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N° 1466

 

——

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.

 

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

 

sur l’avenir institutionnel de la Corse
 

et présenté par

M. Florent BOUDIÉ,

Député

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—  2  —

 

 

 

 

La mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse est composée de :
M. Florent Boudié, président-rapporteur ;
M. Ugo Bernalicis, M. Michel Castellani, M. Jean-Victor Castor, M. FrançoisXavier Ceccoli, M. Paul-André Colombani, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Philippe Gosselin, M. Xavier Lacombe, M. Jean-Paul Mattei, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, M. Marc Pena, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, membres ;
M. Sacha Houlié, membre associé.


 


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 7

Première partie : confrontés à des défis structurels spécifiques, la Corse et l’État ont engagé un dialogue inédit

I. Une présentation des particularismes corses : un territoire soumis à des défis cumulatifs

A. Les destins partagés de la Corse et de la France

1. La Corse : carrefour maritime et culturel au sein du monde méditerranéen

2. La Corse et la France : une communauté de destin

3. Les étapes et les aspirations du mouvement nationaliste

B. La langue corse : un vecteur contemporain d’identité culturelle

1. Une langue enracinée dans l’histoire et la société corse

2. Une reconnaissance juridique partielle et contrainte

3. Un usage en déclin malgré les efforts des pouvoirs publics

C. La condition insulaire : une géographie contrainte, des conséquences socio-économiques

1. Une géographie fragmentée entre enclavement et discontinuité territoriale

2. Des conséquences concrètes sur la mobilité, les prix et les équilibres économiques

3. Les réponses insatisfaisantes apportées par les pouvoirs publics

D. La pression démographique : un facteur de déséquilibres fonciers et sociaux

1. Une croissance démographique accélérée

2. Une crise du logement alimentée par la pression foncière et l’explosion des résidences secondaires

3. Des propositions de régulation controversées : « statut de résident » ou « de résidence »

II. Le « processus de Beauvau » : un dialogue inédit, une démarche historique

A. 2017-2022 : une phase de construction et d’incertitudes

1. La réforme constitutionnelle contrariée par les évènements (2018-2019)

2. Une période de dialogue interrompu (2019-2021)

B. L’évènement déclencheur : l’assassinat d’Yvan Colonna

1. Une vague de manifestations suivies d’émeutes violentes

2. La réaction des forces politiques corses

3. L’amorce de dialogue : l’initiative politique du ministre de l’intérieur

a. Une étape décisive : l’objectif d’autonomie

b. Un engagement confirmé par le Président de la République

C. L’engagement d’un processus de dialogue responsable

1. La méthode du dialogue entre l’État et les forces corses

2. La méthode du dialogue entre les forces corses : la recherche pluraliste d’un compromis

3. L’indépendance écartée au profit de « l’autonomie dans la République »

a. Une délibération votée à la quasi-unanimité de l’Assemblée de Corse

b. Le projet d’écriture constitutionnelle doit désormais être débattu au Parlement

Deuxième partie :  L’évolution institutionnelle de la Corse, D’une décentralisation renforcée au projet d’autonomie

I. L’instauration progressive d’une décentralisation renforcée qui présente des limites

A. Les limites du droit existant d’adaptation des normes

1. Le droit commun d’expérimentation et de différenciation

2. Un mécanisme spécifique à la Corse complexe et inopérant

a. Le dispositif actuel est strictement encadré

b. Un bilan très en deçà des attentes

B. La Corse bénéficie d’un statut particulier et de compÉtences Élargies

1. Les adaptations successives du statut de la Corse

a. Le premier statut particulier de la Corse de 1982

b. La création de la collectivité territoriale de Corse en 1991

c. Le statut de 2002

2. La collectivité unique de Corse : une organisation singulière

a. La mise en place d’une collectivité unique à statut particulier

b. Les constats effectués par la mission d’information sur les conséquences de la mise en place de la collectivité unique

3. Une évaluation incomplète de l’exercice des compétences transférées

a. La gestion des ports et des aéroports : un enjeu stratégique qui nécessite une évolution législative et d’importants investissements

b. La gestion des déchets : une politique publique sous tension

II. Le projet d’Écriture constitutionnelle : la proposition d’inscription des spÉcificitÉs de la Corse dans la Constitution et la mise en œuvre d’un statut d’autonomie

A. La reconnaissance d’un statut constitutionnel pour la Corse (alinéa 1er)

1. Un statut « d’autonomie au sein de la République »

2. Les « intérêts propres » motivant un statut spécifique

B. La reconnaissance constitutionnelle d’un pouvoir normatif

1. La portée du pouvoir d’adaptation renforcé : le pouvoir normatif de nature législative ou réglementaire (alinéa 2)

a. Une disposition inspirée du pouvoir d’adaptation et d’habilitation dans les DROM

b. Une rédaction adaptée au contexte corse

2. La portée du pouvoir normatif propre (alinéa 3)

3. Le périmètre du pouvoir d’adaptation par voie d’ordonnances (alinéa 5)

C. Les perspectives du futur institutionnel de la Corse : une autonomie encadrÉe

1. Le rôle décisif du législateur organique (alinéa 4)

2. Le double contrôle juridictionnel et le principe d’une évaluation obligatoire (alinéa 4)

a. Le contrôle juridictionnel sur le pouvoir normatif des États insulaires disposant du statut d’autonomie

b. Des modalités de contrôle et d’évaluation qui devront être précisées par le législateur organique

3. La consultation des « électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse » (dernier alinéa)

Troisième partie : les recommandations et conclusions de la mission d’information

I. Les recommandations formulées dans le rapport

II. Les conclusions soumises au vote de la mission d’information

A. Les recommandations portant sur les dispositions du projet d’écriture constitutionnelle

B. Les recommandations portant sur des sujets complémentaires du projet d’écriture constitutionnelle

C. les recommandations générales concernant le calendrier d’engagement de la réforme

Travaux de la commission

Personnes entendues

 


 

Mesdames, Messieurs,

Depuis plus de quarante ans, la Corse a bénéficié de plusieurs évolutions de son statut, traduisant la reconnaissance progressive par la République de ses spécificités territoriales, culturelles et historiques. Ces adaptations successives – de la création de la collectivité territoriale de Corse en 1982 à la mise en place de la collectivité unique en 2018 – n’ont toutefois pas suffi à répondre pleinement aux attentes exprimées localement.

Les événements de mars 2022, consécutifs à l’agression mortelle d’Yvan Colonna en détention, ont ravivé les revendications identitaires et autonomistes sur l’île, et conduit à l’engagement d’un processus de dialogue inédit entre les représentants politiques corses et l’État : le « processus de Beauvau ». Fruit de cet important travail de concertation, un projet d’écriture constitutionnelle, consacrant l’autonomie de la Corse au sein de la République, traduit la recherche mutuelle d’un compromis politique entre l’État, représenté par le ministre de l’intérieur, et les élus corses. Cette écriture a fait l’objet d’un large consensus au sein de l’Assemblée de Corse, qui en a délibéré le 27 mars 2024.

Les travaux de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse s’insèrent dans ce contexte inédit, marqué par les négociations du « processus de Beauvau » et par la rédaction du projet d’écriture constitutionnelle qui a découlé de cette phase de dialogue et de négociations.

Alors que le « processus de Beauvau » se poursuivait, la commission des Lois de l’Assemblée nationale s’est saisie de l’avenir institutionnel de la Corse sous la XVIe législature, sous la présidence de M. Sacha Houlié, dans le cadre d’un groupe de travail sur l'évolution institutionnelle de la Corse dont les travaux ont été interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale. La commission des Lois a repris ses travaux sous la XVIIe législature par la création, au mois de décembre 2024, de la présente mission d’information. Présidée et rapportée par le président de la commission des Lois, elle a associé à ses réflexions l’ensemble des groupes politiques, des élus corses ainsi que M. Sacha Houlié.

Tout au long de ses travaux, la mission d’information s’est attachée à objectiver les particularités du territoire insulaire, à analyser les dynamiques institutionnelles corses, et à évaluer la portée juridique et politique du projet d’écriture constitutionnelle issu du « processus de Beauvau ». Ce travail de fond vise à cerner les enjeux d’une réforme inédite et à bien des égards historique, qui pourrait aboutir à la reconnaissance d’un « statut d’autonomie de la Corse au sein de la République » dans le but de répondre à ses spécificités, dont le présent rapport d’information décline l’étendue et les conséquences dans la vie quotidienne de l’île.

La Corse cumule en effet un ensemble de caractéristiques géographiques, historiques, culturelles, sociales et économiques qui appellent à une réponse institutionnelle adaptée et unique par comparaison aux autres départements de l’Hexagone. Le projet d’inscription dans la Constitution d’un statut d’autonomie de la Corse représenterait à ce titre une étape politique majeure, que les membres de la mission d’information soutiennent largement, et qui appelle désormais à un débat parlementaire approfondi et éclairé dans le cadre d’un calendrier que la mission souhaite aussi resserré que possible.

La mission d’information a conduit ses travaux pendant plus de quatre mois. Elle a procédé à plus d’une vingtaine d’auditions à l’Assemblée nationale et s’est également rendue en Corse pour y rencontrer les représentants des institutions locales et des forces politiques, ainsi que les acteurs économiques et la société civile. Elle a ainsi entendu plus de 110 personnes : ministres, élus de toutes sensibilités politiques, hauts fonctionnaires, juristes, chercheurs et représentants syndicaux, associatifs et économiques. Ces travaux ont permis de faire émerger des recommandations portant à la fois sur le contenu du projet de révision constitutionnelle, sur les garanties à prévoir dans la loi organique à laquelle il renvoie, sur le calendrier de la réforme, ainsi que sur d’autres considérations, tenant en particulier à l’équilibre territorial de l’île, qui n’ont pas vocation à figurer dans les textes constitutionnel et organique mais font partie du débat sur son avenir institutionnel.

Ce rapport n’a pas vocation à trancher des décisions qui résulteront des débats parlementaires, mais à éclairer la représentation nationale dans ses futures délibérations. C’est la raison pour laquelle la mission d’information a opéré selon une méthode inédite en procédant, en son sein, au vote de ses membres sur chacune des dispositions du projet d’écriture constitutionnelle issu du « processus de Beauvau », permettant ainsi de mesurer l’expression des sensibilités qui composent l’Assemblée nationale, à quelques mois d’engager la discussion parlementaire.

 


   Première partie : confrontés à des défis structurels spécifiques, la Corse et l’État ont engagé un dialogue inédit

La Corse occupe, au sein de la République, une place singulière. Son histoire, sa géographie, sa culture et sa langue en font un territoire riche d’une forte identité. Ces spécificités nourrissent une aspiration constante à l’approfondissement de la reconnaissance politique de la Corse et à une différenciation territoriale posant la question de son avenir institutionnel.

Cette aspiration s’est traduite, au fil du temps, par l’instauration de statuts successifs, dont le plus récent, mis en œuvre en 2018, a donné naissance à une collectivité unique dotée de compétences élargies. Toutefois, ce cadre n’a pas permis de lever toutes les contraintes qui pèsent sur l’adaptation du droit positif aux réalités de l’île. Malgré les tentatives de réforme constitutionnelle engagées sous les gouvernements d’Édouard Philippe, aucun projet d’évolution statutaire n’a en effet abouti, ouvrant une période de dialogue que l’on peut qualifier d’interrompu entre l’État et une partie des élus de l’île jusqu’au printemps 2022.

L’agression mortelle d’Yvan Colonna en détention, en mars 2022, a en effet constitué un tournant majeur. Les mobilisations qu’elle a suscitées, notamment au sein de la jeunesse corse, réunissant plusieurs milliers de manifestants à Ajaccio Bastia ou encore Corte, ont ravivé la revendication autonomiste, voire indépendantiste. Cette séquence dramatique, marquée par des actes de grande violence, a conduit le Gouvernement à ouvrir, dès mars 2022, un processus de dialogue inédit, structuré autour d’échanges réguliers entre l’État et les élus corses.

Ce processus, qualifié de « processus de Beauvau », a abouti, en mars 2024, à l’adoption par l’Assemblée de Corse, à la quasi-unanimité de ses membres (62 voix pour, 1 voix contre), d’une délibération comportant un projet d’écriture relatif à la révision de la Constitution proposant un « statut d’autonomie » de l’île « au sein de la République ».

I.   Une présentation des particularismes corses : un territoire soumis à des défis cumulatifs

La Corse se caractérise par un ensemble de spécificités historiques, culturelles, géographiques et socio-économiques qui la distinguent incontestablement du reste du territoire national et fondent une identité vivante, portée par une mémoire historique affirmée.

Ces particularismes, loin d’être réductibles à la seule dimension culturelle ou identitaire, traduisent les conséquences concrètes de l’insularité, d’une pression démographique soutenue et de déséquilibres structurels qui appellent des réponses adaptées et différenciées.

A.   Les destins partagés de la Corse et de la France

L’histoire de la Corse et celle de la France sont profondément entremêlées depuis plus de deux siècles. Marquée par une succession de dominations étrangères, l’île s’est progressivement intégrée à l’espace politique et culturel français à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, jusqu’à devenir un département à part entière dès 1790.

Cette relation complexe s’est construite autour d’une double dynamique : d’une part, l’affirmation d’un lien indéfectible avec la République française, notamment dans les moments-clés de l’histoire nationale ; d’autre part, la persistance d’une identité corse nourrie par une culture, une langue et des traditions profondément enracinées. C’est dans cette tension entre intégration et reconnaissance que s’inscrit la trajectoire institutionnelle de la Corse.

1.   La Corse : carrefour maritime et culturel au sein du monde méditerranéen

Située au cœur de la Méditerranée occidentale, la Corse a longtemps occupé une position stratégique, à la croisée des routes maritimes, qui lui a conféré un rôle historique de carrefour des échanges commerciaux et culturels. Cette position géostratégique a façonné l’identité et le développement de l’île au fil des siècles.

Sans revenir sur les premières traces humaines identifiées en Corse dès la période du Mésolithique (– 9 000 avant J.C.), l’île est sous l’influence de plusieurs civilisations dans l’Antiquité, à l’image des premiers contacts commerciaux avec les Phocéens vers – 600 et de la fondation d’Alalia (actuelle Aléria) vers – 540 que la tradition attribue aux Phocéens, sur la côte orientale de l’île. Du fait de son emplacement, la Corse est convoitée par les grandes puissances de la région qui en conquièrent le territoire et y exercent leur influence. Successivement carthaginoise (IIIe siècle avant J.C.), romaine (fin du IIIe siècle avant J.C. jusqu’au Ve siècle après J.C.) puis sous domination des Vandales (Ve-VIe siècle) et de l’empire Byzantin (jusqu’au VIIe siècle), la Corse retourne ensuite dans le giron italien, d’abord sous domination lombarde pendant les VIIe et VIIIe siècles, période durant laquelle elle connaît aussi des incursions sarrasines, puis sous domination pisane (à partir du Xe siècle), avant d’être cédée à la République de Gênes après la bataille navale de Meloria (1284). L’île restera génoise jusqu’en 1768, date à laquelle elle fait l’objet d’un transfert de gestion provisoire à la France.

Le brassage qui résulte de cette histoire se reflète dans la richesse de la culture corse caractérisée par un patrimoine, des traditions culturelles et religieuses, ainsi qu’une langue, uniques en Méditerranée.

2.   La Corse et la France : une communauté de destin

Dès le milieu du XVIIIe siècle, la Corse ne reconnaît plus l’autorité génoise. Pasquale Paoli, figure centrale de l’histoire corse dont le tricentenaire de la naissance fait l’objet de nombreuses célébrations en cette année 2025, gouverne l’île de manière indépendante dès 1755, avec une Constitution, une armée, une administration et une diplomatie propres.

Depuis son intégration à la fin du XVIIIe siècle, l’histoire de la Corse est pourtant indissociable de celle de la France. Malgré une présence éphémère sur l’île au XVIe siècle, la France intervient en Corse en 1768 sur la base du traité de Versailles conclu avec la République de Gênes qui ne contrôlait plus l’île depuis plusieurs années. Elle y assied sa domination par une campagne militaire qui se conclut à Ponte Novu en 1769 par la défaite des troupes paolistes. Pendant la Révolution française, l’Assemblée nationale constituante adopte un décret de réunion de la Corse à la France le 30 novembre 1789. En 1790, la Corse devient un département français à part entière. En outre, l’influence capitale de la figure de Napoléon Bonaparte dans l’histoire française contemporaine contribue à sceller le destin de la Corse et de la France.

Au XIXe siècle, la Corse connaît un faible développement économique et un relatif abandon du pouvoir central. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, de nombreux Corses émigrent sur le continent ou s’engagent dans l’administration coloniale, notamment en Algérie et en Indochine.

Malgré des difficultés économiques qui nourrissent un sentiment d’abandon au sein de la population insulaire, la Corse reste fortement attachée à la République. Durant la Première Guerre mondiale, sa population paye un lourd tribut humain (entre 10 000 et 13 000 hommes) qui demeure ancré dans la mémoire collective insulaire.

Dans les années 1920 et 1930, l’île connaît des mouvements d’opinion contrastés. Elle n’échappe pas à la montée des nationalismes en Europe avec la création de la revue A Muvra en 1920 et celle du Partitu Corsu d’Azione en 1922, sur le modèle du Partito Sardo d’Azione, qui deviendra le Partitu Corsu Autonomista. Mais, face aux velléités d’expansion de l’Italie fasciste (mouvement de l’irrédentisme italien), la Corse réaffirme son patriotisme et son attachement à la France. Le serment de Bastia, prononcé le 4 décembre 1938 par Jean-Baptiste Ferracci devant 20 000 personnes, proclame l’attachement des Corses à la France : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Enfin, l’engagement de nombreux Corses dans la fonction publique et dans l’armée renforce l’intégration de la Corse à la Nation.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Corse, d’abord placée en zone libre, est envahie par les troupes italiennes en 1942. La Corse fait le choix de la France et s’illustre par son engagement précoce dans la Résistance : de grands résistants parmi lesquels Fred Scamaroni, Danielle Casanova et Jean Nicoli perdent la vie du fait de leur engagement. En 1943, un soulèvement général de l’île, dirigé par les partisans communistes et soutenu par la France Libre et les Alliés, conduit à la libération du territoire. La Corse est ainsi le premier département métropolitain libéré grâce à la coordination entre les maquis, les réseaux clandestins et les Forces françaises libres.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une politique ambitieuse de planification et d’investissement, sous l’impulsion du Général de Gaulle, et dans le contexte du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (1946), du Plan de modernisation et d'équipement, dit « plan Monnet » (1947-1952) puis du Plan d’aménagement spécifique de la Corse (1957), permet à l’île de connaître un décollage économique qui s’accompagne d’une démographie dynamique et du développement des activités touristiques, avant que les relations entre l’État et la Corse ne se caractérisent par le renouveau d’un mouvement nationaliste revendiquant l’indépendance de l’île et s’engageant, pour partie, dans la lutte clandestine.

Dans le même temps, plusieurs circonstances vont accentuer un sentiment de défiance à l’égard de l’État. En matière agricole, l’installation dans les années 1960 de rapatriés d’Algérie sur des terres fertiles du Fiumorbu ou de la plaine orientale a cristallisé un ressentiment autour de l’accès au foncier. Dans le domaine économique, une étude conduite en 1972 par une mission interministérielle – désignée comme le « plan deux millions de touristes » – projetait le développement massif du tourisme balnéaire sans prévoir l’implication directe et structurante des Corses. Parallèlement, deux autres dossiers ont renforcé le sentiment de rupture symbolique avec l’État : le projet, dans les années 1960, d’implantation en Corse de sites d’essais nucléaires, notamment dans la région de l’Argentella, et l’affaire des « boues rouges » (1973), liée au rejet en mer de déchets toxiques par l’entreprise italienne Montedison. C’est dans ce contexte que le mouvement nationaliste corse a pu s’affirmer.

3.   Les étapes et les aspirations du mouvement nationaliste

Dans la seconde moitié des années 1970, un mouvement nationaliste revendiquant l’indépendance de la Corse émerge. Il s’inscrit dans la continuité du mouvement de réappropriation culturelle et linguistique, U Riacquistu (la Reconquête), notamment marqué par la création en 1973 du groupe Canta u Populu Corsu.

Les événements d’Aléria, en août 1975, constituent alors un tournant majeur dans l’affirmation du mouvement nationaliste corse. L’occupation d’une cave viticole par les militants autonomistes de l’Action régionaliste corse (ARC) ([2]) conduit à des affrontements et à la mort de deux gendarmes. Ces événements ont pour effet une radicalisation du mouvement nationaliste et l’intensification de la violence clandestine, revendiquée notamment par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), fondé en 1976. Durant les années 1980, le FLNC mène de nombreuses actions clandestines violentes, notamment lors des « nuits bleues » caractérisées par des séries d’attentats simultanés sur l’ensemble de l’île. Dans les années 1990, le mouvement se fragmente et les tensions internes conduisent à de violentes luttes d’influences et à une véritable « guerre civile » entre nationalistes ponctuée d’assassinats.

Ces violences culminent avec l’assassinat du préfet Claude Érignac, le 6 février 1998, à Ajaccio, par Yvan Colonna, membre d’un commando de militants nationalistes. Cet attentat crée un électrochoc dans la société corse : en réponse, près de 20 000 personnes manifestent contre la violence à Ajaccio et à Bastia. Parallèlement, les mouvements nationalistes renoncent progressivement à l’usage de la violence et s’orientent vers la solution politique et les leviers institutionnels.

Cette stratégie aboutira, en 2015, à la coalition Pè a Corsica emmenée par M. Gilles Simeoni, qui rassemble autonomistes et indépendantistes et remporte les élections territoriales. Pour la première fois, les nationalistes sont majoritaires au sein de l’Assemblée de Corse et accèdent au pouvoir. Les élections territoriales de 2017 et de 2021 confirment ce succès électoral. Cette nouvelle configuration politique renforce la légitimité des revendications du mouvement autonomiste, et conduit à l’ouverture d’un cycle de discussions avec l’État en vue d’une évolution institutionnelle de l’île.

B.   La langue corse : un vecteur contemporain d’identité culturelle

La langue corse constitue l’un des fondements les plus vivants de la culture insulaire. Sa préservation et sa transmission font l’objet d’une mobilisation active des élus corses et d’une attente forte de la société civile. La langue est en effet devenue, en Corse, un marqueur central de la conscience identitaire contemporaine, au cœur des débats sur l’évolution institutionnelle et la reconnaissance des spécificités de l’île.

1.   Une langue enracinée dans l’histoire et la société corse

La Corse a longtemps subi l’influence de pouvoirs politiques étrangers : sa langue est le résultat de cette histoire ([3]). D’origine latine, elle comporte également des traces d’influence germanique, mais demeure une langue romane, proche du toscan ancien.

Sous influence italienne pendant de nombreux siècles, la langue corse est utilisée, durant le Moyen-Âge, comme dialecte pour la communication quotidienne et informelle tandis que le toscan est développé comme langue officielle, utilisé pour les actes officiels et à l’écrit (situation de « diglossie »). Les deux langues romanes s’influencent mutuellement. Pendant la brève indépendance de la Corse (1755-1769), la langue employée par l’administration de Pasquale Paoli reste le toscan.

La langue française est utilisée sur l’île à partir de 1769, date à laquelle la Corse est placée sous tutelle française. Le projet révolutionnaire qui repose sur l’unité républicaine et linguistique tente, sans réel succès, d’imposer l’usage du français à la fin du XVIIIe siècle. Le corse reste très utilisé. L’usage du français progresse lentement et s’étend notamment par le projet éducatif de Jules Ferry, à la fin du XIXe siècle, qui impose le français comme langue d’enseignement dans les écoles primaires publiques dès 1882.

Dans la première moitié du XXe siècle, on observe deux mouvements contradictoires : d’une part, le français est largement accepté, considéré comme la langue de la promotion sociale et associé au patriotisme tricolore après deux guerres mondiales ; d’autre part, la prise de conscience de l’existence du corse en tant que langue distincte du toscan et du français, qui se différencie d’un simple patois ou d’un dialecte.

Après la Seconde Guerre mondiale, la défense de la langue corse reste assimilée à la volonté de rapprochement avec l’Italie fasciste d’une partie du mouvement nationaliste : l’utilisation de la langue corse dans l’espace public et les revendications relatives à sa reconnaissance se font rares. Ainsi, en 1951, la loi Deixonne, qui autorise l’enseignement facultatif de certaines langues régionales à raison d’une heure par semaine, exclut le corse, considéré comme un dialecte italien, dans l’indifférence générale ([4]).

2.   Une reconnaissance juridique partielle et contrainte

Les revendications autour de la reconnaissance de la langue corse réapparaissent dans les années 1960, parallèlement au renouveau du mouvement nationaliste. Les dispositions de la loi Deixonne sont élargies à la langue corse en 1974. Le 8 juillet 1983, sur la base d’une motion déposée par Michel Castellani, au nom du groupe Unione di u Populu Corsu (UPC), la première Assemblée de Corse débat puis vote un texte en faveur du bilinguisme et de l’enseignement obligatoire de la langue propre du territoire, une demande à laquelle le Gouvernement ne donne pas suite. En 1991, un C.A.P.E.S de langue et culture corses est créé.

● Cette reconnaissance se fait parallèlement à la consécration de la langue française comme langue de la République à l’article 2 de la Constitution en 1992 ([5]).

La jurisprudence constitutionnelle tire les conséquences de cette révision constitutionnelle en jugeant, en 1999, qu’une partie des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est contraire à la Constitution : pour le juge constitutionnel, ces dispositions conférant des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, « porte[nt] atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français » et au principe à valeur constitutionnelle d’ « unicité du peuple français » ([6]). Le Conseil constitutionnel juge également que « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage » ([7]).

En 1994, la loi Toubon impose l’emploi de la langue française dans la description et les conditions de garantie des biens de consommation et des services, pour les contrats de droit public et pour les inscriptions ou annonces apposées sur la voie publique ([8]). Son article 1er dispose que la langue française est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ».

● En 2008, le constituant choisit de reconnaître les langues régionales : l’article 40 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 introduit un nouvel article 75-1 dans le titre XII dédié aux collectivités territoriales, qui dispose que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Néanmoins, le Conseil constitutionnel juge en 2011 que cette reconnaissance « n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit » ([9]).

La loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac, apporte des mesures supplémentaires de protection et de promotion des langues régionales, notamment dans les domaines de l’enseignement et des services publics. Le Conseil constitutionnel en censure deux dispositions ([10]), considérant qu’elles sont contraires à l’article 2 de la Constitution :

– l’enseignement immersif des langues régionales, qui consiste à utiliser la langue régionale comme « langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement » ;

– l’usage de signes diacritiques ([11]) dans les actes de l’état civil qui « reconnaissent aux particuliers un droit à l’usage d’une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services public ».

Arrêt du 19 novembre 2024 de la CAA de Marseille (4e chambre)

L’Assemblée de Corse et le conseil exécutif de Corse ont procédé à la révision de leurs règlements intérieurs, respectivement approuvée par une délibération du 16 décembre 2021 et un arrêté du 8 février 2022, afin de renforcer la reconnaissance de la langue corse au sein de leurs institutions.

Ainsi, l’article 1er révisé du règlement intérieur de l’Assemblée de Corse prévoyait que « les langues des débats de l’Assemblée de Corse sont le corse et le français » et l’article 16 révisé du règlement intérieur du conseil exécutif disposait que « Les membres du conseil exécutif de Corse et les agents du Secrétariat général du conseil exécutif utilisent les langues corse et française dans leurs échanges oraux, électroniques et dans les actes résultant de leurs travaux ».

Le préfet de Corse a formé des recours gracieux contre ces deux décisions, rejetés par la collectivité de Corse, avant de saisir le tribunal administratif de Bastia. Par un jugement du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé ces deux décisions.

En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’annulation des dispositions contestées en jugeant que ces dispositions, si elles « n’imposent pas l’usage exclusif d’une langue autre que la langue française, sont ainsi contraires aux exigences de l’article 2 de la Constitution, au respect desquelles ne peut faire obstacle l’article 75-1 de la Constitution, qui d’ailleurs n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (considérant 5).

3.   Un usage en déclin malgré les efforts des pouvoirs publics

La collectivité de Corse dispose d’une compétence renforcée en matière linguistique, l’enseignement de la langue corse ayant fait l’objet de dispositions spécifiques lors de l’évolution statutaire de la Corse.

Ainsi, dès 1991, la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse prévoit que l’Assemblée de Corse adopte, sur proposition du conseil exécutif, un plan de développement de l’enseignement de la langue et de la culture corses, portant notamment sur les modalités d’insertion de cet enseignement dans le temps scolaire ([12]). Cette même loi dispose que la collectivité territoriale de Corse « conclut avec les sociétés publiques du secteur audiovisuel qui ont des établissements en Corse des conventions particulières en vue de promouvoir la réalisation de programmes de télévision et de radiodiffusion ayant pour objet le développement de la langue et de la culture corses et destinés à être diffusés sur le territoire de la Corse » ([13]).

La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse prévoit que « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse » ([14]). Cet article ne précise pas les modalités d’insertion de cet enseignement dans le temps scolaire, notamment le volume horaire, et ne traite pas de l’enseignement de la langue corse dans le second degré. Dans sa décision du 17 janvier 2002, le Conseil constitutionnel rappelle cependant que cet enseignement « ne saurait revêtir […] un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants » et juge cette disposition conforme à la Constitution « sous réserve que l’enseignement de la langue corse revête, tant dans son principe que dans ses modalités de mise en œuvre, un caractère facultatif » ([15]).

Dans ce contexte, le développement de l’enseignement de la langue corse se traduit par l’objectif de trois heures hebdomadaires d’enseignement de la langue corse (système d’enseignement dit « extensif ») à tous les niveaux, inscrit dès 1993 dans le Plan de développement de la Corse, puis repris en 1999 dans le Plan de développement de l’enseignement de la langue et de la culture corses ainsi que dans la convention État-collectivité territoriale de Corse de 2003 qui précise que cet enseignement figure « à l’emploi du temps de toutes les classes du premier degré ». Dans le second degré, les trois heures hebdomadaires sont optionnelles.

Parallèlement, un enseignement bilingue « à parité horaire français-corse » se développe depuis 1996. Le plan de développement de l’enseignement de la langue et de la culture corses de 1999 a défini un objectif de couverture de chaque secteur de collège par au moins un site bilingue du premier degré, afin que chaque collège puisse proposer une filière bilingue.

En 2020, l’enseignement de la langue corse selon les modèles dits extensifs et du bilinguisme à parité horaire concernait 12 400 élèves du premier degré et 10 133 élèves du second degré. Selon les chiffres de l’Académie de Corse, une part réduite de ces élèves, soit environ 480 en 2023 répartis dans 25 classes et 10 écoles, relève de la méthode immersive, pour moitié au sein du réseau associatif Scola Corsa et pour l’autre moitié dans les écoles maternelles publiques qui font l’objet d’une expérimentation depuis 2019 ([16]) .

Si la méthode immersive ne fait pas l’objet d’une définition précise, elle peut s’analyser comme « une pratique renforcée de la langue régionale (plus poussée que l’enseignement bilingue), où l’objectif de maîtrise des deux langues est poursuivi au niveau de l’ensemble du temps d’exposition de l’enfant à celles-ci » ([17]).

La décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 de censurer l’insertion de la méthode immersive dans le code de l’éducation a fait naître des inquiétudes sur le maintien de cette méthode d’enseignement. Un rapport remis au Premier ministre en juillet 2021 à la suite de cette décision en esquisse toutefois les pistes d’interprétation garantissant sa compatibilité avec la Constitution : son caractère facultatif ; son objectif final de maîtrise du français et de la langue régionale ; le nécessaire enseignement du français et en français ; l’utilisation facultative, et justifiée par des visées pédagogiques, de la langue régionale comme langue de communication à l’intérieur de l’établissement ([18]).

Les représentants de Scola Corsa rencontrés par la mission d’information lors de son déplacement en Corse ont souligné la nécessité d’évoluer dans un cadre juridique sécurisé, comprenant une contractualisation avec l’État, pour assurer le maintien et le développement de la méthode immersive en Corse.

L’insécurité juridique autour de l’enseignement proposé par les écoles immersives appelle plusieurs acteurs territoriaux à défendre l’instauration d’un statut particulier pour la langue corse. Dans une délibération du 1er mars 2024, adoptée à l’unanimité, l’Assemblée de Corse a ainsi « [réaffirmé] son implication inconditionnelle dans le maintien et le développement de l’enseignement bilingue et immersif en langue corse ainsi que son attachement au développement de l’enseignement de la langue corse, à la réussite scolaire et à la qualité des services publics ainsi qu’à la nécessité historique d’obtenir un statut pour rendre [à la langue corse] sa dimension sociétale. » ([19]) Le pouvoir normatif délégué confié à la collectivité de Corse dans le cadre de l’évolution institutionnelle de l’île pourrait permettre d’instaurer un statut particulier pour la langue corse, et de répondre ainsi aux inquiétudes des acteurs de l’enseignement immersif. La mission d’information recommande que la question d’un « statut de la langue corse » soit, le cas échéant, débattue et précisée dans la future loi organique qui devra trancher ce point.

La langue corse est également utilisée dans la sphère médiatique : certains programmes sont proposés en langue corse, notamment à l’antenne régionale de France 3 Corse ou par Ici RCFM (Radio Corse Frequenza Mora), antenne locale de Radio France.

Malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics, l’usage de la langue corse est toutefois en déclin, notamment chez les plus jeunes générations. Le rapport de l’enquête sociolinguistique sur la langue corse, remis à la collectivité de Corse le 21 octobre 2021 ([20]), estime à 39,1 % la proportion de locuteurs actifs, soit environ 105 500 personnes, au sein de la population adulte de Corse. Cet usage varie cependant selon les générations : 40 % des jeunes de moins de 25 ans parlent le corse au quotidien, contre 77 % des plus de 50 ans. Lors de son déplacement en Corse, la mission d’information a été particulièrement alertée par les acteurs du monde associatif sur le risque de disparition de la langue corse.

Cette enquête met aussi en évidence l’attachement des Corses à leur langue : 94 % des parents indiquent souhaiter que leur enfant parle corse, 88 % des répondants estiment important de sauvegarder la langue corse, 99 % d’entre eux considèrent que la langue corse fait partie de l’identité corse et 71 % des répondants considèrent que la co-officialité est nécessaire. La mission d’information a constaté cet attachement à la langue, qualifiée par ses interlocuteurs comme un « vecteur d’intégration », « de richesse » et « d’ouverture sur le monde ».

C.   La condition insulaire : une géographie contrainte, des conséquences socio-économiques

La géographie de la Corse constitue à l’évidence un facteur structurant de son développement économique et social. L’éloignement du continent, les contraintes d’accessibilité et la discontinuité territoriale génèrent en particulier des surcoûts, des inégalités d’accès aux services et une dépendance accrue aux infrastructures de transport.

La mission d’information est convaincue que ces spécificités renforcent la nécessité d’adapter les politiques publiques aux réalités territoriales de l’île.

1.   Une géographie fragmentée entre enclavement et discontinuité territoriale

Île montagneuse d’une superficie de 8 680 km², la Corse subit d’importants contrastes entre le nord et le sud qui participent de l’enclavement des territoires situés à l’intérieur des terres par rapport au littoral. Cette situation, accentuée par la relative dispersion de la population, se traduit par une fragmentation intérieure renforçant la discontinuité territoriale.

CARTE TOPOGRAPHIQUE DE LA CORSE

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Source : Site des services de l’État en région (prefectures-regions.gouv.fr)

La Corse se caractérise, en effet, par une double situation de discontinuité : d’une part, à l’intérieur de l’île, avec l’enclavement des communes situées dans les zones montagneuses ; d’autre part, vis-à-vis du continent.

La discontinuité interne est accentuée par l’insuffisance des infrastructures de transport, en particulier ferroviaires. Le réseau ferré corse, géré par les Chemins de fer de la Corse (CFC), relie aujourd’hui Ajaccio à Bastia via Corte, et Ponte-Leccia à l’Île Rousse et Calvi. Bien qu’il constitue un axe structurant dans l’île, ce réseau reste limité par une faible vitesse commerciale et un maillage territorial incomplet. L’alternative routière, quant à elle, souffre de la sinuosité des routes qui induit des temps de trajets relativement longs, comme l’a d’ailleurs constaté la mission d’information au cours de son déplacement. Ces contraintes géographiques contribuent au maintien de l’isolement des espaces de l’intérieur et engendrent des inégalités d’accès aux principaux services publics.

L’insularité induit également une discontinuité territoriale structurelle vis-à-vis du continent. Celle-ci se traduit par la dépendance aux liaisons maritimes et aériennes, elles-mêmes soumises aux aléas de la saisonnalité touristique et caractérisées par des coûts élevés pour les usagers.

Malgré la mise en place de dispositifs compensatoires, les déplacements vers le continent pour des motifs professionnels, éducatifs ou de santé demeurent difficiles pour une grande partie de la population corse. La Corse ne disposant pas encore de CHU, les déplacements pour raisons médicales y sont par exemple très fréquents. Selon les éléments transmis par la collectivité de Corse à la mission d’information, en 2024, près de 75 000 « passagers CPAM » aériens ont été comptabilisés, sur un total de 679 000 passagers résidents ([21]). De même, l’impossibilité d’effectuer l’intégralité du cursus d’études de médecine à l’Université de Corte oblige chaque année de nombreux étudiants à se rendre sur le continent pour poursuivre leurs études. Ces situations de mobilité forcée soulignent les effets de la discontinuité territoriale.

2.   Des conséquences concrètes sur la mobilité, les prix et les équilibres économiques

La spécificité insulaire de la Corse engendre une série de désavantages structurels qui affectent directement la vie économique et sociale de l’île.

En matière de mobilité, la dépendance aux transports maritimes et aériens entraîne des coûts de déplacements significativement supérieurs à la moyenne nationale. Les coûts d’exploitation du service public de transport maritime et aérien ont, par ailleurs, fortement augmenté du fait de l’augmentation du prix du carburant consécutive à l’invasion russe en Ukraine. À l’intérieur de l’île, la mobilité, freinée par le relief et le développement insuffisant des infrastructures, se caractérise par de longs trajets quotidiens et un inégal accès aux services de proximité.

D’un point de vue économique, les prix à la consommation, notamment ceux des produits importés, des denrées alimentaires et des carburants, sont structurellement plus élevés en Corse. Cette situation est d’autant plus sensible qu’elle touche une population particulièrement exposée à la pauvreté. En 2021, 18 % de la population corse vivait sous le seuil de pauvreté selon l’Insee ([22]), ce qui fait de la Corse la région hexagonale la plus touchée par la pauvreté. Or, d’après une étude de l’Insee (2022) ([23]), le niveau général des prix à la consommation pour les ménages corses est supérieur de 7 % à celui des régions continentales hors Ile-de-France. Les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées, quant à eux, sont 14 % plus élevés que sur le continent.

Cette situation résulte de surcoûts logistiques liés à l’acheminement des marchandises, d’une forte dépendance à l’importation et d’une faible concurrence entre les opérateurs de distribution. Un avis de l’Autorité de la concurrence du 17 novembre 2020 souligne notamment un « manque patent de concurrence » dans des pans entiers de l’économie corse, tels que les secteurs des transports publics, des déchets, des carburants et de la grande distribution ([24]), ce qu’a confirmé Mme Leila Benalia, rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence, au cours de son audition. La faible concurrence et l’existence de structures oligopolistiques dans ces secteurs affectent l’efficacité de la commande publique confrontée à une offre insuffisante ou sous optimale. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, des aménagements du droit applicable pourraient contribuer à desserrer l’étau des contraintes socio-économiques.

3.   Les réponses insatisfaisantes apportées par les pouvoirs publics

Malgré la mise en œuvre de plans d’investissement et de mécanismes financiers compensatoires censés contrer les conséquences socio-économiques de l’insularité, celles-ci persistent. Par ailleurs, les normes s’appliquant à l’urbanisme en Corse sont régulièrement dénoncées par les élus de terrain comme n’étant pas adaptées aux spécificités insulaires.

Le Plan exceptionnel d’investissement (PEI), instauré par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, visait à compenser les retards structurels de l’île en matière d’équipements et de services. Doté d’une enveloppe globale de 2 milliards d’euros sur près de 20 ans, ce plan avait vocation à constituer un levier de rattrapage et de modernisation des infrastructures publiques de la Corse. Face à la persistance de difficultés structurelles en Corse, le PEI a été prolongé et complété en 2020 par le Plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC), doté d’une enveloppe de 500 millions d’euros, sur une durée de cinq à sept ans. Au-delà du rattrapage structurel de la Corse, le PTIC a vocation à transformer le modèle de développement insulaire, en misant sur l’innovation et la résilience des infrastructures.

Si le PEI a sensiblement amélioré le niveau d’équipement et accompagné la croissance économique en Corse, il n’a pas résolu l’ensemble des problèmes structurels de l’île, notamment ceux liés à la géographie, comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes dédié aux « enseignements du PEI en faveur de la Corse » (2023) ([25]).

De même, la dotation de continuité territoriale est un dispositif financier visant à compenser les surcoûts liés à l’insularité par le biais d’un soutien aux transports maritimes et aériens insulaires. La dotation de continuité territoriale, versée par l’État à la collectivité de Corse, permet ainsi à l’Office des transports de Corse (OTC) de compenser les déficits d’exploitation subis par les compagnies délégataires de service public. Elle se décline en deux volets principaux : le soutien aux services publics de transport dans le cadre des délégations de service public et le financement de réductions tarifaires pour les résidents. Depuis 2009, le montant de la dotation de continuité territoriale versée à la collectivité de Corse est de 186,9 millions d’euros.

Dotation et dépenses de continuité territoriale (en m€)

Source : Chambre régionale des comptes, à partir de données transmises par l’OTC

Malgré l’effet notable de la dotation sur les coûts de transport supportés par les résidents corses, ce mécanisme atteint ses limites face à des coûts d’exploitation croissants. En effet, le gel du montant de la dotation de continuité territoriale, décidé en 2009, a conduit à des situations de dépassement des dépenses de continuité territoriale ces dernières années. Ainsi, en 2022 et 2023, les dépenses de continuité territoriale ont dépassé le montant de la dotation, respectivement de 17 millions d’euros et de 19 millions d’euros. Si deux soutiens financiers exceptionnels accordés par l’État (+33 millions d’euros en 2022 et +40 millions d’euros en 2023) ont permis de couvrir ces dépassements, et que la loi de finances pour 2025 a entériné le versement d’une enveloppe complémentaire de 50 millions d’euros en 2025, le financement de la continuité territoriale pourrait s’avérer problématique à l’avenir et mettre en péril l’équilibre budgétaire de l’OTC.

Enfin, les normes relatives à l’urbanisme, principalement déterminées au niveau national par les lois Montagne (1985) et Littoral (1986), créent un cadre que de nombreux maires dénoncent comme étant à la fois inadapté et néfaste pour la mise en œuvre des politiques territoriales, notamment en matière d’urbanisme.

La loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi Montagne », vise à protéger les zones de montagne contre la pression foncière et à encadrer l’urbanisation dans une logique de préservation des équilibres écologiques. Elle impose notamment une urbanisation en « continuité » avec le bâti existant afin de protéger les espaces naturels et agricoles. En complément, la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi Littoral », vise à encadrer l’aménagement de la côte dans une logique de protection de l’environnement, et instaure notamment un principe d’inconstructibilité dans la bande des 100 mètres à partir du rivage, ainsi que la construction en continuité avec les zones déjà urbanisées.

Compte tenu de la géographie montagneuse et du tracé des communes corses, qui s’étendent généralement du littoral jusqu’aux secteurs montagneux, une part significative des communes de l’île est doublement soumise aux lois Montagne et Littoral, créant un cadre réglementaire exagérément contraignant et particulièrement contradictoire avec la nécessité de construire de nouveaux logements pour répondre à la croissance démographique de l’île.

Le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC), prévu par l’article L. 4424-9 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), permet certes d’adapter les lois Littoral et Montagne aux réalités insulaires. Adopté en 2015 par l’Assemblée de Corse, le PADDUC définit une stratégie de développement durable du territoire en fixant les orientations fondamentales en matière de protection, de mise en valeur et de développement agricole, forestier et d’habitat. En outre, le PADDUC fournit un cadre stratégique de référence pour l’élaboration des documents d’urbanisme, tels que les plans locaux d’urbanisme (PLU), auxquels il est opposable depuis son entrée en vigueur en 2015.

Toutefois, si le PADDUC permet une relative adaptation des normes nationales aux spécificités corses, il se heurte à une trop faible mise en application par les communes dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). En effet, l’absence ou le retard de mise en conformité des PLU avec le PADDUC dans de très nombreuses communes entraîne une application hétérogène de ses dispositions en Corse. De ce point de vue, une différenciation locale renforcée des normes nationales semble indispensable et difficile à atteindre à droit constant.

D.   La pression démographique : un facteur de déséquilibres fonciers et sociaux

La Corse est confrontée depuis plusieurs décennies à une dynamique démographique importante, marquée par une forte attractivité résidentielle, notamment dans les zones littorales. Cette évolution, accentuée par les effets de la spéculation foncière et immobilière, contribue à exercer une pression croissante sur le parc de logements et les ressources foncières.

1.   Une croissance démographique accélérée

Au 1er janvier 2025, la population de la Corse s’établissait à 360 200 habitants selon l’Insee ([26]), dans un contexte marqué, depuis les années 2010, par une dynamique démographique soutenue : avec une augmentation de + 1 % par an sur dix ans, la croissance démographique insulaire est trois fois plus rapide qu’au niveau national (+ 0,3 %) et la plus forte des régions hexagonales.

Sur la période 2016-2022, la population a cru plus rapidement en Corse-du-Sud (+1,2 % par an) qu’en Haute-Corse (+0,8 % par an) ([27]). Sur cette même période, la Corse-du-Sud est au deuxième rang des départements les plus dynamiques derrière la Haute-Garonne et devant l’Hérault.

Ce dynamisme repose exclusivement sur un solde migratoire positif qui compense un solde naturel déficitaire d’environ 1 100 habitants par an. La Corse est, en effet, la région qui affiche la plus forte contribution du solde migratoire à l’évolution démographique. Le déficit du solde naturel s’explique notamment par un niveau de fécondité historiquement bas en Corse (1,19 enfant par femme contre une moyenne de 1,62 en France).

La part de la population immigrée en Corse est plus importante que sur le reste du territoire national soit, selon l’Insee ([28]), près de 10 % de la population corse. La population immigrée insulaire est essentiellement une immigration de travail, majoritairement masculine, originaire d’Europe à 54 % et d’Afrique du Nord à 42 %.

L’augmentation de la population en Corse est principalement alimentée par l’attraction des pôles urbains, tels que ceux d’Ajaccio et de Bastia qui regroupent 44 % de la population régionale. Ce phénomène contribue à renforcer une pression foncière déjà forte dans ces parties du territoire.

2.   Une crise du logement alimentée par la pression foncière et l’explosion des résidences secondaires

La Corse est confrontée à une crise structurelle du logement, alimentée par une pression foncière accrue et par la part importante de résidences secondaires au sein du parc immobilier insulaire. Cette situation engendre des difficultés d’accès au logement, particulièrement marquées dans les zones littorales et touristiques.

Le marché immobilier insulaire se caractérise par une pression foncière accrue qui peut notamment s’expliquer par la pénurie de biens disponibles, des niveaux de loyers élevés dans le parc privé et par de fortes disparités de prix et de loyers entre le littoral et l’intérieur des terres. Ces déséquilibres sont exacerbés par la progression constante de la demande de logement et par des phénomènes de spéculation foncière et immobilière. Selon la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Corse, entre 2010 et 2020, les ventes d’appartements en volume ont ainsi connu une augmentation de 80 % et les ventes de maisons, une augmentation de 97 %. Les transactions immobilières se concentrent toutefois sur un nombre limité de communes – majoritairement situées sur le littoral et dans le sud de l’île – où la pression foncière est accrue. Dans ce contexte, l’accès à un logement abordable est particulièrement difficile pour une part significative de la population, notamment pour les ménages les plus modestes, ce qu’ont souligné de nombreux maires entendus par la mission d’information.

Face à la demande croissante de résidences principales dans les régions d’Ajaccio et de Bastia, la réhabilitation voire la construction de nouveaux logements, aussi bien dans le parc privé que public, est donc absolument nécessaire. En effet, pour répondre à l’augmentation démographique prévue en Corse ces prochaines années, la DREAL de Corse estime qu’il faudrait construire environ 70 000 nouveaux logements (dont 40 000 couvriraient les besoins en résidence principale) d’ici 2030, soit 3 300 nouveaux logements par an.

Le marché immobilier insulaire se caractérise, en outre, par une part importante de résidences secondaires, ce qui accentue les tensions sur le marché du logement permanent. Selon la DREAL de Corse, la part des résidences secondaires représente près de 40 % du parc résidentiel insulaire, contre une moyenne de 10 % à l’échelle nationale : une dynamique aux conséquences délétères pour l’aménagement du territoire et l’accès au logement qui appelle des mesures de régulation auxquelles un « statut de résidence » pourrait contribuer.

3.   Des propositions de régulation controversées : « statut de résident » ou « de résidence »

Pour faire face à la crise du logement en Corse, plusieurs formations politiques revendiquent la création d’outils permettant de lutter contre la spéculation immobilière et de mieux maîtriser le foncier. Certains de ces dispositifs s’inspirent de cadres réglementaires existants dans des collectivités dotées d’un statut d’autonomie en Europe ou en France. Parmi eux, la mise en place d’un « statut de résident » permettant l’acquisition de biens immobiliers ou, a minima, un accès facilité au logement, constitue une revendication centrale des formations politiques nationalistes de Corse depuis 2014. Les autres revendications portent sur l’instauration de mesures fiscales spécifiques ou la consécration d’un droit d’intervention spécial de la collectivité de Corse dans l’aménagement foncier.

Par sa délibération n° 14/042 AC du 24 avril 2014 portant sur la protection du patrimoine foncier, l’Assemblée de Corse a ainsi formulé le souhait de conditionner l’acquisition d’un terrain ou d’un logement en Corse à la détention d’un « statut de résident permanent », ouvert aux personnes résidant en Corse depuis au moins cinq ans.

Ce « statut de résident » aurait pour objectif de lutter contre le phénomène de spéculation et permettre aux « Corses d’origine et aux Corses d’adoption » d’accéder plus facilement à la propriété foncière. Cette proposition ne s’est toutefois jamais traduite par des dispositions juridiques concrètes. De plus, les délibérations de cinq communes corses ([29])  instaurant un statut de résident en 2014 ont été annulées pour excès de pouvoir par le tribunal administratif de Bastia en 2016. Selon le juge administratif, l’instauration d’un tel statut relève de la compétence du législateur, conformément à l’article 34 de la Constitution. En outre, le « statut de résident » corse pourrait se heurter au principe d’égalité, au cœur de la tradition constitutionnelle française ([30]) et consacré par le droit de l’Union européenne, en ce qu’il induirait une différence de traitement excessive entre les citoyens.

Dans sa délibération n° 21/186 AC du 28 octobre 2021 portant adoption d’une motion relative à la lutte contre les spéculations immobilière et foncière, l’Assemblée de Corse a toutefois réaffirmé « la nécessité d’aboutir à la consécration d’un statut de résident garantissant un droit d’accès prioritaire au foncier pour les insulaires », dans le cadre des débats relatifs à l’évolution institutionnelle de la Corse. Une proposition de loi, rédigée par l’ancien député Jean-Félix Acquaviva, avait d’ailleurs tenté d’apporter des réponses à ces difficultés ([31]). Adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2021, elle n’a néanmoins jamais été examinée au Sénat.

Face aux risques juridiques susceptibles de résulter de la création d’un « statut de résident », le gouvernement l’a écartée, avec l’approbation de l’Assemblée de Corse, du projet de rédaction constitutionnelle issu du « processus de Beauvau ». Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, s’est toutefois prononcé à l’occasion de son audition par la mission d’information en faveur d’un « statut de résidence », distinct du « statut de résident », sans toutefois en préciser les contours, afin de renforcer la capacité de la collectivité de Corse à lutter contre la spéculation immobilière. Il est à noter que, dans le cadre des négociations de Beauvau, le Partitu di a Nazione Corsa (PNC) avait également proposé un « statut de résidence », ses détenteurs étant appelés à bénéficier, après dix ans de résidence en Corse, d’une moindre taxation lors de l’acquisition d’un bien immobilier.

La mission d’information observe que l’instauration d’un « statut de résidence » n’aurait pas pour conséquence de créer une catégorie juridique distincte de citoyens, comme le ferait un « statut de résident », mais d’instaurer des conditions d’accès à la propriété foncière reposant sur des critères objectifs, sans discrimination fondée sur l’origine ou la citoyenneté. Ce « statut de résidence » instaurerait une condition administrative, provisoire ou permanente, permettant d’ouvrir la faculté d’acquisition d’une propriété foncière aux personnes ayant, par exemple, leur résidence fiscale en Corse depuis une certaine durée. Un dispositif comparable a d’ailleurs été introduit dans la région du Trentin-Haut-Adige, au nord de l’Italie, où une condition de résidence de cinq ans pour toute acquisition d’un domicile, principal ou secondaire, a été décidée par la Giunta régionale de la Province autonome de Bolzano (Tyrol du Sud).

Selon l’analyse qu’en fait la mission d’information, l’instauration d’une telle disposition semble être envisageable sans contrevenir au principe d’unité de la République, ni aux libertés de circulation et d’établissement protégées par les droits français et européen. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a d’ailleurs pu, par le passé, considérer que l’encadrement de l’accession à la propriété foncière ne méconnaît pas le droit européen lorsque les mesures mises en œuvre sont proportionnées et poursuivent un objectif légitime d’intérêt général ([32]).

La mission d’information observe que compte tenu des dispositions du Titre XII de la Constitution et de la distinction qui y est établie entre, d’une part, le régime des collectivités territoriales de droit commun (communes, départements et régions) et, d’autre part, le régime des collectivités territoriales à statut particulier, seules les « caractéristiques » propres à ces dernières sont de nature à justifier que leur soient attribuées des compétences particulières, différentes de celles des collectivités territoriales de droit commun. Il en est de même s’agissant des conditions d’exercice de leurs compétences qui ne peuvent différer de celles des collectivités de droit commun qu’à la condition d’être justifiées par ces mêmes « caractéristiques ». S’agissant de la Corse, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs eu l’occasion d’exiger que ces dispositions particulières soient motivées par les « caractéristiques géographiques et économiques de la Corse » ainsi que par « son statut particulier au sein de la République » ([33]).

Toutefois, en l’état du droit positif, la loi fondamentale ne reconnaissant à la collectivité de Corse, contrairement au régime applicable aux départements et régions d’outre-mer de l’article 73, aucune compétence d’adaptation des lois et règlements, d’une part, et les dispositions de l’article 4422-16 du code général des collectivités territoriales fixant un régime fermé autorisant l’Assemblée de Corse à émettre des propositions de modification de toute disposition législative en vigueur ou en cours d’élaboration « concernant le développement économique, social et culturel de la Corse », d’autre part, il apparaît que seule une révision de la Constitution confiant à la collectivité de Corse un pouvoir normatif délégué d’adaptation des lois et règlements serait de nature à permettre la création d’un « statut de résidence » aux fins, notamment, de lutter contre la spéculation immobilière et les difficultés d’accès au logement dans l’île.

Enfin, si à l’issue du « processus de Beauvau », ni le « statut de résident », ni le « statut de résidence » n’ont été retenus par le projet d’écriture constitutionnelle, celui-ci fait cependant mention du « lien singulier à sa terre » développé par la « communauté historique, linguistique, culturelle » corse, précisément dans le but d’ouvrir la voie à la consécration de dispositifs spécifiques permettant d’en assurer la préservation, aux conditions et sous les réserves déterminées par le législateur organique.

La mission d’information estime sur ce point que si la mention, dans le projet d’écriture constitutionnelle, du « lien singulier » de la « communauté historique, linguistique et culturel » formée par la Corse « à sa terre », revêt une portée symbolique, largement approuvée par les formations politiques représentées dans l’île, elle ne semble toutefois pas nécessaire pour consolider l’hypothèse de création d’un « statut de résidence », dès lors que la collectivité de Corse disposerait d’un pouvoir normatif étendu tenant, d’une part, à sa condition insulaire et, d’autre part, à ses caractéristiques historiques, linguistiques et culturelles.

Au demeurant, la mission d’information s’interroge sur l’emploi de l’adjectif possessif dans la formulation retenue par le projet d’écriture constitutionnelle (lien à « sa » terre) et recommande l’utilisation de l’article défini : « ayant développé un lien singulier à la terre ».

Pour conclure sur ce point, la mission d’information recommande que le débat portant sur la création d’un « statut de résidence » figure parmi les priorités que le législateur organique aura à trancher, à l’issue du processus de révision du statut constitutionnel de la Corse, lorsqu’il lui reviendra de déterminer les modalités d’exercice du pouvoir normatif renforcé prévu dans le projet de rédaction constitutionnelle.

Au total, s’agissant des spécificités et contraintes structurelles auxquelles la population, les acteurs économiques et les pouvoirs publics sont confrontés en Corse, il apparaît à la mission d’information qu’au contraire d’autres territoires hexagonaux, c’est bien le cumul de caractéristiques, lié en particulier à sa condition insulaire et à sa géographie intérieure, qui la singularise au sein de l’espace français, et pose la question d’une différenciation institutionnelle accrue, propre à la Corse et à elle seule, et donc non duplicable aux départementaux continentaux.

II.   Le « processus de Beauvau » : un dialogue inédit, une démarche historique

L’assassinat d’Yvan Colonna en mars 2022, ainsi que les mobilisations massives de la société civile et des élus corses à la suite de cet événement, ont agi comme un catalyseur dans la relation entre la Corse et l’État. En réponse à la gravité de la situation et aux demandes des manifestants appelant à relancer les réflexions sur l’évolution institutionnelle de l’île, le Gouvernement a engagé, à partir du mois de mars 2022, un cycle de discussions avec les élus corses, sous l’égide du ministre de l’intérieur.

Ce processus – communément désigné sous le nom de « processus de Beauvau » – s’est appuyé sur une méthode de travail collégiale, articulée autour de réunions thématiques régulières à Paris et d’échanges techniques approfondis. Il a permis de construire progressivement les fondations d’un consensus sur une possible évolution du statut institutionnel de la Corse, l’Exécutif ayant pour la première fois annoncé, par la voix du ministre de l’intérieur puis du Président de la République, être disposé à ouvrir des négociations sur un statut d’autonomie de la Corse.

Cette démarche, dont la mission d’information tient à souligner qu’elle est à la fois nouvelle dans sa forme et ambitieuse dans ses objectifs, s’inscrit dans une perspective de co-construction entre les élus corses et l’État.

A.   2017-2022 : une phase de construction et d’incertitudes

La période 2017-2022 a été marquée par une séquence politique inédite, consécutive à la victoire des formations nationalistes aux élections territoriales de décembre 2017. L’installation de la nouvelle collectivité de Corse au 1er janvier 2018 (voir infra) s’est accompagnée de l’ouverture d’un nouveau cycle de discussion avec l’État, dont l’aboutissement aurait dû conduire à une évolution institutionnelle de la Corse. Les discussions engagées sur une éventuelle révision constitutionnelle n’ont cependant pas abouti, laissant place à une période de dialogue que la plupart des acteurs locaux considèrent comme ayant été interrompue, entre 2019 et 2021.

1.   La réforme constitutionnelle contrariée par les évènements (2018-2019)

Lors de son discours consacré à l’avenir de la Corse dans la République, tenu à Bastia, le 7 février 2018, le Président de la République avait encouragé l’inscription de la Corse dans la Constitution, afin d’y « reconnaître la singularité de la Corse en raison de sa géographie, de ses spécificités ».

Les deux projets de loi constitutionnelle de 2018 ([34]) et 2019 ([35]), pour l’un retiré et pour l’autre non examiné pour des raisons sans lien avec le contexte Corse, créaient un nouvel article 72-5, inséré au titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales, exclusivement consacré au statut de la Corse.

Le premier alinéa du nouvel article consacrait la reconnaissance du statut particulier de cette collectivité au sens de l’article 72.

Le deuxième alinéa prévoyait la possibilité pour les lois et règlements de comporter des règles adaptées aux spécificités liées à l’insularité et aux caractéristiques géographiques, économiques ou sociales de la Corse. Il aurait ainsi permis aux pouvoirs législatif et réglementaire d’édicter des normes différentes du droit commun pour mieux prendre en compte les spécificités du territoire, par exemple par la création de taxes locales propres à la Corse et l’adaptation des dispositions fiscales nationales, notamment en matière de droits de mutations à titre gratuit ([36]).

Dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État avait d’ailleurs souligné que « cette disposition, d’une portée comparable à celle prévue au premier alinéa de l’article 73, offre au législateur et au pouvoir réglementaire des possibilités de différenciation plus étendues que celles permises dans le cadre constitutionnel en vigueur, y compris en matière fiscale. » ([37])

Le troisième alinéa prévoyait, enfin, que, sous la réserve du respect des libertés publiques et des droits constitutionnels, ces adaptations pouvaient être décidées par la collectivité de Corse elle-même, à la double condition que ces dernières portent sur des matières touchant à ses compétences et que la loi ou le règlement l’ait habilitée à cet effet.

Article 16 du projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (2018)

Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. – La Corse est une collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l’article 72.

« Les lois et règlements peuvent comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité ainsi qu’à ses caractéristiques géographiques, économiques ou sociales.

« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité de Corse dans les matières où s’exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou le règlement. Ces adaptations sont décidées dans les conditions prévues par la loi organique. »

Les dispositions relatives à la Corse dans ces deux projets de loi constitutionnelle, n’ont pas été examinées ni donc adoptées ([38]). Cette situation a de facto conduit à maintenir le cadre institutionnel existant pour l’île, et à alimenter en retour les revendications en faveur d’une autonomie accrue.

2.   Une période de dialogue interrompu (2019-2021)

L’échec du projet d’évolution statutaire s’est soldé par l’interruption durant plusieurs mois du dialogue entre l’État et les élus corses.

Le Président de la République s’est certes rendu à Cozzano, en Corse-du-Sud, le 3 avril 2019, à l’occasion du Grand débat, mais les mouvements autonomistes et indépendantistes n’ont pas souhaité participer à cette rencontre, à laquelle les présidents de l’exécutif corse et de l’Assemblée de Corse n’étaient d’ailleurs pas présents.

En juillet 2019, le Premier ministre Édouard Philippe s’est néanmoins déplacé en Corse afin de rétablir le dialogue avec les représentants de l’île. Lors de ce déplacement, il a évoqué d’importants projets structurants, mais sans toutefois aborder directement la question d’une évolution statutaire ou institutionnelle de l’île, au regret des représentants corses. Dès lors, les échanges entre l’État et les responsables corses sont restés limités, et les propositions d’évolution institutionnelle formulées par les élus insulaires n’ont pas été suivies d’effets. Cette période de timide reprise du dialogue a également été heurtée par l’épidémie de Covid-19, stoppant l’ensemble des projets de réforme afin d’assurer la gestion quotidienne de la crise sanitaire.

Les forces politiques défendant l’autonomie, voire l’indépendance de la Corse, ont été confortées au cours de cette période. Ainsi, lors des élections territoriales de Corse, organisées en 2021 afin de renouveler l’Assemblée de Corse, les partis politiques autonomistes ou indépendantistes ont été largement majoritaires, rassemblant près de 68 % de l’électorat au second tour ([39]). C’est dans ce contexte que sont intervenus les évènements de mars 2022.

COMPOSITION DE L’ASSEMBLÉE DE CORSE DEPUIS LE 1er JUILLET 2021


B.   L’évènement déclencheur : l’assassinat d’Yvan Colonna

Le 2 mars 2022, Yvan Colonna, figure emblématique des dérives criminelles des années 1990 et détenu à la maison centrale d’Arles, est violemment agressé et décède quelques jours après des suites de ses blessures. Cet événement suscite d’importantes mobilisations, notamment parmi la jeunesse corse, et conduit le Gouvernement à ouvrir un cycle inédit de discussions avec les élus insulaires, marquant le point de départ du « processus de Beauvau ».

1.   Une vague de manifestations suivies d’émeutes violentes

Le 2 mars 2022, Yvan Colonna, incarcéré à la maison centrale d’Arles, est violemment agressé par un codétenu atteint de troubles psychiatriques. Plongé dans un coma profond, il décède le 21 mars 2022 ([40]). Cette agression, puis l’annonce de son décès, ont suscité une très vive émotion au sein de la société corse. Elles ont entraîné une série de manifestations d’ampleur, marquées parfois par des débordements violents ([41]), notamment dans les villes d’Ajaccio, Bastia et Corte, à l’appel de lycéens, d’étudiants, d’organisations nationalistes ou de syndicats.

Les mobilisations du printemps 2022 ont souligné l’expression de revendications politiques, portées par une partie de la jeunesse corse et relayées par les représentants élus de la collectivité, exprimant la résurgence du mouvement nationaliste corse. Outre l’exigence du lancement d’une enquête sur les circonstances du décès d’Yvan Colonna, les revendications portaient également sur le rapatriement en Corse des militants corses incarcérés du fait d’actions violentes.

Plus largement, nombre de manifestants revendiquaient la reconnaissance du peuple corse via l’autonomie ou l’indépendance de l’île.

2.   La réaction des forces politiques corses

À la suite de l’agression en détention d’Yvan Colonna, l’ensemble des forces politiques de l’île s’est fait le relais de certaines des revendications des manifestants tenant aux circonstances de cet événement et à ses implications et conséquences pour la société corse. ​

L’Assemblée de Corse a ainsi adopté à l’unanimité plusieurs motions dans les semaines ayant suivi cet évènement. Dans une motion en date du 14 avril 2022, elle qualifie ainsi l’assassinat d’Yvan Colonna d’« affaire d’État » et regrette la « responsabilité majeure » de l’État, du fait du « refus systématique du Gouvernement et de l’État d’appliquer à Yvan Colonna les droits qui étaient les siens, et notamment le droit au rapprochement, au mépris de la justice, des lois française et européenne, et de l’équité ». Cette même délibération appelle les parlementaires corses à solliciter la création d’une commission d’enquête ([42]).

La semaine suivante, une seconde motion, également adoptée à l’unanimité, a demandé au Président du conseil exécutif et à la Présidente de l'Assemblée de Corse, la saisine du Défenseur des droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([43]), eu égard à « l'exigence de justice et de vérité pour Yvan Colonna portée par l’ensemble des élus et des forces vives de la Corse ». Elle a notamment estimé que « la saisine de ces autorités administratives indépendantes sera de nature à apporter des réponses utiles quant aux conditions d’un assassinat perpétré dans un établissement pénitentiaire pourtant réputé de haute sécurité. »

Parallèlement, le président du conseil exécutif, M. Gilles Simeoni, également ancien avocat d’Yvan Colonna, a plaidé pour la relance du dialogue entre la Corse et l’État afin de répondre aux aspirations d’évolution institutionnelle des Corses. ​

En juillet 2022, plusieurs députés, dont les députés Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani, ont sollicité la création d’une commission d’enquête parlementaire « tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire ayant conduit à l’assassinat d’un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles ».

Cette commission d’enquête, présidée par M. Jean-Félix Acquaviva et rapportée par M. Laurent Marcangeli, alors tous deux députés, a été créée le 13 décembre 2022 à l’initiative du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires. En janvier 2023, l’Assemblée de Corse a voté à l’unanimité une nouvelle motion demandant la levée du secret-défense sur certaines pièces de la procédure, afin de garantir l’accès complet à l’information et la transparence des travaux de la commission. La Commission a finalement rendu ses conclusions le 24 mai 2023 ([44]).

Les principales conclusions de la commission d’enquête consacrée aux circonstances de l’assassinat d’Yvan Colonna

Au terme de six mois de travaux, la commission d’enquête consacrée aux circonstances entourant l’assassinat d’Yvan Colonna à la maison centrale d’Arles a mis en évidence une série de manquements graves. Le maintien d’Yvan Colonna dans le statut de détenu particulièrement signalé (DPS), pendant dix-neuf ans et sans réévaluation objective de sa dangerosité, a été considéré comme dénué de fondement au regard de son parcours carcéral sans incident, et interprété comme une entrave injustifiée à l’exercice de son droit au rapprochement familial sur son île d’origine.

La commission a également souligné la gestion erratique de la détention de l’auteur de l’agression mortelle. Radicalisé et instable psychologiquement, ce dernier n’avait fait l’objet ni d’un placement en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER), ni d’un accompagnement sanitaire et médical renforcé. Son affectation à un poste d’auxiliaire en relative autonomie a été jugée incompréhensible, tout comme les défaillances du système de vidéosurveillance et de surveillance humaine, ayant permis à l’agression de durer plus de dix minutes sans intervention.

La commission a formulé 29 recommandations, articulées autour de plusieurs axes : réforme du statut de DPS (inscription et réexamen fondés sur des critères objectifs), renforcement du renseignement pénitentiaire, évolution de la doctrine de vidéosurveillance, amélioration de la gestion des profils radicalisés et violents, et plan d’action pour la santé mentale en détention. Elle a également appelé à parachever les travaux de sécurisation du centre pénitentiaire de Borgo, en Haute-Corse, afin de permettre effectivement le rapprochement familial des détenus corses.

3.   L’amorce de dialogue : l’initiative politique du ministre de l’intérieur

Afin de répondre à l’ampleur des mobilisations suscitées en Corse par l’agression d’Yvan Colonna, le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Gérald Darmanin, engage rapidement une série de discussions avec les élus de la collectivité de Corse, conduisant l’État à soutenir officiellement et pour la première fois, l’évolution vers un statut d’autonomie encadrée de la Corse au sein de la République.

a.   Une étape décisive : l’objectif d’autonomie

Le 15 mars 2022, dans une interview accordée au quotidien « Corse-Matin », le ministre de l’intérieur déclare que l’État est prêt « à aller jusqu’à l’autonomie » pour la Corse, ouvrant ainsi la voie à un processus de négociation sur l’évolution du statut de l’île.

Le lendemain, dans une prise d’acte rédigée à l’occasion du déplacement du ministre en Corse, le président du conseil exécutif et le ministre de l’intérieur soulignaient les débuts d’un « processus à vocation historique de discussion » : « l’objectif du processus historique qui s’ouvre est de construire une réponse politique globale aux préoccupations exprimées ; pour cela, il convient de rechercher et de mettre en œuvre des solutions adaptées ; les discussions s’inscrivent sur un périmètre qui couvre l’ensemble des problématiques corses, sans exclusivité, parmi lesquelles figure l’évolution institutionnelle vers un statut d’autonomie qui reste à préciser, conduite à la lumière des statuts existants dans la Constitution, en Méditerranée ou le long de l’Arc Atlantique, voire de propositions sui generis ; mais également les enjeux en termes économiques, sociaux, culturels et notamment linguistiques. La volonté a été exprimée de permettre une évolution concrète concernant "la langue, la culture et la reconnaissance du peuple corse" » ([45])

b.   Un engagement confirmé par le Président de la République

Le 28 septembre 2023 lors de son déplacement en Corse, le Président de la République donne une nouvelle impulsion aux négociations entre l’État et les représentants corses. S’exprimant dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, il appelle les pouvoirs publics à avoir « l’audace de bâtir une autonomie à la Corse, dans la République. Cette autonomie doit être le moyen pour construire, ensemble, l’avenir sans désengagement de l’État. Ce ne sera pas une autonomie contre l’État, ni une autonomie sans l’État, mais une autonomie pour la Corse et dans la République. »

Au cours de cette même allocution, le Président de la République annonce le lancement d’un travail de concertation entre le Gouvernement et les élus locaux pour élaborer un projet de texte constitutionnel, dans un délai de six mois environ, qui poserait le cadre d’un statut d’autonomie de la Corse dans la République. Il souhaite également que ce statut permette à la Corse de fixer certaines normes et de mieux en adapter d’autres, afin de rendre plus simple et plus effectif le droit d’adaptation et le droit d’habilitation.

Enfin, il pose comme condition d’aboutissement du dialogue que cette évolution institutionnelle puisse faire « l’objet d’un accord des groupes politiques de l’Assemblée de Corse, cœur battant de la vie démocratique de l’île. »

C.   L’engagement d’un processus de dialogue responsable

Placé sous l’égide du ministre de l’intérieur, le « processus de Beauvau » s’est appuyé sur un cycle d’échanges réguliers organisé autour de thématiques structurantes pour l’avenir de l’île. Ces travaux ont été marqués par la recherche d’un compromis sur l’évolution institutionnelle de la Corse, tant au sein des représentants politiques corses qu’entre ces derniers et les représentants de l’État.

1.   La méthode du dialogue entre l’État et les forces corses

Dès le mois de mars 2022, le Gouvernement et les élus corses ont acté l’engagement de négociations afin d’initier un processus de dialogue censé mener à une solution institutionnelle. L’ensemble des représentants politiques corses a pu être associé à cette démarche, en se rassemblant au sein d’une délégation unique, composée des présidents du conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse, de deux représentants par groupe politique de cette assemblée, des parlementaires corses, des présidents des deux associations des maires ainsi que des maires d’Ajaccio et de Bastia.

Le ministre de l’intérieur et la délégation corse se sont ainsi fixés pour objectif de se réunir régulièrement afin de permettre le suivi des discussions, dans le cadre de comités dits stratégiques. En parallèle, des comités techniques étaient chargés de préparer ces discussions.

Le premier comité stratégique s’est tenu à Paris le 21 juillet 2022. Il a permis de définir une méthode de travail autour de plusieurs blocs de discussion : le modèle économique et social ; la lutte contre la spéculation foncière et immobilière ; la fiscalité ; la transition énergétique et environnementale ; l’éducation et la formation ; la santé ; les infrastructures ; l’insularité ; l’Europe ; la langue, la culture et l’identité corses.

Si le calendrier initialement fixé n’a pu être tenu – les comités stratégiques devaient initialement se tenir toutes les six semaines – la prise de parole du Président de la République devant l’Assemblée de Corse le 28 septembre 2023 a acté le principe d’une autonomie de la Corse, dès lors que cette perspective ferait l’objet d’un « accord des groupes politiques de l’Assemblée de Corse » autour d’un projet d’écriture constitutionnelle.

2.   La méthode du dialogue entre les forces corses : la recherche pluraliste d’un compromis

En juillet 2023, l’Assemblée de Corse a adopté (par 46 voix sur 63) une délibération relative à un statut d’autonomie de la Corse ([46]).

L’article 3 de cette délibération, intitulée Autonomia, énonce les « objectifs de l’autonomie » et, en particulier, trois « revendications fondamentales » portées par une majorité des membres de l’Assemblée de Corse telles que l’existence d’un « peuple corse », la « co-officialité » de la langue corse avec le français et le « statut de résident ». L’article 7 de cette même délibération propose l’insertion d’un titre XII bis « de l’Île de Corse » dans la Constitution, qui dote la Corse d’un statut d’autonomie, sans toutefois inscrire ces trois revendications dans le texte constitutionnel.

La proposition de rédaction du titre XII bis : « De l’Île de Corse » de la délibération Autonomia

« Titre XII bis : De l’Île de Corse

Article 75-2 : En application de l’accord approuvé par consultation en date du (…), la Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République française, qui tient compte de son histoire, de son insularité dans l’environnement méditerranéen, de son relief montagneux, de ses aspirations politiques, de son identité culturelle et linguistique, et de ses spécificités géographiques, économiques et sociales.

Elle est titulaire de l’autonomie fiscale et financière.

La loi organique détermine les matières dans lesquelles le transfert des compétences de l’État vers la Collectivité autonome de Corse s’exerce de façon définitive et pour lesquelles l’Assemblée de Corse adopte des textes de forme législative, ainsi que l’échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.

La loi organique détermine les conditions dans lesquelles des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la Collectivité en faveur de sa population, en matière de protection du foncier, de statut d’officialité de la langue corse et d’accès à l’emploi.

Elle précise les conditions de participation de la Collectivité autonome de Corse à l’exercice de certaines compétences de l’État, sous le contrôle du juge constitutionnel, ainsi que la répartition des charges dans le cadre de ces compétences partagées.

Article 75-3 : La loi organique détermine les principes d’organisation et de fonctionnement des institutions de la Collectivité autonome de Corse, et les conditions dans lesquelles les lois adoptées par l’Assemblée de Corse pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil Constitutionnel.

La loi organique relative à la Corse précise les conditions, les délais et la composition du corps électoral selon lesquels les Corses seront à nouveau consultés par voie de référendum concernant l’éventuelle évolution du statut d’autonomie vers davantage de dévolution, dans un délai qui ne peut excéder quinze ans ».

La délibération propose par ailleurs une méthode pour aboutir à l’autonomie de la Corse : parvenir tout d’abord à un « accord politique, soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un référendum » ; adopter une réforme constitutionnelle du statut de la Corse par l’insertion d’un nouveau titre dans la Constitution ; et enfin adopter une « loi organique déclinant cet accord et les principes du statut d’autonomie de la Corse, avec transfert du pouvoir législatif dans le périmètre des compétences reconnues à la Collectivité autonome de Corse ».

L’intervention du Président de la République, deux mois après l’adoption de cette délibération, a conduit la Conférence des présidents de l’Assemblée de Corse ([47]) à travailler de façon régulière, pendant cinq mois, à la construction d’un consensus.

Le 23 février 2024, une Conférence des présidents élargie – rassemblant l’ensemble des membres de la délégation corse chargée d’échanger avec le ministre de l’intérieur – a adopté à l’unanimité une déclaration politique solennelle. Celle-ci diffère de la délibération de juillet 2023 et comprend quatre dispositions ayant fait l’objet d’un consensus parmi les forces politiques corses :

– la reconnaissance constitutionnelle d’une « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle, ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre : l’île de Corse » ;

– la constitutionnalisation du lien à la terre et de l’accès équitable à la propriété foncière et immobilière ;

– le statut de la langue corse et la mise en œuvre d’un bilinguisme réel et vivant ;

– le principe de l’autonomie fiscale, dans le cadre d’un nouveau pacte budgétaire, fiscal, et financier à conclure avec l’État, et associant les communes, intercommunalités, et territoires de Corse.

La Conférence des présidents élargie a également adopté deux dispositions à la majorité de ses membres :

– la première portait sur la forme de la mention constitutionnelle consacrée à la Corse – la position majoritaire soutenant la création d’un titre spécifique, tandis que la position minoritaire lui préférait l’inscription dans un article consacré à la Corse ;

– la seconde portait sur la consécration et la mise en œuvre d’un pouvoir normatif de nature législative. Les signataires se sont ainsi majoritairement prononcés pour « l’exercice effectif d’un pouvoir législatif, dont le transfert a vocation à se faire de façon progressive et par bloc de compétences (…) Ce pouvoir législatif est complété, dans d’autres domaines de compétences (à définir, dans le cadre des travaux et discussions à venir), par un pouvoir réglementaire direct d’adaptation de la loi nationale, dès lors que des circonstances particulières, notamment liées à l’insularité, justifient cette adaptation. »

Les deux représentants du groupe Un Soffiu Novu n’ont pas soutenu unanimement ces positions majoritaires. S’agissant de la nature du pouvoir normatif qui serait confié à la collectivité de Corse, si Mme Valérie Bozzi, co-présidente du groupe, a défendu l’exercice d’un pouvoir législatif, M. Jean-Martin Mondoloni, co-président du même groupe, a plutôt préféré « rendre opérationnels les pouvoirs d’adaptation et d’expérimentation des lois et règlements », estimant que l’inscription de la Corse dans la Constitution devrait permettre de rendre plus applicables ces prérogatives d’ores et déjà existantes, mais aujourd’hui peu opérationnelles (voir infra). M. Mondoloni a également défendu l’inscription des dispositions constitutionnelles relatives à la Corse dans un article de la Constitution plutôt que dans un titre, tandis que Mme Bozzi s’est abstenue.

À l’initiative du ministre de l’intérieur, deux rencontres se sont ensuite tenues avec les représentants corses, les 26 février et 11 mars 2024, avec pour objectif de trouver un accord conclusif sur un projet d’écriture constitutionnelle.

Une rédaction, reprenant l’esprit de la déclaration politique solennelle du 23 février 2024 et recueillant l’assentiment d’une large majorité de la délégation corse, ainsi que du Gouvernement et du Président de la République, a finalement été proposée à l’issue de cette seconde réunion : elle est la base de travail sur laquelle la mission d’information entend se prononcer dans le cadre de son rapport.

Texte du projet d’écriture constitutionnelle

La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre.

Les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations justifiées par les spécificités de ce statut. La collectivité de Corse peut être habilitée à décider de l’adaptation de ces normes dans les matières, les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

La collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences, dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

La loi organique détermine également le contrôle exercé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sur les normes prises en application des deux précédents alinéas, en fonction de leur nature, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Les habilitations prévues par la loi organique aux deux précédents alinéas ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui ne relèvent pas de la compétence de la collectivité de Corse, adapter les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de l’assemblée délibérante et du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication.

Les électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse peuvent être consultés sur le projet de statut, après avis de l’assemblée délibérante, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres.

3.   L’indépendance écartée au profit de « l’autonomie dans la République »

Le lendemain de l’accord trouvé entre la délégation corse et le Gouvernement, le conseil exécutif de Corse a saisi l’Assemblée de Corse, afin de lui permettre de se prononcer sur cette rédaction, à l’occasion de sa session extraordinaire du 27 mars 2024.

a.   Une délibération votée à la quasi-unanimité de l’Assemblée de Corse

L’ensemble de la délibération du 27 mars 2024 ([48]) a été adopté à l’unanimité de l’Assemblée de Corse, moins une voix ([49]). Elle procède cependant à une distinction entre les dispositions de l’écriture constitutionnelle faisant l’objet d’un accord très large entre les membres de l’Assemblée, c’est-à-dire votées à la quasi-unanimité moins une voix, et les autres, portant sur l’attribution d’un pouvoir normatif, et suscitant les réserves d’une majorité du groupe Un soffiu novu.

Ainsi, le premier alinéa relatif aux particularités de la Corse a-t-il été voté à la quasi-unanimité. Le dernier alinéa, consacré à la consultation des électeurs corses sur le projet de statut, a fait l’objet d’un vote identique.

Les autres dispositions de l’écriture constitutionnelle, relatives à l’attribution d’un pouvoir normatif, ont été adoptées par une large majorité des membres de l’Assemblée de Corse, représentant 49 sièges, soit 78 % des élus. Elles ont néanmoins été rejetées par 13 d’entre eux, dont 12 des 16 élus du groupe Un Soffiu Novu.

La formalisation du projet d’écriture constitutionnelle et son vote par l’Assemblée de Corse

Le projet d’écriture constitutionnelle a été arrêté, en sa forme actuelle, à l’occasion de la séance de travail qui s’est tenue à l’Hôtel de Beauvau le 11 mars 2024 entre le ministre de l’intérieur en exercice, M. Gérald Darmanin, et sept élus de la Corse représentant les sensibilités politiques de l’île.

La proposition d’écriture a été soumise au débat puis au vote de l’Assemblée de Corse à l’occasion de sa session ordinaire du mercredi 27 mars 2024, sous l’ordre du jour de convocation de ses membres suivant : « Projet d’écritures constitutionnelles dans le cadre de la révision de la Constitution consacrée à la Corse ».

Ouverte à 17h36, sous la présidence de Mme Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée, la session s’est achevée à 23h30 par le vote sur l’ensemble de la délibération soumise au débat par 62 voix pour (Fà Populu Inseme : 32 ; Un Soffiu Novu : 16 ; Core in Fronte : 6 ; Avanzemu : 7 ; Pierre Ghionga, non inscrit) et une voix contre (Josepha Giacometti-Piredda, non inscrite).

La délibération proposée au vote des membres de l’Assemblée de Corse se décomposait en plusieurs articles :

- l’article premier prenait acte du projet d’écriture constitutionnelle issu de la rencontre du 11 mars 2024 entre le ministre de l’intérieur et les élus de la Corse ;

- l’article 2 comportait trois sections :

• la section 1, intitulée « les fondements constitutionnels », reprenait l’alinéa 1er du projet d’écriture constitutionnelle : elle a été adoptée par 62 voix pour et une voix contre ;

• la section 2, intitulée « le pouvoir normatif », reprenait les alinéas 2, 3, 4 et 5 du projet d’écriture constitutionnelle : elle a été adoptée par 49 voix pour, 13 voix contre et 1 abstention. À cette occasion, le groupe Un Soffiu Novu, composé de 16 membres, s’est partagé entre 12 voix contre, dont son co-président, M. Jean-Martin Mondoloni, 3 voix pour, dont sa co-présidente, Mme Valérie Bozzi, et une abstention ;

• la section 3, intitulée « la consultation populaire », reprenait l’alinéa 6 du projet d’écriture constitutionnelle : elle a été adoptée par 62 voix pour et une voix contre.

À l’issue de ces trois votes, l’Assemblée de Corse s’est prononcée sur l’ensemble de la délibération par 62 voix pour et une voix contre.

Avant ce vote final, le représentant du groupe Un Soffiu Novu, M. Jean-Martin Mondoloni, avait tenu à préciser les conditions dans lesquelles 12 des 16 membres de son groupe s’étaient prononcés contre la section 2 portant sur le pouvoir normatif : « je répète, que ce soit dit, lu, su et bien compris, pour ceux que je représente, nous sommes contre l’octroi du pouvoir législatif », justifiant le quatrième et dernier vote sur l’ensemble de la délibération par sa volonté de voir le processus de Beauvau se poursuivre par la transmission au Parlement du projet d’écriture constitutionnelle.

La rédaction issue du « processus de Beauvau », votée par l’Assemblée de Corse, écarte ainsi l’indépendance de la Corse, au profit de « l’autonomie dans la République », preuve de la recherche d’un compromis entre toutes les parties.

b.   Le projet d’écriture constitutionnelle doit désormais être débattu au Parlement

Ainsi adoptée par l’Assemblée de Corse, cette rédaction aurait dû faire l’objet d’un projet de loi constitutionnelle inscrit à l’ordre du jour du Parlement dans les mois suivants. La dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée le dimanche 9 juin 2024 par le Président de la République, a néanmoins retardé ce calendrier.

Le retard parlementaire pris dans l’examen de l’évolution du statut de la Corse a conduit l’Assemblée de Corse à adopter, le 27 septembre 2024 – à la quasi-unanimité, moins une voix – une délibération « demandant solennellement au Président de la République de saisir au plus tôt le Parlement, sur proposition du Premier ministre, du projet de révision constitutionnelle sur la base des écritures constitutionnelles entérinées avec le ministre de l’intérieur le 11 mars 2024, et validées par l’Assemblée de Corse dans sa délibération en date du 27 mars 2024. » ([50])

Selon Mme Catherine Vautrin, alors ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, les débats sur le projet de loi constitutionnelle pourraient désormais intervenir avant la fin de l’année 2025 ([51]), ce qu’a confirmé le Premier ministre François Bayrou lors de son discours de politique générale, le 14 janvier 2025. Ce calendrier a, par la suite, été reconfirmé par le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen, au cours de son audition par la mission d’information. Le texte pourrait ainsi être déposé au Parlement dans les prochaines semaines.

Afin de préparer les débats au Parlement, la commission des Lois du Sénat a créé, le 7 mai 2024, une « mission d’information sur l’évolution institutionnelle de la Corse » dont les travaux se sont terminés en fin d’année 2024. Les conclusions, présentées en commission au début de l’année 2025, ont été rejetées, et le rapport n’a ainsi jamais été publié, démontrant les intenses divergences qui ont pu traverser les formations politiques sénatoriales.

Considérant que le processus de Beauvau est engagé depuis le printemps 2022, la mission d’information ne peut qu’inviter le Gouvernement à déposer sur le bureau de l’une des deux assemblées, au plus vite et conformément aux dispositions de l’article 39 de la Constitution, le projet de rédaction constitutionnelle tel qu’adopté le 27 mars 2024 par l’Assemblée de Corse, et ce afin d’engager la procédure de révision constitutionnelle de l’article 89 de la Constitution et de permettre au constituant, sans préjuger de sa position, de se déterminer. À cet égard, la mission d’information souhaite que ce dépôt puisse être formalisé avant la fin du premier semestre 2025.


   Deuxième partie :
L’évolution institutionnelle de la Corse, D’une décentralisation renforcée au projet d’autonomie

La Corse a bénéficié du mouvement de décentralisation et de renforcement des libertés locales impulsé en France par la gauche au pouvoir au début des années 1980. Le législateur est même allé plus loin dans la prise en compte des spécificités de l’île puisqu’il a accordé un statut particulier à la collectivité de Corse caractérisé par des transferts de compétences renforcés, une organisation politique et territoriale singulière (conseil exécutif distinct de l’Assemblée de Corse et responsable devant elle ; collectivité unique) et un pouvoir de proposition en matière réglementaire et législative (art. 4422-16 du CGCT).

La mission d’information tire un bilan contrasté de ce processus de décentralisation renforcée qui s’est pourtant approfondi au cours des quarante dernières années. Quelles que soient leurs sensibilités, les élus corses réclament en effet aujourd’hui, selon des degrés divers, des transferts de compétences et des moyens supplémentaires pour mettre en œuvre une stratégie de développement mieux adaptée au territoire.

Dans ce contexte, la mise en place d’un statut d’autonomie, dont les contours sont esquissés par le projet d’écriture constitutionnelle, pourrait apporter des réponses concrètes en déployant des capacités nouvelles d’adaptation des mesures aux contraintes et réalités locales.

I.   L’instauration progressive d’une décentralisation renforcée qui présente des limites

Collectivité distincte, dès 1982, des régions de droit commun, la Corse bénéficie depuis 1991 d’un statut particulier, confiant à la collectivité de Corse des compétences renforcées dans plusieurs matières et un pouvoir d’adaptation des normes spécifique et strictement encadré. L’exercice pratique de cette décentralisation renforcée n’a cependant pas rempli toutes ses promesses.

A.   Les limites du droit existant d’adaptation des normes

Le pouvoir de proposition d’adaptation des normes confié à la collectivité de Corse coexiste avec le cadre constitutionnel de droit commun portant sur la possibilité de mettre en œuvre des expérimentations. Ces procédures, conçues comme des réponses à la demande de différenciation territoriale, présentent plusieurs limites.

1.   Le droit commun d’expérimentation et de différenciation

La Constitution fixe depuis 2003 le cadre d’un double droit à l’expérimentation à son article 37-1 et au quatrième alinéa de l’article 72.

Le droit à l’expérimentation a d’abord été consacré et encadré par la jurisprudence constitutionnelle. Depuis 1993, le Conseil constitutionnel reconnaît qu’il est possible au législateur de « prévoir la possibilité d’expériences comportant des dérogations […] de nature à lui permettre d’adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles » sous certaines conditions : le législateur doit « définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations », ainsi que « les conditions et les procédures selon lesquelles [les expérimentations] doivent faire l’objet d’une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon » ([52]). Ces expérimentations doivent avoir un caractère « temporaire » et ne pas être immédiatement renouvelées ([53]).

Dans sa décision du 17 janvier 2002, le Conseil constitutionnel censure toutefois une disposition autorisant la collectivité territoriale de Corse à prendre, à titre expérimental, des mesures relevant du domaine de la loi, « un domaine qui ne relève que de la Constitution » ([54]).

Afin de permettre d’aller plus loin dans la possibilité d’expérimentation et de différenciation, le constituant a choisi de consacrer un double droit à l’expérimentation lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ([55]).

En premier lieu, l’article 37-1 de la Constitution dispose que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. Ces expérimentations interviennent donc dans le domaine de compétence normative de l’État. Cet article a été utilisé pour mener des expérimentations en vue de procéder à des transferts différenciés de compétences ou de services publics au profit des collectivités territoriales ([56]), mais il ne s’adresse pas spécifiquement aux collectivités. Le Conseil constitutionnel a précisé les limites de ces expérimentations : celles-ci dérogent, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi et le législateur doit en définir l’objet et les conditions de façon suffisamment précise, sans méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ([57]).

En second lieu, le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution prévoit un droit à l’expérimentation locale, à destination spécifique des collectivités territoriales. Il dispose ainsi que, sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, sur habilitation de la loi ou du règlement et pour un objet et une durée limités, déroger à des normes législatives ou réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.

Les modalités d’application de ce droit à l’expérimentation sont encadrées par des dispositions organiques ([58]) qui prévoient que la loi ou le règlement qui autorise l’expérimentation en définisse l’objet et la durée, celle-ci ne pouvant excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé par les collectivités. La loi ou le règlement doit également préciser la nature juridique et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation, ainsi que le délai dans lequel ces collectivités peuvent demander à y participer. L’expérimentation peut être prolongée pour une durée maximale de trois ans. Elle aboutit ensuite soit au maintien et à la généralisation des mesures prises à titre expérimental, soit à l’abandon de l’expérimentation.

Depuis la loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, deux nouvelles issues aux expérimentations ont été ajoutées : le maintien des mesures dans les collectivités ayant participé à l’expérimentation uniquement, ou dans certaines d’entre elles seulement, ainsi que leur extension à d’autres collectivités territoriales. Cela signifie que le champ des compétences et leurs modalités d’exercices peuvent ne pas être identiques entre collectivités territoriales d’une même catégorie.

L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation détaillée transmise au Parlement. Lorsqu’elle porte sur une dérogation à des dispositions législatives, cette expérimentation doit faire l’objet de deux rapports distincts du Gouvernement, transmis au Parlement : une évaluation intermédiaire à la moitié de la durée fixée pour l’expérimentation et un rapport assorti des observations des collectivités territoriales ayant participé avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation. De plus, chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un autre rapport présentant les collectivités territoriales ayant décidé de participer à une expérimentation et retraçant l’ensemble des propositions d’expérimentation que lui ont adressées les collectivités, en exposant les suites qui leur ont été réservées.

Expérimentation et principe d’égalité

Le principe constitutionnel d’égalité admet des assouplissements, repris par une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et que l’on peut résumer ainsi : « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit. » ([59])

Le législateur peut donc édicter des normes spécifiques pour certaines parties du territoire. Par exemple, plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires au droit commun sont applicables en Corse pour compenser les contraintes de l’insularité : exonérations de fiscalité professionnelle locale pour les entreprises, transfert à la collectivité de Corse de 10 % du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers consommés en Corse ([60]), ou exonération de 50 % de la valeur des immeubles pour les successions ouvertes jusqu’au 31 décembre 2037 ([61]). Il convient cependant de rappeler que le Conseil constitutionnel a censuré, en 2012, la prorogation de cette dernière exonération estimant que ce régime fiscal dérogatoire méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ([62]). L’article 4 de la loi du 6 mars 2017 et l’article unique de la loi du 7 février 2025 ont finalement prorogé ces dérogations afin de permettre l’aboutissement du travail d’assainissement du cadastre engagé sur l’île depuis 2012, sans être déférés au Conseil constitutionnel.

L’expérimentation, introduite par le constituant, ne fait pas non plus obstacle au principe à valeur constitutionnelle d’égalité auquel elle déroge. Dans sa décision du 15 avril 2021 ([63]), le Conseil constitutionnel n’a pas censuré les dispositions permettant l’adoption de règles différenciées entre les collectivités territoriales à l’issue d’une expérimentation, mais il a imposé au législateur l’obligation d’étendre l’expérimentation aux collectivités territoriales présentant les mêmes caractéristiques justifiant qu'il soit dérogé au droit commun.

Les deux procédures d’expérimentation, qu’elles soient menées sur le fondement de l’article 37-1 ou du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, sont initiées et encadrées par le législateur ou le Gouvernement qui décide des collectivités participantes ([64]), des conditions dans lesquelles se déroule l’expérimentation, et prend la décision, au terme d’une évaluation menée par le Gouvernement, de l’issue de l’expérimentation, en identifiant les collectivités territoriales devant appliquer la norme dérogatoire, qu’elles aient ou non participé à l’expérimentation ([65]). Elles ne peuvent donc être considérées comme un pouvoir d’adaptation local, à la main de ces collectivités territoriales.

Si le Conseil d’État ([66]) avait recensé 269 expérimentations menées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution sur la période 2003-2019, dont 28 ayant concerné les collectivités territoriales ([67]), seules quatre expérimentations ont été menées sur celui du quatrième alinéa de l’article 72 depuis 2003 (sur le revenu de solidarité active, l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de trente ans, la tarification sociale de l’eau et de nouvelles modalités de répartition de la taxe d’apprentissage).

2.   Un mécanisme spécifique à la Corse complexe et inopérant

a.   Le dispositif actuel est strictement encadré

La collectivité de Corse dispose d’un pouvoir d’adaptation des normes prévu à l’article L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales (CGCT) strictement encadré qui se décline en trois niveaux.

● En premier lieu, l’Assemblée de Corse, de sa propre initiative ou à la demande du conseil exécutif, ou à celle du Premier ministre, peut proposer la modification ou l’adaptation des dispositions réglementaires ou législatives, en vigueur ou en cours d’élaboration, qui concernent « les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse », soit un champ matériel particulièrement large. Ces propositions doivent être transmises au Premier ministre qui reste libre de la suite à y donner, sans autre forme de contrainte pour le chef du gouvernement, si ce n’est l’obligation d’en accuser réception et d’établir un rapport annuel indiquant les suites qui leur ont été données (V bis de l’article L. 4422-16 du CGCT).

Ce pouvoir de proposition de modification ou d’adaptation des normes, prévu depuis le « statut Joxe » de 1991, a précisément été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 1991 sous réserve que le Premier ministre n’ait pas l’obligation de donner suite aux propositions qui lui sont soumises ([68]). Cette jurisprudence a été confirmée par le Conseil constitutionnel en 2002 qui a considéré que ce pouvoir de proposition ne transférait, par lui-même, à la collectivité de Corse, aucune matière relevant du domaine réglementaire ou du domaine de la loi ([69]).

Ces limites conduisent la professeure Wanda Mastor à conclure, dans ses travaux sur l’évolution institutionnelle de la Corse : « Non seulement la Corse ne dispose-t-elle pas de pouvoir normatif, mais encore ne peut-elle exiger du Premier ministre une réponse à ses initiatives. En résumé, les lois de 1991 et 2002 ont été vidées du venin d’inconstitutionnalité qui consistait, pour le Conseil constitutionnel, à offrir à la Corse un réel pouvoir de décision. » ([70])

● En deuxième lieu, l’article L. 4422-16 du CGCT prévoit, depuis la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse (article 1er), que la collectivité peut demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles de nature réglementaire, adaptées aux spécificités de l’île. Ce pouvoir réglementaire est strictement encadré :

– le champ de l’habilitation est limité aux compétences dévolues à la collectivité ;

– les mesures relevant de l’exercice d’une liberté individuelle ou d’un droit fondamental en sont exclues ;

– cette compétence d’adaptation s’exerce dans le respect des prérogatives du Premier ministre et ne saurait avoir « ni pour objet ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d’exécution des lois que l’article 21 de la Constitution [lui] attribue. » ([71]).

La demande est faite par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au préfet de Corse.

● Enfin, l’Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Elle dispose d’un délai d’un mois pour rendre son avis, délai qui est réduit à quinze jours en cas d’urgence, sur demande du préfet de région. L’avis est réputé avoir été donné une fois le délai expiré. Dans sa décision de 1991, le Conseil constitutionnel a précisé que cette consultation « ne saurait avoir une quelconque influence sur la régularité de la procédure législative » ([72]).

● En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition ouvrant la possibilité au Parlement de déléguer à l’Assemblée de Corse le pouvoir de procéder à des expérimentations pour adapter des lois nationales prévue au IV de l’article 1er de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, considérant « qu’en ouvrant au législateur, fût-ce à titre expérimental, dérogatoire et limité dans le temps, la possibilité d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, la loi déférée est intervenue dans un domaine qui ne relève que de la Constitution » ([73]).

Le pouvoir de proposition pour les départements et les régions

Il est important de souligner que la loi « 3DS » du 21 février 2022 a donné aux départements et aux régions un pouvoir de proposition « tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement » du département ou de la région pouvant porter sur la différenciation des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à ces départements ou régions, afin de tenir compte des différences de situations ([74]). Ces propositions sont transmises au Premier ministre, au préfet et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat si elles portent sur des dispositions législatives. Le Premier ministre en accuse réception. Un rapport annuel public indique les suites qui ont été données à ces propositions.

Le rapport d’information relatif à la différenciation territoriale, réalisé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, n’a recensé, au 3 avril 2024, que trois propositions de différenciation émises par la région Occitanie, le département de la Lozère et la Région Île de France ([75]).

b.   Un bilan très en deçà des attentes

La collectivité de Corse recense 57 saisines du Premier ministre effectuées au titre de son pouvoir de proposition de modification ou d’adaptation des normes législatives ou réglementaires prévu par l’article L. 4422-16 du CGCT.

 

Mesure demandée

Référence

Institutions

Création d’une collectivité unique issue de la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements de Corse

Délibération n° 14/207 AC du 6 février 2015

-Démilitarisation totale du site d’Asprettu ;

-Ouverture d’une discussion entre la collectivité de Corse et l’État quant au devenir de la base et des autres sites militaires de Corse

Délibération n° 21/017 AC du 29 janvier 2021

Clarification de la question de la répartition des compétences précitées entre l’État et la collectivité de Corse ainsi que celle de leur mise en œuvre soit intégrée dans le cadre de la future loi 3DS.

Délibération n° 21/143 AC du 23 juillet 2021


À l’occasion de la loi 3DS :

- simplification des modalités d’ester en justice au nom de la collectivité de Corse par le Président du conseil exécutif de Corse ;

- révision de la composition de la Chambre des territoires au bénéfice d’une meilleure représentation des intercommunalités et des communes de Corse ;

- rendre opérationnel un droit à l’expérimentation législative et réglementaire de l’Assemblée de Corse.

Délibération n° 21-246 du 17 décembre 2021

Prise en compte de la question nationale corse au plus haut niveau de l’État français, avec un véritable principe de pourparlers politiques en vue d’un processus de fin de conflits.

Délibération n° 22-084 du 3 juin 2022

Foncier – urbanisme - lutte contre la spéculation

Augmentation du nombre de communes éligibles à décider d’une augmentation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires

Délibération n°2018/350 AC du 21 septembre 2018

Distinction des résidences secondaires patrimoniales familiales des Corses des propriétés spéculatives

Délibérations n° 18/350 AC du 21 septembre 2018 et n° 2021/070 AC du 26 mars 2021

 

Mise en place d’un droit de préemption renforcé

Proposition de loi du Député Acquaviva et aux délibérations de l’Assemblée de Corse n° 2021/070 AC du 26 mars 2021 et n° 2021/186 du 28 octobre 2021

Transfert de la compétence en matière de fiscalité successorale

Délibération n° 2021/186 du 28 octobre 2021, délibération n° 2022-023 AC du 25 février 2022

Réaliser une évaluation des dispositifs fiscaux (produits défiscalisés systématiquement contournés, PINEL, crédits d’impôts, etc.) avec la collectivité de Corse pour encadrer et réformer l’ensemble des dispositifs fiscaux qui potentiellement détournés de leur objet initial (lutte contre la spéculation)

Délibération n °2021/186 du 28 octobre 2021

-Création de zones d’équilibre territorial en Corse, selon l’exemple des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA), à prévoir dans le PADDUC, où la construction de programmes immobiliers destinés à l’acquisition de résidences secondaires serait quasi-interdite.

-Extension à la Corse de l’autorisation de changement d'usage des locaux d’habitation meublés de tourisme (prévue pour les grandes villes françaises)

Délibération n° 22/022 AC du 25 février 2022

Lutte contre le paracommercialisme : encadrement des meublés de tourisme, location des résidences secondaires

Délibération n° 22/185 AC du 25 novembre 2022

Langue corse

-Obligation d’enseignement de la Langue et Culture Corse, y compris au collège à raison de 4.5 heures hebdomadaires et 4 heures en 3ème ;

-Que la langue corse bénéficie des mêmes conditions d’examen et du même coefficient que la langue française au baccalauréat ;

-Élaboration d’un grand plan de formation en langue corse des enseignants du secondaire ;

-Maintien dans l’académie de Corse des titulaires du concours du second degré mutés contre leur gré à l’issue de la stagiairisation ;

-Examen prioritaire des personnels habilités ou certifiés en Corse ou y ayant leurs centres d’intérêts matériels et moraux avant recrutement d’un vacataire ;

-Demande que toutes les mesures d’ordre législatif ou réglementaire soient prises à cet effet.

Délibération n° 18/092 Ac du 29 mars 2018

Demande d’ouverture d’un poste à l’agrégation externe avec option langue corse à la session 2018

Délibération n° 18/356 AC du 21 septembre 2018

Modification du redécoupage rattachant l’inspecteur de l’Éducation nationale à une circonscription, lui conférant ainsi les missions de mise en œuvre de toute la politique éducative, ce qui réduira de facto sa capacité d’action en faveur de la langue Corse au niveau académique.

Délibération n° 19/497 AC du 20 décembre 2019

Réitération de la demande à l’État de mesures permettant le développement et la généralisation de l’enseignement immersif dans le secteur public de l’Éducation.

Demande une nouvelle fois un Statut de co-officialité pour la langue corse sur son territoire national.

Délibération n° 21/171 AC du 1er octobre 2021

-Rapport d’orientation sur la politique linguistique :

-Reconnaissance constitutionnelle d’un statut de la langue corse ;

-Co-officialité de jure par l’élaboration d’un statut spécifique.

Délibération n° 22/165 AC du 24 novembre 2022

-Nécessité absolue de renforcer le vivier enseignant.

-Mise en place d’un concours de recrutement unique bilingue de professeurs des écoles, en conformité avec les dispositions du Pianu Lingua 2020.

-Pilotage fort de la politique linguistique, notamment en développant les ressources humaines dans les domaines de l’inspection et de l’évaluation.

Délibération n° 22/186 AC du 25 novembre 2022

Environnement

Mise en œuvre d’un statut spécifique de protection de la biodiversité de la Corse.

Demandes exprimées dans les délibérations 10/146 du 26 juillet 2010 concernant le Cynips du châtaignier ; 14/173 du 25 septembre 2014 sur la Xylella ; 16/129 sur la protection de l’abeille endémique de Corse ; 17/115 sur l’introduction d’animaux nuisibles ou envahissants

Transfert compétence de fixation des dates d’ouverture et de fermeture de chasse.

2014

-Mise en œuvre d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les États membres afin de lutter efficacement contre la pollution plastique en Méditerranée ;

-Engagement de politiques pour réduire les emballages et limiter les plastiques présents dans les produits industriels ;

-Remplacement par des matières biodégradables et/ ou produits naturels.

Délibération n° 18/129 AC du 27 avril 2018

Mise en œuvre des mesures nécessaires pour empêcher l’introduction, l’importation ou la propagation d’organismes nuisibles à la santé des végétaux et à la santé animale, d’espèces menaçant la biodiversité et de denrées alimentaires présentant un danger pour la santé humaine.

Délibération n° 18/227 AC du 29 juin 2018

-Reconnaissance par l’État de la spécificité des souches locales de truites reconnues scientifiquement (macrostigma) ;

-Interdiction d’introduction de souches nuisibles aux souches locales et d’espèces invasives (hors plan départemental piscicole de gestion).

Délibération n° 18/416 AC du 26 octobre 2018

Généralisation des évolutions pour lutter contre les particules fines à toutes les compagnies desservant la Corse, y compris navires non réguliers type navires de croisière.

Délibération n° 18/413 AC du 26 octobre 2018

-Accélérer le processus devant conduire au classement de la Méditerranée en zone SECA et NECA ;

-Veiller au respect des normes en vigueur et de contrôler rigoureusement les émissions de tous les navires qui accostent dans les ports corses.

Délibération n° 18/407 AC du 26 octobre 2018

Faire de la Corse un territoire pilote pour la mise en œuvre d’une expérimentation relative à la consigne des emballages

Délibération n° 19/223 AC du 28 juin 2019

Faire de la Corse une île verte, sans glyphosate

Délibération n° 19/053 AC du 22 février 2019

Promotion du principe fondamental de maîtrise publique de l’eau et de sa gestion

Délibération n° 20/114 AC du 31 juillet 2020

-Rattrapage du retard infrastructurel en ouvrages de stockage d’eau non rattrapé par la mobilisation du PEI comme le souligne la délibération n° 17/320 AC de l’Assemblée de Corse du 26 octobre 2017 sur la présentation du bilan d’évaluation du Programme Exceptionnel d’Investissements.

-Demande d’urgence d’un important engagement financier de l’État pour accompagner durablement l’aménagement, les programmes et projets en faveur de l’adaptation au changement climatique de notre île et de son indépendance hydraulique.

-Demande une coopération permanente en matière de plan d’adaptation, notamment dans les contextes insulaires entre l’État et l’Union Européenne

Délibération n° 21/184 AC

28 octobre 2021

Économie

-Introduire des dispositions spécifiques afin d’élargir l’assiette d’affectation des recettes de la tranche 2, au-delà des grands projets d'infrastructures alternatifs à la route, au financement des actions prévues dans le volet transport de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie et en particulier introduire des dispositifs en faveur de mesures sociales et notamment des publics précaires.

-Diminution des taux de TGAP à concurrence de la hausse induite par la majoration de la TICPE (soit environ 7 M€).

-Appliquer la TGAP uniquement sur le gazole.

-Transfert de la fiscalité des carburants

Délibération n° 16/203 AC portant projet d’adaptation de la fiscalité des carburants du 6 septembre 2016

Demande de mise en place de mesures correctrices pour mieux cibler le CICC et lutter contre le paracommercialisme

Délibération n° 18/229 AC du 29 juin 2018

-Demande d’un statut social et fiscal permettant par exemple la suppression de la TVA sur le modèle des outre-mer pour les carburants ;

-Un allègement de la fiscalité (TVA) et suppression de la TGAP ;

-Transmission des résultats de l’enquête de la DGCCRF ;

-Demande de l’exclusion du coût du transport dans le calcul du prix de revente à perte (loi Egalim).

Délibération n° 19/052 du 22 février 2019

Création d’un véritable Institut Territorial de la Statistique

Délibération n° 21/088 AC du 30 avril 2021

L’extension ou l’adaptation à la Corse des bénéfices des dispositions spécifiques aux DROM en matière de régulation économique, incluant dans la gouvernance la CDC et aménagements fiscaux

Délibération n° 21/088 AC du 30 avril 2021

-Mise en œuvre d’un cadre législatif et réglementaire adapté aux contraintes et besoins spécifiques de la Corse, territoire insulaire, en matière de contrôle des situations de monopole et des seuils de concentration, de fixation du prix des carburants, et de fiscalité ;

-Mettre fin à la situation de monopole dans l’approvisionnement et le stockage des carburants en Corse ;

-Saisine de l’Autorité de la Concurrence, dans le cadre de ses compétences consultative et contentieuse ;

-Demande au Gouvernement de transmettre à la collectivité de Corse le rapport commandé par l’État aux services de la DGCCRF en novembre 2018 et de le rendre public.

Délibération n° 21/172 AC du 1er octobre 2021

-Blocage des prix sur le segment de la chaîne où est constatée en Corse une situation de monopole (approvisionnement et stockage des carburants), conformément l’article L. 410-2 du code de commerce, qui en ouvre la possibilité

-Majoration des aides directes au consommateur en intégrant le différentiel de prix Continent-Corse

À défaut de mettre en œuvre cette mesure, il est proposé que l’indemnité inflation, ainsi que toute autre mesure qui pourrait être prise sur le plan national dans le cadre de la flambée actuelle des prix de l’énergie et du carburant, soit majorée en Corse du montant du différentiel entre le prix moyen à la pompe du carburant sur le Continent et le prix moyen à la pompe du carburant en Corse.

Délibération n° 22/022 AC du 25 février 2022

 

 

Mesures en faveur du pouvoir d’achat :

- que la valeur du chèque alimentaire en Corse soit portée à 300 euros et versée à toute personne vivant en dessous du seuil de pauvreté, sous forme de carte ;

- qu’en Corse, la prime sur les carburants soit maintenue dans les conditions actuellement applicables, majorée de 9 et 12 centimes par litre pour le SP95 et le gazole correspondant au différentiel des prix pratiqués, dans l’attente de la mise en place d’un dispositif spécifique, et qu’intervienne un blocage des prix sur le segment de la chaîne en situation de monopole (approvisionnement et stockage des carburants), conformément à l’article L. 410-2 du code de commerce ;

- que l’indexation des retraites en Corse soit majorée à hauteur de 10 %, pour tenir compte de la situation spécifique des retraités sur l’île ;

-que le régime fiscal de l’Indemnité de Transport Régional Corse soit exonéré de charges et cotisations sociales à hauteur de 300 euros ;

-que soit publié le décret d’application de l’article 50 de la loi n° 2002-92 relative à la Corse qui prévoit que « Les entreprises situées en Corse qui remplissent les conditions fixées à l’article 1466 C du code général des impôts peuvent, pour les salariés auxquels sont appliquées les réductions de cotisations prévues à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et à l'article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, bénéficier d'une majoration de ces réductions. Le montant de cette majoration est fixé par décret. »,

-que toute mesure consacrée par la loi sur le pouvoir d’achat fasse l’objet d’une adaptation spécifique intégrant le différentiel de pouvoir d’achat entre la Corse et le territoire hexagonal.

Délibération n° 22/100 AC du 1er juillet 2022

Santé - social

Adaptation du règlement du code de la sécurité sociale concernant la prise en charge des malades et de leur famille :

- Prise en charge des deux parents d’un enfant hospitalisé sur le continent ;

-Reconnaissance d’une continuité territoriale ;

- Mise en place d’un plan d’investissement exceptionnel pour mise à niveau des équipements structurant et de rénovation ;

-Généralisation de l’offre de soins dans tous les hôpitaux de Corse.

Délibération n° 18/234 AC du 29 juin 2018

Modification du code de la sécurité sociale pour :

- Aménager les règles de l’entente préalable pour les cas impossibles à traiter en Corse et les EVASAN ;

- Autoriser la prise en charge du 2ème accompagnateur d’un mineur en affection de longue durée ;

-Autoriser la prise en charge des frais d’hébergement dans les mêmes conditions

Délibération n° 18/361 AC du 25 octobre 2018

-Réaffirmation de la volonté politique de l’Assemblée de Corse de voir le territoire de la Plaine Orientale doté d’un Hôpital Public Local.

-Allouer prioritairement les dotations financières nécessaires à l’implantation d’un Hôpital Public Local sur le territoire de la Plaine Orientale

Délibération n° 19/493 AC du 20 décembre 2019

Création d’un CHU en Corse en passant par l’étape de la structuration d’un CHR multisites

Délibération n° 20/124 AC du 31 juillet 2020

Création d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) en Corse à l'horizon 2030.

Délibération n° 21-079 AC du 29 avril 2021

Finances

Adaptation pour instauration d’une taxe de mouillage dans la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio

2009

Instauration d’une taxe de mouillage sur les navires

(rejetée)

2009, 2015

-Demande d’attribution à la collectivité de Corse d’une compétence en matière de fiscalité des mutations à titre gratuit ;

-Disposition conservatoire reportant la mise en application des dispositions de l’article 1135 bis du code général des impôts relatives à la taxation des successions comportant des biens set droits immobiliers situés en Corse

-Appelle l’attention du Premier ministre sur l’impérieuse nécessité d’apporter, sur le fond, une solution qui soit juridiquement sûre et qui réponde à tous les aspects de la problématique tant au plan civil (reconstitution des titres de propriété ; résorption de l’indivision) qu’au plan fiscal (régime des mutations titre gratuit ; révision du cadastre pour la délimitation des biens ; mise à jour des rôles de la propriété foncière)

Délibération n° 2013-0015 du 7 février 2013

-Création d’une zone fiscale prioritaire de montagne en Corse ;

-Autorise le président du Conseil Exécutif de Corse et le président du Comité de Massif Corse à conduire toutes les démarches auprès de l’État et de l’Union Européenne pour la mise en œuvre de cette zone fiscale, notamment dans le cadre de la Loi de Finances.

-Demande au Conseil Exécutif, dans le cadre du Comité de Massif, de compléter le contenu de la zone fiscale prioritaire de montagne, notamment sur la question du zonage territorial et sur le plan des mesures économiques et sociales.

Délibération n° 16/209 AC approuvant la création d’une zone fiscalité prioritaire de montagne du 30 septembre 2016

Instauration d’une écotaxe sur les camping-cars (rejet par l’Assemblée nationale le 8 décembre 2017)

Délibération de l’Assemblée de Corse en date du 28 juillet 2017

-Maintien de la TVA à 5 ,5 % pour le logement social ;

-Octroi d’un statut fiscal et social pour la Corse.

Délibération n° 18/484 AC du 30 novembre 2018

-Suppression de la TGAP sur les carburants ;

-Reversement du produit de la TGAP dans son intégralité à la CDC ;

-Redéfinition d’une fiscalité plus adaptée aux réalités territoriales, économiques et financières de la Corse.

Délibération n° 19/142 AC du 25 avril 2019

Agriculture

Extension du droit de préemption de la SAFER sur les cessions partielles de parts

2014

Transfert compétence forestière

2014

Enseignement

-Reconnaissance de la spécificité insulaire des agents contractuels des lycées agricoles ;

-Ouverture de concours pour les enseignants concernés ;

-Mise en place d’un dispositif concerté pour la sécurisation des parcours professionnels des enseignants contractuels concernés ;

-Prise en compte des intérêts moraux et matériels des agents contractuels et l’impossibilité de retrouver une affectation à une distance acceptable du fait de l’insularité ;

- Pour chacun des postes concernés, moratoire de deux ans avec comme objectif de permettre à ces agents de passer les concours ;

-Organisation d’une discussion entre les différents partenaires et la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation afin de prendre en considération de la spécificité insulaire de la Corse dans les mouvements de postes et de sécuriser les parcours professionnels des personnels contractuels.

Délibération n° 21/073 AC du 26 mars 2021

Transfert de la compétence de fixation des programmes d’enseignement agricole

 

Adaptation et ouverture des formations et filières aux besoins des territoires sans aval préalable.

 

Emploi

-Transférer à la collectivité de Corse les compétences relatives au service public de l’emploi en matière de formation, d’accompagnement et d’insertion des demandeurs d’emplois et des ressources afférentes.

-Adhésion à l’expérimentation programmée par le Gouvernement sur la coordination du service publique de l’emploi

Délibération de l’Assemblée de Corse n° 16/066 AC du 11 mars 2016 et délibération n° 20/058 AC du 14 février 2020

Tourisme

Extension de la période d’ouverture des établissements de plage situés en zone urbaine.

Délibération de l’Assemblée de Corse en date du 31 mars 2017 portant sur la demande d’adaptation réglementaire des dispositions du Code Général de la propriété des personnes publiques afférant au régime des concessions de plage

Sur les 57 saisines présentées ci-dessus, seules quatre ont été reprises par le Gouvernement :

– la création d’une collectivité unique dans le cadre de la loi NOTRe ;

– la modification de la composition de la Chambre des territoires ;

– la possibilité accordée au président du conseil exécutif de la collectivité de Corse d’ester en justice ;

– la prise en charge par l’État du second accompagnant d’enfants malades.

La collectivité de Corse recense trois demandes expressément rejetées : l’instauration d’une écotaxe sur les camping-cars en 2017 ; l’extension de la période d’ouverture des établissements de plage situés en zone urbaine en 2017 ; l’instauration d’une taxe de mouillage sur les navires en 2009 et en 2015.

Elle indique avoir reçu des accusés de réception aux demandes suivantes :

– sur les propositions de mesures d’urgence dans le secteur de la distribution du carburant routier (délibération n° 21/172 AC), sans qu’une réponse soit finalement donnée ;

– sur les propositions en matière de pouvoir d’achat (délibération n° 22/100 AC) qui, ayant fait l’objet d’amendements, ont été rejetées en commission des finances.

La plupart des propositions de l’Assemblée de Corse n’ont donc pas même fait l’objet d’une réponse du Gouvernement, ce qui conduit la professeure Wanda Mastor à souligner que « l’objectif affiché de l’association de l’Assemblée de Corse à l’édiction des règles la concernant était donc essentiellement symbolique. Et dans les faits, elle fut cantonnée à un principe de courtoisie. Ou plutôt de discourtoisie. Non seulement ce pouvoir de proposition n’est pas contraignant, mais encore le Premier ministre ne se donne-t-il pas la peine d’y répondre, quand lesdites propositions ne sont tout simplement pas rejetées. » ([76]).

Inopérant, source de frustrations, le pouvoir de proposition de l’article L. 4422-16 du CGCT n’a pas permis d’atteindre l’objectif d’adapter des normes nationales au contexte corse : une « faute collective » selon le préfet de Corse rencontré par les membres de la mission d’information qui considère que le large champ d’application ouvert par l’article L. 4422-16 du CGCT légitimait le spectre large des propositions d’adaptation transmises par le conseil exécutif de Corse aux différents Premiers ministres en exercice sur la période.

B.   La Corse bénéficie d’un statut particulier et de compÉtences Élargies

La Corse dispose d’un statut particulier, fruit de plusieurs réformes institutionnelles successives entre 1982 et 2018.

La mission d’information tient à souligner à cet égard que la volonté réformatrice du statut de la Corse, des années 1980 jusqu’à présent, s’inscrit dans une volonté plus large de nombreuses collectivités de faire évoluer depuis quarante ans leurs prérogatives, dans le contexte de la décentralisation.

1.   Les adaptations successives du statut de la Corse

a.   Le premier statut particulier de la Corse de 1982

La Corse devient une région en 1982 ([77]), c’est-à-dire avant l’instauration des régions de droit commun en 1986. L’organe délibérant reçoit le nom d’« Assemblée de Corse », et non de « conseil régional », tandis que le pouvoir exécutif est confié à son président. Ses 51 membres sont élus au suffrage universel direct, à la représentation proportionnelle intégrale dans le cadre d’une circonscription unique, pour la première fois le 8 août 1982.

La région Corse exerçait alors les compétences d’une région de droit commun auxquelles s’ajoutaient des responsabilités dans les affaires culturelles, le développement local et l’aménagement. Elle exploitait le réseau ferroviaire et contractait avec l’État sur les transports aériens et maritimes.

Jusqu’en 1991, l’Assemblée de Corse était par ailleurs assistée de deux conseils consultatifs : le conseil de la culture, de l’éducation et du cadre de vie, ainsi que le conseil économique et social.

b.   La création de la collectivité territoriale de Corse en 1991

À l’issue de la réélection de François Mitterrand à la présidence le République en 1988, un nouveau cycle de discussions est ouvert entre la Corse et l’État, sous la conduite du ministre de l’intérieur, Pierre Joxe, que la mission d’information a auditionné.

Ces échanges aboutissent à la promulgation de la loi du 13 mai 1991 portant statut particulier de la collectivité territoriale de Corse (dit « statut Joxe »), qui ambitionne de renforcer les compétences de la collectivité.

Le statut de 1991 prévoit la mise en place d’une prime majoritaire, associée à la représentation proportionnelle, pour garantir une meilleure cohérence des majorités à l’Assemblée de Corse, la première Assemblée de Corse ayant dû être dissoute en 1984, faute de majorité stable. Celle-ci est investie du pouvoir de régler par ses délibérations les affaires de la collectivité. Un conseil exécutif collégial, distinct de la présidence de l’Assemblée et responsable devant cette dernière, est chargé de l’exécution des délibérations. Le conseil exécutif est présidé par M. Gilles Simeoni depuis 2015.

Les transferts de compétences sont étendus dans les domaines du développement économique et social (transports, aides à l’économie, formation) et de la promotion de l’identité (valorisation de la langue et de la culture corses ([78]), protection du patrimoine, préservation de l’environnement).

La Corse devient ainsi une collectivité territoriale sui generis, qui bénéficie d’une décentralisation poussée. Conséquence et symbole de cette évolution, elle devient la collectivité territoriale de Corse (CTC). En outre, les deux conseils consultatifs assistant l’Assemblée de Corse fusionnent au sein d’un nouveau conseil économique, social et culturel de 51 membres.

Le « statut Joxe » accorde également à l’Assemblée de Corse un pouvoir de proposition de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires, sans obligation pour le Gouvernement de donner suite à ces propositions (voir supra).

Le « statut Joxe » avait par ailleurs tenté de garantir, à son article 1er, « à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques ». Cette rédaction a été censurée par le Conseil constitutionnel, considérant que la Constitution ne connaissait que le peuple français, du moins pour l’Hexagone, et qu’il ne pouvait y avoir de distinction au sein de ce peuple ([79]).

La mission d’information constate toutefois que le projet de rédaction constitutionnelle relatif à l’autonomie de la Corse dans la République, tel qu’adopté le 27 mars 2024 par l’Assemblée de Corse, reprend la formulation de 1991 s’agissant de la reconnaissance d’une « communauté » historique et culturelle corse, laquelle n’a en son temps ni été l’objet de débats politiques particuliers, ni suscité de réserves de la part du Conseil constitutionnel.

c.   Le statut de 2002

Afin d’apporter une réponse à la persistance des difficultés politiques, économiques et sociales en Corse, un nouveau cycle de discussions est engagé à partir de 1999, appelé le « processus de Matignon ».

Ces échanges débouchent sur le vote de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse ([80]). Celle-ci procède à une nouvelle décentralisation de compétences au bénéfice de la collectivité : transfert de la propriété et de la gestion des forêts domaniales, des ports et des aéroports principaux, du chemin de fer, des ouvrages hydrauliques et de biens culturels et universitaires, et attribution de compétences étendues en matière fiscale et d’éducation. Elle prévoit notamment des dispositions relatives à l’enseignement de la langue corse dans les écoles ([81]), à la création d’un plan exceptionnel d’investissement pour la Corse et à l’élaboration, par la collectivité territoriale de Corse, d’un plan d’aménagement et de développement durable (PADDUC).

La loi du 22 janvier 2002, modifiant les dispositions de l’article L. 4422-16 CGCT, accorde à l’Assemblée de Corse le pouvoir de demander au Gouvernement à être habilitée par le législateur, pour la mise en œuvre des compétences de la collectivité, à fixer des règles adaptées aux spécificités de l’île, sauf lorsqu'est en cause l’exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental (voir supra).

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République consacre, d’une part, la possibilité de créer une collectivité sui generis à la place des collectivités existantes à l’article 72 de la Constitution et introduit, d’autre part, la possibilité de consulter les électeurs d’une collectivité dotée d’un statut particulier lorsqu’il est envisagé de modifier son organisation (article 72-1). Invités par le législateur à se prononcer par voie référendaire sur la perspective d’une fusion de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements en une collectivité unique, les électeurs de Corse rejetèrent à 51 % le projet de collectivité unique le 6 juillet 2003.

2.   La collectivité unique de Corse : une organisation singulière

Depuis le 1er janvier 2018, la collectivité de Corse est une collectivité territoriale unique à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, issue de la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

a.   La mise en place d’une collectivité unique à statut particulier

La création de cette collectivité unique est l’aboutissement d’un long processus : comme évoqué supra, elle a d’abord été rejetée en 2003 par les « électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales de Corse » invités à donner leur avis sur les orientations proposées pour modifier l’organisation institutionnelle de la Corse ([82]). Dans ce projet, les départements devenaient des conseils territoriaux chargés par l’Assemblée de Corse de la mise en œuvre de certaines politiques de la collectivité unique.

De nouveaux travaux sur le statut de la Corse, initiés par l’Assemblée de Corse en 2010, ont abouti à l’adoption d’une délibération du 12 décembre 2014 proposant la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements en une collectivité unique ([83]). Les grands principes de la fusion des trois collectivités territoriales existantes en une collectivité unique ont été posés par l’article 30 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) ([84]) ; ils n’ont donc pas fait l’objet d’une loi spécifique mais sont inscrits dans un texte relatif à l’ensemble des collectivités territoriales, sans que les électeurs corses soient consultés ([85]).

Les modalités concrètes de cette fusion et du fonctionnement de la collectivité unique ont été précisées par trois ordonnances de 2016, institutionnelle, budgétaire et électorale ([86]). Ces trois ordonnances ont été ratifiées par la loi n° 2017-289 du 21 février 2017 et ont fait l’objet d’une quinzaine de décrets d’application, soumis préalablement à l’Assemblée de Corse et à son conseil exécutif, conformément à l’article L. 4422-16 du CGCT.

La nouvelle collectivité de Corse, qui conserve le statut particulier de la collectivité territoriale de Corse, a repris l’ensemble des compétences des trois collectivités territoriales auxquelles elle a succédé, y compris les compétences élargies, ainsi que l’ensemble de leurs ressources et de leurs personnels. En revanche, elle n’a bénéficié d’aucune compétence nouvelle ni d’aucun moyen budgétaire supplémentaire dans le cadre de cette fusion.

La délibération du 12 décembre 2014 a mis en évidence les objectifs de la création d’une collectivité unique : alors que « l’organisation territoriale de la Corse est trop complexe, insuffisamment efficiente et par certains côtés incohérente », la réforme de cette organisation devait générer « simplification, clarification, efficacité, économies d’échelle », et garantir « un équilibre territorial dans le cadre d’institutions déconcentrées ».

Aujourd’hui, outre des compétences élargies et un pouvoir d’adaptation inopérant comme nous l’avons vu, la spécificité institutionnelle de la Corse réside surtout dans son organisation territoriale originale. Dans le cadre de la création de la collectivité unique, le nombre d’élus de l’Assemblée de Corse a été augmenté de 51 à 63, et celui du conseil exécutif de 9 à 11 (le président et dix conseillers), pour tenir compte de la hausse de l’activité de la collectivité.

b.   Les constats effectués par la mission d’information sur les conséquences de la mise en place de la collectivité unique

Si la mission d’information n’avait pas vocation à effectuer le bilan de la mise en place de cette collectivité unique, elle a cependant pu dresser plusieurs constats, à l’issue des auditions qu’elle a conduites et du déplacement en Corse qu’elle a effectué.

● Le premier est celui de la difficulté inhérente à la fusion de trois collectivités en termes de gestion des ressources humaines. La collectivité de Corse est devenue l’employeur de personnels aux statuts variés, ayant des régimes indemnitaires et de protection sociale différents. Au cours de leurs échanges avec la mission d’information, M. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif et Mme Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse, ont souligné l’ampleur des changements requis par cette fusion (harmonisation des systèmes d’information, des processus et des méthodes de travail, naissance d’une identité nouvelle), dans un contexte marqué par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. En outre, la collectivité de Corse indique avoir été confrontée, au cours de cette période post-fusion, à un contexte rendu encore plus complexe par une forte tension budgétaire ([87]) et un calendrier électoral chargé ([88]). Si la collectivité a choisi de maintenir globalement ses effectifs sur la période 2018-2021, elle indique les avoir réduits à hauteur de 0,6 % en 2022. Cette trajectoire rejoint la tendance nationale, le nombre d’effectifs dans les conseils régionaux a également légèrement diminué en 2022 (– 0,2 %) après une légère hausse en 2021 (+ 0,2 %) ([89]), inversant la tendance à la hausse observée depuis 2013 (+ 2 % en moyenne annuelle entre 2011 et 2021).

La Chambre régionale des comptes, rencontrée par la mission d’information, a cependant pointé l’effet ciseaux auxquelles sont aujourd’hui confrontées les finances de la collectivité de Corse, et ce en raison d’un moindre dynamisme de ses recettes fiscales face à la hausse significative de ses dépenses de fonctionnement (+ 21 % entre 2018 et 2023), notamment de personnel (+ 20 % sur la période, essentiellement liée à la hausse des rémunérations), ce qui a un impact direct sur l’endettement de la collectivité (hausse de 32 % entre 2018 et 2023 pour atteindre 1,04 milliard d’euros) et sa capacité d’autofinancement (– 8 % entre 2018 et 2023). La Chambre régionale des comptes relève également l’absence de document de pilotage et de gestion des effectifs jusqu’en octobre 2024.

● Le deuxième constat est celui du caractère inachevé de la simplification de l’architecture institutionnelle avec la présence de nombreuses agences et organismes faisant doublon dans plusieurs secteurs des politiques territoriales. Cette simplification, réclamée par plusieurs acteurs rencontrés par la mission d’information, résulte à la fois de l’organisation particulière de la collectivité de Corse qui dispose de huit établissements publics, agences et offices chargés de la mise en œuvre de sa politique dans chacun de ses secteurs d’activité, et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et celle-ci.

Dans le même temps, l’organisation territoriale de l’État repose toujours sur une séparation départementale Corse-du-Sud et Haute-Corse avec deux préfectures et des services départementaux distincts : deux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), deux directions départementales des territoires, etc. Il existe également deux centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale. Cette organisation héritée de l’histoire est indéniablement source de complexité mais elle est considérée par nombre d’acteurs comme une déconcentration permettant de conserver le lien de proximité avec les territoires.

● En troisième lieu, il convient de s’interroger sur la dimension stratégique de l’action menée par la collectivité de Corse depuis le 1er janvier 2018, la fusion ayant pour objectif de renforcer l’efficacité de ses politiques locales. La collectivité de Corse a rappelé à la mission d’information que cette réforme ne s’était pas accompagnée de moyens supplémentaires alloués par l’État mais souligne plusieurs avancées à ses yeux :

– la création d’un comité de massif, la participation de la collectivité de Corse à ce comité et la mise en œuvre d’un schéma de développement de la montagne afin de déployer une politique d’appui au développement des territoires ;

– des moyens renforcés pour lutter contre la spéculation foncière (règlement d’aide « Una casa per tutti, una casa per ognunu », et la mise en place d’un fonds foncier agricole à l’installation des terres) ;

– des moyens renforcés en matière de lutte contre la pauvreté et la précarité.

La collectivité de Corse présente une trajectoire d’investissements à la hausse passant de 317,6 millions d’euros en 2021, à 341,1 millions en 2022 et 367,5 millions en 2023. Elle considère toutefois que la dimension stratégique de cette action ne pourra être renforcée qu’avec le transfert de l’ensemble des compétences lui permettant d’exercer une action globale dans le champ de certaines politiques publiques et des moyens accrus permettant d’exercer effectivement ces compétences.

Il convient toutefois de rappeler ici les critiques exprimées par la Chambre régionale des comptes de Corse concernant l’action stratégique de la collectivité, reprises lors de l’audition de son président devant les membres de la mission d’information. Elle pointe ainsi l’absence de stratégie formalisée de la collectivité de Corse dans tous les secteurs contrôlés par la Chambre (retard pris dans la révision du PADDUC, aucun schéma de cohérence territoriale (SCoT) en Corse, manque de schémas directeur d’infrastructures), mais note une prise de conscience de la collectivité de Corse qui inscrit l’établissement d’outils de programmation comme priorité dans ses documents d’orientations budgétaires de l’année 2025, ce qui s’est traduit par l’adoption récente de plusieurs plans de planification pluriannuels tel que le schéma de développement urbain durable en mars 2025.

La Chambre régionale des comptes relève également un retard significatif concernant les investissements structurants (dans les ports et les aéroports par exemple, voir infra) et des carences dans l’exercice de la tutelle de la collectivité de Corse sur les offices et les agences qui lui sont rattachées. Elle considère que ces difficultés ne sont pas liées à un manque de moyens mais plutôt au manque de consensus sur les grands projets du territoire entre les forces politiques de l’île.

● Enfin, le quatrième et dernier constat est celui de la conséquence de la mise en place de la collectivité unique sur l’équilibre territorial local.

De très nombreux élus auditionnés par la mission d’information ont regretté, quelles que soient leurs sensibilités politiques, la suppression des départements, considérés avec le recul comme un échelon de proximité intermédiaire entre la collectivité de Corse et le bloc communal. Ce fut notamment la position de MM. Paul Marie Bartoli et Jean-Charles Orsucci, maires respectivement de Propriano et de Bonifacio, et de M. Jean-Jacques Panunzi, sénateur de la Corse-du-Sud, pour lesquels l’absence de conseillers départementaux prive les élus locaux d’un interlocuteur.

Ces inquiétudes ont été relayées par M. Philippe Sire, président de la Chambre régionale des comptes, selon lequel, « pour les élus locaux, l’intervention de la collectivité de Corse se résume de plus en plus à un rôle de guichet unique depuis la disparition des départements en 2018 et, à leurs yeux, le délai de traitement des dossiers (demandes de subventions) se serait considérablement allongé, avec le sentiment de ne plus avoir d’interlocuteur de proximité capable de répondre rapidement aux préoccupations locales. La suppression de l’échelon départemental a, en outre, eu pour conséquence de réduire le taux de subvention. »

M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, a abondé dans ce sens. Il a ainsi regretté qu’« au-delà des freins structurels communs aux collectivités territoriales dus à une décentralisation non aboutie, la concentration des compétences et des moyens financiers, le manque de coordination ainsi qu’une forme d’éloignement de la collectivité de Corse liée à la disparition de l’échelon de proximité qu’étaient les départements, et que la mise en place de la Chambre des territoires n’a pas permis de corriger, ne permettent pas de répondre aux besoins de notre territoire et de nos habitants tant en matière d’aménagement et de développement économique, que de solidarités ou de démocratie locale. »

Au-delà, la mise en place de la collectivité unique de Corse a été concomitante de la refonte de la carte intercommunale prévue par la loi NOTRe pour s’appliquer au 1er janvier 2017 : la Corse est désormais dotée de 19 EPCI contre 27 avant la réforme, dont deux communautés d’agglomération (Pays Ajaccien et Bastia) et 17 communautés de communes, regroupant 360 communes (dont 348 rurales). 11 de ces 19 intercommunalités ont connu des changements de périmètre avec la réforme en raison du nombre minimum d’habitants requis par la loi pour former une intercommunalité soit 15 000 habitants, avec une dérogation à 5 000 habitants pour les territoires montagneux. En Corse, île montagne, seuls quatre EPCI dépassent les 15 000 habitants (les deux communautés d’agglomération et les communautés de communes de Marana-Golo et du Sud Corse). La petite taille des communes et des intercommunalités sont des caractéristiques particulières à la Corse ; elles induisent un besoin d’ingénierie local très fort et des capacités d’action limitées.

La disparité des caractéristiques des différentes intercommunalités et des différentes communes de l’île a été sans cesse rappelée à la mission d’information lors de ses rencontres avec les élus locaux : les réalités démographiques, économiques, d’accès aux services publiques, d’infrastructures sont très éloignées selon que l’intercommunalité ou la commune se situe sur le littoral ou à l’intérieur des terres. Cette disparité se retrouve parfois à l’intérieur d’une même commune qui peut à la fois se situer en zone montagneuse et en zone littorale : c’est par exemple le cas de la commune de Zonza, dans l’Alta Rocca, qui comprend à la fois le village historique de Zonza, l’agglomération de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio et les villages de Taglio Rosso, Pinarello et Piaccionittuli.

La mission d’information observe que la création d’une collectivité unique en remplacement de l’échelon départemental, associée à la révision de la carte intercommunale, a conforté un sentiment de déprise de l’action publique locale auprès de nombreux élus.

La faiblesse des intercommunalités, la disparition des départements et l’existence d’une collectivité territoriale unique sont des éléments essentiels pour comprendre le sentiment de perte de proximité entre les élus communaux et la collectivité unique. Ces caractéristiques doivent absolument être prises en compte dans le cadre d’un processus qui aboutirait à l’autonomie encadrée de la Corse, et ce afin de construire un meilleur équilibre territorial et d’éviter les risques que ferait peser une concentration trop forte du pouvoir local entre les mains d’une collectivité unique renforcée (perte de lien, relation de dépendance entre les communes et la collectivité).

C’est une démarche d’autant plus nécessaire qu’il apparaît indispensable à la mission d’information d’inscrire le processus d’autonomie dans le cadre d’une relation renouvelée entre l’État et la Corse, et non uniquement entre l’État et la collectivité de Corse, afin d’y associer l’ensemble des acteurs locaux.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le projet d’écriture constitutionnelle alterne entre les termes « Corse » et « collectivité de Corse ». Ainsi, si c’est bien à la Corse que le statut d’autonomie au sein de la République est accordé au premier alinéa, les pouvoirs d’habilitation et d’adaptation qui sont la déclinaison de ce statut, prévus aux deuxième et troisième alinéas, sont confiés, de façon logique, à la collectivité de Corse. De façon plus étonnante cependant, le cinquième alinéa donne la possibilité au Gouvernement d’adapter, par ordonnance, dans les matières qui ne relèvent pas de la compétence de la collectivité de Corse, les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité, et non de la Corse. La mission d’information formule le vœu que les débats parlementaires éclairent cette rédaction confuse.

Enfin, la mission d’information est convaincue qu’au-delà du projet d’écriture constitutionnelle, il conviendra, dans un second temps, d’engager une discussion plus structurelle sur l’organisation territoriale en Corse, qui pourrait d’ailleurs s’appuyer sur la méthode de travail engagée avec le « processus de Beauvau ». Cette réflexion devrait pouvoir s’engager autour de deux axes :

– le premier concerne le renforcement de la strate des intercommunalités dans une meilleure définition des relations entre l’État, le bloc communal et la collectivité unique, mise à mal depuis la disparition des conseils départementaux ;

À cet égard, une réflexion d'ensemble devrait être menée sur l’organisation et la consolidation du bloc communal, et sur la possibilité d’autoriser les deux territoires les plus urbanisés que sont les communautés d’agglomération de Bastia et du Pays Ajaccien, à se voir attribuer une ou plusieurs compétences propres au statut de métropole.

Il ne s’agirait donc pas d’ouvrir à proprement parler le statut de métropole à ces deux territoires, mais d’instaurer une disposition dérogation permettant aux deux agglomérations concernées d’exercer des compétences relevant aujourd’hui des métropoles pour répondre à un intérêt local, justifié par les caractéristiques de la Corse que rappelle le premier alinéa du projet d’écriture constitutionnelle.

Plusieurs maires considèrent en tout cas que le statut d’autonomie pourrait alors permettre de « recréer les conditions de la démocratie » locale ([90]), estimant que la place des communes ne doit pas être oubliée dans la déclinaison du statut d’autonomie qui pourrait être l’occasion de revoir la définition et le périmètre de leurs compétences, notamment en matière d’urbanisme.

Ce rééquilibrage pourrait également porter sur la redéfinition du rôle de la Chambre des territoires. Instance consultative créée par la loi NOTRe dans le cadre de la mise en œuvre de la collectivité unique, la Chambre des territoires succède à la conférence de coordination des collectivités de Corse. Sa mission première est de favoriser la coordination et la mise en œuvre de politiques de solidarité et de proximité avec les communes et les intercommunalités de l’île. Présidée par le président du conseil exécutif de Corse, elle est composée de la présidente de l’Assemblée de Corse, d’un représentant du comité de massif Corse, un représentant du comité de bassin de Corse, de six représentants des communautés d’agglomération et de trente-quatre représentants des communautés de communes, soit quarante-quatre membres. Plusieurs élus locaux font le constat du caractère insatisfaisant du fonctionnement de cette instance qui ne parvient pas à être un réel contre-pouvoir ni un échelon intermédiaire permettant de favoriser le lien entre les maires et la collectivité de Corse.

– le second axe de réflexion pourrait porter sur la modification du mode de l’élection des membres de l’Assemblée de Corse afin de faire « respirer la démocratie » ([91]).

Le mode de scrutin de l’Assemblée de Corse

L’Assemblée de Corse, organe délibérant de la collectivité de Corse, est composée de soixante-trois membres élus pour la même durée que les conseillers régionaux et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement à l’occasion d’élections qui ont lieu le même jour que les élections des conseils régionaux.

Conformément aux dispositions de l’article L. 365 du code électoral, la Corse forme une circonscription électorale unique et les conseillers de l’Assemblée de Corse sont élus au scrutin de liste à deux tours. Les listes comportent autant de noms que de sièges à pourvoir. L’article L. 366 du code électoral prévoit l’attribution d’une prime majoritaire de onze sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou à la liste ayant obtenu le plus de suffrages au second tour de scrutin. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation sur chaque liste.

Certains élus corses prônent une territorialisation du mode de scrutin de l’Assemblée de Corse afin notamment de pallier la disparition des conseils départementaux. En effet, selon ces élus, une telle réforme permettrait une meilleure prise en compte des réalités locales, propres à chaque bassin de vie, dans les décisions de l’Assemblée de Corse. Le sénateur de la Corse-du-Sud, Jean-Jacques Panunzi, a ainsi déposé le 27 mars 2019 une proposition de loi visant à territorialiser le mode de scrutin de l’Assemblée de Corse par l’instauration de onze « sections territoriales ». Une proposition de loi identique a été de nouveau déposée au Sénat le 26 octobre 2021 par le même auteur.

L’Assemblée de Corse a été consultée sur ces deux propositions de loi à deux reprises, en 2019 et en 2023 ([92]), et elle a émis des avis défavorables sur leurs dispositions. Dans sa délibération de 2023, votée à 45 voix pour et 16 voix contre, l’Assemblée de Corse estime que la territorialisation du mode de scrutin « tendrait à transformer la Corse en une assemblée de nature départementale » et qu’ « une telle proposition présenterait un risque potentiel de suppression de la dimension stratégique et planificatrice d’un intérêt territorial collectif défini à l’échelle de la Corse, ce qui est le propre de la collectivité de Corse depuis sa création ». Elle rappelle enfin que « la territorialisation des politiques publiques, préoccupation légitimement exprimée par le sénateur Panunzi, est largement prise en compte par la collectivité de Corse, notamment au sein de la Chambre des territoires, dont la gouvernance et le fonctionnement devront être revus, et par la construction d’une politique globale et concertée de soutien stratégique aux communes et intercommunalités ».

Carte des intercommunalités de Corse

 

3.   Une évaluation incomplète de l’exercice des compétences transférées

Il ne revient pas à la mission d’information de procéder à une revue exhaustive des compétences de la collectivité de Corse et de leur exercice. Il semble néanmoins utile de citer quelques exemples pour lesquels une attention toute particulière devra être prêtée dans le cadre des discussions relatives au projet de statut d’autonomie qui résulterait d’une révision constitutionnelle.

La mission d’information s’est donc focalisée sur la gestion des ports, des aéroports et des déchets, cette dernière politique étant une prérogative partagée avec d’autres acteurs publics : il s’agit en effet d’enjeux régulièrement soulignés au cours de ses travaux.

a.   La gestion des ports et des aéroports : un enjeu stratégique qui nécessite une évolution législative et d’importants investissements

● Un mode de gestion provisoire, en cours de réorganisation

La gestion des ports et des aéroports est une compétence propre de la collectivité de Corse. L’article 15 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse lui a donné compétence pour créer, aménager, entretenir, gérer et, le cas échéant, élargir le périmètre des aérodromes et des ports maritimes de commerce et de pêche, à savoir les ports de commerce de Bastia et d’Ajaccio ([93]).

La gestion des quatre aéroports insulaires et du port de Bastia a été concédée par la collectivité de Corse à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse ([94]) le 1er janvier 2006 pour une durée de 15 ans ([95]). Fin 2020, après la fusion des CCI en une CCI unique et dans le cadre de la crise sanitaire qui a conduit la Commission européenne à aménager temporairement les règles applicables en matière d’aides d’État, les cinq contrats de concession en cours ont été prolongés jusqu’au 31 décembre 2024.

La prolongation de quatre ans de la durée des contrats de concession des quatre aéroports de Corse et du port de commerce de Bastia devait permettre d’achever le travail de réflexion, d’une part, sur l’avenir des chambres consulaires (CCI et Chambre des métiers et de l’artisanat – CMA), l’article 46 de la loi PACTE de mai 2019 ([96]) ayant prévu leur rattachement à la collectivité de Corse, dans le cadre d’un transfert de la tutelle exercée par l’État sur celles-ci. D’autre part, cette prolongation devait permettre d’aboutir à un statut juridique conforme au droit de l’Union européenne, permettant de garantir la maîtrise publique de la gestion de ces cinq infrastructures de transport, c’est-à-dire sans passer par des appels d’offres et sans gestion privée ([97]).

Le scénario de transfert des chambres consulaires retenu par la collectivité de Corse et le Gouvernement, c’est-à-dire l’absorption des chambres dans un établissement public à statut spécifique dépendant de la collectivité de Corse et contrôlé par celle-ci, nécessitait l’adoption d’une loi avant la fin de l’année 2024.

Face au retard pris dans l’élaboration de celle-ci, la collectivité de Corse a proposé de créer, à titre transitoire, un syndicat mixte ouvert (SMO) entre la collectivité et la CCI pour assurer la gestion publique de ces infrastructures de transport à compter du 1er janvier 2025 et pendant une durée de sept ans. Cette proposition, qui avait initialement recueilli l’accord du Gouvernement, a été remise en cause par le représentant de l’État en Corse en octobre 2024 en raison d’un potentiel risque juridique en matière de conformité au droit de l’Union européenne. Le Gouvernement a prolongé temporairement le schéma de gestion actuel de ces infrastructures suite à la crise et au mouvement social déclenché par ces déclarations.

Il est cependant absolument nécessaire d’identifier une solution juridique avant la fin de l’année 2025 pour éviter que la situation actuelle, non conforme au droit européen, ne se prolonge. Ainsi, le Gouvernement a-t-il déposé, le 28 avril dernier, un projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse, afin de permettre à la collectivité de Corse « d'exercer le contrôle sur une structure unique chargée de faire l'interface avec les différents acteurs économiques du territoire et de maintenir le contrôle par la puissance publique des ports et aéroports » ([98]). Ce texte sera débattu en séance publique au Sénat au début du mois de juin, avant d’être soumis à l’Assemblée nationale.

● Des investissements structurants qui semblent insuffisants

De nombreux acteurs auditionnés ont souligné l’importance que revêtent les équipements aériens et portuaires, du fait de l’insularité du territoire. Or, comme l’ont rappelé les représentants de l’Autorité de la concurrence et de la Chambre régionale des comptes au cours de leur audition, le transport est un marché oligopolistique en Corse qui se traduit par un surcoût important tant du tarif passager que du fret, et emporte des conséquences sur les prix, plus élevés dans l’île que dans l’Hexagone.

Par ailleurs, ces infrastructures essentielles semblent souffrir de difficultés de gestion et d’un manque d’investissements structurants. Lors de son audition, le président de la Chambre régionale des comptes de Corse, M. Philippe Sire, a pointé un manque d’investissement dans les six ports de commerce. La mise en sécurité du port de commerce de Bastia, trop étroit pour les manœuvres des paquebots, est une difficulté latente qui n’est toujours pas résolue. Des études de faisabilité pour un projet de port au sud de Bastia – s’élevant à 500 millions d’euros – n’ont pas débouché sur l’engagement de tels travaux. Reste également en suspens la question de la réfection de la digue de la citadelle d’Ajaccio, qui protège une partie du port de commerce de la ville.

Ce manque d’investissement se traduit également en matière de transport aérien, les aéroports de l’île nécessitant pourtant des travaux afin d’améliorer la qualité de l’accueil des passagers et leur sécurité.

Ainsi que l’a indiqué M. Sire à la mission d’information, il n’existe pas de schéma directeur des infrastructures aéroportuaires, permettant de planifier et de prioriser les investissements au sein des quatre aéroports ou des six ports corses. La Chambre régionale des comptes estime pourtant qu’un tel schéma serait nécessaire pour programmer les travaux indispensables à l’extension des infrastructures, au respect des normes de sécurité et à l’adaptation aux enjeux environnementaux. En outre, s’agissant des aéroports, des investissements structurants avaient été décidés en 2020 pour les quatre aéroports de l’île, mais ont tous été reportés.

Dans ses réponses aux questions de la mission d’information, la collectivité de Corse a néanmoins précisé avoir maintenu un haut niveau d’investissement dans les infrastructures aéroportuaires, en particulier à Figari, pour répondre aux besoins générés par l’augmentation de la fréquentation, et à Calvi, dont elle souligne qu’il s’agit d’un aéroport aux investissements historiquement carencés.

Rapport Cour des comptes, « Collectivité de Corse, Gestion des infrastructures aéroportuaires et organisation du transport aérien »

La Cour des comptes a publié, en octobre 2023, un rapport sur la gestion des aéroports corses. Ce rapport relève notamment l’absence de contrôle de la collectivité de Corse sur son concessionnaire, qui induit plusieurs difficultés : instances de gouvernance à l’arrêt, pas de co-définition de la politique commerciale, pas de sanction des manquements de la CCI à ses obligations d’information et manque de programmation en matière d’investissement.

La Cour a également pointé l’inadéquation actuelle entre l’offre capacitaire et les besoins de service public de transport de passagers dans le cadre des obligations de service public garantissant la continuité territoriale entre la Corse et la France continentale : entre 2017 et 2021, 800 000 sièges par an avaient ainsi été inoccupés (soit un total de 4 millions). Un quart des vols présentait un taux de remplissage inférieur à 53 %. Le coût du dispositif a augmenté, selon l’estimation réalisée par la Chambre, de 18 millions d’euros par an depuis 2020, suite à la décision de la collectivité de Corse de réduire le tarif bonifié réservé aux personnes résidant en Corse. Cette hausse et celle découlant des nouvelles conventions de délégation service public du secteur maritime ont porté, dès 2023, les dépenses de continuité territoriale à 200 millions d’euros, soit plus que la dotation de 187 millions allouée chaque année par l’État à la collectivité de Corse pour leur financement ([99]) .

En janvier 2025, la Cour des comptes a publié un rapport sur « Les suites données aux observations de la Chambre régionale des comptes Corse formulées en 2023 ». Le rapport déplore le fait que, pour la deuxième année consécutive, la collectivité de Corse n’a pas adressé à la Chambre de rapport de suivi des recommandations formulées à l’occasion du contrôle des infrastructures aéroportuaires.

b.   La gestion des déchets : une politique publique sous tension

La Corse rencontre d’importantes difficultés dans la gestion de ses déchets. La gestion de cette compétence, qui n’est pas exercée uniquement par la collectivité de Corse mais partagée avec deux autres acteurs – un syndicat mixte et les EPCI –, a fait l’objet d’un récent rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), publié en avril 2024 ([100]), qui souligne un manque de planification et un coût élevé du traitement des déchets, marqué par un fort recours à l’enfouissement.

● Une production de déchets élevée et une planification locale et régionale défaillante

En 2018, la Corse a produit environ un million de tonnes de déchets, pour l’essentiel (75 %) d’origine économique, singulièrement du BTP. Les déchets ménagers et assimilés (DMA) représentaient le quart restant, soit 629 kg par habitant en 2023, contre 547 kg en moyenne nationale.

Cet écart avec le reste de la France est lié, d’une part, à la fréquentation touristique de l’île et, d’autre part, à l’insularité et au recours à des transports nécessitant un conditionnement adapté. Elle s’explique aussi par la spécificité de son tissu économique, composé principalement de petits établissements, conduisant à une importante présence des déchets d’activité économique dans les déchets ménagers.

Le recours à l’enfouissement reste le mode de traitement largement majoritaire, représentant 63 % des DMA en 2022, contre 22 % en moyenne nationale. Il n’existe toujours pas à ce jour d’usine de valorisation énergétique et de centre de sur-tri en Corse, malgré le projet de création d’un établissement à Monte, aujourd’hui contesté (voir infra). En conséquence, les déchets produits en Corse sont faiblement valorisés. Lors de son audition, Mme Leila Benalia, rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence, a rappelé par ailleurs que les deux sites d’enfouissement en fonctionnement en Corse pourraient arriver au terme de leur exploitation dans les prochaines années.

La planification régionale et locale est défaillante, les documents stratégiques obligatoires faisant le plus souvent défaut. Ainsi, si la loi NOTRe ([101]) prévoit l’obligation d’élaboration d’un plan territorial de prévention et de gestion des déchets (PTPGD), la Corse était, jusqu’en juillet 2024 et l’adoption de son plan territorial, la dernière région à ne pas en être dotée. De surcroît, les collectivités territoriales corses ne sont, dans leur immense majorité, pas encore dotées d’un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), pourtant obligatoire depuis 2012.

Enfin, le suivi des gisements et de la planification devrait être renforcé. La CRC observe que les missions de suivi et d’évaluation de la planification, qui incombent à l’observation territoriale des déchets (OTD) de l’office de l’environnement de la Corse (OEC), n’ont pas été correctement assurées dans leur ensemble. Il en résulte que la connaissance des différents gisements de déchets est insuffisante, en particulier du BTP, qui font au demeurant fréquemment l’objet de dépôts sauvages.

● Des charges très élevées liées à un financement inadapté, à des surcoûts opérationnels et à une hausse du coût de l’enfouissement

Le coût du service public des déchets en Corse représentait 104 millions d’euros en 2022, soit 299 euros par an et par habitant en 2022, c’est-à-dire le triple de la moyenne nationale et le double de la moyenne des communes touristiques ([102]).

Trois leviers existent pour financer ce service public :

– la mise en place d’un financement par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), payée par le contribuable ;

– l’instauration d’une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), versée directement par l’usager, sur le principe « pollueur-payeur » ;

– la mise en œuvre d’une redevance spéciale (RS), en complément de la TEOM, pour facturer les établissements publics ou privés producteurs de déchets non ménagers.

En Corse, ces trois leviers ne représentent que 80 % des coûts totaux du service public des déchets, contre 103 % au niveau national. En conséquence, le complément est financé directement par le budget général des collectivités territoriales. Cela représentait, en 2019, le quart du budget de fonctionnement de l’intercommunalité d’Ajaccio (la plus peuplée de l’île) et jusqu’à 80 % pour la communauté de communes Pasquale Paoli.

En particulier, la CRC observe que la redevance spéciale, qui devrait être calculée en fonction du service rendu, est faiblement corrélée à cet indicateur, même si elle constate des améliorations de gestion depuis 2020. La tarification incitative – permettant de lier le montant payé par l’usager à la quantité des déchets qu’il produit – est désormais prise en compte par la collectivité de Corse et les intercommunalités, mais elle doit à présent être déployée concrètement.

Le coût élevé du service public des déchets en Corse s’explique notamment par des collectes particulièrement coûteuses : dans les zones touristiques ou à forte densité urbaine, plusieurs passages sont réalisés par jour, et jusqu’à 21 par semaine, ce qui distingue la Corse du reste du territoire français, y compris des collectivités territoriales situées en zone touristique. Cette fréquence élevée s’explique surtout par la saturation des points de collecte, inadaptés aux besoins de la population. Le développement des flux collectés en porte-à-porte, encouragé par la collectivité de Corse, contribue aussi à ces surcoûts, qui sont également imputables à un manque d’optimisation du temps de travail des agents et à l’absence de mesures visant à réduire l’absentéisme.

Cette situation s’explique aussi par un manque patent de concurrence et l’organisation quasi oligopolistique du secteur de la gestion des déchets en Corse. Comme l’a résumé M. Sire dans sa contribution aux travaux de la mission, « des entrepreneurs sont détenteurs de monopoles de fait dans des pans entiers de l’économie corse [et] la commande publique en pâtit : très peu d’appels à concurrence sont lancés et quand ils existent, il y a très peu de candidats voire un seul, en raison de la difficulté à trouver des soumissionnaires présentant des offres financières raisonnables ; enfin, les potentiels délégataires de service public sont peu nombreux en Corse, ce qui prive les élus de la possibilité de comparaison et d’optimisation de leurs services : l’isolement réduit de facto la concurrence puisque les entreprises continentales ne se risquent pas à solliciter des commandes publiques, ce qui tend à augmenter l’âpreté de cette concurrence entre les acteurs locaux, et les pressions sur les décideurs. »

En matière de traitement des déchets, la Corse doit également faire face à une augmentation du coût de l’enfouissement qui renchérit le coût du service public. L’augmentation de la fiscalité nationale incitant à réduire le recours à ce type de traitement ([103]), conjuguée aux autres facteurs de surcoûts, a conduit à une augmentation de 18 % en moyenne des charges liées au traitement des déchets entre 2019 et 2022.

Le coût du système de traitement des déchets est, enfin, renchéri par des épisodes de blocage des centres d’enfouissement ([104]) et par la fermeture récente de deux de ces centres ([105]), conduisant à une diminution des capacités de stockage sur le territoire ([106]). La création de deux nouveaux centres de tri et de valorisation devrait permettre, à terme, de réduire les tonnages à enfouir, mais la construction de ces sites fait l’objet de contestations. Comme l’observe ainsi la CRC dans son rapport, « l’évaluation des coûts à la charge des collectivités pour financer un dispositif de traitement pérenne est soumise à de fortes incertitudes (…) En l’absence de solution de valorisation locale, il existe un risque de transférer à nouveau sur le continent les déchets non valorisés en Corse, avec les coûts de transport et les impacts environnementaux associés. »

Le futur incertain du centre de tri de Monte

Deux centres de tri et de valorisation figurent dans le plan d’investissement du Syndicat de valorisation des déchets de la Corse (SYVADEC) : celui de Monte, en Haute-Corse, et celui d’Ajaccio, en Corse-du-Sud.

Si la création du second centre « apparaît plus incertaine » selon la CDC – les financements et les autorisations de ce projet n’ayant pas encore été arrêtés –, le premier fait d’ores et déjà l’objet d’un important contentieux. Financé à 80 % par l’État au titre du plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC) et à 20 % par le SYVADEC, il fait ainsi l’objet d’un recours de la collectivité de Corse devant le tribunal administratif. La CDC s’inquiète notamment du coût final de ce projet pour les intercommunalités et les contribuables – les deux départements corses comptant déjà parmi ceux où la TEOM est la plus élevée – et de l’abandon du tri à la source, que ce mode de traitement des déchets ne favorise pas.

La coordination Corsica Polita, qui rassemble plusieurs associations corses de protection de l’environnement, estime par ailleurs que l’élimination des déchets broyés et transformés en combustibles solides de récupération contribuerait à renforcer l’incinération au détriment des autres modes de traitement des déchets.

L’opération semble enfin susciter les inquiétudes des collectifs anti-mafias. La gestion des déchets est en effet confiée au SYVADEC, mais celui-ci la décline en de nombreux marchés publics. Un rapport confidentiel de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille ([107]), cité par Médiapart ([108]), révèle que « la problématique de gestion des déchets a été largement évoquée lors de plusieurs bureaux de liaison en Corse, […] notamment sur l’intérêt que pourrait porter à cette matière le grand banditisme. »

Plus largement, la collectivité de Corse a signalé à la mission d’information que le phénomène de concentration économique que connaît le secteur de la gestion des déchets en Corse génère un risque de surprofits, ces derniers pouvant par suite pouvant susciter l’intérêt de réseaux organisés et alimenter des dérives mafieuses, le secteur des déchets était particulièrement exposé à l’emprise ou au risque d’emprise de la criminalité organisée et des mafias. Plusieurs sessions de l’Assemblée de Corse ont d’ailleurs été consacrées aux dérives mafieuses.

Dans ses réponses au questionnaire de la mission d’information, la collectivité de Corse identifie cette difficulté, et met en avant la rareté du foncier disponible pour l’implantation des installations de traitement des déchets, qu’elle explique par un cumul d’éléments à la fois objectifs – exiguïté, cumul des règles d’urbanisme – et subjectifs – défiance des populations ayant subi pendant des décennies les nuisances et inconvénients du tout-enfouissement.

● Enfin, la Chambre constate que les performances de tri sont encore insuffisantes : les ordures ménagères non triées pour être valorisées (c’est-à-dire, les ordures collectées « en mélange ») constituent l’essentiel des déchets produits en Corse, soit 401 kg sur les 662 kg de déchets ménagers produits par habitant. Or, 70 % de ces déchets pourraient être valorisés.

Selon Mme Leila Benalia, rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence, l’Autorité a constaté une sous-capacité chronique dans les candidatures aux appels d’offres lancés par la collectivité. Elle recommande donc à toutes les administrations de l’île, ainsi qu’à la collectivité, de traiter de façon prioritaire la question du manque d’infrastructures et de revoir les modalités de passation des marchés publics : des recommandations que partage la mission d’information.

II.   Le projet d’Écriture constitutionnelle : la proposition d’inscription des spÉcificitÉs de la Corse dans la Constitution et la mise en œuvre d’un statut d’autonomie

La mission d’information a souhaité étudier de façon détaillée le projet d’écriture constitutionnelle qui a fait l’objet d’un compromis entre le Gouvernement et les élus corses. Ainsi, la présente partie du rapport livre une première analyse juridique de chacun des six alinéas du texte soumis au vote de l’Assemblée de Corse le 27 mars 2024.

Au préalable, il convient de souligner ici que le point d’insertion dans la Constitution de l’article prévu par le projet d’écriture constitutionnelle n’a pas été tranché durant le « processus de Beauvau ». Cette question fait aujourd’hui encore débat : deux visions s’opposent entre la création d’un titre spécifique dédié à la Corse et la création d’un nouvel article 72-5 dans le titre XII existant consacré aux collectivités territoriales ([109]).

En effet, dans sa délibération Autonomia du 5 juillet 2023, approuvée par 46 voix pour et 16 voix contre, l’Assemblée de Corse revendiquait l’insertion d’un titre XII bis dans la Constitution, intitulé « De l’Île de Corse ». La déclaration politique solennelle du 23 février 2024, signée par l’ensemble des forces politiques composant la délégation des élus de la Corse associée au « processus de Beauvau », soulignait en revanche des divergences sur ce point précis, un élu faisant le choix d’un article plutôt que d’un titre spécifique, trois élus ne se prononçant pas ([110]) .

La mission d’information entend toutefois rappeler que, si la création d’un titre aurait l’avantage symbolique de souligner la spécificité de la Corse en l’isolant strictement des autres collectivités, toutes les collectivités territoriales sont à l’heure actuelle rassemblées au sein du titre XII de la Constitution. Les collectivités d’outre-mer, y compris lorsqu’elles disposent de l’autonomie au sein de l’article 74, ne font donc pas l’objet d’un titre spécifique. La création d’un titre consacré au statut particulier de la Corse pourrait ainsi contribuer à une forme de fractionnement des collectivités territoriales.

A.   La reconnaissance d’un statut constitutionnel pour la Corse (alinéa 1er)

Le premier alinéa du projet d’écriture constitutionnelle dispose que « la Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre ».

Lors de la session ordinaire du 27 mars 2024, l’Assemblée de Corse, appelée à se prononcer sur le texte issu du « processus de Beauvau », a adopté ce premier alinéa à la quasi-unanimité des voix (62 voix pour, une voix contre).

1.   Un statut « d’autonomie au sein de la République »

Le projet d’écriture constitutionnelle dote ainsi la Corse « d’un statut d’autonomie au sein de la République ». Outre le rappel toujours constant que l’autonomie se veut dans la République et qu’elle ne peut, à ce titre, être confondue avec l’indépendance qui impliquerait une sortie de la République, il est permis de s’interroger sur les différents aspects de cette notion. Qu’est-ce que l’autonomie ? Comment la définir ? Il semble qu’une partie non négligeable de la réflexion du constituant résidera dans la signification qui lui est conférée.

En premier lieu, l’autonomie s’avère être une notion polymorphe, susceptible d’évoluer selon le contexte dans lequel elle est employée. Il n’existe d’ailleurs pas de définition constitutionnelle, légale ou réglementaire de l’autonomie. Le dictionnaire de l’Académie française la présente comme « la possibilité de s’administrer librement dans un cadre déterminé ». Ainsi, la loi traite de l’autonomie des universités ([111]), tandis que le Conseil constitutionnel a dégagé le principe à valeur constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales, défini à l’article 72-2 de la Constitution, sans que la notion n’y soit explicitement mentionnée ([112]).  

En second lieu, la notion d’autonomie n’est inscrite qu’à une seule occasion dans le texte de la Constitution, à son article 74, qui dispose que la loi organique peut déterminer, pour les collectivités dotées de l’autonomie, certaines modalités de son exercice. Il faut donc en conclure que la portée de cette autonomie est déterminée par le législateur organique chargé par le constituant d’en fixer le cadre, les conditions et les réserves. Toutefois, l’économie du statut d’autonomie propre aux dispositions de l’article 74 de la Constitution repose sur l’exercice, par les collectivités qui en relèvent, d’un pouvoir normatif délégué : là est la clef, semble-t-il, de ce que l’on pourrait appeler « l’autonomie territoriale à la française ».

Article 74 de la Constitution (septième à onzième alinéas)

« La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles :

- le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;

- l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

- des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;

- la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques. »

À cet égard, plusieurs collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution sont dotées d’un statut d’autonomie : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que la Polynésie française. Toutes ont compétence pour fixer des règles dans des domaines qui, en métropole, relèvent de la loi. Cette capacité normative s’exerce dans les domaines de compétences transférés, à l’exception de la Polynésie française qui dispose d’une compétence de droit commun.

Le statut d’autonomie de la Polynésie française

L’article 1er de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française institue un statut d’autonomie pour la Polynésie française.

La Polynésie française dispose d’une compétence de droit commun pour toutes les affaires du territoire (article 13 de la loi organique), à l’exception de celles expressément attribuées à l’État (les compétences d’attribution de l’État, essentiellement régaliennes, sont listées à l’article 14 de la loi organique). La Polynésie peut donc adopter des règles applicables au territoire, dans le domaine de la loi – elles sont alors qualifiées de « lois du pays » – et du règlement. Les lois du pays constituent des actes administratifs soumis au contrôle juridictionnel du Conseil d’État.

La Polynésie française peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve dans certaines matières (article 31).

Elle peut également adopter des mesures préférentielles en faveur de la population en matière d'emploi (article 18) ou de protection du patrimoine foncier (article 19).

La Polynésie française dispose de la plus grande autonomie au sein de la République.

C’est bien cette capacité normative, en tant que composante de l’autonomie, qui est revendiquée par l’Assemblée de Corse. Ainsi, l’article 2 de la délibération Autonomia ([113]) de l’Assemblée de Corse de juillet 2023 définit l’autonomie comme « le statut juridique permettant à un territoire d’adopter ses propres lois dans tous les domaines, à l’exception de ceux relevant des prérogatives régaliennes de l’État ». Cet article précise que ce statut d’autonomie implique « le transfert irréversible de certaines compétences, l’octroi d’un pouvoir législatif dans le champ de celles-ci, une autonomie fiscale et financière non exclusive des transferts financiers de l’État et des moyens nécessaires à l’exercice de ces compétences […] Ces compétences sont exercées, dans le respect du principe de légalité et conformément à la hiérarchie des normes, sous le contrôle du juge constitutionnel, qui vérifie la conformité des lois du territoire autonome aux principes fondamentaux du droit, à la Constitution, et aux traités européens et internationaux. »

De même, selon la professeure Wanda Mastor, auditionnée par la mission d’information, « l’autonomie ne saurait être entendue autrement que comme la capacité pour l’Assemblée de Corse de voter ses propres lois, dans un certain nombre de domaines, à l’exception des matières régaliennes qui appartiennent toujours à l’État central, et sous le contrôle de la justice constitutionnelle » ([114]).

Dans le même esprit, plusieurs États voisins ont accordé à certains de leurs territoires – notamment insulaires – un statut d’autonomie, décliné dans leurs constitutions respectives, qui comprend la capacité de légiférer dans des domaines encadrés. Ce statut s’articule toujours avec la réaffirmation de l’unité de la Nation, de la République ou de l’État.

Au total, la mission d’information constate que si la délibération Autonomia, adoptée par 46 voix pour, 16 contre et une abstention lors de la séance du 5 juillet 2023 de l’Assemblée de Corse, revendiquait « le transfert de compétences de l’État vers la collectivité autonome de Corse » en vue de les exercer « de façon définitive » et d’adopter « des textes de forme législative », la déclaration politique solennelle des élus corses en date du 23 février 2024, dans un esprit de compromis qu’il faut saluer, se borne à évoquer « un pouvoir normatif de nature législative ».

Enfin, la mission d’information rappelle que, si le projet d’écriture constitutionnelle consacre bien un pouvoir normatif délégué étendu au champ législatif (voir infra), les domaines de compétences dans lesquels il pourrait s’exercer sont renvoyés à la loi organique : l’autonomie de la Corse aurait ainsi la portée que lui donneraient à la fois le constituant et le législateur organique et vaudrait pour elle seule. En ce sens, l’écriture constitutionnelle issue du « processus de Beauvau » est, d’une certaine façon, « auto-réalisatrice » : elle ne s’adosse en aucune manière à une définition générique de l’autonomie qui n’existe au demeurant pas en droit français.

L’autonomie régionale dans les territoires voisins de la Corse

L’article 2 de la Constitution espagnole de 1978 consacre un double principe d’ « unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols » et de « droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles ». La Constitution distingue deux catégories de compétences législatives : les compétences législatives qui relèvent du domaine exclusif de l’État (article 148) et les compétences législatives pouvant être attribuées aux dix-sept communautés autonomes, dont les archipels des Baléares et des Canaries, selon les termes de leur statut (article 149). Les compétences qui ne sont pas mentionnées explicitement dans la Constitution (article 149) peuvent être attribuées aux communautés autonomes par leur statut. Les compétences non explicitement attribuées aux communautés autonomes demeurent du ressort de l’État.

L’article 5 de la Constitution italienne de 1948 établit le principe d’unité et d’indivisibilité de la République italienne, mais précise également que celle-ci « reconnaît et favorise les autonomies locales ; réalise dans les services qui dépendent de l’État la plus large décentralisation administrative ; adapte les principes et les méthodes de sa législation aux exigences de l’autonomie et de la décentralisation ». La Constitution italienne reconnaît une autonomie de principe à l’ensemble des régions en les définissant comme des « entités autonomes ayant un statut, des pouvoirs et des fonctions propres, conformément aux principes établis par la Constitution ». Cinq régions, dont la Sicile et la Sardaigne, bénéficient d’une autonomie spéciale historique (article 116). La constitution fixe la liste des compétences relevant du pouvoir législatif de l’État, les compétences dites de « législation concurrente » pour lesquelles l’État détermine les principes fondamentaux qui sont ensuite détaillés dans la loi régionale tandis que les régions détiennent par défaut le pouvoir législatif dans toutes les autres matières (article 117).

L’article 6 de la Constitution portugaise consacre à la fois le caractère unitaire de l’État et l’existence de statuts d’autonomie spécifiquement pour les archipels des Açores et de Madère :

« 1. L’État est unitaire et respecte dans son organisation, ainsi que dans son action, l’autonomie des régions insulaires et les principes de la subsidiarité, de l’autonomie des collectivités territoriales et de la décentralisation démocratique de l’administration publique.

2. Les archipels des Açores et de Madère sont des régions autonomes dotées d’un statut politique et administratif, et d’organes de Gouvernement qui leur sont propres. »

La Constitution portugaise confie aux régions autonomes le pouvoir de légiférer dans les matières énumérées expressément dans leurs statuts. Le statut des Açores liste les compétences législatives propres de la région autonome, les compétences législatives complémentaires pour lesquelles la loi régionale définit les modalités d’application des lois nationales et les compétences législatives déléguées dans lesquelles la région autonome peut, sur autorisation du législateur, légiférer dans une partie du domaine de la loi nationale.

 

 

2.   Les « intérêts propres » motivant un statut spécifique

Aux termes du projet d’écriture constitutionnelle, le statut d’autonomie de la Corse est motivé par ses « intérêts propres » liés, d’une part, à son « insularité méditerranéenne » et, d’autre part, à sa « communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre ». Il faut à cet égard observer que la notion d’ « intérêts propres » figure également à l’article 74 de la Constitution.

● Les spécificités insulaires de la Corse ayant été détaillées en première partie, il convient de rappeler qu’elles impliquent des contraintes reconnues dans les constitutions des territoires voisins. Ainsi, la Constitution espagnole mentionne-t-elle le « fait insulaire » comme l’un des motifs devant conduire à mener une politique d’équilibre territorial (article 138), tandis que la Constitution portugaise fixe comme l’une des missions de l’État la promotion de la « correction des inégalités qui découlent de l’insularité des régions autonomes » (article 81). Les Açores et Madère bénéficient à cet égard d’un régime d’autonomie justifié par leur caractère insulaire. La Constitution italienne mentionne depuis 2022, à son article 119, que « la République reconnaît les particularités des îles et promeut les mesures nécessaires pour éliminer les désavantages résultant de l'insularité ».

● Le premier alinéa du projet d’écriture constitutionnelle consacre également l’existence d’une « communauté » spécifique corse.

Le terme de « communauté » a été préféré à celui de « peuple » corse, dont la reconnaissance législative par l’article 1er de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse avait été censurée par le Conseil constitutionnel, considérant que celle-ci s’opposait au concept à valeur constitutionnelle de « peuple français » ([115]).

Tout comme le transfert d’un pouvoir législatif direct, la reconnaissance juridique d’un « peuple corse » faisait initialement partie des revendications « fondamentales », « centrales » des élus corses dans la déclaration Autonomia du 5 juillet 2023 qui réaffirmait que le peuple corse « est une réalité historique, politique, culturelle, sociologique ; une communauté humaine ouverte, vivante, qui a évolué au fil du temps, mais qui reste singulière en ce qu’elle est identifiable et s’identifie elle-même par sa langue, sa culture, son rapport à sa terre, sa volonté de se doter d’institutions propres et de se projeter dans un destin commun » ([116]).

Cette notion de « peuple corse », qui n’avait d’ailleurs pas été utilisée dans le projet de révision constitutionnelle de 2018 ([117]), n’a été reprise ni par le Président de la République qui s’est déclaré favorable à ce que les spécificités de « la communauté insulaire corse soient reconnues dans la Constitution au sein d’un article propre, celle d’une communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle » lors de son discours du 28 septembre 2023 devant l’Assemblée de Corse, ni par le Gouvernement lors du « processus de Beauvau ».

La mission d’information mesure que le choix du terme de « communauté » est le fruit d’un compromis politique, accepté par la délégation d’élus corses constituée dans le cadre du processus de Beauvau et approuvé par l’Assemblée de Corse dans sa délibération du 27 mars 2024.

Il convient toutefois de rappeler qu’il n’existe aucun obstacle juridique à la reconnaissance d’un « peuple corse » dans la Constitution : le pouvoir constituant est souverain et le Conseil constitutionnel ne contrôle pas le contenu des révisions constitutionnelles. La lecture des comptes rendus des débats du Conseil constitutionnel fondant sa décision de censurer la reconnaissance législative du « peuple corse, composante du peuple français », en 1991, le démontre : le rapporteur considérait que la définition du peuple français était « d’essence constitutionnelle », et que c’était bien « le pouvoir constituant et non le pouvoir législatif qui a compétence pour énoncer, s’il y a lieu, de quoi se compose le peuple français » ([118]).

Le droit constitutionnel comparé tend toutefois à montrer que la reconnaissance, au sein du peuple national, d’autres « peuples », est rare, a fortiori dans les États unitaires. Seules l’Espagne et la Belgique font figure d’exception : la Constitution espagnole reconnaît l’existence de plusieurs « peuples d’Espagne » ([119]) et la Constitution belge reconnaît l’existence de trois « communautés » composant la Belgique ([120]).

La notion de « peuple » dans la Constitution française

L’article 3 de la Constitution dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple » et qu’« Aucune section du peuple […] ne peut s’en attribuer l’exercice. »

Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 1er de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, telle qu’adoptée en lecture définitive à l’Assemblée nationale le 12 avril 1991 qui disposait que « la République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économies et sociaux spécifiques » au motif que la Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion » (considérant 13). Il consacre, à cette occasion, la valeur constitutionnelle du concept juridique de « peuple français » (considérant 12).

Il convient de souligner que l’article 1er de la Constitution de 1958 reconnaît également l’existence de « peuples des territoires d’outre-mer » jusqu’en 1995. Cette mention n’a pas fait obstacle à la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du « peuple français » en 1991, le Conseil constitutionnel considérant, dans sa décision précitée, que « la Constitution de 1958 distingue le peuple français des peuples d’outre-mer auxquels est reconnu le droit à la libre détermination ». Les comptes rendus des débats du Conseil constitutionnel mettent en évidence l’importance de l’usage du pluriel pour qualifier les peuples d’outre-mer, ainsi distingués du peuple français, mot employé au singulier ([121]).

La loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 supprime la mention des « peuples des territoires d’outre-mer » puis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 introduit la notion de « populations d’outre-mer » au nouvel article 72-3 de la Constitution qui dispose en son premier alinéa que : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ».

Enfin, l’article 76 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998, fait référence aux « populations de la Nouvelle-Calédonie » et l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, fait explicitement référence au « peuple kanak », bien que ce terme ne soit pas consacré en tant que tel par la Constitution.

Le projet d’écriture constitutionnelle associe plusieurs adjectifs à la notion de « communauté » : ils font référence aux spécificités de son histoire, de sa langue, de sa culture et son lien à la terre, qui ont été développées en première partie. Ce sont bien ces caractéristiques qui pourraient justifier la reconnaissance d’un statut d’autonomie dont le contenu est détaillé dans les alinéas suivants du projet d’écriture constitutionnelle.

De façon similaire, l’article 225 de la Constitution portugaise fait le lien entre, d’une part, le régime juridique, politique et administratif propre aux Açores et à Madère et, d’autre part, les caractéristiques particulières de ces territoires de l’océan Atlantique et les « aspirations autonomistes ancestrales des populations insulaires ».

Au total, la mission d’information constate que la notion de communauté est à même de préserver l’unicité du peuple français, tout en reconnaissant les particularismes de certaines de ses composantes. À cet égard, le caractère cumulatif des particularismes retenus pour sa caractérisation (« historique », « linguistique », « culturel ») interdit d’y voir la portée des dérives communautaristes qui ont pu, par exemple, justifier les mesures engagées par la loi dite « de la lutte contre les séparatismes » du 24 août 2021 ([122]). Au demeurant, ce n’est pas le recours à la notion de communauté, dans le contexte de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse qui avait motivé la censure du Conseil constitutionnel, à l’inverse de la notion de « peuple corse ». Il faut donc voir dans l’emploi du mot « communauté » une forme de résurgence du latin médiéval « commūnis », lequel a donné le mot « commune » utilisé dans tous les territoires de France et désigne une communauté d’habitants, c’est-à-dire ce qui fonde le « commun ».

Une « communauté linguistique » corse plutôt que le statut de co-officialité de la langue corse

Revendication historique des élus autonomistes corses, la reconnaissance constitutionnelle d’un « statut de co-officialité de la langue corse » a finalement été écartée lors du « processus de Beauvau » au profit de la reconnaissance, plus générale, d’une « communauté linguistique » corse, qui a fait consensus.

Dans sa délibération n° 13/096 AC du 17 mai 2013, l’Assemblée de Corse a approuvé un ensemble de « Propositions pour un statut de co-officialité et de revitalisation de la langue corse » visant « à protéger, encourager et normaliser l’usage du corse dans tous les domaines et à garantir l’emploi officiel du français et du corse à parité sur le territoire de la Corse ». L’article 2 dispose notamment que « le corse est la langue de toutes les institutions de Corse et de tout organisme public, employée à parité avec le français par l’État et les services publics en Corse » et l’article 3 dispose que « le français et le corse sont les langues officielles de la Corse ».

La délibération n° 23/057 AC du 28 avril 2023 de l’Assemblée de Corse portant adoption d’une résolution relative à la langue corse, affirme que « seule une révision constitutionnelle peut permettre [d’atteindre l’objectif de libre utilisation des langues corse et française dans les actes de la vie publique], en conférant à la langue corse un statut de co-officialité. »

La délibération « Autonomia » n° 23/089 AC du 5 juillet 2023 de l’Assemblée de Corse propose notamment l’introduction d’un nouvel article 75-2 dans la Constitution disposant que « la loi organique détermine les conditions dans lesquelles des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la Collectivité en faveur de sa population, en matière […] de statut d’officialité de la langue corse ».

B.   La reconnaissance constitutionnelle d’un pouvoir normatif

Le statut d’autonomie est caractérisé, dans le projet d’écriture constitutionnelle, par deux pouvoirs nouveaux confiés à la collectivité de Corse : un pouvoir d’adaptation des normes législatives et réglementaires renforcé et un pouvoir normatif propre. La portée réelle de ces pouvoirs dépendra des conditions et réserves retenues par le législateur organique, une fois la révision constitutionnelle adoptée.

1.   La portée du pouvoir d’adaptation renforcé : le pouvoir normatif de nature législative ou réglementaire (alinéa 2)

La Corse dispose déjà de la faculté, peu opérante en pratique (voir supra), de solliciter le Gouvernement afin de demander, d’une part, l’adaptation d’une norme législative ou réglementaire aux spécificités de l’île et, d’autre part, à être habilitée par le législateur à fixer directement des règles de nature réglementaire pour la mise en œuvre de ses compétences, adaptées aux spécificités de l’île.

Le second alinéa du projet d’écriture constitutionnelle fait évoluer cette faculté en disposant que « les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations justifiées par les spécificités de ce statut. La collectivité de Corse peut être habilitée à décider de l’adaptation de ces normes dans les matières, les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique. »

Évolution significative, cette écriture ne conditionne donc plus l’exercice de cette prérogative à une demande de la collectivité de Corse formulée auprès du Gouvernement, mais renvoie à la loi organique le soin de déterminer les modalités de recours à ce que l’on peut qualifier de pouvoir normatif délégué de nature législative ou réglementaire.

a.   Une disposition inspirée du pouvoir d’adaptation et d’habilitation dans les DROM

L’article 73 de la Constitution, qui concerne les seuls départements et régions d’outre-mer (DROM) – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion – dispose que les lois et règlements sont applicables de plein droit. Toutefois, ce même article prévoit leur adaptation pour tenir compte des « caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » ([123]).

Cet article permet ainsi aux DROM d’exercer des prérogatives d’adaptation des normes nationales dans leurs domaines de compétences et d’habilitation à fixer elles-mêmes les règles applicables dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Le régime d’adaptation et d’habilitation de l’article 73 de la Constitution

Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement.

Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.

La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.

Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Deux hypothèses sont prévues par l’article 73 de la Constitution :

– soit la loi ou le règlement habilite le département ou la région à intervenir dans les matières où s’exerce leur compétence pour décider de ces adaptations (deuxième alinéa) ;

– soit la loi ou le règlement peut habiliter le département et la région à fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire, cette prérogative n’étant possible que dans un nombre limité de matières, le quatrième alinéa procédant par exclusion en énumérant les matières où une habilitation n’est pas permise. Le cinquième alinéa de l’article 73 prévoit en outre que La Réunion ne peut, en toute hypothèse, bénéficier de ce type d’habilitation.

Un récent rapport sénatorial relate toutefois les difficultés récurrentes rencontrées par les élus ultramarins dans l’exercice de cette faculté d’adaptation. Il considère notamment que le droit d’adaptation prévu au second alinéa de l’article 73 n’est, dans les faits, pas systématique, tandis que la procédure d’habilitation est « un parcours du combattant » ([124]). Les sénateurs observent en effet que « les défauts de la procédure d’habilitation prévue par les deuxième et troisième alinéas de l’article 73 de la Constitution sont unanimement pointés. (…) La procédure des habilitations souffre d’un profond discrédit et n’apparaît plus comme un outil sérieux et opérationnel de différenciation. »

Ce même rapport sénatorial propose d’ailleurs d’ouvrir aux collectivités de l’article 73 qui le souhaitent la faculté d’exercer un pouvoir normatif autonome, considérant que « cette faculté pourrait prendre la forme d’une extension permanente des habilitations préalablement obtenues, sous réserve que le statut du territoire le prévoie et ait recueilli le consentement de la population ».

Ce constat est partagé par la mission d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, rapportée par MM. Davy Rimane, également président de la délégation, et Philippe Gosselin. Le rapport d’information clôturant la mission observe ainsi :

« Ces possibilités d’adaptation confiées aux territoires eux‑mêmes auraient pu être un moyen pour eux d’assouvir considérablement leurs aspirations à la différenciation dans le cadre de la République, en accédant à davantage d’autonomie selon des modalités prévues par la Constitution elle‑même. Cela n’a néanmoins pas été le cas, le nombre d’habilitations étant resté très faible.

Cette désaffection semble liée à la complexité de la procédure. De nombreux interlocuteurs, institutionnels comme universitaires, l’ont évoqué : Mme Véronique Bertile, jugeant le droit des outre‑mer illisible, complexe, et freinant les territoires dans la résorption des difficultés auxquelles ils font face, souligne ainsi que plusieurs demandes d’adaptation sont restées sans réponse du gouvernement ou du Parlement. Des acteurs institutionnels regrettent en outre que les dispositions organiques ne se limitent pas à appliquer la Constitution, mais soient plus restrictives. D’autres interlocuteurs regrettent, au contraire, que les DROM concernés n’aient pas d’avantage eu recours à cette procédure, y compris, parfois, en ne faisant pas usage d’habilitations entrées en vigueur. » ([125])

b.   Une rédaction adaptée au contexte corse

La mission d’information constate que plusieurs observateurs estiment que la disposition de l’alinéa 2 ne saurait être suffisante pour répondre seule aux aspirations autonomistes. Ainsi que l’a fait remarquer Mme Wanda Mastor, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, « les négociations pour l’autonomie législative ne sauraient se muer en "simple" pouvoir d’habilitation au cas par cas. La Corse serait alors au même niveau normatif que l’outre-mer de l’article 73 : bien évidemment, ce serait plus que ce dont dispose actuellement la Corse, mais bien loin du contenu des revendications de la majorité territoriale insulaire, et de ce qui a été annoncé par le Gouvernement lors des négociations. Les mots ont un sens et on ne saurait évoquer l’autonomie si, en réalité, la volonté du Gouvernement n’a toujours été que d’aligner le futur pouvoir d’habilitation de la Corse sur celui dont jouissent actuellement les collectivités de l’article 73. »

Toutefois, le projet d’écriture constitutionnelle pour la Corse semble tirer les conséquences de la fragilité du régime applicable aux départements et régions d’outre-mer. Ainsi, le droit d’adaptation n’est pas justifié par les « caractéristiques et contraintes particulières » de la collectivité, mais par « les spécificités de [son] statut ». En effet, selon l’interprétation qu’en fait la mission d’information, la rédaction proposée rattache les adaptations, non aux seules données sociogéographiques ou structurelles de l’île, mais à la logique propre du « statut » accordé à la Corse. Le droit d’adaptation devient ainsi interne au système juridique créé pour la Corse et établit un lien organique entre le pouvoir d’adaptation normatif et la nature même du statut qui lui est accordé.

Par ailleurs, la procédure d’habilitation par la loi ou par le règlement applicable aux DROM n’est pas reprise, la rédaction pour la Corse renvoyant les modalités d’adaptation de la norme à la loi organique.

Comme l’observe Mme Carole Delga, présidente de Régions de France, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, « force est de constater que les dispositions de l’article 73 applicables aux DOM et aux ROM n’ont pas donné les résultats escomptés en raison de leur complexité. Le nombre d’habilitations, selon le cas, par la loi ou le règlement, pour permettre à ces collectivités de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire s’est avéré faible et dans un périmètre très délimité. De ce point de vue, les dispositions prévues par le projet d’écritures constitutionnelles pour la Corse en tirent les conclusions et paraissent plus prometteuses. »

2.   La portée du pouvoir normatif propre (alinéa 3)

Le projet d’écriture constitutionnelle consacre un pouvoir normatif propre pour la Corse, semblable à celui applicable au troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution. Le troisième alinéa de l’écriture constitutionnelle dispose ainsi que « la collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences, dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique. »

Les autres territoires insulaires européens bénéficiant du statut d’autonomie disposent de prérogatives similaires.

Ainsi que l’ont rappelé de nombreuses personnes auditionnées, les territoires insulaires bénéficient, dans leur grande majorité, de disposition statutaire affirmant leur autonomie. Comme l’a relevé Mme Wanda Mastor dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, « la Corse est, avec la Crète, la seule île de Méditerranée – et l’une des très rares en Europe, si on ajoute les îles du Nord  à ne pas jouir de l’autonomie, entendue comme la possibilité pour l’assemblée délibérante d’adopter ses propres lois dans un certain nombre de domaines. »

● La Constitution espagnole distingue deux catégories de compétences législatives : les compétences législatives qui relèvent du domaine exclusif de l’État ([126]) et celles pouvant être attribuées aux communautés autonomes, selon les termes de leur statut ([127]).

Le statut des communautés autonomes des îles Baléares et des Canaries leur attribue trois types de compétences distinctes :

– des compétences exclusives, pour lesquelles chacune de ces communautés autonomes dispose d’une pleine compétence législative (51 compétences pour les îles Baléares, 66 compétences pour les Canaries) ;

– des compétences de « développement législatif et d’exécution », pour lesquelles la communauté autonome peut légiférer dans le cadre général défini par les lois nationales, et prendre toutes mesures réglementaires d’exécution (17 compétences pour les îles Baléares, 30 compétences pour les Canaries) ;

– des compétences d’exécution, pour lesquelles elle est chargée de mettre en œuvre une politique publique dans le respect des lois et règlements nationaux (20 compétences pour les îles Baléares, 21 compétences pour les Canaries).

Ces compétences peuvent s’imbriquer. Ainsi, aux Baléares, la pêche maritime dans les eaux de la communauté autonome constitue une compétence exclusive des Baléares, tandis que la gestion du secteur de la pêche est une compétence de développement législatif et d’exécution. Il existe enfin une compétence exclusive de l’État pour la « pêche maritime, sans préjudice des compétences qui, dans l’organisation du secteur, sont attribuées aux communautés autonomes ».

● Au Portugal, les articles 227 et 228 de la Constitution confient aux régions autonomes le pouvoir de légiférer à l’échelle régionale sur les matières énoncées dans leurs statuts et qui ne sont pas réservées aux pouvoirs publics constitutionnels. En l’absence de législation régionale dans l’un de ces domaines, les dispositions nationales s’appliquent.

Les articles 37 à 39 du statut de la région autonome des Açores distinguent :

– les compétences législatives propres, énumérées expressément, pour lesquelles la loi régionale est librement établie. C’est notamment le cas de la politique agricole, du tourisme, de la santé ou du sport. Pour chacune de ces matières, une description détaillée est apportée au sein du statut, encadrant ainsi la compétence régionale ;

– les compétences législatives complémentaires, pour lesquelles la loi régionale peut définir les modalités d’application des lois nationales, dans les matières non réservées au parlement portugais.

Ces compétences ne font l’objet d’aucune énumération. La région autonome peut ainsi compléter, à l’échelle régionale, les principes ou les bases générales des régimes juridiques prévus par la loi nationale pour ce qui la concerne. Toutefois, l’article 228 de la Constitution précise que l’autonomie législative s’exerce uniquement dans les matières énumérées par le statut qui ne sont pas réservées aux organes de souveraineté.

– une compétence législative déléguée : la région autonome peut, sur autorisation de l’assemblée de la République, légiférer dans une partie du domaine de la loi nationale. La Constitution distingue les matières qui peuvent faire l’objet d’une délégation et celles où la délégation est exclue.

Dans ce contexte, la proposition d’écriture constitutionnelle constituerait une avancée importante en faveur de l’autonomie de la Corse. Ainsi que l’a fait remarquer le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen, au cours de son audition, cette écriture instaurerait un fondement juridique permettant un traitement différencié des problématiques corses et devrait permettre de mieux répondre aux enjeux liés au foncier, à l’environnement, au tourisme, au transport, aux infrastructures publiques, etc.

Au total, concernant les alinéas 2 et 3 du projet d’écriture constitutionnelle, la mission d’information constate que le législateur organique devra définir les contours de ce pouvoir normatif propre, comme il devra préciser le périmètre du pouvoir d’adaptation renforcé. La mission d’information ne peut donc pas, à ce stade, se prononcer sur l’étendue du pouvoir d’adaptation et du pouvoir normatif proposés dans le cadre des écritures constitutionnelles. Elle observe toutefois que son inspiration, issue de l’article 73 de la Constitution, n’en ferait ni un objet juridique non identifié, ni un saut dans l’inconnu constitutionnel.

Dans tous les cas, conformément à la position largement exprimée par les élus corses visant à exclure le champ régalien du pouvoir normatif confié à la collectivité de Corse, la mission d’information estime que ces nouvelles prérogatives ne sauraient concerner certaines matières, relevant du domaine de la loi ou du règlement et énumérées par ailleurs à l’article 73 de la Constitution : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. La mission d’information propose par conséquent que ces réserves figurent dans le projet d’écriture constitutionnelle soumis au Parlement, dans un souci de clarté et de parallélisme des formes avec les dispositions de l’article 73 de la Constitution.

3.   Le périmètre du pouvoir d’adaptation par voie d’ordonnances (alinéa 5)

Le projet d’écriture constitutionnelle prévoit la faculté, pour le Gouvernement, de disposer d’un pouvoir d’adaptation par voie d’ordonnances :

« Le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui ne relèvent pas de la compétence de la collectivité de Corse, adapter les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de l’assemblée délibérante et du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »

Cette disposition s’inspire de la rédaction de l’article 74-1 de la Constitution, applicable aux collectivités d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie. Dans ces territoires, elle permet au Gouvernement de disposer d’une habilitation permanente à prendre de telles ordonnances afin d’étendre, voire d’adapter à l’organisation particulière de la collectivité locale concernée, des dispositions de nature législative en vigueur en France hexagonale.

Le Gouvernement a pu s’en saisir pour adapter des lois qui seraient, dans le cas contraire, inapplicables dans ces territoires, faute de l’introduction, par le législateur, de mesure prévoyant leur applicabilité expresse.

C.   Les perspectives du futur institutionnel de la Corse : une autonomie encadrÉe

Le pouvoir d’adaptation renforcé et le pouvoir normatif propre confiés à la collectivité de Corse s’exerceraient dans le cadre défini par la loi organique et sous le contrôle juridictionnel du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Les électeurs corses pourront être consultés sur le contenu du statut d’autonomie.

1.   Le rôle décisif du législateur organique (alinéa 4)

Le projet d’écriture constitutionnelle prévoit que le pouvoir d’adaptation du deuxième alinéa et le pouvoir normatif du troisième alinéa, confiés à la collectivité de Corse sur habilitation, ne pourraient s’exercer que dans le cadre fixé par la loi organique, laquelle devra déterminer :

– les matières, les conditions et les limites dans lesquelles la collectivité de Corse peut être habilitée à décider de l’adaptation de certaines normes (deuxième alinéa) ;

– les conditions et les limites dans lesquelles la collectivité de Corse peut être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences (troisième alinéa) ;

 l’étendue du contrôle exercé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sur les normes prises en application des deux précédents alinéas, en fonction de leur nature, et leurs modalités d’évaluation (voir infra).

Projet d’écriture constitutionnelle, deuxième à quatrième alinéas

Les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations justifiées par les spécificités de ce statut. La collectivité de Corse peut être habilitée à décider de l’adaptation de ces normes dans les matières, les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

La collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences, dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

La loi organique détermine également le contrôle exercé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sur les normes prises en application des deux précédents alinéas, en fonction de leur nature, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Les habilitations prévues par la loi organique aux deux précédents alinéas ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Ainsi, de façon classique, la Constitution poserait les grands principes du nouveau statut d’autonomie tandis que sa déclinaison serait renvoyée à la loi organique. Si la mission d’information a fait le choix de concentrer ses travaux sur le projet d’écriture constitutionnelle, considérant que la discussion sur le périmètre organique aurait lieu dans un second temps, elle relève que le législateur organique aura un rôle décisif pour définir le contenu du statut d’autonomie en fonction, notamment, des compétences retenues dans lesquelles la collectivité de Corse pourra exercer son pouvoir d’adaptation et son pouvoir normatif propre.

Si le maintien des compétences régaliennes dans le domaine exclusif de l’État fait consensus, ce qui incite la mission d’information à recommander d’en établir la liste dès le stade de la révision constitutionnelle, il conviendra par conséquent, dans un second temps, de déterminer quelles compétences pourront être exercées de façon autonome par la collectivité de Corse.

Lors du déplacement en Corse de la mission d’information, les conseillers exécutifs de la collectivité de Corse ont donné plusieurs exemples des politiques qui pourraient être menées par la Collectivité autonome :

– le transfert de la compétence fiscale dans certaines matières, notamment en matière de fiscalité immobilière et de succession, afin de flécher la recette vers des politiques patrimoniales visant à lutter contre la spéculation foncière, en finançant par exemple les acquisitions foncières ou immobilières réalisées par l’Office foncier de la Corse ;

– des compétences renforcées en matière d’intervention dans l’aménagement foncier et la mise en place d’un statut de résident ou d’une condition de résidence pour lutter contre la spéculation foncière ;

– la création de services publics réguliers de transports aérien et maritime entre la Corse et les territoires méditerranéens voisins, notamment, la Toscane, la Ligurie, la Sardaigne, mais aussi avec les autres territoires européens ;

– la création d’un centre hospitalier universitaire (CHU) et un investissement plus ferme dans l’amélioration de l’accès et de l’offre de soins ;

– le pilotage et la mise en œuvre de l’insertion professionnelle, de la politique du logement, de l’offre médico-sociale et la possibilité, pour la Collectivité, d’aménager les seuils, les montants des dispositifs d’aide ;

– l’instauration d’un statut pour la langue corse, permettant l’utilisation du corse et du français, comme langues d’usage, à l’oral comme à l’écrit, ainsi que la généralisation de l’enseignement bilingue et immersif ;

– une meilleure gestion des zones naturelles et des sites remarquables avec l’interdiction de positionnement de coffres d’amarrage dans les zones naturelles, la possibilité de réguler les eaux maritimes autour des sites remarquables tels que les îles Lavezzi, une meilleure gestion de la fréquentation des sites, des activités de pêche et de chasse ;

– le fléchage des recettes de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur le financement de la gestion publique des déchets et une compétence renforcée dans cette matière pourrait permettre à la collectivité de Corse de soutenir les intercommunalités afin d’organiser la collecte et le tri des déchets.

En matière d’urbanisme, plusieurs maires ont fait état des difficultés rencontrées dans l’établissement de leurs plans locaux d’urbanisme (PLU) en raison notamment d’une prise en compte insuffisante des spécificités géographiques corses par la « loi Littoral » ([128]) et souhaitent ainsi que la future Collectivité autonome puisse en adapter l’application.

2.   Le double contrôle juridictionnel et le principe d’une évaluation obligatoire (alinéa 4)

Le projet d’écriture constitutionnelle prévoit l’intervention du contrôle de légalité du Conseil d’État et du contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel lors de l’exercice, par la collectivité de Corse, de son pouvoir normatif. Le quatrième alinéa dispose ainsi que « la loi organique détermine également le contrôle exercé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sur les normes prises en application des deux précédents alinéas, en fonction de leur nature, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Les habilitations prévues par la loi organique aux deux précédents alinéas ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. »

La mise en œuvre d’un tel contrôle juridictionnel existe, sous des formes différentes, au sein des territoires insulaires européens disposant d’un statut d’autonomie. Toutefois, les modalités et la nature de ces contrôles en Corse devront être précisées par le législateur organique.

a.   Le contrôle juridictionnel sur le pouvoir normatif des États insulaires disposant du statut d’autonomie

Le pouvoir normatif de l’ensemble des territoires insulaires européens est soumis un contrôle juridictionnel, susceptible d’intervenir a priori ou a posteriori.

● La Constitution espagnole prévoit, s’agissant des actes des communautés autonomes – et donc, des îles Baléares et des Canaries, un contrôle de la constitutionnalité des actes de niveau législatif par le tribunal constitutionnel. Le Gouvernement national dispose ainsi de la possibilité de déférer, devant ce tribunal, les dispositions et décisions adoptées par les communautés autonomes. Ce recours a un caractère suspensif (article 161 de la Constitution).

La Constitution espagnole permet en outre le contrôle par le Gouvernement national, après avis du Conseil d’État, des actes des communautés pris en application d’une délégation de compétence consentie par l’État, ainsi que le contrôle par le juge administratif, en ce qui concerne l’administration de la communauté autonome et ses normes réglementaires.

● En Italie, l’article 127 de la Constitution, qui sert de cadre de référence pour la Sicile et la Sardaigne, prévoit que le Gouvernement national peut déférer une loi régionale excédant les compétences régionales devant la Cour constitutionnelle, dans un délai de 60 jours suivant sa publication.

Parallèlement, chaque région peut déférer toute loi de l’État ou acte ayant valeur de loi devant la Cour constitutionnelle si elle interfère avec ses compétences, dans un délai de 60 jours après la publication de la loi.

Le statut de la Sardaigne prévoit par ailleurs un contrôle spécifique. L’article 33 du statut permet au Gouvernement national de s’opposer à des lois votées par l’assemblée régionale – à l’exception des lois ayant vocation à encadrer son fonctionnement électoral et les référendums locaux – avant leur promulgation, si ces lois excèdent la compétence de la région ou si elles sont contraires aux intérêts nationaux.

Si la loi régionale est de nouveau adoptée à la majorité absolue des membres de l’assemblée régionale, elle entre néanmoins en vigueur, sauf si le Gouvernement national la conteste devant la Cour constitutionnelle.

● Aux Açores, le représentant de la République auprès de la région autonome – nommé par le Président de la République – est chargé de signer tous les actes régionaux, c’est-à-dire les décrets-lois de l’Assemblée législative régionale et les décrets du Gouvernement local. Il peut demander à la Cour constitutionnelle le contrôle préventif de constitutionnalité de tout acte régional qui lui est soumis pour signature.

Lorsqu’un texte comporte une disposition déclarée inconstitutionnelle par la Cour, le représentant de la République exerce son droit de veto et renvoie l’acte à l’institution (le Gouvernement ou l’assemblée régionale, selon la nature de l’acte) qui l’a adopté.

Le texte ne peut alors être ni promulgué ni signé tant que cette institution n’a pas retiré la norme déclarée inconstitutionnelle ; l’organe peut aussi confirmer son vote à la majorité des deux tiers des présents, devant représenter au moins la majorité absolue des députés en exercice. Si le texte est modifié, le représentant de la République peut demander à nouveau le contrôle préventif de la constitutionnalité.

Par ailleurs, en application de l’article 223 de la Constitution, la Cour constitutionnelle effectue un contrôle préalable de constitutionnalité et de légalité sur les référendums régionaux et locaux, y compris au regard du périmètre des électeurs appelés à se prononcer.

Plus généralement la Cour constitutionnelle contrôle et se prononce sur la légalité de toutes normes établies par un texte régional, au motif qu’elles violeraient le statut de la région autonome, ainsi que sur la légalité de toutes normes prévues par un texte législatif ou réglementaire national, au motif qu’elles violeraient les droits d’une région consacrés dans son statut. Elle peut être saisie, entre autres, par le représentant de la République, les assemblées législatives régionales, ainsi que les présidents des gouvernements régionaux.

b.   Des modalités de contrôle et d’évaluation qui devront être précisées par le législateur organique

● Le contrôle exercé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sur les normes prises par la collectivité de Corse

Si les modalités des contrôles exercés par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ne figurent pas dans le projet d’écriture constitutionnelle, leur déclinaison pourrait être de deux ordres. M. Alain Christnacht, ancien conseiller pour les affaires intérieures et l’outre-mer au cabinet du Premier ministre Lionel Jospin, entrevoit qu’ils diffèreraient en fonction de la nature des textes : un contrôle du Conseil d’État pour les textes de nature réglementaire, et un contrôle du Conseil constitutionnel pour les normes à valeur législative.

Ces contrôles pourraient également se dérouler en deux temps. Cette seconde option a été suggérée par le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, au cours de son audition. Le ministre a notamment indiqué que le pouvoir normatif confié à la Corse par le projet d’écriture constitutionnelle pourrait être soumis aux mêmes modalités de contrôle que les lois prises par le Parlement français, c’est-à-dire par la saisine du Conseil d’État en amont de la délibération, et du Conseil constitutionnel en aval.

Pour la professeure Mastor, si un contrôle a posteriori de ces instances est légitime, tel ne serait pas le cas d’un contrôle a priori, sauf à retomber dans le régime de l’article 73 de la Constitution. Ainsi, « en évoquant le contrôle du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, [le projet d’écriture constitutionnelle] ne précise volontairement pas le moment dudit contrôle. Un contrôle a priori du premier, pour adapter les règlements nationaux aux contraintes particulières de l’île, et du second, pour adapter les lois nationales aux mêmes contraintes, ne reviendrait à offrir à la Corse que ce qui existe déjà pour les DOM, avec l’infortune qu’on connaît. » Mme Wanda Mastor a d’ailleurs rappelé à la mission d’information que les actes normatifs de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, toutes deux bénéficiant d’un statut d’autonomie, ne sont soumis à aucun contrôle a priori du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel.

Indépendamment des choix techniques qu’établira, le moment venu, le législateur organique, la mission d’information considère que les lois et règlements étant appelés, aux termes du projet d’écriture constitutionnelle, à s’appliquer de plein droit, sauf usage du pouvoir normatif délégué et sous réserve de préserver les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, l’inscription dans le texte fondamental d’un double contrôle juridictionnel, exercé tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel, est de nature à garantir les principes et valeurs communs à l’ensemble des territoires de la République, quels que soient leurs statuts.

Le contrôle des actes normatifs en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

La Polynésie française est dotée d’un statut d’autonomie, consacré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 relative au statut d’autonomie de la Polynésie française (LOPF). Ce texte introduit notamment un transfert de compétences particulièrement large au profit de ce territoire.

En vertu de son statut, ce territoire dispose ainsi d’une compétence de droit commun et intervient dans l’ensemble des matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État ou aux communes polynésiennes.

Pour l’exercice de cette compétence, l’assemblée de la Polynésie française est dotée d’un double pouvoir normatif. D’une part, elle peut adopter des délibérations à valeur réglementaire. D’autre part, elle peut adopter des lois du pays, relevant du domaine législatif au sens de l’article 34 de la Constitution. Elles peuvent soit porter sur des matières relevant de la compétence propre de la collectivité, soit intervenir dans le cadre de la participation de la Polynésie française à l’exercice des compétences de l’État.

Les actes de la Polynésie française intervenant dans le domaine de la loi peuvent faire l’objet d’un recours auprès du Conseil d’État, ces actes étant de nature réglementaire ([129]). En revanche, le Conseil d’État, saisi sur ce fondement, n’exerce pas un contrôle de légalité, mais s’assure du respect, par ces actes, de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’article 100 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie introduit un simple avis du Conseil d’État en amont des délibérations des projets de loi du pays. Ce même article impose que les propositions de loi du pays soient soumises, pour avis, au Conseil d’État par le président du congrès avant leur première lecture. Le vote du congrès n’intervient qu’après que le Conseil d’État a rendu son avis.

La loi du pays ayant une portée législative, elle peut également faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. Ainsi qu’en dispose l’article 103 de la loi organique du 19 mars 1999, pendant les quinze jours qui suivent l'adoption d'une loi du pays, le haut-commissaire, le gouvernement, le président du congrès, le président d'une assemblée de province ou onze membres du congrès peuvent soumettre cette loi ou certaines de ses dispositions à une nouvelle délibération du congrès. Le cas échéant, l’article 104 leur permet de déférer la loi ayant fait l’objet de cette seconde délibération au Conseil constitutionnel.

● L’évaluation des normes prises par la collectivité de Corse : une innovation constitutionnelle

L’alinéa 4 de la proposition d’écriture constitutionnelle, en proposant un principe d’évaluation obligatoire des normes prises en application du pouvoir normatif délégué à la collectivité de Corse, introduirait une innovation constitutionnelle notable, sans équivalent à ce jour pour les autres collectivités du titre XII de la Constitution.

En effet, ni l’article 72, alinéa 4 ([130]), s’agissant du droit à l’expérimentation, ni les collectivités régies par les articles 73 et 74 ne sont soumises à un régime d’évaluation fixé par la Constitution :

– le droit à l’expérimentation s’accompagne certes, dans le cadre de la loi organique du 19 avril 2021 ([131]), d’une procédure de pérennisation simplifiée des expérimentations, conditionnée à la réalisation d’une évaluation préalable confiée au Gouvernement et à laquelle sont associées les collectivités ([132]). Mais le projet d’écriture constitutionnelle pour la Corse s’inscrit au-delà du régime d’expérimentation, dont l’évaluation ne repose que sur une exigence organique. Il s’agit ainsi d’un élément de régulation essentiel dans un cadre d’autonomie différenciée ;

– aucune disposition de l’article 73 de la Constitution ne prévoit expressément un mécanisme d’évaluation des adaptations législatives ou réglementaires mises en œuvre pour ces collectivités. Il en est de même pour les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution. La loi organique du 27 février 2004 relative au statut d’autonomie de la Polynésie française prévoit un mécanisme d’évaluation des charges correspondant à l’exercice des compétences transférées ([133]), mais celui-ci n’est donc pas, de fait, imposé par la Constitution elle-même.

En conclusion, le principe de contrôle et d’évaluation introduit dans le projet d’écriture constitutionnelle instaurerait un double garde-fou : celui exercé par les contrôles de constitutionnalité et de légalité du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État d’une part ; et celui introduit par l’évaluation des normes prises par la collectivité de Corse, dans le but de renforcer la sécurité juridique des normes locales, de prévenir les risques d’inefficiences ou d’inefficacité des normatives, et d’accroître la légitimité, la transparence et la responsabilité du pouvoir normatif délégué.

● L’introduction d’une « clause de non régression » : un complément aux contrôles prévus par le projet d’écriture constitutionnelle ?

Plusieurs membres de la mission d’information ont estimé nécessaire de réfléchir à l’introduction d’une « clause de non régression », entendue comme une garantie selon laquelle l’exercice par la collectivité de Corse de compétences élargies et d’un pouvoir normatif renforcé ne pourrait, dans certaines matières, conduire à une diminution des standards de protection ou des garanties actuellement reconnues. Une telle clause pourrait notamment s’appliquer dans les domaines de l’environnement, de la préservation du patrimoine culturel et linguistique, de l’accès aux droits sociaux ou encore de l’égal accès aux services publics ([134]).

La clause de non-régression, consacrée à l’article L. 110-1, II, 9° du code de l’environnement, désigne une disposition législative qui interdit, en principe, toute diminution du niveau de protection de l’environnement antérieurement garanti, sauf si cette régression est justifiée par un motif d’intérêt général suffisant et est proportionnée à cet objectif. Elle constitue un instrument de stabilisation normative, sans conférer pour autant un droit subjectif à un niveau de protection constant.

À la différence des principes à valeur constitutionnelle, issus du bloc de constitutionnalité (Constitution de 1958, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Préambule de 1946, Charte de l’environnement de 2004), qui s’imposent au législateur et peuvent être invoqués dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), la clause de non-régression repose sur une base législative et peut donc être remise en cause par une norme de même valeur. Par ailleurs, contrairement au principe de précaution, inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement et est de nature préventive, la clause de non-régression est de nature conservatoire et demeure cantonnée au seul champ du droit de l’environnement.

La question se pose, sans que la mission d’information ne soit en mesure de la trancher à ce stade, de savoir si la clause de non-régression devrait figurer directement dans le projet de loi constitutionnelle relatif à la Corse ou dans la ou les lois organiques appelées à en préciser les modalités d’application. L’hypothèse d’une insertion dans le texte constitutionnel soulève néanmoins plusieurs interrogations : une telle clause serait alors introduite pour la première fois dans le corpus constitutionnel, mais à titre exclusivement applicable au statut particulier de la Corse, ce qui interrogerait sur la portée et l’articulation de cette disposition au regard des principes d’unité et d’indivisibilité de la République.

Une dernière série d’interrogations tient à la nature même de la clause de non-régression envisagée, qui ne saurait avoir pour effet de constituer une contrainte excessive à l’adaptation des politiques publiques.

Quelle que soit sa formulation, une telle clause devrait permettre tant au législateur organique qu’à la collectivité unique de Corse de définir librement les priorités d’action, d’en faire évoluer les instruments ou les niveaux d’intervention, dès lors que les objectifs de protection initialement posés demeurent préservés dans leur esprit et leur portée. La garantie ultime résiderait dans le respect des principes constitutionnels et dans le contrôle juridictionnel exercé, conformément aux orientations retenues dans le cadre du processus de Beauvau, à la fois par le juge administratif – au titre du contentieux de la légalité des actes pris localement – et par le juge constitutionnel – au titre du contrôle des lois organiques et des normes à valeur législative.

3.   La consultation des « électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse » (dernier alinéa)

Enfin, le dernier alinéa de la proposition d’écriture constitutionnelle prévoit la consultation des électeurs corses sur l’évolution du statut institutionnel de l’île :

« Les électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse peuvent être consultés sur le projet de statut, après avis de l’assemblée délibérante, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres. »

Au cours de son audition, le garde des Sceaux a insisté auprès de la mission d’information sur le fait que cette rédaction ne consiste en rien en l’organisation d’un référendum, mais qu’elle prévoit plutôt une consultation locale, visant à s’assurer de l’assentiment des électeurs corses.

La distinction entre le référendum local et la consultation locale dans la Constitution

L’article 72-1 de la Constitution procède à une distinction entre le référendum local de son second alinéa et la consultation locale, prévue à son troisième alinéa.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, le deuxième alinéa de cet article dispose que « les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité. » En conséquence, les citoyens peuvent être invités à décider des règles de droit qui seront applicables localement, dans le cadre de référendums mis en œuvre à l’initiative de la collectivité. Ces référendums présentent un caractère décisionnel, qui est toutefois subordonné à la condition que la moitié au moins des électeurs inscrits y ait participé.

En outre, le troisième alinéa de l’article 72-1 prévoit la consultation des populations sur la création d’une collectivité à statut particulier, la modification de son organisation ou un changement dans les limites d’une collectivité territoriale existante. Ces consultations n’ont cependant pas de caractère décisionnel.

D’autres consultations sont prévues par la Constitution. C’est notamment le cas à l’article 72-4 de la Constitution, au sujet de la transformation d’un département d’outre-mer en collectivité d’outre-mer – et réciproquement – et de la faculté, offerte au Président de la République, de consulter les électeurs sur l’organisation de la collectivité, ses compétences et son régime législatif. En outre, le septième alinéa de l’article 73 prévoit que la fusion en une collectivité unique d’un département ou d’une région d’outre-mer, ainsi que l’institution d’une assemblée unique pour ces deux collectivités, nécessite de recueillir au préalable le consentement des électeurs du ressort de la collectivité concernée.

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit, enfin, que « les électeurs d’une collectivité territoriale peuvent être consultés sur les décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de la compétence de celle-ci. » ([135]) Là encore, le résultat de la consultation n’emporte aucune conséquence pour l’exécutif communal. Ainsi qu’en dispose l’article L. 1112-20 du CGCT : « les électeurs font connaître par oui ou par non s’ils approuvent le projet de délibération ou d’acte qui leur est présenté. Après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, l’autorité compétente de la collectivité territoriale arrête sa décision sur l’affaire qui en a fait l’objet. »

Si cette dernière n’est qu’une faculté, Mme Carole Delga a insisté sur son importance politique. Elle a notamment souligné, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, que cette consultation « est un point essentiel. Si le projet d’écritures constitutionnelles rend facultative la consultation des habitants de l’île tendant à inscrire dans la Constitution un statut d’autonomie pour la Corse, il semble difficile en pratique de ne pas le faire. Politiquement, décider d’un tel changement sans l’approbation des Corses eux-mêmes paraît en effet très délicat. »

À cet égard, la rédaction actuelle du texte n’apporte aucune précision sur la temporalité retenue pour la consultation des électeurs. Le calendrier envisagé par le Gouvernement pour les débats sur un futur projet de loi constitutionnelle relatif à la Corse ne prévoit néanmoins aucune consultation avant l’adoption éventuelle de la réforme constitutionnelle par le Parlement : les électeurs seront à l’évidence consultés au moment des futures lois organiques.

Pour M. Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano, la consultation des électeurs corses aurait néanmoins davantage de sens à être organisée avant l’examen du projet de loi constitutionnelle, après avis du Conseil d’État sur le texte, et avant dépôt du texte au Parlement. M. Alain Christnacht a cependant défendu l’option inverse, considérant que l’évolution statutaire de la Corse reposera en toute hypothèse sur les dispositions de l’article 89 de la Constitution réservées aux révisions constitutionnelles, lesquelles relèvent du seul constituant et fixent des modalités spécifiques d’approbation référendaire, sauf décision du Président de la République de les soumettre au Parlement réuni en Congrès.

La mission d’information se range derrière ce second avis. La consultation locale ne saurait aller à l’encontre des prérogatives du pouvoir constituant et devra donc nécessairement avoir lieu après l’adoption du projet de loi constitutionnelle, dans le contexte des débats qui animeront la future loi organique. Ce fut d’ailleurs le cas des consultations organisées dans le cadre de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, l’article 76 de la Constitution prévoyant une consultation tendant à l’approbation de l’accord de Nouméa par un corps électoral restreint, tandis que l’article 77 de la Constitution conditionne l’adoption d’une loi organique à l’organisation préalable de cette consultation.

Surtout, la proposition d’écriture constitutionnelle disposant que la consultation s'établit sur le « projet de statut », et celui-ci ne pouvant résulter que de la révision constitutionnelle ainsi que de la future loi organique, c'est bien avant l'adoption de cette dernière que la consultation devra être organisée. L’organisation d’une consultation postérieure à l’adoption de la loi organique n'aurait d’ailleurs pas de sens.

Dans tous les cas, la mission d’information estime que l’imprécision du projet de rédaction constitutionnelle sur ce point, qu’a regrettée M. Émile Zuccarelli, ancien maire de Bastia, au cours de son audition, semble nécessiter une clarification.

Le référendum : un prérequis dans le processus de révision statutaire de certains territoires insulaires autonomes européens

Plusieurs territoires insulaires européens autonomes conditionnent l’évolution de leur statut à la consultation des électeurs.

C’est notamment le cas des îles Canaries, où la proposition d’évolution du statut, dont l’initiative appartient au Gouvernement ou au Parlement de la communauté, sur proposition d’un cinquième de ses membres, doit être approuvée aux trois cinquièmes du Parlement de la communauté, puis par le Parlement national par le biais d’une loi organique. Ce n’est qu’à l’issue de ce processus que l’évolution statutaire est finalement soumise à référendum.

Le statut de la Sardaigne ayant été constitutionnalisé, son évolution nécessite le vote à la majorité absolue des deux chambres du Parlement italien, séparé par un intervalle d’au moins trois mois. Le président de la région peut convoquer un référendum consultatif lorsque l’une des deux chambres du Parlement national a adopté un projet de modification ayant reçu un avis défavorable de l’assemblée régionale. Ce référendum doit alors être organisé dans le délai imparti à la seconde chambre du Parlement national pour se prononcer.

Cette consultation n’est néanmoins pas systématique : elle n’est par exemple prévue ni aux îles Baléares, ni en Sicile.

 

*

* *


   Troisième partie : les recommandations et conclusions de la mission d’information

À l’issue de ses travaux, la mission d’information formule deux types de préconisations, rassemblées dans cette dernière partie : d’une part, sont synthétisées les recommandations mentionnées dans le corps du rapport (I) ; d’autre part, figurent les conclusions des travaux de la mission d’information, composées de douze préconisations ayant chacune fait l’objet d’un vote des membres de la mission d’information (II).

I.   Les recommandations formulées dans le rapport

La mission d’information formule, dans le corps du rapport, plusieurs recommandations.

– Dans le cadre de la future loi organique, mettre en débat la question d’un « statut de la langue corse », notamment en vue de sécuriser l’enseignement immersif (page 18) ;

– Dans le cadre de la réforme du statut de la Corse, permettre à la collectivité de Corse de mettre en œuvre une différenciation locale renforcée des normes nationales en matière d’urbanisme (page 24) ;

– Dans le cadre de la future loi organique, mettre en débat les conditions de la création d’un « statut de résidence », notamment pour lutter contre la spéculation immobilière (page 29) ;

– Inscrire le processus d’autonomie dans le cadre d’une relation renouvelée entre l’État et la Corse dans son ensemble, et non uniquement avec la collectivité de Corse, afin d’y associer l’ensemble des acteurs locaux (page 64) ;

– Redéfinir le rôle de la Chambre des territoires afin d’en faire un réel contre-pouvoir et un échelon intermédiaire favorisant le lien entre les maires et la collectivité de Corse (page 65) ;

– Promulguer le projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse avant la fin de l’année 2025 afin de remédier aux difficultés juridiques liées à la gestion des quatre aéroports insulaires et du port de Bastia par la chambre de commerce et d’industrie de Corse (page 69) ;

– En matière de traitement des déchets, revoir les modalités de passation des marchés publics afin d’éviter les situations de sous-capacité chronique dans les candidatures aux appels d’offres (page 75).

II.   Les conclusions soumises au vote de la mission d’information

La mission d’information établit trois niveaux de conclusions, déclinés en douze points pour lesquels les membres de la mission d’information ont été consultés et invités à se prononcer :

– en premier lieu, elle formule des conclusions sur les dispositions présentées dans le projet d’écriture constitutionnelle, classées entre celles qui ont recueilli l’unanimité, la majorité ou une minorité des voix de ses membres ;

– en deuxième lieu, elle émet des propositions sur des sujets qui ne relèvent pas directement de l’écriture constitutionnelle mais concernent plus spécifiquement l’organisation administrative du territoire et le mode d’élection des membres de l’Assemblée de Corse ;

– enfin, elle émet des préconisations générales concernant le calendrier d’engagement de la réforme.

Les votes individuels de chacun des membres de la mission d’information sur ces douze préconisations sont indiqués avec, lorsqu’ils l’ont souhaité, des précisions sur leur position de vote.

A.   Les recommandations portant sur les dispositions du projet d’écriture constitutionnelle

  Les dispositions du projet d’écriture constitutionnelle s’ordonnent autour de trois axes :

  – l’inscription dans la loi fondamentale de la reconnaissance de la Corse comme une collectivité à statut particulier dotée de l’autonomie au sein de la République ;

  – la compétence du législateur organique pour délimiter le futur projet de statut d’autonomie, lequel s’articulerait autour d’un pouvoir normatif délégué à la collectivité de Corse ;

  – la consultation des électeurs de Corse sur ce projet de statut, après avis de son assemblée délibérante, dans les conditions fixées par un décret délibéré en conseil des ministres.

  La mission d’information est ainsi appelée à se prononcer sur les propositions de dispositions constitutionnelles suivantes :

   La reconnaissance d’un statut constitutionnel particulier de la Corse

  1) L’inscription de la Corse en tant que collectivité à statut particulier au motif de ses intérêts propres, liés à sa condition insulaire ainsi qu’à ses spécificités géographiques, historiques, linguistiques et culturelles ;

Ont voté POUR (16) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena, Stéphane Rambaud et Sandra Regol.

Le député Ugo Bernalicis soutient un statut constitutionnel particulier pour la Corse, fondé sur ses spécificités géographiques et son processus démocratique. Il estime que mettre en avant les spécificités culturelles, historiques ou linguistiques, communes à d'autres territoires, pourrait fragiliser cette démarche.

  2) La qualification de ce statut comme « un statut d’autonomie au sein de la République » dont le contenu sera déterminé aux conditions et sous les réserves fixées par le législateur organique.

Ont voté POUR (15) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena et Sandra Regol.

A voté CONTRE (1) : M. Stéphane Rambaud.

M. Ugo Bernalicis soutient un statut d’autonomie pour la Corse, à la condition qu’il intègre des clauses de non-régression sociale et environnementale via des mécanismes juridiques garantissant la préservation et l’amélioration des acquis. Cette position, en accord avec la résolution Autonomia, vise à protéger les droits fondamentaux dans le respect des cadres constitutionnel, européen et international.

Le groupe Rassemblement national, représenté par M. Stéphane Rambaud, soutient la consécration d’un statut particulier de la Corse inscrit dans la Constitution, mais ne soutient pas l’octroi d’un statut d’autonomie à cette collectivité.

   La consécration constitutionnelle de plusieurs des caractéristiques corses

  3) L’affirmation de l’existence d’une « communauté historique, linguistique et culturelle en Corse », partie intégrante du peuple français ;

Ont voté POUR (16) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena, Stéphane Rambaud et Sandra Regol.

  4) La reconnaissance du « lien singulier » de la Corse « à la terre », résultant notamment des contraintes géographiques et foncières attachées à sa condition insulaire.

Ont voté POUR (11) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Michel Castellani, François-Xavier Ceccoli, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Paul Molac, Marc Pena, Stéphane Rambaud et Sandra Regol.

Ont voté CONTRE (2) : MM. Paul-André Colombani et Jean-Victor Castor.

Se sont ABSTENUS (3) : MM. Ugo Bernalicis, Jean-Paul Mattei et Stéphane Mazars.

MM. Paul-André Colombani et Jean-Victor Castor privilégient l’emploi du pronom possessif « à sa terre », ainsi qu’en dispose le projet d’écriture constitutionnelle, plutôt que l’emploi des termes « à la terre » proposés par le président-rapporteur.

M. Ugo Bernalicis considère que cette expression de « lien singulier à la terre » simplifie des réalités complexes et plus dynamiques. Au contraire, cette vision essentialiste de la relation des Corses à leur territoire néglige les diversités sociales, historiques, culturelles et économiques présentes au sein même de la société corse.

   L’attribution à la Collectivité de Corse d’un pouvoir normatif délégué de nature législative ou réglementaire

  5) L’attribution d’un pouvoir normatif confié à la collectivité de Corse dans les conditions et sous les réserves définies par le législateur organique, aux fins :

  a) de fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences ;

  b) d’adapter les lois ou les règlements dans les matières délimitées par la future loi organique.

Ont voté POUR (13) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena et Sandra Regol.

Ont voté CONTRE (2) : MM. François-Xavier Ceccoli et Stéphane Rambaud.

S’est ABSTENU (1) : M. Xavier Lacombe.

En lien avec la proposition n°2, M. Ugo Bernalicis soutient un pouvoir normatif délégué à la collectivité de Corse, à condition qu’il respecte des clauses de non-régression sociale et environnementale, garantissant le maintien, voire l’amélioration, des acquis sociaux.

M. François-Xavier Ceccoli a voté contre cette recommandation, « compte tenu de l’absence d’introduction d’un contrôle du Parlement à même de protéger la Corse de certaines menaces. »

  6) L’exclusion formelle, s’agissant des matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement, des règles portant sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ;

Ont voté POUR (15) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena, Stéphane Rambaud et Sandra Regol.

A voté CONTRE (1) : M. Jean-Victor Castor.

  7) L’instauration d’une procédure ad hoc, fixée par la loi organique, aux fins de déterminer les conditions dans lesquelles :

  a) le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel exercent leur contrôle sur les actes pris en application du pouvoir normatif délégué ;

  b) s'exerce le principe d’une évaluation obligatoire des normes locales ;

Ont voté POUR (12) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena et Sandra Regol.

Ont voté CONTRE (3) : MM. Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli et Stéphane Rambaud.

S’est ABSTENU (1) : M. Xavier Lacombe.

  8) La possibilité pour le Gouvernement de disposer d’un pouvoir d’adaptation des dispositions législatives par voie d’ordonnance lorsque ces dispositions ne relèvent pas de la compétence de la collectivité de Corse. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de l’assemblée de Corse et du Conseil d’État ;

Ont voté POUR (13) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Michel Castellani, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena et Sandra Regol.

A voté CONTRE (1) : M. Stéphane Rambaud.

Se sont ABSTENUS (2) : MM. Ugo Bernalicis et Jean-Victor Castor.

M. Ugo Bernalicis s’oppose à cette proposition, qu’il juge contraire à l’esprit de la mission, car elle accorde un pouvoir excessif à l’exécutif central au détriment du Parlement et de la démocratie locale corse, renforçant ainsi une centralisation nuisible à l’expression de la volonté locale.

   

   

   

   La consultation préalable des électeurs de Corse

  9) La consultation préalable des électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse sur le projet de statut organique, après avis de l’assemblée délibérante et dans les conditions prévues par un décret en conseil des ministres ; et l’organisation de cette consultation après l’achèvement de la procédure de révision constitutionnelle et avant l’examen par le Parlement des dispositions organiques appelées à préciser le projet de statut de la Corse.

Ont voté POUR (15) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena et Sandra Regol.

A voté CONTRE (1) : M. Stéphane Rambaud.

M. Ugo Bernalicis soutient une double consultation préalable, locale et nationale, sur l’autonomie de la Corse. Il y voit une garantie démocratique, fondée sur la participation citoyenne et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, assurant une légitimité forte à toute évolution statutaire.

Le groupe Rassemblement national, représenté par M. Stéphane Rambaud, lie son vote contre cette recommandation à sa position identique sur la recommandation n° 2 relative à l’attribution d’un statut d’autonomie à la Corse.

  1.   Les recommandations portant sur des sujets complémentaires du projet d’écriture constitutionnelle

  Au-delà des dispositions inscrites dans le projet d’écriture constitutionnelle dont la mission d’information s’est saisie, cette dernière entend inscrire l’évolution institutionnelle de la Corse dans une approche territoriale d’ensemble.

   La nécessité de réviser la carte administrative de la coopération intercommunale

  10) Le renforcement des prérogatives de la collectivité de Corse qui résulterait de la réforme constitutionnelle et des dispositions organiques prises pour sa mise en œuvre doit s’accompagner d’une révision de la carte des coopérations intercommunales, aux fins de :

  a) rationaliser et conforter l’ensemble des intercommunalités de Corse ;

  b) doter les principales agglomérations urbaines de Corse d’Ajaccio et de Bastia des prérogatives attribuées aux « métropoles » prévues aux articles L. 5217‑1 et suivants du CGCT.

Ont voté POUR (7) : Mme et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei et Paul Molac.

Ont voté CONTRE (3) : MM. Ugo Bernalicis, Michel Castellani et Stéphane Rambaud.

Se sont ABSTENUS (6) : Mme et MM. Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Philippe Gosselin, Stéphane Mazars, Marc Pena et Sandra Regol.

M. Ugo Bernalicis s’oppose à la révision de la carte des coopérations intercommunales et à l’extension des métropoles, qu’il juge risquées pour l’équilibre territorial existant, la clarté administrative et les projets locaux. Il défend une autonomie corse respectueuse de la diversité locale, sans recentralisation déguisée.

   L’évolution du mode d’élection des membres de l’Assemblée de Corse

  11) L’accompagnement du futur projet de statut d’une réforme du mode d’élection des membres de l’Assemblée de Corse aux fins de garantir une représentation mixte fondée, d’une part, sur une circonscription unique et, d’autre part, sur des sections territoriales dont le périmètre sera déterminé par le législateur ordinaire, après avis de l’assemblée délibérante.

Ont voté POUR (11) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Marc Pena et Stéphane Rambaud.

Ont voté CONTRE (2) : MM. Michel Castellani et Paul Molac.

Se sont ABSTENUS (3) : Mme et MM. Ugo Bernalicis, Jean-Victor Castor et Sandra Regol.

C. les recommandations générales concernant le calendrier d’engagement de la réforme

  12) Les membres de la mission d’information rappellent leur attachement à voir le processus de Beauvau aboutir au nécessaire débat parlementaire sur le projet d’écriture constitutionnelle.

  Sans préjuger du vote de la représentation nationale, il leur semble prioritaire que ce texte soit examiné selon le calendrier rapide sur lequel s’est engagé le Gouvernement : la présentation du projet de loi constitutionnelle en Conseil des ministres et le dépôt devant le Parlement sont attendus avant l’été, afin de permettre la réunion du Congrès à Versailles à la fin de l’année 2025.

 

Ont voté POUR (16) : Mmes et MM. Florent Boudié, président-rapporteur, Ugo Bernalicis, Michel Castellani, Jean-Victor Castor, François-Xavier Ceccoli, Paul-André Colombani, Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin, Sacha Houlié, Xavier Lacombe, Jean-Paul Mattei, Stéphane Mazars, Paul Molac, Marc Pena, Stéphane Rambaud et Sandra Regol.

 

 

 


   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2025, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.

Ces débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/ZDgjfr

 

 

 

 

 


   Personnes entendues

 

Jeudi 16 janvier 2025

Vendredi 17 janvier 2025

   Mme Wanda Mastor, professeure agrégée de droit public à l’Université de Corse

   M. Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Mardi 28 janvier 2025

Lundi 17 février 2025

Mardi 18 février 2025

Jeudi 20 février 2025

Lundi 3 mars 2025

Mardi 4 mars 2025

   M. Patrick Baudouin, président d’honneur

   M. Jean-Pierre Dubois, président d’honneur

   M. André Paccou, délégué de Corse et membre du comité national

Jeudi 13 mars 2025

   M. Jean-Toussaint Plasenzotti, porte-parole

Vendredi 14 mars 2025

   Mme Leila Benalia, rapporteure générale adjointe

   M. Jérôme Schall, conseiller aux affaires institutionnelles, européennes et internationales

   M. Philippe Sire, président

 

 

Contribution écrite

 

 

 

PERSONNES ENTENDUES LORS DU déplacement en corse

 

Mercredi 5 février 2025

   Mme Angèle Bastiani, présidente de l’Agence du tourisme de la Corse

   M. Alexandre Vinciguerra, président de l’Agence de développement économique de la Corse

   Mme Flora Mattei, conseillère exécutive en charge des infrastructures ferroviaires, portuaires et aéroportuaires, des transports scolaires et des affaires européennes, et présidente de l’Office des transports de la Corse

   M. Gilles Giovannangeli, président de l’Office d’équipement hydraulique de Corse

   Mme Antonia Luciani, conseillère exécutive en charge de la culture, du patrimoine et du mécénat, de l’audiovisuel, de l’éducation et de la formation professionnelle et de l’apprentissage, de l’orientation, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante, et de l’innovation scientifique

   M. Dominique Livrelli, président de l’Office du développement agricole et rural de Corse

   Mme Bianca Fazi, conseillère exécutive en charge du social, de la santé et de la lutte antivectorielle

   M. Guy Armanet, président de l’Office de l’environnement de la Corse

   Mme Lauda Guidicelli-Sbraggia, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports, de l’égalité femmes-hommes, de l’innovation sociale, du handicap et de la solidarité internationale

   M. Julien Paolini, conseiller exécutif en charge de l’aménagement du territoire, de l’énergie, du logement, des bois et forêts, et président de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse

 

 

   M. Jean Dominici, président de la CCI de Corse

   M. Jean-Charles Martinelli, président de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Corse

   Mme Karina Goffi, présidente de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) Corse

   M. Jean-Pierre Pinelli, président du Cercle des grandes maisons de Corse

   M. Gérard Papi, président des Guides diplômés de Corse

   M. Olivier Valery, président de l’Association régionale des industries agroalimentaires (ARIA) Corse

   M. Jean-Louis Albertini, président du MEDEF Corse

   M. Jean-Marie Maurizi, président du Syndicat professionnel des transporteurs de la Corse (SPTC), et M. Jean-Michel Evangelista, vice‑président

   M. Dominique Antoniotti, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) de Haute‑Corse, et Mme Paule Casanova, présidente de la FFB de Corse-du-Sud

   M. Vincent Baldo, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) de Haute-Corse, et M. Jean-Baptiste Michon, président de la CAPEB de Corse-du-Sud

   M. Alain Venturi, vice-président de la Fédération corse de l’hôtellerie de plein air (FCHPA)

   M. Christian Costa, vice-président des Gites de France Corse

   M. Jean-François Benassi, président de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) Corse

   M. Anthony Napoli, représentant de l’Union des entreprises de proximité (U2P) Corse

 

 

 

   M. Ange-Pierre Vivoni, maire de Siscu, président de l’Association des maires de la Haute-Corse

   Mme Anne-Marie Natali, maire de Borgu, vice-présidente de l’Association des maires de la Haute-Corse

   M. Maurice Chiaramonti, maire de Poghju-Mezzana, vice-président de l’Association des maires de la Haute-Corse

   M. Jacky Bartoli, maire d’Isulacciu di Fiumorbu, vice-président de l’Association des maires de la Haute-Corse

   M. Severin Medori, maire de Linguizzetta

   M. Simon-Pierre Riolacci, maire de Valle di Campuloru

   M. Pierre Orsini, maire de Poghju-Marinacciu

   M. Don-Marc Albertini, maire de Ghisoni, membre du bureau de la Chambre des territoires

   M. Louis Pozzo di Borgo, président de la communauté d’agglomération de Bastia, élu représentant la communauté d’agglomération de Bastia à la Chambre des territoires

   M. Pierre Savelli, maire de Bastia, élu représentant la communauté d’agglomération de Bastia à la Chambre des territoires

   Mme Marie-Hélène Padovani, maire de San Martinu di Lota, élue représentant la communauté d’agglomération de Bastia à la Chambre des territoires

   M. Jean-Pierre Leccia, maire d’Oletta, élu représentant la communauté de communes du Nebbiu-Conca d’Oru à la Chambre des territoires

   M. Dominique Maroselli, maire de Rutali et d’Oletta, élu représentant la communauté de communes du Nebbiu-Conca d’Oru à la Chambre des territoires

Jeudi 6 février 2025

 

   Mme Paola Mosca et M. Romain Colonna, conseillers Fà Populu Inseme

   Mme Valérie Bozzi, co-présidente d’Un Soffiu Novu - Un souffle nouveau, et Mme Christelle Combette, conseillère

   MM. Saveriu Luciani et Pierre Poli, conseillers Avanzemu

   M. Paul-Félix Benedetti, président de Core in Fronte

   M. Pierre Ghionga, conseiller non inscrit

   Mme Josepha Giacometti, conseillère non inscrite (parti Nazione)

Associations

   M. Ghjiseppu Turchini, président de la Federazione Scola Corsa

   M. Pascal Ottavi, président de l’association Femula Campà

   M. Micheli Leccia, président de l’association Parlemu Corsu

Conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse (CESEC)

   M. Jean-Pierre Luciani, président de la section Culture, langue corse et éducation du CESEC

Université de Corse

   M. Francescu Maria Luneschi, chargé de mission langue corse

   M. Thierry Antoine-Santoni, directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPE) de Corse

Groupes de l’Assemblea di a ghjuventù (Assemblée de la jeunesse) 

   M. Lysandre Caputo, représentant de Ghjuventù di u STC

   Mme Lea Ferrandi, présidente de Fronte Populare

   Mme Flora Bertoncini, représentante de Scelta Patriotta

   M. Florian Riolacci, président de Chjama à l’Unità

Assemblée de Corse

   Mme Muriel Fagni, conseillère Fà populu inseme, présidente de la commission de la culture à l’Assemblée de Corse

   M. Romain Colonna, conseiller Fà populu inseme

   Mme Nadine Nivaggioni, conseillère Fà populu inseme

Vendredi 7 février 2025

   M. Jean-Luc Giocanti, maire d’Ucciani

   M. Jean-Jacques Ciccolini, maire de Cuzzà (Cozzano), président de l’Association des maires de la Corse-du-Sud

   M. Jean-Christophe Angelini, maire de Portivechju (Porto-Vecchio), vice‑président de l’Association des maires de la Corse-du-Sud

   M. Jean Alfonsi, maire de Sarra-di-Farru

   M. Pierre-François Bellini, maire de Carbuccia

   M. Tony Peraldi, maire de Currà (Corrano)

   Mme Paule Casanova, maire de Guargualè

   M. Nicolas Rutily, maire d’Ortu

   M. Antoine Versini, maire de Cristinacce

   M. Jean Giuseppi, maire de Figari

   M. Alexandre de Lanfranchi, maire de Levie

   Mme Angèle Chiappini, maire de Letia

   M. Fabien Arrighi, maire de Noceta, membre du bureau de la Chambre des territoires

   M. Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrosella, membre du bureau de la Chambre des territoires

   M. Achille Martinetti, maire de Bucugnà, élu représentant la communauté de communes du Celavu-Prunelli à la Chambre des territoires

   M. Jean-Jacques Gianni, maire d’Evisa, membre du bureau de la Chambre des territoires

   Mme Marie-France Orsoni, maire de Veru, élue représentant la communauté de communes du Celavu-Prunelli à la Chambre des territoires

 

 

 

   Mme Marie-Jeanne Nicoli, présidente du CESEC

   Mme Marie-Josée Salvadori, vice-présidente du CESEC, présidente de la section économique, sociale et prospective

   M. Jean-Pierre Luciani, vice-président du CESEC, président de la section de la culture, de la langue corse et de l’éducation

   Mme Julie Pantaloni-Baranovsky, vice-présidente du CESEC, présidente de la section environnement et cadre de vie

   Mme Marie-Josée Salvadori, secrétaire générale de la CFDT Corse

   Mme Marie-Désirée Nicolai-Marcellini et M. Richard Louzao, représentants du Syndicat des travailleurs corses (STC)

   M. Renaud Mazin, représentant de la CFTC Corse

   MM. François Giudicelli et Frédéric Lanai, représentants de l’UNSA Corse

   M. Patrice Bossart, secrétaire général de l’UD CGT Corse-du-Sud, et M. Charles Casabianca, secrétaire général de l’UD CGT Haute-Corse

 

La mission d’information tient par ailleurs à préciser qu’un précédent déplacement en Corse a eu lieu sous la XVIème législature, dans le cadre d’un groupe de travail sur l'évolution institutionnelle de la Corse créé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, et dont les travaux ont été interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024.

 

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Le mouvement qui deviendra l’Action régionaliste corse (ARC) naît autour d’Edmond Simeoni, médecin et militant autonomiste, en 1967. Il est officiellement constitué en juillet 1970 dans un contexte de crise économique, d’exode rural et de prise de conscience identitaire. L’ARC devient le principal mouvement autonomiste jusqu’à sa dissolution en 1976, après les évènements d’Aléria.

([3]) Pour de plus amples informations sur l’histoire de la langue corse : M. Jean-Marie Arrighi, Histoire de la langue corse, Paris, Éd. Gisserot, 2002.

([4]) La loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux dit Loi Dexonne prévoit l’enseignement facultatif, pendant une heure par semaine, des langues régionales suivantes : le breton, le basque, l’occitan et le catalan. L’alsacien est également exclu du champ de la loi Deixonne car considéré comme un dialecte allemand.

([5]) L’article 1er de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 modifie l’article 2 de la Constitution en y ajoutant l’alinéa suivant : « La langue de la République est le français. »

([6]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, cons. 10 et 5.

([7]) Ibid, cons. 8.

([8]) Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon.

([9]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011, considérant 3.

([10]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021, Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

([11]) Les signes diacritiques sont des marques graphiques ajoutées à une lettre pour en modifier la prononciation, les valeurs phonétiques ou le sens.

([12]) Loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la Collectivité Territoriale de Corse, article 53.

([13]) Ibid, article 55.

([14]) Loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, article 7.

([15]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse, cons. 24 et 25.

([16]) L’Académie de Corse prévoit un total de 30 classes immersives pour la rentrée de septembre 2025.

([17]) MM. Christophe Euzet et Yannick Kerlogot, L'enseignement des langues régionales - État des lieux et perspectives après la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021, 21 juillet 2021, p18.

([18]) Ibid, p4.

([19]) Délibération n° 24/028 AC de l’Assemblée de Corse portant adoption d’une motion relative à la carte scolaire.

([20]) https ://www.isula.corsica/assemblea/docs/rapports/2022O2303-annexe.pdf

([21]) Du côté des liaisons maritimes, la part des résidents voyageant pour raisons médicales est plus réduite. À titre d’exemple, en 2024, s’agissant des lignes DSP Marseille-Corse, sur 129 000 passagers résidents voyageant avec Corsica Linea, 2 500 étaient pris en charge par la CPAM.

([22]) « L’essentiel sur la Corse », Insee, 24/10/2024. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4481069#figure2_radio2

([23]) « En Corse, des prix supérieurs de 7 % à ceux de province », Insee, 11/07/2023. Disponible en ligne :  https://www.insee.fr/fr/statistiques/7635831

([24]) Avis 20-A-11 du 17 novembre 2020 relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale.

([25])« Les enseignements du programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse », Cour des Comptes (2023). Disponible en ligne : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-enseignements-du-programme-exceptionnel-dinvestissements-en-faveur-de-la-corse

([26]) « En Corse, de plus en plus d’habitants et de moins en moins de naissances », Insee, 03/04/2025. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8544726

([27]) « En Corse, 351 276 habitants au 1er janvier 2022 », Insee, 19/12/2024. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8313311#onglet-2

([28]) « Les immigrés en Corse : toujours une immigration européenne de travail », Insee, Juillet 2021. Disponible en ligne : https://www.bnsp.insee.fr/ark%3A/12148/bc6p073bbmq.pdf

([29]) Bonifacio, Cuttoli-Corticchiato, Ghisoni, San-Gavino-di-Carbini et Sari-Solenzara.

([30]) Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

([31]) Proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière dans l’île, n° 3928, déposée le mardi 23 février 2021.

([32]) Voir notamment CJUE, 1er juin 1999, Konle, C-302/97.

([33]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse, cons. 28 à 30.

([34]) Projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, 9 mai 2018, article 16.

([35]) Projet de loi constitutionnelle n° 2203 pour un renouveau de la vie démocratique, 29 août 2019,  .

([36]) Pour mémoire, depuis l’arrêté Miot de 1801, la Corse bénéficiait d’une exonération en matière de droits de succession qui a pris fin au 31 décembre 2012. Plusieurs tentatives de prorogation de ce dispositif ont été adoptées par le Parlement, mais ont systématiquement été censurées par le Conseil constitutionnel qui a considéré, de manière constante que « le maintien du régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur des immeubles situés dans les départements de Corse conduit à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement des droits de mutation » et qu’une « nouvelle prorogation de ce régime dérogatoire méconnaît le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques » (décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012). À l’exonération totale s’est ainsi substitué un dispositif d’exonération partielle à hauteur de 50 % de la valeur des biens, prorogé par la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 jusqu’au 31 décembre 2027.

([37]) Conseil d’État, avis n° 394658, 3 mai 2018.

([38]) À l’exception d’un examen en Commission des Lois lors des débats sur le premier texte de loi constitutionnelle, au cours duquel ces dispositions n’avaient fait l’objet d’aucune modification. Elles n’ont cependant jamais été discutées en séance publique.

([39]) Dans le détail, 40,64 % pour la liste autonomiste menée par le président sortant Gilles Simeoni (Fà populu inseme), les deux autres listes nationalistes, autonomiste (Avanzemu) et indépendantiste (Core in Fronte), ayant recueilli à elles deux 27,33 %.

([40]) Yvan Colonna, figure historique du nationalisme corse, avait été condamné en 2007 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat, le 6 février 1998 à Ajaccio, de Claude Érignac, alors préfet de Corse. Après plusieurs années de clandestinité, il avait été arrêté en 2003.

([41]) Entre mars 2022 et avril 2023, 64 attentats et incendies ont été recensés sur l’île. Une « nuit bleue », du 8 au 9 octobre 2023, a entraîné la commission de 20 à 30 attentats dans les villes de Bastelicaccia, Ajaccio, Vico, Alata, Erbalonga, Santa Reparata di Balagna et Lucciana. Selon les chiffres transmis par le ministère de la justice à la mission d'information, 168 procédures ont été ouvertes afin de judiciariser les violences et dégradations survenues en marge des manifestations, ces chiffres n'étant néanmoins pas exhaustifs, certains actes de petite délinquance n'étant pas répertoriés.

([42]) Délibération n° 22/067 AC de l’Assemblée de Corse portant adoption d’une motion demandant justice et vérité pour Yvan Colonna.

([43]) Délibération n° 22/068 AC de l’Assemblée de Corse portant adoption d’une motion relative à la saisine du Défenseur des droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté suite à l’assassinat d’Yvan Colonna.

([44]) Rapport de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire ayant conduit à l’assassinat d’un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles, n° 1273, déposé le mercredi 24 mai 2023.

([45]) Prise d’acte rédigée le 16 mars 2022 et co-signée par le ministre de l’intérieur et le président du Conseil exécutif de Corse.

([46]) Délibération n° 23/089 AC de l’Assemblée de Corse du 5 juillet 2023.

([47]) La conférence des Présidents réunit les présidents des groupes politiques de l’Assemblée de Corse ainsi que le président de cette institution. Le Président du Conseil exécutif peut également y participer ou y être représenté.

([48]) Délibération n° 24/030 AC de l’Assemblée de Corse validant le projet d’écritures constitutionnelles dans le cadre de la révision de la Constitution consacrée à la Corse.

([49]) Celle de Mme Josepha Giacometti-Piredda, membre du parti nationaliste Corse « Corsica Libera » (Corse libre), formation politique indépendantiste.

([50]) Délibération n° 24/124 AC de l’Assemblée de Corse portant adoption d’une résolution demandant solennellement au Président de la République de saisir au plus tôt le Parlement du projet de révision constitutionnelle relative à la Corse.

([51]) « Autonomie de la Corse : Catherine Vautrin évoque "un Congrès avant la fin de l’année 2025" », Public Sénat, publié le 30 octobre 2024 (en ligne).

([52]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, cons. 9.

([53]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO, 26 janvier 1994.

([54]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse, cons. 21 : « Considérant, en l'espèce, qu'en ouvrant au législateur, fût-ce à titre expérimental, dérogatoire et limité dans le temps, la possibilité d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, la loi déférée est intervenue dans un domaine qui ne relève que de la Constitution ».

([55]) Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

([56]) Par exemple, l’article 44 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu une expérimentation concernant le transfert de la gestion de fonds structurels européens de l’État à des collectivités territoriales ou l’article 195 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, qui a donné, à titre expérimental, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale la possibilité d’instaurer sur tout ou partie de leur territoire une taxe d’enlèvement des ordures ménagères composée d'une part variable.

([57]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, cons. 9.

([58]) Articles LO. 1113-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, issus de la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 et modifiés par la loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021.

([59]) Ferdinand Mélin-Soucramanien, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Quelles perspectives pour la question prioritaire de constitutionnalité ?, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 29, octobre 2010.

([60]) Loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse.

([61]) Article 1135 bis du code général des impôts, récemment modifié par la loi n° 2025-115 du 7 février 2025 visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l'assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété.

([62]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013.

([63]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-816 DC du 15 avril 2021, Loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, cons. 15.

([64]) Ces collectivités sont directement désignées par le législateur ou le Gouvernement lorsque l’expérimentation est menée sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution. Lorsque l’expérimentation est menée sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72, la loi ou le règlement identifie les catégories et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer.

([65]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-816 DC du 15 avril 2021, Loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, cons. 14 et 15.

([66]) Conseil d’État, Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ?, Paris, La Documentation française, 2019.

([67]) Rapport des missions "flash" sur l'expérimentation et la différenciation territoriale et l'autonomie financière des collectivités territoriales, n° 912, 9 mai 2018.

([68]) Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition obligeant le Premier ministre à se justifier dans un délai déterminé sur la suite à donner aux propositions de l’Assemblée de Corse (considérants 50 et 51).

([69]) Conseil constitutionnel., décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse (cons. 9 et cons. 17).

([70]) Mme Wanda Mastor, Rapport sur l’évolution institutionnelle de la Corse, commandé par M. Gilles Simeoni, 11 octobre 2021, p30.

([71]) Conseil constitutionnel., décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse (cons. 13).

([72]) Conseil constitutionnel., décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse (considérant 48).

([73]) Conseil constitutionnel., décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse (cons. 21).

([74]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, article 2, codifié aux articles L. 3211‑3, L. 3444-2, L. 4221-1, L. 4433-3 du CGCT.

([75]) Mme Françoise Gatel et M. Max Brisson, rapport d’information n°629 fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation relatif à la différenciation territoriale, 23 mai 2024.

([76]) Mme Wanda Mastor, Rapport sur l’évolution institutionnelle de la Corse, commandé par M. Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, 11 octobre 2021, p31.

([77]) Loi n° 82-214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse (organisation administrative), complétée par la loi n° 82‑659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région de Corse (compétences).

([78]) Le Conseil constitutionnel a cependant jugé, dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, que l’enseignement de la langue et de la culture corses ne doit pas avoir de caractère obligatoire.

([79]) Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, cons. n° 12 à 14.

([80]) Loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse..

([81]) Le Conseil constitutionnel subordonne les dispositions relatives à l’enseignement de la langue à une réserve d’interprétation indiquant que cet enseignement revêt un caractère facultatif, tant dans son principe que dans ses modalités, pour les élèves et pour les enseignants.

([82])  Loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

([83])  Délibération n° 14/207 AC de l’Assemblée de Corse prise au titre de l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales et portant proposition de réforme de l’organisation territoriale de la Corse.

([84]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe).

([85])  Conformément au troisième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, la consultation des électeurs lors de la création d’une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier n’est qu’une possibilité. En revanche, cette consultation est obligatoire pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.

([86])  Ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse ; ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse ; et ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse.

([87]) Dans les documents transmis à la mission d’information, la collectivité de Corse fait état de la découverte d’impayés à hauteur de 93 millions d’euros en 2016 et de sa condamnation à payer à un tiers privé une indemnisation de 100 millions d’euros.

([88])  Des élections territoriales spécifiques ont notamment eu lieu en 2017 en raison de la mise en place de la collectivité unique au 1er janvier 2018.

([89])  Ministère de la transformation et de la fonction publiques, direction générale de l’administration et de la fonction publique, Évolution des effectifs de la fonction publique en 2022, 12 juillet 2024.

([90])  M. Achille Martinetti, maire de Bucugnà et élu représentant la communauté de communes du Celavu-Prunelli à la chambre des territoires, lors de la rencontre entre les maires de Corse-du-Sud et les membres de la mission d’information en Corse le 7 février 2025.

([91]) M. Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio, lors de son audition par la mission d’information le 14 mars 2025. À cet égard, l’une des options envisageables serait la combinaison d’une circonscription unique à des circonscriptions territorialisées pour réintroduire une représentation de proximité au sein de l’Assemblée de Corse, selon des modalités dont le législateur ordinaire pourrait décider.

([92]) Délibérations nos 19/341 AC et 23/009 AC de l’Assemblée de Corse portant avis sur la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Jacques Panunzi portant sur la territorialisation du mode de scrutin de l’Assemblée de Corse.

([93]) Ces dispositions ne s'appliquaient pas aux ports maritimes de commerce et de pêche qui, à la date de promulgation de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, relevaient de la compétence des départements. C’est le cas depuis la modification du statut de la Corse par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) : la collectivité de Corse a donc désormais la compétence relative aux ports de Propriano, Bonifacio, Porto-Vecchio et de l’Île Rousse.

([94]) La CCI d’Ajaccio et de Corse-du-Sud s’est vue confier la gestion des aéroports d’Ajaccio et de Figari et à la CCI de Bastia et de la Haute-Corse, celle des aéroports de Bastia et de Calvi. Les deux CCI, ainsi que la CCI de Corse, créée en 2010 pour soutenir et coordonner l’action des deux chambres insulaires, ont fusionné en une CCI unique le 1er janvier 2020.

([95]) Avant cette date, la gestion des aéroports et du port de Bastia était déjà exercée par la CCI, dans le cadre de contrats de concessions concédés par l’État.

([96]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([97]) Il est portant de rappeler que la CCI gère également les cinq autres ports de commerce de Corse pour le compte de la collectivité de Corse dans le cadre de contrats de concession qui arrivent à échéance à des dates ultérieures : Ajaccio au 31 décembre 2043 ; Propriano au 30 juin 2029 ; Bonifacio au 27 septembre 2036 ; Porto-Vecchio au 15 avril 2032 et Ile-Rousse au 31 décembre 2028.

([98]) Étude d’impact du projet de loi n° 552 portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse.

([99]) La dotation de continuité territoriale, fixée à 187 millions d’euros depuis 2009, a été complétée par des abondements successifs ces dernières années pour tenir compte du contexte inflationniste : 33 millions d’euros en 2022, 40 millions d’euros en 2023 et 40 millions d’euros en 2024. Un amendement du député Michel Castellani, membre de la mission d’information, a été adopté en octobre 2024 pour prévoir une nouvelle enveloppe complémentaire de 50 millions d’euros en 2025.

([100])  La Cour des comptes a publié, en septembre 2022, un rapport consacré à la gestion des déchets ménagers en France. La Chambre régionale des comptes (CRC) de Corse a souhaité compléter ces premiers travaux, procédant ainsi à plusieurs contrôles des intercommunalités chargées de la compétence « déchets ». Elle a rendu public, en avril 2024, une étude revenant sur l’ensemble des observations définitives issues de ces contrôles.

([101]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([102]) Ce coût est le coût dit « aidé », c’est-à-dire une fois déduits les produits (vente, subventions etc.) en réduction des montants à financer.

([103]) Depuis 2020, une majoration progressive de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAE) a pour objet de pénaliser financièrement l’enfouissement.

([104]) À titre d’exemple, le blocage régulier des centres a contraint à l’expédition de 14 000 tonnes de déchets sur le continent entre décembre 2019 et avril 2020, le surcoût de près de 3 millions d’euros lié à cette décision ayant été assumé par la CDC.

([105]) La CRC estime que ces fermetures sont responsables d’une majoration de 32 % à 55 % des coûts d’enfouissement.

([106]) Si, en 2015, les installations pouvaient recevoir jusqu’à 195 000 tonnes de déchets non dangereux, cette capacité a décru pour atteindre 103 000 tonnes par an jusqu’en 2029, puis devrait descendre à 45 000 tonnes par an jusqu’en 2037. Seuls deux centres d’enfouissement sont aujourd’hui encore fonctionnels, à Viggianello (Corse-du-Sud) et Prunelli-di-Fiumorbo (Haute-Corse).

([107]) « Dix années de traitement du banditisme corse 2009-2019 », remis à la Chancellerie en 2021. 

([108]) « Alerte sur l’emprise mafieuse dans le secteur des déchets en Corse », 11 juillet 2024 [consulté le 30 janvier 2025].

([109])  C’est cette deuxième solution qui avait été retenue par l’article 16 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, déposé à l’Assemblée nationale le 9 mai 2018 (voir infra, première partie).

([110]) M. Jean-Martin Mondoloni, coprésident du groupe Un Soffiu Novu, a exprimé le choix d’un article spécifique dans la Constitution ; Mme Valérie Bozzi, coprésidente du même groupe, ainsi que MM. Laurent Marcangeli, alors député de la première circonscription de Corse-du-Sud, et Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, ne se sont pas prononcés.

([111])  Le principe d’autonomie des universités se comprend comme la compétence reconnue à chacune d’entre elles de fixer ses propres règles dans les domaines académiques, financiers, organisationnels et de ressources humaines. La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) a posé le principe de l’autonomie des universités et en a détaillé les modalités mais les marges de manœuvre des universités restant limitées, il est souvent considéré que cette autonomie est inachevée (voir par exemple Cour des comptes, Les universités à horizon 2030 : plus de libertés, plus de responsabilités, octobre 2021.

([112])  Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 46. L’autonomie financière implique que les collectivités bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement, qu’elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures dont elles peuvent, dans certaines limites être autorisées à fixer l’assiette et le taux par la loi, que ces recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources et que tout transfert de compétences s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Le Conseil constitutionnel a cependant précisé que cette autonomie financière n'impliquait pas une autonomie fiscale (décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 64).

([113]) Délibération n° 23/89 de l’Assemblée de Corse, Autonomia, 5 juillet 2023.

([114]) Contribution écrite de Mme Wanda Mastor, suite à son audition par la mission d’information le 17 janvier 2025.

([115]) Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, cons. 12 et 13.

([116]) Délibération n° 23/89 de l’Assemblée de Corse, Autonomia, 5 juillet 2023, article 3.

([117]) L’article 16 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, déposé à l’Assemblée nationale le 9 mai 2018, introduisait un article 72-5 de la Constitution qui reconnaît les « spécificités liées à [l’]insularité ainsi [qu’aux] caractéristiques géographiques, économiques ou sociales » de la Corse, sans toutefois faire mention du « peuple corse ».

 

([118]) Conseil constitutionnel, compte rendu de la séance du 7 mai 1991, p. 12 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/PV/pv1991-05-07-08-09.pdf )

([119]) La Constitution espagnole fait référence à la fois au « peuple espagnol » et aux « peuples d’Espagne ». En effet, l’article 46 de la Constitution espagnole dispose que « Les pouvoirs publics garantissent la sauvegarde et encouragent l’enrichissement du patrimoine historique, culturel et artistique des peuples d’Espagne ». De même, l’article 2 de la Constitution dispose que la Constitution « reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités » qui composent la Nation espagnole. Malgré la reconnaissance d’une pluralité de « peuples d’Espagne », aucun de ces peuples n’est reconnu en particulier.

([120])  La Constitution belge fait référence au « peuple belge » mais reconnaît l’existence de trois « communautés » : la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone (article 2 de la Constitution), ainsi que de quatre « régions linguistiques ».

([121])  Conseil constitutionnel, compte rendu de la séance du 7 mai 1991, p. 19 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/PV/pv1991-05-07-08-09.pdf )

([122])  Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

([123]) Cette rédaction reprend la formulation de l’article 299 du Traité d’Amsterdam, devenu l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

([124]) L’évolution institutionnelle des outre-mer, rapport d'information n° 361 (2022-2023) de M. Stéphane Artano et Mme Micheline Jacques, sénateurs, déposé le 16 février 2023 au bureau du Sénat.

([125]) Rapport d'information n° 774 de la délégation aux outre-mer sur l’avenir institutionnel des outre-mer, de MM. Philippe Gosselin et Davy Rimane, députés, déposé le mercredi 15 janvier 2025 au bureau de l’Assemblée nationale.

([126]) Celles-ci figurent à l’article 148 de la Constitution. Cela concerne, par exemple, les affaires étrangères et la politique de la défense, l’immigration, l’état civil, le droit électoral, la justice et l’éducation.

([127]) Celles-ci figurent à l’article 149 de la Constitution. Cela concerne, par exemple, la sécurité, la politique sociale, le développement économique, les transports et l’urbanisme.

([128]) Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

([129]) Article 140 de la LOPF.

([130]) « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. »

([131]) Loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

([132]) Article L.O. 1113-5 du CGCT.

([133]) Article 59 de la LOPF.

([134]) Il ne s’agirait néanmoins pas à proprement parler d’une modalité de contrôle au sens de ceux confiés par le projet d’écriture constitutionnelle au Conseil constitutionnelle et au Conseil d’État, mais d’un dispositif de filtrage empêchant l’adoption, par la collectivité de Corse, de normes considérées comme régressives par rapport à celles actuellement en vigueur dans les domaines sociaux et environnementaux.

([135]) Article L. 1112-15 du code général des collectivités territoriales.