté de se faire une place sur ces nouveaux marchés.

● Enfin, les attentes sociétales en matière de santé publique et de développement durable se sont traduites par un essor des achats de vins biologiques au cours des dernières années. D’après l’étude réalisée par l’agence Sowine en 2024, « un Français sur deux (51 %) déclare prendre le temps de regarder si une bouteille de vin affiche une certification environnementale avant d’acheter. Néanmoins, cette considération est en baisse de 4 points par rapport à 2023. La présence de labels environnementaux est plus importante pour les
26-35ans, à 59 %, contre 45 % pour les 50-65 ans (– 8 points par rapport à 2023) » ([23]). Si les jeunes générations sont sensibles à ce facteur, l’inflation, qui a connu des niveaux plus élevés ces dernières années, a pu les conduire à prêter une plus grande attention au facteur prix.

b.   Des modes de consommation différents

Les évolutions du marché liées à la déconsommation et aux évolutions des goûts et des attentes des consommateurs s’inscrivent dans une modification plus large des modes et habitudes de consommation. L’évolution majeure concerne les repas, au sujet desquels de nombreux acteurs auditionnés ont noté un phénomène de déstructuration : les repas sont désormais plus rapides, parfois non pris et de moins en moins accompagnés de vin (au bénéfice de boissons non alcoolisées).

Les moments de consommation évoluent également : « Ce qui fait ou défait le marché du vin, c’est l’apéritif. », a indiqué la Confédération des grossistes de France lors de son audition. De la même manière, FranceAgriMer évoque « des occasions de consommer où le vin est peu plébiscité » ([24]). Le vin est en effet en forte concurrence avec les spiritueux et les boissons sans alcool dans ces nouveaux contextes. De plus en plus souvent consommé occasionnellement et hors domicile, le vin tend à devenir un produit plus festif. Un phénomène similaire est observé pour les spiritueux : en 2024, « l’apéritif est le moment de consommation favori des Français pour les spiritueux (44 %, + 6 pts vs 2023), suivi par les soirées (35 %), le moment du digestif (17 %) puis au cours du repas (5 %). Les jeunes consommateurs (entre 18 et 25 ans) privilégient une consommation en soirée à 55 % ([25]). » Cette évolution des modes de consommation impacte fortement le marché du vin et impose à la filière de diversifier sa production par des vins plus adaptés à ces segments de marché (plus frais, moins alcoolisés, voire désalcoolisés).

Il est par ailleurs nécessaire, pour comprendre les évolutions des pratiques de consommation, de prendre en compte le niveau de connaissance limité des consommateurs sur les régions, cépages et spécificités œnologiques des vins. La Confédération des grossistes de France indique que ceux-ci consomment surtout en fonction du prix, des tendances et de leur goût, ce que semble confirmer l’enquête Sowine : 50 % des Français se définissent comme « amateurs éclairés », 48 % comme « néophytes » et 2 % « connaisseurs / experts ». Lors de la sélection d’un vin, « les Français placent le prix comme premier critère d’achat, devant la région d’origine (46 %) » ([26]).

Le vin, qui demeure très associé au repas et à une image de qualité, de patrimoine et de savoir-faire complexe, peine à s’adapter à ces nouveaux modes et à ces nouveaux cadres de consommation. En effet, « [l]e moment de consommation privilégié des Français pour le vin demeure le repas, toutes couleurs de vin confondues. […] Quelle que soit la couleur, les Français déclarent consommer du vin le plus souvent en famille à 63 % (+7 points vs 2023). La consommation de vin entre amis arrive en deuxième position, en baisse à 26 % (– 9 points vs 2023) » ([27]).

● Il apparaît crucial pour la filière d’investir les nouveaux modes de consommation avec un marketing et des contenants adaptés aux nouveaux usages. Après le succès de la caisse-outre dite « Bag-in-Box » (BIB) au cours de ces dernières années, qui représentait en 2019 environ 40 % du volume de vin vendu en grande distribution grâce à des prix attractifs ([28]), la canette pourrait prendre des parts de marché dans les années à venir, en particulier s’agissant de vins légers (rosés, blancs, rouges, voire oranges) tranquilles ou effervescents. Des entreprises misent ainsi sur ce contenant en aluminium, léger et recyclable, qui permet de toucher une nouvelle cible, plus jeune, tournée davantage vers la bière (et peut-être habituée, par ce biais, à consommer de l’alcool en canettes) et intéressée le caractère pratique du produit, qui peut être consommé partout et à tout moment. Plus abordable, la canette peut correspondre aussi à des attentes en termes de prix et permettre une consommation plus raisonnée ou individualisée. Même si ce segment de marché reste marginal en France aujourd’hui, 72 % des Français seraient prêts à essayer le vin en canette selon un sondage Opinion Way. La demande serait plus importante à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons comme les États-Unis ou le Royaume-Uni ([29]). La canette offre, en tout état de cause, une voie de diversification qu’il convient de ne pas négliger.

Enfin, les attentes sociétales en matière du développement durable pourraient inciter les Français à voir d’un bon œil le retour de la consigne des bouteilles de vin, encore très répandue jusque dans les années quatre-vingt et presque inexistante aujourd’hui ([30]). Pourtant, la consigne présente de nombreuses vertus : cette démarche écologique permet de limiter les coûts liés à l’achat de bouteille dans un contexte où le prix du verre a sensiblement augmenté en lien avec la guerre en Ukraine. Si certains facteurs contraignants peuvent dissuader les producteurs d’utiliser des bouteilles en verre réutilisables (respect d’un cahier des charges, utilisation de bouteilles standardisées et plus lourdes pour le marché où les bouteilles sont consignées, etc.), des organismes comme France Consigne peuvent aujourd’hui les accompagner et lever un certain nombre de craintes.

Vos rapporteurs soulignent que le réemploi et la consigne des bouteilles de vins tranquilles ([31]), déjà mis en place par certaines entreprises, peuvent constituer un atout commercial pour le marché national à faire valoir auprès des consommateurs sensibles aux enjeux de l’économie circulaire. Toutefois, il est fort probable que l’essor d’un tel système ne pourra se faire sans l’engagement de l’ensemble des acteurs de la filière, y compris de la grande distribution qui pourrait jouer un rôle central dans la collecte des bouteilles. La consigne de chaque bouteille devrait donner droit à une contrepartie financière suffisamment incitative pour que les consommateurs rapportent les bouteilles.

Recommandation n° 1 : Développer une filière de réemploi et de consigne des bouteilles de vins tranquilles en France.

B.   les marchÉs internationaux : des dÉbouchÉs indispensables

Aujourd’hui premier pays exportateur mondial de vin en valeur et troisième en volume (après l’Italie et l’Espagne) ([32]), la France exporte plus d’un quart de ses vins (26 % en 2023). Forte de la qualité de sa production, la France domine nettement le haut de gamme et bénéficie d’une notoriété inégalée à l’export.

1.   Un relais de croissance incontournable…

En dépit du ralentissement du marché mondial, les exportations représentent un enjeu majeur pour compenser la baisse de la consommation sur le marché intérieur. Bien qu’elles représentent une part minoritaire, mais non négligeable, de la production de vin, elles permettent surtout de mieux valoriser ces vins. Il constitue même la raison d’être des eaux-de-vie de vin (cognac et armagnac) qui ont été développées pour l’export à partir du XVIIe siècle ([33]).

 Les exportations françaises de vin ont connu une croissance continue depuis plus de vingt ans, en valeur et en volume. Soutenue par l’ouverture du marché chinois pendant les années 2000, qui a permis de contrebalancer la diminution tendancielle de la consommation nationale, cette croissance a été marquée par deux baisses significatives, mais ponctuelles, jusqu’en 2022, qui a marqué un record historique : en 2009 lors de la crise financière et en 2020 avec l’épidémie de covid-19, qui a été suivie d’un rebond dès l’année suivante.

Évolution des exportations FRANÇAISES de vins (2000-2023)

Source : FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023, d’après Douanes françaises, Trade Data Monitor.

En 2024, les exportations de vin sont en très légère augmentation : elles ont atteint 12,9 millions d’hectolitres (+ 1 %). Leur valeur a toutefois diminué de 2 % : elles s’établissent à 11,7 milliards d’euros. « La plupart des marchés d’importance, comme les États-Unis (+ 9 %) ou encore la Belgique, ont retrouvé une croissance en volume après une période de baisse liée à l’inflation. Les vins effervescents sont toujours pénalisés et expliquent l’essentiel des pertes aussi bien en volume qu’en valeur. En effet, malgré une amélioration lors de ces derniers mois, les vins effervescents perdent 2 % en volume et 6 % en valeur, notamment à cause du Champagne qui tire les exportations à la baisse. » ([34])

FranceAgriMer souligne que, si les exportations vers les pays tiers ont progressé en volume (+ 2 %), elles sont pénalisées par certains marchés asiatiques (– 20 % vers la Chine, – 18 % vers Singapour ou encore –  3 % vers la Corée du Sud). À l’inverse, les États-Unis, qui constituent le premier marché mondial de vin, ont retrouvé « une forte croissance en volume (+9 %), notamment grâce à une fin d’année très dynamique, portée par la baisse de l’inflation et une bonne santé économique. Quant au Royaume-Uni, plus durement touché par la crise inflationniste et ayant connu une dynamique beaucoup moins importante que le marché américain ces dernières années, leurs achats en volume ne progressent que légèrement par rapport au cumul précédent (+ 3 %). »

● Sur l’ensemble du champ vins et spiritueux, les exportations ont atteint 15,6 milliards d’euros, en recul de 4 % en valeur par rapport à 2023 selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) ([35]). En volume, les exportations restent à un niveau stable (–  0,1 %). Le solde des échanges se maintient à 14,3 milliards d’euros (– 3,4 %), mais la situation est contrastée selon les appellations. En valeur, le cognac (– 10,9 %), le Bordelais (– 8,4 %), la Champagne (– 8 %) ou encore la Vallée du Rhône (– 5 %) connaissent un recul assez net en 2024. A contrario, les vins de Bourgogne voient le montant de leurs ventes à l’étranger augmenter fortement (+ 9 %) ainsi que les vins du Val-de-Loire (+ 5 %). Cette situation peut s’expliquer notamment par les effets de la forte inflation sur la plupart des marchés, de la mise au marché de millésimes moins volumiques, mais plus chers, et de la réduction tendancielle de la consommation de vin sur les marchés matures.

RÉSULTATS des exportations de vins et de spiritueux français (2024)

Source : FEVS

 

Répartition des exportations de vins franÇais en valeur (2024)

Source : FEVS

● S’agissant spécifiquement des spiritueux, les exportations, dominées par le cognac, connaissent une croissance quasi continue depuis les années 2000. En 2023, la France a exporté 1,83 million d’hectolitres en 2023, pour un montant de 5,2 milliards d’euros, soit le second record historique après l’année 2021.

Évolution des exportations franÇaises de spiritueux

Source : FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023, d’après Douanes françaises, Trade Data Monitor

Le cognac avait déjà enregistré une forte diminution en 2023, aussi bien en volume (–  21 %) qu’en valeur (–  15 %), du fait de l’inflation et d’un effet de rattrapage post-covid qui avait entraîné des surstocks aux États-Unis, lesquels restent le premier marché. Pour autant, le cognac demeure toujours de loin le spiritueux le plus exporté, en volume (25 %) mais surtout en valeur (65 %), ce qui témoigne de la capacité de ce secteur à valoriser fortement ses produits sur les marchés internationaux ([36]).

Ventilation des Exportations françaises de spiritueux (2023)

Source : FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023, d’après Douanes françaises, Trade Data Monitor.

 

● Il convient de relever que la France importe, dans des proportions très limitées, des vins en vrac et sans indication géographique en majorité, ce qui permet de couvrir une demande en vin d’entrée de gamme, à la fois pour le marché national et pour l’export. En 2023, les importations françaises de vin ont été ramenées à un peu moins d’un milliard d’euros tandis que les volumes se sont établis à 6 millions d’hectolitres (– 4 %). Ces vins d’entrée de gamme, vendus à des prix très bas (0,59 euro le litre en moyenne) proviennent essentiellement d’Espagne (66 % des importations en volume). Ces derniers ont toutefois tendance à diminuer au profit des vins italiens, dont le Prosecco ([37]).

2.   … fragilisé par un contexte international très incertain…

Compte tenu de son ouverture internationale, la filière vitivinicole française est particulièrement exposée aux conflits commerciaux. Si elle peut profiter circonstanciellement de situations de tension entre pays tiers, comme entre la Chine et l’Australie entre 2020 et 2023, elle est confrontée à une montée des tensions protectionnistes avec la Chine et, désormais, avec les États-Unis, qui représentent des marchés essentiels pour notre pays.

principaux pays d’exportation des vins Français en valeur (2023)

Source : FranceAgriMer, Fiche sur la filière vin, janvier 2025, d’après Douanes françaises, Trade Data Monitor.

● Produit historiquement destiné à l’export (98 % de la production), le cognac se retrouve au cœur des tensions commerciales entre l’Union européenne et la Chine depuis l’an dernier. Il est en effet durement touché par la procédure antidumping ouverte par la Chine début 2024 et qui vise les importations de brandys européens (eaux-de-vie de vin), c’est-à-dire quasi exclusivement de cognac (99 %), en représailles à une procédure ouverte par la Commission européenne et visant les subventions d’État dont bénéficient les véhicules électriques fabriqués en Chine. Depuis le 11 octobre 2024, celle-ci oblige les importateurs de cognac à verser des droits provisoires auprès des douanes chinoises. Ces taxes additionnelles ad valorem vont de 30,6 % à 39 % en fonction des maisons et des entreprises, selon qu’elles sont classées « coopérantes » ou « non coopérantes » à la procédure.

Ces sanctions ont déjà un impact très visible sur les exportations vers la Chine, qui représente le deuxième marché d’exportation des producteurs français après les États-Unis (1,3 milliard d’euros en 2023 ([38]), soit près de 40 % des exportations de la filière Cognac et 6 % des exportations totales françaises vers la Chine). En valeur, les exportations de cognac vers la Chine ont chuté de près d’un quart entre 2023 et 2024 ([39]). Au niveau mondial, les exportations de cognac ont diminué de 9,6 % en volume et de 23,8 % en valeur par rapport à 2023.

Les sanctions chinoises devraient continuer de pénaliser fortement les exportations de cognac, d’autant que la consommation en Chine est en repli et que les stocks sont déjà significatifs. Elle pourrait également détourner les consommateurs chinois vers d’autres spiritueux comme le whisky. Si elle se poursuivait, cette situation pourrait avoir de lourdes conséquences pour les maisons de cognac et les 4 400 viticulteurs qui les approvisionnent ([40]).

● Par ailleurs, les exportations de vins et spiritueux vers les États-Unis sont exposées aux nouvelles taxes américaines. Or, les États-Unis constituent la première destination d’expédition des vins et spiritueux français, avec un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros en 2024, en progression de 5 % ([41]), dont 2,3 milliards d’euros pour les vins, le solde s’expliquant essentiellement par les exportations de cognac.

Pour mémoire, en 2019, les exportations de vin avaient déjà été soumises à une hausse de 25 % des droits de douane, dans le contexte du conflit Airbus-Boeing entre l’Union européenne et les États-Unis. Le champagne, ainsi que le cognac, avaient toutefois été épargnés. Selon la Fédération des exportateurs de vins et de spiritueux de France (FEVS), les taxes dites « Trump » avaient coûté 450 millions d’euros pendant la période de sanction.

3.   … et la concurrence des vins étrangers

En dépit d’un contexte international compliqué, les exportations françaises de vin se maintiennent à un niveau relativement stable en volume depuis le début des années 2010 et elles représentent désormais 12 % des exportations mondiales.

● Dans un contexte de plus en plus compétitif, la France est concurrencée sur ses offres d’entrée et de milieu de gamme par ses deux principaux rivaux, à savoir l’Italie et l’Espagne, qui ont exporté en 2023 respectivement 21,4 et 20,8 millions d’hectolitres (voir graphiques ci-dessous). L’Italie, l’Espagne et la France représentent, à eux seuls, plus de la moitié des exportations mondiales de vin (53 %).

ÉVOLUTION des exportations espagnoles, italiennes et franÇaises de vin en volume (a droite) et en valeur (a gauche)

Source : FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023, pp. 11-12, selon les données OIV et DGDDI

En Chine, la France, dont les vins représentaient près de 50 % des parts de marché, doit faire face à la concurrence des vins issus d’Australie – qui ont fait leur grand retour en 2024 sur le marché chinois ([42]) –, de Nouvelle-Zélande et du Chili, qui ont l’avantage de ne pas être taxés à l’importation contrairement aux vins européens (à hauteur de 14 %). Or les consommateurs chinois auraient de plus en plus tendance à privilégier désormais des bouteilles moins chères, et donc des vins provenant de ces trois pays du « Nouveau monde », au détriment des vins français comme les Bordeaux. Pour autant, le marché chinois conserve un potentiel très important au regard de la croissance de sa classe moyenne et de l’arrivée de nouvelles générations de consommateurs de vin ([43]).

● Néanmoins, la France parvient à tirer son épingle du jeu sur le haut de gamme : elle bénéficie de la réputation et de la qualité de certaines appellations « premium ». Alors que l’Italie et l’Espagne exportent des quantités nettement plus importantes que la France, la valeur des exportations françaises (12 milliards d’euros en 2023) est supérieure, de très loin, à celles des exportations italiennes (7,8 milliards d’euros) ou espagnoles (3 milliards d’euros).

Cela se traduit par une valorisation très différente des produits exportés. Le prix moyen à l’export est ainsi de 9,40 euros par litre pour la France, contre 3,6 euros pour l’Italie et 1,40 euro pour l’Espagne ([44]). Ces différences de valeur s’expliquent par des coûts de production plus élevés en France (main-d’œuvre, consommations intermédiaires, etc.), mais aussi par le poids des exportations de vins en vrac, qui représentent 58 % des exportations espagnoles, 21 % des exportations italiennes et 13 % des exportations françaises.

La France se distingue, en outre, par l’exportation de vins haut de gamme. Cette meilleure valorisation des produits français se retrouve au niveau des vins effervescents : le litre de champagne se vend en moyenne 34 euros, contre 3 euros pour le cava espagnol ou 4,4 euros pour le prosecco italien. En 2023, ces deux derniers ont mieux résisté, comme les autres vins moins valorisés, au contexte économique marqué par l’inflation, un phénomène de déstockage (États-Unis) ou un ralentissement (Chine, Royaume-Uni) ([45]).

Au regard du contexte économique, marqué par une diminution de la consommation mondiale de vin et une concurrence accrue, la France ne peut se reposer sur la réputation de ses vins. La filière doit s’efforcer de promouvoir les vins et le savoir-faire français afin de stimuler la demande pour nos produits.

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*     *

 


II.   la promotion des vins et du savoir-faire Français

Face à l’accumulation de difficultés, la filière vitivinicole française déploie des efforts de promotion des vins qui doivent s’inscrire dans le cadre plus général de la mise en valeur de la gastronomie française à l’international. Elle peut également compter sur le développement du secteur de l’œnotourisme qui dispose d’un beau potentiel de croissance.

  1.   L’enjeu de la communication autour des vins français

1.   À l’international, une stratégie collective qui doit composer avec les mesures protectionnistes

a.   Une stratégie collective axée sur l’art de vivre et le savoir-faire français…

Compte tenu de ses coûts de production plus élevés, la France ne peut rivaliser avec ses concurrents au niveau des prix. Elle doit donc se démarquer par sa compétitivité hors prix, en utilisant son image de marque et sa réputation afin de prendre de nouvelles parts de marché (ou, du moins, préserver les parts existantes).

● La filière vitivinicole est accompagnée à l’export par Business France, qui met à disposition un ensemble d’informations sectorielles sur les marchés et propose des services personnalisés aux entreprises.

L’opérateur facilite également la mise en relation des producteurs français et des acheteurs étrangers grâce :

– à des pavillons « France » présents sur des salons de grande envergure à l’international : en 2024, 910 entreprises ont ainsi pris part à dix pavillons ;

– à des opérations collectives « Vins, spiritueux, bières, cidres » (VSBC) comportant des dégustations (34 opérations, principalement Tastin’France, pour 1 115 entreprises dans 49 pays et 67 villes) ;

– à des rencontres en France, par exemple lors du salon Wine Paris ;

– à la mise en place, depuis décembre 2023, d’une plateforme en ligne (marketplace) qui permet aux entreprises françaises de bénéficier gratuitement d’une large visibilité à l’international et, ainsi, d’être contactées par de potentiels acheteurs étrangers. Actuellement 870 entreprises du secteur VSBC, représentant une offre de neuf mille références, y sont présentes.

Les opérations de Business France visent ainsi à structurer la promotion de l’offre française à l’international en rassemblant les exportateurs sous une même bannière.

● La marque « Taste France », déclination de la marque « France » lancée par le Président de la République en janvier 2018 et qui a pour objectif d’amplifier le rayonnement de l’Hexagone à l’international, est utilisée depuis 2019 pour promouvoir la gastronomie, l’agroalimentaire et l’agriculture français, ce qui inclut les vins et les spiritueux. Elle permet d’apporter davantage de visibilité aux produits français et de lisibilité aux acheteurs étrangers. Elle réunit les nombreux acteurs à l’export sous une même bannière axée sur l’art de vivre et le savoir-faire français. Cette marque, aujourd’hui largement reconnue par les professionnels en France et à l’étranger selon Business France, se positionne en ombrelle des marques sectorielles, régionales et commerciales ([46]).

La démarche a pour objectif de changer l’image élitiste de la gastronomie française à l’étranger en intégrant ses produits à l’alimentation et à la cuisine des différents pays du monde. Elle s’adresse tout autant aux consommateurs étrangers (BtoC) qu’aux professionnels et prescripteurs à l’international (BtoB). Cette stratégie se fonde sur un positionnement différenciant des produits français, en valorisant ses atouts (richesse des terroirs, qualité des produits, garanties sanitaires, etc.) : la France peut faire valoir son patrimoine culturel et gastronomique et le rendre accessible à tous.

De manière générale, la promotion de nos vins et spiritueux doit s’inscrire dans la mise en valeur de la gastronomie française à l’international. Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, marqué par un lobbying très actif de certains pays comme l’Italie ([47]) qui lie la promotion de ses vins à celle de sa gastronomie, la France doit pouvoir s’appuyer sur son réseau diplomatique, l’un des plus importants du monde, pour exporter sa gastronomie et ses savoir-faire.

Recommandation n° 2 : Renforcer la promotion à l’international des vins et des spiritueux en l’associant à celle de la gastronomie française.

● Il importe également que tous les acteurs de la filière unissent leurs forces pour conquérir les marchés étrangers. Lors des auditions, il est apparu que la prospection à l’international relève souvent de démarches individuelles, comme celles de maisons qui disposent de moyens financiers importants. L’export peut paraître hors d’atteinte pour les petits producteurs qui n’ont pas les mêmes capacités de projection. Dans un contexte de repli de la consommation nationale, les rapporteurs estiment qu’il est nécessaire d’engager une réflexion en vue d’établir une stratégie nationale pour « jouer collectif » à l’export et permettre au plus grand nombre de producteurs français d’accéder aux marchés étrangers.

Recommandation n° 3 : Définir une stratégie nationale visant à permettre au plus grand nombre de producteurs français d’accéder aux marchés étrangers et de se développer à l’international dans une approche collective.

● Cette stratégie pourrait inclure un volet sur la promotion des vins sans indication géographique et réunis sous l’appellation « Vin de France ». Cette dénomination a été conçue en 2009 pour valoriser des vins sans indication géographique (VSIG) et mieux faire face à la concurrence internationale sur l’entrée et le milieu de gamme, grâce à une plus grande liberté dans les règles de production.

Elle permet aux producteurs d’assembler les raisins de différentes régions de France afin de produire des vins de qualité. Ces derniers sont souvent commercialisés sous une marque, qui peut apporter un attrait supplémentaire grâce au marketing de cette offre, plus moderne et moins contrainte par la législation en dehors de l’Hexagone. Alors que 70 % de cette production sont exportés aujourd’hui, ces vins doivent pouvoir capitaliser sur l’image de qualité des vins français.

b.   … qui doit composer avec les barrières douanières

Les États-Unis et la Chine représentent aujourd’hui deux marchés incontournables pour la filière vitivinicole française, difficilement substituables dans les prochaines années au regard de la demande mondiale et du temps nécessaire pour conquérir de nouveaux marchés. Les tensions commerciales actuelles doivent toutefois inviter les acteurs de la filière et la puissance publique à continuer de diversifier les débouchés commerciaux sur le long terme et ainsi éviter de développer une trop grande dépendance à des marchés dont l’accès peut être restreint en très peu de temps.

Dans cette perspective, Sandra Marsaud estime que l’existence d’accords commerciaux abaissant les barrières douanières est importante pour le développement de la filière, en particulier avec les marchés en dehors de l’Union européenne et où les perspectives de croissance sont les plus importantes ([48]). Les accords passés ces dernières années avec le Japon ou le Canada ([49]), par exemple, ont permis de dynamiser les exportations de vins et spiritueux français vers ces pays. A contrario, certains marchés à fort potentiel comme l’Inde, pays évoqué à plusieurs reprises pendant les auditions, restent actuellement fermés du fait des barrières douanières élevées. Dans le nouveau contexte géopolitique, il est souhaitable que la filière vitivinicole française puisse diversifier ses débouchés et accéder à de nouveaux marchés dans le cadre d’accords sectoriels sur les vins et les spiritueux, sans que cela ne conduise à remettre en question les intérêts des autres filières agricoles françaises.

Sylvain Carrière promeut quant à lui une approche basée sur un protectionnisme social et environnemental nécessaire à la préservation de la production française, afin d’éviter tout dumping avec des pays en quête d’expansion économique et moins-disants au niveau des normes sociales et environnementales. Il propose donc d’ajuster le niveau de nos tarifs douaniers et d’utiliser le produit de ces tarifs pour compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole lié à la hausse des tarifs douaniers imposés par des pays comme les États-Unis ou la Chine. Cela permettra d’accompagner la transition de la filière viticole et son adaptation à de nouveaux marchés.

Recommandation n° 4 :

a) De Sandra Marsaud : Veiller à ce que l’Union européenne préserve les intérêts de la filière vitivinicole française dans le cadre des négociations avec nos principaux partenaires commerciaux (États-Unis et Chine en particulier) et offre à la filière de nouveaux débouchés à l’international dans le cadre d’accords sectoriels, sans compromettre les intérêts des autres filières agricoles françaises.

b) De Sylvain Carrière : Ajuster le niveau de nos tarifs douaniers et utiliser leur produit pour compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole lié à la hausse des tarifs douaniers imposés par des pays comme les États-Unis ou la Chine, afin d’accompagner la transition de la filière viticole et son adaptation à de nouveaux marchés.

2.   La promotion du vin en France : un exercice délicat

a.   Le cadre strict de la loi du 10 janvier 1991

● La loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi « Évin », est venue encadrer la publicité relative au tabac et à l’alcool. Elle a doté la France de l’une des législations les plus restrictives en Europe en matière de publicité pour l’alcool.

D’une part, la loi Évin énumère de manière limitative les supports autorisés pouvant être utilisés pour faire la publicité de l’alcool (article L. 3323-2 du code de la santé publique). Il s’agit notamment de la presse écrite, de la radio, des affichages, des catalogues et des brochures, etc. Depuis 2009 ([50]), la publicité sur internet – et par conséquent sur les réseaux sociaux – est également autorisée dans le cadre des règles définies par la loi. La publicité pour le vin et les spiritueux est donc possible à travers de nombreux canaux qui permettent de cibler des clientèles différentes et ainsi de stimuler la demande. Toutefois, la publicité pour les alcools reste interdite à la télévision, au cinéma, sur les sites internet à destination des mineurs et sur les sites en lien avec le sport.

D’autre part, la loi encadre le contenu des publicités pour l’alcool. Celle-ci ne peut inclure que des informations factuelles, telles que l’indication du degré volumique d’alcool, l’origine, la dénomination, la composition du produit, le nom du fabricant, etc. et doit inclure un message sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Ce cadre législatif a donné lieu à une riche jurisprudence, parfois très subtile, sur le contenu des publicités.

● Alors que le cadre législatif concernant le tabac a été préservé et même renforcé, les dispositions relatives à l’alcool ont été légèrement assouplies. Depuis la loi du 26 janvier 2016, la promotion d’une région de production viticole, de son patrimoine culturel, gastronomique ou paysager est possible sans que cela soit considéré comme une publicité condamnable ([51]).

Malgré cette précision sur la communication liée à l’œnotourisme et aux terroirs, la promotion du vin sur le marché domestique demeure très encadrée, notamment au regard des législations des autres pays européens, y compris viticoles, tels que l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou la Grèce.

b.   Des possibilités de communication insuffisamment exploitées

L’encadrement de la publicité pour l’alcool dissuade aujourd’hui une partie des acteurs de la filière de lancer des campagnes de publicité, dont l’impact sur le consommateur serait nécessairement limité. Toute référence aux notions de convivialité, de plaisir, de partage ou d’art de vivre est aujourd’hui prohibée en France. De même, il n’est pas possible de représenter des consommateurs, ce qui rend difficile de valoriser des activités comme les dégustations. Certains publicitaires se montrent particulièrement vigilants sur le contenu, voire frileux, compte tenu de la jurisprudence. Celle-ci tendrait à interpréter « de manière limitative les thématiques publicitaires autorisées, et a contrario de manière extensive le caractère publicitaire de toute communication » ([52]).

Ainsi, dans les faits, les campagnes publicitaires en faveur des vins demeurent peu fréquentes. En 2024, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a lancé une grande campagne de publicité… dix ans après sa dernière campagne publicitaire. Reconnaissable à son slogan (« Ensemble tous singulier »), elle a été déclinée en France dans les aéroports parisiens, les gares, les stations de métro, sur les réseaux sociaux et dans la presse écrite, mais aussi à l’international comme à New York (sur les bus, les écrans de Time Square, etc.) sous le slogan « Join the Bordeaux crew » ([53]).

visuels publicitaires en france des vins de bordeaux (campagne 2024)

https://www.vitisphere.com/images_contenu/images/EnsembleTousSinguliers_VinsdeBordeaux_Janv2024%281%29.jpg

Les affiches de cette campagne mettent en valeur la diversité des vins et des producteurs bordelais, dont les producteurs de vins biologiques qui représentent 25 % des surfaces viticoles bordelaises désormais. Cela permet de mettre en lumière ce mode de production, qui correspond à de nouvelles attentes des consommateurs. Vos rapporteurs partagent cette intention et estiment qu’il est essentiel que chaque interprofession communique largement sur les nouvelles façons de produire du vin et les bassins viticoles, eu égard notamment aux inquiétudes que peuvent avoir les consommateurs quant à l’utilisation de produits phytosanitaires.

Par ailleurs, les publicités pour les vins sont toutefois plus rares que les publicités en faveur de la bière ou des spiritueux. Outre le cadre juridique restrictif, cette situation peut s’expliquer par l’atomisation du secteur qui rend plus difficile l’accès des producteurs, du négoce ou des interprofessions à des campagnes de publicité de grande envergure, à l’inverse des grands groupes brassicoles ou de spiritueux.

Recommandation n° 5 : Valoriser davantage les régions viticoles en exploitant toutes les possibilités de communication offertes par le cadre juridique actuel.

B.   L’Œnotourisme, un secteur au service de la valorisation du savoir-faire français

Premier pays exportateur de vin en valeur, la France est aussi la première destination touristique mondiale en termes de fréquentation, avec plus de cent millions de visiteurs internationaux accueillis en 2024. L’œnotourisme, qui peut se définir comme « l’ensemble des prestations relatives aux séjours touristiques dans des régions viticoles permettant la découverte conjointe du vin, des terroirs et des hommes sur le territoire où ils se situent » ([54]), constitue un levier intéressant pour développer le lien entre la filière vitivinicole et les touristes, qu’ils soient ou non consommateurs de vin, mais aussi pour faire face à la crise que connaît actuellement le secteur. Compte tenu de son potentiel, l’œnotourisme français est amené à jouer un rôle croissant dans la valorisation et la modernisation de l’image du vin et du savoir-faire français.

1.   Un secteur en plein essor

a.   Douze millions d’œnotouristes en France

L’offre œnotouristique répond indéniablement à une demande. Selon la dernière étude d’Atout France ([55]), en 2023, douze millions d’œnotouristes ont visité les vignobles français (contre dix millions en 2016), dont 6,6 millions de Français et 5,4 millions d’étrangers, représentant respectivement 55 % et 45 % de la clientèle. En sept ans, le nombre d’œnotouristes a augmenté de 20 %.

Cette dynamique peut s’observer dans l’ensemble des vignobles, y compris les plus petits. Constituant l’essentiel des lieux d’accueil des œnotouristes, plus de dix mille caves sont ouvertes à la visite sur l’ensemble du territoire national. Certains vignobles font office de « locomotives » comme le Bordelais, la Champagne ou encore la Bourgogne, suivis de très près par la vallée du Rhône, l’Alsace, la Provence, le Val de Loire, le Languedoc ou encore la région de Cognac.

Cette activité présente l’avantage d’attirer des touristes pendant une période de plusieurs mois, du printemps à l’automne, avec une haute saison démarrant au mois de mai et se terminant à la mi-octobre. L’œnotourisme présente l’intérêt de pouvoir être pratiqué toute l’année, la vigne et l’exploitation viticole offrant une actualité différente selon la saison (à l’instar des animations autour de la distillation dans les vignobles de Cognac et ou de l’Armagnac). En favorisant la découverte des savoir-faire vitivinicoles et du patrimoine français, l’œnotourisme répond aux aspirations des voyageurs en quête d’expériences authentiques qui souhaitent s’imprégner de nos traditions au travers de dégustations, d’ateliers et de séjours dans les vignobles.

RÉPARTITION des ŒNOTOURISTes en FRANCE en 2023

Source : Atout France

b.   Une offre qui se diversifie

Le développement de l’œnotourisme s’accompagne d’une importante diversification de l’offre et d’une dynamique de professionnalisation. Le secteur œnotouristique propose une palette de prestations qui s’est étoffée au fil du temps : si les visites de propriété demeurent incontournables, elles s’accompagnent désormais d’offres de restauration, comme au Château de Camarsac (Gironde) que vos rapporteurs ont pu visiter, d’hébergement et d’autres activités (excursions, prestations bien-être, etc.), qui sont désormais de plus en plus recherchées.

Atout France note une forte dynamique d’investissements dans les vignobles, avec une offre « haut de gamme » de plus en plus visible (restaurants gastronomiques, hôtels cinq étoiles, etc.), répartie dans tous les territoires viticoles et financée par des capitaux français comme étrangers. La professionnalisation et la montée en gamme du secteur s’inscrivent en lien avec le développement de formations universitaires consacrées à l’œnotourisme, proposées par exemple par l’Institut de la vigne et du vin de l’Université de Bordeaux, et se traduisent par une part croissante des visites et dégustations payantes et une labellisation des sites.

Le label Vignobles & Découvertes, qui est porté par Atout France en collaboration avec le Conseil supérieur de l’œnotourisme et la Fédération Vignobles & Découvertes, a été conçu comme un outil au service des destinations désireuses de mieux structurer leur offre œnotouristique. Il est désormais présent dans plus de 75 destinations et couvre un réseau de plus de 8 600 acteurs œnotouristiques, dont 2 900 caves et domaines. Gage de qualité, ce label engage les bénéficiaires à respecter un cahier des charges.

La France bénéficie de nombreux atouts à valoriser : la qualité des vins, la diversité des terroirs, un savoir-faire reconnu. L’offre bénéficie d’une très forte complémentarité avec d’autres atouts touristiques (patrimoine, culture, gastronomie, paysages) et des équipements devenus incontournables, pouvant faire office de portes d’entrée sur le monde viticole – par exemple, la Cité du Vin à Bordeaux, qui a accueilli 415 000 visiteurs en 2024, et le réseau de la Cité des Climats et vins de Bourgogne à Beaune, Chablis et Mâcon. On peut rappeler que les vignobles de la Bourgogne, de la Champagne, du Val de Loire et du Saint-Émilionnais sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco.

Face à la baisse structurelle de la consommation de vin, en particulier des vins rouges, et face aux incertitudes géopolitiques auxquelles la viticulture va continuer de devoir faire face, l’œnotourisme constitue un axe de développement prometteur pour les exploitations viticoles, quelle que soit leur région d’implantation a fortiori, dans les régions où les AOP et les IGP peuvent capitaliser sur la renommée, parfois internationale, de territoires comme la Provence. À l’inverse, certaines destinations moins connues comme Cognac ou même la Champagne bénéficient, sur le plan touristique, de la notoriété internationale des vins et spiritueux qui y sont produits. Ainsi, la géographie des appellations protégées et les destinations œnotouristiques se renforcent mutuellement.

2.   … dont le potentiel pourrait être davantage exploité

a.   Une marge de progression importante

La France bénéficie d’une image positive au niveau international, qui peut être un atout pour la filière vitivinicole. Business France souligne ainsi que notre pays « dispose d’un énorme capital de sympathie auprès des touristes étrangers. Beaucoup de consommateurs étrangers de vin achètent du vin français en raison de leur francophilie, cultivée lors de voyages en France » ([56]). Par conséquent, le développement des circuits œnotouristiques contribue à influencer positivement les consommateurs œnotouristes, qui pourront souhaiter emporter avec eux ou retrouver plus tard des produits qui représenteront des souvenirs de vacances.

● En dépit de son essor, l’œnotourisme français conserve une marge de progression importante. C’est particulièrement le cas pour la clientèle internationale, qui a connu une progression de 29 % entre 2016 et 2023, deux fois plus importante que la progression de la clientèle française (+ 14 %). Si l’on peut se satisfaire de cette dynamique, il convient de relever que le nombre d’œnotouristes internationaux (5,4 millions de personnes) correspond à seulement 5 % du nombre total de touristes internationaux accueillis en France (plus de 100 millions de touristes en 2024). Certaines régions très touristiques, comme le Languedoc, pourraient sans doute davantage capitaliser sur cet atout pour développer les activités œnotouristiques.

Les retombées économiques de l’œnotourisme peuvent être d’autant plus significatives que la demande émane, pour une part importante, de clients étrangers ayant un fort pouvoir d’achat (Britanniques, Belges, Américains, etc.). En moyenne, un œnotouriste dépenserait autour de 130 euros par jour ([57]). À l’Office du tourisme de Bordeaux, 84 % des demandes de visite ou de circuit œnotouristique proviennent d’étrangers ([58]).

À terme, les ventes de vin au domaine pourraient voir leur part augmenter. Celles-ci restent aujourd’hui très limitées, puisqu’elles représentent de l’ordre d’une bouteille de vin tranquille sur cinq vendues en France ([59]). L’essentiel des ventes de vins tranquilles se fait en grande distribution (une bouteille sur deux) et via le secteur de la restauration (trois bouteilles sur cinq). Le poids de la grande distribution peut être encore plus important pour certains produits comme le Muscat de Frontignan, dont les ventes, qui se font essentiellement sur le marché national, sont régulièrement stimulées par des opérations promotionnelles.

● Au-delà de l’internationalisation de la fréquentation, la diversification de l’offre est incontournable pour toucher de nouvelles clientèles. À titre d’exemples, « un domaine comme le domaine Pierre & Bertrand Couly à Chinon qui a lancé le premier “escape game” dans le vignoble a vu arriver sur la propriété des clientèles plus jeunes et plus urbaines que la clientèle habituelle. C’est le cas également de Pressoria à Ay-Champagne, le musée high-tech du champagne, ou de la Maison Lehmann, célèbre marque de verres à dégustation, [qui présente] la “Lehmann Expérience” qui a pour objectif de révéler les secrets de fabrication des verres et leur influence déterminante sur la dégustation des vins et champagnes à travers une expérience visuelle et sonore. » ([60]) À Cognac, la Maison Hennessy a réorganisé, en 2023, son circuit de visite afin de créer une expérience immersive grâce à la réalité virtuelle. De telles innovations sont de nature à attirer des publics plus jeunes, en général plus éloignés du monde du vin et des spiritueux.

Des segments du marché mériteraient d’être davantage investis. L’offre à destination des familles, des cyclotouristes et des randonneurs, le luxe, la privatisation évènementielle, etc. constituent, d’après Atout France, autant de leviers de développement pour la filière. Cet opérateur soutient des projets œnotouristiques novateurs via des appels à manifestation d’intérêt (AMI) et mène des actions de promotion du secteur en France et à l’international, en particulier lors du salon Destination Vignobles qu’il organise.

b.   Les freins à lever

● L’essor de l’œnotourisme en France et son équivalent pour les spiritueux, le « spiritourisme », se heurtent néanmoins à plusieurs freins.

Alors que la compétence du tourisme relève à la fois de l’État, des régions, des départements et des communes ([61]), certains acteurs pointent le « millefeuille administratif » qui rendrait difficile la définition d’objectifs communs et d’une stratégie nationale, chaque acteur institutionnel ayant des priorités différentes. La mise en place du Conseil supérieur de l’œnotourisme en 2009, fédérant les principaux représentants de la viticulture et du tourisme, visait à créer une dynamique collective permettant de développer et de valoriser l’œnotourisme en France. Pour autant, il est difficile d’identifier clairement aujourd’hui un pilote dans ce domaine. Vos rapporteurs estiment donc que la France devrait se doter d’une stratégie nationale visant à soutenir le développement de l’œnotourisme et à favoriser une coordination plus étroite de l’ensemble de ses acteurs, tant privés que publics.

Recommandation n° 6 : Doter la France d’une stratégie nationale ambitieuse pour accélérer l’essor de l’œnotourisme et favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs.

Si les enjeux internationaux, évoqués plus haut, constituent la préoccupation majeure des maisons de négoce de spiritueux au regard des débouchés commerciaux, Sandra Marsaud a été alertée sur certaines difficultés rencontrées en Charente.

Ainsi, les maisons souhaitant développer des circuits de visite payants, incluant une dégustation, sont contraintes de disposer d’une licence IV ([62]). En effet, s’il est permis aux producteurs de vin récoltants de vendre leurs productions sans devoir détenir une licence, tel n’est pas le cas pour les producteurs de spiritueux qui ne récoltent pas eux-mêmes leur raisin. Selon l’article 502 du code général des impôts, « toute personne se livrant à la vente au détail de boissons ne provenant pas de sa récolte exerce son activité en qualité de débitant de boissons et est soumise à la législation des contributions indirectes. » Or la disponibilité des licences IV sur le territoire français est limitée par un numerus clausus et le prix d’achat d’une licence IV, qui atteint plusieurs milliers d’euros, peut s’avérer prohibitif pour de petites structures qui souhaitent mettre en place des visites avec dégustation de spiritueux. Afin de développer le spiritourisme, Sandra Marsaud suggère qu’il soit envisagé d’assouplir les règles en vigueur pour permettre aux producteurs de spiritueux, mais aussi aux établissements offrant une muséographie portant sur l’élaboration des spiritueux, de proposer plus facilement des visites avec dégustation.

*

*     *

 


III.   Mieux piloter l’offre de vins français

  1.   Renforcer la capacité d’analyse collective des marchés

1.   Les outils de veille économique disponibles

La filière dispose d’un certain nombre d’outils pour analyser les évolutions des marchés domestiques et internationaux.

Parmi les objectifs que peuvent poursuivre les organisations interprofessionnelles figure celui d’améliorer la connaissance des marchés, notamment en « réalisant des analyses sur les perspectives d’évolution du marché au niveau régional, national ou international » ([63]). Elles peuvent également « explorer les marchés d’exportation potentiels ».

a.   Au niveau régional

La plupart des interprofessions régionales disposent d’un service chargé d’analyser les marchés et d’explorer les voies de développement, avec comme ambition de mettre à disposition de leurs membres des études de marché.

Certaines interprofessions jouent un rôle majeur à cet égard. Le CIV Corse organise, par exemple, tous les trois ans – et non plus tous les cinq ans afin de s’adapter au mieux à la réalité du marché – un séminaire stratégique animé par un organisme externe pour étudier les données et les stratégies des autres interprofessions afin de définir une feuille de route visant à cibler de nouveaux débouchés à l’export ou de nouveaux marchés.

À l’inverse, d’autres interprofessions sont moins engagées, soit parce qu’elles comptent développer une telle mission à l’avenir (à l’instar du CIV Languedoc, qui devrait disposer prochainement d’un observatoire économique à l’échelle du bassin vitivinicole), soit parce qu’elles ont fait le choix de laisser à leurs membres le soin de réaliser ce travail (ce qui est, par exemple, le cas en Champagne).

Lorsqu’elles accomplissent cette mission, les interprofessions régionales s’appuient notamment sur des données collectées au niveau national.

b.   Au niveau national

Le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) participe aux achats mutualisés d’outils de suivi des marchés. Les principales données sont collectées et analysées par des institutions publiques, au premier rang desquelles FranceAgriMer, dont l’une des missions principales est la collecte, l’analyse et la diffusion de données économiques sur les filières, le suivi des marchés et la mise en œuvre d’expertises permettant à la filière de gagner en compétitivité. FranceAgriMer réalise une enquête sur la consommation de vin tous les cinq ans et gère également l’« observatoire de la viticulture » qui « centralise différentes informations économiques sur la filière, notamment sur les surfaces plantées ou encore la récolte de raisins et la production de vins commercialisables [et] offre une perspective historique avec, lorsque cela est possible, des séries chronologiques et un maillage territorial pouvant descendre jusqu’à la commune » ([64]). D’autres acteurs publics comme Business France, le ministère chargé de l’agriculture (et notamment ses conseillers « Agriculture » en poste dans les ambassades) ou encore Atout France participent aussi activement à la production de données ou de connaissances sur la production, les ventes, les prix, la compétitivité à l’export ou encore l’apport économique de l’œnotourisme.

Certains acteurs de la production et du négoce prennent aussi en charge la production et l’analyse de données. La Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) produit ainsi des documents d’analyse des perspectives à l’export de la filière en se fondant sur des données sur la consommation à l’étranger et la compétitivité de la filière sur le marché international.

Au-delà de la collecte et de la consolidation de données, la production d’un certain nombre d’analyses thématiques sur les problématiques de la filière joue également un rôle majeur dans l’analyse des évolutions du marché. Les acteurs de la filière sont, sur ce terrain, très engagés : le CNIV a, par exemple, publié une étude prospective de l’évolution de la consommation de vins tranquilles en France sur les douze prochaines années et une note de conjoncture sur l’état de la filière en octobre dernier.

L’ensemble de ces données et analyses constitue un socle de connaissances essentiel sur la compétitivité de la filière sur le marché domestique et à l’export, les marchés porteurs à investir, la déconsommation, les nouvelles attentes des consommateurs ou encore l’œnotourisme.

2.   Les marges de progression existantes

a.   Le manque de données relatives à la consommation

La disponibilité des données relatives à la production de vin est satisfaisante, grâce en particulier aux obligations déclaratives. En revanche, les données relatives au chiffre d’affaires de la filière et à sa répartition par canaux de distribution et, de manière générale, les données relatives à la consommation sont trop rares pour alimenter une véritable stratégie de marché.

Les grandes marques peuvent bien sûr s’appuyer sur les études de cabinets de conseil pour établir leurs stratégies propres.

En revanche, le manque de données est préjudiciable à la réalisation des diagnostics nécessaires au pilotage stratégique de la filière dans son ensemble. Ainsi, afin de permettre aux acteurs de la filière d’adapter leurs stratégies aux évolutions du marché, il apparaît indispensable d’améliorer la collecte et la consolidation de données les plus détaillées possible sur les débouchés aux plans national et international.

L’amélioration des données amont et export fait d’ailleurs partie des actions du plan de filière dans le cadre de son premier axe « Partager et faire vivre l’observatoire des tendances de marché ». La pertinence de cet axe de travail ne peut qu’être confirmée.

Sa mise en œuvre implique de déterminer rapidement la structure qui développera les outils de collecte et de partage d’information afin de mobiliser les moyens en conséquence. Ces données pourront ensuite être exploitées à des fins prospectives, puis stratégiques et il faudra veiller à ce qu’elles soient partagées avec l’ensemble des parties prenantes des maillons de la production, du négoce et de la distribution.

Recommandation n° 7 : Concrétiser rapidement la mise en place de l’observatoire national des tendances de marché et mobiliser les moyens pour l’alimenter en données.

b.   La nécessité d’un approfondissement de la démarche de filière au niveau national

Élaborer un diagnostic commun en vue de définir une réponse stratégique aux nouveaux défis de la filière implique de disposer de données, mais aussi de capacités d’analyse.

Une telle capacité suppose de mobiliser l’expertise disponible à tous les maillons de la filière. Les maillons en relation directe ou indirecte avec les consommateurs en sont porteurs, que l’on pense au réseau des cavistes, à la grande distribution, aux professionnels de l’hôtellerie-restauration, aux grossistes, au négoce ou aux producteurs qui reçoivent souvent le consommateur dans l’exploitation. Chaque maillon reçoit des signaux, parfois faibles susceptibles d’alimenter une réflexion sur les tendances et l’évolution des attentes.

La valorisation et l’exploitation de cette expertise représentent un enjeu important. Elles supposent un dialogue ouvert et constructif entre tous les maillons de la filière.

Au niveau national, le conseil spécialisé « Vin et cidre » de FranceAgriMer et le Comité national des interprofessions des vins constituent des instances qui contribuent à ce travail de filière :

– Le conseil spécialisé est notamment chargé de « suivre et d’analyser l’évolution de la situation des marchés » ([65]). Les dix bassins viticoles y sont représentés, chacun par deux membres nommés par le préfet et porte-parole des acteurs de la production et de la commercialisation, respectivement. Le secteur Cafés-hôtels-restaurants (CHR) n’est, en revanche, pas représenté. Il s’agit d’un lieu de concertation qui peut s’appuyer sur les données fournies par FranceAgriMer ;

– Le CNIV se donne comme objectif d’ « accompagner les interprofessions dans leurs missions de transparence et de connaissance, d’accès et de régulation des marchés ».

Ces deux instances peuvent alimenter les réflexions de la filière et elles permettent effectivement un dialogue entre les maillons. Mais ni l’une ni l’autre ne constitue une véritable instance de gouvernance unifiée.

La gouvernance de la filière apparaît donc morcelée, scindée entre amont et aval, entre différentes formes d’exploitation (vignerons indépendants, vignerons coopérateurs, vins d’appellation ou sans appellation) et, bien entendu, entre bassins viticoles (avec vingt-trois organisations interprofessionnelles régionales).

Les initiatives collectives, qui pourraient générer des effets d’influence plus importants, se trouvent limitées par ce morcellement et la prise de décision est, à tout le moins, ralentie.

Les filières espagnole et italienne offrent des exemples d’organisation différente.

L’Espagne dispose, par exemple, d’une organisation interprofessionnelle du vin d’Espagne (Interprofesional del Vino de España) qui rassemble la production (avec des représentants des syndicats et des coopératives), les entreprises (regroupées au sein de la fédération espagnole du vin) et l’ensemble des organismes de gestion des indications géographiques (représentés par la conférence des conseils régulateurs vitivinicoles).

À l’inverse, la filière italienne ne dispose pas d’interprofession reconnue et l’organisation coopérative représente près de 60 % de la production commercialisable de vin. Cette structuration lisible et simple réunit tous les maillons de la chaîne et permet de faire remonter efficacement à la production les attentes des marchés pour définir une stratégie adaptée.

 

Les interprofessions vitivinicoles françaises

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En lien avec la recommandation n° 7 d’installer rapidement l’observatoire des tendances de marché, une réflexion devrait être menée sur une évolution du statut et des missions du Comité national des interprofessions des vins afin d’envisager sa reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle au niveau national. Cela renforcerait sa capacité à animer les commissions « Économie » des interprofessions régionales, à conduire des travaux de prospective et à bâtir une stratégie commune pour la filière vitivinicole française, sans que cela fasse obstacle aux stratégies des interprofessions régionales qui pourraient s’inscrire en complémentarité de la stratégie nationale.

La mise en œuvre de cette recommandation apparaît nécessaire pour que le plan de filière soit effectivement déployé et approprié par les différentes interprofessions régionales et l’ensemble des acteurs qui les composent.

Recommandation n° 8 : Envisager une évolution du rôle et des statuts du CNIV pour en faire une interprofession nationale.

B.   Adapter les vins AUX demandeS des marchés

1.   Produire pour l’ensemble des marchés existants ou émergents

a.   S’appuyer sur nos forces : les appellations et la diversité des vins français

Les atouts de la production vitivinicole française sont nombreux et forts. La filière s’appuie sur des femmes et des hommes disposant d’un grand savoir-faire, sur la richesse des terroirs, sur la qualité gustative des produits et leur capacité à s’intégrer dans toute cuisine locale, ainsi que sur un niveau élevé d’exigence en matière de sécurité, de contrôle sanitaire et de respect de l’environnement à toutes les étapes du processus de production, en ligne avec les attentes sociétales d’aujourd’hui.

Certes, les 366 AOP viticoles, 17 AOP Boissons spiritueuses, 76 IGP viticoles et 36 IG Boissons spiritueuses, réparties dans dix bassins de production et qui représentent 93 % des vins produits en France, nécessitent un effort de communication pour assurer la lisibilité de l’offre sur certains marchés.

Mais ces AOP et IGP traduisent avant tout l’histoire de nos vins, ancrée dans nos terroirs, des savoir-faire et des produits porteurs d’une identité claire, non délocalisable et protégée par des organismes de défense et de gestion (ODG), émanations des producteurs (voir infra).

L’identité et la grande diversité de l’offre de vins français doit être protégée. Elle permet aussi une segmentation de l’offre sur les différents marchés, en France comme à l’international, offrant aux vins français un avantage concurrentiel en termes de compétitivité hors prix.

b.   La segmentation de l’offre ne doit pas conduire à négliger l’entrée de gamme

Face aux difficultés économiques sévères qu’elle connaît et aux conséquences du changement climatique, la filière vitivinicole doit se restructurer.

La période charnière que nous traversons doit être l’occasion d’une réflexion stratégique des acteurs concernés sur les vins d’entrée de gamme et ceux permettant d’alimenter les vins d’apéritif et les vins effervescents, aujourd’hui principalement issus de vins espagnols. Ces marchés ont été négligés alors que, bien qu’ils répondent à des équilibres économiques différents de ceux évoqués pour les vins d’appellation, ils offrent des perspectives pouvant être adaptées à certains contextes.

Les vins de France représentent aujourd’hui 6 % à 7 % du volume de production de vin français et 60 % de leur volume sont exportés. Que ce soit pour le marché national ou pour l’exportation, la flexibilité des modes de production de ces vins permet d’explorer de nouveaux marchés plus rapidement : ils peuvent ainsi jouer un rôle d’« éclaireur » dans le cadre d’une stratégie nationale collective.

Parmi les vins sous indication géographique ou sous appellation, certains pourraient tirer avantageusement parti d’une réflexion stratégique sur leur positionnement dans la gamme, à condition que le choix soit réalisé en cohérence avec le modèle économique de l’exploitation.

Recommandation n° 9 : S’appuyer sur l’excellence reconnue des vins français pour mieux conquérir les marchés d’entrée de gamme.

La réflexion sur le positionnement dans la gamme doit aller de pair avec une réflexion sur les contenants ([66]) qui, elle aussi, peut permettre de mieux pénétrer certains marchés, voire d’en ouvrir des nouveaux : en particulier, lors de grands moments festifs où la bière est généralement bien présente (évènements sportifs, festivals de musique, fêtes culturelles, etc.), la place du vin pourrait être davantage envisagée. La question des contenants n’est certainement pas étrangère à ce paradoxe que la France soit la nation du vin, mais qu’elle ne le mette que très modestement en avant lors des grands rassemblements.

2.   Expérimenter et innover pour répondre aux attentes sociétales

Au sein ou à l’extérieur des AOP et des IGP, l’innovation doit être encouragée et accompagnée par les interprofessions et les pouvoirs publics afin d’adapter la filière aux conséquences du changement climatique, de lui permettre de continuer sa transition agroécologique et de lui donner les moyens de mettre en œuvre des stratégies de conquête de nouveaux marchés.

a.   Concevoir les aides à la filière en cohérence avec ses stratégies d’adaptation et de modernisation

Une série de dispositifs d’aide ont été mis en place au cours des dernières années afin de permettre aux entreprises de s’adapter au changement climatique et à ses effets, d’être plus performantes et d’avoir moins d’impact sur l’environnement ([67]).

Ces aides ont été utiles. Mais il importe que l’ensemble des soutiens publics soient conçus dans le cadre d’une vision globale, cohérente et de long terme, plutôt que comme une succession d’ouvertures de guichet.

Le choix des interventions du Plan stratégique national viticole comporte d’ores et déjà une dimension stratégique en ce qu’il met l’accent sur l’aide à l’investissement et les opérations de restructuration et de reconversion du vignoble, qui doivent impérativement permettre d’améliorer l’outil de production.

L’expérimentation est un levier d’innovation et d’adaptation. Alors que la future programmation de la politique agricole commune (PAC) est en cours d’élaboration, la Commission et les États membres doivent trouver les moyens de sécuriser l’agriculteur dans ses démarches d’expérimentation de nouvelles pratiques visant à améliorer la performance économique, sociale ou environnementale de l’exploitation.

b.   L’évolution des cahiers des charges comme condition d’adaptation des vins sous signe de qualité aux attentes des consommateurs et aux conséquences du changement climatique

L’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) est saisi d’un grand nombre de demandes portant sur des évolutions de cahiers des charges : plus de deux cents dossiers ont ainsi été étudiés en viticulture en 2023.

Ces demandes sont présentées par les organismes de défense et de gestion (ODG), qui doivent continuer à être l’émanation des producteurs de l’appellation, bien que les négociants souhaiteraient y être représentés à parité. Si le dialogue avec le négoce doit naturellement nourrir les réflexions des producteurs, la stratégie de l’appellation appartient à ces derniers.

Un travail d’accompagnement du demandeur est réalisé par les équipes locales de l’Inao. La stratégie de l’ODG est questionnée pour comprendre les raisons de la demande et analyser la cohérence entre les enjeux auxquels l’ODG fait face et les propositions de modification présentées. La demande est ensuite soumise à l’un des comités nationaux de l’Inao, qui peut décider de lancer l’instruction de la demande en nommant une commission d’enquête composée de membres professionnels issus du comité national et qui rendent compte à ce dernier. Près de cent vingt commissions d’enquête sont actuellement actives, ce nombre élevé témoignant des réflexions intenses engagées par les ODG pour faire face à la situation économique et aux enjeux sociétaux ou climatiques.

Au terme de la procédure, le nouveau cahier des charges est mis au vote et, en cas de vote favorable, le comité met en œuvre une procédure nationale d’opposition ouverte pour deux mois. Au regard des réponses apportées par le demandeur et recueillies par la commission d’enquête, le comité national décide des suites qu’il entend donner aux oppositions éventuelles et approuve enfin la modification du cahier des charges.

Les services de l’Inao transmettent aux ministères chargés de l’agriculture et de l’économie le cahier des charges approuvé en vue de son homologation. Cette homologation fait l’objet d’une publication au Journal officiel de la République française et au Bulletin officiel du ministère de l’agriculture. Le dossier est transmis à la Commission européenne lorsqu’une publication au niveau européen est nécessaire pour garantir la protection du produit au sein de l’Union.

La procédure de modification d’un cahier des charges est donc lourde et longue : la durée moyenne de l’instruction par l’Inao d’un dossier de reconnaissance ou de modification d’un tel cahier est de trois ans et cinq mois pour les AOP et d’un an et dix mois en IGP ([68]). Ces délais sont néanmoins difficilement compressibles : ils s’expliquent notamment par les allers-retours nombreux et nécessaires entre les commissions d’enquête et les groupements demandeurs. Par ailleurs, les choix sont engageants pour l’avenir de l’appellation concernée et l’enjeu est que la typicité des produits, le lien au terroir et son expression au travers du produit soient maintenus.

Les évolutions des cahiers des charges visent principalement à les adapter au marché en permettant davantage de segmentation par des dénominations géographiques complémentaires ou des distinctions « Cru » vs « Premier cru ». Il peut aussi s’agir d’intégrer de nouvelles couleurs, en particulier des blancs (plus porteurs que les rouges tanniques).

Ces évolutions peuvent concerner des adaptations de pratiques face au changement climatique, avec des modifications pouvant porter sur différents points techniques (cépages, taille, densité, pratiques œnologiques), voire sur la délimitation de l’appellation (altitude, orientation) ([69]). Elles peuvent également permettre l’intégration de meilleures pratiques environnementales par des dispositions agro-environnementales (DAE).

L’Inao a mis en place des procédures qui encouragent l’expérimentation au sein même des cahiers des charges pour favoriser les innovations :

– depuis 2018, le dispositif « Variétés innovantes à des fins d’adaptation » (Vifa) permet de tester de nouveaux cépages dans les cahiers des charges avant une éventuelle intégration définitive au bout de dix ans ;

– en 2023, le « dispositif d’évaluation des innovations » (DEI) a été instauré afin de tester de nouvelles conditions de production à petite échelle et sous couvert d’un suivi scientifique. Un tel dispositif est, par exemple, conduit en Charente pour tester de nouveaux types de distillation du Cognac moins carbonés.

Les ODG doivent encore s’approprier ces nouvelles possibilités, mais une dynamique est d’ores et déjà amorcée et il appartient à l’Inao de l’entretenir.

Afin que la filière vitivinicole puisse se saisir de ces outils pour relever les défis qui se présentent à elle en termes d’adaptation au changement climatique et d’évolution des attentes des consommateurs, l’effort de recherche doit impérativement être poursuivi en dépit des graves difficultés économiques rencontrées par cette filière. Les interprofessions, avec le soutien technique de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et celui de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), ont une responsabilité particulière en la matière.

Enfin, pour encourager les producteurs à prendre le risque de l’expérimentation, des dispositifs d’aide doivent être imaginés dans le cadre de la future programmation de la politique agricole commune, afin que les tentatives qui ne débouchent pas sur des modifications pérennes des cahiers de charges puissent néanmoins être indemnisées.

Recommandation n° 10 : Concevoir des dispositifs d’aide permettant de sécuriser les viticulteurs dans leurs démarches d’expérimentation de pratiques innovantes visant à adapter leurs productions aux conséquences du changement climatique et aux attentes des consommateurs.

c.   La question de la désalcoolisation

Le présent rapport n’a pas pour objet d’étudier toutes les solutions scientifiques et techniques pouvant être mobilisées face aux défis contemporains de la filière vitivinicole.

Il semble toutefois pertinent de s’arrêter sur la question de la désalcoolisation dès lors que, au-delà des procédés techniques, la question du degré alcoolique représente un enjeu stratégique. Le titre alcoométrique volumique est au cœur d’un effet de ciseau entre conséquences du changement climatique, d’une part, et évolution des attentes sociétales, d’autre part.

Alors que le consommateur, par goût et souci de sa santé, tend à préférer les vins plus légers, l’augmentation des températures a pour effet de renforcer la teneur des vins en éthanol : la question de l’utilisation de procédés de désalcoolisation se pose alors assez naturellement.

Alors que le vin est une boisson obtenue par la fermentation alcoolique du raisin, la désalcoolisation consiste à utiliser des procédés techniques appliqués au vin fini (évaporation sous vide partiel, technique membranaire ou distillation) pour abaisser sa teneur en alcool. Il s’agit de procédés coûteux et énergivores.

L’enjeu de maîtrise du degré alcoolique peut trouver d’autres réponses que la désalcoolisation. L’évolution des délimitations pour trouver des parcelles plus fraîches, le travail de sélection des cépages et le travail sur les pratiques culturales ou sur les techniques de vinification constituent un premier niveau de réponse à privilégier. C’est dans ces voies que les producteurs s’engagent aujourd’hui très majoritairement.

Certains consommateurs, notamment parmi les plus jeunes, semblent désormais séduits par une approche dite « no-low » et la question de l’engagement de la filière pour répondre à cette attente se pose : il est alors question de désalcoolisation importante, voire totale. L’objectif ne serait plus de maîtriser le degré alcoolique des vins que nous connaissons, mais bien de créer de nouveaux produits pour ouvrir ou pénétrer de nouveaux marchés. Ces vins désalcoolisés n’occupent qu’une place marginale aujourd’hui (moins de 1 % de la consommation), mais les Vins de France, en particulier, peuvent tirer parti de cette tendance pour explorer de nouveaux marchés et toucher des publics plus jeunes ou ne consommant pas d’alcool.

En conclusion sur ce sujet, les pistes visant à réduire naturellement le taux d’alcool dans le vin doivent être privilégiées. Néanmoins, la désalcoolisation partielle peut être envisagée, même pour les crus sous appellation, dans une limite permettant de conserver les caractéristiques organoleptiques des vins. En tout état de cause, compte tenu de son coût financier et énergétique, la désalcoolisation ne doit pas être considérée comme une réponse structurelle pour répondre aux défis de la filière.

C.   RÉguler les volumes pour crÉer de la valeur

Au cœur des stratégies de marché de la filière vitivinicole, la question de la maîtrise de la mise en marché semble cruciale. Il s’agit certainement de la question qui doit ouvrir le plus de perspectives aux acteurs de la filière.

1.   Les mécanismes de gestion quantitative de l’offre

a.   Des réponses structurelles inévitables pour répondre à la crise de surproduction

En janvier 2024, le ministre chargé de l’agriculture a annoncé un dispositif d’aide structurelle doté de 150 millions d’euros en réponse aux difficultés économiques rencontrées par les viticulteurs en raison d’une situation de surproduction, de la baisse de la consommation et des perturbations des marchés internationaux.

Le dispositif imaginé avec la filière consiste à mettre en œuvre une mesure d’arrachage définitif dans le but de réduire le potentiel de production viticole nationale pour résorber le déséquilibre entre offre et demande.

Un régime d’aide d’État a ainsi été notifié à la Commission européenne le 19 septembre 2024 sur le fondement de l’encadrement temporaire « Ukraine ». Ce fondement était en effet le plus rapidement mobilisable pour que le dispositif permette que les vignes concernées ne produisent pas en 2025. La Commission européenne a approuvé ce régime le 3 octobre 2024.

Il prévoit une aide de quatre mille euros par hectare de vigne définitivement arrachée pour un budget total s’élevant à 120 millions d’euros. L’objectif est d’arracher jusqu’à trente mille hectares de vigne, soit près de 4 % du potentiel français, avec un engagement des bénéficiaires de ne pas demander d’autorisations de plantation nouvelles pendant six campagnes viticoles à compter de 2024.

Selon les données communiquées, 5 418 exploitants viticoles avaient ainsi déposé un dossier auprès de FranceAgrimer à la fin de l’année 2024. Ces demandes portaient sur une surface totale de près de 27 500 hectares pour un montant cumulé de 109,8 millions d’euros. Parmi ces demandes, environ 1 300 viticulteurs ont indiqué leur intention de cesser totalement leur activité (8 700 hectares). Le programme d’arrachage est en cours d’exécution jusqu’au mois de juin 2025 et les paiements pourront intervenir ensuite.

Ce plan d’arrachage fait l’objet d’un consensus assez large au sein de la filière. Alors que 470 millions d’euros ont été dépensés en pure perte pour financer la distillation en 2020 et 2022, auxquels il faut ajouter le coût de la production du raisin avant distillation, ce plan vient réduire structurellement le potentiel de production. Il était primordial de mettre en œuvre une mesure d’arrachage afin que les vignes ayant vocation à être arrachées ne produisent pas à nouveau en 2025, au risque d’accroître encore le déséquilibre entre offre et demande.

Lorsque les perspectives sont inexistantes pour certains segments du marché ou pour des zones géographiques spécifiquement touchées, l’arrachage définitif représente une issue dont le bien-fondé ne peut être contesté.

Toutefois, un plan d’arrachage ne saurait constituer la seule mesure structurelle en faveur d’un ajustement de l’offre à la demande. Alors que la filière doit plus que jamais conquérir les marchés internationaux, que nos vignobles font partie intégrante de notre patrimoine et de nos paysages et que les parcelles de vignes constituent des barrières contre les incendies, la réduction des surfaces cultivées – et donc celle du potentiel de production français – ne peut être entièrement satisfaisante.

L’adaptation de l’offre à la demande est déjà un axe de travail du plan d’action de la filière. La réflexion en cours concerne notamment la restructuration ciblée du vignoble pour conquérir de nouveaux segments de marché, tels que les vins biologiques, les vins à faible teneur en alcool ou les produits innovants.

À cet égard, le plan stratégique national de la France pour la programmation de la PAC 2023-2027 prévoit une enveloppe d’aides annuelle de 269 millions d’euros pour la restructuration et la reconversion des vignobles ([70]). Ces interventions visent notamment à améliorer la compétitivité du vignoble par sa restructuration et reconversion.

Il est indispensable que la prochaine programmation de la PAC approfondisse cette dynamique afin de systématiser l’accompagnement de l’arrachage temporaire, qui permet de voir le potentiel productif réduit pour un temps seulement et de restructurer de manière pérenne la production.

Pour accompagner ce travail, l’interprofession nationale dont la création est recommandée, en s’appuyant sur l’expertise des interprofessions régionales, doit se doter d’un outil de prospective réalisant des études d’anticipation des crises, afin d’orienter les politiques de restructuration des vignobles dans le cadre d’une adaptation continue des outils de régulation.

Recommandation n° 11 : Doter l’interprofession nationale d’un outil de prospective réalisant des études d’anticipation des crises afin d’orienter les politiques de restructuration des vignobles.

Ainsi, dans la mesure du possible, l’outil de régulation que constitue l’arrachage doit aussi être un outil d’orientation de la filière.

En tout état de cause, ces aides à l’arrachage doivent être complétées par une régulation en volume de l’ensemble des vins mis sur le marché.

b.   La nécessité d’approfondir la régulation interprofessionnelle

Les mesures de régulation de l’offre élaborées par les interprofessions et rendues obligatoires par l’administration par le mécanisme d’extension d’accords interprofessionnels ont comme objectif de limiter la production (ou du moins la commercialisation) afin de ne proposer sur le marché que des vins qui trouveront un acheteur et ainsi de maintenir les prix.

Les intérêts respectifs des producteurs et des négociants sont par construction susceptibles de converger au sujet des mesures de régulation de l’offre, puisque l’enjeu est de déterminer le volume commercialisable permettant d’optimiser la valeur de la production.

Le travail sur l’adaptation de l’offre à la demande passe assurément par un renforcement de la régulation interprofessionnelle de l’offre afin de maîtriser les quantités mises sur le marché.

Le comité interprofessionnel du vin de Champagne, dit « Comité Champagne », a mis en place un système très performant dans un contexte favorable, à savoir une AOC de taille limitée (34 000 ha) sur laquelle un seul vin est produit. Ce vin n’est pas millésimé (sauf pour certaines cuvées), ce qui facilite le fonctionnement du système de la réserve, et la valeur ajoutée générée par le produit est très élevée, ce qui dispense de devoir réaliser des volumes de production importants pour atteindre le seuil de rentabilité.

Sans qu’il s’agisse de dupliquer le modèle champenois dans toutes les interprofessions régionales, une réflexion devrait toutefois y être menée pour approfondir les mécanismes de régulation de l’offre.

L’État a la responsabilité d’accompagner cette réflexion par un travail de sécurisation juridique du cadre d’intervention des organisations interprofessionnelles. Ces dernières peuvent contribuer « à une meilleure coordination de la mise sur le marché des produits » ([71]). Ce tempérament aux règles de concurrence mériterait d’être précisé, d’une manière ou d’une autre, pour sécuriser les interprofessions. Cela peut induire des négociations au niveau européen ou des précisions à apporter au cadre légal applicable aux organisations interprofessionnelles viticoles.

Recommandation n° 12 : Renforcer la régulation interprofessionnelle des volumes mis en marché au niveau de chaque interprofession régionale.

 

 

Le mécanisme de réserve collective obligatoire en Champagne

Le Comité Champagne a systématisé un mécanisme de réserve collective obligatoire au tournant des années 2000. Cette réserve collective fonctionne de pair avec la fixation d’un rendement annuel autorisé.

Chaque année, l’interprofession fixe le rendement autorisé au sein de l’appellation Champagne. Cette décision s’appuie sur une analyse économique prospective visant à analyser l’évolution de la demande sur les marchés à un horizon de trois ans. Actuellement, l’interprofession considère qu’il faut 3,8 années de stock pour satisfaire les demandes des marchés. Sur la base de cette modélisation et avant chaque récolte, le rendement annuel commercialisable est arrêté : il a, par exemple, été fixé à 11 400 kg/ha en 2023 et 10 000 kg/ha en 2024.

Par ailleurs, l’interprofession détermine un plafond de réserve qui est actuellement fixé à 10 000 kg/ha. Cette réserve est alimentée par les vins issus des récoltes fructueuses, qui sont stockés dans des cuves avant d’être associés, le moment venu, au vin de l’année en cours.

Ni la mise en réserve, ni la mobilisation de la réserve ne sont à la main des producteurs. Lorsque la récolte est supérieure au rendement commercialisable autorisé, alors le surplus alimente automatiquement la réserve. À l’inverse, si, lors d’une vendange, le rendement autorisé n’est pas atteint, la réserve est automatiquement débloquée pour atteindre ce rendement. La réserve peut également être mobilisée à titre individuel pour compenser une perte de rendement temporaire en raison du renouvellement de la vigne, ce qui est un vecteur d’incitation à rajeunir le vignoble. La mobilisation de la réserve peut enfin résulter d’une décision collective de l’interprofession, s’il s’avère qu’il manque des volumes disponibles pour répondre aux attentes du marché ; tous les producteurs sont alors tenus de sortir des vins de leurs réserves pour les vendre.

Ce système se perfectionne encore puisque, depuis 2022, le Comité Champagne a instauré un mécanisme dit de « crédit en sortie de réserve différée » dans l’hypothèse d’un récoltant dont les quantités vendangées, additionnées à la réserve disponible, s’avèreraient insuffisantes pour atteindre le rendement commercialisable de l’année. Ce récoltant peut désormais mobiliser, par anticipation, la réserve qu’il constituera en année n+1 pour venir combler l’insuffisance de sa réserve actuelle pour atteindre le rendement commercialisable du millésime courant. Il évite ainsi une diminution de son potentiel de vente.

Ce système dit de la « réserve interprofessionnelle » est applicable à tous les producteurs de l’AOP Champagne.

La mise en œuvre de ces outils de régulation repose nécessairement sur la recherche d’un consensus entre production et négoce. Les règles élaborées collectivement doivent être les plus simples et lisibles possibles, avec comme unique objectif de produire tout ce que le marché attend, mais pas plus que ce qu’il lui est possible de valoriser.

Il s’agit donc d’un outil collectif reposant sur des bases légales et d’un dispositif qui doit rester simple et compréhensible par tous les acteurs de la filière :

– Le récoltant s’engage à produire et délivrer les volumes susceptibles d’être absorbés par le marché ;

– Le metteur en marché s’engage à acheter et à commercialiser les volumes proposés ;

– La réserve assure l’approvisionnement de la filière et sécurise le revenu des exploitations.

L’efficacité et l’acceptabilité du système reposent également sur la robustesse des capacités d’analyse économique des marchés de l’interprofession régionale, qui doit être appuyée sur ce point par les instances nationales et, si possible, par une interprofession nationale, et sur la capacité de ces interprofessions à contrôler et faire respecter les règles collectives.

En Champagne, les missions et prérogatives du Comité Champagne sont prévues par la loi du 12 avril 1941 portant création d’un comité interprofessionnel du vin de Champagne. Le Comité gère également, pour le compte des douanes, le casier viticole informatisé, qui contient notamment toutes les informations relatives aux entreprises vitivinicoles, aux parcelles plantées ou arrachées et aux niveaux de production et de stock.

c.   Le régime des autorisations de plantation

Le régime des autorisations de plantation est un instrument de régulation de la production et de préservation de la qualité des vins au niveau européen.

La Commission européenne a remis en question ce dispositif lors de la préparation de la PAC 2023-2027, au motif qu’il s’agit d’un mécanisme antilibéral limitant l’innovation. La France et certains autres États membres ont néanmoins obtenu son maintien jusqu’au 31 décembre 2045, avec deux échéances de révision à mi-parcours programmées en 2028 et 2040.

Le contexte économique actuel justifie plus que jamais le maintien de ce mécanisme. L’obligation faite aux États membres de mettre à disposition, sur une base annuelle, des autorisations de nouvelles plantations représentant 1 % des superficies plantées en vigne (soit 8 122 ha pour 2024) devrait même être revue à la baisse afin d’éviter de déséquilibrer davantage les marchés. Il s’agit d’un point à négocier au niveau européen. Ces autorisations doivent, en outre, être réservées aux installations nouvelles et à la consolidation des plus petites installations.

Ce chantier relatif à l’assouplissement des règles concernant les autorisations de plantation devant être délivrées par les États membres est en bonne voie, puisque la Commission européenne vient de publier un projet de règlement qui fait suite aux recommandations d’un Groupe à haut niveau sur le vin lancé à l’été 2024 par la Commission. Y sont envisagés « une durée de validité plus longue des autorisations de replantation afin de donner aux producteurs davantage de temps pour explorer la possibilité de planter des variétés mieux adaptées à la demande du marché ou à l'évolution des conditions climatiques, ou d'utiliser de nouvelles techniques de gestion du vignoble », ainsi que « la possibilité de limiter la délivrance de nouvelles autorisations de plantation au niveau régional pour des zones spécifiques présentant une offre excédentaire ». En outre, les viticulteurs ne seraient plus « soumis à des sanctions administratives s'ils décident de ne pas utiliser une autorisation de replantation » ([72]).

En revanche, au regard des difficultés de trésorerie que rencontrent aujourd’hui de nombreuses exploitations, la durée de validité des autorisations de plantation, qui a été prolongée exceptionnellement pour les autorisations expirant en 2024 et 2025 ([73]), devra assurément l’être à nouveau pour les années suivantes.

d.   Sécuriser davantage la production face aux aléas climatiques

L’adaptation des exploitations et des pratiques culturales aux conséquences du changement climatique constitue naturellement la réponse à privilégier.

Toutefois, les mécanismes de couverture économique des aléas climatiques sont indispensables pour préserver la résilience des exploitations viticoles et leur capacité à investir en faveur de la transition agro-écologique et pour adapter la production aux attentes du marché.

La loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture visait à améliorer le taux de couverture, par des contrats d’assurance récolte, des agriculteurs (donc des viticulteurs).

Toutefois, en raison de la succession des aléas climatiques, tout particulièrement en vigne (gel tardif, grêle, coups de chaleur, sécheresse), l’un des paramètres déterminants de l’assurance récolte s’avère être un frein à son efficacité, donc à sa diffusion. En effet, c’est la « moyenne olympique » (c’est-à-dire la moyenne sur les cinq dernières années, à l’exclusion de la meilleure année et de la moins bonne) qui est utilisée pour déterminer le rendement moyen d’une exploitation, permettant ensuite de calculer le niveau de perte : une telle méthode conduit mécaniquement à une diminution progressive du rendement moyen calculé, donc à une diminution des niveaux de pertes indemnisées.

Le besoin de faire évoluer la référence pour le calcul de la moyenne olympique afin de l’adapter au contexte du changement climatique a bien été identifié, mais le chantier s’avère complexe car cette référence a été fixée dans le cadre des accords agricoles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 1992, et que l’Union européenne fait une application stricte de cette règle dans le cadre des textes qui réglementent les aides d’État et la PAC. Cette réglementation s’impose donc dans notre droit national.

Le ministère chargé de l’agriculture a indiqué à vos rapporteurs qu’il défend auprès de la Commission européenne une modification de la réglementation PAC et de l’encadrement des aides d’État, afin de permettre aux États membres d’aménager la règle de la moyenne olympique et de financer les dispositifs de gestion des risques sur un fondement différent de l’accord OMC.

Recommandation n° 13 : Négocier, au niveau européen, la possibilité de modifier la référence à la moyenne olympique pour le calcul du rendement moyen d’une exploitation dans le cadre de l’assurance récolte.

Par ailleurs et au soutien à la recommandation n° 12 visant à renforcer la régulation interprofessionnelle des volumes mis en marché, un autre avantage majeur des mécanismes de réserve interprofessionnelle réside dans leur rôle d’amortisseur des variations de rendement d’une campagne à l’autre.

2.   Répartir la valeur et investir pour la compétitivité de la filière

La maîtrise de la mise en marché par les producteurs et le négoce afin de mieux valoriser la production et de créer plus de valeur est nécessaire pour renforcer la capacité d’investissement de la filière et mener à bien une stratégie d’adaptation de la production aux attentes du marché.

a.   La contractualisation en viticulture

La contractualisation écrite prend tout son sens face à cet enjeu de création et de répartition de la valeur. Pour les producteurs, elle doit permettre de sécuriser leurs débouchés et leurs prix. Pour les acheteurs, elle doit être envisagée comme un moyen de pérenniser quantitativement et qualitativement leurs approvisionnements, afin d’être plus performants sur les marchés nationaux et internationaux.

La possibilité, pour les États membres, de régir le système de contractualisation en agriculture est prévue par l’article 168 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. La France est à l’origine de ces dispositions et l’article L. 631‑24 du code rural et de la pêche maritime régit, depuis 2010, le régime du contrat de vente de produits agricoles. Depuis 2018 et la loi dite « Égalim » ([74]), la proposition de contrat écrit doit émaner du producteur (et non de l’acheteur) dans les secteurs où le contrat écrit est obligatoire. La loi dite « Égalim 2 » ([75]) est venue préciser que cette proposition constitue « le socle de la négociation entre les parties ». Ces contrats doivent comprendre un ensemble de clauses relatives au prix, à la quantité, aux modalités de collecte ou de livraison, à la durée ou encore aux conditions de résiliation. Le contenu de ces clauses fait également l’objet d’un encadrement : la durée minimum du contrat est de trois ans, sauf pour la filière viticole pour laquelle il est prévu qu’elle peut être d’un an seulement, et les critères et modalités de révision ou de détermination du prix font l’objet de règles spécifiques, en particulier s’agissant des indicateurs devant être utilisés.

Surtout, la loi Égalim 2 instaure l’obligation de conclure un contrat écrit. Il ne peut être dérogé à ce principe que par un accord interprofessionnel étendu ou un décret en Conseil d’État.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, le contrat conclu entre un viticulteur et son premier acheteur doit, en principe, être un contrat écrit conforme à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Ce contrat « amont » doit permettre la construction du prix « en marche avant », prix qui doit être déterminé en prenant en compte des indicateurs de coût de production.

Toutefois, l’article R. 631-6-1 du code rural et de la pêche maritime dresse la liste des produits et catégories de produits pour lesquels le contrat de vente ou l’accord-cadre peut ne pas être conclu sous forme écrite. Pour le vin, l’exclusion éventuelle du champ d’application se fait en fonction de l’appellation, les vins de France sans appellation géographique n’étant pas exclus. Aujourd’hui, seul un tiers des AOC et IGP sont soumis à la contractualisation écrite obligatoire prévue par l’article L. 631-24 précité : c’est le cas en Alsace, en Champagne, dans la Loire ou en Languedoc-Roussillon.

Néanmoins et même lorsqu’une appellation est exclue, dès lors qu’un contrat écrit est signé entre le producteur et son acheteur, il doit comporter les clauses obligatoires prévues à l’article L. 631-24 et la proposition de contrat doit, en principe, émaner du producteur.

Le poids des usages des acteurs et des pratiques de commercialisation qui reposent souvent sur des appels d’offres incompatibles avec le principe de proposition du contrat par le producteur explique, en grande partie, les difficultés à faire progresser le recours au contrat écrit. Parfois, c’est l’habitude ancrée d’une relation commerciale fondée sur l’oral et la confiance qui constitue un frein à la généralisation de la contractualisation écrite.

Pour autant, l’ensemble des acteurs devrait se convaincre de l’intérêt de stabiliser et de pérenniser les relations commerciales au sein de la filière. Les producteurs de moûts et de raisins, de vins en bouteille ou de vins en vrac pourraient mieux piloter leur production en anticipant leurs débouchés en termes de volumes et de prix.

Le contrat est un outil de pilotage complémentaire aux outils de régulation interprofessionnelle déjà évoqués. La formalisation des relations commerciales permet également un meilleur suivi statistique et économique de la production et de la commercialisation.

Surtout, le contrat écrit intègre la question des modalités de détermination du prix de vente sur la base d’indicateurs de coût de production. C’est un enjeu majeur pour les viticulteurs qui ne parviennent pas à générer un revenu à l’hectare couvrant leurs coûts de revient.

Lorsque le résultat des tractations entre le négociant et les distributeurs conditionne le prix qui peut être payé au producteur, il n’y a aucune raison pour que ce prix couvre le travail fourni par le viticulteur et les coûts qu’il a engagés, ni qu’il lui permette de financer les investissements nécessaires à la réalisation des stratégies d’adaptation.

Il n’en reste pas moins que le bon fonctionnement du mécanisme de « marche en avant » du prix instauré par les lois Égalim repose en grande partie sur la publication, par les filières, d’indicateurs de coût de production pertinents. Ces indicateurs sont en effet destinés à être repris dans la formule de détermination du prix figurant dans les propositions de contrat émanant des producteurs.

Or les interprofessions régionales expriment une inquiétude sur la sécurité juridique de la publication de tels indicateurs par leurs soins. La mission d’évaluation de la loi Égalim 2 constatait ainsi que « la filière craint que la publication d’indicateurs puisse être considérée comme s’apparentant à la diffusion de consignes de prix par l’Autorité de la concurrence (...). Il faut, de ce point de vue, considérer les indicateurs pour ce qu’ils sont et les interprofessions viticoles, qui ont de réelles compétences économiques, devraient être en mesure de reconsidérer cette position et d’établir des indicateurs pertinents à l’échelle de leurs bassins de production respectifs. Une prise de position gouvernementale devrait suffire à sécuriser juridiquement de telles démarches. » ([76]).

Recommandation n° 14 : Inciter les interprofessions régionales à publier des indicateurs de coût de production pertinents dans leur bassin de production en affirmant la conformité au droit de la concurrence de la publication de tels indicateurs.

Vos rapporteurs rejoignent encore les conclusions de leurs collègues, rapporteurs de la mission d’évaluation de la loi Égalim 2, s’agissant de la protection du producteur contre la fixation de prix anormalement bas : ce sujet représente un enjeu important pour les producteurs de moûts et de raisins, ainsi que de certains vins vendus en vrac ou en bouteille et destinés à l’entrée de gamme. Ainsi, la proposition n° 11 de la mission visait à « prévoir que constitue un prix “abusivement bas” au sens de l’article L. 442-7 du code de commerce, le prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de la négociation. »

Recommandation n° 15 : Prévoir que constitue un prix « abusivement bas » au sens de l’article L. 442-7 du code de commerce, le prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de la négociation.

b.   Le cas des coopératives viticoles

Les 560 coopératives et unions de coopératives regroupent 60 % des viticulteurs, soit trente-cinq mille exploitations dont la taille moyenne est inférieure à la taille moyenne des exploitations au niveau national. Ces coopératives représentent plus de 40 % de la production vitivinicole française, soit un chiffre d’affaires de cinq milliards d’euros environ.

Les associés coopérateurs sont engagés auprès de leur coopérative pour une durée maximale de cinq ans et la rémunération de leurs apports repose sur un système d’acomptes trimestriels et de solde, appelé ristourne, décidé par l’assemblée générale une fois l’ensemble de la production (vrac ou bouteille) commercialisé par la coopérative.

Les caves coopératives ont plusieurs atouts à faire valoir pour mettre en œuvre et déployer efficacement des stratégies de marché.

En tant qu’instruments de massification de l’offre, ces caves coopératives disposent d’une capacité d’investissement intéressante et peuvent plus facilement effectuer des tests sur les marchés pour créer des nouveaux produits et élargir l’offre.

Le regroupement de l’offre qu’elles opèrent leur permet également d’absorber les aléas du changement climatique tout en garantissant une raisonnable continuité de cette offre pour leurs clients.

En période de crise, les caves coopératives jouent un rôle d’amortisseur en stabilisant la rémunération de leurs adhérents grâce aux réserves qu’elles ont pu constituer. Toutefois, cet effet amortisseur ne peut durer qu’un temps et le prolongement dans la durée de la crise viticole plonge certaines caves coopératives dans de graves difficultés.

La section « Vignerons coopérateurs de France » de La Coopération agricole estime aujourd’hui à plus d’une centaine le nombre de caves en grande difficulté, soit plus de 20 % des caves coopératives.

SITUATION DES CAVES coopératives EN France

Source : La Coopération agricole – Vignerons coopérateurs

Alors que le fonctionnement comptable des caves coopératives rend peu adaptés pour elles des dispositifs d’aide d’urgence fondés sur la perte de chiffres d’affaires, à l’instar du fonds d’urgence « Viticulture » mis en place en 2023 pour les entreprises en difficulté, il est impératif de soutenir nos caves coopératives pour qu’elles surmontent la crise actuelle et demeurent en capacité d’investir.

Lors de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2025, une augmentation de dix millions d’euros des crédits du programme n° 149 a été adoptée pour participer à l’accompagnement de la restructuration des caves coopératives ([77]).

Pour les Vignerons coopérateurs, la mesure doit permettre d’accompagner des plans de fusion-absorption de quatre-vingts coopératives en restructuration. Ils estiment que l’enveloppe nécessaire serait de 75 millions d’euros sur trois ans, soit 25 millions d’euros par an. Les objectifs poursuivis sont de financer des études et audits d’accompagnement, des augmentations de fonds propres pour compenser les coûts d’absorption, l’arrêt des sites appelés à fermer et de nouveaux investissements.

Au regard de l’importance du secteur coopératif dans la filière viticole et de l’ampleur des investissements à réaliser, il apparaît indispensable de concrétiser ces mesures d’accompagnement et de les poursuivre dans les années à venir afin de permettre aux caves coopératives de mener de véritables stratégies de marché.

Cet accompagnement à la restructuration ne doit pas être synonyme de disparition des caves de taille modeste ou moyenne. Ces dernières doivent néanmoins être particulièrement accompagnées pour faire face à la diminution du potentiel de production de leurs membres.

Au-delà de la forme coopérative, la structuration de la production viticole en organisations de producteurs doit être encouragée afin, là encore, d’agir collectivement pour mieux coordonner la mise sur le marché des vins et mieux valoriser la production.

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   CONCLUSION

À l’issue de leurs travaux, vos rapporteurs espèrent que leurs réflexions pourront permettre d’alimenter le débat en cours sur l’avenir de la filière vitivinicole. Le contenu de ce rapport recoupe en partie le plan de filière, baptisé « Cap vins », préparé par le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) au cours de ces derniers mois.

Celui-ci s’articule autour de plusieurs axes : partager et faire vivre l’observatoire des tendances de marché ; dynamiser l’innovation globale ; soutenir les stratégies à l’export ; valoriser la valeur RSE de la filière ; valoriser et moderniser l’image du vin et de la filière, relancer la consommation et l’œnotourisme ; développer les capacités d’action de la filière, ainsi que les outils de régulation. La réussite du plan de filière repose désormais sur la capacité de l’ensemble des acteurs au sein des bassins et au niveau national à coopérer pour mettre en œuvre et concrétiser les axes de travail identifiés.

S’ils ne prétendent pas dicter aux professionnels de la filière les stratégies à suivre, vos rapporteurs encouragent les acteurs de la filière à se saisir de ces réflexions en appuyant particulièrement certaines d’entre elles. La présente mission d’information a identifié des voies d’accompagnement de la filière par les pouvoirs publics. Elle a également identifié des possibilités d’approfondissement de cette démarche de filière pour en renforcer le caractère collectif.

La proposition consistant à transformer le Comité national des interprofessions des vins en une interprofession nationale pourrait permettre de définir des stratégies collectives et de mobiliser davantage de moyens juridiques et financiers pour les mettre en œuvre. Bien entendu, il ne s’agit aucunement de remettre en cause l’organisation interprofessionnelle en bassins de production, qui restent l’échelon pertinent pour la régulation de la production. Il s’agit au contraire de donner davantage de moyens et de capacités d’action aux interprofessions régionales.

De manière générale, dans un contexte de crise, de vives tensions internationales et de concurrence accrue, les démarches collectives et coordonnées doivent être privilégiées pour défendre les intérêts d’une filière vitivinicole française qui peut s’appuyer sur la diversité des organisations régionales, des produits et des terroirs pour créer des complémentarités, partager des outils et des bonnes pratiques et promouvoir l’excellence des vins et spiritueux français.

 


   travaux de la commission

Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 9 avril 2025, matin, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de la mission d’information relative aux stratégies de marché de la filière vitivinicole (M. Sylvain Carrière et Mme Sandra Marsaud, rapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/2M9ZeN

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La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

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   Liste des personnes auditionnÉes

Par ordre chronologique

PAR SYLVAIN CARRIÈRE ET ÉRIC GIRARDIN (MARS – AVRIL 2024)

 

Interprofession des vins du Val de Loire (InterLoire)

M. Camille Masson, président

 

Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB)

M. Laurent Delaunay, président

 

Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR)

M. Stéphane Zanella, président

M. Régis Ouguères, vice-président

 

Coordination rurale

M. Alain Queyral, premier vice-président de la coordination rurale, trésorier de la Fédération des vins et président du groupement des vignerons Dordogne-Périgord pour la mise en marché des vins

Mme Céline Baccei Roumieux, animatrice de la section Viticole

M. Xavier Desouche, responsable de la section Viticole

 

ANIVIN de France

M. Serge Tintané, président

Mme Valérie Pajotin, directrice

 

Mme Marilyn Claverie, courtière en vins sur la place de Bordeaux

 

Audition conjointe :

 

Fédération des Exportateurs des Vins et Spiritueux en France (FEVS)

M. Gabriel Picard, président


UMVIN (Union des Maisons et marques de Vin)

M. Michel Chapoutier, président de l’UMVIN

M. Nicolas Ozanam, délégué général

 

Vignerons coopérateurs de France

M. Joël Boueil, vigneron Gers, président des vignerons coopérateurs de France

Mme Anne Haller, directrice de la coopération agricole

Mme Anne Haller, directrice

 

Vignerons indépendants de France

M. Jean-Marie Fabre, président

M. Thierry Mothe, secrétaire général

M. Marc Duret, directeur général

Mme Audrey Monsegu, directrice du pôle syndical

 

Vin & Société

M. Joël Forgeau, vice-président,

Mme Stéphanie Piot, déléguée générale adjointe

 

Confédération des vins IGP de France (VinIGP)

M. Gérard Bancillon, président

Mme Christelle Jacquemot, directrice

 

Institut national de la recherche agronomique (Inrae)

M. Eric Giraud-Heraud, directeur de recherche INRAE

M. Marc Gauchée, conseiller du PDG pour les relations parlementaires et institutionnelles

 

Mme Clémentine Hugol-Gential, Directrice du Master MASCI, directrice adjointe du CIMEOS Lab, professeure des Universités en SIC

 

Fédération française des spiritueux

M. Thomas Gauthier, directeur général

M. Alexandre Imbert, responsable des affaires publiques Martell Mumm Perrier-Jouët

 

Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellation d’origine contrôlée (CNAOC)

M. Jérôme Bauer, président

M. Raphaël Fattier, directeur

 

PAR SYLVAIN CARRIÈRE ET SANDRA MARSAUD
(OCTOBRE - DÉCEMBRE 2024)

Table ronde :

Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD)

M. Djamel Dib, représentant au sein du Groupe Vin de la FCD et représentant FCD au sein du Conseil spécialisé de FranceAgriMer,

Mme Amoros, responsable des affaires publiques et de la distribution

Fédération des cavistes indépendants

M. Cyril Coniglio

Syndicat des cavistes professionnels

M. Patrick Jourdain

M. Fabrice Jugnet, délégué général

Confédération des grossistes de France

M. Jean-Pascal Montaner, Président de Montaner Pietrini Boissons et Président de Distriboissons et Distripro

M. Stéphane Maurin, DG de Distriboissons et Distripro

Mme Christelle Hourques, directrice des affaires publiques

Jeunes agriculteurs (JA)

M. Jean-Baptiste Sablairolles, membre du conseil d’administration

Mme Elise Dupont, conseillère Productions végétales et Innovation

Audition commune :

FranceAgriMer (FAM)

Mme Christine Avelin, directrice générale

Mme Cécile Guillot, adjointe au Chef du service Analyse économique des filières

Mme Marie Touvais, chef du service gestion du potentiel et amélioration des structures vitivinicoles

M. Ygor Gibelind, délégué de la filière viticole et cidricole

Mme Julie Brayer-Makor, directrice générale adjointe

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

M. Jérôme Despey, conseil spécialisé vin de FranceAgriMer et de la FNSEA

M. Xavier Jamet, directeur des Affaires publiques

Mme Romane Sagnier, chargée de mission Affaires publiques,

Mme Pauline Heurtebize, chargée de mission viticulture et productions végétales

Atout France

Mme Rose-Marie Abel, directrice générale

Mme Sophie Mandrillon, directrice marketing et partenariats

M. Philippe Maud’Hui, directeur observation, qualité et développement

Business France

M. Didier Boulogne, directeur général délégué -Export

M. Julien Landfried, directeur de la communication et des affaires publiques

Mme Charlotte Massicard, cheffe de cabinet du directeur général

Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)

M. Coudray chef du bureau des contributions indirectes

M. Thibaut Fiévet, sous-directeur de la fiscalité douanière

Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF)

M. Didier Gadea, président

Confédération paysanne

M. Thomas Gibert, secrétaire national

M. Michel Isouard, membre suppléant du comité national

Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse (CIV Corse)

M. François Franceschi, président

Fédération du Brandy Français

M. Jérôme Royer, président

M. Sébastien Dathane, secrétaire général

Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV)

M. Bernard Farges, président

M. Didier Delzescaux, directeur

France consigne

Mme Anne-Claire Degail, gérante

Association nationale des élus de la vigne et du vin (ANEV)

M. Jean-François Portarrieu, député de la Haute-Garonne et coprésident de l’ANEV

M. Vincent Léglantier, conseiller municipal à Sézanne et Secrétaire général de l’ANEV

M. Amaury Lesaint, directeur

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)

Mme Carole Ly, directrice

M. Christian Paly, président du Comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses

M. Eric Paul, président du Comité national des indications géographiques protégées relatives aux vins et aux cidres

Audition commune :

Direction générale de la Performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Philippe Duclaud, directeur général de la DGPE

Mme Charlotte Denoix, adjointe au Chef de bureau - Affaires communautaires et internationales - Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV)

M. Frédéric Michel, délégué pour les affaires agricoles à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

Audition commune :

M. Christian Ligeard, conseiller agriculture à l’ambassade de France aux États-Unis

M. Cédric Prévost, conseiller agricole à l’ambassade de France en Chine

Audition commune :

M. Jean-Baptiste Fauré, conseiller agriculture et pêche à l’ambassade de France en Espagne

M. Philippe Merillon, conseiller agricole, chef du pôle Agriculture et alimentation à l’ambassade de France en Italie

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


Personnes entendues lors des dÉplacements

     Déplacement de la mission en Champagne – 13 novembre 2024

 

M. Charles Goemaere, directeur général du Comité Champagne

M. Sébastien Debuisson, directeur qualité et développement durable

M. Karim Benredjem, directeur de Quanopée

 

 

- Déjeuner et visite au Domaine Gosset

M. David Chatillon, coprésident du Comité Champagne

M. Jean-Pierre Cointreau, président du Champagne Gosset

M. Odilon de Varine, Chef de cave

Mme Pauline de Limerville, directrice générale de l’Union des Maisons de Champagne

 

- Réunion au Comité Champagne

M. David Chatillon, coprésident du Comité Champagne

M. Maxime Toubart, coprésident du Comité Champagne

M. Charles Goemaere, directeur général du Comité Champagne

 

     Déplacement de la mission en Charente et en Gironde – 4 et 5 décembre 2024

 

M. Thibaut Delrieu, directeur général

Mme Roxanne Remmery, hospitality manager

 

 

- Déjeuner avec :

M. Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC), M. Hervé Bache-Gabrielsen, chef de famille du négoce, et M. Raphael Delpech, directeur général

M. Eric Le Gall, président du Syndicat des maisons de Cognac (SMC), et Mme Tatiana Métais, déléguée générale

M. Bastien Brussafero, directeur de l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac (UGVC)

 

- Table ronde à la Maison Martell (Cognac) avec :

M. Florent Morillon, président du BNIC, et M. Hervé Bache-Gabrielsen, chef de famille du négoce

 

M. Eric Le Gall, président du SMC, M. Charles Boinaud, vice-président, et M. Stanislas de Foucauld, secrétaire

M. Alexandre Imbert, responsable affaires publiques Maison Martell

 

 

M. Bruno Marcadier, propriétaire

 

 

M. Didier Cousiney, président

M. Renaud Jean, membre du collectif

 

 

M. Allan Sichel, président du CIVB

M. Bernard Farges, vice-président du CIVB, président du CNIV

M. Stéphane Gabard, viticulteur, président du syndicat des Bordeaux/Bordeaux supérieur

M. Jean-Marie Garde, président de la Fédération des Grands vins de Bordeaux

Mme Catherine Superat, directrice de Bordeaux Négoce

M. Philippe Tapie, négociant, président de Bordeaux Négoce

 

 

- Table ronde avec :

M. Thierry Lurton, château de Camarsac

M. Rémi Molis, directeur de La Passion des Terroirs

Mme Marylise Claverie, courtière en vins sur la place de Bordeaux

Mme Laurence Impériale, château Barbot Impériale à Saint-Quentin-de-Caplong

M. Charles Foray et Mme Sophie Foray, château Franc-Baudron à Montagne

Mme Noémie Tanneau, château Saint-Ferdinand à Lussac

M. Xavier Coumau, courtier en vins sur la place de Bordeaux, trésorier du Syndicat des courtiers et vice-président de la Fédération nationale des courtiers en vins et spiritueux

 

- Visite de la propriété

     Déplacement de la mission dans l’Hérault et dans l’Aude – 13 et 14 janvier 2025

 

 

- Echange avec :

M. William Juan, président du conseil d’administration, viticulteur

M. Bernard Germain, directeur général

M. Pierre Baladier, directeur commercial France GMS

 

- Visite de la cave avec M. Alex Mir, œnologue

 

 

- Echange avec :

M. Nicolas Saurin, directeur de l’unité expérimentale de Pech Rouge

M. Cécile Leborgne, experte en chimie du raisin et du vin

M. Hernan Ojeda, expert en écophysiologie de la vigne

M. Alain Samson, expert en procédés et œnologie

M. Eric Serrano, directeur de l’Institut français de la vigne et du vin Sud-Ouest

- Visite de l’unité expérimentale

 

- Table ronde avec :

M. Pierre Bories, président du CIVL, et M. Olivier Legrand, délégué général

M. Pierre Calmel, président de la Fédération des IGP de l’Hérault

M. Christophe Bousquet, président de l’AOP La Clape

MM. Arnaud Coste Moynier et Guy Lautier, représentants de l’AOP Languedoc

 

- Table ronde avec :

M. Cédric Bruel, directeur de la cave coopérative Les Celliers d’Orfée

M. Jérôme Salles, président de la cave coopérative Les Crus Faugères, et Mme Magali Palomares, directrice

M. Pierre Calmel, président de la cave coopérative Les Vignerons de Sérignan, et M. Olivier Cabanis, directeur

 

- Echange avec Mme Magali Jelila, directrice de l’Union des entreprises viticoles méditerranéennes (UEVM)

 

- Table ronde avec :

M. Pierre Bories, président du CIVL, et M. Olivier Legrand, délégué général

M. Sébastien Fillon, président de l’ODG Terrasses du Larzac, domaine Le Clos du Serres

M. Alexandre They, président des Vignerons indépendants Occitanie, et M. Stéphane Champay, directeur


([1]) FranceAgriMer, fiche filière sur le vin, janvier 2025.

([2]) FranceAgriMer, Les chiffres clés de la filière Viti-vinicole 2023.

([3]) « « Cap Vins » : la filière viticole française lance son grand plan de relance pour faire face à la crise », Le Figaro Vin, 25 février 2025.

([4]) Stratégie de la filière vitivinicole face au changement climatique.

([5]) Les vins du Nouveau monde sont les vins produits en dehors des régions vitivinicoles traditionnelles d’Europe et du Moyen-Orient, notamment en Afrique du Sud, en Argentine, en Australie, au Canada, au Chili, aux États-Unis ou encore en Nouvelle-Zélande.

([6]) FranceAgriMer, Les chiffres clés de la filière Viti-vinicole 2023, à partir des données DGDDI, décembre 2024.

([7]) Enquête sur la consommation de vin en France en 2022, Ipsos Observer pour le CNIV et FranceAgriMer.

([8]) « Décryptage des tendances de consommation dans l’univers des vins et spiritueux en 2024 », Sowine magazine, 27 mars 2024.

([9]) Insee, Les dépenses des ménages en boissons depuis 1960, 28 février 2020.

([10]) OIV, Note de conjoncture vitivinicole mondiale 2023.

([11]) Par ordre décroissant (2023) : États-Unis (15,1 %), France (11,0 %), Italie (9,9 %), Allemagne (8,6 %), Royaume-Uni (5,8 %), Espagne (4,4 %), Russie (3,9 %), Argentine (3,5 %), Chine (3,1 %), Portugal (2,5 %).

([12]) Ibid.

([13]) Contribution du conseiller pour les affaires agricoles en poste à l’ambassade de France en Chine.

([14]) Un vin est qualifié de « tranquille » lorsqu’il se caractérise par l'absence de dégagement de gaz carbonique à l'ouverture de la bouteille. Il s'agit d'un vin qui ne contient pas de bulles : les vins tranquilles ne sont donc ni effervescents, ni mousseux.

([15]) « Languedoc : Pic-saint-loup, les pionniers du renouveau », Le Point, 4 septembre 2024.

([16]) Les vins oranges sont issus de la macération de cépages bancs (contrairement aux rosés, qui sont issus de cépages rouges). Les raisins blancs sont fermentés avec leur partie solide, la peau et parfois même la tige de la grappe de raisin (la rafle). Les vins oranges, fabriqués initialement dans le Caucase, ne sont pas nouveaux, puisqu’ils datent de l’Antiquité.

([17]) Contribution de Business France.

([18]) « L'italien Campari double ses capacités de production d'Aperol », Les Échos, 22 avril 2024.

([19]) Contribution écrite du conseiller pour les affaires agricoles en poste à l’ambassade de France en Italie.

([20]) Ibid.

([21]) Ibid.

([22]) Chiffres fournis par FranceAgriMer

([23]) « Décryptage des tendances de consommation dans l’univers des vins et spiritueux en 2024 », Sowine magazine, 27 mars 2024

([24]) Document fourni par FranceAgriMer, « Données économiques filière viti-vinicole en France – 2023/24 »

([25]) Sowine magazine, ibid.

([26]) Sowine, op. cit.

([27]) Ibid.

([28]) FranceAgriMer, Le marché du vin en Bag-in-Box® en France, juin 2019. L’offre en Bag-in-Box en France est très majoritairement constituée de références françaises (92,6 % des BIB).

([29]) « L’explosion inattendue du marché du vin en canette », Le Figaro vin, 27 avril 2022.

([30]) La consigne des bouteilles en verre de bière, de jus de fruits et d’eaux minérales est très courante en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique ou encore en Scandinavie. En France, on peut rappeler que la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi dite « Agec ») oblige les metteurs en marché à mettre sur le marché 10 % d’emballages réemployés en 2027 mais elle ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect de cet objectif.

([31]) La consigne des bouteilles de vins effervescents n’est pas possible car elle ne permet pas de garantir la résistance du verre à la pression.

([32]) FranceAgriMer, fiche filière sur le vin, janvier 2025.

([33]) La France est le premier pays européen producteur et exportateur de spiritueux et le quatrième au niveau mondial.

([34]) FranceAgriMer, Note de conjoncture mensuelle, filière vin, février 2025.

([35])  FEVS, Exportations de vins et spiritueux, 2024.

([36]) FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023.

([37]) FranceAgriMer, Fiche filière sur le vin, janvier 2025.

([38]) Si le marché chinois est important pour la filière cognac, il doit être souligné que les spiritueux français ne représentent qu’une toute petite partie du marché des spiritueux en Chine, qui est estimé à 160 milliards de dollars.

([39]) Au niveau mondial, les exportations de cognac ont reculé de 10,6 % en 2024 en valeur, à près de 3 milliards d’euros, malgré une stabilisation en volume (+ 0,4 %). Cet écart entre volume et valeur est dû à une forte hausse (+13,7 %) des expéditions de cognacs plus jeunes, et donc moins chers, et à un recul de celles des cognacs VSOP et XO (– 8,6 % et – 26,4 %), en lien avec les mesures antidumping chinoises.

([40]) Contribution du conseiller pour les affaires agricoles en poste à l’ambassade de France en Chine.

([41]) Cette hausse pourrait s’expliquer en partie par un effet de stockage préventif de bouteilles en décembre 2024.

([42]) « Les vins australiens retrouvent des couleurs en Chine », RFI, 4 novembre 2024. Les droits de douane chinois sur les vins australiens (jusqu’à 218 %) auraient coûté 12,1 milliards d’euros à l’économie australienne. Auparavant, les vins australiens représentaient 40 % du marché chinois, contre 24 % pour les vins français.

([43]) Contribution du conseiller pour les affaires agricoles en poste à l’ambassade de France en Chine.

([44]) FranceAgrimer. Vins et spiritueux, Commerce extérieur. Bilan 2023.

([45]) Ibid.

([46]) MASA, «  Taste France : la marque dédiée à l'agriculture, l'agroalimentaire et la gastronomie françaises », 10 mars 2020.

([47]) Comme indiqué par le conseiller agricole en poste à l’ambassade de France en Italie, le secteur italien est très mobilisé pour promouvoir les produits vitivinicoles nationaux à l’export. En 2024, près de 70 millions d’euros ont été consacrés par les opérateurs aux actions de promotion vers une vingtaine de pays tiers.

([48]) FranceAgriMer, Compétitivité de la filière française vin, 25 juin 2021.

([49]) Voir la fiche de la direction générale du Trésor sur l’Accord économique et commercial global, 30 juillet 2024. L’Accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA) est entré partiellement en vigueur le 21 septembre 2017. Il s’agit de la partie commerciale de l’accord, qui relève de la compétence exclusive de l’Union européenne et qui ne requiert pas une ratification par les États-membres. Elle a permis de supprimer plus de 90 % des droits de douane. Dix États membres, dont la France, ne l’ont pas encore ratifié.

([50]) Article 97 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([51]) Article 13 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation du système de santé, qui a créé l’article L. 3323-3-1 du code de la santé publique.

([52]) Contribution adressée par le CNIV.

([53]) « Le vin de Bordeaux fait son coming-out jeune, bio, branché… », Vitisphere, 18 janvier 2024.

([54]) Contribution adressée aux rapporteurs par Atout France.

([55]) Atout France, «  L’œnotourisme en France en pleine croissance : 12 millions de visiteurs en 2023 », 10 février 2025.

([56]) Contribution adressée aux rapporteurs par Business France.

([57]) Contribution adressée aux rapporteurs par Atout France.

([58]) « « Beaucoup veulent en savoir plus sur le métier de viticulteur » : en Gironde, l’œnotourisme reste un secteur à part dans l’offre estivale », Sud-Ouest, 19 août 2024.

([59]) CNIV, Chiffres clés pour 2019. 

([60]) Contribution adressée aux rapporteurs par Atout France.

([61]) Article L. 111-1 du code du tourisme.

([62]) Un établissement qui vend des boissons alcoolisées, à titre principal ou accessoire, sur place ou à emporter, doit posséder une licence. Une licence IV est nécessaire pour la vente de boissons comportant un taux d'alcool supérieur à 18°. Le prix d’achat d’une licence IV, dont le nombre est limité, serait d’au moins 7 500 euros, mais celui-ci peut atteindre des montants nettement supérieurs selon le marché.

([63]) Article 157 du règlement 1308/2013 du Parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.

([64]) https://www.franceagrimer.fr/Eclairer/Outils/Observatoires/Observatoire-de-la-viticulture-francaise

([65])  Article D. 621-6 du code rural et de la pêche maritime.

([66]) Voir partie 1.

([67]) On peut ainsi mentionner, en 2020, l’accompagnement des entreprises pour s’adapter aux zones de non-traitement ; en 2021, l’aide aux investissements permettant d’améliorer la résilience individuelle des exploitations agricoles face aux aléas climatiques (gel, grêle, sécheresse, vent-cyclone, ouragan, tornade) et l’aide destinée à réduire, substituer ou améliorer l’usage des intrants et des dérives de produits phytopharmaceutiques afin de rendre l’agriculture française plus moderne et compétitive.

([68]) Cette moyenne masque des disparités importantes entre un dossier de modification simple et un dossier de délimitation, souvent plus long du fait de la mobilisation des expertises nécessaires parcelle par parcelle.

([69]) Le comité national de l’Inao a eu à étudier la première demande de modification de la délimitation consécutive aux évolutions climatiques à la fin de l’année 2024. Il s’agissait du dossier de l’AOP Côte Roannaise, l’ODG demandant à revoir les critères de délimitation de son aire parcellaire afin de privilégier des situations plus fraîches – en jouant sur l’orientation et l’altitude – afin de pouvoir continuer à élaborer les vins fruités et vifs caractéristiques de l’appellation.

([70]) Plan stratégique national de la PAC 2023-2027, intervention n° 58.01 - Restructuration et reconversion des vignobles [IS Vitiviniculture].

([71]) Voir le iii) du c) du §1 de l’article 157 du règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.

([72]) Voir la proposition de règlement modifiant les règlements (UE) n° 1308/2013, (UE) 2021/2115 et (UE) n° 251/2014 en ce qui concerne certaines règles de marché et mesures de soutien sectoriel dans le secteur vitivinicole et pour les produits vinicoles aromatisés, présentée le 28 mars 2025 par la Commission européenne.

([73]) Voir le règlement délégué (UE) 2024/2159 de la Commission du 12 août 2024 relatif à des mesures temporaires exceptionnelles dérogeant à certaines dispositions du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d’autorisations de plantations de vigne en vue de remédier aux perturbations du marché vitivinicole de l’Union et l’instruction technique du ministère de l’agriculture DGPE/DGPE/2024-569 du 8 octobre 2024.

([74]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([75]) Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

([76]) Assemblée nationale, Commission des affaires économiques, Rapport d'information sur l’évaluation de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, n° 1014, déposé le mardi 25 février 2025.

([77]) Rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2025, n° 873, déposé le vendredi 31 janvier 2025 - Proposition de rédaction commune des rapporteurs et propositions de rédaction identiques de M. Éric Coquerel et des députés du groupe Socialistes et apparentés et des sénateurs du groupe Socialiste, écologiste et républicain adoptée sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2025.