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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes
et prÉsentÉ par
MM. Jean-Philippe TANGUY et François JOLIVET,
Rapporteurs
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SOMMAIRE
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Pages
I. Les produits d’Épargne privilÉGIÉS par les mÉnages modestes et les classes moyennes
A. Les produits d’Épargne rÉGLEMENTÉe
2. Le livret de développement durable et solidaire (LDDS)
3. Le livret d’épargne populaire (LEP)
5. L’épargne-logement : le compte d’épargne-logement (CEL) et le plan d’épargne logement (PEL)
6. Le livret d’épargne entreprise (LEE)
1. Le fonctionnement d’un contrat d’assurance-vie
2. Les supports financiers proposés dans le cadre des contrats d’assurance-vie
3. La fiscalité applicable aux contrats d’assurance-vie
c. Impôt sur la fortune immobilière
C. L’Évolution de la structure et de l’encours de l’Épargne populaire et des classes moyennes
1. Structure du patrimoine financier des ménages
2. L’évolution des encours des différents produits d’épargne depuis les années 1980
c. L’assurance-vie est devenue le premier placement financier des ménages français
d. Le développement récent de l’épargne retraite et de l’épargne salariale
e. La question du numéraire et des dépôts à vue, une opportunité d’épargne aujourd’hui stérilisée
II. Des produits dont le rendement protÈge mal de l’Érosion monÉtaire
A. Le rendement de l’Épargne rÉGLEMENTÉe
1. Les taux de rémunération des produits d’épargne réglementée sont fixés par les pouvoirs publics
2. La faible rémunération des produits d’épargne réglementée s’explique par l’emploi de ces fonds
B. Le rendement de l’assurance-vie
I. Une Épargne gÉRÉe et orientÉe au dÉtriment de l’Épargnant
A. Un modÈle français qui prÉsente des risques d’Éviction et d’allocation sous-optimale
1. L’importance de l’épargne immobilière
2. Un modèle adapté à l’aversion des ménages français au risque et à l’illiquidité
a. Une préférence marquée pour la sécurité
b. Une aversion au risque renforcée par des biais comportementaux
3. Un système administré coûteux qui présente des risques d’éviction
c. Des dispositifs d’épargne logement qui ont perdu en pertinence
B. Une performance grevÉe par des frais nombreux au montant ÉLEvÉ
1. Une importance bien établie des frais et commissions
a. Les exigences de transparence résultant de la loi « Pacte »
b. Un accord de place non contraignant et une pratique qui s’améliore
c. Les dispositions de la loi relative à l’industrie verte
C. La nÉcessitÉ d’une dÉmocratisation des actifs les plus performants
1. Des ménages modestes et des classes moyennes dont l’épargne en valeurs mobilières est faible
2. Une rentabilité pourtant soutenue des placements non garantis
3. Démocratiser le capital-investissement
4. L’intérêt de la gestion passive
II. Des mÉnages mal conseillÉs manquant d’une formation et d’informations financières suffisantes
1. Un arsenal juridique étoffé et complexe
B. Un dÉficit de formation et d’informations financiÈres
1. Une insuffisante formation et information financières des ménages français
b. Une insuffisance d’informations financières envers les Français
c. Le rôle de l’éducation financière dans la prise de décision financière
2. Les voies d’une amélioration de la formation financière des Français
Recommandations des rapporteurs
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mais qui défend donc les intérêts des épargnants des classes moyennes et populaires françaises ? Au terme de ce rapport, la conclusion est hélas sans appel : personne !
Cette situation est d’autant plus indigne que l’épargne des Français est un atout national, pour ne pas dire, un trésor.
L’encours total des placements financiers des ménages résidents français a dépassé les 6 000 milliards d’euros tout au long de l’année 2023, performance maintenue en 2024 puis 2025. Nonobstant les aléas de valorisation d’une partie de cette épargne par les marchés, cet encours est en constante augmentation et ce, avec des flux considérables de plusieurs dizaines milliards d’euros de collecte nette chaque année.
Les Français épargnent beaucoup, et de plus en plus. De fait, le taux d’épargne du revenu disponible des ménages s’est installé à un niveau élevé, voire très élevé, après une augmentation durable depuis 20 ans qui va au-delà du surplus d’épargne enregistré suite aux confinements et autres contraintes socio-économiques subies par la population à cause de l’épidémie du Covid 19.
Si ces 6 000 milliards d’euros sont très inégalement répartis, disparités qui se sont aggravées au cours des 25 dernières années selon l’INSEE, les Français se distinguent néanmoins par une épargne importante au regard d’autres peuples de l’OCDE, en particulier au sein des classes moyennes. Mieux encore, la capacité à épargner, de son plus jeune âge jusqu’à la retraite, constitue un marqueur d’appartenance à la classe moyenne.
Ainsi, la quasi-totalité des Français possèdent un ou plusieurs livrets d’épargne réglementée, en particulier un livret A ou des plans d’épargne logement (PEL), ensemble divers et disparates de placements dont l’encours total a dépassé les 950 milliards d’euros en 2024.
S’ils sont bien moins répandus que le livret A ou le PEL, les contrats d’assurance-vie n’en restent pas moins largement utilisés par les Français, plus de 40 % des ménages disposant au moins d’un contrat, pour un encours total en France de plus de 2 000 milliards d’euros fin 2024.
Ces encours financiers considérables jouent évidemment un rôle déterminant à la fois pour le pouvoir d’achat des ménages, leur capacité à prévoir et construire leur avenir, pour le financement de notre économie mais aussi l’activité de nos banques, sans compter la soutenabilité de notre dette publique.
Pourtant, force est de constater que l’épargne des Français occupe une place plus que réduite dans le débat public national mais aussi dans le travail parlementaire, place bien souvent limitée aux périodes qui précédent et suivent un arbitrage gouvernemental sur un changement de taux du livret A.
Néanmoins, le hasard ou l’ironie ont voulu qu’au cours des travaux de la présente mission d’information, l’actualité remette en lumière le poids financier de l’épargne française et européenne ainsi que les rôles nouveaux qu’elles pourraient jouer dans les investissements liés à la défense ou la transition écologique.
Si les rapporteurs ont constaté la résurgence d’un débat sur l’emploi du stock monumental d’épargne des Français, ils ont tout autant constaté que la rémunération réelle et concrète de cette épargne était bien peu prise en compte, pour ne pas dire totalement ignorée.
Alors que semble s’achever plusieurs années « d’hyper-inflation », le bilan de l’érosion monétaire, à savoir la détérioration de la valeur réelle du pouvoir d’achat de l’épargne quand son rendement est inférieur à l’inflation, est terrible. Ainsi, selon Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (FAIDER), les épargnants français auraient perdu au moins 300 milliards d’euros de pouvoir d’achat entre 2021 et 2023 sur les actifs qualifiés « d’épargne populaire » constitués des seuls dépôts bancaires, livrets A et assurances-vie en euros.
Selon la Banque de France, le rendement réel du livret A est systématiquement négatif depuis 2016, et médiocre auparavant, oscillant entre 0 et 2 %. Selon AGF, un épargnant qui plaçait 1 000 euros en 2003 sur son livret A finit avec 1 400 euros en 2023 ; placés en actions en respectant l’indice du CAC40, ce même épargnant disposerait de 2 700 euros !
Autrement dit, les ménages les plus privilégiés, ayant accès aux informations financières pertinentes ou accompagnés par des professionnels, ont accès à des performances financières solides. Cette injustice est d’autant plus flagrante qu’elle n’est que très rarement liée à une réelle différence d’exposition de cette épargne aux risques des marchés.
En réalité, les ménages les plus favorisés bénéficient de placements avec des risques minimes quand l’épargne populaire doit se satisfaire, y compris à long terme, de ne conserver que son capital nominal et subir l’érosion monétaire.
Pire encore, certains rendements de produits d’épargne présentés comme « sûrs » s’avèrent perdants pour les Français sur le long terme : entre 1999 et 2021, les contrats d’assurance-vie en unités de compte ont connu une performance catastrophique, soit une perte moyenne de – 8 %.
Présentés comme « sans risque » au regard d’autres placements de moyen et long terme, les produits plébiscités par les classes populaires et moyennes connaissent en réalité un risque certain, l’érosion monétaire, et un risque caché, la perte organisée d’opportunités d’investissements rémunérateurs avec des risques modérés, voire faibles.
Les rapporteurs ont fait donc face à un lourd paradoxe qui a motivé leurs travaux : jamais les Français n’ont autant épargné alors que rarement l’épargne n’a aussi peu rapporté, et même coûté !
Le rendement d’un produit d’épargne est la rémunération du temps et du risque pris par l’épargnant. Du moins, en théorie. Il est ainsi communément admis qu’un produit présentant un potentiel de rendement élevé implique un risque élevé, ce risque ne pouvant être amoindri que par le seul temps long.
En réalité, les auditions montreront une pratique bien loin de ces théories, dont il faut bien dire qu’elles dissimulent mal au mieux une grande paresse intellectuelle, au pire, des intérêts bien compris.
Alors que le système d’épargne réglementée français est vieux de plus de deux siècles, les ménages affichent une confiance certaine dans les produits d’épargne réglementée et aux contrats d’assurance-vie qui leur sont proposés. Ce lien de confiance est précieux et indispensable dans une démocratie sociale et une économie solide. Encore faudrait-il mériter cette confiance !
Les épargnants des classes moyennes et populaires sont régulièrement mis en garde contre les produits affichant des performances de long terme attractives, et leur épargne se trouve placée sur des supports très sécurisés, voire garantis, et généralement liquides. En conséquence, la rémunération de leur épargne est souvent décevante sans que le phénomène d’érosion monétaire leur soit clairement – pour ne pas dire jamais ! – exposée ou que la réalité des risques soit clairement exposée.
À l’inverse, les ménages les plus aisés, en raison de l’ampleur de leur patrimoine financier, et des meilleurs conseils auxquels ils ont accès, peuvent bénéficier de produits d’épargne performants, qui se révèlent, sur le long terme, peu risqués, même s’ils ne bénéficient pas d’une garantie.
Si les différences de formation, de culture et d’accès à l’information financières jouent un rôle important dans ces inégalités, force est de constater que les ménages les plus aisés bénéficient de placements avantageux sans que leur compétence réelle ou supposée rentre en compte. L’essentiel de la discrimination sur la protection et la valorisation de l’épargne est structurel, venant de la nature des produits systématiquement proposés aux ménages selon leur classe sociale.
Dès lors, la mission d’information a souhaité s’interroger sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes, soit l’épargne des ménages situés dans les sept premiers déciles de patrimoine brut. Cette épargne est-elle vouée à n’être que faiblement rémunérée ? Les garanties qu’offrent les produits réglementés finissent-elles par prévenir le rendement plus qu’elles ne préviennent les risques ? Dans un contexte d’inflation forte, les ménages n’ont pas forcément conscience que la rémunération modeste de leur épargne, contrepartie des garanties de sécurité et de liquidité auxquelles ils sont attachés, aboutit en réalité à une perte réelle de capital.
Enfin les travaux ont mené à nous interroger sur l’emploi de l’épargne réglementée des Français, de facto consacré essentiellement aux financements de projets d’intérêts général (HLM, politique de la ville, transition énergétique, collectivités territoriales, etc.) sans que jamais soit donnée la raison pour laquelle ces financements devraient être assurés par l’épargne des classes populaires et moyennes, tandis que l’épargne des plus aisés était orientée vers des investissements rémunérateurs.
Les rapporteurs se sont aussi interrogés sur un modèle d’assurance-vie qui semble souvent davantage reposer sur la politique de la Banque centrale européenne et sur les niches fiscales que sur une recherche effective de rentabilité sur les marchés ou sur les investissements dans l’économie réelle. À ce titre, la performance moyenne des placements actifs, conseillés par un professionnel n’est que de 0,5 % supérieur à un placement passif, suivant des indices boursiers sans conseil particulier. Autrement dit, une fois retirés les frais et charges du conseil, le rendement net du placement actif est inférieur au placement passif.
Compte tenu de ces performances médiocres, l’essentiel des promesses de ces placements vient, du propre aveu des personnes interrogées, non pas de leur performance économique ou financière réelle, mais des avantages fiscaux qu’ils offrent. Paradoxe des paradoxes, l’essentiel du rendement de l’épargne des Français est donc assuré par les finances publiques, non le marché et encore moins l’économie réelle. Vient alors à l’esprit une citation de Colbert lors de la construction du Canal des Deux-Mers : « Il ne faut pas raisonner en toute affaire sur les assistances que l’on peut tirer de l’État, sinon tout le monde s’adresserait à l’État et l’épargne n’y suffirait pas. »
Aussi, notre questionnement initial pour guider nos travaux et nos différentes auditions ne nous a pas quittés jusqu’à la remise du présent rapport : qui défend l’intérêt des épargnants français, en particulier les classes populaires et moyennes ?
À ce jour, la réponse est : personne. Ce qui conduit les rapporteurs à conseiller à la représentation parlementaire de s’emparer pleinement de ce sujet décisif et critique.
En effet, l’épargne repose sur des valeurs et des liens sociaux précieux pour notre société et notre démocratie. Elle valorise le travail en incitant les citoyens à mettre de côté le fruit de leurs efforts, fruit qui sera dument récompensé en participant à financer l’économie.
La vertu de l’épargne repose sur le fait que les acteurs économiques, en particulier les classes populaires et moyennes ont un intérêt personnel et social à se priver de consommer immédiatement ou à court terme afin d’obtenir un avantage économique et financier à moyen/long terme.
Si les ménages réalisent que la confiance qu’ils placent dans ce système vertueux est infondée voire trahie, les effets sur notre société et notre économie seront délétères.
Par ailleurs, une épargne qui ne rapporterait pas à celles et ceux qui font vivre l’économie interroge sur la nature des investissements et leur capacité à produire de la valeur. La crise de la rémunération de l’épargne, qui dépasse de loin la France et même l’Europe, interroge le modèle économique que nous suivons collectivement.
L’épargne des ménages modestes et des classes moyennes se concentre essentiellement sur l’épargne réglementée et l’assurance-vie, dont le rendement et les performances sont relativement faibles. Cette orientation dessert les intérêts des épargnants eux-mêmes, notamment en raison de frais élevés mais aussi d’un exercice imparfait du devoir de conseil et d’une insuffisante formation financière des ménages français, qui les détournent des actifs les mieux rémunérés. Une meilleure allocation de l’épargne des Français, au service de leurs intérêts et du financement de l’économie est pourtant possible.
L’Épargne des mÉnages modestes et des classes moyennes se concentre sur quelques produits
au rendement limité
La structure de l’épargne des ménages français est étroitement liée à l’ampleur de leur patrimoine financier. Alors que les ménages les plus aisés disposent d’une épargne diversifiée, qui leur permet de concilier les besoins de liquidité (épargne de précaution), de sécurité et de rendement, l’épargne des ménages modestes et des classes moyennes tend à se concentrer sur les produits réglementés et l’assurance-vie, dont le rendement, relativement faible, ne permet pas de les protéger de l’érosion monétaire.
Les rapporteurs souhaitent avant tout souligner la complexité des différents produits d’épargne réglementée dont la coexistence ne permet pas aux épargnants modestes de bénéficier du meilleur placement.
Ainsi les rapporteurs se sont interrogés sur la possibilité de ne créer qu’un ou deux produits d’épargne réglementée afin d’améliorer sa visibilité et son rendement.
Recommandation n° 1 : simplifier les produits d’épargne réglementée, en réduisant leur nombre et en unifiant leur régime fiscal.
I. Les produits d’Épargne privilÉGIÉS par les mÉnages modestes et les classes moyennes
La structure de l’épargne des ménages français, notamment les ménages modestes et ceux des classes moyennes, se caractérise par la place prépondérante qu’y occupent les produits d’épargne réglementée et l’assurance-vie. Plus le patrimoine financier d’un ménage est important, plus celui-ci tend à se diversifier.
A. Les produits d’Épargne rÉGLEMENTÉe
Les produits d’épargne réglementée sont les comptes, livrets et autres placements bancaires dont les règles et le fonctionnement, encadrés par des dispositions légales et réglementaires sont strictement identiques d’une banque à l’autre : le livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS), le livret d’épargne populaire (LEP), le livret jeune, le compte épargne logement (CEL), le plan épargne logement (PEL) et le livret épargne entreprise. Ces différents produits sont régis par les dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-29 du code monétaire et financier.
L’épargne réglementée représentait 15 % du patrimoine financier des ménages en 2023, pour un encours qui s’élevait à 935,5 milliards d’euros au dernier trimestre 2023.
1. Le livret A
L’apparition du livret A, autrefois appelé « livret de caisse d’épargne » découle de la création, en 1818, à Paris, de la première Caisse d’épargne, à l’initiative du banquier et industriel Benjamin Delessert. Comme le relève Séverine de Coninck, « à une époque où il n’existe aucune forme de protection sociale et où la seule possession d’une réserve monétaire permet de se garantir contre la misère et les aléas de l’existence et des vieux jours, il s’agit d’offrir aux populations laborieuses le moyen de se former un capital individuel par l’exercice de l’épargne » ([1]).
Le livret de caisse d’épargne s’est progressivement diffusé au sein de la population française tout au long du XIXe siècle, en particulier à la suite de l’ouverture de sa distribution aux guichets de la Poste en 1876 ([2]). La dénomination « livret A » apparaît dans les années 1960, et se démocratise dans les années 1970, dans un objectif publicitaire de rajeunissement de l’image du livret de caisse d’épargne ([3]). Par ailleurs, en 1975, le Crédit mutuel sera lui aussi autorisé à distribuer un « livret bleu », dont le fonctionnement est identique à celui du livret A.
En 2005, plusieurs groupes bancaires saisissent la Commission européenne pour demander la généralisation à tous les établissements bancaires de la distribution du livret A, dénonçant une atteinte au principe de concurrence. En 2007, la Commission européenne enjoint la France à donner à tous les réseaux bancaires le droit de distribuer le livret A ([4]). La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dite LME ([5]) prévoit cette généralisation et, à compter du 1er janvier 2009, la distribution du livret A est ouverte à tous les réseaux bancaires.
Lors des auditions, les représentants du secteur bancaire se sont plaints de la cherté de la distribution et de la gestion du livret A dans un contexte de taux bas, revendication visant de toute évidence à demander une meilleure rémunération de la part de la Caisse des dépôts et consignations. Compte tenu de l’historique précité, les rapporteurs n’ont pas été convaincus par cet argumentaire.
Les rapporteurs refusent toute augmentation de la rémunération des banques pour la distribution et gestion du livret A, ils s’interrogent même sur la pertinence de maintenir la moindre rémunération compte tenu de l’avantage que cette épargne assure aux établissements qu’ils avaient eux-mêmes demandée.
Recommandation n° 2 : ne pas augmenter la rémunération des banques pour la gestion du livret A et à terme, la supprimer.
Le régime juridique du livret A est organisé par les articles L. 221-1 à L. 221-8 et R. 221-1 à R. 221-11 du code monétaire et financier. Toute personne physique, majeure comme mineure, et certaines personnes morales ([6]) peuvent détenir un livret A.
En revanche, il n’est possible de détenir qu’un seul livret A par personne physique ou morale. Afin de lutter contre le phénomène de double détention, la loi LME ([7]) a instauré une obligation de vérification pour les réseaux bancaires. Ainsi, préalablement à l’ouverture d’un livret A, la banque doit vérifier, auprès de l’administration fiscale, l’existence éventuelle d’un autre livret A détenu par la même personne. En revanche, tous les membres d’un même foyer fiscal peuvent détenir chacun un livret A.
Les principaux avantages du livret A sont sa parfaite liquidité et l’absence de fiscalité qui lui soit applicable : les intérêts perçus ne sont assujettis ni à l’impôt sur le revenu, ni aux contributions sociales.
Le plafond du livret A a été relevé à deux reprises au cours des dix dernières années. Au 1er octobre 2012, il est passé de 15 300 euros à 19 125 euros ([8]), puis au 1er janvier 2013, il a été relevé à 22 950 euros ([9]), son plafond actuel. Pour les personnes morales, le plafond du livret A est fixé à 76 500 euros, et peut être porté à 100 000 euros pour les syndicats de copropriétaires dont le nombre de lots de la copropriété à usage de logements, de bureaux ou de commerces est supérieur à cent ([10]).
Les sommes déposées par les épargnants sur leur livret A, sur leur LDDS, et sur leur LEP bénéficient de la garantie de l’État dans la limite de 100 000 euros par déposant et par établissement où sont déposées ces sommes ([11]). L’indemnisation est assurée par le fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), une fois que l’indisponibilité des dépôts au sein d’un établissement bancaire a été constatée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
2. Le livret de développement durable et solidaire (LDDS)
Le livret de développement durable et solidaire (LDDS) a été créé en 1983 sous le nom de « compte pour le développement industriel », ou CODEVI ([12]). Proposé dès l’origine dans l’ensemble des réseaux bancaires, il visait à diversifier l’offre d’épargne à l’attention des ménages et à permettre le financement des petites et moyennes entreprises.
À la fin de l’année 2006, le gouvernement annonce son intention d’orienter les fonds déposés sur les CODEVI vers la transition écologique, notamment les travaux d’économie d’énergie ([13]). À compter du 1er janvier 2007, le CODEVI devient le livret de développement durable (LDD).
En 2016, une option solidaire est ajoutée au livret de développement durable. La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ([14]) complète l’article L. 221- 7 du code monétaire et financier qui définit le régime du LDD, en prévoyant que les établissements qui distribuent ce livret proposent chaque année à leurs clients détenteurs d’un LDD de verser une partie des sommes qui y figurent, sous forme de don, aux acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) ([15]). Le don peut aussi bien concerner les intérêts que les sommes versées sur le livret par l’épargnant.
Les principaux acteurs de la distribution du LDDS sont aujourd’hui les banques mutualistes : Crédit Agricole, Banque populaire, Caisse d’épargne, Crédit mutuel, Crédit industriel et commercial (CIC).
Le LDDS peut être ouvert par toute personne majeure, ou par les mineurs disposant de revenus personnels et ayant demandé une imposition séparée de leurs parents, dans la limite d’un par personne, et de deux livrets par foyer fiscal ([16]). Son plafond s’élève à 12 000 euros par livret, hors intérêts capitalisés. À l’instar du livret A, le LDDS est totalement liquide et bénéficie d’une exonération fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.
3. Le livret d’épargne populaire (LEP)
Le livret d’épargne populaire « est destiné à aider les personnes disposant des revenus les plus modestes à placer leurs économies dans des conditions qui en maintiennent le pouvoir d’achat » ([17]). Il a été créé par la loi du 27 avril 1982 portant création d’un régime d’épargne populaire ([18]).
Ce livret au taux de rémunération plus avantageux que celui du livret A est réservé aux personnes aux revenus modestes, il est donc soumis à un plafond de revenus. Le bénéficiaire d’un LEP dont les revenus dépassent le plafond applicable à sa situation pendant deux années consécutives perd le bénéficie du livret.
Plafond de revenus pour l’ouverture d’un LEP en 2025
en fonction de la situation familiale
(en mÉtropole)
Nombre de parts de quotient familial |
Plafond de revenus |
1 |
22 823 € |
1,5 |
28 918 € |
2 |
35 013 € |
2,5 |
41 108 € |
3 |
47 203 € |
3,5 |
53 298 € |
4 |
59 393 € |
4,5 |
65 488 € |
5 |
71 583 € |
5,5 |
77 678 € |
6 |
83 773 € |
Quart de part supplémentaire |
3 048 € |
Demi-part supplémentaire |
6 095 € |
Source : service-public.fr.
Afin d’encourager le recours des ménages modestes au LEP, la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) ([19]) a simplifié les modalités de vérification de l’éligibilité d’un client à ce produit d’épargne. Alors que les titulaires d’un LEP devaient auparavant fournir chaque année à leur banque leur avis d’imposition, entraînant un fort taux de non-recours par la population éligible, elle a prévu, par une modification de l’article L. 221-15 du code monétaire et financier, que l’administration fiscale indique, à leur demande, aux établissements bancaires, si les contribuables qui sollicitent l’ouverture d’un livret d’épargne populaire ou qui en sont déjà titulaires remplissent les conditions d’éligibilité. Lorsque l’administration fiscale n’est pas en mesure de fournir cette information, il revient aux contribuables de justifier leur éligibilité auprès de l’établissement bancaire, en lui transmettant leur avis d’imposition.
De manière concrète, l’administration fiscale a travaillé à la mise en place d’un circuit direct, via une application informatique, entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et les banques. Ainsi, le contrôle de l’éligibilité peut être effectué de manière automatique par les établissements bancaires, en interrogeant les bases fiscales de la DGFiP.
Le LEP peut être ouvert par toute personne majeure, dans la limite d’un LEP par contribuable et de deux LEP par foyer fiscal.
Le plafond du LEP a été récemment relevé de 7 700 à 10 000 euros (depuis le 1er octobre 2023) ([20]), hors calcul des intérêts capitalisés. À l’instar du livret A et du LDDS, les intérêts du LEP sont exonérés de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Le LEP est totalement liquide, les versements et les retraits peuvent intervenir à tout moment.
Les rapporteurs n’ont pas été convaincus des raisons avancées par les acteurs bancaires et institutionnels lors des auditions pour expliquer que tant de ménages éligibles au LEP n’en disposent pas, y compris quand ils possèdent d’autres livrets réglementés moins avantageux. Le LEP était ainsi présenté systématiquement comme un outil récent alors qu’il date de 1982.
Recommandation n° 3 : simplifier les critères permettant d’ouvrir un LEP.
Malgré l’abaissement du taux de rémunération du LEP de 6 % à 5 % au 1er février 2024 ([21]), le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a indiqué en mai 2024 que 2 millions de LEP avaient été ouverts en un an. ([22]) Il y a donc 11,8 millions de LEP ouverts fin 2024 sur les 19,5 millions de Français éligibles. Les rapporteurs suivront avec attention les effets de la baisse du taux à 3,5 % depuis le 1er février 2025 ([23]).
Recommandation n° 4 : obliger les banques à proposer le meilleur placement d’épargne aux personnes et aux ménages.
Le livret jeune a été créé par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ([24]). Initialement fixé par l’État et identique à celui du livret A, son taux de rémunération est, depuis 1998, déterminé librement par les établissements bancaires à un niveau obligatoirement supérieur ou égal au taux de rémunération du livret A ([25]). Aujourd’hui, les taux de rémunération du livret jeune varient d’une banque à l’autre, en fonction de leur stratégie commerciale.
Le livret jeune est réservé aux personnes âgées de 12 à 25 ans ([26]). Une même personne ne peut être titulaire que d’un seul livret jeune, mais peut également détenir un livret A.
Le plafond des dépôts s’établit à 1 600 euros, hors intérêts capitalisés. Les intérêts sont exonérés de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.
Les rapporteurs s’interrogent sur l’utilité de ce produit qui ne correspond en rien à la spécificité du public visé. Un produit différent du livret A et destiné aux plus jeunes – pourquoi à partir de 12 ans seulement ? – devrait assurer un rendement supérieur en étant placé à moyen ou long terme, entre 6 et 12 années.
Recommandation n° 5 : modifier les modalités de fonctionnement du livret jeune en permettant de l’ouvrir beaucoup plus jeune avec un plafond beaucoup plus élevé et un taux supérieur au livret A assis sur une « prise de risque » selon la durée entre l’ouverture du compte et la majorité du détenteur.
5. L’épargne-logement : le compte d’épargne-logement (CEL) et le plan d’épargne logement (PEL)
Le compte épargne-logement (CEL) et le plan d’épargne-logement (PEL) sont des produits d’épargne orientés vers un projet d’achat immobilier. L’épargne accumulée sur un CEL ou un PEL permet d’obtenir, sous conditions, un prêt immobilier ou un prêt travaux et une prime d’État.
Ces produits d’épargne réglementée ont été créés par la loi du 10 juillet 1965 instituant un régime d’épargne-logement ([27]). Leur régime juridique a été précisé par les décrets du 2 décembre 1965 ([28]) et du 24 décembre 1969 ([29]), avant d’être codifié aux articles L. 315-1 à L. 315-6 et R. 315-1 à R. 315-82 du code de la construction et de l’habitation.
La vie de ces produits s’articule en théorie en deux phases : l’une d’épargne, la seconde d’emprunt. Il est possible de détenir simultanément un CEL et un PEL à condition que les deux produits soient domiciliés au sein du même établissement bancaire.
● Le compte d’épargne-logement est un compte sur livret qui peut être ouvert par toute personne physique, majeure ou mineure. Lors de l’ouverture, le titulaire du CEL doit effectuer un versement minimum de 300 euros, le montant minimum des versements ultérieurs étant de 75 euros. Les sommes déposées sur le CEL sont ensuite disponibles à tout moment, à condition qu’un minimum de 300 euros reste sur le compte.
Le plafond du CEL est fixé à 15 300 euros, hors intérêts capitalisés.
● Le plan d’épargne-logement, catégorie particulière de compte d’épargne-logement, peut être ouvert par toute personne physique, majeure ou mineure. Lors de l’ouverture du PEL, le souscripteur du contrat doit verser un montant minimum de 225 euros sur le compte. Par la suite, chaque année, le titulaire du PEL doit verser un montant minimum de 540 euros. Des versements exceptionnels sont également possibles.
La principale différence entre le CEL et le PEL réside dans les conditions de disponibilité des sommes déposées sur le compte. En effet, les fonds placés sur un PEL peuvent être retirés à tout moment, mais leur retrait, qui ne peut être que total, entraîne la clôture du PEL sans bénéfice des avantages qui y sont liés.
Un PEL est souscrit pour une durée minimale de 4 ans et maximale de 10 ans. Des avenants peuvent intervenir en cours d’exécution du contrat pour réduire ou prolonger cette durée, dans le respect de ces bornes temporelles. Pendant cette période déterminée, le titulaire du PEL peut effectuer des versements sur le compte. À l’issue de cette période, il n’est plus possible de réaliser de nouveaux versements, mais les fonds placés sur le PEL continuent de produire des intérêts jusqu’à leur retrait, pendant une durée maximale de 5 ans.
Le plafond du PEL est de 61 200 euros, hors intérêts capitalisés, et son taux de rémunération est fixé par arrêté ministériel. Le taux en vigueur à l’ouverture du PEL s’applique pendant toute la durée de celui-ci.
● Le titulaire d’un CEL ou d’un PEL peut, à l’issue de la phase d’épargne, obtenir un prêt, d’une durée comprise entre 2 et 15 ans, dont le montant dépend des intérêts acquis en cours d’exécution afin de financer :
– l’achat ou la construction d’une résidence principale ;
– des travaux de réparation ou d’amélioration de la résidence principale.
Le montant maximal du prêt épargne-logement s’établit à 23 000 euros pour les CEL et à 92 000 euros pour les PEL.
Pour les CEL et PEL ouverts avant le 1er janvier 2018, il est possible, en complément du prêt d’épargne-logement, d’obtenir une prime d’État, dont le montant dépend des intérêts acquis, dans la limite de 1 144 euros pour les CEL et de 1 525 euros pour les PEL. Les CEL et PEL ouverts depuis janvier 2018 n’ouvrent plus le droit à une prime d’État ([30]).
● La fiscalité applicable aux CEL et PEL a progressivement évolué et dépend de la date d’ouverture du compte.
Du point de vue de l’impôt sur le revenu, les intérêts des PEL souscrits avant le 1er janvier 2018 sont exonérés jusqu’à la douzième année du plan, et la taxation des intérêts s’effectue à partir de la 13e année. Les intérêts produits par les PEL ouverts après le 1er janvier 2018 sont, pour leur part, imposés au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) dès la première année, au taux global de 30 % qui correspond, pour 12,8 %, à l’impôt sur le revenu, et pour 17,2 %, aux prélèvements sociaux.
Les prélèvements sociaux, pour les PEL ouverts avant le 1er mars 2011, sont prélevés en une seule fois, au dixième anniversaire du plan, ou au moment de sa clôture si celle-ci intervient plus tôt, puis tous les ans. Pour les PEL ouverts après le 1er mars 2011, les prélèvements sociaux sont dus chaque année sur les intérêts versés au 31 décembre.
Les intérêts des CEL ouverts avant le 1er janvier 2018 sont exonérés d’impôt sur le revenu, mais soumis aux prélèvements sociaux, au taux de 17,2 %. Ceux des CEL souscrits après le 1er janvier 2018 sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30 % au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.
● Les sommes déposées par les épargnants sur les PEL et les CEL sont garanties par le mécanisme de garantie des dépôts bancaires organisés par le fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), dans la limite de 100 000 euros par personne et par établissement (ce montant prenant en compte l’ensemble des comptes (courant, de dépôt, d’épargne…) d’une même personne auprès d’un même établissement autres que le livret A, le LDDS et le LEP.
Les rapporteurs n’ont pu que constater l’illisibilité et l’iniquité des produits d’épargne logement. D’une part, ces produits n’ont plus qu’un rôle marginal dans l’accès à la propriété et d’autre part, la variabilité considérable du rendement garanti selon la date d’ouverture crée des inégalités difficilement justifiables entre les épargnants.
Recommandation n° 6 : assurer que le dispositif des PEL et CEL puisse concourir réellement à l’acquisition d’un bien immobilier ou permettre de le transférer vers une épargne réglementée existante en l’absence d’acquisition d’un bien.
6. Le livret d’épargne entreprise (LEE)
Le livret d’épargne entreprise (LEE) est un produit d’épargne réglementée peu connu, et peu commercialisé par les établissements bancaires, qui a pour vocation le financement de la création ou de la reprise d’une entreprise. Institué par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique ([31]), le LEE permet à un créateur ou repreneur d’entreprise d’épargner pendant une période de 2 à 5 ans en vue de bénéficier d’un prêt à taux réduit en proportion de l’épargne accumulée.
Le livret d’épargne entreprise peut être ouvert par toute personne physique, dans la limite d’un livret par foyer fiscal.
À l’instar des produits d’épargne-logement, le LEE se caractérise par une phase d’épargne, suivie d’une phase d’emprunt. À l’ouverture du LEE, le souscripteur doit effectuer un versement minimum d’un montant de 750 euros. Par la suite, un versement annuel minimum de 540 euros est exigé. Les sommes déposées sont indisponibles jusqu’au retrait définitif des fonds, qui ne peut intervenir qu’au bout de deux ans, sauf si elles sont affectées, dans les six mois suivant le retrait, au financement de la création ou de la reprise d’une entreprise. Au bout de 5 ans, le LEE est clôturé automatiquement.
Le plafond du LEE est fixé à 45 800 euros hors capitalisation des intérêts. Son taux de rémunération est égal à 75 % du taux de rémunération du livret A, arrondi au quart de point inférieur.
Les modalités du prêt pouvant être accordé à l’issue de la phase d’épargne dépendent des montants épargnés et des intérêts acquis. La durée du prêt peut être comprise entre 2 et 15 ans. Le montant et la durée du prêt sont fixés de telle sorte que le total des intérêts à payer par l’emprunteur soit égal au total des intérêts acquis pendant la phase d’épargne, multiplié par un coefficient de 1,6. Le prêt obtenu doit permettre de financer la création ou la reprise d’entreprise par l’acquisition :
– des immobilisations incorporelles et corporelles des entreprises créées ou reprises depuis moins de 5 ans ;
– des investissements amortissables des entreprises artisanales immatriculées au répertoire des métiers lorsque la rémunération du travail de l’artisan et des personnes qu’il emploie représente plus de 35 % du chiffre d’affaires global annuel de l’entreprise.
Après l’étude de la crédibilité du projet de création ou de reprise d’entreprise et de la solvabilité de l’emprunteur, l’établissement bancaire peut refuser l’octroi du prêt. Dans ce cas, le souscripteur reçoit une prime égale à 30 % des intérêts acquis.
Les intérêts des LEE ouverts avant le 1er janvier 2014 sont exonérés d’impôt sur le revenu. Ceux des LEE ouverts après le 1er janvier 2014 sont soumis à l’impôt sur le revenu et entrent dans le champ d’application du prélèvement forfaitaire non libératoire (12,8 %).
Dans la mesure où le livret d’épargne entreprise est un produit méconnu et peu distribué, les rapporteurs ont choisi de l’écarter du champ de leur étude sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes. En tout état de cause, au vu du peu d’intérêt que présente ce produit, les rapporteurs proposent de le supprimer.
Recommandation n° 7 : supprimer le livret d’épargne entreprise, qui n’a pas fait la preuve de son utilité.
*
* *
Les rapporteurs déplorent que les produits d’épargne réglementée soient trop nombreux, illisibles, sans qu’il n’existe plus aucun lien entre les avantages consentis et l’objet du financement.
Les rapporteurs invitent à une simplification des produits d’épargne réglementée qui concilient les avantages fiscaux consentis, la garantie du capital et une rentabilité assurée en lien avec l’objet des financements vers lesquels l’épargne est orientée. Trop souvent, le fléchage de l’épargne populaire ne semble pas répondre à un objectif de politique publique.
RÉcapitulatif des caractÉristiques des produits d’Épargne rÉGLEMENTÉe (hors LEE) au 1er fÉvrier 2025
Type |
Souscripteur |
Plafond |
Disponibilité des sommes déposées |
Garantie du capital |
Taux de rémunération |
Fiscalité IR |
Fiscalité sociale |
Livret A |
Toute personne physique, majeure ou mineure, et certaines personnes morales, dans la limite d’un livret par personne. |
22 950 € |
À tout moment |
Garantie d’État |
2,4 % |
Exonération |
Exonération |
LDDS |
Toute personne physique majeure, ou mineure disposant de revenus personnels, dans la limite d’un livret par personne et de deux livrets par foyer fiscal |
12 000 € |
À tout moment |
Garantie d’État |
2,4 % |
Exonération |
Exonération |
LEP |
Toute personne physique majeure dont les revenus sont inférieurs aux plafonds applicables, dans la limite d’un livret par personne et de deux livrets par foyer fiscal. |
10 000 € |
À tout moment |
Garantie d’État |
3,5 % |
Exonération |
Exonération |
Livret jeune |
Toute personne physique âgée entre 12 et 25 ans, dans la limite d’un livret par personne. |
1 600 € |
À tout moment |
Garantie d’État |
Au moins 2,4 % |
Exonération |
Exonération |
PEL souscrit à partir de 2018 |
Toute personne physique, majeure ou mineure, dans la limite d’un compte par personne. |
61 200 € |
Retrait total des sommes déposées possibles en cours d’exécution du contrat, avec pour effet la clôture du compte. |
FGDR |
1,75 % pour les PEL ouverts à compter du 1er janvier 2025 |
PFU |
|
CEL souscrit à partir de 2018 |
Toute personne physique, majeure ou mineure, dans la limite d’un compte par personne. |
15 300 € |
À tout moment à condition qu’un montant minimum de 300 € soit maintenu sur le compte. |
FGDR |
1,5 % |
PFU |
Source : Commission des finances.
L’assurance-vie est un produit visant la constitution d’une épargne à moyen ou long terme, qui permet à l’assuré de bénéficier d’un complément de revenus ou d’organiser la transmission de son patrimoine financier.
1. Le fonctionnement d’un contrat d’assurance-vie
L’assurance-vie est un contrat par lequel un assureur s’engage, en contrepartie du paiement de primes par l’assuré ou le souscripteur, à verser une rente ou un capital à une ou plusieurs personnes déterminées.
Le régime juridique applicable aux assurances sur la vie est défini par les articles L. 131-1 et suivants et R. 131-1 et suivants du code des assurances.
Toute personne peut souscrire un contrat d’assurance-vie. Pour les enfants mineurs et les majeurs sous tutelle ou sous curatelle, la loi a prévu des mesures protectrices et conditionne la souscription d’un contrat d’assurance-vie à l’accord des représentants légaux de l’enfant, du juge des contentieux de la protection ou du conseil de famille pour les majeurs sous tutelle, et à l’assistance du curateur pour les majeurs sous curatelle. Une même personne peut souscrire plusieurs contrats d’assurance-vie.
Pour alimenter son contrat d’assurance-vie, le souscripteur verse des primes ou des cotisations. Selon les contrats, ces versements peuvent être constitués par une prime unique, par un versement initial complété par des versements libres, programmés ou non.
En cours d’exécution du contrat, le souscripteur peut également retirer à tout moment les sommes versées sur une assurance-vie : il s’agit d’une opération de rachat, partiel ou total. Le rachat partiel permet de retirer une partie de l’épargne disponible sans mettre fin au contrat alors que le rachat total consiste à retirer la totalité des sommes disponibles et implique la fin du contrat. L’assurance-vie est donc un produit d’épargne pouvant être considéré comme liquide, sous réserve des délais nécessaires à l’exécution de la décision de rachat – généralement, une quinzaine de jours, au plus deux mois à compter de la réception par l’assureur de l’intégralité des pièces nécessaires au rachat.
Les détenteurs d’un contrat d’assurance-vie peuvent également, si le contrat le prévoit, demander une avance à l’assureur, qui met alors à disposition de l’assuré une somme d’argent pour une durée déterminée. L’avance s’analyse comme un prêt à intérêts de l’assureur à l’assuré, qui devra le rembourser. Cette opération permet de financer un besoin de trésorerie momentané sans procéder à un rachat.
Un contrat d’assurance-vie contient toujours une clause bénéficiaire qui désigne la (ou les) personnes(s) choisie(s) pour percevoir le capital ou la rente garantis en cas de décès de l’assuré. Si l’assuré désigne plusieurs bénéficiaires, il doit veiller à préciser, dans la clause bénéficiaire de son contrat, la répartition du capital souhaitée entre les différents bénéficiaires. L’assuré peut modifier la clause bénéficiaire à tout moment en adressant un courrier signé à son assureur.
Bien que ce soit recommandé, l’assuré n’est pas tenu de prévenir les bénéficiaires de leur désignation. En conséquence, les assureurs ont l’obligation de rechercher chaque année les éventuels assurés, souscripteurs et bénéficiaires décédés en consultant le répertoire national d’identification des personnes physiques. Lorsqu’ils constatent le décès d’un assuré, ils doivent ensuite rechercher les bénéficiaires désignés, et payer les capitaux décès, sans attendre que les bénéficiaires se manifestent auprès d’eux.
Toutefois, il existe des situations dans lesquelles les contrats d’assurance-vie peuvent être considérés comme « en déshérence », lorsque leurs capitaux n’ont pas été versés aux bénéficiaires lors du décès de l’assuré. À l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de la connaissance du décès de l’assuré par l’assureur, les capitaux non versés aux bénéficiaires sont transférés par l’assureur à la Caisse des dépôts et des consignations.
La Caisse des dépôts et des consignations a mis en place un service, Ciclade, qui permet aux personnes qui pensent être susceptibles d’avoir été désignées comme bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie d’effectuer des recherches à ce sujet. Si une correspondance est trouvée par le moteur de recherche, la personne concernée peut adresser une demande de restitution à la Caisse des dépôts et consignations, qui, après instruction du dossier, en assure le règlement. À l’issue d’un délai de 20 ans à compter du dépôt des sommes à la Caisse des dépôts et des consignations, les capitaux en déshérence sont acquis à l’État.
2. Les supports financiers proposés dans le cadre des contrats d’assurance-vie
Un contrat d’assurance-vie peut être mono-support ou multi-supports, selon le nombre de supports financiers sur lesquels les sommes placées peuvent être investies. Il existe trois grandes catégories de supports financiers en matière d’assurance-vie.
● Les fonds en euros constituent un support financier composé d’actifs libellés en euros. Les sommes sont majoritairement placées sur des actifs peu risqués, à l’instar des obligations d’État ou d’entreprises. Les fonds en euros intègrent généralement une poche résiduelle d’actifs plus dynamiques, tels que des actions ou l’immobilier.
Les fonds en euros, dont la composition et le rendement diffèrent d’un assureur à l’autre, bénéficient ainsi d’une garantie en capital en contrepartie d’un rendement plutôt faible. Par ailleurs, les intérêts perçus chaque année grâce au rendement d’un fonds en euros sont définitivement acquis et produisent eux-mêmes des intérêts l’année suivante.
● Les unités de compte sont des supports d’investissement financier, composées de titres de créance monétaires tels que les bons du Trésor, de valeurs mobilières telles que les obligations ou les actions, via des parts d’organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) – sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ou fonds commun de placement (FCP) –, de biens immobiliers, notamment via des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), d’organismes civils de placement immobilier (OPCI) ou de sociétés civiles immobilières (SCI), ou encore d’instruments financiers complexes (fonds structurés, fonds à formule, etc.).
La valeur des unités de compte, exposée à la volatilité des marchés, n’est pas garantie par l’assureur. Dès lors, le placement de l’épargne d’un contrat d’assurance-vie sur des unités de compte présente un risque de perte en capital pour l’assuré mais lui permet, en contrepartie, d’espérer un meilleur rendement.
● Les fonds croissance et eurocroissance ont été lancés en 2014 afin d’offrir un nouveau support d’investissement en matière d’assurance-vie. À l’instar des fonds en euros, ils s’appuient principalement sur des actifs peu risqués (obligations d’État ou d’entreprises) mais intègrent également des actifs plus diversifiés afin d’en améliorer le rendement. Ainsi, une partie des sommes versées par l’assuré est investie dans des actifs risqués.
Ces fonds offrent une garantie du capital aux assurés, partielle pour les fonds croissance, totale pour les fonds eurocroissance, à condition que l’épargnant ne retire pas les sommes placées avant l’échéance d’une durée prévue par le contrat, qui ne peut être inférieure à 8 ans – parfois 10, 20 ou 30 ans. Si l’assuré procède au rachat des sommes placées sur ces fonds avant l’expiration de ce délai, il s’expose à une perte en capital.
En cours d’exécution du contrat, l’assuré peut procéder à un arbitrage afin de modifier la répartition de son épargne au sein de son assurance-vie. Il peut ainsi, par avenant au contrat, transférer tout ou partie de son épargne d’un support financier vers un autre. Les contrats peuvent également proposer des options d’arbitrages programmés : les arbitrages sont alors effectués de manière automatique, selon les modalités prévues par le contrat.
3. La fiscalité applicable aux contrats d’assurance-vie
La fiscalité applicable à l’assurance-vie correspond essentiellement à l’imposition au titre de l’impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux, éventuellement à l’impôt sur la fortune immobilière, et enfin aux règles applicables en matière de succession.
Les intérêts versés sur un contrat d’assurance-vie sont soumis à l’impôt sur le revenu. Cette taxation intervient au moment du rachat, total ou partiel, des fonds placés sur l’enveloppe.
Le régime applicable dépend de la date des derniers versements intervenus sur le contrat.
Les produits afférents aux versements effectués avant le 27 septembre 2017 sont soumis au prélèvement forfaitaire libératoire sur option lors de leur perception, le taux applicable dépendant de l’ancienneté du contrat : 35 % lorsque le rachat intervient avant la fin de la 4e année ; 15 % lorsqu’il a lieu entre la 4e et la 8e année ; 7,5 % lorsque le contrat a plus de 8 ans, Les contribuables peuvent également opter pour une imposition au barème de l’impôt sur le revenu lors du traitement de leur déclaration de revenus.
Les produits afférents aux versements effectués à compter du 27 septembre 2017 sont soumis, lors de leur perception, au prélèvement forfaitaire non libératoire, au taux de 12,8 % ou, lorsque le contrat a plus de 8 ans, au taux de 7,5 %. Ce prélèvement est imputé sur l’impôt sur le revenu dû à l’issue du traitement de la déclaration de revenus. Les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros pour une personne seule, et à 50 000 euros pour un couple soumis à imposition commune, peuvent demander à être dispensés de ce prélèvement. Les contribuables peuvent également opter pour une imposition au barème de l’impôt sur le revenu lors du traitement de leur déclaration de revenus. Lorsque le montant des primes versées sur l’ensemble des contrats détenus par le bénéficiaire excède 150 000 euros, seule la fraction des produits correspondant aux primes versées à compter du 27 septembre 2017 n’excédant pas 150 000 euros est imposable au taux de 7,5 %.
Indépendamment de la durée du contrat, les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu lorsque le rachat du contrat intervient à la suite du licenciement, du départ anticipé à la retraite, d’une invalidité, ou d’une cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire du souscripteur ou de son conjoint.
Les produits des contrats d’assurance-vie sont soumis aux prélèvements sociaux, y compris lorsqu’ils sont exonérés d’impôt sur le revenu, lors de leur versement ou lors du retrait ou du dénouement du contrat.
Le taux global applicable aux prélèvements sociaux s’élève à 17,2 %, et correspond à la cotisation sociale généralisée (CSG) à hauteur de 9,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) pour 0,5 % et au prélèvement de solidarité à hauteur de 7,5 %.
La date à laquelle sont dus les prélèvements sociaux dépend des supports financiers du contrat d’assurance-vie :
– pour les fonds en euros, les prélèvements sociaux sont prélevés chaque année à la source, et déduits des intérêts crédités sur le compte ;
– pour les unités de compte, les prélèvements sociaux sont dus au moment du rachat, partiel ou total, des fonds placés sur le contrat ;
– pour les fonds croissance ou eurocroissance, les prélèvements sociaux sont dus à l’échéance de la garantie du contrat.
Si l’assuré décède avant la fin du contrat, les produits des différents fonds non soumis aux prélèvements sociaux de son vivant sont taxés à son décès. L’assureur les prélève sur les capitaux à verser aux bénéficiaires.
c. Impôt sur la fortune immobilière
La loi de finances pour 2018 ([32]) a remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) à compter du 1er janvier 2018. Si le nouvel impôt créé s’applique aussi à la capacité contributive liée à la détention de patrimoine, son assiette ne comporte que les biens immobiliers, excluant l’ensemble des valeurs mobilières.
Cette évolution législative a eu pour conséquence de modifier la fiscalité afférente à l’assurance-vie. La loi de finances pour 2018 a en effet introduit dans le code général des impôts un article 972, qui prévoit que la valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables exprimés en unités de compte est incluse dans le patrimoine du souscripteur à hauteur de la fraction de leur valeur représentative d’actifs immobiliers.
Dès lors, les contrats d’assurance-vie pour les contribuables soumis à l’IFI peuvent être imposés à ce titre pour les seules unités de compte investies dans des actifs immobiliers.
d. Successions
La fiscalité applicable à l’assurance-vie en matière de succession diffère selon l’âge du bénéficiaire au moment du versement des primes :
● Les sommes provenant de primes versées alors que l’assuré était âgé de moins de 70 ans bénéficient d’une exonération de 152 500 euros par bénéficiaire. La fraction de la part de chaque bénéficiaire excédant ces 152 500 euros est soumise à un prélèvement de 20 % pour les 700 000 premiers euros, et de 31,25 % au-delà.
Le prélèvement de 20 % ou de 31,25 % n’est pas dû pour le conjoint ou le partenaire de pacte civil de solidarité du défunt.
● Les sommes provenant de primes versées alors que l’assuré était âgé de plus de 70 ans sont prises en compte dans la succession et soumises aux droits de mutation par décès après application d’un abattement de 30 500 euros.
Lors des auditions, les rapporteurs ont noté une tendance des contrats d’assurance-vie à privilégier la liquidité à la rentabilité des placements. Dans les faits, les rachats n’ayant pas augmenté significativement en parallèle, cette dérive se fait au détriment des épargnants. Cette pratique n’est pas acceptable compte tenu des avantages fiscaux accordés à ces produits et sur lesquels vit la réputation de ces contrats.
Recommandation n° 8 : restaurer les particularités des contrats d’assurance-vie liant de manière stricte le degré de liquidité avec le rendement.
C. L’Évolution de la structure et de l’encours de l’Épargne populaire et des classes moyennes
La structure et l’encours de l’épargne populaire et des classes moyennes ont considérablement évolué depuis cinquante ans, certains produits, et en premier lieu l’assurance-vie, ayant rencontré un succès important chez les Français.
1. Structure du patrimoine financier des ménages
En 2021, 89 % des ménages français détenaient un patrimoine financier. Le livret A est, de longue date, le produit d’épargne le plus fréquemment détenu par les ménages, à hauteur de 74 % des ménages d’après les données de l’INSEE.
Toutefois, selon les caractéristiques des ménages (décile de patrimoine ou de revenu, âge, catégorie socioprofessionnelle), la structure de leur épargne varie.
Le premier facteur affectant la structure de l’épargne des ménages est l’ampleur de leur patrimoine financier. Ainsi, l’épargne des ménages modestes et des classes moyennes se concentre essentiellement sur les livrets d’épargne réglementée, l’épargne-logement, et l’assurance-vie. Pour les ménages appartenant au 7e décile et au-delà au regard de leur patrimoine brut, la structure de leur épargne est beaucoup plus diversifiée. S’ils continuent à détenir de manière importante des produits d’épargne réglementée et des contrats d’assurance-vie, ils disposent également de valeurs mobilières, de plan d’épargne-retraite, et d’épargne salariale, dont les rendements sont plus importants.
Taux de dÉtention des diffÉrents actifs financiers
selon le dÉcile de patrimoine brut en 2021
|
Livrets défiscalisés |
Livrets soumis à l’impôt |
Épargne-logement |
Assurance-vie |
Épargne retraite |
Valeurs mobilières |
Épargne salariale |
Autres produits financiers |
Inférieur à D1 |
53,1 |
NS* |
NS* |
8,9 |
NS* |
NS* |
NS* |
NS* |
D1 à D2 |
75,7 |
NS* |
6,8 |
18,1 |
3,9 |
3,5 |
NS* |
NS* |
D2 à D3 |
83,2 |
NS* |
16,9 |
24,8 |
4,7 |
3,8 |
9,7 |
NS* |
D3 à D4 |
85,3 |
4,9 |
32 |
34 |
8,8 |
10 |
12,2 |
NS* |
D4 à D5 |
81,6 |
5,8 |
26,8 |
38,6 |
12 |
11,6 |
9,5 |
NS* |
D5 à D6 |
87,9 |
4 |
32,1 |
38,8 |
13,1 |
13,9 |
13,3 |
NS* |
D6 à D7 |
91,1 |
5,2 |
37,6 |
46,4 |
18,2 |
16,7 |
20,5 |
2,4 |
D7 à D8 |
91,3 |
8 |
46,5 |
53,8 |
25 |
22,9 |
21,4 |
3,3 |
D8 à D9 |
93,4 |
14 |
50,2 |
65,7 |
30,2 |
31,9 |
23,7 |
6,1 |
D9 à P95 |
92,3 |
21,6 |
51,6 |
69,9 |
40,1 |
43,3 |
27,6 |
13,2 |
P95 à P99 |
92,2 |
21,8 |
54,7 |
81,9 |
53,3 |
58,1 |
29 |
16,6 |
Sup. à P99 |
86,6 |
32,2 |
52,7 |
82,4 |
54,4 |
68,2 |
36,7 |
40,9 |
* : non significatif.
Lecture : début 2021, les 10 % des ménages aux patrimoines les moins élevés étaient 53,1 % à détenir au moins un livret défiscalisé.
Source : INSEE.
La composition du patrimoine financier des ménages varie également, dans une moindre mesure, en fonction du revenu disponible. En effet, la part de l’assurance-vie et des valeurs mobilières croît avec le revenu.
Composition du patrimoine financier
selon le dÉcile de revenu disponible en 2018
Source : INSEE.
L’âge affecte également la composition du patrimoine financier des ménages. Ainsi, les comptes chèques, les livrets défiscalisés et l’épargne logement occupent une place importante du patrimoine des ménages jusqu’à l’âge de 39 ans. À l’inverse, l’assurance-vie représente une part importante de leur patrimoine à partir de 60 ans, et surtout de 70 ans. Enfin, les actifs risqués, peu présents chez les plus jeunes, intègrent le patrimoine des ménages appartenant à la tranche d’âge 50‑69 ans.
composition du patrimoine financier en fonction de l’âge en 2018
Source : INSEE.
Enfin, la composition du patrimoine financier des ménages varie en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle. Les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers détiennent, pour l’essentiel des comptes chèques, des livrets défiscalisés, une assurance-vie et de l’épargne-logement. Les cadres ont un profil similaire, mais détiennent davantage de valeurs mobilières et d’épargne salariale. Les professions libérales et les artisans détiennent une part bien plus importante de valeurs mobilières. Enfin, les agriculteurs détiennent une part plus forte des autres produits financiers, c’est-à-dire des comptes d’associés.
Composition du patrimoine financier selon la catÉgorie socioprofessionnelle en 2018
Source : INSEE.
Évolution annuelle du patrimoine brut
hors reste moyen par tranches entre 1998 et 2021
Source : INSEE.
Le patrimoine financier des ménages français a fortement progressé depuis les années 1980. Les livrets d’épargne réglementée y occupent toujours une place de choix, mais ont été concurrencés par le développement de l’assurance-vie. Plus récemment, on observe le développement d’autres placements financiers, dont l’épargne salariale et l’épargne retraite.
a. La composition et l’encours du patrimoine financier des ménages français ont connu des évolutions structurelles au cours des quarante dernières années
Le patrimoine financier des ménages français a connu une forte augmentation depuis les années 1980 : il représentait cinq fois leur revenu disponible à la fin des années 1980, contre onze fois leur revenu disponible au milieu des années 2010. Cette augmentation du patrimoine financier des ménages s’est accompagnée d’une évolution de la répartition des différentes catégories d’actifs dans le montant total des encours.
Évolution du taux d’Épargne des mÉnages entre 1978 et 2023
(en %)
Source : INSEE.
D’après les données transmises aux rapporteurs par la Banque de France, au tournant des années 1980, l’épargne liquide – numéraire, dépôts à vue, et autres dépôts bancaires – prédominait largement dans le total des actifs financiers, atteignant 68 % des encours en 1978. Aujourd’hui, cette part s’est considérablement réduite, s’établissant à 34 % en 2023 Sur la période récente, la part des détenteurs de livrets défiscalisés est stable depuis 2018, après une baisse entre 2015 et 2018 en raison de la diminution des taux d’intérêt.
En parallèle, les supports que constituent l’assurance-vie et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) se sont considérablement développés. En 2023, l’assurance-vie représentait 32 % de l’encours des placements financiers, contre 7 % en 1978. Les OPCVM – hors unités de compte des contrats d’assurance-vie – ont quant à eux progressé, passant de 2 % des encours en 1978 à 5 % en 2023. Par ailleurs, la détention directe d’actions des ménages progresse également : la proportion des actions dans le patrimoine total des ménages, qui s’établissait à 15 % en 1978, a atteint 28 %. Sur la période récente, on observe une relative stabilité de la part des ménages détenant des valeurs mobilières, après une diminution à la fin des années 2000 en raison de la crise financière de 2008. Il convient toutefois de noter une plus forte présence de l’épargnant français depuis le début de l’année 2020 : selon les informations communiquées aux rapporteurs par l’Autorité des marchés financiers, le nombre de transactions des particuliers français et le nombre de particuliers français actifs en bourse ont doublé entre les mois de janvier 2020 et janvier 2022. Même si l’on note une baisse de l’activité en bourse à la fin de l’année 2022, plus de 1,5 million de particuliers ont réalisé au moins un achat ou une vente d’actions.
Par ailleurs, dans le contexte de la crise sanitaire, et des mesures de restrictions des déplacements visant à limiter la propagation de la covid-19, une baisse de la consommation des ménages et une progression significative du taux d’épargne ont été constatées, en particulier lors du premier confinement, au printemps 2020. Les ménages français ont ainsi accumulé un surplus d’épargne financière d’environ 150 milliards d’euros depuis la fin de l’année 2019. Ce surplus s’est principalement concentré sur les dépôts à vue : leurs encours ont progressé de 531 milliards d’euros à la fin de l’année 2019 à 660 milliards d’euros à la fin de l’année 2023. Ainsi, dans un contexte incertain, les ménages se sont principalement tournés vers les placements liquides et le numéraire, mais ont aussi manifesté un intérêt pour les produits de marché. En revanche, ils se sont détournés des fonds en euros de l’assurance-vie, compte tenu de leur faible rémunération et du retour de l’inflation.
Cependant, les produits d’épargne réglementée, en particulier le livret A, occupent toujours une place très importante dans le patrimoine financier des ménages français. Ainsi, 56 millions de personnes physiques (82,2 %) et 1 million de personnes morales détenaient un livret A au 31 décembre 2023.
b. Les produits d’épargne réglementée restent un élément structurant de l’épargne des ménages français
L’épargne réglementée représentait 15,1 % du patrimoine financier des ménages en fin d’année 2023. L’encours de l’épargne réglementée a augmenté de 61,5 milliards d’euros pour atteindre 935,5 milliards d’euros fin 2023, après 834 milliards d’euros fin 2021 et 874 milliards d’euros fin 2022. Son taux de croissance s’établit à 7 % en 2023, contre 5 % en 2022 et 2,5 % en 2021.
Évolution de l’encours des principaux produiTs d’Épargne rÉglementÉe entre 2015 et 2025
(en milliards d’euros)
Source : Banque de France.
● Le livret A constitue le placement financier le plus répandu au sein de la population française. Son encours est en progression constante depuis 2017. À la fin de l’année 2023, il s’établissait à 414 milliards d’euros, en hausse de 39 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. En 2023, les versements sur les livrets A détenus par des personnes physiques, d’un montant de 203 milliards d’euros ont atteint leurs plus hauts niveaux historiques (après 165 milliards d’euros en 2021 et 181 milliards d’euros en 2022), de même que les retraits dont le montant s’élève à 167 milliards d’euros (après 149 milliards d’euros en 2021 et 152 milliards d’euros en 2022).
L’encours moyen du livret A a également progressé dans la période récente, atteignant 7 077 euros pour une personne physique en 2023, alors qu’il était de 6 351 euros en 2022 et 5 821 euros en 2021. Selon la Banque de France, la progression de l’encours moyen depuis 2009 a notamment été influencée par les relèvements de plafond survenus en 2012 et 2013, et par le surplus d’épargne accumulé à l’occasion de la pandémie de Covid-19.
Depuis la fixation du plafond du livret A à hauteur de 22 950 euros en 2013, la proportion des comptes dont l’encours dépasse ce plafond n’a pas cessé d’augmenter. En 2023, 12,7 % des détenteurs de livret A, soit 6,7 millions de personnes physiques, possèdent un livret A dont l’encours est supérieur à 22 950 euros, grâce aux intérêts capitalisés. Ces livrets dits « au plafond » représentent 43 % de l’encours du livret A.
La plupart des personnes auditionnées par les rapporteurs dans le cadre de la mission d’information ont critiqué la décision prise en 2012 de relever le plafond du livret A. En effet, cette décision a essentiellement favorisé les ménages les plus aisés, sans bénéfice pour les ménages modestes, en même temps qu’elle conduisait à une allocation sous-optimale de l’épargne des Français, l’orientant vers les produits de taux, au détriment des produits de fonds propres pourtant plus rémunérateurs.
Les livrets A inactifs, c’est-à-dire sans versement ni retrait depuis au moins cinq ans, sont au nombre de 4,8 millions, dont 3,5 millions présentent un encours inférieur à 150 euros. Le nombre moyen de mouvements réalisés sur les livrets A s’établit à 5,5 versements et 6,3 retraits par an en 2023. Ces chiffres varient néanmoins fortement en fonction de l’encours détenu : pour les livrets au plafond, on constate seulement 0,8 retrait par an.
La mission d’accessibilité bancaire de la Banque Postale
En application de l’article L. 518-25 du code monétaire et financier, « dans les domaines bancaire, financier et des assurances, [la Banque Postale] propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ». L’article L. 221-2 du même code lui impose d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande, à partir d’un dépôt initial de 1,50 euro, et de lui permettre d’effectuer des opérations de retrait et de dépôt à partir de 1,50 euro sur ce support.
En 2023, la Banque Postale héberge 24 % des livrets A en France, dont les livrets A d’accessibilité bancaire représentent 36 % de l’encours des dépôts et 86 % de l’encours des retraits.
● En 2023, le nombre de LDDS s’élevait à 26 millions. Ce nombre est en progression depuis 2016. L’encours de ces livrets est également dynamique : 112 milliards d’euros en 2019, 121 milliards d’euros en 2020, 126 milliards en 2021, 134 milliards d’euros en 2022, et 149 milliards fin 2023.
L’encours moyen d’un LDDS s’établit à 5 800 euros. À l’instar du livret A, cette moyenne masque d’importantes disparités sociodémographiques. En 2023, l’encours de 28 % des LDDS dépassait le plafond réglementaire de 12 000 euros, et représentait 60 % de l’encours total du LDDS.
● Le LEP est moins diffusé que le livret A, y compris auprès des ménages modestes qui y sont éligibles, et alors même qu’il constitue un produit plus avantageux, en raison de son taux de rémunération au moins égal à l’inflation. Le nombre de LEP et l’encours total du LEP ont considérablement diminué entre 2008 et 2021, passant de 13,2 millions de livrets pour un encours de 65,1 milliards d’euros à 6,9 millions de livrets pour un encours de 38,3 milliards d’euros, avant de connaître un rebond en 2022 qui s’est ensuite prolongé.
Ainsi, à la fin de l’année 2022, le nombre de LEP s’élève à 8,3 millions, soit une augmentation de 21,3 % sur un an, et leur encours global s’établit à 47,9 milliards d’euros. Selon la Banque de France, « la hausse du nombre de LEP a été dynamique tout au long de l’année, mais accentuée en février, août et septembre, à l’occasion de la remontée de son taux de rémunération » ([33]). Cette progression s’explique également par la communication active de l’administration fiscale à destination de la population éligible, afin d’encourager l’ouverture d’un LEP plutôt que d’un livret A.
Cette progression s’est poursuivie en 2023, et le nombre de LEP a atteint 10,9 millions fin 2023, conduisant à ce que le taux de détention du LEP dépasse désormais la moitié de la population éligible, même si ce taux est très en deçà de celui de détention du livret A (82 %). Dans le même temps, l’encours du LEP s’est établi à 71,8 milliards d’euros, soit une progression de près de 14 milliards d’euros en un an.
Les rapporteurs se réjouissent du récent succès rencontré par le LEP, seul produit d’épargne réglementée permettant réellement de protéger l’épargne des ménages modestes contre l’érosion monétaire. Les efforts de l’administration fiscale et des établissements bancaires doivent se poursuivre afin de s’assurer que toute personne éligible au LEP y recoure, plutôt qu’au livret A.
Néanmoins, on peut s’interroger sur une simplification du dispositif. On pourrait ainsi concevoir de fusionner le LEP avec le livret A. Les 10 000 premiers euros de ce nouveau livret fusionné seraient garantis d’une rémunération égale à l’inflation, les sommes supérieures se voyant pour leur part appliquer un taux correspondant à la formule actuelle du livret A. Cette solution aurait l’avantage de couvrir la totalité des ayants droit avec des gains non négligeables pour le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes. Le gain pour les plus aisés serait en revanche marginal dans leur revenu, n’augmentant nullement les inégalités, et il pourrait par ailleurs être récupéré sur leurs autres produits.
Encours des principaux produits d’Épargne rÉGLEMENTÉe fin 2023
|
Livret A** |
Livret jeune |
LDDS |
LEP |
PEL |
Encours total (en Mds d’euros) |
414 |
4,8 |
149 |
71,8 |
257,1 |
Encours moyen (en euros) |
7 253,6 |
- |
5 800 |
6 579 |
25 879 |
** Personnes morales et personnes physiques.
Source : Banque de France.
c. L’assurance-vie est devenue le premier placement financier des ménages français
La progression de l’assurance-vie constitue le fait saillant de l’évolution du patrimoine financier des ménages français au cours des 40 dernières années.
À l’heure actuelle, l’assurance-vie constitue le premier produit de placement financier des ménages français. Divers facteurs ont joué un rôle important dans le développement de l’assurance-vie : un régime fiscal avantageux, notamment en matière de transmission ; la possibilité d’investir sur des fonds en euros, où le capital est garanti et la liquidité assurée ; la possibilité de diversifier et de dynamiser son épargne en recourant à des unités de comptes. En l’absence de fonds de pension en France, l’assurance-vie a également fourni un cadre comptable et fiscal aux ménages, aux employeurs et aux institutions de prévoyance pour organiser l’épargne retraite en complément du système par répartition.
Évolution des encours de l’assurance-vie
en euros et en unitÉs de compte depuis 2012
(En milliards d’euros)
Source : Banque de France.
L’encours total des contrats d’assurance-vie s’élevait à 2 078 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre 2024, et représentait 32,4 % du patrimoine financier des ménages ([34]). Les ménages privilégient l’assurance-vie en fonds euros par rapport aux unités de compte, avec des encours s’élevant respectivement à 1 563 milliards d’euros et 516 milliards d’euros fin septembre 2024. Toutefois, ces dernières années, l’assurance-vie en euros a connu une décollecte tandis que l’assurance-vie en unités de compte a été plus dynamique. 25 % des sommes placées sur des contrats d’assurance-vie sont aujourd’hui investies en unités de compte.
En 2020, le surcroît d’épargne accumulée lors du premier confinement ne s’est pas orienté vers les produits d’assurance-vie, dont la collecte nette a connu une forte diminution. En revanche, en 2021, l’assurance-vie a bénéficié du surplus d’épargne constaté cette année-là. La sortie progressive de la crise sanitaire, avec pour conséquences la fin des confinements et l’amélioration des valorisations boursières sur les marchés financiers, a soutenu la forte croissance de la collecte brute en assurance-vie : plus de 129 milliards d’euros, soit une progression de 30 % par rapport à l’année précédente ([35]). Selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la reprise du marché de l’assurance-vie en 2021 s’explique essentiellement « par le dynamisme exceptionnel de la collecte sur les supports en unités de compte, dès le premier trimestre de l’année, mais également par une moindre décollecte sur les supports en euros » ([36]).
En 2022, en revanche, le marché de l’assurance-vie a été moins dynamique que l’année précédente. La collecte brute a été en léger recul de 5 milliards d’euros, retrouvant des niveaux d’avant-crise, et la collecte nette a atteint 8,4 milliards d’euros, contre 18,3 milliards d’euros en 2021. Les supports en euros ont connu une année de très forte décollecte de 29,8 milliards d’euros – contre 12,3 milliards d’euros en 2021 –, alors que les supports en unités de compte ont connu une collecte nette historique de 38,2 milliards d’euros.
En 2023, l’assurance-vie a enregistré un solde net négatif de 2,3 milliards d’euros. La décollecte des supports euros s’est accentuée : – 33,4 milliards d’euros. Avec 31,1 milliards d’euros, la collecte nette des supports en unités de compte a reculé de 18 % par rapport à l’année précédente, mais son montant reste supérieur à ceux observés entre 2011 et 2021.
En 2024, l’assurance-vie a « bénéficié des flux toujours élevés d’épargne financière des ménages » ([37]), avec une collecte nette positive de 22,8 milliards d’euros. Celle-ci reste négative pour les supports en euros (– 2,7 milliards d’euros), mais connaît un niveau élevé pour les unités de compte (+ 25,5 milliards d’euros).
Le développement des supports en unités de compte se traduit, selon l’ACPR, « par un transfert de risque des assureurs vers leurs clients ». En effet, le taux de revalorisation des contrats d’assurance-vie en fonds euros demeure supérieur à la moyenne du taux des obligations d’État à dix ans. Pour l’ACPR, « confrontés à une situation où le rendement des portefeuilles obligataires (pour les nouvelles obligations) devient moins élevé, les assureurs développent des stratégies incitant les assurés à investir dans les fonds en unités de compte » ([38]). Le « niveau d’inflation, qui a atteint près de 7 % en fin d’année [2023], continue de peser sur les rendements réels et peut expliquer la désaffection relative pour les contrats en euros au profit des unités de compte et d’autres produits plus risqués offrant un meilleur rendement » ([39]).
Le poids relatif de l’assurance-vie dans la structure de l’épargne financière des ménages français constitue une spécificité comparativement aux autres pays européens. La détention indirecte d’actions et de parts de fonds d’investissement grâce à cette enveloppe explique par ailleurs le faible taux de détention directe de ces instruments en France.
patrimoine financier par habitant des principaux pays europÉens
À fin septembre 2024
(en milliers d’euros)
Source : Observatoire de l’épargne européenne.
La détention d’actions, notamment au travers de comptes-titres, reste en effet relativement faible en France. Depuis la crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines en 2011, les ménages français, mais plus généralement européens, sont devenus plus prudents. Par ailleurs, la détention d’actions en direct varie fortement en fonction du niveau de patrimoine financier des ménages : les ménages les mieux dotés en patrimoine financier possèdent plus d’actions que la moyenne globale.
Toutefois, depuis 2020, la détention d’actions en direct a augmenté.
Taux de dÉtention des actions et des assurances-vie entre 2004 et 2018
Source : INSEE.
d. Le développement récent de l’épargne retraite et de l’épargne salariale
L’épargne salariale et l’épargne retraite sont des supports de placements financiers qui existent depuis longtemps. Néanmoins, ces enveloppes ont été considérablement rénovées par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte ([40]).
● L’épargne salariale est un système d’épargne collectif permettant d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise. Elle peut reposer sur différents dispositifs :
– l’intéressement, qui est un dispositif facultatif, peut être mis en place dans toute entreprise, quel que soit son effectif, afin de permettre aux salariés de bénéficier financièrement des résultats ou des performances de leur entreprise ;
– la participation, qui est un dispositif obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés, et facultatif dans les autres entreprises, consiste à redistribuer aux salariés une partie des bénéfices qu’ils ont contribué, par leur travail, à faire réaliser à leur entreprise.
Les sommes issues de l’intéressement ou de la participation peuvent être perçues directement par le salarié ou placées sur un plan d’épargne entreprise (PEE), ou un plan d’épargne retraite entreprise collectif (PERE-CO), ce dernier support ayant remplacé le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) à compter du 1er octobre 2020.
Le PEE est un système d’épargne collectif ouvrant aux salariés la faculté de se constituer, avec l’aide de l’entreprise, un portefeuille de valeurs mobilières. Les sommes versées sur le PEE sont bloquées pendant cinq ans, hors conditions de déblocage anticipé (par exemple, le départ du salarié de l’entreprise).
Le Perco permet aux salariés de se constituer, dans un cadre collectif et avec l’aide de leur entreprise, une épargne accessible au moment de leur retraite. Le PERE-CO, qui l’a remplacé, donne droit à des avantages fiscaux et sociaux et peut recevoir des versements volontaires des salariés, de l’épargne salariale (intéressement, participation, abondements de l’entreprise) et des jours de compte épargne-temps.
● L’épargne retraite est un système d’épargne, individuel ou collectif, qui permet à une personne physique d’économiser durant sa vie active pour obtenir, à partir de l’âge de la retraite, un capital ou une rente. Elle repose aujourd’hui sur une enveloppe dédiée, le plan d’épargne retraite (PER), qui se décline sous trois formes :
– le PER individuel, qui succède au plan d’épargne retraite populaire (PERP), et aux contrats dits « Madelin », qui concernaient les travailleurs non-salariés ;
– le PER d’entreprise collectif succède au Perco ;
– le PER d’entreprise obligatoire qui succède aux contrats dits « article 83 ».
Le PER individuel peut être ouvert par toute personne physique auprès d’un établissement financier ou d’un organisme d’assurance. Il peut donner lieu à l’ouverture d’un compte titres (PER individuel d’investissement) ou à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe (PER individuel d’assurance).
La gestion des sommes versées sur un PER se fait, sauf mention contraire du souscripteur, selon le principe de la gestion pilotée. En général, lorsque le départ en retraite du souscripteur est lointain, l’épargne est investie sur des actifs plus risqués et plus rémunérateurs. À l’inverse, à l’approche de l’âge de la retraite, l’épargne est progressivement orientée vers des supports moins risqués.
Le PER individuel est alimenté par les versements volontaires du souscripteur. Lorsqu’il atteint l’âge de la retraite, celui-ci peut demander à ce que l’épargne accumulée sur son PER lui soit versée sous forme de rente ou de capital. Il lui est également possible de récupérer cette épargne sous forme de capital en cas d’invalidité, de décès du conjoint, d’expiration de ses droits aux allocations-chômage, de surendettement, de cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire, ou d’acquisition de sa résidence principale.
Le PER bénéficie d’un avantage fiscal sur les versements volontaires, qui sont déductibles des revenus imposables au titre de l’impôt sur le revenu, dans la limite d’un plafond global fixé pour chaque membre du foyer fiscal.
Le régime fiscal de la rente ou du capital est différent suivant que le souscripteur a déduit, ou non, les versements volontaires de ses revenus imposables. S’il a procédé à cette déduction, la rente versée est imposable au titre de l’impôt sur le revenu selon le régime applicable aux pensions de retraite. Un abattement de 10 % est appliqué au montant de la rente. Des prélèvements sociaux s’appliquent également sur la quote-part de la rente correspondant aux versements volontaires. En cas de sortie en capital, la part de capital correspondant à des versements volontaires est imposée au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais pas aux prélèvements sociaux.
Si le souscripteur n’a pas déduit les versements de son revenu imposable, la rente est imposable à l’impôt sur le revenu, selon les règles applicables aux rentes viagères à titre onéreux. Des prélèvements sociaux s’appliquent également sur la partie de la rente correspondant aux gains générés par les versements volontaires. En cas de sortie en capital, la part de capital correspondant aux versements volontaires non déduits fiscalement est exonérée d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. La part de capital correspondant aux intérêts produits par le contrat subit un prélèvement forfaitaire de 30 %.
La notoriété et la détention de l’épargne salariale ont progressé depuis 2020. Désormais, la très grande majorité des salariés (86 %) connaissent au moins un des dispositifs d’épargne salariale (PEE ou PERE-CO) et près de la moitié des salariés (45 %) déclarent détenir au moins un dispositif d’épargne salariale au début de l’année 2025 ([41]).
Les dispositifs d’épargne salariale connaissent une croissance constante des versements annuels depuis 2015. Selon les données collectées en 2023 par l’Association française de la gestion financière (AFG) dans le cadre de son enquête annuelle ([42]), le nombre d’entreprises proposant au moins un dispositif d’épargne salariale à leurs salariés a connu une augmentation de 27 % entre 2019 et 2023.
En 2024, les salariés ont versé 22 milliards d’euros sur leurs plans d’épargne salariale, un montant en progression de 7 % par rapport à 2023. La collecte nette s’établit ainsi à 2,7 milliards d’euros en 2024. Au 31 décembre 2024, l’encours des fonds d’épargne salariale s’établissait à 200 milliards d’euros. ([43])
Évolution du montant des versements nets sur les PEE et les PERCO
et du nombre de salariÉs concernÉs entre 2006 et 2022
Source : DARES.
L’enquête annuelle menée par l’AFG en 2022 et en 2023 montre aussi une accélération de l’équipement des entreprises en PER. Les PER collectifs créés par la loi Pacte continuent en effet de se développer au sein des entreprises, avec 158 700 entreprises dotées de ces nouveaux PER en 2023, soit une progression de 18 % en 2022 et de 13 % en 2023, et plus de 3 millions d’épargnants salariés concernés, un nombre en augmentation de 48 % en 2022 et de 16,5 % en 2023. Le montant global des plans d’épargne retraite collective s’élevait à 29,7 milliards d’euros fin 2023. En 2023, les salariés ont ainsi épargné 4 milliards d’euros pour leur retraite, un montant en progression de 14,3 % par rapport à 2022.
En 2024, l’encours des PER collectifs s’élevait à 34 milliards d’euros, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2023. Égale à 4,2 milliards d’euros, la collecte brute a progressé de 10 % par rapport à l’année précédente.
Si la proportion des salariés bénéficiant d’au moins un dispositif d’épargne salariale est similaire en 2023 et 2024, elle a cependant augmenté dans les entreprises de 11 à 49 salariés qui doivent, depuis le 1er janvier 2025, mettre en place un dispositif de partage de la valeur ([44]).
Les plans d’épargne retraite individuels représentaient pour leur part, en 2022, plus de la moitié des cotisations de retraite supplémentaire, soit 8,4 milliards d’euros, contre 8 % en 2019. Au 30 septembre 2024, l’encours du PER individuel s’établissait à plus de 68 milliards d’euros.
Les rapporteurs constatent avec satisfaction le développement progressif de ces dispositifs d’épargne populaire. L’épargne salariale et l’épargne retraite constituent en effet des produits d’épargne financière à long terme, de nature à améliorer considérablement le rendement servi aux épargnants par rapport aux produits d’épargne réglementée, dont la liquidité limite les possibilités d’investissement. Ces produits reposent également sur le principe de la gestion pilotée, qui donnent aux épargnants accès à des actifs financiers diversifiés, quel que soit le niveau de leur formation financière.
De nombreuses pistes de travail sont envisageables pour poursuivre le développement de ces produits, et méritent d’être étudiées et évaluées par le gouvernement. À titre d’exemple, les rapporteurs relèvent que l’Association de la gestion financière propose que le PERE-CO soit généralisé dans toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, à l’instar des dispositifs de participation. Des leviers fiscaux pourraient également être actionnés afin de diffuser le PER individuel auprès des ménages modestes.
e. La question du numéraire et des dépôts à vue, une opportunité d’épargne aujourd’hui stérilisée
En 2023, l’encours des dépôts en numéraires et dépôts à vue atteint 751 milliards d’euros, en deçà du niveau de 2021 et en baisse de plus de 46 milliards d’euros par rapport à 2022 après une hausse continue depuis 2019.
Dans le détail, l’encours des dépôts à vue représentait en juillet 2022 un total de 665 milliards d’euros en France. Si les ménages ont rééquilibré d’eux-mêmes leur épargne ou dû assumer des dépenses liées à l’inflation ayant conduit à une forte décollecte de 5 milliards par mois en moyenne entre octobre 2022 et juillet 2023, il restait toujours un encours de 583 milliards d’euros en octobre 2023. La décollecte s’est poursuivie en 2024 : fin 2024, l’encours des dépôts à vue s’élevait à 549 milliards d’euros, en baisse de 19 milliards d’euros par rapport à 2023.
La rémunération des dépôts à vue pour les clients français a fait l’objet de débats dans le passé. En effet, les banques sont elles-mêmes rémunérées pour ces dépôts par la BCE à des taux parfois non négligeables.
Au-delà de ce débat, les données de la Banque de France conduisent le rapporteur Jean-Philippe Tanguy à considérer qu’une grande partie de cette épargne devrait être placée dans d’autres produits.
En effet, 13 % des comptes représentent pas moins de 83 % de l’encours en 2023, avec des comptes disposant de plus de 10 000 euros. Parallèlement, 56 % des comptes représentant eux-mêmes plus de 50 % de l’encours sont ouverts depuis plus de 5 ans, dont 8 % depuis plus de 20 ans. Si la Banque de France ne croise pas les données dans ces documents publics, force est de constater que des sommes considérables dorment depuis longtemps sur des comptes à vue alors qu’elles pourraient prospérer dans de meilleurs placements.
Aucune information publique n’indique l’origine sociale de ces comptes, mais les personnes âgées y sont largement surreprésentées. On peut s’interroger sur la présence de ménages âgés de la classe moyenne supérieure, mal conseillés et mal orientés, qui pensent que leur épargne est protégée en « dormant à la banque » alors qu’elle subit de plein fouet l’érosion monétaire.
II. Des produits dont le rendement protÈge mal de l’Érosion monÉtaire
Alors que les ménages les plus aisés, compte tenu de l’ampleur de leur patrimoine financier, peuvent se tourner vers des dispositifs d’épargne risqués et rémunérateurs, les produits d’épargne auxquels recourent les ménages modestes et les classes moyennes proposent des rendements relativement faibles.
A. Le rendement de l’Épargne rÉGLEMENTÉe
Les taux de rémunération des produits d’épargne réglementée sont relativement faibles. Ils sont fixés par les pouvoirs publics, après application d’une règle de calcul visant à assurer un compromis entre le maintien du pouvoir d’achat des ménages face à l’inflation et le financement des politiques publiques associées aux emplois de l’épargne réglementée.
1. Les taux de rémunération des produits d’épargne réglementée sont fixés par les pouvoirs publics
La fixation des taux de rémunération des produits d’épargne réglementée est une compétence du ministre chargé de l’économie, en application des dispositions réglementaires du code monétaire et financier. À titre d’exemple, l’article R. 221-4 prévoit que « l’intérêt servi aux déposants sur un livret A est fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie ».
La formule de calcul du taux de rémunération du livret A a fait l’objet d’une importante réforme en 2018. Jusqu’alors, il était au moins égal au taux d’inflation, augmenté de 0,5 point de pourcentage, sauf si l’écart entre les taux courts et l’inflation était supérieur à 0,25 point de pourcentage. Un taux plancher est également introduit : le taux du livret A ne peut pas être inférieur à 0,5 %. Cette réforme est entrée en vigueur au 1er février 2020.
L’arrêté du 27 janvier 2021 relatif aux taux d’intérêt des produits d’épargne réglementée fixe la procédure et les règles de calcul applicables aux taux de rémunération des produits d’épargne réglementée.
● Les taux de rémunération du livret A et du LDDS sont égaux. Le taux du livret A est obtenu en faisant la moyenne des taux interbancaires à court terme en euros et de l’inflation en France mesurée par la moyenne semestrielle de la variation sur les douze derniers mois connus de l’indice INSEE mensuel des prix à la consommation, hors tabac, de l’ensemble des ménages, en arrondissant le résultat au dixième de point le plus proche, ou à défaut, au dixième de point supérieur. À la date de présentation du présent rapport, le taux de rémunération du livret A et du LDDS s’établit à 2,4 %.
● Le LEP vise à protéger l’épargne des ménages modestes de l’inflation. Son taux de rémunération est donc égal au chiffre le plus élevé entre le taux du livret A majoré d’un demi-point de pourcentage et l’inflation mesurée en France. À la date de présentation du présent rapport, le taux de rémunération du LEP s’établit à 3,5 %.
● Le taux de rémunération des livrets jeune est fixé librement par les établissements bancaires, sans pouvoir être inférieur au taux du livret A.
● Le taux de rémunération du PEL est calculé une fois par an, au plus tard le 5 décembre, sur la base de la moyenne des taux observés au mois de novembre. Il ne peut être inférieur à 1 %. Il est calculé à partir des taux de contrat d’échange des taux d’intérêt, dits taux swaps, à 2 ans, 5 ans, et 10 ans en application de la formule suivante : la somme des sept dixièmes du taux swap à 5 ans et des trois dixièmes de la différence entre le taux swap à 10 ans et le taux swap à 2 ans, arrondie au quart de point supérieur. Les taux swap sont déterminés selon une méthode définie par le comité de normalisation obligataire.
● Le taux de rémunération des CEL est égal aux deux tiers du taux du livret A, arrondis au quart de point le plus proche ou, à défaut, au quart de point supérieur.
Il revient à la Banque de France de procéder aux différents calculs chaque année au 15 janvier et au 15 juillet, avant d’en transmettre les résultats à la direction générale du Trésor ou au ministre chargé de l’économie. L’arrêté du 27 janvier 2021 prévoit que lorsque la Banque de France, à l’occasion de son calcul, estime que des circonstances exceptionnelles justifient une dérogation à l’application de l’un ou de plusieurs des taux, ou que l’application des règles de calcul conduit à un nouveau taux ne permettant pas de préserver globalement le pouvoir d’achat des épargnants, le gouverneur transmet l’avis et les propositions de taux de la Banque de France au ministre chargé de l’économie, qui peut alors décider de les maintenir à leur niveau antérieur.
Par ailleurs, le 15 avril et le 15 octobre de chaque année, si la Banque de France estime que la variation de l’inflation ou des marchés monétaires le justifie, le gouverneur de la Banque de France peut proposer au ministre chargé de l’économie de réviser les taux conformément aux règles de calcul prévues par l’arrêté du 27 janvier 2021.
La réforme présentée en 2018 a conduit à ce que le taux de rémunération du livret A puisse être inférieur au taux d’inflation ([45]).
Aucune explication satisfaisante sur les conditions et les motivations de cette réforme n’a été apportée. Les rapporteurs ne peuvent que s’étonner que les effets considérables de cette réforme sur la perte de pouvoir d’achat des ménages des classes populaires françaises, équivalente à plusieurs dizaines de milliards d’euros depuis 2018, n’ont donné lieu à aucun débat ni bilan.
Dès lors, seul le livret d’épargne populaire, réservé aux ménages les plus modestes, protège réellement l’épargne des Français de l’érosion monétaire. Les rapporteurs ont fait le constat, au cours des auditions qu’ils ont menées, que les ménages français ne sont pas conscients que l’épargne réglementée ne les protège pas face à l’inflation et aboutit, sur le long terme, à une perte monétaire réelle.
Les rapporteurs ont été assez déconcertés par les auditions de certains acteurs institutionnels, en particulier de la direction générale du Trésor ou de la Banque de France, qui semblent estimer que les épargnants français ont déjà beaucoup de chance que le nominal soit garanti par l’État. Les rapporteurs rappellent que l’activation de cette garantie est si improbable qu’elle n’est pas consolidée dans le bilan financier de l’État. Les associations représentant les épargnants sont révoltées par cette situation mais aussi l’indifférence qu’elle suscite.
Les rapporteurs s’interrogent, et même soutiennent qu’un débat soit engagé pour garantir à nouveau que l’épargne réglementée protège de l’érosion monétaire, ce qui a pour conséquence d’interroger l’emploi de cette épargne vers des usages sans risque mais plus rémunérateurs que des causes d’intérêt général.
Recommandation n° 9 : garantir à l’épargne réglementée un niveau de rémunération la protégeant de l’érosion monétaire.
Par ailleurs, les disparités de rémunération du PEL selon la date d’ouverture créent une situation d’injustice sans aucune justification (sinon historique !), injustice que paie l’ensemble des épargnants des catégories populaires et modestes.
Évolution du taux facial du livret A
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Évolution du taux facial du livret A
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Évolution du rendement rÉel du livret A depuis 1990
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Évolution du taux facial du LEP
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Sources : Banque de France et INSEE.
Après des années d’inflation, la baisse des taux de rémunération des livrets d’épargne réglementée au 1er février 2025 remet en cause la confiance des épargnants dans les dispositifs d’épargne populaire
La rémunération réelle de l’épargne ne cesse de baisser : compte tenu de la forte inflation pendant plusieurs années, puis du fait de la baisse des taux de rémunération des livrets d’épargne populaire depuis le 1er février 2025.
Le dernier baromètre de l’épargne et de l’investissement élaboré pour l’AMF ([46]) montre que le contexte d’inflation tend à renforcer les comportements d’épargne : 23 % des personnes interrogées en 2024 indiquent mettre davantage d’argent de côté (18 % en 2023) et cherchent à 40 % un placement garanti. À l’inverse, les parts de ceux qui épargnent moins (18 %) ou retirent de l’argent de leur épargne (10 %) diminuent par rapport à 2023.
L’enquête publiée par Odoxa en avril 2025 ([47]) montre que 62 % des répondants sont inquiets pour le rendement de leur épargne. Si les Français épargnent toujours plus (à 77 % en avril 2025, soit 6 points de plus en un an), « les épargnants ne savent plus où placer leur argent, leurs deux placements préférés (assurance-vie et surtout livret A) les décevant depuis mois ».
Associé au contexte mondial, les faibles rendements génèrent l’inquiétude chez les épargnants : 62 % se déclarent ne pas être confiants sur le rendement de leur épargne. Cette tendance est d’autant plus marquée chez les petits épargnants (70 %).
Une poursuite de la baisse du taux du livret A pourrait conduire 6 Français sur 10 à ne plus l’alimenter ou à le fermer et 4 détenteurs sur 10 assurent qu’ils abandonneront le livret A si le rendement baisse à 1,75 %.
2. La faible rémunération des produits d’épargne réglementée s’explique par l’emploi de ces fonds
La faible rémunération des produits d’épargne réglementée s’explique par les caractéristiques de cette épargne : elle est en effet totalement liquide et garantie par l’État. Les épargnants doivent pouvoir procéder au retrait des sommes placées sur les livrets d’épargne réglementée à tout moment, et ne doivent être exposés à aucun risque de perte en capital. En conséquence, l’épargne réglementée ne peut pas être investie sur des produits risqués, plus rentables, mais qui impliqueraient le blocage des fonds à moyen ou long terme pour en amoindrir le risque.
Par ailleurs, l’épargne réglementée des ménages français a été, de longue date, utilisée par les pouvoirs publics afin de financer des projets d’intérêt général. La grande stabilité de son volume global permet, en dépit de la parfaite liquidité de ces produits, de financer des investissements publics de long terme.
Une partie des encours du livret A, du LDDS et du LEP est centralisée au sein du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et des consignations ([48]). La part décentralisée de cette épargne est gérée au sein des établissements bancaires qui en assurent la collecte. Le taux de centralisation de ces ressources est déterminé par décret : il s’élève à 59,5 % pour le livret A et le LDDS ([49]), et à 50 % pour le LEP ([50]).
Afin d’assurer au fonds d’épargne une ressource suffisante pour couvrir les prêts qu’il accorde afin de financer des projets d’intérêt général, il est prévu que le taux de centralisation des dépôts effectués sur les livrets A et les LDDS soit rehaussé si la somme des dépôts centralisés et des fonds propres ne couvre pas à hauteur d’au moins 135 % l’encours des prêts sur fonds d’épargne. Selon les informations communiquées par la Caisse des dépôts et des consignations aux rapporteurs sur leur forte insistance, au regard du niveau des encours actuels, une telle situation ne se présenterait qu’après une décollecte de plus de 100 milliards d’euros, soit environ 10 fois la décollecte historiquement mesurée.
Autrement dit, l’explication selon laquelle le fonds d’épargne voit sa rentabilité limitée par une exigence de liquidité absolue est sans fondement. L’épargne réglementée assure une base solide et durable de fonds qui ne sont pas du tout optimisés dans l’intérêt de l’épargnant mais aussi au mépris de toute rationalité financière et économique.
Des dispositions législatives et réglementaires organisent l’emploi des fonds placés sur les produits d’épargne réglementée. En ce qui concerne les fonds centralisés au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et des consignations, les emplois des sommes placées sont déterminés par le ministre chargé de l’économie. Il s’agit principalement de prêts à long terme finançant le logement social et la politique de la ville, et au travers d’enveloppes complémentaires, le secteur public local et les infrastructures.
La stabilité des ressources de l’épargne réglementée permet au fonds d’épargne de prêter sur des maturités qui n’ont pas d’équivalent sur le marché – jusqu’à 80 ans. Ainsi, en 2021, la maturité moyenne pondérée par l’encours des nouveaux prêts accordés sur l’année était de 39 ans. Dans le secteur du logement social, la très longue maturité des prêts ainsi octroyés permet de synchroniser l’endettement et le cycle économique de l’actif immobilisé, et donc de réduire les besoins de trésorerie et de refinancement des bailleurs sociaux. Ici encore, la maturité exceptionnelle des prêts démontre bien que l’impératif de liquidité opposé aux rapporteurs pour expliquer le faible rendement de l’épargne est infondé, voire mensonger. Le rendement réel moyen du CAC40 depuis 1990 est de 13 % !
Par ailleurs, il existe un lien étroit entre le rendement offert aux ménages par les produits d’épargne réglementée, et l’usage qui est fait des fonds centralisés puisque le taux des prêts octroyés sur le fonds d’épargne est indexé à celui du livret, auquel il est ajouté une marge de 0,6 point de pourcentage. La nouvelle formule de calcul du livret A, appliquée à compter du 1er février 2020, avait, à ce titre, pour vocation de renforcer la compétitivité des ressources du fonds d’épargne en limitant leur coût et donc le taux d’intérêt applicable aux prêts à long terme.
Au 31 décembre 2023, l’encours de la part centralisée du livret A, du LDDS et du LEP s’élevait à 370,8 milliards d’euros, et l’encours des prêts s’établissait à 201,7 milliards d’euros, dont 180,3 milliards pour le logement social et la politique de la ville, et 21,5 milliards d’euros pour le secteur public local et la croissance verte ([51]).
En ce qui concerne la part non centralisée de ces fonds, l’article L. 221-5 du code monétaire et financier prévoit que les ressources collectées par les établissements bancaires sont employées par ces établissements « au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, au financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique », ainsi qu’au financement des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Pour les établissements bancaires, l’épargne réglementée des ménages français constitue également une ressource d’une grande stabilité, utilisée au titre du financement de l’économie.
Toutefois, la hausse des taux de rémunération des livrets d’épargne réglementée dans un contexte inflationniste augmente le coût de cette ressource pour les gestionnaires du fonds d’épargne et les établissements bancaires. Entre le 1er février 2020 et le 1er février 2023, la totalité de l’encours de l’épargne réglementée a ainsi vu son coût multiplié par six. Pour assurer la rémunération de cette épargne, les établissements bancaires augmentent en parallèle le taux des prêts qu’ils octroient aux ménages et aux entreprises. Les marges de manœuvre du fonds d’épargne sont plus réduites, car une augmentation trop significative du taux des prêts consentis aux bailleurs sociaux ou au secteur public local aurait pour conséquence une diminution des investissements publics dans des projets d’intérêt général.
Afin de garantir la rémunération des produits d’épargne réglementée, le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et des consignations dispose d’un portefeuille d’actifs financiers diversifiés dont le rendement élevé permet, sur cette fraction de son bilan, de couvrir également le coût de la ressource. Sur une longue période, les revenus tirés de l’actif du fonds d’épargne permettent de couvrir les charges de rémunération de l’épargnant, mais également de doter le fonds d’épargne de fonds propres.
Compte tenu de ces évolutions structurelles, les rapporteurs estiment qu’une diversification des emplois de l’épargne réglementée et qu’un développement de la gestion d’actifs au sein du fonds d’épargne permettraient d’améliorer le rendement de l’épargne populaire et des classes moyennes, en particulier dans un contexte inflationniste.
Plus encore, le fait que l’épargne réglementée des Français financent le logement social, la politique de la ville, la transition écologique ou les collectivités territoriales est en réalité une impasse qui ne fait que des perdants.
En effet, pour assurer la rémunération correcte de l’épargne, la Caisse des dépôts et des consignations et les banques doivent proposer des prêts plus chers ou inversement, sacrifier l’intérêts des épargnants.
Les rapporteurs contestent le fait que l’épargne des classes populaires et moyennes finance ces causes d’intérêt général tandis que l’épargne des plus favorisés va vers les produits rémunérateurs.
Recommandation n° 10 : consacrer les emplois de l’épargne réglementée populaire et des classes modestes au financement d’actifs associant rentabilité et solidité plutôt que d’actifs non rentables.
B. Le rendement de l’assurance-vie
L’assurance-vie est un produit d’épargne plus complexe que les livrets d’épargne réglementée, dont le taux de rémunération est fixé par les pouvoirs publics. En effet, la performance d’un contrat d’assurance-vie dépend de plusieurs facteurs, et en premier lieu de ses caractéristiques initiales. L’un des facteurs de rendement correspond à la part des sommes placées sur des unités de comptes, en principe plus performantes, par rapport à la part des sommes placées sur des fonds en euros. Les frais d’entrée, de gestion, et de sortie, appliqués par l’assureur et les gestionnaires des actifs financiers sur lesquels est investie l’épargne du souscripteur, contribuent également à grever la performance du contrat.
Il est donc impossible d’évaluer avec précision la performance moyenne des contrats d’assurance-vie à moyen ou long terme, puisque celle-ci peut considérablement varier d’un contrat à l’autre. ([52]) Toutefois, France Assureurs, la fédération nationale qui réunit l’ensemble des entreprises d’assurance et réassurance opérant en France, produit chaque année des données sur la performance moyenne des fonds en euros et des unités de compte.
Évolution du Rendement moyen* des supports en euros
(*Net de frais de gestion et de prélèvements sociaux et fiscaux.)
Sources : France Assureurs et INSEE.
Évolution de la performance moyenne* des supports en unitÉs de compte
(*Nette de frais de gestion et de prélèvements sociaux et fiscaux.)
Source : France assureurs.
Selon les informations communiquées aux rapporteurs par France Assureurs, au cours de la période 2020‑2022, le rendement de l’assurance-vie en euros a toujours été supérieur à celui du livret A. En parallèle, la performance de l’assurance-vie en unités de compte reproduit le profil des marchés boursiers, tout en atténuant sa volatilité, et permet d’espérer un rendement encore supérieur sur le long terme.
L’assurance-vie a donc pu constituer un produit attractif pour les ménages français qui se sont de plus en plus tournés vers les supports en unités de compte ces dernières années afin de dynamiser la performance de leur contrat, dans un contexte où le rendement des supports en euros était très faible. Depuis la crise sanitaire, dans un contexte inflationniste et de remontée des taux d’intérêt, cette tendance semble toutefois s’inverser. En 2022, la rémunération moyenne des fonds en euros s’est établie autour de 2 %, soit la première hausse observée après trente ans d’une diminution continue de leur rendement.
Face à l’augmentation des taux de rémunération des livrets d’épargne réglementée, avec notamment le taux du livret A qui s’est élevé à 3 % entre le 1er février 2023 et le 31 janvier 2025, l’assurance-vie devient moins attractive, d’autant que les plus-values réalisées sont soumises à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
Recommandation n° 11 : les rapporteurs contestent le maquis et l’illisibilité des frais et commissions imposés aux contrats d’assurance-vie. Une meilleure information ne suffit pas et une lutte active contre les abus s’impose.
Les mÉnages modestes et les classes moyennes sont orientÉs vers des produits peu performants
qui ne servent pas leurs intÉRÊts
Les choix d’épargne des ménages modestes et des classes moyennes, s’ils satisfont l’aversion au risque et la préférence pour la liquidité de ceux-ci, ne semblent pas nécessairement servir leurs intérêts, notamment parce qu’ils les détournent des actifs les plus rentables. Un devoir de conseil exercé de manière plus attentive et qui s’efforce de respecter l’aversion au risque de l’épargnant sans la cultiver pourrait, conjugué à une éducation financière renforcée, permettre des choix plus pertinents.
I. Une Épargne gÉRÉe et orientÉe au dÉtriment de l’Épargnant
Les produits d’épargne réglementée et des contrats d’assurance-vie majoritairement investis sur des fonds en euros satisfont à court terme les exigences de sécurité et de liquidité des épargnants modestes et des classes moyennes. Leurs intérêts à long terme sont cependant desservis par des frais excessifs et une performance insuffisante. Il conviendrait de faciliter leur accès à l’investissement en valeurs mobilières.
A. Un modÈle français qui prÉsente des risques d’Éviction et d’allocation sous-optimale
L’importance de l’épargne immobilière et l’existence d’un système d’épargne réglementée, adapté à l’aversion au risque et à l’illiquidité des ménages français, emportent des effets d’éviction et nuisent à une allocation performante du point de vue du rendement de l’épargne.
Plusieurs personnes auditionnées ont tenté de justifier la faible rémunération de l’épargne des classes populaires et moyennes par la garantie que ce stock important d’épargne peu chère permettait aux banques d’assurer des prêts immobiliers à taux fixe. Ces explications n’ont pas convaincu les rapporteurs.
1. L’importance de l’épargne immobilière
Comme dans les pays du sud de l’Europe, la culture de l’investissement immobilier est forte en France. L’immobilier représente ainsi la majeure partie du patrimoine des ménages français. Il convient toutefois de noter que le taux d’épargne reste nettement plus élevé en France que dans ces pays, atteignant 17,7 % fin septembre 2024, alors qu’il n’est que de 12 % en Italie et de 14,2 % en Espagne. Il reste néanmoins inférieur à celui des ménages allemands, qui atteint 20,5 %. ([53])
Lorsqu’il existe un système de retraite par capitalisation, comme au Royaume-Uni, en Suède ou aux Pays-Bas, le montant total du patrimoine financier par habitant est logiquement plus élevé et la part de l’immobilier mécaniquement plus faible. La part des contrats en unités de compte dans les provisions techniques d’assurance-vie est également nettement plus élevée.
RÉpartition du patrimoine net des mÉnages
entre actifs financiers et non financiers
(En pourcentage du total)
Sources : Eurostat, graphique, compilation et calculs de l’Observatoire européen de l’épargne, données relatives à l’année 2021 pour la France, 2020 pour l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas et 2019 pour l’Espagne, le Royaume-Uni et la Suède.
Il convient toutefois de noter que, dans certains pays, comme la Suède, qui se caractérisent par un système de retraite mixte, l’investissement en actions est beaucoup plus fort que dans les autres pays. Les ménages détiennent des actions en direct, la part des fonds actions est beaucoup plus importante et la part des contrats d’assurance-vie en unités de compte est plus forte. La Suède et les Pays-Bas se caractérisent par les montants les plus élevés du patrimoine financier des ménages placés en assurance-vie et fonds de pension : en 2022, assurance-vie et fonds de pension représentaient 54 % du patrimoine financier des ménages suédois et 72 % du patrimoine financier des ménages néerlandais.
Le rapporteur Jean-Philippe Tanguy considère que la répartition des comportements d’épargne et de placements semble également suivre en grande partie la différence entre nations d’héritage protestant et catholique. Cette différence corrobore, de son point de vue, les auditions des acteurs bancaires et institutionnels qui ont témoigné d’une large « infantilisation » des épargnants français, estimant ne pas être capables ni dignes de pénétrer les « arcanes » de la finance.
Structure du patrimoine financier des mÉnages
au troisiÈme trimestre 2024
(encours par habitant, hors actions non cotées et autres participations)
Sources : Eurostat, Bank of England, graphique, compilation et calculs de l’Observatoire européen de l’épargne.
2. Un modèle adapté à l’aversion des ménages français au risque et à l’illiquidité
Les choix d’épargne des ménages français s’expliquent notamment par un faible degré d’ouverture au risque, corrélé à des biais psychologiques qu’éclaire bien la finance comportementale. Ces préférences, si elles justifient le succès du modèle français d’épargne réglementée, sont de nature à conduire à une allocation sous-optimale de l’épargne.
a. Une préférence marquée pour la sécurité
Selon le baromètre de l’épargne et de l’investissement ([54]), mis en place en 2017 par l’Autorité des marchés financiers, la part des « réfractaires » au risque – personnes qui refusent tout risque sur leurs placements tout en sachant que la rémunération restera faible – reste très importante, atteignant 43 % en 2024, malgré une décrue sensible depuis 2017, tandis que l’ouverture au risque, entendue comme la proportion des personnes qui acceptent un peu de risque dans l’espoir d’obtenir une meilleure rémunération que les placements sans risque, reste inférieure, s’établissant à 38 % en 2024. Les « réfractaires » au risque sont notamment surreprésentés parmi les petits patrimoines financiers de moins de 10 000 euros.
Aversion et ouverture au risque depuis 2017
(en % des personnes interrogées)
Source : commission des finances, d’après Baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement 2024.
Ainsi, les ménages recherchent principalement la garantie du capital puis la liquidité, et prennent en compte le rendement en dernier lieu. L’appétence des ménages au risque peut être néanmoins très différente selon les déciles : les ménages les plus aisés sont moins averses au risque et possèdent davantage d’actions que les ménages moins aisés. Une fois leur épargne de précaution constituée, et après avoir fait l’acquisition de leur résidence principale, les ménages les plus dotés en capital sont en effet amenés à investir sur des supports plus risqués.
Cette aversion au risque et à l’illiquidité est ce qui fait notamment l’attrait de l’épargne réglementée, qui répond parfaitement à ces caractéristiques. En 2021, 84,3 % des ménages possèdent au moins un livret d’épargne tandis que seulement 16,9 % possèdent des valeurs mobilières ([55]). Cela peut notamment s’expliquer par les plafonds élevés des livrets réglementés – selon les données communiquées par la direction générale du Trésor, moins de 8 % des individus atteignent le plafond du livret A –, puisque, pour une grande partie des ménages, ils suffisent à recevoir l’entièreté de leur épargne financière.
Si, selon le baromètre de l’épargne Odoxa Groupama de mars 2025, 75 % des Français parviennent à épargner tous les mois, cette propension à épargner étant vouée à s’accroître – 39 % des Français et 46 % de ceux qui épargnent le plus envisagent d’accroître encore leur épargne à l’avenir –, c’est par peur de l’avenir et en raison d’une nette préférence pour la « sécurité » par rapport au « rendement ». Jusqu’en 2023, l’inflation a été, à cet égard, le facteur le plus évoqué pour expliquer ce besoin d’accroître son épargne. Comme le relève M. Philippe Crevel, fondateur du Cercle de l’épargne ([56]), « la peur que la vie coûte plus cher demain et la volonté de maintenir la valeur réelle de leur patrimoine incitent les Français et nombre d’Européens à mettre plus de côté » ([57]).
De même, il ressort d’une étude menée par OpinionWay pour la Fédération française de l’assurance – entretemps devenue France Assureurs – que les trois critères de choix pour l’épargne des consommateurs sont : la familiarité avec le support choisi – l’assurance-vie, support renommé, apportant la confiance –, la sécurité et la disponibilité, l’épargne étant, dans le langage des consommateurs, l’argent mis de côté pour anticiper des besoins potentiels qui ne sont pas toujours définis de manière précise (chômage, maladie, étude des enfants, retraite, décès…). Le rendement n’est dès lors pas une priorité ; il est même associé à l’univers des « placements », non sécurisé, un placement étant entendu non comme une forme d’épargne mais comme l’argent que l’on peut se permettre de mettre en jeu dans la perspective d’en gagner plus ou d’en perdre. Ainsi, les placements sont associés au monde de la finance, de la spéculation et de l’incertitude.
b. Une aversion au risque renforcée par des biais comportementaux
Discipline attachée à la caractérisation et à l’étude des biais psychologiques dans le comportement des acteurs financiers, la finance comportementale éclaire les comportements d’épargne en ce qu’ils ne procèdent pas entièrement de la rationalité d’un calcul purement économique. Une récente étude réalisée par l’Observatoire de l’épargne de l’AMF ([58]) relève ainsi :
– l’aversion à la perte et à l’ambiguïté : « les épargnants surpondèrent le risque de perte sur le risque de gain : les pertes ont psychologiquement plus d’impact que les gains », tandis que « l’ambigüité, c’est-à-dire l’incertitude sur le résultat final d’un placement, est rejetée par un grand nombre de personnes, qui préfèrent les perspectives certaines, même en l’absence de gain, à un gain potentiel dont le montant est incertain » ;
– la préférence pour le présent qui « conduit à renoncer à sacrifier un peu de bien-être immédiat contre une récompense trop éloignée et ressentie comme insuffisante » ;
– la comptabilité mentale, soit la tendance des épargnants à « séparer leur argent en compartiments ou comptes “mentaux” tout en traitant différemment les valeurs et les tolérances au risque de ces comptes », commettant « l’erreur de ne pas considérer leurs liquidités comme fongibles ».
Tout en tenant compte de l’aversion au risque des Français, les rapporteurs ont noté dans leurs auditions que les acteurs bancaires et institutionnels se faisaient fort de cultiver cette aversion au risque. Les rapporteurs ont souligné à plusieurs reprises lors des auditions que les Français avaient pu être convaincus des risques propres aux actions à cause d’opérations mal menées à grand renfort de communication comme Eurotunnel, EDF ou France Telecom. En effet, conseiller aux ménages d’investir massivement dans les actions d’une seule entreprise n’avait et n’a toujours strictement aucun sens. Plutôt que d’accabler les Français, il convient de s’interroger sur les raisons qui ont mené à de telles opérations auprès des citoyens.
Les auditions ont aussi montré à quel point les réglementations et normes tant françaises qu’européennes surestimaient systématiquement le risque des placements. Toutefois, le rapporteur François Jolivet tient à rappeler que ces réglementations ont été renforcées après la crise financière de 2009 pour éviter également certaines dérives. Les rapporteurs constatent que depuis la fin de leurs travaux, ce sujet de l’irrationalité de ces réglementations est apparu dans le débat public, notamment le discours sur l’Europe d’Emmanuel Macron dans le contexte des discussions sur l’unification des marchés de capitaux européens.
Enfin, les rapporteurs ont constaté notamment que la mobilité excessive des conseillers bancaires a fortement dégradé la connaissance et la relation avec leurs clients, aussi bien les particuliers que les entreprises.
3. Un système administré coûteux qui présente des risques d’éviction
Permettant de transformer de l’épargne courte en ressources longues, que ce soit pour le logement social, les collectivités publiques ou les PME, l’épargne réglementée est un système administré qui présente des avantages, notamment celui d’orienter l’épargne des ménages vers des objectifs fixés par les pouvoirs publics, mais aussi des coûts et des inconvénients.
Compte tenu de leurs caractéristiques, les produits d’épargne réglementée, au prix d’une rémunération faible, répondent au mieux aux exigences de sécurité et de liquidité des épargnants. Il en résulte un effet d’éviction évident au détriment d’autres placements et un détournement des ressources qui pourraient contribuer utilement au financement des entreprises. Avec cette distorsion de la concurrence, l’épargne réglementée ne permet pas une allocation optimale de l’épargne. À cet égard, le dernier baromètre de l’épargne Odoxa Groupama montre que les Français en ont conscience puisque 36 % n’alimentent plus leur livret A et 6 % l’ont fermé et qu’ils ne « savent plus où investir leur épargne ».
Les rapporteurs ont déjà souligné qu’une gestion innovante et dynamique de cette épargne fondée sur ses caractéristiques propres et exceptionnelles, plutôt que des lieux communs et des injonctions contradictoires, permettrait de limiter ces risques d’éviction.
Il ressort des échanges des rapporteurs avec certains interlocuteurs du monde bancaire, qu’en période de forte hausse des prix, l’épargne réglementée crée des tensions sur les bilans des banques, alors même que la protection qu’elle offre à l’épargnant contre les effets de l’inflation n’est – hors le cas du livret d’épargne populaire – que partielle. En effet, les banques assument, pour la partie de l’épargne réglementée inscrite à leur bilan (50 % des encours du LEP, 40,5 % des encours de livret A et LDDS), la hausse de la rémunération des clients décidée par les pouvoirs publics. L’épargne réglementée peut alors représenter une ressource très coûteuse au regard des financements de marché. Ainsi, au début du mois de février 2023, alors que le taux du livret A était de 3 % et celui du LDDS de 6,1 %, le taux des obligations assimilables du Trésor à dix ans était de 2,51 % et celui des bons du Trésor à trois mois de 2,42 %.
D’un point de vue plus macroéconomique, comme le relève la Cour des comptes, « certaines autorités monétaires comme la Banque centrale européenne […] considèrent que l’épargne réglementée joue un rôle néfaste en économie ouverte et dans la transmission des signaux de la politique monétaire », la Cour des comptes admet que « ce dernier point est toutefois à relativiser depuis que le changement du mode de calcul intervenu en 2018 a conduit à une désindexation partielle du taux du livret A par rapport à l’inflation » ([59]).
La Banque centrale européenne devrait s’interroger sur les conséquences de ses propres choix de politique monétaire face à une structure de l’épargne parfaitement connue par ses services. Par ailleurs, la confiance des épargnants dans la rémunération de leurs placements assure la stabilité du système financier européen. La ruine des épargnants ne peut être un objectif compatible avec le mandat de la BCE.
Quant aux banques françaises, elles connaissaient parfaitement les conditions de rémunération et d’utilisation du livret A avant qu’elles ne demandent par voie judiciaire à pouvoir le distribuer. On peut d’ailleurs s’interroger sur les réformes du mode de calcul du taux d’intérêt du livret postérieures à la distribution du livret A par l’ensemble des banques. De fait, ces réformes sont défavorables aux épargnants et favorables aux banques.
c. Des dispositifs d’épargne logement qui ont perdu en pertinence
Un grand nombre d’interlocuteurs ont conduit les rapporteurs à dresser le constat d’une pertinence discutable du plan d’épargne logement et du compte d’épargne logement au regard de leurs objectifs premiers.
Ces deux produits ont eu leur utilité dans les années 1970 et 1980 mais, compte tenu de l’envolée des prix de l’immobilier, qui ont triplé en vingt-cinq ans, ils ont perdu en efficacité par rapport à leur objectif premier et sont désormais plus des placements d’épargne que des produits de préparation à l’acquisition d’un bien immobilier. Le taux de rémunération de l’épargne du PEL étant fixé pour toute la durée de vie du produit et aucune date de sortie du produit n’étant prévue pour les PEL ouverts avant l’année 2011, les épargnants ont conservé, sans velléité d’achat immobilier – ou en réalisant un achat immobilier sans utiliser leur épargne logement – des PEL dont les taux d’intérêt étaient plus que largement supérieurs aux taux de marché, atteignant 5 à 6 % pour les PEL ouverts avant les années 2000, soit un taux réel atteint par très peu de placements sur le long terme, et de surcroît garanti. Ainsi, si l’encours du PEL a continué à augmenter jusqu’en 2021, pour s’établir à 296,1 milliards d’euros, la collecte nette pour cette même année était négative, s’établissant à – 4,6 milliards d’euros. Par ailleurs, en 2022, on observe une diminution de cet encours pour la première fois depuis quatorze ans, qui s’établit en fin d’année à 288 milliards d’euros, sous l’effet d’une décollecte nette de 16,5 milliards d’euros. Cette tendance s’est poursuivie en 2023 : le nombre de PEL a diminué de 12 % et les encours ont connu une baisse près de quatre fois plus forte qu’en 2022, pour s’établir à 257 milliards d’euros (correspondant à une décollecte nette de 37,4 milliards d’euros).
La progression de l’encours au cours des années précédentes s’explique donc par la rémunération de ces contrats, qui dépend de leur date de conclusion : 45 % des PEL ont un taux d’intérêt de 2,5 % et 5 % des PEL, représentant 11 % de l’encours, sont rémunérés à un taux au moins égal à 5,25 %.
Si les PEL souscrits depuis 2011 ont une durée maximale de 15 ans, au-delà de laquelle ils sont transformés en livrets d’épargne classique, les PEL ouverts avant 2011, dits « PEL anciens », peuvent être détenus sans limitation de durée. Ces derniers représentaient un encours de 107,7 milliards d’euros à la fin de l’année 2021, avec une rémunération moyenne de 4,9 %. Ils procurent, selon la Banque de France, un rendement anormalement élevé au regard de l’absence de risque en capital, qui pèse sur les finances publiques et le financement de l’économie française ([60]).
Dans des observations définitives délibérées le 9 juin 2022, la Cour des comptes relevait ainsi : « Une solution doit être maintenant rapidement trouvée pour les PEL les plus anciens dont les taux de rémunération sont élevés. Compte tenu du coût pour les finances publiques comme pour les établissements financiers, et de la mauvaise allocation de l’épargne qui en résulte, la Cour recommande de réfléchir à un dispositif de suppression de cet avantage peu justifié et même disproportionné par rapport à un motif d’intérêt général qui a disparu. » ([61])
Les rapporteurs souscrivent à cette recommandation de la Cour des comptes et invitent la direction générale du Trésor et la Banque de France à travailler sur le sujet.
Recommandation n° 12 : trouver une solution juste et pérenne pour mettre fin à la cristallisation du taux de rendement des PEL selon leur date d’ouverture.
Il convient de noter en outre que, s’il est particulièrement intéressant pour les épargnants ayant souscrit un PEL il y a longtemps, le produit n’offre plus une rémunération satisfaisante en tant que produit d’épargne de moyen terme, son taux actuel étant inférieur à celui du livret A. La faible rémunération des PEL explique la décrue de leur nombre, d’autant que ceux ouverts depuis le 1er janvier 2018 sont fiscalisés. Au 31 décembre 2023, 9,9 millions de PEL étaient ouverts en France ; 14,6 % des personnes physiques détenaient un PEL en 2023, alors que cette proportion était de 24 % en 2016.
Taux de rendement et de prÊt des PEL
Date d’ouverture du PEL |
Taux d’épargne sans prime |
Taux de prêt |
Du 1er juillet 1985 au 15 mai 1986 |
4,75 % |
6,45 % |
Du 16 mai 1986 au 6 février 1994 |
4,62 % |
6,32 % |
Du 7 février 1994 au 22 janvier 1997 |
3,84 % |
5,54 % |
Du 23 janvier 1997 au 8 juin 1998 |
3,1 % |
4,8 % |
Du 9 juin 1998 au 25 juillet 1999 |
2,9 % |
4,6 % |
Du 26 juillet 1999 au 30 juin 2000 |
2,61 % |
4,31 % |
Du 1er juillet 2000 au 31 juillet 2003 |
3,27 % |
4,97 % |
Du 1er août 2003 au 31 janvier 2015 |
2,5 % |
4,2 % |
Du 1er février 2015 au 31 janvier 2016 |
2 % |
3,2 % |
Du 1er février 2016 au 31 juillet 2016 |
1,5 % |
2,7 % |
Du 1er août 2016 au 31 décembre 2022 |
1 % |
2,2 % |
Du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 |
2 % |
3,2 % |
Du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 |
2,25 % |
3,45 % |
Depuis le 1er janvier 2025 |
1,75 % |
2,95 % |
Source : commission des finances et La Banque postale.
Taux de rendement et de prÊt des CEL
Début |
Fin |
Taux d’épargne sans prime |
Taux de prêt |
16 mai 1986 |
15 février 1994 |
2,75 % |
4,25 % |
16 février 1994 |
15 juin 1998 |
2,25 % |
3,75 % |
16 juin 1998 |
31 juillet 1999 |
2,00 % |
3,50 % |
1er août 1999 |
30 juin 2000 |
1,50 % |
3,00 % |
1er juillet 2000 |
31 juillet 2003 |
2,00 % |
3,50 % |
1er août 2003 |
31 juillet 2005 |
1,50 % |
3,00 % |
1er août 2005 |
31 janvier 2006 |
1,25 % |
2,75 % |
1er février 2006 |
31 juillet 2006 |
1,50 % |
3,00 % |
1er août 2006 |
31 juillet 2007 |
1,75 % |
3,25 % |
1er août 2007 |
31 janvier 2008 |
2,00 % |
3,50 % |
1er février 2008 |
31 juillet 2008 |
2,25 % |
3,75 % |
1er août 2008 |
31 janvier 2009 |
2,75 % |
4,25 % |
1er février 2009 |
30 avril 2009 |
1,75 % |
3,25 % |
1er mai 2009 |
31 juillet 2009 |
1,25 % |
2,75 % |
1er août 2009 |
31 juillet 2010 |
0,75 % |
2,25 % |
1er août 2010 |
31 juillet 2011 |
1,25 % |
2,75 % |
1er août 2011 |
31 janvier 2013 |
1,50 % |
3,00 % |
1er février 2013 |
31 juillet 2013 |
1,25 % |
2,75 % |
1er août 2013 |
31 juillet 2015 |
0,75 % |
2,25 % |
1er août 2015 |
31 janvier 2020 |
0,50 % |
2,00 % |
2 janvier 2020 |
31 janvier 2022 |
0,25 % |
1,75 % |
1er février 2022 |
31 juillet 2022 |
0,75 % |
2,25 % |
1er août 2022 |
31 janvier 2023 |
1,25 % |
2,75 % |
1er février 2023 |
31 janvier 2025 |
2,00 % |
3,5 % |
Depuis le 1er février 2025 |
1,50 % |
3,00 % |
Source : La Banque Postale.
En outre, la durée du prêt potentiellement octroyé, limitée à quinze ans, se situe en retrait de celles résultant des pratiques de marché auxquelles la valorisation élevée des biens immobiliers a abouti.
De manière générale, le système de PEL et CEL avec un taux de crédit préétabli, qui peut se révéler déconnecté des taux de marché au moment du prêt, semble peu pertinent et attractif en l’état. Ainsi, pour les épargnants ayant souscrit un PEL depuis le 1er janvier 2025, le taux de rémunération de l’épargne est de 1,75 % et le taux du prêt à obtenir dans au moins quatre ans est de 2,95 %. C’est seulement à la condition que les taux de marché du crédit immobilier soient à un niveau compris entre 4 % et 5 %, que le taux de 2,95 % sera attractif et pourra constituer un levier à l’accession.
L’instabilité politique a-t-elle eu un impact sur le comportement
des épargnants en 2024 ?
À très court terme, l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 s’est traduite par une brusque hausse des taux d’intérêt des obligations d’État : le 10 juin 2024, le taux des obligations assimilables du Trésor a augmenté de 3,09 % à 3,22 %. L’écart de taux avec l’Allemagne (le «spread») s’est creusé, passant de 47 à 52 points de base. La Bourse de Paris a chuté de 1,35 % à la fermeture après avoir ouvert en baisse de 2,37 %. ([62])
Un article récent de La Banque postale ([63]) analyse les conséquences de l’incertitude politique, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, sur les comportements des agents économiques.
D’un point de vue économique, l’incertitude peut être définie ([64]) comme un ensemble d’événements rares sur lesquels les acteurs économiques n’ont pas d’information, ce qui ne leur permet pas d’en déterminer la probabilité.
Le contexte actuel entraîne une épargne élevée des ménages. Différents facteurs y concourent : la hausse des revenus d’intérêts qui font baisser la propension à consommer, les conséquences de la forte inflation qui a contraint à plus épargner pour conserver une même capacité de consommation à l’avenir, la constitution d’une épargne de précaution liées aux incertitudes actuelles sur le futur système de retraite ou à la crainte de la montée du chômage.
« Peut-être commence-t-on aussi à voir en France ce que les économistes appellent les effets ricardiens : lorsque la dette publique est très importante et/ou lorsque le déficit public est très élevé, les ménages redoutent de futures hausses d’impôt contre lesquelles ils essayent de se prémunir en épargnant davantage. Dans l’enquête de conjoncture auprès des ménages menée par l’Insee, deux variables qui expriment l’opinion sur les tendances de l’ensemble de l’économie se sont détériorées ces derniers mois : les craintes sur l’évolution du chômage ont augmenté fortement alors que les perspectives sur l’évolution future du niveau de vie en France se sont détériorées. » ([65])
« L’incertitude conduit donc en réalité à favoriser les comportements de précaution, qui peuvent se révéler sous optimaux. Les décisions économiques se font le plus souvent à partir des anticipations sur les développements à venir. Une incertitude accrue peut donc accentuer la prudence des agents économiques. » ([66])
B. Une performance grevÉe par des frais nombreux au montant ÉLEvÉ
Comme l’ont souligné MM. les sénateurs Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, dont un récent rapport d’information ([67]) propose une analyse détaillée – entre autres – des frais qui pèsent sur le rendement des différents placements financiers, la performance des produits d’épargne, singulièrement l’assurance-vie, est obérée par la multiplicité des commissions. Association de défense des consommateurs spécialisée dans les domaines bancaires et financiers, France Conso Banque estime pour sa part que les frais prélevés, dont elle déplore l’opacité, peuvent obérer la performance brute de 40 %.
1. Une importance bien établie des frais et commissions
Les unités de compte de l’assurance-vie sont le plus souvent des parts d’organismes de placement collectif, notamment des fonds communs de placement (FCP) et des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV). Or, comme le rappellent les auteurs du rapport d’information sénatorial précité ([68]), l’investissement dans de tels actifs expose à de nombreux frais :
– les frais ponctuels attachés à l’investissement, à l’entrée dans le cas des commissions de souscription ou à la sortie, pour les commissions de rachat, qui peuvent être proportionnels au montant des souscriptions ou des rachats, dégressifs avec le montant de l’investissement ou, plus rarement, forfaitaires ;
– les frais de gestion, commissions destinées à couvrir les frais de fonctionnement de la société de gestion et à rémunérer les services des gérants, déduits de la performance nette ;
– les éventuelles commissions de surperformance, destinées à rémunérer la société de gestion lorsque le placement collectif a dépassé ses objectifs ;
– les frais de courtage attachés à la transaction et prélevés lors de l’achat ou de la vente d’une valeur, qui peuvent être forfaitaires ou proportionnels, éventuellement avec un montant plancher.
Un investissement dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie expose en outre l’épargnant à :
– des frais sur versement, proportionnels et parfois dégressifs ;
– des frais de gestion du contrat, qui varient selon le support ;
– des frais d’arbitrage ;
– éventuellement, des frais de retrait.
Ainsi, « il est difficile, voire hasardeux, d’estimer le total en euros des frais réglés par les ménages au profit de l’industrie de gestion, des assureurs et des établissements financiers. Les frais sont en effet acquittés par le biais de multiples canaux : directement à la société de gestion lorsque les investisseurs achètent, vendent ou détiennent des OPC, indirectement via des contrats d’assurance-vie, auquel cas s’ajoute une “seconde couche” de frais liés à ces contrats, ou encore dans le cadre de mandats de gestion conclus avec des sociétés de gestion » ([69]).
S’appuyant sur les données de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA, pour European Securities and Markets Authority), le rapport d’information sénatorial précité n’en relève pas moins que les écarts entre la performance brute et la performance nette d’un fonds peuvent, à long terme, se révéler considérables : « ainsi, à 40 ans, à coût constant et hors inflation, en extrapolant sur cette durée une performance égale à celle calculée par l’ESMA pour des périodes glissantes de 10 ans, un investissement initial de 5 000 euros avec un versement mensuel de 100 euros dans un fonds en action domicilié en France se traduira par un rendement brut moyen de 660 530 euros, ramené à 299 400 euros après déduction des frais de gestion […] 55 % de la hausse de l’encours due à la valorisation du portefeuille serait donc “captée” par les frais » ([70]), ce qui placerait la France dans la moyenne haute des pays européens en termes de frais.
Si les frais qui pèsent sur l’épargnant sont multiples, les rapporteurs notent des évolutions qu’il convient d’encourager.
a. Les exigences de transparence résultant de la loi « Pacte »
L’article 72 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises ([71]), dite Pacte, a sensiblement renforcé les exigences de transparence relatives aux frais appliqués aux contrats d’assurance-vie. Ainsi a-t-il été imposé aux entreprises de communiquer chaque année au contractant :
– le rendement garanti moyen et le taux moyen de la participation aux bénéfices de certains des contrats de même nature ;
– les conditions de possibilité de transformation du contrat ;
– les frais prélevés par l’entreprise d’assurance au titre de chaque unité de compte, ainsi que les éventuelles rétrocessions de commission perçues par l’entreprise d’assurance, ses gestionnaires délégués ou encore le dépositaire des actifs du contrat.
En amont de la conclusion du contrat, il est imposé au distributeur d’assurance de communiquer une information détaillée précisant, pour chaque unité de compte, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, dont les éventuelles rétrocessions de commission.
Doivent en outre être publiés, sur le site internet de l’entreprise d’assurance, le rendement garanti moyen et le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué au titre des fonds en euros pour chacun de ses contrats d’assurance-vie ou de capitalisation.
b. Un accord de place non contraignant et une pratique qui s’améliore
Par un accord de place signé le 2 février 2022 sous l’égide du ministre chargé de l’économie, les acteurs de la profession sont convenus de mettre en œuvre un document standard de transparence tarifaire accessible en source publique, sous la forme d’un tableau regroupant les frais par catégorie : « Cette plus grande transparence doit nourrir une plus grande concurrence, pour diversifier plus encore les offres de PER et d’assurance-vie et soutenir le pouvoir d’achat des épargnants. » ([72]). Il convient toutefois de noter que cet accord n’était pas juridiquement contraignant.
Tout au long de l’année 2022, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a travaillé avec la place de Paris dans le sens d’une modération tarifaire des contrats d’assurance-vie proposant des unités de compte. Ainsi, au mois de décembre 2022, France Assureurs a invité ses membres à renforcer l’examen des unités de compte référencées dans leurs contrats, estimant qu’il pourrait être utile de regarder la performance nette de frais d’une unité de compte quand lesdits frais sont nettement supérieurs, par exemple de moitié, à la moyenne des frais des unités de compte de la même catégorie. Ce dispositif a été renforcé récemment, au mois de juin 2023. Dans une circulaire adressée à ses membres, France Assureurs appelle les différents acteurs à examiner la performance des unités de compte dont les frais dépassent un certain seuil, par exemple d’un tiers par rapport à la moyenne des unités de compte de la même catégorie, la performance devant, quand c’est possible, être appréciée sur cinq ans, en retenant une moyenne pondérée par les encours.
Au terme de ce travail, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a pu relever que « l’engagement des entreprises d’assurance de ne pas proposer dans les contrats d’assurance-vie et les PER individuels de placements en unités de compte qui seraient à la fois onéreuses et peu performantes a été heureusement amplifié » ([73]).
c. Les dispositions de la loi relative à l’industrie verte
Le 30 janvier 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi relative à la protection des épargnants déposée par MM. les sénateurs Husson et de Montgolfier à la suite de leurs travaux précités. Si elle n’a pas été inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, la proposition de loi a vu plusieurs de ses dispositions reprises dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte adopté par le Parlement ([74]).
Ainsi, lors de l’examen en commission de l’article 17 dudit projet de loi, le Sénat a adopté un amendement de Mme Christine Lavarde, rapporteure de la commission des finances du Sénat, saisie pour avis, dont l’objet était de reprendre des dispositions inscrites à l’article 4 de la proposition de loi relative à la protection des épargnants précitée.
L’article L. 132-22 du code des assurances est ainsi l’objet d’une série de modifications visant à renforcer la transparence sur les frais des contrats d’assurance-vie. Comme le relevaient MM. Husson et de Montgolfier dans leur rapport sur la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, la rédaction actuelle de l’article L. 132-22 du code des assurances « prévoit que l’évolution de la valeur des unités de compte est présentée à l’épargnant sur une base annuelle à compter de la souscription du contrat, ce qui prive l’épargnant qui vient à peine de souscrire un contrat d’une information concernant la performance des unités de compte avant cette souscription. Par ailleurs, la rédaction de cet article limite l’information relative aux frais au “dernier exercice connu” alors qu’une information concernant les frais sur plusieurs années serait plus parlante » ([75]). L’amendement prévoit donc que ce soit un arrêté du ministre chargé de l’économie qui précise la période de référence pour chacune de ces informations. Il ajoute en outre à la liste des informations que l’assureur doit publier annuellement sur son site internet ([76]) le taux moyen de frais prélevé par l’entreprise, le rendement net moyen servi à l’assuré, le taux des taxes et des prélèvements sociaux et l’éligibilité des contrats aux affaires nouvelles.
Participant du même esprit, l’insertion d’un nouvel alinéa à l’article L. 614‑1 du code monétaire et financier ajoute aux attributions du comité consultatif du secteur financier, déjà chargé du suivi de l’évolution des tarifs bancaires, le suivi des frais et de la performance des contrats d’assurance sur la vie et des opérations de capitalisation, des compte-titres, des plans d’épargne retraite individuels, des plans d’épargne en actions destinés au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire – et des plans d’épargne avenir climat, nouveau produit d’épargne créé par la loi relative à l’industrie verte ([77]).
Par une modification de l’article L. 224-29 du code monétaire et financier, l’amendement adopté prévoit en outre que l’information détaillée qui doit être communiquée avant la souscription ou l’adhésion à un plan d’épargne retraite individuel ([78]) soit publiée annuellement sur le site internet du gestionnaire et y reste disponible au moins cinq ans.
Les rapporteurs recommandent que l’effet éventuel de ces nouvelles obligations d’information sur la réalité des pratiques tarifaires soit régulièrement évalué.
Néanmoins, les rapporteurs sont partisans de mesures législatives et réglementaires contraignantes pour mettre fin aux abus de commissions et de charges indues.
Recommandation n° 13 : assurer une évaluation régulière de la pertinence et de la justification des frais et commissions appliqués aux contrats d’assurance-vie. Le cas échéant, adopter des mesures contraignantes pour éviter les politiques abusives en matière de frais et commissions appliqués aux contrats d’assurance-vie.
C. La nÉcessitÉ d’une dÉmocratisation des actifs les plus performants
Alors que les ménages modestes s’en détournent ou ne sont pas conduits à y investir, ce sont les actifs présentés comme risqués qui présentent les rendements les plus élevés. À long terme, il peut même être soutenu que c’est plutôt s’en détourner qui constitue un risque.
1. Des ménages modestes et des classes moyennes dont l’épargne en valeurs mobilières est faible
L’épargne des ménages modestes et des classes moyennes est essentiellement placée sur des produits d’épargne peu ou pas risqués et la détention de valeurs mobilières semble l’apanage des ménages les plus aisés. En effet, ce n’est qu’à partir du sixième décile que la part des actions dépasse 15 % ([79]).
De même, quoiqu’elle ait connu une forte progression au cours du dernier quart de siècle, passant de 10 % en 1997 à 28 % en 2023, la part au sein de l’encours des contrats d’assurance-vie des supports en unités de compte, qui permettent un investissement indirect et diversifié sur les marchés financiers, demeure nettement minoritaire.
Part des supports en unitÉs de compte
(en % des encours)
Source : ACPR.
La crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines en 2011 ont par ailleurs accentué la défiance des ménages français vis-à-vis des actions, et la part des ménages détenteurs d’actions a diminué d’environ 50 % entre 2004 et 2018 avant de se stabiliser à partir de 2018. Selon les données recueillies par l’AMF, seul un quart des Français déclare faire confiance aux « placements en actions » en général, moins d’un tiers dit s’y intéresser ([80]). Toutefois, à l’automne 2024, pour la première fois depuis le lancement du Baromètre de l’épargne en 2017, les intentions d’investissement en actions se situent à leur niveau le plus élevé, de 30 %, ces intentions étant principalement portées par les moins de 35 ans (53 % d’entre eux envisageant un tel investissement dans l’année) ([81]).
Or, en choisissant majoritairement, même pour le long terme, des placements garantis et liquides, les épargnants français ne se donnent pas les meilleures chances de protéger leur épargne face à l’érosion monétaire, encore moins d’obtenir un rendement leur offrant la possibilité de faire progresser le capital investi. L’enjeu du long terme n’est pas suffisamment identifié comme un facteur susceptible d’influencer les choix d’épargne, et l’éventualité d’un horizon de placement long, au moins égal à dix ans, se heurte à beaucoup de réticence.
2. Une rentabilité pourtant soutenue des placements non garantis
Pourtant, les rendements des placements non garantis, et en particulier des actions, sont historiquement supérieurs à ceux des placements garantis. Au cours des 123 dernières années, les actions mondiales ont dégagé un rendement réel annualisé en dollars américains de 5,0 %, contre 1,7 % pour les obligations et 0,4 % pour les bons du Trésor.
Évolution du CAC 40 (dividendes rÉinvestis) depuis 1997
Source : lafinancepourtous.com d’après Google Finance.
Selon une étude de l’Autorité des marchés financiers, qui mériterait une actualisation mais dont les conclusions conservent leur pertinence, les actions sont « le placement le plus rentable à long terme » ([82]) : « dividendes réinvestis – c’est-à-dire en faisant l’hypothèse que les détenteurs des actions réinvestissent immédiatement dans les mêmes titres les dividendes perçus –, les actions françaises (le CAC 40 dividendes réinvestis) affichent depuis 1988 des performances supérieures à celles des autres placements », atteignant un rendement annuel réel moyen de 6,6 % – les marchés d’actions de la France, des États-Unis, de l’Allemagne et du Royaume-Uni enregistrant des performances proches.
D’un point de vue historique, la diversification en actions, pays et actifs a considérablement amélioré le compromis rendement-risque ([83]). Par ailleurs, le risque de perte des placements en actions diminue rapidement avec le temps de détention car l’amplitude des performances annualisées constatées est plus faible pour des placements de durées longues. La probabilité de réaliser un gain s’accroît également avec la durée de placement.
Évolution des rendements rÉels des actions
de 1950 à 2024 en fonction de l’horizon de dÉtention
Source : lafinancepourtous.com d’après Global Financial Data, calculs Harvest.
À long terme, les actions constituent donc le placement le plus rentable ([84]). Pour encourager les ménages à se tourner vers ces produits, l’AMF recommande de développer la pédagogie de l’épargne de long terme, en expliquant notamment que ne pas diversifier son épargne présente des risques. Par ailleurs, la mise en place d’une épargne de long terme implique une offre de supports de diversification adéquats. Les investissements directs en actions s’adressent en priorité aux investisseurs autonomes, mais des supports tels que l’assurance-vie ou le PER peuvent permettre à tout ménage d’investir en actions sans avoir besoin d’un niveau de connaissance très élevé.
Les rapporteurs réitèrent leur recommandation de soutenir le développement et la diffusion de l’épargne salariale et de l’épargne-retraite, qui permettent un investissement de long terme et relativement sécurisé sur les marchés financiers, notamment grâce au développement de la gestion pilotée par horizon. Celle-ci, mode de gestion par défaut des plans d’épargne retraite, consiste en une gestion déléguée de l’épargne selon des grilles d’allocation prédéfinies permettant d’adapter progressivement la répartition des placements à mesure que l’âge de la retraite approche – et, ainsi, une désensibilisation progressive au risque.
3. Démocratiser le capital-investissement
Peut-être plus connu sous sa dénomination anglo-saxonne de private equity, le capital-investissement est un investissement dans des actions d’entreprises non cotées en bourse. Il s’agit d’un placement de long terme, qui doit permettre à l’entreprise de se financer sans avoir recours aux prêts bancaires ou aux marchés financiers, et à l’investisseur de réaliser une plus-value grâce à une meilleure valorisation des sociétés qu’il aura accompagnées à la date de revente de ses parts. Ces opérations sont généralement menées par des fonds spécialisés qui fixent un montant minimum à placer pour pouvoir investir et ont une durée de vie précise au cours de laquelle le montant investi est bloqué. Pour diluer le risque de perte totale ou partielle des montants investis, les fonds diversifient leur portefeuille en prenant des participations dans plusieurs sociétés, à différents stades de développement, et dans des secteurs d’activité variés. En contrepartie du risque accepté par l’investisseur, le private equity fait partie des supports dont les rendements attendus sont très élevés.
Si le private equity représente aujourd’hui une part infime du patrimoine des ménages français – environ 0,01 % –, son rendement élevé n’est que plus attractif dans un contexte inflationniste. En effet, à la fin de l’année 2023, le rendement annualisé du capital-investissement atteignait 13,3 % nets par an sur 10 ans. Sur le long terme, son rendement est supérieur à 12 % et il surperforme les autres classes d’actifs, notamment les actions des sociétés entrant dans la composition de l’indice CAC 40 ou l’immobilier ([85]).
L’accès des ménages français aux produits de private equity est freiné par différents facteurs, en premier lieu par la méconnaissance générale de cette classe d’actifs et de son fonctionnement technique, ainsi que le montant élevé des « tickets d’entrée ». La démocratisation de l’accès des ménages à ces fonds passera donc d’abord par la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers auxquels s’adressent les particuliers pour investir leur épargne.
Par ailleurs, le caractère illiquide des parts de fonds de private equity pose problème pour les investissements réalisés dans le cadre de contrats d’assurance-vie en unités de compte. Actuellement, la pratique des assureurs est, dans la plupart des cas, de prévoir contractuellement avec l’assuré un ordre de priorisation des rachats si celui-ci a souscrit des unités de compte peu liquides. Ainsi, si l’assuré souhaite disposer d’une partie de son épargne, le contrat prévoit en général qu’il doit racheter prioritairement des unités de compte liquides et conserver ses unités de compte peu liquides. Dans le cas d’un rachat total, ou si le mécanisme de priorisation ne peut être utilisé, l’assureur utilise la dernière valeur liquidative publiée par le fonds pour le rachat.
Malgré ces limites, les fonds de private equity se développent progressivement en France, et certains acteurs institutionnels cherchent à mobiliser l’épargne des ménages. C’est notamment le cas du fonds BpifranceEntreprises 3, lancé au mois de septembre 2024, dont le ticket d’entrée s’établit à 500 euros, montant tout à fait accessible à un individu disposant d’un petit patrimoine financier. Ce fonds a lui-même succédé à de précédents fonds, désormais fermés à la souscription et dont le ticket d’entrée était plus élevé (Bpifrance Entreprises 1, lancé en octobre 2020, dont le ticket d’entrée s’élevait à 5 000 euros ; Bpifrance Entreprises 2, lancé en février 2022, dont le ticket d’entrée s’élevait à 3 000 euros ; Bpifrance Entreprises Avenir 1, lancé en avril 2023, dont le ticket d’entrée était de 1 000 euros). Il est possible d’y souscrire en direct, via une plateforme numérique, ou indirectement, au travers d’une assurance-vie ou d’un PER. Il s’agit d’un investissement de long terme, qui exige un blocage des fonds investis pendant 7 ans. L’objectif de rendement annuel est fixé entre 8 % et 10 %. Les sommes levées permettront au fonds d’investir dans des entreprises françaises et européennes.
Les rapporteurs se félicitent du développement des fonds de private equity en France, et souhaitent qu’ils soient plus accessibles aux ménages modestes et des classes moyennes qui disposeraient d’un petit patrimoine financier avec un horizon de placement long. La possibilité d’une perte totale ou partielle du capital investi doit évidemment inviter à la prudence mais peut être limitée par une diversification des placements, notamment dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie.
Les rapporteurs recommandent de faciliter l’accès des ménages aux fonds de private equity en :
– assurant la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers à leur fonctionnement technique ;
– diffusant le recours à des fonds de private equity dans le cadre des contrats d’assurance-vie en unités de compte ;
– poursuivant la démocratisation des fonds de private equity.
Recommandation n° 14 : faciliter l’accès des ménages aux fonds de private equity en assurant la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers à leur fonctionnement technique, en diffusant le recours à des fonds de private equity dans le cadre des contrats d’assurance-vie en unités de compte et en poursuivant la démocratisation des fonds de private equity.
4. L’intérêt de la gestion passive
En matière de placements collectifs en valeurs mobilières, les bénéfices de la gestion active, dans laquelle un gérant choisit les investissements et procède à des arbitrages en fonction de ses propres analyses dans l’objectif de réaliser une performance supérieure à celle d’un indicateur de référence – et se trouve rémunéré en conséquence –, par rapport à la gestion passive, qui vise à répliquer strictement la performance d’un indice, sont régulièrement remis en cause. Non seulement les coûts résultant d’une gestion active sont plus élevés que ceux d’une gestion passive, mais ses performances sont souvent inférieures aux attentes. Comme le rappellent dans leur rapport d’information MM. les sénateurs Husson et de Montgolfier, « l’ESMA relevait que, sur la période 2009-2018, la performance brute des fonds en gestion active, comparée à celle des fonds en gestion passive et des ETF, n’était pas suffisamment élevée pour compenser les frais plus importants pourtant facturés par les fonds actifs. Le constat vaut également pour la période 2010-2019 : même si la performance brute des fonds actions en gestion active était supérieure à celle des fonds en gestion passive (11,1 % contre 10,7 %), la différence de frais conduit ces derniers à offrir une performance nette bien supérieure aux fonds en gestion active » ([86]).
Les rapporteurs du Sénat relèvent que l’article 9 de leur proposition de loi tendant à renforcer la protection de l’épargnant prévoyait précisément que la Caisse des dépôts et consignations assure la gestion administrative et financière d’un fonds de fonds indiciels cotés mis en place par elle et dont les parts seraient acquises par l’affectation de versements dans un plan d’épargne retraite. Pour leur part, et de manière plus générale, les rapporteurs appellent à la mise en place – et à la promotion auprès d’un large public – par un acteur public d’une offre de fonds indiciels et de fonds de fonds indiciels.
Recommandation n° 15 : proposer un produit d’épargne géré par la Caisse des dépôts et des consignations et rémunéré à un taux assis sur une « prise de risque » selon l’âge du détenteur.
II. Des mÉnages mal conseillÉs manquant d’une formation et d’informations financières suffisantes
L’exercice inadéquat ou insuffisant du devoir de conseil nuit à la pertinence des choix d’épargne des ménages modestes et des classes moyennes, qui pâtissent en outre d’une insuffisante éducation financière.
A. Un devoir de conseil et d’information dont la conception et l’exercice peuvent manquer de pertinence
Si les règles régissant les devoirs de conseil et d’information auxquels sont soumis les distributeurs de produits d’épargne forment un corpus dense, sa complexité peut en réduire la portée, tandis que son application appelle plusieurs critiques.
1. Un arsenal juridique étoffé et complexe
Au cours des dernières années, l’arsenal normatif national et européen visant à protéger les épargnants face au risque s’est étoffé.
Le droit commun impose une obligation générale d’information dans les relations contractuelles, inscrite à l’article 1112-1 du code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. » Le code de la consommation fixe également, à l’article L. 111-1, une obligation générale d’information précontractuelle au profit des consommateurs et à la charge des vendeurs de biens et des fournisseurs de service.
Plus spécifiquement, pour garantir le choix éclairé du client, les établissements bancaires, en tant que fournisseurs – professionnels – de produits et services financiers, sont débiteurs d’obligations et devoirs. Les relations des conseillers bancaires et assureurs avec leurs clients sont ainsi régies par des règles spécifiques, codifiées au sein du code monétaire et financier ou issues de la jurisprudence. Il convient de noter que cette jurisprudence connaît parfois des évolutions contradictoires, notamment en ce qui concerne le devoir de conseil, qui n’est pas considéré ou sanctionné de façon constante. Par ailleurs, la différence entre information et conseil est subtile : tandis que l’information concerne les conditions du service proposé, le conseil s’intéresse à l’opportunité de souscrire ce service, mais, en réalité, l’ensemble des devoirs des établissements bancaires semblent se rapporter à l’obligation d’informer.
Le devoir d’information et de conseil des banquiers connaît trois principales limites : le devoir de non-ingérence ou de non-immixtion, la connaissance du risque par le client – s’il est un client averti – et le secret professionnel.
En matière d’offres de placement, les conseillers bancaires doivent fournir des informations suffisantes afin de permettre au client de se forger un avis éclairé sur un placement ou un service et de prendre une décision en connaissance de cause. La réglementation européenne a donc exigé une communication des informations sur un support papier ou durable, sous la forme du document d’informations clés (DIC), imposé par le règlement (UE) n° 1286/2014 du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement ([87]), dit règlement « PRIIPS ». Entré en application au mois de janvier 2018, il remplace l’ancien document d’information clé pour l’investisseur (DICI) pour tous les placements collectifs depuis le 1er janvier 2023. Il s’applique en effet à tous les produits d’investissement dits « packagés » et fondés sur l’assurance et, depuis le 31 décembre 2021 aux fonds communs de placement et aux sociétés d’investissement à capital variable. Harmonisé au niveau européen, ce document comprend un certain nombre d’informations essentielles sur le placement, sa nature et ses caractéristiques principales, et doit être remis au plus tôt – avant toute souscription à un placement collectif – au futur investisseur.
En matière d’assurance-vie, la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a été l’occasion de débats sur la qualité de l’information délivrée aux épargnants et la transparence des frais pratiqués. L’article 72 de cette loi est venu préciser les exigences d’informations issues de la directive 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances ([88]), dite « DDA », qui impose en effet la remise d’un document d’information standardisé. Les informations relatives aux coûts et frais liés doivent être fournies avant la souscription du contrat en application de l’article 29 de cette directive.
Au-delà du socle commun d’informations exigé, les établissements bancaires doivent de surcroît s’informer sur leur client : sa situation financière, ses connaissances et ses objectifs patrimoniaux afin de fournir une information adaptée. La procédure Know Your Customer (KYC), régie par la législation nationale et européenne, permet en effet d’informer et d’accompagner le client en adéquation avec sa propre situation, son niveau de connaissances et de compétences – bien que l’objectif principal de cette procédure soit de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L’étendue de l’obligation d’information fluctue donc légèrement selon le profil du client – averti ou profane.
Le développement d’une réglementation nationale mais surtout européenne depuis les années 2000 a permis d’augmenter le nombre d’informations transmises aux clients. Cependant, cette augmentation peut avoir pour conséquence d’accroître la confusion des épargnants, particulièrement les moins avertis. La directive du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers ([89]), dite MIF 2, par son article 24, a tenté de restreindre ce risque en exigeant que les informations relatives à l’ensemble des coûts et frais soient totalisées afin de permettre au client de saisir le coût total, ainsi que l’effet cumulé sur le retour sur investissement. Il n’en est pas moins primordial que l’établissement bancaire fasse preuve de conseil pour éclairer son client.
L’article 20 de la directive dite « DDA » précitée prévoit trois modalités de conseils ;
– premier niveau (obligatoire) : tout contrat conseillé doit être cohérent avec les besoins et les exigences du client ;
– deuxième niveau (facultatif) : service de recommandation personnalisée consistant à expliquer à l’épargnant pourquoi, parmi plusieurs options, un ou plusieurs contrats lui correspondent mieux ;
– troisième niveau (facultatif) : l’intermédiaire peut se prévaloir de fournir son service de recommandation sur la base d’une analyse impartiale d’un nombre suffisant de contrats offerts sur le marché.
Par ailleurs, la directive MIF 2 considère que l’objectif principal est de présenter des solutions de placement adaptées à la situation et aux objectifs personnels de l’épargnant, en s’appuyant que le questionnaire de connaissance du client. Le conseil doit être prodigué par le conseiller bancaire avec pertinence, prudence et loyauté en s’enquérant des connaissances, de l’expérience en matière d’investissement et de la situation financière et des objectifs du client ainsi que du caractère adapté de l’instrument financier conseillé. Ainsi, les clients sont traditionnellement divisés en deux catégories par le droit français : d’une part, le client averti ; d’autre part, le client profane. La banque doit donc procéder aux diligences nécessaires pour connaître la situation de son client.
Le degré de conseil et d’information doit être plus élevé envers le client profane, par exemple si la souscription d’un produit financier présente un risque pour le client, En revanche, le banquier n’est pas tenu d’un devoir particulier de mise en garde vis-à-vis d’un client ayant une connaissance des marchés financiers lui conférant la qualité d’opérateur averti.
Néanmoins, le conseiller n’a pas à se substituer à son client dans l’appréciation de l’utilité de l’opération demandée.
Ainsi que le rappelait l’association France Conso Banque sollicitée par la mission d’information, les banques sont des établissements commerciaux de droit privé qui, sans surprise, cherchent, par la vente de produits, à atteindre leurs objectifs commerciaux. De fait, du point de vue des consommateurs, la crédibilité des banques en matière de placement est faible et toujours sujette à caution dans l’esprit du plus grand nombre. Aussi l’exercice des devoirs de conseil et d’information peut-il souvent – hors le cas de certains clients « haut-de-gamme » – se limiter à un respect minimal des obligations légales et réglementaires.
Dans le même temps, la multiplication de celles-ci et le renforcement du devoir de conseil peuvent ne pas constituer un gage d’efficacité. L’un des interlocuteurs de la mission d’information a ainsi pu évoquer un « système kafkaïen » dans lequel la multiplication des obligations peut aboutir, par refus d’endosser la moindre responsabilité, à favoriser les produits présentant le moindre risque. De même, les documents d’information ne devraient pas être « répulsifs » en matière de prise de risques. Comme l’Association française de la gestion financière l’a indiqué à la mission d’information, « la réglementation encadre fortement l’approche du risque […], quelquefois au détriment de l’intérêt des clients pour avoir une performance de leur épargne à long terme ». Les rapporteurs déplorent qu’au final la protection contre le risque soit susceptible de devenir une protection contre le rendement. Ils recommandent un exercice plus équilibré du devoir de conseil, qui prenne en compte l’aversion au risque de l’épargnant sans faire de celle-ci une raison d’écarter tout placement présentant, à terme, un couple rendement/risque attractif. Du point de vue des banques, si les réglementations en vigueur paraissent adaptées aux objectifs visés, leur multiplicité (MIF 2, DDA, PRIIPS) et leur degré de sophistication et de complexité pourraient justifier un travail d’harmonisation.
Les études de lisibilité réalisées par l’Autorité des marchés financiers tendent à le confirmer. En effet, si « les épargnants désireux d’investir en valeurs mobilières au travers de placements collectifs soulignent l’utilité des documents d’information réglementaires qui leur sont destinés (document d’informations clés et prospectus) » et « les estiment complets et reconnaissent leur neutralité et leur objectivité », « les documents présentés sont jugés rébarbatifs et peu lisibles », à tel point que « les épargnants en rejettent la forme, qui ne facilite pas l’appropriation de l’information ». L’Autorité des marchés financiers précise que « les épargnants participant [à ces études] sont mis en difficulté par la trop forte densité des informations ou par l’absence de mise en relief ou de hiérarchie des informations importantes et d’aide à la lecture », et que « de nombreux termes et passages sont jugés trop techniques » ([90]).
Les rapporteurs recommandent une simplification et une rationalisation des règles régissant les devoirs de conseil et d’information, notamment aux fins d’une plus grande lisibilité de l’information pour le client.
Les rapporteurs n’en appellent pas moins, par ailleurs, dans l’attente d’une éventuelle révision des règles applicables, à une vigilance particulière quant au plein respect par les banques des obligations qui leur sont actuellement applicables. En effet, à la suite d’une campagne de « visites mystères » en 2022, réalisées par un institut d’études spécialisé ([91]), l’AMF relève des « points problématiques persistants » ([92]). Ainsi, au cours de ces visites, les questions relatives à la tolérance aux risques, qui résultent de la réglementation MIF 2, n’ont été posées qu’une fois sur deux. De même, l’AMF juge trop peu fréquent le questionnement sur l’expérience et les connaissances financières, et les frais relatifs aux enveloppes (contrats d’assurance-vie, PER, comptes-titres et PEA) n’ont été présentés que lors de la moitié des visites environ. De même, les informations sur les frais applicables aux instruments financiers recommandés au sein de ces enveloppes ont été données dans la moitié des cas seulement, et dans deux cas sur trois aucun document n’a été remis concernant les frais. Enfin, un rapport d’adéquation – document pourtant obligatoire en situation de conseil, c’est-à-dire lorsque le professionnel recommande des placements – n’a été remis que lors d’une visite sur dix.
Par ailleurs, les rapporteurs de la mission d’information relèvent avec intérêt l’introduction parmi les dispositions de la loi relative à l’industrie verte d’un devoir de conseil tout au long de la durée de vie d’un contrat d’assurance-vie. Il conviendra toutefois de veiller à ce que l’adoption de cette mesure s’accompagne d’une réelle amélioration qualitative de l’accompagnement de l’épargnant, au service de ses intérêts bien compris.
Recommandation n° 16 : renforcer les obligations de conseil des banques, des assurances et des conseillers en patrimoine et d’information des épargnants sur les placements en cours.
Épargne Info Service, un service à promouvoir
Depuis 2010, tout épargnant peut – en ligne via un formulaire, une plateforme téléphonique et un message privé envoyé via Facebook – contacter Épargne Info Service (EIS), centre de relations avec le public créé par l’AMF pour répondre aux questions sur les produits d’épargne financière, les intermédiaires financiers ou encore les possibles escroqueries à l’investissement.
Par ce service, l’AMF ne délivre pas un conseil en investissement ou ne recommande pas un produit ou un intermédiaire financier. Elle guide l’épargnant dans la compréhension des produits et l’aide dans les démarches à suivre s’il n’est pas satisfait d’une prestation qui lui a été fournie.
En 2021, nouvelle année record depuis sa création, le service a traité 16 756 demandes, soit 9 % de plus qu’en 2020. En 2022, revenant au flux d’avant la pandémie et un meilleur filtrage des demandes permettant de réduire le nombre de celles ne relevant pas du champ de compétence de l’AMF, EIS a traité 10 646 demandes, parmi lesquelles 7 066 demandes d’information, 2 205 réclamations et 1 375 signalements. En 2023, le nombre de demandes traitées s’est élevé à 11 816. Dans le cas d’une réclamation concernant un intermédiaire financier régulé par l’AMF, Épargne Info Service peut rediriger l’épargnant vers le médiateur de l’AMF – service de médiation gratuit et confidentiel – pour l’aider à résoudre un litige à l’amiable.
Les signalements ou les réclamations nourrissent également les activités de veille de l’AMF, et de détection de mauvaises pratiques éventuelles. Ils peuvent donner lieu à des mises en garde publiques ou encore alimenter les listes noires d’acteurs illicites.
Si l’épargnant a des questions relatives à des produits bancaires (livret A, crédit, etc.) ou d’assurance, il est invité à contacter « Assurance Banque Epargne Info Service » (ABEIS). Depuis 2010, le Pôle commun à l’ACPR et à l’AMF a notamment pour mission d’offrir un point d’entrée commun pour les demandes du public. Chaque autorité intervient sur son périmètre de compétence avec une coordination d’ensemble.
Les rapporteurs recommandent de soutenir et de promouvoir Épargne Info Service.
Source : Autorité des marchés financiers.
B. Un dÉficit de formation et d’informations financiÈres
Au cours des auditions auxquelles la mission d’information a procédé, les rapporteurs ont pu constater que l’ensemble des interlocuteurs entendus s’accordait pour reconnaître un net déficit de formation financière des ménages français. Si cette situation rend plus difficile pour l’épargnant de prendre une décision éclairée qui serve ses propres intérêts, elle n’est pourtant pas insurmontable.
1. Une insuffisante formation et information financières des ménages français
Les ménages français pâtissent d’une formation financière insuffisante, qui pourrait en partie être liée à l’absence d’une retraite par capitalisation et n’est pas sans conséquences sur leurs choix d’épargne.
Dans un article daté de 2017, le professeur Luc Arrondel définit l’éducation financière comme « une composante spécifique du capital humain qui permet aux individus de manier des concepts relativement simples pour prendre les décisions financières adéquates (épargne, investissements, endettement) » ([93]). L’OCDE, quant à elle, la définit comme « le processus par lequel un individu améliore sa connaissance des produits, concepts et risques financiers et acquiert au moyen d’une information, d’un enseignement ou d’un conseil objectif, les compétences et la confiance nécessaires pour : devenir plus sensibles aux risques et opportunités en matière financière ; faire des choix raisonnés, en toute connaissance de cause ; savoir où trouver une assistance financière ; prendre des initiatives efficaces pour améliorer son bien-être financier » ([94]).
Bien que l’idée de familiariser les individus à l’épargne soit apparue dès le début du XXe siècle, le concept de financial literacy est surtout né au début des années 2000. D’abord développée au niveau européen dans le cadre du programme Financial Literacy de l’OCDE, l’éducation financière s’est notamment caractérisée en France par la création de l’Institut d’éducation financière du public (IEFP) en 2006, issu de la transformation de l’Association nationale des porteurs français de valeurs mobilières (ANPFVM) qui avait développé plus récemment une activité de formation grand public à la bourse.
b. Une insuffisance d’informations financières envers les Français
La mesure de l’éducation financière des individus s’avère complexe et peut s’envisager de différentes manières. La mesure la plus simple, aujourd’hui devenue le format international standard, est le Big Three. Introduit par les professeurs Annamaria Lusardi et Olivia S. Mitchell, il est composé de trois questions relatives aux intérêts composés, à l’inflation et à la diversification des risques. L’autre mesure existante consiste à demander aux individus de s’auto-évaluer sur une échelle de connaissance.
L’article précité du professeur Luc Arrondel s’appuie particulièrement sur l’enquête Patrimoines et préférences face au temps et au risque (PATER) réalisée par lui-même et André Masson, en plusieurs vagues – en 2009, 2011 et 2014. Elle visait à évaluer le patrimoine des ménages tout en mesurant les préférences individuelles en matière d’épargne et les anticipations en matière financière. L’éducation financière y est essentiellement mesurée à partir des trois questions du Big Three.
D’après l’enquête PATER de 2011, moins d’un tiers des individus sont capables de répondre correctement à l’ensemble des trois questions posées. Selon M. Arrondel, les épargnants « souffriraient d’un manque d’éducation financière (“illettrisme financier”) ou de capacités cognitives limitées » et « commettraient [ainsi] des « erreurs » d’ordres, de calcul, de stratégie mais aussi d’anticipation dans le recueil et le traitement de l’information ou la formation de leurs croyances ». L’enquête réalisée par la Banque de France sur le niveau d’éducation financière des Français, à la fin de l’année 2021, corrobore ce constat puisqu’elle souligne une maîtrise insuffisante de l’inflation et des taux d’intérêt ainsi que du rapport entre risque et rendement et entre risque et diversification. Il est, par ailleurs, possible d’établir un lien entre une formation financière insuffisante et un manque de confiance dans le système bancaire et financier.
Malgré ces résultats peu satisfaisants, la France reste dans la moyenne des pays membres de l’OCDE. En effet, les Français se situent au niveau médian (30,9 % de réponses correctes), proche de celui des États-Unis (30,2 %), tandis que l’Allemagne enregistre le meilleur score. Les pays anglo-saxons seraient pour leur part plus avancés dans la mise en place de politiques publiques d’éducation financière, sans être pour autant nécessairement en tête des pays objets de l’enquête. Le livre blanc de l’Association française de la gestion financière (AFG) sur l’éducation financière ([95]) montre également que le niveau d’éducation financière en France est plus bas que dans des pays à systèmes de retraite par capitalisation comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni.
Part des adultes considÉRÉs comme compÉtents en matiÈre financiÈre
(capables de répondre à au moins trois questions sur quatre sur les concepts de base)
Source : World Bank 2014 FinLit Survey.
C’est notamment sur l’évaluation du risque que les ménages français sont le moins bien classés.
Part des rÉpondants donnant les bonnes rÉponses aux questions de base
sur les connaissances financiÈres et sur l’Évaluation du risque
Source : Allianz, International Pensions 2017.
Ces résultats globaux ne doivent pas occulter de fortes disparités au sein des populations. Outre les variables relatives à l’âge, au sexe – les femmes auraient une moins bonne formation financière que les hommes – ou à la situation sur le marché de l’emploi, le niveau d’étude et le niveau d’éducation financière sont corrélés positivement. Les facteurs idéologiques et culturels sont également à prendre en compte : les individus déclarant ne pas avoir d’opinion politique ont de moins bons scores et les électeurs des partis centristes en ont de meilleurs – il n’y a en revanche pas de différence significative entre électorat de gauche et électorat de droite.
c. Le rôle de l’éducation financière dans la prise de décision financière
Selon l’économiste italienne Elsa Fornero, l’éducation financière « permettrait non seulement de prendre les bonnes décisions mais aussi de mieux comprendre les politiques publiques et les réformes voire même de lutter contre un certain “populisme” » ([96]). L’éducation financière constitue en effet un outil d’analyse de la prise de décision financière des individus. La théorie « standard » de l’épargnant, fondée sur une double rationalité – une rationalité décisionnelle et une rationalité des anticipations –, a pour principal modèle l’hypothèse du cycle de vie. Ce dernier, développé par Franco Modigliani, postule que les individus adoptent un comportement prospectif et temporellement cohérent et consomment selon leurs préférences et leurs ressources globales tout au long de leur vie. Il peut être complété par la théorie des choix de portefeuille optimaux à la Arrow qui postule, à tort, que les individus connaissent certains principes financiers et disposent d’une certaine information sur l’environnement financier. L’économie comportementale est venue réviser ces modèles en expliquant les différents biais existants.
En outre, l’éducation financière a des effets sur la capacité des ménages à planifier financièrement et à demander des actifs risqués. D’une part, « l’éducation financière apparaît bien positivement et significativement corrélée au fait d’établir un plan financier pour le long terme » ([97]) puisque ceux ayant répondu correctement aux trois questions (Big Three) ont une probabilité de 9 points supérieure à la moyenne de se projeter dans l’avenir. D’autre part, le faible niveau d’éducation des ménages pourrait expliquer en partie la faible proportion de ménages détenant des actions en France. L’éducation financière augmenterait en effet de manière significative la détention d’actions sans pour autant affecter la part du portefeuille investie en actions bien que cette éducation financière soit une source d’incomplétude et de diversité des portefeuilles observés. L’éducation financière favoriserait donc les investissements dits risqués et de long terme, et également la création d’entreprise.
Toutefois, l’influence de l’éducation financière sur les comportements doit être relativisée. En effet, elle ne serait « qu’un facteur parmi d’autres pour expliquer les comportements des individus » ([98]) selon Luc Arrondel. Il peut par conséquent en être déduit, comme cela avait été souligné par Milton Friedman dans les années cinquante, qu’il n’est pas nécessaire de faire des individus, par l’éducation financière, des experts financiers. La pratique par l’expérience permettrait dès lors d’améliorer leur comportement jusqu’à ce qu’il devienne optimal.
2. Les voies d’une amélioration de la formation financière des Français
Une stratégie nationale d’éducation financière a été mise en place en 2016, sur la recommandation de l’OCDE, dont l’opérateur principal est la Banque de France et qui a permis quelques avancées, comme en témoignent les résultats de la dernière enquête réalisée par la Banque de France sur le niveau d’éducation financière des Français, à la fin de l’année 2023. Alors que le score de connaissances financières est stable, les scores d’attitudes (relation à l’argent) et de comportement (face aux situations pratiques) sont en progression ([99]). Des « points conseil budget » ([100]) ont été développés par le ministère des affaires sociales et la Banque de France, à destination des personnes en difficulté, ainsi qu’une formation des travailleurs sociaux. D’autre part, deux actions phares ont été réalisées dans le cadre scolaire ou périscolaire, qu’il s’agisse du passeport Educfi en classe de quatrième ou de l’animation d’un jeu « Sur la piste de Mathieu » dans le cadre du service national universel. Des ressources pour et avec des enseignants ont également été mises à disposition et l’opération « Un banquier dans ma classe » lancée par la Fédération bancaire française.
L’Institut pour l’éducation financière du public formule en outre plusieurs propositions :
– renforcer l’éducation financière par la diffusion de campagnes d’information portant sur les bons comportements à observer en matière financière ;
– poursuivre l’éducation des jeunes, par exemple en créant une discipline « éducation financière » ([101]) ou en intégrant dans le programme de certaines matières des connaissances relatives à la finance.
Les rapporteurs recommandent de mettre en œuvre ces propositions de l’Institut pour l’éducation financière du public.
Recommandation n° 17 : promouvoir des campagnes d’information sur les bons comportements à observer en matière financière et intégrer dans les programmes scolaires des connaissances relatives à la finance.
Ils suggèrent en outre d’ajouter à la liste des formations éligibles au compte personnel de formation des actions d’éducation financière qui pourraient être organisées ou labellisées par l’Institut pour l’éducation financière du public. Ils appellent également à préserver, par un soutien financier approprié, la pérennité de cette association.
Recommandation n° 18 : ajouter à la liste des formations éligibles au compte personnel de formation des actions d’éducation financière.
Enfin, au vu de l’ensemble des précédents constats, les rapporteurs préconisent d’accorder à l’épargne des Français une place à la hauteur des enjeux qu’elle revêt, dans le débat public national et le travail parlementaire.
Recommandation n° 19 : instaurer chaque année un débat au Parlement sur l’épargne des Français et créer un rapport spécial sur le sujet.
L’Institut pour l’éducation financière du public, un acteur à préserver
Créé en 2006 à l’initiative de l’AMF par transformation d’une association plus que centenaire, l’ANPFVM, qui défendait les intérêts des porteurs français de valeurs mobilières (étrangères) et avait depuis une dizaine d’années développé une activité de formation grand public à la bourse, l’association avait à l’origine pour objet la formation des épargnants. Dès la première réunion, au mois d’avril 2006, de son conseil d’administration, l’objet a été élargi à l’éducation financière de l’ensemble de la population, d’où son nom, en ciblant quatre types de publics : les jeunes (à l’école au travers de leurs enseignants), les consommateurs de produits et services financiers, les actifs en entreprises (formation et épargne salariale) et les populations en difficulté.
Cependant, ne se limitant pas à ces publics, l’association communique aujourd’hui très largement sous le nom de son site internet, La finance pour tous (https://www.lafinancepourtous.com/), qu’elle considère comme son « vaisseau amiral », avec plus de 10 millions de visites et près de 20 millions de pages vues en 2022. Il rassemble quatre univers : pratique ; décryptages ; juniors ; enseignants. S’y retrouvent de nombreux types de contenus pédagogiques : articles, outils (calculateurs très prisés), quiz, vidéos, modules pédagogiques de l’espace enseignants…
L’Institut publie également des ouvrages et participe à de nombreuses actions partenariales, telles la semaine de l’épargne salariale ou la semaine de l’éducation financière, réalise des productions – en particulier vidéos – sur demande, organise des actions dans les classes.
Agréée par le ministère chargé de l’éducation nationale, l’association intègre à ses instances un maximum de partenaires publics et privés (économistes, communicants, représentants d’associations d’épargnants, associations professionnelles) et partenaires bancaires ou assurantiels. De nouveaux statuts, adoptés en 2008, prévoient trois catégories de membres : de droit (qui participent automatiquement au conseil d’administration et au bureau) comme l’AMF ou la FBF, de soutien comme La France Mutualiste ou l’ASF, associés comme BNP Paribas, Inovéa ou l’AFG, auxquels s’ajoutent les personnalités qualifiées qui sont les plus nombreuses et parmi lesquelles sont choisis le président (actuellement M. Christian Noyer) et la trésorière (actuellement Mme Agnès de Clermont-Tonnerre). Les deux instances d’administration de l’association sont le conseil d’administration (qui réunit l’ensemble des membres, comme une assemblée générale, au moins deux fois par an) et le bureau qui se réunit plus souvent et suit l’action de l’association au plus près.
Sur le plan financier, l’association fait face à un déséquilibre profond entre ses dépenses et ses recettes. Son résultat opérationnel a quasiment toujours été négatif, mais son résultat net était souvent excédentaire grâce à son patrimoine financier, hérité de l’ANPFVM, notamment par le jeu de plus-values opportunément dégagées. Le déséquilibre du résultat opérationnel est devenu tel depuis 2022, par suite de la réduction des contributions des membres de droit et du retrait de la Banque de France, qu’il remet en question le modèle économique de l’association, toujours fragile.
Source : l’Institut pour l’éducation financière du public.
Recommandations des rapporteurs
Recommandation n° 1 : simplifier les produits d’épargne réglementée, en réduisant leur nombre et en unifiant leur régime fiscal. Ainsi les rapporteurs s’interrogent sur la possibilité de ne créer qu’un ou deux produits d’épargne réglementée afin d’améliorer sa visibilité et son rendement.
Recommandation n° 2 : ne pas augmenter la rémunération des banques pour la gestion du livret A et à terme, la supprimer.
Recommandation n° 3 : simplifier les critères permettant d’ouvrir un LEP.
Recommandation n° 4 : obliger les banques à proposer le meilleur placement d’épargne aux personnes et aux ménages.
Recommandation n° 5 : modifier les modalités de fonctionnement du livret jeune en permettant de l’ouvrir beaucoup plus jeune avec un plafond beaucoup plus élevé et un taux supérieur au livret A assis sur une « prise de risque » selon la durée entre l’ouverture du compte et la majorité du détenteur.
Recommandation n° 6 : assurer que le dispositif des PEL et CEL puisse concourir réellement à l’acquisition d’un bien immobilier ou permettre de le transférer une épargne réglementée existante en l’absence d’acquisition d’un bien.
Recommandation n° 7 : supprimer le livret d’épargne entreprise, qui n’a pas fait la preuve de son utilité.
Recommandation n° 8 : restaurer les particularités des contrats d’assurance-vie liant de manière stricte le degré de liquidité avec le rendement.
Recommandation n° 9 : garantir à l’épargne réglementée un niveau de rémunération la protégeant de l’érosion monétaire.
Recommandation n° 10 : consacrer les emplois de l’épargne réglementée populaire et des classes modestes au financement d’actifs associant rentabilité et solidité plutôt que actifs non rentables.
Recommandation n° 11: les rapporteurs contestent le maquis et l’illisibilité des frais et commissions imposés aux contrats d’assurance-vie. Une meilleure information ne suffit pas et une lutte active contre les abus s’impose.
Recommandation n° 12 : trouver une solution juste et pérenne pour mettre fin à la cristallisation du taux de rendement des PEL selon leur date d’ouverture.
Recommandation n° 13 : assurer une évaluation régulière de la pertinence et de la justification des frais et commissions appliqués aux contrats d’assurance-vie. Le cas échéant, adopter des mesures contraignantes pour éviter les politiques abusives en matière de frais et commissions appliqués aux contrats d’assurance-vie.
Recommandation n° 14 : faciliter l’accès des ménages aux fonds de private equity en assurant la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers à leur fonctionnement technique, en diffusant le recours à des fonds de private equity dans le cadre des contrats d’assurance-vie en unités de compte et en poursuivant la démocratisation des fonds de private equity.
Recommandation n° 15 : proposer un produit d’épargne géré par la Caisse des dépôts et des consignations et rémunéré à un taux assis sur une « prise de risque » selon l’âge du détenteur.
Recommandation n° 16 : renforcer les obligations de conseil des banques, des assurances et des conseillers en patrimoine et d’information des épargnants sur les placements en cours.
Recommandation n° 17 : promouvoir des campagnes d’information sur les bons comportements à observer en matière financière et intégrer dans les programmes scolaires des connaissances relatives à la finance.
Recommandation n° 18 : ajouter à la liste des formations éligibles au compte personnel de formation des actions d’éducation financière.
Recommandation n° 19 : instaurer chaque année un débat au Parlement sur l’épargne des Français et créer un rapport spécial sur le sujet.
Lors de sa réunion du 14 mai 2025, la commission a examiné les conclusions de la mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes.
M. le président Éric Coquerel. Venons-en à l’ordre du jour, qui appelle l’examen du rapport d’information relatif à la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes. Cette mission d’information, commencée sous la précédente législature, avait été interrompue le 9 juin 2024. Conformément à la décision de notre bureau, nous avons reconduit les deux rapporteurs, MM. Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet, pour finaliser ce travail. Le projet de rapport a été transmis à tous les commissaires vendredi dernier, et je cède la parole aux rapporteurs pour leur présentation.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. C’est avec une grande satisfaction que nous présentons enfin ce rapport. Je tiens à préciser que le retard dans sa présentation n’est pas imputable à la dissolution, puisque j’en porte la plus grande part de responsabilité. Je tiens d’ailleurs à présenter mes excuses à M. Jolivet, et à le remercier pour la patience dont il a fait preuve tandis que je traitais nos auditions et nos travaux. Je remercie également les administrateurs qui ont collaboré avec nous sous cette mandature et la précédente, et j’adresse une pensée reconnaissante à nos anciens collègues députés qui ont participé aux auditions et ne sont plus en fonction aujourd’hui.
Ce rapport soulève une question fondamentale formulée par M. Jolivet : qui défend véritablement les épargnants ? Cette interrogation a motivé notre groupe à proposer ces travaux. À l’issue de nos auditions et analyses, force est de constater que cette question reste d’actualité. Nous sommes au regret de conclure qu’aucune entité, que ce soit dans l’administration, le secteur bancaire, le domaine des assurances, ou parfois même au sein de la représentation nationale, ne semble réellement se préoccuper du sort des épargnants, en particulier ceux issus des classes populaires et moyennes.
Cette indifférence envers les intérêts des épargnants engendre des pertes de pouvoir d’achat considérables. Selon des études, environ 300 milliards d’euros de pouvoir d’achat ont été perdus entre 2020 et 2023 en raison de l’érosion monétaire et du manque de protection des épargnants français. Ces pertes affectent principalement les classes moyennes et populaires, les catégories plus aisées bénéficiant généralement d’un meilleur accès à l’information et au conseil financier.
Nos travaux ont permis de mettre à jour l’extraordinaire fainéantise intellectuelle du secteur bancaire et assurantiel. Lors de nos auditions, nous avons été frappés par l’absence de propositions concrètes ou d’initiatives innovantes de la part des banques afin de mieux protéger et rémunérer l’épargne. Lorsque nous leur avons demandé comment la représentation nationale pourrait les aider à protéger et améliorer la rémunération de l’épargne, nous avons entendu les mouches voler. Leur discours s’est pauvrement contenté de renvoyer à la question des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne et aux réglementations Bâle III et Solvency II, à propos desquelles elles n’avaient d’ailleurs rien à proposer. Or garantir une rémunération satisfaisante de l’épargne et permettre à tous les Français d’en bénéficier, requiert d’investir dans des activités sûres et rentables. Ces opportunités existent, et c’est un point que nous abordons en détail dans notre rapport.
M. François Jolivet, rapporteur. Notre étude s’est concentrée sur les produits d’épargne privilégiés par les Français, particulièrement ceux issus des classes modestes et moyennes. Deux grandes catégories de placement dominent et fonctionnent en silos : l’épargne réglementée et l’assurance-vie.
L’épargne réglementée comprend une multitude de livrets : le livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS), le livret d’épargne populaire (LEP), le livret jeune, le compte d’épargne logement (CEL) et le plan d’épargne logement (PEL), ainsi que le livret d’épargne d’entreprise. L’assurance-vie, quant à elle, constitue un placement patrimonial refuge, largement adopté par l’ensemble des Français. Nous avons délibérément exclu de notre analyse le plan d’épargne retraite (PER), bien que celui-ci se généralise dans de nombreuses entreprises et représente une part croissante de l’épargne des Français.
Nous estimons que l’épargne réglementée est utile mais doit faire l’objet d’une réforme afin de gagner en clarté, en efficacité et en rendement. En 2023, elle représentait près de 950 milliards d’euros, soit environ 15 % du patrimoine des Français. Ces produits offrent sécurité, simplicité, liquidité et avantages fiscaux. Cependant, leur multiplicité et leur opacité, couplées à une diffusion insuffisante des informations sur leurs conditions d’accès, soulève un certain nombre de difficultés.
Le livret A reste le placement refuge par excellence, avec 414 milliards d’euros d’encours et 56 millions de détenteurs en France. Son rôle d’outil d’intérêt général justifie la recherche de stabilité et de prévisibilité. Il est à noter que les établissements bancaires du secteur marchand, à la suite de la crise de 2008, ont obtenu le droit de collecter cette épargne réglementée, assumant ainsi une mission d’intérêt général.
Nous avons constaté avec étonnement que cette mission d’intérêt général n’est pas toujours pleinement comprise ou assumée. Le livret d’épargne populaire, mieux rémunéré, est sous-utilisé : 40 % des Français éligibles n’en possèdent pas. Cela implique que les banques remplissent mal leur rôle de conseil, puisqu’elles ne dirigent pas systématiquement l’épargne des plus modestes vers les meilleurs placements réglementés. L’argument avancé par les banques concernant l’accès au revenu fiscal de référence nous semble peu convaincant, car cette information est souvent demandée lors de l’ouverture de nouveaux comptes.
Nous proposons la suppression du livret jeune, qui ne semble plus répondre à ses objectifs initiaux. En remplacement, nous suggérons la création d’un véritable outil d’éducation à l’épargne, accessible dès le plus jeune âge, dont le titulaire conserverait la pleine propriété, y compris pour les mineurs. Cela permettrait de constituer une épargne durable, protégée de tout risque d’appropriation par des tiers, y compris les membres du cercle familial.
Nous recommandons également la suppression progressive des PEL et des CEL. Ces produits sont devenus de simples placements financiers et ne remplissent plus leur fonction initiale d’aide à l’accession à la propriété ou au financement de travaux, comme en témoigne l’âge moyen élevé de leurs détenteurs.
L’assurance-vie représentait fin 2024 un encours de 2 000 milliards d’euros. Son succès s’explique par sa souplesse, son caractère intergénérationnel et ses avantages en termes de transmission patrimoniale. Cependant, ses taux de rendement actuels sont modestes, en partie en raison de la fiscalité, mais aussi à cause des interventions législatives qui ont accru sa liquidité au détriment de sa performance à long terme. Nous invitons d’ailleurs le législateur à reconsidérer les dérogations accordées sur les assurances-vie. Bien que ces mesures puissent servir certaines politiques publiques, comme la relance de la construction, elles pénalisent in fine l’épargnant.
Notre objectif est de redonner du sens à l’épargne populaire. Depuis les années 1980, le patrimoine financier des Français a considérablement augmenté, mais sa structure s’est modifiée. La part de l’épargne liquide, majoritaire en 1978 à 68 %, est devenue minoritaire en 2023, à 34 %. En parallèle, les placements diversifiés comme l’assurance-vie, l’épargne salariale et l’épargne retraite se sont développés, reflétant une montée de compétences des épargnants qui n’est pas aujourd’hui forcément au rendez-vous.
Cependant, la complexité croissante des produits financiers pose un défi majeur. La compréhension des arbitrages possibles sur les contrats d’assurance-vie ou les plans d’épargne retraite reste difficile pour la majorité des épargnants. Le turnover des conseillers financiers, la digitalisation des services, et potentiellement l’arrivée de l’intelligence artificielle, accentuent la distance entre la banque et ses usagers. L’éducation financière des Français demeure insuffisante, laissant la majorité des épargnants démunis face à des décisions déterminantes pour leur patrimoine.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Le cœur de la problématique réside dans la protection contre l’inflation et l’érosion monétaire. Nos travaux ont permis de dresser un bilan de la situation sur une période de vingt ans et à l’issue d’une crise d’hyperinflation. Il apparaît clairement qu’il existe un problème de contrat moral entre les épargnants français, particulièrement les plus vulnérables, et les institutions censées les protéger.
Lorsqu’un épargnant ouvre un livret A, on lui assure une protection totale, notamment grâce à la garantie de l’État, garantie d’ailleurs toute théorique puisqu’elle n’est pas consolidée et n’a heureusement jamais dû s’exercer. En réalité, l’inflation constitue le véritable risque. Paradoxalement, on laisse croire aux épargnants français qu’ils sont protégés, alors que l’érosion monétaire est inévitable. À partir du moment où les banques commerciales ont obtenu l’accès à l’épargne réglementée, la formule de calcul de l’intérêt a cessé de protéger contre l’inflation. Ainsi, les épargnants, souvent mal informés sur l’érosion monétaire, pensent à tort que leur épargne est protégée, alors qu’elle ne l’est qu’en valeur nominale.
Cette rupture du contrat moral s’étend également à l’assurance-vie. Sur une période de vingt ans, certains placements ont connu une rentabilité réelle de – 8 %, ce qui soulève un problème éthique majeur. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’érosion monétaire est moins perceptible pour les petites épargnes, ce qui peut s’apparenter à un abus de faiblesse envers les classes populaires et moyennes.
La question de l’emploi de cette épargne insuffisamment rémunérée est déterminante. Bien que le financement du logement social et l’octroi de prêts bonifiés aux collectivités territoriales soient des causes d’intérêt général, il est légitime de se demander s’il est juste qu’elles soient financées par les classes populaires et moyennes, tandis que les plus privilégiés s’enrichissent avec d’autres placements. Il ne s’agit pas de remettre en question la nécessité de financer ces causes, mais plutôt de s’interroger sur l’équité de ce système.
Nous estimons que les Français pourraient financer l’économie réelle sans risque, avec des rendements plus attractifs. Il est possible de protéger contre l’érosion monétaire tout en proposant des placements plus intéressants et en soutenant l’économie réelle.
Il faut reconnaître que derrière ce problème d’érosion monétaire et de manque de confiance se cachent des intérêts bien compris. L’épargne réglementée constitue un matelas confortable pour les banques, leur permettant d’honorer leurs obligations réglementaires tout en pratiquant d’autres politiques sans lien avec l’intérêt des épargnants. De même, les services de l’État bénéficient de ce système pour financer la dette à bas coût, sans se préoccuper des conséquences pour les épargnants.
Notre objectif n’est pas de polémiquer, mais de défendre l’intérêt de l’épargnant en toute transparence. Il est impératif que la représentation nationale suive de près la situation de l’épargne et son emploi. Compte tenu de l’ampleur des montants en jeu, environ 6 000 milliards d’euros pour l’ensemble de l’épargne, le Parlement devrait chaque année examiner l’utilisation de cette épargne, tant pour l’économie réelle que pour les causes d’intérêt général, et veiller à sa meilleure rémunération.
M. François Jolivet, rapporteur. Les Français, à l’évidence, ne savent pas gérer leur épargne, et c’est pourquoi nous estimons nécessaire de promouvoir une éducation dans ce domaine. À titre de comparaison, au Royaume-Uni, même les ouvriers retraités des classes modestes consultent quotidiennement la presse financière pour suivre l’évolution de leur retraite, qui comporte une part de capitalisation. Cette éducation aux placements et à l’économie réelle est également répandue en Australie, aux États-Unis et en Allemagne, où les PER existent depuis plus longtemps. Dans ces pays, cette éducation est souvent dispensée par les organisations syndicales. En France, nous accusons un retard significatif en matière d’éducation financière.
La première et sans doute la plus importante de nos recommandations pour nous, parlementaires, consiste à instaurer un débat annuel. Celui-ci permettrait au gouvernement de saisir les parlementaires sur la doctrine d’emploi de l’épargne en France, qu’il s’agisse de l’épargne réglementée, de l’épargne assurantielle, ou des plans d’épargne retraite.
Nous préconisons également de simplifier les critères d’ouverture des livrets d’épargne populaire afin que toutes les personnes éligibles puissent en bénéficier. Concrètement, nous suggérons d’inviter les banques à demander le revenu fiscal de référence de leurs clients et à les encourager à transférer leur épargne du livret A vers le livret d’épargne populaire. Cette mesure vise à mieux protéger les classes modestes et populaires en leur offrant une rémunération plus avantageuse.
Nous souhaitons par ailleurs garantir un niveau de rémunération de l’épargne qui protège efficacement contre l’érosion monétaire. Bien que nous n’ayons pas de solution définitive, nous reconnaissons la nécessité de maintenir une certaine liquidité de cette épargne. Cependant, nous constatons que de nombreux livrets restent stables sur de longues périodes, devenant de facto des placements à long terme. Or il est légitime de s’interroger sur la pertinence de maintenir un placement à long terme au maximum du livret A sans jamais le modifier, et s’exposer ainsi à l’érosion monétaire.
Nous proposons également d’orienter l’épargne populaire et celle des classes modestes vers le financement d’actifs plus rentables. Actuellement, la direction générale du Trésor définit la doctrine d’emploi des livrets réglementés. Il conviendrait d’élargir cette doctrine auprès des gestionnaires, notamment pour le plus important collecteur, la Caisse des dépôts et des consignations.
Par ailleurs, il est impératif de lutter contre les abus en matière de frais et de commissions imposés dans les contrats d’assurance-vie. Bien que la rémunération des gestionnaires de fonds, de patrimoine et des établissements de placement d’assurance-vie soit rendue publique, il reste difficile de comprendre précisément qui gagne quoi. Nous savons que 260 000 salariés sont rémunérés par les secteurs bancaires et assurantiels, nécessairement au détriment de ceux qui ont apporté leur argent dans ces établissements.
Enfin, nous préconisons de renforcer l’obligation de conseil des banques, y compris sur les placements en cours. Il est crucial de simplifier et de rendre compréhensibles les textes adoptés par le Parlement, les banques et les établissements financiers. Bien que ces derniers respectent les réglementations et soient soumis à des contrôles, l’épargnant, qu’il soit modeste ou non, et sans éducation financière, peine à comprendre les documents qui lui sont transmis.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour cette présentation. Je partage certaines de vos analyses, notamment le constat que l’épargne réglementée, telle que le livret A, ne protège pas efficacement l’épargne des classes moyennes et populaire. C’est pourquoi je considère qu’une réindexation des instruments d’épargne réglementée sur l’inflation est nécessaire. Lorsque la rémunération de l’épargne est inférieure à l’inflation, non seulement le capital perd de sa valeur, mais le rendement est également inférieur aux attentes. Par exemple, avec une inflation à 2 % et une rémunération de 1 %, la perte annuelle sur un capital de 1 000 euros n’est pas de 20 euros, mais de 40 euros. Ce phénomène est rarement mentionné, révélant un réel manque d’information, lequel s’atténue d’ailleurs à mesure que le niveau de patrimoine augmente, les plus aisés bénéficiant du double avantage d’un accès à des produits d’épargne plus rentables et de meilleurs conseils financiers.
Cependant, je suis plus réservé concernant vos recommandations visant à faciliter les investissements en valeurs mobilières et à encourager des placements risqués, notamment votre proposition de démocratiser le capital-investissement. Ces recommandations semblent s’inscrire davantage dans une logique de financiarisation de l’épargne plutôt que dans une démarche de protection de l’épargne populaire. Au lieu de financer le logement et la transition écologique, vous proposez d’exposer les économies des classes populaires et moyennes à la voracité des marchés financiers.
Vous contestez le financement par l’épargne réglementée du logement social, de la politique de la ville, de la transition écologique et des collectivités territoriales, parce que vous semblez considérer que cela se fait au détriment des petits épargnants. Je pense au contraire que cette épargne devrait continuer à financer des projets s’inscrivant dans la bifurcation écologique et sociale, selon des pratiques différentes de celles des banques privées. Considérez-vous que la protection de l’épargne populaire soit incompatible avec son utilisation pour financer des projets d’intérêt général ?
Ma deuxième réflexion porte sur la structure de l’épargne qui, comme vous le mentionnez dans votre rapport, varie en fonction de l’ampleur du patrimoine financier. Les personnes disposant de peu de moyens se tournent vers les livrets d’épargne réglementée qui, malgré l’érosion due à l’inflation, ne présentent aucun risque. Seuls les plus riches peuvent diversifier leur épargne, car ils sont les seuls à pouvoir se permettre de perdre une partie de leur capital en investissant dans des produits risqués.
En soutenant l’idée de siphonner l’épargne populaire pour alimenter le capitalisme financiarisé, c’est-à-dire permettre, ainsi que vous le proposez, aux classes populaires et moyennes d’orienter leur épargne vers des investissements plus risqués comme le font les plus fortunés, ne craignez-vous pas de favoriser un transfert de cette épargne vers des cabinets de courtage et des sociétés de gestion qui pourraient en tirer profit ?
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avions anticipé ces interrogations dans notre rapport, et je regrette que nous n’ayons pas réussi à vous convaincre. Vos préoccupations sont légitimes et reflètent celles des épargnants qui ne souhaitent pas prendre des risques inconsidérés avec leur argent.
Au cœur de notre travail se trouve la volonté de démontrer que le risque pèse aujourd’hui principalement sur les classes populaires et moyennes. Le système financier actuel repose sur ce matelas d’épargne populaire qui n’est ni correctement valorisé, ni judicieusement utilisé. On abuse de la confiance de l’épargnant moyen, tandis que les banques prospèrent sans que ces épargnants n’en voient les bénéfices.
Nous plaidons pour un véritable capitalisme populaire où les Français seraient propriétaires de leurs entreprises. On ne peut pas à la fois déplorer que les dividendes enrichissent les plus favorisés et refuser aux classes populaires et moyennes l’accès au capital, donc aux dividendes. Aussi je comprends vos réserves, mais je pense qu’il est possible de concilier ces objectifs apparemment contradictoires en considérant que le volume de l’épargne est tel qu’il est possible d’investir dans des activités plus rentables sans pour autant exposer cette épargne à des risques excessifs.
Nous déplorons les difficultés que nous avons rencontrées pour obtenir des informations précises de la part de Bercy, de la Banque de France et des différents lobbies bancaires, et c’est cette paresse et cette indifférence vis-à-vis de l’épargne populaire que j’ai voulu pointer au début de mon introduction. On nous affirme en effet que les 900 milliards d’euros d’épargne doivent impérativement être liquides, car tout pourrait être retiré du jour au lendemain. Or, le cumul historique des retraits s’élève, de mémoire, à 10 milliards d’euros en deux siècles. En réalité, la liquidité parfaite de l’épargne ne révèle que le désintérêt des banques pour son utilisation. Il ne s’agit que d’un prétexte pour priver les épargnants des classes populaires et moyennes d’une rémunération équitable.
À la vérité, c’est bien le système français qui craint l’épargne, et non les Français eux-mêmes. L’économie réelle n’est pas intrinsèquement risquée. On qualifie à tort certains éléments de risqués pour susciter la crainte, alors qu’une gestion durable est tout à fait possible, comme le démontrent de nombreux exemples. Il ne s’agit pas de spéculer, mais d’assurer la transparence, qui fait actuellement défaut. Les épargnants financent involontairement des activités spéculatives sans en tirer aucun bénéfice.
Je tiens à clarifier notre position : nous ne nous opposons pas au financement du logement social et des causes d’intérêt général. Cependant, il faut reconnaître que ce sont actuellement les classes moyennes, et non les plus privilégiés, qui supportent ce financement. Il est légitime de s’interroger sur la raison pour laquelle les plus aisés ne participeraient pas davantage à cet effort, plutôt que de faire systématiquement peser cette charge sur les mêmes catégories de la population.
M. François Jolivet, rapporteur. La doctrine d’emploi des fonds d’épargne est définie par la direction générale du Trésor, tandis que la Caisse des dépôts et des consignations, en tant que principal collecteur, en détermine ensuite les modalités d’utilisation. Mon corapporteur l’a dit, notre objectif n’est nullement de remettre en question le financement du logement social par l’épargne populaire ou toute autre forme d’épargne. Cependant, il convient de rappeler que les gestionnaires d’épargne, qu’il s’agisse de la Caisse des dépôts et des consignations ou d’autres établissements financiers, bénéficient actuellement d’une marge considérable entre la rémunération offerte aux épargnants et le rendement réel des placements. Lorsqu’ils rémunèrent un placement à 1 %, ils placent cet argent à des taux s’élevant jusqu’à 5 % et encaissent la différence.
Notre proposition vise simplement à offrir aux épargnants français une meilleure rémunération et un partage plus équitable des bénéfices. Nous envisageons la possibilité de créer des produits structurés qui pourraient combiner différents types d’épargne, incluant par exemple une part sur le livret d’épargne populaire, une autre sur le livret A, et une troisième sur un produit offrant une meilleure rémunération. Il ne s’agit pas de faire des promesses irréalistes aux épargnants, mais plutôt d’assurer une répartition plus juste des rendements entre les gestionnaires et les détenteurs de l’épargne.
Notre intention n’est pas non plus de déstabiliser le système financier français, mais d’explorer, avec humilité, la possibilité d’offrir des produits structurés similaires à ceux autorisés par le Parlement pour les PER, qui offrent une meilleure rémunération que le livret A. Nous proposons d’étendre cette approche à d’autres formes d’épargne, y compris le livret jeune que nous envisageons de transformer en un livret éducation jeune.
Plutôt que remettre en cause l’utilisation de l’épargne pour le financement des politiques publiques et de l’économie, notre démarche consiste à explorer des moyens d’améliorer la rémunération tout en maintenant ces fonctions essentielles. Il ne s’agit donc aucunement, monsieur le président, de financiariser à outrance ou d’exposer les épargnants à des risques inconsidérés. D’ailleurs, les gestionnaires de fonds, y compris la Caisse des dépôts et des consignations, utilisent déjà l’épargne du livret A pour investir dans le CAC 40. Notre objectif est simplement d’assurer une répartition plus équitable des bénéfices entre toutes les parties prenantes.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie. Nous en venons aux questions du rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La lecture de votre rapport m’a laissé quelque peu perplexe, et ce pour plusieurs raisons. Commençons par le livret A, qui bénéficie d’une exonération fiscale mais qui, comme vous le démontrez dans votre rapport, est en réalité un instrument de perte de pouvoir d’achat sur le long terme. On justifie son existence par son rôle dans le financement du logement social, mais force est de constater que le LDDS et le livret A n’y contribuent que de façon marginale. Certains utilisent le livret A comme un outil d’optimisation de leur trésorerie, notamment parce que le droit français ne prévoit généralement pas de rémunération des dépôts bancaires sur les comptes courants. Ce point, que vous n’avez pas abordé, mérite attention car il implique que des personnes aisées utilisent le livret A à des fins d’optimisation financière, celui-ci offrant une meilleure rémunération que les comptes bancaires classiques.
Ma deuxième interrogation porte sur le CEL et le PEL. Ne serait-il pas judicieux de simplifier ce système en réduisant le nombre de produits d’épargne ? Au lieu des sept produits actuels, un ou deux ne suffiraient-ils pas ? Faut-il envisager la suppression ou la mise en extinction du CEL et du PEL, sachant que leur utilisation effective pour l’acquisition d’un logement est très minoritaire, particulièrement pour le CEL ? Avez-vous des données précises sur le pourcentage de ces fonds effectivement utilisés pour l’achat d’un bien immobilier ?
Concernant l’assurance-vie, votre rapport met en lumière la perspicacité des épargnants français. Ils ont bien compris que la rémunération des fonds en euros était proche de zéro ces dernières années, alors que les unités de compte offraient de meilleures perspectives. Sur le long terme, les unités de compte ont affiché des rendements d’environ 3 %, tandis que les fonds en euros sont parfois tombés en dessous de 1 %.
Vous soulevez à juste titre la question de la transparence des frais de gestion. Je rappelle qu’un relevé détaillé des commissions perçues est désormais fourni chaque année, distinguant celles revenant à la banque de celles destinées aux organismes intermédiaires. Ces prélèvements absorbent parfois jusqu’aux deux tiers de la rentabilité de ces produits. Vous suggérez un plafonnement de ces rémunérations, mais je m’interroge sur la faisabilité technique d’une telle mesure et sur ses modalités d’application, d’autant plus que l’effort de transparence accrue n’a pas entraîné une baisse significative des placements en unités de compte. Avez-vous obtenu des informations sur la rentabilité de ces produits pour les banques ?
Il est intéressant de noter qu’en dépit des périodes où les prêts n’étaient pas rentables, voire généraient des marges négatives pour les banques, leurs résultats ne se sont pas effondrés. Cela s’explique en grande partie par l’explosion des commissions, un aspect que votre rapport n’a pas approfondi mais qui me semble crucial, notamment dans le contexte de vos propositions d’encadrement.
Enfin, je regrette que vous n’ayez pas évalué le coût en termes de dépenses fiscales de l’ensemble de ces produits d’épargne. Quel est le montant total de ces dépenses ? Lors d’un précédent travail mené au sein de cette commission, j’avais été surpris de constater que personne n’était en mesure de nous fournir une estimation précise, notamment du coût de l’exonération fiscale de l’assurance-vie.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. J’aimerais vous apporter des réponses précises, monsieur le rapporteur général, mais à nouveau j’insiste sur la frustration qui a été la nôtre face à l’indigence, pour employer un euphémisme, des réponses des banques aux questions, pourtant concrètes, que nous leur avons adressées à l’oral et par écrit. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai suggéré au président de la commission des finances de poursuivre nos travaux.
De même, le ministère de l’économie et des finances s’est montré avare d’informations, par exemple sur les données relatives à l’impact fiscal des dispositifs évoqués. Nous disposons certes d’une estimation du surcoût lié à la sur-rémunération de certains PEL, chiffré à environ 3 milliards d’euros. Cependant, nous ne pouvons que déplorer la grande opacité qui persiste sur les sujets que vous soulevez.
La prudence de certaines de nos recommandations s’explique par notre volonté de ne pas perturber la confiance des Français. Aborder des sujets tels que l’érosion monétaire ou évoquer la suppression de certains livrets pourrait, en effet, être source d’inquiétudes injustifiées si ces informations étaient mal interprétées ou exploitées de manière inappropriée par les médias. Notre objectif n’est pas de créer une panique ni de favoriser la promotion ou la dépréciation de certains placements, et si nous alertons avec vigueur sur le nombre excessif de produits d’épargne, nous n’ignorons pas l’économie repose sur la confiance et une information juste.
Les avantages fiscaux à l’évidence ne profitent pas aux catégories populaires. Quant aux grandes fortunes, on peut sans se tromper affirmer que les 22 950 euros du livret A ne représentent pas pour elles un levier d’optimisation significatif. Au fond, nous avons l’impression que les banques et les assurances n’ont rien d’autre à proposer que des avantages fiscaux offerts par l’État et des conditions de financement liées à la Banque centrale européenne, comme si elles ne jouaient qu’un rôle d’intermédiaire entre celles-ci et n’apportaient aucune réelle valeur ajoutée pour leurs clients. Déjà Colbert, au XVIIe siècle, dénonçait les financeurs de l’époque qui réclamaient des avantages à l’État, faute de pouvoir rémunérer correctement leurs épargnants.
M. François Jolivet, rapporteur. De nombreuses familles aisées détiennent plusieurs livrets A, et il est vrai que cette situation interroge. Cependant, les besoins de liquidité concernent essentiellement les catégories modestes et populaires.
Nous avons bien cherché à connaître le coût de la niche fiscale liée à la transmission des contrats d’assurance-vie. Malheureusement, nous n’avons pas pu, comme vous, obtenir de réponse.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à présent aux interventions des orateurs de groupe.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Cette mission d’information était nécessaire, car les divers rapports institutionnels sur ce sujet ne reflètent pas pleinement la réalité d’un système qui porte préjudice aux intérêts des épargnants français. La défense de ces derniers est au cœur des préoccupations du Rassemblement national et de Marine Le Pen depuis de nombreuses années.
Votre enquête, messieurs les rapporteurs, met en lumière des chiffres alarmants. Entre 2003 et 2023, 1 000 euros conservés sans placement ont perdu 32 % de leur valeur en raison de l’inflation. En comparaison, la même somme placée sur un livret A atteint nominalement 1 400 euros, mais seulement 936 euros en euros constants, autrement dit le taux d’intérêt ne compense pas l’inflation. Plus préoccupant encore, vous estimez à 300 milliards d’euros la perte de pouvoir d’achat en deux ans, de 2021 à 2023, pour les produits réglementés tels que le livret A, le LDDS, le LEP, et les assurances-vie en fonds euros. Cette érosion du pouvoir d’achat affecte principalement les épargnants modestes.
Cette situation est doublement dommageable : elle pénalise nos concitoyens qui voient leur pouvoir d’achat diminuer, mais aussi notre économie qui manque de capitaux, conséquence directe d’une mauvaise allocation de l’épargne. L’épargne populaire, estimée à 750 milliards d’euros en 2017, atteindrait aujourd’hui 900 milliards d’euros. Ce montant dépasse largement les besoins d’un fonds souverain dont la France a besoin pour soutenir ses secteurs stratégiques.
Dans ce contexte, comment envisagez-vous d’articuler vos propositions sur l’épargne avec les préconisations du Rassemblement national relatives à la création d’un fonds souverain ?
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je ne voudrais pas abuser de ma position de rapporteur et de député du groupe RN, et je pense que cette question mérite une discussion plus approfondie dans un autre cadre.
Néanmoins, le point que vous soulevez, et que nous n’avons peut-être pas suffisamment développé dans notre rapport, concerne le sous-financement chronique de l’économie française. Ce problème a d’ailleurs été récemment évoqué au Sénat par Arnaud Montebourg, dans des termes assez proches des nôtres.
La mauvaise rémunération de l’épargne engendre effectivement un sous-financement de notre économie, de nos infrastructures, de notre tissu industriel et des investissements d’avenir, y compris ceux liés à la transition écologique. Cette situation résulte en grande partie du fait que les banques et les assurances ne font pas leur métier. Et se défaussent, lorsque nous les poussons dans leurs retranchements, tantôt sur l’Europe, tantôt sur Bâle III ou Solvency II.
Cette situation place l’économie française dans un état de sous-investissement et de sous-financement chronique, ce qui est extrêmement problématique. Cela affecte non seulement la prospérité de notre nation, mais aussi la capacité à mieux rémunérer l’épargne en général, notamment via la croissance économique. L’épargne ne devrait pas être considérée comme un simple coffre-fort dans lequel on puiserait occasionnellement, mais comme un fonds dynamique, contribuant activement à la prospérité collective et générant des rendements.
En définitive, derrière la mauvaise utilisation de l’épargne des Français et le scandale que vous dénoncez à juste titre, se cache le problème fondamental du sous-financement de l’économie française.
M. Daniel Labaronne (EPR). Nous partageons certains de vos constats, notamment l’aversion au risque des gestionnaires de l’épargne des Français, le manque d’information concernant les pratiques tarifaires, et l’insuffisance d’uneéducation financière. Rappelons qu’actuellement 1 000 milliards d’euros sont placés sur des dépôts bancaires non rémunérés, une situation unique en Europe. Nous reconnaissons également la nécessité d’orienter l’épargne vers les actifs immobiliers pour financer les fonds propres des entreprises et leurs investissements.
Cependant, il convient de nuancer certaines de vos analyses. Selon les chiffres de la Banque centrale européenne relayés par la Banque de France, le taux d’intérêt moyen pour les dépôts d’épargne en France s’établit à 2,1 %, soit 0,6 point de plus que la moyenne de la zone euro. En outre, notre offre diversifiée de produits d’épargne réglementée permet aux épargnants de disposer d’un choix plus large. Il convient également de rappeler que la rémunération de l’épargne permet de proposer des crédits à taux fixes, notamment pour l’habitat, ce qui constitue une spécificité française. C’est pourquoi il me semble essentiel de maintenir un équilibre entre la rémunération de l’épargne et le coût de financement de l’économie
J’aimerais vous adresser trois questions. Premièrement, vous n’évoquez pas dans votre rapport le projet européen de l’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI). Ne pensez-vous pas que la création de cette union permettrait d’instituer un marché financier plus profond, offrant des perspectives d’investissement plus larges et donc plus favorables à la rentabilité de l’épargne des Français ?
Deuxièmement, que pensez-vous de la mise en place d’un fonds de capitalisation pour financer la retraite individuelle en complément du système de répartition ? Un tel fonds, axé sur le long terme, n’offrirait-il pas des perspectives de rentabilité plus élevée ?
Enfin, quelles informations spécifiques souhaiteriez-vous que les conseillers bancaires ou assurantiels fournissent à leurs clients afin de leur permettre de mieux allouer leur épargne ?
M. François Jolivet, rapporteur. Je vous accorde que le fonds de capitalisation est une idée à considérer sérieusement.
Sur le défaut d’informations livrées aux épargnants, il me semble que la relation entre les clients et leurs conseillers bancaires s’est considérablement détériorée. Beaucoup de Français ne connaissent plus leur conseiller, et quand ils le connaissent, celui-ci change fréquemment. Les banques reconnaissent d’ailleurs cette faiblesse de la relation avec leurs clients, et disent chercher à y remédier. Mais l’avènement de l’intelligence artificielle dans ce domaine soulève des inquiétudes, car elle risque de réduire encore le contact humain et les explications personnalisées. L’éducation financière n’en revêt que davantage d’importance, et nous préconisons dans notre rapport de la renforcer.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avons auditionné des représentants des agents bancaires, qui nous ont confié la grande souffrance qu’ils éprouvent dans l’exercice de leur métier, et le sentiment de ne plus pouvoir conseiller efficacement leurs clients. Les règles de management mises en place par les banques depuis une décennie ont considérablement détérioré le lien entre les entreprises, les familles et les agents bancaires. Cette approche, basée sur l’idée qu’il ne faudrait pas connaître ses clients pour éviter les conflits d’intérêts, semble totalement inadaptée pour l’écrasante majorité des Français. Lorsque nous avons interrogé les directions des banques sur les manières d’améliorer le conseil bancaire, elles nous ont simplement répondu en menaçant de fermer des agences dans nos circonscriptions – cela pour vous donner une idée, encore une fois, du niveau de l’argumentation.
Envisager la question du marché unique des capitaux en Europe n’est pas séparable de la défense des intérêts français. Notre épargne constitue un avantage compétitif qu’il convient de préserver, et il serait imprudent de favoriser des pays qui n’ont peut-être pas eu le même souci de l’épargne populaire. Nous observons en effet des différences significatives dans les comportements d’épargne entre les pays de culture protestante et ceux de culture catholique, dans lesquels des restes d’idéologie bourgeoise cultivent l’idée que le bon peuple n’est pas capable de comprendre et doit s’en remettre aux notables éclairés.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je souhaite revenir sur la question soulevée par M. le président. Vous affirmez que vos propositions permettraient de diriger l’épargne populaire vers l’économie réelle, mais je peine à comprendre comment cela serait possible concrètement.
Vous reconnaissez que les banques et les instituts financiers utilisent l’épargne populaire pour générer une rentabilité supérieure, dont les petits épargnants ne bénéficient pas. Dans ce contexte, la solution la plus évidente serait simplement d’augmenter les taux de rémunération des produits d’épargne populaire existants. Or, ce n’est pas exactement ce que vous proposez.
Votre suggestion semble plutôt être d’encourager les petits épargnants à investir dans ce que l’on pourrait appeler des bulles spéculatives. Monsieur Tanguy, vous expliquez même que l’objectif est que tout le monde puisse toucher des dividendes, ce qui ne laisse pas de surprendre de la part d’un membre du Rassemblement national, qui prétend habituellement défendre la valeur du travail.
Toucher des dividendes ne contribue pas nécessairement au fonctionnement de l’économie réelle. Ces dernières années, nous avons battu tous les records de versement de dividendes, principalement au bénéfice des plus riches. Parallèlement, les valeurs boursières ont atteint des sommets historiques. Mais quel a été l’impact réel de cette pluie de dividendes sur l’investissement productif dans notre pays ? Quelle a été l’utilité concrète de cet argent dans l’économie réelle ?
Ce que vous proposez revient à utiliser l’épargne populaire pour alimenter des bulles financières et spéculatives qui n’auront aucun impact positif sur l’économie réelle. Au contraire, cela risque de continuer à vider les entreprises de leurs ressources au profit de ceux qui touchent des dividendes.
Il convient d’adopter une approche radicalement différente : assurer une rémunération sûre et en hausse de l’épargne populaire, garantir de bons salaires, et favoriser des investissements directs dans les entreprises. C’est ainsi que nous pourrons véritablement soutenir l’économie réelle et améliorer la situation financière des Français.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je tiens d’emblée à souligner que notre approche n’a rien d’autoritaire ni de coercitif envers les épargnants français. Je crois fermement au capitalisme populaire et je rejette cette opposition systématique entre travail et capital. Il est paradoxal de constater que vous refusez aux Français la possibilité d’avoir voix au chapitre dans leurs entreprises, tout en critiquant le pouvoir des fonds d’investissement sur ces mêmes sociétés.
Notre proposition s’inscrit dans le cadre des institutions existantes, gérées dans l’intérêt général. Bien entendu, l’objectif est d’offrir des rendements supérieurs à l’inflation, voire plus attractifs sur le moyen et le long terme. Cependant, cela nécessite des activités économiques sous-jacentes performantes. Il ne s’agit pas de transformer les HLM en entités rentables ou d’imposer des taux usuraires aux collectivités, ce qui serait contraire à la mission de service public.
Les dividendes sont le fruit du travail des Français, ce n’est pas un terme péjoratif. En donnant plus de pouvoir aux salariés dans les entreprises, ceux-ci pourraient potentiellement réduire ces dividendes au profit d’autres investissements. Il est intéressant de noter que les classes populaires et moyennes ont tendance à réinvestir leurs dividendes dans le capital, contrairement à certains actionnaires qui les utilisent à d’autres fins. Plus le capitalisme populaire est ancré dans les classes moyennes, plus il devient raisonnable. Je suis convaincu que la fin du privilège financier conduira à un capitalisme plus responsable et potentiellement plus écologique.
Mme Sophie Pantel (SOC). Je tiens à souligner quelques points d’accord avec votre rapport, notamment sur la nécessité de formation à la culture financière et sur le besoin de conseil pour les épargnants.
Cependant, vous semblez affirmer que l’épargne réglementée ne finance pas l’économie réelle. Je me permets de rappeler que le financement du logement et du secteur du bâtiment, ainsi que celui de la transition écologique et des collectivités, constituent bel et bien un soutien à l’économie réelle. Et que l’on ne peut pas toujours en dire autant des marchés financiers.
Pour les épargnants modestes, l’essentiel est de protéger le fruit de leur travail et de pouvoir faire face aux imprévus. Il serait populiste de laisser croire à l’existence d’un placement à la fois liquide, très rémunérateur et sans risque. Je vous renvoie aux récents propos de la présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a clairement établi le lien entre rendement élevé et risque.
Vous évoquez un modèle en mesure d’améliorer la rentabilité de l’épargne populaire, mais vous n’en précisez pas la nature. De même, vous mentionnez que les banques devraient proposer de meilleurs produits, mais sans en détailler le modèle financier. Enfin, vous soulignez que l’assurance-vie repose essentiellement sur des avantages fiscaux, mais encore une fois sans formuler de recommandations concrètes.
M. François Jolivet, rapporteur. Notre première proposition concrète concernant l’épargne réglementée est d’exiger des établissements bancaires qu’ils proposent systématiquement le livret d’épargne populaire à tous ceux qui y ont droit. Actuellement, 40 % des personnes éligibles n’en bénéficient pas et placent leur argent sur le livret A.
Nous reconnaissons évidemment que le financement du logement et de la transition écologique s’inscrit dans l’économie réelle. Mais la question porte plutôt sur la pertinence de proposer aux personnes modestes un placement à 0,5 % pour ces investissements, malgré la liquidité, puisque les assurances-vie offrent un rendement à 1,1 % et sont devenues liquides à 70 %.
Nous n’avons pas souhaité porter de jugement définitif sur les assurances-vie par souci d’éviter toute polémique inutile. En revanche, les gestionnaires de patrimoine nous ont confirmé que l’argument de la défiscalisation est souvent déterminant dans le choix de ce placement, parfois au détriment d’une réflexion sur le taux de rendement. Cela concerne particulièrement les personnes de 60 ans qui, déjà à la retraite, cherchent à placer l’argent de leur héritage en bénéficiant d’une forme d’optimisation fiscale. C’est en ce sens que j’ai parlé de niche fiscale.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Nous avons clairement indiqué dans notre présentation que nous ne cherchions pas à dégrader le financement du logement social ou des collectivités, ni prétendu qu’il soit possible d’obtenir une rémunération plus élevée sans contrepartie. Nous considérons que générer du rendement requiert des activités rentables. Il ne s’agit pas d’exposer l’épargne des Français à des rentabilités extravagantes de 15 % comme peuvent le faire les plus privilégiés. Mais cette opposition entre 1 % et 15 % est fallacieuse. Ce n’est pas une alternative, il existe un entre-deux. Si par exemple les Français possédaient leurs autoroutes, cela aurait constitué une activité sûre et rentable.
En outre, c’est bien la masse de l’épargne réglementée qui permet de maintenir sa liquidité. Dans le plus catastrophique des scénarios, seuls 10 des 900 milliards d’euros de l’épargne populaire seraient nécessaires pour assurer cette liquidité. Autrement dit, 890 milliards d’euros pourraient être alloués de manière plus dynamique. Il est regrettable de raisonner en termes binaires et d’opposer liquidité et rentabilité. Il existe une voie médiane qui allie les deux, bénéfique pour tous, comme le démontrent certains pays nordiques, notamment la Norvège.
M. Corentin Le Fur (DR). Je vous remercie, messieurs les rapporteurs de vous être emparés de ce sujet d’une importance capitale, et je partage entièrement vos constats. Il est en effet choquant de constater la faible valorisation et la faible rémunération de l’épargne populaire. Les rendements insuffisants et les sous-financements chroniques appauvrissent en réalité les petits épargnants, ce qui est inacceptable. Je suis également interloqué par l’injustice flagrante que représente la progression des cours de bourse depuis des décennies, bénéficiant essentiellement aux banques et aux plus favorisés, au détriment des petits épargnants qui, eux, s’appauvrissent.
Je crois fermement, comme vous, à l’idée d’un capitalisme populaire, une idée très gaullienne. Il est temps de renverser la situation en s’inspirant du modèle anglo-saxon, où les classes populaires et les ouvriers bénéficient d’une éducation financière plus poussée et s’intéressent davantage aux marchés, ne laissant pas ces avantages aux seules catégories fortunées.
J’aimerais savoir comment, selon vous, nous pouvons concrètement améliorer l’éducation financière et intéresser le plus grand nombre, notamment les classes moyennes et populaires, à l’économie réelle. Comment les inciter à financer cette économie réelle, leur permettant ainsi d’avoir un pouvoir de décision dans les entreprises où ils investissent, voire d’influencer les positions de ces entreprises ? Cette approche serait non seulement rémunératrice mais aussi vertueuse.
Par ailleurs, avez-vous examiné la possibilité de permettre aux épargnants de choisir plus librement les entreprises ou les projets dans lesquels ils souhaitent placer leur épargne ? Nous constatons en effet que les petits épargnants, en particulier, disposent souvent de peu d’informations et sont même susceptibles d’être induits en erreur par les banques quant à la destination réelle de leur épargne. Ils n’ont que peu ou pas d’influence sur l’utilisation de leurs fonds, alors qu’ils pourraient choisir des projets écologiquement vertueux, par exemple, ou des entreprises et des secteurs qu’ils jugent prioritaires. Outre l’amélioration de la rémunération de l’épargne populaire, que proposez-vous pour favoriser davantage de choix et de libre arbitre dans la destination de cette épargne ?
M. François Jolivet, rapporteur. L’éducation financière des Français constitue effectivement un enjeu majeur. Les ministres de l’économie qui se sont succédé ont tous souligné la difficulté de communiquer efficacement sur les questions économiques avec les Français, notamment en ce qui concerne leurs propres placements.
Nous constatons néanmoins quelques progrès. Les Français bénéficiant de PER ouverts avec leur entreprise reçoivent désormais des supports d’information. Les directions des ressources humaines imposent souvent aux gestionnaires de PER d’intervenir dans l’entreprise pour expliquer le fonctionnement de ces dispositifs, offrant ainsi un contact humain qui fait désormais défaut dans les établissements bancaires et assurantiels.
Une de nos recommandations vise à permettre aux Français d’utiliser leur compte personnel de formation (CPF) pour accéder à cette éducation financière. Il est crucial de sensibiliser toutes les classes sociales, y compris les plus aisées qui, paradoxalement, laissent souvent leurs avoirs sur des comptes bancaires non rémunérés par manque de connaissances financières.
Je pense qu’un débat parlementaire annuel consacré aux modalités de gestion de l’épargne des Français, couvrant les produits réglementés, l’assurance-vie et les PER, serait à même de sensibiliser le public et pourrait inciter les établissements bancaires à proposer de meilleures rémunérations par le biais de la concurrence.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. À cet égard, il convient de remarquer la flagrante absence de concurrence entre les banques en matière de gestion de l’épargne, ce qui trahit une absence de stratégie et un désintérêt. Parfois quelques banques étrangères lancent des campagnes promotionnelles de courte durée pour attirer la clientèle. Les grandes banques commerciales françaises quant à elle ne font même pas l’effort de proposer des rémunérations plus attractives aux épargnants français.
Vous avez évoqué, monsieur Le Fur, le libre choix par les Français de l’allocation de leur épargne. Sur ce point, nous sommes confrontés à un problème majeur de réglementation européenne, également lié à la Banque centrale européenne. Il faut comprendre que l’aversion au risque excessive ne provient pas du peuple, mais de réglementations qui, en cherchant à éviter tout risque, limitent considérablement les choix. Tout ce qui excède des rendements minimes est considéré comme risqué, à l’exception des bons du Trésor. La doctrine réglementaire post-crise se trouve prisonnière de cette approche, de cette peur excessive du risque qui, paradoxalement, engendre elle-même un risque majeur : le sous-financement de l’économie.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Cette mission d’information permet d’ouvrir un débat essentiel sur l’utilité sociale de l’épargne, sa rémunération et son allocation judicieuse. Notre groupe partage pleinement le constat concernant la sous-rémunération des produits d’épargne populaire face à l’inflation, entraînant une érosion du pouvoir d’achat des ménages modestes et des classes moyennes, même lorsqu’ils épargnent de manière prudente et responsable.
Cependant, nous jugeons ce rapport relativement partiel. L’épargne ne doit pas être considérée uniquement comme un produit à optimiser, mais comme un levier stratégique. Elle doit certes être mieux rémunérée, mais surtout mieux orientée au service de l’intérêt général, de la justice sociale et de la transition écologique. C’est là que réside l’enjeu d’une véritable politique publique de l’épargne.
Or nous constatons une omission majeure dans le modèle de capitalisme populaire que vous proposez : l’écologie. Le rapport reste en effet étonnamment silencieux sur les critères environnementaux et sociaux des placements proposés. Pourtant, la question de l’épargne ne peut plus être abordée sans prendre en compte les impératifs liés à la transition écologique. La financiarisation de l’épargne populaire doit être orientée vers des projets et une économie durables.
Nous plaidons pour une mobilisation de l’épargne populaire en faveur d’une économie bas carbone, solidaire et locale. Cela implique d’orienter l’épargne vers des investissements verts, des coopératives d’énergie et le logement social durable, au-delà des seuls actifs performants pour les classes moyennes supérieures.
De plus, le rapport néglige la question des inégalités d’accès à l’épargne. Bien que l’amélioration de la rémunération de l’épargne des classes moyennes soit importante, il ne faut pas oublier que 20 à 30 % des ménages ne possèdent aucun patrimoine financier. Ces citoyens ont besoin d’un soutien direct au pouvoir d’achat, de services publics solides et d’une véritable politique du logement. À ce titre, ne devrions-nous pas prioritairement réduire le non-recours aux LEP et créer un produit d’épargne populaire sans frais, garanti et vert, géré par la Caisse des dépôts et des consignations ?
Enfin, ce rapport reste enfermé dans une logique très technicienne. Il critique à juste titre l’inefficacité de certains dispositifs, mais ne remet pas en question la place centrale des banques privées dans la gestion de l’épargne réglementée, ni le niveau élevé de leurs marges d’intermédiation, obtenues sans contrepartie suffisante. La réflexion sur un service public de l’épargne à long terme fait défaut.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je trouve vos remarques quelque peu sévères. Sur le rôle central des banques privées dans la gestion de l’épargne réglementée, notre position est ferme, puisque nous recommandons non seulement de ne pas céder à leur demande d’augmentation de la commission pour la gestion de l’épargne réglementée, mais d’envisager sa suppression.
De même, nous soulignons dans notre rapport l’absence de critères sociaux et environnementaux, ainsi que la confusion entre les différents livrets. Ainsi le LDDS, initialement conçu comme un instrument d’épargne à vocation environnementale et sociale, a fini par se confondre avec le livret A. En réalité, l’ensemble des livrets a perdu sa spécificité pour devenir une masse indifférenciée d’épargne réglementée, utilisée de manière uniforme.
Nous ne nous opposons pas à l’idée d’un livret aux objectifs clairement définis, avec un rendement adapté. Nous reconnaissons que certaines activités, notamment dans l’économie sociale et solidaire, sont naturellement moins rentables que d’autres formes d’économie, ce qui n’est pas une critique en soi. Chacun devrait pouvoir choisir d’allouer son épargne à des causes nobles, même si elles sont moins lucratives. Notre priorité est d’assurer une transparence relative à l’utilisation de l’épargne, en veillant à ce que chaque livret, s’il en subsiste, dispose d’une finalité spécifique et clairement affichée.
M. François Jolivet, rapporteur. Le LDDS, cet acronyme dans lequel a été ajouté postérieurement le S de solidaire, représente actuellement un encours de 150 milliards d’euros et fonctionne essentiellement comme un doublon du livret A. Les banques sont tenues de rendre compte auprès des autorités concernant l’utilisation de ces fonds, puisque le LDDS est soumis à une doctrine d’emploi spécifique. Cependant, je dois admettre que les modalités précises de cette justification me sont inconnues. Cette question, d’ailleurs, mériterait certainement un examen approfondi de la part du Parlement.
Notre rapport, madame Arrighi, se veut modeste : il s’appuie sur plusieurs constats – l’érosion monétaire qui affecte particulièrement les plus modestes, le manque d’éducation économique des Français, et les insuffisances du conseil financier – qu’il vise à surmonter tout en maintenant un équilibre entre liquidité et performance à long terme.
Mme Perrine Goulet (Dem). Je souhaite aborder un aspect qui préoccupe grandement les Français : l’accession au logement et à la propriété.
Plusieurs livrets d’épargne sont liés au secteur du logement. Outre le PEL et le CEL, le livret A permet de financer le logement social et la rénovation urbaine, et le LDDS contribue à la rénovation énergétique. Cependant, comme vous le soulignez dans votre rapport et comme l’a déjà relevé la Cour des comptes, le PEL est détourné de son objectif initial d’aide à l’accession à la propriété pour devenir un simple produit d’épargne à long terme.
Il importe de rappeler que l’usage de 30 % des fonds du livret A est à la discrétion des banques, tout comme l’intégralité du LEP. En outre, les taux proposés pour d’éventuels prêts assortis aux CEL et aux PEL, lorsqu’ils sont proposés, ne sont souvent pas compétitifs par rapport aux offres bancaires classiques. Cette situation remet en question l’utilité de maintenir ces produits sous leur forme actuelle. Continuer à orienter les Français vers des produits qui ne remplissent pas leurs promesses en termes de prêts avantageux revient à tromper les épargnants, particulièrement les plus modestes.
J’aimerais connaître votre opinion sur les réformes à envisager pour créer un véritable support d’accès à la propriété. Comment pourrions-nous garantir que des produits comme le LEP ou la part de 30 % du livret A soient effectivement utilisés pour le logement, notamment le logement social ? Il me semble indispensable de développer deux axes distincts : l’un dédié au logement social et l’autre à l’accession à la propriété.
M. François Jolivet, rapporteur. Concernant l’accès des opérateurs HLM au financement de la Caisse des dépôts et des consignations, je tiens à préciser que les règles d’utilisation du livret A restent inchangées. La Caisse des dépôts ne peut refuser un prêt, sauf en cas de difficultés financières avérées d’un organisme HLM. Notre objectif est de garantir que les opérateurs puissent continuer à accéder à ces crédits dans des conditions similaires à celles d’aujourd’hui. Notre rapport met simplement en avant que les personnes très fortunées ne contribuent pas à ce système.
Pour favoriser l’accession à la propriété, le Parlement a adopté en début d’année une loi de finances qui fait du prêt à taux zéro la principale aide à l’accession à la propriété dans l’ensemble du territoire français, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien. C’est donc le budget général de l’État qui supporte cet effort à travers le prêt à taux zéro.
Le CEL et le PEL sont effectivement devenus des produits de placement ordinaires. Ils sont principalement détenus par des personnes d’un certain âge qui n’accéderont probablement jamais à la propriété, les taux les plus avantageux étant réservés aux plans ouverts il y a plus de quinze ans. De plus, la prime d’État associée à ces produits a considérablement diminué, réduisant leur intérêt. Je ne vois donc pas de raison de maintenir leur défiscalisation, et nous recommandons de les supprimer progressivement.
Mme Félicie Gérard (HOR). Votre rapport, messieurs, dresse le constat d’une illisibilité des produits d’épargne, due à la complexité des dispositifs, à l’opacité des frais indirects de gestion et au manque de transparence sur l’utilisation des fonds placés. Ce constat rejoint celui que nous avions fait avec M. de Courson dans notre rapport sur l’épargne retraite.
Vous soulignez que les classes moyennes et populaires, en quête de sécurité pour leurs placements, sont souvent orientées vers des produits à faible rendement, parfois même inférieur à l’inflation. Les dix-neuf recommandations que vous formulez visent à apporter plus de clarté dans le paysage de l’épargne, et notre groupe espère que notre commission adoptera largement ce rapport et que le gouvernement s’en saisira pour les débats budgétaires à venir.
Je souhaite revenir sur votre recommandation visant à garantir à l’épargne réglementée un niveau de rémunération la protégeant de l’érosion monétaire. Vous rappelez que les Français ne sont pas conscients que l’épargne réglementée ne les protège pas face à l’inflation. Comment pouvons-nous concrètement améliorer cette prise de conscience collective ? Avez-vous pu mesurer l’impact en termes de pouvoir d’achat ou de rentabilité moyenne d’une meilleure culture financière des épargnants sur leur capacité à faire des choix plus rémunérateurs ?
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. De nombreux travaux économétriques restent à mener, notamment sur le point que vous soulevez, et c’est la raison pour laquelle nous appelons notre commission à poursuivre ses investigations.
Nos moyens ne nous ont pas permis d’approfondir autant que nous l’aurions souhaité la mesure de l’impact d’une meilleure culture financière des épargnants. Nos premières estimations personnelles révélaient des montants très importants, ce qui nous a conduits à privilégier des chiffres calculés par des institutions indépendantes, plus modérés, afin de ne pas alarmer inutilement les épargnants et les médias. Mais, de toute évidence, les pertes de pouvoir d’achat et d’opportunité sont considérables.
M. François Jolivet, rapporteur. À cet égard, il convient d’encourager les détenteurs d’un livret A à transférer au moins une partie de leur épargne sur un LEP, pour ceux qui ont le droit d’en ouvrir un. Cette préconisation relève du conseil financier. Si l’on considère l’impact cumulé sur vingt ans de ce défaut d’information, cela représente des sommes considérables pour l’épargne modeste.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je tiens à ajouter, sans esprit de polémique, que nous avons dû composer avec la mauvaise foi de certains de nos interlocuteurs. Lorsque des représentants de banques affirment aux élus de la Nation que nous sommes que le LEP n’est pas développé parce qu’il s’agit d’un nouveau produit, ils nous mentent, puisque le LEP existe depuis le début des années 1980. Je ne voudrais pas donner l’impression d’accabler sans cesse les banques, mais la qualité de leurs informations et leur bonne foi, notamment concernant le LEP, sont manifestement déficientes. Tout semble fait pour ne pas proposer ce livret garanti aux Français. Et je n’insiste pas sur le manque de respect envers le Parlement que constituent ces mensonges.
M. François Jolivet, rapporteur. J’ajoute que c’est l’État, et non les banques, qui depuis quatre ans a pris l’initiative de promouvoir le LEP. Cette démarche proactive s’est traduite par l’envoi d’un courriel à chaque Français éligible, via l’espace personnel de la direction générale des finances publiques (DGFIP), les informant de la possibilité d’ouvrir ce type de compte auprès de leur établissement bancaire.
M. Michel Castellani (LIOT). Vous avez analysé les différents livrets d’épargne ainsi que l’assurance-vie, mais j’aimerais aborder la question de l’épargne liquide, ce qu’on l’on appelle communément le « bas de laine » au sens étroit du terme. Cette épargne, qui s’élève probablement à plusieurs centaines de milliards d’euros, non seulement n’est pas rémunérée, par définition, mais subit également l’érosion due à l’inflation. Comment pourrait-on mieux mobiliser cette épargne dormante ? Je ne parle pas d’imposer des contraintes, mais plutôt d’inciter à sa mobilisation tout en préservant le libre choix des épargnants.
Serait-il envisageable, selon vous, de faire en sorte que cette épargne inactive irrigue davantage l’économie réelle, tant en termes de consommation que d’investissement ? Une telle approche servirait l’intérêt général tout en bénéficiant aux particuliers et aux détenteurs de ces fonds.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Cette question est précisément traitée dans notre rapport. L’encours actuel est considérable, puisqu’il s’élève à 665 milliards d’euros. Il est préoccupant de voir que 56 % de cet encours stagne sur ces comptes depuis deux décennies. Cette somme colossale reste inactive sur des comptes courants, sans aucune forme de conseil ou d’utilisation judicieuse. Ce phénomène concerne principalement des personnes âgées, à qui l’on permet de laisser plus de 10 000 euros sur des comptes dormants improductifs. Le minimum serait de recommander un placement sur l’épargne réglementée, ce qui n’est manifestement pas le cas, peut-être en raison de patrimoines dépassant les plafonds autorisés.
Cette situation révèle une fois encore l’absence totale de conseil financier, bien qu’il s’agisse de montants colossaux, ainsi qu’un potentiel conflit d’intérêts des banques. En effet, il convient de rappeler qu’en vertu du droit de seigneuriage de la Banque de France, les banques sont rémunérées pour cette épargne dormante. Les questions que nous avons adressées au gouverneur de la Banque de France sur ce sujet n’ont malheureusement pas reçu de réponses satisfaisantes.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Je partage une partie des constats et des préconisations formulés dans ce rapport, notamment à propos de la complexité des produits d’épargne. Il importe en effet de mettre en lumière les pertes financières subies par les classes populaires et moyennes en raison de l’érosion monétaire, insuffisamment compensée par le faible rendement de leurs placements préférés.
Je reste toutefois prudent quant à la proposition de favoriser la culture financière des ménages modestes et moyens. L’histoire nous a montré les dangers d’inciter les classes populaires et moyennes à souscrire à des produits risqués, comme en témoignent les crises financières de 1929 et de 2001. Elle nous a montré également que pour certains acteurs financiers, développer la culture financière équivaut à induire en erreur, comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes.
En dépit de ses imperfections, l’épargne réglementée a le mérite de protéger les petits épargnants de la ruine. Notre priorité devrait être d’améliorer ce système et de garantir un rendement minimal au moins égal à l’inflation.
Les frais excessifs, les commissions opaques et les comportements peu transparents des banques et institutions financières constituent un problème majeur. Il est impératif de s’y attaquer en priorité.
Enfin, je souhaite évoquer une proposition du rapport Sansu-Mattéi de 2023 relatif à la fiscalité du patrimoine, concernant la distribution des transmissions par assurance-vie, particulièrement concentrée chez les hauts patrimoines et représentant une niche fiscale de 4 à 5 milliards d’euros. Les rapporteurs suggéraient d’aligner la tranche marginale du prélèvement sur ces transmissions, actuellement à 31,25 %, sur celle des successions en ligne directe, nettement plus élevée. Cette préconisation mériterait d’être examinée et potentiellement reprise.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Je partage vos observations, monsieur Maurel, en particulier sur la problématique de la désinformation financière. Nous avons connu des traumatismes majeurs avec les affaires France Télécom, la privatisation d’EDF, et bien sûr Eurotunnel. Vous avez raison de porter le souvenir des mensonges circulant alors. À cet égard, il est légitime de s’interroger sur la responsabilité de l’État et de certaines banques dans l’organisation d’opérations de communication visant à inciter les Français à acquérir telle ou telle action, à l’encontre du bon sens et de tous les principes économiques de base. Ces expériences malheureuses ont profondément marqué plusieurs générations d’épargnants, et soulignent l’importance d’une information fiable et transparente, au-delà de la simple promotion d’une culture financière.
Nos conclusions, bien que prudentes en raison de la nature bipartisane de notre rapport, tendent vers la proposition de deux types de produits : l’un garantissant une protection contre l’inflation, et un second, en toute transparence, offrant potentiellement plus de rendement mais avec un risque maîtrisé sur le long terme. L’essentiel est d’assurer vérité, transparence et confiance, domaines dans lesquels l’État a un rôle prépondérant à jouer.
M. François Jolivet, rapporteur. Je rappelle que lors de la création des PER, des règles prudentielles adaptées à la situation et à l’âge des épargnants ont été définies. Encore une fois, il ne s’agit pas d’inciter les petits épargnants à investir dans des produits risqués comme Eurotunnel, mais de proposer des produits correspondant à leurs besoins, avec des risques limités et dilués par la diversification des supports.
L’objectif est d’offrir des alternatives au livret A, dont le rendement est actuellement faible, sans pour autant remettre en question son existence. Nous suggérons d’encourager les épargnants à diversifier leurs placements vers des supports encadrés offrant un meilleur rendement, sans viser des performances irréalistes.
M. le président Éric Coquerel. Confier la gestion des produits d’épargne à des fonds souverains ou à des pôles publics bancaires serait susceptible de représenter une solution.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je ne partage pas l’idée d’une rupture de contrat moral évoquée dans le rapport. Sur les quatre dernières décennies, le taux du livret A a été trente-trois fois supérieur à l’inflation. Il est donc inexact d’affirmer que ce produit subit une érosion systématique, et je ne connais, pour ma part, aucun autre produit de placement offrant une garantie de rendement supérieur à l’inflation, assorti d’avantages fiscaux et d’une liquidité totale, sans supposer une prise de risque.
Par ailleurs, une indexation systématique sur l’inflation, au-delà de ses avantages annexes, encouragerait excessivement l’épargne. Or, notre problème actuel réside davantage dans une insuffisance de la consommation que dans un manque d’épargne de nos concitoyens.
Concernant l’utilisation du fonds d’épargne, rappelons que la Caisse des dépôts et des consignations gère environ 400 milliards d’euros, soit la moitié du livret A, et qu’un contrôle parlementaire s’exerce à la fois sur cette utilisation et sur la Caisse des dépôts elle-même. La moitié de ces fonds est allouée au logement social. Une augmentation de la rémunération de cette part substantielle aurait un impact direct sur le financement du logement social. C’est précisément ce qui s’est produit ces dernières années avec une inflation élevée.
Je m’inscris en faux contre la description de Français incompétents, manipulés ou naïfs. Nos concitoyens sont parfaitement conscients de leurs choix lorsqu’ils optent pour un livret A ou une assurance-vie. Ils connaissent les rendements et les avantages associés. Certes, la promotion de ces produits par les banques pourrait être plus active, mais l’ouverture de deux millions de LEP cette année témoigne d’un certain succès.
Enfin, j’aimerais connaître davantage de détails sur la recommandation 15 de votre rapport, qui concerne directement la Caisse des dépôts, et m’associer aux remarques de mes collègues relatives à l’absence de recommandation concernant ce qu’on pourrait qualifier d’abus de l’assurance-vie. À ce sujet, ne serait-il pas pertinent d’envisager des recommandations visant à limiter l’avantage fiscal au-delà d’un certain seuil ?
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur. Vos remarques, monsieur Cazeneuve, mettent en lumière nos divergences doctrinales : vous affirmez que l’épargne est excessive, je considère au contraire qu’il s’agit d’un atout. Il est vrai qu’à Bercy certains estiment qu’il ne faut pas rémunérer l’épargne afin de la réorienter vers l’économie réelle. Vous pointez, peut-être intentionnellement, un potentiel conflit d’intérêts chez les gestionnaires de l’épargne, qui pourraient être réticents à sa rémunération afin de ne pas l’encourager. Ce n’est pas ma vision des choses et, en la matière, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, puisqu’il s’agit d’un véritable désaccord de fond.
Je ne souhaite pas que nous adoptions le modèle américain. Je considère l’épargne comme une forme de prudence. Si elle était judicieusement utilisée, elle pourrait contribuer à la protection de nos entreprises. C’est là que réside notre divergence fondamentale. Je respecte pleinement votre point de vue, et il y a effectivement un parti pris de ma part : je considère l’épargne non seulement comme un vecteur de prospérité pour les classes moyennes, mais aussi comme une protection pour l’État.
Concernant l’érosion monétaire, vous avez certes identifié des années où le rendement était supérieur à l’inflation, mais sur les deux dernières décennies, le bilan final montre une légère perte. Même en excluant les périodes d’hyperinflation, la protection reste très faible. En termes de pouvoir d’achat réel, de mémoire, le gain serait d’environ 40 euros pour 1 000 euros investis, ce qui reste très modeste.
C’est dans cette optique que nous avions envisagé, d’une part, un produit garanti sans risque sur l’inflation, et d’autre part, un autre produit géré par la Caisse des dépôts et des consignations, transparent, offrant de meilleures rémunérations avec un niveau de risque adapté à l’âge de l’épargnant, partant du principe que l’on peut prendre davantage de risques à 12 ans qu’à 80.
M. Jacques Oberti (SOC). Je rejoins en partie les propos de M. Cazeneuve, auxquels j’ajouterais toutefois une nuance importante. Nous constatons que depuis 2018, notamment, l’actualisation du taux du livret A ne garantit plus la préservation du capital face à l’inflation, particulièrement depuis la mise en place de la dernière formule de calcul. Il serait sans doute judicieux de revoir cette formule pour rétablir la confiance dans ce produit.
Cependant, nous sommes confrontés à un paradoxe : jamais l’épargne n’a été aussi importante en France. Dès lors, comment l’utiliser efficacement ? Et pourquoi les Français ont-ils une telle propension à épargner, en particulier depuis la crise du covid-19 ?
Il convient d’appréhender cette question fondamentale qu’est la finalité de l’épargne. Nous avons évoqué l’aspect social et le logement, ainsi que la dimension écologique. S’il convient de mieux informer les Français, ce serait peut-être sur le sens et l’impact de leur épargne. Nous l’avons constaté récemment, même sur les questions de défense : certains Français seraient prêts à consacrer une partie de leur épargne, avec un rendement modeste couvrant simplement l’inflation, pour servir l’intérêt général. Avez-vous des suggestions à ce sujet ?
Enfin, je souhaite souligner la différence fondamentale entre le PEL et le CEL. Le PEL est devenu un produit de placement attractif, comme évoqué précédemment, et les fonds qui y sont déposés sont peu mobilisés. En revanche, le CEL fonctionne différemment. L’ajustement continu de son taux pourrait être intéressant, précisément pour permettre une mobilisation des fonds, par exemple pour la construction privée.
M. François Jolivet, rapporteur. Depuis 2018, la méthode de calcul de l’inflation et du taux applicable a en effet connu plusieurs modifications. Ces changements sont justifiés, car si nous avions conservé la formule établie voici un quart de siècle, les taux auraient probablement été différents.
N’oublions pas que nous étions confrontés voici quelques années à des taux négatifs. À cette époque, le livret A offrait une rémunération de 0,5 %, alors que la Caisse des dépôts et des consignations faisait face à des taux négatifs, ce qui posait un réel problème.
Ce sujet me permet d’aborder la question de l’absence de taux variables en France. Certes, nous pouvons nous enorgueillir de nos taux fixes, mais nous sommes une exception. Dans les autres pays, qu’ils soient de culture latine, protestante ou catholique, les taux variables sont la norme. Cela permet à tous de bénéficier des baisses comme des hausses, et contribue à une meilleure compréhension de la situation économique du pays.
Je partage votre avis, monsieur Oberti, quant à la nécessaire révision du CEL. Cependant, nous manquions d’arguments et d’éléments techniques solides pour mener à bien cette analyse.
Permettez-moi de répondre à l’une de vos remarques, monsieur Cazeneuve. Nous ne considérons pas que les Français sont incompétents ou naïfs. Néanmoins, tous les rapports sur la culture économique des Français, notamment concernant les nouveaux produits d’épargne et d’épargne retraite, montrent qu’il existe un réel besoin d’éducation dans ce domaine. Il s’agit de notre part d’un constat, et non d’un jugement.
Notre rapport met en lumière un sujet crucial et contribuera, je l’espère, à l’inscrire à l’agenda du Parlement. Il serait en effet judicieux que le Parlement s’en saisisse plus fréquemment, et qu’un débat plus large, dépassant le cercle des experts de la commission des finances ou des spécialistes du domaine, soit organisé au sein de l’institution parlementaire. Bien que je sois généralement réticent aux demandes de rapports supplémentaires, il me semblerait pertinent que le gouvernement nous fournisse une étude approfondie sur la question. La Caisse des dépôts et des consignations nous communique déjà certains documents, mais nous manquons d’informations sur les pratiques en vigueur ailleurs. Notre discussion s’est principalement concentrée sur l’épargne réglementée et l’assurance-vie, mais il est impératif d’inclure également les PER dans notre champ d’analyse. Cette approche nous permettrait d’obtenir une vision d’ensemble de toutes les formes d’épargne des Français.
La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Direction générale du Trésor
– M. Sébastien Raspiller, chef du service du financement de l’économie (SFE) ;
– M. Gabriel Cumenge, sous-directeur aux banques et au financement d’intérêt général (BancFin) ;
– M. Jean Dalbard, chef du pôle d’analyse économique du secteur financier et de la stabilité financière (PAESF) ;
– M. Mikhaël Ayache, chef du bureau du financement du logement et des activités d’intérêt général (BancFin3).
Banque de France
– Mme Marie-Laure Barut-Etherington, adjointe au directeur général de la direction générale des statistiques des études et de l’international (DGSEI) ;
– M. Franck Sedillot, adjoint au directeur de la direction des statistiques monétaires et financières (DSMF) ;
– Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur de la Banque de France.
Cour des comptes
– Mme Françoise Bouygard, présidente de section ;
– M. Jean-Yves Marquet, conseiller-maître, rapporteur de la publication relative à l’épargne réglementée.
Caisse des dépôts et consignations
– M. Olivier Mareuse, directeur de la gestion des actifs et du Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations ;
– M. Makram Larguem, responsable du service de la prévision et des études à la direction financière du Fonds d’épargne (DFFE) ;
– Mme Bérénice Bouculat, responsable du service Logement social et réaménagement chez Groupe Caisse des Dépôts ;
– M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles ;
– Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles.
France Conso Banque
– M. Michel Guillaud, président ;
– Mme Meriem Jammali, secrétaire générale.
Fédération des Associations Indépendantes de Défense des Épargnants pour la Retraite (FAIDER)
– M. Guillaume Prache, président.
Observatoire de l’épargne européenne
– M. Grégoire Naacke, directeur.
Autorité des marchés financiers (AMF)
– M. Benoit de Juvigny, secrétaire général ;
– Mme Laure Tertrais, conseillère parlementaire et législation.
Meilleurtaux.com *
– M. Guillaume Autier, président exécutif.
INSEE
– Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales ;
– Mme Aliette Cheptitski, cheffe de la section patrimoine au sein de la division Logement et patrimoine ;
Fédération bancaire française *
– Mme Maya Atig, directrice générale ;
– M. Jérôme Pardigon, directeur du département relations institutionnelles ;
– Mme Valérie Dreux, chargée de mission banque de détail et banque à distance.
Groupe BPCE *
– M. Benoît de La Chapelle-Bizot, directeur des affaires publiques ;
– M. Emmanuel-Georges Michelin, directeur-adjoint des affaires publiques.
Association nationale des conseils financiers (ANACOFI) *
– M. David Charlet, président ;
– Mme Valéria Faure-Muntian, déléguée générale.
La Banque postale *
– M. François-Régis Benois, directeur des affaires publiques.
– M. Vincent Menvielle, directeur marketing.
BNP Paribas *
– M. Laurent Bertonnaud, directeur des affaires publiques ;
– M. Olivier Chambon, Responsable Benchmarking Groupe ;
– M. Laurent Monet, senior advisor épargne, banque commerciale en France (BCEF).
France assureurs
– M. Franck Le Vallois, directeur général ;
– M. Philippe Bernardi, directeur des assurances de personnes ;
– Mme Viviana Mitrache, directrice des affaires publiques France ;
– M. Arnaud Giros, conseiller parlementaire.
Confédération nationale du Crédit mutuel *
– Mme Sophie Olivier, directrice de la direction des marches et des études ;
– M. Nicolas Bodilis-Reguer, directeur adjoint de la direction des marchés et des études ;
– M. Régis Tassius, responsable du marché épargne.
Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance (AGEA) *
– M. Grégoire Dupont, directeur général ;
– M. Xavier Cuq, agent général et président du syndicat des agents généraux Allianz Europe.
Institut pour l’éducation financière du public
– M. Christian Noyer, président.
Institut de l’épargne immobilière et foncière
– Mme Stéphanie Galiègue, directrice générale déléguée, en charge de la recherche et des études ;
– M Pierre Schoeffler, senior advisor, économiste et spécialiste des sujets d’allocations d’actifs et de gestion financière.
Cercle de l’épargne *
– M. Jean-Pierre Thomas, président ;
– M. Philippe Crevel, directeur.
Association française de gestion financière *
– M. Philippe Setbon, président ;
– M. Dominique de Préneuf, directeur général ;
– Mme Laure Delahousse, directrice générale adjointe.
Mme Florence Legros, économiste.
M. Vincent Touzé, économiste.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) Séverine de Coninck, Le livret de caisse d’épargne (1818-2008). Une passion française, Economica, 2012.
([2]) Daniel Gabrielli, Frédéric Wilhelm, « Le livret A : retour sur l’évolution d’un produit d’épargne traditionnel », Bulletin de la Banque de France n° 111, mars 2003.
([3]) Séverine de Coninck, op. cit.
([4]) Décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 au titre de l’article 86, paragraphe 3, du traité CE, relative aux droits spéciaux octroyés à La Banque postale, aux Caisses d’Épargne et au Crédit Mutuel pour la distribution des livrets A et bleu.
([5]) Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
([6]) L’article L. 221-3 du code monétaire et financier en dresse la liste : les associations à but non lucratif régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, les organismes d’habitations à loyer modéré et les syndicats de copropriétaires.
([7]) Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et décret n° 2012-1128 du 4 octobre 2012 relatif aux vérifications préalables à l’ouverture d’un livret A.
([8]) Décret n° 2012-1056 du 18 septembre 2012 portant relèvement du plafond du livret A.
([9]) Décret n° 2012-1445 du 24 décembre 2012 portant relèvement du plafond du livret A.
([10]) Article R. 221-2 du code monétaire et financier.
([11]) Article 120 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.
([12]) Loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l’épargne industrielle.
([13]) Article 30 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.
([14]) Article 80 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
([15]) En application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, les acteurs de l’ESS sont les personnes morales de droit privé qui poursuivent un but « autre que le seul partage des bénéfices », dont la gouvernance est démocratique et participative, et dont l’activité a une utilité sociale (soutien aux personnes en difficulté économique ou sociale, lutte contre les exclusions et les inégalités, développement durable).
([16]) Article L. 221-27 du code monétaire et financier.
([17]) Article L. 221-13 du code monétaire et financier.
([18]) Loi n° 82-357 du 27 avril 1982 portant création d’un régime d’épargne populaire.
([19]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.
([20]) Décret n° 2023-901 du 28 septembre 2023 portant relèvement du plafond du compte sur livret d’épargne populaire.
([21]) Arrêté du 26 janvier 2024 relatif au taux d’intérêt du livret d’épargne populaire.
([22])Banque de France, « En attendant la reprise, l’économie est résiliente », interview du Gouverneur de la Banque de France, invité de la matinale de RTL, 15 mai 2024.
([23]) Arrêté du 28 janvier 2025 relatif aux taux d’intérêt des produits d’épargne réglementée.
([24]) Article 28 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.
([25]) L’arrêté du 6 juin 1998 portant homologation d’un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière modifie en ce sens le règlement n° 86-13 du 14 mai 1986 modifié relatif à la rémunération des fonds reçus par les établissements de crédit.
([26]) Article L. 221-24 du code monétaire et financier.
([27]) Loi n° 65-554 du 10 juillet 1965 instituant un régime d’épargne-logement.
([28]) Décret n° 65-1044 du 2 décembre 1965 pris en application de la loi n° 65-554 du 10 juillet 1965 instituant un régime de l’épargne-logement.
([29]) Décret n° 69-1230 du 24 décembre 1969 portant modification du décret n° 65-1044 du 2 décembre 1965 pris en application de la loi n° 65-554 du 10 juillet 1965 instituant un régime de l’épargne-logement.
([30]) Article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, relatif à la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique.
([31]) Article 1er de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique.
([32]) Article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
([36]) Ibid..
([37]) ACPR, Le marché de l’assurance-vie en 2024, 2025.
([38]) ACPR, Le marché de l’assurance-vie en 2021, op.cit..
([39]) ACPR, Le marché de l’assurance-vie en 2023, op.cit..
([40]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
([41]) Lettre de l’observatoire de l’épargne de l’AMF, Lettre spéciale, mars 2025.
([42]) Association française de la gestion financière, « L’épargne salariale atteint un niveau historique et maintient sa progression dans les TPE/PME », Communiqué de presse, mars 2024.
([43]) Association française de la gestion financière, « Plébiscitée par les salariés et les entreprises, l’épargne salariale atteint un encours record de 200 milliards d’euros », Communiqué de presse, mars 2025.
([44]) Article 5 de la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.
([45]) Le 13 juillet 2023, le ministre de l’économie, suivant la recommandation de la Banque de France, avait décidé de maintenir le taux du livret A à 3 %, en dérogeant à l’application de la règle de calcul qui aurait entraîné un relèvement du taux à hauteur de 4,1 %.
([46]) Audirep, Baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement 2024.
([47]) Odoxa, Le baromètre de l’épargne, de la retraite et des placements, sondage Odoxa pour Groupama, Capital et BFM Business, publié le 11 avril 2025.
([48]) Article L. 221-5 et suivants du code monétaire et financier.
([49]) Décret n° 2013-688 du 30 juillet 2013 relatif à la centralisation des dépôts collectés au titre du livret A, du livret de développement durable et du livret d’épargne populaire ainsi qu’à la rémunération des réseaux collecteurs du livret A et du livret de développement durable.
([50]) Décret n° 2016-164 du 18 février 2016 modifiant le régime de centralisation du livret d’épargne populaire en application de l’article R. 221-58 du code monétaire et financier.
([51]) Banque de France, L’épargne réglementée, Rapport annuel 2023, 2024, p. 53.
([52]) « L’assurance vie – le produit individuel de loin le plus utilisé pour l’épargne retraite par les Français – a eu une performance réelle très contrastée : + 29 % pour les fonds en euros (à capital garanti) encore dominants sur les 24 dernières années, mais – 23% pour les contrats en unités de compte qui sont davantage promus et se développent plus rapidement » in : Better Finance, Will You Afford to Retire ? The Real Return of Long-term and Pension Savings, 2024, p. 179.
([53]) Direction générale du Trésor, Trésor-Info, Flash Conjoncture Pays avancés – Taux d’épargne en zone euro : entre prudence et reprise différée, 4 février 2025.
([54]) Étude annuelle permettant de suivre les évolutions des attitudes, opinions et comportements des épargnants en France, le baromètre est une étude en ligne réalisée pour le compte de l’Autorité des marchés financiers par l’institut d’études marketing Audirep via l’envoi d’un questionnaire à plus de 2 000 individus représentatifs de la population française âgés d’au moins 18 ans. La dernière édition a été réalisée en octobre 2024.
([55]) INSEE, INSEE Références, Taux de détention de patrimoine, 17 octobre 2024.
([56]) Think tank doté d’un conseil scientifique pluridisciplinaire, le Cercle de l’épargne étudie les évolutions de la législation et analyse les besoins et les attentes des Français en matière d’épargne, de retraite et de prévoyance.
([57]) Cité in :Aurélie Blondel, « L’épargne des Français, un “magot” très convoité », Le Monde, 14 mai 2023.
([61]) Cour des comptes, op. cit., pp. 8-9.
([62]) Fabrice Nodé-Langlois, « Dissolution de l’Assemblée nationale : le taux d’emprunt de la France bondit, le CAC 40 chute », in Le Figaro, 10 juin 2024.
([63]) Alain Henriot, « Incertitude politique et comportements économiques. Naviguer en eaux troubles », Rebond, Les clés de l’économie, La Banque postale, 14 février 2025.
([64]) Cette définition est reprise des travaux de l’économiste américain Frank Knight, in Risk, Uncertainty and Profit, 1921.
([65]) Alain Henriot, op. cit., p. 6.
([66]) Ibid., p. 2.
([67]) Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur la protection des épargnants, par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, enregistré à la présidence du Sénat le 6 octobre 2021.
([68]) Ibid., p. 46, d’après : Autorité des marchés financiers, S’informer sur les frais liés à vos investissements financiers, janvier 2018.
([69]) Ibid. p. 47.
([70]) Ibid., p. 50.
([71]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
([72]) Renforcement de la transparence des frais du plan d’épargne retraite (PER) et de l’assurance vie, communiqué de presse du ministère de l’économie, des finances et de la relance du 2 avril 2022.
([73]) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, communiqué de presse du 14 juin 2023.
([74]) Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.
([75]) Rapport fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, sénateurs, enregistré à la présidence du Sénat le 25 janvier 2023, p. 42.
([76]) Actuellement, ne doivent ainsi être publiés par l’assureur que le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d’assurance-vie ou de capitalisation et le rendement garanti moyen.
([77]) Articles L. 221-34-2 à L. 221-34-4 du code monétaire et financier.
([78]) En application de l’article L. 224-7 du code monétaire et financier, cette information doit préciser, pour chaque unité de compte, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, avec mention des éventuelles rétrocessions de commission perçues par le gestionnaire du contrat.
([79]) Cf. tableau, p. 31 du présent rapport.
([80]) AMF, Stimuler la diversification de l’épargne de long terme en actions, décembre 2021.
([81]) AMF, 8ème édition du baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement, janvier 2025.
([82]) AMF, La lettre de l’Observatoire de l’épargne de l’AMF n° 6, décembre 2013.
([83]) Crédit suisse, Credit suisse global investment returns yearbook 2023, Communiqué de presse.
([84]) AMF, La lettre de l’Observatoire de l’épargne de l’AMF, op.cit..
([85]) France Invest, Performance nette des acteurs français du capital-investissement, juin 2024.
([86]) Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur la protection des épargnants, op. cit., p. 57.
([87]) Règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance.
([88]) Directive 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances impose en effet la remise d’un document d’information standardisé.
([89]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.
([90]) Autorité des marchés financiers, Les constats des études menées sur la lisibilité des documents d’information à destination des investisseurs particuliers, septembre 2022, p. 4.
([91]) Deux profils d’épargnants se sont présentés dans les agences bancaires : un profil « risquophile », aux revenus relativement élevés et prêt à prendre des risques, et un profil « risquophobe », disposant de moins de revenus et de patrimoine et plus averse au risque. Le visiteur mystère était un particulier à la recherche de conseils en investissement à la suite d’une donation d’un montant de 50 000 euros. Son objectif était de valoriser son épargne sur les 10 ans à venir. Cette épargne devait servir principalement à préparer sa retraite. Comme lors de chaque campagne de visites mystères, l’objectif était d’observer la qualité du conseil délivré et la nature des produits commercialisés.
([92]) Autorité des marchés financiers, La lettre de l’observatoire de l’épargne de l’AMF, n° 51, mars 2023.
([93]) Luc Arrondel, « Éducation financière et comportements patrimoniaux : mauvaise éducation et zéro de conduite ? », Revue d’économie financière, 2017/3 (n° 127), p. 258.
([94]) OCDE, Les principes et les bonnes pratiques relatifs à la sensibilisation et l’éducation financières, recommandation du Conseil de l’OCDE, juillet 2005.
([95]) Association française de la gestion financière, Des épargnants éclairés, acteurs de l’économie de demain, septembre 2019.
([96]) Citée dans Luc Arrondel, op. cit., p. 254.
([97]) Luc Arrondel, op. cit., p. 263.
([98]) Ibid., p. 266.
([99]) Banque de France, La culture financière des Français s’améliore progressivement d’après de nouvelles études menées par la Banque de France, communiqué de presse, 14 décembre 2023.
([100]) Ouverts à tous, les points conseil budget (PCB) proposent des conseils confidentiels, gratuits et personnalisés de gestion budgétaire. Ils accompagnent les personnes qui souhaitent améliorer la gestion de leur budget, faire face à une situation financière difficile ou anticiper un changement de situation familiale ou professionnelle. Ils visent à prévenir le surendettement et à favoriser l’éducation budgétaire.
([101]) L’Institut pour l’éducation financière du public a travaillé sur ce point dès 2009 : https://www.lafinancepourtous.com/IMG/pdf/Educ_Fin_ecole_IEFP.pdf.