N° 1521
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 2025
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA Délégation aux outre-mer
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur le système électoral mis en œuvre pour les élections territoriales
en Polynésie française
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Moerani FRÉBAULT, Mme Mereana REID-ARBELOT et Mme Nicole SANQUER,
Députés
——
SOMMAIRE
___
Pages
I. la polynésie française a longtemps été marquée par une instabilité politique
A. des circonstances qui ne favorisent pas la stabilité
1. Un éparpillement géographique qui ne facilite pas l’unité politique
2. Une instabilité politique observée ailleurs en Océanie
3. Deux périodes de relative stabilité : 1984-1995 puis 1996-2004
B. Une succession de lois électorales
1. La répartition territoriale des sièges n’a cessé d’évoluer
2. Le statut de 2004 : une prime majoritaire fractionnée, donc inefficace
3. Les statuts de 2007 : la suppression de la prime majoritaire
a. La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007
b. La loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007
4. Onze changements de présidents en neuf ans (2004-2013)
II. une réforme qui a réussi à stabiliser les institutions
A. une modification profonde du mode de scrutin
1. Le rapport commandé en 2010 au préfet Jacques Barthélemy
2. Une réforme à l’initiative du gouvernement français
3. L’apport essentiel de la commission des lois du Sénat
4. Les réticences des Polynésiens
B. Le mode de scrutin en vigueur depuis la réforme de 2011
1. Le principe d’un scrutin de liste à deux tours
2. Une prime attribuée à un seul parti mais ventilée par archipel
3. La fusion des listes reste possible mais est encadrée
C. Une loi électorale mise en œuvre à trois reprises
1. Les résultats éloquents des scrutins depuis la réforme de 2011
2. Une stabilité retrouvée qui n’a pas empêché les scissions
3. Une opposition réduite à la portion congrue
III. Quelques comparaisons nationales et internationales
A. Les élections locales à la proportionnelle en France
1. Les élections dans les régions hexagonales
2. Les élections dans les collectivités à statut particulier
B. rapide survol de quelques scrutins étrangers
1. Les élections régionales italiennes
2. La représentation proportionnelle en Allemagne
a. Le système électoral au niveau fédéral
b. Les élections des parlements régionaux allemands (Länder)
3. Pays-Bas, Espagne : la proportionnelle intégrale
IV. Comment corriger les excès de la réforme de 2011 ?
A. Un seuil d’accès au second tour plus élevé que dans les autres collectivités
2. Quel niveau pour le seuil d’accès au second tour ?
3. Sortir de la bipolarisation de la vie politique polynésienne
B. Une prime majoritaire qui écrase les oppositions
1. Avantages et inconvénients d’une prime majoritaire élevée
2. Réduire la prime majoritaire à quel niveau ?
3. Instaurer une prime majoritaire variable ?
4. S’inspirer du projet de loi de programmation pour Mayotte
C. Réduire le nombre des représentants à l’Assemblée Territoriale ?
1. Une idée déjà évoquée par le rapport Barthélemy en 2011
2. Quel serait le nombre idéal de membres de l’Assemblée ?
3. Proposer une nouvelle ventilation de la prime majoritaire
D. Les arguments du législateur de 2011 tombent
1. Les motions de défiance sont désormais strictement encadrées
2. Les commodités de calcul pour la répartition des élus
V. Les éléments de la loi électorale qu’il convient de ne pas modifier
A. La circonscription unique découpée en sections
1. La difficulté de représenter dignement les archipels peu peuplés
2. La possibilité de découper la Polynésie en plusieurs circonscriptions
3. Le choix d’une circonscription unique avec des sections
B. l’attribution des sièges à la plus forte moyenne
1. Calculs mathématiques et résultats politiques
2. La plus forte moyenne est généralement retenue
C. La rationalisation du dépôt des motions de défiance
1. Des conditions draconiennes depuis 2011
2. Un quasi-consensus pour ne pas modifier les règles de la défiance
VI. Des propositions qui ne modifient pas le statut de la polynésie
A. Le règlement de l’Assemblée de polynésie
1. Le principe des groupes politiques
2. L’évolution du nombre d’élus nécessaires à la création d’un groupe
3. Un risque de voir se constituer des groupes géographiques ?
B. Des pistes de réflexion au-delà du mode électoral
1. Réfléchir à un statut de l’élu
2. Inciter les jeunes à se lancer en politique
3. Remplacer le mandat représentatif par un mandat impératif ?
4. La problématique des procurations
5. Créer un « Sénat des archipels » ?
6. Mener une réflexion sur le cumul des mandats en Polynésie
7. Améliorer le fonctionnement de l’Assemblée de Polynésie
VII. L’élection du président de la Polynésie au suffrage universel direct ?
A. une question déjà soulevée il y a quelques années
1. Une idée écartée lors de la réforme de 2011
2. Une demande soutenue par le président Moetai Brotherson
B. Une possible difficulté constitutionnelle
1. Des règles qui semblent s’opposer à une telle élection
2. Mais la plasticité de l’article 74 a déjà fait ses preuves
C. Un bouleversement des institutions
1. Une tentation mêlée d’interrogations
2. Un éventuel chantier de grande envergure
récapitulatif des recommandations des rapporteurs
Carte de la Polynésie française
tableau de la délimitation des sections
SIMULATIONs d’évolutions possibles du nombre de sièges et de la prime majoritaire
En effet, comment concilier une représentation fidèle de la volonté du corps électoral et la nécessaire stabilité politique ?
Comment concilier cette stabilité politique avec la nécessaire représentation des oppositions ?
Comment, enfin, concilier le principe « un homme, une voix » avec la nécessaire représentation aussi équilibrée que possible d’archipels parfois 30 fois moins peuplés les uns que les autres (200 000 habitants pour les îles de la Société, 7 000 pour les Australes) ?
Oui, vraiment, l’exercice de la démocratie est un art difficile.
Pour atteindre ces différents objectifs en apparence contradictoires, des distorsions sont inévitables : c’est ainsi que la prime majoritaire, qui assure une majorité stable, aboutit à ce que les 38 élus de la liste arrivée en tête en 2023 représentent chacun (lorsque l’on divise le nombre total de voix obtenues par le nombre d’élus) 1 698 voix, alors que les 16 élus de la liste arrivée en deuxième position ont recueilli une moyenne de 3 507 voix chacun et que les trois élus de la liste arrivée en troisième position en représentent 8 329 chacun.
Après une décennie d’instabilité (2004-2014) préjudiciable à tout le monde, la loi organique de 2011 a permis un retour à une vie politique moins heurtée. En ce sens, elle a été une loi efficace, à défaut d’avoir été parfaite. Un grief principal lui est toutefois opposé : la sous-représentation des oppositions. Mais n’était-ce pas un objectif implicitement recherché ?
Le présent rapport a pour objectif d’essayer de démontrer, en s’appuyant sur un raisonnement juridique, sur les expériences passées et sur des comparaisons avec l’hexagone et quelques pays étrangers, qu’au prix de certaines modifications raisonnables, il est possible de conserver la nécessaire stabilité indispensable à l’épanouissement d’une collectivité territoriale tout en assurant un peu plus de place aux partis minoritaires et d’opposition, comme il sied aux démocraties.
Les recommandations avancées par les rapporteurs sont prudentes, mesurées, et n’ont pour but que de corriger certaines dispositions du texte de 2011 qui ont pu paraître excessives, sans remettre en cause l’économie générale de cette loi organique qui donne globalement satisfaction.
Même si de nombreux observateurs avisés ont fait remarquer que l’instabilité n’était pas liée au mode de scrutin mais à sa mise en œuvre, les rapporteurs, après avoir rencontré la quasi-totalité des responsables politiques polynésiens ainsi que des acteurs du monde économique et social, ne jugent pas inutile d’examiner d’éventuels correctifs à l’actuel mode électoral.
— 1 —
I. la polynésie française a longtemps été marquée par une instabilité politique
Haut-commissaire de la République en Polynésie française de 1994 à 1997, Paul Roncière considérait qu’« un statut ne vaut que par la manière dont il est mis en œuvre et vécu ». Et d’ajouter : « les pratiques institutionnelles locales sont très imaginatives ». Un bref historique circonstancié de la vie politique polynésienne démontre en effet que l’instabilité a longtemps régné sur cette collectivité, à l’instar des autres territoires de la région.
A. des circonstances qui ne favorisent pas la stabilité
1. Un éparpillement géographique qui ne facilite pas l’unité politique
Avec ses 118 îles, dont 76 habitées, éparpillées sur une surface équivalente à celle de l’Europe, avec sa population réduite (280 000 habitants, soit celle de l’Aveyron), concentrée à près de 80 % dans les îles du Vent (Tahiti et Moorea), la Polynésie française est une collectivité tout à fait atypique. L’éparpillement géographique du territoire n’est pas étranger à l’éparpillement politique, tant sur le plan spatial que sur le plan temporel : les partis politiques, surtout jusqu’à la réforme de 2011, étaient nombreux et morcelés, certains ayant pris le parti de ne représenter que leur archipel. Et beaucoup se fracturent, disparaissent, se créent ou se restructurent. L’offre politique varie fortement dans le temps.
Les intérêts des archipels sont souvent présentés comme distincts, voire opposés à ceux de l’île de Tahiti. Les particularismes culturels et linguistiques sont forts, tout particulièrement aux Marquises et aux Tuamotu. L’attachement à la France varie d’ailleurs d’un archipel à l’autre : il est plus fort aux Marquises, où la perspective de départementalisation a parfois été évoquée, que dans les îles du Vent, où les indépendantistes enregistrent leurs meilleurs scores électoraux.
2. Une instabilité politique observée ailleurs en Océanie
Nombre d’élus polynésiens estiment qu’ils sont libres d’utiliser leur mandat, voire de négocier leur appartenance à un parti, en fonction de leur intérêt et de celui de leur électorat. Le maire de Hao indiquait en 2007 : « La population est toujours avec son maire, car une population fait confiance à son maire, sauf s’il ne rapporte pas bien (…) L’intérêt de la population n’est pas tant que vous soyez dans un parti, mais que ses demandes avancent (…) Il faut mettre son cheval dans le bon pâturage. Il faut aller où il y a des moyens, sinon tu ne peux rien ramener en retour à la population » (Tahiti Business n° 56, mai 2007).
Selon le préfet Jacques Barthélemy, auteur d’un rapport qui a conduit à modifier le mode électoral en 2011, « l’éparpillement politique (…) qui n’est pas sans rapport avec l’éparpillement géographique de la Polynésie française, est à l’évidence l’une des causes du “nomadisme politique” : le chef d’un petit parti, surtout s’il possède un fort ancrage local, est tenté de marchander son soutien au plus offrant en échange de quelques “miettes” du pouvoir (un poste de ministre, de dirigeant d’un établissement public ou de SEM) dont il pourra faire bénéficier ses électeurs ou retirera des avantages pour lui-même ou ses proches ». Ce même auteur concluait son rapport en assurant, avec un brin de condescendance, s’être efforcé « de comprendre l’esprit polynésien – qui n’est pas le même que celui des Français métropolitains ».
L’anthropologue Bernard Rigo rappelle que le Polynésien « peut changer de chef, s'affilier à une autre terre, chasser des dieux inefficaces, manipuler sa généalogie, négocier ses appartenances, se constituer un nouveau statut par des actions d'éclat, conquérir un nouveau nom, etc. »
Les universitaires que la mission a rencontrés considèrent que, « dans toutes ces îles, les élections ne représentent pas un moment capital de la vie démocratique, mais simplement un moment parmi d’autres ». Celui qui remporte les élections n’est pas assuré de garder le pouvoir jusqu’à la fin de son mandat.
En effet, c’est alors aux « nomades politiques » d’entrer en scène après une élection. Sont qualifiés de « nomades » les élus qui quittent leur formation politique après un scrutin pour adhérer à un autre parti, faisant et défaisant les majorités. Certains universitaires sont même allés jusqu’à théoriser sur ce « nomadisme », distinguant un « nomadisme de nécessité » d’un « nomadisme d’opportunité ». Sans épiloguer sur ces théories pseudoscientifiques, la mission constate que les exemples d’instabilité politique sont nombreux en Océanie : aux îles Cook, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux îles Salomon, au Vanuatu...
La motion de défiance est alors abondamment utilisée et les majorités, difficiles à constituer, sont fréquemment censurées.
3. Deux périodes de relative stabilité : 1984-1995 puis 1996-2004
La Polynésie a pourtant connu des périodes de stabilité : entre 1984, date de l’obtention du premier statut d’autonomie interne, et 1995, des coalitions gouvernementales ont dirigé le pays. Aucun parti politique n’ayant la majorité absolue, l’alliance entre plusieurs partis était nécessaire. Les coalitions étaient fragiles mais tenaient.
Mais, selon les observateurs, deux décisions nationales stratégiques majeures ont fortement influencé l’évolution politique en Polynésie : la suspension annoncée par François Mitterrand, en avril 1992, puis la reprise décidée par Jacques Chirac, en juin 1995, des essais nucléaires militaires réalisés sur les atolls de Mururoa et Fangataufa.
C’est surtout la décision de reprendre les essais nucléaires, en 1995, qui a déclenché des troubles en Polynésie. La manifestation de protestation des syndicats contre la reprise des essais nucléaires, le 6 septembre, a dégénéré en émeute pendant 24 heures avec comme résultat la destruction à 90 % de l’aéroport de Tahiti-Faa et l’incendie d’une partie importante du centre-ville.
Le sociologue Philippe Braud rappelle qu’aux « lendemains de violences civiles désordonnées, les citoyens excédés ou apeurés en viennent à souhaiter un pouvoir fort, même oppresseur ». Cet état d’esprit expliquerait, selon lui, les majorités absolues obtenues par le Tahoeraa en 1996 puis en 2001 et la période de stabilité politique observée entre 1996 et 2004.
B. Une succession de lois électorales
Depuis 1946, la Polynésie n’a pas connu de véritable période de stabilité, sauf peut-être pendant la période 1980-2000. Au-delà du grand nombre de présidents qui se sont succédé, le territoire a connu six statuts depuis 1957 : en 1957, 1977, 1984, 1996, 2004 et en 2007.
1. La répartition territoriale des sièges n’a cessé d’évoluer
Depuis 1952, la désignation des élus territoriaux se fait par un scrutin de liste à la proportionnelle (à un ou deux tours selon les périodes) à la plus forte moyenne, avec – selon les époques – une prime majoritaire ou non, dans des circonscriptions qui furent cinq à l’origine avant d’être portées au nombre de six à la suite du découpage de la circonscription des Tuamotu-Gambier en 2004. Ce redécoupage fut validé par le Conseil constitutionnel qui précisa, à cette occasion, qu’il faut « tenir compte de l’intérêt général qui s’attache à la représentation des archipels éloignés ».
Répartition territoriale des sièges entre 1946 et 2007
circonscriptions |
1946 |
1952 |
1957 |
1985 |
2000 |
2004 |
Îles du Vent |
10 |
12 |
16 |
22 |
32 |
37 |
Îles Sous-le-Vent |
5 |
6 |
6 |
8 |
7 |
8 |
Îles Marquises |
2 |
2 |
2 |
3 |
3 |
3 |
Îles Australes |
1 |
2 |
2 |
3 |
3 |
3 |
Tuamotu-Gambier (jusqu’en 2004) |
2 |
4 |
4 |
5 |
4 |
|
Îles Tuamotu de l’Ouest |
|
|
|
|
|
3 |
Îles Gambier et Tuamotu de l’Est |
|
|
|
|
|
3 |
Total |
20 |
24 |
30 |
41 |
49 |
57 |
2. Le statut de 2004 : une prime majoritaire fractionnée, donc inefficace
En 2004, le Parlement français a doté la Polynésie d’un mode de scrutin mixte, combinant une prime majoritaire au profit de la liste arrivée en tête, la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et un seuil d’accès à la répartition des sièges. Mais cette prime majoritaire était fractionnée entre les circonscriptions : des partis pouvaient l’obtenir dans certaines circonscriptions mais en être privés dans d’autres au profit de leurs concurrents. Elle perdait donc de facto son efficacité.
Le mode de scrutin défini par les articles 103 et suivants de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, prévoyait notamment le découpage de la Polynésie française en six circonscriptions (îles du Vent, îles Sous-le-Vent, îles Tuamotu de l’Ouest, îles Gambier et Tuamotu de l’Est, îles Marquises et îles Australes). La loi organisait également l’élection au scrutin de liste à un tour, sans panachage, ni vote préférentiel ; un mode de scrutin mixte combinant prime majoritaire au profit de la liste arrivée en tête – pour un tiers des sièges à pourvoir – et représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avec un seuil d’accès à la répartition des sièges fixé à 3 % des suffrages exprimés.
Lors des élections du 23 mai 2004 et de l’élection partielle du 13 février 2005, ce mode de scrutin a permis à l’Union pour la Démocratie (UPLD) d’Oscar Temaru d’obtenir une courte majorité, insuffisante pour garantir la stabilité du gouvernement polynésien.
Fractionnée, la prime majoritaire a perdu toute efficacité et n’a permis à aucune formation politique de revendiquer une majorité absolue, laissant ainsi le champ à des formations minoritaires qui, au gré de leurs alliances, ont fait et défait les majorités à l’Assemblée de la Polynésie française.
La modification du mode de scrutin est rapidement apparue inévitable
3. Les statuts de 2007 : la suppression de la prime majoritaire
L’année 2007 a été fructueuse en matière de loi électorale en Polynésie puisque, en l’espace de dix mois, deux lois organiques ont été adoptées par le Parlement français, modifiant profondément le mode électoral en vigueur.
a. La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007
Prenant acte de l’échec du mode de scrutin institué en 2004 pour garantir une majorité stable de gestion et conformément aux vœux de M. Gaston Tong Sang alors président de la Polynésie française, le législateur a adopté la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions institutionnelles et statutaires relatives à l’outre-mer qui :
- confirmait un scrutin à un seul tour ;
- supprimait la prime majoritaire ;
- rétablissait un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour l’accès à la répartition des sièges.
b. La loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007
Il a été jugé que le mode de scrutin instauré en février 2007 comportait toujours un risque d’instabilité. Aussi, afin de favoriser la clarté des alliances électorales et la constitution de majorités, une nouvelle modification électorale est intervenue fin 2007. La loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007, dite loi Estrosi, a prévu l’élection des représentants au scrutin de liste à deux tours, toujours à la représentation proportionnelle, en suivant la règle de la plus forte moyenne dans les six circonscriptions qui existaient alors.
Le seuil de 5 % des suffrages exprimés pour l’accès à la fusion des listes et à la répartition des sièges n’a pas été modifié, tandis que seules les listes ayant atteint 12,5 % des suffrages exprimés au premier tour pouvaient participer au second.
La mise en place d’un second tour avait pour objectif d’inciter les candidats du premier tour à se rassembler dans des alliances, surtout lorsqu’ils n’étaient pas en mesure de se présenter au second.
Lors des élections qui se sont tenues les 27 janvier et 10 février 2008, cet objectif n’a pas été atteint. Aucun parti politique n’a formé d’alliance entre les deux tours. Le To Tatou Ai’a du président Gaston Tong Sang a obtenu une faible majorité relative, l’absence de prime majoritaire ayant empêché la formation d’une majorité stable. L’instabilité politique a donc perduré en Polynésie
Tableau récapitulatif des modes de scrutins entre 1996 et 2011
|
Nombre de circonscriptions |
Nombre de tours |
Accès 2e tour |
Possibilité de fusion des listes |
Accès répartition des sièges |
Prime majoritaire |
Statut de 1996 modifié en 2001 |
5
|
1 |
Sans objet |
5 % |
Non |
|
Loi de 2004 |
6 |
1 |
3 % |
Oui (1/3 des sièges) |
||
Loi de février 2007 |
6 |
1 |
|
5 % |
Non |
|
Loi de décembre 2007 |
6 |
2 |
12,5 % des suffrages exprimés |
5 % des suffrages exprimés |
5 % |
Non |
4. Onze changements de présidents en neuf ans (2004-2013)
Entre le 30 juin 2004 et le 17 mai 2013, en l’espace de neuf ans, la Polynésie enregistre onze changements de présidents. Mais en réalité, il n’y a que trois protagonistes – Oscar Temaru, Gaston Flosse et Gaston Tong Sang – qui occupent alternativement la présidence, la plupart du temps pour des durées de quelques mois. Chaque gouvernement est marqué par une succession de démissions ministérielles, empêchant tout travail suivi. L’instabilité politique atteint alors à son paroxysme. La réforme de 2011, entrée en application à l’occasion des élections de 2013, apporte de la stabilité à partir de 2014.
Liste des présidents de l’Assemblée de Polynésie française
Date de l’élection du président de la Polynésie française |
Titulaire de la Fonction |
Parti politique |
30 juin 2004 |
Oscar Temaru |
Union pour la démocratie |
22 octobre 2004 |
Gaston Flosse |
Tahoera’a Huiraatira |
3 mars 2005 |
Oscar Temaru |
Union pour la démocratie |
26 décembre 2006 |
Gaston Tong Sang |
Tahoera’a Huiraatira |
13 septembre 2007 |
Oscar Temaru |
Union pour la démocratie |
23 février 2008 |
Gaston Flosse |
Tahoera’a Huiraatira |
15 avril 2008 |
Gaston Tong Sang |
To Tatou Ai’a |
11 février 2009 |
Oscar Temaru |
Union pour la démocratie |
24 novembre 2009 |
Gaston Tong Sang |
To Tatou Ai’a |
1er avril 2011 |
Oscar Temaru |
Union pour la démocratie |
17 mai 2013 |
Gaston Flosse |
Tahoera’a Huiraatira |
12 septembre 2014 |
Édouard Fritch |
Tahoera’a Huiraatira |
18 mai 2018 |
Édouard Fritch |
Tapura Huiraatira |
30 avril 2023 |
Moetai Brotherson |
Tavini Huiraatira |
Source : Dr Sémir Al Wardi, professeur à l’université de la Polynésie française
Cette instabilité chronique, qui a nui au développement économique de la collectivité, a conduit le gouvernement français à mettre en place une importante réforme de la loi électorale en 2011.
II. une réforme qui a réussi à stabiliser les institutions
Les règles institutionnelles françaises sont ainsi faites que la Polynésie, pas plus que les autres collectivités ultramarines, ne peut modifier elle-même son statut. Une loi organique adoptée par le Parlement national était donc nécessaire pour stabiliser la vie politique polynésienne.
A. une modification profonde du mode de scrutin
1. Le rapport commandé en 2010 au préfet Jacques Barthélemy
Le 27 avril 2010, Mme Marie-Luce Penchard, alors ministre chargée de l’outre-mer, chargeait le préfet et conseiller d’État en service extraordinaire Jacques Barthélemy de lui rendre un rapport « sur la réforme du mode de scrutin et la stabilisation nécessaire des institutions polynésiennes ».
À l’issue d’une mission menée en Polynésie du 26 au 30 mai 2010, Jacques Barthélemy, assisté de MM. Xavier Péneau et Xavier Barrois, rendait un rapport de 43 pages (hors annexes) préconisant de cumuler les dispositions devant permettre d’assurer de confortables et stables majorités :
- le maintien d’un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés pour qu’une liste puisse accéder au second tour, conformément à la réforme de 2008 ;
- le maintien d’un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour que des listes non qualifiées pour le second tour puissent fusionner avec des listes qualifiées.
- l’ajout d’une prime majoritaire de 33 % (19 sièges sur 57), telle qu’elle apparaissait dans la réforme de 2004, Cette prime avait été supprimée après le scrutin de 2004.
Par ailleurs, le rapport préconisait de « rationaliser » le dépôt des motions de défiance que les élus peuvent déposer à l’encontre du gouvernement en limitant le nombre de motions à une par an, en exigeant une majorité qualifiée de 35 élus pour leur dépôt et en exigeant que le nom du nouveau président pressenti figure sur la motion déposée.
2. Une réforme à l’initiative du gouvernement français
En 2011, le mode de scrutin de l’Assemblée de Polynésie a été réformé pour la troisième fois en sept ans.
Le texte, dans sa forme déposée par le gouvernement, proposait l’instauration d’une prime majoritaire équivalant à un tiers des sièges de l’Assemblée, sans modifier le découpage des cinq circonscriptions de l’époque. Chaque liste arrivée en tête dans les différentes circonscriptions obtenait ainsi une prime majoritaire.
Lors de l’examen du texte par la Commission des lois du Sénat, l’attribution de primes majoritaires par circonscription a été amendée. En effet, comme nous l’avons vu en 2004, la répartition des sièges réservés à la prime majoritaire entre les différentes listes gagnantes selon les circonscriptions ne permettait pas de dégager une majorité stable à l’Assemblée.
Les observateurs le confirment : « Ce fractionnement de la prime majoritaire, entre les différentes circonscriptions, identique au système établi en 2004, risquait fort de produire les mêmes conséquences, à savoir, un émiettement de la prime majoritaire entre différentes listes, et sa conséquence, le défaut d’émergence d’une majorité stable. » ([1])
3. L’apport essentiel de la commission des lois du Sénat
Finalement, la Commission des lois opta pour la création d’une circonscription unique divisée en sections afin de s’assurer qu’une seule liste bénéficie des 19 sièges de la prime majoritaire. Pour autant, le niveau de cette prime, fixé à 33 % par le rapport Barthélemy et par le gouvernement, fut conservé pour plusieurs raisons.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois du Sénat, explique le choix d’une prime majoritaire aussi élevée :
« Afin que la question de la prime majoritaire soit mieux comprise, il faut reprendre la genèse du dossier. Quand le Gouvernement a proposé une prime de 33 %, il se fondait sur un système comportant cinq circonscriptions. De fait, compte tenu du poids d’archipels éloignés dans certaines de ces circonscriptions, une prime d’un tiers était nécessaire pour que puisse exister une relative stabilité. »
« Il est vrai que, dès lors que l’on opte pour un système de circonscription unique, une prime de 25 % pourrait être suffisante. Toutefois, il faut prendre garde à la cohérence de l’ensemble. N’oubliez pas que, si nous avons retenu le principe de la circonscription unique avec sections, nous avons également décidé de ramener les conditions d’adoption d’une motion de défiance de l’obtention des trois cinquièmes des voix à celle de la majorité absolue. Or, en l’absence d’une prime de 33 %, la possibilité d’adopter une motion de défiance dans ces conditions est dangereuse. »
« Je m’adresse à nos collègues du groupe CRC-SPG : une majorité de trente et un sièges sur cinquante-sept est fragile puisqu’il n’est besoin que de « débaucher » deux personnes pour la renverser. On se retrouverait presque dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, ce qui n’est guère satisfaisant. »
« Si l’on optait pour une prime de 25 % au lieu de 33 %, il faudrait en revenir à l’exigence d’une majorité des trois cinquièmes pour l’adoption d’une motion de défiance. » ([2])
La première raison invoquée est donc la formation d’une majorité assez large à l’Assemblée de Polynésie afin que celle-ci soit protégée d’un potentiel vote de défiance qui se jouerait à 2 ou 3 voix, le rapporteur rejetant l’idée d’une majorité qualifiée pourtant préconisée par le rapport Barthélemy.
La seconde raison est d’ordre plus pratique. En fixant la prime à un tiers et non à un quart, il était possible de répartir les sièges obtenus au travers de la prime majoritaire entre les différentes sections sans modifier le nombre d’élus.
« En outre, la fixation du montant de cette prime à un tiers des sièges s’est également avérée bien pratique au moment d’opérer sa répartition entre les huit sections qui composent désormais la circonscription électorale ; quatre d’entre-elles comportant trois sièges. »
« Si la prime majoritaire ne s’était élevée qu’à un quart des sièges, sa répartition se serait avérée malaisée à effectuer et cela aurait peut-être conduit à accorder un siège supplémentaire à ces quatre sections. »
« Or, si le Conseil constitutionnel a jugé que la fixation d’un minimum de trois sièges par circonscription « n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation », il a aussi repris son fameux considérant sur l'égalité devant le suffrage en vertu duquel « s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription ou section électorale ni qu'il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».
Dès lors, on peut se demander si la décision de doter chaque section d’un minimum de quatre sièges n’aurait pas risqué d’être jugée constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation. ([3])
4. Les réticences des Polynésiens
C’est dans sa forme amendée par le Sénat que la loi organique la loi organique 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française fut promulguée. Pourtant, le nouveau mode de scrutin ne faisait pas l’unanimité en Polynésie.
Le texte fut adopté malgré l’émission, en avril 2011, d’un avis de l’Assemblée de Polynésie qui réclamait à l’unanimité une prime fixée à seulement 25 % des sièges, soit 15 élus ([4]).
Le sénateur de Polynésie française, Richard Tuheiava (Groupe socialiste et Tavini huiraatira), déposa un amendement dans ce sens mais finit par le retirer face aux avis négatifs du gouvernement et de la commission des lois.
B. Le mode de scrutin en vigueur depuis la réforme de 2011
1. Le principe d’un scrutin de liste à deux tours
Le mode de scrutin de l’Assemblée polynésienne reste donc régi par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, modifiée par la loi organique 2011-918 du 1er août 2011.
Dans le chapitre II, les articles 103 à 105 disposent :
- Article 103 : « L’assemblée de la Polynésie française est élue au suffrage universel direct. »
- Article 104 : « L’assemblée de la Polynésie française est composée de cinquante-sept membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement. »
« Les pouvoirs de l’assemblée de la Polynésie française expirent lors de la première réunion de l'assemblée nouvellement élue en application des dispositions du premier alinéa du I de l'article 107. Cette disposition n'est pas applicable en cas de dissolution. »
« La Polynésie française forme une circonscription électorale unique, composée de huit sections. Chaque section dispose d’un minimum de représentation. Ce minimum est fixé à trois sièges ».
- Article 105 : « I. - Les représentants à l’assemblée de la Polynésie française sont élus au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée de huit sections. »
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation dans chaque section. »
« Sont éligibles dans une section tous les électeurs d’une commune de la section et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes d’une commune de la section ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l’élection. »
2. Une prime attribuée à un seul parti mais ventilée par archipel
La prime majoritaire est attribuée à un seul parti, celui arrivé en tête à l’échelle de la Polynésie, et n’est plus fractionnée entre les partis en fonction des résultats obtenus à l’échelle des différents archipels, comme ce fut le cas en 2004. Pour autant, la désignation des élus qui constituent cette prime attribuée au parti vainqueur, se fait par section, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, par archipel.
C’est l’article 105 qui prévoit, dans son II, la ventilation des membres élus grâce à la prime majoritaire. Cette disposition permet une répartition harmonieuse des élus de la prime majoritaire sur l’ensemble du territoire. Elle présente toutefois l’inconvénient d’imposer un élu de la majorité à certains archipels qui auraient pourtant pu voter de manière quasi unanime pour l’opposition. Cette hypothèse n’est pas une vue de l’esprit mais se produit régulièrement, plusieurs archipels éloignés ayant pour habitude de voter en opposition massive avec les tendances observées dans les îles de la Société (Tahiti, Moorea, Iles-sous-le-Vent).
« II. - Au premier tour de scrutin, dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription. Ces sièges sont répartis dans chaque section conformément au tableau ci-après :
Première section des îles du Vent |
4 |
Deuxième section des îles du Vent |
4 |
Troisième section des îles du Vent |
4 |
Section des îles Sous-le-Vent |
3 |
Section des îles Tuamotu de l’Ouest |
1 |
Section des îles Gambier et des îles Tuamotu de l’Est |
1 |
Section des îles Marquises |
1 |
Section des îles Australes |
1 |
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l'ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section. »
« III. - Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour le deuxième dimanche qui suit le premier tour. Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du total des suffrages exprimés. Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, la liste ayant obtenu après celle-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second tour. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second tour. »
3. La fusion des listes reste possible mais est encadrée
Des candidats inscrits sur une liste n’ayant pas atteint le seuil de 12,5 % peuvent être « accueillis » sur des listes ayant franchi ce seuil, mais sous certaines conditions restrictives : leur propre liste doit avoir obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés ; les candidats issus d’une liste non qualifiée ne peuvent être accueillis que par une seule et même liste qualifiée, pour ne pas se disperser ; ils doivent obtenir l’autorisation de leur chef de liste d’origine : pas d’initiative personnelle.
« La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes, sous réserve que celles-ci ne se présentent pas au second tour et qu'elles aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés. En cas de modification de la composition d’une liste, l’intitulé de la liste et l’ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié aux services du haut-commissaire par le candidat placé en tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour.
« Dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés à ce second tour dans la circonscription. Ces sièges sont répartis entre chaque section conformément au tableau du II. En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège dans une section, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus ».
C. Une loi électorale mise en œuvre à trois reprises
Le mode de scrutin adopté en 2011 a été utilisé pour les élections de 2013, 2018 et 2023. Depuis 2013, la majorité a, par trois fois, obtenu 38 élus sur 57, soit une majorité des deux tiers, assurant une stabilité politique forte mais qui a eu pour conséquence un écrasement de l’opposition.
1. Les résultats éloquents des scrutins depuis la réforme de 2011
Lors des élections de 2013 comme de celles de 2018, trois partis ont dominé le scrutin, les autres affichant des scores très éloignés du seuil permettant de se maintenir au second tour.
Résultats des élections des 21 avril et 5 mai 2013
Parti |
Nombre de voix au premier tour (%) |
Nombre de voix au second tour (%) |
Nombre d’élus |
Tahoeraa Huiraatira |
40,16 |
45,11 |
38 |
Union pour la Démocratie |
24,05 |
29,26 |
11 |
A Ti’a Porinetia |
19,92 |
25,63 |
8 |
Maohi Tatou |
5,7 |
|
|
Ia tura to’u fenua |
3,6 |
|
|
Te ara ti’a |
3,1 |
|
|
Te hiti tau api |
2,41 |
|
|
Rassemblement pour le Respect des Populations Polynésiennes (RRPP) |
0,69 |
|
|
Amuitahiraa |
0,35 |
|
|
Sources : Commission de recensement général des votes à l'occasion de l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française des 21 avril et 5 mai 2013 et Résultats du premier tour des élections territoriales de 2013
Même si l’ordre d’arrivée a évolué dans le temps, de même que certaines appellations, les ordres de grandeur en nombre de voix se sont avérés comparables (40 à 43 % pour le premier, 24 à 29 % pour le deuxième, 20 % pour le troisième), ce qui explique que le parti arrivé en tête ait à chaque fois obtenu 38 sièges, le deuxième 11 et le troisième 8.
Résultat des élections des 22 avril et 6 mai 2018
Parti |
Nombre de voix au premier tour (%) |
Nombre de voix au second tour (%) |
Nombre d’élus |
Tapura Huiraatira |
43,04 |
49,18 |
38 |
Tahoeraa Huiraatira |
29,41 |
27,70 |
11 |
Tavini Huiraatira |
20,71 |
23,12 |
8 |
Te Ora Api no Porinetia |
3,69 |
|
|
E Reo Manahune |
2 |
|
|
Dignité Bonheur |
1,15 |
|
|
Sources : Election des représentants à l'Assemblée de la Polynésie française - 2018 et les résultats du premier tour et les résultats définitifs du second tour de l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française
Lors des élections de 2023, beaucoup d’observateurs, à commencer par les candidats en cause, ont considéré comme injuste que le quatrième parti en lice, Amuitahiraa O te Nunaa Maohi, soit privé de second tour pour n’avoir pas atteint le seuil de 12,5 % des voix, alors même que son score de 11,88 % lui accordait une représentativité certes minoritaire mais réelle, surtout comparée aux partis derrière lui et qui, pour leur part, avaient obtenu des scores bien plus faibles. Si le seuil permettant de se maintenir au second tour avait été fixé à 10 % comme c’est le cas pour l’élection des conseils régionaux dans l’hexagone, un quatrième parti aurait été représenté au sein de l’Assemblée, ce qui n’aurait pas forcément nui à la pluralité des débats.
Résultats des élections des 16 et 30 avril 2023
Parti |
Nombre de voix au premier tour (%) |
Nombre de voix au second tour (%) |
Nombre d’élus |
Tavini Huiraatira ne te ao maohi |
34,90 |
44,32 |
38 |
Tapura Huiraatira |
30,46 |
38,53 |
16 |
A here ia Porinetia (Ahip) |
14,53 |
17,16 |
3 |
Amuitahiraa O te Nunaa Maohi |
11,88 |
|
|
Ia Ora te Nunaa |
4,36 |
|
|
Hau ma’ohi |
1,98 |
|
|
Heiura les Verts |
1,91 |
|
|
Sources : Résultats définitifs du 1er tour et résultats définitifs du second tour des élections des représentants à l'Assemblée de la Polynésie française et trombinoscope de l'assemblée territoriale de Polynésie française
Notons que, en 2023, le parti arrivé en tête a réalisé un score inférieur (34,9 %) à celui enregistré par ceux arrivés en tête en 2013 (40,2 %) et en 2018 (43 %). Pour autant, il a obtenu le même nombre de sièges : 38. La lourdeur de la prime (19 sièges), conjuguée à un calcul qui se fait à la plus forte moyenne, explique ce résultat qui assure de toute évidence une forte stabilité au détriment du sens de la nuance, comme disent certains.
2. Une stabilité retrouvée qui n’a pas empêché les scissions
Cependant, le risque de scission au sein des partis dominants n’a pas été écarté par cette réforme et, depuis 2013, l’Assemblée territoriale de Polynésie française a connu plusieurs « recompositions » de son paysage politique.
La première scission s’est produite en mai 2015 lorsqu’Édouard Fritch a quitté le Tahoeraa huiraatira du fait de son opposition grandissante à Gaston Flosse, leader historique du parti, à qui il avait succédé à la présidence de la Polynésie en 2014. Suivi par une partie des élus du Tahoeraa, Édouard Fritch s’est alors allié avec la formation autonomiste de Teva Rohfritsch, A Ti’a Porinetia, ce qui lui a garanti une majorité relative.
À la fin de l’année 2015, de nouveaux élus du Tahoeraa ainsi que Joëlle Frébault, de l’Union pour la Démocratie, ont décidé de le rejoindre, formant un nouveau groupe politique appelé Rassemblement pour une majorité autonomiste (RMA). C’est de la fusion des différentes composantes de cette formation qu’est né, le 20 février 2016, le parti autonomiste Tapura huiraatira.
Une deuxième scission au sein de la majorité a eu lieu lors de la précédente mandature lorsque, en 2020, des élus ont quitté le parti hégémonique de l’époque, le Tapura. Ces élus ont créé le parti A Here Ia porinetia (Ahip) l’une des trois composantes actuelles de l’Assemblée de Polynésie française.
Enfin, en septembre 2022, c’est le sénateur et ancien ministre polynésien Teva Rohfritsch qui a quitté le Tapura pour créer un nouveau parti autonomiste, Ia Ora te Nuna'a.
3. Une opposition réduite à la portion congrue
Ainsi, les résultats des élections de 2023 montrent que le mode électoral utilisé privilégie les grands partis, à commencer par celui arrivé en tête, au détriment des autres, créant une distorsion entre l’attribution des sièges et la volonté exprimée par les électeurs.
Ainsi, le Tavini, arrivé en tête avec 64 551 voix a obtenu 38 sièges, soit un siège pour 1 698 voix. Le Tapura, arrivé en deuxième position avec 56 118 voix, a obtenu 16 sièges, soit un siège pour 3 507 voix. L’Ahip, arrivé en troisième position avec 24 989 voix, n’a obtenu que trois sièges, soit un siège pour 8 329 voix. Peut-on dire pour autant qu’un élu de l’Ahip représente cinq fois un élu du Tavini (rapport entre 8 329 et 1 698) ?
L’Assemblée de Polynésie ayant fixé à six le nombre minimum d’élu nécessaire à la formation d’un groupe, il en résulte que seuls deux groupes sont représentés au sein de cette assemblée, les trois élus Ahip représentant chacun 8 329 électeurs étant considérés comme des non-inscrits.
La voix de chaque électeur n’a donc pas le même poids politique et le bipartisme qui s’est instauré depuis deux ans peut conduire des électeurs qui se sentent non représentés à se réfugier dans l’abstention. Si l’on peut admettre qu’une certaine distorsion est inévitable pour transformer des résultats électoraux parfois serrés en majorités stables, il importe de conserver un certain sens de la nuance pour ne pas alimenter un sentiment d’injustice démobilisateur.
III. Quelques comparaisons nationales et internationales
L’utilisation d’un mode de scrutin proportionnel avec une prime majoritaire n’est pas propre à la Polynésie française, ni même à la France. Ce mode de scrutin hybride est apparu pour la première fois en Italie avant-guerre et est aujourd’hui utilisé lors des élections locales en France (régionales, municipales, territoriales ultramarines), en Italie (régionales, provinciales et municipales), en Grèce, mais aussi dans beaucoup d’autres pays.
A. Les élections locales à la proportionnelle en France
1. Les élections dans les régions hexagonales
Le mode de scrutin actuel en Polynésie française est inspiré de celui utilisé depuis 2003 pour les élections régionales sur l’ensemble du territoire hexagonal français. Ils sont sensiblement similaires dans la mesure où ils consistent en un scrutin de liste proportionnel à deux tours avec une prime majoritaire. Comme en Polynésie, la région est divisée en sections électorales qui correspondent aux départements qui composent la région.
Dans l’hexagone, pour qu’une liste puisse accéder au second tour, il faut qu’elle ait obtenu 10 % des suffrages au minimum, contre 12,5 % actuellement à l’élection de l’Assemblée de Polynésie. Dans l’hexagone comme en Polynésie, une liste peut fusionner avec une autre si elle a obtenu au minimum 5 % des voix.
La différence majeure entre les scrutins hexagonaux et les autres scrutins ultramarins concerne la part des sièges accordée à la liste ayant remporté la prime majoritaire. En Polynésie, cette dernière correspond à 19 sièges sur 57, soit un tiers de l’Assemblée.
L’article L. 338 du code électoral, concernant les conseils régionaux, indique qu’un quart des sièges de conseillers sont accordés à la liste arrivée en tête en cas d’absence de majorité absolue à l’issue des deux tours. Dans le droit commun, cette prime n’est donc pas automatique et reste plafonnée à 25 %
2. Les élections dans les collectivités à statut particulier
Les départements et régions d’outre‑mer (DROM) de Martinique et de Guyane ont fait le choix d’instaurer cette prime à 20 %. La loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités de Guyane et de Martinique instaure une prime majoritaire de onze sièges au bénéfice de la liste recueillant la majorité absolue des suffrages exprimés. Ce faisant, les deux collectivités ont fait le choix d’une prime majoritaire d’un niveau inférieur à celui existant depuis 2003 pour les élections régionales hexagonales.
Comparaison des modes électoraux en vigueur pour l’élection des assemblées territoriales dans les outre-mer et en Corse
Territoire
|
Population |
Nombre de membres |
Mode de scrutin |
Seuil pour le deuxième tour |
Prime majo-ritaire |
Guadeloupe |
388 197 habitants soit un élu pour 9 243 hab. (Dépt) et pour 9 468 hab. (Région) |
Dépt : 42 |
Dépt : Scrutin binominal majoritaire à deux tours (21 cantons) |
Dépt : 12,5 % des voix des électeurs inscrits |
25 % (Rég.) |
Martinique |
364 991 habitants soit un élu pour 7 157 hab. |
51 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours à la plus forte moyenne avec prime majoritaire. Circonscription unique divisée en 4 sections |
10 % du total des suffrages exprimés |
20 % |
Guyane |
312 352 habitants soit un élu pour 5 281 hab. |
55 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours à la plus forte moyenne avec prime majoritaire. Circonscription unique divisée en 8 sections |
10 % du total des suffrages exprimés |
20 % |
La Réunion |
891 190 habitants soit un élu pour 17 824 hab. (Dépt) et pour 19 804 hab. (Région) |
Dépt : 50 |
Dépt : Scrutin binominal majoritaire à deux tours (25 cantons) Circonscription unique |
Dépt : 12,5 % des voix des électeurs inscrits |
25 % (Rég.) |
Mayotte (statut actuel) |
321 000 habitants soit un élu pour 12 346 hab. |
26 |
Scrutin binominal majoritaire à deux tours (13 cantons) |
12,5 % des voix des |
Sans objet |
Mayotte (après la réforme envisagée) |
321 000 habitants soit un élu pour 6 173 hab. |
52 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours avec prime majoritaire Circonscription unique divisée en 5 sections |
|
25% |
St-Barthélemy |
10 656 habitants, soit un élu pour 561 hab. |
19 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours Circonscription unique |
10 % du total des suffrages |
33% |
St-Martin |
31 951 habitants soit un élu pour 1 389 hab. |
23 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours Circonscription unique |
10 % du total des suffrages |
33% |
St-Pierre |
5 987 habitants soit un élu pour 315 hab. |
19 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours Circonscription unique divisée en 2 sections |
10 % du total des suffrages |
53% |
Polynésie française |
278 786 habitants, soit un élu pour 4 890 hab. |
57 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours Circonscription unique divisée en 8 sections |
12,5 % des suffrages exprimés |
33 % |
Wallis et Futuna |
11 231 habitants soit un élu pour 562 hab. |
20 |
Scrutin de liste proportionnel à un tour. Cinq circonscriptions |
Sans objet |
Sans objet |
Nouvelle-Calédonie |
271 407 habitants soit un élu pour 5 026 hab. |
54 |
Scrutin de liste proportionnel à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne. Trois circonscriptions |
Sans objet |
Sans objet |
Corse |
356 219 habitants soit un élu pour 5 654 habitants |
63 |
Scrutin de liste proportionnel à deux tours avec prime majoritaire. Circonscription unique |
7 % du total des suffrages exprimés |
18 % |
N.B. 1 : toutes les collectivités listées ci-dessus ne disposent que d’une seule assemblée, à l’exception de la Guadeloupe et de La Réunion qui ont gardé à la fois un Conseil départemental et un Conseil régional.
N.B. 2 : chaque fois que le scrutin est organisé à la représentation proportionnelle, c’est le mode de calcul à la plus forte moyenne qui est retenu, et non celui au plus fort reste.
Le mode d’élection des membres de l’Assemblée de Corse n’accorde, quant à lui, qu’une prime de 18 % des sièges à la liste gagnante. Cette part de sièges accordée à la liste arrivée en tête est la même depuis la loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
La Nouvelle-Calédonie, qui dispose aussi d’un scrutin de liste proportionnel à un tour, ne prévoit aucune prime majoritaire. Ce mode de scrutin n’a pas changé depuis 1989 et les accords de Matignon.
Ainsi, nous pouvons remarquer que la prime majoritaire est utilisée dans la plupart des régions françaises. Néanmoins, le cas polynésien se caractérise par le fait que la part de sièges réservée à la liste arrivée en tête est la plus élevée entre tous les scrutins régionaux.
Les seules collectivités ultramarines avec une prime majoritaire aussi élevée sont beaucoup moins peuplées. Saint-Barthélemy et Saint-Martin réservent à la liste arrivée en tête 33 % des sièges des conseils territoriaux tandis que Saint‑Pierre-et-Miquelon accorde 10 sièges sur 19 à la liste arrivée en tête, ce qui constitue un cas assez rare et atypique.
À l’échelle communale, le mode de scrutin est fortement similaire à celui des régions. La proportionnelle à deux tours est utilisée, mais la prime majoritaire s’élève à 50 % des sièges, garantissant ainsi la formation d’une majorité au conseil communal.
B. rapide survol de quelques scrutins étrangers
Les collectivités françaises ne sont pas les seules à utiliser le mode de scrutin à la proportionnelle. Les exemples de nos proches voisins montrent que les variantes de la représentation proportionnelle sont multiples et variables, non seulement d’un pays à l’autre mais aussi d’une région à l’autre au sein d’un même État.
1. Les élections régionales italiennes
Les scrutins régionaux italiens sont un autre cas d’utilisation de la prime majoritaire. L’utilisation de ce mode de scrutin dans la majorité des régions est permise par la Constitution italienne qui dispose que « les présidents de régions ont le droit de disposer d’une majorité stable au conseil régional ». Ainsi, la majorité des régions à statut ordinaire ont opté pour la proportionnelle à un tour avec une prime majoritaire variable.
Le jour des élections, les Italiens sont appelés à voter simultanément lors de deux scrutins à un tour. Le premier vote est destiné à attribuer une part des sièges du conseil régional à la proportionnelle. Le second bulletin, quant à lui, sert à élire le président du conseil régional.
La liste du président du conseil régional, élu lors de ce second scrutin, se voit attribuer une prime majoritaire. Celle-ci est variable dans la mesure où elle dépend des résultats obtenus par la liste présidentielle lors du premier scrutin :
- si ce premier scrutin n’a pas dégagé de majorité pour le président, la prime majoritaire sera réévaluée à la hausse pour que la liste présidentielle dispose d’une majorité stable au conseil régional. En fonction des régions, l’ajustement de la prime majoritaire permet à la liste du président d’obtenir entre 50 % et 60 % des sièges ;
- dans le cas où une majorité présidentielle s’est dégagée lors du premier scrutin, la prime majoritaire est limitée à quelques sièges pour que la part totale obtenue par la liste présidentielle ne dépasse pas un certain seuil.
Ainsi, ce mode de scrutin avec une prime majoritaire non fixe garantit au président d’obtenir une majorité au conseil régional. Un « plafond » de prime majoritaire permet aussi de représenter les partis d’opposition.
2. La représentation proportionnelle en Allemagne
La République fédérale d’Allemagne utilise la représentation proportionnelle aussi bien à l’échelon fédéral qu’au niveau des régions, les Länder. Et le législateur allemand sait faire preuve d’imagination pour utiliser toutes les subtilités de ce mode d’élection.
a. Le système électoral au niveau fédéral
Outre-Rhin, ainsi que le souligne le professeur Alexis Fourmont ([5]), la législation électorale est d’une extrême complexité. En effet, pour l’élection des députés fédéraux au Bundestag, chaque électeur dispose de deux voix : avec la première, il concourt à la désignation d’un candidat de circonscription au scrutin majoritaire uninominal à un tour ; avec la seconde voix, il vote pour l’une des listes en compétition, à la proportionnelle au niveau des Länder. La première voix se dirige vers une personnalité politique, la seconde vers un parti. Tous les députés du Bundestag ne sont donc pas élus de la même façon, même si les sièges obtenus par le biais de la seconde voix sont pourvus, en priorité, par les députés élus par le biais de la première voix.
Afin de bénéficier d’une représentation au sein du Bundestag, un parti doit obtenir au minimum 5 % des voix au niveau fédéral, ou alors un mandat direct dans 3 circonscriptions différentes. S’agissant d’un scrutin proportionnel à un seul tour, la question du seuil pour se présenter au second tour ne se pose pas.
Jusqu’à une réforme de 2023, le nombre de sièges au Bundestag n’était pas fixe et pouvait être ajusté à la hausse grâce à des « mandats de surreprésentation (Überhangmandat) et de compensation (Ausgleichsmandat) ». Que faire, en effet, lorsqu’un parti obtient, par le jeu des premières voix, plus de mandats directs que le nombre qui aurait dû être le sien en raison de la proportion de ses deuxièmes voix ? Dans ce cas, les candidats concernés se voyaient attribuer un mandat « supplémentaire » ou de « surreprésentation », augmentant en conséquence le nombre de sièges au Bundestag. À partir de la fin des années 1990, à la faveur de l’accroissement du nombre de partis politiques, ces mandats se sont multipliés (24 en 2009, 49 en 2017) et le nombre de députés a crû en conséquence, jusqu’à 709 en 2017 et 733 en 2021, pour un effectif théorique de 598.
Malgré cette inflation des effectifs, le Parlement allemand connaît une grande stabilité, en raison notamment des effets du seuil électoral de 5 %, mais sa capacité d’évolution est réelle. Avec le temps, certains partis « non établis » ont pu s’intégrer au paysage politique et s’y ancrer durablement, ainsi qu’en témoigne l’émergence successive des Verts (Bündnis 90/Die Grünen), puis de Die Linke et, plus récemment, de l’Alternative für Deutschland (AfD). Ce modèle a conduit à la stabilité gouvernementale, grâce à la rationalisation de l’échiquier politique : le nombre de groupes parlementaires est passé de 10 en 1949 à 4 avant la réunification (1990) et, désormais, à 5.
b. Les élections des parlements régionaux allemands (Länder)
Au niveau des Länder, c’est le scrutin proportionnel qui est retenu. Chaque Land pouvant apporter des nuances à son mode électoral, il existe pratiquement autant de types de scrutins que de territoires. Toutefois, aucun des Länder n’attribue de prime majoritaire.
Le seuil de 5 % des voix pour participer à l’attribution des sièges, qui existe au niveau fédéral mais qui souffre d’exceptions (cf. supra), a été censuré au niveau des régions, la Cour constitutionnelle fédérale l’ayant jugé non démocratique.
Enfin, plusieurs Länder, notamment ceux du Bade-Wurtemberg et de la Bavière, autorisent les électeurs à modifier l’ordre des candidats sur les listes, voire à panacher les candidats de plusieurs listes. Il en résulte que 80 % des listes sont modifiées par le vote des électeurs. Cette disposition, qui ne facilite certes pas les dépouillements, donne aux électeurs le sentiment de pouvoir participer à l’élaboration des listes, habituellement concoctées dans le secret des états-majors politiques. L’un des principaux reproches habituellement adressés à la représentation proportionnelle reçoit ainsi un début de réponse. Le taux de participation particulièrement élevé traditionnellement enregistré lors des élections législatives allemandes (82,5 % lors des élections de février 2025) s’explique-t-il par ce pouvoir donné aux électeurs de « corriger » les listes ?
Le fait que les modes de scrutins utilisés soient différents d’un Land à l’autre et en perpétuelle évolution (aussi bien au plan régional qu’au plan national) prouve que les Allemands – pas plus que les Français – n’ont trouvé la martingale.
3. Pays-Bas, Espagne : la proportionnelle intégrale
Dans la majorité des élections locales des autres démocraties d’Europe occidentale, la proportionnelle intégrale, sans attribution de prime majoritaire, est la règle.
C’est le cas pour les Parlements des « Communautés autonomes espagnoles ». Depuis l’adoption de la Constitution de 1978, à la chute du régime de Franco, un « statut d’autonomie » encadre les 17 communautés et deux cités autonomes. Chacune d’entre elles dispose d’un pouvoir exécutif et d’un Parlement élu au suffrage universel direct. Même si le mode de scrutin peut-être légèrement différent selon les communautés, l’usage de la proportionnelle intégrale est largement répandu.
Les Pays-Bas sont quant à eux divisés en douze provinces. Tous les quatre ans, les citoyens élisent leurs « États provinciaux » Ces instances, qui jouent le rôle d’assemblées territoriales, sont élues lors d’un scrutin proportionnel de liste sans prime majoritaire.
IV. Comment corriger les excès de la réforme de 2011 ?
Les rapporteurs ne souhaitent pas remettre en cause l’économie générale de la loi organique de 2011 : ce texte a permis de retrouver la stabilité recherchée sans interdire les alternances politiques puisque le parti autonomiste historiquement au pouvoir a été battu en 2023 par les indépendantistes. La question n’est pas non plus de rendre plus facile un renversement de gouvernement : la « rationalisation » du dépôt des motions de défiance a rendu plus difficile la censure et, par ailleurs, les partis semblent sortis de cette logique. Mais la question d’une plus grande représentativité de l’opposition est posée.
« Le bon dosage est difficile à trouver ; c’est une question d’opportunité politique » selon le professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien. Pour autant, le mode électoral actuellement en vigueur ayant été expérimenté trois fois, on peut estimer disposer d’un recul suffisant pour se prononcer.
Selon plusieurs observateurs, le contexte aurait changé : « nous ne sommes plus dans l’instabilité des années 2004-2013. Il faut redonner confiance aux électeurs et leur donner envie de participer ». Il est vrai que le taux de participation en Polynésie (aux alentours de 70 %) décroit régulièrement.
Même si quelques personnes auditionnées ont proposé de remettre à plat tout le système électoral, la majorité des interlocuteurs de la mission ont conclu que cela n’était pas opportun et qu’aménager l’actuel système serait probablement la meilleure solution. Trois sujets principaux se dégagent : le seuil d’accès au second tour, fixé à 12,5 % des voix, le niveau de la prime majoritaire, fixé à 33 % et le nombre de membres de l’Assemblée de Polynésie, actuellement de 57.
A. Un seuil d’accès au second tour plus élevé que dans les autres collectivités
Pour réduire la multiplication des listes minoritaires et favoriser la constitution de blocs, le législateur organique de 2011 a fixé un seuil élevé pour qu’une liste puisse se maintenir au second tour : 12,5 %.
Un seuil trop élevé restreint le choix pour les électeurs et peut contribuer à alimenter l’abstention. Tous ont en tête le cas du parti Amuitahira’a, arrivé en quatrième position lors des élections de 2023 avec 11,88 % des suffrages. Avec un seuil abaissé à 10 %, cette formation aurait pu siéger à l’Assemblée de Polynésie : l’offre politique aurait été davantage diversifiée et le débat démocratique y aurait gagné.
En revanche, pour le président Moetai Brotherson, « une large majorité est gage de stabilité », même si, évidemment, on peut regretter la sous-représentation des « petits » partis.
Le président admet que le seuil de 12,5 % pour accéder au second tour ainsi que la prime majoritaire de 19 sièges aboutit à « un décalage » avec les résultats électoraux. Mais il reconnait avec franchise que les positions des responsables politiques pouvaient varier selon qu’ils se trouvent dans la majorité ou dans l’opposition. S’il se déclare favorable à un abaissement « prudent » du seuil d’accès au second tour, il est en revanche opposé à l’abaissement – et a fortiori à l’éventuelle suppression – de la prime majoritaire, invoquant la période « d’instabilité catastrophique » des années passées.
La position du Tavini Huira’atira revêt un caractère spécifique. Son président, Oscar Temaru, a décliné, à travers l’envoi d’un courrier aux trois rapporteurs, l’invitation à être auditionné par la mission d’information. Il réaffirme que la priorité demeure l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple polynésien, qui se définit comme le droit de choisir de manière libre et souveraine la forme du régime politique. Dans cette perspective, la question du système électoral relève de la compétence du peuple polynésien lui-même, appelé à concevoir un système électoral propre, fondé sur des mécanismes juridiques stables et des principes démocratiques garantissant la représentation équitable des citoyens. En conséquence, le parti n’adopte pas de position officielle sur une éventuelle réforme de la législation électorale en vigueur. Toutefois, certains de ses représentants ont exprimé à titre personnel leur ouverture à une évolution modérée, notamment en ce qui concerne l’abaissement du seuil de maintien au second tour.
Interrogé sur le point, l’ancien président Gaston Flosse refuse lui aussi de se prononcer sur le niveau idéal du seuil permettant à une liste de se présenter au second tour de l’élection pour une raison finalement proche : considérant que le statut de la Polynésie française est trop souvent modifié, il préconise une révision générale de ce texte qui remettrait à plat la totalité des relations avec l’hexagone et qui ferait de la Polynésie un « pays souverain associé à la France ». Son épouse et présidente du Taho’e Tatou, Pascale Haïti-Flosse, approuve, considérant qu’un changement global de statut est indispensable « car on ne peut pas compter sur l’État ».
2. Quel niveau pour le seuil d’accès au second tour ?
Le principal parti autonomiste, le Tapura, considère également que le seuil de 12,5 % des voix nécessaire pour accéder au second tour est trop élevé et ne permet pas la représentation de plus de trois ou quatre formations politiques. « Nous sommes d’accord nous aussi pour baisser ce seuil de 12,5 % » a déclaré le président Édouard Fritch, sans se montrer davantage explicite sur le niveau qui lui semblerait convenable.
Bruno Sandras préside un parti, Amuitahira’a, qui a obtenu 11,88 % des voix lors du premier tour de l’élection de 2023 et qui n’a donc pu se maintenir au second tour, n’ayant pas atteint le seuil des 12,5 %. C’est donc sans surprise qu’il se prononce lui aussi en faveur d’un abaissement à 10 %, de ce seuil. Ce niveau lui aurait probablement permis d’être élu membre de l’Assemblée en 2023 s’il avait été en vigueur.
Les universitaires rencontrés aussi bien à Paris qu’à Papeete se sont tous déclarés en faveur d’une baisse raisonnable du seuil d’accès au second tour. Selon eux, une réduction à 10 %, qui alignerait ce seuil sur celui de la plupart des autres collectivités régionales ou similaires.
Le sénateur Teva Rohfritsch se déclare lui aussi favorable à une réduction de ce seuil à 10 %, voire éventuellement à 7 %, mais pas en deçà. La présidente du Conseil économique social, environnemental et culturel (CESEC), Voltina Roomataaroa-Dauphin est elle aussi favorable à un abaissement à 10 %, « voire moins, car seuil fixé à 12,5 % est bloquant ».
Éric Minardi, président du Te Nati Rassemblement national, va plus loin : se référant à l’Assemblée de Corse, il propose de baisser le seuil permettant de participer au second tour à 7 %, chiffre en vigueur sur l’île de beauté. Les rapporteurs émettent des doutes sur cette proposition portant un seuil aussi bas, rappelant qu’en Corse, la majorité est très fragile.
3. Sortir de la bipolarisation de la vie politique polynésienne
« Une trop forte majorité tue le débat démocratique. Nous sommes entrés dans une logique de blocs qui votent l’un contre l’autre. Résultat : il n’y a plus aucun débat à l’Assemblée de Polynésie ». (Nuihau Laurey, Ahip)
Cette bipolarisation de l’Assemblée en deux blocs antagonistes, l’un représentant la majorité et l’autre l’opposition s’inscrit dans le cadre d’une Polynésie déjà divisée en deux tendances, la tendance autonomiste et le mouvement indépendantiste. La collectivité gagnerait sans doute à permettre à de nouvelles formations d’apporter de la nuance aux débats et à sortir de la question sur l’éventualité d’une indépendance qui ne doit pas monopoliser l’attention.
Le président du mouvement autonomiste Tapura, Édouard Fritch constate lui aussi cette situation où la Polynésie apparaît de plus en plus divisée en deux blocs antagonistes, « à l’Assemblée, dans les familles, dans les paroisses… ».
Sans en arriver à la situation nationale française où onze groupes sont représentés au sein de l’Assemblée nationale, la présence d’un ou deux groupes supplémentaire au sein de l’Assemblée de Polynésie ne serait pas excessive à certains observateurs : « à défaut, si on arrive plus à se parler dans une collectivité de moins de 300 000 habitants, les gens vont se tourner vers les corps intermédiaires, les syndicats ou vont créer des collectifs, comme pendant le covid ».
Si la plupart des interlocuteurs de la mission se sont déclarés favorables à un abaissement du seuil d’accès au second tour, aucune unanimité se dégage sur le le chiffre à retenir, qui varie entre 7 % et 10 %. Les rapporteurs recommandent donc de modifier la loi organique dans ce sens.
Recommandation n° 1 : réduire le seuil d’accès au second tour en le faisant passer de 12,5 % actuellement à un chiffre compris entre 7 % et 10 % du total des suffrages exprimés, sachant qu’une majorité se déclare plutôt favorable à un seuil fixé à 10 %.
B. Une prime majoritaire qui écrase les oppositions
Le principe de la prime majoritaire a été adopté en France par les lois de décentralisation, dites lois Defferre, adoptées en 1982. Cette prime, d’un niveau de 50 % pour les communes, a permis aux oppositions municipales de siéger dès 1983 dans les conseils municipaux. Elle a rallié tous les suffrages et n’a jamais été remise en cause, étant même étendue – avec un niveau variable – aux scrutins régionaux, dans l’hexagone comme dans les outre-mer. Cette prime ayant fait ses preuves, il ne saurait être question de la supprimer, mais d’envisager une évolution de son niveau.
1. Avantages et inconvénients d’une prime majoritaire élevée
La prime majoritaire permet de dégager des majorités importantes, ce qui est gage de stabilité. Compte tenu des années chaotiques récemment vécues par les Polynésiens, cette prime majoritaire est populaire, même si elle aboutit, par nature, à une distorsion entre le choix des électeurs et la réalité. La difficulté de l’exercice consiste à trouver le bon niveau de prime, celui qui permet de dégager une majorité stable sans faire disparaître les oppositions.
En effet, une trop forte majorité tue le débat démocratique. Par le jeu de la discipline de vote, les amendements de l’opposition sont rarement retenus, même si la majorité reconnaît parfois leur caractère constructif. « La domination des grands partis a tendance à transformer l’Assemblée de Polynésie en chambre d’enregistrement » nous a-t-on dit. Et lorsque les majorités sont trop pléthoriques, elles ont tendance à se scinder et des oppositions se créent au sein même de ces majorités.
Pour les élus du parti Ahip, « le système électoral a obtenu les effets escomptés puisque la stabilité est revenue depuis 2013 ». Pour autant, la prime est trop importante, d’autant que le dépôt d’une motion de défiance a été rendu très difficile (cf. infra). Pour Nuihau Laurey, l’un des responsables de l’Ahip, le renforcement du poids du groupe vainqueur « écrase » l’opposition, actuellement réduite à deux groupes et à trois non-inscrits. « On est allés trop loin dans le rétrécissement de la représentation démocratique » poursuit-il, rappelant que la modification de la loi électorale fait partie du programme électoral de l’Ahip. Contrairement au Tapura qui estime la période mal choisie pour une évolution de la loi électorale, le parti Ahip considère, pour sa part, qu’à trois ans de la prochaine échéance, le « moment est idéal » pour modifier le mode de scrutin.
Pour l’ancien ministre du Tapura Yvonnick Raffin, « lorsque la majorité est trop importante, le gouvernement n’est pas assez challengé et le contradictoire disparait. (…) Le gouvernement doit être challengé. Il faut un débat et davantage de contradictoire. Cela permet de se remettre en question. (…) avec le recul, je me rends compte que le gouvernement auquel j’ai appartenu aurait pu mieux faire s’il avait été confronté à une plus grande opposition ».
Les responsables du Tapura, sans être opposés à une diminution raisonnable de la prime majoritaire, reconnaissent par la voie de leur président Édouard Fritch que la vision de cette prime est différente selon que l’on se trouve dans la majorité ou dans l’opposition : « quand on est aux affaires, on n’a pas les mêmes réflexes que quand on est dans l’opposition. Ce n’est pas un problème législatif mais humain » et d’ajouter « une forte majorité garantit de bonnes conditions de travail ; pour la gouvernance, c’est une garantie qui n’est pas négligeable, surtout quand je regarde ce qui se passe actuellement à l’Assemblée nationale ». Édouard Fritch conclut en soulignant qu’« on est tous d’accord sur la nécessité de modifier la loi organique, nous l’avons tous écrit. Le consensus, on peut l’avoir ».
Le parti indépendantiste Tavini, de son côté, avait inscrit dans son programme électoral de 2023 la remise en cause de la prime majoritaire « après consultation du peuple », ce qui laisse entendre qu’il pourrait ne pas être opposé à la réforme, mais que, pour ses responsables, une consultation populaire est nécessaire.
Les universitaires rencontrés sont globalement favorables à une réduction de la prime majoritaire. Le professeur Bruno Daugeron indique qu’une prime plus faible et une majorité un peu moins pléthorique pourraient inciter la majorité à davantage négocier avec les oppositions, ce qui n’est actuellement pas le cas. Par ailleurs, « le corps électoral est déçu de voir que certains votes valent moins que d’autres, voire qu’ils ne sont pas fois pas pris en compte, et certains électeurs ne vont plus voter »
Pour le professeur Benchendikh, « les voix n’ont pas la même valeur : c’est inévitable si l’on cherche la stabilité. Une partie des électeurs seront toujours déçus. ». Pour ce professeur, le système même de prime majoritaire peut étonner dans les pays du nord de l’Europe ou en Allemagne car, dans ces pays, lorsque les majorités ont du mal à se dégager, les responsables politiques négocient pour former des coalitions. Pour autant, compte tenu des circonstances et du contexte local, il ne préconise pas la suppression de cette prime majoritaire en Polynésie mais considère, en comparant avec les niveaux pratiqués dans les autres collectivités ultramarines ou hexagonales comparables, qu’un ajustement raisonnable à la baisse peut être envisagé.
2. Réduire la prime majoritaire à quel niveau ?
Le sénateur Teva Rohfritsch, président du Ia Ora te Nuna'a, se déclare favorable à une baisse raisonnable de la prime majoritaire à 25 % voire 21 % au lieu de 33 %, mais pas au-delà, sous peine de perdre la stabilité que cette prime a apportée. Ainsi, tout en conservant une majorité forte, les oppositions seraient mieux représentées, obligeant le gouvernement à sortir d’une logique purement majoritaire. Pour le sénateur, réduire la prime doit permettre de « réoxygéner l’activité des élus en libérant des énergies ».
Bruno Sandras, le président d’Amuitahira’a, propose pour sa part de réduire la prime majoritaire à 21 %, soit 12 sièges selon les effectifs actuels de l’Assemblée, mais serait prêt à se rallier à une réduction à 25 %. Jacky Bryant, président du parti Heiura Les Verts propose une diminution d la prime majoritaire qui pourrait être comprise entre 17 et 25 % des élus.
Éric Minardi, président du Te Nati Rassemblement national, va plus loin puisque sa formation politique propose de réduire cette prime à 9 ou 12 % des membres de l’Assemblée, soit 6 à 7 élus seulement sur un nombre total de 57.
Les élus du syndicat intercommunal des îles Tuamotu se déclarent eux-aussi favorables à une diminution de la prime jugée trop élevée, sans toutefois se prononcer sur le niveau idéal de cette prime.
Plusieurs universitaires polynésiens ont formulé une proposition audacieuse : réduire assez fortement la prime majoritaire pour la ramener à 10 sièges contre 19 actuellement, ce qui la mettrait à environ 17 % des élus, comme en Corse. Ce niveau permettrait d’exclure les archipels éloignés de la ventilation, de manière à ce que les dix sièges de la prime soient répartis uniquement dans l’archipel des îles de la Société entre les îles Sous-le-Vent (un ou deux sièges) et les îles-du-Vent (deux à trois sièges par section).
3. Instaurer une prime majoritaire variable ?
Se déclarant idéalement défavorable à toute prime majoritaire, l’ancien député et membre de l’Assemblée de Polynésie, Tematai Le Gayic reconnaît que l’instabilité passée a tellement traumatisé la société polynésienne que la suppression de cette prime paraît, dans l’immédiat, inopportune.
Pour que la liste arrivée en tête n’obtienne pas une majorité trop pléthorique, Tematai Le Gayic propose avec originalité l’instauration d’une prime majoritaire variable qui pourrait être fixée à 25 % quand la liste arrivée en tête obtient moins de 40 %, mais qui serait réduite à 17 % si cette liste obtient un score supérieur à 40%, gage d’une majorité substantielle par le simple jeu de la représentation proportionnelle. En tout état de cause, une prime de 33 % lui paraît beaucoup trop élevée. « Dans la plupart des cas, la liste majoritaire disposera de plusieurs sièges d’avance. Dans le cas où cette majorité ne serait pas suffisante, il faudrait bâtir une coalition. Nos responsables politiques ont désormais suffisamment de maturité pour cela ».
Le professeur Bruno Daugeron, entendu au début des travaux de la mission évoque également l’idée d’une prime variable en fonction du résultat de la liste arrivée en tête. Ce système est déjà mis en œuvre dans certaines régions italiennes et semble donner satisfaction : la prime diminue si la liste arrivée en tête dispose d’une majorité confortable.
Un écueil existe toutefois : c’est l’existence d’un seuil au-delà duquel la prime est minorée. En faisant franchir ce seuil à une liste, des électeurs, en votant pour elle, lui ôteraient en réalité des sièges ! C’est ce que la Cour constitutionnelle allemande a appelé « le poids négatif des voix », ce qui l’a conduit à censurer, dans une décision rendue le 3 juillet 2008, une disposition allant dans ce sens, jugée partiellement inconstitutionnelle. Ce qui fonctionne en Italie n’est donc pas licite en Allemagne : que déciderait le Conseil constitutionnel si une telle disposition lui était soumise ? Le risque d’inconstitutionnalité existe.
4. S’inspirer du projet de loi de programmation pour Mayotte
Le gouvernement a déposé, le 22 avril 2025 au Sénat, un « projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte ». Ce projet prévoit de transformer Mayotte, qui est actuellement un département, en une collectivité unique département-région dotée d’une assemblée de 52 membres pour une population d’environ 321 000 habitants.
L’article 32 du projet de loi prévoit explicitement l’attribution d’une « prime majoritaire de 25 % », soit 13 sièges, à la liste arrivée en tête.
La Polynésie et Mayotte sont des collectivités certes très différentes. Toutefois, il est instructif de constater que le gouvernement propose d’aligner la règle électorale qui régira Mayotte sur « le droit commun » des élections régionales hexagonales, mais aussi sur le niveau (25 %) observé dans d’autres outre-mer comme la Guadeloupe ou La Réunion.
Dans ces conditions, on peut raisonnablement penser que le gouvernement français pourrait être ouvert à un alignement de la Polynésie sur ce niveau de prime qui tend à devenir la règle.
Sans remettre en cause l’idée d’une diminution du seuil d’accession au second tour ni d’une réduction de la prime majoritaire à laquelle ils se déclarent globalement favorables, les élus du Tapura font remarquer que les années à venir seront des années électorales avec, en 2026, des élections municipales suivies de sénatoriales, en 2027, un scrutin présidentiel et de probables élections législatives puis, en 2028, à nouveau des élections à l’Assemblée de Polynésie.
En outre, le Tapura considère que proposer une modification de la prime majoritaire alors que ce parti, longtemps majoritaire, vient de se retrouver dans l’opposition pourrait donner un mauvais signal et faire passer les responsables de cette formation pour de mauvais perdants qui demandent une modification des règles une fois leur défaite consommée.
Le président Édouard Fritch rappelle par ailleurs que, compte tenu de l’opposition du président du Tavini à toute réforme, il préconise de ne pas procéder à une modification avant les élections de 2028. En revanche, il propose « d’engager dès que possible, des discussions avec l’ensemble des forces politiques polynésiennes afin d’aboutir à un engagement collectif et consensuel : celui de ne modifier la loi électorale qu’après les élections territoriales de 2028 ».
La rapporteure Nicole Sanquer, pour sa part, tient à préciser que le Tavini a fait savoir par la voix de la rapporteure Mereana Reid Arbelot, qu’il n’adoptait pas de position de principe sur ce sujet (cf. supra)
Les rapporteurs constatent que, à défaut d’unanimité, il existe néanmoins une forte majorité d’acteurs politiques favorable à une réduction du niveau de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête. En revanche, il n’y a pas de consensus sur le niveau à retenir, même si une baisse raisonnable aux alentours de 20 % à 25 % du nombre de sièges semble majoritairement se dégager. La deuxième recommandation de la mission d’information va donc dans ce sens.
Recommandation n° 2 : réduire la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête aux alentours de 20 % à 25 % du nombre de sièges.
C. Réduire le nombre des représentants à l’Assemblée Territoriale ?
Parce que des territoires avec des populations comparables disposent d’assemblées plus modestes, parce que la population réclame des économies et parce que certains s’interrogent sur l’absentéisme et le travail réel des élus, la question d’une diminution du nombre de membres de l’Assemblée de la Polynésie française est posée depuis plusieurs années.
1. Une idée déjà évoquée par le rapport Barthélemy en 2011
Le nombre d'élus à l’Assemblée territoriale n’a cessé d’augmenter au fil des modifications statutaires : 11 membres en 1946, 20 en 1952, 30 en 1957, 41 en 1984, 49 en 2001 et 57 depuis 2004. Ce dernier chiffre est issu d'un amendement de Gaston Flosse, alors sénateur, qui avait établi une comparaison avec la Nouvelle-Calédonie qui, « moins peuplée », comptait 54 membres à son Congrès.
À l’inverse, les comparaisons avec les conseils généraux métropolitains permettent de conclure à une certaine surreprésentation de la population polynésienne (280 000 habitants) dans une assemblée territoriale. Ainsi, à titre d’exemple, le conseil départemental du Loir-et-Cher (328 000 habitants) compte 30 élus et celui de la Vienne (439 000 habitants) 38 représentants.
La pratique dans l’hexagone consiste à élire un conseiller pour environ 11 000 à 12 000 habitants en moyenne. Si cette règle était appliquée en Polynésie française le nombre d’élus territoriaux serait réduit à 25 ou 27 ! Toutefois, la Polynésie n’est pas un conseil général, mais un « pays d’outre-mer » aux compétences beaucoup plus larges et cette comparaison, certes instructive, ne peut évidemment pas servir de base de calcul.
En 2010, déjà, le préfet Jacques Barthélemy, dans son rapport[6], écrivait : « Par ailleurs, un consensus au niveau local (élus nationaux ou locaux, société civile dans le cadre des États généraux de l’outre-mer) semble se dégager pour une diminution du nombre de représentants à l’Assemblée de Polynésie française. »
« Compte tenu des données précitées, le chiffre de 45 représentants à l’Assemblée de la Polynésie française pourrait être proposé, tenant compte du critère démographique prédominant des Iles du Vent, tout en assurant une meilleure représentation des archipels. Cette réduction de 12 sièges permettrait – selon le parti Te mana Toa – de réaliser une économie annuelle de 100 millions de FCFP soit 838 000 euros. En période de contraintes budgétaires nationales et de difficultés financières de la Polynésie, cette réduction apparaîtrait – de l’avis de la Mission – comme une mesure attendue par l’opinion publique locale. »
Le préfet concluait toutefois en précisant qu’une réduction du nombre de sièges supposait de remodeler le nombre de représentants par circonscriptions (devenues des sections depuis 2011) exercice périlleux car mettant en cause les équilibres entre archipels.
2. Quel serait le nombre idéal de membres de l’Assemblée ?
Certains responsables politiques, favorables au principe de réduction du nombre de membres ne se prononcent pas sur le chiffre final. Ainsi, la sénatrice du Tapura, Lana Tetuanui, constatant la baisse globale de la natalité en Polynésie française et la probable baisse de la population qui va en découler, considère comme inévitable une baisse du nombre de membres de l’Assemblée de Polynésie, même si les démographes rappellent que la dépression démographique ne concerne pas tous les archipels, les Marquises continuant, par exemple, à gagner des habitants.
De la même manière, M. Artigas Hatitio, maire de Rimatara et président de la communauté des îles australes préconise la suppression de quelques sièges, en parallèle à la diminution de la prime majoritaire, « ce qui ferait faire quelques économies » précise l’élu.
Le parti autonomiste Ia Ora te Nuna'a, par la voix de son président, le sénateur Teva Rohfritsch est favorable à une réduction du nombre global de membres de l’Assemblée de Polynésie. Notant que le nombre d’élus a été augmenté en 2004 lors de l’instauration de la prime majoritaire (dans sa première version), le sénateur trouve logique que le nombre de d’élus soit diminué si la prime est réduite. D’autant qu’une réduction du nombre d’élus permettrait de diminuer les coûts de fonctionnement de l’Assemblée. Rappelant que l’Assemblée de Polynésie avait longtemps fonctionné avec 41 membres, le sénateur a évoqué un projet jadis envisagé de réduire le nombre d’élus de 57 à 45.
Sur une ligne proche, Éric Minardi, président du Te Nati Rassemblement national en Polynésie, propose de revenir au chiffre en vigueur avant la réforme de 2004, soit 41 sièges.
De son côté, Cyril Tetuanui, président de la communauté de communes des îles sous-le-vent Hava’i est le responsable politique qui propose la diminution la plus drastique du nombre d’élus. Partant du principe qu’un conseil municipal fonctionne avec 30 membres, il propose de fixer à 31 le nombre de représentants au sein de l’Assemblée de la Polynésie française selon le schéma suivant : les 37 élus des îles-du-Vent seraient réduits à 18, les 8 des Iles-sous-le-Vent seraient ramenés à 5 tandis que les quatre archipels perdraient chacun un membre, passant de 3 à 2. Ce redécoupage présenterait toutefois l’inconvénient d’augmenter la distorsion entre les îles de la Société et les archipels : « Les îles-du-Vent qui représentent actuellement environ 65 % des élus n’en représenteront plus que 58 %. Il y aura un rééquilibrage au profit des archipels ». Le Conseil constitutionnel qui a admis en 2011 (cf. infra) une distorsion déjà substantielle au nom de « l’intérêt général qui s’attache à la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés » acceptera-t-il une aggravation de cette distorsion ? Le risque d’inconstitutionnalité existe.
D’autres élus, moins nombreux, ne se prononcent pas dans le sens d’une telle diminution : le président Moetai Brotherson s’est déclaré défavorable à une réduction du nombre d’élus à l’Assemblé de Polynésie, notamment en raison de la représentation des archipels les plus éloignés.
De la même manière, même s’il ne s’y est pas déclaré formellement opposé, Pascal Bryant, président du parti Heiura Les Verts, estime que la réduction du nombre d’élus ne résoudra pas les problèmes qui se posent à la Polynésie et qu’il convient, avant toute chose, « de prendre en compte les difficultés de nos concitoyens ».
3. Proposer une nouvelle ventilation de la prime majoritaire
Combinant une baisse de la prime majoritaire à 25 % et la réduction du nombre de membres à l’Assemblée de Polynésie à 47 sièges, l’ancien député Tematai Le Gayic propose de répartir 37 sièges entre les îles de la Société et de n’en conserver que 10 pour les archipels : 3 pour les Marquises (9 500 habitants), 3 pour les Tuamotu Ouest (10 000 habitants), 2 pour les Tuamotu Est et Gambier (7 000 habitants) et 2 pour les Australes (6 500 habitants). Dans l’hypothèse vraisemblable où les élus de ces deux derniers archipels n’accepteraient pas la perte d’un de leurs sièges, il conviendrait alors de ne réduire qu’à 49 au lieu de 47 le nombre d’élus pour en conserver 12 aux « petits » archipels et 37 pour les îles de la Société. Dans ce cas, la totalité du poids de la réduction pèserait les îles de la Société et la distorsion, déjà réelle mais acceptée par le Conseil constitutionnel, s’aggraverait. Le Conseil l’accepterait-il ?
Un autre raisonnement est possible : considérer que la diminution du nombre de sièges devra aussi concerner les petits archipels qui, dans ce cas, passeraient tous de 3 à 2 représentants. Ce serait une solution proche de celle préconisée, en 2010, par le rapport Barthélemy qui proposait un total de 45 élus dont 37 pour les îles de la Société et 2 pour chacun des quatre autres archipels. Mais il n’est pas sûr – et même peu probable – que les « petits » archipels acceptent facilement de perdre un tiers de leurs représentants.
Dans une telle hypothèse, il faudrait alors envisager de revoir la ventilation de la prime majoritaire. Comment, en effet, expliquer aux archipels qu’un de leurs deux représentants seulement sera directement élu tandis que le second leur sera imposé au titre de la prime majoritaire ? Peut-on imaginer un système dans lequel les membres élus grâce à la liste majoritaire ne seraient ventilés que dans les quatre sections des îles de la Société et pas dans les autres archipels ? Le Conseil constitutionnel accepterait-il une telle rupture d’égalité ? Autant de questions qui n’ont pas de réponses assurées.
Recommandation n° 3 : poursuivre la réflexion sur la possible réduction du nombre de représentants à l’Assemblée de la Polynésie française.
D. Les arguments du législateur de 2011 tombent
En 2011, le législateur organique a refusé de réduire la prime majoritaire pour deux raisons : le trop grand risque d’adoption d’une motion de défiance qui aurait perpétué l’instabilité ainsi que la commodité de calcul pour répartir les 19 sièges de prime entre les huit sections (cf. supra). Comme on va le voir, ces deux arguments peuvent disparaître.
1. Les motions de défiance sont désormais strictement encadrées
Lors de l’adoption de la prime majoritaire de 33 %, en 2011, le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Christian Cointat, justifiait le niveau élevé de cette prime par le fait qu’une motion de défiance pouvait être adoptée par une majorité simple (29 voix) et non par une majorité qualifiée des trois cinquièmes (35 voix). Avec une prime limitée à 25 %, la majorité aurait pu ne compter que 31 à 33 membres. Dans de telles circonstances, le débauchage d’un nombre réduits d’élus, 2 ou 3, aurait suffi à faciliter l’adoption de motions de défiance et à recréer de l’instabilité.
Cet argument ne vaut plus puisque la loi organique a finalement été amendée pour rétablir, sur un amendement du gouvernement français, une majorité qualifiée des trois cinquièmes pour renverser le gouvernement polynésien. Une majorité de 35 voix est maintenant nécessaire pour défier le gouvernement, ce qui place en principe le parti majoritaire à l’abri de toute surprise, même si la prime majoritaire était réduite à 15 sièges (25 %).
En déclarant « Si l’on optait pour une prime de 25 % au lieu de 33 %, il faudrait en revenir à l’exigence d’une majorité des trois cinquièmes pour l’adoption d’une motion de défiance », le sénateur Cointat sous-entend explicitement que le retour à une majorité des trois cinquièmes autorise donc un abaissement de la prime majoritaire à 25 % des sièges
Ce premier argument que le législateur organique de 2011 opposait à l’abaissement de la prime majoritaire n’est donc plus recevable.
2. Les commodités de calcul pour la répartition des élus
Le second argument invoqué était d’ordre plus pratique : en fixant la prime à 33 % des élus, soit 19 sièges, il était possible de répartir commodément les sièges obtenus au travers de la prime majoritaire entre les différentes sections sans modifier le nombre d’élus.
Or, comme la réduction du nombre d’élus est envisagée, voire préconisée, par une majorité de responsables politiques, les difficultés d’ordre mathématiques pourront être surmontées : peut-être même serait-il judicieux de fixer le nombre de représentants à l’Assemblée de Polynésie (vraisemblablement entre 41 et 49) en fonction des possibilités qu’offre l’arithmétique pour une répartition harmonieuse à la fois de l’ensemble des élus et de ceux d’entre eux qui seront ventilés par section au titre de la prime majoritaire. Le second argument perd donc, lui aussi, de sa pertinence.
Les rapporteurs présentent en annexe au présent rapport deux simulations : l’une avec un nombre d’élus inchangé et une prime majoritaire réduite, l’autre avec une réduction à la fois du nombre d’élus et de la prime majoritaire.
V. Les éléments de la loi électorale qu’il convient de ne pas modifier
Si la mission d’information préconise quelques aménagements en matière de prime majoritaire et de seuil, elle n’oublie pas que la loi organique de 2011 a apporté de la stabilité à la vie politique polynésienne. Il convient donc d’expliquer pourquoi certaines dispositions qui peuvent faire l’objet de controverses ne doivent pas être modifiées.
A. La circonscription unique découpée en sections
Une circonscription unique découpée en sections oblige les petits partis locaux à s’affilier à de grandes formations polynésiennes qui n’ont pas les mêmes préoccupations. Mais cela permet aussi de faire travailler ensemble des gens qui, sans cela, se seraient probablement ignorés.
1. La difficulté de représenter dignement les archipels peu peuplés
Sur une superficie équivalente à celle de l’Europe, la Polynésie regroupe plusieurs archipels dont certains sont peu peuplés (entre 6 500 et 10 000 habitants selon les cas), surtout si on les compare à Tahiti (environ 200 000 habitants). Les représenter au sein de l’Assemblée représente donc un défi.
Sur le plan « quantitatif », avec 17 sièges[7] sur 57, les petits archipels sont déjà surreprésentés, comme le fait remarquer le président Yvonnick Raffin, rappelant que cette situation a été validée par le Conseil constitutionnel au nom de « l’intérêt général qui s’attache à la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés » (cf. infra). Mais sur le plan pratique, il est parfois difficile de distinguer la voix des électeurs de ces archipels de celle des électeurs de Tahiti.
Deux solutions ont, jusqu’à présent, été explorées :
- la création de plusieurs circonscriptions : une par « petit » archipel et trois ou quatre pour les Iles de la Société, plus peuplées. C’est la solution qui vient naturellement à l’esprit et qui a été historiquement retenue en premier avant d’être abandonnée ;
- la création d’une circonscription unique avec plusieurs sections correspondant aux anciennes circonscriptions décrites ci-dessus. C’est la solution retenue pour distinguer les départements au sein des régions hexagonales et c’est aussi la solution actuellement retenue en Polynésie.
Une certaine forme d’incompréhension entre archipels
Les rapporteurs ont entendu beaucoup de propos faisant ressortir une vraie incompréhension entre représentants des petits archipels et Tahitiens : « Il est difficile de se reconnaître dans une liste unique polynésienne qui représente toute la circonscription. Surtout avec les grands partis de Tahiti (…) Les besoins dans l’archipel sont différents des besoins de la grande île de Tahiti. La loi électorale nous oblige à nous affilier à un parti tahitien alors que nous avons peu d’atomes crochus. (…) En cas de problème de voirie à Papeete, les autorités vont intervenir car c’est la capitale, beaucoup de gens y habitent, à commencer par le président et les membres du gouvernement. En cas de problème de voirie aux Marquises, on ne peut compter que sur nous. (…) Nos langues sont différentes, nos aspirations et nos revendications aussi. »
« Sans renier notre appartenance à la Polynésie, on voudrait gagner en autonomie sur le plan électoral et ne pas être obligé d’intégrer un parti de Tahiti ».
Par ailleurs, les élus Marquisiens nous ont expliqué les difficultés qu’ils éprouvent parfois à s’affilier à une « grande » liste tahitienne : « On ne trouve pas forcément de liste tahitienne prête à nous accueillir. Ce n’est pas évident. Quand on fait une proposition, on ne nous répond pas toujours car notre poids électoral est faible. La dernière fois, on en a trouvé une au dernier moment ». « Et une fois élus, nous sommes liés ! Il y a parfois des mesures du gouvernement qui sont favorables aux Marquises et que l’on voudrait soutenir, mais nous sommes obligés de voter contre car nous avons des consignes de vote du groupe tahitien auquel nous sommes affiliés et qui appartient à l’opposition ».
Les élus du syndicat intercommunal des îles Tuamotu ne disent pas autre chose en faisant part de leurs réticences à être affiliés à un « parti dominant » pour figurer sur une liste globale : « le sort de la liste locale est lié à une grande liste générale dont on ne partage pas forcément les orientations ». Un maire des Tuamotu d’ajouter : « cela fait trente ans que je suis attaché par une corde. Ce n’est pas ce que je veux. Je veux être libre ».
Notons que les archipels polynésiens ne réclament pas une assemblée spécifique par entité, contrairement à ce qui a été mis en place en Nouvelle-Calédonie où les îles Loyauté (18 500 habitants environ) disposent de leur propre assemblée provinciale.
2. La possibilité de découper la Polynésie en plusieurs circonscriptions
La création de plusieurs circonscriptions, qui semble plus naturelle, a été abandonnée car elle rendait inefficace l’attribution de la prime majoritaire. En effet, un parti peut arriver en tête dans certaines circonscriptions et empocher à chaque fois le prorata de cette prime ; le parti adverse peut arriver en tête dans les autres circonscriptions et percevoir la prime dans ces circonscriptions : au bilan, les effets de la prime se compensent et s’annulent : dans un tel cas, il est possible (c’est ce qui s’est produit en 2004) que malgré l’existence d’une prime majoritaire, aucune majorité claire ne se dégage.
Ce système présente pourtant un avantage aux yeux des électeurs des archipels : l’existence d’une circonscription propre à leur archipel donne une image précise du rapport de force local. Les électeurs de la circonscription créent leurs listes en toute liberté, sans se soucier des rapports de forces à l’échelle de la Polynésie ni des contingences partisanes tahitiennes. Et si les électeurs d’un archipel votent à la quasi-unanimité pour une liste d’opposition, ils enverront à l’Assemblée qui siège à Papeete des représentants uniquement issus de cette liste. Leur autonomie et leurs choix sont ainsi pleinement respectés.
Extrait de la décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 du Conseil constitutionnel sur la loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française
« En ce qui concerne la création d’une circonscription unique composée de huit sections électorales :
« 5. Considérant que l’article Premier de la loi organique modifie l’article 104 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu’il crée, pour 3 l’élection des membres de l’assemblée de la Polynésie française, une circonscription unique composée de huit sections électorales ; qu’il répartit entre ces sections les cinquante-sept sièges de cette assemblée en fixant la représentation minimale de chaque section à trois sièges ;
« 6. Considérant qu’il résulte des articles Premier, 24 et 72 de la Constitution que l’organe délibérant d’une collectivité territoriale doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions ou sections électorales respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ; que, s’il ne s’ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription ou section électorale ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ;
7. Considérant qu’en fixant la représentation minimale de chaque section à trois sièges, le législateur organique a pris en compte l’intérêt général qui s’attache à la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés ; que, d’une part, la fixation de ce minimum n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, d’autre part, il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’examen des écarts de représentation sans prendre en compte les quatre sections constituées d’archipels éloignés dans lesquelles le nombre de sièges a été fixé, en raison de leur faible population, en application de ce seuil ; que, dès lors, le rapport du nombre de sièges des quatre sections les plus peuplées à leur population ne s’écarte pas de la moyenne de ces sections dans une mesure qui serait manifestement disproportionnée ; qu’ainsi, la répartition du nombre de sièges de l’assemblée de la Polynésie française entre les sections de la circonscription unique ne méconnaît pas le principe d’égalité devant le suffrage ; qu’il s’ensuit que l’article 1er de la loi organique est conforme à la Constitution ; »
Les professeurs de droit alertent toutefois sur le danger d’un tel système : créer un parti politique par archipel risquerait de faire perdre de la cohésion à la Polynésie française. Il s’agit donc d’une voie à emprunter avec circonspection.
3. Le choix d’une circonscription unique avec des sections
Le second système (circonscription unique avec sections) présente deux inconvénients : les responsables politiques des « petits » archipels doivent s’associer avec de « grands » partis politiques tahitiens capables de présenter des listes sur l’ensemble du territoire. C’est évidemment une difficulté car les aspirations et programmes électoraux des Tuamotu ou des Marquises ne correspondent pas toujours à ceux des grands partis polynésiens, forcément davantage tournés vers les Iles de la Société, là où se trouve l’essentiel de l’électorat. Et l’offre électorale étant limitée en Polynésie, les partis qui représentent les petits archipels sont souvent contraints de « s’affilier » à des partis tahitiens avec lesquels ils ne sont pas en plein accord. Cet inconvénient est largement dénoncé par les responsables marquisiens que la mission a rencontrés.
On peut faire remarquer que l’obligation de s’associer avec un autre parti existe dans les deux sens : les « grands » partis tahitiens, pour pouvoir déposer leurs listes, doivent aussi trouver dans les archipels des partis locaux représentatifs avec lesquels ils n’ont pas toujours de préoccupations en commun. Les partisans de ce système soulignent qu’il contribue à faire travailler ensemble des gens qui, sinon, ne l’auraient pas fait spontanément. Il contribue donc à la cohésion du pays.
Un second inconvénient existe : dans un tel dispositif, la prime majoritaire de 19 sièges, même si elle est attribuée à un seul parti pour conserver sa pleine efficacité, est ventilée par section. Il en résulte qu’un archipel qui vote quasi unanimement pour l’opposition se voit néanmoins attribuer un siège relevant du parti majoritaire. Ce cas de figure qui se produit régulièrement, notamment aux Marquises, est dénoncé par les élus locaux qui considèrent que la volonté des électeurs n’est pas respectée. « La prime majoritaire est déconnectée des résultats aux Marquises puisqu’elle est attribuée en fonction des résultats obtenus sur l’ensemble de la Polynésie » nous ont dit les élus des Marquises. Et, en effet, actuellement, l’archipel des Marquises compte une élue du Tavini dont le siège résulte de l’attribution de la prime majoritaire et deux élus du Tapura élus grâce à leurs résultats électoraux.
Cette critique, surtout portée par les élus marquisiens, est aussi relayée par M. Artigas Hatitio, maire de Rimatara et président de la communauté des îles australes, qui regrette comme ses collègues qu’un siège sur trois soit imposé à son archipel en fonction des résultats obtenus à l’échelle de l’ensemble de la Polynésie (en réalité à Tahiti) et non en fonction des résultats de l’archipel.
Certains observateurs, dont le sénateur Teva Rohfritsch, font toutefois remarquer que la ventilation par section de la prime majoritaire « permet de faire vivre une opposition dans certains archipels qui, sans cela, seraient monocolores ». Décriée par certains, l’attribution d’office d’un siège de la prime majoritaire à tous les archipels n’aurait donc pas que des inconvénients.
Si le système de la circonscription unique avec plusieurs sections a été retenu malgré les critiques, c’est qu’il offre un avantage inestimable : l’attribution de la prime majoritaire de manière non fractionnée garantit depuis douze ans une vraie stabilité aux institutions de l’archipel. C’est l’argument qui a été soutenu par la majorité des partis et c’est la raison pour laquelle, sans méconnaître les inconvénients réels du système actuel de la circonscription unique à sections, la mission d’information préconise de ne pas modifier ce système.
B. l’attribution des sièges à la plus forte moyenne
Chaque détail ayant son importance, la méthode mathématique permettant l’attribution des sièges à la représentation proportionnelle doit être examinée. Son caractère technique ne doit pas faire perdre de vue ses conséquences politiques.
1. Calculs mathématiques et résultats politiques
L’article 105 du Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (modifié par la réforme de 2011) définit le mode de calcul pour l’attribution des sièges :
« II – Au premier tour de scrutin, dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription. Ces sièges sont répartis dans chaque section (…). Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section ».
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour (…) Dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés à ce second tour dans la circonscription. Ces sièges sont répartis entre chaque section conformément au tableau du II. (…) Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour »
Dans tous les cas, un quotient électoral est calculé en divisant le nombre de voix par le nombre de sièges. Ce quotient permet l’attribution de la plupart des sièges. Mais comme la division tombe rarement sur un chiffre entier, se pose alors la question de l’attribution des derniers sièges, Il faut donc appliquer un arrondi. Cet arrondi peut se faire selon deux méthodes :
- les derniers sièges peuvent être attribués prioritairement aux listes dont les candidats ont obtenu, en moyenne (selon le quotient électoral), le plus de voix : cette méthode, dite « de la plus forte moyenne », a tendance à avantager les « grandes » listes ;
- les derniers sièges peuvent être attribués aux listes dont le résultat de la division qui a permis le calcul du quotient électoral présente le plus grand reste. Cette méthode, dite « du plus fort reste », tend à avantager les « petites » listes.
La différence entre les deux méthodes modifie les résultats des scrutins à la marge puisqu’il s’agit de déterminer l’attribution des derniers sièges, ceux qui résultent du reste de la division. Dans la plupart des cas, la différence de méthode est sans conséquence. Mais lorsque les résultats sont serrés, le choix d’une méthode plutôt que d’une autre peut bousculer les résultats. D’autant qu’en Polynésie, le calcul se répète pour chaque section. Huit sièges sont donc en jeu.
2. La plus forte moyenne est généralement retenue
En 2023, l’attribution des sièges à la plus forte moyenne a abouti à ce que le Tavini obtienne 38 élus, le Tapura 16 et l’Ahip 3. Un rapide calcul indique que l’attribution des sièges au plus fort reste aurait permis au Tapura et à l’Ahip d’obtenir chacun deux sièges supplémentaires au détriment du Tavini qui aurait néanmoins conservé, notamment grâce à la prime majoritaire, une large majorité de 34 sièges.
Le changement de mode de calcul aurait donc avantagé les petites listes, sans modifier les grands équilibres. En ce sens, le calcul au plus fort reste peut sembler plus juste à l’égard des listes minoritaires.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la très forte demande des Polynésiens pour une stabilité politique durable. Les ajustements proposés précédemment dans le présent rapport (léger abaissement du seuil d’accès au second tour et prime majoritaire raisonnablement réduite) devraient améliorer la représentation des partis minoritaires sans risque de faire perdre à la liste arrivée en tête sa précieuse majorité absolue.
Mais qu’adviendra-t-il si un troisième paramètre, celui de la méthode de calcul, est modifié à son tour, toujours dans un sens favorable aux « petits » partis ? Ne risque-t-on pas, à ce moment-là, d’arriver à un point de bascule où le parti arrivé en tête ne sera plus sûr de bénéficier d’une majorité lui permettant de gouverner dans la stabilité ? S’agissant d’une équation à trois paramètres dont les curseurs peuvent être modifiés (seuil d’accès au second tour, niveau de la prime majoritaire et règle de calcul), les simulations sont périlleuses et incertaines.
En conclusion, même si le calcul au plus fort reste peut sembler moralement plus juste puisqu’il corrige partiellement la distorsion dont sont victimes les « petites » formations, un consensus semble se dégager pour conserver le calcul à la plus forte moyenne, garant d’une meilleure stabilité politique et qui est la méthode de droit commun appliquée dans toutes les autres élections à la représentation proportionnelles, qu’il s’agisse d’élections locales françaises ou étrangères.
C. La rationalisation du dépôt des motions de défiance
Les motions de défiance, dont l’usage, voire l’abus, a longtemps contribué à l’instabilité politique en Polynésie, ont été « rationalisées » lors de la réforme de 2011. Leur usage a été largement restreint
1. Des conditions draconiennes depuis 2011
C’est l’article 156 du statut de la Polynésie française (modifiée par la loi organique du 1er août 2011, qui fixe les règles en matière de motion de défiance. Comme cela a déjà été évoqué dans ce rapport (cf. supra), plusieurs dispositions rigoureuses ont mis un coup d’arrêt à l’usage de ces motions :
- un élu ne peut signer qu’une motion de défiance par année civile ;
- une motion de défiance doit être signée par le tiers au moins des membres de l’Assemblée, soit 19 sur 57 ;
- toute motion de défiance doit comporter le nom de la personne pressentie pour remplacer le président qu’elle entend renverser ;
- une majorité qualifiée des trois cinquièmes (35 élus sur 57) est nécessaire à l’adoption d’une motion de défiance.
2. Un quasi-consensus pour ne pas modifier les règles de la défiance
La quasi-totalité des personnes entendues par la mission d’information se sont déclarées favorables au maintien des dispositions en vigueur qui ont réduit considérablement les possibilités d’utilisation des motions de défense et ont apporté de la stabilité dans le fonctionnement des institutions.
Seule nuance, le sénateur Teva Rohfritsch qui considère que la limitation à une motion défiance par élu et par an est trop restrictive. Selon lui, dans la mesure où une majorité des deux tiers est requise pour adopter une motion, la limitation quantitative, vécue comme une infantilisation, ne se justifie plus. A minima, estime-t-il, on devrait permettre à chaque élu de déposer deux motions par an, soit une par semestre. Pour lui, « si l’Assemblée ne peut plus censurer le gouvernement, cela contribue à réduire la responsabilisation du gouvernement à l’égard des élus ».
VI. Des propositions qui ne modifient pas le statut de la polynésie
Si les principales mesures proposées par la mission d’information ont pour conséquence de modifier la loi électorale de 2011 et donc le statut de la Polynésie française, d’autres modifications favorisant la représentation des majorités pourrait être adoptées sans toucher à la loi, en modifiant per exemple, le règlement de l’Assemblée.
A. Le règlement de l’Assemblée de polynésie
Au-delà de la question du nombre d’élus, la reconnaissance du travail et l’expression des groupes minoritaires ou d’opposition mérite d’être posée. Dans ce cadre, la constitution des groupes politiques et des moyens qui y sont associés est essentielle.
1. Le principe des groupes politiques
Dans une assemblée parlementaire ou territoriale, les élus se rassemblent par affinité politique au sein de groupes politiques qui leur permettent de bénéficier de moyens matériels (locaux, matériels informatiques) et humains (collaborateurs) mais aussi de temps de parole, de participation au bureau de l’assemblée, de présidence de commission, etc. Ceux qui ne sont pas assez nombreux pour former un groupe sont considérés comme « non-inscrits » et bénéficient de moins de moyens. Un seuil minimum de membres est fixé pour pouvoir constituer un groupe politique de manière à assurer une certaine cohérence à chacun d’entre eux et à éviter qu’un élu seul ne puisse contourner l’esprit de la règle en constituant un groupe qui ne serait composé que de lui-même.
À l’Assemblée nationale, le nombre de députés nécessaires à la constitution d’un groupe politique a longtemps été fixé 30 pour un nombre global de 577 députés, soit 5,2 % des effectifs environ. Depuis lors, ce seuil a été réduit jusqu’à tomber à 15, toujours pour 577 députés, soit 2,6 % des effectifs. Au Sénat, ce seuil a été fixé à 15 sénateurs à l’époque où cette chambre comptait 321 élus : la proportion était alors de 4,7 % des effectifs environ. Avec aujourd’hui un Sénat composé de 348 sénateurs et un seuil toujours fixé à 15 élus pour constituer un groupe, le taux a légèrement baissé à 4,3 %.
Au Parlement européen, un minimum de 23 membres sur 720 élus est nécessaire pour former un groupe politique, ce qui représente une proportion de 3,2 % des élus. Au niveau national ou supranational, le taux d’élus nécessaire pour former un groupe politique varie donc globalement de 2,6 % des effectifs au minimum à 5,2 % au maximum.
2. L’évolution du nombre d’élus nécessaires à la création d’un groupe
Les moyens financiers des assemblées n’étant pas infiniment extensibles, l’augmentation du nombre de groupes conduit généralement à la réduction des moyens des groupes préexistants : il faut, en quelque sorte, partager les ressources et le pouvoir, ce qui n’est pas le plus simple à organiser. Est-ce la raison pour laquelle le nombre de groupes à l’Assemblée de la Polynésie française est souvent réduit à deux ?
En effet, le règlement de l’Assemblée de la Polynésie française semble varier plus souvent que le nombre de groupes. Le seuil pour constituer un groupe a longtemps été fixé, comme en Nouvelle-Calédonie, à 6 élus (délibération n° 2007-43 du 5 juillet 2007), soit 10,5 % des effectifs, ce qui est déjà un seuil élevé.
En juin 2021, lorsque les non-inscrits du parti Ahip ont rassemblé 6 élus pour constituer un groupe, l’article 69 du règlement de l’Assemblée de Polynésie a été opportunément modifié (délibération n° 2021-68 du 17 juin 2021) pour porter le seuil permettant de former un groupe à 7 élus. L’Ahip n’a donc pas pu former de groupe politique.
En octobre 2023, le seuil pour constituer un groupe a été ramené à 6 élus : le parti Ahip, qui ne compte plus que trois élus depuis les élections du printemps 2023, ne peut donc toujours pas constituer de groupe politique à l’Assemblée de Polynésie dont il est pourtant l’une des trois composantes. Regroupant 5,3 % des élus, l’Ahip aurait pourtant vocation à constituer un groupe politique s’il siégeait à l’Assemblée nationale, au Sénat ou au Parlement européen.
3. Un risque de voir se constituer des groupes géographiques ?
Pour certains observateurs, réduire le nombre de députés nécessaires à la constitution d’un groupe (à trois élus par exemple) risquerait de donner la possibilité à certains archipels de former des groupes politiques qui pourraient se transformer en lobbies. Notons que ce risque pourrait facilement être conjuré en prévoyant, par exemple, qu’un groupe devrait être constitué d’élus provenant d’au moins deux sections différentes.
Le risque de voir se constituer des groupes par archipel resterait également limité grâce à la ventilation par section de la prime majoritaire qui conduit la plupart des archipels à compter parmi leurs élus des membres appartenant à la fois à la majorité et à l’opposition.
D’ailleurs, actuellement, avec un seuil fixé à six élus pour former un groupe, rien n’empêche les trois élus des îles Marquises et les trois élus des îles australes (où d’un autre archipel) de s’allier pour former un groupe d’influence chargé de porter la voie des archipels : ce n’est pas le cas, preuve que la logique partisane l’emporte sur une logique purement géographique.
À défaut de modifier le nombre le nombre minimum d’élus nécessaires pour constituer un groupe politique, peut-être pourrait-on travailler sur un socle minimum d’expression et de droits pour les élus minoritaires qui n’auraient pas réussi à constituer un groupe.
B. Des pistes de réflexion au-delà du mode électoral
Au-delà du strict objet de ce rapport, en principe limité à réforme du mode de scrutin à l’Assemblée de Polynésie française, certains interlocuteurs de la mission d’information ont présenté des pistes de réflexion originales que les rapporteurs livrent à la réflexion des lecteurs.
1. Réfléchir à un statut de l’élu
Pour le sénateur Teva Rohfritsch, le nécessaire renouvellement de la classe politique passe par l’élargissement du nombre de personnes susceptibles de se présenter à une élection. Or, certains peuvent hésiter à se présenter, en raison des aléas liés à tout engagement politique, en raison aussi, pour certains, du risque de pertes financières.
Dans cette optique, le sénateur propose de ne plus verser une indemnité mensuelle mais une vacation, comme cela existe déjà dans les conseils de prud’hommes. Les jours de séance, les élus auraient un congé légal de la part de leur employeur auquel s’ajouteraient des quotas d’heures en fonction de leur charge de travail, s’agissant de rapporteurs par exemple. En sus seraient versées des vacations lors des présences en séance ou en commission. L’absentéisme, souvent décrié, devrait ainsi diminuer. Pour les élus dépourvus d’emplois, une indemnité mensuelle limitée continuerait à être versée.
Ce système permettrait en outre de mettre en œuvre le principe selon lequel la politique n’est pas un métier mais l’exercice d’un mandat ; en permettant à chaque élu de conserver une activité professionnelle même partielle, il réduirait les risques de voir des élus « hors sol », coupés des réalités économiques du pays pour avoir trop longtemps été éloignés du monde réel.
2. Inciter les jeunes à se lancer en politique
Après avoir incité les femmes à se lancer en politique grâce, notamment, aux mesures de parité, peut-être faudrait-il inciter davantage de jeunes à s’investir en politique par des mesures appropriées. Ainsi, le sénateur Teva Rohfritsch propose d’obliger les listes à inclure, à hauteur de 10, 12 ou 15 % des candidats âgés de 18 à trente ans. Selon lui, une telle mesure serait de nature à inciter davantage de jeunes à s’impliquer en politique.
3. Remplacer le mandat représentatif par un mandat impératif ?
Nonobstant l’article 27 de la Constitution française qui dispose que « tout mandat impératif est nul » car se plaçant sur une trajectoire de pleine souveraineté qui verrait la Polynésie s’affranchir de la Constitution nationale, le président de l’Assemblée de Polynésie, Antony Geros, propose que le mandat représentatif soit remplacé par un mandat impératif qui instaurerait une obligation d’obéissance et obligerait les élus en désaccord avec la direction de leur parti à démissionner de leur mandat de manière à être remplacés par les suivants de liste.
Cette disposition présenterait selon le président Antony Geros, l’avantage pour un élu de rester fidèle à ses engagements de campagne électorale et favoriserait la stabilité politique en rendant impossible le nomadisme politique et les fractures de majorités.
4. La problématique des procurations
Bruno Sandras, président du parti Amuitahira’a considère essentiel de garantir la sincérité des scrutins et met en cause le système des procurations « devenu une plaie en Polynésie ». Selon cet élu, de nombreux abus ont été relevés, des fraudes mises à jour et des policiers responsables de fausses procurations mis en examens. Selon des propos ni vérifiés ni contredits entendus par la mission, certaines procurations feraient l’objet « d’un chantage au permis de construire », de la part de certaines mairies, accusation extrêmement grave.
Pour lutter contre ce genre de fraudes, potentielles ou réelles, et pour permettre à un maximum de personnes de voter, Bruno Sandras propose d’autoriser à nouveau le vote par correspondance, jadis en vigueur en France et encore d’actualité dans certains pays, et d’autoriser le vote électronique, utilisé à titre expérimental dans certaines communes françaises et d’un usage courant dans d’autres États.
5. Créer un « Sénat des archipels » ?
Dans le but de mieux tenir compte des aspirations des habitants des archipels qui, on l’a vu, ne sont qu’imparfaitement prises en considération quel que soit le mode de scrutin retenu, Éric Minardi, président du Te Nati Rassemblement national en Polynésie, propose la création d’un « Sénat des archipels » qui rassemblerait des représentants des communes archipélagiques et qui jouerait le rôle de seconde chambre sur certains sujets. L’ancien député Tématai Le Gayic évoque aussi, pour sa part, l’idée d’un « Conseil des archipels ».
La question d’un parlement bicaméral peut étonner sur un territoire aussi peu peuplé. C’est oublier qu’il existe aussi un Sénat, coutumier en l’occurrence, en Nouvelle-Calédonie, territoire légèrement moins peuplé. Le fait de nommer membres d’un possible « Sénat des archipels » des maires, rémunérés par ailleurs et qui seraient simplement défrayés ou percevraient des vacations devrait permettre de limiter les frais afférents à une telle structure et rassurer les contribuables.
6. Mener une réflexion sur le cumul des mandats en Polynésie
La sénatrice et membre Tapura de l’Assemblée de Polynésie, Lana Tetuanui, a soulevé la question du cumul des mandats, « strictement encadré à l’Assemblée nationale et au Sénat » mais pas en Polynésie ou un membre de l’Assemblée peut, comme elle, cumuler avec un mandat de parlementaire national.
Si la sénatrice admet qu’évoquer une éventuelle limitation du nombre de mandats – exercés simultanément ou dans le temps – n’est sans doute pas opportun à l’approche d’élections municipales, elle considère toutefois que ce sujet pourrait entrer dans le cadre d’une réflexion globale, notamment pour favoriser des vocations politiques chez les jeunes si une limitation aux nombres de mandats qu’un élu peut successivement exercer était mise en place.
7. Améliorer le fonctionnement de l’Assemblée de Polynésie
Afin d’améliorer le fonctionnement de l’Assemblée de la Polynésie française, l’ancien député Tematai Le Gayic, riche de son expérience au Palais Bourbon, propose que des procédures qui existent à l’Assemblée nationale soient reprises à l’échelle de l’Assemblée de la Polynésie. Il suggère en particulier que soient instaurées :
- des niches parlementaires permettant aux groupes d’opposition ou minoritaires de mettre en discussion des textes de leur choix ;
- des séances de questions au gouvernement au cours desquelles les élus pourraient interroger le gouvernement sur des sujets d’actualité ;
- des semaines de contrôles consacrées à des débats et au contrôle de l’action gouvernementale.
VII. L’élection du président de la Polynésie au suffrage universel direct ?
Actuellement, le président de la Polynésie française est élu par l’Assemblée de la Polynésie française. Son élection au suffrage universel direct serait une décision politique.
A. une question déjà soulevée il y a quelques années
1. Une idée écartée lors de la réforme de 2011
Dans le rapport[8] qu’il a rendu en 2010 et qui a servi de base à la réforme électorale de 2011, le préfet Jacques Barthélemy avait été saisi de la question de l’éventuelle élection au suffrage universel du président de la Polynésie française. Défavorable à cette idée, il écrivait alors « La question de l’élection du président de la Polynésie française au suffrage universel direct a été posée par M. Gaston Tong Sang lors des États généraux de l’outre-mer en Polynésie française. Elle est devenue pour le président en exercice un « cheval de bataille » qu’il évoque à chaque déplacement en métropole, en dépit des fins de non-recevoir claires opposées par Mme Marie-Luce Penchard », alors ministre des outre-mer.
Selon le préfet, « Les autres leaders politiques ne se sont pas officiellement prononcés sur cette question, à l’exception de M. Oscar Temaru qui ne s’est pas déclaré hostile à cette possibilité. Cette solution inédite pour un exécutif d’une collectivité territoriale de la République n’apparaît en tout état de cause pas opportune, la maturité de l’électorat polynésien n’étant manifestement pas atteinte dans un contexte politique local tendu. Elle ne semble pas également être un gage de stabilité, une « cohabitation », comme dans le contexte actuel, étant toujours possible. Elle nécessiterait surtout une refonte profonde et une redéfinition complète, et donc complexe, du statut d’autonomie et des mécanismes garantissant un équilibre des institutions locales. »
Si l’argument sur la prétendue « immaturité » de l’électorat polynésien ne mérite évidemment pas d’être retenu, ceux relatifs aux risques d’instabilité, de cohabitation et de redéfinition du statut, évoqués en 2010, portent davantage et ont trouvé de l’écho auprès de la présente mission menée quinze ans plus tard.
2. Une demande soutenue par le président Moetai Brotherson
Convaincu que la Constitution française n’interdit pas l’élection au suffrage universel du président d’une collectivité relevant de l’article 74, le président Moetai Brotherson milite pour une telle solution qu’il lie d’ailleurs à la réduction de la prime majoritaire.
Le président Brotherson propose que le président de la Polynésie puisse être élu sans être forcément membre de l’Assemblée de Polynésie. Selon lui, il conviendrait de nommer l’équivalent d’un premier ministre ainsi que des ministres qui ne seraient pas forcément issus des rangs de l’Assemblé de Polynésie. Interrogé sur les risques de cohabitation, il répond que ce cas de figure s’est déjà produit, certains présidents, par le passé, se retrouvant en quasi-cohabitation après que leur groupe politique, hégémonique, s’est fractionné.
Le président Brotherson n’est pas seul à préconiser l’élection du président de la Polynésie au suffrage universel direct : le maire de Rimatara et président de la communauté des îles australes, Artigas Hatitio, y est également favorable, proposant même « un découplage de l’élection du président et de l’élection de l’Assemblée ».
B. Une possible difficulté constitutionnelle
1. Des règles qui semblent s’opposer à une telle élection
La plupart des juristes considèrent qu’une telle élection ne serait pas constitutionnellement possible, seul le Président de la République étant élu au suffrage universel. Le troisième alinéa l’article 72 de la Constitution dispose que « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ».
Cette disposition, qui s’applique notamment, en vertu du premier alinéa du même article « aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 » prévoit donc l’élection au suffrage universel de conseils mais pas de leurs présidents. Cet élément incite la majorité des juristes à penser que le président d’un conseil peut être élu par ses pairs, mais pas directement au suffrage universel. On objectera qu’en l’occurrence, le débat porte non sur la désignation du président de l’Assemblée de Polynésie, mais sur celle du président de la collectivité, distinct du premier, comme c’est le cas en Martinique, collectivité qui relève pourtant de l’article 73 de la Constitution.
2. Mais la plasticité de l’article 74 a déjà fait ses preuves
Le débat n’est donc pas d’une grande limpidité et certains constitution-nalistes sont partagés. Le professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien est l’un des rares universitaires à se déclarer peu convaincus par l’argument qui précède, compte tenu du statut très particulier des collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution.
Il est vrai que l’article premier de notre Constitution dispose que « la France est une République », ce qui n’empêche pas la coexistence officielle de trois rois à Wallis et Futuna. Si l’on admet l’existence de rois rémunérés sur fonds publics dans une collectivité relevant de l’article 74, comment interdire l’élection au suffrage universel du président d’une collectivité relevant du même article ? Le débat n’est pas clos.
C. Un bouleversement des institutions
1. Une tentation mêlée d’interrogations
Un certain nombre de Polynésiens sont prêts à envisager l’hypothèse d’une élection au suffrage universel direct du président, même si chacun sait que le risque d’inconstitutionnalité est réel. Mais les élus marquisiens s’interrogent : « une telle réforme ne ferait-elle pas courir un risque d’instabilité si le président élu n’est pas de même couleur politique que l’Assemblée ? »
Certains observateurs remarquent qu’une telle élection pourrait permettre l’émergence d’une personnalité hors des partis politiques dominants et contribuer ainsi à renouveler le personnel politique. Car « actuellement, on est un peu prisonniers des partis politiques dominants » fait remarquer une élue.
Jacky Bryant, président du parti Heiura Les Verts, estime dangereux ce projet « qui conduirait vers une logique d’État souverain » et « conduirait sur le chemin de l’indépendance » dans la mesure où « une telle élection fait partie des attributs d’un État souverain ». Ajoutant qu’élire le président au suffrage universel direct « ne résoudrait pas les problèmes du quotidien et n’apporterait aucune valeur ajoutée à nos problèmes de société », il se déclare résolument opposé au projet.
2. Un éventuel chantier de grande envergure
Pour le sénateur Teva Rohfritsch, si l’élection du président de la Polynésie au suffrage universel n’est pas choquante, une telle réforme remettrait en cause toute l’architecture institutionnelle de la collectivité. Il faudrait alors instaurer l’équivalent d’un chef de gouvernement responsable devant la représentation car le président, qui ne tirerait plus sa légitimité de l’Assemblée, ne pourrait plus être responsable devant elle. Faudrait-il instaurer un droit de dissolution ?
La légitimité du président élu par le peuple devenant supérieure à celle d’un Haut-commissaire simplement nommé, d’aucuns, comme le président Antony Geros, considèrent que le représentant de l’État deviendrait le subordonné du président de l’exécutif local détenteur d’une plus forte légitimité. Pour le sénateur Rohfritsch, « On entrerait alors dans un tout autre système qui dépasse le simple réaménagement du système électoral » objet du présent rapport.
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Une majorité se dégage incontestablement en faveur d’un aménagement raisonnable de la loi électorale de 2011, notamment en ce qui concerne l’abaissement du seuil d’accès au second tour, une baisse raisonnable du niveau de la prime majoritaire et la poursuite de la réflexion quant à une réduction possible du nombre d’élus composant l’Assemblée de Polynésie. Certes, le consensus n’est pas total, mais le sera-t-il un jour ?
Pour beaucoup, l’attente d’une unanimité ne serait qu’un mauvais prétexte conduisant à l’inaction. Après trois scrutins organisés (en 2013, 2018 et 2023) conformément aux règles mises en place par la réforme de 2011, le recul est désormais suffisant pour apporter à la loi électorale les retouches qu’elle nécessite.
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récapitulatif des recommandations des rapporteurs
Recommandation n° 1 : réduire le seuil d’accès au second tour en le faisant passer de 12,5 % actuellement à un chiffre compris entre 7 % et 10 % du total des suffrages exprimés, sachant qu’une majorité se déclare plutôt favorable à un seuil fixé à 10 %.
Recommandation n° 2 : réduire la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête aux alentours de 20 % à 25 % du nombre de sièges.
Recommandation n° 3 : poursuivre la réflexion sur la possible réduction du nombre de représentants à l’Assemblée de la Polynésie française.
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Lors de sa réunion du 4 juin 2025, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport sur le système électoral mis en œuvre pour les élections territoriales en Polynésie française.
La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :
Puis la Délégation a adopté le rapport d’information et ses recommandations. Elle en a autorisé la publication.
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Carte de la Polynésie française
Carte de la Polynésie française à l’échelle du continent européen
tableau de la délimitation des sections
Sections |
Composition de la section |
Nombre de sièges |
dont sièges issus de la prime majoritaire |
Première section des îles du Vent (70 171 habitants) |
Communes de : Arue, Moorea-Maiao, Papeete, Pirae |
13 |
4 |
Deuxième section des îles du Vent (83 032 habitants) |
Communes de : Hitiaa O Te Ra, Mahina, Paea, Papara, Taiarapu-Est, Taiarapu-Ouest, Teva I Uta |
13 |
4 |
Troisième section des îles du Vent (59 318 habitants) |
Communes de : Faa'a, Punaauia |
11 |
4 |
Section des îles Sous-le-Vent (36 724 habitants) |
Communes de : Bora-Bora, Huahine, Maupiti, Tahaa, Taputapuatea, Tumaraa, Uturoa |
8 |
3 |
Section des îles Tuamotu de l’Ouest (9 558 habitants) |
Communes de : Arutua, Fakarava, Manihi, Rangiroa, Takaroa |
3 |
1 |
Section des îles Gambier et des îles Tuamotu de l’Est (7 655 habitants) |
Communes de : Anaa, Fangatau, Gambier, Hao, Hikueru, Makemo, Napuka, Nukutavake, Pukapuka, Reao, Tatakoto, Tureia |
3 |
1 |
Section des îles Marquises (9 839 habitants) |
Communes de : Fatu-Hiva, Hiva-Oa, Nuku-Hiva, Tahuata, Ua-Huka, Ua-Pou |
3 |
1 |
Section des îles Australes (6 850 habitants) |
Communes de : Raivavae, Rapa, Rimatara, Rurutu, Tubuai |
3 |
1 |
Total (283 147 habitants) |
|
57 |
19 |
NB : les données relatives à la population sont issues du décret n° 2022-1592 du 20 décembre 2022, authentifiant les résultats du recensement de la population 2022 de Polynésie française, disponible sur Légifrance ainsi que sur le site de l’INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6689891
SIMULATIONs d’évolutions possibles du nombre de sièges et de la prime majoritaire
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Hypothèse 1 : nombre de sièges inchangé (57) mais réduction de la prime majoritaire à 11 sièges, soit 20% |
Hypothèse 2 : réduction à 45 du nombre de sièges et réduction de la prime majoritaire à 11 sièges, soit 25% |
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Sections |
Nombre de sièges |
dont sièges issus de la prime majoritaire |
Nombre de sièges |
dont sièges issus de la prime majoritaire |
Première section des îles du Vent (70 171 habitants) |
13 |
3 (-1) |
11 (-2) |
3 (-1) |
Deuxième section des îles du Vent (83 032 habitants) |
13 |
3 (-1) |
11 (-2) |
3 (-1) |
Troisième section des îles du Vent (59 318 habitants) |
11 |
3 (-1) |
9 (-2) |
3 (-1) |
Section des îles Sous-le-Vent (36 724 habitants) |
8 |
2 (-1) |
6 (-2) |
2 (-1) |
Section des îles Tuamotu de l’Ouest (9 558 habitants) |
3 |
0 (-1) |
2 (-1) |
0 (-1) |
Section des îles Gambier et des îles Tuamotu de l’Est (7 655 habitants) |
3 |
0 (-1) |
2 (-1) |
0 (-1) |
Section des îles Marquises (9 839 habitants) |
3 |
0 (-1) |
2 (-1) |
0 (-1) |
Section des îles Australes (6 850 habitants) |
3 |
0 (-1) |
2 (-1) |
0 (-1) |
Total (283 147 habitants) |
57 |
11 (-8) |
45 (-12) |
11 (-8) |
NB 1 : dans les deux hypothèses, les quatre petits archipels ont été exclus de la ventilation de la prime majoritaire, très impopulaire dans les petites sections car elle impose un élu sur trois.
NB 2 : dans la première hypothèse, les îles-du-Vent (Tahiti et Moorea) représentent 63 % des élus ; dans la seconde, elles en représentent 69 %. La distorsion est donc réduite, ces îles représentant 75 % des habitants (212 521 sur 283 147) de la Polynésie (INSEE 2022).
Le 6 février 2025, à Paris
– M. Alexis Fourmont, maître de conférences en droit public ;
– M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public.
Le 13 février 2025, à Paris
– M. Bruno Daugeron, professeur de droit public ;
– M. Michel Verpeaux, professeur de droit public ;
– M. François Benchendikh, maître de conférences en droit public.
Le 3 mars 2025 à Papeete
– M. Yvonnick Raffin, ancien ministre, président de la communauté de communes Teporionu’u à Tahiti (parti autonomiste Tapura) ;
– M. Benoit Kautai, président de la Communauté des îles Marquises (CODIM) et membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Tapura) ;
– M. Mickaël Chidel, conseil juridique de la CODIM ;
– Mme Joëlle Frébault, maire de Hiva-Oa (îles Marquises) et membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Tapura) ;
– M. Moetaï Brotherson, président de la Polynésie française (parti indépendantiste Tavini) ;
– M. Artigas Hatitio, maire de Rimatara et président de la communauté des îles australes.
Le 4 mars 2025 à Papeete
– M. Nuihau Laurey, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Ahip);
– Mme Teave Boudouani-Chaumette, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Ahip) ;
– M. Édouard Fritch, ancien président de Polynésie, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Tapura) ;
– Mme Lana Lana Tetuanui, sénatrice de Polynésie, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Tapura) ;
– M. Thierry Nhun Fat, conseiller d’Édouard Fritsch ;
– M. René Temeharo, secrétaire général du Tapura ;
– Mme Teura Iriti, maire de Arue, membre Tapura de l’Assemblée de Polynésie française ;
– Mme Tepuaraurii Teriitahi, vice-présidente du groupe Tapura à l’Assemblée de Polynésie française ;
– M. Cyril Tetuanui, président de la communauté de communes des îles sous-le-vent Hava’i
– M. Christophe Valadier, directeur de cabinet du président de la communauté de communes des îles sous-le-vent Hava’i
– Mme Pascale-Haïti-Flosse, présidente du parti Taho’e Tatou, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti autonomiste Tapura) ;
– M. Gaston Flosse, ancien président de Polynésie française ;
– M. Reupena Taputuarai, président de la communauté des communes des Tuamotu de l’Ouest ;
– M Bruno Sandras, président du parti Amuitahira’a.
Le 5 mars 2025 à Papeete
– M. Teva Rohfristch, président de Ia Ora te Nuna'a, sénateur de Polynésie ;
– M. Éric Minardi, président du Te Nati Rassemblement national en Polynésie ;
– M. Jacky Bryant, président du parti écologiste Les Verts ;
– M. Salmon Tati, membre du parti écologiste Les Verts ;
– M. Maximilien Hauata, membre du parti écologiste Les Verts ;
– M. Jules Hauata, membre du parti écologiste Les Verts ;
– M. Semir Al Wardi, professeur de droit public à l’université de Polynésie
– M. Alain Moyrand, maître de conférences à l’université de Polynésie
– M. Jean-Paul Pastorel, maître de conférences à l’université de Polynésie
– M. Antonino Troianiello, maître de conférences à l’université de Polynésie
Le 6 mars 2025 à Papeete
– M. Temataï Le Gayic, ancien député, membre de l’Assemblée de Polynésie (parti indépendantiste Tavini) ;
– Mme Voltina Roomataaroa-Dauphin, présidente du Conseil économique, social, environnemental et culturel de Polynésie ;
– M. Antony Geros, président de l’Assemblée de Polynésie française (parti indépendantiste Tavini) ;
– M. John Drollet, maire de Manihi (Tuamotu) ;
– M. Teretino Houariki, directeur général des services du syndicat intercommunal des Tuamotu.
([1]) Jean-Pierre Grandemange. « Réforme du statut d'autonomie de la Polynésie française ». Actualité juridique Droit administratif, 2011, 37, pp.2133.
([2]) Jean-Pierre Grandemange. Op. cit..
([3]) Jean-Pierre Grandemange. Op. cit..
([4]) Avis n° 2011-3 A/APF du 13 avril 2011 sur le projet de loi organique relatif à l'amélioration du fonctionnement des institutions en Polynésie française.
([5]) Alexis Fourmont : « la loi électorale fédérale allemande entre réforme et stabilité ».
[6] Op. cit.
[7] Si l’on inclut les îles-sous-le-vent (7 sièges) à l’ensemble des « petits » archipels, appellation qui regroupe de manière plus habituelle les seules Marquises, Australes, Tuamotu et Gambier (10 élus pour l’ensemble).
[8] Op. Cit.