N° 1465

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
relative aux problématiques économiques de labattage dans le contexte de réduction des cheptels

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Christophe BARTHÈS et M. Thierry BENOÎT

Députés

——

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

liste des recommandations

Introduction

I. Un contexte alarmant : la décapitalisation du cheptel

A. Une tendance de fond

1. Une évolution générale

2. Une évolution différenciée selon les espèces

a. Les bovins

b. Les porcins

c. Les ovins

d. La volaille

e. Les équidés

B. Les causes de la dÉcapitalisation

1. Un modèle économique difficilement viable et confronté à de nombreux facteurs d’incertitudes

a. Une hausse des charges des éleveurs

b. Une faible rentabilité des activités d’élevage

c. Une exposition accrue à de nombreux facteurs d’incertitude

2. Des fermetures d’élevages liées à l’absence de repreneurs

a. Une pyramide des âges préoccupante

b. Le renouvellement des générations contraint par l’évolution des aspirations

c. Les difficultés de l’absence de repreneurs

C. Des rÉponses urgentes À apporter

1. Établir un cadre clair et opérer une réelle simplification administrative et réglementaire

2. Défendre, au sein de la politique agricole commune, les aides en faveur de l’élevage

3. Accélérer le déploiement des mesures annoncées dans le cadre du plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage

II. La restructuration du secteur de l’abattage : un enjeu Économique majeur

A. La diminution du nombre d’abattoirs

1. Une dynamique structurelle

a. Une tendance générale

b. Un recul plus marqué pour certaines espèces

2. Une concentration des infrastructures d’abattage

B. Une nÉcessitÉ au regard des contraintes liÉes À l’activitÉ d’abattage

1. Des coûts de production en hausse

2. Des normes et des contrôles sanitaires exigeants mais sécurisants

3. L’export : un débouché nécessaire pour valoriser toutes les pièces de l’animal

4. La concurrence internationale

C. L’indispensable maintien d’un maillage territorial

1. Des abattoirs au service de l’économie locale

2. Les risques liés à la concentration du secteur de l’abattage

3. Consolider le maillage territorial des abattoirs

III. UN SECTEUR indispensable à la souveraineté alimentaire en LUTTE POUR SA RECONNAISSANCe

A. accompagner la consommation de viande pour prÉserver les dÉbouchÉs des abattoirs

1. Consommer de la viande : certains voient rouge

a. « Couvrez ce steak que je ne saurais voir » : quelle place pour nos abattoirs aujourd’hui ?

b. Le développement des régimes sans viande : une tendance qui reste limitée, mais qui n’est pas sans débat

2. Une consommation de viande en légère baisse, mais des habitudes qui évoluent

a. Des dynamiques de consommation différentes en fonction des types de viande

b. Analyse des nouvelles habitudes de consommation de la viande

3. Répondre à la demande intérieure par les importations : une souveraineté en morceaux ?

i. Origine des importations

ii. Une baisse de compétitivité et une balance commerciale dégradée

4. Favoriser le développement de débouchés à la production nationale pour assurer la souveraineté alimentaire

a. L’origine des viandes : une information pas toujours accessible aux consommateurs

b. Soutenir les débouchés de consommation intérieure afin de limiter les importations et restaurer les moyens d’assurer notre souveraineté alimentaire

c. Mieux valoriser les sous-produits en reconstituant des filières essentielles à la souveraineté industrielle de la France

i. La question du juste prix des sous-produits

ii. Valoriser les sous-produits dans une démarche d’économie circulaire

iii. L’accompagnement de filières industrielles fondées sur la valorisation de coproduits

B. travailler dans les abattoirs : des mÉtiers Difficiles et contestÉs en quÊte d’une meilleure image

1. Des métiers qui peinent à attirer mais qu’il convient d’aider à revaloriser

2. L’épineuse question du bien-être animal à travers l’abattage rituel

a. Une éthique qui divise

b. L’interdiction stricte de l’abattage sans étourdissement : une fausse bonne idée ?

c. Accompagner plutôt qu’interdire : une position raisonnable ?

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes

Personnes entendues lors des dÉplacements de la mission

contributions Écrites

 


   liste des recommandations

(Par ordre d’apparition dans le rapport)

 

Recommandation n° 1 : Relever les seuils applicables aux installations d’élevage françaises et les aligner sur la réglementation européenne.

Recommandation n° 2 : Faciliter le recours à la contractualisation en allégeant le contenu obligatoire de la proposition de contrat actuellement prévue au III de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, pour s’en tenir à l’objet et au prix, et proposant une trame de contrat type annexée par voie réglementaire.

Recommandation n° 3 : Défendre lors des négociations de la prochaine PAC (2028-2034) une réorientation de la PAC en faveur de l’élevage et des prairies.

Recommandation n° 4 : Accélérer la mise en œuvre des priorités fixées dans le cadre du plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage et mieux cibler les aides financières pouvant inciter davantage à l’engraissement des animaux sur le sol français.

Recommandation n° 5 : Développer les contrats tripartites pluriannuels afin de garantir une juste répartition de la valeur entre les éleveurs, les industriels et les distributeurs.

Recommandation n° 6 : Revaloriser les métiers d’inspection sanitaire (vétérinaires et auxiliaires) pour garantir la sécurité sanitaire et le bon fonctionnement des abattoirs, en s’appuyant sur les recommandations du CGAAER et du CNEAb.

Recommandation n° 7 : S’assurer de l’application rigoureuse et homogène des normes sanitaires sur l’ensemble du territoire afin d’éviter toute distorsion entre les sites d’abattage, en renforçant le pouvoir d’autorité du préfet.

Recommandation n° 8 : Informer systématiquement les parlementaires et les élus locaux avant que l’agrément d’un abattoir situé sur leur territoire ne soit suspendu ou retiré.

Recommandation n° 9 : Veiller à réaliser un contrôle et une évaluation complets et détaillés, pour chaque abattoir ayant bénéficié d’aides publiques, de la mise en œuvre des plans Denormandie et Fesneau et en rendre les résultats publics.

Recommandation n° 10 : Porter une initiative au niveau européen en faveur d’une obligation d’information sur l’origine de la matière première agricole.

Recommandation n° 11 : Faire évoluer la réglementation en matière d’étiquetage et d’affichage afin d’élargir les obligations d’information aux produits transformés ainsi qu’aux autres produits issus d’animaux.

Recommandation n° 12 : Préciser à l’article L. 23051 du code rural et de la pêche maritime le critère de « développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture » pour tenir compte du recours presque indispensable aux abattoirs au sein de la filière viande.

Recommandation n° 13 : Faire des écoles un vecteur de valorisation des productions locales, de qualité et en circuit court de la viande française, en joignant, par exemple, l’objectif d’approvisionnement des cantines à celui de sensibilisation aux métiers et enjeux de la filière.

Recommandation n° 14 : Renforcer les contrôles de la DGCCRF dans la filière des équarrisseurs.

Recommandation n° 15 : Favoriser les programmes de recherche et d’innovation axés sur l’intégration de coproduits à la création de sources énergétiques, à l’instar des carburants constitués à partir de graisses animales.

Recommandation n° 16 : Établir des stratégies de développement de filières industrielles fondées sur la valorisation de coproduits, à l’instar du projet de la filière de laine française.

Recommandation n° 17 : Encourager à la fois le développement des formations internes, la généralisation des parcours diplômants au sein des entreprises, et la mise en place de conventions collectives pour de meilleures rémunérations.

Recommandation n° 18 : Favoriser les partenariats avec France Travail et les chambres d’agriculture pour renforcer la visibilité des métiers en abattoir et améliorer la dimension positive de la communication à leur égard.

Recommandation n° 19 : Conditionner l’autorisation dérogatoire de pratiquer l’abattage rituel à l’établissement d’une commande claire, faisant l’objet de relevés et de contrôles réguliers par les autorités compétentes dans l’objectif d’établir une base de données fiable sur ce type d’abattage.

Recommandation n° 20 : Établir un cadre d’échanges pérenne et régulier sur l’abattage rituel, éventuellement dans le cadre des missions du CNEAb, qui puisse associer, outre les autorités compétentes, les représentants des cultes, des vétérinaires et des associations protectrices des animaux.

Recommandation n° 21 : Favoriser les initiatives de recherche et de développement en matière de techniques d’étourdissement susceptibles de concilier les exigences des rites cultuels, de la protection sanitaire et du bien-être animal.

 


   Introduction

Entre le champ et l’assiette, l’abattoir constitue un maillon discret mais central dans l’économie de la viande. Il constitue le point de passage des animaux dont la viande est destinée à la consommation humaine, permettant de valoriser les produits de l’élevage et assurant le bon fonctionnement de la chaîne de production de viande.

En 2024, la France comptait environ 230 abattoirs de boucherie répartis sur l’ensemble du territoire. Ces structures constituent des acteurs clés dans l’économie locale de leur territoire d’implantation, permettant de créer des emplois directs et indirects et soutenant un large réseau d’activités connexes comme l’élevage, le transport, la transformation et la distribution.

Toutefois, la filière animale dans son ensemble est soumise à de fortes contraintes économiques. Le secteur de l’élevage subit depuis plusieurs décennies, dans des proportions variables selon les filières, un important recul du cheptel et du nombre d’exploitations. Cette décapitalisation durable conduit à une baisse des volumes abattus et à une diminution de l’activité des abattoirs, aussi bien privés que publics. Elle se traduit régulièrement par des fermetures de site qui font la une de l’actualité et cette tendance s’est accélérée ces dernières années : entre septembre 2023 et février 2024, un abattoir fermait chaque mois ! ([1])

Face aux nombreuses contraintes pesant sur l’activité d’abattage — telles que la décapitalisation des cheptels, l’inflation ou encore le renforcement des normes sanitaires —, la concentration des sites semble inévitable. Toutefois, le maintien d’un maillage territorial équilibré reste essentiel pour garantir la viabilité de certaines filières d’élevage et soutenir les circuits courts. Les grands abattoirs et les structures de plus petite taille doivent ainsi être considérés comme des modèles complémentaires.

Si le secteur souffre d’un manque d’attractivité, qui se traduit notamment par un recours important à la main-d’œuvre étrangère, « l’Art de la viande » ([2])  fait aussi la fierté de celles et ceux qui travaillent chaque jour pour nous permettre de nous nourrir avec plaisir.

Après avoir décrit le phénomène de décapitalisation du cheptel qui est à l’œuvre dans notre pays depuis plusieurs années, le présent rapport aborde les évolutions économiques que connaît le secteur de l’abattage, avant d’ouvrir quelques perspectives sur notre relation à la viande et la façon dont le secteur pourrait renforcer son attractivité.

I.   Un contexte alarmant : la décapitalisation du cheptel

Les filières d’élevage françaises connaissent depuis plusieurs décennies un recul continu du cheptel, des volumes abattus et du nombre d’exploitations. Bien que l’on observe récemment une tendance à la stabilisation, plusieurs facteurs structurels continuent d’alimenter la décapitalisation du secteur : l’insuffisance des revenus des exploitants, la baisse de certaines catégories de consommation, la faible attractivité des métiers de l’élevage, ainsi que les évolutions climatiques et démographiques.

A.   Une tendance de fond

1.   Une évolution générale

L’agriculture française connaît une expansion des cultures végétales au détriment des productions animales.

La structuration du secteur de l’élevage se caractérise par un double mouvement : une diminution du volume d’activité illustrée par la baisse des cheptels nationaux, d’une part, et une concentration de cette activité au sein d’un nombre restreint d’exploitations, d’autre part. Du fait de la hausse de la productivité et du recul du poids de l’agriculture dans l’économie, les exploitations diminuent fortement en nombre tout en s’agrandissant tendanciellement. Cette contraction, commune à l’ensemble des filières agricoles, est particulièrement marquée pour la production animale : selon les données de la direction générale de la performance économique du ministère de l’agriculture (DGPE), le nombre d’exploitations d’élevage a diminué de 30 % entre 2010 et 2020, soit une perte de 63 500 exploitations. Cette baisse représente, à elle seule, les deux tiers de la diminution des sites de production des filières agricoles.

En parallèle, entre 2000 et 2023, il est constaté une réduction générale de la taille des cheptels. Si cette réduction est en partie compensée par les gains de productivité, résultats de l’adoption croissante de technologies avancées, d’une optimisation des pratiques de gestion (alimentation, état sanitaire, etc.) et d’une amélioration de l’indice de consommation (quantité d’aliments consommée pour produire 1 kg de produit commercialisable), elle conduit, malgré tout, à une baisse de la production dans toutes les filières (hors poulet de chair).

Ces observations générales doivent être mises en rapport avec le constat d’un dualisme des modèles de production, entre de grandes exploitations, d’une part, qui alimentent les principales coopératives, les industriels et les grands circuits de distribution, et les petites structures, d’autre part, mieux adaptées aux circuits plus courts. À noter qu’une polarisation comparable s’observe dans la répartition des abattoirs (voir infra, partie II).

2.   Une évolution différenciée selon les espèces

L’évolution du cheptel français ne se traduit pas de manière uniforme selon les filières d’élevage (voir figure ci-après).

Évolution de la production indigÈne contrôlÉe en nombre d’animaux
(Base 100 en 2000)

Source : Agreste

Un élément clé pour appréhender ces dynamiques réside dans l’évolution des cheptels de reproductrices dont le déclin, particulièrement rapide, représente un enjeu majeur pour la pérennité des filières d’élevage. En réduisant la capacité de renouvellement des troupeaux, cette tendance compromet la stabilité et la viabilité de la production à long terme (voir figures ci-après).

Évolution du cheptel de reproductrices prÉsentes en fin d’annÉe
entre 2014 et 2023 en TÊtes

Source : FranceAgriMer

a.   Les bovins

Selon les données de la base de données nationale d’identification (BDNI) d’Agreste, le cheptel bovin est particulièrement touché par la décapitalisation. Alors que le cheptel français est le premier cheptel bovin européen, celui-ci a diminué de 2,5 millions de têtes entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2024, pour s’établir à 16,4 millions de bovins à cette date. La diminution du cheptel bovin s’est accélérée en 2022 et 2023 par rapport aux années précédentes, sous l’effet conjugué de la sécheresse, de l’augmentation du coût des intrants, de la rentabilité accrue de la vente de bovins vivants et des marges élevées des cultures – autant de facteurs ayant incité les éleveurs à cesser leur activité et à convertir leurs prairies en terres cultivables. De plus, les récentes épizooties ont entraîné une hausse significative de la mortalité bovine. Selon l’Observatoire de la mortalité des animaux de rente (OMAR), au troisième trimestre de l’année 2023, cette hausse a été comprise entre 25 % et 50 % pour les départements touchés par la fièvre catarrhale ovine FCO8 (en Aveyron et dans le Cantal) et entre 25 % et 100 % pour la maladie hémorragique épizootique (MHE), notamment dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées.

En particulier, la population de vaches allaitantes a enregistré une perte nette moyenne de 69 000 têtes (– 1,9 %) par an entre 2019 et 2024. Au total, le cheptel de vaches (allaitantes et laitières) a été réduit de 930 000 têtes entre 2014 et 2023. Cette diminution a particulièrement affecté certaines régions, avec des baisses marquées en Nouvelle-Aquitaine (- 19 %), en Pays de la Loire (– 15 %), en Occitanie (– 16 %), en Auvergne-Rhône-Alpes (– 10 %) et en Bretagne (– 11 %). D’autres territoires, bien que moins touchés, connaissent également un repli significatif, notamment la Bourgogne-Franche-Comté (– 8 %), la Normandie (– 7 %) et le Grand Est (– 9 %).

La baisse du cheptel laitier et allaitant, qui touche l’ensemble des régions françaises, devrait se poursuivre, mais la vitesse de cette décroissance demeure incertaine. En effet, en 2024, la baisse du cheptel de vaches tendait au ralentissement (prix de production corrects, engraissement des jeunes bovins), tandis qu’en 2025, la MHE et la FCO pourraient entraîner des baisses de naissance. Par ailleurs, les prix à la production plus élevés en 2022 et 2023 ont pu créer une opportunité de vente de gros bovins, en particulier des vaches allaitantes, amplifiant le phénomène de baisse du cheptel.

b.   Les porcins

L’élevage porcin, tant en France qu’en Europe, traverse également une période de décroissance préoccupante. Au niveau européen, d’après les chiffres Eurostat, le cheptel porcin a diminué de près de 8,5 % entre 2013 et 2023 ([3]). Particulièrement depuis 2021, le marché européen fait face à un recul notable de la production, du cheptel porcin et du nombre d’infrastructures de production, tant au niveau de l’amont que de l’aval.

En France, selon les données de l’Institut du porc (IFIP), certaines projections laissent présager une baisse annuelle de 6 % du nombre d’élevages jusqu’en 2033. De plus, le nombre de truies a connu une perte nette de 166 000 têtes entre 2014 et 2023, pour atteindre une population de 850 000 (– 16 %). Certaines régions de production sont particulièrement touchées par la baisse des cheptels porcins, à l’instar des Pays de la Loire (– 24 %), de la Bretagne (– 17 %) et de la Normandie (– 22 %) selon les données de FranceAgriMer. De surcroît, la peste porcine africaine (PPA) représente une menace sanitaire importante pour l’élevage porcin en France étant donné la proximité géographique de foyers actifs en Europe de l’Est.

c.   Les ovins

Selon les données fournies par l’Agreste, le cheptel ovin a connu entre 2000 et 2023 une réduction de 33 % de ses effectifs. La filière a connu une importante décapitalisation entre 2010 et 2020, suivie d’une relative stabilisation entre 2020 et 2023. Une nouvelle baisse a débuté en 2024 et devrait s’accélérer fortement en 2025 sous l’effet des importantes épizooties de fièvre catarrhale ovine.

Au sein de cet ensemble, le cheptel de brebis a connu entre 2014 et 2023 des baisses importantes en Nouvelle-Aquitaine (– 13 %), en Occitanie (– 8 %) et, dans une moindre mesure, en Auvergne-Rhône-Alpes (– 7 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (– 9 %). De surcroît, selon les informations de l’Institut de l’élevage (Idele), certains éleveurs annoncent avoir perdu de 10 % à 30 % de leurs brebis à la suite des récentes propagations de FCO3. Malgré les politiques d’indemnisation déployées, ces pertes importantes de reproductrices, additionnées aux troubles de la reproduction causés par les épizooties (FCO), semblent annoncer une dynamique défavorable pour la filière ovine.

d.   La volaille

Si la filière volaille est celle qui conserve le plus de dynamisme au sein du secteur de l’élevage, sa relative stabilité dissimule des réalités très contrastées selon les espèces. De fait, entre 2000 et 2023, si le cheptel de poulets de chair a connu une diminution relativement modeste de 4 %, ceux des dindes et des canards ont enregistré des pertes marquées, soit – 74 % et – 58 %, respectivement (d’après les données fournies par Agreste). Par ailleurs, la filière dans son ensemble n’est pas épargnée par les récentes difficultés sanitaires touchant les élevages : les épizooties d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en 2021-2022 puis 2022-2023 ont largement perturbé la production de volailles de chair en 2023, notamment les maillons de sélection-accouvage.

Le retour à une situation sanitaire relativement calme après la campagne de vaccination des palmipèdes contre l’IAHP a favorisé une reprise dynamique de la production en 2024. La production est en hausse de 14,7 %, en lien avec des niveaux très élevés d’abattage de poulets.

e.   Les équidés

La production française de viande de cheval est en baisse structurelle depuis cinquante ans. La filière équine est caractérisée par sa double nature, se destinant, d’une part, au secteur des loisirs et, pour une autre part, à la production agricole. L’évolution de la production de viande chevaline a suivi celle du cheptel, qui n’a cessé de reculer. Cela se traduit par des abattages en recul marqué : d’après les données de FranceAgriMer, seules 3 882 têtes ont été abattues en 2022, un recul de 26 % par rapport aux abattages de l’année 2021. Une part importante de l’offre équine française reste destinée à l’exportation, en particulier à destination de l’Italie qui absorbait, il y a une dizaine d’années, plus de la moitié de la production française en vif et viande ([4]). Se pose, à terme, la question de la survie de certaines espèces comme le cheval de trait.

B.   Les causes de la dÉcapitalisation

1.   Un modèle économique difficilement viable et confronté à de nombreux facteurs d’incertitudes

  1.   Une hausse des charges des éleveurs

Le secteur de l’élevage français est confronté à des déséquilibres économiques structurels qui interrogent sa viabilité à long terme. Entre la hausse continue des charges supportées par les exploitants, la pression exercée sur les prix de vente par l’aval de la filière et la multiplication des crises sanitaires, les éleveurs peinent à maintenir une rentabilité suffisante pour assurer la pérennité de leurs activités.

Les éleveurs de toutes les filières sont confrontés à une hausse générale des charges, à l’instar de la filière bovine qui connaît une augmentation générale de ses charges de 18 centimes d’euro par kilogramme (c€/kg), dont 6 c€/kg de frais de personnel et 4 c€/kg d’énergie.

Les activités d’élevage sont en effet particulièrement consommatrices en énergie, que ces consommations soient directes (électricité, chauffage des bâtiments, eau) ou indirectes (transport, transformation des aliments). Si des voies existent pour réduire cette dépendance énergétique comme le suggère l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) ([5]) – optimiser l’efficacité énergétique des bâtiments, améliorer la qualité des fourrages, mobiliser des énergies renouvelables locales… –, les élevages restent exposés aux variations de prix des intrants.

En particulier, il est constaté une progression de l’indice des prix d’achat des intrants agricoles (Ipampa), sous l’effet notamment de la hausse des prix de l’énergie et de sa répercussion sur les matières premières agricoles. La reprise économique dynamique ayant suivi la crise de la covid-19 en 2021 et le conflit russo-ukrainien début 2022 ont mené à la progression rapide de l’Ipampa, avec un pic à + 40 % en 2022 par rapport à son niveau de 2020, précédant un lent reflux sous l’effet de la baisse des prix des matières premières. Stabilisé en 2024, celui-ci reste 25 % au-dessus du niveau de 2020.

Évolution des prix d’achats des intrants agricoles (base 100 en 2020)

Source : Service de statistique et de prospective (Agreste)

La hausse des charges variables supportées par les exploitations d’élevage s’est accompagnée d’une revalorisation des prix à la production. En partie attribuable à la diminution des volumes abattus, à laquelle la demande des entreprises de transformation s’est ajustée, et à la mise en œuvre des dispositifs de contractualisation prévus par les lois Égalim successives, une augmentation des prix de vente des carcasses d’animaux a été observée à partir de 2022 –  particulièrement dans les filières ovine et bovine, et dans une moindre mesure pour le porc.

Évolution des prix À la production (€/kg carcasse)

C:\Users\bmalaval\Downloads\Capture.PNG

Source : FranceAgriMer

La contractualisation mise en place par la loi Égalim

La loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dit loi « Égalim 2 », a en effet instauré l’obligation, pour les producteurs agricoles, de conclure des contrats écrits et pluriannuels avec les acheteurs de leurs produits, comprenant un ensemble de clauses relatives au prix, à la quantité, aux modalités de collecte et de livraison de ceux-ci. Ces mesures, qui visent à garantir une rémunération plus juste des producteurs, sont encore inégalement appliquées.

D’après le récent rapport d’information de nos collègues sur l’évaluation de la loi Égalim 2 ([6]), le secteur des viandes rencontre des difficultés dans l’application des dispositions de la loi, s’expliquant par le poids des pratiques historiques, où les relations commerciales reposent fréquemment sur des accords informels ou des habitudes non écrites, notamment entre éleveurs et marchands de bestiaux. La contractualisation écrite est inégalement appliquée en fonction des filières : si elle est répandue dans le secteur de la volaille, le secteur bovin ne l’applique que faiblement ; l’Interprofession du bétail et des viandes (Interbev) estimait qu’en 2023, seuls 17 % des volumes de viande bovine déclarés par les abattoirs étaient couverts par des contrats écrits.

b.   Une faible rentabilité des activités d’élevage

En dépit des augmentations, certes différenciées, des prix à la production, les revenus des exploitants d’élevage demeurent significativement inférieurs à ceux dégagés au sein d’autres types d’exploitations agricoles. Cette faiblesse est particulièrement marquée dans les filières de bovins à viande et d’ovins. Les activités d’élevage se caractérisent par une faible rentabilité de l’activité rapportée au volume produit, comme le montre l’évolution de leur résultat courant avant impôt (RCAI).

D’après les données fournies par Agreste pour les années 2022 et 2023, il est ainsi observé une baisse généralisée du RCAI pour toutes les filières, certaines, comme la filière bovins mixtes, étant particulièrement touchées (– 33,1 % du rapport RCAI par équivalent temps-plein non salarié entre 2022 et 2023) ([7]).

La vulnérabilité économique des différentes régions d’élevage est inégale et reste largement corrélée à la nature des exploitations qui y sont implantées. En effet, les régions tournées vers l’élevage extensif, comme la Franche-Comté, le Massif Central et les Pyrénées bénéficient d’une résilience plus marquée aux aléas économiques grâce à la diversification de leurs productions, tandis que les régions tournées vers l’élevage intensif, comme la Bretagne, sont davantage exposées aux variations des cours mondiaux des matières premières agricoles.

rÉsultat courant avant impÔt (en euros) par actif non salariÉ en 2022

Source : Agreste / RICA

c.   Une exposition accrue à de nombreux facteurs d’incertitude

Les activités d’élevage sont particulièrement exposées à certains facteurs environnementaux pouvant peser significativement sur leur rentabilité.

Les aléas climatiques se multiplient, en particulier les épisodes de sécheresse qui atteignent sévèrement les activités d’élevage. En effet, au-delà des difficultés d’approvisionnement en eau et donc d’abreuvement des troupeaux que ces épisodes peuvent engendrer, ces derniers ont également d’importantes conséquences sur la production d’aliments pour animaux (fourrages, maïs). La production d’herbe et de fourrage pour l’alimentation des animaux a ainsi subi de plein fouet la sécheresse persistante qui a touché certaines régions à l’été et l’automne 2022.

Les épizooties, maladies infectieuses à propagation rapide entre les animaux, ont également des incidences sur l’équilibre des exploitations, entraînant parfois de lourdes pertes de production. Les épisodes d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) ont conduit à l’abattage systématique de près de trente millions d’oiseaux entre 2017 et 2023, entraînant de ce fait une forte baisse de la production. La maladie hémorragique épizootique (MHE) et la fièvre catarrhale ovine (FCO), deux pathologies virales aux effets multiples affectant les ruminants, ont conduit à une baisse de la production de lait de vache dans les régions touchées (conséquence probable de vaches laitières touchées par le virus) et avaient conduit, lors de la crise de la FCO de 2007-2008, à une chute de près de 17 % de la production ovine. Enfin, si la peste porcine africaine (PPA) épargne, à ce stade, le territoire français, elle n’en représente pas moins une importante menace sanitaire à l’égard des élevages porcins. La proximité géographique de foyers actifs en Europe de l’Est et les mouvements de populations et de produits porcins augmentent le risque d’introduction.

2.   Des fermetures d’élevages liées à l’absence de repreneurs

La transmission des exploitations d’élevage, étroitement liée aux difficultés économiques qu’elles rencontrent, représente un défi croissant pour l’agriculture française, avec des conséquences directes sur la structuration des filières.

  1.   Une pyramide des âges préoccupante

L’évolution démographique des éleveurs constitue un enjeu majeur pour la transmission des exploitations. À cet égard, la pyramide des âges des exploitants est préoccupante pour l’avenir du secteur.

CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES des Éleveurs par filiÈre

 

Pourcentage de chefs d’exploitation installés depuis moins de 10 ans

Pourcentage des exploitations avec au moins un exploitant de plus de 55 ans

Porcs

29 %

41 %

Ovins/caprins

31 %

48 %

Volailles de chair

29 %

41 %

Bovins viande

19 %

52 %

Source : Service de statistique et de prospective (Agreste) – recensement agricole 2020

Le recensement agricole de 2020, réalisé par le service de la statistique et de la prospective du ministère de l’agriculture, met en évidence une part significative d’exploitants approchant l’âge de la retraite. En particulier et bien que les élevages comptent en général plusieurs chefs d’exploitation, 52 % des exploitations en bovins-viande comptent au moins un exploitant de plus de 55 ans. Cette proportion s’élève à 48 % en ovins et caprins et à 41 % en porcins et volailles de chair.

Le vieillissement des éleveurs et la perspective prochaine de la cessation de leur activité sont des problématiques se posant avec une acuité d’autant plus grande que les repreneurs sont peu nombreux.

b.   Le renouvellement des générations contraint par l’évolution des aspirations

L’accélération des cessions d’exploitations, appelée à se poursuivre, se heurte à une insuffisance de repreneurs causée par divers facteurs, faisant craindre des difficultés significatives en matière de transmission.

En premier lieu, la faiblesse des revenus constitue un facteur déterminant du désintérêt des repreneurs. L’agrandissement et la mécanisation des exploitations requièrent des investissements en capital significatifs, dont le financement est rarement compensé par les revenus dégagés par l’activité d’élevage. Cette contrainte affecte particulièrement les transmissions en dehors du cadre familial. Par ailleurs, leurs difficultés à dégager des profits limitent la capacité des éleveurs en place à engager les investissements nécessaires à l’entretien de leur exploitation. En conséquence, de nombreuses exploitations se dégradent progressivement et peinent finalement à convaincre des repreneurs.

Les activités d’élevage étant particulièrement contraignantes (présence quotidienne nécessaire, dimension gestionnaire qui s’ajoute au caractère « animalier » du métier d’éleveur pour optimiser les revenus d’exploitation), celles-ci ne correspondent plus aux attentes des nouvelles générations vis-à-vis du travail.

En effet, les aspirations des nouveaux éleveurs, désireux de renouer avec des pratiques agricoles plus durables et locales en privilégiant des productions de petite envergure et destinées à une vente en circuit court, peuvent les conduire à s’orienter vers des systèmes de polyculture-élevage. Ces aspirations se heurtent néanmoins aux attentes d’acteurs plus traditionnels de la filière (industriels, grandes surfaces), qui privilégient des volumes de production plus importants et constants pour garantir leur approvisionnement tout au long de l’année et maintenir leur niveau de compétitivité.

Les syndicats agricoles auditionnés par vos rapporteurs soulignent également l’importance des actions d’organisations non gouvernementales ou d’élus à l’encontre des activités d’élevage, fondées sur des préoccupations environnementales de bien-être animal et de santé publique, et contre la consommation de viande dans son ensemble. Ces opérations participent à la dégradation de l’attractivité du secteur.

c.   Les difficultés de l’absence de repreneurs

Il résulte des observations ci-dessus une baisse des exploitations spécialisées en élevage : – 30 % entre 2010 et 2020, soit 63 500 exploitations en moins, représentant presque les deux tiers de la diminution globale. Selon les données de la Mutualité sociale agricole (MSA), en 2021, seuls 50 % des départs étaient compensés par une reprise dans la filière bovins-viande (et 40 % en bovins-lait). Ces taux de reprise sont les plus bas du secteur agricole et restent nettement inférieurs à la moyenne des exploitations, qui s’élève à 79 %. En revanche, les élevages ovins, caprins, porcins et avicoles affichent des taux de remplacement plus élevés.

taux de remplacement des dÉparts par secteur (en %)

Source : Institut de l’élevage d’après les données de la Mutualité sociale agricole (MSA)

Face à ces difficultés, certains éleveurs choisissent de restructurer, étendre voire diversifier leur production pour favoriser l’installation et la transmission. Mais l’agrandissement tendanciel des exploitations ne compense que faiblement la baisse du nombre d’exploitations causée par les disparations d’activité. En outre, ces « extensifications » d’exploitations, notamment bovines, ne conduisent pas nécessairement à une augmentation significative du cheptel : si ces exploitations bénéficient de plus de surface, elles ne sont pas toujours accompagnées par un accroissement proportionnel du nombre d’animaux. Certains nouveaux agriculteurs choisissent de diversifier leurs espaces vers d’autres cultures et d’orienter leur production vers une gestion plus respectueuse de l’environnement, ne permettant pas d’accroître la production animale.

C.   Des rÉponses urgentes À apporter

1.   Établir un cadre clair et opérer une réelle simplification administrative et réglementaire

La baisse des activités d’élevage met en péril tout un ensemble d’activités économiques et d’emplois en territoires ruraux, à commencer par l’activité des abattoirs. L’Institut de l’élevage (Idele) estime à sept cent mille le nombre d’actifs dépendant de l’élevage herbivore (exploitants et salariés d’élevage, emplois dans les filières en amont ou en aval des élevages, conseil, recherche, administration…). Il est ainsi essentiel d’assurer aux éleveurs des perspectives claires en matière de revenus et de protection face aux aléas économiques, climatiques et sanitaires, afin de favoriser le renouvellement des actifs. 

À ce titre, plusieurs politiques publiques se sont succédé ces dernières années, pouvant avoir un effet sur l’atténuation de la baisse du cheptel (en particulier bovin). Pour vos rapporteurs, l’une des priorités des politiques publiques est d’assurer une stabilité du cadre normatif et d’opérer, lorsque c’est possible, une réelle simplification administrative et réglementaire.

En effet, la pérennité des activités d’élevage dépend également de la visibilité dont disposent les éleveurs quant aux conditions d’exploitation à moyen et long termes. Les évolutions répétées du cadre normatif, tant au niveau national qu’européen, constituent des facteurs qui fragilisent la capacité des exploitations à atteindre leur seuil de rentabilité.

La complexité des procédures liées à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) fait l’objet de critiques récurrentes. La récente modification de la procédure relative aux ICPE par la loi dite « Industrie verte » en 2023 ([8]), introduisant l’obligation d’organisation de deux réunions publiques par le porteur de projet, tend à renforcer les risques de contentieux ou de mobilisation de riverains et d’associations environnementales contre les projets d’installation ou d’extension d’infrastructures d’élevage, tout en engendrant des coûts de gestion supplémentaires pour les porteurs de dossiers. L’ensemble de ces éléments constituent des freins administratifs à l’installation ou à la reprise d’exploitation, renforçant le manque d’attractivité des métiers de la filière et ne permettant pas aux éleveurs de réaliser les travaux de modernisation qui pourraient être nécessaires à leurs élevages.

Vos rapporteurs soutiennent toute initiative visant à simplifier et alléger les contraintes relatives aux ICPE en matière d’élevage, en les alignant sur celles en vigueur au niveau de l’Union européenne. Les éleveurs français ne doivent pas être pénalisés par une réglementation qui serait plus stricte en France que chez nos voisins européens. Ainsi que le prévoit l’article 3 de la proposition de loi (n° 856) en cours d’examen devant notre assemblée et visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, les seuils applicables aux installations pourraient, par exemple, être relevés en lien avec la révision de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions des installations industrielles, dite directive « IED », qui entrera en vigueur au plus tard le 1er septembre 2026. Cette évolution devrait permettre à 1 300 élevages de porcs et de volailles de bénéficier du régime de l’enregistrement et, in fine, de faciliter le développement et la transmission de ces élevages.

Recommandation n° 1 : Relever les seuils applicables aux installations d’élevage françaises et les aligner sur la réglementation européenne.

S’inscrivant, par ailleurs, dans la continuité des recommandations formulées par nos collègues rapporteurs de la mission d’évaluation de la loi Égalim 2 ([9]), vos rapporteurs souhaitent maintenir les objectifs de la loi tout en simplifiant les contraintes qui pèsent sur la réalisation des contrats. En filière bovine notamment, pour des raisons à la fois historiques et propres à la diversité des catégories et modes d’élevage, les acteurs semblent particulièrement réticents, à tous les maillons de la filière, à conclure des engagements contractuels dans la durée, malgré le rôle d’Interbev et des coopératives pour accompagner les démarches.

Recommandation n° 2 : Faciliter le recours à la contractualisation en allégeant le contenu obligatoire de la proposition de contrat actuellement prévue au III de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, pour s’en tenir à l’objet et au prix, et proposant une trame de contrat type annexée par voie réglementaire.

2.   Défendre, au sein de la politique agricole commune, les aides en faveur de l’élevage

Le régime d’aides directes de la politique agricole commune (PAC) distingue les aides découplées, relatives à la surface agricole, des aides couplées qui sont, elles, liées à la production.

Il existe différentes aides couplées pour soutenir les élevages bovins (plus de 16 mois) et veaux (sous la mère ou issus d’agriculture biologique), ovins et caprins. Pour la PAC 2023-2027, la France continue de mobiliser les aides couplées au maximum des possibilités offertes par les textes communautaires et a accompagné la rénovation des aides bovins afin de mieux valoriser les animaux des territoires, via une aide unique à l’Unité gros bétail (UGB) bovine de plus de 16 mois (voir aussi infra, partie I. C. 3.). Bien que limitée, une légère baisse des montants octroyés aux aides couplées, et principalement aux aides couplées animales, a dû être acceptée au niveau communautaire (environ – 2 %).

Le France devra ainsi veiller à ce que la baisse de ces aides couplées animales ne s’aggrave pas lors des négociations de la prochaine PAC, après 2027. En effet, le revenu des éleveurs repose en partie sur les apports de la PAC et une baisse de ses aides, en particulier pour les vaches et brebis allaitantes, serait particulièrement pénalisante. Vos rapporteurs appellent donc les autorités françaises à une réorientation de la PAC en faveur de l’élevage et des prairies, alors que les premières orientations concernant la prochaine PAC, après 2027, ont commencé à faire l’objet d’une communication de la part de la Commission européenne ([10]).

Par ailleurs, vos rapporteurs soutiennent également la reconduction des paiements découplés, qui permettent d’intégrer une aide complémentaire au revenu destinée aux jeunes agriculteurs. Ces efforts semblent essentiels pour assurer le renouvellement des générations d’agriculteurs.

Recommandation n° 3 : Défendre lors des négociations de la prochaine PAC (2028-2034) une réorientation de la PAC en faveur de l’élevage et des prairies.

3.   Accélérer le déploiement des mesures annoncées dans le cadre du plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage

Présenté en février 2024, le plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté ([11]) sur l’élevage fixait des axes de travail ambitieux pour soutenir les éleveurs et le développement de leur filière.

Vos rapporteurs ne peuvent que regretter l’absence de bilan, à date, des actions menées et effets observés à la suite de ce plan. S’ils partagent les priorités fixées par ce plan ainsi que l’ambition affichée par les axes de travail, vos rapporteurs souhaitent rappeler ici l’importance de soutenir les éleveurs dans leur production, à travers le développement d’un plan d’engraissement dans l’objectif de limiter l’exportation d’animaux vivants.

L’envoi de bêtes à engraisser à l’étranger connaît en effet une dynamique à la hausse et représente une perte de valeur importante pour l’élevage français. Au cours des dix dernières années, les exportations de bovins vivants ont enregistré une augmentation continue, atteignant 1,4 million de têtes en 2021 contre 1,1 million en 2013. Par ailleurs, les relations commerciales se sont renforcées avec plusieurs opérateurs européens de filières pour l’engraissement des animaux, notamment l’Italie, principal pays importateur de broutards, et l’Espagne, premier destinataire de veaux laitiers. La structuration des filières d’engraissement à l’étranger a permis une valorisation plus importante des animaux destinés à l’exportation, dont la consommation sur le marché national est limitée ou en déclin structurel.

part des animaux exportés et abattus À l’Étranger

Espèce

Nombre moyen d’animaux exportés et abattus à l’étranger (2019-2023)

Nombre moyen d’animaux abattus en France (2019-2023)

Pourcentage par rapport au total France

Gros bovins finis

36 498

3 212 069

1,1 %

Veaux de boucherie

15 423

1 146 453

1,3 %

Broutards

1 097 947

1 417 118*

77 %

Veaux à engraisser

359 388

1 146 453

31 %

Porcs

522 855

2 300 801

2,3 %

Ovins

396 518

3 523 893

11 %

Volailles (96 % gallus)

52 000 000

748 316 560

7 %

Source : FranceAgriMer d’après douane française et le service de statistiques et de prospective

D’après FranceAgriMer, plusieurs dispositifs sont déjà mis en place afin de soutenir la pérennité des filières d’élevage sur le territoire. Depuis 2022, la réforme de l’aide bovine, présentée ci-dessus, prévoit notamment un soutien financier pour les bovins âgés de plus de 16 mois, présents sur l’exploitation depuis au moins six mois. Cette mesure vise à inciter les éleveurs à conserver plus longtemps les jeunes bovins sur leur exploitation, contribuant ainsi à limiter leur exportation pour l’engraissement à l’étranger.

Dans le cadre du plan de reconquête de la souveraineté sur l’élevage, une aide fiscale a également été annoncée en faveur des exploitations justifiant d’une augmentation régulière de la valeur de leur cheptel de vaches et de génisses sur une période de six ans. Il s’agit d’un dispositif de provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes codifié à l’article 73 A du code général des impôts (CGI), applicable au titre des exercices clos à compter du 1er janvier 2025 et jusqu’au 31 décembre 2028. Ce dispositif permet à un exploitant agricole, qui déclare ses bénéfices dans la catégorie des bénéfices agricoles à l’impôt sur le revenu selon un régime réel, de pratiquer une provision lorsqu’il constate une hausse de la valeur du stock de vaches laitières et allaitantes à la clôture de l'exercice, avec un effet tant fiscal que social.

Ce dispositif a été voté dans le cadre de l’adoption de la loi de finances pour 2025 (article 66) mais son application a été anticipée, ouvrant son application aux exercices clos à partir du 1er janvier 2024, conformément à une annonce de la ministre de l’agriculture en date du 1er avril 2025 ([12]).

Malgré l’importance que cette mesure représente pour nombre d’éleveurs, vos rapporteurs souhaiteraient voir les autres mesures du plan de reconquête de la souveraineté sur l’élevage mises en œuvre, à commencer par la remise à plat des dispositifs de financement existants.

De nombreuses parties prenantes de l’élevage, dont la FNSEA et la Coordination rurale, appellent par exemple à une intensification de la politique de structuration de l’engraissement sur le sol français, dans l’objectif de rétablir le gisement nécessaire à la viabilité des structures d’abattage et de transformation et de relocaliser la plus-value produite par cette activité.

Des pistes complémentaires peuvent également être considérées, comme la mise en place d’une prime à l’abattage pour les animaux nés, élevés et abattus en France. Enfin, le soutien à l’engraissement étant une mesure de court terme, celui-ci pourrait être utilement accompagné d’actions en faveur des éleveurs naisseurs, dans une perspective de sécurisation de la filière à moyen et long termes.

Recommandation n° 4 : Accélérer la mise en œuvre des priorités fixées dans le cadre du plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage et mieux cibler les aides financières pouvant inciter davantage à l’engraissement des animaux sur le sol français.

Au-delà des difficultés qu’elle entraîne pour les producteurs, la baisse structurelle des cheptels se traduit par une réduction de l’activité des abattoirs, défavorable à leur rentabilité et au maintien de leur équilibre économique.

  1.   La restructuration du secteur de l’abattage : un enjeu Économique majeur

La réduction progressive du cheptel affaiblit la viabilité économique des abattoirs, déjà soumis à des pressions croissantes liées à la hausse des coûts de production, au renforcement des exigences sanitaires et à la concurrence exercée par les pays voisins européens. Dans ce contexte, il devient de plus en plus complexe de préserver un maillage territorial d’abattoirs, pourtant indispensable pour garantir des débouchés à tous les éleveurs et soutenir la vitalité des économies locales.

A.   La diminution du nombre d’abattoirs

1.   Une dynamique structurelle

a.   Une tendance générale

La filière d’abattage d’animaux de boucherie subit, depuis la fin de l’année 2022, des difficultés structurelles sans précédent. La décapitalisation en élevage entraîne de fortes tensions sur l’approvisionnement des abattoirs et conduit à des fermetures d’établissements.

En 1980, la France comptait 767 abattoirs de boucherie, soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Les fermetures observées au cours des dernières décennies ont été particulièrement nombreuses pour les abattoirs de petites tailles  ([13]) , parmi lesquels les établissements publics sont surreprésentés. Au nombre de 609 en 1980, on compte aujourd’hui 80 abattoirs publics, dont la Cour des comptes estime que les deux tiers font face à de graves difficultés économiques ([14]) et dont la part de la production au sein de la filière viande a été divisée par huit sur la période ([15]).

Évolution du nombre d’abattoirs en France de 1950 à 2010

Source : CGAAER, Xavier Ravaux

Faute d’activité suffisante et de rentabilité, de nombreux abattoirs ferment définitivement. La réduction du nombre d’outils d’abattage est continue depuis plusieurs décennies. Celle-ci s’est progressivement accélérée pour atteindre, depuis 2023, le rythme d’une fermeture d’abattoir par mois. Selon la direction générale de l’alimentation (DGAL), les abattoirs d’animaux de boucherie sont passés de 286 outils en 2010 à 230 outils en 2024. Au gré des restructurations, fermetures ou créations, la France a perdu près de 10 % de ses unités d’abattage entre 2017 et 2022 ([16]). Toutefois, en termes de volumes, ces unités permettent d’absorber largement la production nationale.

Les exemples d’abattoirs en difficulté, publics comme privés, se multiplient, à l’image de l’abattoir de Limoges, qui a dû suspendre son activité d’abattage de porcs en raison de la vétusté de ses installations : la rénovation des chaînes d’abattages aurait nécessité un investissement compris entre 200 000 euros et 500 000 euros, jugé trop lourd pour une structure déjà fragilisée.

Les abattoirs se concentrent dans les principales régions d’élevage, en particulier dans le Grand ouest, comme le montre la carte ci-après.

Répartition des abattoirs en France mÉtropolitaine en 2022

Source : Agreste

 

b.   Un recul plus marqué pour certaines espèces

Si la baisse du cheptel a pesé sur la production de viande, avec une intensification depuis 2020 dans un contexte de hausse des charges d’exploitation en 2022 et 2023, des différences existent entre les filières, avec une baisse très marquée pour les ovins en particulier.

Depuis les années 2000, la production des filières bovine, porcine et surtout ovine enregistre un net recul. Certains abattoirs ne fonctionnent que trois ou quatre jours par semaine, ce qui ne permet pas de rentabiliser les coûts de production.  Les bovins et les porcs déclinent progressivement, tandis que les ovins subissent une chute très prononcée, avec une perte de trente points en vingt ans. À l’inverse, la volaille connaît une progression marquée, avec une hausse de plus de 15 % depuis 2000, portée par une consommation croissante et une forte industrialisation du secteur. Cette tendance traduit à la fois une mutation des habitudes alimentaires, une perte de compétitivité de certaines filières et les conséquences de la décapitalisation du cheptel en France.

Évolution de la production indigène contrôlÉe en nombre d’animaux en (base 100 en 2000)

Source : Agreste

La production de viande bovine a enregistré une nette baisse à partir de 2022. L’Institut de l’élevage a relevé une diminution des abattages de – 10 % en tonnes équivalents carcasse (TEC) pour tous les bovins de 2017 à 2023, à l’origine de la perte de rentabilité des abattoirs correspondants en 2023.

S’agissant de la filière porcine, la stratégie semble orientée vers l’abattage d’animaux plus lourds, le gain de poids compensant partiellement la baisse des effectifs. Cette tendance a été favorisée par la réduction des pénalités prévues dans la grille du marché du porc français pour les porcs dont la carcasse est jugée trop lourde. Néanmoins, l’Institut du porc français décrit une situation économique « préoccupante » des abattoirs porcins en France, avec, en 2023, un résultat courant avant impôt des entreprises d’abattage-découpage négatif (5 c€ par kilogramme de carcasse, soit  1,7 %).

Les abattages d’ovins se sont fortement réduits : on constate une baisse de 5 % par an depuis 2021. En effet, le renouvellement des actifs en filières ovine et caprine est dynamique, mais caractérisé par des exploitations de taille plus modeste, diversifiées et disposant de cheptels de moindre dimension. Ces éléments peuvent conduire à complexifier les relations avec des acteurs ayant besoin de volumes plus importants et réguliers.

S’agissant de la volaille, les épisodes d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), en particulier le quatrième épisode de 2021-2022 caractérisé par une intensité inédite, ont été suivis de baisses importantes de la production. La stabilisation de la situation sanitaire consécutive à la campagne de vaccination contre l’IAHP des palmipèdes a permis de relancer la production en 2024. Toutefois, si la reprise de la production de poulets a été particulièrement dynamique, celles de canards, dindes et pintades ont baissé. Pour autant, la répartition régionale des volumes d’abattages de cette filière n’a que très peu évolué.

2.   Une concentration des infrastructures d’abattage

L’évolution de la filière Abattage est marquée par un changement structurel notable dans la répartition des modes de gestion entre secteurs public et privé. Depuis plusieurs décennies, un mouvement de fond a conduit à une concentration croissante de l’activité d’abattage. Aujourd’hui, les abattoirs privés assurent plus de 90 % du tonnage national abattu, soit 3,58 millions de tonnes en 2022 selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Cette dynamique de concentration est la traduction de l’activité de grands groupes industriels qui rachètent des outils d’abattage et procèdent à des transferts d’activité d’un site à un autre lorsque c’est nécessaire. Cinq acteurs principaux se distinguent : le groupe Bigard (Bigard, Socopa viande, Charal, Gallais viande…), qui détient trente abattoirs en France, Cooperl, Intermarché (Sva Jean Rozé, Saviel France…), Leclerc (Kermené) et Terrena (Elivia). Par exemple, à la suite du placement en redressement judiciaire du groupe coopératif Arcadie Sud-Ouest en juillet 2020, plusieurs de ses sites en Nouvelle-Aquitaine ont été repris par le groupe Bigard, qui s’est associé à la coopérative Lur Berri, ancien actionnaire d’Arcadie Sud-Ouest.

De tels rachats permettent à des sites de poursuivre leur activité et de se moderniser. Lors de leurs visites, vos rapporteurs ont pu constater que les rachats par le groupe Bigard des sites d’Evron (Socopa) en Mayenne et de Maen-Roch (Abera) en Ille-et-Vilaine ont permis de développer et de transformer des outils d’abattage. Le site d’Evron, qui emploie 930 employés, fait figure de vitrine du groupe Bigard : il est désormais équipé de robots qui effectuent plusieurs tâches sur la ligne d’abattage, comme la découpe des carcasses. Cette modernisation permet de recentrer les opérateurs sur des tâches exigeant davantage de dextérité, en particulier sur la chaîne de transformation.

Ces groupes industriels fondent leur activité sur une forte intégration verticale de leur production et s’organisent afin de saturer leurs outils par une restructuration des sites, au bénéfice des unités les plus productives. En outre, la majorité des abattoirs industriels, dont la taille est variable, est spécialisée en mono-espèce, ce qui permet une optimisation des équipements.

Ces stratégies permettent aux groupes de maximiser les volumes abattus, atteignant un seuil de rentabilité suffisant pour soutenir les investissements lourds liés à la modernisation et à la mise aux normes des outils de production.

B.   Une nÉcessitÉ au regard des contraintes liÉes À l’activitÉ d’abattage

Les abattoirs requièrent des investissements importants pour rester rentables et compétitifs dans un contexte d’accroissement des coûts de production (main-d’œuvre, énergie, logistique, etc.), de forte concurrence internationale et de normes sanitaires plus rigoureuses (au demeurant favorables à l’essor d’équipements industriels). L’abattage de plus grands volumes permet de réaliser des économies d’échelle et d’amortir le coût des investissements. Les marges ainsi dégagées facilitent l’accès à des technologies avancées, renforçant l’efficacité des équipements.

1.   Des coûts de production en hausse

Alors que les recettes se contractent, les abattoirs font face à une augmentation de leurs coûts de production. L’augmentation des coûts de l’énergie et l’inflation ont produit un « effet ciseau », entraînant une forte augmentation des frais fixes liés à l’activité d’abattage. Les coûts des autres intrants, comme l’eau et la main-d’œuvre, ont également augmenté.

Les abattoirs sont des établissements ayant une importante consommation d’énergie, notamment en électricité pour le fonctionnement des systèmes de refroidissement, et en eau, sans possibilité de réemploi ou de recyclage des eaux usées pour des raisons sanitaires. Le montant de la redevance aux agences de l’eau est, de ce fait, une préoccupation se posant avec une acuité particulière pour ces établissements, alors que les professionnels sont prêts à réutiliser les eaux usées traitées (REUT). À ce titre, deux ans après la présentation du Plan eau par le Gouvernement, l’accompagnement de porteurs de projets de projets REUT se poursuit et un observatoire dédié a été mis en ligne. Au mois de mars 2025, seuls 195 projets sont toutefois en service ou en cours d’instruction, alors que l’objectif reste d’atteindre mille projets d’ici 2027 ([17]).

De manière générale, la hausse des coûts de l’énergie a déstabilisé l’équilibre financier d’abattoirs déjà fragiles et l’imprévisibilité de l’évolution de ces coûts pèse sur les charges de ces établissements.

Coûts et résultats courants dans l’abattage-découpe de viande bovine

 

Une image contenant texte, capture d’écran, diagramme, Parallèle

Description générée automatiquement

Source : FranceAgriMer, indicateur trimestriel de gestion

La situation économique des entreprises d’abattage et de transformation, maillons centraux de la chaîne de valeur, peut rapidement se détériorer si les hausses des coûts de production ne sont pas répercutées en aval auprès de la grande distribution. Les industriels peuvent rencontrer des difficultés à faire accepter ces ajustements tarifaires par les distributeurs, qui cherchent au contraire à maintenir des prix les plus bas possible pour les consommateurs.

Des initiatives ont cependant vu le jour, ces dernières années, pour garantir une juste répartition de la valeur entre les éleveurs, les transformateurs et les distributeurs. C’est ainsi que le distributeur Lidl a développé des contrats tripartites avec Tradival et le groupement d’éleveurs porcins Cirhyo pour la production de porc Label Rouge 100 % origine France ([18]). Pour l’industriel qui effectue l’abattage et la transformation, ces contrats garantissent un certain volume de matière première, ce qui lui permet de mieux planifier son activité, d’éviter les surcapacités ou les ruptures, et d’optimiser la chaîne de production.  De tels contrats pluriannuels présentent l’avantage de sortir d’une logique de court terme basée sur la fluctuation des prix du marché et d’assurer une relation commerciale durable avec un distributeur, ce qui peut représenter une part significative du chiffre d’affaires.

Recommandation n° 5 : Développer les contrats tripartites pluriannuels afin de garantir une juste répartition de la valeur entre les éleveurs, les industriels et les distributeurs. 

2.   Des normes et des contrôles sanitaires exigeants mais sécurisants

Les abattoirs sont aujourd’hui soumis à des normes de plus en plus strictes, tant en matière de sécurité sanitaire de la viande qu’en matière de protection du bien-être animal. Pour répondre à ces exigences, les abattoirs doivent mobiliser d’importants moyens humains, techniques et financiers.

Les contrôles sanitaires en abattoir ont pour objectif principal de garantir la sécurité sanitaire des viandes destinées à la consommation humaine, tout en veillant au respect du bien-être animal. Ces contrôles sont encadrés par l’État et mis en œuvre par les directions départementales de la protection des populations (DDPP), dont les agents sont présents dans les abattoirs. La sécurité sanitaire de la viande repose sur des procédures de contrôle et de surveillance rigoureuses conformément à la réglementation européenne et nationale (voir encadré ci-après) ([19]). Sont ainsi précisées les règles d’immobilisation et d’étourdissement des animaux, qui doivent rester inconscients jusqu’à leur mise à mort, sauf dans le cadre d’abattages pratiqués selon des rites religieux.

Les grands groupes industriels disposent de personnels qualifiés et d’infrastructures adaptées leur permettant de se conformer plus aisément à la réglementation. À l’inverse, les abattoirs de plus petite taille, notamment les établissements multi-espèces, peuvent rencontrer davantage de difficultés à mettre en œuvre ces normes de manière rigoureuse, du fait du manque de personnel formé ou d’équipements inadaptés ou insuffisants.

Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont été alertés à plusieurs reprises sur les difficultés de recrutement d’inspecteurs vétérinaires affectés en abattoir, qu’il s’agisse de vétérinaires ou d’auxiliaires officiels, avec un renouvellement des effectifs de plus en plus important pour ces derniers. En juin 2023, un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ([20]) souligne que 210 postes étaient vacants dans les abattoirs pour 1 471 auxiliaires officiels et 275 vétérinaires en poste en 2022. Par ailleurs, 90 % des vétérinaires et 30 % des auxiliaires sont contractuels.

Leur présence des vétérinaires ou des auxiliaires dans les abattoirs est pourtant indispensable pour que celui-ci fonctionne et essentiel pour veiller au respect des bonnes pratiques et de la réglementation en matière de bien-être animal. Leur métier consiste à inspecter à la fois les animaux vivants et les animaux morts pour identifier tout risque de contamination ou relatif à la santé humaine. Comme le relève le Conseil national d’éthique des abattoirs (CNEAb), le recours accru à des agents contractuels n’assure pas une formation et une qualité de contrôle adéquats aux exigences et enjeux de la profession.

Pour les abattoirs, cette situation accroît les risques sanitaires, voire réputationnels, en cas de scandale sanitaire. Elle peut ralentir la chaîne d’abattage ou, à l’inverse, conduire à mettre en jeu leur responsabilité en cas d’abattage sans inspection préalable et in fine à des sanctions. La pénurie d’inspecteurs peut avoir des conséquences économiques significatives et qu’il convient de ne pas sous-estimer. Il conviendrait donc de renforcer les efforts, y compris financiers, pour former et fidéliser davantage d’inspecteurs en abattoir (vétérinaires et auxiliaires officiels) et pour rendre aussi plus attractifs ces métiers.

Recommandation n° 6 : Revaloriser les métiers d’inspection sanitaire (vétérinaires et auxiliaires) pour garantir la sécurité sanitaire et le bon fonctionnement des abattoirs, en s’appuyant sur les recommandations du CGAAER et du CNEAb.

L’attention des rapporteurs a également été appelée sur les disparités constatées dans l’application des contrôles sanitaires. Le niveau d’exigence concernant la conformité des carcasses pourrait varier d’un abattoir à l’autre ou selon les départements. Bien qu’il soit difficile de documenter précisément ces écarts dans le cadre de cette mission d’information, il est essentiel que les autorités s’assurent d’une application rigoureuse et homogène des normes sanitaires sur l’ensemble du territoire afin d’éviter toute distorsion entre les sites d’abattage.

Recommandation n° 7 : S’assurer de l’application rigoureuse et homogène des normes sanitaires sur l’ensemble du territoire afin d’éviter toute distorsion entre les sites d’abattage, en renforçant le pouvoir d’autorité du préfet.

Enfin, vos rapporteurs regrettent que les élus locaux et les parlementaires ne soient pas systématiquement informés lorsque le préfet envisage de suspendre ou de retirer l’agrément d’un abattoir pour non-respect des normes sanitaires, de sécurité alimentaire ou de bien-être animal. Les abattoirs représentent souvent de gros employeurs et une fermeture de site peut conduire à mettre au chômage des centaines de personnes. Compte tenu de ces conséquences économiques et sociales, les responsables politiques du territoire doivent pouvoir être prévenus en amont.

Recommandation n° 8 : Informer systématiquement les parlementaires et les élus locaux avant que l’agrément d’un abattoir situé sur leur territoire ne soit suspendu ou retiré.

 

Les contrôles sanitaires en abattoir

La direction départementale de la protection des populations (DDPP), représentant du ministère de l’Agriculture au niveau local, est chargée de superviser les opérations de contrôle dans chaque abattoir agréé. Au sein de ces établissements, des inspecteurs vétérinaires officiels sont présents en permanence. Ces professionnels, fonctionnaires ou agents contractuels, assurent la surveillance sanitaire de toutes les étapes de l’abattage. Ils sont assistés par des auxiliaires sanitaires, techniciens habilités à effectuer certaines tâches sous leur autorité ([21]).

Les contrôles sanitaires se déroulent en trois phases. Avant l’abattage (phase ante mortem), chaque animal vivant fait l’objet d’une inspection pour vérifier son état de santé, la conformité de ses documents d’identification et le respect des conditions de transport. L’état de l’animal est également contrôlé à ce stade, notamment en ce qui concerne le stress, le temps d’attente et l’accès à l’eau.

Pendant l’abattage, les agents vétérinaires surveillent la bonne exécution des procédures d’étourdissement, de saignée et d’hygiène. Ils veillent à ce que les carcasses ne présentent aucun signe de souffrance inutile ni de pathologie évidente.

Enfin, après l’abattage (phase post mortem), une inspection visuelle, voire tactile ou avec incision, est réalisée sur les carcasses et les abats pour détecter d’éventuelles anomalies. Les vétérinaires décident alors de la mise sur le marché des viandes ou, le cas échéant, de leur retrait ou déclassement.

Par ailleurs, les inspecteurs vérifient en continu les conditions d’hygiène générales de l’établissement : propreté des locaux, fonctionnement des équipements, respect de la chaîne du froid et traçabilité des produits. Ils contrôlent également la bonne application des procédures d’autocontrôle mises en place par l’abattoir, comme les analyses microbiologiques et les plans HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points ou, en français, Système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques).

En cas d’anomalie, plusieurs suites peuvent être données : simple recommandation, mise en demeure de mise en conformité, saisie ou destruction de viandes, suspension de l’agrément sanitaire voire poursuites administratives ou pénales si des infractions graves sont constatées.

Depuis 2020, certaines zones sensibles font l’objet d’un renforcement des contrôles. L’attention croissante à la question du bien-être des animaux en abattoir, sous l’effet de la diffusion de vidéos par l’association L. 214 en particulier, a conduit une partie des abattoirs à mettre en place volontairement des caméras de vidéosurveillance dans les zones sensibles (déchargement, conduite, étourdissement, saignée) afin de prévenir les mauvais traitements, améliorer la transparence et la conformité des pratiques. Depuis la loi Egalim de 2018, chaque abattoir doit désigner un Responsable de la protection animale (RPA), salarié chargé de faire appliquer les règles de protection animale au sein de l’établissement.

3.   L’export : un débouché nécessaire pour valoriser toutes les pièces de l’animal

Il est essentiel pour les abatteurs de pouvoir valoriser au mieux toutes les pièces de l’animal, y compris celles qui sont peu prisées sur les marchés français ou européen. Ils doivent donc, pour cela, disposer des moyens, humains et logistiques, nécessaires pour l’export et obtenir un « équilibre matière » qui permette de valoriser, au mieux, toutes les parties des carcasses (voir infra, partie III. A. 4.).

S’agissant de la filière porcine, par exemple, les pieds de porcs sont, pour l’essentiel, exportés vers la Chine. Aujourd’hui, la Cooperl réalise 30 % de son chiffre d’affaires à l’export ([22]), en particulier en Chine et en Asie du Sud-Est. Les exportations du groupe Bigard, qui ne cessent de progresser, représentent quant à elles 17 % de son chiffre d’affaires ([23]). La valorisation de certains produits sur les marchés internationaux permet aux industriels d’optimiser l’amortissement de leurs investissements et de limiter le prix facturé aux consommateurs français pour les autres pièces.

L’exportation est ainsi devenue un levier essentiel pour les industriels, leur permettant de rester compétitifs dans un contexte de concurrence renforcée. Elle incite même certains producteurs à envoyer leurs animaux vers des pays voisins, comme l’Espagne ou l’Italie, où les coûts d’engraissement ou d’abattage peuvent s’avérer plus avantageux.

4.   La concurrence internationale

La filière française d’abattage est confrontée à la concurrence d’autres filières européennes. Le manque de compétitivité des abattoirs français est lié à plusieurs facteurs.

D’une part, les coûts de production sont plus élevés en France que chez nos voisins européens. Le coût du travail est plus élevé dans notre pays compte tenu du niveau du Smic et des cotisations sociales. Jusqu’à l’interdiction de la sous-traitance en abattoir en 2020, les abattoirs allemands avaient ainsi très largement recours à des travailleurs détachés d’Europe de l’Est, tandis que l’Espagne emploie aussi une main-d’œuvre étrangère bon marché dans un cadre plus souple.

Si le recours à la main-d’œuvre étrangère reste très répandu dans les abattoirs français, certains groupes comme Bigard se donnent pour objectif de recruter 100 % de leur personnel en contrat à durée indéterminée tout en accompagnant les travailleurs étrangers dans l’apprentissage du français.

D’autre part, les abattoirs étrangers sont souvent plus récents, plus automatisés et plus spécialisés, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. La France a encore de nombreux abattoirs de petite taille, parfois vétustes, ce qui limite les gains de productivité.

Enfin, les filières sont plus intégrées dans certains pays. En Allemagne, la filière Viande (notamment celle de la viande de porc) est hautement intégrée : producteurs, abatteurs et transformateurs travaillent ensemble de façon optimisée. En France, la filière est plus morcelée même si des coopératives comme la Cooperl sont devenues des acteurs majeurs du secteur.

C.   L’indispensable maintien d’un maillage territorial

1.   Des abattoirs au service de l’économie locale

Une stratégie d’aménagement intégrant la cohabitation des petits et des grands abattoirs est essentielle : les grands abattoirs permettent de répondre à des besoins industriels et internationaux, tandis que les petits abattoirs, sous réserve qu’ils parviennent à sécuriser des modèles économiques viables, permettent de soutenir des filières territorialisées ou devant traiter une qualité particulière. Les petits abattoirs sont ainsi essentiels pour maintenir une agriculture diversifiée. Le rapport du CGAER intitulé « Filière abattoir : synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010 » ([24]) souligne ainsi la nécessité de conserver les abattoirs de proximité, même s’ils ne parviennent pas à concurrencer les abattoirs industriels.

En effet, ces abattoirs jouent un rôle important en raison de leur capacité à structurer des circuits de production plus diversifiés. Moins standardisés dans leurs méthodes d’abattage, ils permettent plus de souplesse et l’abattage d’animaux dits « hors gabarit », c’est-à-dire des animaux de taille atypique par rapport aux standards de l’espèce. C’est, par exemple, le cas pour les agneaux de lait élevés dans les Pyrénées ou dans le bassin du Roquefort ou pour des porcs fermiers comme le porc noir de Bigorre.

Ces plus petits établissements permettent ainsi de sortir de circuits conventionnels de production de masse et de produire de la valeur ajoutée en diversifiant les types de viande proposée. La proximité avec les éleveurs et les consommateurs permet par ailleurs de répondre à la demande de produits locaux, dont la pérennité est conditionnée à la présence d’ateliers de découpe et de transformation situés à proximité de l’abattoir.

Ces équipements sont principalement concentrés dans trois régions du sud de la France : la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et l’Auvergne-Rhône-Alpes. Cette répartition géographique s’explique, en creux, par la structuration de la filière sur un mode industriel dans d’autres régions (Bretagne) et par une économie agricole fondée sur la polyculture-élevage qui prédomine dans ces régions du sud. Leur production varie en fonction des espèces considérées. Elle reste marginale en porcs (5,4 % hors importations selon les chiffres de la Cour des comptes), mais plus significative pour les ovins (28,7 % de la production totale hors importation).

Dans un rapport de février 2020 intitulé « Les abattoirs publics : des charges pour les contribuables locaux rarement justifiées » ([25]), la Cour des comptes rappelle que les 80 abattoirs publics d’animaux de boucherie ne représentent plus que 7 % de la production de l’ensemble de la filière « viande de boucherie ». Près de 90 % des abattoirs publics réalisent une production de moins de 5 000 TEC. La Cour invite ainsi à se « reposer la question du maintien de ces services publics peu rentables, ou utilisés de façon quasi-privative et exclusive par des industriels de la viande ».

En effet, la rentabilité des abattoirs publics n’est pas facile à établir : des coûts de fonctionnement élevés en raison d’une activité multi-espèces, une forte dépendance à quelques fournisseurs ou clients en situation de monopole qui imposent leurs conditions tarifaires, un manque de compétences en gestion financière ainsi qu’un encadrement souvent insuffisant pour optimiser l’utilisation de l’outil. De plus, leur gouvernance est assurée par des élus locaux qui considèrent davantage l’abattoir comme outil d’intérêt général que comme une activité économique à part entière.

Cette situation a conduit à une diminution du nombre d’abattoirs publics : de 114 en 1989, ils n’étaient plus que 80 en 2020 et les exemples d’abattoirs publics en difficulté se multiplient.

Si les abattoirs publics jouent un rôle essentiel dans le maintien des filières locales, notamment pour les petits élevages en polyculture-élevage, leur fonctionnement soulève de nombreuses difficultés. Bien que ces établissements permettent de préserver une certaine autonomie territoriale en matière d’abattage, ils sont souvent surdimensionnés et sous-exploités.

La mobilisation des pouvoirs publics permet toutefois, dans certains cas, de sauver des petites structures et donc de préserver des filières d’élevage locales.  Tel est le cas de l’abattoir de Villeneuve-sur-Lot, qui a été repris par la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne en 2015, ou encore de l’abattoir du Diois, qui est géré par un collectif d’éleveurs dans le cadre d’une SARL depuis l’intervention de la communauté de communes du Diois au début des années 2000 (voir encadré).

 

Des abattoirs au service des territoires : les exemples des sites du Diois et Villeneuve-sur-Lot

– L’abattoir municipal de Die, dans la Drôme, était menacé de fermeture au début des années 2000, ce qui aurait eu un impact considérable sur l’économie locale et l’activité des éleveurs de la vallée. La communauté de communes du Diois prit alors la compétence « Abattoir » pour éviter sa fermeture et, en 2004, 45 éleveurs s’associèrent pour reprendre la gestion de l’abattoir sous le statut de SARL. L’abattoir du Diois est aujourd’hui géré par une SARL composée de 49 sociétaires, dont des éleveurs et des bouchers.

Cette structure fonctionne en délégation de service public, avec la communauté de communes propriétaire du bâtiment et responsable des investissements, tandis que la SARL assure le fonctionnement quotidien. Les éleveurs sont directement impliqués dans les opérations d’abattage, travaillant en tant que tâcherons sur les chaînes. Cette organisation permet une maîtrise complète de la chaîne de production, de l’élevage à la vente directe, favorisant ainsi les circuits courts et le respect du bien-être animal. L’abattoir du Diois constitue aujourd’hui un exemple remarquable de gestion collective et de résilience face aux défis économiques et réglementaires. Il montre comment une communauté peut se mobiliser pour préserver un outil essentiel à son activité et à son identité ([26]).

– L’abattoir de Villeneuve-sur-Lot offre également un bel exemple de solidarité locale. Jusqu’en 2015, l’abattoir, le dernier du Lot-et-Garonne, était géré par la municipalité de Villeneuve-sur-Lot. Face à la nécessité de moderniser les installations, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne a repris l’établissement en 2015, créant la société par actions simplifiée « L’Abattoir 47 » pour en assurer la gestion. Maillon indispensable pour les éleveurs locaux, l’abattoir propose des services d’abattage multi-espèces, notamment pour les bovins, ovins et porcins, et met l'accent sur la traçabilité et la qualité des produits. Depuis fin 2019, l’abattoir délivre un certificat d’origine de la viande, garantissant que les animaux sont nés, élevés et abattus en Lot-et-Garonne, renforçant ainsi la transparence et la confiance des consommateurs.

Sous la gestion de la chambre d’agriculture, l’abattoir a entrepris des démarches de modernisation pour répondre aux normes sanitaires et environnementales actuelles. Ces efforts visent à assurer la pérennité de l’établissement et à soutenir les circuits courts, en facilitant la vente directe des producteurs locaux. L’abattoir de Villeneuve-sur-Lot illustre l’importance des initiatives locales pour maintenir des infrastructures essentielles au développement rural et à la souveraineté alimentaire.

2.   Les risques liés à la concentration du secteur de l’abattage

La concentration des abattoirs entre les mains de quelques grands groupes industriels présente plusieurs risques importants, tant sur les plans économique, sanitaire et environnemental que social. Cette situation soulève des enjeux cruciaux pour l’ensemble de la filière agroalimentaire, les éleveurs, les consommateurs et les territoires ruraux.

 

Les grands groupes ont en effet tendance à structurer leur réseau de manière à garantir la viabilité économique de leurs activités : les abattoirs en difficulté sont alors fermés au profit d’autres abattoirs vers lesquels sont redéployés les circuits d’acheminement des animaux.

Par exemple, en octobre 2023, le groupe Bigard a annoncé une restructuration de ses outils d’abattage de porcs, visant à concentrer son activité à Évron. Cette décision a entraîné la fermeture ou la réduction des activités porcines sur d’autres sites, notamment ceux de Celles-sur-Belle, Le Neubourg et Sablé-sur-Sarthe. Les volumes de production de ces sites ont été progressivement transférés vers Évron, renforçant ainsi son rôle central dans la filière porcine du groupe.

De fait, la concentration des abattoirs réduit la concurrence et limite les débouchés pour les éleveurs, qui se retrouvent souvent dépendants d’un petit nombre d’acheteurs. Cette situation affaiblit leur pouvoir de négociation sur les prix, accentue leur précarité financière et fragilise la diversité des modes de production, notamment les élevages paysans.

D’un point de vue sanitaire, la centralisation de l’abattage dans de grandes structures peut accroître les risques en cas de crise. Un problème sur un site majeur peut entraîner des perturbations d’ampleur nationale. Par conséquent, le respect des normes sanitaires doit être strict afin d’éviter une contamination bactériologique.

Enfin, cette concentration peut avoir des effets délétères sur les territoires. La fermeture des petits abattoirs de proximité rend plus difficile l’accès à l’abattage pour les éleveurs locaux, notamment ceux engagés dans des circuits courts. Les fermetures de site fragilisent le tissu économique des établissements concernés, de nombreux emplois locaux dépendant de ces abattoirs. Cela nuit à la vitalité économique des zones rurales et augmente les distances de transport pour les animaux.

En somme, si la concentration des abattoirs apparaît inéluctable et même souhaitable pour faire face aux nombreux enjeux rappelés ci-dessus ce phénomène n’est pas sans risque. Les politiques publiques doivent donc s’efforcer de préserver un maillage territorial qui soit à même d’assurer la résilience du système agroalimentaire.

3.   Consolider le maillage territorial des abattoirs

Consolider le maillage territorial des abattoirs en France est un enjeu central pour préserver la souveraineté alimentaire, soutenir les filières d’élevage locales et favoriser une alimentation de qualité, accessible et durable.

Face à la concentration croissante du secteur et à la fermeture progressive des abattoirs de proximité, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de renforcer les outils d’abattage de petite et moyenne taille. Dans cette optique, plusieurs plans ont été mis en œuvre ces dernières années, portés successivement par les ministres de l’agriculture Julien Denormandie et Marc Fesneau.

Le plan d’investissement pour les abattoirs lancé en 2021 par M. Julien Denormandie a constitué une première étape structurante. Doté de 130 millions d’euros dans le cadre du plan de relance, il visait à moderniser les abattoirs existants, renforcer la sécurité sanitaire et le bien-être animal, mais aussi encourager la création ou la réouverture d’abattoirs de proximité, d’abattoirs fixes ou encore d’abattoirs mobiles, à l’instar du projet Le Bœuf éthique (voir encadré). Ce soutien financier a permis de relancer plusieurs projets locaux portés par des collectivités, des coopératives ou des éleveurs eux-mêmes, souvent dans une logique de circuit court. Ce plan semble avoir rencontré un certain succès, avec de nombreux projets déposés dans des territoires ruraux.

« Le Bœuf éthique », premier abattoir mobile français

Le plan Denormandie a permis de financer le premier abattoir mobile français, appelé « Le Bœuf éthique ». Lancé en 2020 par Mme Emilie Jeannin, éleveuse de bovins charolais en Côte-d’Or, ce dispositif, inspiré de projets développés en Suède, consistait à faire venir l’abattoir à la ferme : des camions spécialement équipés se déplacent de ferme en ferme pour abattre les animaux sur place. Il comprenait trois unités mobiles : une pour l’étourdissement et l’éviscération, une pour le ressuyage et une pour le refroidissement. Les carcasses étaient ensuite acheminées vers un abattoir fixe pour la découpe. Ce système permettait de réduire le stress des animaux en évitant leur transport vers des abattoirs éloignés.

Toutefois, ce projet, qui a suscité un certain enthousiasme, a rapidement rencontré des difficultés financières. Des coûts d’exploitation élevés ainsi que les retards de paiement des partenaires ont mis en péril la viabilité de l'entreprise. En novembre 2022, Le Bœuf éthique a été placé en redressement judiciaire, puis en liquidation en février 2023.

Au regard de ce retour d’expérience et des travaux conduits par la présente mission d’information, vos rapporteurs restent réservés quant au développement des abattoirs mobiles. Ils tiennent toutefois à saluer l’engagement et le travail mené par Mme Jeannin : en dépit de l’arrêt du projet, elle a démontré la faisabilité technique de l’abattage mobile en France.

Cette dynamique a été poursuivie par M. Marc Fesneau avec un plan, annoncé en 2023, d’environ 115 millions d’euros, intégrant le Programme d’investissement d’avenir (PIA) et le plan France 2030. Ce nouveau volet insiste sur l’innovation technologique (comme l’abattage mobile ou à la ferme), la structuration territoriale de la filière et l’amélioration des conditions de travail. L’objectif est également de répondre aux attentes sociétales croissantes en matière de traçabilité, de bien-être animal et de relocalisation de la production.

Vos rapporteurs saluent la volonté du Gouvernement d’enrayer le déclin du maillage territorial des abattoirs. Les plans précités traduisent la volonté de l’État d’ancrer dans les territoires les activités d’abattage et de transformation de la viande.

Vos rapporteurs notent cependant que certains industriels n’ont pas joué le jeu avec les pouvoirs publics et n’ont pas investi les aides publiques touchées pour remettre aux normes leurs équipements. Tel est le cas du groupe belge Sopraco, qui a acquis en 2018 l’abattoir AIM d’Antrain situé à Val-Couesnon (Ille-et-Vilaine). En 2021, l’abattoir a bénéficié d’une subvention de 1,6 million d’euros pour des travaux de modernisation, dont 832 000 euros ont été versés en avance. Cependant, ces investissements n’ont pas été réalisés, malgré les mises en demeure des autorités sanitaires, ce qui a conduit la préfecture à suspendre l’agrément d’abattage de l’établissement en novembre 2023 en raison de dysfonctionnements en matière d’hygiène et de protection animale. Cette décision a conduit à l’arrêt des activités d’abattage et à la liquidation judiciaire de l’abattoir en juillet 2024 ([27]). Il est donc absolument nécessaire que les subventions versées aux abattoirs fassent l’objet d’un suivi et qu’elles soient remboursées au Trésor public lorsque les investissements n’ont pas été effectués.

Recommandation n° 9 : Veiller à réaliser un contrôle et une évaluation complets et détaillés, pour chaque abattoir ayant bénéficié d’aides publiques, de la mise en œuvre des plans Denormandie et Fesneau et en rendre les résultats publics.

III.   UN SECTEUR indispensable à la souveraineté alimentaire en LUTTE POUR SA RECONNAISSANCe

Le dynamisme des importations de viande comparé à celui de la production nationale devrait aggraver la dépendance de la France envers ses voisins pour obtenir l’alimentation dont elle a besoin. Dans ce contexte et malgré l’évolution des habitudes de consommation, dont il convient de tenir compte, des stratégies et des initiatives permettant de valoriser la consommation de produits locaux et de qualité semblent indispensables pour soutenir l’appareil productif de l’ensemble de la filière viande en France (A).

Par ailleurs, les abattoirs souffrent d’un déficit d’attractivité, en lien avec l’image souvent négative de leur activité. Outre le débat autour de l’économie décarbonée, la question du bien-être animal tend à exacerber les oppositions, notamment autour de l’abattage rituel. La revalorisation des abattoirs devra donc passer par l’adoption d’approches équilibrées et pragmatiques (B).

A.   accompagner la consommation de viande pour prÉserver les dÉbouchÉs des abattoirs

Face au dynamisme et à la concurrence des importations de viande sur le marché français, il convient d’inciter le consommateur à s’orienter vers la production intérieure, au moyen d’une meilleure indication de l’origine des viandes et en s’appuyant sur les instruments de restauration collective.

Par ailleurs, vos rapporteurs soulignent l’importance des protéines animales dans l’alimentation.

1.   Consommer de la viande : certains voient rouge

a.   « Couvrez ce steak que je ne saurais voir » : quelle place pour nos abattoirs aujourd’hui ?

Vos rapporteurs partagent l’idée que le geste sacrifiant l’animal, préalable indispensable à la consommation de viande, tend à être occulté aussi bien dans les discours que dans les imaginaires. Ce thème de la « mort cachée » au sein des abattoirs a fait l’objet de développements documentés dans le rapport de 2016 de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français ([28]). Vos rapporteurs se contenteront donc de rappeler quelques éléments essentiels et de partager certains témoignages issus de leurs auditions.

À la fin du XIXe siècle, les abattoirs ne sont pas encore généralisés en France, notamment dans les zones rurales où des résistances financières et corporatistes freinent leur implantation. Ce n’est qu’au début du XXe siècle, grâce à des lois facilitant leur financement et la création d’abattoirs intercommunaux, que leur diffusion s’accélère.

En parallèle, le vocabulaire évolue : des termes crus comme « tuerie » ou « écorcheur » cèdent la place à des mots plus neutres comme « abattoir » ou « équarrissage ». Cette transformation lexicale reflète une volonté de rendre plus acceptable l’acte de tuer, en l’éloignant de la violence organique pour évoquer des gestes techniques, presque artisanaux. À noter néanmoins que ce glissement n’est pas nécessairement partagé dans les autres langues, à l’instar de l’anglais, où le terme « slaughterhouse » désigne sans euphémisme la « maison du massacre ».

À cet égard, nombre de professionnels interrogés, à l’instar de la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs de proximité (FNEAP) ou de la FNAF-CGT, dénoncent ce qu’ils qualifient de « propagande anti-viande », qu’il s’agisse de la publication des vidéos de l’association L-214 – qu’ils jugent non-représentatives de leur métier – ou des discours prônant la réduction ou la fin du régime carné pour des considérations écologiques. L’étude publiée en 2023 par Chambre d’agriculture France ([29]) relève, de son côté, un certain nombre de facteurs de « stigmatisation de l’élevage en France », comme la compatibilité de cette activité avec l’environnement, la question du bien-être animal et celle de la valeur nutritionnelle des aliments carnés.

Plus largement, cette coupure entre le consommateur et la chaîne de production participe d’une ignorance croissante de l’origine réelle des produits carnés. Cette perte de repères soulève des questions éthiques et éducatives sur notre rapport à l’alimentation.

Vos rapporteurs ne peuvent que regretter la perte du lien avec la façon dont est produite aujourd’hui la nourriture, en particulier la viande. Il serait sain et profitable, dans l’optique de soutenir les élevages et l’ensemble des acteurs de la filière, que ce lien soit rendu plus visible et davantage assumé.

b.   Le développement des régimes sans viande : une tendance qui reste limitée, mais qui n’est pas sans débat

Contrairement à une idée parfois ancrée dans l’opinion, les jeunes générations ne s’orientent pas massivement vers des régimes sans viande. Se référant à plusieurs enquêtes sur le sujet, un article du Monde estime que seulement 2 % des Français (1,4 million de personnes) déclarent suivre un régime végétarien ou végan ([30]).

En revanche, les habitudes de consommation évoluent et tendent à faire reculer la place de la viande dans le régime alimentaire quotidien : 27 % des Français déclarent ainsi ne pas manger de la viande tous les jours.

Il demeure que la consommation de viande est aujourd’hui devenue un acte largement discuté, parfois diabolisé et sujet à de nombreux débats : en attestent celui sur la valeur des protéines animales et végétales (voir l’étude de Chambre d’agriculture France précitée) ou les questions soulevées par certaines opérations de communication des services de l’État, qui invitent à ne pas consommer certaines viandes en raison de leur impact sur l’environnement (voir affiche ci-après).

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Source : Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) Bretagne (publication Linkedin)

Vos rapporteurs estiment important que la consommation de viande ne soit pas stigmatisée. Sans remettre en cause l’importance des études scientifiques relatives à l’équilibre nutritionnel, vos rapporteurs soutiennent, en complément, que le débat sur la consommation de viande doit aussi permettre d’aborder des sujets comme la défense du patrimoine culturel et agricole d’un terroir ou d’une région et de celle de savoir-faire particuliers.

Les termes du débat tendant à opposer élevage et environnement doivent également être réexaminés. La réduction de notre cheptel n’a jamais été, et ne devrait pas devenir, un objectif de politique publique. Les baisses d’émissions visées d’ici 2030 dans le cadre de la planification écologique ([31]) peuvent être atteintes sans diminuer la taille du cheptel par rapport à 2023. Ces réductions s’appuieront sur d’autres leviers, tels que l’amélioration de l’alimentation des animaux et la gestion des troupeaux. Il en va de même avec la consommation de viande, dans la mesure où les stratégies d’approvisionnement au sein de circuits courts et d’élevages de qualité peuvent être élaborées en cohérence avec les ambitions écologiques.

2.   Une consommation de viande en légère baisse, mais des habitudes qui évoluent

a.   Des dynamiques de consommation différentes en fonction des types de viande

D’après les données fournies par FranceAgriMer et la direction générale de la performance économique du ministère de l’agriculture (DGPE), entre 1980 et 2021, la consommation individuelle de viande en France a baissé d’environ 15 kilogrammes par personne, en grande partie à cause du recul marqué de la consommation des viandes bovine (réduite d’un tiers), ovine (divisée par deux) et porcine et d’autres viandes comme le cheval ou le lapin. En revanche, la consommation de poulet a presque doublé depuis 1990, devenant la troisième viande la plus consommée, derrière le bœuf (deuxième) et le porc (première). Du fait de ces évolutions opposées, la baisse globale de la consommation de viande reste limitée sur la dernière décennie (89,2 kg par habitant en 2021, contre 89,9 kg en 2010).

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DE VIANDE (en tonnes équivalent carcasse)

Source : FranceAgriMer

 

Les tendances de consommation observées depuis vingt ans ne montrent pas de signes de rupture : la lente érosion de la consommation de viande de boucherie et l’augmentation de la consommation de viande de volailles, et plus particulièrement de poulet standard, devraient donc se prolonger dans les années à venir, de sorte que la consommation de viande de volailles devrait dépasser sous peu celle de la viande porcine.

b.   Analyse des nouvelles habitudes de consommation de la viande

L’évolution de la consommation de viande, dont le trait principal est le report de la viande rouge vers la volaille, s’explique en priorité par des facteurs économiques, le poulet étant moins cher. Cette substitution d’une viande par une autre en raison du prix est une tendance qui s’accentue lors des épisodes d’inflation et de crise économique. Influent également l’évolution des pratiques (préparation plus rapide) ainsi que l’impact de crises sanitaires comme celle de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite maladie de « la vache folle ».

S’agissant de l’évolution des représentations et des pratiques, la consommation de viande apparaît aujourd’hui largement standardisée. Comme le montre l’étude de 2024 de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) ([32]), depuis la fin des années 1990, le marché de la viande s’est structuré autour de produits uniformisés et échangés à l’échelle internationale, où les critères sont désormais dictés principalement par les exigences des industries situées en aval de la filière, plutôt que par l’origine ou la qualité intrinsèque des viandes. Cette évolution a pour conséquence d’intensifier la concurrence entre les niveaux de qualité, comme en témoigne le succès du steak haché face à des viandes plus chères et plus typées.

Cette transformation de la demande a conduit à un fossé grandissant entre les lieux de production et les habitudes de consommation. Dans ce contexte, la volaille, et particulièrement le poulet, s’est imposée dans l’alimentation comme dans les élevages. En France, la part de la volaille dans la consommation de viande est passée de 12 % en 1960 à un tiers en 2022. À l’échelle mondiale, la production de viande a été multipliée par six entre 1960 et 2022, une croissance largement portée par le poulet, dont la production a été multipliée par seize.

La consommation de produits issus des élevages bios ([33])

L’agriculture biologique représente aujourd’hui 10,8 % des terres agricoles et regroupe plus de soixante mille fermes. Le nombre d’animaux issus de cette agriculture a doublé en dix ans. Soutenue par les politiques publiques, la filière représente 6 % de la consommation alimentaire et engendre 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La loi d’orientation agricole votée par le Parlement en février 2025 a fixé l’objectif que l’agriculture biologique représente 21 % de la surface agricole utile cultivée au 1er janvier 2030 ([34]).

Deux crises récentes ont freiné cette croissance, surtout pour les produits carnés. L’intérêt pour les produits frais biologiques a diminué, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine, qui a accentué l’inflation alimentaire. Bien que les produits conventionnels aient connu une hausse de prix plus forte (+ 6,8 %) que les produits bios (+ 4 %), ces derniers restent plus coûteux, freinant l’élargissement d’un marché perçu comme « haut de gamme ».

Le recul de la consommation de produits bios issus de l’élevage a commencé dès 2021. En 2022, les ventes de viandes bios ont chuté de 13 %, pour un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard d’euros. Entre 2020 et 2022, les produits carnés ont perdu 181 millions d’euros et les produits laitiers 151 millions d’euros. Seuls les œufs bios sont restés stables en 2022, après une légère baisse l’année précédente.

Cette tendance baissière s’observe en dépit de la préoccupation croissante du bien-être animal chez les consommateurs, qui retrouvent dans les normes des cahiers des charges une assurance quant aux conditions d’élevage respectueuses.

Les labels bios ne sont cependant pas les seuls à encadrer l’élevage : les signes officiels (Label Rouge, AOP, AOC, IGP, plein air) jouissent d’une forte popularité et restent généralement moins onéreux. Si l’élevage joue un rôle clé en agroécologie (apport de matière organique, pâturage), les consommateurs bios consomment deux fois moins de viande que la moyenne. Par conséquent, la croissance du segment bio est plus limitée pour la viande, alors qu’elle semble mieux correspondre aux produits laitiers et aux œufs.

D’après l’étude de 2023 de Chambre d’agriculture France ([35]), une tendance importante pour les filières d’élevage est l’essor de la restauration hors domicile (RHD), notamment via la restauration collective, commerciale et la livraison. Aujourd’hui, environ un quart du budget alimentaire des Français est consacré à la restauration hors foyer. Cependant, la restauration commerciale se fournit majoritairement à l’import (61 % d’import pour 39 % de viande française en 2022), dynamique à rebours de la restauration collective qui poursuit sa renationalisation, avec 73 % de viande française ([36]), grâce en partie aux objectifs fixés par la loi Égalim (voir infra).

Ce changement modifie les circuits d’achat : la grande distribution a perdu des parts de marché, mais constitue toujours un débouché déterminant pour la viande de bœuf française (environ 38 % des débouchés totaux en 2022) ([37]). La boucherie traditionnelle, qui représente 11 % des débouchés en 2022, se fournit principalement en races à viande et commercialise à la marge de la viande importée pour répondre à des attentes très variées. D’après les mêmes données, l’exportation, en 2022, représente 13 % des débouchés, soit deux points de moins qu’en 2017.

Dans tous les circuits, la part des volumes valorisés en haché a augmenté. Cet engouement pour la viande hachée est principalement porté par l’attrait pour le « burger » ([38]) et conduit à sacrifier la valeur ajoutée de certains morceaux plus nobles.

3.   Répondre à la demande intérieure par les importations : une souveraineté en morceaux ?

Depuis la fin des années 1990, la production et la consommation de viande en France suivent des trajectoires divergentes : alors que la production baisse, la consommation reste relativement stable, entraînant une hausse des importations et une diminution des exportations.

Ce décrochage progressif entre l’offre nationale et la demande intérieure a conduit la France à passer, dès 2012, d’un statut globalement exportateur à celui d’importateur net. Toutefois, cette évolution globale masque des dynamiques contrastées selon les types de viande, en raison notamment d’histoires des mesures protectionnistes relativement différentes (voir figure ci-après).

ÉQUILIBRE OFFRE-DEMANDE ET PROJECTION ([39])

Source : étude Iddri, d’après données FAOStat

D’après les données fournies par FranceAgriMer, de 2019 à 2023, l’auto-approvisionnement de la France, qui mesure le rapport entre la consommation et la production, couvre en moyenne 102 % de la demande en viande porcine, 92 % en viande bovine, 75 % en viande de poulet et 51 % en viande ovine. Hors production consacrée à l’export, il apparaît ainsi qu’environ 45 % de la viande de poulet consommée en France est importée ([40]).

ÉVOLUTION MOYENNE DE LA CONSOMMATION, DE LA PRODUCTION ET DES IMPORTATIONS ENTRE 2019 et 2023

Source : FranceAgriMer

i.   Origine des importations

Les réformes successives entre 2013 et 2022 ont laissé plus de place à la subsidiarité dans la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), ouvrant la voie à une concurrence accrue entre pays de l’Union européenne (UE). À ce titre, il est important de relever que la majorité de nos importations provient, depuis le milieu des années 2000, de l’UE (voir figure ci-après).

DES IMPORTATIONS (TOUTES VIANDES) QUI SE JOUENT ESSENTIELLEMENT SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN

Source : étude Iddri, d’après données Comext

S’agissant de la volaille, la France importe majoritairement des découpes, notamment des filets, depuis des pays excédentaires comme la Pologne (29 %), la Belgique (23 %) et les Pays-Bas (15 %) ([41]). Elle en exporte peu à l’étranger, à l’exception notable de l’entreprise France Poultry : créée en 2018 pour reprendre une partie de l’activité exportatrice du groupe Doux, cette société – détenue par un groupe saoudien, ancien client – est aujourd’hui le principal abattoir français en nombre de volailles abattues, avec une production majoritairement destinée aux pays du Moyen-Orient.

Concernant la viande bovine, les importations de l’UE à 27 se situent, depuis dix ans, entre 300 000 et 400 000 tonnes par an, provenant principalement du Royaume-Uni (150 000 tonnes) et du Mercosur (200 000 tonnes). Bien qu’elles  ne représentent que 4 % de la consommation européenne, ces importations portent sur les morceaux les plus valorisés (comme les aloyaux), créant une pression sur le marché et déstabilisant les équilibres économiques. Les accords commerciaux existants ou en négociation (Mercosur, Inde, Australie) pourraient conduire à des volumes d’importation équivalant à 1,3 fois la production européenne d’aloyaux de races à viande.

Dans la filière ovine, les accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie prévoient des contingents d’importation importants, qui ne sont toutefois pas ou peu utilisés. Bien que le Royaume-Uni et l’Union européenne aient partagé ces quotas, des effets indirects persistent, les importations britanniques pouvant être redirigées vers l’Union via ses exportations.

Le volet « Viandes » du projet d’accord de libre-échange avec le Mercosur

La France s’oppose à l’accord UE-Mercosur tel qu’il est actuellement proposé, en raison des risques qu’il ferait peser sur certaines filières animales.

L’accord prévoit ainsi l’ouverture d’un contingent supplémentaire de 99 000 tonnes équivalent carcasse (tec) de viande bovine, soumis à un droit de douane réduit à 7,5 %, en plus de la libéralisation tarifaire de 60 840 tec prévue dans le cadre du « contingent Hilton » ([42]).

Pour la viande de volaille, il est prévu un contingent de 180 000 tec à droit nul, sans distinction entre viande fraîche et congelée, dont la moitié porterait sur des morceaux désossés, plus rentables.

En 2023, l’Union européenne a importé 196 458 tec de viande bovine et 285 539 tec de volaille en provenance du Mercosur. À titre de comparaison, la consommation française cette même année s’élevait à 1,5 million de tec pour la viande bovine et à 2 millions de tec pour la volaille.

ii.   Une baisse de compétitivité et une balance commerciale dégradée

Sur le plan économique, ce déséquilibre entre l’offre et la demande se traduit à travers le solde de la balance commerciale. Si la France est devenue importatrice nette de viande en volume dès 2012, ce n’est qu’en 2022 que sa balance commerciale pour les viandes devient déficitaire, en tenant compte des exportations de broutards vivants, qui représentent environ 30 % de la valeur totale des exportations. Le recul observé en 2022 s’explique aussi par la crise de la grippe aviaire, particulièrement virulente, qui a fortement réduit la capacité de production de la filière avicole française, entraînant un recours accru aux importations de volaille (voir graphique ci-après).

UNE BALANCE COMMERCIALE QUI SE DÉGRADE ENTRE 1988 et 2022

Source : étude Iddri, d’après données Eurostat/Comext

La France est devenue importatrice de viande, car d’autres pays ont su mieux qu’elle s’adapter à la compétition internationale sur des produits standards et interchangeables (jambon, viande hachée, poulet). Cette concurrence repose sur trois coûts clés : production à la ferme, logistique et abattage-découpe. La France souffre d’un désavantage de compétitivité, notamment pour les monogastriques (porcs, volailles), visible dès les années 1970. Contrairement à ses voisins du nord de l’Europe, la France ne s’engage pas complètement dans une stratégie d’automatisation et d’économies d’échelle afin de favoriser le maintien d’un certain maillage territorial et de petites structures de production de taille familiale. Moins compétitive, par ailleurs, que ses voisins d’Europe de l’Est sur la stratégie « faible coûts salariaux », la France tend à creuser un différentiel de compétitivité à partir des années 2000 qui conduit au décrochage de sa production ([43]).

Pour compenser la baisse de la production nationale, les importations sont la variable d’ajustement en viande de volailles et viande bovine. Ayant fait le constat d’une dépendance croissante aux importations, vos rapporteurs ont réfléchi à une série de recommandations qui pourraient aider à enrayer cette tendance et redonner de la valeur ajoutée à la filière viande dans son ensemble.

4.   Favoriser le développement de débouchés à la production nationale pour assurer la souveraineté alimentaire

a.   L’origine des viandes : une information pas toujours accessible aux consommateurs

Du point de vue du consommateur, l’origine des produits est un critère déterminant ([44]), non seulement pour des raisons de qualité perçue ou de sécurité alimentaire, mais aussi pour des considérations éthiques et sociales.

À ce titre, si la loi Égalim 2 comporte une série de dispositions visant à améliorer l’information du consommateur quant à l’origine des produits alimentaires, la règlementation européenne fait obstacle à l’application de bon nombre d’entre elles. Par exemple, la loi Égalim 2 a modifié l’article L. 121-4 du code de la consommation qui définit les pratiques commerciales réputées trompeuses pour interdire de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires ne sont pas d’origine française.

Aucun décret d’application de ces dispositions n’a toutefois été pris à ce jour, notamment afin de déterminer les filières concernées par ces dispositions, en raison du risque de non-conformité avec le règlement Inco ([45]).

Vos rapporteurs appuient donc la recommandation, déjà formulée par leurs collègues dans le cadre du rapport relatif à l’application de la loi Égalim 2, de porter une initiative au niveau européen pour réviser dans les meilleurs délais ce règlement Inco, afin de renforcer les obligations d’information des consommateurs en matière d’origine des denrées alimentaires.

Recommandation n° 10 : Porter une initiative au niveau européen en faveur d’une obligation d’information sur l’origine de la matière première agricole.

Des initiatives volontaires, comme Origin’Info, tentent d’apporter plus de clarté, mais ne suffisent pas à répondre aux attentes des consommateurs et des agriculteurs. L’indication claire de l’origine des produits est essentielle pour valoriser les productions françaises, segmenter les marchés et mieux rémunérer les producteurs.

Pour rappel, en matière de viande, l’origine se distingue de la provenance. L’origine d’une viande correspond à l’identité d’un seul pays pour la naissance de l’animal, son élevage et son abattage, alors que la notion de provenance recouvre, quant à elle, les pays d’élevage et d’abattage uniquement.

La réglementation relative à l’affichage de l’origine des viandes

La mise en œuvre de l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes est principalement encadrée par le droit de l’Union européenne et le règlement Inco.

En matière de restauration, y compris les traiteurs, l’affichage de l’origine des viandes brutes et hachées de bœuf est obligatoire depuis 2002 en application du décret n° 2002‑1865. Cette obligation a été étendue, par le décret n° 2025‑141 du 18 février 2025, aux viandes brutes et hachées de porc, d’ovin et de volaille dans les établissements disposant d’une salle de consommation. Les restaurants sans salle (dark kitchens) sont également soumis à cette obligation depuis 2023, celle-ci ayant été pérennisée par le décret n° 2024-760 du 8 juillet 2024. Sont donc exclus les produits transformés, ce qui présente une limite à cette réglementation.

Dans les supermarchés, l’origine ou la provenance des viandes porcines, ovines, caprines et de volaille vendues préemballées doit être indiquée conformément au règlement d’exécution n° 1337/2013 pris sur le fondement de l’article 26 du règlement INCO. Pour la viande bovine, l’indication de l’origine est obligatoire, qu’elle soit préemballée ou non, en vertu du règlement n° 1760/2000. Les bouchers et charcutiers sont soumis aux mêmes obligations que les supermarchés. Les règles applicables aux cantines et aux établissements pénitentiaires sont, quant à elles, identiques à celles applicables aux restaurants.

Si l’affichage de l’origine de la viande est obligatoire en restauration commerciale, cette information est souvent affichée hors menu (par exemple, sur un panneau mural), ce qui réduit la visibilité pour les clients. D’autres produits comme les œufs, les fromages ou les légumes ne sont pas, quant à eux, soumis à cette obligation d’affichage d’origine.

Des marges d’amélioration existent donc pour assurer la meilleure information possible aux consommateurs.


Recommandation n° 11 : Faire évoluer la réglementation en matière d’étiquetage et d’affichage afin d’élargir les obligations d’information aux produits transformés ainsi qu’aux autres produits issus d’animaux.

La réglementation relative à la traçabilité des viandes

La réglementation relative à la traçabilité de l’origine des viandes repose sur une distinction entre la viande bovine, soumise à un encadrement renforcé depuis la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite crise de « la vache folle », et les autres types de viandes.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) veille au respect de cette réglementation en assurant des contrôles réguliers. Les opérateurs doivent, pour la viande bovine, garantir la loyauté des mentions d’étiquetage en conservant les documents commerciaux (factures, bons de livraison) et en tenant une comptabilité matière assurant la correspondance entre les quantités reçues et vendues. Pour les autres viandes, la réglementation impose également la tenue d’une traçabilité documentaire et d’une comptabilité matière permettant de garantir la véracité des mentions obligatoires ou facultatives liées à l’origine et à la provenance des produits.

b.   Soutenir les débouchés de consommation intérieure afin de limiter les importations et restaurer les moyens d’assurer notre souveraineté alimentaire

Conformément à l’obligation instituée par la loi Égalim 1, complétée par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », les restaurants collectifs doivent proposer 50 % de produits durables et de qualité dans les repas servis. Ce seuil est porté, depuis le 1er janvier 2024, à 60 % pour ce qui concerne les produits « viande » et « poisson ». Il est même porté à 100 % pour les restaurants collectifs de l’État et de ses établissements publics.

Le critère de « qualité durable » a été pensé comme une manière d’inciter fortement à favoriser la production française, sans toutefois pouvoir le poser en ces termes. En effet, une obligation d’approvisionnement en viande française serait contraire à la réglementation européenne encadrant l’organisation des marchés publics.

Au regard de la loi, constituent un produit agricole « de qualité durable », outre les produits bios et labellisés, les produits « dont l’acquisition a été fondée, principalement, sur les performances en matière de protection de l’environnement et de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, dans le respect des règles du code de la commande publique » (voir 1° bis de l’article L. 2305-1 du code rural et de la pêche maritime).

Les produits bios et labellisés pouvant voir leur intégration aux menus des cantines freinée en raison de leur coût élevé, il conviendrait de faciliter l’assimilation d’un circuit court de production au critère présenté ci-dessus, c’est-à-dire de considérer que la viande ainsi produite est issue d’un « approvisionnement direct de produits de l’agriculture ». Dans les faits, pourtant, le recours à plusieurs intermédiaires essentiels comme les abattoirs, peut empêcher la reconnaissance de ce critère.

Une évolution de ce critère issu de la loi Égalim apparaît donc indispensable pour aider au développement de menus « locavores » et à l’atteinte des objectifs fixés dans le cadre des lois Égalim.

Recommandation n° 12 : Préciser à l’article L. 23051 du code rural et de la pêche maritime le critère de « développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture » pour tenir compte du recours presque indispensable aux abattoirs au sein de la filière viande.

Proposer au sein des cantines scolaires des viandes issues d’un élevage situé à proximité pourrait, en outre, ouvrir la voie à l’organisation d’ateliers éducatifs (visites à la ferme, sensibilisation au circuit qui mène de la « ferme à la fourchette », etc.) afin de renouer le lien entre l’acte de production et celui de consommation.

Vos rapporteurs partagent la conviction que la consommation de viande peut faire l’objet d’un apprentissage particulier, qui mettrait en avant les particularités locales et les richesses d’un terroir et éviterait de réduire la viande au seul steak haché des « burgers ».

Recommandation n° 13 : Faire des écoles un vecteur de valorisation des productions locales, de qualité et en circuit court de la viande française, en joignant, par exemple, l’objectif d’approvisionnement des cantines à celui de sensibilisation aux métiers et enjeux de la filière.

c.   Mieux valoriser les sous-produits en reconstituant des filières essentielles à la souveraineté industrielle de la France

Le dicton selon lequel « tout est bon dans le cochon » trouve même à s’appliquer à ses parties non comestibles. Les parties des animaux d’élevage non utilisées pour la consommation humaine sont en effet récupérées pour de multiples usages : peaux pour les fourrures, cuirs pour les chaussures et la maroquinerie, boyaux pour les cordes… C’est ainsi que de la gélatine de porc peut se retrouver dans les dentifrices !

Un règlement européen (n° 1069/2009) classe ces « sous-produits » non comestibles en trois catégories, en fonction du risque qu’ils représentent pour la santé publique, allant du plus évident (C1) au moins avéré (C3).

Vos rapporteurs ont, à ce titre, été alertés des contraintes sanitaires et environnementales qui pèsent sur la valorisation de certains sous-produits et qui sont susceptibles de créer une distorsion de concurrence. À titre d’exemple, certains acteurs auditionnés ont mentionné l’interdiction, édictée à la suite de la crise de « la vache folle », de vendre en France certaines farines animales issus des bovins, alors qu’elles seraient utilisées en Chine et d’autres pays d’Asie du Sud-Est pour nourrir des poissons omnivores susceptibles d’être vendus sur les marchés français et européen (sous forme éventuellement de produits transformés).

S’il reste permis aux équarisseurs qui la fabriquent de vendre cette farine animale aux pays asiatiques qui l’utilisent, ces mêmes fabricants regrettent que la législation ne leur permette pas de valoriser ces produits sur le marché intérieur. Selon eux, le traumatisme de la « vache folle » empêcherait une évolution raisonnée et adaptée de la réglementation, en dépit de l’absence de risques à nourrir certains animaux bien identifiés avec ces farines.

i.   La question du juste prix des sous-produits

Les coproduits sont généralement vendus par les abattoirs aux acteurs de l’équarrissage et constituent pour eux une source de revenus non négligeable.

L’équarrissage consiste en la collecte, la transformation et l’élimination ou la valorisation des coproduits issus de cadavres d’animaux, des saisies sanitaires ou de matériels à risques spécifiques. Il s’agit d’une profession très réglementée, présentant des coûts fixes particulièrement élevés et qui se trouve, de ce fait, extrêmement concentrée. Depuis le transfert de la gestion de ce service de l’État aux filières en 2009 (sous réserve du maintien d’un service public de l’équarrissage à caractère résiduel), l’essentiel de l’activité est en réalité partagé entre deux sociétés, Saria et Akiolis.

Ce quasi-duopole appelle une vigilance accrue des autorités compétentes pour éviter toute entorse aux règles de concurrence. Les représentants des abattoirs, notamment ceux de proximité à travers la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs de proximité (FNEAP), dénoncent ainsi régulièrement ce qu’ils considèrent comme un abus de position dominante. L’effondrement des cours des coproduits observé en 2023 s’est révélé être un épisode particulièrement difficile pour le secteur, qui faisait face par ailleurs à une hausse continue de ses charges (voir supra, partie I). Si la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a pu mettre en avant que les prix de l’équarrissage dépendent avant tout d’une dynamique mondiale, la fréquence et la pertinence de ses contrôles restent indispensables pour garantir au secteur et aux acteurs de la filière l’absence de pratiques abusives au regard du droit de la concurrence.

Recommandation n° 14 : Renforcer les contrôles de la DGCCRF dans la filière des équarrisseurs.

D’après la direction générale de la performance économique du ministère de l’agriculture (DGPE), à ce jour, aucune statistique publique n’existe concernant les prix des coproduits. Les données disponibles proviennent directement des acteurs économiques, ce qui rend difficile l’évaluation des prix de rachat. Les seules informations accessibles concernent les prix du marché des graisses animales de catégorie C1, c’est-à-dire celles qui doivent être éliminées ou ne peuvent être valorisées qu’énergétiquement.

ii.   Valoriser les sous-produits dans une démarche d’économie circulaire

En début d’année 2025, les prix de ces graisses C1 ont retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire liée à la covid-19. Une hausse de la demande est désormais attendue en raison des objectifs d’incorporation de ces matières dans les carburants pour l’aviation.

Cette évolution positive du cours des coproduits transformés en carburant présente un double avantage : elle est favorable aux abattoirs qui y trouvent une source de revenus, d’une part, et elle permet de favoriser des initiatives relatives à l’économie circulaire et à la valorisation des déchets, d’autre part.

Pour ces raisons, vos rapporteurs souhaitent soutenir les initiatives de recherche et développement en matière de valorisation des coproduits animaux pour la production de carburants, financées parfois au travers d’autres programmes transversaux (France 2030, par exemple).

Recommandation n° 15 : Favoriser les programmes de recherche et d’innovation axés sur l’intégration de coproduits à la création de sources énergétiques, à l’instar des carburants constitués à partir de graisses animales.     

iii.   L’accompagnement de filières industrielles fondées sur la valorisation de coproduits

L’audition de la DGPE a permis de découvrir le projet de développer une filière de fabrication de la laine française en mettant mieux à profit les peaux de bêtes récupérées en France.

Malgré une production annuelle de dix mille tonnes et son potentiel de transformation pour de multiples usages, la laine est très peu valorisée en France. Issue de nombreuses races ovines, elle est majoritairement abandonnée ou exportée brute, notamment vers la Chine ([46]). Autrefois au cœur d’une industrie lainière puissante, la filière a décliné avec la désindustrialisation. Aujourd’hui, une prise de conscience émerge pour relancer cette filière dans une logique de souveraineté, via des initiatives comme France 2030 ou des appels à projets régionaux.


Recommandation n° 16 : Établir des stratégies de développement de filières industrielles fondées sur la valorisation de coproduits, à l’instar du projet de la filière de laine française.

B.   travailler dans les abattoirs : des mÉtiers Difficiles et contestÉs en quÊte d’une meilleure image

1.   Des métiers qui peinent à attirer mais qu’il convient d’aider à revaloriser

Les différentes auditions réalisées ont confirmé que le travail sur les chaînes d’abattage demeure encore aujourd’hui un métier difficile (confrontation à la mort des animaux, à des viscères et à des odeurs fétides), physique (manutention d’objets lourds) et contraignant (horaires matinaux, astreintes).

Ces conditions expliquent en grande partie la faible attractivité du métier, en plus de rémunérations qui restent en général proches du Smic et de l’absence de perspectives d’évolution professionnelle dans la plupart des groupes.

Les professionnels du secteur interrogés, à l’instar du Porc francilien, du groupe Bigard, de la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs de proximité (FNEAP), ou des représentants syndicaux des travailleurs, constatent un problème d’attractivité, de manière générale sur l’ensemble des postes, mais plus particulièrement sur ceux de bouviers ou porchers et de saigneurs, qui nécessitent une habilitation et une formation particulières. Tous relèvent également une origine très diverse des travailleurs, qui sont principalement issus de l’immigration.

Ce constat a d’ailleurs orienté les politiques de recrutement de certains groupes qui déclinent des notices de sécurité en plusieurs langues, tout en déclarant s’assurer d’une maîtrise basique du français pour veiller au respect de certaines consignes.

L’autre constat est celui d’une rotation importante des effectifs, ce qui ne permet pas d’assurer, sur le long terme, la montée en compétences des travailleurs ni la valorisation de leur savoir-faire. Pour limiter les conséquences en termes de perte de capital humain, certains groupes assurent mettre en place des stratégies de fidélisation en proposant des formations diplômantes, à l’instar du certificat de qualification professionnelle d’aptitudes (CQP), mis en place par le groupe Bigard. Le groupe a ainsi intégré une école des métiers de la viande, qui forme mille personnes par an.

Vos rapporteurs jugent important de pouvoir valoriser toutes les initiatives visant à développer la formation interne et d’encourager les acteurs du secteur à négocier des rémunérations plus attractives dans le cadre de conventions collectives.


Recommandation n° 17 : Encourager à la fois le développement des formations internes, la généralisation des parcours diplômants au sein des entreprises, et la mise en place de conventions collectives pour de meilleures rémunérations.

Outre la formation interne, il semble essentiel que les acteurs de la filière puissent travailler ensemble à une stratégie de revalorisation de leurs métiers, en insistant, par exemple et comme le suggèrent La Coopération agricole ou la FNEAP, sur une dimension nourricière qui est porteuse de sens et susceptible de redonner à ces métiers la fierté qu’ils méritent. En parallèle, la FNEAP déclare avoir entamé avec ses adhérents un travail d’accompagnement pour mettre en avant un certain nombre d’atouts et une qualité de vie au travail propre aux outils de proximité : horaires matinaux mais après-midis libres, absence de cadence industrielle, postes polyvalents, entreprises « à taille humaine », etc. Pour l’ensemble de ces initiatives, vos rapporteurs croient utile de nouer des partenariats spécifiques avec France Travail ou les chambres d’agriculture, afin de revaloriser l’image des métiers en abattoir.

Recommandation n° 18 : Favoriser les partenariats avec France Travail et les chambres d’agriculture pour renforcer la visibilité des métiers en abattoir et améliorer la dimension positive de la communication à leur égard.

D’après le témoignage en audition d’un représentant syndical des travailleurs au sein d’un abattoir d’un groupe industriel important, les grands groupes ont les moyens d’investir dans de nouveaux équipements qui automatisent les tâches de découpe ou de transformation. Cela pourrait aider à améliorer les conditions de travail et à les rendre plus acceptables.

Vos rapporteurs estiment néanmoins que la robotisation des chaînes d’abattage présente des limites et n’est pas adaptée à tous les modèles économiques. Une découpe moins automatisée est en effet préférable pour valoriser au maximum les morceaux nobles et limiter les déchets, ce qui reste essentiel dans le modèle adopté par la plupart des petits abattoirs (voir supra, partie II. C.).

Ce défaut d’attractivité touche d’ailleurs également les vétérinaires et auxiliaires qui officient dans les abattoirs (voir supra, partie II. B.).

2.   L’épineuse question du bien-être animal à travers l’abattage rituel

La préservation du bien-être animal a été au cœur d’importantes réformes dans le fonctionnement des abattoirs, avec, par exemple, l’instauration systématique d’un responsable de la protection des animaux (RPA), mais également la révision de la manière d’effectuer et d’organiser les formations et les contrôles (voir supra, partie II. B.). En dépit de ces avancées significatives, les allégations de maltraitance généralisée des animaux arrivent à perdurer dans certains milieux.

Au cœur des débats sur le bien-être animal figure, en premier lieu, la question de l’abattage rituel, que vos rapporteurs ont souhaité approfondir lors de leurs auditions. Ils en tirent les observations et recommandations qui suivent.

a.   Une éthique qui divise

Le sujet de l’abattage rituel est régulièrement l’occasion de débats houleux. Il convient tout d’abord de rappeler que l’abattage rituel correspond à la mise à mort d’un l’animal dans des conditions particulières et en conformité avec les rites musulman ou juif.

S’agissant du rite islamique, celui-ci est très précis sur le caractère halal (licite) d’un aliment et, en particulier, de la viande. L’abattage se fait avec les visages du sacrificateur et de l’animal tournés vers la Mecque et une prière précise doit être prononcée. Le sacrificateur doit être musulman (mais formé et habilité à pratiquer cette tâche par les autorités légales), majeur et capable de discernement (âqli). L’abattage s’effectue en égorgeant l’animal (dhabh), en ponctionnant la veine jugulaire au bas du cou (nahr) ou en blessant l’animal (aqar) qu’on ne peut pas saisir (comme c’est le cas du gibier).

L’outil pour abattage doit faire couler le sang. En revanche, si l’animal est étranglé ou s’il est tué par choc ou en étant battu, sa viande est illicite (haram).

Comparables, les prescriptions du rite juif sont tout aussi précises et détaillées. L’abattage par saignée directe (appelée shehita) est conçu, selon le rite juif, pour limiter la souffrance et le stress des animaux.

L’audition de représentants de ces deux cultes par vos rapporteurs a en effet permis de mettre en lumière que ces rites tirent leur origine de principes éthiques fondés sur le refus de la souffrance animale. Ces représentants soutiennent en outre que ces méthodes d’abattage offriraient une qualité sanitaire optimisée. Lorsqu’elles sont bien exécutées, les risques de souffrance de l’animal ne seraient pas supérieurs à ceux constatés en pratiquant les formes d’abattage avec étourdissement, dites « conventionnelles ». Si les représentants des cultes soulignent à juste titre que l’étourdissement ne se pratique pas sans une certaine brutalité (voir encadré ci-après), le degré de souffrance des animaux en fonction de la méthode d’abattage continue de faire débat.

Les méthodes et outils d’abattage

En France, l’étourdissement, introduit dans les abattoirs de Paris en 1942, est obligatoire pour insensibiliser l’animal, qui est ensuite aussitôt égorgé et saigné.

Aujourd’hui, trois méthodes dites « conventionnelles » sont majoritairement pratiquées en Europe :

– les bovins sont étourdis à l’aide d’un pistolet avec tige perforant la boîte crânienne ;

– les ovins et les volailles sont en général étourdis par une décharge électrique, bien que le recours à un pistolet avec tige perforante soit également possible ;

– les porcs sont gazés au dioxyde de carbone ou étourdis à l’aide d’un pistolet.

Dans une position exprimée en novembre 2015, l’Ordre des vétérinaires a réaffirmé que l’animal devait impérativement être maintenu dans un état d’étourdissement jusqu’à sa mort. Cette prise de position s’inscrit dans la lignée de celle de la Fédération européenne des vétérinaires qui, en 2002, s’était présentée comme opposée à la pratique de l’abattage sans étourdissement.

De même, un rapport de l’Anses publié en juillet 2013 concluait que « l’étourdissement avant l’égorgement reste la méthode minimisant les douleurs ». Selon certains vétérinaires professionnels attachés à défendre les pratiques rituelles, ces conclusions doivent être nuancées en raison de la difficulté de généraliser pour une même espèce.

b.   L’interdiction stricte de l’abattage sans étourdissement : une fausse bonne idée ?

Aujourd’hui, l’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage en droits français ([47]) et européen ([48]).

L’abattage rituel sans étourdissement constitue donc une dérogation au cadre général, justifiée en droit français au nom du respect des croyances et traditions religieuses. Cette dérogation demeure encadrée pour concilier le principe de liberté des cultes avec les objectifs de police sanitaire, qui visent à prohiber tout mauvais traitement animalier (article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime) ([49]).

Interdiction de l’abattage sans étourdissement : la décision récente de la CEDH

À la suite de recours introduits par des ressortissants et des organisations non gouvernementales représentatives des communautés musulmane et juive, les juridictions nationales belges ont confirmé la régularité de textes adoptés en 2017 et 2018 par les régions flamande et wallone et mettant fin à l’exception au principe d’abattage après étourdissement au bénéfice des abattages rituels.

Saisie dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que l’interdiction de l’abattage sans étourdissement était compatible avec le droit de l’Union.

Les requérants ont ensuite saisi la Cour européenne des droits de l’homme, dont la décision, bien que non encore définitive, marque un tournant en ce que, pour la première fois, la Cour étend le champ de la convention au bien-être animal en le rattachant à la protection de la morale ainsi qu’à la protection des droits et libertés des personnes qui accordent une place au bien-être animal dans leur conception de la vie (CEDH, 13 févr. 2024, Executief van de Moslims van België et autres c/ Belgique, nos 16760/22). Ainsi, pourrait alors se poser la question de la chasse et de la pêche récréatives, soulevant également le sujet de l’atteinte à la morale publique en raison des dommages subis par les animaux.

Sur le fond, la CEDH n’a pourtant pas donné raison aux requérants (représentants des cultes). Elle retient en effet que les décrets wallon et flamand ont fait l’objet d’une vaste consultation préalable, que les législateurs flamand et wallon ont cherché une alternative proportionnée à l’obligation de l’étourdissement préalable et que ces régions n’interdisent pas la consommation de viande provenant d’autres régions ou pays.

Au niveau européen, des dérogations sont également permises. En vertu du principe de subsidiarité, l’Union a ainsi laissé aux État membres la responsabilité de fixer les régimes d’autorisation et d’encadrement de l’abattage rituel.

En Europe, plusieurs pays ont interdit l’abattage sans étourdissement, à l’instar de la Suisse (1893), de la Suède (1988), du Lichtenstein (2010), de la Slovénie (2012), de l’Islande (2013) et du Danemark (2014). Plus récemment, en 2019, deux régions belges, la Flandre et la Wallonie, ont adopté cette interdiction en vertu du droit belge qui a transféré cette compétence à ses régions fédérées.

L’interdiction de l’abattage sans étourdissement, qui revient à interdire l’abattage rituel, dans ces régions belges où la demande pour des viandes halal et cacher est particulièrement dynamique, a pourtant eu des conséquences contrastées sur le plan économique et en matière de défense des animaux.

Tout d’abord, ces interdictions ont conduit à la fermeture d’abattoirs spécialisés dans l’abattage rituel. Ensuite, cette interdiction a eu pour conséquence de favoriser les importations de viande halal et casher, en provenance principalement de Hongrie d’après différents acteurs auditionnés. Cela engendre un allongement des durées de transport, problématique sur les plans écologique et environnemental, et soulève des questions en matière de bien-être animal. En effet, un pays comme la Hongrie n’apporte peut-être pas les mêmes garanties que d’autres pays plus exigeants sur ces sujets.

c.   Accompagner plutôt qu’interdire : une position raisonnable ?

Au regard de cette expérience, vos rapporteurs estiment raisonnable l’équilibre des principes qui encadrent aujourd’hui l’abattage rituel en France.

Du point de vue économique, vos rapporteurs sont ainsi favorables à ce soit maintenue la règle selon laquelle l’abattage rituel ne peut être excédentaire et doit répondre à une demande précise. Sur ce point, vos rapporteurs regrettent l’absence de données publiques chiffrées et estiment qu’il serait nécessaire de pouvoir contrôler plus en profondeur le respect de cette règle par les opérateurs.

Le dynamisme du marché de la viande halal en France

Le ministère de l’agriculture déclare ne pas disposer pas de chiffres sur les volumes relevant de l’abattage rituel en France. La tendance observée est cependant une spécialisation de certains abattoirs dans l’abattage rituel, notamment dans les groupes industriels. Cette tendance permet de répondre à la nécessité de monter en compétences pour réaliser un abattage sans étourdissement de qualité et respectueux de la réglementation. Elle permet aussi de satisfaire la demande croissante de clients refusant de commander leur viande dans un abattoir pratiquant l’abattage sans étourdissement.

Malgré l’absence de données précises, le marché de la viande halal en France aurait connu une forte croissance ces dernières années, avec une hausse des ventes en grande surface de 12,7 % en 2023, totalisant 337 millions d’euros, dont une part importante pour la volaille ([50]). Cependant, entre l’été 2023 et 2024, les ventes ont baissé, notamment pour la charcuterie halal, en lien avec une hausse des prix bien plus élevée que la moyenne générale. Malgré ces fluctuations, la demande resterait dynamique, surtout pendant le Ramadan, qui représente jusqu’à 10 % des ventes annuelles.

Recommandation n° 19 : Conditionner l’autorisation dérogatoire de pratiquer l’abattage rituel à l’établissement d’une commande claire, faisant l’objet de relevés et de contrôles réguliers par les autorités compétentes dans l’objectif d’établir une base de données fiable sur ce type d’abattage.

S’agissant du cadre réglementaire relatif à l’abattage rituel, vos rapporteurs encouragent les représentants des cultes, les acteurs de la filière et les autorités à alimenter un dialogue nourri et régulier.

À ce titre, dans le cadre du deuxième mandat du Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb), entre 2017 et 2021, les modalités de l’abattage sans étourdissement avaient pu faire l’objet de débats impliquant particulièrement les représentants des cultes et les associations de protection animale. Un sous-groupe de travail, présidé par M. Pierre Le Neindre, avait abouti à l’acceptation, par les cultes, d’un étourdissement post-jugulation dans un délai inférieur aux 90 secondes inscrites comme obligation réglementaire, sous réserve que des protocoles d’étude en situation réelle permettent de valider l’efficacité et l’acceptabilité de ces techniques.

Les travaux de ce groupe de travail ont toutefois été suspendus au mois d’avril 2021 et n’ont jamais repris. Vos rapporteurs soutiennent donc la reprise de cette instance de dialogue et appellent à fixer de manière pérenne un cadre d’échanges entre les principaux acteurs concernés par le sujet.

Recommandation n° 20 : Établir un cadre d’échanges pérenne et régulier sur l’abattage rituel, éventuellement dans le cadre des missions du CNEAb, qui puisse associer, outre les autorités compétentes, les représentants des cultes, des vétérinaires et des associations protectrices des animaux.

Ces instances d’échanges doivent par ailleurs être l’occasion de discuter de l’interprétation des rites au regard de l’évolution des technologies. Le culte israélite a, par exemple, récemment montré son ouverture à la discussion concernant une technique d’étourdissement pré-jugulation par micro-ondes. Cette technique, d’origine australienne, fait actuellement l’objet d’une étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) quant à son acceptabilité (protection animale, risques pour le personnel, etc.).

Recommandation n° 21 : Favoriser les initiatives de recherche et de développement en matière de techniques d’étourdissement susceptibles de concilier les exigences des rites cultuels, de la protection sanitaire et du bien-être animal.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2025, la commission a examiné le rapport de la mission d’information relative aux problématiques économiques de l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels (MM. Christophe Barthès et Thierry Benoît, corapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/9jxmzS

*

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

 


   Liste des personnes auditionnÉes

Par ordre chronologique

Confédération paysanne *

M. Stéphane Galais, secrétaire national

Coordination rurale *

M. Stéphane Charbonneau, responsable de la section viande

Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) *

M. Christian Reigue, trésorier adjoint

Mme Sophie Bezeau, directrice

Chambres d’agriculture France *

M. André Sergent, président de la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne, et membre du Bureau de Chambres d’agriculture France

M. Etienne Bertin, chargé d’affaires publiques

M. Vincent Departout, chargé de mission élevage

Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de service (FNEAP) *

M. Jean-François Hein, directeur de l’abattoir de Sarrebourg et président de la FNEAP

M. Augustin Becquey, directeur de Teba, administrateur FNEAP

Mme Marion Donars, directrice adjointe de la FNEAP

Culture viande *

M. Yves Fantou, président

Mme Hélène Courades, directrice

Institut de l’élevage *

M. Joël Merceron, directeur général

M. Boris Duflot, directeur du département Économie

Institut du porc *

M. Michel Marcon, directeur du pôle économique

M. Gilles Nassy, directeur du pôle viandes et charcuteries 

Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) *

M. Dominique Truffaut, président

M. Romain Ferrier, directeur

Mme Fabienne Niger, responsable filières

FNSEA *

M. Patrick Bénézit, vice-président

Mme Romane Sagnier, chargée de mission affaires publiques

Mme Eva Lemée, chargée de mission élevage et agriculture biologique

Audition commune

Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Nicolas Cherel, sous-directeur des filières agroalimentaires

Mme Emilie Cavailles, cheffe du bureau viandes et productions animales spécialisées

Direction générale de l’alimentation (DGAL)

Mme Vanessa Hummel-Fourrat, sous-directrice à la sécurité sanitaire des aliments

Table ronde entreprises d’équarrissage

Syndicat des industries françaises des coproduits (SIFCO)

M. Hervé Fumery, président

Mme Oriane Boulleveau, secrétaire générale

SOPA

M. Jean-Pierre Château, président

SECANIM

M. Hervé Fumery, directeur de la communication et des relations externes pour SARIA France

Interbev *

M. Marc Pages, directeur général

« Le Porc Francilin » / Abattoir de Houdan

M. Benoit Breemersch, éleveur dans la filière Francilin et administrateur Cooperl

M. Philippe Coudray, directeur du site de Houdan

M. Serge Gay, directeur de la branche Cooperl distribution à laquelle est intégrée l'abattoir de Houdan

M. Mathieu Pecqueur, responsable affaires publiques de Cooperl

FranceAgriMer

Mme Christine Avelin, directrice générale

M. Stéphane Le Den, directeur des interventions

Mme Maryse Saboulard, déléguée filières viandes

M. Florian Giraud, chef de service à la direction des interventions

M. Pierre Claquin, directeur marchés études prospective

Audition commune

Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA)

Dr Estelle Mollaret, docteur-vétérinaire, responsable du pôle audit en abattoir

M. Jimmy Gouedard, adjoint au directeur

Association L 214 éthique et animaux

Mme Brigitte Gothière, directrice

M. Arthur Créhalet, chargé d'affaires publiques

Table ronde

Conseil de l’ordre national des Vétérinaires *

Dr. Jacques Guérin, président

Syndicat national des vétérinaires en exercice libéral (SNVEL) *

Dr. Laurent Perrin, président

Pr Luc Mounier, responsable de la Chaire bien-être animal à VetAgro Sup

Abattoir du Diois

M. Christian Rey, vice-président de la Communauté des communes du Diois en charge de l’abattoir

M. Joël Boeyaert, vice-président de la Communauté des communes du Diois en charge de l’agriculture

Mme Aurélie Venet, directrice

Mme Anaïs Sinoir, chargée de mission agriculture à la Communauté des communes du Diois

Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAB)

M. Jean-Luc Angot, président de la section "International, prospective, évaluation et société » et chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV)

Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) de Bretagne

Mme Florence Le Crenn, directrice-adjointe

Mme Sandrine Moutault, cheffe de service

Mme Emilie Jeannin, éleveuse, fondatrice de l’abattoir mobile Le Bœuf éthique

COOPERL *

M. Emmanuel Commault, directeur général

M. Mathieu Pecqueur, responsable des relations extérieures

Bigard

M. Jean-Paul Bigard, président-directeur-général du groupe 

M. Marc Fesneau, député, ancien ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

FGTA-FO

M. Dominique Douin, coordinateur FO du groupe Bigard

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Odile Cluzel, sous-directrice produits et marché agro-alimentaire

Mme Virginie Parizot, cheffe du bureau des produits d'origine animale et intrant

Régions de France

Mme Lydie Bernard, vice-présidente du conseil régional des Pays de la Loire et présidente déléguée de la commission agriculture de Régions de France

Culte israélite

M. Bruno Fiszon, grand Rabbin de Metz, consistoire central


Coopération agricole *

M. Thibault Bussonnière, directeur des affaires publiques

Mme Gaëlle Dupas, directrice du pôle animal

M. Philippe Dumas, président du groupe coopératif SICAREV

Table ronde mosquées

Mosquée de Paris

Mme Naïma Ouachour, responsable au département de certification Halal

M.  Khaled Larbi, Imam référent de la Grande mosquée de Paris

Mosquée de Lyon

M. Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, président de l'Argml

M. Azeddine Bahi, responsable administratif et financier de l’ARGML

Mosquée d’Évry

M. Hauman Yaakoubi, responsable du service du Halal

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


Personnes entendues lors des dÉplacements
de la mission

Jeudi 20 mars 2025

M. Jean-Michel Buléon, directeur de l’établissement

M. Thierry Meyer, directeur de la filière porc du groupe Bigard

 

M. Jérôme Chipault, directeur du site

M. Arnaud Boinard, directeur général du pôle Voléna

M. Laurent Kerlir, président de la Chambre d’agriculture de Bretagne

M. Loïc Guines, président de la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine

M. Gaétan Le Seyec, président de la Chambre d’agriculture du Morbihan

M. Jean Cabaret, administrateur de la SCIC de l’abattoir de Rostrenen

M. Brault, directeur de l’abattoir de Saint-Aubin-d’Aubigné

M. Fabrice Piveteau, chef de service Territoires à la CA de Bretagne

M. Didier Mahé, responsable équipe circuits courts à la CA de Bretagne

 

M. Christian Jardin, directeur

M. Virshna Heng, directeur-adjoint

 

Vendredi 21 mars 2025

M. Fabrice Chapelle, directeur de l’établissement

M. Benjamin Castel, directeur général adjoint du groupe Bigard

M. Christophe Gaillard, Directeur des opérations de la SVA

M. Axel Neant, Directeur de la SVA

M. Frédéric Genay, Responsables des affaires publiques du Groupement 

M. Luka Lefort, Responsable des relations agricoles du Groupement

 

M. Charles Germain, gérant


   contributions Écrites

Collectivité de Saint-Martin

Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes

Conseil régional de Bretagne

Conseil régional du Centre Val-de-Loire

Conseil régional du Centre Val-de-Loire

Conseil régional Grand-Est

Conseil régional des Hauts-de-France

Conseil régional de Nouvelle Aquitaine

FNAF – CGT

 

 

 

 

 


([1]) « Un abattoir ferme tous les mois », La France Agricole, 20 février 2024.

([2])  Slogan du groupe Bigard.

([3]) Eurostat, Cheptel porcin- données annuelles, disponible en ligne sur : https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/apro_mt_lspig/default/line?lang=fr

([4]) Rapport FranceAgriMer, « La production de viande chevaline en France des années 50 à aujourd’hui », 2015

 

([5]) Inrae, « Vers des systèmes agricoles sobres en énergie fossile, quelle consommation d’énergie en élevage ruminants ? », 24 mai 2022

([6]) Voir Rapport d’évaluation de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs de M. Julien Dive, Mme Mathilde Hignet, M. Harold Huwart et M. Richard Ramos, Assemblée nationale, 25 février 2025.

([7])  Agreste, « Des résultats économiques agricoles en net retrait en 2023, après deux années de forte hausse », décembre 2024, disponible en ligne sur : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2408/Primeur2024-8_RICA.pdf

([8])  Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.

([9]) M. J. Dive, Mme M. Hignet, M. H. Huwart et M. R. Ramos, rapport du 25 février 2025 précité.

([10]) Voir la présentation de « la vision pour l’agriculture et l’alimentation : assurer l’avenir de nos agriculteurs et de notre alimentation » (février 2025) par la Commission européenne, https://agriculture.ec.europa.eu/overview-vision-agriculture-food/vision-agriculture-and-food_fr

([11]) Présentation accessible au lien suivant : https://agriculture.gouv.fr/sia2024-lancement-du-plan-gouvernemental-renforce-de-reconquete-de-notre-souverainete-sur-lelevage

([12]) Communication accessible sur ce lien : https://agriculture.gouv.fr/loi-de-finances-2025-application-anticipee-des-dispositions-en-matiere-de-provision-pour-vaches

([13])  CGAAER, « Filière abattoir : Synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010 », juin 2011, p. 9.

([14]) Cour des comptes, « Les abattoirs publics : des charges pour les contribuables locaux rarement justifiées », Rapport Public Annuel 2020, p. 305.

([15]) CGAAER, op. cit, p. 10

([16]) Contribution de la DGCCRF.

([17]) Voir le dossier de presse de mars 2025 relatif au Plan eau publié par le Gouvernement : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/280325PLAN%20EAU_2ans_DP_diffusion.pdf

([18]) Voir https://corporate.lidl.fr/espace-presse/communiques-de-presse/cp-cirhyo.

([19])  Voir le règlement (CE) n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

([20]) J. Burq et P. Seinger, Recrutement et rémunération des agents d’inspection vétérinaire affectés en abattoir, CGAAER,  juin 2023.

([21]) Il convient de noter que le ministère de l’agriculture a créé en 2021 une « force d’inspection nationale en abattoir » (FINA) constituée de six inspecteurs à compétence nationale, pouvant intervenir dans tous les établissements d’abattage d’animaux pour réaliser, à la demande des préfets ou de la direction générale de l’alimentation, des inspections des outils d’abattage, et ce afin d’améliorer le niveau général de la maîtrise des risques des abattoirs en France.

([22]) Site internet de Cooperl. voir : https://www.cooperl.com/connaitre-la-cooperative/international 

([23]) Site internet de Bigard, voir : https://www.groupebigard.fr/linternational.html

([24]) Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), « Filière Abattoir : synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010 », juin 2011.

([25]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2020, « Les abattoirs publics : des charges pour les contribuables locaux rarement justifiées », février 2020.

([26]) Agriliens, « Un abattoir géré par les agriculteurs », voir : https://agriliens.fr/les-fiches-experiences/view/66-un-abattoir-gere-par-les-agriculteurs

([27]) Question orale de T. Benoît lors de la séance de questions au Gouvernement du 26 novembre 2024.

([28]) Voir rapport n° 4038 de M. Jean-Yves Caullet, fait au nom de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, Assemblée nationale, 20 septembre 2016.

([29]) Étude réalisée par le service études économiques et prospective de Chambre d’agriculture France, Regards d’avenir sur l’élevage en France, (novembre 2023)

([30]) N. Wakim, « Est-ce que la consommation de viande baisse vraiment en France ? », Le Monde, 25 avril 2025.

([31]) Différents documents réglementaires fixent ces objectifs, à l’instar de ceux intégrés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et dans la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC).

([32])  P.-M. Aubert, X. Poux, (2024). Des filières viandes françaises sous tension : entre pressions compétitives et accès à la biomasse. Décryptage N° 07/24, Iddri, Paris, France

([33]) Chiffres et données issues de l’enquête de Chambre d’agriculture France, précitée

([34]) Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (

([35]) Chambre d’agriculture France, Regards d’avenir sur l’élevage en France, précité

([36]) Institut de l’élevage (Idele), (2022), « Où va le bœuf ? »

([37]) Idem

([38]) C. Beauvais et G. Élie, « Le burger, une passion française », Le Monde diplomatique, (juillet 2024)

([39]) Les projections présentées sont celles développées du scénario tendanciel de l’étude de l’Iddri précitée, où l’état des politiques publiques et du marché mondial ne connaissent pas de revirements majeurs

([40]) Voir Anvol, « Les importations de volailles continuent d’augmenter en France » (février 2024).

([41]) Analyse des données fournies par FranceAgriMer sous forme de réponses aux questionnaires des rapporteurs

([42]) Le « contingent Hilton » désigne un contingent tarifaire spécifique d’importation de viande bovine de haute qualité, dans l’Union européenne en provenance de pays comme l’Argentine, le Brésil, l’Australie etc.

([43]) P.-M. Aubert, X. Poux, (2024), étude Iddri précitée

([44]) 51 % des Français estiment que l'origine des produits alimentaires est le facteur le plus important dans leur décision d’achat, selon le sondage réalisé par l’institut Consumer Science & Analytics pour CNEWS, Europe 1 et le JDD, publié le 31 janvier 2024.

([45]) Le règlement (UE) n° 1169/2011, dit « Inco » (Information du consommateur), a été publié en 2011 pour harmoniser et moderniser l’étiquetage des denrées alimentaires au sein de tous les pays européens et ainsi mieux informer les consommateurs sur les produits alimentaires.

([46]) Voir notamment la Feuille de route nationale pour la structuration des filières laine françaises, pilotée par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), FranceAgriMer et le Collectif Tricolor, et présentée au ministère de l’Agriculture le 16 mai 2024

([47]) Voir article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime.

([48]) Voir règlement (CE) n° 1009/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

([49]) Sur les enjeux de conciliation de ces objectifs, voir par exemple la décision du Conseil d’État du 15 novembre 2022 relative au recours formé par l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs.

([50]) L. Chatel, « Ramadan : le halal dans la grande distribution, un marché porteur mais pas tabou », Le Monde, (2 mars 2025).