N° 1891

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires
et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale

 

 

 

 

et prÉsentÉ par
 

M. Éric COQUEREL


président de la commission des finances,
de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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PRÉFACE

 

À l’instar de ses prédécesseurs, le président de la commission des finances a souhaité présenter, alors que s’ouvre la session ordinaire 2025-2026, un rapport consacré à la recevabilité financière et organique des initiatives parlementaires. Il y expose la manière dont ce contrôle de recevabilité est mis en œuvre à l’Assemblée nationale.

En ma qualité de Présidente de l’Assemblée nationale, je me félicite qu’une synthèse actualisée, intégrant notamment les conséquences des réformes des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale intervenues récemment, soit ainsi disponible, afin de guider au mieux chaque député souhaitant proposer des évolutions législatives par la voie d’amendements ou de propositions de loi.

Je me réjouis également que le président de la commission des finances, que je consulte pour apprécier la recevabilité des amendements déposés en séance publique, mène un travail, à la fois minutieux et précis, d’analyse de chaque amendement, et que la plus grande part de ses réponses s’inscrive dans le cadre d’une jurisprudence bien établie.

Les députés, leurs collaborateurs et les observateurs de la vie parlementaire trouveront dans ce rapport des développements subtils sur l’état de l’art en matière de charges de gestion, d’intention du Gouvernement ou encore sur la nouvelle jurisprudence « démocratie », qui permet d’admettre certaines initiatives parlementaires favorables à l’exercice de la démocratie par les citoyens.

Pour autant, pas plus que le rapport du président de la commission des finances ne tait les quelques divergences qui ont pu exister entre son appréciation et la mienne, je ne saurais les passer sous silence.

Ces divergences sont apparues dès le début de la XVIe législature, lorsque le président de la commission des finances a donné un avis favorable à la recevabilité d’amendements proposant de réintégrer dans la fonction publique les soignants qui avaient, en vertu de dispositions législatives, été suspendus. Me fondant sur une jurisprudence bien établie et une stricte analyse juridique, j’ai considéré que le caractère coûteux d’une telle réintégration ne pouvait être ignoré.

De même, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, alors que le président de la commission des finances estimait qu’un amendement du Gouvernement qui proposait de reporter l’entrée en vigueur d’une disposition législative relative à l’encellulement individuel n’avait pas sa place en loi de finances, j’ai considéré que tel n’était pas le cas. Le Conseil constitutionnel a confirmé mon appréciation, puisqu’il a jugé que ces dispositions, qui « affectent directement les dépenses budgétaires de l’année et d’années ultérieures, trouvent leur place dans une loi de finances ».

Hormis ces quelques divergences sur la recevabilité d’amendements, notre principal désaccord a porté sur l’appréciation de propositions de loi se traduisant par des charges très élevées et dont la recevabilité était contestée.

Le président de la commission des finances a considéré, en effet, que la traditionnelle souplesse conduisant le Bureau de l’Assemblée nationale à accepter le dépôt de propositions de loi coûteuses comportant un « gage de charge » valait « blanc-seing » pour la suite du débat parlementaire. Ce faisant, il rompait avec la pratique constante de ses prédécesseurs qui, saisis d’une proposition de loi en cours d’examen, concluaient systématiquement à l’irrecevabilité de leurs dispositions coûteuses. Cette pratique est la seule conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui interdit toute compensation de l’aggravation d’une charge publique.

Pour autant, je ne souhaite aucunement que les réserves que je viens de formuler soient perçues comme un désaveu d’ensemble du travail du président de la commission des finances. Je mesure l’ampleur de la tâche qui lui incombe, comme en témoigne la croissance vertigineuse du nombre d’amendements soumis à ce contrôle, au fil des législatures, et lors d’une même législature session après session. Je le consulte et approuve, dans la très grande majorité des cas, les avis qu’il rend.

Seul le respect scrupuleux des exigences constitutionnelles doit, en ces matières, nous guider, sans considération des appréciations en opportunité et dans le souci constant de la qualité du travail parlementaire.

 

 

 

Yaël Braun-Pivet

Présidente de l’Assemblée nationale

 


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

PremiÈre partie : Les autoritÉs chargÉes du contrÔle  de la recevabilitÉ financiÈre

I. Le contrÔle des amendements

A. Le rÔle prÉpondÉrant du prÉsident de la commission des finances

B. Une activitÉ de contrÔle soutenue qui favorise autant que possible l’initiative parlementaire

1. L’augmentation continue du nombre d’amendements examinés

2. Un taux d’irrecevabilité en diminution

II. Le contrÔle des propositions de loi

A. Le contrÔle des propositions prÉalablement À leur dÉpÔt

B. Le contrÔle des initiatives parlementaires en cours d’examen

III. Le contrÔle du Conseil constitutionnel

DeuxiÈme partie : l’article 40 de la constitution

I. Le champ du contrÔle

A. Les textes auxquels s’applique le contrÔle

1. Les textes dans le champ de l’article 40

a. Les textes concernés par l’application de l’article 40 sont l’ensemble des projets et propositions de loi ordinaire ou de loi organique

b. Les lois de programmation : une distinction à opérer entre dispositions programmatiques et normatives

2. Les textes exclus du champ de l’article 40

B. Les organismes soumis À l’application de l’article 40

1. Les administrations publiques

a. L’État et les organismes divers d’administration centrale

b. Les administrations publiques locales

c. Les administrations de sécurité sociale

2. Les autres organismes

a. L’application d’un faisceau d’indices

b. Les structures nécessitant un examen particulier

3. Les structures ne relevant pas, sauf exception, du champ de l’article 40

C. La base de rÉfÉrence

1. Le droit existant

a. La législation en vigueur

b. La réglementation en vigueur

c. Le droit international et de l’Union européenne

d. La jurisprudence

2. Le droit proposé

a. Les textes en discussion

b. Les intentions claires et précises du Gouvernement

c. La correction d’une inconstitutionnalité

3. Le choix de la base de référence la plus favorable

4. L’exclusion du droit existant de la base de référence lorsque le droit proposé est radicalement nouveau

II. La diminution des recettes publiques

A. une perte de recettes peut Être compensÉe dans certaines conditions

1. La perte de recettes doit être l’effet direct, même éventuel ou différé, de l’initiative parlementaire

a. La perte de recettes doit être l’effet direct de l’initiative parlementaire

b. La nature incertaine ou différée d’une perte de recettes suffit à la caractériser

2. Le « gage » de perte de recettes répond à des règles précises

a. Le gage doit être suffisant, crédible et consistant

b. Le gage doit être correctement affecté

c. Le gage doit être immédiat

B. Une jurisprudence souple qui favorise autant que possible les initiatives parlementaires

1. Plusieurs opérations ne constituent pas une perte de recettes au sens de l’article 40

a. Les sanctions et pénalités

b. La jurisprudence « bloc » pour les collectivités territoriales

2. La possibilité d’un « auto-gage »

3. Plusieurs opérations sont analysées comme des pertes de recettes afin de favoriser l’initiative parlementaire

a. Les prélèvements sur recettes

b. Les crédits d’impôt

c. Les dégrèvements

d. Autres cas spécifiques

III. La crÉation ou l’aggravation d’une charge publique

A. S’agissant des charges publiques, l’article 40 de la Constitution ne laisse que peu de marges de manœuvre aux initiatives parlementaires

1. L’article 40 prohibe toute nouvelle autorisation juridique de dépenser

2. Toute mesure créant ou aggravant une charge publique, même compensée, est irrecevable

B. Les cas où la charge n’est pas caractÉrisÉe ou peut Être neutralisÉe

1. La charge doit être directe et certaine

2. Les charges de gestion

3. Les charges de trésorerie

4. La jurisprudence de l’État employeur

5. Les dispositions non normatives

6. La jurisprudence relative aux expérimentations

7. Une plus grande tolérance en matière pénale

8. Une nouvelle jurisprudence « démocratie »

9. Les autres cas dans lesquels la charge n’est pas constituée ou peut être neutralisée

a. La création d’un fonds interprofessionnel

b. La jurisprudence « renouvellement »

c. La jurisprudence « structure bénévole »

d. La jurisprudence « fusion de structures publiques »

e. La jurisprudence « bloc » pour les collectivités territoriales

f. La neutralisation au cas par cas de dispositions coûteuses

C. Le cas des gages de charge

TroisiÈme partie : la recevabilitÉ organique

I. La loi organique relative aux lois de finances

A. Le domaine des lois de finances

1. Le domaine de la première partie

a. Le domaine exclusif obligatoire

b. Le domaine exclusif facultatif

c. Le domaine partagé

2. Le domaine de la seconde partie

a. Le domaine exclusif

b. Le domaine partagé

c. Le domaine interdit : les « cavaliers budgétaires »

B. Des rÈgles de recevabilitÉ spÉcifiques

1. Les spécificités des amendements sur la seconde partie de la loi de finances

a. Les amendements de crédits

b. Les amendements aux objectifs et indicateurs de performance

2. Les spécificités des amendements sur les projets de loi de finances rectificative et de fin de gestion

a. Le domaine des lois de finances rectificatives et de fin de gestion

b. Les amendements de crédits sur les projets de loi de finances rectificative et de fin de gestion

3. Les spécificités des amendements sur les projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

4. Les spécificités des amendements sur les projets de loi spéciale

C. Les irrecevabilités liées à la LOLF en dehors des lois de finances

II. La loi organique relative aux lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

A. Les organismes relevant du champ des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

B. Le domaine exclusif des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

1. Le domaine exclusif et obligatoire

a. L’article liminaire de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année

b. Les conditions générales de l’équilibre financier, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses

2. Le domaine exclusif et facultatif

a. La répartition de ressources attribuées par l’État à la sécurité sociale

b. L’affectation à un tiers de recettes établies au profit de la sécurité sociale

c. Les allègements sociaux noncompensés ou d’une durée égale ou supérieure à trois ans

C. Le domaine partagÉ entre les lois de financement de la sÉcuritÉ sociale et les autres textes

1. Les recettes de la sécurité sociale

2. Les dépenses de la sécurité sociale

a. La recherche d’une incidence effective sur l’équilibre financier de la sécurité sociale

b. La conciliation possible avec les règles de recevabilité financière

3. La gestion, la trésorerie et la comptabilité de la sécurité sociale

4. La dette de certains établissements de santé ou médicosociaux

5. L’information du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

D. Le domaine interdit des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale : le contrÔle des « cavaliers sociaux »

1. Les organismes hors du champ des lois de financement de la sécurité sociale

2. Les dispositions sans effet sur les recettes de la sécurité sociale

3. Les dispositions sans effet sur les dépenses de la sécurité sociale

a. Les dispositions portant sur l’aménagement de procédures

b. Les dispositions portant sur les dépenses d’organismes étrangers au domaine de la LFSS

c. Les dispositions relatives à l’organisation des soins, à la prévention en santé et à l’information des assurés

4. Les demandes de rapport ne portant pas sur l’application d’une loi de financement de la sécurité sociale

5. Les dispositions empiétant sur le domaine organique

examen en commission

Annexe n° 1 : Exemples de gages pouvant être utilisés pour compenser une perte de recettes

annexe n° 2 : Liste des cavaliers budgétaires censurés par le Conseil constitutionnel entre 2022 et 2025

Annexe  3 : liste des cavaliers sociaux censurÉs par le Conseil constitutionnel ENTRE 2022 ET 2025

 


   

  Introduction

  1.   L’article 40, une limitation excessive du droit d’initiative parlementaire

Ces dernières années, le Gouvernement a fait un usage prononcé de différents dispositifs prévus par la Constitution afin d’écourter les débats, bloquer voire éviter le vote du Parlement. Figurent parmi ces dispositifs l’alinéa 3 de l’article 44, l’article 47-1 ainsi que, évidemment, l’alinéa 3 de l’article 49. Lorsque la majorité est relative, l’exécutif resserre d’autant plus l’étau du parlementarisme rationalisé sur les oppositions, quitte à en abuser.

Au sein de cette panoplie d’outils constitutionnels, le Gouvernement peut également compter sur l’article 40 de la Constitution qui, même sans nécessiter son intervention, contraint les initiatives parlementaires en prévoyant que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Cet article instaure, en somme, une inégalité entre le Gouvernement qui peut proposer, pour simplifier, des dépenses nouvelles et les parlementaires à qui la Constitution interdit de proposer de telles mesures ayant une incidence financière.

Cette restriction du droit d’amendement n’est pas une innovation de la Constitution de 1958 mais cette dernière est venue interdire toute proposition de hausse des dépenses publiques. En retenant les termes de « charge publique » (au singulier, donc), le constituant de 1958 a refusé aux parlementaires le droit de compenser les augmentations de dépenses proposées.

L’objectif de l’article 40 est double. Il constitue, d’une part, un des piliers de l’édifice du parlementarisme rationalisé qui réserve à l’exécutif l’initiative de la dépense. D’autre part, il déresponsabilise les parlementaires puisqu’il laisse entendre que ces derniers, sans cette contrainte, feraient plonger le déficit public. Cette idée a ainsi été soutenue par le précédent président de la commission des finances Éric Woerth : « L’article 40 énonce une exigence qui a pu souvent être perçue par les parlementaires comme contraignante et insatisfaisante, mais dont la signification politique est majeure : l’équilibre des finances publiques doit être préservé » ([1]).

Cette règle concourt effectivement à la promotion d’une orientation politique – parfois minoritaire au Parlement – en interdisant la mise en œuvre d’une politique alternative. Comme l’ont pointé MM. Didier Migaud et Jean Arthuis, alors présidents, respectivement, de la commission des finances de l’Assemblée nationale et de la commission des finances du Sénat, en autorisant des diminutions de recettes de plusieurs milliards d’euros compensées pour la forme – puisque le gage est quasi systématiquement levé par le Gouvernement en cas d’adoption – par une taxe additionnelle sur les tabacs et en interdisant de discuter une augmentation des dépenses, même de quelques milliers d’euros et susceptibles d’augmenter les ressources de l’État, l’article 40 est « devenu à bien des égards une “machine à créer de la dépense fiscale”. Il accrédite au surplus l’idée dangereuse selon laquelle, en matière de déficit public, la dépense fiscale n’aurait pas le même impact que la dépense budgétaire » ([2]).

L’article 40 apparaît ainsi bien utile pour imposer l’idée que la politique de l’offre est inévitable. Il autorise toute mesure qui dégrade la situation des finances publiques par des baisses d’impôts et encourage en miroir les baisses de dépenses jugées nécessaires par certains pour rééquilibrer les comptes. En revanche, il discrédite d’emblée toute politique dont l’application améliorerait les finances publiques grâce à un effet multiplicateur des dépenses publiques sur l’activité, et donc sur les recettes publiques, et qui éviterait des coûts futurs en prévoyant les investissements nécessaires à la bifurcation écologique.

La XVIe législature a par ailleurs été l’occasion de montrer – sur l’unique cas de l’abrogation de la réforme des retraites – comment cet article pouvait éviter la remise en cause de la politique de l’exécutif dans le contexte spécifique d’absence de majorité. Saisi au titre de l’alinéa 4 de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui prévoit que les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements et que l’irrecevabilité est appréciée par le président de la commission des finances, j’ai dû me prononcer sur la recevabilité de la proposition de loi n° 1164 abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite. En me fondant notamment sur la pratique, constante et communément admise par le Bureau de l’Assemblée nationale, du « gage de charge » concernant l’appréciation de la recevabilité financière d’une proposition de loi créatrice d’une charge, j’ai considéré que ce texte devait être recevable. Il est effectivement habituel d’examiner, à l’initiative des parlementaires, des textes qui présentent une aggravation de charge, tels que celui visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation ou celui visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus.

Cette proposition de loi a donc pu être examinée par la commission des affaires sociales qui a adopté un texte dans lequel la disposition abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite a été supprimée, soit la mesure aggravant une charge publique.

Mais alors que des députés ont souhaité rétablir par amendement cette disposition du texte initial en séance publique, ce qui est toujours recevable selon la pratique et la jurisprudence détaillées infra, la présidente de l’Assemblée nationale, qui apprécie la recevabilité des amendements au stade de la séance publique, n’a pas sollicité l’avis du président de la commission des finances et a considéré que ces amendements de rétablissement étaient irrecevables. L’article 40 a ainsi été instrumentalisé pour éviter un débat qui, sur un autre sujet que l’abrogation de la réforme des retraites, aurait pu avoir lieu comme le montre l’examen de différentes propositions de loi aggravant une charge publique, telles que celle visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation ou celle visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus.

L’article 40 a également été mobilisé une seconde fois pour éviter de débattre sur l’abrogation de la réforme des retraites. En effet une proposition de loi a été in fine déclarée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée nationale alors qu’elle visait, de manière identique à celle évoquée plus haut, à revenir sur le recul de l’âge de départ à la retraite. Alors que la délégation du Bureau l’avait pourtant déclarée recevable dans un premier temps, le Bureau a réexaminé cette proposition lors d’une réunion à l’issue de laquelle il l’a finalement déclarée irrecevable : il est ainsi revenu sur la première décision de recevabilité. Cette convocation du Bureau afin de le faire revenir sur le sort d’un texte dont le dépôt avait effectivement été accepté était non seulement inédite mais également sans fondement.

  1.   Une abrogation nécessaire qui renforcera l’équilibre des pouvoirs

En raison des limites qu’il impose à l’initiative législative des parlementaires, l’article 40 est régulièrement l’objet de critiques qui n’émanent d’ailleurs pas uniquement des oppositions. Ces dernières années, différentes propositions ou prises de position ont ainsi porté sur son abrogation ou du moins sur l’atténuation de sa portée.

En 2008, les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat Didier Migaud et Jean Arthuis ont ainsi suggéré de l’abroger à l’occasion de la révision constitutionnelle. Selon eux, cette suppression aurait trois effets susceptibles de résoudre les difficultés évoquées précédemment : « elle irait au bout de la logique du rééquilibrage institutionnel, mettrait un terme aux effets pervers de l’article 40 pour nos finances publiques et responsabiliserait les membres du Parlement dans ce domaine » ([3]).

Cette préoccupation était également partagée par le président Éric Woerth lors des débats sur projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative et plus efficace. Il avait ainsi déposé un amendement afin d’abroger l’article 40 en arguant qu’« il n’y a pas lieu que les parlementaires n’aient pas la même liberté de proposition que le Gouvernement » ([4]).

Plus récemment, en 2023, deux propositions de loi constitutionnelle ont été déposées : une à l’Assemblée nationale par le groupe Socialistes et apparentés ([5]) et l’autre au Sénat par le groupe Communiste républicain citoyen et écologiste ([6]). L’objectif convergent de ces deux textes était de rééquilibrer les pouvoirs du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.

À titre personnel, je considère également qu’il est souhaitable, à terme, de supprimer cet article puisque son abrogation permettrait d’élargir nos débats et revaloriserait le rôle d’un Parlement dont les prérogatives et la liberté sont régulièrement limitées par l’exécutif. Cependant, a minima et dans un premier temps, certaines inflexions semblent souhaitables. Un pis-aller serait notamment d’inscrire dans la Constitution la notion de « charge publique » non plus au singulier mais au pluriel. En d’autres termes, les amendements pourraient être discutés dès lors qu’ils présentent une hausse de recettes ou une baisse de dépenses permettant de gager la hausse des dépenses proposée, comme le recommandait le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République ([7]).

Pourtant, cette abrogation a récemment été jugée « impossible » et son assouplissement « pas souhaitable » ([8]) par le rapporteur, au Sénat, sur la proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution. Plusieurs arguments sont avancés contre la suppression ou la modification de l’article 40 : dégradation des finances publiques, déstabilisation institutionnelle, impossibilité d’évaluer la crédibilité d’une compensation de charges, désorganisation de la discussion budgétaire. Mais ces arguments ne convainquent pas. Pourquoi les parlementaires seraient-ils plus dépensiers que l’exécutif ? L’actuel déséquilibre institutionnel est-il souhaitable ? La compensation des pertes de recettes proposée par les parlementaires est-elle toujours suffisante aujourd’hui ? Les règles de l’examen du budget sont-elles immuables ?

Pour répondre à ces questions, les comparaisons internationales se révèlent intéressantes. S’il peut exister des limitations au droit d’amendement dans différents pays, l’interdiction de propositions coûteuses n’est pas la règle. Comme le rappelle l’OCDE, 52 % des 38 pays membres ne prévoient pas de restrictions ([9]). Par exemple, aux États-Unis, l’irrecevabilité financière n’existe pas et en Espagne, les charges peuvent être compensées avec l’accord du Gouvernement.

  1.   En tant que « juge » de la recevabilité financière, lE président de la commission des finances doit respecter les contraintes prévues par le constituant tout en garantissant le droit d’initiative parlementaire

Bien que je considère souhaitable l’abrogation de cet article 40, je ne peux pas pour autant décider de passer outre la volonté du constituant lors du contrôle de la recevabilité. Dès lors que l’adoption d’une disposition proposée par un député ou une députée aurait pour effet d’aggraver une charge publique, je la considère irrecevable. De plus, d’autres dispositions encadrent le droit d’amendement. Pour cette raison, bon nombre d’amendements irrecevables ne le sont pas au titre de l’article 40 mais parce qu’ils sont contraires au cadre organique des lois financières.

Cependant, c’est avec la volonté de favoriser les initiatives parlementaires et d’assouplir la jurisprudence que le contrôle de la recevabilité est assuré depuis 2022. En appréciant la recevabilité financière, le président de la commission des finances doit effectivement s’efforcer de concilier différentes exigences constitutionnelles avant de rendre des décisions dont seul le Conseil constitutionnel peut en dernier ressort apprécier le bien-fondé.

Ainsi, des dispositions constitutionnelles ont déjà été utilisées pour limiter l’application de l’article 40. Une lecture croisée a par exemple été développée pour favoriser la recevabilité financière des initiatives parlementaires proposant des expérimentations qui engagent de nouvelles dépenses publiques. La combinaison de l’article 40 et de l’article 37-1 de la Constitution permet par exemple de juger recevables, sous certaines conditions, des propositions d’expérimentations coûteuses pour les finances publiques.

C’est également en me fondant sur la lecture combinée de différents articles de la Constitution que j’ai pu soutenir qu’une lecture trop stricte de l’article 40 dans le cadre de l’examen de recevabilité d’une proposition de loi en vue d’une discussion lors d’une niche parlementaire rendrait inopérantes les dispositions garantissant un droit d’initiative parlementaire spécifique aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires (alinéa 5 de l’article 48 de la Constitution). Il s’agissait, en l’espèce, de la proposition de loi n° 1164 abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite.

Par ailleurs, la jurisprudence développée par les présidents successifs de la commission, détaillée ci-dessous, va dans le sens d’un assouplissement du contrôle de la recevabilité. Dès que cela est possible, je recherche une interprétation permettant à l’auteur.ice de voir son amendement examiné.

Cela a par exemple été le cas d’assouplissements significatifs concernant des dispositions programmatiques et non normatives, qui n’emportent pas en elles-mêmes de nouvelles dépenses, mais qui permettent à l’Assemblée nationale de débattre de sujets cruciaux. J’ai également introduit la jurisprudence « démocratie », déjà développée au Sénat, qui permet de tolérer les initiatives parlementaires visant à améliorer l’exercice de la démocratie par les citoyens et qui, de même que d’autres assouplissements, n’a pas été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Concernant les pertes de recettes, j’ai admis la possibilité d’un « auto-gage » lorsque l’effet d’un amendement sur les recettes est manifestement supérieur à son effet baissier. Pour favoriser les débats sur la seconde partie du projet de loi de finances, les règles de recevabilité des amendements de crédits ont été assouplies. Enfin, j’ai adopté une lecture constructive de la LOLFSS et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. D’une part, j’apprécie de manière souple et systématiquement favorable aux auteur.ices d’amendements l’obligation de borner à trois ans les allègements de cotisations sociales proposés sur un texte autre que le PLFSS. D’autre part, les demandes de rapport au Gouvernement par voie d’amendements lors de l’examen du PLFSS sont désormais admises lorsqu’elles portent sur une disposition du texte en cours d’examen – et non plus seulement sur des LFSS déjà promulguées – ou sur des dispositions législatives codifiées dès lors qu’elles ont pour origine une LFSS.

Toujours afin de favoriser le débat, je me tiens à la disposition des député.e.s qui peuvent me consulter en amont du dépôt des amendements afin de les conseiller sur d’éventuelles modifications à apporter à leurs dispositifs pour les rendre conformes à l’article 40 de la Constitution, mais aussi à l’issue de l’examen de recevabilité : lorsque j’identifie une voie de passage, je recommande à l’auteur.ice certaines modifications afin de rendre recevable un amendement. Par exemple, au cours de l’examen du projet de loi puis de la proposition de loi sur la fin de vie, de nombreux amendements visant à étendre le dispositif prévu par ce texte, dont les frais pour les personnes sont pris en charge par la sécurité sociale, ont alors pu être examinés après que j’ai proposé une neutralisation de la charge.

En m’attachant à appliquer l’article 40 de la Constitution avec toute la souplesse que les textes m’autorisent et sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le taux d’irrecevabilité a substantiellement diminué alors même que les récentes réformes du cadre organique ont entraîné une augmentation des irrecevabilités pour méconnaissance des lois organiques relatives aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Le taux d’irrecevabilité en séance publique est ainsi passé de 16,4 % des amendements déposés en 2021-2022, à 12,1 % en 2022-2023, puis 8 % en 2023-2024 et enfin 7,3 % en 2024-2025.

Je ne doute pas que cette actualisation du rapport sur la recevabilité financière permettra aux député.e.s d’éviter de voir bon nombre de leurs amendements jugés irrecevables. Et pour la part qui le demeurera en raison d’une aggravation d’une charge publique, seule l’abrogation de l’article 40 permettra d’y échapper.

 


PremiÈre partie : Les autoritÉs chargÉes du contrÔle
de la recevabilitÉ financiÈre

L’organisation actuelle du contrôle de recevabilité financière des initiatives parlementaires résulte à la fois d’héritages issus de pratiques antérieures à la Constitution du 4 octobre 1958 et des exigences posées en la matière par la jurisprudence constitutionnelle.

Si les premières interprétations de l’article 40 de la Constitution ont pu laisser croire qu’il revenait au Gouvernement d’appliquer ces dispositions, le Conseil constitutionnel a très tôt dégagé la nécessité d’un contrôle des initiatives parlementaires « par des instances propres à l’Assemblée nationale et au Sénat », tout en indiquant, dans un premier temps, que ce contrôle pouvait être mis en œuvre « au cours des débats parlementaires » ([10]).

Le Conseil constitutionnel a par la suite estimé que l’article 40 de la Constitution exige qu’il soit procédé à un contrôle systématique et a priori, c’est-à-dire qu’il doit intervenir pour toutes les propositions de loi avant leur dépôt et pour tous les amendements avant leur mise en discussion ([11]). Il a également rendu entre 2005 et 2009 plusieurs décisions ([12]) affirmant clairement qu’il incombe à chaque assemblée d’exercer un contrôle effectif et systématique au dépôt de la recevabilité des amendements et des propositions de loi.

Ainsi, selon une formule désormais connue, « le respect de l’article 40 de la Constitution exige qu’il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité, au regard de cet article, des propositions et amendements formulés par les [députés et sénateurs] et cela antérieurement à l’annonce de leur dépôt et par suite avant qu’ils ne puissent être publiés, distribués et mis en discussion, afin que seul soit accepté le dépôt des propositions et amendements qui, à l’issue de cet examen, n’auront pas été déclarés irrecevables ; qu’il impose également que l’irrecevabilité financière puisse être soulevée à tout moment non seulement à l’encontre des amendements, mais également à l’encontre des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies » ([13]). Cette jurisprudence a conduit le Sénat, compte tenu du risque d’inconstitutionnalité qui pesait sur ses initiatives, à réviser son règlement et à mettre en place à compter du 1er janvier 2007 un contrôle systématique et a priori des amendements et propositions de loi.

  1.   Le contrÔle des amendements

Pour l’ensemble des étapes de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi, la recevabilité financière est appréciée au moment de l’expiration du délai de dépôt, de sorte que les modifications ultérieures ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de rendre recevable un ou plusieurs amendements. L’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale définit les autorités chargées du contrôle de la recevabilité financière des initiatives parlementaires en distinguant le contrôle des amendements en commission et en séance, qui représente la plus grande part du contrôle de recevabilité, le contrôle des propositions de loi ainsi que le contrôle des initiatives parlementaires en cours d’examen.

Selon ces procédures, sont opposables aux initiatives parlementaires à la fois les dispositions dont l’adoption aurait les conséquences prévues par l’article 40 de la Constitution et, dans les mêmes conditions, celles qui seraient contraires à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([14]) ou à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) ([15]).

A.   Le rÔle prÉpondÉrant du prÉsident de la commission des finances

Si le Règlement conférait initialement une place centrale au bureau de la commission des finances, le rôle prépondérant du président de la commission des finances est officiellement reconnu depuis la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN) intervenue en 2009 ([16]). À cet égard, il convient de souligner, comme le confirment les travaux préparatoires à la révision du Règlement, que les prérogatives de contrôle sont bien confiées au président de la commission des finances, à titre principal, et que l’intervention du rapporteur général ou d’un autre membre du bureau de la commission spécialement désigné à cet effet n’est prévue qu’en cas d’empêchement du président.


Le président de la commission des finances peut être amené à formuler un avis sur la recevabilité financière des amendements à la fois au stade de l’examen en commission et lors de l’examen en séance :

– en commission, en application du deuxième alinéa de l’article 89 du Règlement, la recevabilité financière des amendements est appréciée par le président de la commission saisie au fond qui, en cas de doute, peut consulter le président de la commission des finances ;

– en séance, en application du troisième alinéa de l’article 89 du Règlement, la recevabilité financière des amendements est appréciée par le président de l’Assemblée nationale qui, en cas de doute, peut consulter le président de la commission des finances.

S’agissant des textes examinés par la commission des finances, en particulier les textes financiers, le président de la commission des finances procède naturellement à l’examen systématique de l’intégralité des amendements et se prononce aussi bien sur leur recevabilité financière que sur les autres catégories de recevabilité.

Il convient de souligner, qu’en pratique, la consultation du président de la commission des finances par les autres présidents de commission ou par le président de l’Assemblée en cas de doute sur la recevabilité financière d’un amendement est devenue quasi-systématique, quoi qu’encore davantage pratiquée en vue de l’examen en séance qu’en commission. Bien qu’ils ne soient pas contraignants, les avis du président de la commission des finances sont dans l’immense majorité des cas suivis par les présidents de commission et par le président ou la présidente de l’Assemblée nationale. La consultation du président de la commission des finances contribue ainsi à renforcer l’unicité de la jurisprudence ainsi que la cohérence des décisions de recevabilité rendues dans les différentes commissions et en séance. Elle rend aussi plus lisibles les règles applicables pour les députés et leurs collaborateurs.

B.   Une activitÉ de contrÔle soutenue qui favorise autant que possible l’initiative parlementaire

Si le nombre de textes et d’amendements sur lequel le président de la commission des finances est amené à formuler un avis de recevabilité tend à augmenter significativement, le taux d’irrecevabilité des amendements est quant à lui en diminution.

1.   L’augmentation continue du nombre d’amendements examinés

Depuis juillet 2022, le président de la commission des finances a été amené à contrôler la recevabilité d’un nombre d’amendements particulièrement élevé.

Le nombre d’amendements examinés au titre du contrôle de recevabilité financière a atteint un point haut en 2022-2023, avec 46 895 amendements analysés, dont 20 775 dans le cadre de la réforme des retraites inscrite dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Il s’est maintenu à un niveau élevé en 2023-2024, avec 28 208 amendements étudiés, notamment du fait d’un automne budgétaire particulièrement dense (19 386 amendements examinés lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024).

Les 25 935 amendements examinés en 2024-2025 se sont quant à eux répartis de façon égale entre le premier et le second semestre, notamment du fait d’un automne budgétaire moins dense que celui de l’année précédente. Ces standards, certes inférieurs à ceux des deux années précédentes, demeurent toutefois nettement supérieurs à ceux des législatures antérieures et n’avaient guère été atteints qu’au cours de l’année 2019-2020, marquée par l’examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (10 287 amendements).

Nombre d’amendements examinÉs
par le prÉsident de la commission des finances

Source : commission des finances.

Note de lecture : les chiffres des sessions 2019-2020 et 2022-2023 incluent les amendements déposés, respectivement, sur la réforme des retraites de 2020 (10 287 amendements) et sur la réforme de 2023 (20 775 amendements).

Le nombre d’amendements traités en vue de l’examen d’un texte en séance représente 70 % du total, contre 19 % pour les textes examinés par la commission des finances et 11 % pour les textes discutés dans une autre commission.

Le nombre de textes sur lesquels le président de la commission des finances est consulté tend également à augmenter. Il a atteint un nouveau point haut chaque année depuis 2022, sauf en 2023-2024 en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale et de l’arrêt des travaux législatifs alors en cours. Le nombre de 262 saisines examinées au cours de l’année 2024-2025 est ainsi plus de deux fois supérieur au nombre moyen de saisines intervenues entre 2014 et 2022 (121 saisines par an).

Nombre de saisines traitÉes par le prÉsident de la commission des finances

Source : commission des finances.

Note de lecture : les chiffres portent sur le nombre de textes sur lesquels, pour la séance ou pour une commission, et pour un même niveau de lecture, le président de la commission des finances a été amené à donner un ou plusieurs avis. Cela ne vaut toutefois pas pour le projet de loi de finances : on compte alors la première partie comme une saisine distincte de la seconde partie, et pour la seconde partie plusieurs saisines distinctes d’une commission à l’autre.

Ces chiffres résultent naturellement de la hausse du nombre de textes et d’amendements examinés par l’Assemblée nationale mais témoignent également du fait que la saisine du président de la commission des finances est devenue une pratique constante, continue et partagée par tous.

2.   Un taux d’irrecevabilité en diminution

Malgré l’augmentation du nombre d’amendements et de textes sur lesquels le président de la commission des finances a été amené à se prononcer, le taux d’irrecevabilité des amendements a diminué depuis trois ans.

Le taux d’irrecevabilité peut dépendre de paramètres exogènes : nombre de textes financiers examinés dans l’année, réforme de la LOLF ou de la LOLFSS, modifications législatives entraînant des changements de jurisprudence, degré de normativité des textes examinés, décisions de renvois plus ou moins larges des autorités chargées du contrôle de recevabilité financière, etc. Au‑delà de ces fluctuations interannuelles, sur les trente dernières années, une tendance nette à la croissance du taux d’irrecevabilité se dessine. En contraste avec cette tendance, la diminution continue du taux d’irrecevabilité au cours des XVIe et XVIIe législature témoigne de la volonté constante et réaffirmée du président de la commission des finances de rendre des décisions les plus favorables possibles à l’initiative parlementaire.

Tandis que le nombre d’amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou de la recevabilité organique, lors des examens en séance publique ([17]), avait atteint 16,4 % des amendements déposés en 2021-2022, ce pourcentage s’est élevé à 12,1 % en 2022-2023, 8,0 % en 2023-2024 et 7,3 % en 2024-2025.

Évolution du taux d’irrecevabilitÉ financiÈre en sÉance

Source : commission des finances.

Le taux d’irrecevabilité est de façon structurelle, et en raison des exigences fortes relatives au domaine des lois des finances et des lois de financement de la sécurité sociale, plus élevé pour les textes financiers. Pour autant, pour ces textes financiers, la tendance à la diminution de ce taux au cours des deux dernières législatures est nette. De 22,8 % en 2021-2022, il est tombé à 14 % en 2024-2025. Pour les textes non financiers, la part d’amendements irrecevables a diminué de 8,8 % en 2021-2022 à 4 % en 2023-2024 avant de remonter légèrement à 5,6 % en 2024-2025.

Évolution du taux d’irrecevabilitÉ financiÈre en sÉance

Source : commission des finances.

Plus de la moitié des amendements (61,7 %) déclarés irrecevables l’ont été au motif qu’ils créent ou aggravent une charge publique. À l’inverse, seuls 5,1 % des amendements irrecevables l’ont été parce qu’ils diminuaient les recettes publiques sans y apporter un gage approprié. Cette asymétrie résulte naturellement du fait qu’une diminution des recettes publiques peut être gagée tandis qu’une charge publique ne le peut pas.

RÉpartition des amendements irrecevables
selon leur motif d’irrecevabilitÉ entre 2022 et 2025

Source : commission des finances.

Le maintien à un niveau élevé des irrecevabilités liées à la LOLF et à la LOLFSS résulte de plusieurs évolutions contradictoires. D’une part, la réforme des textes organiques de 2021-2022 ainsi que les assouplissements opérés par le président de la commission des finances, notamment s’agissant des amendements de crédits, ont conduit à déclarer recevables des amendements qui auparavant ne l’étaient pas. D’autre part, la même réforme de 2021-2022 a conduit à renforcer, progressivement entre la fin 2022 et la fin 2024, le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, en particulier concernant l’affectation d’une imposition de toute nature à un tiers ainsi que la création ou la modification d’allègements sociaux.

Les autres motifs d’irrecevabilité (1 %) correspondent aux cas extrêmement rares d’amendements déclarés contraires à l’article 40 de la Constitution sans que le président de la commission des finances soit consulté (une centaine de cas sur 101 000 amendements renvoyés depuis 2022). Une grande majorité de ces cas d’irrecevabilité sans consultation préalable du président de la commission des finances peut s’expliquer par des délais d’examen parfois trop contraints pour saisir utilement le président de la commission des finances. De la même manière, l’avis du président de la commission des finances, bien que non contraignant, est presque toujours suivi par les présidents de commission et le président de l’Assemblée : on ne trouve que cent vingt-deux amendements déclarés irrecevables contre l’avis du président de la commission des finances, cinquante-deux lors d’un examen en commission et soixante-dix lors d’un examen en séance, et un nombre encore plus restreint d’amendements ainsi déclarés recevables.

La diminution du taux d’irrecevabilité résulte d’une volonté assumée du président de la commission des finances de retenir, pour chaque amendement, l’interprétation la plus favorable à l’initiative parlementaire. Comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale, le président et les services chargés de l’assister se sont tenus à la disposition des députés et de leurs assistants en amont de chaque texte, pour leur fournir tous conseils de nature à rendre leurs amendements recevables lorsqu’il existe une possibilité en ce sens, et en aval des décisions d’irrecevabilité, afin d’expliquer les décisions prises et, le cas échéant, de proposer des solutions. Cette activité d’explication des règles et de conseil à la rédaction des amendements est largement informelle et donc difficilement quantifiable, mais elle s’est maintenue à un niveau élevé chaque année depuis 2022.

  1.   Le contrÔle des propositions de loi

Si le président de la commission des finances ne joue aucun rôle dans le contrôle de recevabilité des propositions de loi au stade de leur dépôt, il est en revanche seul décisionnaire en cas de contrôle d’une proposition de loi en cours d’examen.

  1.   Le contrÔle des propositions prÉalablement À leur dÉpÔt

En application du premier alinéa de l’article 89 du Règlement, la recevabilité financière des propositions de loi, au stade du dépôt, est appréciée par le Bureau de l’Assemblée nationale ou par certains de ses membres délégués par lui à cet effet. En pratique, la recevabilité des propositions de loi est ainsi appréciée par une délégation du Bureau composée, selon les législatures, d’un ou de deux membres.

Le président de la commission des finances n’est quant à lui pas impliqué dans l’examen de la recevabilité des propositions de loi préalablement à leur dépôt.

Suivant les exigences du Conseil constitutionnel en matière de recevabilité financière, le contrôle de la recevabilité des propositions de loi avant leur dépôt est systématique : il concerne donc toutes les propositions de loi. Sont opposables aux initiatives parlementaires à la fois les dispositions dont l’adoption aurait les conséquences prévues par l’article 40 de la Constitution et, dans les mêmes conditions, celles qui seraient contraires à la LOLF ou à la LOLFSS.

Contrairement aux règles applicables aux amendements, mais conformément à une pratique coutumière favorable à l’initiative parlementaire, la délégation du Bureau chargée d’examiner la recevabilité des propositions de loi adopte une approche plus souple des règles de recevabilité financière, notamment en ce qu’elle tolère la pratique du « gage de charge ». En conséquence, aucun refus n’est opposé sur le fondement de l’article 40 de la Constitution au dépôt d’une proposition de loi coûteuse à condition que celle-ci soit assortie d’un gage suffisamment consistant pour couvrir les charges induites par son dispositif. Il convient toutefois de souligner que cette tolérance était circonscrite, jusqu’au début de la XVIe législature, au stade du dépôt de la proposition de loi (voir le C du III de la deuxième partie).

  1.   Le contrÔle des initiatives parlementaires en cours d’examen

En application du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement, les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment, par le Gouvernement ou par tout député, aux propositions de loi et aux amendements ainsi qu’aux modifications apportées par les commissions aux textes dont elles sont saisies.

Dans ce cas, la recevabilité des dispositions mises en cause est appréciée par le président de la commission des finances lui-même, à l’aide des mêmes raisonnements que ceux appliqués pour le contrôle a priori de la recevabilité des amendements. Si certains articles, alinéas ou mots de la proposition se révèlent contraires à l’article 40 de la Constitution, la proposition est purgée de ces éléments problématiques, mais n’est pas ipso facto déclarée irrecevable dans sa globalité.

Si la saisine peut porter sur tout ou partie d’une proposition de loi, elle ne peut toutefois pas viser une proposition d’origine sénatoriale, en application de la règle selon laquelle les textes transmis d’une chambre à l’autre au cours de la navette parlementaire sont réputés conformes aux dispositions de l’article 40.

Depuis juillet 2022, le président de la commission des finances a été conduit à rendre huit décisions sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 89.

DÉcisions rendues en application de l’article 89, alinÉa 4, du rÈglement

Date

Proposition de loi concernée

Sens de la décision rendue

9 février 2023

Proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement

Recevable

2 mai 2023

Proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies

Recevable

30 mai 2023

Proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite

Recevable

21 novembre 2023

Proposition de loi visant à lutte contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques

Recevable

17 octobre 2024

Proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités

Recevable

20 novembre 2024

Proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans

Recevable

25 novembre 2024

Proposition de loi visant à instaurer une rémunération maximale dans les entreprises

Recevable

4 mars 2025

Proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille

Recevable

Parmi ces décisions, une seule a été suivie d’une décision du Conseil constitutionnel portant une appréciation sur l’application de l’article 40. Dans sa décision du 7 août 2025 sur la loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille ([18]), le Conseil a suivi l’ensemble des raisonnements du président de la commission des finances dans sa décision rendue en application du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement (voir les 1 et 2 du B du III de la deuxième partie).

Enfin, le Règlement de l’Assemblée nationale comprend d’autres moyens de s’opposer à l’examen d’une proposition de loi au titre de son irrecevabilité financière présumée. Ainsi, l’article 91 alinéa 5 prévoit la possibilité de soutenir une motion de rejet préalable visant à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.

  1.   Le contrÔle du Conseil constitutionnel

Les décisions relatives à la recevabilité financière des initiatives parlementaires prises par les autorités chargées d’en assurer l’application sont susceptibles d’être contestées, en dernier ressort, devant le Conseil constitutionnel.

Toutefois, le Conseil ne peut statuer avant l’achèvement de la procédure législative ([19]), mais uniquement s’il est saisi dans le cadre du contrôle de constitutionnalité d’une loi définitivement adoptée.

En outre, en application de la règle dite du « préalable parlementaire » qu’il a dégagée, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi de la question de savoir si une proposition ou un amendement formulé par un membre du Parlement a été adopté en méconnaissance de l’article 40 de la Constitution que si cette question a été soulevée devant la première assemblée saisie de la disposition ([20]). Le Conseil constitutionnel a précisé que la première assemblée saisie correspondait à celle devant laquelle l’amendement litigieux a été déposé et adopté, quand bien même l’autre chambre aurait eu à connaître antérieurement d’un amendement analogue sans l’adopter, qu’il ait été déclaré irrecevable ou rejeté ([21]).

Cette règle restrictive limite les hypothèses dans lesquelles une question de recevabilité financière pourrait lui être soumise, elle permet également d’éviter le recours au contrôle du Conseil constitutionnel pour arbitrer entre d’éventuelles appréciations divergentes de la recevabilité financière dans les deux assemblées du Parlement.

La règle du préalable parlementaire est toutefois subordonnée, au sein de chaque assemblée, « à la mise en œuvre d’un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de tels amendements ». S’il estime qu’une telle procédure n’existe pas au sein de l’une des deux assemblées, le Conseil constitutionnel peut être amené à censurer des dispositions contraires à l’article 40 de la Constitution ([22]).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel est conduit à exercer de manière systématique le contrôle de recevabilité sur les propositions de loi référendaire présentées en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, qui lui sont transmises lorsqu’elles ont recueilli les signatures d’un cinquième des parlementaires, sans que dans ce cas la règle du préalable parlementaire n’intervienne ([23]).

 

 


DeuxiÈme partie : l’article 40 de la constitution

L’examen de la recevabilité financière procède de plusieurs raisonnements successifs dont les paramètres peuvent évoluer en fonction de l’état du droit en vigueur et du texte examiné. Soucieux de favoriser l’initiative parlementaire, le président de la commission des finances adopte toujours l’interprétation la plus favorable aux députés, qu’il s’agisse de la définition du champ du contrôle et de la caractérisation des recettes et des charges publiques.

  1.   Le champ du contrÔle

Définir le champ du contrôle revient à déterminer les textes auxquels l’article 40 de la Constitution s’applique, les organismes et structures concernés ainsi que la base de référence prise en compte.

  1.   Les textes auxquels s’applique le contrÔle

Participant du parlementarisme rationalisé, l’article 40 de la Constitution vise les « propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ». Il ne s’applique donc pas au Gouvernement qui peut déposer des projets de loi ou des amendements qui augmentent une dépense publique ou diminuent les recettes publiques.

1.   Les textes dans le champ de l’article 40

a.   Les textes concernés par l’application de l’article 40 sont l’ensemble des projets et propositions de loi ordinaire ou de loi organique

Les dispositions de l’article 40 s’appliquent aux propositions de loi ordinaire et aux amendements déposés sur les projets et propositions de loi ordinaires examinés par le Parlement. Le contrôle de la recevabilité d’un texte ou d’un amendement est opéré à chaque étape de son examen par une assemblée : lors du dépôt pour les propositions de loi, lors de l’examen par la commission saisie au fond et par les éventuelles commissions saisies pour avis, puis en séance publique.

Les amendements déposés sur les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont naturellement inclus dans le champ de l’article 40 et font l’objet des mêmes contrôles de recevabilité financière que ceux déposés sur un projet ou une proposition de loi ordinaire.

Les lois organiques font l’objet d’un contrôle de recevabilité financière au moment de leur dépôt, par la délégation du Bureau de l’Assemblée nationale chargée d’examiner la recevabilité des propositions de loi, ainsi que les amendements déposés sur ces textes au moment de leur examen. Toutefois, contrairement aux lois ordinaires, ce contrôle porte uniquement sur le respect de l’article 40 de la Constitution, et non sur le respect des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).

b.   Les lois de programmation : une distinction à opérer entre dispositions programmatiques et normatives

Les lois de programmation sectorielles, telles que la loi de programmation militaire, la loi de programmation de la recherche ou encore la loi de programmation de la justice, sont soumises à l’examen de la recevabilité financière. Toutefois, le caractère mixte de ces textes conduit à une appréciation différenciée selon la portée normative ou non de leurs dispositions.

Ainsi que l’a établi le Conseil d’État ([24]), les dispositions à visée programmatique ne peuvent être considérées comme pleinement normatives. Elles n’emportent pas en elles-mêmes de nouvelles dépenses mais ne font que prévoir des dépenses futures dont la réalisation nécessite d’être confirmée dans un texte ultérieur. Par conséquent, les amendements aux articles de programmation budgétaire pluriannuelle, en raison de leur absence de portée normative et quand bien même ils seraient mieux-disants, sont recevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

En particulier, le président de la commission des finances a assoupli la jurisprudence en déclarant systématiquement recevables les amendements déposés au rapport annexé à un projet ou à une proposition de loi. Cela concerne, par exemple, les rapports annexés à une loi de programmation sectorielle ainsi que le rapport figurant en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

A contrario, les dispositions normatives contenues même dans une loi de programmation sectorielle sont soumises au contrôle de la recevabilité financière (voir le 5 du B du III de la présente deuxième partie).

2.   Les textes exclus du champ de l’article 40

Les projets et propositions de loi constitutionnelle ne sont pas soumis au contrôle de la recevabilité financière. En l’absence de hiérarchie entre des dispositions juridiques de rang équivalent, a fortiori entre normes constitutionnelles ([25]), l’article 40 ne prévaut pas sur les autres articles de la Constitution.

Par ailleurs, en raison de son caractère non normatif, tout acte parlementaire autre qu’une proposition de loi ou un amendement touchant à un projet ou une proposition de loi échappe à l’article 40 de la Constitution.

Sont ainsi exclues du champ de l’article 40 :

– les propositions de résolution déposées en application de l’article 34-1 de la Constitution, les propositions de résolution européennes déposées en application des articles 88-4 ou 88-6 du même texte et les autres catégories de résolution (modification du Règlement de l’Assemblée nationale, création d’une commission d’enquête, etc.) ;

– les motions pouvant être examinées par l’Assemblée nationale : le Règlement de l’Assemblée nationale exclut l’application de l’article 40 de manière explicite pour les motions « tendant, en application des articles 72-4 ou 73 de la Constitution, à proposer au Président de la République de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale d’outre-mer », et de façon implicite pour les motions tendant à autoriser l’adoption du projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne.

B.   Les organismes soumis À l’application de l’article 40

1.   Les administrations publiques

Le champ de l’article 40 couvre a minima les administrations publiques au sens de la comptabilité nationale ([26]) : l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC), les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de sécurité sociale (ASSO).

a.   L’État et les organismes divers d’administration centrale

● L’État est naturellement inclus dans le champ de la recevabilité financière, qu’il s’agisse des pouvoirs publics (la Présidence de la République, les assemblées parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République), des services ministériels de l’État sans personnalité morale propre, relevant d’une administration centrale ou déconcentrée, des organismes consultatifs et des juridictions. De la même manière, l’article 40 est applicable à l’ensemble des opérations de l’État, qu’elles soient retracées dans le budget général, les budgets annexes ou les comptes spéciaux.

● Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) sont placés dans le champ de l’article 40 au même titre que l’État, car ils en constituent des démembrements. Cette catégorie regroupe des organismes auxquels l’État a confié une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national :

– les opérateurs de l’État : ce sont les structures exerçant une activité de service public, dont le financement est assuré majoritairement par l’État sous la forme de subventions ou de ressources affectées et sur lesquelles l’État exerce un contrôle direct ;

Les opérateurs de l’État

Les opérateurs peuvent prendre des formes diverses :

– établissements publics : administratifs (EPA), industriels et commerciaux (EPIC), à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ;

– groupements d’intérêt public (GIP) ;

– personnes privées : associations (centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique – CITEPA – centre national des arts du cirque – CNAC, par exemple), fondations (Fondation nationale des sciences politiques, par exemple) ;

– établissements disposant d’un statut sui generis (France compétences ou Grande chancellerie de la Légion d’honneur, par exemple).

– les autorités publiques indépendantes (API) dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, telles que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (ARCOM), la Haute Autorité de santé (HAS) ou l’Autorité des marchés financiers (AMF), et les autorités administratives indépendantes (AAI), non dotées d’une personnalité morale ;

– les ODAC qui ne relèvent pas de la catégorie des opérateurs ni des API ou AAI. À titre d’exemple, cette catégorie inclut la Société de prise de participation de l’État (SPPE), l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) ou la Caisse de la dette publique.

● Enfin, les fonds publics comme le fonds national d’aide au logement (FNAL) ou le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) sont également dans le champ de l’article 40. En effet, ces fonds perçoivent pour la plupart des subventions d’équilibre portées par le budget général et concourent au financement d’une politique publique.

b.   Les administrations publiques locales

● Les collectivités territoriales visées par le titre XII de la Constitution (régions, départements, communes, collectivités à statut particulier et collectivités d’outre-mer) ainsi que la Nouvelle-Calédonie, visée à son titre XIII, sont placées dans le champ de l’article 40, de même que l’ensemble des groupements formés par ces mêmes collectivités.

● Par conséquent, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou sans fiscalité propre, y compris les pôles métropolitains et les pôles d’équilibre territorial et rural (PETR), sont inclus dans le périmètre du contrôle de la recevabilité. Par extension, il en est de même pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

● L’article 40 s’applique à l’ensemble des organismes divers d’administration locale (ODAL) :

– les organismes consulaires : chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers et de l’artisanat, chambres régionales de l’économie sociale et solidaire ;

– les structures chargées de l’aménagement du territoire, comme les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) : en effet, ces sociétés anonymes exercent des missions d’intérêt général et leurs activités et prérogatives de puissance publique sont placées sous la tutelle des ministères chargés de l’agriculture et des finances ;

– les associations culturelles financées par les collectivités territoriales : théâtres communaux, maisons de la culture ;

– les établissements publics locaux : établissements publics locaux d’enseignement (collèges, lycées), centres communaux et intercommunaux d’action sociale, services d’incendie et de secours, caisses des écoles, établissements publics fonciers locaux ;

– les crèches communales.

Même si elles ne sont pas des ODAL, les régies autonomes, qu’elles soient chargées des transports collectifs ou de l’assainissement (comme les services publics d’assainissement non collectifs, principalement financés par des redevances) sont bien dans le champ de l’article 40. Cette règle conduit à placer la Régie autonome des transports parisiens (RATP) dans le champ de l’article 40, en raison de son statut d’établissement public industriel et commercial et des concours financiers qu’elle perçoit de la part d’Île-de-France Mobilités (IDFM).

c.   Les administrations de sécurité sociale

Le périmètre de l’article 40 recouvre la quasi-totalité du périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui est plus étendu que celui des lois de financement de la sécurité sociale (présenté au A du II de la troisième partie).

Il s’agit d’abord des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale :

– le régime général pour ses cinq branches ;

– l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), pour la gestion de la trésorerie du régime général ;

– les régimes des salariés et non-salariés agricoles ;

– les régimes des libéraux ;

– les régimes spéciaux (pour leurs prestations de base) ;

– les caisses chargées de la gestion de l’ensemble de ces mêmes régimes.

L’ensemble des fonds concourant au financement de ces régimes, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, ainsi que les organismes financés par ces régimes ou qui financent des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) sont également situés dans le champ de la recevabilité : le fonds de réserve pour les retraites (FRR), l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) ainsi que les fonds d’assurance maladie, tels que le fonds d’intervention régional (FIR) ou le fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS).

D’autres organismes constituent des satellites de la sécurité sociale : ils figurent à l’annexe 2 qui accompagne chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Les ASSO regroupent également le régime d’indemnisation du chômage (UNÉDIC) et les associations et agences qui complètent ce dispositif. Les ressources de ces régimes – cotisations obligatoires, fraction de contribution sociale généralisée (CSG) – et les garanties accordées par l’État sur les emprunts de l’UNÉDIC justifient leur inclusion dans le champ de la recevabilité.

Enfin, les organismes dépendant des assurances sociales (ODASS) sont situés dans le périmètre du contrôle de la recevabilité : les hôpitaux publics  centres hospitaliers (CH), centres hospitaliers universitaires (CHU), centres hospitaliers régionaux (CHR), hôpitaux locaux  les hôpitaux privés sans but lucratif et participant au service public hospitalier, les groupements hospitaliers de territoires (GHT).

Les régimes complémentaires de sécurité sociale, qu’ils soient facultatifs ou obligatoires, restent en dehors du champ du contrôle de la recevabilité, compte tenu du caractère privé des organismes gestionnaires. Toutefois, en raison de leur caractère collectif et obligatoire et de leur rattachement à la sphère des ASSO, les régimes complémentaires de retraite entrent dans le champ de l’article 40. Si ces régimes, composés principalement de l’AGIRC-ARRCO et de l’IRCANTEC, sont gérés par les partenaires sociaux, leurs éventuels déficits et dettes sont pris en compte dans le calcul du solde des administrations publiques. De plus, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances tient systématiquement compte de ces régimes pour présenter les perspectives d’évolution des comptes des administrations publiques.

2.   Les autres organismes

Au‑delà des seules administrations publiques, le recours à un faisceau d’indices permet de déterminer si une structure entre dans le champ de l’article 40, en fonction de la nature des missions exercées, du contrôle ou de la tutelle exercée par une personne publique et de la nature des ressources utilisées.

Les précédents présidents de la commission des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont dressé un parallèle avec le droit de l’Union européenne et notamment le faisceau d’indices découlant de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif à l’interdiction des aides d’État.

a.   L’application d’un faisceau d’indices

Pour juger de l’applicabilité de l’article 40 de la Constitution, il faut tenir compte pour chaque organisme :

– de son statut juridique : si les établissements publics administratifs (EPA), qu’ils soient nationaux ou locaux, relèvent clairement de l’article 40, le cas des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) laisse davantage de place pour une appréciation au cas par cas ;

– de la nature de ses missions : l’organisme en question a-t-il un but d’intérêt général ou exerce-t-il une activité strictement commerciale et lucrative ?

– de la nature et de l’origine de ses ressources : prélèvements obligatoires : impôts et cotisations sociales ; redevances ou prix ; subventions publiques, etc. ;

– des pouvoirs et moyens spécifiques dont il dispose : prérogatives de puissance publique, monopole légal, statut de son personnel, régime des biens qu’il exploite, etc. ;

– de ses modalités de fonctionnement : autonomie juridique, contrôle public, composition de ses instances dirigeantes ;

– de l’éventuelle garantie publique dont il est susceptible de bénéficier ;

– ainsi que, le cas échéant, de la composition de son capital et de la nature de ses détenteurs.

En tout état de cause, le fait qu’un organisme réponde à l’un seul des critères retenus dans le cadre de la théorie du « faisceau d’indices » est insuffisant pour justifier son inclusion dans le champ de la recevabilité financière ; en revanche, plus le nombre de critères destinés à mesurer la dimension « publique » d’une structure auxquels répond l’organisme est important, plus celui-ci a de chances de relever de l’article 40.

Liste non exhaustive de structures entrant dans le champ d’application
de l’article 40 selon la thÉorie du faisceau d’indices

Nature

Critères justifiant l’inclusion dans le champ de l’article 40

Exemples

Institutions financières publiques

Administrations publiques à part entière

Caisse des dépôts et des consignations (CDC), Agence française de développement (AFD), Banque de France, Autorité de contrôle prudentiel de de résolution (ACPR), Bpifrance

EPIC exerçant une activité marchande

S’ils reçoivent des dotations budgétaires pour l’entretien des infrastructures et l’exploitation des ouvrages

Grands ports maritimes, ports autonomes

Sociétés et établissements du secteur public audiovisuel

Financement assuré par une imposition de toute nature

France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Institut national de l’audiovisuel (INA)

Établissements et services sociaux et médico-sociaux

Financés par l’assurance maladie (ONDAM), le budget de l’État ou celui des départements

Établissements et services d’aide par le travail (ESAT), établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), foyers d’accueil médicalisés (FAM), services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)

Groupements d’intérêt économique

En fonction de leur structure, si des personnes morales de droit public y sont parties

 

Centres techniques industriels (CTI) et comités professionnels de développement économique (CPDE)

Bénéficient de diverses taxes affectées, ont pour objectif de financer des actions d’intérêt collectif et sont signataires de contrats de performance avec l’État

 

Fédérations sportives

Bénéficient d’une subvention de l’État, qui représente pour certaines fédérations plus des deux tiers de leur budget

Doivent en contrepartie assurer des missions de service public dont le contenu est précisé par des conventions d’objectifs et de moyens pluriannuelles

Bénéficient de l’appui humain de 1 600 conseillers techniques sportifs (CTS) rémunérés par l’État

 

Structures intervenant dans les champs de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Ressources composées d’impositions de toutes natures, de subventions et de redevance pour services rendus

France compétences, opérateurs de compétences (OPCO), centres de formation des apprentis (CFA), compte personnel de formation (CPF)

Fonds de garantie et fonds assimilés

Remplissent des missions d’intérêt général, notamment en matière de prévention et de promotion de bonnes pratiques

Gérés par un gestionnaire assimilé à un organisme public

Contrôle financier de l’État sur ces fonds (qui implique un soutien financier de l’État qui prend la forme d’une garantie via la CCR et d’une capacité d’abondement en cas d’événement majeur imprévu et la possibilité pour l’État d’opérer des prélèvements sur ces fonds)

Financés par des taxes caractérisées pour certaines par une décorrélation entre la nature de l’assiette et la politique publique leur donnant un caractère de taxe affectée, et non celui d’un financement assurantiel en circuit fermé par les professionnels du secteur

Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), fonds de compensation des risques de l’assurance de la construction (FCAC)

b.   Les structures nécessitant un examen particulier

Des sociétés privées à capitaux publics peuvent entrer dans le champ de l’article 40, si les modifications proposées concernent la création ou l’élargissement d’une sujétion de service public ou d’une mission d’intérêt général dont la nature et le coût impliqueraient une prise en charge par une collectivité publique.

L’activité principale de La Poste s’exerce dans un cadre concurrentiel, mais elle bénéficie du concours financier de l’État pour ses quatre missions de service public (service universel postal, transport et distribution de la presse, aménagement du territoire et accessibilité bancaire). Un amendement tendant à les renforcer générerait donc un coût supplémentaire pour cette dernière et devrait tomber sous le coup de l’irrecevabilité financière.

La Caisse centrale de réassurance (CCR), société anonyme détenue à 100 % par l’État, est chargée de missions d’intérêt général définies par une convention signée avec l’État : la réassurance de certains risques extrêmes, la collecte des données et la modélisation des risques, ainsi que la gestion de fonds publics (entre autres, le fonds national de garantie des risques en agriculture, le fonds de compensation des risques de l’assurance construction). Elle bénéficie de la garantie illimitée de l’État pour ses activités de réassurance dans le cadre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, pour la couverture du risque d’attentat et d’actes terroristes, du risque nucléaire visé à l’article L. 431-5 du code des assurances et des risques exceptionnels pour les activités de transports visés à l’article L. 431-1 du même code. Les missions non concurrentielles de la CCR et celles bénéficiant de la garantie de l’État sont situées dans le champ de l’article 40.

La Société nationale des chemins de fer (SNCF) ([27]) perçoit divers concours de l’État finançant une partie de ses activités déficitaires ; des crédits du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables compensent au profit de SNCF Réseau la différence entre le coût imputable à la circulation de trains de fret et le montant des redevances facturées aux opérateurs et participent, via un versement opéré au profit de SNCF Voyageurs, au financement des trains d’équilibre du territoire (TET). Ce programme est également le support d’un fonds de concours alimenté par les dividendes versés par le groupe SNCF et reversé à SNCF Réseau pour financer la régénération du réseau ferroviaire. En second lieu, l’État a repris une partie de la dette de SNCF Réseau et a mené une opération de recapitalisation de la SNCF dans le cadre du plan de relance. Ces multiples interventions publiques justifient, par principe, de placer la SNCF et ses filiales dans le champ de l’article 40.

L’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), chargée d’une mission de service public, est financée par une contribution versée par les entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), qui a le caractère d’une imposition de toute nature. Cette association entre dans le champ de la recevabilité financière.

Les entreprises publiques locales regroupent principalement les sociétés d’économie mixte locales (SEM), dont le capital est détenu entre 50 % et 85 % par les collectivités territoriales, les sociétés publiques locales (SPL) et les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA), dont le capital est intégralement détenu par les collectivités et leurs groupements, et les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP), pour lesquelles les collectivités et leurs groupements peuvent détenir entre 34 % et 85 % du capital.

L’inclusion dans le champ de la recevabilité de ces structures se fonde sur trois critères : la répartition de leur capital, l’éventuel exercice d’activités non concurrentielles et les modalités de leur financement. En raison de la composition de leur capital, les SPL et SPLA sont présumées appartenir au champ de la recevabilité, au contraire des SEM et SEMOP, pour lesquelles une marge d’appréciation subsiste en fonction du cas d’espèce.

Les offices publics de l’habitat (OPH) prennent la forme d’établissements publics et reçoivent des subventions pour réaliser leurs missions, mais tirent la majeure partie de leurs recettes de fonctionnement du paiement des loyers et du produit de leurs activités. Les organismes de foncier solidaire (OFS) peuvent être constitués par des personnes morales de droit public ou privé sous réserve d’être agréées par le préfet ; leurs activités sont principalement non lucratives et ils peuvent recevoir un apport en numéraire ou en nature d’une personne publique ou privée. S’il existe une présomption d’exclusion des OPH et des OFS du périmètre de l’article 40, le président de la commission des finances peut néanmoins, en fonction de l’objet de l’amendement, les intégrer dans le champ de son contrôle.

3.   Les structures ne relevant pas, sauf exception, du champ de l’article 40

Les acteurs privés exerçant une activité industrielle ou commerciale n’ont a priori pas vocation à se voir appliquer l’article 40. Toute initiative visant à créer ou augmenter une charge pesant sur des entreprises privées ne saurait avoir d’impact sur les finances publiques.

Hormis les exceptions précitées, les « entreprises publiques » (sociétés anonymes ou sociétés d’économie mixte), même si l’État détient une participation dans leur capital, échappent en règle générale à l’article 40.

Ainsi, que l’État soit un actionnaire parmi d’autres d’une société (comme pour Air France-KLM ou Engie) ou qu’il détienne la majorité du capital de certaines sociétés anonymes (comme pour ADP ou Naval Group), ces « entreprises publiques » sont par principe exclues du périmètre de l’article 40 pour ce qui concerne leurs activités exercées dans un champ concurrentiel.

De la même manière, les sociétés concessionnaires d’autoroutes n’entrent pas dans le périmètre de l’article 40. Il est donc tout à fait loisible à un parlementaire de proposer de modifier les règles d’organisation interne ou celles régissant l’activité commerciale d’une de ces sociétés, cette modification n’ayant pas d’impact direct sur une quelconque participation ou prise en charge financière par la collectivité publique.

Par principe, les organismes privés, même s’ils exercent, parfois à titre principal ou exclusif, une activité d’intérêt général, sont hors du champ de l’article 40. Tel est le cas des associations et des fondations, même lorsqu’elles sont reconnues d’intérêt public et peuvent bénéficier à ce titre d’avantages fiscaux et de subventions publiques.

Ne sont pas davantage soumis aux règles de la recevabilité financière les ordres professionnels, les groupements de producteurs, quand bien même ceux‑ci seraient financés par des cotisations volontaires obligatoires (CVO) et seraient chargés d’un service public administratif, mais également les organisations syndicales et patronales, les organismes à caractère mutualiste ou encore les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur ou des droits voisins. Ainsi, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est une société civile à but non lucratif, reconnue et contrôlée par l’État, et qui est chargée d’une mission de service public, mais les droits qu’elle collecte et qu’elle redistribue sont d’ordre privé et n’entrent donc pas dans le champ de l’article 40.

De la même manière, les écoorganismes, quand bien même ils sont chargés d’une mission d’intérêt général dans le cadre des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) et bénéficient d’un agrément de l’État, n’entrent pas dans le champ de l’article 40, et l’instauration d’obligations supplémentaires leur incombant peut toujours être proposée.

Les caisses de crédit municipal dont l’essentiel de leurs ressources est issu de leurs activités commerciales échappent aux règles de la recevabilité financière.

Enfin, le président de la commission des finances a considéré que le Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (COJOP) de Paris 2024 devait être exclu du périmètre de l’article 40 compte tenu de sa nature de personne morale de droit privé, de son statut associatif, et de son financement très majoritairement privé au moment de l’examen du projet de loi relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024. Si des amendements proposant d’accroître les dépenses à la charge du comité ont été déclarés recevables à cette occasion, ce raisonnement ne peut être généralisé à toute structure d’organisation des grands évènements sportifs. Chaque cas devra être apprécié en fonction de l’ampleur respective des financements publics et privés et de la nature des soutiens publics apportés à l’organisation de ces grands évènements sportifs.

C.   La base de rÉfÉrence

La recevabilité financière d’une proposition de loi ou d’un amendement parlementaire s’apprécie par rapport à une situation juridique de référence afin de déterminer son incidence financière. Afin de favoriser l’initiative des députés, deux bases de référence sont possibles : le droit existant et le droit proposé.

Dans tous les cas, le président de la commission des finances apprécie l’incidence financière d’une initiative parlementaire par rapport à la base de référence la plus favorable à la recevabilité de celle-ci.

1.   Le droit existant

Le droit existant est constitué de l’ensemble des normes en vigueur : législation, textes réglementaires, traités et accords internationaux applicables, jurisprudence des juridictions suprêmes et certaines situations de fait.

a.   La législation en vigueur

Le droit existant doit être en vigueur au moment de la discussion du projet ou de la proposition de loi. Il s’agit d’abord des dispositions législatives en vigueur lors de la discussion parlementaire. Les mesures fiscales permanentes, même si elles nécessitent une autorisation renouvelée pour chaque exercice par le Parlement à l’article 1er de la loi de finances de l’année, font partie du droit existant.

La législation en vigueur est la base de référence la plus courante. Un amendement parlementaire proposant la suppression de dispositions d’un texte sera le plus souvent recevable au regard de l’article 40 de la Constitution dans la mesure où il propose de revenir au droit existant en vigueur. Un amendement de suppression d’un article est toujours recevable puisque l’Assemblée peut décider de maintenir la législation en vigueur en votant contre l’adoption de l’article.

Les amendements visant à pérenniser ou proroger des dispositifs existants
mais limités dans le temps

Tout amendement visant à prolonger un dispositif coûteux dont le droit en vigueur prévoit l’extinction induit une charge publique. À l’inverse, un amendement visant à supprimer ou ne pas reconduire une mesure coûteuse limitée dans le temps sera recevable.

Si les dispositifs diminuent les ressources publiques, les amendements visant à les prolonger seront recevables à condition d’être correctement gagés.

b.   La réglementation en vigueur

Les dispositions réglementaires en vigueur (décrets, arrêtés), ainsi que – contrairement à ce qu’applique le président de la commission des finances du Sénat – les circulaires et instructions ministérielles, sont considérées comme faisant partie du droit existant. Ainsi, un amendement parlementaire reprenant une disposition réglementaire coûteuse et déjà en vigueur sera recevable au regard de l’article 40 de la Constitution.

Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que l’initiative parlementaire prenant appui sur des dispositions de nature réglementaire soit recevable :

– la proposition de loi ou l’amendement doit reprendre littéralement la disposition réglementaire en vigueur, sans différence susceptible d’entraîner une diminution des recettes publiques ou l’aggravation d’une charge publique ;

– la disposition réglementaire reprise doit être légale. Il n’est pas possible de valider des mesures réglementaires coûteuses dépourvues de base légale.

Par ailleurs, la recevabilité financière d’un tel amendement n’exclut en rien la faculté pour le Gouvernement d’invoquer l’irrecevabilité prévue par l’article 41 de la Constitution.

Si un amendement parlementaire peut prévoir un renvoi à un décret pris par le Gouvernement, le recours à un texte réglementaire ne pourra en aucun cas être utilisé pour contourner l’application de l’article 40. Il s’agit alors uniquement pour l’amendement de venir préciser le contenu du projet ou de la proposition de loi. Un amendement prévoyant que le Gouvernement prend un décret créant ou aggravant une charge publique est bien évidemment toujours irrecevable au titre de l’article 40.

c.   Le droit international et de l’Union européenne

Un texte de droit international remplissant les conditions d’applicabilité prévues par l’article 55 de la Constitution peut servir de base de référence au titre du droit existant.

En matière de droit de l’Union européenne, les traités, les règlements, les directives non transposées, pour leurs dispositions claires, précises et inconditionnelles ainsi que les décisions dont la France est destinataire, entrent dans le champ du droit existant. En cas de contradiction manifeste entre deux normes, le président de la commission des finances ne s’autorise pas, pour déterminer la base de référence, à faire prévaloir le droit international sur la législation nationale.

d.   La jurisprudence

Les décisions définitives publiques, non susceptibles de recours, rendues par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour de Cassation, la Cour européenne des droits de l’Homme ou la Cour de justice de l’Union européenne peuvent être invoquées à l’appui de la recevabilité financière d’un amendement parlementaire ou d’une proposition de loi. Les auteurs des amendements sont invités à indiquer dans l’exposé des motifs l’existence d’une décision de justice pouvant faire office de base de référence au titre du droit existant.

À titre d’exemple, le président de la commission des finances a admis, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, un amendement qui prévoit l’affiliation des élèves et étudiants de l’enseignement supérieur réalisant ou participant à la réalisation, moyennant rémunération, d’études à caractère pédagogique au sein d’une association constituée exclusivement à cette fin au régime général de la sécurité sociale. Une telle affiliation était en effet prévue dans une circulaire de 1984, dans la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1988, dans un arrêté de la même année ainsi que dans une réponse du Gouvernement à une question écrite d’une députée.

2.   Le droit proposé

Pour les amendements le modifiant, la référence au droit proposé permet d’introduire une souplesse et confère une plus grande latitude à l’initiative parlementaire.

a.   Les textes en discussion

Pour l’examen de la recevabilité financière des amendements, plusieurs textes peuvent servir de base de référence au titre du droit proposé :

– soit le projet de loi déposé par le Gouvernement (auquel l’article 40 de la Constitution n’est pas opposable), y compris s’il s’agit d’une habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance ;

– soit la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour, dont les dispositions potentiellement irrecevables servent de base de référence tant que l’article 40 de la Constitution ne leur a pas été opposé en application du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale (l’irrecevabilité qui en découlerait entraînerait alors la disparition de la base de référence) ;

– soit le texte adopté par la commission saisie au fond dudit projet de loi ou de ladite proposition de loi au sein de chaque chambre ([28]) ;

– soit le texte transmis par l’autre assemblée au cours de la navette parlementaire ([29]).

Ainsi, au fil de l’examen du texte et de la navette parlementaire, le nombre de bases de référence du droit proposé s’accroît, ce qui peut conduire à compliquer l’exercice du contrôle de la recevabilité financière. Le président de la commission des finances retiendra néanmoins systématiquement la base de référence la plus favorable à l’initiative parlementaire.

b.   Les intentions claires et précises du Gouvernement

Les intentions exprimées par le Gouvernement peuvent servir de base de référence au titre du droit proposé, si elles sont claires, précises et exprimées de façon formelle. Une intention claire et précise du Gouvernement peut tout d’abord se déduire :

– d’un dispositif, de l’exposé des motifs ou de l’étude d’impact de tout projet de loi déposé ou inscrit à l’ordre du jour par le Gouvernement en fonction ([30]). Lors de la discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, en juillet 2022, le président de la commission des finances a par exemple admis un amendement qui précisait que la revalorisation des prestations sociales prévues dans le texte concernerait aussi l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, dans la mesure où l’étude d’impact le précisait explicitement ;

– de l’expression d’un membre du Gouvernement en séance publique ou devant une commission de l’une des deux assemblées et dont les propos figurent dans un compte rendu officiel, à condition qu’ils ne souffrent pas d’équivoque. Par exemple, le président de la commission des finances, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, a admis l’amendement d’une députée qui prévoyait de rehausser les crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique au niveau qui était le leur en 2024, à savoir un peu plus de 10 millions d’euros, tenant compte de la réponse donnée par un ministre lors d’une séance de questions au Gouvernement. Il a en revanche considéré que la déclaration d’une ministre dans la presse ou celle d’un directeur d’administration centrale, même devant une commission permanente, ne pouvaient valoir couverture d’amendements parlementaires ;

– du dépôt par le Gouvernement d’un amendement identique ou similaire à celui d’un parlementaire sur le même texte. L’appréciation du président de la commission des finances se fait alors au moment de l’expiration du délai de dépôt, et diffère donc selon le moment du dépôt de l’amendement gouvernemental.

Si le Gouvernement a déposé son amendement avant l’expiration du délai de dépôt, et qu’il ne l’a pas retiré avant cette expiration, tous les amendements parlementaires identiques ou similaires peuvent faire l’objet d’une couverture. Ce cas de figure est récurrent. Ainsi, lors de l’examen de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, neuf amendements déposés par des députés ont ainsi été couverts par des amendements identiques du Gouvernement.

Si le Gouvernement dépose un amendement hors délai, cet amendement, du fait de la réouverture des délais, ouvre la voie au dépôt d’amendements parlementaires identiques ou similaires susceptibles d’être couverts.

Dans le second cas, il peut arriver que le Gouvernement, tout en acceptant de couvrir un ou plusieurs amendements parlementaires, souhaite néanmoins retirer son propre amendement. Dans un tel cas de figure, le précédent président de la commission des finances avait établi que les amendements parlementaires déposés avant le retrait de l’amendement gouvernemental demeuraient couverts et admis à la discussion. L’actuel président de la commission des finances a prolongé cet assouplissement en acceptant de considérer que sont également couverts des amendements parlementaires déposés postérieurement au retrait de l’amendement du Gouvernement ayant permis de couvrir un autre amendement parlementaire identique déposé avant ce retrait. Une telle interprétation, favorable à l’initiative parlementaire, vise à assurer une plus grande équité entre les députés qui porteraient des amendements identiques.

Enfin, un article ou un amendement d’origine gouvernementale déposé sur un autre texte en cours de discussion peut couvrir un amendement parlementaire, à condition que sa rédaction soit suffisamment précise.

c.   La correction d’une inconstitutionnalité

Lorsque le Conseil constitutionnel censure une disposition législative pour méconnaissance d’une exigence constitutionnelle, il peut arriver que cette censure soit aménagée, en différant son effet, afin de laisser au législateur le temps de remédier à cette inconstitutionnalité. Le plus souvent, la correction d’une telle inconstitutionnalité ne suppose pas l’adoption d’une disposition législative coûteuse, et il est donc loisible à tout parlementaire de la proposer par amendement. Toutefois, dans certains cas, la matière de la censure est telle que les propositions formulées pour y remédier sont a priori coûteuses.

Confronté à une telle situation, le président de la commission des finances a considéré que la décision du Conseil constitutionnel à l’origine de la censure appelant une nouvelle intervention du législateur pouvait valoir comme couverture d’un amendement parlementaire proposant de remédier à l’inconstitutionnalité censurée ([31]). Pour retenir cette lecture favorable, il a pris en considération le fait qu’une décision rendue par le Conseil constitutionnel, qui s’impose à tous les pouvoirs publics, s’intègre ainsi au droit existant, et qu’en prononçant une censure à effet différé elle rend nécessaire une nouvelle intervention du législateur pour remédier à l’inconstitutionnalité. De la même manière que le Gouvernement, par la voie de son Secrétariat général, est le défenseur de principe de la constitutionnalité de toute disposition législative figurant dans l’ordre juridique, il peut être considéré qu’il est également lié par la nécessité de remédier à l’inconstitutionnalité.

3.   Le choix de la base de référence la plus favorable

La base de référence choisie pour l’examen de la recevabilité financière est toujours celle qui est la plus favorable à l’initiative parlementaire.

Toutefois, en application de la jurisprudence dite « beurre et argent du beurre », il n’est pas possible de combiner entre le droit existant et le droit proposé.

Le cumul entre droit existant et droit proposé ne peut être utilisé de façon combinée à des fins de contournement des règles relatives à la recevabilité financière. Cette règle trouve principalement à s’appliquer lorsque le texte en discussion propose un aménagement à la fois extensif et restrictif en matière de finances publiques. Ainsi, un amendement ne pourra pas à la fois accepter, au nom du droit proposé, la diminution d’une recette publique, et s’opposer, au nom du droit existant, à la hausse d’une recette qui est utilisée comme élément de compensation par le droit proposé. Un amendement ne pourra pas plus combiner le maintien d’une charge publique, au nom du droit proposé, et le refus, au nom du droit existant, de la suppression d’une autre charge.

Toute combinaison coûteuse du droit existant et du droit proposé est donc irrecevable. Par exemple, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le président de la commission des finances a déclaré irrecevable un amendement reportant l’abaissement du point de sortie des bandeaux « famille » et « maladie » du 1er janvier 2025 au 1er janvier 2050 (maintien du droit existant), tout en conservant le relèvement du point de sortie de la réduction générale des cotisations patronales au 1er janvier 2026 (contenu dans le droit proposé).

De même, si un projet de loi propose d’attribuer une nouvelle mission à un opérateur de l’État tout en supprimant l’une de ses missions actuelles, le président de la commission des finances déclarerait irrecevable un amendement tendant à s’opposer à la suppression de cette dernière mission. En effet, si un tel amendement était adopté, les missions actuelles de l’opérateur seraient maintenues (droit existant) et ce dernier devrait en assurer une nouvelle (droit proposé) sans que la compensation résultant de la modification du droit existant équilibre les charges. Il en résulterait une augmentation des charges publiques au-delà de ce qu’aurait prévu initialement le texte.

4.   L’exclusion du droit existant de la base de référence lorsque le droit proposé est radicalement nouveau

Enfin, il peut se révéler délicat de choisir entre le droit proposé et le droit existant pour apprécier la recevabilité financière d’un amendement parlementaire lorsque le texte en discussion envisage la réforme d’ensemble d’un dispositif existant. Tel est le cas lorsque ce texte propose une réforme radicale d’une institution ou de dispositions législatives qui préexistaient sous une autre forme.

Si le dispositif en discussion (droit proposé) est trop éloigné du dispositif antérieur (droit existant), le président de la commission des finances peut décider d’exclure le droit existant de la base de référence pour garantir un contrôle de recevabilité cohérent. C’est alors le texte proposé qui devient la seule base de référence pour déterminer les conséquences financières des initiatives parlementaires.

Le président de la commission des finances a eu l’occasion d’appliquer cette jurisprudence « table rase » au sujet d’amendements portant sur la réforme des redevances affectées aux agences de l’eau prévue dans le projet de loi de finances pour 2024. L’article 16 du projet de loi initial prévoyait, en substitution des redevances pour pollution d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte, la création d’une redevance sur la consommation d’eau potable et de deux redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et des systèmes d’assainissement collectif. Le président de la commission a ainsi considéré que des amendements qui modifiaient le régime d’une des nouvelles redevances ainsi créées ne pouvaient être mis en regard du droit existant et ne pouvaient être comparés qu’au droit proposé. En conséquence, un gage était requis ou ne l’était pas pour les amendements selon que leur effet sur les recettes publiques par rapport au droit proposé était restrictif ou extensif, sans considération sur leur effet par rapport au droit existant.

  1.   La diminution des recettes publiques

Il ressort de la rédaction même de l’article 40 de la Constitution que les « ressources publiques », au pluriel, et la « charge publique », au singulier, sont appréhendées différemment.

Si l’emploi de la notion de « charge publique » au singulier, prise isolément, emporte l’interdiction absolue pour les parlementaires de proposer toute mesure ayant pour effet de créer ou d’aggraver une charge publique, fût-elle compensée par la diminution d’une autre charge ou par l’augmentation des ressources publiques ([32]), l’utilisation des termes « ressources publiques » au pluriel, appréciées globalement, vise à maintenir le niveau général des recettes publiques. Il en résulte en creux la possibilité de diminuer une ou plusieurs ressources publiques, à la condition de compenser cette minoration par l’accroissement d’une ou plusieurs autres recettes.

Cette faculté de compensation reconnue aux parlementaires, qui prend la forme d’un « gage de perte de recettes », est encadrée par des règles spécifiques. Conformément à une lecture particulièrement favorable à l’initiative parlementaire, certains dispositifs se situant à la frontière des recettes et des dépenses publiques sont assimilés à une perte de recettes et doivent être gagés, tandis que d’autres opérations ne nécessitent aucun gage.

  1.   une perte de recettes peut Être compensÉe dans certaines conditions

À la manière d’une disposition créant ou aggravant une charge publique, la diminution des ressources publiques résultant d’une initiative parlementaire fait l’objet d’une appréciation exclusivement juridique, sans tenir compte de ses éventuelles conséquences économiques et budgétaires.

Par conséquent, les dispositions ayant pour objet d’augmenter les prélèvements obligatoires sont systématiquement déclarées recevables. Les arguments basés sur une hypothèse économique comme la courbe de Laffer, selon lesquels la majoration d’un taux d’imposition pourrait entraîner la contraction de l’assiette fiscale et la baisse incidente du rendement de l’impôt, ne trouvent donc pas à s’appliquer au contrôle de la recevabilité financière. Le président de la commission des finances a ainsi déclaré recevables des amendements relevant le taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU), rétablissant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), durcissant les conditions d’attribution d’un crédit d’impôt ou autorisant les départements à relever le plafond du taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

● À l’inverse, les amendements d’origine parlementaire ayant pour effet ou pour objet de réduire les ressources publiques doivent en principe être gagés pour être recevables.

Doivent nécessairement être assortis d’un gage les amendements dont la perte de recettes constitue un effet direct, y compris si cet effet n’est qu’éventuel ou différé. Le contenu des gages répond à des règles spécifiques, dont le respect conditionne la recevabilité de l’amendement.

1.   La perte de recettes doit être l’effet direct, même éventuel ou différé, de l’initiative parlementaire

Une initiative parlementaire susceptible d’entraîner la diminution d’une ou plusieurs ressources publiques doit être gagée pour être recevable au titre de l’article 40 de la Constitution, à l’exception des cas dans lesquels la perte de recettes est jugée trop indirecte. Une perte de recettes éventuelle ou facultative car laissée à la main des acteurs n’en est pas moins certaine selon le juge de la recevabilité financière.

a.   La perte de recettes doit être l’effet direct de l’initiative parlementaire

Une initiative parlementaire est réputée entraîner une perte de recettes dès lors que la diminution des ressources publiques en résulte directement. À ce titre, toute mesure visant à réduire le taux ou l’assiette d’une ressource publique est naturellement considérée comme une perte de recettes, quelle que soit la nature de cette dernière. Sont ainsi concernées les impositions de toute nature, les redevances, les dividendes ou les produits du domaine de l’État, les produits de la cession de biens ou services publics ainsi que le remboursement et les intérêts des prêts et avances consentis par toute personne publique. Ne sont en revanche pas concernées les amendes et autres sanctions pécuniaires, administratives ou pénales (voir le a du 1 du B du II de la présente deuxième partie).

● Le Conseil constitutionnel veille strictement à « la défense de la situation financière » du droit existant ([33]), comme en témoigne la censure d’une disposition réduisant l’assiette d’un impôt dit de répartition, c’est‑à‑dire celui dont le produit total est fixé par avance et réparti entre les contribuables assujettis. Rappelant l’exigence de compensation de la perte de recettes, il a estimé à cette occasion que « même lorsqu’il s’agit d’un impôt liquidé suivant le système de la répartition, des mesures d’exonération, de déduction, de réduction, d’abattement ou d’octroi de primes […] entraînent l’obligation corrélative, pour rétablir le niveau de la ressource, de variations d’autres éléments, de taux ou d’assiette, de l’impôt en cause, et sont donc justiciables des dispositions de l’article 40 » ([34]).

À titre d’exemple, ont été déclarés irrecevables, en ce qu’ils sont constitutifs d’une perte de recettes, les amendements non gagés prévoyant :

– l’abaissement du taux d’une imposition de toute nature, par exemple en réduisant le taux de l’impôt sur les sociétés ou le taux des prélèvements sociaux (CSG, CRDS) applicables aux jeux d’argent et de hasard ;

– la suppression de tout ou partie d’une imposition de toute nature, par exemple en abrogeant les dispositions régissant la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), assimilée à une taxe affectée instituée au profit de certains établissements d’enseignement supérieur et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ;

– la fixation de règles de calcul d’une imposition favorables aux contribuables, par exemple en élargissant le bénéfice des majorations de demi‑parts fiscales à de nouvelles situations et charges de famille en vue de la détermination du quotient familial ;

 l’élargissement de la faculté pour l’administration fiscale ou l’URSSAF de conclure une transaction avec un contribuable ou un cotisant à l’occasion d’un litige, laquelle peut donner lieu à une atténuation des majorations de retard et des pénalités, ainsi qu’à une réévaluation d’éléments de l’assiette des cotisations et contributions sociales ;

 la mise en œuvre d’un plan d’apurement, visant notamment à différer le paiement des créances constituées au titre des cotisations et contributions sociales. Une telle mesure nécessite un gage en raison, d’une part, d’un décalage temporel dans la perception des recettes publiques susceptible de produire un effet au-delà de l’année en cours, et d’autre part, du risque d’absence de recouvrement de cotisations et de contributions en cas de liquidation judiciaire de l’entité bénéficiaire de cet échéancier.

L’assouplissement des critères d’éligibilité à un dispositif assorti d’un statut sociofiscal privilégié ou le renforcement des avantages associés à celui‑ci doit nécessairement être gagé. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements élargissant les conditions d’attribution de l’éco‑prêt à taux zéro (éco‑PTZ), lequel prend la forme d’un crédit d’impôt accordé aux établissements bancaires et prêteurs habilités, des amendements complétant les cas de déblocage anticipé des produits d’épargne salariale et d’épargne retraite, qui donnent lieu à des exonérations fiscales, et des amendements étendant la liste des communes classées en zones « France ruralités revitalisation » (ZFRR), dont les entreprises implantées sur les territoires concernés bénéficient de multiples avantages sociaux et fiscaux.

● L’effet direct des dispositifs instituant ou renforçant une dépense fiscale est présumé. Ces régimes dérogatoires allègent la charge fiscale pesant sur certaines catégories de contribuables ou d’opérations à des fins d’incitation économique ou de justice fiscale. Il en résulte, par rapport à l’application de la norme de référence, une perte de recettes pour les personnes publiques affectataires qui doit être gagée.

À titre d’illustration, les dispositions créant ou modifiant les dépenses fiscales suivantes ont été déclarées irrecevables en l’absence de gage :

– la mise en place de dérogations au taux normal d’une imposition de toute nature, par exemple en instaurant un nouveau taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour une catégorie spécifique de biens ou de services ;

– l’élargissement d’une réduction d’impôt, par exemple en complétant la liste des organismes éligibles au mécénat, qui bénéficient de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu ;

– la création de nouvelles exonérations fiscales et sociales, par exemple en excluant les territoires ultramarins du champ d’application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets ;

– la minoration de l’assiette des impôts et cotisations sociales, par exemple en augmentant le montant de l’abattement sur les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ou en assouplissant les conditions permettant à certains logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) d’être éligibles à un abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– la prolongation d’une dépense fiscale ou d’une règle comptable permettant de minorer le résultat imposable d’un exercice donné, de même que la suppression d’un bornage temporel, à la manière d’un amendement pérennisant la provision pour augmentation du stock de vaches laitières et allaitantes réservée aux agriculteurs – dont le projet de loi de finances pour 2025 limitait l’application aux exercices clos jusqu’en 2027.

Un principe d’application de la norme de référence aux nouveaux produits
et éléments de rémunération

Les présidents de la commission des finances successifs ont systématiquement considéré que la création d’un nouveau produit ou d’un nouvel élément de rémunération donnait lieu à l’application des prélèvements obligatoires de droit commun.

Par conséquent, doit être gagée toute dérogation à la norme de référence dans le calcul des impositions de toute nature et des cotisations sociales auxquels ces nouveaux biens et avantages sont susceptibles d’être assujettis, quand bien même leur création a un effet neutre ou positif sur le niveau global des recettes publiques.

De jurisprudence constante, il est ainsi admis, s’agissant de la fiscalité de la consommation, qu’il « [est] nécessaire de gager l’assujettissement à un taux réduit de TVA de tout produit nouvellement créé. En effet, et quand bien même la création de ce produit aurait pour effet global d’augmenter les recettes de TVA perçues par rapport à la situation initiale, son assujettissement à un taux réduit a pour effet de réduire les recettes fiscales par rapport à la situation par défaut dans laquelle le taux plein de TVA lui aurait été appliqué. À titre d’exemple, un amendement qui aurait pour objet de taxer au taux réduit de 5,5 % de TVA la vente de cannabis doit être gagé, car, par défaut, le taux de 20 % aurait été appliqué » ([35]).

Le même raisonnement a trouvé à s’appliquer lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, lequel prévoyait la création de primes de partage de la valeur versées par l’employeur et exonérées pour tout ou partie de cotisations et contributions sociales, ainsi que d’impôt sur le revenu. Le président de la commission des finances a déclaré irrecevables des amendements non gagés visant à étendre le bénéfice de ces primes à des personnes supplémentaires (stagiaires, apprentis, etc.) ou déplafonnant leur montant maximum.

● En revanche, une mesure susceptible d’avoir pour effet de diminuer les recettes publiques peut être recevable au titre de l’article 40 de la Constitution si ses éventuelles conséquences financières ne sont qu’un effet accessoire de la mesure proposée. Le président de la commission des finances examine au cas par cas si le lien entre l’initiative parlementaire et la diminution des ressources publiques est suffisamment distendu pour qu’il ne soit pas nécessaire de prévoir un gage.

Le prédécesseur du président de la commission des finances signalait l’exemple d’un amendement parlementaire « qui assouplirait les modalités d’accès au mariage », lequel « aurait des conséquences fiscales certaines, car il favoriserait la constitution de nouveaux foyers fiscaux et pourrait par conséquent entraîner une baisse du produit de l’impôt sur le revenu ». Un tel amendement ne serait pas irrecevable, même en l’absence de gage, puisque la diminution du produit de l’impôt sur le revenu n’est manifestement pas son objet principal, mais une conséquence accessoire et secondaire de la modification des règles de droit civil applicables au mariage. Il en va de même pour des amendements interdisant la fabrication ou la vente d’un produit ou d’un service, en dépit des nombreux impôts sur la production ou la commercialisation susceptibles de s’appliquer.

Le président de la commission des finances a, au cas par cas, tenu un raisonnement similaire sur un certain nombre d’initiatives parlementaires. Il a par exemple considéré que le fait de prévoir une révision plus régulière par les Agences régionales de santé (ARS) du périmètre des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante était recevable, même si l’installation et le maintien de professionnels de santé dans ces territoires sont encouragés par diverses incitations fiscales et sociales.

L’effet indirect d’une diminution des recettes publiques est particulièrement manifeste lorsque le législateur se place principalement sur le champ de la réglementation d’un secteur économique spécifique. Ainsi, a été déclarée recevable une initiative qui simplifiait, pour les cafés, bars et pubs, la procédure d’obtention d’une licence IV dans les petites communes ne disposant pas d’un débit de boissons. Le président de la commission des finances a ainsi considéré que l’amendement se positionnait d’abord sur le plan de la réglementation, même si la simplification envisagée était susceptible de réduire le coût d’obtention d’une licence et les recettes associées. Toutefois, un amendement qui viserait spécifiquement à exonérer certains débitants de boissons de contributions indirectes induirait bien une diminution des recettes publiques et nécessiterait la présence d’un gage.

Un exemple de perte de recette indirecte :
la modification des règles de procédure fiscale

Les règles de procédure fiscale ne sont traditionnellement pas considérées comme des pertes de recettes, dans la mesure où leur objet consiste à modifier le fonctionnement des règles de recouvrement d’une imposition de toute nature ou les relations entre l’administration et les contribuables et non à moduler le montant des recettes des organismes entrant dans le champ de l’article 40. De ce fait, un amendement limitant le nombre de contrôles fiscaux ou sociaux sur une entreprise a été déclaré recevable par le président de la commission des finances.

A contrario, un amendement modifiant les règles de procédure fiscale aux fins d’alléger les obligations fiscales de certains contribuables se place explicitement sur le terrain des recettes publiques et nécessite une compensation. Il en est ainsi, par exemple, d’un amendement qui assouplit les conditions dans lesquelles l’administration fiscale peut décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d’impositions dues par un tiers ou les ex-conjoints tenus au paiement d’impôts communs.

● À l’exception du produit des amendes et autres sanctions pécuniaires, les recettes non fiscales des organismes relevant du champ de l’article 40 de la Constitution, telles que les revenus issus de leur patrimoine ou des services rendus par cellesci, sont logiquement assimilées à des ressources publiques. Un amendement parlementaire ayant pour effet d’éroder ces recettes doit comporter un gage pour être recevable.

Sont ainsi irrecevables des amendements non gagés ayant pour objet d’imposer aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) la gratuité des transports en commun ou d’autoriser les propriétaires publics à céder, aliéner ou échanger leurs biens à vil prix, c’est‑à‑dire sans contrepartie suffisante. De même, le président de la commission des finances a pu juger irrecevable, en commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2025, qui se tenait à l’Assemblée nationale, une proposition de rédaction présentée par des membres de la commission prévoyant une cession décotée d’une partie du capital d’EDF.

b.   La nature incertaine ou différée d’une perte de recettes suffit à la caractériser

● La perte de recettes est caractérisée dès lors qu’une initiative parlementaire ouvre une nouvelle faculté juridique de diminuer les ressources publiques, quand bien même cet effet est éventuel, conditionnel ou facultatif.

Pour cette raison, il est recommandé d’assortir d’un gage de précaution les amendements tendant simultanément à élargir l’assiette et à abaisser le taux d’une imposition. En effet, la combinaison de ces deux mesures rend incertain l’effet global de l’amendement sur les recettes publiques. Le président de la commission des finances a ainsi exigé un gage de précaution pour des amendements qui diminuaient le taux tout en élargissant l’assiette de la taxe sur les transactions financières (TTF) ou d’autres qui diminuaient les taux d’imposition de certaines tranches du barème de l’impôt sur le revenu tout en en augmentant d’autres.

Les amendements habilitant une personne publique à réduire l’assiette et le taux d’une imposition ou à exclure certains contribuables de son champ d’assujettissement doivent également être gagés pour être recevables. À titre d’exemple, ont été déclarés irrecevables des amendements non gagés systématisant la déliaison du taux de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), en ce qu’ils étendaient les cas dans lesquels les taux de l’une ou l’autre de ces impositions établies au bénéfice des collectivités territoriales pouvaient être abaissés. Il en va de même pour les amendements parlementaires favorisant l’abandon de créances publiques ou autorisant les communes à renoncer au remboursement, de la part des propriétaires bénéficiaires, des frais engagés au titre des travaux d’assainissement non collectif.

Enfin, les amendements prévoyant la « modulation » d’une ressource publique selon certains critères, notamment géographiques, environnementaux et sociaux, doivent comporter un gage pour être recevables. En effet, la modulation d’un barème de taux d’imposition ou de tarifs peut jouer à la hausse ou à la baisse sur le rendement des recettes publiques. À titre d’exemple, ont été déclarés irrecevables des amendements se bornant à indiquer que le niveau des allègements sociaux octroyés à une entreprise « tient compte » ou « dépend » du bénéfice réalisé par celle‑ci au cours de l’exercice précédent, alors qu’une formulation restrictive – et recevable – aurait pu consister à exclure du bénéfice des exonérations et réductions de cotisations sociales les entreprises dont le résultat excède un certain montant. Une autre solution consiste à préciser dans le dispositif de l’amendement que la « modulation » envisagée ne peut, de manière plausible, que conduire à alourdir l’effort contributif ou la participation financière du redevable.

● Une disposition susceptible d’entraîner une perte de recettes à l’avenir ou de limiter celleci dans le temps n’en doit pas moins être gagée pour être recevable. Tel est le cas d’un amendement parlementaire proposant l’extinction progressive d’une imposition, prévoyant l’entrée en vigueur différée d’une nouvelle dépense fiscale ou réduisant la durée d’application d’une contribution exceptionnelle.

Par ailleurs, selon un raisonnement inspiré de la « charge de trésorerie » (voir le 3 du B du III de la présente deuxième partie), le décalage infra‑annuel de la perception d’une ressource publique n’est pas constitutif d’une perte de recettes et peut être admis sans gage. Cette lecture libérale ne vaut qu’à la double condition que le montant final collecté au cours de l’année ne s’en retrouve pas minoré et que l’effet du décalage ne soit pas massif. Le président de la commission des finances examine au cas par cas le respect des critères précités, par exemple dans les hypothèses d’un étalement du paiement de cotisations sociales et des acomptes d’un impôt.

2.   Le « gage » de perte de recettes répond à des règles précises

Sur le plan formel, le gage doit figurer dans le dispositif de l’amendement ou de la proposition de loi, sa seule mention dans l’exposé sommaire ou dans l’exposé des motifs étant inopérante. Il doit prendre la forme d’un alinéa dans le cas d’un amendement et d’un article distinct dans le cas d’une proposition de loi, lequel est par convention placé à la fin du texte.

La portée d’un gage se limite au seul dispositif auquel il se rattache. Ainsi, ce n’est pas parce qu’une disposition est correctement gagée que tout amendement modifiant cette disposition est recevable sans gage. Il est donc impératif de gager un sous‑amendement entraînant une perte de recettes, indépendamment du fait que l’amendement sur lequel il est déposé soit lui‑même gagé ou non. De même, il est nécessaire de gager un amendement introduisant un article additionnel ou modifiant des articles existants lorsque celui‑ci a pour effet de réduire une ressource publique, même si la proposition de loi dans laquelle cet article s’insère est déjà gagée.

Seul le Gouvernement peut décider de « lever » le gage si l’amendement est adopté. En effet, dans l’hypothèse où celui‑ci émet un avis favorable au dispositif prévu par un amendement parlementaire, il en accepte l’incidence sur les finances publiques et propose, en principe, la suppression de l’alinéa ou de l’article portant le gage. Il est néanmoins possible que des textes de loi soient définitivement adoptés sans que le gage ou les gages n’aient été levés. Dans pareil cas, la loi finalement promulguée comporte les dispositions législatives correspondant à ces gages ([36]). À titre d’exemple, la loi de finances pour 2025, adoptée dans des circonstances inédites, comporte une quarantaine de gages.

Le Conseil constitutionnel a jugé que des dispositions « ne sont contraires ni à l’article 40, ni à aucune autre disposition de la Constitution pour autant, toutefois, que la ressource destinée à compenser la diminution d’une ressource publique soit réelle, qu’elle bénéficie aux mêmes collectivités ou organismes que ceux au profit desquels est perçue la ressource qui a fait l’objet d’une diminution et que la compensation soit immédiate » ([37]).

Le contenu des gages est ainsi encadré par la jurisprudence constitutionnelle, qui admet la compensation de la diminution d’une ressource publique sous réserve qu’elle soit réelle, établie au profit des organismes qui subissent la perte de recettes et immédiate.

a.   Le gage doit être suffisant, crédible et consistant

La compensation de la diminution d’une ressource publique par un gage ne constitue pas une exigence purement formelle conditionnant la recevabilité d’un amendement parlementaire. Il est impératif que cette compensation présente un caractère réel, c’est‑à‑dire qu’elle repose sur des recettes suffisantes et pérennes, pour lesquelles le législateur est compétent.

● Certains gages conventionnels, qui reposent sur des recettes existantes, sont fréquemment utilisés par les parlementaires afin de compenser la perte de recettes induite par leur initiative. Tel est le cas des gages consistant à créer une taxe additionnelle à l’accise sur les alcools, prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services (CIBS), ou à majorer l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du même code. Ces gages sont reproduits dans l’annexe n° 1 du présent rapport.

Il demeure toutefois loisible aux parlementaires de créer une recette ex nihilo afin de gager une perte de recettes. Le président de la commission des finances a, par exemple, admis des gages fondés sur la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières (TTF) ou à la taxe sur les produits phytopharmaceutiques, ainsi que sur la création d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS). De la même manière, ont été jugées recevables des initiatives parlementaires gagées sur l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises ou sur le patrimoine des ménages. Certains gages ont également pris la forme d’une réduction voire d’une suppression de niches sociales et fiscales, telles que le crédit d’impôt recherche (CIR). Il n’est toutefois pas possible de gager une diminution des recettes publiques par une diminution des dépenses publiques.

● Le juge de la recevabilité financière exerce un contrôle restreint de l’adéquation des gages, se limitant à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. Il n’est ainsi pas demandé à l’auteur d’un amendement ou d’une proposition de loi de chiffrer avec précision l’incidence financière de la disposition proposée. Il suffit de préciser que la perte de recettes est compensée « à due concurrence » par l’augmentation d’un impôt existant ou la création d’une taxe additionnelle à celui‑ci. Cette pratique constante, dont le formalisme est limité, simplifie considérablement l’exercice du droit d’initiative parlementaire.

L’emploi de gages, qu’ils soient conventionnels ou inhabituels, ne dispense toutefois pas de veiller au caractère vraisemblable de la compensation proposée. Le président de la commission des finances, comme ses prédécesseurs, considère qu’un gage est susceptible de compenser une perte de recettes dans la limite d’un montant équivalent au rendement actuel de l’imposition qu’il est proposé d’augmenter à cette fin. Cela conduit en pratique à admettre qu’une imposition puisse doubler. Au‑delà de cette limite, le gage est considéré comme insuffisant pour assurer la recevabilité de l’initiative parlementaire correspondante.

À titre d’exemple, la suppression d’une imposition caractérisée par un rendement élevé, à la manière de la TVA et de la CSG, la création d’une zone franche sur une vaste partie du territoire national, une diminution significative des tarifs des taxes sur les gazoles et les essences ou l’augmentation massive des allègements généraux de cotisations patronales induirait une perte de recettes significative, qui ne pourrait de toute évidence pas être compensée par le gage « tabac » classique, dont le produit est d’une quinzaine de milliards d’euros. De la même manière, le président de la commission des finances a estimé que la création d’un crédit d’impôt permettant à l’intégralité des entreprises françaises de financer jusqu’à 30 % de leurs dépenses de cybersécurité ne pouvait être gagée par un simple relèvement de la taxe sur les transactions financières, dont le rendement se situe entre 1 et 2 milliards d’euros. Les annexes accompagnant chaque année les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, en particulier le tome I de l’évaluation des voies et moyens et l’annexe 3 relative à l’équilibre des finances sociales, peuvent utilement être mobilisées par les parlementaires afin de vérifier la crédibilité des gages proposés.

● Compte tenu de leur nature singulière, les amendes, pénalités et autres sanctions pécuniaires ne peuvent être considérées comme un gage. Selon une pratique constante la suppression ou la diminution de celles‑ci n’est pas assimilée à une perte de recettes (voir le a du 1 du B du II de la présente deuxième partie). Ces dispositifs, qui visent à dissuader et punir les comportements répréhensibles, n’ont pas pour vocation de dégager des recettes publiques. Cette approche favorable à l’initiative parlementaire a pour corollaire d’exclure les amendes du périmètre des ressources susceptibles de compenser une perte de recettes.

b.   Le gage doit être correctement affecté

Il ressort de la deuxième règle posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 2 juin 1976 que la compensation doit être établie au profit de l’organisme ou des organismes qui subissent la perte de recettes proposée par l’initiative parlementaire.

● Un amendement ayant pour conséquence de réduire les ressources publiques de plusieurs organismes relevant du périmètre de l’article 40 de la Constitution appelle la compensation à due concurrence de la perte de recettes correspondante pour chacun des organismes concernés, par l’intermédiaire de plusieurs gages.

Tel est particulièrement le cas des dispositifs zonés (ZFRR, QPV, etc.) mis en place afin de soutenir le développement de certains territoires fragiles. L’élargissement du zonage implique un triple gage au bénéfice de l’État, au titre de l’imposition des bénéfices, des collectivités territoriales, au titre des impôts locaux tels que la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et des organismes de sécurité sociale, au titre de certaines cotisations et contributions sociales.

Le président de la commission des finances considère que les amendements ayant pour effet de diminuer les recettes de TVA peuvent être gagés, par convention, au seul profit de l’État. Cette approche, également admise par son prédécesseur, simplifie les règles de compensation dans un contexte d’évolution du financement de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, lesquels perçoivent des transferts importants de TVA.

S’agissant plus spécifiquement des collectivités territoriales, la complexité des circuits budgétaires oblige à prévoir un gage spécifique pour compenser la diminution de ressources locales par voie d’amendement parlementaire. Par convention, un double gage est utilisé afin de compenser, d’une part, la perte de recettes pour les collectivités locales par l’augmentation d’un prélèvement sur recettes, par exemple de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et, d’autre part, la perte de recettes résultant de ce prélèvement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs.

 Afin de s’assurer que la compensation d’une diminution des recettes publiques bénéficie bien à l’organisme qui subit ladite diminution, il convient de distinguer la majoration d’une imposition, qui ne peut profiter qu’à l’affectataire de cette imposition, et la création d’une taxe additionnelle à une imposition, laquelle peut être instituée au profit d’un autre tiers. À titre d’exemple, la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés, qui engendre une diminution des recettes de l’État, ne peut être compensée par une majoration des accises sur les tabacs ou de la CSG, qui sont affectées à divers organismes de sécurité sociale, mais uniquement par une taxe additionnelle à ces accises ou à cette contribution.

● Les règles applicables aux gages sont mises en œuvre avec une certaine souplesse afin de limiter, dans la mesure du raisonnable, les cas d’irrecevabilité résultant d’erreurs formelles.

En premier lieu, le président de la commission des finances admet la substitution d’un gage erroné par un gage adéquat, permettant de compenser la perte de recettes au profit de la personne réellement « lésée ». Il convient toutefois de signaler que cette tolérance ne vaut que pour les amendements comportant un gage de perte de recettes à l’expiration du délai de dépôt. En tout état de cause, les parlementaires sont invités à veiller autant que possible à la bonne affectation du surcroît de recettes attendu du gage proposé.

En second lieu, les organismes relevant du périmètre de l’article 40 de la Constitution sont, par convention, classés en trois catégories englobantes, respectivement l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Il s’agit de simplifier l’identification des personnes subissant la perte de recettes. À titre d’exemple, un amendement ayant pour effet de diminuer les ressources d’un ou plusieurs opérateurs de l’État, tels que les universités, peut se contenter d’un gage établi au profit de l’État et ne doit pas nécessairement viser la catégorie ou le statut juridique précis des personnes lésées. Il en va de même pour les initiatives ayant pour effet de diminuer les ressources d’une ou plusieurs collectivités territoriales ou de leurs établissements. La perte de recettes peut être compensée au niveau du sous‑secteur des collectivités territoriales, sans qu’il soit nécessaire de prévoir un gage spécifique à la collectivité ou à l’échelon territorial – bloc communal, départements, régions – subissant effectivement la mesure.

c.   Le gage doit être immédiat

Enfin, la compensation de la perte de recettes doit être « immédiate » ou, à tout le moins, simultanée dans le cas d’une disposition ayant une incidence différée sur les ressources publiques. Ainsi, la mise en place d’un taux réduit de TVA à compter du 1er janvier de l’année n ne saurait être gagée par la majoration d’une imposition recouvrée au cours de l’année n+1.

L’exigence de consistance du gage s’apprécie dans le temps, ce qui suppose de compenser une perte de recettes pérenne par des ressources de même nature. Le produit des cessions de participations publiques, par exemple dans le cadre d’une privatisation, n’est que ponctuel et ne peut pas être mobilisé pour gager la perte de recettes générée par une réduction d’impôt permanente.

B.   Une jurisprudence souple qui favorise autant que possible les initiatives parlementaires

En premier lieu, plusieurs opérations qui peuvent avoir une incidence sur les recettes des organismes relevant du champ de l’article 40 ne sont pas considérées comme une perte de recettes : les amendements portant ces dispositifs sont dès lors recevables sans gage. En deuxième lieu et au terme d’une analyse casuistique du président de la commission des finances, certains amendements peuvent également être considérés comme auto-gagés par leur dispositif même et ne nécessitent à ce titre pas l’ajout d’un gage. En troisième et dernier lieu, plusieurs opérations sont analysées comme des pertes de recettes et non comme une charge afin de favoriser l’initiative parlementaire.

1.   Plusieurs opérations ne constituent pas une perte de recettes au sens de l’article 40

Les amendements susceptibles de diminuer le produit de sanctions ou de pénalités ne nécessitent pas l’ajout d’un gage, de même que les amendements procédant à un transfert de recettes au sein d’une même catégorie de collectivités territoriales.

a.   Les sanctions et pénalités

Les amendements parlementaires visant à alléger des sanctions ou des pénalités dont le produit bénéficie à une ou plusieurs personnes publiques ne sont traditionnellement pas considérés comme des mesures ayant pour effet de diminuer les recettes publiques. En effet, selon une interprétation favorable à l’initiative parlementaire, le président de la commission des finances considère que leur effet principalement recherché n’est pas de produire de nouvelles recettes publiques mais de sanctionner et de faire évoluer des comportements. Il en résulte la possibilité pour une initiative parlementaire de moduler le montant d’une sanction à la baisse sans compensation.

À titre d’exemple, sont recevables au titre de l’article 40 les amendements qui portent sur les sanctions instituées par l’article 55 de la loi dite SRU ([38]), qui impose aux communes dont la population est au moins égale à un certain nombre d’habitants de disposer de 25 % de logements sociaux au sein de leur parc de résidences principales, ou de 20 % dans les territoires moins tendus. Les communes n’atteignant pas ce seuil sont redevables d’un prélèvement annuel opéré sur leurs ressources fiscales et reversé au budget de l’État. Malgré la perte d’une partie des recettes issues de ce prélèvement, le président de la commission des finances considère recevable sans gage un amendement visant à diminuer le montant de cette pénalité ou à modifier les critères du dispositif ayant une incidence sur le prélèvement.

Ce raisonnement connaît néanmoins deux nuances. D’une part, l’amendement doit avoir une visée comportementale et non un objectif de rendement budgétaire afin d’être recevable sans gage : une initiative parlementaire manifestant la volonté de faire usage du produit d’une sanction comme d’une ressource à part entière devra en effet comporter un gage pour être déclaré recevable. Par exemple, un amendement qui proposerait de retirer l’affectation du produit d’amendes à une personne publique pour les rediriger vers une autre entité requerrait de gager la diminution des recettes subie par cette personne publique.

D’autre part, les sanctions appliquées aux seules personnes publiques sont considérées comme une charge et sont à ce titre irrecevables. Toutefois, dans l’hypothèse où un droit opposable à l’administration préexiste, le président de la commission des finances considère que la puissance publique peut être soumise à une astreinte en l’absence du respect de ses obligations : dans ce cas de figure, l’inscription d’une sanction dans la loi par amendement parlementaire n’est pas constitutive d’une charge nouvelle et peut donc être discutée sans gage.

b.   La jurisprudence « bloc » pour les collectivités territoriales

À la faveur d’une interprétation souple de l’article 40 de la Constitution, la jurisprudence dite « bloc » permet à un amendement parlementaire de procéder à un transfert de recettes au sein d’une même catégorie de collectivités territoriales, sans pour autant constituer une perte de recettes pour les collectivités perdantes. Cette analyse permet de ce fait d’élargir la recevabilité d’initiatives parlementaires non gagées.

Selon un système symétrique à celui décrit pour les charges publiques, cette jurisprudence dispense de gager toute initiative ayant pour objet de modifier la clé de répartition de recettes entre plusieurs collectivités territoriales appartenant à la même catégorie (régions, départements, communes). Ainsi, le président de la commission des finances a déclaré recevable sans gage un amendement parlementaire proposant une nouvelle répartition du prélèvement sur recettes relatif à la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux entre les communes.

A contrario, la jurisprudence « bloc » n’admet pas de transfert de recettes entre des collectivités n’appartenant pas à la même catégorie sans gage de perte de recettes pour les collectivités territoriales. Un amendement affectant aux communes une part supplémentaire d’une composante de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) au détriment des départements doit ainsi être gagé pour les collectivités territoriales. De même, un amendement qui augmente le montant de la part communale de la DGF réduit mécaniquement la part départementale et doit, à ce titre, prévoir un gage de perte de recettes pour les collectivités territoriales.

Dans la continuité de ses prédécesseurs, le président de la commission des finances défend néanmoins une conception élargie de la jurisprudence « bloc » au niveau communal, en acceptant non seulement une modification de la clé de répartition des recettes entre plusieurs communes, mais aussi au sein du bloc communal entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Par exemple, est recevable sans gage au titre de l’article 40 de la Constitution un amendement qui transfère des communes vers les EPCI une fraction des recettes de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

2.   La possibilité d’un « auto-gage »

Le président de la commission des finances a procédé à un assouplissement au cas par cas de la jurisprudence telle qu’appliquée par ses prédécesseurs, en admettant la recevabilité sans gage d’un amendement dont l’effet haussier sur les recettes de l’organisme dans le champ de l’article 40 était manifestement supérieur à son effet baissier.

Cette analyse casuistique doit toutefois répondre à deux conditions, reprenant les conditions de recevabilité d’un amendement gagé. En premier lieu, la perte et le surcroît de recettes doivent concerner la même structure dans le champ de l’article 40. À titre d’exemple, l’augmentation d’une recette d’un opérateur de l’État ne peut en aucun cas servir de gage pour la diminution des recettes d’un autre opérateur. En second lieu, le caractère suffisant du surcroît de recettes attendu ne doit faire aucun doute : le montant du surcroît de recettes doit être équivalent à celui de la perte de recettes. Si le montant de la perte de recettes est supérieur, l’amendement doit alors faire l’objet d’un gage conventionnel.

Le président de la commission des finances a ainsi déclaré recevable sans gage un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 visant à réformer la « taxe soda », par la neutralisation de la contribution pour les boissons peu sucrées et une forte augmentation du tarif applicable aux boissons contenant plus de 5 kilogrammes de sucres par hectolitre de boissons. En l’espèce, la diminution du montant de la contribution pour les premières tranches était manifestement compensée par une hausse au moins équivalente du montant des tranches supérieures, permettant de considérer l’amendement comme « auto-gagé ».

3.   Plusieurs opérations sont analysées comme des pertes de recettes afin de favoriser l’initiative parlementaire

Dans la continuité de ces prédécesseurs, le président de la commission des finances considère que certaines opérations susceptibles de créer ou d’aggraver une charge publique sont assimilables à des pertes de recettes. Tel est le cas des amendements créant un prélèvement sur les recettes de l’État (PSR), un crédit d’impôt ou un dégrèvement, qui sont recevables sous réserve de comporter un gage.

a.   Les prélèvements sur recettes

Définis à l’article 6 de la LOLF, les prélèvements sur les recettes de l’État (PSR) sont une rétrocession directe d’un montant déterminé de recettes du budget général de l’État au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne « en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales ».

Selon une jurisprudence constante, le président de la commission des finances analyse les PSR, en particulier ceux qui sont relatifs aux collectivités territoriales, comme une perte de recettes pour le budget de l’État et non comme une charge publique. Cette approche souple a pour conséquence directe d’octroyer la possibilité à un amendement parlementaire au projet de loi de finances de créer un nouveau PSR, à la stricte condition de prévoir un gage de perte de recettes pour l’État.

Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, le président de la commission des finances a ainsi déclaré recevables plusieurs amendements gagés au profit de l’État créant un nouveau PSR au profit des collectivités territoriales, par exemple pour compenser la collectivité de Corse au titre de la non-indexation de la dotation de continuité territoriale. Il convient toutefois de souligner que la création d’un nouveau PSR doit également respecter les conditions fixées dans la LOLF (voir le ii du b du 1 du A du I de la troisième partie).

b.   Les crédits d’impôt

Les crédits d’impôt constituent des dépenses fiscales particulières. Contrairement à une réduction d’impôt, dont le montant ne peut excéder celui de l’impôt dû, un crédit d’impôt peut offrir au contribuable un avantage fiscal supérieur au montant de l’impôt. La somme du crédit d’impôt excédant l’impôt dû constitue ainsi une créance sur l’État, qui peut faire l’objet d’un report sur les exercices fiscaux ultérieurs ou d’une restitution par versement du Trésor public.

Un crédit d’impôt pourrait par conséquent être assimilé à la fois à une diminution des recettes publiques (tant que l’avantage fiscal est inférieur à l’impôt dû, c’est-à-dire qu’il ne dépasse pas le seuil de la réduction d’impôt) et à une charge publique en ce qu’il a pour effet de créer une autorisation juridique de dépenser dès lors que le montant de l’avantage fiscal excède le montant de l’impôt dû.

Toutefois, le président de la commission des finances, faisant application d’une jurisprudence constante et favorable à l’initiative parlementaire, admet qu’un amendement parlementaire instituant un crédit d’impôt soit recevable à deux conditions.

D’une part, le crédit d’impôt doit être correctement gagé, selon les règles classiques du gage : les amendements créant un nouveau crédit d’impôt sur les sociétés ou sur le revenu doivent par exemple comporter un gage de perte de recettes pour l’État, tandis que les crédits d’impôt sur la taxe foncière doivent comporter un gage de perte de recettes pour les collectivités territoriales. D’autre part, afin de neutraliser la potentielle charge pour l’État résultant d’une restitution au contribuable de la fraction supérieure au montant de l’impôt recouvré, l’amendement doit également prévoir un complément au gage spécifique aux crédits d’impôt. Le gage permet ainsi de neutraliser par convention l’éventuelle charge qui résulterait de la restitution au contribuable d’un montant supérieur à celui de l’impôt dû.

Dès lors, sont systématiquement recevables les amendements créant ou modifiant un crédit d’impôt respectant cette double condition. À titre d’exemple, le président de la commission des finances a déclaré recevable la création d’un crédit d’impôt sur les sociétés pour l’achat de matériel de cybersécurité ou l’assouplissement du crédit d’impôt lié à l’emploi d’un salarié à domicile.

c.   Les dégrèvements

Les dégrèvements sont également des cas particuliers dans lesquels l’avantage fiscal peut donner lieu à un versement de l’État. Toutefois, suivant une pratique constante favorable à l’initiative parlementaire, ces opérations sont considérées comme des pertes de recettes et non comme des charges.

Ainsi, les amendements qui créent ou aggravent un dégrèvement sont recevables, à condition d’être dûment gagés. Se pose toutefois la question de la personne publique bénéficiaire de ce gage. Comme les dégrèvements concernent dans la plupart des cas les impôts locaux, c’est l’État qui prend alors à sa charge tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités locales.

En conséquence, afin d’éviter que l’amendement ne soit constitutif d’une charge pour le budget de l’État et ne se révèle irrecevable à ce titre, le président de la commission des finances admet que le gage soit prévu en faveur de la collectivité territoriale lésée par l’avantage fiscal octroyé à certains contribuables, afin de faire obstacle au remboursement de l’État. Il a toutefois déclaré irrecevable un amendement qui créait une imposition de toute nature au profit des sociétés et organismes de l’audiovisuel public assortie d’un dégrèvement pour certains contribuables mais sans gage pour ses affectataires.

d.   Autres cas spécifiques

Même au cas par cas, le président de la commission des finances adopte toujours l’interprétation favorable à l’initiative parlementaire s’agissant des mesures qui peuvent être interprétées soit comme une charge publique soit comme une diminution de recettes publiques : en les regardant sous l’angle de la diminution de recettes, elles deviennent recevables si elles sont assorties d’un gage suffisant.

Il en va ainsi des amendements ayant pour objet de réduire ou supprimer les recouvrements sur les successions des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), qui sont recevables avec un gage de perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale.

C’est également le cas pour les mesures relatives à des services publics locaux dont la gestion est assurée dans des conditions différentes d’une collectivité territoriale à une autre. Ainsi, imposer des tarifs réduits ou gratuits dans les transports en commun gérés par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) constitue une diminution de recettes pour les AOM qui ont choisi un fonctionnement en régie mais représente une charge publique pour celles qui ont signé une délégation de service public, la diminution des recettes tarifaires imposée à l’opérateur de transport devant être compensée par l’AOM. Le président de la commission des finances admet toutefois, si au moins une part significative des collectivités concernées par la mesure fonctionne en régie, et si l’auteur de l’amendement assortit son amendement d’un gage suffisant, que l’ensemble des collectivités concernées soient considérées comme recourant à une régie. Une telle interprétation n’est naturellement pas possible si l’intégralité ou la très grande majorité des structures considérées fonctionnent en délégation de service public.

  1.   La crÉation ou l’aggravation d’une charge publique

S’agissant des charges publiques, l’article 40 de la Constitution ne laisse que peu de marges de manœuvre aux initiatives parlementaires. D’une part, l’article 40 prohibe non seulement toute nouvelle dépense, mais aussi toute nouvelle autorisation juridique de dépenser. D’autre part, toute création ou toute aggravation d’une charge publique, même compensée, doit être considérée comme irrecevable.

L’application de ces dispositions à la lettre priverait les parlementaires d’une grande partie de leur droit d’amendement, car nombreuses sont les mesures qui impliquent une charge même minime pour l’État, les collectivités territoriales, la sécurité sociale ou les autres organismes entrant dans le champ de la recevabilité financière. En conséquence, le président de la commission des finances statue en conciliant autant que possible les exigences de l’article 40 de la Constitution avec le droit d’initiative conféré aux députés aux articles 39 et 44.

Depuis 2022, le président de la commission des finances a repris à son compte l’intégralité des dérogations favorables à l’initiative parlementaire établies par ses prédécesseurs, en les élargissant autant que possible, et en en dégageant de nouvelles lorsque cela lui paraissait nécessaire. Il s’est également tenu à la disposition de l’ensemble de ses collègues pour les conseiller dans la rédaction de leurs amendements afin de neutraliser d’éventuelles charges publiques lorsque cela était possible.

  1.   S’agissant des charges publiques, l’article 40 de la Constitution ne laisse que peu de marges de manœuvre aux initiatives parlementaires

Les travaux préparatoires à l’établissement de la Constitution du 4 octobre 1958 montrent que la rédaction de l’article 40, tant s’agissant du terme « charge » que de l’utilisation du singulier, est une volonté assumée du constituant de limiter les initiatives parlementaires.

1.   L’article 40 prohibe toute nouvelle autorisation juridique de dépenser

En s’opposant aux initiatives parlementaires qui tendraient à créer ou aggraver une « charge » publique, l’article 40 ne prohibe pas seulement toute nouvelle dépense mais aussi toute nouvelle possibilité de dépenser.

La notion de « charge » se distingue en effet de la notion de « dépense » en ce qu’elle est caractérisée même lorsqu’elle n’est qu’éventuelle ou facultative.

Une charge publique englobe ainsi toute nouvelle autorisation juridique de dépenser conférée à un organisme situé dans le champ de la recevabilité financière, même si cette autorisation demeure facultative. Cette jurisprudence est nécessaire pour éviter un contournement de l’article 40. Ainsi le fait de prévoir que l’État ou qu’un fonds public « peut » engager de nouvelles dépenses est irrecevable. De même, le fait d’assouplir les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales peuvent verser des avances ou participer au capital de sociétés, même s’il n’est pas certain que les collectivités feront usage de ces facultés nouvelles, constitue une charge publique. Renvoyer à un acte réglementaire le soin de fixer un paramètre financier qui pourrait conduire à une hausse des dépenses publiques ne permet pas non plus de rendre un amendement recevable.

En outre, une charge publique est constituée même si sa mise en œuvre est éventuelle. Il en va ainsi des mesures qui visent à faciliter l’engagement de la responsabilité d’une personne publique, à élargir la protection fonctionnelle des fonctionnaires, à créer ou élargir une garantie accordée par l’État ; bien que la dépense ne soit pas certaine, le fait de rendre possible le versement par une personne publique d’une indemnisation ou l’activation d’une garantie de l’État ou de la caisse centrale de réassurance suffit à caractériser la charge. De la même façon, toute proposition visant à ce que de nouveaux actes soient remboursés par la sécurité sociale est contraire à l’article 40.

Pour les mêmes raisons, toute initiative visant à étendre le droit de préemption d’une personne publique est irrecevable. S’il n’est pas certain que la personne publique aura l’occasion d’exercer son nouveau droit de préemption ni, si tel est le cas, qu’elle l’exercera, il s’agit néanmoins d’une nouvelle autorisation juridique de dépenser, susceptible de se réaliser. Le président de la commission des finances a toutefois considéré qu’un amendement qui rendait le droit de préemption d’une SAFER prioritaire sur celui de l’État et des collectivités territoriales n’élargissait pas le droit de préemption des SAFER mais constituait une simple modification des modalités procédurales d’exercice du droit de préemption.

De la même manière, permettre aux collectivités territoriales assurant la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’investissement de déroger à leur obligation, prévue au III de l’article L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales, d’assurer une participation minimale au financement de ce projet aggrave une charge publique, puisque cela augmente la part devant être prise en charge par les autres participants au projet, notamment l’État, et car cela facilite l’engagement des dépenses des collectivités territoriales, qui peuvent engager plus facilement le projet.

En conséquence, sont contraires à l’article 40 de la Constitution toutes les mesures qui visent à :

– créer, augmenter ou faciliter l’attribution d’une subvention, d’une dotation ou d’une dépense due par un fonds public ;

– élargir les bénéficiaires ou assouplir les conditions d’attribution d’une prestation sociale, y compris s’il s’agit d’un remboursement par l’assurance maladie ;

– créer une nouvelle structure publique permanente et coûteuse ou élargir les missions d’une structure existante ;

– créer de nouveaux emplois publics, faciliter l’accès à des emplois publics ou améliorer la rémunération d’agents publics.

Sont également irrecevables les initiatives parlementaires qui constituent une contrainte de la charge, c’est-à-dire qui restreignent significativement les capacités d’arbitrage des organismes situés dans le champ de l’article 40. Il en va ainsi d’amendements qui imposent à une personne publique un seuil minimal d’investissements ou un pourcentage de dépenses fléchées vers des projets spécifiques ou le maintien d’une ligne budgétaire à un niveau antérieur. En effet, de tels amendements obligent une entité publique à réaliser une dépense qui n’aurait autrement pas été effectuée. C’est aussi le cas des mesures qui transforment une faculté en obligation, puisqu’elles suppriment la possibilité qu’avait la personne publique d’arbitrer et de consacrer ces crédits à d’autres postes de dépenses. C’est pourquoi les amendements qui visent à rendre obligatoire l’armement de la police municipale sont irrecevables, puisqu’ils obligeraient les municipalités à armer leur police alors qu’elles ont la possibilité de ne pas le faire.

2.   Toute mesure créant ou aggravant une charge publique, même compensée, est irrecevable

S’il est établi qu’une initiative parlementaire tendant à diminuer une ressource publique est recevable si elle est compensée par la hausse à due concurrence d’une ou de plusieurs autres ressources publiques, toute création ou toute aggravation d’une charge publique, même compensée, est irrecevable.

En effet, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 1985 ([39]), confirmée à plusieurs reprises, a estimé « qu’il résulte des termes mêmes [de l’article 40 de la Constitution] qu’il fait obstacle à toute initiative se traduisant par l’aggravation d’une charge, fut-elle compensée par la diminution d’une autre charge ou par une augmentation des ressources publiques ». Députés et sénateurs ont donc la possibilité de gager une diminution des recettes publiques, mais toute création ou toute aggravation d’une charge publique, même gagée, doit être considérée comme irrecevable.

Il résulte de cette interprétation que l’article 40 de la Constitution empêche toute mesure visant à flécher le produit d’une recette vers une dépense précise, puisque cela reviendrait à compenser la création ou l’aggravation d’une charge par une augmentation des ressources publiques, ce que ne permet pas la jurisprudence constitutionnelle. Cela vaut tant pour les recettes et les dépenses existantes que pour les recettes et les dépenses nouvelles. Ainsi, il n’est pas non plus possible de rediriger les moyens publics alloués au crédit d’impôt recherche vers les laboratoires, de prévoir une augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour augmenter les financements visant à développer une filière française de production de carburants d’aviation durable ou encore d’affecter une fraction de TVA aux communes pour la construction de logements sociaux.

Le fléchage d’une recette vers un organisme, tant que cette recette n’est pas affectée à un objet dépensier précis, est admis, à condition que cet organisme exerce plusieurs missions ; il est alors considéré que la mesure tend à augmenter les recettes publiques. Il n’est en revanche pas autorisé d’orienter une recette vers un organisme ou un fonds qui n’exercerait qu’une seule mission. Par exemple, attribuer au Fonds de développement de la vie associative (FDVA) une quote-part des sommes acquises à l’État au titre des comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence revient à compenser la hausse des dépenses du FDVA par des recettes nouvelles.

À cet égard, le président de la commission des finances a veillé à avoir l’interprétation la plus favorable à l’initiative parlementaire, par exemple en considérant, contrairement à ses prédécesseurs, qu’Action logement exerçait plusieurs missions, ou en confirmant que le versement mobilité n’était pas fléché vers une dépense précise des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), sauf si l’affectation est dirigée vers un objet spécifique comme les services express régionaux métropolitains. À l’inverse, il a été considéré qu’affecter le produit d’une contribution de solidarité urbaine nouvellement créée au fonds national des aides à la pierre constituait bien un fléchage contraire à l’article 40.

B.   Les cas où la charge n’est pas caractÉrisÉe ou peut Être neutralisÉe

Le président de la commission des finances a veillé à conserver les dérogations favorables à l’initiative parlementaire établies par ses prédécesseurs, en les élargissant autant que possible, et en en dégageant de nouvelles lorsque cela lui paraissait nécessaire.

1.   La charge doit être directe et certaine

Une charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution n’est caractérisée que si elle est directe et certaine.

Les amendements qui induisent indirectement une charge publique, c’est-à-dire ceux dont l’effet financier est secondaire, sont recevables au regard de l’article 40 de la Constitution. Par exemple, un amendement qui élargit la définition des projets d’envergure nationale ou européenne d’intérêt général majeur, qui permettent de déroger à la réglementation relative au « zéro artificialisation nette », est recevable au titre de l’article 40, dans la mesure où il modifie avant tout les règles d’urbanisme et environnementales et où l’assouplissement des conditions dans lesquelles des personnes publiques peuvent financer de tels projets n’est pas l’objet premier de la mesure. De même, les initiatives dont l’effet financier – à la hausse ou à la baisse – n’est pas connu avec certitude sont recevables.

Ce raisonnement des présidents de la commission des finances, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a été récemment confirmé par le Conseil constitutionnel. Ainsi, dans une décision du 7 août 2025 sur la loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille ([40]), le Conseil a estimé que « la proposition de loi déposée, qui visait uniquement à modifier le mode de scrutin applicable pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, n’avait par elle-même ni pour objet ni pour effet de modifier les règles de financement des campagnes électorales » et que « [l]’augmentation des charges publiques pouvant résulter du remboursement de dépenses électorales en application de ces règles, dont le montant dépend du nombre de candidats, de leurs choix pour le financement de la campagne et du nombre de suffrages obtenu par chacun d’eux, n’était dès lors ni directe, ni certaine ».

En matière de charges indirectes, le président de la commission des finances a assoupli les règles de recevabilité des amendements portant sur les critères d’attribution des marchés publics. Il a plusieurs fois considéré que des amendements qui ajoutaient des critères au cahier des charges publié par l’acheteur public étaient recevables dès lors que leurs effets sur le prix payé par ces autorités demeuraient incertains. Ainsi en a-t-il été d’amendements qui, sans supprimer les règles préexistantes, imposaient aux autorités délégantes de privilégier les produits répondant à des critères d’excellence environnementale, de valoriser les offres ayant une empreinte carbone la plus limitée ou d’attribuer une bonification aux entreprises solidaires d’utilité sociale. De tels amendements ne doivent toutefois pas conduire l’acheteur public à ne plus retenir l’offre la plus avantageuse d’un point de vue économique. Suivant cette logique, des amendements imposant d’attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l’offre la plus avantageuse en termes de critères environnementaux et sociaux ont été déclarés irrecevables. La recevabilité d’amendements ajoutant un critère géographique dans l’attribution d’un marché public est quant à elle appréciée au cas par cas. Le président de la commission des finances est sensible à ce que la disposition ne limite pas outre mesure les marges de manœuvre de l’autorité délégante. Par exemple, un amendement imposant que l’attributaire du marché soit établi dans un État membre de l’Union européenne a été jugé recevable. Ces assouplissements ont contribué à rapprocher la jurisprudence de l’Assemblée nationale avec celle du Sénat en matière de marchés publics.

Le président de la commission des finances a également assoupli et clarifié les règles de recevabilité des amendements portant sur les tarifs réglementés de vente d’électricité. Lors de l’examen d’une proposition de loi sur la nationalisation d’EDF, la question s’est posée de savoir si l’extension des tarifs réglementés de vente d’électricité aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’à certaines collectivités territoriales induisait une charge publique en ce qu’une telle disposition, d’une part, imposait à l’État de compenser le coût de la mesure à EDF et aux entreprises locales de distribution et, d’autre part, étendait également le bénéfice du « bouclier tarifaire » instauré dans la loi de finances. Auparavant, de tels amendements étaient déclarés irrecevables en ce qu’il était considéré que, par principe et même sans mention expresse, l’État compenserait aux fournisseurs d’électricité les surcoûts induits par les nouvelles obligations qui leur étaient imposées. Le président de la commission des finances a cependant inversé le raisonnement suivi en recherchant au cas par cas l’existence d’une telle compensation. Si l’article L. 121-6 du code de l’énergie prévoit que les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques « sont intégralement compensées par l’État », la liste des charges imputables aux missions de service public, prévue à l’article L. 121‑7 du même code, ne comprend pas les obligations liées aux tarifs réglementés de vente d’électricité. Par conséquent, toute nouvelle obligation imposée aux opérateurs dans le cadre des tarifs réglementés ne donne lieu à aucune compensation financière de l’État, sauf mention expresse dans l’amendement ou dans le droit en vigueur. Le président de la commission des finances a ainsi, à plusieurs reprises, déclaré recevables des amendements qui étendaient le public bénéficiaire des tarifs réglementés de vente d’électricité sans mention explicite d’une compensation budgétaire par l’État ou qui prévoyaient une telle extension en neutralisant une éventuelle prise en charge financière par la puissance publique. Il convient de souligner que les ajustements de la jurisprudence ainsi mis en œuvre sont cohérents avec les décisions prises sur les mêmes sujets par le président de la commission des finances du Sénat.

2.   Les charges de gestion

Un amendement qui précise les missions d’un organisme entrant dans le champ de la recevabilité ne constitue pas une charge publique au sens de l’article 40 à condition qu’il puisse être mis en œuvre par cet organisme à moyens budgétaires et humains constants.

La jurisprudence de la « charge de gestion » est l’une des premières exceptions à l’article 40 de la Constitution ayant reçu une validation explicite du Conseil constitutionnel ([41]). Le Conseil a récemment eu l’occasion de renouveler son appréciation dans une décision du 7 août 2025 sur la loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille. Tandis que la proposition prévoyait l’organisation de deux scrutins au lieu d’un seul, il a estimé que « dans la mesure où, par rapport à l’état antérieur du droit, les deux scrutins se tiennent le même jour, dans les mêmes locaux, avec le concours du même personnel, l’augmentation des dépenses pouvant résulter, pour les services compétents, des tâches de gestion liées à l’organisation matérielle de ces scrutins est incertaine et n’est pas, en tout état de cause, de nature à excéder la charge de gestion » ([42]).

L’appréciation de ce qui constitue ou de ce qui excède une charge de gestion se fait au cas par cas. Le président de la commission des finances a souhaité avoir la vision de la charge de gestion la plus extensive possible, afin de favoriser l’initiative parlementaire. Il a reconduit l’essentiel de la jurisprudence mise en place par ses prédécesseurs, s’agissant par exemple :

– des demandes de rapport du Gouvernement au Parlement, qui sont toujours des charges de gestion pour l’administration ;

– de la nomination d’un référent au sein d’un service, qui est recevable, sauf à ce qu’un amendement prévoie explicitement que le référent ferait l’objet d’une création de poste ;

– de la création d’un nouveau module de formation au sein d’une formation existante ou pour des publics qui bénéficient déjà d’une formation régulière (notamment les fonctionnaires et les élus). Toutefois, les amendements qui ne se contentent pas de préciser le contenu d’une formation existante mais qui créent une nouvelle formation, une nouvelle filière d’enseignement ou une nouvelle école doivent être regardés comme contraires à l’article 40.

Contrairement à ses prédécesseurs, le président de la commission des finances a également estimé à plusieurs reprises que des amendements imposant à l’État d’organiser une nouvelle campagne d’information ou de communication constituait une charge de gestion pour les services concernés.

L’appréciation de ce qui constitue une charge de gestion dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels on peut citer :

– le niveau des moyens déjà à la disposition de l’organisme concerné : plus ces moyens sont importants, plus il sera en mesure d’absorber de nouvelles charges sans recrutement ou dépense supplémentaires. Ainsi, il est plus facile pour l’État de réallouer ses moyens pour permettre la création d’un registre national des exploitations agricoles que pour la SAFER Guyane, dotée de moins de 5 ETP, de voir la surface des terres dont elle assure la gestion tripler sans période de transition ;

– la nature des missions confiées à l’organisme : plus elles sont proches des missions existantes, moins il sera difficile pour l’organisme d’étendre son champ de compétences. A ainsi été jugé recevable un amendement qui imposait aux services contrôleurs de la MSA de contrôler le respect d’une nouvelle obligation imposée aux employeurs de travailleurs occasionnels. Le président de la commission des finances a à l’inverse déclaré irrecevable un amendement proposant la création d’une délégation parlementaire, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, chargée de la restitution des restes humains du domaine public ;

– de l’ampleur des missions confiées à l’organisme par rapport à ses missions existantes. Ainsi, étendre le contrôle de la Cour des comptes aux EHPAD privés lucratifs, bien que cela s’apparente aux contrôles qu’elle effectue déjà, est apparu comme excédant la charge de gestion compte tenu du nombre d’établissements concernés (entre 1 700 et 1 800 selon la DREES). De la même manière, étendre le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sur les interventions des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques aux prestations réalisées au bénéfice de l’ensemble des collectivités territoriales a été jugé trop massif pour constituer une charge de gestion. À l’inverse, étendre un « test PME » – imposant d’évaluer les effets des projets de loi ou d’ordonnance sur les petites et moyennes entreprises ainsi que les microentreprises – aux entreprises de taille intermédiaire et aux grandes entreprises est apparu comme étant une charge de gestion pour l’administration, du fait du faible nombre d’entreprises ajoutées (environ 6 000) au regard du grand nombre d’entreprises déjà concernées (3,8 millions).

3.   Les charges de trésorerie

En application de la jurisprudence éponyme, une mesure qui ne fait peser qu’une simple charge de trésorerie sur un organisme situé dans le champ de l’article 40 est jugée recevable. Deux conditions cumulatives sont requises pour qu’une charge puisse être qualifiée de charge de trésorerie : elle doit être infraannuelle et non massive. Il a ainsi été jugé qu’un amendement qui fixait un délai maximal de sept jours pour le versement d’indemnités journalières par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) constituait pour cette dernière une charge de trésorerie, dans la mesure où cela ne modifiait pas le montant des indemnités versées mais uniquement le moment de leur versement.

Dans la majorité des cas, c’est le critère de l’infra-annualité qui empêche un amendement d’être ainsi déclaré recevable. Par exemple, a été jugé contraire à l’article 40 un amendement qui autorisait les communes ou leurs groupements à consentir des avances à des sociétés commerciales pour une durée de sept ans, contre deux ans dans le droit existant. De la même manière, n’a pu venir en discussion un amendement qui prévoyait de systématiser le versement sous la forme d’une indemnité en capital, plutôt que celle d’une rente, de l’indemnisation pour incapacité permanente en cas d’accident ou de maladie trouvant son origine dans l’exercice professionnel, dont une partie est à la charge de la sécurité sociale.

Le président de la commission des finances a néanmoins assoupli la jurisprudence s’agissant de ce qui peut être considéré comme une charge non massive. Ainsi, a été jugé recevable un amendement qui prévoyait que le versement des avances à l’audiovisuel public ne soit plus étalé en douze fois dans l’année mais soit effectué en une fois à la fin du mois de janvier, ce qui constituait en début d’année un surcoût d’environ 3,7 milliards d’euros. Il a toutefois considéré que le versement à la source de l’intégralité des aides et allocations sociales était trop massif.

4.   La jurisprudence de l’État employeur

Le président de la commission des finances a été amené à appliquer à de nombreuses occasions la jurisprudence dite de l’État employeur, à l’origine conçue pour apprécier la recevabilité de mesures relatives à la rémunération, et qui a été étendue à l’ensemble des domaines dans lesquels des obligations coûteuses de faire peuvent être mises à la charge tant des personnes publiques que des personnes privées. Selon cette jurisprudence, une initiative parlementaire qui, tout en ayant des conséquences coûteuses pour l’État ou un organisme entrant dans le champ de la recevabilité, fait peser des contraintes à la fois sur des personnes publiques et des personnes privées dans des conditions juridiquement identiques n’est pas considérée comme contraire à l’article 40.

Il est donc possible, à titre d’exemple, de prévoir une augmentation du salaire minimum, qui s’applique aussi bien pour les employeurs publics que pour les employeurs privés, mais pas une augmentation du point d’indice de la fonction publique, qui ne s’applique qu’aux employeurs publics. De la même manière, ont été jugés recevables des amendements qui imposaient l’installation de panneaux solaires sur tous les nouveaux bâtiments, publics et privés, excédant une certaine superficie ; une mesure similaire qui aurait uniquement porté sur les bâtiments publics n’aurait toutefois pas été tolérée. Il est également possible d’instituer de nouvelles sanctions à la fois pour des personnes publiques et des personnes privées, mais une sanction qui ne pourrait être due que par des personnes publiques serait irrecevable.

Le président de la commission des finances a eu à cœur de favoriser l’initiative parlementaire autant que possible. Ainsi, sur une proposition de loi visant à instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles, qui instaurait des mesures coûteuses à la fois pour les salariés du secteur privé (article 1er) et pour les agents publics (article 2), il a considéré que des amendements à l’article 2 qui, par définition, aggravaient la charge uniquement pour les agents publics, étaient couverts par une application extensive de la jurisprudence de l’État employeur sur l’ensemble du texte et non article par article, en raison des amendements « miroirs » proposés à l’article 1er s’agissant des salariés.

La jurisprudence de l’État « employeur » ne s’applique toutefois pas lorsqu’un amendement concerne uniquement des personnes situées dans le champ de l’article 40. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, le président de la commission des finances a déclaré recevables l’ensemble des amendements qui proposaient de durcir les obligations imposées aux activités d’importance vitale, aux infrastructures critiques et aux entités importantes ou essentielles, l’ensemble de ces notions concernant à la fois des personnes publiques et des personnes privées. Il a toutefois déclaré irrecevable un amendement qui proposait d’ajouter les opérateurs de l’audiovisuel public dans la liste des entités importantes, puisqu’un tel amendement avait uniquement pour effet d’imposer de nouvelles obligations coûteuses à des personnes situées dans le champ de l’article 40.

5.   Les dispositions non normatives

Les amendements dont le dispositif est déclaratoire et dépourvu de tout caractère normatif, notamment du fait de son imprécision, sont recevables au regard de l’article 40, même si leur objectif est dépensier.

Cette tolérance concerne en premier lieu les dispositions programmatiques, qui n’emportent pas en elles-mêmes de nouvelles dépenses mais ne font que prévoir des dépenses futures dont la réalisation nécessite d’être confirmée dans un texte ultérieur. Ainsi, tout amendement qui prévoit, à l’instar d’une loi de programmation sectorielle, une trajectoire d’évolution des crédits de paiement d’une politique publique, est recevable en ce que son adoption n’aurait aucun caractère contraignant sur les lois de finances ultérieures.

La règle ne s’applique toutefois pas qu’aux lois de programmation sectorielles. Ainsi, ont pu être déclarés recevables sur d’autres projets ou propositions de loi des amendements qui fixaient à l’État ou à la Nation différents objectifs de nature programmatique, comme celui d’un accès équivalent aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, de « soutenir » l’installation de jeunes agriculteurs ou encore de constituer un vivier de fonctionnaires permettant de réinternaliser certaines dépenses consenties au profit de cabinets de conseil. Ces amendements étaient bien recevables au regard de l’article 40 dans la mesure où ils n’emportaient aucune conséquence financière.

En particulier, le président de la commission des finances a assoupli la jurisprudence, en déclarant systématiquement recevables les amendements déposés au rapport annexé à un projet ou à une proposition de loi. Cela concerne, par exemple, les rapports annexés à un projet de loi de programmation sectorielle ainsi que le rapport figurant en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Le président de la commission des finances veille toutefois à ce qu’un amendement ne constitue pas un contournement manifeste de l’article 40. Il écarte ainsi tout objectif suffisamment précis pour contraindre l’État ou un organisme situé dans le champ de la recevabilité à engager des dépenses supplémentaires. Un objectif dont la cible est chiffrée de manière précise ou assortie d’une date limite de réalisation peut donc être considéré comme contraire à l’article 40. Il en va de même d’un objectif dont les modalités de mise en œuvre peuvent être définies par décret, en ce qu’il constitue une habilitation de l’autorité réglementaire à prendre des mesures pour tenter d’atteindre la cible fixée.

Ainsi, sur le projet de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, le président de la commission des finances a admis un grand nombre d’amendements aux articles L. 100-1 A à L. 100-5 du code de l’énergie, considérant qu’ils étaient purement programmatiques, donc non normatifs et n’emportant par eux-mêmes aucune obligation juridique ni aucune dépense nouvelle. Il a toutefois déclaré irrecevables quelques amendements modifiant les 1° et 3° de l’article L. 100-4 du même code, dont le Conseil d’État a reconnu le caractère normatif ([43]), et qui peuvent conduire au paiement d’une astreinte par l’État en cas de non-respect des objectifs prescrits.

6.   La jurisprudence relative aux expérimentations

Le président de la commission des finances a été amené à reconduire la jurisprudence relative aux expérimentations consacrée par plusieurs de ses prédécesseurs. Pour concilier les exigences prévues aux articles 40 et 37-1 de la Constitution ([44]), elle permet aux députés de déposer des amendements autorisant l’État à expérimenter des mesures qui créent ou aggravent une charge publique aux fins d’améliorer l’efficacité de la dépense publique.

Cette jurisprudence constituant une exception à l’article 40 de la Constitution, et qui n’a encore jamais été commentée par le Conseil constitutionnel, est assortie d’un certain nombre de conditions pour éviter qu’elle soit utilisée pour contourner les règles de recevabilité financière.

S’agissant d’une exception, ces conditions font l’objet d’un contrôle rigoureux, même si le président de la commission des finances a procédé à un certain nombre d’assouplissements. Ainsi, un amendement ne peut être jugé recevable que s’il respecte l’ensemble des critères suivants :

– dans la mesure où le Gouvernement est le seul habilité à créer ou aggraver une charge publique, l’État doit garder la maîtrise de l’expérimentation : il doit soit la conduire lui-même soit l’autoriser (avec une formule du type « l’État peut autoriser ») ;

– une expérimentation ne saurait constituer une mesure pérenne et doit en conséquence être limitée dans le temps. Sa durée ne peut excéder trois ans ;

– l’expérimentation doit faire l’objet d’une délimitation géographique, afin qu’une comparaison puisse avoir lieu entre les territoires dans lesquels l’état du droit a changé et les autres. Le président de la commission des finances a été amené à assouplir ce critère, en acceptant des expérimentations pouvant aller jusqu’à dix départements ou quatre régions (contre, respectivement, cinq et trois dans la jurisprudence antérieure). Toutefois, une expérimentation qui pourrait être menée dans l’ensemble des collectivités territoriales volontaires ne suffit pas à satisfaire à ce critère, puisqu’elles pourraient en théorie toutes se porter volontaires, alors que la définition même d’une expérimentation suppose l’existence d’un contrefactuel ;

– l’expérimentation doit être réversible, ce qui implique qu’elle n’exige pas que soient mis en œuvre d’importants investissements en matériel ou en moyens humains. Des amendements qui impliquaient l’acquisition de matériels coûteux ou la mise en place de nouveaux outils numériques ont ainsi été déclarés irrecevables ;

– ne peuvent faire l’objet d’une tolérance au titre de l’article 40 les expérimentations dont l’intérêt est déjà démontré sans qu’il soit besoin de procéder à la moindre comparaison. Cela vaut, par exemple, pour tout amendement qui viserait le versement d’une aide publique ou d’une prestation sociale, y compris de nouveaux remboursements par la sécurité sociale.

Il en résulte que toute mesure n’est pas susceptible de faire l’objet d’une expérimentation. Chaque amendement proposant l’expérimentation d’une mesure coûteuse est examiné au cas par cas. Il a d’autant plus de chances d’être déclaré recevable que son objet est défini de façon précise, concrète et opérationnelle.

À titre d’exemple, le président de la commission des finances a jugé recevable une expérimentation visant à instaurer au sein de l’Autorité des marchés financiers une « unité des délits boursiers » chargée, en lieu et place de la brigade financière de la police judiciaire, du traitement pénal des infractions relatives aux marchés financiers. Il a fait de même pour un amendement qui proposait d’autoriser, à titre expérimental, les opticiens-lunetiers mobiles à réaliser des examens de la réfraction en EHPAD ou à domicile et à adapter les prescriptions existantes en fonction de ces examens. Bien que coûteuses, ces mesures visaient bien à déterminer dans quelle mesure une organisation alternative du service public pouvait se révéler préférable à la situation actuelle.

À l’inverse, il n’a pas été possible de discuter des amendements qui proposaient d’expérimenter des dispositifs de reconnaissance faciale dans les transports publics, qui auraient imposé des investissements matériels non réversibles, ou d’autres qui visaient à créer de nouveaux services d’urgence en dehors de l’hôpital ou à allonger la durée des études de certains professionnels de santé – les intérêts bénéfiques de ces mesures étant déjà connus sans qu’il soit besoin de le démontrer par une expérimentation.

7.   Une plus grande tolérance en matière pénale

Comme ses prédécesseurs, le président de la commission des finances a fait preuve d’une plus grande tolérance en matière de politique et de procédure pénales, des domaines particuliers pour lesquels une application stricte de la jurisprudence reviendrait à restreindre totalement l’initiative parlementaire.

Les amendements touchant à la matière pénale sont recevables au titre de l’article 40 sauf s’ils ont une incidence financière directe. Il en résulte que ce qui relève de l’office du juge est très majoritairement en dehors du champ du contrôle de recevabilité. Il est notamment toujours possible d’alourdir les peines d’emprisonnement, de créer un nouveau crime ou un nouveau délit ou encore de proposer un élargissement des peines alternatives à l’emprisonnement.

Les mesures qui se placent directement sur le terrain des dépenses publiques sont néanmoins irrecevables. Ont ainsi été écartés des amendements qui proposaient d’élargir l’accès à l’aide juridictionnelle ou d’en augmenter le montant ou encore de créer une Cour de sûreté de la République compétente pour connaître des recours formés contre les décisions administratives d’expulsion et contre les décisions fixant le pays de renvoi d’un étranger faisant l’objet d’une décision d’expulsion.

Le président de la commission des finances a eu l’occasion de préciser le niveau de contrôle des dispositions pénales dans un sens favorable à l’initiative parlementaire. Sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, il a été saisi d’amendements visant à élargir le périmètre des personnes éligibles au statut de repenti. Or ce statut ouvre droit non seulement à une exemption ou à une réduction de peine mais aussi à des mesures de protection et de réinsertion pour les personnes repenties elles-mêmes et pour leur famille ou leurs proches. Le président a considéré que l’effet premier de ces amendements tenait aux conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire peut être amenée à prononcer une exemption ou une réduction de peine et que l’élargissement des mesures de protection et de réinsertion était un effet indirect. Il a en revanche déclaré irrecevables les amendements qui se plaçaient directement sur le champ des mesures de protection et de réinsertion.

8.   Une nouvelle jurisprudence « démocratie »

Soucieux d’adopter une approche favorable à l’initiative parlementaire, le président de la commission des finances s’est également efforcé, lorsque cela était possible, de faire converger la jurisprudence avec les règles de recevabilité appliquées par le président de la commission des finances du Sénat. C’est ainsi qu’il a décidé de reprendre la jurisprudence « démocratie », qui existait de longue date dans la chambre haute mais qui n’avait encore jamais été appliquée à l’Assemblée nationale.

Selon cette jurisprudence « démocratie », les initiatives parlementaires « visant à permettre ou à améliorer l’exercice de la démocratie par les citoyens font l’objet […] d’une certaine tolérance dans le cadre du contrôle de leur recevabilité financière, afin de ne pas entraver l’expression de la volonté populaire », et le coût éventuel du dispositif proposé est considéré comme n’en étant qu’une « conséquence accessoire » ([45]). Le président de la commission des finances du Sénat admet par exemple des amendements augmentant la fréquence des élections ou prévoyant la mise à disposition de bulletins blancs lors d’un scrutin.

Ainsi, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale a considéré qu’un amendement qui imposait, lorsqu’un conseil municipal a perdu au moins un tiers de ses membres, un renouvellement général du conseil plutôt que des élections complémentaires était recevable, en ce que la charge liée à l’organisation de scrutins supplémentaires était accessoire à une mesure visant dans son principe à favoriser l’expression de la volonté populaire. Il a également admis un amendement qui imposait la tenue d’un bureau de vote dans chaque établissement pénitentiaire.

Cette jurisprudence, favorable à l’initiative parlementaire, ne saurait pour autant conduire à ce que toutes les initiatives ayant trait à l’organisation des institutions démocratiques soient déclarées recevables ou à contourner les règles de la recevabilité financière. En particulier, demeurent irrecevables, même dans le cadre de la jurisprudence « démocratie », les initiatives parlementaires qui auraient pour effet d’augmenter le nombre ou la rémunération des élus. Il s’agit là d’une limite qui ne semble pouvoir être franchie, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a déjà expressément jugé qu’une augmentation du nombre d’élus bénéficiant d’une indemnité est une charge ([46]).

9.   Les autres cas dans lesquels la charge n’est pas constituée ou peut être neutralisée

D’autres constructions jurisprudentielles favorables à l’initiative parlementaire ont aussi été reprises et étendues par le président de la commission des finances.

a.   La création d’un fonds interprofessionnel

S’il n’est naturellement pas possible pour une initiative parlementaire de proposer la création d’un nouveau fonds public, un député a la possibilité de créer un nouveau fonds privé. Il convient néanmoins de veiller à ce que la rédaction de l’amendement permette bien de catégoriser le fonds comme étant privé et non public. L’exercice par le fonds de missions d’intérêt général, la présence d’un mode de financement reposant sur la solidarité nationale, le statut juridique du gestionnaire, l’existence d’un contrôle financier de l’État, la possibilité d’une dotation ou d’une garantie de l’État ou encore la faculté pour l’État d’opérer des prélèvements sur un fonds sont autant d’indices susceptibles de le classer comme un fonds public entrant dans le champ de la recevabilité. À l’inverse, créer un fonds interprofessionnel, financé par des contributions volontaires des professionnels d’un secteur, reposant sur un financement assurantiel en circuit fermé (sans fonds publics), et dont les modalités de fonctionnement ne sont pas déterminées par décret peut le plus souvent être considéré comme étant en dehors du champ de la recevabilité.

b.   La jurisprudence « renouvellement »

Le président de la commission des finances a plusieurs fois été amené à reconduire la jurisprudence dite « renouvellement », selon laquelle il est possible d’imposer une nouvelle réglementation, potentiellement plus coûteuse, à des personnes publiques, à condition qu’elle ne s’applique qu’aux flux futurs, et non au stock. Il est par exemple autorisé d’imposer à des administrations de se doter de véhicules électriques ou hybrides si cette obligation vaut pour l’avenir, sans entraîner un renouvellement immédiat de l’ensemble de la flotte de véhicules.

c.   La jurisprudence « structure bénévole »

Si les députés ne peuvent créer une nouvelle structure publique permanente et coûteuse, le président de la commission des finances admet toutefois les amendements qui créent de telles structures si les membres du comité exercent leur activité à titre bénévole, qu’il ne bénéficie d’aucun financement public et si la structure ne dispose d’aucun secrétariat permanent. Le bénévolat des membres doit notamment être précisé lorsque figurent parmi les membres de la structure des personnalités qualifiées, des experts, des professionnels d’un secteur ou des représentants d’associations, qui en l’absence de mention expresse peuvent bénéficier d’une indemnisation. Une telle précision n’est toutefois pas nécessaire si les membres de la structure sont des élus, des agents publics ou des représentants syndicaux ; on considère alors par défaut que les membres ne sont pas rémunérés.

d.   La jurisprudence « fusion de structures publiques »

Le président de la commission des finances a reconduit la jurisprudence, favorable à l’initiative parlementaire, selon laquelle la fusion de deux structures publiques en un nouvel organisme ou l’intégration d’une première structure dans une autre structure existante à des fins d’économies et de rationalisation de l’action publique ne constituait pas une charge publique au sens de l’article 40. Lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, il a ainsi admis un grand nombre d’amendements qui proposaient la suppression d’agences ou de comités et le transfert de leurs missions vers d’autres structures publiques existantes. Cette tolérance n’est toutefois valable que si le champ des missions transférées n’est pas étendu par rapport aux missions anciennement exercées par l’organisme qu’il était proposé de supprimer.

e.   La jurisprudence « bloc » pour les collectivités territoriales

Comme ses prédécesseurs, le président de la commission des finances a fait montre d’une certaine souplesse à l’égard des initiatives parlementaires portant sur les collectivités territoriales. Pour ces dernières, la charge publique au sens de l’article 40 est appréciée au niveau de chaque échelon de collectivité : régions, départements, bloc communal. En conséquence, il est possible de « gager » des charges au sein d’un bloc, à condition de ne pas augmenter le total des dépenses de ce bloc. Ont par exemple été admis des amendements qui proposaient un déplafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les EPCI et leurs communes. Sont aussi recevables les amendements qui autorisent les EPCI à déléguer ou à transférer les compétences « eau » et « assainissement » aux communes ou syndicats de communes. À l’inverse, des amendements qui visent à transférer ces mêmes compétences aux départements ou aux syndicats mixtes ouverts (qui sont ouverts, au-delà des communes et des EPCI, aux départements et aux régions) ne sont pas recevables au titre de la jurisprudence « bloc ».

f.   La neutralisation au cas par cas de dispositions coûteuses

Le président de la commission des finances veille également, lorsque cela est possible, à proposer des solutions constructives afin de permettre la discussion d’amendements dont la portée politique ou les enjeux sociétaux sont particulièrement forts.

Sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (XVIe législature) ainsi que la proposition de loi relative à la fin de vie (XVIIe législature), l’article du texte prévoyant une prise en charge par la sécurité sociale de l’ensemble des frais supportés par la personne prise en charge dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir ainsi que des honoraires ou rémunérations forfaitaires des professionnels de santé amenés à intervenir avait pour effet d’entraîner l’irrecevabilité d’un grand nombre d’amendements. Ainsi, toute proposition visant à élargir le public bénéficiaire de l’aide à mourir ou d’en assouplir les modalités d’accès ainsi que toute nouvelle intervention d’un professionnel de santé conduisaient à ce que davantage d’actes soient remboursés par la sécurité sociale. En conséquence, le président de la commission des finances a proposé à l’ensemble des députés qui le consultaient de neutraliser la prise en charge par la sécurité sociale des mesures qu’ils proposaient d’intégrer dans le texte, afin de permettre la discussion de leurs amendements et d’avoir le débat le plus large possible.

C.   Le cas des gages de charge

Bien que, pour les amendements parlementaires, la jurisprudence du Conseil constitutionnel rende irrecevable toute mesure qui crée ou qui aggrave une charge publique, même si elle est compensée à due concurrence par de nouvelles recettes publiques ou par la diminution d’une autre charge publique, une plus grande liberté d’initiative est traditionnellement laissée aux députés s’agissant des propositions de loi.

La délégation du Bureau de l’Assemblée nationale chargée d’examiner la recevabilité des propositions de loi préalablement à leur dépôt (voir le II de la première partie) fait traditionnellement de cette disposition une lecture souple et favorable à l’initiative parlementaire : alors qu’elle impliquerait qu’une proposition de loi constitutive d’une charge ne puisse être déposée, le dépôt de propositions de loi créant ou aggravant une charge publique est admis si elles sont accompagnées d’un « gage de charge » suffisamment consistant, manifestant ainsi le fait que la charge est identifiée mais qu’elle est tolérée à ce stade de la procédure. Cette pratique dérogatoire a pour but de favoriser l’initiative parlementaire en préservant un champ d’action non soumis ab initio aux dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel n’a à ce jour pas eu à se prononcer sur cette application dérogatoire des dispositions de l’article 40 de la Constitution. Néanmoins, il convient de souligner que cette convention favorable à l’initiative parlementaire est non seulement bien établie et constante mais aussi partagée par les deux assemblées, puisque les propositions de loi présentées par les sénateurs font l’objet de la même tolérance de la part du Bureau du Sénat.

Il convient toutefois de souligner que cette tolérance n’est applicable que lors du dépôt de la proposition de loi. Dès que l’examen de la proposition de loi s’engage, les règles de droit commun de recevabilité s’appliquent. Ainsi, le « gage de charge » couvre uniquement les dispositions contenues dans le texte initial. Au cours de la discussion de la proposition, tout amendement qui élargit la charge publique initiale tombe ainsi sous le coup de l’article 40.

Le président de la commission des finances a toutefois procédé à un infléchissement significatif de la jurisprudence sur cette question.

Ses prédécesseurs avaient établi sans équivoque que la présence d’un « gage de charge » dans une proposition de loi ne purgeait pas cette dernière de son éventuelle irrecevabilité en cas de contrôle incident, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale. Le contrôle exercé par le président de la commission des finances sur une proposition de loi dont il était saisi était ainsi plus rigoureux et exigeant que la procédure suivie par le Bureau au stade du dépôt.

Saisi, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement, de deux propositions de loi visant à abroger la réforme des retraites de 2023, le président de la commission des finances a considéré que son contrôle ne pouvait pas être plus strict que celui exercé par le Bureau de l’Assemblée nationale, lequel admet le dépôt puis la discussion de propositions, quand bien même elles seraient contraires aux dispositions de l’article 40 de la Constitution, à condition qu’elles comportent un « gage de charge » suffisant.

Cet allègement du contrôle des propositions de loi lui a semblé souhaitable dans la mesure où un tel contrôle est implicitement mais nécessairement accepté par les Bureaux successifs de l’Assemblée nationale, selon une pratique constante, et largement admis par les députés, lesquels font un usage intensif de leur droit de déposer des propositions de loi coûteuses et n’ont en revanche habituellement pas recours au contrôle incident pour faire obstacle à la discussion ou à l’adoption de telles propositions de loi. En outre, l’assouplissement met un terme à l’aléa pesant sur la discussion des propositions de loi coûteuses selon que le quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement est invoqué au cours des débats ou ne l’est pas.

Cet assouplissement de la jurisprudence n’exclut néanmoins pas qu’une proposition constitutive d’une charge publique qui ne comporterait pas de « gage de charge » ou qui comporterait un « gage de charge » insuffisant serait, en cas de contrôle incident, purgée de ses dispositions coûteuses.

Néanmoins, il convient d’ajouter que cet assouplissement, au stade du contrôle incident des propositions de loi coûteuses, a conduit le Bureau de l’Assemblée nationale à prendre, au cours de la XVIe législature, plusieurs décisions relatives à la recevabilité de propositions de loi contrevenant à sa pratique habituelle. Le 17 octobre 2023, le Bureau a ainsi dessaisi sa délégation chargée d’examiner la recevabilité des propositions de loi aux fins d’examiner lui-même et de déclarer irrecevables deux propositions de loi visant à abroger la réforme des retraites opérée par la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Puis, le 8 novembre 2023, le Bureau de l’Assemblée nationale a déclaré irrecevable une proposition de loi similaire dont le dépôt avait pourtant déjà été admis par la délégation du Bureau compétente (proposition n° 1165). Ces décisions ont été présentées par le Bureau comme visant à protéger l’Assemblée nationale contre des décisions controversées et contradictoires. Pour autant, elles tendent surtout à faire apparaître la difficulté à admettre que l’unification du contrôle au dépôt et du contrôle incident des propositions de loi est une garantie fondamentale pour assurer un traitement équivalent de chacune des propositions de loi inscrites à l’ordre du jour.

Nonobstant ces décisions du Bureau de l’Assemblée nationale contraires à sa pratique constante en matière d’appréciation de la recevabilité des propositions de loi, le président de la commission des finances a maintenu la lecture qu’il avait privilégiée dans sa décision du 30 mai 2023 lorsqu’il a été saisi par deux députés, en application du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement, de la recevabilité de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (n° 1494) : il a jugé dans sa décision du 21 novembre 2023 que la proposition de loi, même si elle aggravait une charge publique, était recevable dans la mesure où elle comportait un gage de charge.

Ce raisonnement a été confirmé par le président de la commission des finances sous la XVIIe législature, à l’occasion du contrôle incident d’une proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (n° 284) (décision du 21 octobre 2024) puis du texte adopté par la commission des affaires sociales sur la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans (décision du 27 novembre 2024).

Ainsi, pour apprécier la recevabilité des propositions de loi, que ce soit lors de leur dépôt ou postérieurement à ce dépôt, la jurisprudence tolérante appliquée depuis l’origine par le Bureau de l’Assemblée nationale doit être privilégiée.

 

 


   TroisiÈme partie : la recevabilitÉ organique

Outre l’article 40 de la Constitution, qui s’applique sur tous les textes ordinaires, y compris les projets de loi de finances (PLF) et projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le contrôle du président de la commission des finances s’exerce aussi par rapport à des dispositions organiques : celles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF([47]) et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS([48]).

Le cinquième alinéa de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que, outre l’article 40 de la Constitution, les dispositions de la LOLF et de la LOLFSS sont opposables aux propositions de loi et aux amendements. S’y ajoutent l’article 121 du Règlement, qui prévoit que « [l]es amendements contraires aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances sont déclarés irrecevables dans les conditions prévues [à l’article 89] », et l’article 121-2 du Règlement, qui dispose que « les amendements contraires aux dispositions du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale sont déclarés irrecevables » dans les mêmes conditions.

Les dispositions de la LOLF et de la LOLFSS s’imposent à la fois aux initiatives portées par les députés et à celles du Gouvernement, comme il ressort de la rédaction de l’article 47 de la LOLF, de l’article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale (« tout amendement ») et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Contrôlant l’article 47 de la LOLF, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs relevé que le législateur organique a expressément défini « les conditions de recevabilité des amendements aux projets de lois de finances présentés par le Gouvernement et les membres du Parlement » ([49]).

Il convient d’insister sur l’intérêt du contrôle de la recevabilité organique des amendements réalisé par les présidents de la commission des finances successifs. La jurisprudence de ces derniers est une source de prévisibilité pour les députés, lesquels peuvent, dans certains cas, corriger des amendements litigieux qui s’exposeraient inévitablement à une censure du Conseil constitutionnel. En effet, le juge constitutionnel, fréquemment saisi des textes financiers, censure d’office la méconnaissance de la LOLF ou de la LOLFSS, sans qu’il soit besoin que la question ait été soulevée devant l’une des deux assemblées ou par les requérants, et sans préjuger de la conformité du contenu de ces mesures aux autres exigences constitutionnelles.

Les réformes de la LOLF de 2021 ([50]) et de la LOLFSS de 2022 ([51]) ont conduit à assouplir la jurisprudence sur certains points, mais aussi à la durcir sur d’autres aspects, indépendamment de la volonté du président de la commission des finances, lequel a bien été tenu de prendre en compte ces évolutions pour exercer son contrôle.

  1.   La loi organique relative aux lois de finances

Le dernier alinéa de l’article 47 de la LOLF prévoit que « les amendements non conformes aux dispositions de la présente loi organique sont irrecevables ». Les règles énoncées dans la LOLF conduisent naturellement à des irrecevabilités lors de l’examen des projets de loi de finances, mais aussi sur d’autres textes.

Puisque le projet de loi de finances (PLF) est systématiquement examiné par la commission des finances ([52]), et qu’à la fois les présidents des autres commissions permanentes qui décident de se saisir pour avis de certains articles et de certaines unités de vote (crédits) et le président de l’Assemblée nationale au stade de la séance consultent systématiquement le président de la commission des finances, ce dernier est conduit à examiner la quasi-totalité des amendements déposés pour l’examen des projets de loi de finances – soit, à ce seul titre, 35 775 amendements entre le PLF pour 2023 et le PLF pour 2025.

A.   Le domaine des lois de finances

Indépendamment de l’article 40, qui s’applique sur les textes financiers de la même manière que sur les autres textes, les amendements déposés sur le PLF ne sont recevables que s’ils introduisent des mesures qui relèvent du domaine des lois de finances et s’ils respectent la bipartition de la loi de finances.

Le caractère « cavalier » des amendements déposés sur le PLF s’apprécie selon des règles spécifiques qui diffèrent de l’habituel contrôle des « cavaliers législatifs » exercé sur d’autres textes en application du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution ([53]). Il en résulte que les amendements ne sont pas tenus, en première lecture, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé mais uniquement de respecter les exigences organiques relatives au contenu des lois de finances. Si cette dérogation est souvent vécue comme une contrainte, elle est en réalité favorable à l’initiative parlementaire, puisqu’elle permet d’ajouter au texte n’importe quelle disposition qui relève du domaine de la loi de finances, même si cette disposition n’a aucun lien avec les mesures contenues dans le texte déposé. Ainsi, tous les sujets fiscaux peuvent être abordés lors de l’examen en première lecture du PLF, même ceux que le Gouvernement n’avait pas spontanément ouverts.

Les dépenses ne peuvent être autorisées qu’après que l’impôt a été consenti, la LOLF organise la discussion budgétaire en deux parties : une première partie portant sur les ressources de l’État et une seconde partie portant sur les dépenses ([54]). Tout amendement qui viserait à introduire dans la première partie du PLF des dispositions portant sur la seconde partie, ou inversement, est irrecevable.

1.   Le domaine de la première partie

a.   Le domaine exclusif obligatoire

Parmi les mesures qui ne peuvent figurer que dans la première partie de la loi de finances, certaines doivent obligatoirement y figurer. Elles relèvent donc, par définition, de l’initiative du Gouvernement ([55]), mais peuvent être amendées par les députés.

  1.   L’article liminaire

Depuis 2012 ([56]), la loi de finances comprend un article liminaire. Depuis la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021, son contenu est défini à l’article 1er H de celle-ci : il présente un tableau de synthèse retraçant l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, l’état de la prévision de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques ainsi que l’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques.

L’article liminaire peut faire l’objet d’amendements tant de la part du Gouvernement que des députés. Cet article n’ayant pas de caractère normatif, tous les amendements sont recevables, à condition toutefois qu’ils portent sur le solde, les recettes et les dépenses agrégées de l’ensemble des administrations publiques ou leur écart avec les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

  1.   Les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre budgétaire

Les autres dispositions appartenant au domaine exclusif et obligatoire des lois de finances concernent l’autorisation à percevoir les ressources de l’État et les impositions de toute nature ([57]) affectées à des personnes morales autres que l’État (1° du I de l’article 34 de la LOLF), l’évaluation de chacune des recettes pour l’année à venir (5° du I), la fixation des plafonds des charges de l’État et des emplois rémunérés par l’État (6° du I) ainsi que les mouvements de trésorerie concourant à l’équilibre financier c’est-à-dire les encours de dette (8° et 9° du I). À la fin de la première partie, un article arrête enfin les données générales de l’équilibre budgétaire pour l’année à venir, présentées dans un tableau d’équilibre (7° du I).

En outre, le 10° du I de l’article 34, créé par la réforme de la LOLF de 2005 ([58]), prévoit que la loi de finances, dans sa première partie, « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l’année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État ». Si une erreur dans la rédaction du III du même article 34, non corrigée lors de la réforme du 28 décembre 2021, ne la catégorise pas formellement, les travaux préparatoires de la réforme de 2005 sont sans ambiguïté sur le fait que la volonté du législateur organique était d’inclure cette disposition dans le domaine exclusif obligatoire de la loi de finances ([59]).

b.   Le domaine exclusif facultatif

Parmi les mesures qui ne peuvent figurer que dans la loi de finances, certaines sont facultatives. Le projet de loi initial n’est pas tenu de les comporter au dépôt et elles peuvent y être introduites par amendement tant de la part du Gouvernement que des membres du Parlement.

Sont concernées l’affectation à un tiers de ressources établies au profit de l’État (5° bis du I de l’article 34 de la LOLF), l’institution et l’évaluation des prélèvements sur recettes (4° du I) et les dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l’État (3° du I).

  1.   L’affectation d’une imposition de toute nature à un tiers autre que l’État

Une attention particulière doit être portée aux règles qui régissent l’affectation d’impositions de toute nature à des tiers autres que l’État, qui ont été durcies par la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021.

L’article 2 de la loi organique prévoit que l’affectation, totale ou partielle, à un tiers d’une ressource existante et déjà établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances ([60]). Cette règle ne souffre aucune exception. Par exemple, il n’est pas possible d’affecter le produit des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), qui bénéficie actuellement à l’État, au profit de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en dehors de la loi de finances.

S’agissant des impositions de toute nature non établies au profit de l’État, notamment les impositions nouvellement créées, ce même article 2 en soumet l’affectation à un tiers autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et le maintien de celle‑ci à trois conditions cumulatives ([61]) :

– l’affectation du produit d’une imposition de toute nature à un tiers ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de finances. Il n’est donc pas possible de proposer une telle affectation dans un autre texte, que ce soit par voie d’amendement ou dans une proposition de loi ;

– l’affectation ne peut être proposée ou maintenue que si le tiers est doté de la personnalité morale. Cette règle exclut notamment que des fonds sans personnalité juridique puissent être affectataires du produit d’une imposition de toute nature ;

– l’affectation n’est possible que si l’imposition est en lien avec les missions de service public confiées au tiers. Sur ce fondement, le président de la commission des finances a été conduit à déclarer irrecevables des amendements qui prévoyaient d’affecter les parts de taxe de solidarité sur les billets d’avion et de taxe sur les transactions financières jusque-là affectées au fonds de solidarité pour le développement à l’Agence française de développement. Il a toutefois été considéré que des amendements affectant une part additionnelle de taxe de séjour aux SDIS étaient recevables, dans la mesure où l’afflux de visiteurs dans les zones touristiques est susceptible de s’accompagner d’un surcroît d’activité pour les forces de sécurité civile.

Il convient de souligner que ces nouvelles règles valent à la fois pour les nouvelles affectations et pour les affectations existantes. C’est ce qui a conduit le Gouvernement à mettre un terme à l’affectation d’un certain nombre de taxes, qui ne répondaient plus à ces nouvelles exigences, dans la loi de finances pour 2025. En conséquence, toute initiative qui tendrait à élargir une affectation existante ou établir une nouvelle affectation sans respecter les trois critères susmentionnés serait irrecevable.

Néanmoins, le domaine exclusif de la loi de finances ne concerne que les impositions de toute nature et n’est donc pas applicable aux autres produits (redevances, amendes, etc.). Par exemple, a été admis, en dehors du projet de loi de finances, un amendement qui proposait d’affecter le produit de sanctions au fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit fonds Barnier).

Sont également exclues de cet encadrement et relèvent en conséquence du domaine partagé les affectations qui concernent les collectivités territoriales (CT) et leurs établissements publics ou les organismes de sécurité sociale (OSS). Ainsi, il demeure possible d’affecter tout ou partie d’une imposition nouvelle aux départements ou à la branche maladie dans n’importe quel texte ordinaire, que ce soit par voie d’amendement ou dans une proposition de loi, sous réserve de ne pas détourner une ressource établie au profit de l’État.

Il convient de rappeler que cette règle s’articule avec le monopole de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) sur l’affectation à un tiers des recettes exclusives ou partagées des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), prévu à l’article L.O. 111‑3‑14 du code de la sécurité sociale et présenté infra (voir le b du 2 du B du II de la troisième partie). À titre d’exemple, seule une LFSS peut prévoir le détournement d’une ressource établie au profit de la branche famille, sauf si l’opération consiste à affecter au budget de l’État une ressource partagée entre les ROBSS et une autre personne morale.

L’encadrement des crÉations et modifications d’AFfectation de TAXES

Affectation

CT – OSS

Autre tiers

Taxe établie au profit de l’État

Domaine exclusif des lois de finances

Domaine exclusif des lois de finances

Taxe non établie au profit de l’État

ou nouvelle taxe

Domaine partagé

Domaine exclusif des lois de finances

Dans un premier temps, la nouvelle rédaction de l’article 2 de la LOLF issue de la réforme de 2021 ne permettait plus de maintenir l’affectation d’une part de TVA aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle. Toutefois une modification y a été ultérieurement apportée afin d’y introduire une exception spécifique en leur faveur ([62]).

  1.   Les prélèvements sur les recettes de l’État

S’agissant des prélèvements sur recettes, ils ne peuvent désormais être créés que dans une loi de finances, ce qui a conduit le président de la commission des finances à déclarer irrecevables des amendements qui proposaient de telles créations dans d’autres textes. En outre, il résulte de l’article 6 de la LOLF que les prélèvements sur recettes ne peuvent être établis qu’au profit de l’Union européenne ou des collectivités territoriales. En conséquence, des amendements prévoyant la création de prélèvements sur recettes au profit de particuliers ou des SDIS ont été écartés.

Dans la mesure où les prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales constituent une dérogation au principe d’universalité budgétaire, l’article 6 de la LOLF impose au législateur de définir précisément leur objet ainsi que les catégories de collectivités territoriales qui en sont bénéficiaires, mais aussi d’évaluer leur montant de façon précise et distincte. Le non-respect de ces règles est susceptible de conduire à une censure par le Conseil constitutionnel ([63]).

c.   Le domaine partagé

Peuvent figurer aussi bien dans la première partie de la loi de finances que dans toute loi ordinaire les dispositions relatives aux ressources de l’État ; cette formulation inclut donc non seulement les impositions de toute nature non affectées à un tiers mais aussi toutes les recettes non fiscales (dividendes, amendes, créances du Trésor, etc.).

Relèvent aussi du domaine partagé les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État. En relèvent également les dispositions relatives à l’affectation d’une imposition de toute nature aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ou aux organismes de sécurité sociale.

Du point de vue de la recevabilité financière, la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021 a simplifié et assoupli les règles ([64]). Depuis le PLF pour 2023, l’ensemble des dispositions fiscales, indépendamment de leur année d’incidence, relèvent de la première partie. Cette évolution de la loi organique a contribué à la diminution du taux d’irrecevabilité des amendements déposés en première partie, de 15 % dans le PLF pour 2022 à 10 % dans le PLF pour 2023 puis 7,9 % dans les PLF pour 2024 et pour 2025.

On notera que les dispositions relatives à la péréquation horizontale entre les collectivités territoriales et aux échanges de données fiscales entre administrations relèvent du domaine partagé de la seconde partie de la loi de finances.

2.   Le domaine de la seconde partie

Comme la première partie de la loi de finances, la seconde partie comprend à la fois un domaine exclusif et un domaine partagé.

a.   Le domaine exclusif

  1.   Le domaine exclusif obligatoire

Un certain nombre de mesures qui ne peuvent figurer que dans la seconde partie de la loi de finances sont obligatoires et relèvent donc, par définition, de l’initiative du Gouvernement.

En application du principe de spécialité des crédits, la loi de finances doit fixer le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, dont le montant global a été arrêté dans la première partie, par mission ([65]) et par programme ([66]), pour le budget général (1° du II de l’article 34 de la LOLF), les budgets annexes et les comptes spéciaux (3° du II). Les députés ont la possibilité de modifier la répartition des crédits proposée par le Gouvernement, à condition toutefois de ne pas créer ou aggraver une charge publique (voir le a du 1 du B du I de la présente troisième partie).

Il appartient également à la seconde partie de la loi de finances de fixer les plafonds des autorisations d’emplois des ministères et des budgets annexes (2° du II de l’article 34). Quant à la détermination des plafonds des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État, des établissements à autonomie financière et des autorités administratives indépendantes (2° bis du II), si elle relève bien du domaine exclusif de la seconde partie, elle demeure facultative, rien n’imposant que de telles structures existent en toutes circonstances. Là encore, les initiatives parlementaires sont admises sous les réserves inhérentes à l’article 40 de la Constitution.

Depuis la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021, le 4° bis du II de l’article 34 de la loi organique impose aussi à la loi de finances de définir des objectifs et indicateurs de performance pour chaque programme des missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Ces objectifs et indicateurs de performance, qui figuraient déjà dans les documents budgétaires mais dont l’existence a ainsi été consacrée au niveau organique, et qui sont détaillés dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances, sont récapitulés dans l’état G du projet de loi de finances. Cet état G peut être amendé par les députés.

La réforme du 28 décembre 2021 a également créé un nouvel état F qui récapitule l’ensemble des moyens concourant aux politiques publiques financées par une mission en complément des crédits de celle-ci (dépenses fiscales, ressources affectées, prélèvements sur recettes et comptes spéciaux) (4° ter du II de l’article 34 de la LOLF). Cet état F n’est toutefois pas amendable, ni par le Gouvernement ni par les députés.

  1.   Le domaine exclusif facultatif

Ne peuvent figurer que dans la seconde partie de la loi de finances, mais demeurent facultatives, les dispositions visant à :

 autoriser certains ministères à reporter plus de 3 % de leurs crédits d’un exercice à l’autre (4° du II de l’article 34), par dérogation au plafond fixé à l’article 15 de la LOLF ;

 autoriser l’État à octroyer des garanties et à fixer leur régime (5° du II). Il n’est donc pas possible de créer une nouvelle garantie de l’État en dehors de la loi de finances, ni par voie d’amendement ni dans un projet ou une proposition de loi ;

– autoriser l’État à prendre en charge les dettes de tiers ou à souscrire un engagement correspondant à une reconnaissance unilatérale de dette (6° du II) ;

Si de telles dispositions peuvent être introduites par voie d’amendement, elles constituent toutefois des charges publiques au sens de l’article 40 de la Constitution susceptibles de limiter la capacité d’initiative des députés.

Enfin, la création d’annexes générales (les « jaunes budgétaires ») ou de documents de politique transversale (les « oranges budgétaires ») relève du monopole de la seconde partie de la loi de finances, et ne peut donc être proposée dans un autre texte. Il convient de souligner que ces « annexes générales » (7° de l’article 51) doivent être distinguées des « annexes explicatives » (5°, 6° et 6° bis du même article 51), les « bleus budgétaires » et les « rouges budgétaires », qui concernent des éléments constitutifs de la maquette budgétaire ; ces dernières ne peuvent être modifiées que par une disposition de la LOLF elle-même.

b.   Le domaine partagé

Les dispositions qui peuvent figurer dans la seconde partie de la loi de finances comme dans tout autre texte figurent au 7° du II de l’article 34 de la LOLF.

  1.   Les dispositions affectant directement les dépenses

Afin de ne pas imposer au législateur de légiférer à moyens constants entre deux textes budgétaires, le domaine partagé s’étend aux « dispositions affectant directement les dépenses budgétaires » (b du 7° du II de l’article 34 de la LOLF). Chacun des termes est ici important. Pour pouvoir figurer dans la loi de finances pour l’année n, la disposition doit remplir trois conditions :

– elle doit concerner les dépenses de l’État, à l’exclusion des dépenses d’autres personnes publiques (collectivités territoriales, sécurité sociale) ;

– en application du principe d’annualité, elle doit affecter les dépenses de l’année, c’est-à-dire soit exclusivement celles de l’année, soit celles de l’année et d’une ou plusieurs années ultérieures. Cela exclut notamment les mesures qui commenceraient à produire leurs effets uniquement postérieurement à l’année ;

– enfin, elle doit avoir un effet direct sur les dépenses.

Par ailleurs, pour être recevables au titre de l’article 40 de la Constitution, les amendements parlementaires affectant les dépenses budgétaires de l’année ne sauraient avoir pour conséquence de créer ou d’aggraver une charge publique.

Les amendements doivent en outre être rattachés à la mission budgétaire sur laquelle la dépense est imputée. Dans la mesure où les unités de vote ont des délais de dépôt des amendements différents, le président de la commission des finances accepte de procéder lui-même au rattachement à une mission pour laquelle le délai n’a pas expiré, mais il ne peut procéder de la sorte quand le délai adéquat est échu, puisque cela contreviendrait aux dispositions de l’article 99 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Les amendements ne peuvent être rattachés à une mission que s’ils ont une incidence sur les dépenses de celle-ci. Cela exclut notamment les amendements qui modifieraient une dépense fiscale concourant à la politique publique financée par la mission, lesquels relèvent en tout état de cause de la première partie de la loi de finances.

À titre d’exemple, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Conseil constitutionnel a admis, parmi les mesures ayant une incidence sur les dépenses de la mission Justice, une disposition introduite par le Gouvernement reportant la date à compter de laquelle il ne peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif que les conditions matérielles ne sont pas réunies.

  1.   Certains flux financiers concernant les collectivités territoriales

Relèvent également de la seconde partie de la loi de finances les mesures relatives aux « modalités de répartition des concours de l’État aux collectivités territoriales ou des recettes fiscales affectées à ces dernières et à leurs établissements publics » (c du 7° du II).

Si les prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ne peuvent être créés que dans la première partie de la loi de finances, il demeure possible, dans la seconde partie, de modifier les modalités de répartition de ces prélèvements sur recettes entre les collectivités. Sont ainsi recevables les amendements qui fixent le montant des dotations de péréquation verticale de la DGF du bloc communal ou ceux qui modifient les modalités de calcul des indicateurs financiers des collectivités territoriales.

Peuvent aussi relever de la seconde partie les dispositions qui, sans modifier l’assiette, le taux ou les modalités de recouvrement d’une imposition affectée aux collectivités, proposent une nouvelle ventilation du produit d’une imposition locale. Ont par exemple été discutés des amendements qui modifiaient la répartition du produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la fraction du produit de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) répartie entre les départements ou des recettes de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER).

En outre, sont recevables les amendements portant sur la péréquation horizontale, c’est-à-dire sur la redistribution entre les collectivités territoriales d’une partie de leurs ressources, notamment ceux qui traitent du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements, du fonds national de péréquation des ressources des régions ou encore du fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF).

Les mesures qui modifient les modalités de répartition des dotations budgétaires versées par l’État aux collectivités territoriales, qui sont financées par la mission Relations avec les collectivités territoriales, sont quant à elles également recevables dans la seconde partie de la loi de finances, mais doivent figurer parmi les dispositions rattachées à cette mission. Le président de la commission des finances admet par exemple les amendements qui modifient les seuils d’éligibilité des communes et de leurs groupements à la DSIL ou à la DETR. Toutefois, le Conseil constitutionnel a déclaré cavalières des dispositions modifiant les conditions de réunion et de consultation des commissions consultatives départementales sur la DETR ([67]).

S’agissant des contraintes inhérentes à l’article 40 de la Constitution, les amendements portant sur les collectivités, en application de la jurisprudence « bloc », sont recevables si les charges, d’une part, ou les diminutions de recettes, d’autre part, se compensent au sein d’un même échelon de collectivités. À titre d’exemple, il est possible de maintenir l’éligibilité de certaines collectivités au FPIC sans gage.

  1.   L’approbation de conventions financières

Comme toute autre loi ordinaire, la loi de finances peut « approuver des conventions financières » (d du II de l’article 34 de la LOLF). Ces conventions financières renvoient, par exemple, aux relations entre le Trésor et la Banque de France, à la souscription de la France au titre de la recapitalisation de la Banque de développement du Conseil de l’Europe ([68]) ou encore au relèvement du plafond des prêts de la France au Fonds monétaire international ([69]). Les députés sont donc autorisés à proposer de telles approbations, sous réserve de ne pas créer ou aggraver de charge publique.

Ces conventions financières sont toutefois distinctes des conventions internationales, qui ne relèvent pas du domaine de la loi de finances, même si elles visent à éviter les doubles impositions, à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales ou à organiser l’assistance administrative en matière fiscale. En conséquence, le président de la commission des finances, à l’instar du Conseil constitutionnel ([70]), n’admet pas que des amendements visant à approuver ou ratifier de telles conventions puissent être discutés sur un projet de loi de finances.

  1.   L’information du Parlement sur les finances publiques

Le domaine partagé de la seconde partie de la loi de finances inclut également les « dispositions relatives à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques » (e du II de l’article 34 de la LOLF). Cet item permet aux députés, via des amendements demandant la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement, de s’exprimer sur des propositions coûteuses sans que les contraintes de l’article 40 de la Constitution puissent leur être opposées.

À titre d’exemple, ont pu figurer en loi de finances des demandes de rapport portant sur le coût des décharges d’enseignement pour les directeurs d’école ([71]) ou sur l’amélioration du recours au pass Culture par ses bénéficiaires ([72]).

Les demandes de rapport doivent toutefois porter sur la gestion des finances publiques, et le président de la commission des finances, comme le Conseil constitutionnel, écarte les amendements dont le lien avec les finances publiques est trop lâche (voir le c du 2 du A du I de la troisième partie). Il a toutefois admis des amendements concernant des recettes ou des dépenses de personnes publiques autres que l’État.

S’agissant de leur placement, les amendements relatifs à l’information du Parlement trouvent leur place soit parmi les amendements rattachés à une mission, s’ils concernent directement les dépenses de cette mission, soit parmi les mesures non rattachées, s’ils concernent les dépenses de plusieurs missions ou d’autres questions liées à la gestion des finances publiques, notamment la fiscalité.

  1.   La comptabilité publique

Relèvent aussi du domaine partagé de la seconde partie de la loi de finances les dispositions relatives à la comptabilité publique (f du 7° du II de l’article 34 de la LOLF), et non plus, depuis la réforme du 28 décembre 2021, uniquement celles‑ci qui ont trait à la comptabilité de l’État. Cela inclut donc notamment les mesures relatives à la comptabilité des collectivités territoriales.

Fait également partie du domaine partagé la « responsabilité pécuniaire des agents des services publics ». Cet item a notamment permis de prévoir, à l’article 168 de la loi de finances pour 2022, une habilitation du Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de créer un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics et des gestionnaires des organismes relevant du code de la sécurité sociale ([73]).

  1.   Les échanges de données fiscales

La réforme de la LOLF du 28 décembre 2021 est venue élargir le domaine partagé de la seconde partie à l’autorisation des transferts de données fiscales, à la condition qu’ils permettent de limiter les charges ou d’accroître les ressources de l’État (g du 7° du II de l’article 34 de la LOLF). Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a admis qu’une modification de l’article L. 135 ZA du livre des procédures fiscales visant à étendre aux fonds de dotation la possibilité pour les administrations d’échanger des informations sur la capacité de certaines structures à recevoir des dons ou legs et à bénéficier des avantages fiscaux réservés aux organismes d’intérêt général relevait bien du domaine de la loi de finances ([74]).

c.   Le domaine interdit : les « cavaliers budgétaires »

● Toutes les mesures qui ne relèvent pas du domaine exclusif ou du domaine partagé de la première ou de la seconde partie – que l’on qualifie de « cavaliers budgétaires » – ne peuvent être introduites par voie d’amendement lors de la discussion du projet de loi de finances, qu’elles viennent des parlementaires ou du Gouvernement.

En cas de saisine du Conseil constitutionnel, ces dispositions font l’objet d’une censure d’office, sans qu’il soit besoin que la question ait été soulevée devant l’une des deux assemblées ou par les requérants. La censure des cavaliers budgétaires protège ainsi le Parlement contre la tentation que pourrait avoir le Gouvernement d’utiliser les prérogatives exorbitantes dont il dispose lors de l’examen des textes financiers (délais d’examen encadrés, possibilité d’engager sa responsabilité sur le vote du texte sans limite, etc.) pour faire adopter des mesures qui n’auraient aucun lien avec les finances publiques.

Selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel donne une définition négative des cavaliers budgétaires : « [c]es dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l’État, ni la comptabilité publique. Elles n’ont pas trait à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État. Elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Elles ne portent pas sur le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d’accroître les ressources de l’État. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de finances » ([75]).

● Sont régulièrement déclarés cavaliers budgétaires les amendements qui, bien qu’ils puissent avoir un effet sur les recettes publiques, ne portent pas sur les ressources de l’État ni sur les impositions de toute nature affectées à une personne morale autre que l’État. C’est notamment le cas de mesures portant sur des ressources non affectées à l’État qui ne sont pas des impositions de toute nature, comme par exemple la redevance d’enlèvement des ordures ménagères qui bénéficie aux communes. Les dispositions portant sur les obligations des communes en matière de logements sociaux résultant de la loi « SRU » ([76]) sont également cavalières, en ce que les sanctions qui accompagnent le dispositif ne sont pas considérées comme des recettes destinées à produire du rendement. De la même manière, il ne suffit pas qu’un dispositif bénéficie d’un avantage fiscal (livret d’épargne réglementée, prêt à taux zéro, forfait mobilités durables, épargne salariale, etc.) pour que tous les amendements portant sur ce dernier soient recevables ; seules sont admises dans la loi de finances les mesures qui modifient l’avantage fiscal afférent.

 Puisque le domaine de la loi de finances n’est pas celui d’une loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, ne peuvent y figurer les mesures portant sur l’économie privée, l’organisation des entreprises, la réglementation dans les secteurs des banques et assurances, le droit du travail, le logement ou encore l’aménagement du territoire. De telles mesures ont le plus souvent un effet soit imperceptible, soit nul, sur les comptes de l’État ou les recettes des tiers comme les opérateurs de l’État, les collectivités territoriales ou la sécurité sociale. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements visant à réglementer les prix en outre-mer, à modifier la répartition du capital dans les coopératives agricoles, à renforcer le reporting extra-financier des entreprises, à modifier les modalités d’utilisation des tickets restaurant ou encore à faire évoluer l’indice de référence des loyers.

On peut noter, à titre d’illustration, que les initiatives portant sur les certificats d’économie d’énergie ([77]) sans incidence sur les dépenses ou les recettes de l’État ne relèvent pas du domaine des lois des finances. Un amendement qui proposerait que les niveaux d’économies d’énergie à atteindre par les « acteurs obligés » du dispositif des certificats d’économie d’énergie soient fixés tous les ans par le Parlement constitue donc un cavalier budgétaire. Le président de la commission des finances a toutefois admis un amendement qui créait un « versement libératoire », c’est-à-dire des pénalités, pour les acteurs obligés n’ayant pas respecté leurs obligations, puisque la mesure avait un effet sur les recettes non fiscales.

● La loi de finances ne saurait pas non plus comporter des mesures relatives au fonctionnement des administrations ou de la vie publique. Doivent ainsi être considérés comme des cavaliers budgétaires les amendements qui tendraient à modifier le droit de la commande publique, à faire évoluer les règles relatives au financement des campagnes électorales par des personnes privées, au droit de communication des membres de l’inspection générale des finances ([78]), à la composition de comités ou d’organismes publics, etc. On peut noter que le Conseil constitutionnel a également censuré un article portant sur le statut et les compétences de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État ([79]).

● S’agissant des collectivités territoriales, sont étrangères au domaine des lois de finances toutes les mesures qui portent sur une autre problématique que celles des concours de l’État en leur faveur, des impositions qui leur sont affectées, de la péréquation ou de la comptabilité publique locale. Ont ainsi été écartés des amendements portant sur des dépenses des communes, sur la contribution des départements au financement des SDIS, sur le versement de fonds de concours au sein du bloc communal ou encore sur les modalités de fonctionnement des commissions consultatives départementales sur la DETR ([80]).

● De la même manière, des amendements qui portent exclusivement sur des recettes affectées aux organismes de sécurité sociale ou sur des dépenses sociales assumées par d’autres personnes que l’État ne trouvent pas leur place dans la loi de finances. Sont notamment cavaliers les amendements qui portent uniquement sur les cotisations de sécurité sociale ou d’assurance chômage sans modification d’une imposition de toute nature. Un amendement concernant la contribution sociale généralisée (CSG) serait pour sa part recevable en loi de finances, puisqu’il s’agit d’un impôt, mais la logique commande plutôt de le déposer pour l’examen du PLFSS puisqu’elle participe au financement de la protection sociale.

● Enfin, un grand nombre de demandes de rapport du Gouvernement au Parlement ne portant pas sur les finances publiques sont chaque année déclarées cavalières tant par le président de la commission des finances que par le Conseil constitutionnel, en ce qu’elles ne portent pas sur des recettes ou des dépenses publiques. Entrent par exemple dans cette catégorie des amendements relatifs à une demande de rapport portant sur l’extension des risques professionnels dans le code du travail, ou sur l’opportunité de rattacher l’office français de protection des réfugiés et apatrides au ministère des affaires étrangères.

● Deux exceptions à la règle méritent d’être signalées. D’une part, le président de la commission des finances ne saurait reprocher à un amendement parlementaire de ne pas relever de la loi de finances s’il modifie une disposition cavalière que le Gouvernement aurait lui-même placée dans le projet de loi de finances. D’autre part, certaines mesures qui s’apparentent à des cavaliers budgétaires peuvent, au cas par cas, être jugées recevables si elles constituent des éléments indivisibles d’un dispositif relevant du domaine de la loi de finances.

Une liste des cavaliers budgétaires censurés par le Conseil constitutionnel entre 2022 et 2025 figure dans l’annexe 2 du présent rapport.

B.   Des rÈgles de recevabilitÉ spÉcifiques

La LOLF induit des règles de recevabilité spécifiques pour les amendements sur les textes financiers, qu’il s’agisse des projets de loi de finances (PLF), des projets de loi de finances rectificative (PLFR), des projets de loi de finances de fin de gestion (PLFG), des projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLRG) ou des projets de loi spéciale.

1.   Les spécificités des amendements sur la seconde partie de la loi de finances

Si la recevabilité financière des amendements déposés sur la seconde partie du projet de loi de finances obéit aux contraintes de l’article 40 de la Constitution de la même manière que sur un autre texte, les règles liées à leur recevabilité organique présentent quelques spécificités, en particulier s’agissant des amendements de crédits et des amendements aux objectifs et indicateurs de performance.

a.   Les amendements de crédits

L’article 7 de la LOLF dispose que « les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l’État sont regroupés par mission relevant d’un ou plusieurs services d’un ou plusieurs ministères ; une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ; […] un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère ». Ces crédits sont présentés, par mission et par programme, dans les états budgétaires annexés au projet de loi de finances : l’état B pour les missions du budget général, l’état C pour les budgets annexes et l’état D pour les comptes spéciaux ([81]).

Comme le Gouvernement, les députés et les sénateurs ont la possibilité de modifier la répartition des crédits initialement proposée, au moyen d’amendements de crédits, lesquels font l’objet de règles de recevabilité spécifiques.

  1.   Une application de l’article 40 favorable à l’initiative parlementaire

L’article 40 de la Constitution, qui interdit la création ou l’aggravation d’une charge publique, même compensée, s’apprécie de façon souple pour les amendements de crédits. En effet, l’article 47 de la LOLF prévoit que, pour le seul cas des amendements de crédits, la charge s’entend de la mission. Il est donc possible pour un député d’augmenter les crédits d’un programme à condition de diminuer d’au moins autant les crédits d’un autre programme de la même mission, de façon à ne pas augmenter la somme des crédits de la mission. Cette interprétation a été confirmée par le Conseil constitutionnel ([82]). Il s’agit là d’une dérogation majeure à l’article 40 de la Constitution, qui confère aux députés et aux sénateurs une capacité d’initiative plus importante sur les PLF que sur les autres projets de loi.

Le président de la commission des finances se doit toutefois de rappeler que la minoration d’une ou de plusieurs lignes budgétaires admise en regard de l’augmentation d’une ou de plusieurs autres ne saurait être qualifiée de « gage », puisqu’aucune perte de recettes n’intervient et que le Gouvernement n’a pas la possibilité de « lever » cette baisse des crédits. En cas d’adoption de l’amendement, l’exécutif pourra uniquement abonder la ligne précédemment minorée en déposant lui-même un amendement de crédits distinct à un stade ultérieur de la navette.

Compte tenu de cette tolérance favorable à l’initiative parlementaire, un amendement de crédits n’est toutefois recevable que s’il respecte un certain nombre de règles qui découlent de la loi organique ou de la séparation entre le domaine de la loi et le domaine du règlement.

  1.   Une marge de manœuvre limitée au programme

Un amendement de crédits déposé par un député ne peut conduire à augmenter les crédits d’une mission, ni à créer une nouvelle mission, prérogative que la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article 7 de la LOLF réserve en tout état de cause au Gouvernement ; il se déduit par ailleurs de cette disposition qu’un amendement parlementaire ne peut pas non plus modifier l’intitulé d’une mission existante. Il en résulte naturellement qu’un député ne peut transférer des crédits d’une mission à une autre : s’il peut diminuer les crédits de la première mission, il ne peut en revanche augmenter ceux de la seconde mission.

Toutefois, le président de la commission des finances, prenant toujours comme base de référence celle qui est la plus favorable à l’initiative parlementaire, prend en compte le montant de crédits le plus élevé atteint par une mission au cours de la navette parlementaire. Il est donc possible pour un député de déposer, en nouvelle lecture, un amendement de crédits qui augmente les crédits d’une mission dont le total aurait été diminué au Sénat par rapport au texte initial ou par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale.

La marge de manœuvre des députés est donc limitée au programme. Tant qu’ils n’augmentent pas les crédits d’une mission, il leur est possible d’augmenter les crédits d’un ou de plusieurs programmes, à condition de diminuer d’au moins autant les crédits d’un ou de plusieurs autres programmes. Ils ont également la possibilité de créer un nouveau programme au sein d’une mission, auquel ils peuvent conférer l’intitulé de leur choix. Néanmoins, il convient de rappeler qu’un programme est nécessairement doté de crédits ; il est donc possible de supprimer un programme, pour en redéployer les crédits, mais il est interdit de ramener les crédits d’un programme à zéro sans le supprimer.

Les amendements de crédits ne peuvent toutefois pas descendre à un niveau infra-programme. Seuls les missions et les programmes relèvent du domaine de la loi de finances, les actions et sous-actions ayant quant à elle une valeur réglementaire. Il n’est donc pas possible de transférer des crédits entre deux actions ou sous-actions d’un même programme, ce qui implique qu’un amendement de crédits doit nécessairement prévoir un mouvement de crédits entre deux programmes distincts. Il n’est pas non plus possible de créer une nouvelle action ou sous-action, ni de modifier l’intitulé d’une action ou sous-action existante.

  1.   Des exigences de motivation du mouvement de crédits dans l’exposé sommaire, assouplies depuis 2022

En outre, le deuxième alinéa de l’article 47 de la LOLF prévoit que tout amendement « doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient ». En conséquence, le mouvement de crédits proposé dans le dispositif d’un amendement doit impérativement être accompagné d’une explication détaillée de ce mouvement dans l’exposé sommaire, permettant de déterminer précisément où les crédits sont prélevés et où ils sont réaffectés. Il s’agit du seul cas dans lequel l’exposé sommaire d’un amendement est pris en compte pour en déterminer la recevabilité financière.

Selon la jurisprudence établie, le moyen le plus simple de motiver un mouvement de crédits est d’indiquer de façon littéraire dans quelle action du programme minoré les crédits sont prélevés et dans quelle action du programme majoré les crédits sont réalloués, en veillant à ce qu’il n’y ait aucune contradiction entre le dispositif et l’exposé sommaire ni aucune équivoque dans les numéros et intitulés des programmes et actions concernés. Le cas échéant, il est bien sûr admis que plusieurs actions d’un même programme soient majorées ou minorées.

Néanmoins, à la différence de ses prédécesseurs, le président de la commission des finances a plusieurs fois estimé que la désignation des actions visées par un mouvement de crédits n’était pas l’unique manière de satisfaire aux exigences de la LOLF, et qu’au cas par cas d’autres types de développements pouvaient être admis. Il n’en demeure pas moins qu’un amendement de crédits dont l’exposé sommaire ne présenterait aucune motivation du mouvement proposé ne saurait être déclaré recevable.

Il convient de souligner que cette règle s’applique aussi bien aux amendements des députés et sénateurs qu’à ceux du Gouvernement. Le président de la commission des finances, à l’instar de son prédécesseur, a ainsi déclaré irrecevables plusieurs amendements du Gouvernement dont la motivation était manifestement insuffisante au regard des exigences de la LOLF.

  1.   La nécessité de vérifier la réalité de la compensation

Selon le Conseil constitutionnel, l’exigence de motivation des amendements de crédits doit permettre « dans le cadre des procédures d’examen de la recevabilité financière, de vérifier la réalité de la compensation » ([83]). En conséquence, le président de la commission des finances vérifie si le mouvement de crédits tel qu’il est proposé dans le dispositif et décrit dans l’exposé sommaire peut effectivement être réalisé. Cela suppose que les crédits minorés existent en nombre suffisant : puisqu’il n’est pas autorisé d’augmenter les crédits de la mission, il n’est pas possible de réallouer des crédits qui n’existent pas. Il revient donc à chaque auteur d’amendement de vérifier dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances que la compensation proposée est réelle.

À cet égard, il convient de tenir compte, dans un amendement de crédits, de la ventilation des crédits entre le titre 2 (les dépenses de personnel) et le hors titre 2. En effet, cette distinction existe dans les états budgétaires B, C et D : les crédits de titre 2 sont signalés par une ligne spécifique (« dont titre 2 »), et l’absence d’une telle mention désigne a contrario des crédits hors titre 2. Il convient donc de signaler, dans le dispositif comme dans l’exposé sommaire d’un amendement de crédits, si tout ou partie des crédits minorés sont de titre 2. En l’absence de cette précision, le contrôle de recevabilité se bornera à vérifier que le hors titre 2 des crédits visés dans l’exposé sommaire est suffisant, et devra déclarer l’amendement irrecevable si tel n’est pas le cas, même si le total des crédits cumulés de titre 2 et de hors titre 2 est d’un niveau suffisant.

  1.   Une jurisprudence évolutive

Un certain nombre de règles plus éparses peuvent conduire à l’irrecevabilité d’un amendement de crédits :

– il est notamment interdit de compenser une augmentation de crédits limitatifs par une diminution à due concurrence de crédits évaluatifs ([84]), dans la mesure où les dépenses liées à ces derniers peuvent s’imputer, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. À l’inverse, le président de la commission des finances, saisi d’amendements proposant d’augmenter les crédits d’un programme doté de crédits évaluatifs en les prélevant sur des crédits limitatifs d’un autre programme de la même mission a jugé ces amendements recevables. Il a en effet considéré que la diminution de crédits proposée par les amendements est certaine et qu’elle permet de compenser la hausse correspondante des crédits évaluatifs ;

 en outre, les crédits de paiement (CP) devant, pour pouvoir être consommés, être « couverts » par des autorisations d’engagement (AE), sont irrecevables les amendements qui conduisent à diminuer le montant des AE en-dessous de celui des CP, à augmenter le montant des CP au-dessus de celui des AE ou à accroître un écart négatif entre les AE et les CP qui existerait déjà dans le texte. Pour éviter d’éventuelles irrecevabilités, le président de la commission des finances conseille aux députés, dans toute la mesure du possible, de proposer des mouvements de crédits symétriques en AE et en CP ;

– enfin, peuvent être déclarés irrecevables des amendements de crédits qui sont manifestement dépourvus de lien thématique avec les dépenses de la mission sur laquelle ils sont déposés, notamment lorsqu’ils concernent les dépenses exclusives d’une autre mission ou des dépenses des collectivités territoriales ou de la sécurité sociale.

  1.   Un taux d’irrecevabilité en nette diminution

Conformément à sa volonté de favoriser l’initiative parlementaire, le président de la commission des finances a appliqué les règles de recevabilité existantes avec la plus grande souplesse possible. Cela a conduit à une diminution significative du taux d’irrecevabilité des amendements de crédits.

Tandis que le nombre d’amendements de crédits déclarés contraires à la loi organique (hors amendements aggravant une charge publique) représentait 14,5 % de ceux déposés lors de l’automne budgétaire de l’année 2020 et 12,4 % en 2021, ce taux a diminué à 10,3 % en 2022 et, même sans tenir compte des amendements de crédits sur lesquels aucune décision n’a été rendue ([85]), 8,3 % en 2023 et 5,9 % en 2024.

Évolution du taux de recevabilitÉ des amendements de crÉdits dÉposÉs

Source : commission des finances.

Les règles de recevabilité des amendements de crédits sont appréciées de façon plus souple à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Là où le président de la commission des finances admet toutes les compensations relatives à un mouvement de crédit à condition que les crédits minorés visés soient d’un niveau suffisant, son homologue de la chambre haute considère que la compensation opérée par un amendement de crédits n’est crédible et sincère que si elle porte sur des crédits pilotables, à l’exclusion de tous les crédits qui ne peuvent être modifiés sans remettre en cause les engagements préalables du Gouvernement (dépenses de personnel, dépenses de guichet, etc.).

b.   Les amendements aux objectifs et indicateurs de performance

Depuis la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021, les objectifs et indicateurs de performance, autrefois cantonnés dans les projets et rapports annuels de performance, figurent à l’état G annexé au projet de loi de finances, lequel peut faire l’objet d’amendements.

Les règles de recevabilité spécifiques aux amendements portant sur les objectifs et indicateurs de performance sont, à ce stade, simples et peu nombreuses.

La première d’entre elles résulte d’une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, qui a estimé que les nouvelles dispositions de la LOLF ne pouvaient avoir « pour objet de permettre la modification des cibles fixées par le Gouvernement pour chaque objectif et indicateur dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances » ([86]). Les amendements qui créent l’intitulé d’un objectif ou d’un indicateur, ou qui modifient l’intitulé d’un objectif ou d’un indicateur existant, sont donc recevables, mais les amendements qui proposeraient de modifier les cibles d’un objectif ou d’un indicateur sont irrecevables.

En outre, il résulte de la rédaction de la loi organique que toute mission et tout programme budgétaire doivent être dotés d’au moins un objectif de performance et que tout objectif de performance doit comporter au moins un indicateur de performance. Tout amendement qui contreviendrait à ces règles ne saurait donc être discuté.

Enfin, les seuls cas d’amendements déclarés irrecevables à ce jour concernaient des amendements créant des objectifs et des indicateurs communs à plusieurs missions – contrevenant ainsi à la lettre du 4° bis du II de l’article 34 de la LOLF qui impose à la loi de finances de définir des objectifs et des indicateurs « pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial ».

2.   Les spécificités des amendements sur les projets de loi de finances rectificative et de fin de gestion

Les règles de recevabilité financière pour les projets de loi de finances rectificative (LFR) et les projets de loi de finances de fin de gestion (LFG) sont les mêmes que pour les projets de loi de finances, sous réserve d’un domaine plus restreint pour les premiers, et des exigences relatives aux amendements de crédits, liées au format spécifique des états budgétaires de ces textes.

a.   Le domaine des lois de finances rectificatives et de fin de gestion

Seules les LFR et les LFG peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année relatives à la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des tiers, à l’institution et l’évaluation des prélèvements sur les recettes de l’État, à l’utilisation d’éventuels surplus de recettes ainsi qu’aux dispositions relevant du domaine exclusif de la seconde partie. Le cas échéant, elles peuvent ratifier les modifications apportées par décret d’avance aux crédits initialement ouverts par la loi de finances.

Les LFR et les LFG sont présentées dans les mêmes formes que la loi de finances de l’année, notamment s’agissant de leur bipartition. Elles doivent impérativement fixer les plafonds des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État (6° du I de l’article 34). Elles doivent aussi comporter un article d’équilibre arrêtant les données générales de l’équilibre budgétaire (7° du I).

Le domaine des LFG, créées par la réforme du 28 décembre 2021, est toutefois plus restreint que celui des LFR. Les LFG ne peuvent comporter aucune disposition fiscale : elles ne peuvent pas modifier les ressources de l’État (2° du I de l’article 34) ni les impositions de toute nature affectées à une personne morale autre que l’État (3° bis du I). Elles ne peuvent pas non plus comporter de disposition relevant du domaine partagé de la seconde partie, à l’exception de celles qui sont relatives à l’information et au contrôle du Parlement. Elles peuvent toutefois comporter des dispositions tendant à modifier, pour l’année en cours, l’affectation d’impositions de toute nature.

Tout amendement à un PLFR ou un PLFG doit naturellement avoir un effet sur l’année en cours. Le président de la commission des finances, lors de l’examen du premier PLFR pour 2022, a ainsi déclaré irrecevable un amendement qui modifiait des garanties à l’export sans effet sur les dépenses de 2022.

b.   Les amendements de crédits sur les projets de loi de finances rectificative et de fin de gestion

Les règles de recevabilité des amendements de crédits déposés sur les PLFR et PFLG sont, par principe, les mêmes règles que pour les amendements de crédits déposés sur le PLF. En particulier, il n’est pas possible pour un député d’augmenter les crédits d’une mission et le mouvement de crédits proposé dans le dispositif doit être motivé dans l’exposé sommaire.

Les amendements de crédits aux PLFR et PLFG ont toutefois la particularité d’être présentés dans quatre colonnes distinctes, et non plus deux comme dans le PLF. En effet, les états B, C et D des PLFR et PLFG peuvent, pour chaque mission, ouvrir de nouveaux AE ou CP mais aussi annuler des AE ou des CP encore disponibles.

Comme pour le PLF, il convient de s’assurer que les éventuels crédits minorés par un amendement de crédits sont encore disponibles. La vérification de la disponibilité des crédits en cours d’exécution est toutefois difficile, puisque les parlementaires n’ont pas à tout instant une vision globale des crédits ouverts qui ont d’ores et déjà été consommés et de ceux qui peuvent encore l’être.

Depuis la réforme du 28 décembre 2021, les possibilités pour les députés d’amender les PLFR ont été assouplies ([87]). Conformément au 3° bis de l’article 53 de la LOLF, le Gouvernement est tenu de joindre aux PLFR et PLFG des tableaux récapitulant, pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial, par programme, le montant des AE et des CP consommés et disponibles. Désormais, les parlementaires, et parmi eux le président de la commission des finances, peuvent vérifier si les éventuels crédits minorés dans un amendement de crédits sont effectivement disponibles, condition nécessaire à la recevabilité de l’amendement.

En application de ces règles, quatre types d’amendements de crédits peuvent être déposés par les députés sur un PLFR ou un PLFG :

– si le Gouvernement propose dans le texte initial d’ouvrir de nouveaux crédits sur une mission, il est possible de refuser cette ouverture ou de proposer une ventilation alternative de ces crédits au sein de la mission, en diminuant les ouvertures proposées par le Gouvernement sur un ou plusieurs programmes pour augmenter d’autant les ouvertures sur un ou plusieurs autres programmes ;

– si le Gouvernement propose dans le texte déposé des annulations de crédits sur un ou plusieurs programmes, il est possible de refuser ces annulations de crédits. Il convient toutefois de s’assurer qu’un tel refus ne conduit pas à une augmentation des crédits de la mission par rapport aux crédits initialement ouverts dans la loi de finances initiale. Si le Gouvernement ne propose, en parallèle des annulations, aucune ouverture de crédits sur la mission, l’intégralité des annulations peut être refusée ; on ne fait alors que rétablir le montant initial des crédits. Si le Gouvernement prévoit, en plus des annulations, de nouvelles ouvertures, le refus des annulations doit être minoré du montant des ouvertures, sauf à augmenter les crédits de la mission – ce que l’article 40 ne permet pas ;

– il est possible d’annuler les crédits d’un ou de plusieurs programmes, à condition que les crédits ainsi annulés soient encore disponibles ;

– enfin, il est possible d’augmenter les crédits d’un ou de plusieurs programmes à condition d’annuler à due concurrence des crédits sur un ou plusieurs programmes de la même mission, à condition que les crédits ainsi annulés soient encore disponibles. À cet égard, il convient naturellement de bien tenir compte de la ventilation des crédits par titre : il n’est pas possible d’annuler des crédits hors titre 2 s’il ne reste que des crédits de titre 2 sur un programme, et inversement.

3.   Les spécificités des amendements sur les projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

Le domaine des lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, défini à l’article 37 de la LOLF, est particulièrement restreint et ne laisse que peu de possibilités d’amender.

La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, outre son article liminaire, arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte ainsi que le résultat budgétaire qui en découle. Elle arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année correspondante. Elle approuve le compte de résultat de l’exercice. Enfin, elle peut ratifier les modifications apportées par décret d’avance aux crédits ouverts par la dernière loi de finances afférente à cette année, ouvrir les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées, procéder à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés et comporter diverses dispositions relatives aux soldes et aux reports de solde des comptes spéciaux.

Ainsi, les principaux amendements parlementaires n’ont trait qu’à des dispositions relatives à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, à la comptabilité de l’État ou au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics.

4.   Les spécificités des amendements sur les projets de loi spéciale

Compte tenu du dépôt et de l’examen d’un projet de loi spéciale autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir les impôts existants en application de l’article 45 de la LOLF, rendu nécessaire par l’adoption d’une motion de censure du Gouvernement le 4 décembre 2024, le président de la commission des finances a été confronté à des questions de recevabilité inédites. Il n’existait alors qu’un seul précédent de recours à un tel texte ([88]), sur lequel aucun amendement n’avait été adopté. Dans la mesure où ni la LOLF, ni la jurisprudence constitutionnelle, ni les rapports des précédents présidents de la commission des finances ne proposaient une définition précise du domaine de la loi spéciale, il revenait au président de la commission des finances, dans l’exercice de ses compétences, d’en définir le cadre.

La loi spéciale prévue par l’article 45 de la LOLF

Le quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution, qui porte sur la seule loi de finances de l’année, prévoit le cas dans lequel celle-ci « n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice » : dans ce cas, le Gouvernement « demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés ».

L’article 45 de la LOLF détaille les modalités de la procédure d’adoption de l’autorisation de percevoir les impôts, en prévoyant deux options possibles pour le Gouvernement :

1° Le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure accélérée ;

2° Si la procédure prévue au 1° n’a pas été suivie ou n’a pas abouti, le Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée.

Après avoir reçu l’autorisation de continuer à percevoir les impôts soit par la promulgation de la première partie de la loi de finances de l’année, soit par la promulgation d’une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés. Il est ensuite tenu de déposer un projet de loi de finances qui devra être discuté le plus rapidement possible dans le courant de l’année qu’il doit régir.

En application du 5° de l’article 1er de la LOLF, le projet de loi spéciale autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir les impôts existants est une des catégories de lois de finances. Pour autant, dans sa décision sur la loi spéciale adoptée en 1979 ([89]), le Conseil constitutionnel a considéré qu’une telle loi « constitu[ait] un élément détaché, préalable et temporaire » de la loi de finances de l’année ; toutes les dispositions pouvant figurer dans la loi de finances ne trouvent donc pas leur place dans la loi spéciale. Cela est d’autant plus clair que le projet de loi spéciale constitue une alternative à l’examen de la seule première partie du projet de loi de finances initiale avant la fin de l’année ; il s’agit donc bien d’une voie plus étroite, qui ne saurait permettre d’examiner l’ensemble des dispositions qui auraient pu l’être en première partie du projet de loi de finances.

Le périmètre de la loi spéciale se réduit, par définition, à la reconduction des impôts existants. Par conséquent, aucune mesure fiscale nouvelle n’a sa place dans un tel texte, et toute proposition de création d’une nouvelle imposition de toute nature est irrecevable. Sont également exclues du domaine de la loi spéciale les propositions de modification du cadre juridique existant. Cela concerne notamment la modification des caractéristiques d’une imposition (assiette, taux, caractéristiques des dépenses fiscales) ainsi que l’affectation ou la modification de l’affectation d’une imposition de toute nature à un tiers.

Le président de la commission des finances a ainsi écarté plusieurs amendements prévoyant la création ou l’élargissement d’une exonération fiscale ainsi que l’extension d’un crédit d’impôt. Il a cependant admis des amendements qui reconduisaient une exonération ou un crédit d’impôt sans modification, à condition qu’ils prévoient explicitement que leur application serait limitée à la période allant jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année, et non au-delà.

S’agissant des prélèvements sur les recettes de l’État, le président de la commission des finances a suivi l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi spéciale ([90]), selon lequel les prélèvements établis au profit de l’Union européenne ou des collectivités territoriales seraient implicitement reconduits par l’autorisation de percevoir les impôts existants, en ce qu’ils relèvent des moyens permettant le respect des engagements européens de la France et le fonctionnement des collectivités territoriales. Il a ainsi déclaré recevables les amendements qui proposaient de reconduire les prélèvements sur recettes existants sans modification de leur montant. Il a toutefois refusé la discussion d’un amendement prévoyant la création d’un nouveau prélèvement sur les recettes de l’État.

De manière évidente, aucune des dispositions trouvant sa place dans la seconde partie de la loi de finances n’est susceptible de figurer dans le projet de loi spéciale. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements demandant au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement. De la même façon, les mesures qui ne relèvent pas du domaine des lois de finances ne trouvent pas non plus leur place dans la loi spéciale ; ce fut notamment le cas d’amendements qui prolongeaient d’un an l’utilisation des titres restaurants pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables.

Un débat a eu lieu quant à la possibilité d’aménager dans la loi spéciale les impositions existantes jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances. Il ressortait de l’avis du Conseil d’État que des dispositions telles que l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu ou la prolongation de la durée d’application de crédits d’impôt qui s’éteignaient au 31 décembre 2024 ne relevaient pas du domaine de la loi spéciale. Le président de la commission des finances a, au contraire, considéré que des amendements proposant de prolonger un cadre fiscal existant en 2024, quand bien même ce cadre juridique expirait au 31 décembre 2024, étaient recevables, pour peu qu’ils respectent par ailleurs les exigences de l’article 40 de la Constitution. Il a notamment admis que des amendements proposant d’actualiser le barème de l’impôt sur le revenu, dans les limites de l’indexation sur l’inflation qui est proposée chaque année en loi de finances et votée par le Parlement, respectaient cette exigence de prolongation du cadre fiscal existant en 2024, car il ne s’agissait pas tant d’introduire des règles fiscales nouvelles que d’assurer des conditions d’imposition économiquement identiques à celles qui s’appliquaient en 2024. S’il n’a pas été suivi dans ce raisonnement par la présidente de l’Assemblée nationale lors de l’examen en séance ([91]), l’absence de décision du Conseil constitutionnel sur le texte n’a pas permis de trancher ce débat.

Le Gouvernement ayant, avec l’aval du Conseil d’État, inscrit dans le projet de loi spéciale deux articles prévoyant d’autoriser l’État et certains organismes de sécurité sociale à emprunter jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, le président de la commission des finances a admis des amendements qui prévoyaient de limiter explicitement ces autorisations à la seule année 2025 et de les plafonner.

Enfin, le président de la commission des finances a naturellement mis en œuvre les exigences posées par l’article 40 de la Constitution, en déclarant irrecevables des amendements parlementaires proposant une diminution des recettes publiques non gagée ou octroyant une nouvelle garantie de l’État.

C.   Les irrecevabilités liées à la LOLF en dehors des lois de finances

Les règles relatives au domaine exclusif des lois de finances, exposées précédemment, peuvent conduire le président de la commission des finances à déclarer contraires à la LOLF des amendements déposés sur d’autres textes que les PLF, PLFR et PLFG.

Parmi les cas d’irrecevabilités organiques les plus courants, on peut notamment mentionner :

– parmi les mesures qui ne peuvent figurer que dans une loi de finances : l’affectation d’une imposition de toute nature à un tiers autre que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, la création d’un nouveau prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ou encore la création d’annexes générales au PLF ;

– parmi les mesures qui relèvent du monopole de la LOLF : la création d’annexes explicatives au PLF et la modification des missions du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ([92]).

  1.   La loi organique relative aux lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

De la même manière que la recevabilité des amendements est appréciée au regard des dispositions de la LOLF, les amendements, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou d’origine parlementaire, déposés sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ou sur tout autre texte doivent être conformes aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). Cette exigence vise à préserver la spécificité de la LFSS, tant contre son empiètement sur des dispositions étrangères à son domaine que contre celui d’autres lois sur son périmètre propre.

● Le cadre organique relatif aux LFSS, institué par la loi organique du 22 juillet 1996 ([93]), a été modifié pour la dernière fois par la loi organique du 14 mars 2022 ([94]). La LFSS pour 2023 a été la première à voir s’appliquer l’ensemble de la réforme organique du 14 mars 2022.

L’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er septembre 2022, distingue trois catégories de LFSS : la LFSS de l’année, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) et la loi d’approbation des comptes de la sécurité (LACSS), laquelle se substitue à la LFSS de l’année pour arrêter les comptes du dernier exercice clos à partir de l’année 2023. Par cohérence avec la création de la LACSS, la LFSS de l’année ne compte plus que trois parties à compter de l’exercice 2024 : une première partie comprenant les dispositions pour l’année en cours ; une deuxième partie relative aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir ; une troisième partie relative aux dépenses pour l’année à venir.

Le domaine des différentes lois ayant le caractère de LFSS est précisément délimité ([95]).

● À la manière de la protection du domaine des lois de finances, le caractère « cavalier » des amendements déposés sur le PLFSS s’apprécie selon des règles spécifiques, lesquelles diffèrent de l’habituel contrôle des « cavaliers législatifs » exercé sur les autres textes en application du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution ([96]). Il en résulte que les amendements ne sont pas tenus, au stade de la première lecture, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, mais uniquement de respecter les exigences organiques relatives au contenu des LFSS.

Une telle dérogation est favorable à l’initiative parlementaire, en ce qu’elle permet l’introduction de tout article additionnel susceptible d’être rattaché au domaine des LFSS. À titre d’exemple, ont été jugés comme étant recevables des amendements, déposés en première lecture sur le PLFSS pour 2025, modifiant le barème de la contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutés ou élargissant l’assiette de la cotisation sur les boissons alcooliques, alors même que le texte initial ne comportait aucune disposition liée à la fiscalité comportementale en matière de santé publique.

● En application des deux derniers alinéas du IV de l’article L.O. 111‑7‑1 du code de la sécurité sociale, « [t]out amendement [au PLFSS] doit être motivé et accompagné des justifications qui en permettent la mise en œuvre » et « [l]es amendements non conformes aux dispositions [de la LOLFSS] sont irrecevables ».

Les modalités du contrôle de la recevabilité des amendements déposés sur le PLFSS diffèrent toutefois entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Aux termes du Règlement de l’Assemblée nationale, le président de la commission des affaires sociales, saisie au fond du PLFSS ([97]), pour les amendements présentés en commission, et la Présidente de l’Assemblée nationale, pour les amendements déposés en séance publique, ont la possibilité de consulter le président de commission des finances. Une telle consultation est quasi‑systématique en cas de doute sur la recevabilité financière ou organique des amendements déposés sur le PLFSS. À l’inverse, l’examen de la recevabilité des amendements au regard des dispositions organiques du code de la sécurité sociale relève, au Sénat, de la compétence du président de la commission des affaires sociales, en commission comme en séance publique ([98]).

● Le périmètre des organismes ressortant du domaine des LFSS, principalement composé des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), est plus restreint que celui des personnes morales relevant de la sphère sociale au sens large et soumises au contrôle de recevabilité financière. Certaines dispositions ne peuvent que figurer dans une LFSS ou peuvent, à l’inverse, être inscrites indifféremment dans une LFSS ou dans une autre loi ordinaire. Les dispositions étrangères au domaine de la LFSS sont des « cavaliers sociaux », qui sont déclarées irrecevables par le président de la commission des finances ou censurées par le Conseil constitutionnel.

  1.   Les organismes relevant du champ des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

Si les règles de recevabilité financière des amendements s’appliquent à l’ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO), le périmètre des organismes relevant du domaine des LFSS est plus restreint.

Aux termes des articles L.O. 111-3-2 à L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale, le domaine des LFSS comprend :

– les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), chargés de couvrir les assurés contre les risques sociaux relatifs à la maladie, aux accidents du travail et aux maladies professionnelles (AT‑MP), ainsi qu’aux coûts engendrés par la famille, la vieillesse et la perte d’autonomie ([99]). Si le régime général des salariés du secteur privé occupe une place prépondérante ([100]), il existe d’autres régimes de base correspondant à des activités ou à des statuts d’emplois spécifiques. À titre d’exemple, relèvent de la catégorie des ROBSS les deux régimes qui couvrent les exploitants et les salariés agricoles, affiliés auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA), les deux régimes regroupant les professions libérales et les différents régimes spéciaux ou assimilés, comme ceux des agents de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ou des marins (ENIM) ;

– par extension, les organismes financés par des ROBSS et les fonds comptables retraçant le financement de dépenses spécifiques relevant d’un ROBSS ([101]). Sont notamment visés les fonds dits « amiante », à savoir le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) et le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), les groupements d’intérêt public (GIP) bénéficiant de dotations de l’assurance maladie, tels que l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements sanitaires et médico‑sociaux (ANAP) et l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), et les établissements publics compétents en matière de sécurité sanitaire, tels que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de santé (HAS). À titre d’exemple, l’article 70 de la LFSS pour 2024 a modifié le modèle de financement de l’Établissement français du sang (EFS), l’un des organismes bénéficiant de dotations versées par l’assurance maladie ([102]) ;

– les organismes concourant au financement des ROBSS, à l’amortissement de leur dette et à la mise en réserve de recettes à leur profit, chacune de ces catégories ne comportant en réalité plus qu’un seul organisme : le fonds de solidarité vieillesse (FSV), la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et le fonds de réserve pour les retraites (FRR). Il convient de signaler que l’article 24 de la LFSS pour 2025 procède à la suppression du FSV et à son intégration dans la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), effectives à compter du 1er janvier 2026 ([103]) ;

– depuis la révision organique du 14 mars 2022, les « établissements de santé relevant du service public hospitalier » et les « établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses », sous réserve que les dispositions les concernant portent sur leur dette et « [aient] pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ».

  1.   Le domaine exclusif des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale

Certaines dispositions ne peuvent figurer que dans une LFSS et doivent être déclarées irrecevables par le président de la commission des finances lorsque des amendements s’y rapportant sont déposés sur tout autre texte. Sont ainsi distingués :

– les dispositions qui, relevant de son domaine exclusif et obligatoire, doivent impérativement figurer dans une LFSS ;

– les dispositions qui, relevant de son domaine exclusif mais facultatif, peuvent uniquement figurer dans une LFSS.

1.   Le domaine exclusif et obligatoire

Outre l’article liminaire, le domaine exclusif et obligatoire de la LFSS comprend les dispositions relatives à l’équilibre général de la sécurité sociale, à ses prévisions de recettes et à ses objectifs de dépenses.

a.   L’article liminaire de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année

L’article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale prévoit que « [d]ans son article liminaire, la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale » ([104]). Cette novation issue de la réforme organique de mars 2022 vise à renforcer l’information du Parlement sur la trajectoire des comptes des ASSO, sous‑secteur issu de la comptabilité européenne dont le périmètre dépasse celui des organismes de sécurité sociale couverts par la LFSS.

L’article liminaire, qui précède les trois parties de la LFSS de l’année, est amendable par les parlementaires dans les mêmes conditions que l’article liminaire figurant dans la loi de finances. Considérant la valeur purement informative attribuée à l’article liminaire par le Conseil constitutionnel ([105]), le président de la commission des finances a ainsi déclaré recevable un amendement déposé sur le PLFSS pour 2025 relevant la prévision de dépenses pour l’année à venir et modifiant, en cohérence, le solde prévisionnel des ASSO.

b.   Les conditions générales de l’équilibre financier, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses

Par ailleurs, la LFSS doit impérativement comporter les dispositions suivantes ([106]) :

– les prévisions de recettes des ROBSS, par branche, et des organismes concourant à leur financement, ainsi que de ceux chargés de procéder à des mises en réserve à leur profit ;

– les objectifs de dépense des ROBSS, par branche, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), et les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des ROBSS ;

– la liste des ROBSS et desdits organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que leurs plafonds d’emprunt ; cela peut notamment concerner la capacité de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à emprunter sur les marchés financiers ;

– l’objectif d’amortissement de la dette sociale et les prévisions des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des ROBSS, catégorie aujourd’hui composée du seul FRR.

Au regard des motifs d’irrecevabilité régulièrement opposés aux amendements déposés sur le PLFSS, plusieurs précautions doivent être observées par les parlementaires concernant les dispositions précitées.

● En premier lieu, la recevabilité des amendements aux objectifs de dépenses de la LFSS est strictement encadrée.

À l’instar de l’assimilation de la mission budgétaire à la charge opérée par le premier alinéa de l’article 47 de la LOLF s’agissant des amendements de crédits, le premier alinéa du IV de l’article L.O. 111‑7‑1 du code de la sécurité sociale précise que, « [a]u sens de l’article 40 de la Constitution, la charge s’entend, s’agissant des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale s’appliquant aux objectifs de dépenses, de chaque objectif de dépenses par branche ou de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ». Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions « offr[aient] aux membres du Parlement la faculté nouvelle de présenter des amendements majorant le montant d’un ou plusieurs sous-objectifs inclus dans un objectif, à condition de ne pas augmenter le montant de celuici » ([107]).

L’analogie entre, d’une part, la mission et l’objectif de dépenses et, d’autre part, le programme et le sous‑objectif de dépenses présente toutefois des limites. L’article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale prévoit que « [l]a liste des éventuels sous-objectifs [de dépenses des ROBSS] et le périmètre de chacun d’entre eux sont fixés par le Gouvernement » et que « [l]a définition des composantes des sous-objectifs [de l’ONDAM] est d’initiative gouvernementale ». Le Gouvernement est le seul habilité à décliner en sous-objectifs les objectifs de dépenses des ROBSS et l’ONDAM, étant entendu que « [l]e nombre de sousobjectifs [de l’ONDAM] ne peut être inférieur à trois » en application de la troisième phrase du 3° de l’article L.O. 111-3-5 du même code ([108]). Une telle subdivision n’a jamais été proposée par l’exécutif, faisant obstacle à une ventilation alternative des dépenses au sein d’un autre objectif que l’ONDAM.

Par conséquent, sont irrecevables les amendements opérant des transferts entre branches, entre régimes, entre organismes satellites ou entre l’une et l’autre de ces catégories. Il en va de même pour les amendements créant un sous-objectif ex nihilo ou par scission. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements instituant de nouveaux sous-objectifs de l’ONDAM relatifs à la prise en charge des services funéraires ou à la mise en place d’une réserve prudentielle commune aux divers secteurs de soins.

Le solde des modifications proposées par un amendement parlementaire à l’intérieur de l’ONDAM doit, en tout état de cause, être nul ou négatif. Il ne saurait être positif, car il n’est possible que de réaménager les dépenses au sein d’un objectif de dépenses ou de proposer une diminution nette de ce dernier. Il est donc loisible aux parlementaires d’augmenter le montant d’un sous‑objectif de l’ONDAM à condition de ne pas majorer le montant total de celui-ci, par exemple en minorant, à due concurrence, le montant d’un autre sous‑objectif.

Par ailleurs, les amendements modifiant l’intitulé d’un objectif ou d’un sous‑objectif sont en principe irrecevables. Un amendement parlementaire renommant l’intitulé du sous-objectif « Autres prises en charge » en « Santé publique et autres » a ainsi été déclaré irrecevable. Le président de la commission des finances considère toutefois que les amendements visant à corriger une erreur matérielle manifeste dans l’intitulé des sous-objectifs de l’ONDAM sont recevables. Tel est le cas d’un amendement au PLFSS pour 2024 modifiant l’intitulé des sous‑objectifs portant sur les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées et aux dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées afin de rétablir la rédaction retenue dans les LFSS antérieures.

● En deuxième lieu, la rectification pour l’année en cours et la détermination pour l’année à venir de l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la CADES et des prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve au profit des ROBSS relèvent du monopole de la LFSS en application du 3° de l’article L.O. 111‑3‑3 du code de la sécurité sociale et du b du 2° de l’article L.O. 111‑3‑4 du même code.

La fixation de ces montants par la LFSS est une obligation organique, laquelle fait obstacle à la suppression des dispositions s’y rapportant par voie d’amendement. Le président de la commission des finances a ainsi déclaré irrecevable un amendement au PLFSS pour 2025 tendant à supprimer l’alinéa de l’article fixant l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la CADES. En revanche, a été déclaré recevable un amendement déterminant un montant d’amortissement nul, lequel constitue bien un « objectif d’amortissement » au sens de la LOLFSS.

Cette lecture favorable à l’initiative parlementaire pourrait être tempérée à l’approche du terme d’amortissement de la dette sociale, fixé à ce jour au 31 décembre 2033 ([109]). En effet, s’il est concevable qu’une « année blanche » dans l’apurement de la dette sociale, prévue à titre exceptionnel et suffisamment en amont de l’échéance organique de 2033, ne fasse pas obstacle au respect de cette dernière, le même raisonnement semble plus contestable dès lors que les marges de manœuvre du législateur ordinaire se réduisent. Concrètement, des amendements qui fixeraient un objectif d’amortissement nul en 2031 ou 2032, alors même que d’importants montants de dette sociale doivent encore être amortis, seraient susceptibles de compromettre le respect de l’échéance d’apurement fixée en 2033. Leur recevabilité ferait l’objet d’une analyse au cas par cas.

● Enfin, les amendements tendant à modifier les tableaux d’équilibre des ROBSS, lesquels fixent les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les prévisions de solde de chaque branche, ne sont, sous réserve de l’article 40 de la Constitution, recevables que dans la LFSS et la LFRSS.

Par exemple, a été déclaré irrecevable, en ce qu’il contrevenait au domaine exclusif de la LFSS, un amendement déposé sur la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans, actualisant les prévisions de dépenses, de recettes et de solde de la branche vieillesse au titre de l’année 2025.

2.   Le domaine exclusif et facultatif

Le domaine exclusif et facultatif de la LFSS accroît le rôle de celle‑ci en matière de gouvernance des finances sociales et contribue utilement à la protection des ressources affectées au financement des ROBSS.

Trois mouvements relatifs aux recettes de la sécurité sociale ne peuvent ainsi figurer que dans une LFSS. Tel est le cas de la répartition de ressources attribuées par l’État à la sécurité sociale et de l’affectation à un tiers de recettes établies au profit de cette dernière. Soucieux de favoriser l’initiative parlementaire, le président de la commission des finances a fait une application souple de l’obligation de bornage temporel des « niches sociales » hors LFSS, issue de la dernière réforme organique.

a.   La répartition de ressources attribuées par l’État à la sécurité sociale

L’article L.O. 111-3-15 du code de la sécurité sociale dispose que « la répartition, entre les régimes obligatoires de base de la sécurité et, le cas échéant, entre leurs branches et les organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de la dette de ces régimes ou des organismes concourant à leur financement ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, des ressources établies au profit de l’État, lorsque cellesci leur ont été affectées dans les conditions prévues au III de l’article 2 de la [LOLF], ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de financement de l’année ou rectificative ».

Cette disposition, introduite par la loi organique du 14 mars 2022, permet au législateur financier social de modifier chaque année la clef de répartition des ressources fiscales affectées aux différents régimes, branches et organismes de sécurité sociale dans le cadre de l’article dit « de tuyauterie » de la LFSS. Ce dernier doit être lu en miroir de l’article de la loi de finances de l’année affectant une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à la sécurité sociale ([110]).

Sont ainsi clairement distingués les monopoles respectifs des lois de finances et de financement de la sécurité sociale de l’année :

– en application du III de l’article 2 de la LOLF, l’affectation initiale à la sécurité sociale des ressources établies au profit de l’État relève du monopole de la loi de finances ;

– en application de l’article L.O. 111-3-15 du code de la sécurité sociale, la répartition de ces ressources entre les différents ROBSS et, le cas échéant, leurs branches et les organismes concourant à leur financement ressort au monopole de la LFSS.

b.   L’affectation à un tiers de recettes établies au profit de la sécurité sociale

Aux termes de la première phrase de l’article L.O. 111‑3‑14 du code de la sécurité sociale, « [l]’affectation, totale ou partielle, d’une recette exclusive » des ROBSS ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit à toute autre personne morale ressort du monopole de la LFSS. La même règle s’applique à l’affectation d’une recette partagée des organismes précités, sous réserve du monopole de la loi de finances sur le détournement d’une ressource établie au profit de l’État lorsque ce dernier compte parmi les affectataires ([111]).

À titre d’exemple, un amendement affectant une fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) aux collectivités territoriales, mesure envisagée dans divers rapports mandatés par l’exécutif ([112]), déposé sur un texte autre que la LFSS serait déclaré irrecevable, le produit de cette imposition étant réparti entre, d’une part, plusieurs branches des ROBSS, la CADES et le FSV et, d’autre part, le régime d’assurance chômage.

c.   Les allègements sociaux non‑compensés ou d’une durée égale ou supérieure à trois ans

La réforme organique du 14 mars 2022 prévoit un nouvel encadrement des conditions de création ou d’extension des « niches sociales ». Selon les termes de M. Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, il s’agit de « renforcer le rôle des lois de financement comme "vigies" des conditions générales de l’équilibre financier sans contraindre excessivement, ni le droit d’amendement, ni le domaine de compétence du législateur ordinaire » ([113]).

En application de la LOLFSS du 2 août 2005, la LFSS disposait déjà d’un monopole sur la création ou la modification de mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales dérogeant au principe de compensation intégrale par l’État, lequel est prévu à l’article L. 131‑7 du code la sécurité sociale. Le législateur ordinaire et le législateur financier demeuraient toutefois compétents pour instituer des allègements sociaux faisant l’objet d’une compensation aux ROBSS. En cas de non‑compensation, ces allègements sociaux devaient être assortis d’une entrée en vigueur différée pour permettre à la prochaine LFSS d’intégrer leur incidence sur l’équilibre financier de la sécurité sociale via une disposition expresse de non‑compensation qualifiée de « confirmative » ([114]).

En complément des mesures non compensées, le domaine réservé de la LFSS a été étendu aux allègements sociaux non bornés dans le temps.

Conscient du caractère récent de la réforme organique introduisant cette règle, le président de la commission des finances a fait une interprétation constructive de celle‑ci.

  1.   Un meilleur encadrement des mesures de réduction, d’exonération ou d’abattement d’assiette des cotisations et contributions sociales

Aux termes du 2° du I de l’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale, seules les LFSS ou les LFRSS peuvent « créer ou modifier des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale » affectées aux ROBSS, à la CADES ou à la mise en réserve de recettes à leur profit dès lors que ces mesures sont « établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans » et qu’elles ont un effet, soit « sur les recettes des [ROBSS] » ou de leurs satellites, soit sur « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de ces mêmes cotisations et contributions ».

En application de ces nouvelles règles, une loi ordinaire ou une loi de finances peuvent toujours instituer ou modifier des allègements sociaux, sous réserve de prévoir une durée d’application inférieure à trois ans à compter de leur entrée en vigueur. Tout amendement, qu’il soit d’origine parlementaire ou gouvernementale, déposé en ce sens sur un autre texte que la LFSS doit mentionner explicitement dans son dispositif que la mesure n’est applicable que pour une durée inférieure à trois ans, y compris lorsqu’elle est compensée.

À titre d’exemple, ont été déclarés irrecevables des amendements déposés lors de l’examen du PLF pour 2025 exonérant de la taxe sur les salaires, sans limitation temporelle, certains employeurs ou certains éléments de la rémunération, alors même que le produit de cet impôt est réparti entre plusieurs branches du régime général en application du 1° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale. Un même sort a été réservé aux amendements, déposés sur le projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, pérennisant l’exonération de cotisations patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO‑DE), c’est‑à‑dire de saisonniers agricoles. Cette dernière mesure a finalement été instituée, dans le respect du monopole organique, par le II de l’article 8 de la LFSS pour 2025.

Rédaction du bornage temporel

Il n’existe pas de rédaction type du bornage temporel des allègements sociaux. Différentes rédactions peuvent être admises afin d’assurer la conformité d’une disposition aux exigences organiques, à condition qu’elles aient bien pour effet de limiter la mesure proposée à moins de trois ans.

À titre d’exemple, les formulations suivantes sont envisageables :

– s’agissant d’une disposition nouvelle, préciser dans le dispositif que « [l]e présent article est abrogé le dernier jour du trente-sixième mois à compter de la promulgation de la présente loi » ;

– s’agissant de la modification d’une disposition existante, préciser dans le dispositif que « [j]usqu’au dernier jour du trente-sixième mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’article … est ainsi modifié :  ».

  1.   Une jurisprudence constructive, rendue nécessaire par le caractère récent de la réforme organique

● Au regard du caractère récent de la réforme organique du 14 mars 2022, le président de la commission des finances a appliqué avec souplesse la règle du bornage temporel des allègements sociaux afin de permettre aux députés de se l’approprier pleinement.

En premier lieu, lors de l’examen du projet de loi de finances, ont été déclarés recevables des amendements tendant à créer, étendre ou prolonger des mesures de réduction de cotisations sociales pour une période susceptible d’être légèrement supérieure à trois ans, dès lors que l’intention exprimée par l’auteur de l’amendement consistait à prévoir un bornage temporel de nature à rendre celui‑ci recevable. A ainsi été adopté en séance publique un amendement au PLF pour 2025 élargissant le bénéfice du statut de jeune entreprise innovante (JEI) à de nouvelles entreprises, dont le dispositif s’appliquait jusqu’au 31 décembre 2027. Une lecture stricte de la règle du bornage aurait pu conduire à déclarer cet amendement irrecevable. En effet, l’entrée en vigueur du PLF pour 2025, initialement attendue avant le 31 décembre 2024, aurait alors ouvert une période d’application excédant trois ans. Une telle tolérance ne trouve à s’appliquer qu’aux allègements sociaux créés ou modifiés en loi de finances, dont les dispositions entrent habituellement en vigueur, sauf mention contraire, avant le 31 décembre de l’année précédant l’exercice budgétaire concerné ([115]).

En second lieu, la méthode retenue par le président de la commission des finances pour calculer la période de référence de trois ans est favorable à l’initiative parlementaire. Le point de départ de cette période correspond à la date d’entrée en vigueur de la modification apportée par l’amendement, et non de la date d’entrée en vigueur de la mesure initiale, ainsi modifiée, de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. À titre d’exemple, a été jugé recevable un amendement au PLF pour 2025 prévoyant de prolonger jusqu’en 2026 l’exonération temporaire d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales applicable aux pourboires versés entre 2022 et 2024 ([116]).

● Au regard des nombreux amendements qu’il a été conduit à déclarer irrecevables sur ce fondement, le président de la commission des finances ne peut qu’appeler à la plus grande vigilance sur le bornage temporel des allègements sociaux créés ou modifiés hors LFSS. À titre d’exemple, l’examen en première lecture du PLF pour 2025 en séance publique a donné lieu à neuf décisions d’irrecevabilité sur ce fondement, après 43 décisions et 37 décisions pour ce motif lors de l’examen des projets de loi de finances pour 2023 et pour 2024.

Cette précaution doit particulièrement être observée s’agissant des amendements, régulièrement déposés sur le PLF, modifiant les critères d’un statut socio-fiscal avantageux, tel que le dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI), ou d’un zonage, tel que le système des zones « France ruralités revitalisation » (ZFRR). De telles mesures étant associées à de multiples exonérations fiscales et sociales, la modification du régime de ces dernières ne peut intervenir hors LFSS que sous réserve d’être applicable pour une durée inférieure à trois ans.

C.   Le domaine partagÉ entre les lois de financement de la sÉcuritÉ sociale et les autres textes

Certaines mesures peuvent figurer indifféremment dans une LFSS ou dans un autre texte ordinaire. Ressortissent du domaine partagé de la LFSS les dispositions relatives aux recettes et aux dépenses de la sécurité sociale, à la gestion, à la trésorerie et à la comptabilité de celle‑ci, à la dette de certains établissements de santé ou médico‑sociaux, ainsi qu’à l’information du Parlement sur l’application des lois de financement.

1.   Les recettes de la sécurité sociale

● En application du 1° de l’article L.O. 111‑3‑6 et du 1° de l’article L.O. 111‑3‑7 du code de la sécurité sociale, le domaine partagé de la LFSS s’étend, pour l’année en cours, l’année à venir ou cette dernière et les années ultérieures, aux « dispositions ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ».

Les dispositions ayant un effet sur les recettes des ROBSS ou leurs satellites pour les seules années ultérieures ont leur place dans une LFSS « à la condition que ces dispositions présentent un caractère permanent ».

L’incidence financière durable ou pluriannuelle d’une mesure n’est pas suffisante pour justifier de son caractère permanent. Saisi du PLFSS pour 2019, le Conseil constitutionnel a censuré la revalorisation de certaines prestations sociales selon un taux inférieur à celui de l’inflation au titre de l’année 2020, laquelle ne relevait pas du texte déféré ([117]). Le juge constitutionnel a considéré que les mesures contestées visant à sous‑indexer certaines prestations sociales, lesquelles avaient vocation à s’appliquer en 2019 et en 2020, ne présentaient pas un caractère permanent, et ce « malgré la circonstance qu’elles auraient un effet sur la base de revalorisation des prestations sociales dues au titre des années ultérieures ».

Il convient de souligner l’effort de clarification du domaine partagé de la LFSS en matière d’annualité opéré, en recettes comme en dépenses, par la réforme organique du 14 mars 2022. Peuvent désormais figurer dans la partie de la LFSS relative aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, ou dans celle portant sur les dépenses de l’année à venir, des dispositions qui, ayant respectivement un effet sur les recettes ou les dépenses des ROBSS ou de leurs satellites affectant directement l’équilibre financier de ces organismes, ne seront pas applicables à l’année à venir, mais uniquement aux années ultérieures, sous réserve de présenter un caractère permanent. Cette application plus souple du principe d’annualité aux dispositions pérennes mais ayant une incidence différée est incontestablement favorable à l’initiative parlementaire.

● Aux termes du 2° de l’article L.O. 111‑3‑7 du code de la sécurité sociale, peuvent également figurer dans la LFSS, pour l’année à venir, les dispositions relatives « à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ».

La distinction opérée entre le 1° et le 2° de l’article L.O. 111‑3-7 du code de la sécurité sociale suggère, s’agissant de l’année à venir, que les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales ne sont pas tenues d’avoir un effet sur les recettes des ROBSS ou de leurs satellites pour trouver leur place dans une LFSS. Le Conseil constitutionnel, saisi de la LFSS pour 2023, a toutefois analysé comme cavalier social une disposition étendant la prise en charge obligatoire par l’employeur des abonnements de transport aux services de location de vélos non publics et exonérant de CSG l’avantage associé, en dépit de la modification proposée de l’assiette de ladite imposition ([118]).

Par conséquent, le président de la commission des finances ne peut que recommander aux députés de veiller, lors de l’examen du PLFSS, à ce que leurs amendements gagés modifiant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales aient une incidence suffisante sur les ressources des ROBSS.

● Lors de l’examen du PLFSS, les amendements instituant de nouvelles cotisations ou contributions sociales doivent veiller à affecter expressément le produit de celles‑ci aux ROBSS ou à leurs satellites. Divers amendements créant de nouvelles impositions, par exemple assises sur la publicité en faveur des boissons alcooliques, des jeux d’argent et de hasard ou des appareils de prothèse auditive, ont ainsi été déclarés irrecevables par le président de la commission des affaires sociales, leur dispositif ne précisant pas l’affectation à la sécurité sociale des ressources correspondantes.

Le président de la commission des finances, soucieux de favoriser l’initiative parlementaire, a considéré que, dans certains cas, un faisceau d’indices, tenant au corpus législatif dans lequel la taxe est insérée ainsi qu’à l’objet de la taxe, peut permettre de déduire une affectation implicite du produit de l’imposition instituée au profit des ROBSS, laquelle permet de recevabiliser l’initiative. En revanche, les amendements au PLFSS instituant de nouvelles impositions via des dispositions codifiées dans le code général des impôts ne peuvent logiquement pas se prévaloir d’une présomption d’affectation implicite et sont systématiquement déclarés irrecevables par le président de la commission des finances.

 

Un champ de la LFRSS limité aux dispositions ayant un effet sur l’année en cours

La réforme organique du 14 mars 2022 a réduit le domaine facultatif de la LFRSS, défini à l’article L.O. 111‑3‑12 du code de la sécurité sociale, aux seules « dispositions relatives à l’année en cours » afin de faciliter le recours à cette catégorie de lois de financement.

Aux termes des trois premiers alinéas du même article, peuvent y figurer les dispositions relatives à l’année en cours ayant un effet sur les recettes ou sur les dépenses des ROBSS et de leurs satellites ou celles relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales qui leur sont affectées.

Ont ainsi été déclarés irrecevables plusieurs amendements au PLFRSS pour 2023 reportant au 1er janvier 2024 certaines dispositions du texte et privant ces dernières d’effet sur l’année en cours.

Saisi de la LFRSS pour 2023 (voir l’annexe n° 3 du présent rapport), le Conseil constitutionnel a fait application du nouveau cadre organique pour censurer trois dispositions au motif qu’elles n’avaient, en 2023, pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes et sur les dépenses des ROBSS ou des organismes concourant à leur financement ([119]).

Ont été censurées sur ce fondement spécifique les dispositions suivantes :

– l’obligation de publication d’un « index sénior » par les entreprises, dont la méconnaissance donne lieu à l’application d’une pénalité administrative abondant, pour partie dès 2023, le budget de la CNAV ([120]) ;

– la création d’un contrat pour les demandeurs d’emploi de longuée durée âgés d’au moins soixante ans, communénement appelé « CDI sénior » ;

– la comptabilisation, à compter de la publication de la LFRSS, des services accomplis par un fonctionnaire dans un emploi classé en catégorie active ou super-active au cours de la période de dix années précédant sa titularisation pour l’acquisition du droit au départ anticipé à la retraite.

Le Conseil constitutionnel a également considéré que des dispositions accélérant l’allongement de la durée d’assurance requise pour l’obtention, par les générations nées en 1963, 1964 et 1965, d’une pension de retraite à taux plein n’avaient pas d’incidence sur l’équilibre financier de l’année en cours. Il a toutefois jugé qu’elles trouvaient leur place dans la LFRSS en ce qu’elles étaient inséparables des dispositions visant les générations nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961, ainsi qu’en 1962, lesquelles avaient une incidence sur l’année 2023 ([121]).

2.   Les dépenses de la sécurité sociale

● En application du 3° de l’article L.O. 111‑3‑6 du code de la sécurité sociale et du 1° de l’article L.O. 111‑3‑12 du même code, relèvent du domaine partagé de la LFSS, pour l’année en cours, les « dispositions ayant un effet sur les dépenses » des ROBSS ou de leurs satellites.

Une exigence supplémentaire conditionne la recevabilité des dispositions ayant un effet sur les dépenses pour la seule année à venir ou pour l’année à venir et les années ultérieures : ces mesures doivent également « affect[er] directement l’équilibre financier » des ROBSS ou de leurs satellites.

Enfin, les dispositions ayant un effet uniquement sur les dépenses applicables aux années ultérieures sont tenues d’affecter directement l’équilibre financier des ROBSS ou de leurs satellites et de présenter un caractère permanent.

a.   La recherche d’une incidence effective sur l’équilibre financier de la sécurité sociale

Le Conseil constitutionnel apprécie l’incidence effective d’une mesure sur l’équilibre financier de la sécurité sociale, sans toutefois définir positivement le caractère suffisamment direct des dépenses en question. Il censure, selon la formule consacrée, les dispositions qui « n’ont pas d’effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement » ([122]).

À titre d’exemple, les mesures visant à étendre l’accès direct à un professionnel de santé, c’est‑à‑dire sans consultation médicale préalable, ou à assouplir les conditions d’exercice de certaines professions médicales ont leur place dans une LFSS « [a]u regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie ». Tel est le cas d’une disposition prévoyant, à titre expérimental, que les infirmiers en pratique avancée (IPA) puissent prendre en charge directement des patients dans le cadre de structures d’exercice coordonné ([123]). Il en va de même pour une disposition prolongeant le régime dérogatoire d’autorisation d’exercice de certains praticiens diplômés hors de l’Union européenne (PADHUE), compte tenu « du nombre de praticiens concernés par cette mesure et des dépenses de remboursement des soins réalisés par ces professionnels » ([124]). La reconnaissance par le Conseil constitutionnel de l’effet de telles dispositions sur les dépenses des ROBSS implique que les amendements parlementaires qui n’ont pas pour effet de générer des économies soient déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

La place de la réforme des études de santé dans la LFSS

Dans sa décision du 20 décembre 2022 relative à la LFSS pour 2023, le Conseil constitutionnel a jugé que la création d’une quatrième année au sein du cycle d’études de médecine générale, réalisée sous la forme d’un stage, trouvait sa place dans une LFSS « eu égard au nombre d’étudiants concernés par cette mesure dont la rémunération est assurée au moyen de crédits de l’assurance maladie » ([125]).

Par conséquent, tout amendement parlementaire tendant à allonger la durée de l’internat, à créer un statut d’interne pour de nouvelles spécialités médicales ou à instituer de nouveaux stages obligatoires, s’il relève du domaine de la LFSS, est systématiquement déclaré irrecevable par le président de la commission des finances en ce qu’il crée ou aggrave une charge publique.

b.   La conciliation possible avec les règles de recevabilité financière

Il ne peut être ignoré que l’obligation de veiller à l’incidence directe des amendements ayant trait aux dépenses de la sécurité sociale sur son équilibre financier est, pour les parlementaires, difficile à concilier avec les contraintes de l’article 40 de la Constitution, qui interdit la création ou l’aggravation d’une charge publique. Le champ des dispositions susceptibles d’être proposées par voie d’amendement parlementaire afin d’accroître les droits des assurés ou de garantir un meilleur accès aux soins s’avère dès lors étroit.

● Le président de la commission des finances s’est toutefois inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs en jugeant que les amendements relatifs au tiers payant ont, sous certaines conditions, leur place dans une LFSS.

Le Conseil constitutionnel considère que les dispositions relatives au tiers payant, lequel dispense l’assuré d’avance de frais pour la part des soins et prestations prise en charge par la sécurité sociale, ont pour objet de déterminer, non seulement « les modalités d’organisation du système de santé », mais également « les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part de la rémunération des professionnels de santé exerçant en ville qui est prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie » ([126]). Le double objet attribué au tiers payant suggère que les dispositions s’y rapportant sont de nature à ressortir au domaine partagé de la LFSS et des autres textes. Cette lecture est confortée par le fait que la disposition de la LFSS pour 2018 supprimant l’obligation de tiers payant généralisé sur les dépenses d’assurance maladie obligatoire n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel ([127]), sans que sa décision puisse être assimilée à la confirmation, en creux, de la place de telles dispositions en LFSS. À l’inverse, ont été censurées au motif qu’elles n’avaient pas d’effet ou avaient un effet trop indirect sur les dépenses des ROBSS des dispositions autorisant une expérimentation du tiers payant intégral pour les étudiants de plusieurs villes universitaires ou une expérimentation du tiers payant pour le versement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) ([128]). Plus récemment, le Conseil constitutionnel a jugé étrangère au domaine de la LFSS une disposition prévoyant que les organismes dits de complémentaire santé « mettent à la disposition des professionnels de santé des services numériques en vue de l’application du dispositif du tiers payant sur certaines prestations en matière d’optique, d’audiologie et de soins dentaires », considérant que cette mesure « ne modifie pas les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part des rémunérations prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie » ([129]).

L’élargissement du dispositif de tiers payant ne peut toutefois être proposé par amendement, lors de l’examen de la LFSS ou de tout autre texte, que dans le respect de l’article 40 de la Constitution. Sont ainsi recevables des amendements portant sur des prestations ou des soins ciblés, tels qu’un médicament ou un dispositif médical précis, en ce qu’ils demeurent dans le périmètre de la « charge de trésorerie ». En revanche, les amendements visant à généraliser le tiers payant, qui entraîneraient des décaissements massifs de la part de l’assurance maladie, sont systématiquement déclarés irrecevables puisqu’ils aggravent une charge publique.

● De même, le président de la commission des finances considère que les amendements visant à étendre l’obligation faite aux pharmaciens de délivrer des médicaments à l’unité sont recevables lors de l’examen du PLFSS, sous réserve de ne pas augmenter leur prise en charge par la sécurité sociale ou l’indemnisation des pharmaciens. Il relève ainsi que le Conseil constitutionnel n’a pas censuré une disposition de la LFSS pour 2025 visant à élargir les cas de dispensation à l’unité aux fins de lutte contre les pénuries de médicament ([130]). Cette mesure d’épargne des médicaments, dont l’incidence pourtant modeste sur les comptes de la sécurité sociale a semblé suffisante au Conseil constitutionnel, serait à l’origine d’une économie de 6 millions d’euros en 2025 selon le Gouvernement ([131]).

 

 

 

Le droit de prescription d’un professionnel de santé : une approche constructive du président de la commission des finances

Le président de la commission des finances a été amené à assouplir la jurisprudence s’agissant des initiatives visant à élargir le champ des professionnels de santé habilités à prescrire un médicament ou un dispositif médical, ainsi qu’à réaliser un acte médical donnant lieu à un remboursement par l’assurance maladie.

Son prédécesseur avait, dans un premier temps, considéré que le fait d’élargir la faculté, pour une catégorie de professionnels de santé, de prescrire ou de réaliser des soins ne constituait pas une charge publique. Il considérait ainsi que, tout assuré ayant le droit au remboursement par l’assurance maladie, accroître le nombre de prescripteurs d’un médicament ou d’un acte remboursé revenait simplement à réduire le temps nécessaire à cet individu pour bénéficier du traitement.

Cependant, la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 2021 sur la LFSS pour 2022 ([132]) a conduit à un durcissement de ce raisonnement « file d’attente » favorable à l’initiative parlementaire. Le juge constitutionnel a en effet considéré que des dispositions autorisant les orthoptistes à réaliser « certains actes et à établir certaines prescriptions » trouvaient leur place dans la LFSS « [a]u regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie ».

Il résultait de cet assouplissement du contrôle des « cavaliers sociaux » que tout élargissement ou toute nouvelle faculté de prescrire ou de réaliser un acte médical, lorsqu’il était proposé par voie d’amendement parlementaire, avait une incidence directe sur les dépenses des ROBSS et devait être considéré comme constitutif d’une charge publique.

Le président de la commission des finances estime qu’il est néanmoins possible, sous certaines conditions, d’autoriser des professionnels de santé à prescrire ou réaliser de nouveaux actes pris en charge par l’assurance maladie.

Il a ainsi déclaré recevable un amendement proposant d’autoriser les sages-femmes à établir le certificat médical prévu au huitième jour d’un nouveau-né, prérogative qui était alors réservée aux seuls médecins. En effet, l’examen étant déjà obligatoire, le remboursement par l’assurance maladie est en tout état de cause déjà engagé pour un nombre d’actes qui n’est pas inférieur. L’amendement proposait donc uniquement de permettre à des professionnels de santé, au demeurant moins indemnisés que les médecins, de réaliser de tels actes.

Autrement dit, un raisonnement favorable à l’initiative parlementaire peut être envisagé pour les cas où l’autorisation de prescrire ou de réaliser des actes médicaux attribuée à une nouvelle catégorie de professionnels de santé s’applique à un ensemble d’actes qui doivent obligatoirement être effectués en application d’une disposition législative ou réglementaire en vigueur.

Il peut alors être considéré que l’autorisation juridique de dépenser a déjà été accordée lorsque le législateur ou l’autorité réglementaire a rendu obligatoire l’acte médical ou le traitement, et que le siège de l’autorisation juridique de dépenser ne réside plus dans la faculté pour le professionnel de santé de prescrire ou de réaliser un acte médical dès lors que ce dernier est obligatoire. Une telle mesure, à condition de ne pas élargir la liste des actes concernés ou de ne pas augmenter leur niveau de prise en charge par les ROBSS, peut être recevable au titre de l’article 40 de la Constitution et figurer dans une LFSS, en ce qu’elle concerne les dépenses de la sécurité sociale.

Suivant ce raisonnement, le président de la commission des finances, se démarquant de son prédécesseur ([133]), a déclaré recevable un amendement au PLFSS pour 2023 habilitant, à titre expérimental, les infirmiers à signer les certificats de décès ([134]). Ces documents ne pouvaient auparavant être établis que par un médecin, par un étudiant de troisième cycle d’études de médecine ou par un praticien à diplôme étranger obtenu hors de l’Union européenne (PADHUE). Or les frais liés à l’établissement des certificats de santé peuvent donner lieu à une prise en charge par l’assurance maladie. Les amendements proposant, lors de l’examen du PLFSS pour 2025, de pérenniser cette expérimentation ont également été déclarés recevables ([135]).

3.   La gestion, la trésorerie et la comptabilité de la sécurité sociale

Aux termes du 3° de l’article L.O. 111‑3‑7 du code de la sécurité sociale et du 2° de l’article L.O. 111‑3‑8 du même code, peuvent figurer dans la LFSS :

– dans la partie portant sur les recettes et l’équilibre général pour l’année à venir, les dispositions relatives « à la trésorerie et à la comptabilité » des ROBSS et de leurs satellites ;

– dans la partie portant sur les dépenses pour l’année à venir, les dispositions modifiant « les règles relatives à la gestion des risques » par les ROBSS, ainsi que « les règles d’organisation ou de gestion interne » de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, sous réserve que ces dispositions « [aient] pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ».

À titre d’exemple, une disposition autorisant les médecins du travail à déléguer certains actes médicaux aux infirmiers qualifiés en santé employés par les caisses du réseau de la MSA a pu être rattachée aux règles d’organisation ou de gestion interne des ROBSS ([136]). En revanche, une disposition systématisant le principe de subrogation de l’employeur à l’assuré dans le versement des indemnités journalières dues au titre des congés de maternité, d’adoption, de paternité et d’accueil de l’enfant a été jugée étrangère au domaine des LFSS par le Conseil constitutionnel ([137]), en dépit de son incidence sur la trésorerie des ROBSS soulevée par le Gouvernement ([138]).

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une disposition visant à réorganiser le service du contrôle médical du réseau de la branche maladie du régime général et des régimes agricoles ne trouvait pas sa place dans une LFSS ([139]). Au regard des informations transmises par le Gouvernement ([140]), le président de la commission des finances avait déclaré recevable l’amendement prévoyant cette mesure, estimant qu’elle pouvait être rattachée aux dispositions modifiant « les règles d’organisation ou de gestion interne » des ROBSS ayant pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

4.   La dette de certains établissements de santé ou médico‑sociaux

La réforme organique du 14 mars 2022 a étendu le domaine facultatif de la LFSS aux dispositions relatives à la dette, d’une part, des établissements assurant le service public hospitalier et, d’autre part, des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les ROBSS et soumis à un objectif de dépenses, catégorie recouvrant principalement les établissements accueillant des personnes âgées ou en situation de handicap relevant du champ de l’ONDAM. Les dispositions précitées ne peuvent figurer dans une LFSS que si elles ont « pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ».

Au regard des règles de recevabilité financière, les mesures portant sur la dette des établissements de santé ou médico‑sociaux et susceptibles de constituer une charge publique ne peuvent toutefois résulter que d’initiatives du Gouvernement.

5.   L’information du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

● Toute loi ordinaire autre qu’une LFSS peut, sans préjudice de l’application de l’article 45 de la Constitution, comporter des dispositions relatives à l’information du Parlement sur les finances sociales.

Dans le cadre de l’examen du PLFSS ([141]) ou du PLFRSS ([142]), les amendements formulant une demande de rapport doivent plus précisément se rattacher aux dispositions « améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale », afin que ces textes ne deviennent pas l’occasion pour les parlementaires de s’exprimer sur tout sujet coûteux présentant un lien plus ou moins ténu avec la sphère sociale.

Alors que son prédécesseur considérait que cette règle valait seulement pour « une LFSS déjà publiée (en faisant référence de manière claire et exacte à tel article issu d’une telle loi) » ([143]), le président de la commission des finances a assoupli la jurisprudence en admettant :

– des amendements portant sur une disposition du PLFSS en cours d’examen par le Parlement ;

– des amendements ayant pour objet central une disposition issue d’une LFSS, y compris si celle‑ci fait l’objet d’une codification.

L’exigence de clarté et d’exactitude dégagée par le président de la commission des finances sous la XVe législature demeure toutefois pleinement valable, les références à des dispositions en cours de discussion ou codifiées ne devant souffrir aucune ambiguïté.

● Au regard des dispositions organiques du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, plusieurs critères se dégagent pour apprécier la recevabilité organique d’une demande de rapport.

En premier lieu, la demande de rapport ne peut porter sur une disposition législative qui serait elle-même étrangère au domaine des LFSS. Ont donc été écartés des amendements prévoyant la remise au Parlement de rapports sur la solidarité financière entre les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage, sur l’application d’une disposition d’une loi de finances ou sur la création d’un établissement chargé de la retraite additionnelle des salariés du secteur privé.

En second lieu, les rapports demandés au Gouvernement doivent fort logiquement contribuer à l’information et au contrôle du Parlement sur l’application des LFSS. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements prévoyant la remise d’un rapport dont le destinataire n’était pas le Parlement, mais le Gouvernement lui-même, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou les caisses de sécurité sociale.

En troisième lieu, l’utilisation dans le code de la sécurité sociale des termes « application des lois de financement de la sécurité sociale » signifie qu’une demande de rapport est recevable uniquement si elle porte sur une disposition précise d’une LFSS, en faisant expressément référence à celle‑ci.

D.   Le domaine interdit des lois de financement de la sÉcuritÉ sociale : le contrÔle des « cavaliers sociaux »

Les initiatives, qu’elles soient d’origine parlementaire ou gouvernementale, qui sont insusceptibles d’être rattachées aux domaines précités de la LFSS sont des « cavaliers sociaux ». De telles dispositions sont déclarées irrecevables par le président de la commission des finances ou censurées, le cas échéant d’office, par le Conseil constitutionnel. Ce dernier exerce un contrôle vigilant en la matière, se livrant, selon une expression utilisée par la doctrine ([144]), à une véritable « chasse aux cavaliers sociaux » depuis sa décision sur la LFSS pour 2001 ([145]). Cette rigueur a une nouvelle fois été démontrée par la décision du Conseil constitutionnel sur la LFSS pour 2025, dans laquelle ont été censurés d’office en tant que « cavaliers sociaux » pas moins de douze articles du texte ([146]).

La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne donne pas de définition positive des « cavaliers sociaux ». Selon la formule consacrée depuis la réforme organique du 22 mars 2022, « ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées aux articles L.O. 111-3-6 à L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale [qui définissent le domaine facultatif de la LFSS]. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires » ([147]).

Ni la Constitution, ni la LOLFSS, ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne fixent de montant au-delà duquel une disposition est considérée comme ayant effet un suffisant sur les recettes ou les dépenses des ROBSS. Faisant un plein usage de sa marge d’appréciation, le président de la commission des finances privilégie une approche favorable à l’initiative parlementaire dès lors que les amendements déposés lors de l’examen du PLFSS sont susceptibles d’avoir, de façon réaliste et crédible, une incidence sur l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Les « cavaliers sociaux » sont susceptibles de prendre la forme de dispositions portant sur des organismes hors du champ de la LFSS, de mesures sans effet sur les recettes ou les dépenses de la sécurité sociale et de demandes de rapport ne contribuant pas à l’information du Parlement sur l’application des LFSS.

Une liste des cavaliers sociaux censurés par le Conseil constitutionnel entre 2022 et 2025 figure dans l’annexe n° 3 du présent rapport.

1.   Les organismes hors du champ des lois de financement de la sécurité sociale

Un amendement d’origine parlementaire ou gouvernemental qui ne concerne ni des ROBSS, ni des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit n’a naturellement pas sa place dans une LFSS.

Sont concernés l’État et les collectivités territoriales, ainsi que les organismes relevant du périmètre élargi des administrations de sécurité sociale (ASSO), tels que les régimes de retraite complémentaire obligatoires, comme l’AGIRC-ARRCO pour les salariés du secteur privé et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour une large partie des agents publics non titulaires, ou l’assurance chômage (UNÉDIC).

Il en va de même pour les régimes complémentaires obligatoires ou facultatifs d’assurance maladie, gérés par les mutuelles, les entreprises d’assurance et les institutions de prévoyance, ainsi que pour les régimes de retraite supplémentaire proposant des produits d’épargne retraite facultatifs.

À titre d’exemple, sont irrecevables lors de l’examen du PLFSS les amendements encadrant les dépassements d’honoraires sur les consultations et les actes médicaux, qui sont pris en charge par les complémentaires « santé » et non par l’assurance maladie, et les amendements modifiant les conditions de dénouement du plan d’épargne retraite (PER), lequel n’est pas géré par les régimes obligatoires d’assurance vieillesse.

Ont, de ce fait, été jugées étrangères au domaine la LFSS les dispositions relatives à l’association des organismes d’assurance maladie complémentaires aux recours des ROBSS contre les tiers responsables de dommages ([148]) et aux conditions de certification des comptes des établissements de santé privés ([149]).

2.   Les dispositions sans effet sur les recettes de la sécurité sociale

Les seules recettes susceptibles d’être instituées, supprimées ou modifiées par la LFSS sont celles des ROBSS ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit.

● Sont ainsi exclues du périmètre de la LFSS les mesures portant sur les ressources affectées intégralement ou principalement à d’autres personnes publiques que les ROBSS et leurs satellites, telles que les contributions établies au profit des régimes d’assurance chômage, les cotisations dues au titre de la couverture santé complémentaire et les impôts perçus par l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements.

La circonstance que ces impositions soient dues par des établissements ou services financés par des ROBSS est sans incidence sur le contrôle de la recevabilité organique des amendements. Ont ainsi déclarés irrecevables des amendements, bien que gagés, prévoyant un taux réduit de TVA au bénéfice des prestations de rénovation énergétique réalisées par les établissements de santé et les établissements sociaux et médico‑sociaux (ESMS) ou exonérant certains établissements de santé privés de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

En tout état de cause, l’affectation à la sécurité sociale d’une ressource établie, en tout ou partie, au profit de l’État ne peut intervenir qu’en loi de finances. Les amendements proposant de tels mouvements lors de l’examen du PLFSS sont systématiquement déclarés irrecevables en ce qu’ils sont contraires à la LOLF, en dépit de l’incidence qu’ils pourraient avoir sur les recettes des ROBSS.

● La question de l’affectation du produit de sanctions à une caisse de sécurité sociale ou à un satellite des ROBSS appelle des observations spécifiques.

Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’une telle affectation, bien qu’elle soit de nature à majorer les ressources des organismes bénéficiaires, ne suffit pas à rattacher la disposition concernée au domaine de la LFSS. Ont ainsi été censurées les dispositions prévoyant l’affectation à l’ANSM et à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) du produit des sanctions prononcées à l’encontre des grossistes‑répartiteurs et des pharmaciens qui méconnaîtraient leurs obligations légales ([150]).

À l’inverse, ont été admises par le Conseil constitutionnel les dispositions tendant à alourdir les sanctions financières et astreintes prononcées par l’ANSM en cas de manquements des exploitants à leurs obligations au titre de la lutte contre les pénuries de médicaments, le produit desdites sanctions étant par ailleurs versé au Trésor public ([151]). Il convient toutefois de signaler que ces dispositions étaient insérées dans un article de la LFSS pour 2025 comportant diverses mesures renforçant la lutte contre les pénuries de médicaments et contribuant à une meilleure maîtrise des dépenses d’assurance maladie liées à la gestion de ces pénuries, lesquelles étaient susceptibles de générer une économie d’au moins 16 millions d’euros en 2025 selon l’évaluation préalable fournie par le Gouvernement ([152]).

Par conséquent, le président de la commission des finances apprécie au cas par cas la recevabilité des amendements prévoyant l’affectation du produit d’une sanction aux ROBSS ou aux organismes financés par ceuxci, en examinant s’ils contiennent des dispositions complémentaires susceptibles d’avoir une incidence sur l’équilibre financier de la sécurité sociale. Il a ainsi admis des amendements instituant un mécanisme de sanctions applicable aux entreprises ne limitant pas les écarts de rémunération en leur sein, lequel prenait la forme d’une majoration du taux de cotisation « retraite » de l’employeur et dont le produit abondait le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

L’exonération de taxe sur les salaires pour certains « groupes TVA » : un « cavalier social » qui a sa place en loi de finances

Dans sa décision du 21 décembre 2023 relative à la LFSS pour 2024, le Conseil constitutionnel a conclu qu’une disposition prévoyant, sous certaines conditions, d’exonérer de taxe sur les salaires certaines rémunérations versées par l’employeur membre d’un assujetti unique, dit « groupe TVA », était étrangère au domaine de la LFSS ([153]). La taxe sur les salaires est pourtant une imposition de toute nature définie à l’article L. 231 du code général des impôts et au 1° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale. Son produit, réparti entre la CNAV, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la CNAM et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), est attendu à 17,7 milliards d’euros en 2025 d’après le tome I de l’évaluation des voies et moyens annexé au PLF pour 2025.

La mesure avait été insérée par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. Le Gouvernement arguait dans ses observations écrites que la disposition trouvait sa place dans une LFSS « de manière certaine », « [l]e produit de la taxe sur les salaires étant affecté aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale » ([154]). L’article correspondant de la LFSS était issu d’un amendement parlementaire déposé en séance publique et déclaré recevable par la Présidente de l’Assemblée nationale, après consultation du président de la commission des finances.

La circonstance que la mesure visait à neutraliser l’assujettissement à la taxe sur les salaires des entreprises qui, avant d’opter pour le régime du « groupe TVA », n’en étaient pas redevables a pu conduire le Conseil constitutionnel à considérer que son incidence sur les recettes des ROBSS était insuffisante ou indirecte. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat signalait ainsi, lors de l’examen du PLFSS pour 2024, que « [l]’administration fiscale considère donc qu’il est sans incidence sur les recettes des caisses percevant la taxe sur les salaires (CNAV, CNAF, CNAM et CNSA) » ([155]).

Le président de la commission des finances a, lors de l’examen du PLF pour 2025, tiré les conséquences de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel. Par une interprétation a contrario, il a ainsi considéré que l’exonération de taxe sur les salaires pour certains « groupes TVA » était recevable hors LFSS, même en l’absence de bornage temporel de la mesure. L’analyse selon laquelle une disposition gagée, portant sur une imposition de toute nature et susceptible de diminuer les recettes des ROBSS serait irrecevable à la fois lors de l’examen du PLF et du PLFSS apparaissait inutilement restrictive pour l’initiative parlementaire.

Le Conseil constitutionnel a semble‑t‑il admis ce raisonnement, en ne censurant pas l’article 36 de la loi de finances pour 2025 introduisant une exonération de taxe sur les salaires pour certains « groupes TVA » ([156]).

La décision d’espèce du président de la commission des finances, fondée sur l’appréciation in concreto d’un amendement parlementaire, répondait à la censure par le Conseil constitutionnel d’une disposition similaire d’une LFSS précédente. Elle ne saurait être lue comme exemptant, de manière générale, les allègements sociaux proposés sur un autre texte que la LFSS de l’obligation de bornage temporel issue la réforme organique du 14 mars 2022.

3.   Les dispositions sans effet sur les dépenses de la sécurité sociale

Au regard de son domaine strictement délimité, la LFSS ne saurait être assimilée à une loi portant diverses mesures d’ordre social.

À la manière de son prédécesseur, le président de la commission des finances ne peut que souligner que « le budget de la sécurité sociale n’a pour objet ni l’emploi, ni les relations du travail et la formation professionnelle, ni la santé et la solidarité, ni les politiques relatives aux personnes âgées et handicapées ou à la famille lorsqu’elles ne constituent pas des prestations de sécurité sociale, ni l’insertion, ni le logement » ([157]).

Peuvent être distingués les cas d’irrecevabilité ou de censure par le Conseil constitutionnel de dispositions portant sur l’aménagement de procédures, sur les missions d’autres personnes que les ROBSS ou leurs satellites et sur l’organisation du système de santé.

a.   Les dispositions portant sur l’aménagement de procédures

Comme évoqué supra, les dispositions relatives à la trésorerie et à la comptabilité des ROBSS et de leurs satellites sont susceptibles de figurer dans la LFSS, de même que celles portant sur les règles relatives à la gestion des risques et sur les règles d’organisation ou de gestion interne de ces organismes, à condition pour ces dernières de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

● Pour ne citer que ses décisions les plus récentes, le Conseil constitutionnel a par exemple censuré :

– des dispositions organisant le partage d’information entre les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie et les ordres compétents au sujet des actes frauduleux commis par des professionnels de santé ou créant une nouvelle commission spécialisée au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) ;

– des dispositions modifiant les conditions dans lesquelles les cotisants peuvent se faire assister d’un conseil dans le cadre d’un recouvrement forcé ou réformant l’organisation du service du contrôle médical de l’assurance maladie.

Ont ainsi été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, en ce qu’ils constituent des « cavaliers sociaux », des amendements relatifs à la composition des équipes chargées du contrôle de la tarification à l’activité (T2A) auprès des établissements de santé, du comité économique des produits de santé (CEPS) ou du conseil d’administration des caisses de sécurité sociale, de même que des amendements de nature procédurale modifiant les démarches administratives en vue de l’attribution de certaines prestations, par exemple en les dématérialisant.

● Le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à la LFSS pour 2025, a censuré une disposition visant à renforcer les échanges d’information entre les organismes d’assurance maladie obligatoire et les organismes d’assurance maladie complémentaire ([158]), laquelle avait été admise par le président de la commission des finances compte tenu des effets qui pouvaient en être attendus en matière de lutte contre la fraude aux prestations. Ont également été censurées une disposition prévoyant la généralisation de la carte Vitale sécurisée et des incitations financières en faveur des professionnels de santé acceptant son utilisation ([159]), ainsi qu’une disposition obligeant les entreprises de transport sanitaire à équiper leurs véhicules d’un dispositif de géolocalisation certifié par l’assurance maladie ([160]).

Le président de la commission des finances rejoint les observations formulées par son prédécesseur, qui exposait que « [l]a recevabilité des amendements concernant la lutte contre la fraude aux prestations ou aux prélèvements sociaux est conditionnée au fait que les dispositifs aient une incidence juridique directe et certaine sur les comptes sociaux » ([161]). La rigueur de la jurisprudence constitutionnelle récente s’agissant des dispositions relatives à la lutte contre la fraude sociale doit inviter les parlementaires à privilégier des mesures ayant une incidence financière manifeste, le cas échéant en proposant un premier chiffrage des économies escomptées.

b.   Les dispositions portant sur les dépenses d’organismes étrangers au domaine de la LFSS

Sont étrangères au domaine de la LFSS les dispositions ne portant pas sur les dépenses des ROBSS, lesquels sont chargés de couvrir les assurés contre des risques sociaux spécifiques, sur les organismes financés par eux ou sur les organismes concourant à leur financement.

À titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la LFRSS pour 2023 permettant aux salariés exerçant ou ayant exercé des métiers particulièrement exposés à certains risques professionnels de bénéficier d’un suivi individuel spécifique, comprenant une visite médicale auprès d’un professionnel de santé au travail ([162]). Les dépenses afférentes à la médecine du travail étant à la charge des employeurs, il a été jugé que la mesure n’avait pas d’effet ou un effet trop indirect sur les charges des ROBSS.

Comptent parmi les dispositions régulièrement déclarées irrecevables par le président de la commission des finances lors de l’examen du PLFSS :

– les dépenses supportées par des organismes autres que les ROBSS, à la manière de l’indemnisation du chômage via l’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par France Travail et de la prise en charge par les organismes d’assurance complémentaire des dépassements d’honoraire, des chambres individuelles à l’hôpital ou des arrêts de travail pour maladie de courte durée ;

– diverses mesures inscrites dans la loi de finances, comme les opérations retracées dans le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, les régimes de retraite relevant de la mission Régimes sociaux et de retraite, les services de médecine scolaire financés par la mission Enseignement scolaire ou la définition d’un délai de carence pour la rémunération des agents civils durant leur congé de maladie ;

– les prestations servies par l’État, telles que le revenu de solidarité active (RSA) dans certains cas, l’aide médicale d’État (AME), les aides personnelles au logement (APL), les allocations versées aux personnes âgées (ASPA), aux adultes handicapés (AAH) et aux demandeurs d’asile (ADI), l’aide juridictionnelle ainsi que les bourses scolaires et étudiantes ;

– les dispositifs gérés ou financés par les collectivités territoriales, comme le RSA dans d’autres cas, l’aide sociale à l’enfance (ASE), l’aide sociale à l’hébergement (ASH), la protection maternelle et infantile (PMI) et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

c.   Les dispositions relatives à l’organisation des soins, à la prévention en santé et à l’information des assurés

Enfin, les mesures relatives à l’organisation des soins, à la prévention en santé et à l’information des assurés n’ont pas leur place dans la LFSS, à moins d’avoir une incidence directe sur les dépenses des ROBSS.

● Sans prétendre à l’exhaustivité, peuvent être cités au titre des amendements déclarés irrecevables par le président de la commission des finances ceux qui portaient sur les conditions de recrutement et d’emploi des personnels des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ou des établissements de santé, les modalités de fabrication et de commercialisation de certains produits présentant des risques pour la santé publique (alcool, boissons sucrées, produits du tabac, dispositifs de vapotage, etc.), le contenu de la formation, les prérogatives techniques, les critères d’installation et l’encadrement ordinal des professionnels de santé, le format des ordonnances et le contenu des consultations médicales, l’obligation de présentation d’un certificat médical en vue de la pratique d’une activité sportive, la régulation des activités de télémédecine, la sécurité et la publicité des produits de santé, l’encadrement de la recherche en santé publique et la prévention en santé au travail ou dans l’enseignement supérieur.

Pour être recevables au titre de la LOLFSS et de l’article 40 de la Constitution, les amendements se rapportant à ces matières doivent se placer explicitement sur le terrain des dépenses des ROBSS et générer des économies. À titre d’exemple, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2025 relative à la LFSS pour 2025, a censuré une disposition définissant le régime juridique applicable aux centres de soins non programmés ([163]). Le président de la commission des finances avait été d’avis d’admettre la mise en discussion des amendements parlementaires introduisant la mesure au regard de son incidence sur les dépenses des ROBSS, considérant qu’ils prévoyaient également de conditionner le financement de ces structures au respect d’un cahier des charges.

● Par conséquent, les dispositions visant à lutter contre le nonrecours aux prestations sociales, sans modifier les caractéristiques de celles‑ci, ont une incidence trop indirecte sur les dépenses des ROBSS pour être rattachées au domaine de la LFSS. En adoptant cette lecture favorable à l’initiative parlementaire lors de l’examen des autres textes, le président de la commission des finances s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, lequel avait « choisi de ne pas se placer sur le terrain de la charge, considérant que juridiquement, ces amendements ne constituaient pas une autorisation nouvelle de dépenser, mais plutôt le rappel d’une autorisation déjà faite » ([164]).

Il en va de même pour les amendements visant à renforcer l’information des assurés sur leurs droits. Conformément à une jurisprudence bien établie ([165]), le Conseil constitutionnel a par exemple censuré une disposition de la LFRSS pour 2023 instaurant un dispositif d’information sur le système de retraite par répartition à destination des assurés dont la durée d’assurance est inférieure à dix ans ([166]).

À l’inverse, de tels amendements, s’ils introduisent des mesures susceptibles d’être mises en œuvre par l’administration à moyens constants, sont déclarés recevables lors de l’examen d’autres textes que la LFSS en ce qu’ils relèvent de la charge de gestion. Ont ainsi été déclarés recevables des amendements à la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir prévoyant l’information des patients sur leurs droits médicaux et sociaux. De même, lors de l’examen de la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans, ont pu être discutés des amendements complétant l’information fournie par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) aux assurés sur leurs droits en matière de majoration de la durée d’assurance au titre de la maternité et de cumul emploiretraite.

Un exemple de « cavalier social » : l’organisation de la permanence des soins

La mission de service public de permanence des soins, organisée par les agences régionales de santé (ARS), vise à garantir la prise en charge des demandes de soins non programmées pendant les horaires de fermeture des services hospitaliers et des cabinets médicaux. Les professionnels de santé participant à la permanence des soins, qui sont soumis à un système de garde et d’astreinte, bénéficient d’une rémunération spécifique, indépendante des actes accomplis dans le cadre de leurs missions.

Dans sa décision du 20 décembre 2022 relative à la LFSS pour 2023, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions prévoyant le concours des chirurgiens‑dentistes, des sages-femmes et des infirmiers à la permanence des soins portaient uniquement sur l’organisation desdites professions de santé et n’avaient pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des ROBSS ([167]). En revanche, n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel une disposition similaire qui, en outre, renvoyait aux conventions organisant les rapports entre l’assurance maladie et diverses professions de santé la responsabilité de fixer les conditions de rémunération de ces derniers au titre de leur participation à la permanence des soins ([168]).

Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale a tiré les conséquences de cette jurisprudence, extrêmement favorable à l’initiative parlementaire pour l’examen des autres textes : un dispositif se bornant à l’organisation de la permanence des soins, en prévoyant par exemple la participation de nouveaux professionnels de santé, est recevable au titre de l’article 40 de la Constitution en ce qu’il ne constitue pas une charge publique.

En revanche, demeurent naturellement irrecevables les amendements parlementaires instituant de nouvelles obligations à la charge des professionnels de santé participant à la permanence des soins, lesquelles sont susceptibles d’ouvrir droit à de nouvelles rémunérations prises en charge par l’assurance maladie, ou améliorant l’indemnisation de ceux‑ci.

4.   Les demandes de rapport ne portant pas sur l’application d’une loi de financement de la sécurité sociale

Dans le cadre de l’examen du PLFSS, les amendements formulant une demande de rapport doivent contribuer à améliorer « l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ».

● Compte tenu de « leur caractère juridiquement comme financièrement indolore », la doctrine a relevé que les amendements parlementaires demandant la remise de rapports au Parlement étaient « souvent conçus pour contourner l’article 40 de la Constitution afin de proposer de nouvelles dépenses publiques » et « [avaient] eu tendance à proliférer au cours des dernières années, en particulier à l’Assemblée nationale » ([169]).

Saisi de la LFSS pour 2018, le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé, non sans ironie, que « quel que puisse être l’intérêt de la production par le Gouvernement de rapports sur des questions relatives à la protection sociale, seuls peuvent être prévus par des lois de financement de la sécurité sociale […] des rapports susceptibles d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application de telles lois ». Ont été censurées à cette occasion deux dispositions prévoyant, d’une part, la remise d’un rapport sur les modalités d’attribution des places au sein des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans et, d’autre part, la remise d’un rapport sur l’exposition des salariés aux risques chimiques, quand bien même lesdits rapports devaient évaluer l’incidence financière de la mesure et du risque concernés ([170]).

● Les demandes de rapport doivent porter sur des mesures existantes ou proposées dans le PLFSS auquel elles se rattachent, de sorte que l’irrecevabilité organique frappe les amendements ayant un caractère prospectif ou portant sur la sphère sociale en général. Ont par conséquent été censurées par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à la mise en place d’un dispositif de référencement périodique des médicaments, au coût pour les comptes publics de l’instauration d’un bilan visuel obligatoire à l’entrée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou au renforcement de l’accès à l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) ([171]). Le même sort a été réservé, plus récemment, à une disposition de la LFSS pour 2025 prévoyant la remise d’un rapport portant sur les travaux de réforme du financement de l’accueil du jeune enfant ([172]).

En tout état de cause, sont déclarées irrecevables les demandes de rapport témoignant d’un contournement manifeste des règles de recevabilité applicables aux dispositions relatives à l’information et au contrôle du Parlement. Tel le cas d’un amendement formulant une demande de rapport dont l’objet ne présente pas de lien direct et manifeste avec l’article d’une LFSS auquel il fait référence.

5.   Les dispositions empiétant sur le domaine organique

Les dispositions de rang organique ne peuvent être modifiées lors de l’examen de la LFSS et nécessitent de réviser la LOLFSS ellemême.

● Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision sur la LFSS pour 2011 que « seule la loi organique [pouvait] fixer le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale ou celui de ses annexes », censurant à cette occasion des dispositions complétant le contenu des annexes du PLFSS ou prévoyant que la LFSS fixe chaque année le montant d’une dotation nationale créée au sein de l’ONDAM ([173]).

Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements prévoyant que relève du domaine de la LFSS la définition des conditions de prise en charge de certaines consultations médicales, renvoyant à une loi ordinaire le soin de fixer l’évolution pluriannuelle de l’ONDAM, modifiant la liste des sous‑objectifs de celui‑ci ou enrichissant la maquette des annexes du PLFSS ([174]).

● De la même manière, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que seule une loi organique peut repousser l’horizon d’amortissement de la dette sociale. En effet, le premier alinéa de l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ([175]) indique que « [t]out nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale [CADES] est accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale », disposition dont la nature organique a été reconnue par le Conseil constitutionnel ([176]). Par conséquent, un amendement organisant le transfert de nouveaux déficits sociaux à la CADES, qui aurait pour effet d’allonger son existence et ne serait pas assorti des recettes correspondantes, ou diminuant sensiblement les ressources qui lui sont affectées est irrecevable dès lors qu’il est déposé lors de l’examen de tout autre texte qu’un projet ou qu’une proposition de loi organique relative à la dette sociale.

 


   examen en commission

Lors de sa  réunion du mardi 30 septembre, la commission examine le rapport d’information sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale (M. Éric Coquerel)

M. Philippe Brun, président. Ce rapport d’information sur le contrôle de la recevabilité financière et organique est le dixième de ce type présenté par un président de la commission des finances. Plus de trois ans après la publication du précédent, ce travail est précieux pour chacun de nous car il permet de faire le point sur l’état et les évolutions de la jurisprudence – notamment s’agissant des propositions de loi – et donc d’éviter que nos initiatives et amendements se heurtent à des décisions d’irrecevabilité.

M. Éric Coquerel, rapporteur. Mes chers collègues, ce projet de rapport vous a été transmis un peu tardivement mais je souhaitais qu’il soit examiné avant le renouvellement du bureau, qui aura lieu le 2 octobre.

Je vous propose donc d’autoriser la publication d’un rapport sur les règles de la recevabilité financière et de la recevabilité organique, lesquelles sont toutes deux contrôlées à titre principal par le président de la commission des finances.

Il s’agit tout d’abord d’un état des lieux de la jurisprudence. La lecture attentive des rapports précédents montre en effet que l’appréciation de la recevabilité n’est pas une affaire purement scientifique puisque cette jurisprudence évolue, y compris en fonction des situations politiques. Le rapport constitue ensuite un document sur la façon dont j’ai appliqué les règles de recevabilité depuis trois ans – étant entendu que cela n’engage pas la personne qui me succédera.

La présentation d’un rapport dit de l’article 40 est une coutume bien établie par mes prédécesseurs puisque neuf ont déjà été présentés, depuis celui de Jean Charbonnel, en 1971, jusqu’à celui d’Éric Woerth, en 2022. L’intérêt de commenter les dernières réformes organiques, adoptées en 2021 et en 2022, et l’accélération du rythme des législatures m’ont conduit à préparer celui-ci en amont du terme prévisionnel de la XVIIe législature.

Ce travail intervient au terme de trois années qui auront été marquées par l’inflation du nombre d’amendements soumis à l’appréciation du président de la commission des finances. Deux chiffres suffiront à l’illustrer : alors que, sous la précédente législature, un peu plus de 97 000 amendements avaient été contrôlés en cinq ans, ce sont plus de 101 000 amendements qui l’ont été en trois ans, entre juillet 2022 et juillet 2025.

Je ne surprendrai personne en rappelant ma position sur l’article 40. Je considère qu’il s’agit d’une disposition qui contraint fortement l’initiative parlementaire. Il instaure une inégalité entre le gouvernement, qui peut proposer des dépenses nouvelles, et les parlementaires, à qui la Constitution interdit de faire de même. L’objectif de cet article est double : conférer à l’exécutif le privilège budgétaire et déresponsabiliser les parlementaires, en laissant entendre qu’ils feraient plonger le déficit public sans cette contrainte. Cet article a également pour effet d’imposer une politique en particulier, celle qui envisage uniquement les baisses de dépenses pour améliorer la situation des finances publiques.

Pour toutes ces raisons, je plaide pour l’abrogation de l’article 40 –  et je ne suis pas le premier. Mon prédécesseur par exemple, Éric Woerth, l’avait demandé en 2018 en déposant un amendement cosigné par l’ensemble des membres de son groupe. Il s’agirait d’une véritable avancée qui permettrait d’élargir nos débats et de revaloriser le rôle d’un Parlement dont les prérogatives et la liberté sont régulièrement limitées par l’exécutif. La France rejoindrait alors les 52 % de pays membres de l’OCDE qui ne prévoient pas de restrictions au droit d’amendement.

Je reçois souvent des délégations de parlementaires, y compris de pays qui ne sont pas caractérisés par un déficit public élevé ; tous sont très étonnés par l’article 40, de même que par l’article 49.3. J’ai récemment reçu des Japonais, qui sont à peu près dans la même situation que nous, le gouvernement ne disposant pas d’une majorité : ils parviennent à y faire face sans disposer de l’équivalent de ces deux articles.

En attendant l’abrogation de l’article 40, je respecte évidemment le cadre juridique particulièrement rigoureux qui s’impose au président de la commission des finances. Mais, depuis 2022, j’ai tenu à favoriser autant que possible l’initiative parlementaire, pour concilier au mieux les exigences de l’article 40 avec le droit d’amendement des députés, lui aussi inscrit dans la Constitution – et ce quel que soit leur groupe politique.

J’en veux pour preuve la diminution constante du taux d’irrecevabilité financière depuis le début de ma présidence : partant de 16,4 % l’année précédant mon arrivée, il est passé à 12,1 % en 2022-2023, puis 8 %, et enfin 7,3 % en 2024-2025. La tendance est manifeste alors même que la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) en 2021 et 2022 a durci certaines règles de recevabilité, notamment en ce qui concerne l’affectation d’une imposition ou la création de nouveaux allègements sociaux.

L’assouplissement de la jurisprudence ne s’apparente nullement à une absence de contrôle. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises que les assemblées étaient tenues de mettre en œuvre un contrôle de recevabilité effectif et systématique dès le stade du dépôt des amendements. À défaut, le juge constitutionnel ne serait plus lié par la règle dite du « préalable parlementaire », en application de laquelle il n’intervient qu’en appel d’une éventuelle contestation au cours de la navette parlementaire.

Je me suis donc attaché à respecter ce cadre, tout en assouplissant la jurisprudence. Sauf dans de très rares cas, qui n’ont pas manqué d’être médiatisés, mes avis ont été suivis par mes homologues ainsi que par la présidente de l’Assemblée nationale. Il y a eu très peu de désaccords, ce qui montre bien qu’il était sans doute nécessaire de réduire la proportion des déclarations d’irrecevabilité.

En matière de diminution des recettes publiques, la jurisprudence a peu évolué, puisque la possibilité pour les députés de gager leurs amendements rend les cas d’irrecevabilité plus rares. Aux tolérances admises par mes prédécesseurs j’ai ajouté le principe de l’auto-gage : lorsqu’un amendement propose à la fois une diminution et une hausse de recettes, il est recevable sans gage lorsqu’il est manifeste que son effet global est bénéfique pour les finances publiques.

En matière de création ou d’aggravation d’une charge publique, puisque l’article 40 laisse peu de marge de manœuvre aux députés, j’ai évidemment maintenu les dérogations favorables à l’initiative parlementaire établies par mes prédécesseurs, en les élargissant lorsque cela était possible afin de favoriser les débats au sein de notre assemblée.

J’ai interprété le plus largement possible les jurisprudences existantes, par exemple celles relatives aux charges indirectes – qui ne constituent que l’effet secondaire d’un amendement ; aux charges de gestion – qui peuvent être absorbées à moyens constants ; aux charges de trésorerie – qui sont recevables si elles demeurent infra-annuelles et ne sont pas massives ; à l’État employeur – jurisprudence permettant de proposer des mesures coûteuses si elles concernent à la fois des personnes publiques et privées ; et aux expérimentations – permettant de proposer des mesures coûteuses aux fins d’améliorer l’efficacité de l’action publique.

Je souligne que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi dite PLM, a validé l’ensemble des raisonnements que j’avais suivis s’agissant des charges de gestion ou de celles dont l’effet est indirect ou incertain.

J’ai également admis un grand nombre d’amendements proposant des mesures coûteuses dès lors qu’ils étaient programmatiques, c’est-à-dire non normatifs, et n’emportaient pas en eux-mêmes de nouvelles dépenses. Cela m’a semblé utile pour permettre à notre assemblée d’avoir de vrais débats de fond.

Enfin, j’ai eu à cœur de faire converger la jurisprudence avec les règles appliquées par le président de la commission des finances du Sénat, qui sont depuis longtemps plus souples. J’ai notamment utilisé la jurisprudence « démocratie » que mes prédécesseurs à l’Assemblée n’avaient jamais appliquée. Elle permet aux députés de déposer des amendements coûteux lorsqu’ils visent à permettre ou améliorer l’exercice de la démocratie par les citoyens : le coût de ces mesures est alors considéré comme secondaire dès lors qu’il s’agit avant tout de ne pas entraver l’exercice de la volonté populaire, qui, là encore, est un principe constitutionnel.

Ces trois dernières années, j’ai également dû me prononcer sur la recevabilité de propositions de lois. Si certains considèrent qu’un « gage de charge » est insuffisant pour garantir la recevabilité d’un texte, j’estime qu’il n’y a pas de raison d’être plus sévère que le bureau de l’Assemblée nationale, qui accepte le dépôt de ce type de propositions coûteuses. Par ailleurs, une lecture trop stricte de l’article 40 dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’une proposition de loi devant être discutée lors d’une niche parlementaire rendrait inopérante une autre disposition de la Constitution, celle qui garantit un droit d’initiative parlementaire spécifique aux groupes d’opposition.

J’ai constaté que, depuis des années, la possibilité de déclarer irrecevables de telles propositions de loi destinées à être examinées dans le cadre d’une niche parlementaire était plus ou moins tombée en déshérence. Sans doute considérait-on qu’il était normal qu’elles soient débattues, sachant qu’en tout état de cause, si l’exécutif n’était pas favorable à leur adoption, elles seraient rejetées en séance publique. L’absence de majorité explique peut-être pourquoi l’on s’interroge de nouveau sur la recevabilité de ces propositions de loi, mais cette situation ne doit pas, selon moi, conduire à être moins souple dans l’appréciation de leur recevabilité.

S’agissant des irrecevabilités liées à la LOLF et à la LOLFSS, qui limitent encore plus l’initiative parlementaire, notamment sur les textes financiers, j’ai été confronté aux nouvelles règles issues des réformes de 2021 et 2022, qui ont, par certains aspects, durci les conditions de recevabilité des amendements. Ainsi, il n’est plus possible de proposer d’affecter une imposition à un tiers autre que les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale dans un autre texte que le projet de loi de finances. De même, la création de nouveaux allègements sociaux pour plus de trois ans ne peut être désormais proposée qu’à l’occasion du PLFSS. Je me suis bien évidemment efforcé d’interpréter ces nouvelles règles de la façon la plus favorable à l’initiative parlementaire, comme vous pourrez le constater en lisant mon rapport.

Par ailleurs, j’ai assoupli la jurisprudence sur d’autres pans de la recevabilité organique, notamment en allégeant – sans les supprimer – les exigences de motivation des amendements de crédits. Le projet de loi de finances est chaque année un moment important de notre vie parlementaire et démocratique, et il m’a semblé important que tous les débats puissent se tenir.

S’agissant de mon rôle de conseil aux députés, j’ai veillé, de même que les équipes qui m’accompagnent, à apporter à ceux qui me sollicitaient les explications les plus détaillées possibles sur les règles applicables et sur les décisions rendues, ainsi qu’à prodiguer tous conseils de nature à rendre les amendements recevables, par exemple par des modifications entre la commission et la séance. Lors de l’examen des textes relatifs à la fin de vie, des solutions ont ainsi pu être proposées pour rendre recevables certains amendements, ce qui a beaucoup contribué à la qualité des débats qui se sont tenus.

Pour conclure, je tiens à remercier l’ensemble des membres de l’administration de la commission des finances, et plus particulièrement le pôle de la recevabilité financière, pour leur travail sur ce rapport mais également pour le traitement tout au long de l’année des amendements qui me sont soumis, dans des volumes inédits et dans des délais très restreints.

M. Philippe Brun, président. Comme vous l’avez rappelé, la suppression de l’article 40 est une demande constante des présidents de la commission des finances depuis de très nombreuses années. Il s’en est fallu de peu qu’il soit supprimé en 2008, lorsque Didier Migaud, qui présidait la commission, a déposé un amendement en ce sens à l’occasion de la révision constitutionnelle et que Gilles Carrez, alors rapporteur général, l’a voté.

Mais cet article est toujours en vigueur, et c’est une bonne chose qu’il soit interprété de la manière la moins nocive pour l’initiative parlementaire.

Avez-vous envisagé de rendre la décision collégiale ? Vos décisions, monsieur le président, sont certes préparées, mais ne pourrait-on envisager qu’elles soient prises de manière collégiale lorsqu’un désaccord se manifeste ? Cela permettrait d’éviter certains procès en partialité. Je pense en particulier aux polémiques qui ont pu avoir lieu à l’occasion de décisions prises par la présidente de l’Assemblée nationale et aux reproches qui ont pu être adressés aux uns et aux autres.

M. Éric Coquerel, rapporteur. Je ne suis pas opposé aux réflexions, mais cela supposerait que les textes soient modifiés. Ils sont très clairs et l’appréciation de la recevabilité est confiée au président de la commission des finances – sauf s’il est empêché, auquel cas la tâche peut être assurée par un autre membre du bureau de la commission des finances, à commencer par le rapporteur général.

En outre, le fait que ce président soit membre de l’opposition assure qu’il n’est pas soumis aux pressions de l’exécutif. Lors de la révision constitutionnelle engagée par Nicolas Sarkozy, cela était apparu comme une amélioration des garanties démocratiques. Il ne faudrait pas que la mise en place d’un cadre collectif conduise à assujettir la décision au bon vouloir de l’exécutif – en tout cas lorsqu’il dispose d’une majorité. Il faudrait donc obtenir des garanties sur ce point, car on voit bien ce qui pourrait se passer. L’article 40 induit déjà un déséquilibre entre le législatif et l’exécutif. Il serait encore aggravé si la décision en matière de recevabilité revenait de fait à la majorité gouvernementale, et donc in fine à l’exécutif.

Je rappelle que, s’agissant des propositions de loi, l’appréciation initiale de la recevabilité est confiée au bureau de l’Assemblée. Le bureau exerce toujours cette prérogative, même si cela fait des années qu’il fait en sorte de favoriser le plus possible la discussion.

Le contrôle ne relève donc pas du seul président de la commission des finances. En outre, la présidente de l’Assemblée nationale, qui apprécie la recevabilité des amendements déposés en séance publique, consulte le président de la commission des finances. Si elle peut ne pas suivre son avis, cela n’est arrivé depuis trois ans que dans des cas très rares, même s’ils ont été très médiatisés car ils étaient très politiques et liés à la réforme des retraites. Cela montre qu’après tout, la présidente de l’Assemblée n’était peut-être pas opposée aux évolutions que j’ai introduites.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je salue cette synthèse sur les règles d’appréciation de la recevabilité financière, qui nous aidera tous à éviter de déposer des amendements notoirement irrecevables.

L’assouplissement global des règles par la loi organique du 28 décembre 2021 s’est-il traduit par une évolution du taux d’irrecevabilité ? Dans quelles proportions ?

Vous avez souhaité étendre la tolérance du bureau de l’Assemblée nationale au sujet des gages de charge figurant dans des propositions de loi non plus uniquement au moment de leur dépôt, mais également en cas de contrôle incident, en application du quatrième alinéa de l’article 89 du règlement. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel indique explicitement que les charges ne peuvent être compensées. C’est d’ailleurs ce qui est appliqué pour les amendements. Qu’est-ce qui vous laisse penser que les règles pourraient être différentes pour les propositions de loi ? Pensez-vous que le Conseil constitutionnel validerait une telle évolution ?

M. Éric Coquerel, rapporteur. J’ai déjà en partie répondu à votre première question dans mon propos introductif. En 2021-2022, année précédant mon arrivée, 16,4 % des amendements avaient été déclarés irrecevables. Ce taux est passé à 12,1 % lors de ma première année, puis à 8 % l’année suivante, avant d’atteindre 7,3 % en 2024-2025.

Cette évolution est clairement liée à mon choix de rechercher les jurisprudences les plus avantageuses pour le droit d’amendement. Cela traduit également le fait que j’ai toujours cherché à fournir aux députés qui me le demandaient, quel que soit leur groupe, une solution pour rendre des amendements recevables lors de la discussion en séance.

Je l’ai également fait pour les propositions de loi susceptibles de créer une charge, ce dont Philippe Brun peut témoigner au sujet de sa proposition visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. Mes arguments avaient d’ailleurs été repris par le rapporteur général du budget au Sénat. De même, lorsque j’ai été saisi de la recevabilité de la proposition de loi PLM, déposée par des députés du bord opposé au mien, j’ai considéré que cette initiative parlementaire était valide car elle n’entraînait qu’une charge de gestion. Saisi sur ce point, le Conseil constitutionnel m’a donné raison.

La diminution du taux d’irrecevabilité est probablement une conséquence du travail mené en collaboration avec les députés de tous les groupes, sans exception, qui ont eu recours à mon expertise – même s’il est exact qu’il s’agit majoritairement de députés de l’opposition, puisqu’ils déposent davantage d’amendements.

S’agissant de votre deuxième question, la séquence qui a entouré l’examen des différentes propositions visant à remettre en cause la réforme des retraites, en 2023-2024, a suscité une controverse importante – et qui demeure latente – relative à la recevabilité des dispositions coûteuses des propositions de loi qui comportent un gage de charge.

Alors que certains pensent que la présence d’un tel gage ne suffit pas à purger une proposition de loi de son éventuelle irrecevabilité en cas de contrôle incident, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 89 du règlement, j’ai considéré au contraire que, dans la mesure où le bureau de l’Assemblée – qui est chargé d’examiner la recevabilité des propositions lors de leur dépôt – accepte des propositions de loi coûteuses ainsi gagées, le président de la commission des finances n’a pas à remettre en cause ce raisonnement lors du contrôle incident.

Les tenants de la première thèse souhaitent que le contrôle exercé par le président de la commission des finances sur les propositions dont il est saisi soit plus rigoureux et exigeant que la procédure suivie par le bureau au stade du dépôt.

Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas de raison, ni objective ni politique, pour que ce soit le cas. Sinon, cela voudrait dire que le juge d’appel de la recevabilité doit en tout état de cause être plus sévère que le juge de première instance. Cela consacrerait un contrôle aléatoire et à deux vitesses, dont seraient victimes les parlementaires dont les propositions font l’objet d’une demande d’examen de la recevabilité financière en cours de discussion.

Je me permets de souligner l’incohérence juridique sous-jacente à la première thèse : elle revient à admettre que le contrôle systématique lors du dépôt, pourtant requis par le Conseil constitutionnel, serait défaillant et que le bureau de l’Assemblée méconnaîtrait ainsi les exigences constitutionnelles.

Enfin, s’il faut reconnaître que, sur cette question du contrôle de la recevabilité incidente des propositions de loi, je n’ai sans doute pas encore réussi à convertir la présidente de l’Assemblée, cette divergence n’affecte pas – et fort heureusement – le contrôle des amendements, qui n’a donné lieu à presque aucun désaccord. Il y en a eu quelques-uns au tout début, probablement parce que la présidente était inquiète de ma position sur l’abrogation de l’article 40, mais je pense qu’elle s’est aperçue assez rapidement que je ne tentais pas de méconnaître les devoirs de ma charge.

Dit autrement, les chiffres montrent que les décisions d’irrecevabilité pour des propositions de loi ont diminué au fil des années, jusqu’à devenir quasiment inexistantes. Il me semble que la dernière a été prise par Éric Woerth – qui, en l’occurrence, s’était lui-même saisi. Selon moi, ce mouvement s’explique par le fait que mes prédécesseurs ont estimé nécessaire que les propositions déposées par les groupes d’opposition puissent effectivement être discutées à l’occasion des journées qui leur sont réservées une fois par an en séance. Ils ont donc apprécié la recevabilité avec une certaine souplesse, afin de respecter le droit de l’opposition à soulever des questions de fond. C’est la situation politique actuelle qui pousse à remettre cette interprétation en cause, en raison de l’incertitude qui entoure désormais le vote sur ces propositions. C’est un problème collectif.

Peut-être faudrait-il trancher une fois pour toutes la question de la recevabilité des propositions de loi. Certaines de mes décisions ont suscité des polémiques, même si elles ont été rares : j’ouvre donc le débat. On n’avait jamais imaginé que l’exécutif pourrait être aussi minoritaire au Parlement. Cela change les choses car dès lors, l’article 40, tout comme d’ailleurs l’article 49.3, peut être utilisé pour empêcher d’en arriver au vote sur un texte dont on sait qu’il recueille une majorité au sein de l’Assemblée, ce qui diffère de sa vocation initiale.

M. Philippe Brun, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Emeric Salmon (RN). En lisant ce rapport, certes en diagonale mais avec intérêt, j’ai eu un sourire amer. Au fond, tout y est dit : l’article 40, censé protéger les finances publiques, sert surtout à prémunir le gouvernement contre tout débat gênant. Il paraît que les parlementaires seraient trop dépensiers : c’est amusant, alors que ce sont les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui ont fait exploser la dette et laissé filer les déficits ! Mais eux ont le droit de creuser le trou ; nous, représentants du peuple, sommes trop dangereux pour toucher au budget.

L’article 40 est un peu la version institutionnelle de la muselière : on laisse les députés parler, mais pas trop fort et surtout pas des sujets qui fâchent – retraites, pouvoir d’achat, services publics. Circulez, y a rien à voir !

On explique que cet article responsabilise les élus. Quelle ironie ! En réalité, il déresponsabilise l’Assemblée, réduit nos marges de manœuvre et prive les Français d’un véritable débat démocratique. Le Rassemblement national le dit clairement : il est temps de briser ce carcan. Nous demandons d’assouplir sérieusement cet article car un Parlement qui n’a pas le droit de proposer, c’est un Parlement qui n’a plus de pouvoir, qui est la simple chambre d’enregistrement des caprices gouvernementaux. Bref ce n’est plus la démocratie.

D’ailleurs, je remercie la présidente Yaël Braun-Pivet d’avoir inscrit à l’ordre du jour d’une des réunions du groupe de travail sur le règlement de l’Assemblée nationale un point consacré à l’article 40, preuve que ce sujet est important.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Bien que ce soit très has been, je vais défendre la Constitution – rien que la Constitution, toute la Constitution.

Je ne suis qu’à moitié étonné que le Rassemblement national se plaigne du respect de la Constitution. La voilà qui musellerait les députés ! Par ailleurs, je connais également les positions de M. Coquerel. Mais, monsieur le président, ce n’est pas parce que vous respectez le code de la route que vous avez le droit, de temps en temps, de prendre les virages à 200 kilomètres à l’heure, ainsi que vous l’avez fait.

Il est possible de modifier la Constitution, et son article 40 comme les autres. En attendant, notre devoir de parlementaire est de le respecter. En voici le texte : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Il n’y a aucune ambiguïté. Vous le respectez très souvent, monsieur le président – sauf que de temps en temps, sans que l’on comprenne pourquoi, selon votre bon vouloir, vous ne le respectez pas.

Quant aux propositions de loi, le président Carrez avait rappelé très clairement que ce n’est pas parce que le bureau autorise le dépôt de l’une d’elles qu’elle est pour autant purgée de son irrecevabilité.

L’article 40 s’accompagne d’une jurisprudence très claire, qui protège les finances publiques. Je ne sais pas où l’on en serait sans elle. Tant que la Constitution n’a pas été modifiée, c’est cet article que nous devons respecter. Monsieur le président, je ne suis pas convaincu par vos arguments.

M. Éric Coquerel, rapporteur. Je ne désespère pas d’avoir le temps de déposer une proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, ainsi que certains de mes illustres prédécesseurs l’avaient fait.

Je suis en désaccord total avec votre analyse, monsieur Cazeneuve, qui me semble partiale. Selon vous, l’article 40 serait gravé dans le marbre et la jurisprudence qui s’y rattache n’évoluerait pas. C’est totalement faux : la lecture des neuf rapports de mes prédécesseurs montre que la jurisprudence n’a cessé d’évoluer. Ce n’est pas moi qui ai inventé les jurisprudences relatives aux charges indirectes, aux charges de gestion, aux charges de trésorerie, à l’État employeur et aux expérimentations ! La Constitution n’est pas non plus gravée dans le marbre, elle a été révisée à plusieurs reprises. On peut être favorable à la Constitution tout en souhaitant la modifier, car il faut bien admettre que c’est une norme vivante qui bénéficie – ou subit – des évolutions jurisprudentielles.

J’ai apporté des évolutions jurisprudentielles, mais jamais je n’ai validé un amendement ou une proposition de loi aggravant une charge ou ne prévoyant pas de gage. Vous estimez que ce fut le cas pour la proposition de loi du groupe LIOT visant à abroger la réforme des retraites : c’est votre point de vue, le mien est différent. Plusieurs propositions de loi prévoyant des dépenses significatives, gagées exactement de la même façon, avaient précédemment été validées par le bureau – y compris lorsque M. Woerth présidait la commission des finances ; or cette proposition de loi ne l’a pas été. La question est donc bien politique : cette fois, le gouvernement craignait de ne pas disposer d’une majorité.

Je serais très heureux qu’on saisisse le Conseil constitutionnel de ce type de questions afin qu’il les tranche. Cela éviterait des débats. Par exemple, certains ont estimé que je n’aurais pas dû déclarer la loi PLM recevable car elle était coûteuse, et que le Conseil constitutionnel la jugerait irrecevable. Or il l’a déclarée recevable. Il convient que chacun reste prudent dans ses interprétations.

Lorsque le bureau de l’Assemblée autorise le dépôt d’une proposition de loi, c’est qu’il l’a contrôlée. Si vous estimez que, depuis des années, le bureau ne fait pas ce travail, je vous invite à l’interpeller. Pour ma part, je suis persuadé que si le bureau, au fur et à mesure des années, a fait preuve de souplesse dans son interprétation, c’est parce qu’il a estimé qu’il était important de ne pas entraver l’initiative parlementaire des oppositions. Mais encore une fois, je serais très intéressé que le Conseil constitutionnel soit saisi de la question.

M. Nicolas Ray (DR). L’article 40, très souvent critiqué, n’a jamais été supprimé malgré de nombreuses révisions constitutionnelles. Cet article majeur de la Constitution prévoit un subtil équilibre entre le pouvoir des parlementaires, dépositaires de la souveraineté populaire, et la nécessité de maîtriser les comptes publics et la trajectoire budgétaire.

J’observe que l’application de l’article varie selon qu’il s’agit d’une proposition de loi ou d’un amendement, alors que le texte de la Constitution prévoit un traitement identique.

Pour assouplir encore l’article 40 sans pour autant l’abroger, ne faudrait-il pas autoriser les parlementaires à modifier la répartition des crédits entre les différentes missions ? Cela n’est pour l’instant possible qu’au sein d’une même mission. Par ailleurs, pourquoi ne pas autoriser la diminution de ressources publiques si elle est gagée par une baisse des dépenses publiques ? Enfin, mais je sais que cette proposition remporte peu de succès, ne faudrait-il pas limiter le nombre d’amendements que chaque député pourrait déposer ? Cela permettrait d’éviter des formes d’obstruction qui nuisent à la qualité des travaux et portent atteinte à l’image de notre assemblée auprès de nos concitoyens.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Puisque le président de la République cherche des sujets de référendum, le fameux article 40 en est un ! Je propose que le peuple se prononce sur les modalités de fonctionnement qui privent les parlementaires – qui sont ses représentants – de nombreuses prérogatives lors du vote du budget, qui contraignent leurs amendements, qui ne leur laissent presque aucune marge de manœuvre au sein d’enveloppes prédéterminées. Et en assortissant l’article 40 du 49.3, on ferait un beau tir groupé !

S’agissant de la motivation des décisions, je n’ai jamais réussi à savoir pourquoi un même amendement, à la virgule près, pouvait être déclaré recevable en commission puis jugé irrecevable en séance. Je peux comprendre qu’il ait été examiné un peu vite à un moment, mais tant les services de la commission que ceux de la séance devraient motiver les décisions prises en application de l’article 40.

M. Éric Coquerel, rapporteur. Il faudrait voir au cas par cas. De façon générale, un président de commission n’est pas tenu de me saisir de la recevabilité des amendements déposés sur un texte que sa commission examinera au fond. Il arrive donc qu’un amendement ne soit pas déclaré irrecevable à ce stade mais le soit au moment de son dépôt en séance, moment où j’ai un avis à donner. J’invite donc les présidents de commission à me saisir dès le départ.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il s’agit d’un amendement que j’avais déposé en commission des finances.

M. Éric Coquerel, rapporteur. J’examinerai le cas que vous évoquez.

Monsieur Ray, je suis favorable à votre première proposition, qui requiert toutefois une modification de la LOLF. Elle permettrait de renforcer l’initiative parlementaire et l’influence des parlementaires sur le budget, ce qui me paraît tout à fait nécessaire.

En revanche, je suis défavorable à votre deuxième proposition, qui conduirait à ce que de simples modalités d’organisation favorisent une politique économique bien particulière : il n’y aurait pas de baisse des impôts proposée sans diminution des dépenses publiques. De façon générale, je suis contre la constitutionnalisation de l’économie : celle-ci doit évoluer en fonction des décisions politiques – c’est la raison pour laquelle j’étais opposé au Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Enfin, si le nombre d’amendements a considérablement augmenté depuis trois ans, il est déjà arrivé dans l’histoire parlementaire qu’il soit beaucoup plus élevé. Les chiffres actuels s’expliquent notamment par l’absence de majorité et le nombre important de groupes. On voit aussi au fil des années les groupes de la majorité déposer de plus en plus d’amendements.

Dans la situation politique actuelle, je serais plutôt favorable à l’application à la discussion budgétaire d’une sorte de procédure de temps législatif programmé. Mais il faut veiller à ne pas remettre en cause le droit d’amendement. Il faut trouver un équilibre.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Mon groupe a accueilli avec une très grande réserve les conclusions de ce rapport.

L’article 40 visait à limiter l’initiative parlementaire en matière budgétaire afin d’éviter le débordement de propositions dépensières. L’application de cette règle, présentée comme institutionnelle, a fait très souvent l’objet d’une interprétation littérale et formaliste par les présidents de la commission des finances. Comme toute lecture étroite, cette méthode aboutissait à des résultats impeccables dans la forme, mais qui pouvaient se révéler politiquement absurdes. Il pouvait arriver qu’à la marge, les présidents successifs de la commission des finances procèdent à une lecture plus politique de la recevabilité, supposant une interprétation très souple des critères.

M. le président Coquerel propose une évolution jurisprudentielle consistant à inverser l’ordre des priorités : la lecture politique de la recevabilité financière devient le principe, et la lecture technique traditionnelle l’exception.

La composition politique actuelle de l’Assemblée encourage cette interprétation de la règle. Néanmoins, serait-il prudent de renoncer complètement à un mécanisme de contrôle qui se justifie, au regard des impératifs partagés de maîtrise des finances publiques ? Il ne faudrait pas, comme ce fut le cas l’an dernier, qu’une interprétation très large de la recevabilité financière conduise à l’examen de propositions que nous jugeons irréalistes, voire excessives et démagogiques.

Cette approche suscite une opposition ferme de notre groupe, lequel considère qu’en matière budgétaire, le gouvernement doit garder la main et jouer un rôle primordial. Notre groupe ne votera donc pas ce rapport.

M. Éric Coquerel, rapporteur. Je m’étonne de cette conclusion : il ne s’agit dans ce rapport que de présenter ce qui a été fait, pas de valider mes décisions. Sans ce rapport, mes successeurs ne pourraient pas comprendre pourquoi j’ai pris telle ou telle décision. D’une manière générale, les rapports d’information présentés en commission sont votés et publiés.

Vous êtes défavorable à l’absence de contrôle. Pour ma part, je n’ai jamais écrit que je ne voulais pas de contrôle. Je vous invite à lire le rapport – dont j’admets qu’il a été envoyé tard.

J’ai dit, par honnêteté, que je souhaitais l’abrogation de l’article 40. D’abord, cela n’équivaudrait pas à supprimer tout contrôle : penser cela reviendrait à considérer que l’Assemblée est irresponsable – ce n’est pas ma conception de la démocratie parlementaire. Ensuite, l’article étant toujours en vigueur, je ne me suis aucunement exonéré de ce contrôle.

Je vous invite à regarder par-delà la fumée médiatique. Dans la plupart des cas, j’ai été suivi. La baisse du taux d’irrecevabilité a bénéficié à tous les groupes sans que ni la présidente de l’Assemblée ni aucun groupe n’expriment de désaccords. Il y a l’exception des propositions de loi – celle sur EDF, celle sur PLM et celles sur l’abrogation de la réforme des retraites – dont je comprends qu’elles constituent des irritants majeurs. Du reste, j’observe que mes décisions ont été soutenues par des constitutionnalistes et que, si certaines personnes qui se prennent pour le Conseil constitutionnel à elles toutes seules les critiquent, on est loin de l’unanimité pour me donner tort.

Ce n’est pas très grave – cela fait des débats. La présidente de l’Assemblée nationale a pu parfois avoir une appréciation différente de la mienne, cela n’autorise pas à dire que je n’ai pas exercé le contrôle dont j’étais chargé. Ce n’est pas ce qui s’est passé dans les faits.

La commission autorise la publication du rapport d’information.


   Annexe n° 1 : Exemples de gages pouvant être utilisés pour compenser une perte de recettes

Bénéficiaire du gage

Modalité de compensation

Texte

État

Création d’une taxe additionnelle

 

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les alcools prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

ou

 

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

État

Majoration d’une recette affectée

 

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l’impôt sur les sociétés.

 

Organismes de sécurité sociale

Majoration d’une recette affectée

 

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les alcools prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

Collectivités territoriales

Majoration d’un prélèvement sur les recettes de l’État (double gage)

 

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

Crédit d’impôt

Neutralisation de la restitution puis création d’une taxe additionnelle

 

I.– Dispositif de l’amendement

 

II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

 

III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


   annexe n° 2 : Liste des cavaliers budgétaires censurés par le Conseil constitutionnel entre 2022 et 2025

Décisions

Dispositions

n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022

Loi de finances pour 2023

L’article 82 autorisait l’autorité judiciaire à communiquer à l’administration des douanes de nouvelles informations, recueillies à l’occasion d’une procédure judiciaire, de nature à faire présumer une infraction commise en matière douanière ou une manœuvre ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement de certains droits ou taxes.

L’article 83 prévoyait de délier les agents des finances publiques du secret professionnel à l’égard d’assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l’administration fiscale.

L’article 98 habilitait le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, toutes mesures relevant du domaine de la loi pour modifier l’article 60 du code des douanes afin de préciser le cadre applicable à la conduite des opérations de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes.

L’article 142 modifiait une expérimentation afin d’élargir les missions au titre desquelles un établissement public territorial de bassin peut remplacer la contribution budgétaire de ses membres par une contribution assise sur le produit de la fiscalité locale.

L’article 143 instituait une conférence de financement des transports publics en Île-de-France et prévoyait la remise d’un rapport au Parlement pour rendre compte de ses travaux.

L’article 171 précisait le statut des biens des organismes auxquels est délégué le contrôle de transport des denrées périssables sous température dirigée, afin de déroger au régime des biens de retour.

L’article 187 fixait le nombre des membres de la commission des infractions fiscales.

n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023

Loi de finances pour 2024

L’article 108 modifiait le quantum de certaines amendes administratives susceptibles d’être prononcées par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.

L’article 109 prévoyait un régime dérogatoire d’installation des bâches publicitaires sur certains bâtiments culturels et monuments historiques faisant l’objet de travaux.

L’article 190 instituait au bénéfice des membres de l’inspection générale des finances un droit d’accès à tous les renseignements, documents ou informations relatifs à la gestion des services et des organismes soumis à son contrôle ou qui sont détenus par les administrations centrales, les services à compétence nationale et les services déconcentrés soumis à l’autorité des ministres chargés de l’économie et du budget ainsi que par les personnes morales placées sous leur tutelle.

L’article 193 modifiait la composition du Conseil national d’évaluation des normes.

L’article 198 majorait le plafond de rémunération des parts sociales d’épargne des sociétés coopératives agricoles.

L’article 215 imposait au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de réviser les capacités d’emprunt de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

L’article 239 autorisait le Centre national des œuvres universitaires et scolaires à exercer la mission de centrale d’achat pour les autres acheteurs publics ou privés à but non lucratif.

L’article 242 traitait des versements de fonds de concours entre les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et les communes qui en sont membres.

L’article 197 prévoyait que les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire non centralisées auprès de la Caisse des dépôts pouvaient également être employées au financement des entreprises de l’industrie de défense.

L’article 199 étendait à certains agents des services de transports publics le droit d’obtenir, en cas d’infraction à la police des transports, la communication de renseignements auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale, dans le cadre de la procédure de transaction entre l’exploitant et le contrevenant.

Décisions

Dispositions

n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023

Loi de finances pour 2024

L’article 208 prévoyait les modalités selon lesquelles l’État s’assure, dans certaines circonstances, de l’extraction des déchets au sein du stockage souterrain en couches géologiques profondes des produits dangereux non radioactifs présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim.

L’article 233 instituait des pôles d’appui à la scolarité chargés de définir, pour certains établissements scolaires, les mesures d’accessibilité destinées à favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers.

n° 2025-874 DC du 13 février 2025

Loi de finances pour 2025

L’article 177 modifiait le statut et les compétences de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État.

L’article 155 modifiait les conditions dans lesquelles les établissements publics de coopération intercommunale peuvent mettre à la charge des communes un prélèvement sur leurs ressources et leur reverser le montant de certains fonds.

L’article 174 modifiait les modalités de cession de certains contrats d’achat d’électricité détenus par les entreprises locales de distribution.

L’article 176 prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la politique de l’économie sociale et solidaire.

Les articles 179, 180 et 181 modifiaient les conditions de réunion, d’information et de consultation des commissions consultatives départementales sur la dotation d’équipement des territoires ruraux.

L’article 187 modifiait certaines modalités de révision des attributions de compensation entre établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et leurs communes membres.

L’article 194 prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le régime d’assurance chômage des travailleurs frontaliers.

 

 

 


   Annexe n° 3 : liste des cavaliers sociaux censurÉs par le Conseil constitutionnel ENTRE 2022 ET 2025

Décisions

Dispositions

 2022-845 DC du 20 décembre 2022

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023

L’article 39 prévoyait que les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers ont vocation à concourir à la permanence des soins.

L’article 42 limitait la possibilité, pour certains établissements de santé, laboratoires de biologie médicale et établissements médico-sociaux, de recourir à l’intérim avec des personnels en début de carrière.

L’article 43 portait sur la certification des comptes des établissements de santé privés.

L’article 45 précisait les procédures d’autorisation des établissements de santé pour certaines activités de soins et l’équipement en matériels lourds.

L’article 50 chargeait le Gouvernement de définir une liste de prestations et actes réalisés par les professionnels de santé dont la hiérarchisation et la tarification doivent être révisées.

L’article 52 prévoyait la création d’une nouvelle commission spécialisée au sein de la Haute Autorité de santé.

L’article 54 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur l’intérêt, la faisabilité et les limites d’un référencement périodique des médicaments.

L’article 74 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur le coût, pour les comptes publics, de l’instauration d’un bilan visuel obligatoire à l’entrée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

L’article 77 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur les moyens de rendre l’allocation journalière du proche aidant accessible aux aidants des personnes malades du cancer.

L’article 89 supprimait le caractère explicite de l’accord devant être donné par le service du contrôle médical sur la prolongation de la durée maximale de versement de l’allocation journalière de présence parentale.

L’article 90 prévoyait que l’employeur est tenu de garantir à son salarié le versement d’une somme au moins égale au montant des indemnités journalières de l’assurance maternité ou du congé de paternité et d’accueil de l’enfant et qu’il peut être subrogé à son salarié dans leur versement.

 2023-849 DC du 14 avril 2023

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

L’article 2 prévoyait que :

– l’employeur poursuit un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors ;

– dans les entreprises d’au moins 300 salariés, que l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, sous peine de pénalité ;

– des négociations sur les mesures d’amélioration de l’emploi des seniors doivent être engagées en cas de dégradation des indicateurs ; ces dispositions devaient entrer en vigueur le 1er juillet 2024 mais, par dérogation, s’appliquer à compter du 1er novembre 2023 aux entreprises d’au moins mille salariés.

L’article 3 prévoyait, d’une part, la possibilité pour les organisations d’employeurs et de salariés d’engager une négociation en vue de définir des mesures favorisant l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée et, d’autre part, en l’absence d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 août 2023, l’application à compter du 1er septembre 2023 d’un nouveau type de contrat de travail défini par une convention de branche ou un accord de branche étendu.

L’article 6 modifiait à compter du 1er janvier 2024 l’organisation du recouvrement des cotisations sociales.

L’article 10 était relatif aux conditions dans lesquelles les services accomplis par un fonctionnaire ou un agent public contractuel dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant sa titularisation sont comptabilisés comme des services actifs ou super-actifs pour l’acquisition du droit au départ anticipé à la retraite.

L’article 17 permettait aux salariés exerçant ou ayant exercé des métiers particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels de bénéficier d’un suivi individuel spécifique, comprenant une visite médicale au cours de laquelle ils étaient informés quant au statut de l’inaptitude.

L’article 27 instaurait un dispositif d’information des assurés sur le système de retraite par répartition.

Décisions

Dispositions

n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

L’article 11 concernait les informations transmises par les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie à l’ordre compétent sur des faits à caractère frauduleux commis par un professionnel de santé.

L’article 12 était relatif aux procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire applicables aux professions agricoles.

L’article 14 portait sur les conditions dans lesquelles les rémunérations versées par l’employeur membre d’un groupe solidairement assujetti à la TVA sont exonérées de la taxe sur les salaires.

L’article 22 étendait la prise en charge obligatoire par l’employeur des abonnements de transport aux services de location de vélos non publics et l’exonérait au titre de l’impôt sur le revenu, de la cotisation d’assurance chômage et de la contribution sociale généralisée.

L’article 68 réduisait les obligations déclaratives auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale incombant à l’exploitant d’un produit de santé qui n’en est pas le fabricant.

L’article 75 autorisait le recueil de certaines données relatives aux patients bénéficiant de médicaments de thérapie innovante.

L’article 84 définissait la composition du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin et prévoyait qu’un service de cette collectivité puisse exercer les missions d’une maison départementale des personnes handicapées en percevant une dotation de la CNSA.

L’article 102 complétait la liste des données susceptibles d’être partagées entre les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations, les caisses assurant le service des congés payés, Pôle emploi et les administrations de l’État.

n° 2025‑875 DC du 28 février 2025

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025

L’article 34 prévoyait que les titres exécutoires de paiement notifiés aux cotisants mentionnent la possibilité qu’ont ces derniers de se faire assister du conseil de leur choix.

L’article 36 prévoyait de confier à la loi, et non à un arrêté, la responsabilité de déterminer chaque année le niveau de minoration du montant versé par l’ACOSS à l’UNÉDIC pour compenser la perte de recettes résultant du dispositif de réduction dégressive des cotisations due par les employeurs au titre de l’assurance chômage.

L’article 42 visait à inclure, parmi les objectifs des conventions entre les syndicats des professionnels de santé et l’assurance maladie, des engagements en matière de répartition territoriale de l’offre de soins et d’indépendance des professionnels de santé.

L’article 44 créait un cadre juridique de reconnaissance et de définition des structures de soins non programmés.

L’article 49 organisait des échanges d’information entre les organismes d’assurance maladie obligatoire et complémentaire.

L’article 50 était relatif à la généralisation de la carte vitale dématérialisée à compter du 1er octobre 2025.

L’article 51 transférait aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale des contrats de travail des personnels administratifs et des praticiens-conseils du service du contrôle médical relevant de la CNAM.

L’article 53 prévoyait la possibilité d’inclure, dans certaines conventions conclues entre les syndicats des professionnels de santé et l’assurance maladie, des incitations à l’utilisation du dossier médical partagé.

L’article 58 autorisait les conseils nationaux professionnels et les associations d’usagers agréées à proposer à la HAS de s’autosaisir de l’évaluation du service attendu ou du service rendu d’un acte ou d’une prestation.

L’article 60 concernait la géolocalisation des véhicules de transport sanitaire.

L’article 74 élargissait la possibilité pour un élu local de continuer à exercer son mandat malgré un arrêt de travail.

L’article 84 instaurait un infirmier coordonnateur dans l’effectif des EHPAD.

L’article 94 prévoyait la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement au sujet des travaux sur une réforme du mode de financement des établissements d’accueil du jeune enfant.

 

 


([1]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, 23 février 2022 (XVème législature), page 13.

([2]) MM. Jean Arthuis et Didier Migaud, « Réforme de la Constitution, supprimons l’article 40 », in Le Monde, 16 mai 2008.

([3]) MM. Jean Arthuis et Didier Migaud, op. cit.

([4]) Assemblée nationale, Compte-rendu de la réunion de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire du 20 juin 2018 sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911).

([5]) Proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, 13 juin 2023, n° 1344.

([6]) Proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, 14 juin 2023, n° 732.

([7]) Rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, Une Vème République plus démocratique, 2007, page 43.

([8]) M. Stéphane Le Rudulier, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, Sénat, 25 octobre 2023, n° 64.

([9]) OECD (2014), Budgeting Practices and Procedures in OECD Countries, OECD Publishing, Paris.

([10]) Conseil constitutionnel, décision n° 77-82 DC du 20 juillet 1977 – Loi tendant à compléter les dispositions du code des communes relatives à la coopération intercommunale (considérant 2).

([11]) Conseil constitutionnel, décision n° 78-94 DC du 14 juin 1978 – Résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat (considérant 4) ; réitéré dans la décision n° 91-292 DC du 23 mai 1991 – Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale.

([12]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 – Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, décision n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005 – Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 – Résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale, et décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009 – Résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat.

([13]) Conseil constitutionnel, décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 précitée (considérant 38), et décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009 précitée (considérant 25).

([14]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([15]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([16]) Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mai 2009.

([17]) Note de lecture : les chiffres portent sur le nombre d’amendements déclarés irrecevables financièrement par rapport au nombre d’amendements déposés sur les textes examinés en séance ; seuls les textes ayant fait l’objet d’une saisine du président de la commission des finances sont pris en compte. Pour les années 2022-2023, 2023-2024 et 2025-2026, le nombre d’amendements déposés ne tient compte que des amendements sur lesquels une décision de recevabilité a été rendue avant l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote du PLF pour 2023 et du PLF pour 2024 ou le rejet de la première partie du PLF pour 2025.

([18]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-892 DC du 7 août 2025 – Loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (paragraphes 10 à 12).

([19]) L’article 40 de la Constitution n’a pas repris les dispositions de l’article 35 de l’avant-projet de Constitution, soumis au Comité consultatif constitutionnel le 29 juillet 1958, aux termes desquelles le Conseil constitutionnel aurait été appelé à intervenir avant l’achèvement de la procédure législative en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée.

([20]) Conseil constitutionnel, décision n° 77-82 DC du 20 juillet 1977 – Loi tendant à compléter les dispositions du code des communes relatives à la coopération intercommunale (considérant 4).

([21]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 – Loi de finances rectificative pour 2012 (considérants 65 à 67).

([22]) Conseil constitutionnel, décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (considérants 12 à 14).

([23]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 – Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution (considérant 8).

([24]) Dans son avis sur le titre premier du projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, le Conseil d’État a considéré que « conformément à sa portée programmatique, ce titre ne comporte pas de dispositions normatives » (Conseil d’État, Ass., 1er février 2018, Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense [avis n° 394.142]).

([25]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003 – Loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République (considérant 2).

([26]) Les règles de la comptabilité nationale sont définies par le système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 2010).

([27]) La SNCF est composée de cinq sociétés anonymes regroupées sous la société mère SNCF, dont le capital est intégralement détenu par l’État.

([28]) Le premier alinéa de l’article 42 de la Constitution prévoit que « la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie », sauf pour certains textes particuliers tels que les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

([29]) Une fois adopté par une assemblée, un texte ne peut plus faire l’objet d’un contrôle de la recevabilité financière par l’autre assemblée : il est en effet admis que la seconde assemblée saisie considère que le contrôle de la recevabilité financière des textes adoptés par la première a déjà été effectué par les autorités compétentes en son sein.

([30]) Un Gouvernement en fonction est celui que dirige le même Premier ministre au cours de la même législature. Ainsi, un simple remaniement ministériel sans changement de Premier ministre au cours de la même législature est considéré comme une reconduction du même Gouvernement.

([31]) En l’espèce, l’amendement déposé sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 dont la recevabilité était en cause tirait les conséquences de la décision n° 2021‑982 QPC du 17 mars 2022 par laquelle le Conseil avait censuré le législateur qui avait privé les seules communes qui affectaient une part de leur taxe d’habitation à un syndicat de communes du bénéfice d’une compensation intégrale de la taxe d’habitation levée sur leur territoire, en prévoyant ainsi l’application du coefficient correcteur à la fraction de taxe d’habitation finançant un syndicat de communes.

([32]) Conseil constitutionnel, décision n° 85-203 DC du 28 décembre 1985 – Loi de finances rectificative pour 1985 (considérant 3).

([33]) Ces termes sont empruntés à M. Pierre Chatenet, rapporteur du Conseil constitutionnel sur la loi supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle. Au cours de la séance du 23 juillet 1975, dont le compte rendu est disponible en ligne, le rapporteur relève que « [l]a généralité des termes de l’article 40 est très grande et [que] rien ne permet d’affirmer que leur application exclue les impôts de répartition car le législateur a voulu couvrir la défense de la situation financière par les termes les plus larges ».

([34]) Conseil constitutionnel, décision n° 75-57 DC du 23 juillet 1975 – Loi supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle (considérant 4).

([35]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, 23 février 2022 (XVème législature), page 91.

([36]) Dans cette hypothèse, le Gouvernement procède régulièrement à des suppressions a posteriori de ces gages, par l’intermédiaire d’une disposition législative supprimant les gages figurant dans une ou plusieurs lois antérieures. Voir en ce sens l’article 136 de la loi de finances n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, qui abroge les dispositions prévoyant des gages qui n’ont pas été levés lors de l’adoption de trois lois antérieures.

([37]) Conseil constitutionnel, décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976 – Résolution tendant à modifier et compléter certains articles du règlement du Sénat (considérant 1er).

([38]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

([39]) Conseil constitutionnel, décision n° 85-203 DC du 28 décembre 1985 – Loi de finances rectificative pour 1985 (considérant 3).

([40]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-892 DC du 7 août 2025 – Loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (paragraphes 10 à 12).

([41]) Dans une décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 sur la loi relative au pacte civil de solidarité, le Conseil constitutionnel a estimé que l’obligation pour les services des mairies d’enregistrer les pactes civils de solidarité et de gérer les divers droits qui s’y rattachent ne constituait pas une charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution.

([42]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-892 DC du 7 août 2025 – Loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (paragraphes 10 à 12).

([43]) Conseil d’État, décision n° 471039 du 6 novembre 2024.

([44]) L’article 37-1 de la Constitution prévoit que « [l]a loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

([45]) Rapport d’information n° 100 (2024-2025) de M. Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances, sur la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat, enregistré à la présidence le 30 octobre 2024.

([46]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003 – Loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l’âge d’éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (considérant 2) : « [c]onsidérant, en second lieu, que, dès son dépôt au Sénat le 22 mai 2003, la proposition dont est issue la loi organique transmise au Conseil constitutionnel prévoyait, dans ses articles 5 et suivants, l’augmentation du nombre de sénateurs ; que celle-ci a une incidence directe et certaine sur les dépenses du Sénat, lesquelles font partie des charges de l’État ; ».

([47]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([48]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([49]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 – Loi organique relative aux lois de finances (considérant 95).

([50]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([51]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([52]) Cela résulte de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 39 de la LOLF.

([53]) L’irrecevabilité des « cavaliers législatifs » trouve son fondement dans le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution aux termes duquel « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

([54]) Pour la première lecture du PLF, ces deux parties font l’objet de délais de dépôt distincts. Ce n’est toutefois pas le cas pour les lectures ultérieures, ni pour les projets de loi de finances rectificative ou les projets de loi de finances de fin de gestion.

([55]) Tant la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 49 de la Constitution que l’article 38 de la LOLF écartent l’hypothèse d’une proposition de loi de finances – qui en tout état de cause constituerait une charge publique.

([56]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([57]) Une imposition de toute nature au sens de l’article 34 de la LOLF, quelle que soit sa dénomination (impôt, taxe, contribution, etc.) est « un prélèvement perçu par voie d’autorité au profit de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public ». Elle se distingue de la redevance (prélèvement obligatoire versé au profit d’une personne publique en contrepartie d’un service rendu directement aux usagers) et de la cotisation de sécurité sociale (constitutive de droits à prestation).

([58]) Loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([59]) Cela ressort tant de l’exposé des motifs du projet de loi que du compte rendu des débats ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel sur le texte et de son commentaire.

([60]) Cette disposition reprend la règle qui figurait à l’ancien article 36 de la LOLF, désormais abrogé.

([61]) À la différence de la plupart des modifications introduites par la loi organique du 28 décembre 2021, lesquelles sont entrées en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2023, la nouvelle rédaction de l’article 2 de la LOLF n’est entrée en vigueur qu’au dépôt du projet de loi de finances pour 2025.

([62]) Loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public.

([63]) Le Conseil constitutionnel a par exemple estimé que s’il est loisible au législateur « de prévoir un prélèvement sur les recettes de l’État au bénéfice de la Polynésie française, en l’espèce, en se bornant à prévoir qu’un tel prélèvement est destiné à couvrir les charges liées, pour cette collectivité d’outre-mer, aux déséquilibres d’ordre économique provoqués par l’arrêt des activités du centre d’expérimentation du Pacifique, sans indications suffisantes quant aux critères de détermination de ces charges, le législateur a méconnu l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 » (décision n° 2019-784 DC du 27 juin 2019, loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, paragraphe 5).

([64]) Jusqu’en 2022, seules relevaient de la première partie les mesures fiscales qui affectaient l’équilibre budgétaire, donc qui concernaient l’année n+1, tandis que celles qui touchaient les ressources de l’État uniquement au-delà de l’année n+1 trouvaient leur place en seconde partie.

([65]) Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie.

([66]) Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère.

([67]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 – Loi de finances pour 2025 (paragraphes 112 et 115).

([68]) Article 84 de la loi n° 2011-1978 de finances du 28 décembre 2011.

([69]) Article 4 de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010.

([70]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-743 DC du 29 décembre 2016 – Loi de finances rectificative pour 2016 (paragraphes 30 à 33).

([71]) Article 186 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([72]) Article 177 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([73]) Ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

([74]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 – Loi de finances pour 2025 (paragraphes 89 à 93).

([75]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 – Loi de finances pour 2025 (paragraphe 115).

([76]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

([77]) Le dispositif des certificats d’économies d’énergie, qui doit permettre de réduire les consommations d’énergie, vise à obliger les fournisseurs d’énergie et les vendeurs de carburants automobiles à soutenir des actions d’économies d’énergie, afin d’atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires. Les certificats d’économie d’énergie valorisent, dans une unité de compte spécifique, l’économie d’énergie finale qu’une action permet d’économiser.

([78]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023 – Loi de finances pour 2024 (paragraphe 136).

([79]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 – Loi de finances pour 2025 (paragraphes 95 à 99).

([80]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 – Loi de finances pour 2025 (paragraphes 109, 112, 113 et 115).

([81]) La première phrase du II de l’article 18 de la LOLF et la première phrase du II de son article 20 assimilent chacun des budgets annexes et des comptes spéciaux dotés de crédits (non d’un découvert) à une mission.

([82]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 – Loi organique relative aux lois de finances (considérant 96).

([83]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 – Loi organique relative aux lois de finances (considérant 98).

([84]) L’article 10 de la LOLF prévoit que « les crédits relatifs aux charges de la dette de l’État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l’État ont un caractère évaluatif ; ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs ». Une mission peut comporter un programme doté de crédits limitatifs et un autre programme doté de crédits évaluatifs.

([85]) L’existence d’amendements sur lesquels aucune décision de recevabilité n’a été rendue résulte, pour 2023, de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote de la seconde partie du PLF pour 2024, et pour 2024, du rejet de la première partie du PLF pour 2025.

([86]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-831 DC du 23 décembre 2021 – Loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (paragraphe 59).

([87]) Avant la réforme de la LOLF du 28 décembre 2021 et la création des PLFG, les règles de recevabilité différaient pour les PLFR qui intervenaient tôt dans l’année et les PLFR de fin d’année. Pour les premiers, le président de la commission des finances, par convention et par simplicité, considérait que l’intégralité des crédits ouverts dans la loi de finances étaient encore disponibles, ce qui rendait possibles les amendements de crédits dans des conditions similaires à celles qui prévalent pour de tels amendements sur le PLF. À l’inverse, pour les PLFR de fin d’année, il considérait que l’intégralité des crédits étaient consommés, sauf à ce que le Gouvernement révèle leur disponibilité en proposant des annulations dans le texte déposé. Les marges de manœuvre des députés étaient alors restreintes, puisqu’il n’était pas possible de proposer de nouvelles annulations de crédits sur un programme susceptible de compenser une augmentation des crédits sur un autre programme de la même mission.

([88]) Le Conseil constitutionnel, par une décision du 24 décembre 1979, ayant censuré la loi de finances pour 1980 dans sa totalité, le Gouvernement déposa alors un projet de loi l’autorisant à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants. Adoptée en séance le 27 décembre par l’Assemblée nationale, puis le lendemain par le Sénat en des termes conformes, la loi fut promulguée le 30 décembre 1979.

([89]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979 – Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants.

([90]) Conseil d’État, avis n° 409081 du 9 décembre 2024 relatif à l’interprétation de l’article 45 de la LOLF, pris pour l’application du quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution.

([91]) La Présidente de l’Assemblée nationale a considéré, de façon plus stricte, que seuls étaient recevables les amendements les mesures indispensables au fonctionnement régulier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale ou nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics.

([92]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012‑658 DC – Loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (considérant 36) : les dispositions relatives à la composition, aux attributions et aux règles de fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques ont un caractère organique.

([93]) Loi organique n° 96‑646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([94]) Loi organique n° 2022‑354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([95]) Les dispositions susceptibles de figurer dans la LFSS de l’année sont régies par les articles L.O. 111‑3‑2 à L.O. 111‑3‑8 du code de la sécurité sociale. Les articles L.O. 111‑3‑9 à L.O. 111‑3‑12 et l’article L.O. 111‑3‑13 du même code en font autant, respectivement pour la LFRSS et pour la LACSS.

([96]) L’irrecevabilité des « cavaliers législatifs » trouve son fondement dans le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution aux termes duquel « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

([97]) Cela résulte des neuvième et dixième alinéas de l’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale.

([98]) Deuxième alinéa de l’article 17 bis et troisième alinéa de l’article 45 du Règlement du Sénat.

([99]) L’annexe 1 du PLFSS pour 2025, qui présente de manière exhaustive les ROBSS, fait état de trente-deux régimes de base au total en 2023. Cette annexe est jointe au PLFSS de l’année en application du 1°de l’article L.O. 111-4‑1 du code de la sécurité sociale.

([100]) Selon les données de l’annexe 1 du PLFSS pour 2025 (page 22), le régime général représente 492,8 milliards d’euros de dépenses et 482,1 milliards d’euros de recettes en 2023, soit respectivement 80,7 % et 80,6 % du total consolidé des ROBSS pour cet exercice.

([101]) L’annexe 2 du PLFSS pour 2025 retrace, outre les comptes du FSV, de la CADES et du FRR, ceux des organismes et fonds financés par les ROBSS. Cette annexe est jointe au PLFSS de l’année en application du 2° de l’article L.O. 111-4‑1 du code de la sécurité sociale.

([102]) Article 70 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([103]) Article 24 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([104]) L’article L.O. 111-3-10 et le 1° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale disposent respectivement que la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, pour l’ensemble des administrations publiques, et la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, pour le seul champ des ASSO, s’ouvrent également par un tel article liminaire.

([105]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012‑658 DC du 13 décembre 2012 – Loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (considérant 25).

([106]) En application de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale pour l’année en cours et des articles L.O. 111-3-4 et L.O. 111-3-5 du même code pour l’année à venir.

([107]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 – Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (considérant 26).

([108]) À titre d’exemple, l’article 97 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 décline l’ONDAM en six sous‑objectifs : dépenses de soins de ville, dépenses relatives aux établissements de santé, dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées, dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées, dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement, autres prises en charge.

([109]) Premier alinéa de l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

([110]) À titre d’exemple, l’affectation d’une fraction de TVA à la sécurité sociale au titre de l’année 2025 est prévue par l’article 131 de la loi n° 2025‑127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, tandis que la répartition entre les différents régimes, branches et organismes des ressources fiscales affectées à la sécurité sociale a été modifiée par l’article 24 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([111]) Le monopole de la loi de finances sur le détournement d’une ressource établie au profit de l’État est prévu au III de l’article 2 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([112]) Voir en ce sens le rapport de MM. Alain Richard et Dominique Bur en conclusion des travaux de la mission sur la refonte des finances locales, publié en mai 2018 (page 47) et, plus récemment, le rapport de M. Éric Woerth intitulé Décentralisation : le temps de la confiance, publié en mai 2024 (page 64).

([113]) M. Thomas Mesnier, Rapport n° 4378 et 4379 sur la proposition de loi organique et sur la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2021 (XVème législature), page 54.

([114]) M. Thomas Mesnier, op. cit., page 52.

([115]) La loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, dont la promulgation n’a pas pu intervenir avant le 31 décembre 2024, constitue une exception récente. Seuls deux autres précédents d’absence de promulgation d’une loi de finances initiale avant le début de l’année, en 1962 et en 1979, ont été constatés sous la Vème République.

([116]) Article 5 de la loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([117]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018‑766 DC du 21 décembre 2018 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (paragraphe 42).

([118]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑860 DC du 21 décembre 2023 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (paragraphes 83 et 88).

([119]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023 – Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphes 76 à 80, 81 à 84 et 88).

([120]) L’évaluation préalable fournie par le Gouvernement indiquait que le produit prévisionnel des pénalités administratives prononcées en cas de méconnaissance de l’obligation de publication de l’index sénior, applicable dès le 1er novembre 2023 pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés, s’élevait à 13,3 millions d’euros en 2023, justifiant la place de cette disposition dans la LFRSS par son effet sur les comptes de l’année de la sécurité sociale. Voir en ce sens la fiche d’évaluation préalable de l’article 2, annexe 2 au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, page 22.

([121]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023 – Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 89).

([122]) Pour un exemple récent, voir Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphe 35).

([123]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 82).

([124]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 86).

([125]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 80).

([126]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 – Loi de modernisation de notre système de santé (considérants 45 à 51).

([127]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([128]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (considérants 88 et 89).

([129]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (paragraphe 35).

([130]) Article 75 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([131]) Fiche d’évaluation préalable de l’article 19, annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, page 112.

([132]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (paragraphe 28).

([133]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022 (XVème législature), page 186.

([134]) L’expérimentation par laquelle les infirmiers peuvent signer des certificats de décès a été instituée par l’article 36 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([135]) La pérennisation de l’expérimentation précitée est prévue par l’article 56 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([136]) Article 55 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([137]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 93).

([138]) Observations du Gouvernement sur l’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, page 35.

([139]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 51 et 52).

([140]) L’exposé sommaire de l’amendement n° 2233 déposé par le Gouvernement lors de l’examen du PLFSS pour 2025 en première lecture à l’Assemblée nationale avançait que le redéploiement d’effectifs lié à la réforme renforcerait les actions de gestion des risques et de lutte contre la fraude sociale, pour une économie de 25 millions d’euros en 2025 puis de 113 millions d’euros par an en rythme de croisière.

([141]) Ces dispositions peuvent figurer aussi bien dans la partie de la LFSS comprenant les dispositions relatives à l’année en cours (5° de l’article L.O. 111-3-6 du code de la sécurité sociale), que dans celle relative aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir (6° de l’article L.O. 111-3-7 du même code) et celle relatives aux dépenses pour l’année à venir (4° de l’article L.O. 111-3-8 du même code).

([142]) 8° de l’article L.O. 111-3-1 du code de la sécurité sociale.

([143]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, 23 février 2022 (XVème législature), page 189.

([144]) Mme Anne‑Claire Dufour, « Le contrôle des dispositions des lois de financement de la sécurité sociale. Les "cavaliers sociaux" », Gestion & Finances publiques, 2023/6, n° 6, page 26.

([145]) Conseil constitutionnel, décision n° 2000-437  DC du 19 décembre 2000 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : le Conseil constate pour la première fois d’office que des dispositions sont étrangères au domaine des LFSS et censure six « cavaliers sociaux » sur ce fondement, dont deux d’office.

([146]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 44 à 57).

([147]) Pour un exemple récent, voir Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphe 57).

([148]) Conseil constitutionnel, décision n° 2014-706 DC du 18 décembre 2014 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (considérant 43).

([149]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 99).

([150]) Conseil constitutionnel, décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (paragraphes 51, 57 et 63).

([151]) Article 75 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([152]) Fiche d’évaluation préalable de l’article 19, annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, page 112.

([153]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑860 DC du 21 décembre 2023 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (paragraphes 82 et 88).

([154]) Observations du Gouvernement sur l’article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, page 23.

([155]) Rapport n° 84 de Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, enregistré à la présidence du Sénat le 8 novembre 2023, page 115.

([156]) Article 36 de la loi n° 2025‑127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([157]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022 (XVème législature), page 182.

([158]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 49 et 57).

([159]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 50 et 57).

([160]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 53 et 57).

([161]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022 (XVème législature), page 184.

([162]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023 – Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphes 111 et 112).

([163]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphes 44 et 57).

([164]) Rapport d’information n° 5107 de M. Éric Woerth sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022 (XVème législature), page 184.

([165]) Pour des exemples récents, voir Conseil constitutionnel, décision n° 2019-795 DC du 20 décembre 2019 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (paragraphes 71 et 75) et décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 – Loi financement de la sécurité sociale pour 2022 (paragraphes 34, 60, 62 et 63).

([166]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023 – Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (considérants 118 et 119).

([167]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphe 81).

([168]) Article 51 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([169]) M. Philippe Bachschmidt, « Le Conseil constitutionnel entre souplesse et sévérité dans la sanction des "cavaliers" », Constitutions, 2018, n° 1, page 49.

([170]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (paragraphes 79 et 80).

([171]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (paragraphes 95 à 98).

([172]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (paragraphe 56).

([173]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (considérants 19 et 20).

([174]) Cette dernière est fixée, s’agissant respectivement du PLFSS de l’année et du PLFRSS, par les articles L.O. 111‑4‑1 et L.O. 111‑4‑3 du code de la sécurité sociale.

([175]) Ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

([176]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 – Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (considérants 39 et 40).