N° 1660
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
visant à mieux définir la stratégie de renouvellement de la flotte aérienne
de la sécurité civile
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Damien MAUDET et Mme Sophie PANTEL,
rapporteurs spéciaux
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SOMMAIRE
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Pages
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX ()
I. Une flotte aérienne vieillissante
A. Les soixante aéronefs de la sécurité civile
2. Les trente-sept hélicoptères
B. Une flotte inadaptée face à l’augmentation des risques sur le territoire
1. Un vieillissement notable s’agissant des avions
C. La location d’aéronefs, coûteuse à long terme, ne peut être qu’une solution d’appoint
A. De précédents investissements bienvenus
B. Le renouvellement des Canadairs : un sujet de préoccupation majeure insuffisamment anticipé
1. Des négociations difficiles
2. Des incohérences quant à la stratégie de renouvellement des Canadairs
C. La flotte de la sécurité civile doit être complétée par d’autres types d’aéronefs
1. Les hélicoptères lourds bombardiers d’eau
2. Les Airbus A400M à kit de largage
3. Les technologies d’observation et de surveillance
A. Un Mécanisme européen de protection civile composé de trois niveaux de réponse
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX ([1]) Recommandation n° 1 : Mener à bien l’analyse visant à répartir les moyens héliportés sur le territoire afin d’assurer une meilleure couverture des risques. Recommandation n° 2 : Renforcer l’attractivité des métiers de la flotte aérienne de la sécurité civile, notamment en alignant les rémunérations avec celles du secteur privé. Recommandation n° 3 : Se doter d’un contrat opérationnel et de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, afin d’inscrire ces investissements stratégiques dans la durée indépendamment des alternances politiques. Recommandation n° 4 : Au regard des retards pris, clarifier rapidement la stratégie de renouvellement de la flotte des Canadairs quant au nombre d’appareils commandés et leur calendrier de livraison. Recommandation n° 5 : Investir une partie des moyens destinés au renouvellement des Canadairs dans le développement de projets souverains d’avions bombardiers d’eau, avec un objectif de mise en service la plus rapide possible, en renforçant les financements publics et en dégageant des solutions communes au niveau européen. Recommandation n° 6 : Diversifier la flotte de la sécurité civile par l’acquisition d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau. Recommandation n° 7 : Intégrer le sujet des drones, capteurs et radars d’observation et de surveillance dans le dispositif des pactes capacitaires de la sécurité civile.
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Composée de soixante aéronefs, la flotte aérienne de la sécurité civile est un dispositif essentiel de lutte contre les crises et de protection de la population, notamment dans la lutte contre les feux. Ces appareils – vingt-trois avions et trente‑sept hélicoptères – permettent de surveiller le territoire, d’attaquer des feux naissants, de contrôler la progression des feux grâce à la pose de produit retardant, d’attaquer les fronts de flammes grâce au bombardement d’eau, de transporter du personnel et du matériel, ainsi que de coordonner des opérations depuis les airs. Cette complémentarité des appareils de la flotte et leur coopération avec les moyens terrestres sont une des clés du succès de la doctrine française de la lutte anti-incendie.
Pourtant, les moyens aériens de la sécurité civile font aujourd’hui face à une crise majeure. La flotte n’est plus adaptée aux besoins, lesquels augmentent fortement sous l’effet du réchauffement climatique : les incendies, plus longs et plus intenses, remontent désormais vers le nord du territoire jusqu’alors relativement épargné, alors que les pluies extrêmes se multiplient, causant de plus en plus d’inondations notamment en hiver. L’ensemble de ces risques pose d’importants défis logistiques, humains et financiers qu’il faut anticiper le plus rapidement possible.
Les rapporteurs spéciaux ont ainsi souhaité étudier les actions entreprises afin de renouveler la flotte aérienne de la sécurité civile et disposer de moyens à la hauteur des enjeux auxquels elle doit faire face. Pour cela, ils ont interrogé les administrations françaises et européennes en charge de la protection civile, les personnels de la flotte mais aussi les industriels du secteur aéronautique rencontrés à l’occasion d’un déplacement lors du 55e Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget ([2]).
À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs spéciaux constatent que le vieillissement de la flotte ne lui permet plus d’accomplir ses différentes missions pourtant essentielles à la protection des populations et du territoire (I). Si des actions salutaires de renouvellement de la flotte ont été engagées ces dernières années notamment à la suite de la saison des feux 2022 d’une rare intensité, force est de constater que les efforts réels sont insuffisants : il faut donc agir vite et fort afin de renouveler à temps la flotte, en particulier les avions bombardiers d’eau (II). Si la coopération européenne est une solution pertinente afin de mutualiser les moyens aériens de protection civile, la contribution de la France à ce dispositif doit aller de pair avec le maintien d’une flotte nationale autonome (III).
Alors qu’une stratégie de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile n’est pas clairement définie, la France ayant même refusé de se positionner sur des projets d’acquisition de certains équipements grâce à des fonds européens, les rapporteurs spéciaux estiment qu’une telle stratégie doit reposer sur trois axes : l’augmentation de la flotte, notamment s’agissant des avions et hélicoptères bombardiers d’eau ; le développement d’une filière européenne de production d’aéronefs, afin de ne pas dépendre de constructeurs étrangers s’agissant d’équipements aussi stratégiques ; et le renforcement de la coopération européenne dans une logique de complémentarité vis-à-vis de la flotte nationale.
I. Une flotte aérienne vieillissante
La flotte aérienne, actuellement composée de soixante aéronefs (A), n’est plus adaptée aux missions auxquelles doit faire face la sécurité civile, en raison notamment de l’intensification du risque incendie sous l’effet du changement climatique (B). Si la location d’aéronefs est une solution d’appoint utile afin de garantir la disponibilité des appareils, en particulier durant la saison des feux, celle‑ci ne saurait se substituer à l’acquisition d’avions et d’hélicoptères en propre (C).
A. Les soixante aéronefs de la sécurité civile
La flotte aérienne de la sécurité civile est actuellement composée de soixante aéronefs : vingt-trois avions et trente-sept hélicoptères.
Les avions de la sécurité civile se répartissent en trois catégories :
– Douze Canadairs CL 415, avions amphibies disposant d’une capacité de largage de 6 tonnes d’eau pouvant être couplés à du produit retardant. Ces appareils sont particulièrement efficaces afin de lutter contre les incendies d’ampleur en raison de leur forte maniabilité et de leur capacité à écoper sur des plans d’eau (mer, fleuve, lac) sans avoir à se poser au sol.
Une opération de renouvellement d’une partie des anciens appareils CL 415 par des nouveaux Canadairs de type DHC-515 est en cours.
– Huit Dash 8 Q400, avions multirôles pouvant embarquer jusqu’à soixante passagers et emporter 6 tonnes de fret. Grâce à l’ajout d’un réservoir ventral externe (« tanker »), ces appareils peuvent larguer jusqu’à 10 tonnes d’eau ou de produit retardant. Les Dash sont particulièrement adaptés aux missions de « guet aérien armé » (GAAr), qui consistent en une veille aérienne préventive par des appareils prêts à larguer s’ils constatent un départ de feu. Ils peuvent également assurer des missions de transport de fret ou de personnes ainsi que des évacuations sanitaires. Plus rapides et pouvant parcourir des distances plus importantes que les Canadairs avec une vitesse de projection de 650 kilomètres/heure pour une distance franchissable de 2 500 kilomètres, ces avions sont en revanche plus lourds et donc moins maniables. N’étant pas amphibie, les Dash doivent se recharger au sol, ce qui limite leur emploi tactique sur certains feux. Les Dash et les Canadairs ont ainsi vocation à agir en complémentarité selon la nature et l’étendue du risque.
Les Dash sont répartis entre deux modèles : deux appareils de type « MR », et six appareils de type « MRBET », plus modernes.
– Trois Beechcraft King Air 200, avions bimoteur de reconnaissance et de coordination des opérations qui complètent la flotte en effectuant des missions de surveillance et de transport. Ils ne disposent pas de capacité de largage.
La flotte des avions est rattachée à la base aérienne de Nîmes-Garons, dans le Gard. En période de fort risque incendie, les appareils peuvent être prépositionnés sur d’autres bases aériennes du territoire.
2. Les trente-sept hélicoptères
S’agissant de la lutte contre les incendies, alors que les avions permettent une attaque massive des feux, les hélicoptères interviennent en phase de stabilisation et d’extinction grâce à leur précision de largage, leur capacité de rotation rapide et leur flexibilité de ravitaillement. Ils peuvent également assurer des missions très spécifiques comme le secours à personnes en milieu périlleux et intervenir de nuit, ce qui en fait des aéronefs polyvalents très utiles.
Ces hélicoptères de la sécurité civile se répartissent en deux catégories :
– Vingt-sept EC145, hélicoptères bimoteurs utilisés pour le secours à victimes principalement en milieu périlleux, capables d’embarquer huit personnes et possédant un treuil. Ils ont été acquis progressivement depuis 2001 via trois marchés successifs. En raison de leur vieillissement, ces EC145 sont progressivement remplacés par quarante hélicoptères H145, plus modernes. Les EC 145 ainsi remplacés sont reversés à la Direction nationale d’interventions domaniales du ministère de l’économie et des finances afin d’être vendus ([3]).
– Dix H145, qui disposent des améliorations suivantes par rapport aux EC145 : une motorisation plus puissante permettant des gains de sécurité, particulièrement utiles en zone de haute montagne, un rotor principal à cinq pales (contre quatre pour les EC145) permettant une capacité d’emport plus importante, une avionique modernisée, un système de cartographie numérique intégrée, un pilote automatique permettant le vol stationnaire particulièrement adapté en mer, et des radios numériques de nouvelle génération. Ils disposent également d’une capacité de largage de 820 litres ([4]). La flotte finale sera portée à quarante hélicoptères H145 remplaçant totalement les EC145 d’ici 2029.
Ces hélicoptères sont positionnés sur vingt-trois bases, dont trois en outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique).
Cartographie des bases d’hélicoptères de la sÉcuritÉ civile
Source : DGSCGC.
Le positionnement de ces hélicoptères sur le territoire fait l’objet d’une réflexion de la DGSCGC afin de renforcer la couverture du risque secours en milieu périlleux, comme l’ont suggéré les rapporteurs spéciaux dans leur rapport lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. En effet, l’actuelle répartition des moyens se caractérise par d’importants déséquilibres entre les territoires avec, dans certains cas, des chevauchements et, à l’inverse, des zones blanches, comme le nord et le sud du Massif central. Si la plupart des zones de montagne et le littoral sont généralement bien couverts, ce n’est pas le cas d’autres territoires dans le nord de la France. Or le changement climatique étend le risque incendie vers le nord du pays, justifiant de mener une réflexion sur la couverture de l’ensemble du territoire afin de réduire les délais d’intervention.
Recommandation n° 1 : Mener à bien l’analyse visant à répartir les moyens héliportés sur le territoire afin d’assurer une meilleure couverture des risques.
Une réflexion pourrait également être menée afin de mutualiser l’utilisation de certains hélicoptères entre les services de la gendarmerie, du SAMU et de sécurité civile, à l’image de ce qui a été proposé en Lozère (hélicoptère « bleu blanc rouge »), un même appareil pouvant alors servir pour accomplir différentes missions.
B. Une flotte inadaptée face à l’augmentation des risques sur le territoire
Le changement climatique augmente sensiblement les risques sur le territoire, que ce soit les feux de forêts qui s’intensifient et se multiplient, y compris dans des régions du nord du pays qui n’étaient traditionnellement pas concernées, ou encore des pluies extrêmes en hiver suivies d’épisodes de forte sécheresse. Cela conduit à une sollicitation beaucoup plus importante des aéronefs de la sécurité civile, entraînant une multiplication des opérations de maintenance et donc une immobilisation des appareils.
Nombre d’heures de vol par appareil sur les trois dernières annÉes
|
2022 |
2023 |
2024 |
Canadairs |
3 616 |
2 555 |
2 382 |
Dash |
3 262 |
2 553 |
2 715 |
Beechcraft |
902 |
702 |
785 |
Hélicoptères |
14 930 |
15 453 |
13 265 |
TOTAL |
22 710 |
21 263 |
19 147 |
Source : DGSCGC.
Le constat est celui d’une flotte qui n’est plus adaptée aux missions qui incombent aux forces de la sécurité civile. Alors que les effets du vieillissement de la flotte sont particulièrement visibles s’agissant des avions, le renouvellement progressif des hélicoptères permet quant à lui de renforcer leur disponibilité sans pour autant résorber totalement la crise.
1. Un vieillissement notable s’agissant des avions
Les effets du vieillissement de la flotte sont notables s’agissant de la flotte d’avions de la sécurité civile.
– La situation la plus critique est celle des Canadairs, dont la moyenne d’âge est aujourd’hui de 30 ans. Leur exploitation intensive, notamment en mer (ce qui accélère leur corrosion alors que ces appareils ont été originellement conçus pour écoper en eau douce), rend nécessaire un important travail de maintien en condition opérationnelle (MCO). En découle une disponibilité des appareils très insuffisante, aucun avion n’ayant été en état de voler certains jours durant l’été 2024. Ces avions sont également confrontés à une indisponibilité des pièces détachées au niveau mondial, d’autant qu’aucun appareil n’a été construit depuis 2015 et que des incertitudes pèsent sur la capacité de relance de la production de nouveaux appareils et le respect de leur calendrier de livraison.
De manière générale, les Canadairs reposent sur une architecture initiale qui date des années 1960 et qui ne semble plus adaptée aux enjeux et difficultés actuels de la lutte contre des incendies, plus fréquents et plus intenses : leur capacité d’emport de 6 tonnes devient limitée face à l’émergence de méga feux exigeant des moyens de saturation supérieurs, ce qui impose un important rythme de rotation alors que leur vitesse de croisière reste relativement modérée.
– S’agissant des Dash, les premiers appareils de type « MR », ayant une moyenne d’âge de 20 ans, arriveront en fin de vie aux alentours des années 2035‑2040 : leur renouvellement doit donc être anticipé dès à présent, notamment au regard des délais incompressibles de passation des marchés et de construction des appareils. Selon la DGSCGC, il faudrait acheter au minimum deux appareils de cette catégorie. Contrairement aux Canadairs, les Dash n’ont pas été conçus pour lutter contre les feux de forêts, ce qui se traduit par un vieillissement prématuré. Ces appareils sont également confrontés à des problèmes de MCO, avec des difficultés de disponibilité en pièces de rechange.
– S’agissant enfin des Beechcraft, leur moyenne d’âge de 45 ans rend nécessaire le remplacement rapide de ces appareils, pour lesquels le MCO est de plus en plus complexe, avec des délais de maintenance ayant de lourdes conséquences sur leur disponibilité opérationnelle. La DGSCGC a indiqué aux rapporteurs spéciaux que l’acquisition de trois nouveaux appareils de ce type était envisagée.
Moyenne d’Âge des avions de la sécurité civile
Canadairs CL 415 |
30 ans |
Dash 8 MR |
20 ans |
Dash 8 MRBET |
Entre 2 et 6 ans |
Beechcraft King Air 200 |
45 ans |
Source : DGSCGC.
Ce vieillissement des appareils a également des conséquences sur les conditions de travail des personnels de la sécurité civile, le recrutement étant déjà rendu complexe en raison de la technicité des profils recherchés. Le secteur souffre d’un manque d’attractivité, la rémunération d’un pilote d’avion de la sécurité civile étant souvent très inférieure à celle d’un pilote de l’aviation commerciale. Les conditions de travail sont particulièrement exigeantes, notamment durant la saison des feux (fortes chaleurs, terrains complexes, forte réactivité exigée, rythmes de travail irréguliers, etc). Une réflexion doit ainsi être menée pour renforcer l’attractivité de ces métiers, notamment en réduisant l’écart salarial avec le secteur privé.
Recommandation n° 2 : Renforcer l’attractivité des métiers de la flotte aérienne de la sécurité civile, notamment en alignant les rémunérations avec celles du secteur privé.
Sur le plan logistique, la maintenance des avions est assurée par une entreprise privée : Sabena Technics. Alors que ce prestataire n’avait pas donné entière satisfaction, notamment s’agissant des Canadairs en 2024, une nouvelle feuille de route conclue entre l’entreprise et la DGSCGC en 2025 vise à renforcer les opérations de MCO et ainsi faire remonter le taux de disponibilité des appareils.
2. Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères soulage la disponibilité de la flotte sans pour autant résorber la crise
La maintenance des hélicoptères est réalisée par le centre du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, avec un marché passé avec les sociétés Airbus et Babcock s’agissant du soutien en pièces.
Alors que le renouvellement de la flotte par les H145 permettra de soulager les opérations de maintenance après une disponibilité affaiblie des hélicoptères ces dernières années, les appareils restent encore majoritairement des EC145, appareils plus anciens exigeant nécessairement des opérations plus lourdes.
Faute de personnel suffisant, certaines opérations de maintenance sont déléguées à des prestataires privés afin de soulager le centre, avec une qualité moindre ainsi qu’une durée et des coûts généralement plus importants. Cela conduit régulièrement le centre de maintenance à effectuer un nouveau travail de vérification et de rectification de l’appareil.
La presse locale s’est d’ailleurs faite l’écho de plusieurs situations d’indisponibilité des hélicoptères en raison d’opérations de maintenance. Ainsi, l’on apprenait dans le journal Ouest France du 6 septembre 2024 qu’un hélicoptère de la sécurité civile habituellement basé à Quéven dans le Morbihan a été délocalisé à Quimper dans le Finistère durant une semaine en raison du rallongement de la maintenance de plusieurs appareils suite à un problème d’approvisionnement en pièces. Dans le sud, les hélicoptères basés dans les Bouches-du-Rhône et l’Hérault ont également volé en alternance afin de limiter les sur-sollicitations.
C. La location d’aéronefs, coûteuse à long terme, ne peut être qu’une solution d’appoint
Si la DGSCGC loue des aéronefs afin de compléter sa propre flotte notamment lors des saisons des feux, cette politique ne doit être qu’une solution d’appoint et ne saurait se substituer à de nécessaires investissements en propre.
1. En complément de sa propre flotte, la DGSCGC loue des aéronefs afin de faire face aux feux de forêt
En plus de sa flotte dite « patrimoniale », la DGSCGC loue des avions et des hélicoptères afin de faire face à la hausse d’activité durant les saisons des feux. Les services d’incendie et de secours (SIS) louent également, au niveau territorial, des avions légers ainsi que des hélicoptères, notamment dans le sud de la France.
● S’agissant des avions, un contrat passé avec la société TITAN pour douze mois (reconductible trois fois) permet à la DGSCGC de louer jusqu’à six avions bombardiers d’eau de type Air Tractor, d’une capacité de largage de 3 tonnes. Ces appareils sont positionnés dans le sud-ouest, avec un nombre variable de deux à six avions lors de la saison des feux. Ils interviennent dans les zones sud-ouest, ouest et sud.
● S’agissant des hélicoptères, après la saison des feux 2022 d’une rare intensité (plus de 70 000 hectares d’espaces naturels brûlés) conduisant le Gouvernement à réquisitionner des appareils de sociétés privées afin de renforcer la flotte de la DGSCGC, un contrat de location de dix hélicoptères bombardiers d’eau (six appareils lourds de type Super Puma et quatre appareils légers) a été conclu. Ces appareils sont mobilisables entre le 1er juin et le 30 septembre chaque année durant quatre ans, en nombre variable selon la période, avec un pic de la mi-juillet à la fin du mois d’août. Jusqu’à six appareils seront présents sur bases, et jusqu’à quatre pourront être mobilisés sur demande.
Calendrier de mobilisation des hÉlicoptÈres bombardiers d’eau
louÉs durant LES saisons des feux
Source : DGSCGC.
2. Coûteuse à long terme, la location d’aéronefs ne peut être qu’une solution d’appoint et ne saurait se substituer à l’acquisition d’appareils en propre
L’intensification globale du risque incendie sous l’effet du réchauffement climatique conduit à une augmentation de la demande d’aéronefs et à une hausse des coûts de location d’appareils de moins en moins disponibles. Certains avions comme les Canadairs ou les Air Tractors sont devenus rares à la location, en raison d’une production mondiale insuffisante et d’une forte sollicitation dans leurs pays d’origine. La passation de marchés pluriannuels est bien souvent incontournable afin de s’assurer de la disponibilité des appareils en nombre suffisant face à la concurrence des États et même des acteurs privés.
Si la location peut sembler avantageuse à court terme, elle représente au final un coût non négligeable pour les finances publiques : la location représenterait un coût cumulé de plus 106 millions d’euros depuis 2020.
Crédits de paiement du programme 161 consacrés à la location d’aéronefs
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.
Ces éléments militent pour l’acquisition d’aéronefs en propre, afin de ne pas être dépendant de la disponibilité d’appareils externes et ce à des coûts qui ont vocation à augmenter. Si la location reste utile, notamment en cas d’évènement exceptionnel de grande ampleur comme les méga-feux, pour tester de nouveaux aéronefs avant une éventuelle décision d’achat ou encore pour renforcer certaines zones critiques non couvertes par la flotte grâce à des appareils spécifiques, c’est à la condition qu’elle soit ciblée et strictement complémentaire de la flotte patrimoniale. D’autant que le recours à la location pose parfois des difficultés d’intégration de pilotes non francophones dans le dispositif de sécurité civile, rendant nécessaire la présence d’un traducteur, ce qui alourdit les procédures.
II. Il est urgent de définir une stratégie de renouvellement de la flotte et de la mettre en œuvre le plus rapidement possible, en particulier s’agissant des bombardiers d’eau
Alors que la DGSCGC a réalisé de nécessaires investissements en moyens aériens ces dernières années (A), le sujet du renouvellement de la flotte des Canadairs est un sujet de préoccupation majeure (B). La flotte devrait également être complétée par d’autres types d’appareils afin de couvrir l’ensemble des missions de la sécurité civile (C).
De manière générale, les rapporteurs spéciaux sont favorables à la proposition de la DGSCGC de se doter d’un contrat opérationnel et de renouvellement de la flotte, comme ils l’avaient recommandé lors de l’examen du précédent projet de loi de finances pour 2025. Ce document stratégique permettrait une programmation pluriannuelle des investissements en moyens aériens ([5]), qui doivent nécessairement s’inscrire dans la durée indépendamment des alternances politiques.
Recommandation n° 3 : Se doter d’un contrat opérationnel et de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, afin d’inscrire ces investissements stratégiques dans la durée indépendamment des alternances politiques.
La DGSCGC a engagé ces dernières années plusieurs programmes de renouvellement de ses aéronefs. Ces investissements sont les bienvenus face au vieillissement de la flotte.
● Ainsi, les six nouveaux Dash « MRBET » sont venus compléter les anciens modèles « MR », en remplacement de sept avions bombardiers d’eau de type Trackers, retirés de la flotte suite à de graves incidents et au manque de pièces de rechange. Ces appareils ont été acquis après la passation d’un marché public notifié en 2018 et financé par le programme 161 pour un total de 345,7 millions d’euros. Leur livraison s’est étendue de 2019 à 2023.
● Surtout, la flotte des hélicoptères EC145 sera intégralement remplacée par quarante H145, plus modernes. Ce renouvellement se déroule en deux étapes :
– Un premier marché, notifié au mois d’octobre 2020 à la société Airbus, a permis l’acquisition de quatre appareils : deux financés par le programme 363 et livrés en décembre 2021, et deux autres financés par le programme 161 et livrés en décembre 2022 ;
– Un second marché, notifié en décembre 2023 également à la société Airbus, doit permettre l’acquisition de trente-six appareils supplémentaires, financés par le programme 161 pour un total de 447 millions d’euros sur la période 2023-2029, avec des livraisons étalées de 2024 à 2029. Six de ces appareils ont déjà été livrés, ce qui porte la flotte des hélicoptères H145 à dix appareils en juin 2025.
ÉchÉancier prÉvisionnel du marché notifié à Airbus en décembre 2023 PORTANT sur L’acquisition de TRENTE-SIX H145
Année |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
Total |
AE (M€) |
412 |
0,3 |
3,7 |
6 |
8 |
8,5 |
8,5 |
447 |
CP (M€) |
/ |
83 |
99,9 |
94,8 |
86,5 |
56 |
26,8 |
447 |
Appareils livrés |
/ |
3 |
8 |
8 |
6 |
8 |
3 |
36 |
Source : DGA.
Selon la DGSCGC, le renouvellement de la flotte des hélicoptères accuse un léger retard, qui ne remet pas en cause le calendrier de livraison. Cette modernisation reste toutefois longue alors que les besoins ont vocation à augmenter.
Trajectoire d’acquisition des hélicoptères h145 de la sécurité civile
Source : commission des finances, d’après la DGA.
B. Le renouvellement des Canadairs : un sujet de préoccupation majeure insuffisamment anticipé
Un contrat portant sur l’acquisition de deux nouveaux Canadairs a été signé au mois d’août 2024 à l’issue d’un long processus de négociations. Alors que la stratégie de renouvellement de la flotte manque de clarté, la situation de monopole du constructeur canadien pourrait menacer notre souveraineté stratégique, ce qui milite pour le développement d’une filière européenne d’avions bombardiers d’eau.
1. Des négociations difficiles
Le renouvellement de la flotte des Canadairs passe par l’acquisition, par la DGSCGC, de nouveaux appareils de type DHC-515. Ces avions possèdent la même architecture de base que les actuels CL 415 (moteur, capacité d’emport d’eau, système d’écopage) tout en disposant de plusieurs améliorations : une avionique plus moderne, un pilotage automatique, un système de cartographie numérique intégrant la liste des plans d’eau praticables, un nouveau système de contrôle du largage d’eau, une amélioration du système moussant avec des pompes et des réservoirs plus robustes, des radios numériques de nouvelle génération ainsi qu’un système d’atterrissage et de navigation GPS modernisés.
Le constructeur, l’entreprise canadienne De Havilland of Canada, qui a succédé à l’entreprise Viking produisant les CL 415, a présenté ce nouvel appareil en 2018. La France s’est alors positionnée au sein du projet RescUE, réserve stratégique de moyens de protection civile de l’Union européenne créée en 2019 et qui a notamment pour ambition de créer une flotte européenne d’aéronefs bombardiers d’eau (cf infra). L’Union européenne subventionne une partie du coût d’acquisition des aéronefs, les État-membres acquéreurs s’engageant ensuite à rendre les appareils disponibles en cas d’activation du mécanisme. Douze avions DHC-515, soit deux appareils par État impliqué, ont ainsi été commandés, en plus de dix appareils non-subventionnés demandés par l’Espagne et la Grèce.
S’agissant de la France, le ministre de l’intérieur a confirmé à la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO) de la Commission européenne son accord de principe quant à cette acquisition. La Direction générale de l’armement (DGA) du ministère des armées, compétente pour l’acquisition des aéronefs de l’État, a alors été missionnée par la DGSCGC afin de lancer la procédure d’achat des appareils.
Après un long processus de négociation commencé en 2021 entre les six États‑membres acquéreurs (dont la France), la Commission européenne et l’entreprise Viking puis De Havilland of Canada, le lancement de la chaîne de production des nouveaux DHC-515 a été officiellement annoncé le 31 mars 2022 pour un total de vingt-deux avions. L’objectif de production est d’une dizaine d’appareils par an.
Le retard dans le processus de commande par rapport aux prévisions initiales s’explique principalement, selon la DGSCGC, par la complexité et l’âpreté des négociations entre le constructeur en situation de monopole, les six États‑membres ayant parfois des visions divergentes sur la nécessité des moyens de la sécurité civile, et la Commission européenne, ainsi que par la difficulté pour le constructeur de lancer une chaîne de fabrication d’un appareil qu’il n’a jamais construit lui-même auparavant.
Pour la France, le contrat d’acquisition des deux avions ainsi que d’un lot de pièces de rechange initial a été signé par le ministre de l’intérieur avec la Corporation commerciale canadienne, intermédiaire des autorités canadiennes, le 9 août 2024, après plusieurs mois de retard, pour une livraison des appareils prévue en avril et en décembre 2028 selon la DGSCGC, soit dix ans après la présentation de l’avion. Le contrat prévoit également la possibilité d’acquérir, sur option, jusqu’à quatorze appareils supplémentaires, avec une échéance fixée au 30 juin 2030 pour affermir tout ou partie de cette option. L’acquisition des deux appareils est financée par le programme 161 pour un montant initial de 182,4 millions d’euros. Les financements européens couvriront le prix des appareils, soit environ la moitié du budget total. Restent à la charge de la France le paiement de la TVA à l’importation, les frais de douanes, le lot initial de pièces de rechange et les provisions.
ÉchÉancier prÉvisionnel des paiements des deux DHC-145
(en millions d’euros)
Année |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
Total |
AE |
135,8 |
3 |
5,5 |
9,2 |
24,9 |
182,4 |
CP |
31,1 |
1 |
18,1 |
31,7 |
91,5 |
182,4 |
Source : DGA.
2. Des incohérences quant à la stratégie de renouvellement des Canadairs
Un sujet d’interrogation concerne le nombre de DHC-515 qui ont vocation à rejoindre la flotte française.
En effet, dans son discours sur la lutte contre les feux de forêts du 28 octobre 2022, le Président de la République a annoncé des investissements massifs afin que les douze CL 415 soient remplacés par seize nouveaux appareils d’ici 2027 ([6]). Cet engagement a été confirmé par le Gouvernement dans la LOPMI ([7]), couvrant la période 2023-2027, qui mentionne expressément que « l’achat et le renouvellement de la flotte des douze avions CL 415 Canadair par seize avions bombardiers d’eau amphibie du même type doivent être programmés ».
L’objectif de l’exécutif était donc bien un renouvellement intégral des douze Canadairs CL 415 par seize nouveaux DHC-515 d’ici 2027 ([8]), comme le souligne l’option d’acquisition de quatorze appareils supplémentaires en plus des deux DHC‑515 commandés prévue par le contrat précité.
Or, force est de constater que la position du Gouvernement sur le calendrier de renouvellement des Canadairs a évolué. La DGSCGC a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux que la stratégie actuelle de renouvellement de la flotte s’appuyait, d’une part, sur l’achat de deux DHC-515 supplémentaires en plus des deux commandés dans le cadre du programme RescUE et, d’autre part, sur le renouvellement (« rétrofit ») à mi-vie des actuels CL 415, afin de disposer d’une flotte totale de seize appareils, anciens et nouveaux confondus, d’ici 2033. Selon la DGSCGC, cette « dynamique » permettra de lancer un marché d’acquisition afin de renouveler ultérieurement les douze CL 415 actuels.
Il ne s’agit donc plus d’un renouvellement intégral des CL 415 par les DHC-515 d’ici 2027, mais de l’acquisition de quatre nouveaux appareils afin de porter la flotte totale des Canadairs à seize d’ici 2033, pour ensuite remplacer les CL 415 à une date encore inconnue. Ces hésitations entrainent un important retard dans le renouvellement de la flotte, pourtant plus que jamais nécessaire afin de garantir la disponibilité d’appareils aussi stratégiques que les Canadairs face à l’intensification du risque incendie sur le territoire.
La crédibilité de cette stratégie a également été atteinte par le décret du 21 février 2024 qui est venu annuler près de 53 millions d’euros du programme 161 pourtant destinés à l’acquisition des deux appareils supplémentaires précités. Si la DGSCGC a indiqué aux rapporteurs spéciaux lors de son audition qu’elle souhaitait que ces crédits puissent être inscrits dans le prochain projet de loi de finances, la politique menée par le Gouvernement actuel n’apporte pas de garantie quant à la réalisation de ces investissements indispensables.
Les rapporteurs spéciaux émettent également des doutes quant à la capacité du constructeur De Havilland of Canada à relancer sa chaîne de production et à tenir le calendrier de livraison des deux appareils commandés, prévue en 2028. Selon la DGSCGC, ce calendrier n’est pas remis en cause actuellement, la chaîne de production des appareils étant opérationnelle avec une montée en cadence progressive, comme en témoigneraient les précédentes visites de suivi. D’autres acteurs interrogés à ce sujet par les rapporteurs spéciaux sont quant à eux beaucoup plus réservés quant au respect de ce calendrier, l’entreprise De Havilland of Canada lançant une chaîne de production d’un appareil qui n’est plus construit depuis dix ans et qu’elle n’a encore jamais produit elle-même. Comme le souligne M. Grégory Allione, député européen spécialiste des questions de sécurité et de protection civiles auditionné par les rapporteurs spéciaux, une livraison des appareils en 2028 suppose un rythme de production particulièrement soutenu dès les premières années, ce qui est rarement possible s’agissant de l’aéronautique civile lourde. Aucun appareil n’a encore été livré. L’entreprise Airbus, leader mondial de l’aéronautique civile, souligne quant à elle que De Havilland of Canada a régulièrement annoncé le report des livraisons ces dernières années, qui pourraient désormais intervenir pour 2030 voire 2031. Il existe donc un doute réel au sein du secteur aéronautique quant à la capacité du constructeur canadien à respecter les échéances annoncées.
À l’heure actuelle, si la DGSCGC commandait deux nouveaux DHC-515 comme elle le souhaite, ce qui ne pourrait pas intervenir avant le prochain projet de loi de finances pour 2026 et ce à la condition d’un arbitrage budgétaire favorable du Gouvernement, la livraison de ces deux appareils ne pourrait pas intervenir avant 2032 dans le meilleur des cas selon De Havilland of Canada, avec qui la rapporteure spéciale a pu échanger à l’occasion de sa venue au Salon du Bourget.
S’agissant des opérations de « rétrofit » des Canadairs CL 415, les rapporteurs spéciaux soulignent qu’elles représentent une lourde remise à niveau technique des appareils pour un coût unitaire minimal estimé entre 10 et 15 millions d’euros selon la DGSCGC, et qu’elles auront un impact important sur la disponibilité de la flotte avec l’immobilisation des appareils.
À la lumière de ces éléments, les rapporteurs spéciaux souhaitent que le Gouvernement clarifie rapidement sa stratégie de renouvellement des Canadairs, alors que celle-ci a pris un important retard et ne permettra pas d’assurer la disponibilité de la flotte à l’horizon 2030.
Recommandation n° 4 : Au regard des retards pris, clarifier rapidement la stratégie de renouvellement de la flotte des Canadairs quant au nombre d’appareils commandés et leur calendrier de livraison.
3. La situation de monopole du constructeur canadien présente un risque pour notre souveraineté stratégique
De Havilland of Canada est en situation de monopole sur le marché des avions bombardiers d’eau de cette capacité. Ce monopole créé une dépendance vis-à-vis d’un constructeur extra-européen, ce qui pose une problématique majeure de souveraineté et de sécurité opérationnelles. La France et l’Europe ne peuvent se permettre de dépendre d’un fournisseur unique, non européen, pour la fourniture d’équipements aussi stratégiques que les avions bombardiers d’eau.
En effet, outre la question du respect du calendrier de livraison des appareils, il ne peut être exclu que le constructeur canadien favorise une demande régionale, notamment vis-à-vis de son voisin américain, au détriment de l’Europe, dans un contexte de tensions géopolitiques commerciales et alors que le continent nord-américain est également touché par les effets du réchauffement climatique et l’intensification du risque incendie. Comme l’a montré la crise de fourniture des masques et la concurrence pour les vaccins durant la pandémie de Covid-19, la dépendance vis-à-vis de tels fournisseurs étrangers pour des ressources critiques peut devenir fortement problématique et impose une très grande vigilance ([9]). Certains acteurs auditionnés ont ainsi fait part de leurs craintes quant aux rumeurs persistantes d’un « Patriot Act » canadien qui viserait à retenir sur le territoire les premiers appareils produits, en réponse aux incendies records qu’a connu le Canada à l’été 2023. D’autant que, comme l’a souligné la DGSCGC auprès des rapporteurs spéciaux, si De Havilland of Canada continue de favoriser les États, la demande de la part des opérateurs privés augmente. L’entreprise incite désormais les pays contractants à se positionner rapidement pour l’acquisition de ses appareils depuis les incendies qui ont frappé la Californie en janvier 2025.
4. Il est urgent de développer une filière industrielle française et européenne d’avions bombardier d’eau
Si l’acquisition de nouveaux DHC-515 est une solution pertinente, les pilotes ayant une bonne connaissance de cet appareil qu’aucun autre constructeur ne peut actuellement concurrencer, une partie des investissements doit être dirigée vers le développement de projets français et européens d’avions bombardiers d’eau. En effet, si le choix d’acquérir des DHC-515 se justifie afin de bénéficier d’une option « sur étagère » alors que le besoin pour ce type d’appareil ne fait qu’augmenter, il serait illusoire d’attendre un hypothétique moment plus propice pour développer une telle capacité de production, au vu des délais incompressibles de mise en œuvre de ce type de projet, qui se situent autour d’une dizaine d’années.
À cet égard, les rapporteurs spéciaux ont eu connaissance de plusieurs projets développés au niveau européen, comme le Seagle de l’entreprise belge Roadfour, d’une capacité de largage de 12 tonnes, ou encore le WF-X de l’entreprise italienne Holding 19-01, d’une capacité de 10 tonnes. Certains projets sont portés par des entreprises françaises et ont bénéficié d’une lettre d’intention de la part de la DGSCGC : c’est le cas notamment du Frégate 100 de l’entreprise Hynaero, du Kepplair 72 de Kepplair Evolution ou encore le FF72 de Positive Aviation. Ce dernier projet part de la modification d’un ATR 72 équipé de flotteurs, et disposerait d’une capacité d’emport de 8 tonnes. Appareil écopeur comme le Canadair, le FF72 serait disponible en 2028, avec une capacité de production de douze appareils par an à partir de 2030.
Le Frégate 100 : une volonté de concurrencer les Canadairs
Le Frégate 100 est un projet porté par la start-up française Hynaero, située à Bordeaux-Mérignac. Cet avion amphibie bombardier d’eau a vocation à concurrencer les Canadairs grâce à une capacité de largage supérieure de 10 tonnes ainsi qu’une vitesse plus importante de 250 nœuds, ce qui permettrait de traiter de plus grandes surfaces. Le Frégate 100 pourrait écoper sur les mêmes distances que le Canadair. Le Frégate 100 serait déclinable en version passagers, fret, secours en mer et patrouille maritime afin de répondre aux besoins de différentes institutions.
Ce projet semble bien structuré, avec une stratégie consistant à nouer des alliances stratégiques avec de grands industriels du secteur aéronautique (Airbus, Daher, Safran, Thales, etc.). Airbus a notamment signé une lettre d’intention avec Hynaero et va fournir un accompagnement aux équipes de l’entreprise dans le développement et l’industrialisation de l’appareil. Le Frégate 100 a également suscité l’intérêt du Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), rattaché aux services du Premier ministre. Des sociétés privées s’intéressent également au projet afin de louer les appareils.
S’agissant du calendrier, la construction de l’usine devrait débuter début 2026, avec un premier prototype annoncé fin 2028-début 2029, et une capacité de production d’une dizaine d’appareils par an après la livraison du premier avion prévue fin 2031-début 2032.
Le Kepplair 72 : une alternative aux Dash
Un autre projet d’avion bombardier d’eau, le Kepplair 72, est développé par la société française Kepplair Evolution. Cet appareil, d’une capacité de largage de 7,5 tonnes d’eau ou de produit retardant, vise quant à lui à fournir une alternative au Dash. Le projet se base sur une transformation en avion multi rôles de l’ATR 72, avion de transport régional très répandu dans le monde (plus de 1 200 appareils), disposant d’une chaîne industrielle solide et de grandes facilités d’approvisionnement en pièces de rechange. Bombardier non amphibie comme le Dash, le Kepplair 72 devra être rempli au sol. Au-delà de la lutte anti-incendie, l’appareil serait disponible en plusieurs configurations selon le type de mission attendu (fret, transport de personnels, évacuation sanitaire).
Ce modèle industriel repose ainsi sur la modification en quelques mois d’un appareil existant reconnu et disponible en grande quantité, ce qui permettrait de réduire les délais et les coûts d’acquisition de l’aéronef, les opérations de transformation pouvant avoir lieu aussi bien sur des avions neufs que d’occasion. Le prix se situerait entre 30 et 35 millions d’euros pour un appareil neuf et entre 9 à 12 millions d’euros pour l’installation du kit sur un appareil d’occasion.
Selon Kepplair Evolution, son avion serait disponible avant la saison des feux 2027, pour un objectif de production d’une douzaine d’appareils par an. Ces éléments justifient que la DGSCGC s’intéresse de près à cet appareil, qualifié de « projet le moins risqué » par Airbus qui a conclu une convention de partenariat avec Kepplair Evolution, afin d’envisager son intégration dans le dispositif de sécurité civile en vue de remplacer les Dash « MR » qui arriveront en fin de vie d’ici une dizaine d’années.
Le développement de cette filière industrielle européenne d’avions bombardiers d’eau fait face à deux défis principaux :
– L’accès au financement public. Le marché des avions de lutte contre les incendies est un marché de niche (environ cinq-cents appareils dans le monde aujourd’hui, dont deux-cents hydravions) et les appareils doivent respecter des standards techniques très stricts (grande manœuvrabilité, forte variabilité de vitesse, capacité à supporter de brusques variations de masse lors des largages, etc.). Ces différents éléments rendent l’équilibre financier des programmes de production d’avions bombardiers d’eau particulièrement complexe à atteindre, avec un ordre de grandeur des financements nécessaires au développement de ces projets aux alentours du milliard d’euros selon la DGSCGC. Des aides publiques sont nécessaires pour mener ces projets à bien et les crédibiliser, ce qui a un important effet d’entrainement sur le financement privé. Les porteurs de projets ont fait part aux rapporteurs spéciaux de leurs difficultés à obtenir ces financements publics, les institutions attendant souvent que les programmes soient déjà bien avancés alors que la phase d’amorçage en amont est la plus critique. Ce constat a été réitéré lors de la venue de la rapporteure spéciale au Salon du Bourget. Si des institutions comme Bpifrance ainsi que le SGPI ont été sollicités, il y a un manque de visibilité quant aux montants et au fléchage des aides publiques.
– La fragmentation des projets, avec des niveaux d’avancement aujourd’hui inégaux et dont aucun n’a encore atteint la phase de production certifiée. Il serait par exemple pertinent d’organiser des procédures d’appel d’offres au niveau européen afin de sélectionner des solutions communes et structurer la production des appareils en mutualisant les moyens. De grosses commandes dirigées vers ces projets ainsi sélectionnés au niveau européen permettraient de lancer leurs chaînes de production de manière rapide et robuste. Les porteurs de projets ont en effet besoin d’un soutien fort et assumé, avec des premières commandes massives. Interrogée à ce sujet par les rapporteurs spéciaux, la Commission européenne a indiqué suivre ces programmes européens avec attention.
Les rapporteurs spéciaux souhaitent donc qu’une partie des crédits consacrés au renouvellement des Canadairs puissent être dirigée vers le développement de projets français et européens d’avions bombardiers d’eau. Il s’agit là d’un enjeu majeur de souveraineté et d’indépendance stratégiques, et d’une importante source d’emplois directs et indirects pour nos territoires.
Recommandation n° 5 : Investir une partie de moyens destinés au renouvellement des Canadairs dans le développement de projets souverains d’avions bombardiers d’eau, avec un objectif de mise en service la plus rapide possible, en renforçant les financements publics et en dégageant des solutions communes au niveau européen.
C. La flotte de la sécurité civile doit être complétée par d’autres types d’aéronefs
La diversité de la flotte aérienne est une des clés du succès de la sécurité civile française. Au-delà des avions bombardiers d’eau, cette flotte doit être complétée par d’autres types d’aéronefs afin de couvrir l’ensemble du spectre des missions de lutte anti-incendie, de protection des populations et de gestion des diverses crises.
L’acquisition d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau doit ainsi être envisagée. Le projet de doter l’Airbus A400M d’un kit de largage constitue également une solution intéressante afin de compléter les forces aériennes de la sécurité civile. Enfin, une réflexion mériterait d’être engagée pour compléter la flotte en moyens d’observation et de surveillance.
1. Les hélicoptères lourds bombardiers d’eau
Les hélicoptères lourds permettent des interventions sur des zones difficilement accessibles aux avions, notamment les espaces périurbains ou escarpés comme les zones de montagne. Ils disposent d’une grande capacité de largage (généralement de 3,5 à 4 tonnes) et présentent l’avantage de pouvoir être rechargés très rapidement et donc de délivrer une grande quantité d’eau sur un point déterminé. Ils sont également mobilisables dans le cadre de missions de transport de troupes ou de matériel en zone de feu.
Alors que l’acquisition de ces hélicoptères lourds est une demande ancienne exprimée de manière croissante, et dont la nécessité a été mise en lumière à l’occasion des récents évènements qui ont vocation à se reproduire sous l’effet du changement climatique (épisodes cévenols, inondations, cyclones, etc.), le refus de la France de se positionner sur l’appel à propositions permettant l’acquisition de deux hélicoptères lourds multi-missions, financés par l’Union européenne dans le cadre de la réserve RescUE en 2024, est incompréhensible. Si la DGSCGC a justifié cette décision par le fait que la sécurité civile n’a pas encore développé une structure logistique et humaine suffisante pour ce type d’appareil et qu’une partie des coûts ne sera pas couverte par les financements européens, comme c’est le cas pour les DHC-515, et alors que les crédits nécessaires à ces acquisitions n’ont pas été budgétés, ces arguments sont difficilement recevables pour les rapporteurs spéciaux : les pilotes de la sécurité civile sont souvent d’anciens militaires ayant piloté ce type d’appareils, et la DGSCGC loue déjà jusqu’à six hélicoptères lourds afin de faire face à la saison des feux chaque année.
L’acquisition de ces hélicoptères lourds pourrait d’ailleurs se réaliser au niveau du ministère de l’intérieur, afin d’être disponibles pour les autres services du ministère lorsqu’ils ne sont pas mobilisés par la sécurité civile, notamment en dehors de la saison des feux.
Recommandation n° 6 : Diversifier la flotte de la sécurité civile par l’acquisition d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau.
2. Les Airbus A400M à kit de largage
Une des solutions développées par Airbus pour la sécurité civile consiste à équiper son avion de transport militaire polyvalent A400M d’un kit de largage.
La DGSCGC a signé une lettre d’intention pour ce projet en mars 2025. Des essais ont été réalisés en avril 2025 avec la DGSCGC et le centre d’essais et de recherche (CEREN) de l’Entente Valabre, les résultats devant être publiés dans les prochaines semaines. Le prototype testé possède une capacité de largage de 20 tonnes sur quatre-cents mètres, avec un potentiel d’augmentation jusqu’à 30 tonnes. Le projet d’Airbus est ensuite de commercialiser ce kit avec les États ayant fait l’acquisition de ces appareils. 132 Airbus A400M ont déjà été livrés dans le monde, dont 24 pour la France.
Ce projet présente l’avantage de ne nécessiter aucune modification structurelle de l’Airbus A400M, appareil connu pour sa grande maniabilité à basse vitesse et à basse altitude. Les seuls coûts concerneront l’acquisition du kit, la rémunération des pilotes ainsi que les coûts de carburants et de maintenance liés aux opérations anti-incendie. Selon Airbus, le prototype actuel pourrait être utilisé par la France dès la saison des feux 2025 en cas d’urgence, et les kits de série finale seront disponibles à la fin de l’année 2026 si un contrat est signé dès 2025.
Les rapporteurs spéciaux insistent toutefois sur le fait que l’Airbus A400M est avant tout un appareil militaire : son recours pour des missions de sécurité civile doit uniquement viser à compléter ponctuellement la flotte aérienne, par exemple lors de l’attaque de méga-feux.
3. Les technologies d’observation et de surveillance
Un dernier enjeu consiste en l’observation et la surveillance du territoire, notamment s’agissant des départs de feux.
Une réflexion devrait être menée afin de compléter la flotte par des drones, des capteurs thermiques et des radars embarqués, qui permettraient de cartographier les risques avant l’allumage des feux, de guider avec précision les moyens aériens et terrestres de lutte contre les incendies et d’optimiser les largages.
Les SIS ont déjà recours à ce type d’équipements dans le cadre leurs missions de prévention et de lutte contre l’incendie et les événements climatiques extrêmes. Le degré d’équipement est toutefois très variable d’un SIS à l’autre en raison notamment des coûts de ces outils, qui limitent les capacités d’investissement en la matière.
Une réflexion pourrait être menée afin d’assurer le financement de ces outils via le dispositif des « pactes capacitaires », conventions conclues par l’État et les SIS afin de financer l’acquisition de matériels opérationnels rares ou spécifiques pour renforcer les moyens capacitaires locaux. Plus largement, le financement des SIS est un enjeu majeur à l’issue des travaux du Beauvau de la sécurité civile, qui devront répondre à des sujets d’inquiétude du secteur, comme le bonus de trimestres de retraites pour les sapeurs-pompiers volontaires annoncé en 2023 et qui est toujours dans l’attente d’un décret d’application.
Recommandation n° 7 : Intégrer le sujet des drones, capteurs et radars d’observation et de surveillance dans le dispositif des pactes capacitaires de la sécurité civile.
III. Le renforcement de la coopération européenne doit aller de pair avec le maintien d’une flotte nationale autonome
Alors que l’Union européenne permet une mutualisation des moyens aériens entre les États membres via le Mécanisme de protection civile de l’Union européenne (A), la France doit adopter une position d’équilibre dans le recours à ce mécanisme en maintenant une flotte autonome (B).
Conformément à l’article 6 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([10]), l’Union exerce une compétence d’appui en matière de protection civile : son rôle est ainsi d’appuyer, de coordonner et de compléter l’action des États membres, qui conservent la responsabilité principale de leur propre protection civile.
Cette compétence s’exerce au travers le Mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU), créé en 2001, qui permet de mettre en commun des capacités de réponse aux situations d’urgence des vingt-sept États membres de l’Union européenne ainsi que de dix pays tiers ([11]). Ce mécanisme, qui doit être activé par l’État demandeur, est fondé sur trois niveaux de réponse, sous la coordination du Centre de la coordination de la réaction d’urgence (ERCC) de la DG ECHO, basé à Bruxelles :
● L’offre volontaire : suite à une demande formulée par un État, les autres membres du dispositif peuvent décider, sur la base du volontariat, d’apporter une aide matérielle à l’État demandeur. Après expertise des besoins et des moyens disponibles, l’ERCC coordonne l’acheminement et le déploiement rapide de l’aide d’urgence. L’Union européenne prend alors en charge 75 % des coûts de l’intervention.
● Le « pool » : les États participant au MPCU mettent à disposition une partie de leurs capacités nationales afin de répondre à d’éventuelles catastrophes (matériels spécialisés, équipes de secours, experts, etc.). Contrairement à l’offre volontaire, l’Union européenne établit des standards minimums que doivent respecter ces équipements, avec un système préalable de certification par la Commission afin de garantir leur interopérabilité entre les pays. En cas de déploiement, ce « premier niveau » de réserve agit sous le commandement et le contrôle de l’État demandeur. Ces équipements restent toutefois la propriété des États et leur mise en disponibilité relève de leur responsabilité : il ne s’agit donc pas d’une réserve permanente.
● La réserve stratégique RescUE : cette réserve a été créée en 2019 ([12]) à la suite des grands incendies constatés en Europe en 2017 et 2018 qui ont mis en lumière les limites du MPCU. RescUE est une réserve de capacités « de second niveau » qui a vocation à être déployée en dernier recours lorsque les capacités nationales sont dépassées et que les moyens du premier niveau sont insuffisants ou indisponibles. Elle vise trois grands types de risques : les feux de forêt, le secours à personne d’urgence et les menaces NRBC ([13]). Le contenu de la réserve est défini par la Commission après dialogue avec des experts des États et est financé par celle-ci. Lorsque le dispositif est activé, l’Union prend en charge la logistique, le déploiement et l’entretien des moyens déployés. Si les moyens sont généralement acquis et stockés par les États, qui en détiennent la propriété, leur déploiement est décidé par l’Union. En dehors de ces sollicitations, les États peuvent utiliser ces moyens librement. La standardisation et la réalisation d’exercices communs permettent d’assurer l’interopérabilité des équipements.
Dans l’attente de la constitution pérenne de la flotte dite « permanente », grâce notamment à la livraison des futurs Canadairs, les États participants mettent certains de leurs aéronefs à la disposition d’une flotte RescUE « transitoire » ([14]). Au total, RescUE regroupe actuellement une trentaine d’aéronefs. Cette flotte a vocation à monter en puissance à l’avenir, tant en volume qu’en qualité des équipements et des capacités opérationnelles. Une réflexion est également en cours afin de mieux répartir les capacités RescUE entre les États, en renforçant leur présence dans les régions les plus exposées (Europe du sud, bassin méditerranéen, Balkans) afin de réduire les délais de déploiement et ainsi assurer une capacité d’attaque immédiate.
Un réseau européen de connaissance en matière de sécurité civile complète le Mécanisme. Ce réseau, opérationnel depuis 2021, est chargé de diffuser toute information pertinente pour le MPCU via une plateforme, de mettre en place des programmes de formation et des exercices de simulation, de renforcer les partages de connaissances entre experts du réseau, les organisations internationales et les pays tiers et de rendre visible l’action du MPCU auprès des citoyens européens.
Au total, le MPCU a été activé plus de sept-cents fois depuis sa création, au sein de l’Union européenne mais aussi dans les États tiers, comme lors de la guerre en Ukraine.
Sur le plan budgétaire, les crédits du MPCU sont passés de 574 millions d’euros sur la période 2014-2020 à 3,8 milliards d’euros sur 2021-2027. Cette enveloppe est complétée par les contributions des États tiers. Interrogée à ce sujet par les rapporteurs spéciaux, la DG ECHO souhaiterait que ces moyens soient augmentés dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union, afin de tenir compte de la hausse du nombre et de l’intensité des crises.
B. La France doit adopter une position d’équilibre, entre recours stratégique au Mécanisme européen et maintien d’une capacité nationale autonome
La France est un pays fondateur et un des principaux contributeurs du MPCU, mettant à disposition des aéronefs bombardiers d’eau, des équipes spécialisées de secours pour la lutte contre les feux de forêt ainsi que des stocks stratégiques d’équipements médicaux. Elle participe à la constitution de la future flotte RescUE grâce à l’acquisition des deux Canadairs DHC-515, et la base aérienne de Nîmes-Garons constitue un site stratégique pour le déploiement de la flotte dans la zone sud-européenne. Elle a également eu plusieurs fois recours au Mécanisme, par exemple lors de l’intense saison des feux 2022 ainsi que du passage du cyclone Chido à Mayotte fin 2024.
Si la mobilisation de la réserve peut s’avérer nécessaire face à des crises d’ampleur, le recours à la flotte RescUE doit compléter les moyens aériens nationaux et non se substituer à eux, sans quoi cela créerait une situation de dépendance vis-à-vis d’une flotte qui, si elle a vocation à monter en puissance dans l’avenir, souffre de certaines limites. Le stock d’appareils reste encore modeste, au vu notamment des risques de retard dans la livraison des futurs DHC‑515. Les délais incompressibles d’activation du dispositif, avec la durée de déploiement des aéronefs sur la zone de crise, sont parfois incompatibles avec l’urgence de la situation.
Si l’idée d’un recours plus intensif aux moyens de la réserve RescUE peut être intéressante dans certaines situations afin de bénéficier de la mutualisation de ressources coûteuses, ce recours ne saurait constituer une réponse unique et suffisante face à la montée des risques climatiques et notamment l’intensification du risque incendie. Le développement de la flotte RescUE ne doit donc pas freiner les investissements de la sécurité civile dans ses moyens propres.
Lors de sa première réunion le mercredi 2 juillet 2025, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Damien Maudet et Mme Sophie Pantel, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Sécurités : sécurité civile, sur leur rapport d’information visant à mieux définir la stratégie de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, présenté en application de l’article 146, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale.
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M. François Jolivet, président. Nous accueillons à présent Mme Sophie Pantel et M. Damien Maudet, rapporteurs spéciaux de la mission Sécurités : Sécurité civile, pour la présentation de leur rapport d’information visant à mieux définir la stratégie de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial de la mission Sécurités : Sécurité civile. Je tiens tout d’abord à exprimer ma solidarité avec les sapeurs-pompiers actuellement mobilisés dans l’Hérault et dans d’autres départements, ainsi qu’avec ceux qui devront affronter les incendies malheureusement prévisibles au cours de l’été à venir.
Je souhaite également remercier ma collègue Sophie Pantel, initiatrice de ce rapport, qui en a eu l’idée et a utilisé son droit de tirage pour le mettre en œuvre.
Les avions et hélicoptères de la sécurité civile sont des éléments essentiels de la lutte contre les crises et de la protection des populations, particulièrement dans le cadre des incendies. Leur diversité permet de couvrir l’ensemble des missions de la sécurité civile, depuis la surveillance préventive des zones à risque jusqu’aux attaques directes contre les feux, en passant par le transport de personnes et de matériel.
Pourtant, cette flotte affronte aujourd’hui une crise majeure. Alors que les feux de forêt et les événements climatiques extrêmes, tels que les tempêtes et les inondations, se multiplient en raison du changement climatique, les moyens aériens de la sécurité civile ne correspondent plus aux besoins. Nous avons donc souhaité évaluer les actions entreprises pour renouveler cette flotte stratégique. Dans cette perspective, nous avons consulté les administrations françaises et européennes en charge de la protection civile, les personnels incluant les pilotes, ainsi que les industriels de l’aéronautique.
Au terme de nos travaux, un constat s’impose : la flotte est vieillissante, particulièrement concernant les avions. Ainsi la moyenne d’âge des Beechcraft, avions de reconnaissance et de coordination, dépasse quarante ans, ce qui allonge et renchérit considérablement les opérations de maintien en conditions opérationnelles. Les Canadairs, appareils amphibies absolument stratégiques dans la lutte contre les incendies, subissent une exploitation intensive lors des saisons des feux, accélérant leur vieillissement et réduisant leur disponibilité à terme. Fait particulièrement préoccupant, nous avons relevé que certains appareils n’ont pas été en mesure de voler durant certaines journées de l’été dernier.
Pour pallier ces difficultés, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) en vient à louer des avions et des hélicoptères pour garantir la disponibilité de sa flotte durant les saisons des feux. Si cette solution paraît avantageuse à court terme, elle s’avère finalement extrêmement coûteuse pour les finances publiques : plus de 106 millions d’euros seront ainsi consacrés à la location d’appareils entre 2020 et 2025, dont 30 millions d’euros pour la seule année 2025. Nous estimons que la location doit demeurer une solution d’appoint ponctuelle et non se substituer aux investissements nécessaires dans notre propre flotte.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale de la mission Sécurités : Sécurité civile. La deuxième partie de nos travaux a consisté à définir une réelle stratégie de renouvellement de la flotte. Nous nous félicitons d’abord du marché public passé pour renouveler les trente-six hélicoptères, auxquels s’ajoutent quatre nouveaux appareils. Il s’agit d’un marché commun entre la sécurité civile et la gendarmerie, cette dernière bénéficiant également de six appareils.
En revanche, nous sommes particulièrement inquiets à propos des avions bombardiers d’eau. Le président de la République s’était engagé en 2022 à renouveler la flotte des douze Canadairs d’ici la fin du quinquennat. Or seulement deux avions ont été commandés à ce jour, environ 50 % du coût de cette commande étant financé par l’Union européenne. Par un décret d’annulation publié en février 2024, la commande de deux avions supplémentaires a été supprimée. Le représentant du constructeur canadien De Havilland nous a clairement indiqué que si nous commandions aujourd’hui ces appareils, ils ne pourraient pas être livrés avant 2032, ce qui représente un délai considérable.
De façon générale, nous constatons une absence de réelle stratégie, situation fortement préjudiciable aux acteurs de la sécurité civile. Cette lacune est d’autant plus problématique dans le contexte actuel de transition écologique et de réchauffement climatique, qui entraîneront inévitablement une intensification du risque d’incendie. Nous émettons donc de très sérieuses réserves quant à la capacité du constructeur canadien à respecter le calendrier de livraison annoncé à l’État. En outre, le fait de commander ces appareils à un constructeur extra-européen, qui se trouve aujourd’hui en situation de monopole sur ce type d’avion, constitue une véritable menace pour notre souveraineté.
Un appel à candidatures a été lancé au niveau de l’Union européenne pour des avions bombardiers d’eau. La France y a répondu dans le cadre du programme de réserve de ressources « RescEU », ce qui nous permettra d’obtenir les deux appareils mentionnés précédemment. Un autre appel à candidatures concernant des avions gros-porteurs a été publié, mais la France n’a pas choisi de s’y positionner. Nous estimons qu’une véritable stratégie vis-à-vis de l’Union européenne est nécessaire, incluant l’inscription dans ces programmes essentiels lorsque nous avons besoin de soutien, tout en préservant notre souveraineté.
Cette question de souveraineté n’est pas sans rappeler l’épisode du covid-19 avec la problématique des masques et des vaccins. Aujourd’hui, nous ne sommes pas à l’abri que le constructeur canadien décide de servir en priorité l’Amérique du Nord au détriment de l’Europe. L’annonce récente des États-Unis concernant les armes destinées à l’Ukraine illustre cette tendance à privilégier la conservation du matériel sur le territoire national.
Face à ces retards constatés et aux délais difficilement tenables, nous proposons qu’une partie des investissements soit orientée vers le développement d’une filière française et européenne, notamment en ce qui concerne la production d’avions bombardiers d’eau. À cet égard, nous avons rencontré plusieurs start-ups qui portent des projets prometteurs, certaines ayant noué des alliances stratégiques rassurantes impliquant de grands industriels du secteur aéronautique comme Airbus et Thales.
Ces projets nécessitent un soutien fort de la DGSCGC, et plus encore d’un soutien public national et européen rapide et ferme, afin de leur permettre de développer des prototypes. Il s’agit pour nous d’un véritable enjeu, tant en termes d’indépendance stratégique que de création d’emplois dans nos territoires.
En conclusion, nous préconisons l’adoption d’une stratégie de renouvellement de la flotte aérienne. Compte tenu du retard pris sur les commandes auprès de De Havilland, nous recommandons de réduire le nombre d’appareils commandés à ce constructeur, dans la mesure où la livraison serait excessivement tardive au regard des besoins de renouvellement de la flotte. Nous suggérons à la fois d’augmenter la flotte avec le seul fournisseur actuellement disponible, De Havilland, tout en réorientant parallèlement une partie des crédits vers le développement d’une filière européenne de production d’aéronefs. Cette approche nous permettrait de ne plus dépendre exclusivement d’un constructeur étranger, et de développer des filières françaises et européennes. Elle nous permettrait également de nous inscrire plus significativement dans la coopération européenne, dans une logique de complémentarité, notamment en lien avec le programme « RescEU ».
Cette démarche ne peut fonctionner qu’en établissant un contrat opérationnel de renouvellement. Face au vieillissement de la flotte et à l’importance cruciale de son renouvellement, nous ne pouvons plus nous contenter d’une gestion annuelle soumise aux aléas des retraits de crédits et des décrets d’annulation. Nous devons disposer d’un véritable contrat s’inscrivant dans la durée, indépendamment des fluctuations politiques.
Il convient de rappeler que la flotte aérienne représente, en termes de doctrine de sécurité civile, l’élément qui nous permet d’intervenir très rapidement selon une approche d’attaque massive pour stopper les incendies. Sans une flotte en état opérationnel, nous compromettrons gravement l’efficacité des hommes et des femmes qui s’engagent quotidiennement sur le terrain au sein de nos corps de sapeurs-pompiers départementaux.
M. François Jolivet, président. Je vous remercie, Madame et Monsieur les rapporteurs spéciaux. Votre rapport met en lumière un sujet insuffisamment connu par notre commission. Vous soulignez notamment l’absence de stratégie globale concernant la flotte aérienne de la sécurité civile, et vous relevez notre dépendance vis-à-vis d’un constructeur canadien.
Vous préconisez le développement d’une filière européenne de construction d’avions bombardiers d’eau. Or je n’ai pas identifié dans votre rapport les moyens précis pour y parvenir ni l’estimation des coûts associés. Si la sécurité n’a pas de prix, elle a néanmoins un coût. La création d’une filière dans ce domaine nécessite probablement un temps considérable, peut-être supérieur aux délais de livraison depuis le Canada.
Certains États pratiquent le rétrofit d’avions, qui consiste à adapter des avions à de nouveaux usages. J’aimerais connaître votre avis sur cette approche, sachant que nous disposons d’un constructeur européen majeur et que certains avions-cargos pourraient potentiellement être adaptés.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Plusieurs éléments laissaient craindre l’adoption d’un « Patriot Act » au Canada, susceptible de compromettre notre position prioritaire dans les commandes. Notre retard est tel qu’il nous faut impérativement acquérir certains appareils auprès de De Havilland pour répondre aux besoins urgents, bien que ces équipements ne soient livrables que dans un délai de trois à cinq ans, voire davantage. Il est donc impératif de mettre un terme à cette dépendance.
Concernant les projets alternatifs, nous avons auditionné la société Hynaero, qui se trouve à la veille de construire un prototype d’hydravion bombardier d’eau, et qui bénéficie du soutien de l’État et d’Airbus. Ces garanties de sérieux nous permettent d’envisager favorablement l’aboutissement de ce projet. Une option transitoire consisterait également à reconditionner certains appareils – vous faites peut-être allusion, Monsieur le président, au projet de la société Kepplair, qui consiste à convertir un avion de transport en bombardier d’eau.
Tous ces projets nécessitent aujourd’hui un soutien financier décisif de l’État. La difficulté réside dans le fait que ces financements relèvent d’autres lignes budgétaires, notamment la recherche ou l’industrie, ce qui nous prive d’une visibilité complète. C’est pourquoi nous avons raisonné en enveloppe globale, estimant nécessaire de commander seize Canadairs. Au vu du retard accumulé, il serait judicieux de n’en commander qu’une partie et de réorienter le reste des moyens financiers vers le développement d’une filière française.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Le développement d’une filière sera assurément long – la DGSCGC estime qu’une dizaine d’années serait nécessaire –, mais il est inévitable. Les effets du changement climatique vont persister et s’amplifier dans les années à venir, ce qui nous contraint à agir dès à présent, sur la base d’une directive claire et d’une ambition politique réelle.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. La décision de développer une filière franco-européenne doit être prise dès aujourd’hui afin d’engager immédiatement les premières actions. Sans cela, nous continuerons chaque année à commander des appareils à l’étranger au prétexte de l’urgence. Dès lors, l’enjeu consiste à établir une stratégie équilibrée entre la réponse aux besoins immédiats et l’anticipation des défis à venir.
M. François Jolivet, président. Je vous remercie de souligner ainsi que le rythme de nos investissements doit être dicté par la cartographie des risques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le sujet de votre rapport, Madame et Monsieur les rapporteurs spéciaux, n’est pas nouveau. Ainsi que vous le soulignez, le vieillissement de la flotte n’est pas un sujet nouveau. Lors des grands incendies, nous avons dû nous résoudre à solliciter l’aide de nos partenaires italiens, espagnols et d’autres pays pour faire face à la situation.
Vous évoquez, dans votre rapport, le faible taux de disponibilité des hélicoptères et des bombardiers d’eau. La disponibilité ne peut évidemment jamais atteindre 100 %, compte tenu des périodes de maintenance et de grands entretiens. Mais il m’a été rapporté que lors de crises majeures, de nombreux appareils étaient inutilisables, car jugés dangereux. Disposez-vous de données précises concernant ce taux de disponibilité des hélicoptères et des bombardiers d’eau, rapporté à un taux normal ?
Avez-vous pu évaluer la qualité de la maintenance des hélicoptères et, dans une certaine mesure, des avions ? Existe-t-il une concurrence réelle dans le domaine de l’entretien des appareils ? Le choix d’externaliser l’entretien est-il plus pertinent que celui de disposer de ses propres ateliers de maintenance ?
Vous abordez également la dimension européenne du problème, au-delà de la seule production. Pourquoi importons-nous des bombardiers alors que nous possédons l’un des leaders mondiaux des hélicoptères à travers une filiale du groupe Airbus ? La piste de l’internationalisation, promue par l’Union européenne, qui cofinance d’ailleurs une partie des équipements à hauteur de 50 %, progresse-t-elle ? Le réchauffement climatique va multiplier les difficultés, rendant nécessaire une mutualisation de nos moyens pour intervenir en Grèce, en Italie et ailleurs, d’autant que les périodes critiques ne coïncident pas nécessairement.
Enfin, vous semblez critiques vis-à-vis de la location d’appareils. Or, considérant la forte concentration estivale de l’utilisation des bombardiers d’eau et des hélicoptères, cette solution n’est-elle pas utile pour gérer les pics d’activité et optimiser l’utilisation des équipements pour les entreprises propriétaires ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous avons rencontré au cours de nos travaux certaines difficultés pour obtenir des données. Toutefois, nous disposons du taux de disponibilité des hélicoptères pour l’année 2022, en l’occurrence 91 %. Le renouvellement de la flotte de quarante hélicoptères est actuellement engagé, avec un déploiement prévu sur quatre à cinq ans. Le taux de disponibilité des avions s’établit quant à lui à 88 % en 2022. Cependant, les témoignages recueillis sur le terrain révèlent que ce taux était bien moindre lors de certaines journées particulièrement chaudes de la période estivale. J’insiste sur le fait que ces données concernent l’année 2022 et ne reflètent pas la situation de la saison 2025. Il s’agit bien de moyennes annuelles qui masquent la réalité du vieillissement de la flotte et d’une disponibilité décroissante en période opérationnelle critique.
Le marché de la maintenance et de l’entretien est actuellement détenu par une entreprise privée, qui se trouve en situation de monopole, ce qui est problématique à bien des égards.
Quant à la location d’appareils, nous la considérons effectivement comme une solution transitoire permettant de traverser cette période critique, mais elle ne saurait constituer une réponse pérenne en raison de son coût exorbitant. Je rappelle les chiffres mentionnés dans notre rapport : 106 millions d’euros dépensés de 2020 à 2025 dans la location d’appareils. Nous prévoyons 30 millions d’euros pour 2025.
M. François Jolivet, président. J’ajoute que la disponibilité ne dépend pas uniquement de facteurs techniques, mais également des ressources humaines, notamment des pilotes.
Nous en venons à présent aux interventions des orateurs de groupe.
M. Emmanuel Fouquart (RN). Vous venez d’évoquer la société Hynaero, qui vient d’annoncer l’implantation d’une usine de production d’avions bombardiers d’eau dans ma circonscription, la treizième des Bouches-du-Rhône. Notre territoire étant particulièrement touché par des incendies, la création d’une filière française constitue un enjeu majeur de souveraineté. Cette nécessité s’avère d’autant plus cruciale que, selon les études liées au réchauffement climatique, les zones à risque d’incendie vont inéluctablement s’étendre, accroissant ainsi notre besoin en aéronefs de lutte contre les feux. Le calendrier annoncé paraît ambitieux, mais réaliste, puisque l’appareil Frégate-F100 pourrait être disponible dès 2029. J’encourage vivement l’ensemble de nos collègues à s’intéresser de près à ce projet stratégique pour notre territoire.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Ce projet est effectivement bien identifié par l’État. L’intérêt majeur du modèle F100 développé par Hynaero réside dans sa conception innovante et ses avantages significatifs par rapport au Canadair : une capacité d’emport d’eau nettement supérieure et une résistance accrue à la corrosion – l’un des principaux défauts du Canadair qui, conçu pour les grands lacs nord-américains, souffre de corrosion lorsqu’il est utilisé en milieu marin.
Les porteurs du projet ont récemment obtenu une aide financière leur permettant de lancer la construction du premier prototype. L’État manifeste donc son soutien, mais il doit s’engager davantage, car cette initiative pourrait constituer le socle d’une véritable filière industrielle nationale dans ce domaine stratégique.
M. Daniel Labaronne (EPR). Ce domaine des moyens de lutte contre les incendies se caractérise par une dépendance étrangère préoccupante, alors même que nos besoins augmentent considérablement en raison du changement climatique. L’enjeu d’autonomie stratégique que vous soulignez, Madame et Monsieur les rapporteurs spéciaux, est donc parfaitement légitime.
Avez-vous consulté lors de vos travaux les acteurs majeurs de notre industrie aéronautique, notamment Airbus, Dassault, ATR, Thales et Safran ? Existe-t-il des possibilités d’adaptation des plateformes existantes, comme la conversion du ATR 72, ou de certains Airbus tels que le C295 et l’A400M, en version bombardier d’eau ?
Par ailleurs, quelle structure juridique administre actuellement ces questions, tant pour la gestion de la flotte existante que pour les projets de développement futurs ? S’agit-il d’un groupement d’intérêt public ou d’un consortium industriel ?
Des avancées significatives sont à relever en matière d’innovations technologiques, particulièrement celles liées à l’intelligence artificielle. Une entreprise de ma circonscription a contribué au développement d’un système de détection précoce des risques d’incendie en milieu forestier, ayant bénéficié d’un financement européen de 30 millions d’euros. Quelles perspectives entrevoyez-vous dans ce domaine de la prévention des feux ? Je crois savoir que le programme européen Horizon Europe soutient financièrement ce type d’innovations portées par des PME.
Enfin, une mission d’information particulièrement pertinente sur le financement des services d’incendie et de secours (SIS) a récemment été conduite par nos collègues députés. Pourriez-vous nous indiquer quelles suites le gouvernement entend donner à ces travaux, et comment vous avez intégré cette réflexion dans votre propre réflexion ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous avons bien entendu rencontré l’ensemble des acteurs majeurs du secteur, notamment à l’occasion du Salon du Bourget. Nous maintenons avec eux un dialogue continu qui s’est traduit par plusieurs auditions et la réception de nombreuses contributions écrites.
La reconversion des appareils existants est un enjeu majeur. La transformation des ATR constitue précisément le cœur du projet porté par Kepplair Evolution, entreprise établie à Toulouse qui construit actuellement le hangar destiné à accueillir ses activités. Cette solution représente une mesure transitoire, au même titre que le recours à la location, dans l’attente soit des appareils de De Havilland, soit de ceux développés par Hynaero, ou plus largement d’une véritable filière française. Ce processus est non seulement envisageable, mais déjà engagé.
Nos travaux ont mis en évidence certains manques en matière de coordination, ce qui confirme les observations que nous avons réalisées sur programme le 161, Sécurité civile, dans le cadre du projet de loi de finances. Si la DGSCGC intervient dans les projets d’investissement, plusieurs ministères et organismes sont impliqués, tels que le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Or une véritable transversalité et une vision plus globale font défaut : la structuration actuelle en silos nuit manifestement à l’efficacité des projets, et les réelles difficultés que nous avons rencontrées pour obtenir des informations précises en témoignent.
Hynaero a récemment reçu une confirmation écrite lui permettant de lancer la production d’un prototype avec un soutien financier correspondant à ses attentes. Néanmoins, la vision d’ensemble reste difficile à appréhender.
En matière de recherche, vous vous souvenez peut-être que lors de l’examen de la précédente loi de finances, nous avions déposé un amendement qui visait à créer une ligne dédiée dans le budget du programme 161 pour la recherche, notamment sur l’intelligence artificielle. Diverses initiatives de recherche sont actuellement menées dans plusieurs structures : à l’Entente pour la forêt méditerranéenne à Gardanne, qui dispose d’un pôle laboratoire ayant notamment expérimenté le tanin de châtaignier comme retardant, à l’unité de recherche de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), ou encore à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui développe la lance diphasique entre autres innovations. Ces efforts de recherche existent, mais requièrent une bien meilleure coordination et davantage de lisibilité sur les financements et les moyens mobilisés.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Nous avons observé une forte disparité selon les SIS en matière d’accès aux équipements innovants. Lors de nos échanges avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), ses représentants ont eux-mêmes reconnu ne pas disposer d’une vision exhaustive des équipements innovants accessibles à l’ensemble des SIS, puisque l’accès à ces équipements dépend de la capacité d’investissement de chacun d’eux.
Notre rapport propose d’intégrer ces équipements innovants au sein des pactes capacitaires, afin d’en centraliser davantage la gestion au niveau national, contrairement à la situation actuelle où l’acquisition de ces technologies repose exclusivement sur les moyens financiers des SIS et, par extension, sur les ressources des collectivités territoriales.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Ce rapport sur les moyens de lutte contre les incendies résonne malheureusement avec l’actualité brûlante, alors qu’une vague de chaleur exceptionnelle frappe notre pays. Je tiens également à m’associer à l’hommage rendu aux pompiers, aux secouristes et aux soignants qui sont intensément mobilisés et risquent de l’être tout au long de l’été.
Ce rapport va à l’encontre d’un certain discours que nous avons entendu lors de la discussion précédente en montrant la forte intrication qui existe entre les enjeux d’environnement, de santé publique et d’économie. J’espère que chacun dans cette commission prend pleinement conscience du mur climatique auquel nous nous heurtons et de l’impérieuse nécessité d’engager des politiques d’adaptation et de planification dans notre pays.
Avec la canicule, les situations alarmantes se multiplient : des enfants de maternelle dorment dans des dortoirs à 36 °C, des températures atteignant 35 °C dans les classes, des voyageurs piégés dans des trains sans climatisation où le thermomètre affiche 40 °C. Si seulement ces passagers disposaient de réseau dans l’intercité Paris-Clermont, ils auraient pu contacter la ligne info-canicule, le énième numéro vert mis en place par le gouvernement… Ce trait d’humour masque mal une réalité inquiétante : rien n’est véritablement préparé pour faire face aux événements climatiques extrêmes qui deviendront, qui deviennent déjà notre quotidien, notamment concernant le risque, très concret, de la multiplication des incendies de très forte intensité.
Dans mon département, le Puy-de-Dôme, nous avons connu en avril un incendie d’ampleur. Par chance, relative, peu de feux de forêt faisaient rage à cette époque de l’année. Nous avons néanmoins dû attendre l’arrivée de bombardiers d’eau venant d’autres régions, ce qui prend inévitablement du temps malgré la réactivité des services. Combien de temps attendrons-nous avant que le gouvernement agisse de manière significative ? L’argument budgétaire ne tient plus pour refuser d’investir dans la sécurité civile et dans les politiques publiques essentielles face au changement climatique, particulièrement lorsque le président de la République s’engage à consacrer 5 % de la richesse nationale à la défense via l’OTAN. On nous répète qu’il n’existe pas d’argent magique, sauf apparemment pour financer des politiques de défense sous influence américaine.
La question n’est donc pas celle des capacités budgétaires, la question est celle des choix politiques du gouvernement. Il est presque déjà trop tard pour prendre les décisions nécessaires face à cette urgence vitale qui menace la viabilité même de notre planète et de notre pays. Alors je pose cette simple question à Madame et Monsieur les rapporteurs spéciaux : pensez-vous que le gouvernement va enfin réagir à la suite de vos différents rapports et dans le contexte critique dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui ?
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Je partage totalement votre point de vue sur l’insuffisance des moyens alloués à la sécurité civile. Lors de l’élaboration de notre premier rapport, la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris nous avait indiqué qu’elle atteignait l’équilibre budgétaire uniquement à la faveur de son sous-effectif chronique, ce qui traduit brutalement ce manque de moyens.
Les SIS sont le service public le moins coûteux du pays, avec environ 5 milliards d’euros de budget. À titre de comparaison, l’enseignement privé mobilise 10 milliards d’euros. Notre dispositif de sécurité civile repose excessivement sur l’engagement de volontaires, dont la disponibilité devient problématique. Nous avons trop longtemps compté sur le dévouement exceptionnel de nos sapeurs-pompiers, et le moment est venu d’accorder à cette profession la reconnaissance et les moyens nécessaires pour affronter efficacement les conséquences du changement climatique.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous disposons d’un modèle de sécurité civile unique, caractérisé par un engagement remarquable des sapeurs-pompiers qui seront à nouveau en première ligne tout au long de l’été. Le Beauvau de la sécurité civile a permis de mettre de nombreux sujets sur la table, et aujourd’hui la grande famille des sapeurs-pompiers attend légitimement une loi de modernisation ambitieuse, qui a été annoncée pour juin et qui a été reportée à l’automne.
Nous devons impérativement développer une stratégie nationale cohérente, tout en l’articulant pleinement avec la stratégie de l’Union européenne, qui vient d’ailleurs d’adopter sa propre politique de prévention des risques. Certains de nos collègues élus au niveau européen sont précisément spécialistes de la sécurité civile, ce qui facilite cette articulation. Nous avons d’ailleurs auditionné M. Grégory Allione, député européen et officier sapeur-pompier. La collaboration avec l’Union européenne s’avère essentielle, mais les attentes demeurent considérables concernant le projet de loi à venir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une question subsidiaire me vient à l’esprit. Les comparaisons internationales s’avèrent toujours riches d’enseignements. Avez-vous pu examiner comment la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et d’autres pays méditerranéens ont organisé leur dispositif ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous avons justement demandé à M. Allione si l’Union européenne pouvait nous fournir un état des lieux exhaustif du nombre de bombardiers d’eau disponibles, en distinguant clairement ce qui relève des flottes nationales et ce qui s’inscrit dans le cadre du programme « RescEU ».
Le programme « RescEU », je le rappelle, comporte trois niveaux d’intervention. Dans tous les cas, l’activation du dispositif requiert une demande formelle du pays membre concerné. L’intérêt majeur de ce programme, qui suscite d’ailleurs notre interrogation puisque la France n’a pas souhaité candidater lors de l’appel à candidatures lancé l’année dernière pour de nouveaux appareils, réside dans le fait que les aéronefs restent à la disposition du pays d’accueil lorsqu’ils ne sont pas mobilisés en renfort dans d’autres pays membres.
Les deux bombardiers d’eau commandés dans ce cadre sont financés intégralement par l’Union européenne. Toutefois, en incluant les équipements nécessaires à leur fonctionnement ou encore les droits de douanes, le coût total est pris en charge à 50 % par l’Union européenne et à 50 % par l’État. Cette opportunité mérite d’être saisie, mais il convient de déterminer précisément l’équilibre optimal entre cette flotte européenne et notre flotte nationale.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Madame et monsieur les rapporteurs spéciaux, votre travail met parfaitement en lumière les défis posés par l’évolution des risques climatiques et souligne les efforts déjà engagés en matière d’investissement, de modernisation et de coopération européenne. Il alimente utilement notre ambition de doter la sécurité civile de moyens à la hauteur des enjeux présents et futurs.
J’aimerais revenir sur la location des aéronefs, que vous qualifiez de coûteuse à long terme. J’entends qu’elle ne saurait constituer qu’une solution d’appoint. Néanmoins, vous indiquez que la DGSCGC peut louer jusqu’à six avions et dix hélicoptères bombardiers d’eau, alors que la flotte aérienne de la sécurité civile compte actuellement soixante aéronefs. Ce recours à la location ne semble pas disproportionné, particulièrement lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins ponctuels liés à des phénomènes exceptionnels de grande ampleur. Avez-vous déterminé un seuil au-delà duquel la location d’aéronefs deviendrait excessive au regard de la flotte dite patrimoniale ?
J’observe par ailleurs que la situation de nos moyens de lutte contre les incendies conduit à réinterroger le modèle des SIS et la vision départementale qui s’est imposée en France.
Enfin, j’aimerais savoir quelles perspectives se dessinent dans le domaine de la détection précoce des feux et de la coordination des interventions aériennes, à la faveur des technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. En 2020, les coûts de location s’élevaient à 2,4 millions d’euros. En 2025, ils atteignent 30 millions d’euros. Si l’on projette cette évolution sur les cinq années à venir, la situation est réellement préoccupante.
La location n’est qu’une solution à court terme, et nous ne saurions nous en satisfaire. La question n’est pas tant celle du nombre d’appareils loués par rapport à la flotte des soixante aéronefs, mais bien le coût croissant de cette location.
M. François Jolivet, président. Pourriez-vous éclairer notre commission en rappelant le coût d’acquisition d’un Canadair ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Un Canadair coûte environ 60 millions d’euros. En d’autres termes, si les coûts de location atteignent 60 millions d’euros l’année prochaine, cela équivaudra à l’acquisition d’un Canadair neuf.
Bien que notre rapport soit émaillé de points d’alerte, je ne voudrais pas qu’à sa lecture une impression négative l’emporte. Nous y saluons aussi le travail accompli concernant les hélicoptères et notamment la commande de quarante H145, qui changeront considérablement la donne.
Parallèlement à la question de l’acquisition d’équipements, nous devons appréhender celle de la couverture territoriale. C’est une question qui relève du pacte républicain. Aujourd’hui, certaines zones du territoire national demeurent des zones blanches, par exemple au sud du Massif central, ce qui n’est pas acceptable.
Le financement de la sécurité civile représente globalement 6 milliards d’euros, dont un peu moins d’un milliard d’euros en provenance de l’État. Le financement repose essentiellement sur les départements et les communes, sachant que ces dernières sont soumises à un plafond. Or nous savons les difficultés financières actuelles des départements. Nous atteignons par conséquent les limites d’un système, et c’est à cet égard que le projet de loi de modernisation nourrit de grandes attentes, et qu’il convient d’examiner quelles possibilités de financement s’offrent à nous.
Aujourd’hui, ce sont les assurances qui bénéficient des interventions des sapeurs-pompiers. En effet, lorsque ces derniers sauvent des maisons ou des vies, cela réduit le montant des indemnisations que les assureurs doivent verser. Certains pays comme la Suisse, par exemple, financent essentiellement leur sécurité civile par les assurances. C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avions proposé des amendements visant à augmenter la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) sur la base de la valeur des biens sauvés.
Nous vous avions également proposé un amendement relatif à la taxe de séjour pour soutenir l’effort financier des départements. Il convient en effet de rappeler que de nombreux SIS sont aujourd’hui contraints, en plus des appareils alloués par l’État, de louer des équipements supplémentaires pendant la saison estivale et d’embaucher des saisonniers. Ces mesures, ces coûts supplémentaires, visent à faire face à l’afflux de touristes, lequel génère par ailleurs une activité économique importante.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Aujourd’hui les financements ne sont plus à la hauteur des besoins des SIS. Le problème de la location n’est plus simplement ponctuel, il devient structurel. Les saisons des feux vont s’intensifier, entraînant mécaniquement une augmentation des locations. En outre, d’autres pays pourraient également avoir des besoins croissants, ce qui risque de tendre davantage le marché et potentiellement d’augmenter les prix de location.
M. François Jolivet, président. Une dernière question : je n’ai pas relevé, dans votre rapport, de section consacrée à la prévention et à la façon dont celle-ci pourrait éviter certains investissements ainsi que le coût des interventions. L’intelligence artificielle, les drones et les hélicoptères constituent des outils précieux pour la prévention. Quelle est votre appréciation des actions conduites en matière de prévention, qui relèvent souvent de la compétence des SIS ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. La prévention, comme dans tous les domaines et pour toutes les problématiques, est naturellement impérative. Notre recommandation de diversifier les investissements, notamment vers les drones et l’utilisation des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, est en lien avec la prévention.
De nombreux SIS ont déjà mis en place des dispositifs de surveillance des forêts impliquant des citoyens et des sapeurs-pompiers volontaires, avec des partenariats établis avec l’Office national des forêts (ONF) et d’autres institutions. Il est certainement nécessaire de poursuivre cette surveillance, mais nous ne devons pas nous interdire d’exploiter les nouvelles technologies pour le monitoring de nos forêts et la détection précoce des départs de feu. Cette approche permettrait ainsi à la tactique française de sécurité civile, basée sur l’attaque massive et très rapide, de s’exercer pleinement.
M. François Jolivet, président. Je vous remercie, Madame et Monsieur les rapporteurs spéciaux, et pour conclure ces échanges sur une note positive, j’aimerais tout de même rappeler que notre dispositif est cité en exemple dans le monde entier.
*
* *
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Auditions
Commission européenne – Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO)
– Mme Michela Matuella, responsable du Centre de la coordination de la réaction d’urgence
Ministère de l’intérieur – Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)
– M. Julien Marion, Directeur général de la Sécurité civile et de la gestion des crises
Syndicat national du personnel navigant de l’aéronautique civile (SNPNAC)
– M. Jean-Pierre Meunier, président
M. Grégory Allione, député européen
Contributions écrites reçues
– Airbus*
– Ministère des armées – Direction générale de l’armement (DGA)
– Hynaero*
– Kepplair Evolution*
* Rencontrés lors d’un déplacement au 55e Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget le 17 juin 2025.
([1]) Les recommandations sont numérotées par ordre d’apparition dans le rapport. Pour l’ordre de priorité des rapporteurs spéciaux : 4, 5, 3, 6, 7, 2 et 1.
([2]) Lors de ce déplacement, ont été rencontrés : Airbus, De Havilland of Canada, Hynaero, Kepplair Evolution et Thales.
([3]) Certains appareils sont d’ores-et-déjà définitivement inutilisables en raison du prélèvement de certaines pièces pour d’autres appareils.
([4]) Si les EC145 disposent d’une capacité de largage de 400 litres, celle-ci n’a pas été jugée suffisante afin d’inscrire ces appareils dans la stratégie de lutte contre les feux.
([5]) La stratégie proposée couvrirait la période 2035-2050.
([6]) « Nous avons douze (Canadairs) aujourd’hui, nous allons investir massivement pour que d’ici la fin du quinquennat, ces douze soient remplacés et que leur nombre soit porté jusqu'à seize ».
([7]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
([8]) C’est également l’analyse faite par le sénateur Jean-Pierre Vogel dans le rapport d’information n° 838 du 5 juillet 2023 sur la flotte d’aéronefs bombardiers d’eau de la sécurité civile : « Le président de la République, dans un discours du 28 octobre 2022, a annoncé que la flotte vieillissante de douze Canadair serait intégralement renouvelée, et portée à seize appareils » (page 9).
([9]) L’exemple du décret signé par le président Donald Trump le 8 décembre 2020 donnant la priorité de livraisons de vaccins aux États-Unis avant l’exportation durant la pandémie doit ici interpeller.
([10]) « L’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter
l’action des États membres. Les domaines de ces actions sont, dans leur finalité européenne : (...) f) la protection civile ».
([11]) L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’Islande, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine.
([12]) Décision (UE) 2019/420 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2019 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union.
([13]) Nucléaire, radiologique, biologique et chimique.
([14]) La France mettra ainsi à disposition deux Canadairs CL 415 et un hélicoptère lourd.