N° 1700

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2025

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

au nom de la Délégation aux droits des enfants

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur la santé mentale des mineurs

PAR

Mmes Nathalie Colin-Oesterlé et Anne Stambach-Terrenoir

Députées

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.


La mission d’information sur la santé mentale des mineurs est composée de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, députée de Moselle et Mme Anne Stambach-Terrenoir, députée de Haute-Garonne, co-rapporteures.

 


SOMMAIRE

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Pages

avant-propos de la rapporteure Nathalie Colin­-oesterlé

avant-propos de la rapporteure anne stambach-terrenoir

introduction

I. premiÈre partie : un écart grandissant entre la Demande et l’offre de soins En santé mentale

A. un enjeu de santé publique majeur

1. Une augmentation de la demande de soins psychiques

a. Un état des lieux mieux documenté

b. Une interprétation des données délicate

c. Une plus grande attention portée à l’expression des souffrances psychiques

2. Un phénomène multifactoriel

a. Les violences physiques, sexuelles ou psychiques

b. Les déterminants sociaux

c. Le numérique

d. Un environnement social anxiogène

i. La dégradation du milieu scolaire

ii. Le sentiment de peur lié au contexte géopolitique et environnemental

e. Les produits addictifs

3. Une prise en charge défaillante pour les jeunes les plus vulnérables

i. Les enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

ii. Le cas particulier des mineurs non accompagnés (MNA)

4. Une organisation spécifique de l’offre de soins

a. Le secteur : pivot de l’offre de soins

i. Un concept novateur

ii. Le secteur de psychiatrie infanto-juvénile

b. Un secteur public prépondérant dans l’offre hospitalière

c. Un virage ambulatoire assumé

B. une offre de soins INSUFFISANTE ET illisible

1. Une offre contrainte face à une demande croissante

a. Des moyens inadaptés

b. La pénurie de soignants : des défis démographiques

c. Des disparités territoriales importantes

i. Des différences territoriales marquées entre zones urbaines et rurales

ii. Des différences territoriales entre l’Hexagone et les départements d’outre-mer

2. Une multiplicité d’acteurs

a. Les centres experts

b. Les maisons des adolescents (MDA)

c. Les équipes mobiles en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (EMPEA)

3. Des conséquences néfastes

a. Une prise en charge tardive

b. Un recours accru aux psychotropes

c. L’embolie des urgences

II. DEUXIÈME PARTIE : une politique ambitieuse de consolidation de l’offre de soins de pair avec des politiques prÉventives

A. AmÉliorer la prise en charge

1. Une offre de soins graduée effective au sein du secteur

a. Renforcer le maillage territorial

b. Développer l’offre de soins au sein du secteur

i. La gradation des soins à améliorer

ii. Le Centre médico-psychologique, pivot du secteur : un renforcement des moyens nécessaires

iii. La gestion des crises

2. Renforcer la formation des professionnels

i. Le médecin généraliste

ii. Les infirmiers

() Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

iii. Les psychologues

iv. Le secteur de la petite enfance

3. Renforcer l’attractivité des professions

4. Une offre de soins mieux coordonnée entre les secteurs sanitaire, social, médico-social et éducatif

a. La protection de l’enfance

b. Un meilleur accompagnement des enfants face aux difficultés scolaires

c. Une meilleure coordination avec le secteur médico-social et le secteur éducatif : un exemple significatif, les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)

d. Les projets territoriaux de santé mentale et les contrats locaux de santé mentale

5. Un financement pérenne

a. La réforme du financement de la psychiatrie

b. Une revalorisation des consultations de pédopsychiatrie

B. Privilégier des politiques préventives

1. Agir sur l’environnement familial

a. La famille, déterminant majeur

b. Le soutien à la parentalité

i. Le suivi des femmes enceintes et des jeunes parents

ii. Les enjeux spécifiques de la périnatalité

iii. Le soutien à la parentalité

c. Le rôle décisif des parents

2. Agir sur l’environnement scolaire

a. Des services de santé scolaire et de psychologie de l’Éducation nationale effectifs

i. La santé scolaire et la psychologie de l’Éducation nationale en difficulté

ii. Un rôle de détection précoce

b. Un climat scolaire apaisé

c. Un système d’orientation moins anxiogène

d. La nécessaire poursuite de la scolarisation pour les élèves hospitalisés

3. Agir sur l’environnement numérique

a. Un facteur déterminant des troubles anxieux dépressifs chez les enfants et les adolescents

b. La nécessité d’un usage responsable des écrans

i. L’addiction au numérique des parents

ii. L’accompagnement des parents dans la mise en place de moments sans écrans

c. La place du numérique à l’école

LISTE DES 53 RECOMMANDATIONS

examen par LA dÉlÉgation

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurEs

ANNEXE N° 2 : LISTE DES DÉPLACEMENTS

 


avant-propos de la rapporteure Nathalie Colin­-oesterlé

Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement ma collègue Anne Stambach-Terrenoir, avec laquelle j’ai eu le plaisir de collaborer de manière constructive tout au long de ces six derniers mois.

Je souhaite également saluer le travail remarquable de notre administratrice, dont l’engagement, l’écoute, l’empathie et le souci constant de valoriser notre travail parlementaire ont été déterminant.

Enfin, je tiens à remercier sincèrement l’ensemble des personnes auditionnées et celles qui nous ont accueillies sur leur lieu de travail, qui ont pris le temps de partager avec nous leurs expériences et leurs observations précieuses. Je retiens également de cette mission des rencontres extrêmement enrichissantes avec des professionnels passionnés et profondément engagés.

Une mission d’information menée par deux députées venant d’horizons politiques différents aboutit, dans un esprit de compromis, à beaucoup de solutions et préconisations communes, mais également à des différences d’appréciation de nos multiples auditions, et des priorités retenues.

L’augmentation des sollicitations en santé mentale reflète-t-elle une hausse réelle des troubles ou une meilleure capacité à les repérer ? Sans doute un peu des deux. Cependant une chose est certaine : la demande est plus importante que l’offre et nos infrastructures ne sont aujourd’hui plus en mesure d’y répondre.

Des attentes fortes de normalisation des enfants peuvent également conduire à une médicalisation excessive de phénomènes développementaux non pathologiques. Dans une société en demande de réponses immédiates, le diagnostic est un outil fortement mobilisé. En outre, les différences de maturité entre élèves d’une même classe scolaire, liée à leur différence d’âge, peuvent être interprétées comme un signe d’hyperactivité, et conduire à une médicalisation d’un comportement ne relevant pas d’un trouble ou ne nécessitant pas toujours une prise en charge médicamenteuse.

Un axe clé est la prévention. Il n’y a pas de protection de l’enfance sans prévention. La période de la conception aux deux premières années de la vie après la naissance est déterminante pour le développement de l’enfant et la santé de l’adulte qu’il deviendra.

L’adolescence est aussi une période charnière dans la construction d’un individu.

Pour accompagner les adolescents dans ces moments sensibles, les maisons des adolescents (MDA) jouent un rôle essentiel.

Le développement des équipes mobiles en psychiatrie est également primordial. Ces équipes, composées de pédopsychiatres, d’infirmiers, de psychomotriciens et parfois de sages-femmes se déplacent vers les familles qui ne se rendent pas dans les structures de soins, répondant ainsi à la « clinique de la non-demande ».

Un constat largement partagé au cours des auditions est l'absence de gradation dans les soins en santé mentale. Une meilleure coopération entre le secteur public et le secteur privé devrait permettre de mieux orienter les patients et d’améliorer les délais de prise charge.

Face à une multiplicité d’acteurs, l’offre de soins demeure illisible pour de nombreux parents. Aujourd’hui, les Centres médico-psychologiques (CMP), s’ils doivent rester un lieu d’accueil inconditionnel, sont cependant trop souvent considérés comme la seule porte d’entrée du parcours de soins en santé mentale. Ils sont ainsi saturés de demandes et présentent parfois des délais d’attente allant jusqu’à 12 à 18 mois pour un premier rendez-vous.

Si leurs moyens doivent être sensiblement renforcés, il est important d’éviter une trop forte mobilisation des CMP pour des patients présentant des troubles légers à modérés, au détriment de la prise en charge des cas les plus graves.

De nombreux facteurs qui affectent la santé mentale des mineurs ont été identifiés lors de notre mission d’information.

Je souhaite insister ici sur le rôle décisif des parents et sur l’addiction aux écrans.

Au cours de nos auditions, de nombreux pédopsychiatres nous ont indiqué que beaucoup de leurs patients souffraient de l’absence de leurs parents que ce soit en raison de leurs carrières professionnelles, d’horaires atypiques ou autre. L’absence psychique, le manque de disponibilité, contribuent également à isoler socialement les enfants. De même, l’absence de règles et de cadre laisse l’enfant sans repères.

Par ailleurs, les effets néfastes de l’exposition des mineurs aux écrans et aux réseaux sociaux ont été unanimement soulignés par l’ensemble des pédopsychiatres et professionnels de santé auditionnés, augmentant notamment les troubles anxieux dépressifs chez les adolescents. Selon l’Observatoire des plateformes en ligne, publié par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) les 12-17 ans passent en moyenne 4 heures par jour sur internet. En outre, les contenus visionnés par les mineurs peuvent également avoir une incidence sur leur santé mentale : cyber harcèlement, contenus violents, pornographiques… Cette exposition aux écrans doit être contrôlée et supervisée. À cet égard, je suis favorable à la majorité numérique prévue par la loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne qui a été adoptée à l’unanimité en juin 2023 ainsi qu’à la mise en place effective de la pause numérique au sein des écoles, des collèges et des lycées.  

Il m’apparaît également nécessaire de déployer des campagnes massives de prévention sur le danger de l’addiction aux écrans. Face à cette problématique croissante, il me semble enfin essentiel d’agir pour une consommation responsable des écrans par les parents en présence des enfants, et de les sensibiliser à l’absence psychique et à ses conséquences.

Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour améliorer la prise en charge de la santé mentale des mineurs. Ce rapport permet de mieux identifier les mesures à mettre en place pour y parvenir.

Ce qu’il ressort de nos auditions c’est l’urgence à agir : pour renforcer la prévention, la gradation des soins, la formation des professionnels, pour réduire les inégalités territoriales, pour fluidifier les parcours de soins, et pour faire enfin de la santé mentale des mineurs une priorité nationale.

 

 

 



avant-propos de la rapporteure anne stambach-terrenoir

En préambule, je veux d’abord remercier ma collègue Nathalie Colin-Oesterlé, notre administratrice Mme Rocchesani et l’ensemble des personnes auditionnées et rencontrées pendant ces six mois de travaux riches et passionnants.

Ces dernières années, rapports, tribunes et articles de presse ne cessent de nous alerter quant à la dégradation de la santé mentale des mineurs. Cette question inquiète tant qu’elle a été érigée « grande cause nationale ».

Or dès les premières auditions menées dans le cadre de cette très riche mission d’information, un constat s’est imposé : la pédopsychiatrie, discipline essentielle mais pourtant très mal reconnue institutionnellement dans notre pays, souffre d’un manque structurel de moyens.

Si l’hôpital public est en grande difficulté, si la psychiatrie publique est sinistrée, de l’avis de tous les professionnels, la situation est encore plus grave pour la pédopsychiatrie : budgets non fléchés et facilement utilisés pour d’autres services, manque de pédopsychiatres, manque de soignants de plus en plus désemparés face à leurs conditions de travail et aux files d’attente qui s’allongent (il faut attendre de 1 à 2 ans pour un premier rendez-vous en Centre médico-psychologique), aux urgences de ce fait embolisées, et au manque de modes d’accueil sur le temps long quand c’est nécessaire…

Face à cette situation intenable, la réponse néolibérale est toujours la même : pas de moyens supplémentaires (austérité oblige), mais des injonctions à la réorganisation, à l’optimisation, à suivre des « maquettes organisationnelles » hors-sol pensées loin des patients et des réalités du soin thérapeutique, et in fine au développement de l’offre privée (par définition pas accessible à tous, et avec une logique marchande) pour « compenser ».

Pourtant, toutes les personnes auditionnées l’ont rappelé avec force : soigner un enfant demande des moyens spécifiques et une approche globale. D’abord parce que, de la toute petite enfance à l’adolescence, les besoins comme les compétences à déployer peuvent être totalement différents. Un mineur est par définition une personne en perpétuel développement, tant physique que psychique, et la précocité de la prise en charge est particulièrement cruciale : on estime que la moitié des troubles psychiatriques se déclarent avant 15 ans.

Prendre soin d’un enfant, c’est aussi s’intéresser à son environnement (familial, scolaire, etc.) : c’est échanger régulièrement avec ses parents, avec son école et d’autres acteurs de terrain. C’est donc mobiliser des équipes pluridisciplinaires qui allient sanitaire, social, médico-social.

Indéniablement, soigner un enfant demande du temps, du lien humain, des échanges, de la pluridisciplinarité.

Or, depuis quelques années, la tendance de l’hyperspécialisation qui s’est développée, se traduisant par une primauté donnée aux neurosciences, donc à la neuro-psychiatrie et à la multiplication des centres experts, privilégie la recherche du diagnostic au détriment d’une approche globale et du soin à proprement parler.

Le résultat ne s’est pas fait attendre, cette logique favorise une médicalisation excessive : la prescription de psychotropes pour les enfants n’a jamais été aussi élevée ([1]).

En effet, avec l’approche neuro-psychiatrique, à un trouble correspond un traitement, voire un médicament, ce qui présente un côté rassurant (et un débouché certain pour l’industrie pharmaceutique) mais tend à minorer l’utilité d’un travail psychologique et thérapeutique, et à dévaloriser les facteurs sociaux des troubles mentaux, et les politiques qui pourraient agir dessus ([2]).

Car en réalité, les études scientifiques démontrent très bien le caractère multifactoriel des troubles psychiques. Et particulièrement pour les enfants, plusieurs psychiatres auditionnés recommandaient la plus grande prudence sur les diagnostics précoces, en raison de l’importance des comorbidités et des facteurs environnementaux.

Sinon, le risque est fort de dériver vers une médicalisation de « troubles » qui n’en sont pas, comme l’échec scolaire ou la pauvreté.

L’école occupe une place centrale dans la vie des mineurs. Elle représente non seulement un lieu d’apprentissage et de socialisation, mais aussi un espace où peuvent se révéler ou s’accentuer certaines fragilités.

L’arrivée de Parcoursup et les réformes Blanquer du lycée ont ainsi beaucoup dégradé l’environnement scolaire : l’immense majorité des soignants que nous avons entendus en ont rapporté l’effet anxiogène pour les enfants comme leurs parents, et le poids de l’évaluation et de la sélection permanente, dès le plus jeune âge.

À cela s’ajoutent les classes surchargées, le manque de professeurs, et une école voulue inclusive sans y mettre les moyens…

Cette dernière mériterait d’ailleurs une attention particulière que cette mission n’a pu couvrir : aujourd’hui le recours accru aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), dont le nombre a presque doublé depuis 2013, ne suffit pas à compenser la précarité de leurs conditions d'emploi et le manque de formation, et la multiplication des dispositifs spécialisés, tels que les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou les unités pour troubles du neurodéveloppement, ne répond pas à la demande croissante. De nombreux enfants sont tout simplement privés du droit à l’éducation, d’autres maintenus dans des conditions de scolarisation inadaptées. Cette situation a des répercussions majeures sur la santé et le bien-être des enfants et de leurs familles, confrontés à l’épuisement psychologique, au sentiment d’impuissance et à des difficultés financières accrues. L’ensemble du système familial peut être fragilisé, avec des conséquences d’autant plus importantes sur l’équilibre des enfants.

De même l’augmentation des inégalités sociales est un enjeu majeur : le pédopsychiatre Charles-Édouard Notredame expliquait par exemple très clairement en audition que face à un enfant avec des conditions d’hébergement précaires qui va mal, il faut commencer par lui trouver un logement digne pour espérer arranger son état… Et d’une manière générale, les enfants et adolescents de familles défavorisées ont un risque 3 fois plus important de développer un trouble mental.

Le manque de présence des parents, relevé par plusieurs auditionnés, est aussi une conséquence directe de l’évolution du monde du travail : 13 % des salariés travaillent habituellement le dimanche, 6 % la nuit et 5 % en horaires décalés ([3]). Les horaires atypiques concernent surtout les moins qualifiés, qui sont massivement contraints de vivre à contretemps de la société, et donc de la vie de leurs enfants. Du côté des cadres, l’encadrement légal des horaires de travail s’est assoupli ces dernières années, et cette plus grande « flexibilité » de la relation salariale peut se traduire par des contraintes de plus en plus fortes dans la sphère familiale. Bref, la néolibéralisation a un impact direct sur la santé mentale des mineurs.

Ma conviction première, à l’issue de cette passionnante mission de six mois, est qu’il y a urgence à redonner les moyens financiers et humains nécessaires au secteur pédopsychiatrique qui assure proximité et inconditionnalité des soins, urgence à permettre à toutes ces extraordinaires équipes que nous avons rencontrées lors de nos déplacements de pouvoir continuer leur travail dans les meilleures conditions. Autrement dit, renforcer résolument l’existant (plutôt que les « projets innovants » non pérennes) et l’attractivité de l’ensemble des professions liées à la santé mentale des enfants.

La deuxième, c’est qu’il est indispensable de repenser aussi le fonctionnement de notre société et notamment les politiques sociales engagées aujourd’hui.

Si on refuse d'aborder frontalement les questions d'inégalités sociales, de violences sexistes et sexuelles ou intrafamiliales, de précarité, et les effets d'une société de la compétition et du chacun-pour-soi, alors on rend l’individu entièrement responsable de ce qu’il vit, et se multiplient les mesures de contrôle et de répression pour normer les comportements individuels. C’est justement la tendance actuelle des politiques en direction de la jeunesse.

Il faut à l’inverse penser les enjeux collectifs et investir massivement pour nos services publics, celui de la santé, bien sûr, mais aussi l’Éducation nationale, l’aide sociale à l'enfance (dont l’état alarmant joue un rôle dans la saturation de la pédopsychiatrie, comme nous le développons dans ce rapport), ou encore engager une politique pour l’accès au logement digne.

En conclusion, agir contre les inégalités sociales est aussi une condition nécessaire d’une politique résolue pour la santé mentale de nos enfants.


   introduction

Érigée en grande cause nationale pour l’année 2025, la santé mentale est un concept difficile à définir. Elle recouvre, en fait, des réalités différentes.

C’est dans un contexte de saturation du système de santé qui peine à offrir un accompagnement de qualité pour les enfants et leur famille que la délégation a décidé de se pencher sur cette question particulièrement préoccupante.

La référence la plus largement retenue demeure celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) : la santé mentale s’apparente à « un état de bien-être dans lequel la personne peut surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ».

La docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN) a listé les besoins primaires qui contribuent à ce bien-être :

– les besoins physiologiques (sommeil et alimentation, les conditions socio-économiques) ;

– les besoins de sécurité ;

– le besoin d’appartenance et d’amour ;

– le besoin d’estime de soi ;

 le besoin d’accomplissement de soi ([4]).

Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, souligne le caractère normatif de cette définition, qui fait notamment référence à la capacité du sujet à s’adapter à son environnement social et à accomplir un travail productif.

Une définition plus exacte couvrirait les souffrances psychiques, souffrances à bas bruit, dites sub-syndromiques. En effet, il a indiqué que la santé mentale comprenait trois champs :

– la psychopathologie ;

– les souffrances psychiques sub-syndromiques ;

– la santé mentale positive ([5]).

Lors de son audition, Mme Aude Caria, directrice de l’organisme public d’information sur la santé mentale Psycom, s’est attachée également à nuancer cette notion. Selon elle, la définition de la santé mentale ne peut se résumer à une opposition binaire entre le bien-être et une pathologie. De même, elle a souligné que le terme de santé mentale est par ailleurs utilisé comme un euphémisme pour éviter d’employer le terme de psychiatrie ([6]).

La santé mentale recouvre, de fait, toute une gamme d’états, du bien-être aux troubles psychiatriques, en passant par un sentiment de mal-être, de troubles psychiques, d’où des difficultés de prise en charge face à la multiplicité des cas.

De nombreux travaux ont été menés ou sont en cours sur la santé mentale. Ce rapport, porté par la Délégation aux droits des enfants, s’en différencie par son approche centrée sur les enfants et adolescents. La psychiatrie infanto-juvénile est une discipline spécifique et la notion de secteur infanto-juvénile a été consacrée en 1972.

Cette discipline s’exerce sur des patients dans une situation d’évolution biologique et psychique, les troubles et pathologies pouvant être particulièrement réversibles. Comme l’explique le docteur Christophe Libert, pédopsychiatre et président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API), l’enfant n’est pas un « petit adulte », il n’a pas les mêmes réseaux neuronaux, le même développement psychique, affectif, et il faut donc en tenir compte.

C’est pourquoi, il est crucial que les troubles psychiques soient repérés de façon précoce et traités rapidement. Ces troubles peuvent avoir des répercussions majeures sur le développement global de l’enfant, son parcours scolaire, ses relations sociales et familiales, ainsi que sur sa trajectoire de vie à long terme. Ainsi, le docteur Christophe Libert relève que la moitié des troubles psychiatriques se déclarent avant 15 ans ([7]).

Par ailleurs, les signes cliniques et les modalités de prise en charge varient considérablement selon l’âge : on ne peut aborder les problématiques de santé mentale de la même façon pour des nourrissons, des enfants, et des adolescents, le repérage des troubles et les modalités de leur prise en charge nécessitant une formation et des dispositifs spécifiques aux différentes tranches d’âge.

Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, a divisé l’exercice de la psychiatrie en trois groupes d’âge :

– très jeunes enfants jusqu’à l’âge de 6 ans ;

– enfants jusqu’à l’âge de 11 ans ;

– adolescents jusqu’à la majorité.

Les troubles ne sont pas stabilisés, rendant le diagnostic complexe et exposant à un double risque.

Le premier est celui d’une médicalisation excessive de phénomènes développementaux non pathologiques.

Mme Catherine Remermier, secrétaire générale adjointe de la Société française de psychologie (SFP) et conseillère d’orientation-psychologue, a constaté que le concept de santé mentale avait opéré un glissement, utilisé initialement pour définir des troubles précis, des ruptures constatées, il recouvre désormais un sentiment de bien-être ; elle a de plus souligné que les protocoles mis en place pour exercer un diagnostic peuvent refléter des phénomènes fréquents chez les jeunes (sommeil perturbé ou colère) plus que des pathologies psychiatriques ou des troubles ([8]).

De même, Mme Jocelyne Goût, animatrice de la commission nationale de la psychiatrie de la Confédération générale du travail (CGT), souligne que certains troubles identifiés s’apparentent plus à des comportements habituels observables dans la tranche d’âge d’un enfant ou d’un adolescent. Un exemple est le trouble oppositionnel cité par l’enquête Enabee de Santé publique France développée infra chez les enfants de 6 ans à 11 ans ([9]).

Le deuxième risque est lié à un « effet d’étiquetage » : une attribution trop précoce ou trop rigide d’un diagnostic, qui enfermerait l’enfant dans une « case », oriente la perception qu’il a de lui-même et celle de son entourage, et influence ainsi son développement.

C’est pourquoi, selon Mme Aude Caria, directrice de Psycom, il est important de véhiculer une image dynamique de la santé mentale, aucun état n’étant une fatalité en soi ([10]).

La mission a mené 37 auditions, à la fois de pédopsychiatres, d’acteurs de la santé scolaire, de la directrice de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ([11]), du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie ([12]), de responsables de dispositifs tels que les maisons des adolescents (MDA), les équipes mobiles ou les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Elle a également entendu Santé publique France ([13]) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([14]).

Ses rapporteures se sont rendues dans une maison des adolescents, la Maison de Solenn ([15]) et un hôpital de jour pour enfants atteints de troubles autistiques, le centre Santos-Dumont ([16]).

Elles ont, par ailleurs, tenu à effectuer deux déplacements sur le terrain, dans leurs circonscriptions à Metz ([17]) et Toulouse ([18]), pour bénéficier d’un éclairage régional. Elles tiennent, de nouveau, à remercier les équipes qui les ont accueillies pour leur disponibilité et leur engagement.

Dans un premier temps, les rapporteures dressent le constat d’un écart entre les besoins croissants de soins en santé mentale et pathologies psychiatriques et l’offre contrainte, liée à la pénurie de professionnels de santé, à une disparité territoriale de l’offre ainsi qu’à une diminution des moyens hospitaliers qui n’a pas été suffisamment compensée par les moyens attribués aux structures ambulatoires. De plus, cette offre, de par la multiplication des acteurs, demeure souvent illisible pour les parents et intervient trop tardivement.

Dans un second temps, les rapporteures proposent 53 recommandations qui visent à consolider l’offre de soins existante et à réaffirmer les principes fondateurs de la sectorisation, plutôt que de développer de nouveaux dispositifs et de multiplier les centres experts ; cette consolidation passe par une offre de soins graduée effective, au sein du secteur, qui s’appuie sur le médecin généraliste, les maisons des adolescents, ainsi que les psychologues, puis en développant leurs liens avec le Centre médico-psychologique, véritable pivot de l’offre de soins qui offre un accueil inconditionnel et dont le maillage territorial ainsi que les moyens doivent être étoffés ; enfin, des centres de crise adossés aux urgences pédiatriques et aux hôpitaux psychiatriques doivent être mis en place afin de limiter le recours aux urgences générales.

Une plus grande coordination entre le secteur sanitaire, social, médico-social et éducatif doit être recherchée ; les rapporteures insistent particulièrement sur la prise en charge des jeunes suivis par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ces derniers sont surreprésentés dans la file active de patients atteints de troubles psychiques sans pour autant bénéficier de soins au long cours. Une plus grande articulation de l’ASE avec des structures sanitaires est donc nécessaire.

Par ailleurs, cette consolidation de l’offre de soins va de pair avec la mise en place de politiques préventives au sein de l’environnement familial et notamment auprès des femmes enceintes, des jeunes parents ainsi qu’au soutien à la parentalité. L’école doit redevenir un lieu de détection précoce des troubles avec un nombre suffisant de médecins scolaires, d’infirmiers scolaires et de psychologues. Enfin une régulation de l’environnement numérique s’impose, l’addiction aux écrans étant un facteur clé de la dégradation de la santé mentale des mineurs.

S’intéresser à la santé mentale des enfants et adolescents c’est avant tout répondre à leurs besoins fondamentaux et à leur développement à long terme.

 


I.   premiÈre partie : un écart grandissant entre la Demande et l’offre de soins En santé mentale

Les rapporteures dressent le constat d’un écart grandissant entre les besoins de soins en santé mentale et pathologies psychiatriques et l’offre contrainte, liée à la pénurie de professionnels de santé, à une disparité territoriale de l’offre ainsi qu’à des capacités hospitalières insuffisantes au regard de la demande et des structures ambulatoires insuffisantes. De plus, cette offre, de par la multiplication des acteurs, demeure souvent illisible pour les parents et intervient trop tardivement.

A.   un enjeu de santé publique majeur

La santé mentale des mineurs est devenue un véritable enjeu de santé publique. Mieux documentée, elle résulte de facteurs tant individuels que collectifs. Deux populations de jeunes sont particulièrement exposées, les mineurs pris en charge dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), et parmi eux les mineurs non accompagnés, qui ont fait l’objet d’une attention particulière dans ce rapport. Depuis 1972, une offre de soins psychiatriques spécifiques a été mise en place au sein du secteur qui privilégie le suivi ambulatoire.

1.   Une augmentation de la demande de soins psychiques

a.   Un état des lieux mieux documenté

Selon la DGOS, 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffriraient d’un trouble psychique sur une population de 14 millions de mineurs. Cette prévalence se situe dans la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Lors de son audition, la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a listé les troubles en santé mentale les plus fréquents :

– les troubles de l’humeur (dépression) ;

– les troubles anxieux (obsessionnels, compulsifs) et les troubles du comportement alimentaire ;

– les crises suicidaires ([19]).

Quant aux pathologies psychiatriques, on recense :

– des troubles du neuro-développement, trouble du spectre de l’autisme (TSA), trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ;

– des troubles psychiatriques, schizophrénie et troubles bipolaires.

Depuis quelques années, Santé publique France a mené deux enquêtes épidémiologiques qui ont permis de mesurer de manière plus précise la situation.

La première intitulée Enabee a permis de récolter des données sur une classe d’âge qui n’avait pas été objectivée jusqu’à présent.

Menée en 2022, cette enquête épidémiologique a porté sur 30 000 jeunes tirés au sort dans 700 écoles. À partir d’un auto-questionnaire, envoyé aux enfants, parents et enseignants, l’objectif était de décrire l’état de santé mentale et le niveau de bien-être des enfants en population générale en France hexagonale. Les départements et régions d’outre-mer (DROM) en étaient exclus, néanmoins une telle enquête est programmée pour 2029 avec des études pilotes en 2027-2028 en collaboration avec les Agences régionales de santé (ARS) et les rectorats.

Les résultats ont fait apparaître :

– 8,3 % des enfants de 3 à 6 ans présentent un trouble probable de santé mentale ;

– 1,8 % des enfants de 3 à 6 ans présentent un trouble émotionnel probable ;

– 5,9 % des enfants de 3 à 6 ans présentent un trouble oppositionnel probable ;

– 1,9 % des enfants de 3 à 6 ans présentent un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) probable.

– 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale ;

– 5,6 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble émotionnel probable ;

– 6,6 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble oppositionnel probable ;

– 3,2 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) probable.

La seconde enquête dénommée Enclass portait sur les collégiens et les lycéens. En 2022, une sélection aléatoire d’établissements scolaires publics ou privés sous contrat en Hexagone a permis de constituer un échantillon dans 147 collèges et 90 lycées. Au sein de ces établissements, un tirage au sort de deux classes de la sixième à la terminale a été effectué. Au total 9 566 élèves ont rempli un questionnaire anonyme auto-administré en ligne composé de questions autour des thèmes suivants : perception de sa santé, perception vis-à-vis de sa vie actuelle, bien-être mental, sentiment de solitude ressenti au cours des 12 derniers mois, étude des comportements suicidaires. Le taux de participation s’est élevé à 84 % chez les collégiens et à 75 % chez les lycéens.

La majorité des élèves de collège et de lycée se perçoivent en bonne santé et sont satisfaits de leur vie actuelle soit 8 élèves sur 10 :

– 59 % des collégiens et 51 % des lycéens présentent un bon niveau de bien-être mental ;

– 21 % des collégiens et 27 % des lycéens déclarent un sentiment de solitude ;

– la présence de plaintes somatiques et/ou psychologiques récurrentes concerne 51 % des collégiens et 58 % des lycéens ;

– 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression ;

– 24 % des lycéens déclarent des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois, 13 % avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie et environ 3 % une tentative avec hospitalisation.

Deux éléments ressortent de ces enquêtes :

– en premier lieu, la classe d’âge qui correspond au collège est la plus critique ;

– en second lieu, on constate des troubles différents selon le sexe.

Les filles sont plus sujettes à des troubles internalisés ou émotionnels et développent majoritairement des troubles anxio-dépressifs tandis que chez les garçons les troubles externalisés ou oppositionnels consistent plus en des troubles du comportement et notamment d’hyperactivité. Par ailleurs, on observe une plus grande prévalence des troubles anxieux chez les jeunes filles, notamment de pensées suicidaires. Enfin, selon la docteure Marie Rose Moro, pédopsychiatre et cheffe de service à la Maison de Solenn, les abus sexuels peuvent entraîner une anorexie pré pubère ([20]).

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), les garçons composent majoritairement la file active jusque vers 11 ans avec des troubles du comportement. Les jeunes filles présentent, quant à elles, davantage de troubles dépressifs à l’adolescence.

La DREES a également indiqué que l’on observe chez les 10-14 ans une augmentation des taux d’hospitalisation pour tentatives de suicide et de gestes auto-infligés ([21]). Le suicide constitue la deuxième cause de mortalité chez les jeunes ([22]).

Tout en soulignant que l’état actuel des connaissances scientifiques ne permettait pas d’expliquer de façon certaine les liens de causalité entre les différences biologiques et les troubles psychiques, le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, et la professeure Viviane Kovess-Masfety, chercheuse associée au sein du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé de l’Université Paris Cité, ont évoqué le rôle possible de ces facteurs biologiques, des différences hormonales et cognitives selon le sexe étant repérables dès les premières heures de vie.

L’injonction sociale impose aux filles aussi d’être plus calmes. Elles seraient également plus autorisées à exprimer leur souffrance ; enfin, elles sont aussi plus souvent victimes de discriminations et de violences sexuelles et sexistes. Sur les réseaux, l’image est plus normée pour les filles, ce qui peut participer à l’apparition de troubles du comportement alimentaire et les contraintes physiques ou comportementales sont plus fortes pour ces dernières ([23]).

Enfin, comme l’a rappelé Santé publique France, le contrôle social sur les filles demeure plus strict et peut entraîner des conflits familiaux à l’âge de l’adolescence ([24]).

b.   Une interprétation des données délicate

Lors de leurs auditions, les pédopsychiatres se sont montrés prudents sur l’interprétation de ces résultats et les biais méthodologiques auxquels sont exposées les études cherchant à évaluer la prévalence des troubles psychiques, en particulier en ce qui concerne les mineurs.

Ainsi, selon eux, la notion de « trouble probable », utilisée dans les études précitées, ne relève pas de constats scientifiques. Selon la professeure Viviane Kovess-Masfety, avec le Covid, le besoin de données a conduit à confondre santé mentale et détresse psychologique ([25]).

La professeure Viviane Kovess-Masfety met également en garde contre les résultats obtenus dans le cadre d’enquêtes réalisées sur internet, dont les taux de réponse sont parfois très bas, en particulier pour les jeunes, et qui reposent sur l’achat de panels, ce qui présente un biais méthodologique.

Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, relève que les troubles psychiques sont des phénotypes dimensionnels qui se prêtent mal à la quantification. Il peut exister beaucoup de nuances entre un sentiment de mal-être et une dépression, par exemple, et les évaluations auto-déclaratives peuvent exagérer la réalité des pathologies. Or, comme le rappelle le professeur Bruno Falissard, qui est aussi directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et consultant en statistique pour des groupes pharmaceutiques, les résultats de ces études épidémiologiques sont utilisés par l’industrie pharmaceutique pour définir les quantités de médicaments et de psychotropes produits.

Le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, rappelle quant à lui que, s’agissant des mineurs, les troubles ne sont pas stabilisés, l’assignation d’un diagnostic précis n’est pas toujours possible ni souhaitable, ce qui relativise également la mesure de la prévalence de troubles psychiques ([26]). Ainsi, tout en reconnaissant la qualité de l’étude Enabee, le professeur Bruno Falissard considère que les résultats obtenus pour les plus jeunes enfants sont « hautement spéculatifs ».

En tout état de cause, ces résultats peuvent s’analyser d’une manière plus positive, puisque la grande majorité des jeunes interrogés ne font part d’aucun trouble. Une autre donnée, assez peu mise en avant, est le recul du nombre de suicides chez les jeunes depuis une vingtaine d’années. Mme Aude Caria, directrice de Psycom, a rappelé que le nombre de suicides est passé de 1 006 en 1985 à 312 en 2017 ([27]) et entre 2004 et 2018 le taux de suicide des 15-25 ans a baissé de 40 % ([28]).

c.   Une plus grande attention portée à l’expression des souffrances psychiques

La progression de la demande ne s’explique pas uniquement par une prévalence plus importante des troubles en santé mentale chez les mineurs. Elle reflète aussi une amélioration de nos connaissances, un progrès dans le repérage de certains troubles, une évolution de la nosographie ([29]), et une libération de la parole, que ce soit pour exprimer ses états intérieurs, avec une stigmatisation moins prégnante des troubles psychiques, ou pour reconnaître et nommer les violences intrafamiliales et les violences sexuelles et sexistes.

Un premier facteur est l’élargissement du périmètre des troubles, lié à l’amélioration de nos connaissances et l’évolution de la nosographie, le professeur Bruno Falissard évoque ainsi l’exemple du trouble du spectre autistique : l’augmentation de la prévalence est en partie le résultat d’un élargissement de la définition de ces troubles. Mme Isabelle Seff, psychologue clinicienne en pédopsychiatrie, présidente de l'inter-collèges des psychologues des secteurs sanitaire et social de Midi-Pyrénées, relève également que la nosographie a considérablement évolué depuis une quinzaine d’années, avec un essor des troubles neuro-développementaux qui contribue à l’augmentation des demandes de prise en charge.

Un deuxième facteur réside dans la déstigmatisation des troubles psychiques. Comme l’a souligné la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, l’augmentation des besoins est liée également à une libération plus facile de la parole ([30]). Une prise de conscience plus forte de la part des parents et une moindre réticence des jeunes à demander de l’aide entraînent aussi une hausse de la demande de consultation.

Par ailleurs, la docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP) et pédopsychiatre, relève que la loi de 2005 relative au handicap ([31]) qui lie l’attribution d’aménagements pédagogiques à un diagnostic, a aussi contribué à accroître le recours aux spécialistes de la santé mentale ([32]). Ces modalités d’attributions d’aménagement pédagogique ont aussi pu conduire certains parents et enseignants à médicaliser les troubles de l’apprentissage.

2.   Un phénomène multifactoriel

Les intervenants ont été unanimes pour constater que la crise du Covid avait servi de révélateur, voire d’accélérateur, liée à l’isolement contraint des enfants et adolescents, à leur moindre socialisation du fait de leur retrait du groupe mais que les questions de santé mentale chez les jeunes se manifestaient déjà auparavant.

La santé mentale ne dépend pas uniquement de facteurs individuels mais aussi de facteurs collectifs et reflète l’état de la société.

a.   Les violences physiques, sexuelles ou psychiques

Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, a rappelé que 30 % des patients en pédopsychiatrie étaient des victimes de maltraitance parentale ([33]). Le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, a, de même, relevé que les stress précoces et les traumatismes en période de développement vulnérabilisaient durablement l’organisme du mineur ([34]).

Mme Aude Caria, directrice de Psycom, considère également que le premier déterminant du déclenchement des troubles reste l’exposition aux violences, particulièrement les violences sexistes et sexuelles et les violences intrafamiliales, et rappelle que les violences psychologiques (humiliations, brimades, etc…) ont autant d’impact pour la santé que les violences physiques : il s’agit d’un continuum, pas d’une gradation.

b.   Les déterminants sociaux

La précarité économique joue sur l’environnement familial, à ce titre la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a cité une enquête en population générale, EpiCov (non dédiée à la santé mentale) ([35]) qui indiquait que les enfants des ménages les moins aisés sont plus concernés par les difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles. Selon Mme Delphine Rideau, assistante sociale et présidente de l’Association nationale des Maison des Adolescents (ANMDA), les personnes en situation de précarité, absorbées par les enjeux matériels du quotidien, peuvent se sentir moins légitimes à prendre soin d’elles-mêmes ; elles peuvent aussi avoir plus de difficultés à être mobiles, ce qui les éloigne de l’accès aux soins ([36]). La pauvreté, la précarité des conditions de vie, et le chômage constituent ainsi des facteurs de risques, notamment suicidaires ([37]).

L’UNICEF France, le fonds des Nations unies pour l’enfance, a ainsi constaté que le lieu de résidence et le type de logement jouaient sur le bien-être des enfants.

Les mineurs qui vivent en quartier de la politique de la ville sont en moyenne plus défavorisés en termes de cumul des privations.

L’enquête de l’UNICEF précitée indiquait également que le recours aux soins pour des troubles en santé mentale était socialement marqué et notamment corrélé au niveau de diplôme et au niveau de revenu. Les ménages aisés recourent par exemple plus aux psychologues.

La docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP) et pédopsychiatre, a également constaté que les publics précaires ont du mal à coordonner les parcours de soins et se tournent difficilement vers le secteur libéral, ce dernier étant souvent absent des lieux où résident ces publics, d’où l’intérêt des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ([38]).

c.   Le numérique

L’exposition excessive aux écrans, la pratique intensive des jeux vidéo, renforcent l’isolement, limitent le retour à soi et l’accès aux ressources familiales, perturbent la qualité du sommeil et la capacité à se concentrer.  

Les pédopsychiatres auditionnés par les rapporteures considèrent tous que le numérique est un des facteurs à l’origine de l’augmentation des troubles anxieux dépressifs chez les adolescents. L’adolescence reste une période particulièrement vulnérable d’un point de vue psycho-comportemental.

En premier lieu, les temps prolongés d’exposition aux écrans sont nocifs. Selon l’Observatoire des plateformes en ligne, publié par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) les 12-17 ans passent en moyenne 116 heures par mois sur internet, soit près de quatre heures par jour. Lors de son audition, M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, a ainsi évoqué, parmi les facteurs aggravants des troubles de la santé mentale, le manque de sommeil et le désordre des cycles provoqués par les écrans ([39]).

Il en va de même de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) qui a expliqué durant son audition que plusieurs enquêtes mettent en avant une corrélation entre la santé mentale des enfants et leur temps d’exposition aux écrans ([40]). Ces pratiques isolent les adolescents et les coupent parfois du réel.

 En second lieu, les contenus que les jeunes regardent peuvent avoir une incidence sur leur santé mentale, que ce soit le cyber harcèlement via les réseaux sociaux, ou le visionnage de contenus violents et pornographiques. Mme Aude Caria, directrice de Psycom, a rappelé que les enfants s’inscrivaient en moyenne à huit ans sur les réseaux sociaux Les jeunes filles ont en moyenne une pratique des réseaux sociaux plus intensive, et sont davantage exposées au cyber harcèlement, et plus souvent victimes de montages pornographiques, pouvant entraîner des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez certaines d’entre elles. Enfin, les réseaux peuvent aussi contribuer à la diffusion de comportements à risque, en diffusant par exemple des guides pour se suicider, des pratiques de scarification, ou des conseils pour atteindre un état de maigreur extrême.

Le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, a aussi insisté lors de son audition sur le fait que cette exposition aux écrans est problématique dès lors qu’elle est non contrôlée et non supervisée ([41]).

d.   Un environnement social anxiogène

i.   La dégradation du milieu scolaire

  L’exposition aux violences dans le cadre scolaire est un sujet de préoccupation majeur. Trois points importants sont mis en avant dans ce contexte de dégradation du milieu scolaire : les situations de harcèlement, les programmes scolaires inadaptés à l’âge de l’enfant, ainsi que le processus d’orientation qui demande aux jeunes de faire des choix de manière précoce, contribuant aux refus scolaires anxieux. Certains points seront développés infra.

En premier lieu, le harcèlement, notamment dans le milieu scolaire, influe sur la dégradation de la santé mentale des mineurs. Lors du déplacement des rapporteures à Metz, Mme Sophie Maurice-Pluchon, directrice générale de l’Association mosellane d’action éducative et sociale en milieu ouvert (AAESEMO) qui comporte un pôle prévention du harcèlement, a rappelé les trois critères qui définissent le harcèlement :

– la volonté de nuire ;

– le déséquilibre des pouvoirs ;

– l’isolement ([42]).  

Un engrenage peut se mettre en place, les moqueries dégénèrent en conflit puis en harcèlement. L’auteur développe un plaisir de nuire, une satisfaction à faire du mal. Il souffre souvent lui-même de carences affectives.

   Selon la professeure Sylvie Tordjman, ancienne présidente de l’Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP) et pédopsychiatre, les dégâts du harcèlement sont considérables, il influe sur les futures relations de la victime et entraîne un risque accru de suicide. Les enfants harcelés développent des troubles anxieux dépressifs et un état de stress chronique. En effet, l’insertion sociale dans un groupe de pairs relève d’un besoin vital et essentiel ([43]).

  Lors de son audition ([44]), Mme Aude Caria, directrice de Psycom, a rappelé les chiffres de l’enquête « Harcèlement » menée par le ministère de l’Éducation nationale ([45]). L’indice de qualité de vie scolaire révèle que 5 % des élèves du CE2 au CM2 en sont victimes, et que 6 % des collégiens et 4 % des lycéens sont touchés. Cette enquête indique également que 5 % des élèves du CE2 au CM2, 2 % des collégiens et 2 % des lycéens déclarent avoir peur d’aller à l’école. La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a rappelé qu’un jeune sur cinq en a été victime dans son service ([46]).

Parmi les troubles fréquemment recensés par les pédopsychiatres figurent la phobie scolaire ou le refus scolaire anxieux. La docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN), a indiqué qu’en Essonne les demandes d’accompagnement pédagogique à domicile, à l’hôpital ou à l’école (APADHE), avaient progressé de 115 % entre 2016 et 2023. Ces troubles anxieux peuvent se manifester dès la maternelle et l’obligation de scolarisation à l’âge de trois ans ([47]).

Il est d’ailleurs significatif que la France se situe au troisième rang de la prévalence de la phobie scolaire chez les adolescents après le Japon et la Corée du Sud.

L’école est ainsi devenue une source d’angoisse pour une partie des jeunes. La docteure Patricia Colson définit même le milieu scolaire comme iatrogène ([48]). Selon les données Enclass en 2022, le vécu scolaire se dégrade au secondaire et notamment au collège. 29,8 % des filles contre 10 % des garçons se trouvent très stressées au collège, ce chiffre atteint 42,1 % des filles aux lycées contre 14,8 % des garçons.

Une des explications avancée, lors du déplacement des rapporteures à Toulouse, serait l’inadaptation au niveau de certains apprentissages à l’âge des élèves. Selon la docteure Jocelyne Calvet-Lefeuvre, cheffe du pôle enfant et adolescent du Centre de soins de psychiatrie infanto-juvénile « Volvestre » à Carbonne, il existe un décalage entre le programme scolaire et le développement neurologique du cerveau des enfants ; selon elle l’apprentissage de la lecture devrait se faire à 7 ans, alors que désormais, il s’effectue dès la grande section pour que l’enfant soit un lecteur à 6 ans. La docteure Jocelyne Calvet-Lefeuvre souligne que la maternelle doit rester avant tout un lieu de socialisation ([49]).

ii.   Le sentiment de peur lié au contexte géopolitique et environnemental

L’actualité géopolitique et les conditions environnementales participent également au contexte anxiogène.

La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a cité l’éco-anxiété aggravée par la fracture générationnelle qui entraîne le déni des adultes ou des autorités de reconnaître cette problématique ; il en est de même s’agissant de l’actualité géopolitique. Mme Aude Caria, directrice de Psycom, a abondé dans ce sens en listant parmi les facteurs de dégradation de la santé mentale, la guerre, les attentats, les catastrophes climatiques, l’exil et les migrations.

e.   Les produits addictifs

Les consommations régulières de stupéfiants dont la prévalence reste très élevée et d’alcool peuvent être dues à des souffrances psychiques « sub-syndromiques » évoquées par le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, des signes de mal-être qui ne traduisent pas pour autant une pathologie. Selon le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, certains toxiques peuvent déclencher des crises aigües, mais leur rôle dans l’origine de pathologies est moins démontré. Par exemple, la consommation de cannabis est parfois considérée, dans les représentations collectives, comme un facteur favorisant la schizophrénie, mais il est également possible que ce soient les troubles associés à la schizophrénie qui favorisent la consommation de cannabis, dans une recherche d’effet anxiolytique. Le professeur Bruno Falissard relève par ailleurs que la consommation d’alcool et de tabac a diminué régulièrement, et que, selon les données de l’Observatoire français des drogues et des conduites addictives, la consommation de cannabis tendrait également à diminuer ces dernières années ([50]).

Cependant, Mme Jocelyne Grousset, médecin scolaire et co-présidente du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU) souligne que les médecins scolaires sont souvent sollicités, dans le second degré, sur des questions liées aux addictions ([51]).

À ce titre, les rapporteures soulignent la nécessité de renforcer les dispositifs de contrôle visant à faire respecter l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs ainsi que la prévention et la lutte contre l’exposition des mineurs aux drogues illicites.

Recommandation n° 53 : Renforcer les dispositifs de contrôle visant à faire respecter l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs ainsi que la prévention et la lutte contre l’exposition des mineurs aux drogues illicites.

Des actions de prévention et d’information devraient également être engagées à destination des parents, pour leur permettre de repérer les signes avant-coureurs de fragilité pour leurs enfants, qu'il s'agisse de l'entrée dans la consommation ou le trafic.

En tout état de cause, il est important d’accompagner les mineurs en difficulté plutôt que de les stigmatiser, en développant des dispositifs d’écoute, de soutien, et une prise en charge médicale adaptée.

3.   Une prise en charge défaillante pour les jeunes les plus vulnérables

i.   Les enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

Bien qu’il soit difficile de mesurer le taux de mineurs suivis par l’aide sociale à l’enfance qui présentent des troubles en santé mentale, ils sont surreprésentés.

Selon la DGOS, 360 000 enfants suivis présentent une vulnérabilité importante ([52]). Quant à la Haute Autorité de santé ([53]), elle estime la prévalence des troubles mentaux chez ces mineurs comme étant près de quatre fois supérieure à celle observée en population générale.

Lors du déplacement des rapporteures à Metz, le professeur Christophe Schmitt, président de la Commission médicale d’établissement de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Metz-Jury et pédopsychiatre, a indiqué qu’en 2024, sur la file active de 433 jeunes suivis par l’établissement, 41 relèvent de l’ASE, soit 9 % du total ([54]).

Lors de son audition, le professeur Guillaume Bronsard, chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest, a estimé à environ 200 000 le nombre d’enfants placés suivis par des pédopsychiatres dans la région Bretagne ([55]). Quant à la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, elle a indiqué que dans son service, 40 % des lits d’hospitalisation à temps plein étaient occupés par des enfants placés ([56]). Cela rejoint le constat effectué par la Cour des comptes : selon les services rencontrés dans le cadre de son rapport sur la pédopsychiatrie de mars 2023, jusqu’à la moitié des adolescents hospitalisés à temps complet, en particulier pour des troubles du comportement et des syndromes dépressifs, relevaient d’une mesure de l’aide sociale à l’enfance, alors même qu’ils ne représentent que 2 % des mineurs en France ([57]).

Ces adolescents présentent plus de troubles des conduites et de comportement que la population générale de mineurs. Une étude menée sur 433 adolescents et 330 consultations dans 10 équipes de service public de pédopsychiatrie en France intitulée « Adolescents reçus en urgence en psychiatrie infanto-juvénile » ([58]) a montré que ces troubles constituent 50 % des diagnostics contre 25 % des autres adolescents. Les données étaient recueillies après chaque consultation avec une grille intitulée « parcours de vie et soins des enfants et adolescents ». La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a, de même, cité une étude conduite à partir de la cohorte EpiCov ([59]) qui montrait que les enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance présentaient une prévalence plus élevée de difficultés psychosociales, 26 % développaient des troubles comportementaux contre 12 % des autres enfants et 30 % souffraient de difficultés de l’attention contre 10 % des autres enfants ([60]).

Ces troubles sont liés à leurs parcours chaotiques et aux carences affectives.

En effet, la maltraitance infantile est un des facteurs de risque de développement de troubles psychiatriques. Lors de son audition, la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a souligné que la maltraitance multipliait par deux les suicides, les troubles anxieux et dépressifs et par quatre le psycho-trauma ([61]). Le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, attire également l’attention sur la situation de jeunes qui vivent encore chez leurs parents alors qu’ils ont fait l’objet d’une mesure de placement, et qui sont reçus en CMP en situation de crise suicidaire.

Par ailleurs, le suivi médical régulier de ces mineurs est défaillant. La coordination des soins somatiques et psychiques apparaît également insuffisante. Le diagnostic de leur trouble est souvent posé lors d’une crise aux urgences. L’étude précitée « Adolescents reçus en urgence en psychiatrie infanto-juvénile » confirme que presque 36 % de ces adolescents consultent dans un lieu d’urgence psychiatrique contre 22 % des autres adolescents et que 31 % avaient consulté au sein du secteur contre 56 % pour les autres adolescents.

 

La prise en charge repose sur une hospitalisation prolongée, l’hôpital se substituant à l’hébergement et à un lieu de vie, ce qui conduit à aggraver l’état de ces jeunes. Des solutions pour éviter cette prise en charge seront développées infra.

C’est pourquoi, selon Mme Jocelyne Goût, animatrice de la commission nationale de la psychiatrie de la CGT, l’accueil familial thérapeutique demeure primordial ([62]).

Comme l’a souligné le professeur Christophe Schmitt, président de la Commission médicale de l’établissement public de santé mentale de Metz-Jury et pédopsychiatre, les éducateurs souffrent de lacunes de formation en santé mentale. Lorsqu’un jeune placé développe une crise de violence, les services des maisons d'enfants à caractère social (MECS) se tournent vers l’hôpital ([63]).

Les rapporteures recommandent que le bilan de santé obligatoire lors de la mise en place d’une mesure d’assistance éducative soit effectif et qu’un volet troubles de santé mentale soit inclus dans le dispositif Santé protégée pour un suivi régulier.

Recommandation n° 22 : Assurer l’effectivité des bilans de santé des mineurs suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et inclure un volet troubles de santé mentale dans le dispositif Santé protégée pour un suivi régulier.

Cette étude précitée montre également que ces jeunes ne sont souvent pas accompagnés lors de leur consultation.

La Haute Autorité de santé ([64]) recommande ainsi que les enfants suivis par l’ASE puissent être accompagnés par un professionnel de la protection de l’enfance du départ vers les urgences jusqu’à leur sortie, ce dernier ayant une connaissance de la situation de l’enfant et étant en possession du document de liaison d’urgence.

ii.   Le cas particulier des mineurs non accompagnés (MNA)

Ces jeunes arrivent sur le sol français après des parcours migratoires particulièrement éprouvants et traumatiques qui s’apparentent à des périples. Lorsqu’ils viennent du continent africain, la route peut prendre jusqu’à deux années, avec parfois un passage en Libye où les violences physiques, sexuelles et le travail forcé sont courants. La traversée de la Méditerranée est source de drames. Les Afghans doivent parcourir des milliers de kilomètres sur plusieurs années.

Médecins sans frontières et le Comité pour la santé des exilés (Comede) ont mené une enquête auprès d’environ 2 400 jeunes ([65]) suivis dans leur centre d’accueil de jour qui illustre leurs violences subies durant le parcours migratoire :

– 21 % ont déclaré avoir traversé une zone de guerre ou de conflit. En Libye, 8 sur 10 ont été emprisonnés et 6 sur 10 torturés. Quant aux jeunes filles, 50 % ont été victimes de violences sexuelles durant le voyage ;

– 10 % ont vécu l’expérience traumatisante de perdre un proche. 72 % ont traversé la Méditerranée et un sur quatre a survécu à un naufrage.

Par ailleurs, l’exil de leur pays d’origine est souvent lié à des évènements traumatiques.

Une étude de Trajectoires a identifié plusieurs causes ayant motivé leur départ de leur pays d’origine ([66]) :

– des difficultés économiques familiales ;

– des violences intrafamiliales ;

– un mariage forcé ;

– le décès d’un ou deux parents.

L’enquête de Médecins sans frontières et de la Comede citée supra, révèle que 55 % des jeunes suivis avaient déclaré avoir perdu un parent ou un proche dans leur pays d’origine, 55 % avaient connu une désorganisation familiale et 44 % avaient souffert de conflits intrafamiliaux.

Ils sont donc particulièrement vulnérables et souffrent de stress post-traumatique. Lors de son audition, M. Armando Cote, psychologue clinicien du centre Primo Levi, a listé les quatre syndromes observés chez les MNA :

– des réminiscences douloureuses ;

– des stratégies d’évitement, des lieux ou des situations ravivent des souvenirs traumatisants et le jeune adopte une stratégie pour ne pas avoir à les revivre (refus d’aller au bord de la mer, refus de sortir) ;

– l’hyperactivité, une difficulté à dormir ;

– une dépersonnalisation ([67]).

Quant à la docteure Maila Marseglia, psychiatre, psychothérapeute et coordinatrice nationale du pôle santé mentale du Comité pour la santé des exilés (Comede), la dégradation des conditions d’accueil des MNA joue sur leur santé mentale, beaucoup sont en situation d’errance et incapables de se projeter dans le futur ([68]).

Lorsqu’ils demandent une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, ces jeunes sont soumis à une évaluation de leur minorité, qui est réalisée dans des conditions hétérogènes selon les départements ([69]).

La rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir souligne par ailleurs que les MNA dont la minorité est contestée à l’issue de cette évaluation peuvent engager un recours pour contester cette décision. L’instruction peut durer entre 2 mois et 2 ans, ils ne bénéficient pendant ce temps d’aucune prise en charge, et se retrouvent, pour la majorité d’entre eux, dans une situation d’errance, avec de grandes difficultés pour accéder aux soins lorsque c’est nécessaire. En effet, l’absence de représentant légal est souvent évoquée par les soignants comme un motif de refus de prise en charge des MNA pour des soins ou pour une hospitalisation, sauf si un placement provisoire est ordonné par le juge des enfants ou le procureur de la République. Face à l’urgence, certaines structures font le choix d’hospitaliser les MNA avec une date de naissance fictive ou inconnue, ce qui se justifie du point de vue des soins, mais peut ensuite être source d’incohérences dans leur dossier, qui les pénalisent dans ses démarches administratives.

Recommandation n° 24 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Maintenir la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) en recours de minorité jusqu’à ce que les voies de recours soient épuisées.

Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, souligne que la loi prévoit une évaluation médicale en santé mentale des MNA dans le cadre de l’accueil provisoire, mais constate qu’elle est réalisée dans peu de départements. Elle recommande que les MNA puissent bénéficier de cette évaluation médicale en santé mentale dès leur arrivée, de façon systématique, avant l’évaluation de leur minorité ([70]). La rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir y est favorable.

Recommandation n° 25 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Garantir le droit de chaque mineur non accompagné (MNA) à une évaluation médicale en santé mentale dans le cadre de leur accueil provisoire par l’aide sociale à l’enfance (ASE), avant toute évaluation de leur minorité.

4.   Une organisation spécifique de l’offre de soins

a.   Le secteur : pivot de l’offre de soins

i.   Un concept novateur

Pionnière, la psychiatrie française s’est tournée vers une approche de désinstitutionalisation afin de lutter contre la stigmatisation des malades. Leur prise en charge repose sur un accueil inconditionnel, gratuit, complet et au plus près des bassins de vie matérialisé par un découpage administratif, le secteur.

Après la Seconde Guerre mondiale, un groupe de psychiatres, le « groupe de Sèvres » dénonce les asiles et la pratique de l’internement, l’idée générale étant d’intégrer le patient dans la vie de la cité.

Par ailleurs, la mise sur le marché de médicaments (neuroleptiques et tranquillisants) permet de réduire les symptômes des troubles psychiatriques et facilite un traitement ambulatoire.

Concept profondément novateur, le secteur est conçu autour de trois axes :

 la continuité de la prise en charge des patients qui va de la prévention au soin et à l’insertion. La DGOS a souligné le caractère complet de l’offre de soins offerte par le secteur. Le secteur regroupe en effet une première ligne constituée d’un CMP, unité de coordination et d'accueil en milieu ouvert, qui a la responsabilité d’organiser des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile pour la population vivant sur une circonscription territoriale donnée ([71]). Un secteur comporte également le plus souvent un hôpital de jour et un centre d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), et en deuxième ligne est rattaché à un établissement public de santé mentale (EPSM) pour les hospitalisations partielles ou complètes.

 la pluridisciplinarité de la prise en charge. Corollaire de cette continuité, des équipes pluri professionnelles sous l’autorité d’un médecin psychiatre « chef de secteur » sont regroupées au sein du secteur. Un CMP regroupe ainsi des soignants (médecins psychiatres, psychologues cliniciens, infirmiers, orthophonistes, psychomotriciens, …), et des travailleurs sociaux (assistants de service social, éducateurs, ...).

Le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la Maison des adolescents du Lot-et-Garonne, a rappelé que la force du secteur résidait dans un travail en réseau avec les partenaires et permettait d’aborder des facteurs de risques et des comorbidités communes aux troubles et pathologies.

 la proximité de la prise en charge et l’égalité de traitement des patients. Le territoire est ainsi découpé en secteurs géographiques d’environ 70 000 habitants. S’agissant du secteur infanto-juvénile, la circulaire indique qu’un secteur infanto-juvénile doit correspondre à 3 secteurs de psychiatrie générale, ce qui correspond à une population d’environ 200 000 habitants, et précise que « ce chiffre n’a pas été choisi après une étude scientifique, il tient compte d’un état de pénurie et ne permet de couvrir qu’un minimum de besoin ».

 La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a rappelé l’intérêt de la sectorisation car elle permet une égalité dans l’offre de soins sur tout le territoire.

ii.   Le secteur de psychiatrie infanto-juvénile

Une circulaire en date du 16 mars 1972 ([72]) crée les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile et énonce leurs missions :

– des actions de prévention primaire ;

– de dépistage ;

– de diagnostic ;

– de traitement ;

– et d’éducation spécialisée.

Il faudra attendre 1985 ([73]) pour introduire le secteur dans un cadre législatif.

L’article R. 3221-1 du code de la santé publique définit précisément trois types de secteurs : « Les secteurs psychiatriques prévus à l'article L. 3221-4 sont appelés :

 Secteurs de psychiatrie de l'adulte lorsqu'ils répondent principalement aux besoins de santé mentale d'une population âgée de plus de dix-huit ans ;

 Secteurs de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent lorsqu'ils répondent aux besoins de santé mentale des enfants et adolescents ; chaque secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie de l'adulte ;

 Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire lorsqu'ils répondent aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d'une région pénitentiaire ».

La loi organise donc, de ce fait, une prise en charge spécifique pour les pathologies psychiatriques. Depuis 2022, la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent couvre les jeunes jusqu’à 18 ans.

Il convient de noter que le secteur n’entrave pas le libre choix de son praticien par le patient, l’article L. 3211-1 du code de la santé publique dispose : « Toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques ou sa famille dispose du droit de s'adresser au praticien ou à l'équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence ».

b.   Un secteur public prépondérant dans l’offre hospitalière

Le secteur public est majoritaire, s’agissant des hospitalisations. Selon la DGOS, le secteur privé ne représente que 22 % des séjours en 2021. Une des raisons principales réside dans les sujétions importantes dévolues à la prise en charge des mineurs, la sévérité des troubles, le recours fréquent aux urgences, la part importante de patients issus de l’ASE ([74]).

Quant au suivi par un professionnel, selon le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, la prise en charge nécessite du temps et de l’écoute insuffisamment pris en compte dans le tarif des consultations en pédopsychiatrie.

c.   Un virage ambulatoire assumé

La psychiatrie infanto-juvénile se distingue de la psychiatrie adulte, par la surreprésentation de la prise en charge en ambulatoire et de l’hospitalisation à temps partiel. Ces orientations spécifiques visent à maintenir le lien du jeune patient avec son environnement familial et social.

En secteur public, 80 % de la prise en charge s’effectue en ambulatoire, comme l’a rappelé la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie ([75]).

De même, le développement des équipes mobiles, dont les missions seront développées infra, répond à ce virage ambulatoire.

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), si on constate une augmentation des hospitalisations à temps complet ou partiel, on observe une diminution du nombre de journées d’hospitalisations ([76]).

En 2023, 48 200 enfants ont été hospitalisés dont 34 510 à temps partiel (hospitalisation de jour) et 18 950 à temps complet.

Le dispositif « Mon soutien psy » au sein du secteur libéral rejoint ce mouvement privilégiant l’ambulatoire.

Le dispositif « Mon parcours psy », lancé en avril 2022 ([77]), prévoit une prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie des séances d'accompagnement psychologique réalisées par un psychologue dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice en centre de santé ou en maison de santé.

Il a évolué depuis le 15 juin 2024 pour devenir « Mon soutien psy ». Les principales modifications sont :

– un accès direct au psychologue : les patients peuvent désormais consulter un psychologue conventionné sans passer par un professionnel de santé pour une lettre d'adressage ;

– une augmentation du nombre de séances remboursées : le nombre de séances prises en charge est passé de 8 à 12 par an et par patient ;

– une revalorisation du tarif des consultations : le tarif de chaque séance remboursée a été augmenté de 30 à 50 euros, afin d'encourager davantage de psychologues à rejoindre le dispositif.

Selon M. Florent Simon, psychologue et secrétaire général du syndicat national des psychologues, ce dispositif concentre plusieurs critiques :

– la limitation des séances et l’impossibilité de les renouveler : le plafonnement à 12 séances n’est pas pertinent au regard d’un suivi profitable, des amnésies traumatiques peuvent se révéler tardivement ;

– l’élément tarifaire ne tient pas compte du temps passé avec le patient (qui dure au minimum 1 heure voire 1 heure 30 pour une première consultation) ;

– la durée insuffisante des séances : elles sont limitées à 30 à 40 minutes, ce qui exclut des prises en charge approfondies ;

– une exclusion des cas graves alors que l’indication « troubles légers à modérés » n’a pas de caractère scientifique ;

– un échec auprès des publics précaires : seuls 10 % des bénéficiaires sont en situation de précarité ([78]).

C’est pourquoi, à ce titre, les rapporteures préconisent de pratiquer le tiers payant pour ce dispositif, afin d’éviter que ces populations fassent l’avance de frais.

Recommandation n° 32 : Instituer le tiers payant pour le dispositif « Mon soutien psy ».

La rapporteure Mme Stambach-Terrenoir partage cependant les critiques exposées ci-dessus concernant ce dispositif. Elle tient à souligner, comme l’ont fait le professeur Bertrand Olliac, professeur des universités spécialisé dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et le docteur Louis Tandonnet, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie », pédopsychiatres, lors de leur audition ([79]), que les moyens engagés dans ce dispositif, orientés vers le secteur libéral, pourraient être affectés au recrutement et à l’augmentation des rémunérations des psychologues travaillant dans des structures publiques, telles que les CMP et CMPP, dont il faudrait augmenter les capacités d’accueil, celles-ci donnant un accès gratuit à des séances de psychothérapies sans limitation a priori du nombre de séances.

La rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé, quant à elle, souligne l’intérêt d’une coopération entre le secteur public et le secteur libéral qu’il convient de renforcer.

Selon la professeure Viviane Kovess-Masfety, chercheuse associée au sein du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé de l’Université Paris Cité, il faudrait encourager une certaine flexibilité, pour évoluer facilement de « Mon soutien psy » à un CMP si un trouble léger à modéré s’avère en réalité sévère ([80]).

B.   une offre de soins INSUFFISANTE ET illisible

Face à une multiplicité des acteurs, l’offre de soins demeure illisible pour de nombreux parents. De plus, l’égalité des soins censée être assurée par le secteur est mise à mal. Enfin, l’écart grandissant entre les besoins croissants et l’offre contrainte, liée à la pénurie de professionnels met le secteur en difficulté et entraîne une prise en charge tardive des patients qui conduit à un recours accru aux psychotropes et à une embolie des urgences.

1.   Une offre contrainte face à une demande croissante

Ce système novateur apparaît aujourd’hui saturé, l’écart entre les besoins exprimés par les parents et les jeunes et les moyens pour y répondre s’accentuant notamment faute de professionnels suffisants et en raison de fermeture de lits. Un chiffre illustre cet écart, selon la DGOS, en 2023, 23 % des postes de psychiatres étaient vacants à l’hôpital public alors que la file active de patients suivis augmentait de 7 % entre 2014 et 2022 ([81]).

Selon le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, 750 000 à 850 000 mineurs sont suivis et soignés sur 1,6 million de jeunes qui présentent des troubles, ce qui revient à observer qu’un sur deux reçoit des soins.

a.   Des moyens inadaptés

Selon la Cour des comptes ([82]), 58 % des lits d’hospitalisation entre 1986 et 2013 ont été supprimés, passant de 5 380 à 2 239.

 La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a résumé la situation en constatant que dans son service, 30 % de lits avaient fermé faute de professionnels et surtout d’infirmiers car les loyers étant trop élevés en région parisienne, ils peinaient à se loger.

De nombreux jeunes sont conduits aux urgences adultes et hospitalisés en secteur adulte avec les risques afférents. Ainsi, la docteure Angèle Consoli a indiqué que par défaut, les jeunes doivent être hospitalisés en isolement pour éviter les agressions sexuelles.

En 2020, la Défenseure des droits, Mme Claire Hédon avait été saisie du cas d’une jeune fille agressée sexuellement, hospitalisée dans un service adulte. À cette occasion, la défenseure avait exigé la remontée d’information systématique à l’ARS de toute hospitalisation d’un enfant en service de psychiatrie pour adultes, notamment celle des enfants âgés de moins de 16 ans ([83]). Les rapporteures reprennent cette recommandation, ce qui permettrait un diagnostic national sur la prise en charge de patients mineurs dans des secteurs pour adultes.

 Depuis la parution du décret du 28 septembre 2022 ([84]), les conditions d’hospitalisation en secteur infanto-juvénile ont été précisées et les hospitalisations en secteur adulte encadrées. Selon le texte, pour pouvoir être autorisé dans la mention psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent par l’ARS, l’établissement public de santé mentale devra prévoir une prise en charge adaptée aux tranches d’âge des patients (enfants, adolescents, adultes). Il est spécifié que le mineur hospitalisé ne peut partager sa chambre avec un adulte. Enfin, il est prévu d’ajouter des espaces de vie et de jeux adaptés pour les enfants et adolescents. La DGOS n’a pas été en mesure de nous documenter sur la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Faute de place, l’hospitalisation des mineurs uniquement en secteur infanto-juvénile risque d’être difficile à appliquer.

b.   La pénurie de soignants : des défis démographiques

Le système de soins est confronté à une pénurie de professionnels.

Toutes les catégories de professionnels sont concernées par cette pénurie, aussi bien dans le secteur sanitaire, que dans le social.

Au premier chef, la pénurie de pédopsychiatres aggrave la situation.

Selon la DGOS, on recense 1 800 détenteurs du diplôme d’études spécialisées complémentaire (DESC) psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (PEA) et 700 pédopsychiatres diplômés avant la réforme des spécialités en 2023 ([85]).

Par ailleurs, seuls 400 pédopsychiatres sont inscrits au Conseil de l’ordre.

 Selon la Cour des comptes, la diminution du nombre de pédopsychiatres a été de 34 % entre 2010 et 2022. La DGOS a confirmé que la densité nationale était de 6,7 professionnels pour 100 000 jeunes ([86]).

La moyenne d’âge est de 60 ans, de nombreux professionnels partiront donc bientôt à la retraite.

La réforme des études de médecine

Il n’existe plus de diplôme d’études spécialisées (DES) en pédopsychiatrie.

Jusqu’en 2017, la maquette du DES de psychiatrie prévoyait, au sein des huit semestres nécessaires pour valider le diplôme, deux stages en pédopsychiatrie. Pour compléter cette formation, les étudiants titulaires du DES de psychiatrie pouvaient poursuivre en réalisant un DES complémentaire (DESC) de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sur deux semestres.

À compter de la rentrée universitaire 2017, la maquette a évolué, en réduisant le nombre de stages en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à un seul stage, pour les étudiants ne choisissant pas cette option durant leur DES. Dans le troisième cycle des études de médecine en DES psychiatrie a été créée une option PEA (psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent), conférant à l’étudiant l’exercice d’une surspécialité sans permettre un exercice exclusif.

Depuis 2022, l’ensemble des étudiants en psychiatrie suivent désormais dix semestres de stages en troisième cycle. Le texte réglementaire fixe également de nouveaux objectifs au DES, passant « d’une formation à la psychiatrie générale » à celle de « médecins spécialistes en psychiatrie de l’adulte et en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ».

Il en résulte un triple phénomène :

– l’exercice de la profession par des médecins retraités, un psychiatre sur sept est retraité en poursuite d’activité, ce chiffre risquant de s’aggraver car en 2028, environ 19 % des actifs auront atteint l’âge de départ à la retraite ;

– le recours à des médecins étrangers : la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a indiqué que dans certains secteurs, on recense 60 % de praticiens étrangers ([87]). La question du niveau de la langue n’est pas négligeable, donnée particulièrement importante pour ce type de pathologie.

Les rapporteures proposent deux recommandations distinctes sur cette question.

Recommandation n° 7 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Appliquer les deux décrets du 28 mai 2025 relatif à l'aménagement de la procédure des épreuves de vérification des connaissances et portant diverses dispositions relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE).

Recommandation n° 8 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Faciliter l’accueil des médecins étrangers PADHUE en France : leur délivrer des titres de séjour Passeport talent ; transformer le concours des épreuves de vérification des connaissances en examen ; autoriser les Agences régionales de santé (ARS) à délivrer un droit d’exercice ; reconnaître le caractère validant des lieux d’exercices locaux agréés, en retirant l’exigence d’un passage dans le service d’un centre hospitalier universitaire (CHU).

– la pratique de l’intermittence.

Or, couplé à un manque d’anticipation de recrutement de pédopsychiatres, la spécialité de psychiatrie est, par ailleurs, délaissée par les étudiants en médecine. En 2022, 6 % des postes ouverts aux épreuves classantes nationales en psychiatrie n’ont pas été choisis.

Selon les chiffres de la DGOS, en 2020, 103 étudiants s’étaient inscrits pour l’option PEA pour 144 postes ouverts ; en 2023, ce sont 127 étudiants inscrits pour 157 postes ouverts ([88]).

Lors du déplacement des rapporteures à Toulouse, à l’unité « Care en Mater », les pédopsychiatres ont confirmé que ce métier était stigmatisé parmi les confrères, ce qui se traduit dans le choix des stages en internat ([89]). Une des explications serait la prise en compte de la psychologie et de la psychanalyse dans la pratique pédopsychiatrique, qui sont considérées par leurs confrères comme des sciences humaines moins nobles que les autres sciences médicales.

Il est particulièrement significatif, comme l’a rappelé le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie que tous les CHU ne disposent pas d’une chaire en pédopsychiatrie ([90]).

En second lieu, ce déficit touche aussi les infirmiers et les médecins scolaires. Ce point sera développé infra.

Enfin, comme l’a rappelé M. Florent Simon, psychologue et secrétaire général du Syndicat national des psychologues, si les psychologues libéraux ont vu leurs effectifs progresser, le nombre de ceux exerçant dans le secteur public diminue ([91]). Entre 2013 et 2023, le nombre de psychologues a progressé de 78 % selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). La densité nationale est de 109 professionnels pour 100 000 habitants, sans spécialisation vis-à-vis des enfants et adolescents ([92]).

c.   Des disparités territoriales importantes

 Malgré la volonté de la politique de sectorisation d’instaurer un découpage géographique qui permette un égal accès aux soins, le constat actuel est celui d’une disparité territoriale dans l’offre de soins, que ce soit en termes de professionnels ou de structures.

La DGOS a rappelé les différences de densité entre les régions s’agissant des pédopsychiatres :

– Provence-Alpes-Côte d’Azur : 9 pédopsychiatres pour 100 000 habitants ;

– Île-de-France, Centre-Val de Loire, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie : 6 pédopsychiatres pour 100 000 habitants ;

– Auvergne, Rhône-Alpes : 5 pédopsychiatres pour 100 000 habitants ;

– Hauts-de-France : 3 pédopsychiatres pour 100 000 habitants ;

– autres régions hexagonales : 2 pédopsychiatres pour 100 000 habitants.

Cette disparité se retrouve également dans l’offre de soins ambulatoires ; selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), on compte en moyenne 13 CMP par département mais avec des écarts importants, entre un CMP dans le territoire de Belfort et 48 CMP dans le département du Rhône.

i.   Des différences territoriales marquées entre zones urbaines et rurales

En premier lieu, ces différences territoriales sont marquées entre les zones urbaines et rurales.

Le docteur Louis Tandonnet pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne a rappelé dans sa région, la Nouvelle-Aquitaine, les différences d’offre de soins entre la Gironde, où est situé Bordeaux et sa périphérie, et son département le Lot-et-Garonne. En 2023, la Gironde comptait 379 psychiatres libéraux et 14 jeunes psychiatres tandis que le Lot-et-Garonne recensait, de son côté, 4 psychiatres libéraux et aucun jeune psychiatre. S’agissant des psychologues, 1 013 exercent en Gironde contre 105 dans le Lot-et-Garonne ; quant aux psychomotriciens, 173 sont comptabilisés en Gironde pour 12 dans le Lot-et-Garonne.

Le docteur Bertrand Olliac, professeur des universités spécialisé dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, de même a déploré la pénurie de médecins dans certains départements de cette région, un pédopsychiatre en Corrèze, aucun dans la Creuse et le Limousin, le nombre total de ces professionnels étant passé de 17 à 10.

Par ailleurs, le docteur Louis Tandonnet a également pointé le peu d’appétence des internes à venir effectuer leurs stages dans des zones rurales. Au sein du CHU de Bordeaux, un seul interne a choisi le Lot-et-Garonne pour effectuer son stage contre 70 places en internat retenues en Gironde, en mai 2025 ([93]).

Il en est de même pour les maisons des adolescents qui s’ouvrent plus facilement au sein des villes importantes comme le soulignait le rapport de la Cour des comptes ([94]).

ii.   Des différences territoriales entre l’Hexagone et les départements d’outre-mer

Une deuxième différence existe entre l’Hexagone et les départements d’outre-mer.

Ces derniers souffrent particulièrement d’une offre de soins insuffisante.

La densité de pédopsychiatres est de un pour 100 000 habitants. L’outre-mer est, de même, sous doté en CMP avec 8 CMP en Guadeloupe, 9 en Martinique, 11 à La Réunion et 1 à Mayotte.

Dans sa contribution écrite centrée sur la Guyane, l’UNICEF France souligne que le système de soins pédopsychiatriques a été mis en place tardivement dans ce département, l’organisation en terme de secteur datant des années 2000 ([95]). Il est de plus, sous-dimensionné à l’immensité du territoire ainsi que pour faire face à une population jeune particulièrement dynamique. S’agissant de l’offre de soins, le secteur se compose de 10 lits d’hospitalisation à temps plein et de 25 places en hospitalisation partielle, réparties entre les établissements de Kourou, Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni. 4 CMP complètent ce dispositif, dont 1 à Maripasoula. Néanmoins, le système s’est doté de médiateurs en santé, issus des populations autochtones, pour œuvrer dans les communes de l’intérieur.

2.   Une multiplicité d’acteurs

 

En préalable, les rapporteures tiennent à souligner que les moyens affectés à la pédopsychiatrie doivent être orientés vers le soin plutôt que vers la création de centres experts et de plateformes.

Recommandation n° 28 : Réorienter les moyens financiers et humains vers le soin plutôt que vers des centres experts et des plateformes de diagnostics.

a.   Les centres experts

Les centres experts en santé mentale sont définis comme des plateformes de soins de recours et de recherche destinés à améliorer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères.

Orienté par son médecin traitant, le patient est reçu par une équipe pluridisciplinaire qui peut lui proposer un bilan complet (somatique, psychiatrique et neuropsychologique) de sa pathologie. Ce dernier permet de définir un programme thérapeutique personnalisé (médicaments, psychothérapies, hygiène de vie) adressé au médecin traitant.

S’agissant de l’autisme, un dispositif particulier a été mis en place, les plateformes de coordination et d’orientation (PCO).

 

Les plateformes de coordination et d’orientation (PCO)

Depuis 2020 un dispositif, les plateformes de coordination et d’orientation (PCO), est chargé de mettre en place un parcours d’interventions précoces et de diagnostic jusqu’à l’âge de 12 ans. Un bilan est réalisé par une équipe pluridisciplinaire pour un enfant susceptible de présenter un diagnostic d’un trouble du spectre de l’autisme. En quatre ans, de 2018 à 2022, 30 000 enfants ont été repérés et adressés à l’une des 91 plateformes de coordination et d’orientation mises en place sur l’ensemble du territoire. En 2022, 41 000 enfants ont été orientés vers ces plateformes.

La multiplication de ces centres experts est critiquée car s’ils posent un diagnostic, ils ne proposent pas de suivi et les patients se trouvent confrontés à la saturation de l’offre de soins.

La docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP), a ainsi regretté que ces centres développent une médecine théorique qui ne tient pas compte des ressources accessibles et élaborent des préconisations hors sol ([96]).

Le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, est de même défavorable aux plateformes qui n’accompagnent pas les patients ([97]). Dans ces centres, le pédopsychiatre applique des procédures standardisées avec des échelles et des scores sans tenir compte de l’environnement de l’enfant.

Selon la docteure Maya Levrat, psychiatre à l’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA), la demande de diagnostic déculpabilise les parents et correspond à une société hyperactive, pressée par le temps alors même qu’une évaluation de la situation d’un enfant peut être longue ([98]).

Mme Lydia Stupar, vice-présidente de l’Association des psychologues et de psychologie dans l’Éducation nationale (APSYEN) et psychologue de l’Éducation nationale, s’est également prononcée pour une prise en charge globale de l’enfant ou de l’adolescent plutôt que de traiter des symptômes au cas par cas ([99]).

b.   Les maisons des adolescents (MDA)

Créées autour des années 2000, ces structures ont vocation à accueillir les adolescents dans un lieu unique qui regroupe différents champs d’intervention, sanitaire, médico-social, mais aussi judiciaire ou social.

La France compte 125 MDA qui ont accueilli 100 000 jeunes de 11 à 21 ans (voire 25 ans) et leurs familles en 2024. Si l’on recense les antennes et les permanences existantes en plus des maisons mères, le paysage est encore plus étoffé.

Chaque département en dispose. Dans certains se trouvent même deux MDA et l’Île-de-France en bénéficie de trois. Elles sont présentes en Outre-mer (dont deux en Guyane et à La Réunion) et en Polynésie. Néanmoins, la Cour des comptes a pointé l’absence de diagnostic d’implantation territoriale et l’accessibilité moindre pour les jeunes des zones rurales ([100]).

Elles bénéficient d’une grande souplesse dans leur mode d’organisation et de fonctionnement.

Ainsi, les statuts juridiques sont très divers. 38 % sont rattachées à un établissement public de santé mentale (EPSM), 4 % à un établissement privé de santé, 21 % se sont constituées en association loi de 1901, 5 % sont gérées par des conseils départementaux, 16 % sont constituées en groupement d’intérêt public (GIP) ou groupement de coopération sociale et médico-sociale. Plus de la moitié des MDA sont inscrites dans des projets locaux de santé mentale (PLSM) ou des contrats locaux de santé mentale (CLSM). Comme cela sera évoqué, infra, les rapporteures recommandent d’adosser les MDA à un centre de soins.

Le budget moyen d’une MDA tourne autour de 637 000 euros contre 427 000 euros en 2018 ; 78 % des financements sont assurés par l’ARS et 10 % par le conseil départemental. En 2024, le budget global des MDA est estimé à 84 millions d’euros (+ 44 % depuis 2018).

Une MDA comporte en moyenne 16 professionnels et 1,5 équivalent temps plein travaillé (ETPT) de poste de médecin. On y trouve aussi des psychologues, des éducateurs, des infirmiers, des juristes, des assistants sociaux. Le recrutement s’effectue en direct ou par l’intermédiaire de détachements de l’Éducation nationale ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Les missions principales d’une maison des adolescents consistent à accueillir le jeune, évaluer sa demande et le cas échéant l’orienter vers un professionnel ou une institution.

L’accueil s’effectue sans rendez-vous et les délais d’attente sont de moins de deux semaines. L’accueil est anonyme et inconditionnel ainsi il n’est pas nécessaire de bénéficier de la protection sociale, de disposer d’une autorisation parentale ou d’être en situation régulière.

Les MDA assurent un premier temps d’écoute pour identifier la problématique du jeune. En fonction des besoins, différents types de suivi peuvent ensuite être envisagés : un accompagnement ponctuel pour répondre aux interrogations ; un suivi plus approfondi avec un psychologue, un médecin ou un autre professionnel ; une orientation vers des structures spécialisées comme les Centres médico-psychologiques ou les services hospitaliers.

Lorsque l’adolescent sera suivi au sein de la MDA, 5 à 6 rendez-vous sont possibles.

L’âge moyen du jeune reçu est de 15 ans dont 64 % de jeunes filles. Les MDA gèrent 800 situations par an et orientent 31 % des jeunes qui viennent consulter.

Les principaux adresseurs sont l’Éducation nationale, les professionnels libéraux et les CMP.

Les MDA proposent aussi des accompagnements collectifs (composés de petits groupes de 4 à 5 personnes) ouverts aux parents. Ces ateliers de médiation ou de socialisation permettent de partager les difficultés, de calmer les angoisses.

Pour Mme Delphine Rideau, présidente de l’Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA), la force des MDA réside dans la facilité d’accès à un traitement pluri-professionnel du soin. Elles accueillent des adolescents de façon non programmée, parfois lors de crises graves et urgentes et font preuve de réactivité. Leur expertise réside dans l’instauration d’un climat de confiance avec le jeune qui permet de l’orienter vers d’autres professionnels ([101]).

Mme Delphine Rideau et le docteur Charles-Édouard Notredame, pédopsychiatre et secrétaire général de l’ANMDA, soulignent également que les maisons des adolescents n’ont pas vocation à être un sas pré-CMP, elles ne sont pas dimensionnées pour assurer un suivi de long terme. Ils ne sont pas favorables à l’idée de conditionner l’accès au CMP par un passage en MDA, car cela supposerait un changement de dimension très important des MDA, qui pourrait affecter leur réactivité et leur souplesse ([102]).

De même, le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, souligne que les maisons des adolescents et les Centres médico-psychologiques sont complémentaires, et que les premières ne peuvent pas se substituer aux seconds. La taille réduite des équipes en MDA, qui leur permet d’être bien interconnectées, est un de leur atout, ce qui est plus difficilement applicable dans les CMP en raison de la différence considérable de flux, les CMP étant dimensionnés pour accueillir beaucoup plus de personnes ([103]).

 

Visite de la Maison de Solenn

Fondée en 2005, la Maison de Solenn accueille 6 500 adolescents par an. Il s’agit d’une maison des adolescents sanitaire adossée à l’hôpital Cochin. 100 professionnels pluridisciplinaires y exercent.

Elle est financée à la fois par l’ARS (pour les activités d’accueil, de prévention) et le ministère de la Santé (dotation Médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) et dotation psy). Elle reçoit aussi une subvention de la Ville de Paris pour les MNA, bénéficie du mécénat (par le biais de la Fondation des hôpitaux) ([104]). Il convient de relever que la dotation ARS est de 2,5 millions d’euros, en diminution de 400 000 euros pour cette année.

La prise en charge

Elle est à la fois pédopsychiatrique et pédiatrique (troubles somatoformes) ([105]).

Sur les 6 500 jeunes, 30 % consultent pour des tentatives de suicide.

Elle s’est spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire (anorexie ([106]) ou boulimie).

La thérapie peut être individuelle ou familiale (toute la famille participe à la guérison).

Des groupes multifamiliaux se réunissent sur le même trouble, ce qui permet de partager l’expertise.

20 lits sont à la disposition des adolescents (10 en psychiatrie et 10 en pédiatrie). L’hospitalisation de jour consiste en une demie journée par semaine souvent après une hospitalisation.

25 ateliers sont proposés (dont musique, poney, danse, bibliothèque).

Un centre de crise ambulatoire est en projet qui serait consacré aux urgences et aux tentatives de suicide, ouvert la journée.

Les lieux

La maison se compose de trois niveaux, ouverts sur l’extérieur avec une terrasse avec activité de jardinage.

Au premier niveau se situe le hall d’accueil avec des salles de consultations programmées et des espaces à l’écart pour une première évaluation.

Aux deuxième et troisième niveaux se trouvent des chambres d’hospitalisation individuelles ou doubles. La cantine permet d’accueillir pour certains jeunes un infirmier qui accompagne trois patients pour le suivi des anorexies. La maison bénéficie également d’une salle de musique (piano, batterie, guitare), d’une bibliothèque et d’une salle commune.

c.   Les équipes mobiles en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (EMPEA)

Les équipes mobiles répondent à l’objectif de renverser l’accès aux soins, dans une logique d’aller vers afin de suivre des patients qui ne consulteraient pas d’eux-mêmes, soit par refus ou isolement, dans une clinique de la non-demande.

Lors de son audition, la professeure Sylvie Tordjman, ancienne présidente de l’Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP) et pédopsychiatre, a décrit les principales caractéristiques de ces unités mobiles :

L’aller vers valorise le jeune qui se sent digne d’attention et comporte un effet mobilisateur. Le fait de rencontrer le jeune dans son environnement permet aussi de nouer une relation de confiance.

Le schéma de la consultation est une première visite à domicile, puis une visite dans un lieu mobile (camping-car) et enfin une visite en CMP.

Ces évolutions de lieux sont bénéfiques car le changement d’environnement soutient le processus d’évolution. Ainsi, le fait d’impulser un mouvement physique accélère l’évolution du psychisme. Le fait de se trouver dans un autre lieu entraîne une stimulation et un état de vigilance cérébrale ce qui conduira le patient à ne pas raconter les mêmes histoires dans un lieu différent.

Les équipes comprennent aussi bien des médecins psychiatres et psychologues que des éducateurs ou assistants sociaux.

Les équipes mobiles s’inscrivent dans une complémentarité entre les soins en amont et en aval ([107]).

En amont, les équipes mobiles reçoivent des signalements de médiateurs comme les gendarmes en cas de maltraitances ou de violences intrafamiliales ou des infirmiers, psychologues ou des chefs d’établissement à l’école lorsqu’un élève présente des troubles ou bien encore du médecin généraliste. La permanence téléphonique reçoit l’appel. Un retour est effectué (fiche jeune) auprès de la personne qui signale.

En aval, les équipes mobiles travaillent avec les professionnels du secteur ou du libéral. Lorsque des mi-temps partagés existent entre le CMP et les équipes mobiles, cela permet d’éviter la concurrence entre les structures. Les EMPEA permettent également d’éviter des hospitalisations.

La durée du suivi est d’un mois, avec 10 rendez-vous maximum. Il peut y avoir un suivi par téléphone.

Différents modèles d’équipes mobiles se sont développés. On trouve des équipes en périnatalité qui seront évoquées infra, des équipes mobiles pour enfants et adolescents, des équipes mobiles d’urgence pédopsychiatrique pour les jeunes de moins de 16 ans, des unités mobiles de soins à domicile pour les jeunes de 14 à 18 ans ou bien encore des équipes mobiles de crise intrafamiliale.

C’est pourquoi, selon les rapporteures, la rédaction d’un cahier des charges qui définirait les missions de ces équipes et affirmerait leur place complémentaire au sein du secteur serait la bienvenue afin d’assurer une unité et une cohérence du dispositif. Elles plaident également pour un plus grand développement de ces équipes mobiles enfants-adolescents pour atteindre un public qui ne sollicite pas forcement le système de soins.

Recommandation n° 3 : Créer dans chaque secteur une équipe mobile pour le développement des visites à domicile et de l’aller-vers, organisée par un cahier des charges définissant leurs missions socles et un nombre d’équipes minimum avec des budgets fléchés de l’Agence régionale de santé (ARS).

3.   Des conséquences néfastes

a.   Une prise en charge tardive

Une des premières conséquences de cet état des lieux réside dans les délais d’attente pour consulter. Le point d’entrée du secteur qui est le CMP présente parfois des délais d’attente jusqu’à 12 à 18 mois pour un premier rendez-vous.

La deuxième conséquence est la dégradation de l’état de santé des jeunes, qui consultent ou sont pris en charge trop tardivement. Selon le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, en CMP la progression du nombre de demandes a abouti à des délais d’attente allongés qui conduisent à des soins dégradés qui consistent en des prises en charge plus courtes, et à la nécessité de trier les patients ([108]).

Selon le professeur Guillaume Bronsard, chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Brest, cette situation s’explique par le fait que les moyens humains n’ont pas augmenté en proportion de la hausse de la demande. Une meilleure organisation ne suffirait pas à remédier au manque de professionnels ([109]).

b.   Un recours accru aux psychotropes

Cette prise en charge retardée pourrait expliquer un recours accru aux médicaments. Ainsi, l’Assurance maladie a constaté une progression de la prescription de psychotropes auprès des adolescents.

Au total, en 2023, 936 000 jeunes âgés de 12-25 ans ont bénéficié d’un remboursement d’au moins un psychotrope. Cela correspond à près de 144 000 jeunes de plus qu’en 2019, soit 18 % de plus alors que dans le même temps, la population de cette tranche d’âge n’a augmenté que de 3 %.

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a ainsi documenté par le biais des données du système national des données de santé (SNDS) qu’environ 490 000 enfants âgés de 3 à 17 ans étaient suivis en médicaments psychotropes, soit 4 % de la classe d’âge.

De 2010 à 2023, le pourcentage a évolué de 3,5 % à 4 %, la prescription des hypnotiques est passée de 0,2 % en 2010 à 0,7 % en 2023 ([110]).

Selon la professeure Viviane Kovess-Masfety, chercheuse associée au sein du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé de l’Université Paris Cité, ce glissement est lié à un mouvement de remplacement vers les hypnotiques. En effet, face au constat en 2010 que la France était le plus grand consommateur d’anxiolytique, un travail pour en limiter la prescription a été conduit, ce qui a entraîné un report vers les hypnotiques. Or, la Haute Autorité de santé n’a pas imposé les mêmes règles pour leur prescription, bien qu’ils produisent les mêmes effets ([111]).

  S’agissant de la « Ritaline », sa prescription initiale n'est plus réservée à l'hôpital. Depuis le 13 septembre 2021, sa prescription pour les troubles TDAH peut être initiée en ville par les neurologues, psychiatres et pédiatres. Ainsi, si seul un pédopsychiatre ou un spécialiste peut initier le traitement, un médecin généraliste peut renouveler une prescription initiale.

Comme l’indique Mme Aude Caria, directrice de Psycom, si la prise de « Ritaline » ne résout pas toutes les difficultés, des études ont également établi que le fait d’être né en fin d’année civile augmente considérablement la probabilité de se voir prescrire de la « Ritaline » par rapport à un enfant né en début d’année. Une explication avancée à ce phénomène est que les différences de maturité entre élèves d’une même classe scolaire, liée à leur différence d’âge, peuvent être interprétées comme un signe d’hyperactivité, conduisant à une médicalisation d’un comportement ne relevant pas d’un trouble qui nécessiterait une prise en charge médicamenteuse ([112]).

Ainsi, selon la professeure Viviane Kovess-Masfety, s’agissant des psychostimulants (« Ritaline »), si on ne peut pas dire que la France en surconsomme, la question est de savoir s’ils sont donnés aux personnes qui en ont besoin ([113]).

Les avis des professionnels de santé sont partagés sur cette évolution d’un recours accru aux psychotropes. Si certains, comme M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, objectent que ces traitements sont adaptés à la sévérité des troubles et n’étaient pas assez prescrits auparavant et indirectement reflètent un meilleur dépistage ([114]), d’autres mettent en avant une corrélation entre la prescription accrue de médicaments avec la diminution du temps relationnel des médecins avec leur patient et la saturation de l’offre de soins. La docteure Angèle Consoli pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, et le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, ont indiqué prescrire des psychotropes de façon exceptionnelle, et privilégier le suivi thérapeutique.

Le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ([115]) a étayé cette analyse et lie le manque de dispositifs sanitaires et de professionnels avec la prescription de psychotropes.

Selon la docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP) et pédopsychiatre, cette tendance est peut-être due aux délais pour revoir le patient ou pour être suivi dans un CMP. Afin d’éviter tout risque suicidaire, le médecin préfèrera prescrire un psychotrope ([116]). Lors de leur déplacement à Metz, le professeur Christophe Schmitt, président de la Commission médicale d’établissement de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Metz-Jury et pédopsychiatre, a abondé dans ce sens en affirmant que s’il y a une vingtaine d’années les prescriptions étaient trop rares, la délivrance d’antidépresseurs par les médecins généralistes n’est pas toujours appropriée.

De même, lors de leur visite à l’hôpital de jour Santos-Dumont, spécialisé dans la prise en charge de l’autisme, la docteure Loriane Bellahsen, psychiatre et cheffe de service, a indiqué que les personnes mineures atteintes d’un TSA se voyaient prescrire jusqu’à 5 ou 6 psychotropes différents ([117]).

Cette démarche résulterait de deux facteurs :

– une approche en psychiatrie qui privilégie un objectivisme médical et la biologie plus que l’approche comportementale et une prise en charge tenant compte de l’environnement et de l’histoire du patient ;

– la pénurie de personnel médical.

Cette évolution est préoccupante, car comme le faisait remarquer Mme Isabelle Seff, psychologue clinicienne en pédopsychiatrie, présidente de l'inter-collèges des psychologues des secteurs sanitaire et social de Midi-Pyrénées, il manque une évaluation de cette médication précoce ([118]).

Les rapporteures recommandent de privilégier les soins thérapeutiques plutôt que la prescription de psychotropes.

Recommandation n° 9 : Privilégier les soins thérapeutiques plutôt que la prescription de psychotropes. Cette dernière doit être effectuée par des professionnels de santé ayant reçu une formation spécifique à l’usage thérapeutique des psychotropes.

c.   L’embolie des urgences

Enfin, faute de repérage précoce, beaucoup de premiers diagnostics sont en fait posés aux urgences lors d’épisodes de décompensation.

Le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, a souligné que la progression des passages aux urgences des adolescents résultait d’une saturation du système de soins qui impose des délais d’attente et des soins dégradés et conduit à des épisodes de crise et des tentatives de suicide ([119]).

Par ailleurs, s’agissant des hospitalisations programmées, la moyenne est d’un mois d’attente, d’où un recours aux urgences qui saturent comme l’a souligné la docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie ([120]).

Enfin ce recours aux urgences pose la question de la pratique de la contention mécanique et chimique. Selon l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) ([121]), la pratique de la contention reflète le dysfonctionnement systémique de la prise en charge des personnes vivant avec une maladie psychique en France.

L’architecture des locaux et un personnel bien formé sont des facteurs limitant le recours à la contention comme l’a rappelé la docteure Angèle Consoli.

L’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA) et le CMP de Volvestre utilisent des salles d’apaisement lors de crises aigües. À Volvestre, elle est équipée de coussins mous pour éviter toute forme de contention.

 


II.   DEUXIÈME PARTIE : une politique ambitieuse de consolidation de l’offre de soins de pair avec des politiques prÉventives

 Face à ce constat, les rapporteures recommandent de consolider l’offre de soins existante plutôt que de développer de nouveaux dispositifs et de multiplier les centres experts. Cette consolidation passe par une offre de soins graduée effective, au sein du secteur, qui s’appuie en première ligne sur le médecin généraliste, les maisons des adolescents ainsi que les psychologues, puis en développant leurs liens avec le Centre médico-psychologique, véritable pivot de l’offre de soins dont le maillage territorial ainsi que les moyens doivent être étoffés ; enfin, des centres de crise doivent être mis en place afin de limiter le recours aux urgences.

Par ailleurs, cette consolidation de l’offre de soins va de pair avec la mise en place de politiques préventives au sein de l’environnement familial et notamment auprès des femmes enceintes et des jeunes parents, à l’école, lieu de détection précoce des troubles et enfin avec une régulation de l’environnement numérique, nouveau facteur de dégradation de la santé des mineurs.

A.   AmÉliorer la prise en charge

Selon les rapporteures, il importe de faire fonctionner l’offre existante et de la consolider plutôt que de rechercher à tout prix des solutions innovantes. En effet, comme l’a souligné le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, la gradation des soins est inscrite dans le secteur avec un premier niveau qui comprend le médecin généraliste et le Centre médico-psychologique (CMP), pivot du secteur, et un second niveau constitué des établissements publics de santé mentale ([122]). La saturation des CMP et le manque de lits en secteur hospitalier ont conduit à multiplier des structures pour pallier cette situation. Afin d’améliorer la prise en charge, il importe de rendre effective cette gradation des soins qui passe par une meilleure formation des professionnels et un renforcement de l’attractivité pour ces métiers. Par ailleurs, une plus grande coordination entre les secteurs sanitaires, social, médico-social et éducatif doit être recherchée. Enfin, il convient de garantir un financement pérenne.

1.   Une offre de soins graduée effective au sein du secteur

Le rapport de la Cour des comptes pointait en 2023 une absence de réponse graduée de la prise en charge ([123]) ; le Centre médico-psychologique (CMP) est saturé et se voit contraint de prioriser les cas les plus sévères. Parallèlement des dispositifs de type centres experts ou plateformes se sont multipliés offrant un diagnostic sans garantir un suivi postérieur.

a.   Renforcer le maillage territorial

Selon les rapporteures, les cartes des secteurs conçus dans les années 1970 mériteraient d’être adaptées en fonction des évolutions démographiques. Un autre point, soulevé par le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, et par le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, est le manque de coordination entre le découpage géographique du secteur et celui du secteur social et médico-social et avec la carte scolaire ou judiciaire. Ce dernier élément revêt une importance dans le cas des enfants suivis par l’ASE dans le cadre d’une ordonnance judiciaire de placement.

Le docteur Christophe Libert indique que l’échelle pertinente est celle du bassin de vie, tenant compte des possibilités de déplacement de l’enfant, et de la capacité à entretenir un réseau de professionnels qui se connaissent.

Recommandation n° 18 : Revoir le découpage des secteurs pour les harmoniser avec la carte scolaire, judiciaire, et celle des services sociaux et médico-sociaux, de façon à faciliter la coopération entre les différents acteurs.

Afin que les dispositifs du secteur puissent fonctionner, il convient que tous les territoires disposent de professionnels de santé de manière équitable. Comme cela a été évoqué supra, d’importantes disparités territoriales subsistent. Ainsi, 30 départements ne disposent pas de pédopsychiatres.

Afin de remédier à cette pénurie de médecins, le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, propose d’instaurer une clé de répartition territoriale (par département en fonction de la population) pour le choix des stages en psychiatrie par les internes. L’idée étant de décentraliser la formation afin d’inciter ultérieurement ces jeunes praticiens à s’implanter dans ces territoires ([124])

Recommandation n° 5 : Instituer un quotient départemental pour les stages en psychiatrie en internat.

Le docteur Louis Tandonnet recommande également de créer des formations délocalisées d’infirmiers en pratique avancée ou d’infirmiers spécialisés en psychiatrie en s’appuyant sur les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) départementaux. Les rapporteures y sont favorables.

Recommandation n° 6 : Créer des formations délocalisées d’infirmiers en pratique avancée et/ou d’infirmiers spécialisés en psychiatrie, portées par les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) départementaux et par les instituts départementaux de puériculture.

S’agissant des maisons des adolescents, la Cour des comptes préconise d’exiger un diagnostic territorial pour un meilleur maillage sur tout le territoire, ces dernières s’implantant plutôt en zones urbaines ([125]).

b.   Développer l’offre de soins au sein du secteur

i.   La gradation des soins à améliorer

Tous les intervenants ont été unanimes pour rappeler que le secteur et le CMP doivent être au centre du dispositif tout en prévoyant une articulation avec d’autres dispositifs comme les maisons des adolescents ou les équipes mobiles et des acteurs de première ligne comme le médecin généraliste ou le psychologue.

L’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) ([126]) dénonce que faute de gradation dans les soins, faute d’une coordination suffisante entre médecins généralistes et médecins psychiatres, faute d’une écoute des familles et des amis, faute d’équipes mobiles d’intervention à domicile, les patients ne sont pas suffisamment soignés en amont de la crise.

En premier lieu, le professionnel que consulte un jeune en souffrance est bien souvent le médecin généraliste. Selon l’UNAFAM, 60 % des premières consultations en santé mentale s’opère via le médecin généraliste ([127]).

Dans son rapport, la Cour des comptes ([128]) rappelle l’importance du médecin généraliste. Elle cite l’exemple du Danemark où ce dernier est la porte d’entrée et le pivot de l’adressage du patient. Il réalise donc, dans la plupart des cas, l’examen d’évaluation initial servant à l’orientation dans le système de soins de santé mentale. Cette évaluation peut, en fonction de la situation, être complétée par une approche interdisciplinaire.

La Cour des comptes estime qu’environ 600 000 à 800 000 enfants et adolescents, nécessiteraient une prise en charge à l’hôpital. Les autres patients, pourraient selon elle, être suivis dans un premier temps par les médecins généralistes et les pédiatres, le cas échéant en lien avec les psychologues de ville.

De même, la DGOS a indiqué que le médecin généraliste devait être incité comme le pédiatre à être un professionnel de premier recours avec une expertise d’un pédopsychiatre le cas échéant ([129]). La revalorisation des consultations, sous le format des consultations complexes, développées infra, va dans ce sens.

En second lieu, au vu de la saturation des CMP, des pédopsychiatres comme le professeur Guillaume Bronsard, chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Brest, ont suggéré de favoriser l’accueil au sein des MDA par des infirmiers en pratique avancée avec un psychiatre ou pédopsychiatre en coordination ([130]).

Cela suppose de revoir l’organisation des MDA en rendant obligatoire un adossement à un centre de soins, ce que recommandent les rapporteures.

Recommandation n° 2 : Adosser chaque maison des adolescents (MDA) à un centre de soins et en faire un lieu d’expertise et de conseil pour les soignants de premier niveau.

Enfin, les psychologues complèteraient cette offre en amont.

Selon la professeure Viviane Kovess-Masfety, chercheuse associée au sein du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé de l’Université Paris Cité, les psychiatres doivent gérer les problèmes les plus graves, tandis que les psychologues doivent gérer les symptômes, qui sont plus fréquents ([131]).

Mme Isabelle Seff, psychologue clinicienne en pédopsychiatrie, présidente de l'inter-collèges des psychologues des secteurs sanitaire et social de Midi-Pyrénées, souligne cependant que la mise en place du parcours de soins et de l’offre de soins graduée peut, si elle conduit à conditionner l’accès au CMP à un adressage préalable par un professionnel de premier niveau, complexifier la prise en charge et éloigner certains jeunes de l’accès aux soins, notamment les plus précaires et ceux vivants dans des territoires sous-dotés en médecins généralistes ([132]).

Les rapporteures préconisent donc de prioriser le renforcement des moyens dont disposent les CMP pour leur permettre de maintenir un accueil inconditionnel dans des délais acceptables. Par ailleurs, elles préconisent de renforcer les liens entre professionnels de niveau 1 et le CMP, par exemple par la mise en place de lignes téléphoniques dédiées.

Recommandation n° 1 : Réaffirmer le rôle pivot du Centre médico-psychologique (CMP) et son accueil inconditionnel avec une offre de premier niveau des médecins généralistes, des professionnels de la santé scolaire (dans leur mission de détection), les psychologues et les maisons des adolescents (MDA) et par ailleurs des centres de gestion de crise de courte durée adossés aux urgences pédiatriques ou aux hôpitaux psychiatriques.

Ces solutions permettraient d’orienter au mieux les patients et d’éviter les délais d’attente au CMP.

ii.   Le Centre médico-psychologique, pivot du secteur : un renforcement des moyens nécessaires

Véritable porte d’entrée du secteur, le CMP offre des soins inconditionnels et sans avance de frais. Au nombre de 1 304 en 2023 contre 1 471 en 2013, ils ont diminué de 11 % alors que le nombre moyen d’enfants pris en charge est passé de 218 enfants par an à 270 entre 1997 et 2023, progressant de 17 % selon la DREES.

En 2023, sur les 468 700 enfants ayant bénéficié de soins ambulatoires, 70 % sont suivis par des CMP.

Leur prise en charge est exhaustive, puisqu’ils assurent l’accueil, l’orientation, le repérage, les soins mais aussi la prévention, ce qui explique leur saturation.

Les rapporteures recommandent de créer de nouveaux centres et de renforcer leurs effectifs en les adaptant aux évolutions démographiques. Afin de respecter les orientations initiales de la philosophie du secteur reposant sur la proximité, il conviendrait que chaque patient puisse se tourner vers un CMP situé au maximum à une demi-heure de son domicile. En amont, il convient que l’État préempte ou reconvertisse du foncier.

Recommandation n° 4 : Revoir le maillage des Centres médico-psychologiques (CMP) afin que tout enfant puisse y accéder en 30 minutes de son domicile et adapter le secteur aux évolutions démographiques.

iii.   La gestion des crises

Les rapporteures préconisent de créer des centres spécialisés, adossés aux urgences pédiatriques et aux hôpitaux psychiatriques, de gestion de crise avec des lits de courte durée pour traiter notamment les épisodes suicidaires. La crise traduit une volonté de vivre autrement, une rupture avec un état antérieur. Elle peut être provoquée par différents facteurs comme un refus scolaire anxieux ou une rupture amoureuse.

Le rapport de Mmes Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau, députées, sur la prise en charge des urgences psychiatriques ([133]) recommandait, de même, la création de lits dédiés au sein des unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD), en particulier pour les patients mineurs pour garantir un accès suffisant à des lits d’hospitalisation psychiatrique en aval des urgences.


Visite de l’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents

de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA)

L’UCHA a la particularité d’être une structure extra-hospitalière située au centre-ville, en dehors de l’hôpital Marchant, pour éviter toute stigmatisation, bien qu’elle dépende de son secteur de pédopsychiatrie.

L’UCHA accueille des jeunes de 13 ans à 17 ans présentant des troubles psychiques aigus nécessitant une hospitalisation de courte durée (une semaine renouvelable une fois). Pendant une période de 48 heures l’adolescent n’a pas de contact avec l’extérieur. Les parents peuvent venir le soir. Les jeunes arrivent après le passage aux urgences ou par le dispositif local consult’ado.

La durée d’hospitalisation étant relativement courte, les objectifs sont les suivants :

accueillir et apaiser l’adolescent en crise ;

établir ou compléter un diagnostic ;

aider l’adolescent à ébaucher une élaboration psychique qui pourra se poursuivre ultérieurement avec un thérapeute ;

permettre une médiation effective entre l’adolescent et son entourage.

L’unité de crise est une structure ouverte de 8 lits en chambre individuelle.

Il existe une salle d’isolement, des espaces communs pour les repas, plusieurs salles de consultations famille-enfant, un jardin.

Il manque des dispositifs de suivi après ce passage aux urgences. À Toulouse, SI ados permet des soins intensifs à domicile. Sinon les jeunes relèvent du libéral ou des CMP et CMPP.

2.   Renforcer la formation des professionnels

Afin que le premier niveau puisse détecter les troubles, et les orienter le cas échéant vers le deuxième niveau, il importe que tous les professionnels de santé soient formés aux thématiques propres à la santé mentale et à la psychiatrie.

i.   Le médecin généraliste

Une des critiques formulées par les pédopsychiatres est la prescription trop importante de psychotropes par le médecin généraliste, laquelle demanderait une formation initiale et continue en psychiatrie.

Selon Mme Delphine Rideau, présidente de l’Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA), les médecins généralistes sont très sollicités pour se former dans toutes les disciplines. Il serait également pertinent qu’ils puissent disposer d’une ligne téléphonique dédiée qui leur permettrait de demander conseil auprès de pédopsychiatres ou d’infirmiers en pratique avancée. Ce dispositif existe à la maison des adolescents de Verdun ([134]). Les rapporteures préconisent de généraliser ce dispositif, en dotant toutes les maisons des adolescents des moyens nécessaires pour en faire un espace ressource pour les professionnels de niveau 1, avec en supervision un psychiatre, ou, quand la ressource médicale est manquante, un binôme composé d’un infirmier en pratique avancée et d’un psychologue ([135]).

Les rapporteures plaident pour un renforcement de la formation initiale et continue des médecins généralistes et insistent sur la formation à la détection précoce des signes de souffrance des bébés. Ce point sera développé infra.

Recommandation n° 10 : Mieux former les médecins généralistes aux troubles en santé mentale (formation initiale et continue) en densifiant leur module de formation et leur capacité à faire des stages en psychiatrie.

ii.   Les infirmiers

Depuis la disparition des infirmiers psychiatriques en 1992, la profession peine à recruter et à fidéliser des infirmiers au sein des structures.

L’harmonisation européenne des diplômes et la volonté de favoriser le rapprochement entre l’université et le monde professionnel ont conduit à une refonte en 2009 des études d’infirmiers ([136]).

La formation au diplôme d’État d’infirmier s’inscrit désormais dans le cadre du système Licence-Master-Doctorat (LMD) ([137]), permet d’obtenir le grade de licence et rend ensuite possible des poursuites d’études en Master. La formation est dispensée par les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Auparavant, les étudiants infirmiers obtenaient un diplôme de niveau Bac plus 2.

La formation, d’une durée de 3 ans, repose sur l’alternance entre théorie et pratique. Elle est découpée en six semestres de vingt semaines chacun, équivalant à 4 200 heures.

La formation théorique de 2 100 heures comprend des cours magistraux, des travaux dirigés et des travaux personnels guidés.

La formation clinique (stages) de 2 100 heures permet de valider 10 compétences. Parmi ces stages cliniques figure un module, « Soins en santé mentale et en psychiatrie » où l’étudiant s’adresse à des personnes hospitalisées ou non, suivies pour des problèmes de santé mentale ou de psychiatrie (hôpitaux spécialisés, hôpitaux de jour, Centres médico-psychologiques).

Néanmoins, le stage en psychiatrie n’est pas obligatoire, ce que regrette le Conseil national professionnel infirmier (CNPI) qui rappelle que « le référentiel de formation 2009 exige un minimum d’un stage de 5 semaines dans le domaine de la psychiatrie ou de la santé mentale. Sous cette dénomination, il existe une grande variété de lieux de stages selon les différents lieux de formation. Ainsi, certains étudiants arrivent à la diplomation sans jamais avoir pu rencontrer des personnes présentant des troubles psychiatriques et accompagnés spécifiquement sur ces troubles ».

Lors de leur visite à l’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA), les infirmiers présents ont regretté la fin de stages en psychiatrie lors de leur cursus, ainsi que l’absence de tutorat lors de leur formation ([138]).

Néanmoins, la réforme de la formation des étudiants infirmiers prévue à la rentrée 2026 prévoit notamment des stages obligatoires en psychiatrie ; les rapporteures seront vigilantes quant à l’exécution de cette annonce.

Mis en place en 2016, l’exercice de pratique avancée ([139]) vise à améliorer l’accès aux soins en réduisant la charge de travail des médecins sur des pathologies ciblées. En outre, la pratique avancée favorise la diversification de l’exercice des professionnels paramédicaux.

L’article L. 430-1-1 du code de la santé publique dispose que : « Les auxiliaires médicaux relevant des titres Ier à VII du présent livre peuvent exercer en pratique avancée au sein d'une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d'une équipe de soins en établissements de santé ou en établissements médico-sociaux coordonnée par un médecin ou, enfin, en assistance d'un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire ».

Ainsi, un infirmier en pratique avancée (IPA) est un infirmier expérimenté, d’au minimum 3 ans d’exercice, ayant obtenu son diplôme d’État d’IPA précisant la mention choisie et reconnu au grade universitaire de Master. Parmi les mentions possibles, figure, depuis la rentrée 2019-2020 ([140]), la mention « Psychiatrie et santé mentale », qui comporte l’évaluation de l’état du patient en fonction de ses pathologies, la définition et mise en œuvre d’un projet de soin, des actions de prévention et d’éducation thérapeutique, l’organisation du parcours de soins en relation avec les autres acteurs concernés ainsi que la production de données et la veille en santé mentale.

En pratique, en acquérant des compétences relevant du champ médical, l’IPA suit des patients qui lui ont été confiés par un médecin, avec son accord et celui des patients.

Depuis janvier 2025, les IPA peuvent recevoir directement des patients (à condition que les IPA travaillent dans une structure de santé et non en libéral) et prescrire sans intervention préalable d’un médecin ([141]).

Cette mention « Psychiatrie et santé mentale » a connu une progression significative jusqu’en 2022 (28 % des diplômés), avant de décliner en 2023 (24,8 %) et 2024 (19,7 %), selon l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa).

Au vu de la pénurie de pédopsychiatres et de psychiatres et au vu de la durée de formation de ces derniers, le recours au sein des CMP et des établissements de santé mentale à des infirmiers en pratique avancée permettra de répondre, dans un premier temps, à l’augmentation de la file active de patients.

Lors de leur visite à l’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA), les infirmiers présents ont considéré que la généralisation des infirmiers en pratique avancée valorise la compétence et permettra un apport positif sur le long terme ([142]).

Les rapporteures recommandent d’encourager cette formation complémentaire auprès des infirmiers et de renforcer la formation des infirmiers diplômés d’État (IDE).

Recommandation n° 12 : Développer la formation d’infirmiers en pratique avancée et renforcer la formation des infirmiers diplômés d’État (IDE) à la santé mentale et à la psychiatrie, notamment par le biais d’un stage obligatoire.

iii.   Les psychologues

Les psychologues libéraux et les psychologues de l’Éducation nationale plaident pour un allongement de leur formation. S’agissant de ceux de l’Éducation nationale, le nombre de centres de formation est limité (sept sur tout le territoire de l’Hexagone), ce qui rend délicat les déplacements qui ne sont, de plus, pas pris en charge.

Selon le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, si les psychologues recevaient une formation pratique et effectuaient un stage en psychiatrie, ils pourraient obtenir le statut de soignant et poser un diagnostic ([143]).

La rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir est plutôt favorable à un allongement de la durée des études, permettant d’obtenir le titre de psychologue dans le cadre d’un doctorat professionnel, tout en préservant leur inscription dans le champ des sciences humaines et sociales, et en revalorisant leur statut et leurs rémunérations en conséquence.

iv.   Le secteur de la petite enfance

Lors de la visite de l’unité « Care en Mater » par les rapporteures à Toulouse, l’existence des modules en périnatalité pour la formation des sages-femmes a été mentionnée.

L’Université Paris Cité propose des formations professionnelles diplômantes ou qualifiantes ouvertes aux sages-femmes, pour approfondir leurs connaissances et compétences, en lien avec la périnatalité comme le diplôme d’université (DU) « Précarité, santé maternelle et périnatale » ou le DU « Psychopathologie périnatale ».

De même, l’ARS Île-de-France a récemment lancé un guide intitulé « Littératie en santé en périnatalité », une ressource pédagogique à destination de tous les professionnels, structures de santé, institutions qui travaillent dans le champ de la périnatalité.

Selon les rapporteures, il est important de former les sages-femmes à la théorie de l’attachement de même que les professionnels de santé exerçant en Protection maternelle infantile (PMI).

Recommandation n° 11 : Former les pédiatres et les médecins généralistes aux signes précoces de souffrance des bébés (périnatalité) et former les sages-femmes et les personnels de la Protection maternelle infantile (PMI) à la théorie de l’attachement.

3.   Renforcer l’attractivité des professions

Comme cela a été évoqué supra, l’offre de soins souffre d’une pénurie de professionnels, à l’exception des psychologues.

Ce déficit d’attractivité des professions résulte de plusieurs facteurs :

– Des salaires peu attractifs : s’agissant des médecins, les grilles salariales dans la fonction publique hospitalière sont inférieures au secteur libéral, et sont de fait peu incitatives, de même que les tarifs des consultations de pédopsychiatrie en secteur conventionné dans le secteur libéral ; la docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP) et pédopsychiatre, de même, a remarqué que les CMPP manquaient de personnel para-médical comme les orthophonistes ou les psychomotriciens car leurs salaires étaient moindres qu’en activité libérale ([144]). Il en est de même dans la santé scolaire et en PMI ; le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, a également souligné qu’un assistant social travaillant en pédopsychiatrie percevait plusieurs centaines d’euros de moins qu’un assistant social s’occupant des personnels d’autres ministères.

Les rapporteures plaident pour une revalorisation de la rémunération des personnels paramédicaux et psychiatriques qui exercent en Centres médico-psychologiques afin de renforcer l’attractivité de ces professions.

Recommandation n° 16 : Revaloriser la rémunération des psychologues et personnels paramédicaux travaillant en Centre médico-psychologique (CMP).

– Un manque de reconnaissance : comme cela a été évoqué, les professionnels de santé eux-mêmes dévalorisent la profession de psychiatre. Quant aux psychologues, ils souffrent également d’un manque de reconnaissance car ils sont à la croisée du secteur sanitaire, éducatif et médico-social.

– Des conditions de travail difficiles qui découragent les jeunes praticiens : selon M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, la crise d’attractivité est liée à la charge et à la pénibilité du travail mais aussi à une dégradation de l’aspect qualitatif des tâches, les professionnels étant confrontés à une perte de sens de leur travail ([145]). Mme Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES) et infirmière de l’Éducation nationale, a abondé en ce sens, en déplorant la perte de sens des missions des infirmiers scolaires qui se retrouvent seules à gérer des situations et ne bénéficient pas d’une analyse des pratiques ([146]). Quant aux médecins scolaires, ils ont déploré des missions peu motivantes de validation de procédures (aptitudes en lycée professionnel, aménagement aux examens) sans examen médical ainsi que des signatures de documents de type projet d’accueil individualisé (PAI) ou plan d’accompagnement personnalisé (PAP) ([147]).

Par ailleurs, selon le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, l’exercice de la discipline pédopsychiatrique est devenu très normatif ([148]), la Haute Autorité de la santé, les ARS, ou encore les directions d’établissement prescrivent dans une logique descendante des modes de fonctionnement, conçus par des acteurs souvent éloignées du terrain ([149]). Dans ce contexte, les rapporteures soulignent l’importance d’engager une réflexion approfondie sur la gouvernance du système de soins et des établissements. Elles plaident pour une réforme visant à accorder une place centrale à la parole des soignants, afin que leur expertise et leur expérience soient pleinement prises en compte dans les décisions organisationnelles.

Enfin, l’organisation de concours nationaux pour les professions des psychologues de l’Éducation nationale ou des infirmiers, rend aléatoire leur lieu d’exercice.

Concernant ces professionnels, qui peuvent être amenés à se déplacer entre plusieurs établissements, les rapporteures préconisent la prise en charge systématique des frais de déplacement, qui ne doit pas dépendre, comme c’est le cas aujourd’hui, de l’enveloppe budgétaire définie par chaque rectorat.

Recommandation n° 17 : Garantir la prise en charge systématique des frais de déplacement professionnels des infirmiers scolaires et des psychologues de l’Éducation nationale.

Les rapporteures recommandent une revalorisation salariale de ces métiers et notamment une revalorisation des consultations en pédopsychiatrie, ce point sera développé infra.

S’agissant des conditions de travail, il est nécessaire d’insister sur le travail enrichissant pluridisciplinaire et en réseau qui est développé en milieu hospitalier.

Enfin pour revaloriser la profession de pédopsychiatre au sein des études de médecine, il conviendrait de créer une chaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans tous les CHU.

Recommandation n° 13 : Créer une chaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans tous les centres hospitaliers universitaires (CHU).

Recommandation n° 14 : Revaloriser la profession de pédopsychiatre au sein des études de médecine.

Recommandation n° 15 : Sortir les formations menant aux professions du secteur social, médico-social, et paramédical de Parcoursup, pour favoriser le choix de ces professions par vocation.

4.   Une offre de soins mieux coordonnée entre les secteurs sanitaire, social, médico-social et éducatif

En préalable, les rapporteures tiennent à souligner le caractère interministériel des politiques en santé mentale vis-à-vis des mineurs. Nombre d’acteurs tant sanitaires mais aussi éducatifs ou sportifs concourent à ces politiques.

La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a plaidé pour la création d’un délégué interministériel à la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent.

a.   La protection de l’enfance

Le suivi des enfants et adolescents pris en charge par l’aide sociale à l’enfance illustre la nécessité d’une plus grande coordination entre le secteur social et le secteur sanitaire, lorsque ces derniers développent des troubles.

Il est donc primordial que ces jeunes reçoivent des soins dans la continuité et la durée et que, de ce fait, des dispositifs spécifiques à ces jeunes soient développés, sur le modèle de certains mis en place de façon expérimentale dans plusieurs départements.

Le professeur Guillaume Bronsard, chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Brest, distingue trois groupes :

– les jeunes présentant des difficultés scolaires, ou une insécurité psychique (51 %) ;

– les jeunes présentant des troubles d’intensité modérée, d’agressivité, des conduites à risque, qui font preuve d’impulsivité, de troubles du comportement qui sont souvent envoyés aux urgences le vendredi soir et nécessitent de suivre une psychothérapie (48 %) ;

– les cas complexes qui cumulent des psychoses graves et durables et des comportements violents (1 %) ([150]).

Pour les premiers il convient d’opérer un suivi simple, une consultation par an, et un suivi rééducatif.

Pour le deuxième groupe, un suivi régulier dans le secteur est nécessaire. L’admission aux urgences n’est pas pertinente car aucun lien n’est établi avec leur passé et les raisons de leur agitation.

Pour les derniers, il convient de disposer d’unités cumulant à la fois du soin psychiatrique et du social. Dans le Finistère à Milizac un dispositif mixte qui mêle de l’hébergement et du soin est en expérimentation depuis novembre 2003. Ce dispositif intitulé Madeo qui accueille 5 à 6 enfants de 12 ans à 16 ans pour 6 mois renouvelables comprend un adulte pour un enfant ; le professeur Guillaume Bronsard a souligné que le coût d’un séjour à l’hôpital était tout aussi onéreux. Il est financé à la fois par le conseil départemental du Finistère dans sa partie hébergement (20 ETPT et le local), et l’ARS pour la partie soins (équipe médico-psychiatrique) ([151]).

Dans la même logique, l’EPSM de Metz-Jury a mis en place une MECS médicalisée, la maison éducative et thérapeutique « les Bacelles » qui peut accueillir 6 filles et 6 garçons. Ces enfants rencontrent des carences affectives et éducatives couplées à des troubles psychiatriques, c’est pourquoi il est pertinent de ne pas séparer l’éducatif du soin ([152]).

 

La Maison éducative thérapeutique (MET) de la MECS « les Bacelles » en Moselle

Cadre juridique

La Maison éducative et thérapeutique est une modalité de prise en charge du dispositif de protection de l’enfance qui peut être mis en place dans un cadre administratif (à la suite d’un contrat passé entre la famille du jeune et les services de l’ASE) ou dans un cadre judiciaire (par décision du juge des enfants confiant l’enfant à l’ASE). La structure est une modalité de la MECS « Les Bacelles » relevant de l’habilitation du conseil départemental de la Moselle.

Public concerné

Les adolescents orientés vers la MET présentent cumulativement :

– des troubles du comportement social avec mise en danger grave et répétée ;

– des troubles de l’attachement ;

– une inadaptation de la prise en charge classique malgré des tentatives de protocole particulier ;

– la nécessité d’un projet de soins et d’un projet éducatif co-construits.

La MET accorde une attention particulière à la différence entre les manifestations de mal-être et les troubles des adolescents.

L’accueil est réparti comme suit, pour une durée maximum de 12 mois :

– 6 filles sur le site de Lauvallières (site actuel) ;

– 6 garçons sur le nouveau site (site de Borny).

Prise en charge

Les adolescents sont présentés par le référent d’établissement de l’ASE, la maison d’enfants à caractère sociale (MECS) d’origine à un soignant et au cadre du service, lors d’une commission de présentation. Un délai de 15 jours de réflexion est prévu entre la présentation et la réponse de l’équipe pluridisciplinaire, afin de recueillir les antécédents et de penser le projet « soin et éducatif ».

Une présentation de l’établissement et du projet au jeune et aux parents est ensuite organisée, en présence du référent ASE, du chef de service, d’un soignant et d’un éducateur de l’équipe.

Le parcours d’un jeune suit plusieurs phases :

– la phase d’observation d’un mois : constat des troubles et évaluation des besoins pouvant être pris en charge par la MET, écriture du projet personnalisé d’accompagnement (PPA) à l’issue de ce premier mois ;

– la phase d’installation dans le collectif et avec les professionnels : période de réajustement des traitements et du soin thérapeutique existant, ou démarrage de soin pour les adolescents ayant échappés ou refusés toute tentative de prise en charge ;

– la phase de stabilisation : ouverture vers l’extérieur et travail de socialisation avec insertion ou réinsertion scolaire et/ou professionnelle, travail sur le principe de réalité du contexte familial pour aborder le projet de sortie ;

– la séparation : travail de préparation à la sortie et d’orientation ; proposer un étayage de soin transposable au projet de sortie.

 

La mixité sera pleinement vécue dans la phase de stabilisation et de séparation, tant dans les actes du quotidien (repas, courses, entretien des maisons, soutien scolaire) que dans des ateliers et activités éducatives et/ou thérapeutiques (activités sportives, ateliers d’expression…).

Lors de la sortie du dispositif, plusieurs possibilités existent :

– retour vers la MECS d’origine ;

– mise en place d’un protocole de soin adapté ;

– mise en œuvre d’une sortie par immersion progressive dans une nouvelle structure.

Les professionnels de la MET proposent à l’ASE et aux familles un point tous les 3 mois afin d’évoquer la situation globale et de faire le lien avec les objectifs du projet pour l’enfant (PPE). Tous les mois, une fiche de liaison faisant le bilan est envoyée à l’ASE et aux familles.

Moyens humains

Au niveau de l’encadrement :

– deux chefs de service qui détiennent la responsabilité d’un site ;

– un coordinateur présent par site.

Au niveau éducatif :

– prise en charge mixte : 2 éducateurs présents dont un éducateur technique ;

– prise en charge individuelle en fonction des besoins des jeunes : 1 éducateur présent par site ;

– 1 éducateur sera plus spécifiquement en charge du suivi des jeunes en appartement.

Au niveau du soin :

– 2 infirmiers seront présents sur chaque site ;

– 1 psychologue partagera son temps de travail sur les deux sites ce qui lui permettra de travailler en proximité avec les jeunes ;

– 1 pédopsychiatre sera présent chaque semaine en réunion clinique.

Les rapporteures recommandent donc de généraliser ces types de structures, mêlant soin et hébergement.

Recommandation n° 21 : Mettre en place des maisons d’enfants à caractère social (MECS) sous la forme de maisons éducatives thérapeutiques (MET), dispositifs mixtes mêlant soin et hébergement.

D’autres dispositifs permettent une collaboration entre les services de l’aide sociale à l’enfance et les structures de soin.

Dans le Finistère, un projet de création d’un secteur dédié aux enfants de l’ASE (SUPPSY29) qui prévoit une articulation formelle entre l’ASE et le CHU de Brest est en cours afin d’organiser le dépistage, la prévention et le traitement des troubles psychiatriques.

Les rapporteures préconisent de prévoir une convention entre l’ASE de chaque département et son secteur pédopsychiatrique via l’ARS qui inclurait une consultation annuelle pour chaque enfant suivi.

Recommandation n° 20 : Généraliser l’expérimentation menée en Bretagne de conventions passées entre l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les secteurs pédopsychiatriques pour organiser le dépistage, la prévention et le traitement des troubles psychiatriques, avec notamment une consultation annuelle pour chaque enfant suivi.

Par ailleurs, la sectorisation selon le lieu d’habitation peut poser des difficultés spécifiques pour les jeunes relevant de la protection de l’enfance, qui sont parfois amenés à changer à de multiples reprises de lieux de domiciliation, avec un risque de discontinuité des soins.

Recommandation n° 23 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Définir un secteur de référence pour chaque jeune pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Un autre dispositif mis en œuvre à Rennes depuis novembre 2023 permet d’accompagner les assistants familiaux qui accueillent des enfants placés par l’aide sociale à l’enfance, confrontés à des difficultés psychiques. Une équipe mobile, dénommée équipe mobile d’accompagnement familial (EMAF), composée d’un médecin pédopsychiatre, d’un psychologue clinicien, d’un éducateur spécialisé et de deux infirmiers, intervient afin d’évaluer la situation au sein de la famille ; ces séances se déroulent volontairement dans des lieux différents, domicile de la famille d’accueil, locaux de l’EMAF ou bureau mobile de l’EMAF et sont limitées à une dizaine d’interventions. Une orientation vers d’autres partenaires peut être envisagée. L’objectif majeur est de détecter de façon précoce les difficultés rencontrées par l’assistant familial et d’instaurer une collaboration avec d’autres partenaires. Depuis novembre 2023, ce dispositif a accompagné 32 jeunes.

C’est pourquoi, selon les rapporteures, il convient également de développer les équipes mobiles au sein des structures de l’ASE.

S’agissant des cas complexes, en Haute-Garonne, l’association RAP 31 s’est constituée en 2005 pour coordonner la prise en charge d’adolescents de 11 ans à 21 ans en grande difficulté.

Parmi ses missions figurent :

– la coordination des situations complexes : elle apporte du soutien aux professionnels des secteurs médico-sociaux, sanitaires, sociaux, éducatifs, judiciaires lorsqu’ils rencontrent un problème aigu de prise en charge d’un adolescent en réunissant tous les acteurs et en interrogeant tous les partenaires passés, afin de reconstituer le parcours de vie du jeune de façon exhaustive ;

– le soutien aux médecins de premiers recours de proximité qui interviennent au plus près des symptômes initiaux.

Par ailleurs, les MDA coopèrent également avec les institutions de protection de l’enfance et appuient la sortie des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) ou d’un placement.

b.   Un meilleur accompagnement des enfants face aux difficultés scolaires

Mme Lydia Stupar, psychologue de l’Éducation nationale et vice-présidente de l’Association des psychologues et de psychologie dans l’Éducation nationale (APSYEN), et M. Laurent Chazelas, psychologue de l’Éducation nationale et président de l’Association française des psychologues de l’Éducation nationale (AFPEN), regrettent que les difficultés scolaires aient été médicalisées. Ils remarquent, à ce titre, que leurs missions consistent désormais majoritairement à dresser des bilans et des évaluations pour les dossiers des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin d’obtenir un accompagnant d’un élève en situation de handicap (AESH) plutôt que de suivre les enfants et adolescents en difficulté psychique ([153]).

Mme Jocelyne Goût, animatrice de la commission nationale de la psychiatrie de la CGT, relève de son côté que beaucoup d’enseignants adressent des élèves au CMP alors même qu’ils n’ont pas de troubles avérés. La différence de comportement peut aussi résulter de la date de naissance de l’élève et donc de son degré de maturité au sein de la classe. Elle souligne également un appauvrissement du vocabulaire et de la grammaire qui se traduit dans la réécriture d’ouvrages pour enfants. Cette absence de vocabulaire empêche les enfants de formaliser correctement leurs ressentis et peut engendrer une frustration conduisant à la violence ([154]).

C’est pourquoi, selon les rapporteures, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) devraient être redynamisés. Ils permettent, de plus, d’éviter une stigmatisation associée à un diagnostic de handicap.

 


Les RASED

(Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté)

Ces réseaux constitués d’enseignants spécialisés et de psychologues interviennent de la maternelle au CM2, pour dispenser une aide aux élèves en grande difficulté, en complément du travail effectué par les enseignants dans les classes. L’expertise est ponctuelle et s’adresse à des enfants présentant des difficultés durables d’apprentissage et de comportement ([155]). L’inspecteur de l’Éducation nationale pilote dans sa circonscription la mise en œuvre des aides, en arrête l’organisation générale et les priorités.

Les équipes contribuent également à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans d’accompagnement personnalisés (PAP) et au suivi des projets personnalisés de scolarisation (PPS).

Les aides peuvent prendre plusieurs formes :

les aides spécialisées à dominante pédagogique : pour les élèves ayant des difficultés pour comprendre et apprendre dans le cadre des activités scolaires, il faut donc leur apporter les méthodes de travail et pallier les difficultés de lecture, d’écriture ou d’orthographe ;

les aides spécialisées à dominante rééducative : pour les élèves dont les rapports avec l’école sont difficiles, il faut encourager l’enfant dans la communication, la confiance, l’estime de soi, le goût de l’apprentissage ;

le suivi psychologique : en liaison avec la famille et les enseignants, au sein de l’école ou à l’extérieur, il permet notamment de diagnostiquer les troubles de l’apprentissage. Le psychologue peut effectuer des examens cliniques et psychométriques, voire des bilans complémentaires.

Par ailleurs, les médecins scolaires sont revenus sur l’école inclusive qui n’est pas adaptée à certains enfants porteurs de troubles psychiques. Le docteur Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) et pédopsychiatre, plaide pour l’augmentation de places en instituts médico-éducatifs (IME), qui sont encombrés ([156]) ; quant au docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, il préconise également plus de places dans les IME ou les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Il est favorable à la création de parcours plus diversifiés comme le dispositif de maison familiale et rurale (MFR) dans le Lot-et-Garonne qui permet à des enfants de suivre des études à un rythme moins soutenu qu’à l’école mais sans être pour autant en IME ([157]).

Selon la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé, il convient de s’interroger sur l’inclusion à tout prix pour certains élèves qui présentent des troubles trop importants pour être scolarisés, ce qui peut les fragiliser encore davantage.

c.   Une meilleure coordination avec le secteur médico-social et le secteur éducatif : un exemple significatif, les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)

Créés après la Seconde Guerre mondiale, avec l’ambition de soigner les souffrances causées par le conflit aux enfants, une de leurs particularités était l’implication de l’Éducation nationale dans le dispositif.

 Au nombre de 305 et même 470 si on prend en compte les antennes, ils accueillent 220 000 jeunes de 0 à 20 ans, soit un tiers des consultations sur tout le territoire y compris en Outre-mer (Guyane, Antilles, La Réunion).

Leur mission est de pratiquer le diagnostic et le traitement des troubles psychomoteurs, cognitifs, des difficultés d’apprentissage et du comportement des enfants et des adolescents.

Ils proposent des consultations et des soins ambulatoires sous la responsabilité d’un médecin spécialisé qui coordonne les soins avec des équipes pluridisciplinaires qui comportent des médecins (pédopsychiatres, pédiatres, psychiatres) des orthophonistes, des psychomotriciens, des ergothérapeutes des travailleurs sociaux (éducateurs et assistants sociaux), des psychologues et des psychopédagogues.

Les CMPP sont rattachés à l’Éducation nationale et comprennent des enseignants spécialisés en difficultés psychiques ainsi que des directeurs. Depuis 15 ans, l’Éducation nationale ne renouvelle pas les départs à la retraite. Au moins un millier de postes a ainsi été supprimé, ce que regrettent les rapporteures. Ces postes sont désormais pourvus par des psychologues ou des enseignants qui choisissent de se spécialiser via un diplôme universitaire (DU) de psychopédagogie ([158]) dispensé à Paris et Amiens qui enseigne la manière dont les enfants investissent les apprentissages.

Parmi les différences avec le CMP, on peut citer un rythme calé sur les vacances scolaires, des soins ambulatoires sans hospitalisation, et aucun accueil en urgence.

Les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) sont des structures médico-sociales qui mêlent soin et éducation. Ce sont des établissements non sectorisés. Néanmoins dans certaines régions (en Normandie ou en Haute-Garonne) certains CMPP ont une mission de secteur. La coordination entre les deux structures dépend donc des régions et des responsables. La docteure Amandine Buffière, présidente de la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP), a plaidé pour une coordination explicite au secteur ([159]).

Les rapporteures préconisent la sectorisation des CMPP, et l’ouverture d’une réflexion avec les professionnels sur la pertinence et les modalités d’une possible transformation des CMPP en structures sanitaires.

Recommandation n° 19 : Adosser au secteur les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et ouvrir une réflexion avec les professionnels sur la pertinence et les modalités d’une possible transformation des CMPP en structures sanitaires.

Par ailleurs, il conviendrait, qu’une plus grande coordination entre les ministères de la Santé et de l’Éducation nationale soit mise en œuvre afin que la spécificité de ce dispositif soit préservée.

d.   Les projets territoriaux de santé mentale et les contrats locaux de santé mentale

Deux dispositifs existent, les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et les contrats locaux de santé mentale (CLSM) ([160]) qui peuvent servir de cadre à une plus grande coordination entre différents acteurs qui relèvent de tutelles différentes. Si cette coordination s’avère nécessaire, le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, met cependant en garde concernant la superposition de dispositifs de coordination territoriale dont les compétences peuvent se croiser, ce qui pourrait accroître le caractère illisible de l’ensemble ([161]).

Le PTSM a pour objectif d’améliorer le parcours de santé et de vie des personnes souffrant de maladies mentales, par une prise en charge coordonnée. La première démarche est l’élaboration d’un diagnostic territorial partagé, qui permet :

– d’identifier les insuffisances dans l’offre de prévention et de services sanitaires, sociaux et médico-sociaux ;

– d’évaluer l’accessibilité, la coordination et la continuité des services.

Chaque PTSM est décliné dans un CLSM, signé entre l’ARS et les acteurs concernés.

Ce contrat constitue une feuille de route opérationnelle sur 5 ans, précisant les actions à mener et les moyens à mobiliser.

M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, a indiqué que les prochains PTSM devraient comprendre un volet enfants et adolescents ([162]). Ce type de projet permet en effet de réunir des acteurs de différents champs de compétence, comme l’Éducation nationale, les structures départementales telles que l’ASE, la PMI ou les MDPH, avec des structures sanitaires. Certains départements ont déjà élaboré ce type de travail : dans le Calvados a été mis en place un parcours de soins en psychiatrie et santé mentale des adolescents et jeunes adultes, dans le Lot-et-Garonne un plan d’action « Parcours en santé mentale des enfants » de 0 à 12 ans a été rédigé, tandis que dans la Somme un axe santé mentale des jeunes y figure.

En Moselle, le PTSM repose sur un pilotage tripartite porté par des acteurs du champ sanitaire et du médico-social. Débuté en 2019 avec l’établissement d’un diagnostic territorial, il a été finalisé en 2020. Ce diagnostic avait relevé qu’il faudrait plus de ressources humaines, veiller à la place du médecin généraliste, et garantir un meilleur accès aux soins. Il pointait également le besoin de plus de coordination et un décloisonnement des acteurs des différents secteurs.

En mars 2025, un contrat territorial de santé mentale (CTSM) a été signé entre l’ARS et 60 acteurs. 56 actions sont regroupées en 7 axes stratégiques dont l’un s’intitule : « La santé mentale des enfants et des adolescents : agir au plus tôt ».

5.   Un financement pérenne

a.   La réforme du financement de la psychiatrie

Jusqu’en 2022, les activités de psychiatrie adulte et infanto-juvénile du secteur public et privé non lucratif étaient financées par des dotations annuelles de financement (DAF), allouées par les Agences régionales de santé (ARS). Dans les établissements privés lucratifs, l’activité était financée par des tarifs par jour correspondant à des objectifs quantifiés nationaux (OQN). Ce mode de financement était critiqué pour son immobilisme, les crédits étant reconduits d’une année sur l’autre, sans tenir compte des caractéristiques de chaque établissement, ni des implantations géographiques.

Désormais, chaque établissement reçoit des dotations reparties en huit catégories :

– une dotation populationnelle, à hauteur de 78 %. Afin de réduire les inégalités de ressources entre régions, cette dotation est allouée par les régions, sur la base de 5 critères : surpondération de la population mineure, taux de pauvreté, taille des ménages, densité médicale et offre médico-sociale adaptée aux patients de psychiatrie ;

– une dotation « file active » (soit le nombre de patients vus au moins une fois dans l’année), pour 15 % du total. Cette dotation a vocation à soutenir la dynamique d’activité des établissements et le développement de l’activité ambulatoire ;

– une dotation « activités spécifiques ». Elle met en avant les activités pour lesquelles l’organisation de l’offre est suprarégionale ;

– une dotation « nouvelles activités » qui valorise des modalités de prises en charge innovantes ;

– une dotation « transformation » chargée de financer les actions restructurantes nationales et régionales portées auprès des établissements ;

– une dotation « recherche » ;

– une dotation « qualité ». Elle incite à l’amélioration de la qualité des prises en charge via l’intégration des établissements de psychiatrie au dispositif incitation financière pour l’amélioration de la qualité (IFAQ) ;

– une dotation « qualité du codage ».

S’agissant de ce dernier point, les professionnels rencontrés par les rapporteures lors de leur déplacement à Toulouse ont tous insisté sur la nature de leur travail en réseau et pluridisciplinaire, deux pratiques particulièrement importantes en psychiatrie. De même, afin de tisser des liens et de créer la confiance avec leurs patients, deux conditions majeures pour espérer un suivi positif, les professionnels doivent disposer de temps. C’est pourquoi, ils ont alerté sur la difficulté de pouvoir coder des prises en charge complexes et de rendre compte, de valoriser le temps de travail passé avec la famille, l’école et le réseau de professionnels. De même, la prise en charge en psychopathologie sera difficile à coder. Enfin, il faudra tenir compte de la nécessité de disposer de personnes qualifiées pour ce type de tâche ([163]).

La crainte exprimée par les professionnels rencontrés à Toulouse serait que cette réforme fasse évoluer le financement de la psychiatrie vers une tarification à l’activité qui privilégie la rentabilité économique en multipliant le nombre de patients reçus alors même que le traitement des pathologies psychiatriques nécessite un suivi au long cours, voire chronique.

C’est pourquoi les rapporteures seront vigilantes pour que cette évolution n’aboutisse pas vers une tarification à l’activité. Elles plaident également pour une réforme du codage qui valorise le temps de concertation au sein des équipes et avec les partenaires et les temps d’échange avec les familles.

Recommandation n° 30 : Réformer le codage des actes en pédopsychiatrie, inadapté à ses spécificités, en valorisant le temps de concertation au sein des équipes et d’échanges avec les familles et les partenaires. Ces temps devraient être considérés comme des actes de soin.

Par ailleurs, elles recommandent de privilégier les dotations pluriannuelles plutôt que les appels à projets, de pérenniser et de flécher les budgets en pédopsychiatrie au sein des établissements publics hospitaliers.

Recommandation n° 27 : Privilégier les dotations pluriannuelles plutôt que les appels à projet afin de sécuriser les financements.

Recommandation n° 29 : Pérenniser et flécher les budgets de pédopsychiatrie au sein des établissements hospitaliers.

S’agissant du financement des MDA, la Cour des comptes plaide pour une allocation de moyens adaptée à la démographie des jeunes du département ([164]). Les ARS pourraient tenir compte des spécificités géographiques ou sociales des départements. Les rapporteures y sont favorables.

Recommandation n° 33 : Allouer des moyens aux maisons des adolescents (MDA) adaptés à la démographie, à la géographie et aux conditions sociales des jeunes du département.

b.   Une revalorisation des consultations de pédopsychiatrie

Une consultation en pédopsychiatrie nécessite du temps, au minimum une heure. Certains intervenants ont également souligné la nécessité d’entendre également les parents. Or le tarif remboursé par la Sécurité sociale pour une consultation en secteur 1 n’est que 46,90 euros pour un mineur sur une consultation de 67 euros ([165]). Comme cela a été évoqué supra, cela explique les raisons pour lesquelles les pédopsychiatres se tournent vers le libéral déconventionné, en secteur 2, et pratiquent des séances plus onéreuses. À Paris, la consultation en honoraires libres peut atteindre 200 euros.

La docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, représentant la Commission nationale de la psychiatrie, a également pointé que faute de tarif incitatif, des pédopsychiatres se tournent vers une patientèle adulte, qui nécessite moins de temps de consultation et s’avère donc plus rentable ([166]).

C’est pourquoi, les rapporteures plaident pour une revalorisation des consultations de pédopsychiatrie dans le secteur conventionné.

Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, a également relevé que le temps de travail additionnel aux urgences n’est pas appliqué aux pédopsychiatres ([167]).

Néanmoins, dans une logique de gradation des soins, le médecin généraliste a obtenu une revalorisation des consultations liées à la santé mentale en consultations complexes.

Certaines maladies, notamment graves ou longues dont le suivi de troubles en santé mentale, nécessitent une attention particulière et plus de temps d’examen de la part d’un médecin généraliste. Pour tenir compte de cette particularité, la Sécurité sociale a prévu depuis 2016 une prise en charge spécifique de ces consultations qui se traduit par une incitation financière : 46 euros pour une consultation complexe, 60 euros pour une consultation très complexe.

Recommandation n° 31 : Revaloriser sensiblement le tarif des consultations en pédopsychiatrie dans le secteur conventionné.

B.   Privilégier des politiques préventives

De pair avec cette consolidation de l’offre de soins, les rapporteures soulignent l’importance des politiques préventives qui permettront, à terme, de limiter la demande de soins. L’environnement familial et particulièrement la périnatalité, l’environnement scolaire, lieu de détection précoce, et l’environnement numérique, facteur de dégradation de la santé des jeunes, doivent être ciblés.

1.   Agir sur l’environnement familial

a.   La famille, déterminant majeur

Que ce soient les professionnels de santé ou les associations d’usagers ([168]), tous ont été unanimes, l’environnement familial est primordial.

Cet environnement contribue de deux façons à la santé mentale des jeunes :

– Il est un des facteurs de la dégradation de la santé mentale, que ce soit par l’exposition à des actes de maltraitances, de violences intrafamiliales ou plus graves, d’abus sexuels. D’autres évènements familiaux peuvent perturber le mineur, séparation et divorce des parents, deuils familiaux.

Lorsque les adolescents font part d’un sentiment d’interconnexion avec leurs proches et particulièrement font confiance à leur famille qui est impliquée dans leur développement, ils sont moins susceptibles de développer des comportements à risque et acquièrent une meilleure estime d’eux. Lors de son audition, Santé publique France a indiqué qu’un soutien affectif fort et un contrôle modéré de l’environnement familial qui encourage l’autonomie semblent protecteurs tandis qu’un faible soutien et un contrôle intrusif seraient des facteurs de risque ([169]). Lors du déplacement des rapporteures à Toulouse à l’Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant de Toulouse (UCHA), la docteure Maya Levrat, psychiatre, a constaté que beaucoup de leurs patients souffraient de l’absence de leurs parents, que ce soit en raison de leurs carrières professionnelles, d’horaires atypiques ou autres ; ce manque de disponibilité, d’environnement étayant, de solidarités familiales participe à l’isolement des enfants ([170]). L’absence de cadre, de règles, aggravée par l’utilisation des écrans, laisse l’enfant sans repères.

Enfin, certains parents ont développé eux-mêmes des pathologies psychiatriques ou présentent des fragilités qui impactent leurs enfants.

b.   Le soutien à la parentalité

C’est pourquoi, l’accompagnement des parents, dès le plus jeune âge de leur enfant, contribue à favoriser son bien-être et évite à terme des difficultés.

i.   Le suivi des femmes enceintes et des jeunes parents

Dans la lignée des recommandations du rapport sur les 1 000 premiers jours, une vigilance particulière a été mise en œuvre auprès des femmes enceintes, avant et après leur accouchement, ainsi que sur l’accompagnement des parents jusqu’aux deux ans de l’enfant.

Lors de leur audition, les docteures et co-présidentes du Syndicat national des médecins de la protection infantile (SNMPMI), Maryse Bonnefoy et Cécile Garrigues, ont rappelé ces chiffres terribles, 10 % à 15 % de jeunes mères développent une dépression postpartum et 17 % se suicident après leur accouchement ([171]). Santé publique France a indiqué que l’enquête nationale périnatale menée en 2021 en Hexagone sur 12 723 femmes enceintes ([172]) a révélé que 16,7 % présentaient une dépression postpartum et que 5,4 % développaient des idées suicidaires ([173]). De plus, la part des femmes ayant consulté un professionnel de santé pour des difficultés psychologiques en cours de grossesse a progressé s’élevant à 8,9 % en 2021 contre 6,4 % en 2016.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les souffrances psychiques d’un nourrisson développées dès la grossesse de la mère : conditions socio-économiques précaires, alimentation inappropriée, exposition au stress. Les bébés présentent des signes de souffrance comme des troubles du sommeil, de l’alimentation, un retrait relationnel.

Les connaissances en épigénétique montrent que les dysfonctionnements chez un nourrisson sont réversibles à condition d’être pris en charge rapidement, en moins de quatre semaines.

ii.   Les enjeux spécifiques de la périnatalité

C’est pourquoi, selon les rapporteures il est primordial de développer une prise en charge précoce. À ce titre, au sein de la psychiatrie, le décret du 28 septembre 2022 ([174]) crée une mention psychiatrie périnatale. Des unités pédiatriques périnatales peuvent être créées au sein des établissements publics de santé mentale.

Lors du déplacement des rapporteures à Toulouse, dans l’unité « Care en Mater », les professionnels de santé ont insisté sur cette détection précoce, car dès une semaine, il est possible de déceler les nouveau-nés qui présentent des signes de souffrance, notamment par leur regard (l’enfant se détourne de celui de sa mère pour se porter vers les soignants) ou une hyper adaptation (un enfant calme qui cherche à se faire oublier) ([175]).

 

La théorie de l’attachement

La théorie de l’attachement a été formalisée par le psychiatre et psychanalyste John Bowlby et insiste sur le fait qu’un enfant a besoin, pour connaître un développement social et émotionnel normal, de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue.

Elle débute dès la grossesse et se poursuit dans les trois premières années de la vie de l’enfant. La qualité des liens d’attachement du bébé envers son parent va jouer sur son développement psycho-affectif à court et long terme. Le lien d’attachement se construit au fil des interactions quotidiennes ce qui passe notamment par le contact visuel ou le sourire, notamment lorsque l’enfant se retrouve en situation de détresse et qu’il se tourne vers l’adulte pour retrouver un sentiment de sécurité. L’établissement de liens d’attachement sécurisant bébé-parent favorise chez l’enfant son autonomie, sa flexibilité, sa confiance en soi et en l’autre, et contribue donc à son développement global.

L’interlocuteur institutionnel reste la PMI. Lorsque des situations difficiles sont identifiées par les sages-femmes, les maternités ou le médecin généraliste, la jeune mère peut être prise en charge. C’est pourquoi, la présence de sages-femmes de coordination ou référentes pour créer un lien entre la maternité et les équipes de soins psychiatriques en périnatalité serait pertinente, selon les rapporteures.

Recommandation n° 35 : Promouvoir la présence de sages-femmes de coordination ou référentes pour créer un lien entre la maternité et les équipes de soins psychiatriques en périnatalité.

Dans le meilleur des cas la jeune mère peut être suivie par une unité périnatale d’un CMP.

Il existe également des unités d’hospitalisation parents-enfants qui peuvent éviter le placement du nouveau-né en pouponnière.

Les rapporteures plaident pour que chaque CMP dispose d’équipes dédiées à la périnatalité pédopsychiatrique et que les unités d’hospitalisation conjointes parents-enfants soient étoffées.

Recommandation n° 34 : Encourager la présence d’équipes dédiées à la périnatalité pédopsychiatrique dans chaque Centre médico-psychologique (CMP) et généraliser les dispositifs d’accompagnement à la parentalité comme l’École des parents sur les Centres médico-psychologiques (CMP).

Recommandation n° 36 : Étoffer les unités d’hospitalisation conjointe parents-bébé.

Enfin, des équipes mobiles d’unité périnatale complètent ces dispositifs.

Une première unité a vu le jour en 1989, leur développement s’est accéléré avec la mise en œuvre de la stratégie des 1 000 premiers jours, qui a conduit à la création de 20 unités.

Les équipes mobiles ont vocation à aller vers des populations qui ne se présenteraient pas en CMP, en essayant d’éviter une stigmatisation d’une catégorie de population. Ces équipes sont pluridisciplinaires et comprennent un médecin, un infirmier, un psychologue, un psychomotricien et parfois une sage-femme.

À cet égard, la professeure Dominique Brengard, pédopsychiatre référente pour les équipes mobiles de psychiatrie périnatale de l’Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP), précise que les équipes mobiles en psychiatrie périnatale interviennent beaucoup auprès de familles en situation de grande précarité, sans domicile fixe, en foyer d’hébergement, et auprès de personnes primo-arrivantes ([176]). Elle évoque également les chiffres fournis par la Fédération des acteurs de la solidarité et l’Unicef, qui en août 2024 dénombraient en une seule nuit 480 enfants de moins de 3 ans laissés sans solution d’hébergement, et 1 000 à 3 000 familles avec enfants qui appellent chaque jour le 115 sans avoir de propositions d’hébergement d’urgence ([177]). Elle recommande donc que des professionnels formés à l’intervention auprès de publics en situation de grande précarité et en ethnopsychiatrie soient intégrés à ces équipes mobiles de psychiatrie périnatale.

Un autre moyen de prévention est de favoriser les places en crèches pour les parents souffrant de troubles psychiques pour permettre à l’enfant de se socialiser. Cela supposerait une collaboration entre les unités psychiatriques périnatales et les centres communaux d’action sociale. Les rapporteures y sont favorables.

 

 

 

 

Visite de « Care en Mater » à Toulouse

Une unité périnatale pédopsychiatrique a été installée dans la maternité Paule de Viguier du CHU de Toulouse, qui est la seule maternité de niveau 3 à Toulouse. L’unité d’hospitalisation mère-enfant comprend 5 lits et prend en charge les mères et leur nouveau-né à la suite de leur naissance pendant 10 jours au moins et jusqu’à un mois. Un suivi ambulatoire, voire à domicile est ensuite possible : l’Équipe PerinatDom du CHU de Toulouse. 1 350 familles bénéficient chaque année d’une prise en charge en psychiatrie périnatale.

La maternité a lancé le mois dernier « Care en Mater », une unité spécialisée dans l’accompagnement des mamans et des couples rencontrant des difficultés dans l'établissement du lien parent-bébé dès la naissance. Elle s’adresse, notamment, aux mères présentant une difficulté d’établissement du lien avec leur nouveau-né et/ou présentant des troubles psychiques comme la dépression, la bipolarité, ou la schizophrénie. « Care en Mater » accompagne aussi les femmes en déni de grossesse, les parents ayant des addictions, les mamans adolescentes, ainsi que les parents ayant vécu des traumatismes durant leur enfance pouvant rendre plus difficile la relation avec leur bébé.

L’unité comprend 3 sages-femmes, 2 infirmiers, un psychologue, un psychomotricien, un assistant social, 2 pédopsychiatres et un secrétaire.

Le repérage des mères présentant des fragilités est effectué lors de l’inscription en début de grossesse via un questionnaire, puis une consultation d’une heure permet une orientation vers un psychiatre.

Ce suivi demande du temps, et peut s’accompagner également de soins somatiques. L’unité permet d’assurer un suivi psychiatrique périnatal au même endroit que les soins obstétricaux, gynécologiques et pédiatriques.

 Le parcours repose sur plusieurs étapes. Un premier entretien est réalisé par les professionnels de santé, avant d’admettre les parents et leur enfant. L’histoire de vie des membres de la famille, le vécu de la grossesse et de l’accouchement ainsi que la rencontre avec bébé sont évoqués avec les parents afin d’analyser les difficultés rencontrées.

Tout au long de la prise en charge, les interactions entre le couple et le bébé sont observées et soutenues, lors des soins quotidiens ou des ateliers thérapeutiques mis en place. En fonction des besoins identifiés, différentes médiations vont venir nourrir le projet thérapeutique : ateliers de portage, séances de massage mère-bébé, moments de relaxation, ateliers de berceuses, groupes de parole pour le coparent.

iii.   Le soutien à la parentalité

En septembre 2020, le rapport remis par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik rappelle que les 1 000 premiers jours de l’enfant constituent une période cruciale pour le développement et la sécurisation de l’enfant et posent les fondements d’un meilleur développement de l’enfant. Il préconise de proposer un accompagnement personnalisé aux parents, sous la forme du « parcours 1 000 premiers jours » et recommande la création de « maisons des 1 000 premiers jours » s’organisant autour des principes suivants : développement favorable et bien-être de tous les enfants, réduction des inégalités et valorisation de la mixité sociale, valorisation des ressources parentales, accompagnement de la loi contre les violences éducatives ordinaires ([178]).

Afin d’accompagner les jeunes parents, et indirectement d’éviter des épisodes dépressifs qui seraient préjudiciables à l’équilibre de leur nouveau-né, des maisons des bébés ont été créées par certaines communes. Ce lieu permet un accueil inconditionnel, anonyme et gratuit qui se veut à la fois, un espace ressource pour venir en aide aux questionnements des parents, un lieu d’échange entre parents mais aussi un lieu d’accompagnement envers les populations plus précaires par le biais de partenariats.

Les rapporteures plaident pour un déploiement de ces structures sur tout le territoire.

Recommandation n° 37 : Instaurer des maisons des 1 000 premiers jours sur l’ensemble du territoire.

 

Un exemple : la maison des bébés à Metz

Ouverte depuis janvier 2024, la maison des bébés de Metz a accueilli 795 parents et 560 enfants en un an. 78 % des visites sont effectuées par des mamans seules. 20 % des demandes concernent la santé dont la santé mentale. Les visites sont anonymes, gratuites, sans rendez-vous. La structure juridique est un établissement public municipal, le budget de fonctionnement est de 280 000 euros.

La majeure partie des interventions se concentrent sur de la prévention, tout en ne l’affichant pas pour ne pas se couper du public : épuisement parental, développement de l’enfant, vulnérabilité de devenir parent. Elle propose des ateliers de sophrologie, du yoga parental, des massages, des conseils de lecture.

Afin de cibler un public large et plus précaire, la maison des bébés a institué des partenariats avec des associations. Le Nid parental gère les familles en hébergement d’urgence et l’association Alys les enfants en situation de handicap. De leur côté, les contrats territoriaux d’accueil et d’intégration (CTAI) gérés par le centre communal d’action sociale (CCAS) associent la PMI et les associations d’aide aux migrants. Un atelier conversation a été monté pour expliquer la scolarisation dès la maternelle à un public étranger.

Afin de cibler les populations les plus précaires, le développement de partenariats avec les travailleurs sociaux est essentiel dans le cadre de ces actions de soutien à la parentalité. La maison des bébés à Metz a mis en place ce type de relations, développées supra. Lors de leur audition, les docteures et co-présidentes du Syndicat national des médecins de la protection infantile (SNMPMI), Maryse Bonnefoy et Cécile Garrigues, ont également cité le dispositif de Promotion de la santé et de l’attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents (PANJO) ([179]).

 

 

 

 

Le dispositif : Promotion de la santé et de l’attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents (PANJO)

L’intervention de prévention précoce PANJO est un dispositif mis en place par Santé publique France proposé aux futurs parents vivant dans un contexte psychosocial défavorable pour favoriser le développement de liens d’attachement. En pratique, la stratégie de PANJO repose sur le soutien des parents de la grossesse aux 12 mois de l’enfant. Les sages-femmes et les infirmiers puériculteurs de PMI réalisent de 6 au minimum à 12 visites au domicile des futurs et jeunes parents. La particularité des visites à domicile PANJO réside dans le fait de consacrer systématiquement un temps long d’observation du bébé et des activités auteur du lien parent-bébé. La professionnelle de santé de la PMI encourage les parents à développer leur sensibilité, leur proximité, leur engagement et les interactions avec leur enfant.

En conclusion, les rapporteures préconisent un plus grand partenariat entre la PMI et ces maisons des 1 000 premiers jours ou maisons des bébés.

Recommandation n° 26 : Accroître le partenariat entre la Protection maternelle infantile (PMI) et les maisons des 1 000 premiers jours.

c.     Le rôle décisif des parents

Les parents sont un des facteurs de la réussite de la prise en charge des mineurs atteints de troubles. Le professeur Bruno Falissard, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) et pédopsychiatre, a rappelé que le consentement des parents aux soins était essentiel pour l’adhésion du jeune à son suivi médical, qui recherche leur approbation ([180]). Il en est de même pour le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, qui considère que les parents ont un rôle dans le suivi, l’alliance thérapeutique entre l’enfant et le parent permettant une meilleure prise en charge ([181]).

M. Florent Simon, psychologue et secrétaire général du syndicat national des psychologues, a souligné, de même, le rôle essentiel des parents, l’enfant ou adolescent peut se montrer réfractaire à des séances de psychothérapie de peur d’être jugé par ses parents ou craignant une trop grande ingérence dans le milieu familial ([182]).

Enfin, la disponibilité des parents, bien souvent des mères, pour les démarches, l’accompagnement et le soutien quotidien participe de la stabilisation des troubles.

C’est pourquoi, l’UNAFAM organise des parcours d’accompagnement et de formation à destination des familles, fondé sur la pair-aidance, afin de familiariser les parents sur la maladie, de les aider à gérer le stress et à mieux communiquer avec leur enfant.

D’autres initiatives originales ont vu le jour comme la maison des familles, animée par le CMP qui accompagne les parents dont un enfant y attend un rendez-vous.

À la Maison de Solenn, des thérapies familiales et des ateliers avec plusieurs familles sont organisés pour suivre les troubles alimentaires ([183]).

Lors de leur visite à l’hôpital de jour Santos-Dumont, spécialisé dans la prise en charge de l’autisme, la docteure Loriane Bellahsen, psychiatre et cheffe de service, a détaillé les dispositifs mis en place pour accompagner les parents, groupe de paroles des parents une fois par mois, réunions entre les familles et les équipes ou café frères et sœurs ([184]). Le rôle des aidants est primordial.

 

Le programme de recherche jeunes aidants (JAID) ([185])

Le programme de recherche JAID a été lancé en 2017 avec pour objectif d’identifier les jeunes aidants en France, de caractériser leurs difficultés, d’étudier les facteurs protecteurs et de vulnérabilité associés à l’aidance et enfin de développer et d’évaluer des interventions destinées à les soutenir.

Les jeunes aidants

Les jeunes aidants sont des enfants et des adolescents qui apportent des soins, de l’assistance ou du soutien non rémunéré à un proche qui souffre d’un problème de santé mentale nécessitant un besoin de soins, de soutien ou de supervision.

Les conséquences sur les jeunes

Les jeunes aidants ont une moins bonne qualité de vie et une moins bonne santé mentale.

Le soutien émotionnel qui prend différentes formes (proposer des activités, être présent, apporter une protection émotionnelle, aider le proche à réguler ses émotions, être un interlocuteur privilégié pour la personne aidée) s’avère une tâche complexe qui peut avoir des retentissements sur le bien-être des jeunes aidants.

Enfin, les parents, du fait de leur autorité parentale, sont les seuls à pouvoir décider du consentement aux soins. Ce point peut s’avérer problématique dans le cas de parents séparés lorsque l’un d’eux s’y oppose, ce qui peut freiner la mise en place de soins.


Le consentement aux soins

  • Trois principes :

 

Le droit à l’information

L’information du mineur doit être adaptée à l’âge, loyale, claire et appropriée.

Le droit du mineur à l’information est exercé par les titulaires de l’autorité parentale, elle est due aux deux parents, ensemble ou séparément.

 

­Le droit au consentement

Les titulaires de l’autorité parentale disposent du consentement aux soins, qui peut être retiré à tout moment. En cas d’acte usuel, le consentement d’un des seuls parents est requis, pour les actes non usuels, le consentement des deux parents est nécessaire. En cas de conflit, le juge aux affaires familiales doit se prononcer.

Le consentement du mineur doit être recherché.

 

 ­L’intérêt supérieur de l’enfant et la préservation de sa santé

Si la santé et l’intégrité corporelle du mineur risquent d’être compromises ou si l’acte médical ou chirurgical est indispensable et est refusé par les titulaires de l’autorité parentale, le médecin doit avertir le médecin responsable de son service qui saisit le procureur de la République. Ce dernier saisit le juge des enfants qui se prononcera sur une mesure d’assistance éducative qui permettra les soins en vertu de l’article 375 du code civil : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice ». L’article 375-3 du code civil précise que le juge des enfants peut décider de le confier à « un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé ».

En cas d’urgence, le médecin est autorisé à prodiguer les soins indispensables après avis d’un autre médecin ([186]).

 

  • Le cas de l’admission en soins psychiatriques :

 

Le mineur peut être hospitalisé dans un établissement de soins psychiatriques selon trois procédures :

les parents demandent l’admission, il est en soins libres, le juge des libertés et de la détention n’est pas compétent ;

le juge des enfants décide de l’hospitalisation en cas d’opposition des titulaires de l’autorité parentale ;

le préfet peut également décider de l’hospitalisation d’un mineur « dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public », au vu d’un certificat médical d’un psychiatre. Le régime de droit commun est applicable mais les titulaires de l’autorité parentale conservent le droit d’être informés de la mesure.

S’agissant des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, le directeur de l’établissement ou les personnes de l’aide sociale à l’enfance peuvent demander une admission. Il subsiste une ambiguïté sur l’interprétation de ce type de mesure comme un acte usuel ([187]).

En cas de placement dans un établissement psychiatrique, un certificat médical d’un médecin extérieur à l’établissement est nécessaire. Le placement est possible pour une durée de 15 jours renouvelables pour un mois après avis d’un psychiatre de l’établissement d’accueil ([188]).

2.   Agir sur l’environnement scolaire

a.   Des services de santé scolaire et de psychologie de l’Éducation nationale effectifs

i.   La santé scolaire et la psychologie de l’Éducation nationale en difficulté

En premier lieu, les médecins scolaires sont trop peu nombreux, entre 1996 et 2022, les effectifs ont chuté de moitié. On recense 650 titulaires et 200 contractuels pour l’année 2024-2025. Certains départements ne disposent plus de médecins. La Moselle, département d’un million d’habitants compte sept médecins scolaires. Les rapporteures recommandent de prévoir une trajectoire de recrutement de médecins scolaires à hauteur d’un médecin pour 5 000 élèves afin que chaque département en soit doté.

Par ailleurs, la docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN), a souligné que le recrutement des médecins scolaires relevait du recteur, certaines enveloppes budgétaires sont utilisées pour d’autres missions ([189]). Selon les rapporteures, il conviendrait donc de flécher un budget propre pour la santé scolaire.

Il en est de même pour les infirmiers scolaires qui doivent faire l’objet d’un même plan de recrutement afin que chaque établissement comporte au moins un infirmier scolaire. Mme Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES) et infirmière de l’Éducation nationale, a indiqué que l’on comptait 7 800 infirmiers scolaires qui s’occupent de 1 538 élèves en moyenne se partageant sur 9 établissements ([190]).

Enfin, le corps des psychologues de l’Éducation nationale souffre lui aussi d’une pénurie de personnel, un psychologue doit gérer 1 600 élèves contre une moyenne de 800 élèves dans l’Union européenne. Depuis la création d’un même corps en 2017, ils sont chargés à la fois de l’orientation et du suivi psychologique. Les rapporteures, de nouveau, préconisent de prévoir une trajectoire de recrutement de psychologues de l’Éducation nationale à hauteur d’un psychologue pour 800 élèves.

Recommandation n° 46 : Prévoir une trajectoire de recrutement des médecins scolaires (un médecin pour 5 000 élèves), des infirmiers scolaires (un infirmier par établissement) et des psychologues de l’Éducation nationale (un psychologue pour 800 élèves).

Une autre difficulté tient au cloisonnement entre ces acteurs. Ce manque de coordination est renforcé par l’exercice des infirmiers, médecins ou psychologues sur plusieurs établissements.

La docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN), plaide pour un pôle départemental qui regrouperait les professionnels de santé scolaire et de psychologie de l’Éducation nationale ainsi que le service social scolaire (médecin, infirmier, assistant social et psychologue) rattaché à l’Inspecteur d’académie, Directeur académique des services de l’Éducation nationale (IA-DASEN). Il serait judicieux également de prévoir un temps de concertation compris dans le temps de travail.

Elle préconise également la mise en place d’un système d’information unique entre les infirmiers et les médecins qui permettrait de regrouper les données et de pouvoir les communiquer le cas échéant au médecin traitant ou au spécialiste, tout en préservant le secret médical ([191]).

Mme Lydia Stupar, vice-présidente de l’Association des psychologues et de psychologie dans l’Éducation nationale (APSYEN) et psychologue de l’Éducation nationale, a indiqué, qu’à titre informel, dans la quasi-totalité des établissements scolaires publics du second degré avaient été constituées des cellules de veille qui permettent à différents acteurs de se retrouver comme le médecin, l’infirmier, l’assistant social, le conseiller principal d’éducation (CPE) et parfois les enseignants ainsi que l’adjoint ou le chef d’établissement pour évoquer les situations préoccupantes ([192]).

Or ces cellules de veille ne figurent pas dans les textes réglementaires. Les rapporteures préconisent de reconnaître institutionnellement ces cellules de veille, en clarifiant leur articulation avec les Groupes de prévention du décrochage scolaire, et de les généraliser aux circonscriptions scolaires du premier degré.

Recommandation n° 43 : Rendre obligatoire dans le premier et le second degré des cellules de veille qui regroupent les professionnels de santé, du social, les psychologues, et les membres de la communauté éducative pour évoquer les situations préoccupantes.

 Par ailleurs, les rapporteures plaident pour la mise en place d’un système d’information commun entre tous les professionnels de santé qui permettrait un échange d’information entre les médecins scolaires et le médecin traitant ou le psychiatre.

Recommandation n° 44 : Créer un système d’information commun entre tous les professionnels de santé scolaire, médecins et infirmiers, en préservant le secret médical.

Il est également dommageable, selon l’APSYEN et l’Association française des psychologues de l’Éducation nationale (AFPEN), que ces professionnels intervenant dans le champ scolaire ne participent pas aux contrats locaux ou projets territoriaux de santé mentale ([193]). C’est pourquoi les rapporteures suggèrent d’inclure les acteurs de la santé scolaire et les psychologues de l’Éducation nationale au sein des contrats locaux de santé mentale.

Recommandation n° 45 : Inclure les acteurs de la santé scolaire dans les contrats locaux de santé mentale.

Enfin, la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé s’interroge sur l’opportunité de rattacher toutes les professions œuvrant dans le domaine de la santé scolaire au ministère de la Santé.

Recommandation n° 48 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Engager une concertation sur le rattachement des médecins scolaires, infirmiers scolaires et psychologues de l’Éducation nationale au ministère de la Santé.

ii.   Un rôle de détection précoce

Les lieux d’enseignement sont des lieux de repérage et nombre de jeunes sont orientés vers des structures spécialisées après avoir consulté un infirmier scolaire. L’Éducation nationale et la santé scolaire ont donc un rôle à jouer dans une prévention et une détection précoce des troubles en santé mentale. Selon les rapporteures, le rôle de ces infirmiers auprès des équipes pédagogiques doit être mis en avant. De même, selon la docteure Jocelyne Grousset, co-présidente du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU) et médecin responsable du service de santé scolaire de Paris, son rôle doit être connu du médecin traitant ([194]).

Les médecins scolaires sont formés avec des modules en santé mentale et troubles des apprentissages.

La collaboration avec l’équipe éducative et les enseignants est par contre assez efficace. Comme le soulignait la docteure Jocelyne Grousset, les enseignants sont souvent de bons relais du mal-être des élèves ; en primaire, les directeurs ou les enseignants sollicitent directement le médecin tandis qu’au secondaire, l’infirmier fait office d’intermédiaire ([195]). Néanmoins, cet adressage concerne des élèves présentant des troubles plus visibles. C’est pourquoi, une détection précoce par l’intermédiaire des bilans de santé serait pertinente.

L’article L. 541-1 du code de l’éducation prévoit la réalisation de bilans de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, puis au cours de la sixième année et de la douzième année de l'enfant afin de repérer les difficultés éventuelles des élèves, dont les troubles de santé mentale.

 


Les bilans de santé

 

­Un premier bilan de santé obligatoire entre trois et quatre ans effectué à l’école par la PMI

Cette visite permet notamment un dépistage des troubles de santé, qu'ils soient sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral.

 

 ­Une visite médicale obligatoire entre cinq et six ans par la médecine scolaire, centrée sur le développement de l’enfant et les apprentissages

Cet examen comprend le repérage précoce des signes qui peuvent entraîner des difficultés ultérieures d'apprentissage : problèmes visuels, auditifs, troubles du langage et des apprentissages, difficultés psychologiques.

 

 ­Une visite de dépistage infirmier lors de la douzième année de l’enfant

Or, dans les faits, la docteure Jocelyne Grousset, a indiqué que le bilan de 6 ans n’était effectif que pour 10 % des élèves ([196]) ; celui de 12 ans est opérationnel mais, comme l’a rappelé Mme Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES) il s’agit d’un dépistage infirmier et non d’une visite médicale ([197]) ; en cas de troubles en santé mentale, ces derniers sont déjà dégradés faute de détection précoce.

Selon les rapporteures, il conviendrait que ces deux bilans soient effectifs et qu’un protocole particulier de dépistage de troubles en santé mentale soit diffusé à tous les professionnels de santé scolaire (médecin, infirmier) et aux psychologues exerçant dans un établissement. Il pourrait être introduit dans le bilan de santé de 12 ans.

Le bilan pourrait être réalisé par des infirmiers en pratique avancée, ou bien par des pédiatres, le médecin traitant ou la PMI.

La ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé qu’un protocole de repérage et de prise en charge des situations de souffrance psychologique chez les jeunes serait mis en place qui permettrait un accès facilité aux soins.

Recommandation n° 47 : Rétablir le bilan de santé à 6 ans en milieu scolaire et comprendre dans le bilan de santé de 12 ans un dépistage des troubles de santé mentale.

b.   Un climat scolaire apaisé

Lors de son audition, M. Cyrille Stevant, membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), a souligné que l’école n’était plus un lieu d’émancipation mais un espace de compétition. Elle donne l’impression de privilégier les insuffisances plutôt que de valoriser les efforts, la progression des compétences ([198]). De même, le président de la FCPE, M. Grégoire Ensel a organisé un colloque en mars 2023 sur la question du bien-être des enfants et des jeunes, au cours duquel il a rappelé : « nous avons une dette de bienveillance envers les jeunes, et l’école doit être le premier lieu pour honorer cette dette ».

Des pédopsychiatres ont insisté sur la propension du système scolaire français à privilégier la performance, à se concentrer sur les insuffisances et non sur la progression de l’élève. Lors de leur visite à la Maison de Solenn, la docteure Marie Rose Moro, pédopsychiatre et cheffe de service, a relevé qu’il convenait donc de travailler sur les ressources et non sur les manques des jeunes ([199]). Mme Catherine Remermier, secrétaire générale adjointe de la Société française de psychologie (SFP) et conseillère d’orientation-psychologue, a de même prôné un cadre éducatif protecteur qui facilite les conditions d’apprentissage ([200]). Selon la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé, il convient de sensibiliser les enseignants aux compétences psychosociales pour encourager un discours positif.

Santé publique France a détaillé les trois catégories de compétences psychosociales ([201]) :

– compétences cognitives pour renforcer les capacités mentales de conscience de soi, de choix et de résolution d’un problème ;

– compétences émotionnelles afin de favoriser une bonne régulation des émotions et du stress ;

– compétences sociales qui permettent de développer une communication et des relations constructives.

Des cours d’empathie ont été expérimentés dans 1 200 établissements de janvier à juin 2024 avec pour objectif de favoriser l’acquisition d’un ensemble de compétences indispensables à l’estime de soi mais aussi au respect de l’autre et à la réussite scolaire.

Depuis la rentrée scolaire 2024, ces cours développés par l’Éducation nationale et Santé publique France ont été généralisés dans toutes les écoles maternelles et primaires. Lors de son audition, Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’enfance a mentionné les retours positifs dont elle a eu écho à propos de ces cours d’empathie ([202]). La rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé soutient cette expérimentation.

M. Cyrille Stevant, membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), préconise de produire un baromètre annuel du bien-être des élèves dans chaque établissement sur la base d’un questionnaire élaboré par un pédopsychiatre et d’en publier un classement ([203]).

Recommandation n° 39 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Établir une évaluation du bien-être des élèves dans les collèges et lycées.

À titre personnel, la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir souligne cependant que la qualité de l’environnement scolaire, et ses effets sur la santé mentale des élèves, dépend avant tout des conditions matérielles d’enseignement. En effet, la promotion des compétences psychosociales ne peut suffire dans un pays qui connaît les effectifs par classe les plus élevés de l’Union européenne et où les inégalités sociales face aux performances scolaires sont les plus marquées.

C’est pourquoi, la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir préconise d’engager un plan pluriannuel de recrutement des personnels d’enseignement pour réduire les effectifs en classe.

Recommandation n° 40 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Engager un plan pluriannuel de recrutement de personnels d’enseignement pour réduire les effectifs en classe, de façon à se rapprocher de la moyenne observée au sein de l’Union Européenne (19 élèves par classe dans le premier degré et 21 élèves par classe au collège).

c.   Un système d’orientation moins anxiogène

Nombre de personnes auditionnées ont relevé que le processus d’orientation et de sélection crée un climat anxiogène pour les jeunes.

  Mme Maya Vair-Piova, psychologue clinicienne en Institut médico-éducatif (IME) et en libéral, relève une pression scolaire très importante, de plus en plus tôt, dès la maternelle, des parents se questionnent sur les performances scolaires individuelles de leur enfant ([204]). Le docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, va jusqu’à considérer que le fonctionnement actuel de l’Éducation nationale crée un climat propice à la violence, en valorisant la performance individuelle et la compétition plutôt que la coopération ([205]).

L’obligation de définir très tôt des choix d’orientation est également soulignée. Selon Mme Catherine Remermier, secrétaire générale adjointe de la Société française de psychologie (SFP) et conseillère d’orientation-psychologue, trois critères jouent dans l’appréhension liée à l’orientation : la peur de décevoir leurs parents, la crainte de l’échec scolaire et l’appréhension de perdre ses amis ([206]).

Ainsi, comme l’a indiqué Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, les élèves qui s’orientent à l’issue du collège vers des filières professionnelles et certaines filières technologiques sont confrontés à un contingentement des places, ce qui aboutit chaque année à ce que des milliers d’élèves restent sans affectation, parfois jusqu’à la rentrée de septembre, voire finissent par être déscolarisés ([207]).

Recommandation n° 38 : Créer un Observatoire de la déscolarisation dont la mission sera de compiler les données existantes pour avoir des chiffres nationaux sur l’ampleur du phénomène et de ses causes.

Enfin, Parcoursup, avec son côté aléatoire, est également devenu une source de stress pour les jeunes et leurs parents.

C’est pourquoi les rapporteures proposent deux recommandations distinctes.

Recommandation  41 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Réformer Parcoursup en simplifiant le système, en le rendant plus simple et accessible, plus juste et transparent.

La rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir souligne que Parcoursup, associé à la réforme des lycées généraux de 2019, depuis laquelle les élèves doivent faire dès la seconde des choix de spécialité qui conditionnent en partie leurs possibilités d’orientation post-bac, et à la mise en place d’une sélection entre bacheliers à l’entrée de certaines licences universitaires, peut être source de troubles anxieux et une cause importante de stress.

Recommandation n° 42 de la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir : Supprimer Parcoursup et toute forme de sélection entre bacheliers à l’entrée des licences universitaires, abonder les dotations des universités en moyens budgétaires fléchés vers l’augmentation des capacités d’accueil des filières en tension.

Les modalités d’évaluation peuvent également contribuer au renforcement du stress des élèves. La multiplication des évaluations de niveaux le renforce. La docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN), a souligné que les années d’examen dès la troisième entraînaient une recrudescence des pathologies anxieuses dépressives ([208]).

d.   La nécessaire poursuite de la scolarisation pour les élèves hospitalisés

M. Cyrille Stevant, membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), a rappelé que la scolarisation des enfants suivis pour des troubles de santé mentale ou psychiatriques est compliquée ; pour suivre une scolarité quasi-normale il convient d’être dans une structure soins-études, comme à Aubervilliers le lycée Corbusier ([209]).

À la Maison de Solenn, chaque jeune dispose d’une directrice d’études (enseignante détachée) qui est chargée de mener une évaluation lors d’une crise aiguë ([210]).

Cependant, le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, lors d’une hospitalisation complète, n’est pas favorable à une continuité de la scolarisation car il vaut mieux se consacrer au suivi et se libérer de la pression scolaire ([211]).

 

Les différents types de scolarisation possibles

 

– L’accompagnement pédagogique à domicile à l’hôpital ou à l’école (APADHE)

Ce dispositif de l’Éducation nationale est mis en œuvre dans chaque département sous l’autorité de l’Inspecteur d’académie-Directeur académique des services de l’Éducation nationale (IA-DASEN), dans le cadre de l’école inclusive. Il est mis en place lorsque l’élève, compte tenu de son état de santé, ne peut se rendre dans son établissement scolaire ou ne peut s’y rendre que partiellement. Le projet est élaboré avec le jeune et ses parents. Il permet d’assurer un accompagnement pédagogique à domicile ou en établissement de santé.

 

– Les établissements soins-études

Ils permettent aux jeunes hospitalisés de poursuivre leurs études au sein d’un établissement de santé. L’enseignement est assuré par des enseignants de l’Éducation nationale et s’adapte à leur situation médicale. La scolarité peut avoir lieu en classe, souvent à effectif réduit, ou dans la chambre du malade ou encore en petit groupe. Une quinzaine d’établissements en France proposent une prise en charge « soins et études ». Ils sont gérés par la Fondation Santé des étudiants de France (FSEF) et s’adressent aux jeunes de 14 ans à 25 ans souffrants d’un handicap psychique. Les admissions se font sur indication médicale.

 

– Les autres dispositifs

De plus, l’association l’École à l’hôpital dispense des cours individuels et gratuits aux jeunes malades de 5 ans à 25 ans, à la demande des équipes médicales hospitalières. Fondée en 1929, l’association a accompagné 4 000 jeunes grâce à 500 enseignants bénévoles pendant l’année scolaire 2023-2024.

 

En outre, la continuité des études peut être assurée par d’autres dispositifs ponctuels, comme la signature de convention avec les établissements de proximité pour des projets d’accueil individualisé (PAI).

 

3.   Agir sur l’environnement numérique

a.   Un facteur déterminant des troubles anxieux dépressifs chez les enfants et les adolescents

Si les études sur les conséquences des écrans sur le neuro-développement des enfants et des adolescents nécessitent encore d’être approfondies, une corrélation entre l’exposition aux écrans et aux réseaux sociaux à divers âges et les effets sur la santé mentale des jeunes a été soulignée par tous les pédopsychiatres et professionnels de santé auditionnés.

L’adolescence reste une période particulièrement vulnérable d’un point de vue psycho-comportemental et le numérique peut avoir une influence néfaste sur la santé mentale des adolescents. C’est ce qu’ont mis en avant plusieurs personnes auditionnées par les rapporteures, tous considérant le numérique comme un des facteurs à l’origine de l’augmentation des troubles anxieux dépressifs. C’est notamment le cas du docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne, ou encore de Mme Aude Caria, directrice de Psycom, pour qui la vie numérique peut augmenter le sentiment de solitude des jeunes et favoriser chez eux le développement de troubles du sommeil ou de l’anxiété. De même, pour le docteur Christophe Libert, pédopsychiatre et président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API), il est certain que l’exposition excessive aux écrans peut aggraver les troubles du neuro-développement.

 Cette exposition excessive présente ainsi un double risque. Tout d’abord, si elle n’est pas encadrée, elle peut se transformer en addiction, ce qui peut affecter le sommeil et les interactions sociales des jeunes. De plus, ces derniers risquent d’être exposés à des contenus inappropriés, notamment au regard de leur âge, comme l’a constaté la docteure Patricia Colson, médecin de l’Éducation nationale et secrétaire générale du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN). Ces contenus violents, anxiogènes ou source de harcèlement peuvent contribuer à dégrader la santé mentale des mineurs.

 Face à cette corrélation entre le numérique et la dégradation de la santé mentale des adolescents, l’Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA) a par exemple expliqué que les maisons des adolescents réalisent un travail préventif s’agissant des pratiques numériques.

b.    La nécessité d’un usage responsable des écrans

Face à la corrélation établie par de nombreux professionnels entre les différents usages du numérique et la dégradation de la santé mentale des jeunes, et notamment des jeunes filles, il est urgent de procéder à une régulation du numérique.

i.   L’addiction au numérique des parents

Certains parents sont déjà dans une forme d’addiction vis-à-vis des écrans. Or, cela a un impact majeur sur le développement des nouveau-nés. Comme l’a mis en évidence Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’enfance, lors de son audition par les rapporteures, si 90 % des parents perçoivent les écrans comme un danger au même titre qu’une addiction, ils ont toutefois du mal à faire évoluer leurs propres pratiques ([212]). De fait, les écrans détériorent les liens d’attachement du parent avec son enfant. Alors qu’un nouveau-né a besoin d’un contact visuel pour se développer, de plus en plus de parents tournent leur regard vers les écrans plutôt que vers leur enfant, notamment dans des moments cruciaux comme le temps du repas. Cette tendance peut entraîner des conséquences sur le développement de l’enfant, que ce soit sur son langage, son sommeil, mais aussi sur ses capacités socio-émotionnelles.

Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’enfance, a notamment recommandé de former les jeunes parents aux besoins fondamentaux de leurs enfants, dans le cadre des cours à l’accouchement ou via le site internet des 1 000 premiers jours afin de les sensibiliser à la théorie de l’attachement développée supra et à l’importance du contact visuel pour le développement des jeunes enfants ([213]).

Cette addiction des parents au numérique peut aussi se traduire, lorsque leur enfant devient adolescent, par la mise en place d’une forme de surveillance permanente, par le biais de divers objets connectés. Comme l’a expliqué aux rapporteures le pédopsychiatre Charles-Olivier Pons, président de l’Union syndicale de la psychiatrie, certains parents utilisent des dispositifs de localisation pour savoir où se trouve leur enfant à tout moment de la journée. Cette surveillance constante empêche les jeunes de se retrouver dans des espaces de liberté hors de la vue des parents, une étape essentielle à leur structuration ([214]).

ii.   L’accompagnement des parents dans la mise en place de moments sans écrans

Comme l’a souligné Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’enfance durant son audition, si les parents ont conscience des dangers liés au numérique, ils sont démunis pour tenter de réguler l’usage des écrans par leurs enfants. Ils font souvent face à des injonctions multiples et contraires, difficiles à mettre en œuvre. Interdire les écrans en dessous d’un certain âge peut s’avérer plus difficile dans une fratrie que pour un premier enfant par exemple ([215]). C’est pourquoi, il convient avant tout d’accompagner les parents dans la régulation du numérique, pour promouvoir un usage raisonné. En accord avec les recommandations de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans ([216]) il est d’abord essentiel « d’assumer et d’organiser une progression des usages des écrans et du numérique chez les enfants en fonction de leur âge », que ce soit à la maison ou à l’école. Lors de son audition devant la Délégation aux droits des enfants ([217]), Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a annoncé l’interdiction de l’exposition aux écrans pour les enfants de moins de trois ans. Depuis le début de cette année, le carnet de santé mentionne cette interdiction et préconise un usage occasionnel des écrans, limité à des contenus à qualité éducative et accompagné par un adulte entre trois et six ans.

Il faut également former et informer les jeunes aux opportunités mais aussi et surtout aux dangers du numérique, notamment s’agissant de leur santé, tant physique que mentale. Les jeunes doivent être éduqués aux risques liés à la sédentarité et au manque d’activité physique, aux risques pour leur vue ou la qualité de leur sommeil, mais aussi aux conséquences que le numérique peut avoir sur leur santé mentale. Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’enfance, a également proposé de privilégier l’instauration de moments sans écrans afin de sanctuariser ces temps : pendant les repas, avant le départ à l’école ou avant de dormir ([218]). La rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé insiste sur l’importance de pratiquer des activités sportives, culturelles ou associatives.

En 2024, le Président de la République a lancé une commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, composée d’experts de la société civile, qui a rendu ses travaux fin avril 2024. Pour autant, depuis un an, les recommandations de la commission n’ont pas été mises en œuvre, alors même qu’elles résultaient d’un large consensus scientifique, ce que déplorent les rapporteures.

Selon les rapporteures, il est donc essentiel et urgent de responsabiliser les parents à la nécessité pour eux de passer un temps qualitatif avec leurs enfants, sans écrans et de déployer des campagnes massives de prévention sur le danger de l’addiction aux écrans, à l’image des campagnes de sécurité routière sur l’alcool au volant.

Recommandation n° 49 : Agir pour une consommation responsable des écrans par les parents en présence des enfants et les sensibiliser à l’absence psychique et ses conséquences (addiction aux écrans, absence de temps qualitatif avec leurs enfants).

Recommandation n° 51 : Déployer des campagnes massives de prévention sur le danger de l’addiction aux écrans.

c.    La place du numérique à l’école

Néanmoins, l’exposition des enfants aux écrans ne survient pas uniquement dans le cadre familial. L’école s’est emparée des outils numériques, à la fois comme outils d’enseignement et de communication avec les parents et les élèves.

De plus en plus, les écoles et les professeurs ont recours aux écrans, dans une visée pédagogique. Il n’en demeure pas moins que cela contribue à exposer les enfants tout au long de la journée et ce dès un très jeune âge.

De même, lors de son audition, M. Cyrille Stevant, membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), a souligné une trop grande digitalisation des relations entre l’école et les parents ([219]). Selon le docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie, l’utilisation du logiciel Pronote permet une surveillance permanente des parents et empêche au jeune d’annoncer ou de cacher leurs notes ([220]). L’utilisation de Pronote par les professeurs le week-end et durant les vacances scolaires a également été critiquée par M. Cyrille Stevant ([221]). À ce titre, la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé, en mai 2025, un « droit à la déconnexion » des espaces numériques de travail (ENT) et des logiciels comme Pronote. Elle entend arrêter les mises à jour de 20 heures à 7 heures la semaine et le week-end des outils numériques.

Par ailleurs, cette pause numérique vise également l’interdiction des téléphones portables au sein des établissements scolaires.

Depuis 2018 l’utilisation des téléphones mobiles ou de tout autre équipement de communications électroniques est interdite « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, et pendant toute activité liée à l'enseignement qui se déroule à l'extérieur de leur enceinte, à l'exception des circonstances, notamment les usages pédagogiques, et des lieux dans lesquels le règlement intérieur l'autorise expressément » ([222]).

L’interdiction porte sur l’utilisation des téléphones mobiles et de tout autre équipement comme une tablette ou une montre connectée. La loi permet également au conseil d’administration des lycées d’introduire, dans le règlement intérieur, l’interdiction de l’utilisation par les lycéens de ces appareils. Cette interdiction est valable pendant le temps scolaire et périscolaire. Elle est aussi effective durant toutes les activités scolaires organisées en dehors de l’école ou de l’établissement scolaire.

Malgré cette inscription législative, cette mesure tarde à être mise en œuvre. Une nouvelle expérimentation a été lancée à la rentrée 2024, dans 199 collèges volontaires qui a concerné plus de 50 000 jeunes scolarisés. Concrètement, à leur entrée dans le collège, les élèves doivent désormais laisser leur téléphone dans des boîtes ou des casiers. Ils le récupèrent ensuite à la sortie des cours.

La généralisation de cette mesure devait intervenir au 1er janvier 2025. Elle serait reportée à la rentrée 2025.

La rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé recommande que cette interdiction soit étendue aux lycées. Elle plaide également pour que la majorité numérique édictée par la loi soit effective ([223]). De son côté, la rapporteure Mme Anne Stambach-Terrenoir considère que les organisations syndicales, les fédérations de parents d’élèves et les équipes éducatives n’ont pas été suffisamment associées à la conception et à la mise en œuvre de cette mesure, qui pose des questions organisationnelles et juridiques pour les établissements, et des questions budgétaires pour les collectivités qui doivent financer les équipements nécessaires à la conservation des téléphones portables. Elle recommande de privilégier une politique de prévention et d’information sur les usages du numérique, avec la participation d’addictologues, qui permettrait un usage responsable et raisonné.

Recommandation n° 50 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Rendre effective la majorité numérique.

Recommandation n° 52 de la rapporteure Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Généraliser la pause numérique et la rendre effective dans les écoles, collèges et lycées.

 

 


   LISTE DES 53 RECOMMANDATIONS

  1. Assurer une offre graduée

 

     Recommandation n° 1 : Réaffirmer le rôle pivot du Centre médico-psychologique (CMP) et son accueil inconditionnel avec une offre de premier niveau des médecins généralistes, des professionnels de la santé scolaire (dans leur mission de détection), les psychologues et les maisons des adolescents (MDA) et par ailleurs des centres de gestion de crise de courte durée adossés aux urgences pédiatriques ou aux hôpitaux psychiatriques.

 

     Recommandation n° 2 : Adosser chaque maison des adolescents (MDA) à un centre de soins et en faire un lieu d’expertise et de conseil pour les soignants de premier niveau.

 

     Recommandation n° 3 : Créer dans chaque secteur une équipe mobile pour le développement des visites à domicile et de l’aller-vers, organisée par un cahier des charges définissant leurs missions socles et un nombre d’équipes minimum avec des budgets fléchés de l’Agence régionale de santé (ARS).

 

  1. Renforcer le maillage territorial

 

     Recommandation n° 4 : Revoir le maillage des Centres médico-psychologiques (CMP) afin que tout enfant puisse y accéder en 30 minutes de son domicile et adapter le secteur aux évolutions démographiques.

 

     Recommandation n° 5 : Instituer un quotient départemental pour les stages en psychiatrie en internat.

 

     Recommandation n° 6 : Créer des formations délocalisées d’infirmiers en pratique avancée et/ou d’infirmiers spécialisés en psychiatrie, portées par les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) départementaux et par les instituts départementaux de puériculture.

 

     Recommandation n° 7 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Appliquer les deux décrets du 28 mai 2025 relatif à l'aménagement de la procédure des épreuves de vérification des connaissances et portant diverses dispositions relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE).

 

     Recommandation n° 8 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Faciliter l’accueil des médecins étrangers PADHUE en France : leur délivrer des titres de séjour Passeport talent ; transformer le concours des épreuves de vérification des connaissances en examen ; autoriser les Agences régionales de santé (ARS) à délivrer un droit d’exercice ; reconnaître le caractère validant des lieux d’exercices locaux agréés, en retirant l’exigence d’un passage dans le service d’un centre hospitalier universitaire (CHU).

 

  1. Renforcer la formation des professionnels de santé

 

     Recommandation n° 9 : Privilégier les soins thérapeutiques plutôt que la prescription de psychotropes. Cette dernière doit être effectuée par des professionnels de santé ayant reçu une formation spécifique à l’usage thérapeutique des psychotropes.

 

     Recommandation n° 10 : Mieux former les médecins généralistes aux troubles en santé mentale (formation initiale et continue) en densifiant leur module de formation et leur capacité à faire des stages en psychiatrie.

 

     Recommandation n° 11 : Former les pédiatres et les médecins généralistes aux signes précoces de souffrance des bébés (périnatalité) et former les sages-femmes et les personnels de la Protection maternelle infantile (PMI) à la théorie de l’attachement.

 

     Recommandation n° 12 : Développer la formation d’infirmiers en pratique avancée et renforcer la formation des infirmiers diplômés d’État (IDE) à la santé et à la psychiatrie, notamment par le biais d’un stage obligatoire.

 

  1. Renforcer l’attractivité des professions

 

     Recommandation n° 13 : Créer une chaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans tous les centres hospitaliers universitaires (CHU).

 

     Recommandation n° 14 : Revaloriser la profession de pédopsychiatre au sein des études de médecine.

 

     Recommandation n° 15 : Sortir les formations menant aux professions du secteur social, médico-social, et paramédical de Parcoursup, pour favoriser le choix de ces professions par vocation.

 

     Recommandation n° 16 : Revaloriser la rémunération des psychologues et personnels paramédicaux travaillant en Centre médico-psychologique (CMP).

 

     Recommandation n° 17 : Garantir la prise en charge systématique des frais de déplacement professionnels des infirmiers scolaires et des psychologues de l’Éducation nationale.

 

  1. Mieux articuler les secteurs sanitaire, social, médico-social et éducatif

 

     Recommandation n° 18 : Revoir le découpage des secteurs pour les harmoniser avec la carte scolaire, judiciaire, et celle des services sociaux et médico-sociaux, de façon à faciliter la coopération entre les différents acteurs.

 

     Recommandation n° 19 : Adosser au secteur les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et ouvrir une réflexion avec les professionnels sur la pertinence et les modalités d’une possible transformation des CMPP en structures sanitaires.

 

  1. Aide sociale à l’enfance (ASE)

 

     Recommandation n° 20 : Généraliser l’expérimentation menée en Bretagne de conventions passées entre l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les secteurs pédopsychiatriques pour organiser le dépistage, la prévention et le traitement des troubles psychiatriques, avec notamment une consultation annuelle pour chaque enfant suivi.

 

     Recommandation n° 21 : Mettre en place des maisons d’enfants à caractère social (MECS) sous la forme de maisons éducatives et thérapeutiques (MET), dispositifs mixtes mêlant soin et hébergement.

 

     Recommandation n° 22 : Assurer l’effectivité des bilans de santé des mineurs suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et inclure un volet troubles de santé mentale dans le dispositif Santé protégée pour un suivi régulier.

 

     Recommandation n° 23 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Définir un secteur de référence pour chaque jeune pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

 

     Recommandation n° 24 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Maintenir la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) en recours de minorité jusqu’à ce que les voies de recours soient épuisées.

 

     Recommandation n° 25 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Garantir le droit de chaque mineur non accompagné (MNA) à une évaluation médicale en santé mentale dans le cadre de leur accueil provisoire par l’aide sociale à l’enfance (ASE), avant toute évaluation de leur minorité.

 

  1. Protection maternelle infantile (PMI)

 

     Recommandation n° 26 : Accroître le partenariat entre la Protection maternelle infantile (PMI) et les maisons des 1 000 premiers jours.

 

  1. Garantir un financement pérenne

 

     Recommandation n° 27 : Privilégier les dotations pluriannuelles plutôt que les appels à projets afin de sécuriser les financements.

 

     Recommandation n° 28 : Réorienter les moyens financiers et humains vers le soin plutôt que vers des centres experts et des plateformes de diagnostics.

 

     Recommandation n° 29 : Pérenniser et flécher les budgets de pédopsychiatrie au sein des établissements hospitaliers.

 

     Recommandation n° 30 : Réformer le codage des actes en pédopsychiatrie, inadapté à ses spécificités, en valorisant le temps de concertation au sein des équipes et d’échanges avec les familles et les partenaires.

 

     Recommandation n° 31 : Revaloriser sensiblement le tarif des consultations en pédopsychiatrie dans le secteur conventionné.

 

     Recommandation n° 32 : Instituer le tiers payant pour le dispositif « Mon soutien psy ».

 

     Recommandation n° 33 : Allouer des moyens aux maisons des adolescents (MDA) adaptés à la démographie, à la géographie et aux conditions sociales des jeunes du département.

 

 

 

 

 

  1. Privilégier la prévention

 

  1. Soutenir la parentalité

 

     Recommandation n° 34 : Encourager la présence d’équipes dédiées à la périnatalité pédopsychiatrique dans chaque Centre médico-psychologique (CMP) et généraliser les dispositifs d’accompagnement à la parentalité comme l’École des parents sur les Centres médico-psychologiques (CMP).

 

     Recommandation n° 35 : Promouvoir la présence de sages-femmes de coordination ou référentes pour créer un lien entre la maternité et les équipes de soins psychiatriques en périnatalité.

 

     Recommandation n° 36 : Étoffer les unités d’hospitalisation conjointe parents-bébé.

 

     Recommandation n° 37 : Instaurer des maisons des 1 000 premiers jours sur l’ensemble du territoire.

 

  1. Apaiser le climat scolaire

 

     Recommandation n° 38 : Créer un Observatoire de la déscolarisation dont la mission sera de compiler les données existantes pour avoir des chiffres nationaux sur l’ampleur du phénomène et de ses causes.

 

     Recommandation n° 39 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Établir une évaluation du bien-être des élèves dans les collèges et lycées.

 

     Recommandation n° 40 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Engager un plan pluriannuel de recrutement de personnels d’enseignement pour réduire les effectifs en classe, de façon à se rapprocher de la moyenne observée au sein de l’Union Européenne (19 élèves par classe dans le premier degré et 21 élèves par classe au collège).

 

     Recommandation n° 41 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Réformer Parcoursup en simplifiant le système, en le rendant plus simple et accessible, plus juste et transparent.

 

     Recommandation n° 42 portée uniquement par Mme Anne Stambach-Terrenoir : Supprimer Parcoursup et toute forme de sélection entre bacheliers à l’entrée des licences universitaires, abonder les dotations des universités en moyens budgétaires fléchés vers l’augmentation des capacités d’accueil des filières en tension.

 

  1. Renforcer la santé scolaire

 

     Recommandation n° 43 : Rendre obligatoire dans le premier et le second degré des cellules de veille qui regroupent les professionnels de santé, du social, les psychologues, et les membres de la communauté éducative pour évoquer les situations préoccupantes.

 

     Recommandation n° 44 : Créer un système d’information commun entre tous les professionnels de santé scolaire, médecins et infirmiers en préservant le secret médical.

 

     Recommandation n° 45 : Inclure les acteurs de la santé scolaire dans les contrats locaux de santé mentale.

 

     Recommandation n° 46 : Prévoir une trajectoire de recrutement des médecins scolaires (un médecin pour 5 000 élèves), des infirmiers scolaires (un infirmier par établissement) et des psychologues de l’Éducation nationale (un psychologue pour 800 élèves).

 

     Recommandation n° 47 : Rétablir le bilan de santé à 6 ans en milieu scolaire et comprendre dans le bilan santé de 12 ans un dépistage de troubles de santé mentale.

 

     Recommandation n° 48 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Engager une concertation sur le rattachement des médecins scolaires, infirmiers scolaires et psychologues de l’Éducation nationale au ministère de la Santé.

 

  1. Réguler le numérique

 

     Recommandation n° 49 : Agir pour une consommation responsable des écrans par les parents en présence des enfants et les sensibiliser à l’absence psychique et ses conséquences (addiction aux écrans, absence de temps qualitatif avec leurs enfants).

 

     Recommandation n° 50 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Rendre effective la majorité numérique

 

     Recommandation n° 51 : Déployer des campagnes massives de prévention sur le danger de l’addiction aux écrans.

 

     Recommandation n° 52 portée uniquement par Mme Nathalie Colin-Oesterlé : Généraliser la pause numérique et la rendre effective dans les écoles, collèges et lycées.

 

  1. Lutter contre la consommation de produits addictifs

 

     Recommandation n° 53 : Renforcer les dispositifs de contrôle visant à faire respecter l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs ainsi que la prévention et la lutte contre l’exposition des mineurs aux drogues illicites.


   examen par LA dÉlÉgation

Lors de sa réunion du mercredi 9 juillet 2025, la Délégation aux droits des enfants a procédé à la présentation du présent rapport et en a autorisé la publication.

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/Hfhai7

 

 

 


annexes

 

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurEs

 

 

Commission nationale de la psychiatrie

-          Docteure Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière

 

 

Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA)

-          Professeur Bruno Falissard, président de la SFPEADA et pédopsychiatre

 

Défenseure des droits

-          Mme Claire Hédon, Défenseure des droits

-          M. Éric Delemar, défenseur des enfants, adjoint en charge de la défense et de la promotion des droits de l’enfant

-          Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Défense des droits de l'enfant »

-          M. Antoine Touron, conseiller parlementaire

 

 

Délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie

-          M. Frank Bellivier, délégué ministériel

-          Mme Stéphanie Lafont Rapnouil, cheffe de projet

 

Direction générale de l’offre de soins (DGOS)

-          Mme Marie Daudé, directrice générale

-          Mme Constance Favereau, sous-directrice adjointe de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital

-          Mme Laora Tilman, cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables

 

 

Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)

-          M. Jean-Baptiste Hazo, chargé d’études statistiques et responsable santé mentale

-          M. Vianney Costemalle, responsable du bureau état de santé de la population

Fédération des centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP)

-          Docteure Amandine Buffière, présidente de la FDCMPP et pédopsychiatre

 

 

Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA)

-          Mme Delphine Rideau, présidente de l’ANMDA

-          Mme Bénédicte Luret, directrice

 

Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP)

-          Professeure Sylvie Tordjman, ancienne présidente de l’AEMP et pédopsychiatre

-          Docteur Dominique Brengard, secrétaire adjoint de l’AEMP et pédopsychiatre

-          Professeur Bertrand Olliac, vice-président de l’AEMP et professeur des universités spécialisé dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

-          Docteur Matthias Wiss, trésorier de l’AEMP et pédopsychiatre

 

 

Table ronde de psychologues de l’Éducation nationale

-          Association des psychologues et de psychologie dans l’Éducation nationale (APSYEN) :

o       Mme Lydia Stupar, vice-présidente de l’association et psychologue de l’Éducation nationale

-          Association française des psychologues de l’Éducation nationale (AFPEN) :

o       M. Laurent Chazelas, président de l’association et psychologue de l’Éducation nationale

-          Société française de psychologie (SFP) :

o       Mme Catherine Remermier, secrétaire générale adjointe de la SFP et conseillère d’orientation-psychologue

o       M. René Clarisse, ancien président de la SFP et psychologue

 

Psychologues

-          Syndicat national des psychologues :

 

 

Santé publique France

-          M. François Beck, directeur de la prévention et de la promotion de la santé

-          Mme Alima Marie-Malikité, directrice générale adjointe en charge des affaires externes

-          M. Enguerrand du Roscoat, responsable d’unité à la direction de la prévention et de la promotion de la santé

 

 

 

Professeur Guillaume Bronsard

-          Président de l’École des parents et des Éducateurs d’Île-de-France et chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Brest

 

 

Table ronde de médecins scolaires

-          Syndicat autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMPSEN) :

-          Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU) :

 

Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES) 

-          Mme Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du SNIES et infirmière de l’Éducation nationale

 

 

Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNAPSY)

-          Mme Chantal Roussy, présidente de l’Association santé psychique et physique et membre de la FNAPSY

 

Table ronde de parents d’élèves

-          Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) :

o       M. Cyrille Stevant, membre de la FCPE

o       Mme Mireille Batut, présidente de l’association La Main à l’Oreille, présidente de l’association Ambition école inclusive, membre de la FCPE et de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM)

 

 

Psycom

-          Mme Aude Caria, directrice de Psycom

 

Syndicat national des médecins de la protection infantile (SNMPMI)

-          Docteure Maryse Bonnefoy, co-présidente du SNMPMI et médecin

-          Docteure Cécile Garrigues, co-présidente du SNMPMI et médecin

 

 

 

 

 

Table ronde de praticiens en zone rurale

-          Docteur Louis Tandonnet, pédopsychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier « La Candélie » et président de la maison des adolescents du Lot-et-Garonne

-          Docteur Bertrand Olliac, professeur des universités spécialisé dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

 

Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API)

-          Docteur Christophe Libert, président de l’API et pédopsychiatre

 

 

Fondation pour l’enfance

-          Mme Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation

-          Mme Angèle Lefranc, chargée de plaidoyer

 

École des hautes études en santé publique (EHESP)

-          Professeure Viviane Kovess-Masfety, chercheuse associée au sein du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé de l’Université Paris Cité

 

 

Table ronde sur les mineurs non accompagnés

-          Comité pour la santé des exilés (Comede) :

-          Primo Levi :

 

Table ronde

-          Docteur Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre et président de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP)

-          Mme Jocelyne Goût, animatrice de la commission nationale de la psychiatrie de la CGT

 

 

 

 

 

    

   ANNEXE N° 2 : LISTE DES DÉPLACEMENTS

 

Déplacements à Paris

 

 

Maison de Solenn, maison des adolescents rattachée à l’Hôpital Cochin

-          Professeure Marie-Rose Moro, professeure de psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, cheffe de service

 

 

Centre de diagnostic et d’évaluation « Françoise Grémy » de l’Hôpital de jour Santos-Dumont, hôpital de jour pédopsychiatrique

-          Docteure Loriane Bellahsen, psychiatre et cheffe de service

 

Déplacement à Metz

 

 

Maison des bébés

-          Isabelle Lux, adjointe au maire à la petite enfance

 

Unité d’hospitalisation pour adolescents de l’établissement public de santé mentale de Metz-Jury

-          Docteur Christophe Schmitt, président de la Commission médicale d’établissement de l’établissement public de santé mentale de Metz-Jury et pédopsychiatre

             

Association mosellane d’action éducative et sociale en milieu ouvert

-          Sophie Maurice-Pluchon, directrice générale

 

Maison des adolescents

-          Emmanuelle Coffe, cadre de santé à l’unité d’hospitalisation pour adolescents de l’établissement public de santé mentale de Metz-Jury

 

Géraldine Grillon, conseillère déléguée à la protection de l’enfance, présidente de la chambre des mineurs

 

 

 

 

 

Déplacement à Toulouse

 

 

Unité « Care en Mater » du Centre hospitalier universitaire de Toulouse

-          Docteure Ludivine Guérin, pédopsychiatre, praticien hospitalier et responsable de l’unité

-          Nathalie Leroux-Mackle, directrice référente de pôles

 

Centre de soins de psychiatrie infanto-juvénile « Volvestre »

-          Docteure Jocelyne Calvet-Lefeuvre, cheffe du pôle Enfant et Adolescent

-          Liudmila Lacombe, secrétariat du pôle Enfant et Adolescent

 

 

Unité de crise et d’hospitalisation pour adolescents de l’hôpital Marchant

-          Docteure Jocelyne Calvet-Lefeuvre, cheffe de pôle Enfant et Adolescent

-          Francis Boudes, cadre collaborateur de pôle

-          Aurélien Hubert, cadre administratif

-          Docteure Laurence Mourot, service ouest

-          Docteure Maya Levrat, service sud

-          Docteure Aurélie Laporte, service des Adolescents

 

Table ronde avec des psychologues

-            Isabelle Seff, psychologue clinicienne en pédopsychiatrie, présidente de l'inter-collèges des psychologues des secteurs sanitaire et social de Midi-Pyrénées

-            Géraldine Dubosc, psychologue dans une Unité éducative de milieu ouvert de la Protection judiciaire de la jeunesse

-            Maya Vair-Piova, psychologue clinicienne en Institut médico-éducatif

-            Valérie Gasne, psychologue clinicienne en Centre médico-psychologique pour Enfants

 

Centre départemental de l’enfance et de la famille

 

 


([1]) Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Rapport « Quand les enfants vont mal, comment les aider ? », mars 2023.

([2]) Voir à ce sujet François GONON, « Neurosciences, un discours neuro-libéral », 2024.

([3])Chiffres de l’Observatoire des inégalités, mars 2024.

([4]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([5]) Audition du lundi 10 février 2025.

([6]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([7]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([8]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([9]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([10]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([11]) Audition du lundi 17 février 2025.

([12]) Audition du lundi 17 février 2025.

([13]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([14]) Audition du lundi 23 mars 2025.

([15]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 24 mars 2025.

([16]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 12 mai 2025.

([17]) Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([18]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([19]) Audition du lundi 3 février 2025.

([20]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 24 mars 2025.

([21]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([22]) Observatoire du suicide, février 2025.

([23]) Audition du lundi 10 février 2025.

([24]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([25]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([26]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([27]) Enquête Santé publique France.

([28]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([29]) La nosographie est la description et la classification méthodique des maladies.

([30]) Audition du lundi 3 février 2025.

([31]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

([32])  Audition du lundi 3 mars 2025.

([33]) Audition du lundi 10 février 2025.

([34]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([35]) Enquête EpiCov Épidémiologie et conditions de vie sous Covid-19, mai 2021.

([36]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([37]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([38]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([39]) Audition du lundi 17 février 2025.

([40]) Audition du lundi 3 mars 2025

([41]) Audition du lundi 19 mai 2025.

 

([42])  Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([43])  Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([44])  Audition du lundi 28 avril 2025.

([45])  Document de travail, Série études n°2024-E02, février 2024, DEPP. L’enquête statistique a été menée en novembre 2023 auprès d’un échantillon de 21 700 élèves du CE2 à la terminale.

 

([46])  Audition du lundi 3 février 2025.

([47])  Audition du lundi 31 mars 2025.

([48])  Audition du lundi 31 mars 2025.

([49])  Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

 

([50]) Selon l’Observatoire français des drogues et des addictions (OFDA, Chiffres clés 2025), en 2014 47,8 % des jeunes de 17 ans avaient expérimenté le cannabis, et 9,2 % en consommaient régulièrement, alors qu’en 2022, 29,9 % avaient expérimenté et 3,8 % en consommaient régulièrement.

([51])  Audition du lundi 31 mars 2025.

 

([52]) Audition du lundi 17 février 2025.

([53]) Haute Autorité de santé, Coordination entre protection de l’enfance et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avril 2025.

([54]) Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([55]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([56]) Audition du lundi 3 février 2025.

([57]) Cour des comptes, La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, mars 2023.

(1) Article, Adolescents reçus en urgence en psychiatrie infanto-juvénile. Qui sont-ils ? Quel est leur parcours ? Quel suivi social et /ou judiciaire ?, par MM Aurélien Chatagner, Bertrand Olliac, Luc Henri Choquet, Michel Botbol, Jean Philippe Raynaud, 2014.

([59]) Enquête EpiCov, Épidémiologie et conditions de vie sous Covid-19, mai 2021.

([60]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([61]) Audition du lundi 3 février 2025.

([62]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([63]) Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([64]) Haute Autorité de santé, Coordination entre protection de l’enfance et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avril 2025.

([65]) 2 359 jeunes suivis entre décembre 2017 et juin 2021.

([66]) Trajectoires, De l’errance à la détention les chemins heurtés des MNA, janvier 2023.

([67]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([68]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([69]) Rapport du Défenseur des droits, Les mineurs non accompagnés au regard du droit, 2022.

([70]) Audition du lundi 10 février 2025.

 

([71]) Arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales, comportant ou non des possibilités d'hébergement.

([72]) Circulaire n° 72-443 Programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences mentales des enfants et des adolescents.

([73]) Article 8 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses mesures d’ordre social et loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique.

([74]) Audition du lundi 17 février 2025.

([75]) Audition du lundi 3 février 2025.

([76]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([77]) Article 79 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la Sécurité sociale pour 2022 codifié à l’article L. 162-58 du code de la Sécurité sociale.

([78]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([79])  Audition du lundi 5 mai 2025.

([80]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([81]) Audition du lundi 17 février 2025.

([82]) Cour des comptes, La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, mars 2023.

([83])  Décision n°2020-008 de décembre 2020.

([84]) Décret n° 2022-1264 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de psychiatrie.

([85]) Audition du lundi 17 février 2025..

([86]) Audition du lundi 17 février 2025.

([87]) Audition du 3 février 2025.

([88]) Audition du lundi 17 février 2025.

([89]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([90]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([91]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([92]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([93]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([94]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les politiques publiques en faveur des jeunes, Les maisons des adolescents : une réponse de première ligne pour les jeunes en mal-être, mars 2025.

([95]) UNICEF France, Contribution écrite, mai 2025.

([96]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([97]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([98]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([99]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([100]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les politiques publiques en faveur des jeunes, les maisons des adolescents : une réponse de première ligne pour les jeunes en mal-être, mars 2025.

([101]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([102]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([103]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([104]) Anciennement opération pièces jaune.

([105]) Le trouble somatoforme est caractérisé par des pensées, des sentiments et des préoccupations disproportionnés et excessifs au sujet des symptômes physiques. Les symptômes ne sont pas produits ou feints intentionnellement et ils peuvent ou non accompagner une maladie connue.

([106]) Indice de masse corporelle (IMC) 12/13.

([107]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([108]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([109]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([110]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([111]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([112]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([113]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([114]) Audition du lundi 17 février 2025.

([115]) Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge – Conseil de l’enfance et de l’adolescence, Quand les enfants vont mal : comment les aider ?, 2023.

([116]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([117]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 12 mai 2025.

([118]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([119]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([120]) Audition du lundi 3 février 2025.

([121]) Contribution écrite, avril 2025.

([122]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([123]) Cour des comptes, La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, mars 2023.

([124]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([125]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les politiques publiques en faveur des jeunes, Les maisons des adolescents : une réponse de première ligne pour les jeunes en mal-être, mars 2025.

([126])  Contribution écrite avril 2025

([127])Contribution écrite, avril 2025.

([128]) Cour des comptes, La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, mars 2023.

([129]) Audition du lundi 17 février 2025.

([130]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([131]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([132]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([133]) Rapport d’information n° 714 en conclusion des travaux de la mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, présenté par Mmes Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau, députées, décembre 2024.

([134]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([135]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([136])  Accords de Bologne signés en 1999 sur l’enseignement supérieur et la formation continue, dite réforme licence-master-doctorat (LMD).

([137]) Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier.

([138]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([139]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([140]) Décret n° 2019-836 du 12 août 2019 relatif au diplôme d'État d'infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale.

([141])  Décret n°2025-55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

([142]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([143]) Audition du lundi 10 février 2025.

([144]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([145]) Audition du lundi 17 février 2025.

([146]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([147]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([148]) Audition du lundi 10 février 2025.

([149])  Audition du lundi 28 avril 2025.

 

([150]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([151]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([152]) Déplacement des rapporteures à Metz du vendredi 4 avril 2025.

([153]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([154]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([155]) Circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 relative au fonctionnement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et missions des personnels qui y exercent.

([156]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([157]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([158]) La psychopédagogie est un ensemble de méthodes utilisées par des spécialistes de l’Éducation pour l’apprentissage et l’enseignement.

([159]) Audition du lundi 3 mars 2025.

([160]) Article L. 3221-2 du code de la santé publique.

([161]) Audition du lundi 10 février 2025.

([162]) Audition du lundi 17 février 2025.

([163]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([164]) Cour des comptes, Rapport public annuel, Les politiques publiques en faveur des jeunes, les maisons des adolescents : une réponse de première ligne pour les jeunes en mal-être, mars 2025.

([165]) Service public : tableau consultation d’un spécialiste, tarif, base de remboursement, montant remboursé pour des patients de moins de 25 ans.

([166]) Audition du lundi 3 février 2025.

([167]) Audition du lundi 10 février 2025.

([168]) Audition de la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNAPSY) du lundi 7 avril 2025.

([169]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([170]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([171]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([172]) INSERM, Santé publique France Enquête nationale périnatale 2021, octobre 2022.

([173]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([174]) Décret n° 2022-1264 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de psychiatrie.

([175]) Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([176]) Audition du lundi 10 mars 2025.

([177]) Unicef France et Fédération des acteurs de la solidarité, Baromètre Enfants à la rue, août 2024.

 

([178]) Ministère des Solidarités et de la Santé, Rapport de la commission des 1 000 premiers jours, « Les 1 000 premiers jours : Là où tout commence », septembre 2020.

([179]) Audition du lundi 28 avril 2025.

([180]) Audition du lundi 10 février 2025.

([181]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([182]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([183]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 24 mars 2025.

([184]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 12 mai 2025.

([185]) Université de Paris Cité et Laboratoire de psychopathologie et processus de santé, Programme de recherche JAID, Bilan 2017-2024.

([186]) Article L.1111-4 du code de la santé publique.

([187])  Article R 1112-34 du code de la sante publique.

([188])  Article 375 -9 du code civil.

([189]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([190]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([191]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([192]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([193]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([194]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([195]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([196]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([197]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([198]) Audition du lundi 7 avril 2025.

([199]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 24 mars 2025.

([200]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([201]) Audition du lundi 24 mars 2025.

([202]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([203]) Audition du lundi 7 avril 2025.

([204])  Déplacement des rapporteures à Toulouse des jeudi 22 et vendredi 23 mai 2025.

([205]) Audition du lundi 5 mai 2025.

([206]) Audition du lundi 17 mars 2025.

([207]) Audition du lundi 10 février 2025.

([208]) Audition du lundi 31 mars 2025.

([209]) Audition du lundi 7 avril 2025.

([210]) Déplacement des rapporteures à Paris du lundi 24 mars 2025.

([211]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([212]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([213]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([214]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([215]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([216])  Commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, Enfants et écrans : A la recherche du temps perdu, 2024.

([217]) Audition du 4 juin 2025.

([218]) Audition du lundi 12 mai 2025.

([219]) Audition du lundi 7 avril 2025.

([220]) Audition du lundi 19 mai 2025.

([221]) Audition du lundi 7 avril 2025.

([222])  Loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire.

([223])  Loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.