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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
En application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])
sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
et présenté par
M. Bérenger CERNON et Mme Olga GIVERNET
Rapporteurs
Députés
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La mission d’information sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires est composée de : M. Nicolas Bonnet, Mme Danielle Brulebois, MM. Bérenger Cernon, Mickaël Cosson, Peio Dufau, Auguste Evrard, Mmes Sylvie Ferrer, Olga Givernet, MM. Julien Guibert, Gérard Leseul, Matthieu Marchio, Xavier Roseren, Nicolas Sansu, Freddy Sertin, Jean-Pierre Taite, David Taupiac, Frédéric-Pierre Vos.
SOMMAIRE
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Pages
avant-propos de M. Peio Dufau, président
Avant-propos de M. Bérenger cernon, rapporteur
Avant-propos de Mme Olga Givernet, rapporteure
a. Les trains d’équilibre du territoire (TET) de jour
b. Les trains de nuit d’équilibre du territoire
ii. Des mesures partielles ont été prises pour relancer l’offre de nuit
c. Les trains express régionaux
i. Le succès du conventionnement du transport ferroviaire régional
ii. Les spécificités des déplacements régionaux
2. Le modèle du « tout TGV » et ses limites pour l’aménagement du territoire
i. La constitution du réseau à grande vitesse a accentué la polarisation autour des métropoles
ii. Délaissement des « petites lignes » pourtant essentielles à l’aménagement du territoire
c. Une tendance préoccupante de recul des dessertes effectives sur le réseau de LGV
B. La structuration de l’offre de fret
a. Le transport massifié par trains « entiers »
b. L’acheminement de « wagons isolés »
2. De l’ouverture à la concurrence du secteur au plan de discontinuité
3. Le transport combiné est le segment le plus dynamique du fret devant le fret conventionnel
b. Les chiffres du fret ferroviaire
a. La part modale du transport ferroviaire de voyageurs
b. La part modale du fret ferroviaire
i. Le profil des usagers selon le type de trains
b. La perception du train et de son accessibilité
c. Les freins au recours au transport ferroviaire
i. Le prix trop élevé du train, en particulier du TGV
ii. Le défaut de fiabilité et de régularité
iii. Le manque d’accès aux gares
deuxième partie : Les défis du transport ferroviaire
I. Le financement de la régénération et de la modernisation du réseau
A. Les besoins de financement du réseau
1. Les sources de financement actuelles
a. Le financement du réseau structurant
b. Le financement des infrastructures de fret et des petites lignes
2. Les besoins de régénération et de modernisation du réseau structurant
a. Les besoins de régénération
b. Les besoins de modernisation
c. Le risque de décrochage, voire d’attrition du réseau structurant
3. Les besoins de financement des petites lignes et du fret ferroviaire
B. De la nécessité d’une gouvernance renforcée et d’une coordination du système ferroviaire
1. Les limites du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau
2. Des attentes fortes autour d’une loi de programmation
3. Le besoin d’une coordination de l’offre ferroviaire
C. Comment financer ? Les nouvelles pistes de financement à l’étude
1. Les pistes de financement à fortes incertitudes à déployer dans un second temps
a. Les recettes du marché ETS 2
b. La fin des concessions autoroutières
c. Le versement mobilité régional
d. La hausse des péages ferroviaires
2. Les pistes de financement à privilégier en priorité
a. Un financement par la Caisse des dépôts
b. La mise à contribution du transport routier
i. L’application pleine et entière de la directive « Eurovignette »
ii. Une éco-contribution revisitée
c. Une dotation budgétaire pour le programme Ulysse fret
d. Partenariats public-privé (PPP)
II. Le défi de l’adaptation au changement climatique du transport ferroviaire
A. une exposition croissante du réseau ferroviaire aux effets du changement climatique
1. Des évènements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents
3. Une vulnérabilité accentuée par le vieillissement des infrastructures
B. Les réponses techniques et industrielles pour un transport ferroviaire résilient et décarboné
1. L’innovation au cœur de la régénération des lignes : les trains légers
2. Les trains à hydrogène, une solution décarbonée pour les voies ferrées non électrifiées
a. La concurrence se fait sur les lignes les plus rentables du réseau selon l’opérateur historique
a. Mieux articuler l’offre TGV et l’offre régionale
b. Moduler le niveau des péages ferroviaires en fonction des sillons
c. Mettre en place des conventionnements avec les régions
b. Du côté des régions : tendre vers un meilleur calibrage de l’offre ferroviaire à la demande
b. Un risque de fragmentation du marché du matériel roulant
IV. le fret face aux mutations du transport de marchandises en europe
1. La révision de la directive « Poids et dimensions »
2. Un risque de report modal inversé en faveur de la route pour les trajets de longue distance
a. Les lignes capillaires sont un maillon essentiel du fret de proximité
b. La régénération des lignes capillaires de fret doit être financée par l’État
2. Le fret ferroviaire fait face à des difficultés d’accès au réseau dégradant la qualité du service
a. Une insuffisante disponibilité des sillons pour le fret
b. Réduire les conséquences des travaux nocturnes sur les circulations de fret
b. Ouvrir l’agrégation de l’offre billettique aux trajets de longue distance
c. Mutualiser la billettique au niveau interrégional
d. Aller vers un titre unique de transport pour favoriser le report modal
2. Le train doit être fréquent, régulier et fiable, y compris sur les petites lignes
a. Accroître la fréquence y compris sur les petites lignes
b. Assurer des circulations quotidiennes sur chaque ligne de nuit
c. Améliorer la fiabilité dans un contexte de travaux croissants sur le réseau
i. Mieux anticiper l’impact des travaux sur les circulations de nuit pour en assurer la continuité
ii. Étudier le retour des travaux avec circulation sur voie contiguë
3. Le train doit être plus abordable
a. Agir sur le niveau des péages ferroviaires
c. Revenir à un tarif kilométrique
B. Créer les conditions d’un véritable « choc d’offre »
1. Faire de la modernisation du réseau une priorité pour augmenter sa capacité
a. Généraliser la commande centralisée du réseau
b. Équiper les lignes en ERTMS
2. Anticiper et programmer les besoins en matériel roulant
1. Organiser et financer le déploiement des « RER métropolitains »
2. Prioriser la poursuite du maillage du réseau de proximité
a. De la pertinence des nouveaux projets de LGV
b. La réouverture de petites lignes doit se poursuivre
3. Développer l’offre de train de nuit
b. Accroître l’offre disponible en augmentant la taille du parc de matériel roulant de nuit
c. Renforcer les axes transversaux pour mieux desservir et relier les régions entre elles
ii. Le train de nuit permet une desserte fine des villes moyennes
d. Moderniser le confort à bord et les services en gare
A. Voyageurs : faire du train le maillon central des déplacements « porte à porte »
1. Repenser la place et le rôle de la gare de demain
2. Faciliter le stationnement à proximité des gares
b. Faciliter le stationnement des voitures en gare
B. FRET : valoriser le transport de bout en bout avec le soutien au transport combiné
1. Soutenir le développement du marché du transport combiné
a. Mieux prendre en charge financièrement la problématique du « premier et dernier kilomètre »
2. Améliorer l’embranchement ferroviaire des centres logistiques
3. Favoriser une meilleure information et responsabilisation des chargeurs
Contribution du groupe Gauche Démocrate et Républicaine
Annexe n° 1 : Carte synthétisant les besoins en nouveaux terminaux de fret
Annexe n° 2 : liste des personnes auditionnées
avant-propos de M. Peio Dufau, président
En tant qu’employé de la SNCF depuis 1999, présider cette mission d’information m’a permis de concrétiser mon engagement, chevillé au corps, pour le transport ferroviaire. Porter ce sujet et les besoins des territoires à l’Assemblée en dépassant les clivages partisans me tenait à cœur : ce rapport constitue une première étape très encourageante.
Cette mission d’information a travaillé de manière transpartisane grâce à la volonté des deux corapporteurs Bérenger Cernon et Olga Givernet de mettre de côté leurs divergences pour se concentrer sur la recherche de solutions pour le développement du transport ferroviaire. La qualité des auditions est également à souligner : l’implication dont ont fait preuve les experts, chercheurs, syndicalistes et représentants associatifs montre l’engouement pour ce sujet et fait écho à l’« envie de train » dans la population.
Notre mission rend ses conclusions dans un moment particulier : alors que la conférence de financement des mobilités a souligné les besoins de financement pour une réelle transition du secteur des transports, les récents mouvements sociaux nous rappellent le sentiment de défiance répandu dans les territoires délaissés par l’État français.
Rompre avec l’abandon des territoires : pour une politique de transport ambitieuse et décarbonée
Dans de nombreuses zones rurales et périurbaines, la voiture individuelle reste l’unique solution de mobilité. Chaque hausse des prix du carburant a un effet immédiat sur le budget des ménages, alimentant un sentiment d’abandon. Ces territoires, où progresse le vote d’extrême droite, illustrent le lien entre précarité de mobilité et défiance politique. La crise des Gilets Jaunes l’a rappelé : lorsque la voiture devient une contrainte et qu’aucune alternative n’est proposée, la mobilité devient un facteur de tension sociale. Alors qu’un véritable besoin de transports du quotidien se fait sentir, nous payons aujourd’hui l’absence d’un État stratège capable de développer une mobilité décarbonée ambitieuse, avec des solutions adaptées aux réalités rurales, dont font partie les trains du quotidien.
La responsabilité des gouvernements successifs dans cet abandon est claire : la politique du « tout TGV » a laissé de côté les besoins des territoires. Petites lignes fermées, connexions en train de nuit rompues... Ces décisions détricotent peu à peu le réseau ferré français qui, fort de 60 000 km de lignes avant la seconde guerre mondiale, n’en compte aujourd’hui plus que 28 000. Dans le même temps, l’incapacité à taxer efficacement le transport routier de marchandises a empêché le développement du fret ferroviaire, au prix d’une multiplication du nombre de poids lourds sur les routes, occasionnant des dommages pour l’infrastructure routière et l’environnement.
L’ouverture à la concurrence, présentée comme une solution, n’a pas eu les effets escomptés : loin de relancer la dynamique, elle s’est accompagnée d’une baisse de la part modale du fret ferroviaire. Entre 2002 et 2023, le transport ferroviaire a chuté de 50 gigatonnes par kilomètre (GTK) à 33 GTK alors que le tonnage de marchandise transporté par la route a explosé. Quand les promoteurs de la concurrence avancent comme solution, pour doper le report modal pour le transport de voyageur, les mêmes arguments, la prudence, voire la méfiance, doit rester de mise.
À l’heure où les scientifiques actent que l’objectif de maintenir le réchauffement climatique sous 1,5°C est désormais hors d’atteinte, il serait irresponsable de continuer à fragiliser le train, 12 fois plus efficace énergétiquement que les transports routiers et aériens, et 100 fois moins émetteur de gaz à effet de serre (GES) que la voiture individuelle. Il est temps de replacer le transport ferroviaire au cœur de notre politique pour renforcer la résilience des mobilités, répondre aux enjeux environnementaux et préserver la cohésion des territoires.
Réduire la dépendance des territoires à la route, notamment par un investissement massif dans les trains du quotidien, est un enjeu de cohésion et de stabilité. Un maillage ferroviaire de proximité doit permettre d’assurer un accès équitable aux services essentiels et de permettre une transition écologique socialement acceptée et efficace.
L’urgence du financement de l’infrastructure
Les auditions l’ont souligné, il y a urgence à rénover et moderniser notre réseau ferroviaire, abîmé par des décennies de sous-investissement. L’alerte est claire : sans financement massif, nous risquons une rupture du réseau, à l’heure où il devrait au contraire permettre une augmentation du trafic, que la population appelle de ses vœux.
Dans un contexte de ressources limitées, le projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse-Dax illustre l’inadéquation entre les décisions prises et les besoins de la population. À lui seul, il représente au minimum 14 milliards d’euros, avec une forte emprise foncière et des effets délétères sur la pression immobilière dans les zones concernées. Il bénéficierait à une population déjà bien connectée et majoritairement issue des catégories les plus aisées. L'Autorité de régulation des transports (ART) relevait d’ailleurs en 2019 que les personnes aux revenus élevés sont sur-représentées parmi les usagers du TGV.
À l'heure où les petites lignes sont fragilisées, ce déséquilibre interroge : il risque d'alimenter la fracture entre une infrastructure coûteuse et concentrée, et un réseau existant vétuste bien qu'essentiel à la desserte fine du territoire. Le manque de solutions de transport au niveau local et l’abandon des lignes transversales ne peuvent que continuer à alimenter le ressentiment à l’égard de Paris et d’un État centralisateur sourd aux besoins quotidiens de la population.
Face au démantèlement du système ferroviaire : remettre un pilote dans le train
Au-delà de la question du financement, c’est celle de l’organisation du système ferroviaire dans son ensemble qui a été systématiquement mise sur la table par les experts interrogés. L’ouverture à la concurrence n’a été ni réfléchie, ni accompagnée, et les conséquences de cette impréparation pour les usagers et acteurs du secteur commencent à peine à être mesurées : complexité pour les voyageurs dans la réservation et la gestion de trajets assurés par plusieurs opérateurs, mise en danger du système de péréquation tarifaire de la SNCF pour assurer son objectif d’aménagement du territoire, absence de lisibilité pour les industriels dans la construction de nouvelles rames faute de cahier des charges unique pour la conception des futures rames et de contrats-cadres unifiés... Force est de constater qu’à de nombreuses reprises, nos interlocuteurs ont reconnu que les problèmes que nous abordions auraient été, sinon évités, au moins plus facilement en voie d’être résolus en présence d’un opérateur historique public en position d’organiser l’offre ferroviaire de manière unifiée. Nous assistons à un retour en arrière absurde consistant à recréer les conditions d’inefficacité du système qui avaient poussé à la création d’une SNCF unique et intégrée à la fin des années 1930.
La libéralisation du système ferroviaire a fait disparaître le pilote de l’avion en considérant l’État comme un acteur parmi d’autres, n’assurant plus une vision stratégique. Pour éviter une archipélisation du système ferroviaire, il est nécessaire de rétablir une « tête pensante », dont le rôle était auparavant donné à l’opérateur historique. Les recommandations du présent rapport proposent des « rustines » pour combler les trous causés par le désarmement de l’opérateur historique et, à l’heure où le bien-fondé de cette ouverture à la concurrence est largement remis en cause par l’expérience de pays comme le Royaume-Uni, nous formulons des recommandations pour, a minima, adresser les principaux dangers associés à sa mise en œuvre. Sans être exhaustif, je souhaite en souligner certaines ici.
Recommandations de la mission pour une véritable politique de transports au service des territoires
Remettre un pilote dans le train : pour une véritable stratégie ferroviaire :
– faire évoluer les péages ferroviaires dans un objectif d’aménagement du territoire (recommandation n° 9) ;
– mettre en œuvre une stratégie en matière de commande de matériel roulant neuf et organiser un marché régional (recommandations n° 10, 11 et 29) :
– aller vers une billettique unifiée pour éviter un éclatement du système ferroviaire au détriment des usagers (recommandations n° 19, 20 et 21).
Investir dans un réseau résilient et efficace :
– garantir les financements nécessaires à la rénovation du réseau et aux enjeux des transports du quotidien dans un cadre pluriannuel (recommandations n°s 4, 5, 6, 7, 27 et 28) ;
– prioriser les trains du quotidien plutôt que les nouveaux projets de LGV (recommandation n° 30).
Faire du fret ferroviaire une véritable alternative à la route :
– développer des contributions régionales sur le transit de poids lourds pour rééquilibrer les coûts entre rail et route (recommandations n° 6 et 44) ;
– financer le fret ferroviaire à hauteur des besoins (recommandations n° 7, 13, 39, 40) ;
– garantir des travaux efficaces préservant au maximum le trafic (recommandations n° 15, 16, 17, 23) ;
– s’opposer aux « méga-camions » qui mettent en danger le fret ferroviaire (recommandation n° 12) ;
– introduire une obligation d’étude de faisabilité afin de prévoir un embranchement ferroviaire pour tout nouvel entrepôt ou plateforme logistique (recommandation n° 41).
Répondre à la forte demande de train pour le transport de voyageurs dans les territoires :
– augmenter l’offre et le cadencement des trains de voyageurs pour permettre un report modal durable (recommandations n° 1 et 3) :
– opérer une relance du train de nuit (recommandations n° 22, 32, 33 et 34) ;
– rendre le train plus accessible pour tous (recommandations n° 24, 25 et 26) ;
– maintenir les petites lignes plutôt que les liaisons par autocar (recommandation n° 31) ;
– faciliter l’accès aux gares pour les usagers et la complémentarité avec d’autres modes de transport (recommandations n° 35, 36 et 37).
Au-delà de l’investissement nécessaire de la part de l’État français, nos auditions ont aussi souligné le besoin de renforcer l’autonomie financière des collectivités territoriales pour leur permettre d’investir dans les transports du quotidien, là où le dernier budget a fragilisé leurs capacités financières.
Évidemment, le présent rapport n’aborde qu’une partie du sujet : le train ne viendra pas partout et ne constituera pas la solution unique pour tous les habitants. Nos conclusions s’inscrivent dans une réflexion globale sur le financement et l’organisation des mobilités.
Ce travail inspirera, je l’espère, le gouvernement et les parlementaires à travailler dans l’intérêt commun pour concilier lutte contre le changement climatique, justice sociale, et amélioration des conditions de vie pour la population. Dans le contexte actuel de division, ma conviction est que la relance du transport ferroviaire pour nos territoires peut faire consensus et que nous pourrons, ensemble, faire bouger les lignes.
Avant-propos de M. Bérenger cernon, rapporteur
La mission d’information s’est déroulée dans un contexte particulier, marqué par une ouverture accrue à la concurrence dans le secteur ferroviaire, la tenue concomitante d’une conférence de financement rappelant l’urgence de la situation, mais aussi par la fermeture effective ou annoncée de plusieurs petites lignes dans les territoires.
Sans chercher à trancher la question du bien-fondé de l’ouverture à la concurrence, les travaux de la mission ont néanmoins montré à quel point ce sujet se trouve imbriqué avec celui du rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires. L’absence de stratégie claire de la part de l’État apparaît incontestable, et l’idée selon laquelle la concurrence constituerait une solution unique et intangible mérite d’être questionnée. L’ouverture à la concurrence apparaît bien plus comme un palliatif aux carences de l'État que comme une solution sine qua non à la réussite du développement ferroviaire.
À l’heure où l’urgence écologique irrigue désormais tout projet d’infrastructure, le transport ferroviaire s’impose comme un mode de transport crucial et porteur pour l’avenir. Les constats dressés mettent cependant en évidence un ensemble de freins, tout autant que des leviers encore trop peu mobilisés.
Alors que la demande de mobilité ferroviaire ne cesse de croître, qu’il s’agisse de grande vitesse, de transport express régional ou de trains de nuit, les difficultés structurelles et opérationnelles s’intensifient. L’abandon récent de la liaison de nuit Paris - Berlin en est malheureusement l’illustration la plus frappante et la plus désastreuse.
Si le transport de voyageurs connaît un réel regain d’intérêt, le transport de marchandises par rail reste en net recul. Jamais les volumes transportés par le rail n’ont été aussi faibles, alors même que le fret ferroviaire représente un atout majeur pour le désenclavement des territoires et pour répondre aux enjeux de décarbonation et de transition écologique.
Il y a donc beaucoup à faire mais pour cela, il faut penser sur un temps long, voire très long et accepter que le transport ferroviaire soit un modèle économique fragile, avec la nécessité d’avoir un État fort pour en assurer la viabilité.
Avant-propos de Mme Olga Givernet, rapporteure
À l’heure du défi de la décarbonation de nos déplacements, le train connaît un succès croissant auprès de nos concitoyens. En 2024, la fréquentation a atteint un nouveau niveau record pour la troisième année consécutive. Que ce soit pour des déplacements ponctuels ou quotidiens, professionnels ou personnels, le train est encore en France un moyen de transport sûr, fiable et ponctuel. Il est également le mode de transport le plus écologique : il émet 17 fois moins de CO2 que l’autocar et 100 fois moins que la voiture individuelle. Le train est ainsi au cœur de la stratégie européenne et nationale de décarbonation des transports pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Près de deux siècles après l’ouverture de la première ligne de chemin de fer, la France s’est dotée d’un réseau ferré dense de près de 28 000 kilomètres qui maille l’ensemble de notre territoire, ponctué de quelques 3 000 gares et haltes ferroviaires. Le réseau de lignes à grande vitesse est complémentaire du réseau ferré classique et des « petites lignes » sur lesquels peuvent circuler TGV, TER, Intercités, trains de nuit ou encore trains de fret, ce qui représente 15 000 trains chaque jour.
Toutefois, notre réseau ferré est vieillissant, ce qui entraîne une dégradation de l’état de ses infrastructures. Cette dégradation, qui pourrait concerner près de 4 000 km de lignes dès 2028 et affecter jusqu’à 2 000 trains par jour, entraîne une détérioration de la qualité de service par des retards de circulation et des annulations de trains.
La priorité doit être donnée à la régénération et à la modernisation du réseau afin d’avoir un service performant et sûr et ainsi éviter un décrochage de notre système ferroviaire. Pour cela, de nouvelles ressources ont été identifiées dans le prolongement des travaux de la conférence de financement « Ambition France Transports » présidée par Dominique Bussereau. Pour financer les 1,5 milliard d’euros manquant pour le réseau structurant, plusieurs pistes sont privilégiées : les partenariats public-privé, la mise en place d’une écotaxe régionale, un financement par la Caisse des dépôts et consignations ou encore la fin progressive des concessions autoroutières historiques.
Un réseau régénéré et modernisé est la condition sine qua non pour opérer un véritable choc d’offre du transport ferroviaire. En effet, l’accélération du report modal vers le train nécessite plus de fréquence, plus de fiabilité et plus de dessertes afin de faire du train du quotidien une alternative crédible à la voiture.
À cet égard, l’ouverture à la concurrence des lignes TER ou TGV est un des leviers pour accroître l’offre de trains et mieux répondre aux besoins et attentes des territoires. Toutefois, elle appelle à mettre en place une véritable gouvernance du système ferroviaire. Au niveau régional, une meilleure coordination politique entre les autorités organisatrices des transports est indispensable pour maintenir la continuité de l’offre ferroviaire et de la billettique au service des usagers en tout point du territoire.
Le transport ferroviaire est une réponse à de nombreux enjeux d’aménagement du territoire, en offrant une mobilité décarbonée et accessible. Il doit s’inscrire dans le temps long et nécessite un travail de planification. J’appelle ainsi de mes vœux que soit déposée, dans les meilleurs délais, la loi-cadre annoncée par le ministre en charge des transports pour la fin de l’année afin de doter notre pays d’une stratégie ferroviaire de long terme.
Première partie : Le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires, longtemps délaissé, connaÎt un regain d’intérêt dans le contexte
de décarbonation des transports
I. L’organisation du transport ferroviaire n’a été que partiellement conçue pour désenclaver les territoires
A. La structuration de l’offre de transport de voyageurs s’est organisée autour de la grande vitesse au détriment des dessertes d’aménagement du territoire
L’organisation du transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national distingue, d’une part, les services dits conventionnés, à savoir les trains d’équilibre du territoire (TET) ou Intercités, et les trains express régionaux (TER) et, d’autre part, les services dits librement organisés, essentiellement les trains à grande vitesse (TGV).
Si un objectif d’aménagement du territoire est clairement assigné aux services conventionnés, le rôle des trains à grande vitesse en matière d’aménagement du territoire est plus ambivalent.
1. L’offre conventionnée, longtemps délaissée par les pouvoirs publics, connaît un regain d’intérêt pour son rôle dans le maillage territorial et le désenclavement des territoires
a. Les trains d’équilibre du territoire (TET) de jour
i. L’État est responsable de la structuration d’une offre de TET répondant aux besoins d’aménagement du territoire
L’État est l’autorité organisatrice pour les trains d’équilibre du territoire depuis 2011. À ce titre, il est responsable de la structuration et du dimensionnement de l’offre de TET via un plan de transport des services dits « Intercités ». Concrètement, l’État conventionne avec SNCF Voyageurs l’exploitation de ces trains et décide des lignes, de leurs gares d’arrêts ainsi que de la fréquence de passage des trains.
L’État verse également chaque année dans le cadre de la convention avec SNCF Voyageurs des compensations pour financer une partie du déficit d’exploitation de ces lignes ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération du matériel roulant. En 2024, 270 millions d’euros ont ainsi été versés au titre de la convention d’exploitation.
Convention d’exploitation entre l’État et la SNCF pour 2022 à 2031 avant
mise en concurrence sur les lignes TET
La convention d’exploitation des TET pour la période 2022-2031, signée le 17 mars 2022, est la dernière convention d’exploitation de gré à gré avec la SNCF avant l’obligation de recourir à des appels d’offres.
Cette convention a été conclue pour un montant total de 1,73 milliard d’euros et intègre l’ensemble du réseau TET actuel ainsi que des développements d’offres prévus sur les lignes existantes.
Elle prévoit également la mise en concurrence progressive des différents lots de lignes avec une entrée en exploitation des nouveaux contrats échelonnée entre fin 2026 et fin 2029 :
Le premier lot de trains d’équilibre du territoire visant les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, actuellement exploitées par les services SNCF Voyageurs Intercités, a été remporté par l’opérateur historique pour une durée de 10 ans à l’issue d’une procédure d’appel d’offres auquel ont également candidaté Renfe et Le Train.
Source : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/trains-dequilibre-du-territoire-tet
La loi prévoit que ces services ferroviaires « répondent aux besoins d’aménagement du territoire et préservent des dessertes directes sans correspondance. » ([2])
En 2016, dix-huit lignes TET ont été transférées à six régions dans le cadre de protocoles d’accord fixant les participations financières réciproques de l’État et des régions à leurs coûts de fonctionnement. Ainsi, au 1er janvier 2024, l’État gère douze lignes TET qui se répartissent comme suit :
– trois lignes « structurantes » de jour à réservation obligatoire : Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) ; Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille ;
– quatre lignes « d’aménagement du territoire » de jour sans réservation obligatoire : Nantes-Bordeaux, Nantes-Lyon, Toulouse-Bayonne-Hendaye et Clermont-Ferrand-Béziers ;
– cinq lignes de nuits nationales à réservation obligatoires (voir infra).
ii. Exploités avec un matériel roulant vieillissant, les TET ont longtemps pâti d’une qualité d’offre dégradée mais bénéficient aujourd’hui de perspectives attendues de relance
Soulignée dès 2015 par la Cour des comptes ([3]), l’offre Intercités a pendant longtemps été exploitée avec un parc de matériel roulant vieillissant et hétérogène, ce qui a pesé sur la fiabilité du matériel tout en alourdissant les charges de maintenance.
Si des premières acquisitions et des travaux de prolongation de la durée de vie du matériel roulant ont permis de repousser les échéances de radiation du matériel, la Cour des comptes alertait de nouveau en 2019 sur le fait que « la totalité du matériel aura atteint sa date de fin de vie estimée d’ici 2025. » ([4])
La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT)
La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) illustre les conséquences de la priorité accordée à la grande vitesse au détriment de la desserte des territoires intermédiaires.
Cette ligne entre Paris et Toulouse s’étend sur 700 kilomètres et est desservie actuellement par :
– 3 trains Intercités quotidiens entre Paris et Toulouse ;
– 1 train de nuit Intercités Paris-Toulouse.
En 2024, 2,7 millions de voyageurs ont emprunté cette ligne, ce qui en fait la deuxième ligne Intercités la plus fréquentée après Bordeaux-Marseille et devant Paris – Clermont-Ferrand.
Axe nord-sud structurant pour l’aménagement du territoire, les liaisons Paris-Toulouse via Orléans et Limoges se sont raréfiées depuis la mise en service de la ligne à grande vitesse (LGV) Atlantique en 1990.
Le trajet Intercités pour relier Paris depuis Toulouse est d’environ 7 heures avec 11 arrêts intermédiaires ([5]). Le TGV Paris-Toulouse via Bordeaux effectue le trajet en 4h30.
En outre, la ligne POLT souffre d’une dégradation de la fiabilité des horaires – en 2022, 19 % des trains ont eu plus de 10 minutes de retard, soit près de 1 train sur 5 – lié à la vétusté du matériel roulant et aux interruptions dues aux travaux. La régularité à 10 minutes est néanmoins en voie d’amélioration grâce à un plan d’action mis en place par SNCF Réseau pour renforcer la qualité de service. Selon SNCF Réseau, ce plan a permis de faire progresser la ponctualité des trains de 9 points par rapport à 2023 et a réduit de moitié le nombre de grands retards supérieurs à 2 heures.
Après une période de marginalisation de la ligne due à la concurrence des liaisons Paris-Toulouse par la LGV, la ligne POLT bénéficie d’un programme de régénération de l’infrastructure engagé depuis 2015 au travers d’un schéma directeur de la POLT pour la période 2015-2025. Dans ce cadre, l’État et SNCF Réseau se sont engagés à investir près de 3,5 milliards d’euros pour renouveler l’ensemble du matériel roulant et remettre à neuf l’ensemble du réseau, dont 1,6 milliard d’euros financés par SNCF Réseau pour rénover les infrastructures jusqu’en 2026.
Toutefois, le retard dans la livraison du matériel roulant neuf des rames Oxygène, attendues en 2023 et qui ne seront finalement mises en circulation qu’à compter de 2027, ainsi que l’allongement de la période de travaux sur la ligne entraînant des périodes d’interruption de la circulation jusqu’en 2027, risquent de continuer à peser sur les usagers de cette ligne. Les bénéfices annoncés sur cette ligne à la suite des travaux et grâce au matériel neuf sont une réduction du trajet de 15 minutes entre Paris et Limoges, une meilleure ponctualité des trains et une fréquence supplémentaire, soit 11 allers-retours au total.
Entre 2017 et 2019, trois des quatre lignes d’aménagement du territoire ont vu leur matériel roulant entièrement renouvelé par du matériel neuf commandé à Alstom :
– les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes Lyon : matériel roulant entièrement renouvelé en 2017 ;
– la ligne Toulouse-Bayonne-Hendaye : matériel roulant renouvelé en 2019.
Pour l’équipement des trois lignes structurantes, un appel d’offres a été émis en juin 2017 pour des livraisons de matériel neuf entre 2023 et 2025. Une enveloppe globale de 800 millions d’euros avait été définie pour une tranche ferme de vingt‑huit rames destinées aux lignes Paris-Clermont et Paris-Toulouse et incluant un centre de maintenance. Une seconde tranche optionnelle avec également un centre de maintenance, estimée à 400 millions d’euros, devait porter sur le matériel roulant destiné à la ligne transversale Bordeaux-Marseille.
Un contrat-cadre a ainsi été conclu avec l’industriel CAF pour la livraison de rames Oxygène en remplacement des rames Corail sur les lignes Paris-Toulouse et Paris-Clermont-Ferrand avec une commande de 50 rames. La livraison de ces rames connaît un important retard par rapport au calendrier initial. Auditionné par la mission d’information, le constructeur CAF a confirmé le nouveau calendrier lequel prévoit une autorisation de mise sur le marché fin 2026 pour une livraison d’une partie de la flotte en 2026 ; les rames restantes et la mise en service sont prévues en 2027, soit avec quatre années de retard par rapport à la première date de livraison envisagée.
Selon le ministère en charge des transports, « la desserte des principales lignes TET sera renforcée dans les années à venir. Outre la création d’un quatrième aller-retour sur la ligne Nantes-Bordeaux depuis 2021 et d’un troisième aller-retour sur la ligne Nantes-Lyon en 2022, un neuvième aller-retour Paris-Clermont-Ferrand et un onzième aller-retour Paris-Limoges-Brive-la-Gaillarde seront mis en place en 2026. » ([6])
b. Les trains de nuit d’équilibre du territoire
i. Un réseau de nuit délaissé par l’État jusqu’à une quasi-disparition au moment de la crise sanitaire de 2020
Le réseau de nuit des Intercités, maillon pourtant essentiel à l’aménagement du territoire, a longtemps été délaissé par l’État, son autorité organisatrice.
En 2017, seules deux liaisons de nuit étaient encore exploitées en France : la ligne Paris-Briançon et Paris-Rodez / Toulouse-Latour-de-Carol-Cerbère. Entre 2014 et 2017, les quatre autres lignes de nuit (Paris-Savoie, Luxembourg-Nice, Paris-Hendaye et Paris-Nice) ont été fermées. En 2020, les deux dernières lignes internationales, Paris-Venise et Hendaye-Lisbonne, ont été également fermées au moment de la crise du Covid.
Outre la réduction de l’offre en train de nuit, le matériel roulant se caractérisait par une grande vétusté du fait de son ancienneté : le parc était composé de rames de type « Corail couchettes » datant des années 1970 et dont la durée de vie arrivait à échéance en 2019.
Le contexte européen favorable au développement du train de nuit et les préoccupations environnementales ont conduit la France à s’engager à son tour dans la relance de son offre de train de nuit. Un rapport de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) commandé en 2020 sur l’étude du développement de nouvelles lignes de trains d’équilibre de territoires (TET) ([7]) souligne ainsi que « les trains de nuit en Europe ont séduit une partie croissante de la population qui souhaite des alternatives au transport aérien pour les longues distances. En France, on constate aussi l’expression d’une demande sociétale pour une mobilité plus respectueuse de l’environnement. Les trains de nuit apparaissent comme une forme d’action et de réponse à cette demande française. »
ii. Des mesures partielles ont été prises pour relancer l’offre de nuit
Plusieurs mesures ont été annoncées par le Gouvernement dès 2018 en faveur d’un développement du train de nuit portant à la fois sur le matériel roulant et la réouverture de lignes fermées quelques années auparavant. Si ces mesures sont une première étape dans la relance d’un réseau de nuit structurant pour l’aménagement du territoire, elles ne sont pas encore suffisantes pour répondre à la demande croissante ni pour assurer la pérennité du réseau actuel.
Le 14 juillet 2020, le Président de la République, Emmanuel Macron, annonce une relance des trains de nuit. Celle-ci se matérialise avec la réouverture de trois liaisons intérieures :
– Paris-Nice et Paris-Tarbes en 2021 avec 100 millions d’euros du plan de relance consacrés à la réouverture de ces lignes ;
– Paris-Aurillac en 2023.
S’agissant des liaisons internationales, un accord signé en 2020 entre exploitants ferroviaires européens a permis l’ouverture de nouvelles liaisons entre capitales européennes :
– Ouverture de la ligne Paris-Vienne en 2021 ;
– Inauguration de la ligne Paris-Berlin en décembre 2023 ([8]) .
Source : site internet SNCF Réseau
Toutefois, l’exploitation des lignes de nuit existantes et les perspectives d’ouverture de nouvelles lignes nécessitent de résoudre la question du matériel roulant.
Plutôt qu’un renouvellement du parc des trains de nuit, le choix a d’abord été fait en 2018 d’une rénovation des rames existantes. Selon la Cour des comptes ([9]), « ces travaux, d’un montant estimé à 30 millions d’euros, permettront de prolonger d’une décennie la durée de vie du matériel roulant affecté à ces lignes » repoussant ainsi à 2029 l’échéance d’un renouvellement de ce parc de matériel roulant de nuit.
Un plan de rénovation du matériel roulant a été mis en œuvre de février 2021 à avril 2023, financé intégralement par l’État à hauteur de 91 millions d’euros ayant permis une révision générale des voitures et une amélioration et modernisation du confort intérieur pour les passagers.
S’en sont suivies plusieurs annonces gouvernementales en faveur du matériel roulant de nuit :
– en septembre 2020, dans le plan de relance de 4,7 milliards d’euros en faveur du secteur ferroviaire, un volet devait être consacré à la relance des services de trains de nuit avec 100 millions d’euros pour le renouvellement du matériel roulant de ces trains ;
– en décembre 2021, le Gouvernement, par la voix de son ministre des transports, s’engage à investir 800 millions d’euros dans le matériel roulant des trains de nuit ainsi que, à terme, la possibilité de recourir à des sociétés de location.
En parallèle, l’étude précitée réalisée en décembre 2020 par la DGITM au sujet du développement de nouvelles lignes de TET ([10]) estime quant à elle les investissements requis à environ 1,5 milliard d’euros dont 1,2 milliard d’euros pour le seul matériel roulant (équipements de 600 nouvelles voitures et de 60 locomotives). Ces investissements doivent permettre l’extension du réseau de nuit pour le structurer autour de 8 lignes intérieures et 7 lignes internationales selon les préconisations de la DGITM.
En février 2025, l’État a lancé un appel d’offres pour louer, via une entreprise de location de matériel dénommée Rosco (« Rolling Stock Compagnies ») de nouveaux trains de nuit afin de renouveler le parc existant. La tranche ferme de l’appel d’offres porte sur la location de 180 voitures couchettes pour remplacer les 129 voitures du parc existant, ainsi que 27 locomotives. Cette augmentation de 51 voitures permettra essentiellement de compenser la moindre capacité des voitures neuves (norme PMR, place pour le vélo, sanitaire), d’ajouter quelques branches au réseau actuel et de renforcer certaines lignes existantes. Toutefois, la taille du parc envisagé ne permettra pas d’ouvrir de nouvelles lignes.
c. Les trains express régionaux
Les transports express régionaux (TER) regroupent tous les transports régionaux par trains et par cars exploités jusqu’en 2024 essentiellement par SNCF Voyageurs, à l’exception de l’Île-de-France – où ils sont dénommés Transilien – et de la Corse, où le service est réalisé par une régie publique et non par SNCF Voyageurs.
Depuis 1997 (ou 2002 selon les régions), les régions sont responsables de l’offre de transport ferroviaire régionale en leur qualité d’autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Jusqu’à récemment, l’exploitation des TER était un monopole de SNCF Voyageurs. Les régions signaient une convention de gré à gré avec l’opérateur historique. Ces deux décennies de régionalisation ont eu des effets largement bénéfiques sur le niveau d’offre et de fréquentation des TER.
i. Le succès du conventionnement du transport ferroviaire régional
Les conséquences du conventionnement par région depuis 1997 ont été très positives sur le niveau de fréquentation des TER. En effet, la fréquentation des trains régionaux a plus que doublé en vingt ans alors qu’elle était globalement orientée à la baisse dans les années 1990 ([11]).
Le contenu des conventions entre les régions et SNCF Voyageurs
Les conventions d’exploitation couvrent les sujets suivants :
– l’offre avec une description précise des grilles horaires détaillées, ligne par ligne ;
– le montant de la contribution versée par la région pour cette offre pour couvrir les charges de l’opérateur ;
– des engagements de la SNCF sur la qualité de service tels que le pourcentage de trains arrivant à l’heure, sur le pourcentage de trains supprimés ;
– ces indicateurs sont en général assortis de mécanismes financiers (pénalités, bonus, malus) pour inciter la SNCF à offrir le meilleur service possible.
La durée de ces conventions de gré à gré est très variable, entre cinq et dix années en moyenne, avec ou sans clause de revoyure intermédiaire.
Il est à noter qu’il n’existe pas de relation contractuelle équivalente entre les régions et le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau.
La plupart des régions ont joué le jeu de la régionalisation en voulant démontrer qu’elles arriveraient, avec la SNCF, à faire plus et mieux grâce à cette décentralisation. Dans le même temps, la SNCF a proposé aux régions une évolution de desserte pour concilier au mieux les besoins de déplacement et l’optimisation de la rotation des rames avec des organisations de la production plus efficace. Cela a permis aux régions d’augmenter la fréquence des trains sur la plupart des lignes, à coût constant ou à des coûts maîtrisés.
Toutefois, malgré la hausse de la fréquentation et les gains de productivité, le système de transport ferroviaire régional est très loin de s’autofinancer : les recettes des voyageurs ne couvrent que 25 % à 35 % des coûts de fonctionnement ([12]). La Cour des comptes estime même que le voyageur paye, en moyenne, moins de 20 % du coût complet si on y intègre l’amortissement des investissements en matériel roulant et le financement du déficit de SNCF Réseau sur le transport régional.
Ce constat a conduit à plusieurs réflexions menées par l’État et les régions sur une évolution du transport régional. Parmi ces évolutions, la possibilité a été offerte aux régions à partir de 2019, sur la base du volontariat, d’ouvrir progressivement à la concurrence le volet « transporteur » des lignes de TER. Les régions les plus motivées par l’ouverture à la concurrence en attendent une baisse de la contribution financière de 20 % à 30 % ou une offre de 20 % à 30 % supérieure pour la même contribution financière (cf. infra).
ii. Les spécificités des déplacements régionaux
Trois grands types de déplacements régionaux se distinguent pour lesquels les besoins et les attentes des usagers diffèrent :
– les déplacements « intervilles » entre les villes grandes et moyennes ;
– les déplacements périurbains ;
– les déplacements dans des zones peu denses.
Ce découpage est à croiser avec les trois grands types de motifs communément utilisés :
– les motifs domicile-travail ;
– les motifs domicile-études ;
– les autres motifs occasionnels.
Les attentes des usagers portent, avec des pondérations variables selon le type de trajet, sur la fréquence des dessertes, les temps de parcours de bout en bout, la fiabilité de bout en bout, le prix de bout en bout et l’information de bout en bout.
La réussite du report modal vers le train régional repose en grande partie sur le calibrage de l’offre ferroviaire aux besoins des habitants des différents bassins de vie reliés par le train. Or, au cours des auditions, plusieurs organismes tels que le Shift Project ou le Forum Vies Mobiles ont souligné l’existence d’un décalage entre la perception des régions et l’usage du transport ferroviaire : les déplacements sont à 80 % pour des motifs occasionnels et seulement à 20 % pour des déplacements professionnels.
Alors qu’autrefois les politiques de transport visant à un report de la voiture vers le train régional partaient de l’intuition qu’il suffirait d’augmenter l’offre ferroviaire en pointe pour éviter que la saturation routière ne s’aggrave et pour offrir aux automobilistes une alternative crédible, l’analyse de plus en plus partagée est désormais la suivante :
– les déplacements en heure de pointe ne sont pas constitués que des déplacements domicile-travail ou domicile-étude ; la plupart des déplacements occasionnels ont lieu également en heure de pointe. Ce constat doit inciter à offrir une fréquence élevée tout au long de la journée pour proposer une alternative crédible aux déplacements occasionnels ;
– de la même manière, les déplacements domicile-travail et domicile-études ne se font pas uniquement en heure de pointe : beaucoup de ces déplacements se font en horaires décalés.
Recommandation n° 1
Pour inciter au transfert des déplacements domicile-travail et domicile-études ainsi que des déplacements occasionnels vers le train, il faut offrir des fréquences élevées tout au long de la journée et en soirée pour faire du train une alternative crédible.
2. Le modèle du « tout TGV » et ses limites pour l’aménagement du territoire
Le service librement organisé (SLO) concerne les trains qui parcourent de longues distances, souvent entre les villes et les régions de France et vers des destinations internationales. Les TGV ou équivalents sont les principaux types de trains utilisés pour le SLO.
Contrairement aux services conventionnés, les SLO sont exclusivement financés par les recettes commerciales, c’est-à-dire la vente de billets. S’ils ne reçoivent pas de subventions publiques pour leur exploitation, le déploiement du TGV en France a fait l’objet d’un fort soutien politique et financier de l’État, notamment pour le financement des lignes à grande vitesse. Ce choix du « tout TGV » interroge aujourd’hui pour ses conséquences en matière d’aménagement du territoire
a. La priorité a été donnée au déploiement d’un nouveau réseau de grande vitesse à partir des années 1980
Inspirée pour partie par l’exemple du Shinkansen développé au Japon dès 1964 avec l’inauguration du premier train à grande vitesse du monde, la SNCF étudie dès la fin des années 1960 la possibilité de la grande vitesse ferroviaire sur infrastructure nouvelle en France. La SNCF cherche alors à mettre en œuvre un projet s’articulant autour de deux principes :
– « la spécialisation de la ligne au trafic voyageur à grande vitesse ;
– la compatibilité avec le réseau existant, c’est-à-dire la possibilité pour les trains à grande vitesse de circuler aussi bien sur les lignes nouvelles que sur le réseau classique.
Cette seconde caractéristique présente cet avantage que les nouveaux trains peuvent pénétrer au cœur des agglomérations en utilisant les infrastructures et les gares existantes. » ([13])
Le Président de la République d’alors, Georges Pompidou, approuve en 1971 le principe du projet et la construction de la première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon est définitivement décidée lors du conseil des ministres du 6 mars 1974.
En 1981, le premier tronçon de la ligne Paris-Lyon est inauguré avec la circulation du premier train à grande vitesse en service commercial. Avec l’ouverture en 1983 de l’intégralité de la ligne, le temps de trajet entre Paris et Lyon est réduit à 2 heures au lieu de près de 4 heures en vitesse classique.
La ligne TGV Sud-Est marque le début d’une nouvelle ère pour le chemin de fer avec la création d’un réseau français de liaisons à grande vitesse :
– fin 1981, le lancement de la LGV Atlantique est annoncé pour relier Paris à l’ouest et au sud-ouest de la France. La ligne sera inaugurée en deux temps en 1989 et 1990 ;
– fin 1987, le Gouvernement décide la réalisation, sous maîtrise de la SNCF, du TGV Nord Europe ainsi que le prolongement de la ligne TGV Sud-Est jusqu’à Valence. En 1994, la ligne nouvelle Nord-Europe est ouverte tandis que la totalité de la ligne Rhône-Alpes est ouverte : la liaison Paris-Marseille s’effectue en 4 heures et 10 minutes, les TGV circulant sur la ligne nouvelle jusqu’à Valence puis sur ligne classique jusqu’à Marseille ;
– en juin 2001, la ligne nouvelle Méditerranée est inaugurée avec trois gares nouvelles sur le parcours : Valence-TGV, Avignon-TGV et Aix-en-Provence TGV ;
– en juin 2007, la LGV Est européenne est inaugurée, mettant Paris à 2 heures 30 de Strasbourg.
En trente ans, le réseau de grande vitesse permet de relier le Nord, l’Est, le Sud-Est ainsi qu’une partie de l’Ouest de la France avec une longueur totale du réseau de LGV de 1 881 kilomètres.
La priorité donnée au développement du réseau de LGV s’est poursuivie dans le cadre de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : la France s’est engagée dans un programme de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse à lancer d’ici 2020.
De la fin des années 2000 au milieu de la décennie 2010, le développement de nouvelles lignes à grande vitesse s’est ainsi fortement accéléré. Le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) élaboré en 2011 comportait quatorze projets de nouvelles LGV. Quatre de ces projets ont finalement été réalisés : la deuxième phase de la LGV Est, la LGV Bretagne-Pays de la Loire, la LGV Tours – Bordeaux et la LGV Nîmes – Montpellier.
Carte du réseau national des lignes à grande vitesse (2024)
Dans un rapport publié en 2014 ([14]), la Cour des comptes a démontré la forte hausse des coûts de construction des LGV, passant de 4,8 millions d’euros par kilomètre pour la ligne Paris-Lyon à 26 millions d’euros par kilomètre pour la ligne Sud Europe Atlantique (Tours-Bordeaux), dont le coût total s’est élevé à 7,8 milliards d’euros.
En parallèle, l’audit réalisé par l’école polytechnique de Lausanne et publié en septembre 2005, dit rapport Rivier ([15]), a dressé le constat d’une dégradation chronique du réseau ferroviaire depuis les années 1980. Si le contrat de performance de Réseau ferré de France (RFF) pour 2008-2014 et le grand plan de modernisation du réseau (GPMR) de 2013 ont répondu en partie aux enjeux de rénovation des voies en industrialisant la politique de maintenance, le besoin de modernisation du réseau a été laissé de côté ([16]) (cf. infra).
b. Le TGV a introduit une rupture dans le modèle ferroviaire français qui s’était construit sur un principe d’égalité de la desserte ferroviaire
i. La constitution du réseau à grande vitesse a accentué la polarisation autour des métropoles
Le rapport sur l’avenir du transport ferroviaire, dit « rapport Spinetta » ([17]), publié en 2018, préfigurant la réforme du nouveau pacte ferroviaire, soulignait le paradoxe de la priorité donnée à la grande vitesse dans les orientations ferroviaires des gouvernements successifs depuis la fin des années 1970 : « La grande vitesse a sauvé le train et la SNCF. Mais paradoxalement, en bouleversant le système de relations entre Paris et les grands pôles urbains, le TGV a introduit une rupture dans le modèle ferroviaire français qui s’était construit sur un principe d’égalité de la desserte ferroviaire de tous les territoires au sein de la République. »
Le choix politique du « tout TGV » a fait perdre la vision d’aménagement du territoire à la stratégie ferroviaire française qui s’est structurée depuis plus de quarante ans autour de la grande vitesse et de la métropole, comme l’a souligné M. Gilles Dansart, journaliste spécialisé sur le transport ferroviaire, lors de son audition devant la mission.
Ce choix s’explique par les contraintes du modèle économique de la grande vitesse : « Considérant les investissements considérables nécessaires pour construire les LGV et acheter le matériel roulant, la grande vitesse ferroviaire doit en effet constituer un mode de transport de masse, c’est-à-dire satisfaire un trafic élevé, obtenu par des rames de grande capacité et de fort taux de remplissage. Elle sera d’autant plus rentable qu’elle dessert des bassins de population importants avec des fréquences élevées. » ([18])
La Cour des comptes alertait dès 2014 sur les effets ambivalents d’une LGV sur l’aménagement du territoire : « Contrairement à l’idée d’un TGV pour tous qui mettrait les territoires à égalité, le TGV a plutôt tendance à accentuer la polarisation autour des grandes métropoles, singulièrement des plus grandes d’entre elles, Paris au premier chef. […]
La survalorisation du temps gagné a tendu à effacer l’évolution du comportement des consommateurs en faveur des transports plus lents mais moins chers. Elle a surtout justifié la réalisation d’un nombre de lignes toujours plus important au détriment de l’entretien du réseau classique, créant un déséquilibre dont les conséquences sont aujourd’hui sérieuses. » ([19])
ii. Délaissement des « petites lignes » pourtant essentielles à l’aménagement du territoire
Les lignes de desserte fine du territoire (lignes UIC 7 à 9)
Les lignes de desserte fine du territoire (LDFT), aussi communément appelées « petites lignes », correspondent à celles qui sont classées dans les catégories 7 à 9 au sens de l’Union internationale des chemins de fer (UIC). Elles représentent environ 42 % du linéaire de lignes, soit 12 047 kilomètres. Parmi elles, 7 100 kilomètres de lignes sont ouvertes à la circulation et elles représentent 10 % du trafic ferroviaire de voyageurs.
La grande majorité des trains circulant sur ces lignes sont des TER tandis que la moitié environ du réseau des petites lignes est utilisé pour le fret.
Les LDFT sont structurées en trois catégories :
– les lignes d’intérêt national qui accueillent des dessertes nationales TGV ou des TET. Depuis le 1er janvier 2024 elles sont financées par SNCF Réseau ;
– la majorité des autres LDFT sont dites de « catégorie 2 » et accueillent les liaisons entre les principales agglomérations régionales. Elles sont financées dans le cadre des contrats de plan État / Région. La participation de SNCF Réseau au financement de ces lignes est plafonnée à 8,5 % des coûts ;
– les lignes d’intérêt local ou de « catégorie 3 » qui sont à faible trafic sont prises en charge intégralement par les régions.
Le désengagement progressif de l’État dans le financement de ces lignes peut s’observer parallèlement à la priorité donnée au développement des LGV :
– l’état moyen des lignes de desserte fine du territoire s’est fortement dégradé du fait d’un sous-investissement dont elles ont souffert durant la fin du XXe siècle et la première décennie du XXIe siècle ;
– ce réseau est vieillissant avec un âge moyen des voies d’environ 40 ans et avec près de 4 000 kilomètres de voies considérés hors d’âge fin 2016 ;
– le linéaire de voies affecté de ralentissement a ainsi quasiment doublé entre 2009 et 2017 ; en 2020 il concerne la moitié des lignes de ce réseau ;
– Enfin, les préconisations du rapport « Spinetta » de 2018 tendant au placement de ces lignes sous l’entière responsabilité des régions ont suscité d’importantes inquiétudes quant au devenir des petites lignes.
Comme le résume le rapport Philizot consacré aux petites lignes en 2020 : « Cela dessine le tableau bien connu d’un ensemble dont l’état global déjà médiocre poursuit sa dégradation, malgré une accélération récente de l’effort de régénération. Les fermetures non concertées ou sans mise en place d’autres offres de mobilité et les limitations temporaires de vitesse alimentent un sentiment d’abandon, par l’État et SNCF Réseau, d’une partie du territoire national, renforcé par l’incertitude qui règne sur le niveau réel de maintenance. » ([20])
En parallèle de la dégradation de l’état des petites lignes, un grand nombre d’entre elles ont été progressivement fermées : entre 2015 et 2023, 1 300 kilomètres de voies classées UIC 7 à 9 ont été fermés. À l’inverse, entre 2015 et 2019, près de 1 200 kilomètres de voies nouvelles à grande vitesse ont été mis en service.
Les petites lignes sont pourtant indispensables pour assurer une desserte locale de proximité pour des bassins de vie ainsi que la connexion à des lignes structurantes nationales ou interrégionales.
Le rapport de 2023 de l’ancien député Hubert Wulfranc sur la proposition de loi visant à une revitalisation pérenne des lignes ferroviaires de dessertes fines du territoire rappelle tous les bienfaits du patrimoine des petites lignes pour le désenclavement des territoires : « La relance des petites lignes peut servir à des opérations de revitalisation des territoires. (…) Outre le fret, les petites lignes sont aussi indispensables pour le transport de voyageurs. Elles peuvent, dans certains cas, permettre d’améliorer considérablement l’accueil des touristes. De ce fait, il est regrettable qu’en Normandie, trois sites touristiques majeurs, Étretat, Honfleur et le Mont-Saint-Michel, ne soient pas desservis par le train. (…)
Outre l’amélioration de l’accueil des voyageurs occasionnels, le développement du transport de voyageurs sur les petites lignes permet de faciliter considérablement le quotidien des habitants. C’est le cas dans les territoires ruraux. Par exemple, pour rejoindre Agen à Auch, il faut prendre une ligne de bus qui est la plus fréquentée d’Occitanie et le trajet dure une heure et demie alors qu’en train, si la ligne n’avait pas été fermée, il ne durerait qu’environ 40 minutes. » ([21])
c. Une tendance préoccupante de recul des dessertes effectives sur le réseau de LGV
Selon les données de l’Autorité de régulation des transports (ART) ([22]), le niveau de dessertes effectives a reculé de 7 % globalement et reste en deçà de son niveau de 2017 pour toutes les catégories d’agglomération, à l’exception des agglomérations de plus de 700 000 habitants et, en particulier, celles de l’axe Atlantique.
Le niveau de fréquence a également reculé de 11 % pour les agglomérations de moins de 700 000 habitants, avec une baisse plus marquée de 13 % pour les gares proches du réseau LGV que celles sur lignes classiques (-8 %).
Toujours selon l’ART, « le réseau étant structuré autour des dessertes entre l’Île-de-France et les grandes agglomérations, cela signifie que la fréquence de dessertes a davantage diminué pour les agglomérations en amont des principales dessertes, à savoir les dessertes intermédiaires sur LGV, que celles en aval, c’est-à-dire en bout de ligne. »
Desserte TGV et dynamisme économique d’un territoire : quels liens ?
La fermeture d’une desserte ferroviaire conduit-elle à un recul du développement économique et démographique de la région concernée ou n’est-elle que le révélateur d’une baisse d’activité déjà engagée ?
Selon la Cour des comptes ([23]), « en ce qui concerne le développement économique, il existe un contraste entre l’opinion générale suivant laquelle une LGV est toujours un facteur positif de développement économique et les quelques études scientifiques qui dressent un bilan plus neutre.
Selon ces dernières, une région déjà dynamique le reste, avec ou sans LGV. Une région en difficulté le reste aussi et les exemples d’activités qui se développent autour des infrastructures ferroviaires nouvelles correspondent plus à des déplacements qu’à des créations nettes. »
Pour le directeur général de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet, auditionné par la mission, le train ne serait qu’un révélateur de l’attractivité ou de la baisse d’attractivité d’un territoire et non la cause d’une hausse ou d’une baisse du dynamisme d’un territoire. Les dessertes seraient ainsi des révélateurs économiques.
Par ailleurs, les petites gares sont moins bien desservies en services à bas coût, de type Ouigo, que les grandes gares parisiennes. Les services à bas coût ne représentent en effet que 5 % des dessertes dans les agglomérations de moins de 50 000 habitants contre 13 % dans les gares parisiennes.
B. La structuration de l’offre de fret
Le fret ferroviaire est un enjeu fondamental en matière d’aménagement du territoire, d’environnement, de sécurité et de développement économique. Il contribue au désenclavement des territoires en permettant de les connecter avec les grandes places de marché. Il est une réponse au besoin logistique des entreprises installées sur les territoires.
Toutefois, le modèle du transport ferroviaire, notamment conventionnel, est marqué par d’importantes charges fixes qui pèsent sur sa compétitivité face au transport routier de marchandises. Le développement du transport combiné rail-route permettrait de mieux concurrencer la route tout en proposant une offre plus adaptée aux besoins des chargeurs.
1. Le développement du fret ferroviaire conventionnel est étroitement lié à celui de l’industrie lourde
La première concession historique de fret ferroviaire est accordée en 1823. À compter de cette date, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises n’a fait que croître au cours du XIXe siècle et jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle où la part du fret atteint 73 % en 1948.
Le fret ferroviaire s’est historiquement développé autour de l’industrie lourde et du transport de produits en vrac, énergétiques, de construction ou encore les granulats et céréales. Ce mode massifié de transport correspond au fret ferroviaire conventionnel qui s’adresse directement aux chargeurs industriels. Les marchandises transportées, non conteneurisées, sont chargées directement dans des wagons dont la plupart sont spécialisées suivant le type de marchandises.
Dans le fret conventionnel, on distingue communément le transport massif sous forme de trains « entiers » ou « complets » et l’acheminement par « wagons isolés ».
a. Le transport massifié par trains « entiers »
Ces trains sont constitués d’un nombre important de wagons allant d’un même point d’origine à un même point de destination. Dans la quasi-totalité des cas, ils partent et arrivent sur une installation terminale embranchée (ITE) qui connecte les sites industriels ou les coopératives agricoles au réseau ferré national.
Si le transport massif par trains entiers est le segment correspondant classiquement au principal domaine de pertinence du fret ferroviaire, il s’adresse surtout aux industriels qui ont des besoins d’emport important de marchandises.
Aujourd’hui, ce mode de transport pâtit d’une trop grande rigidité pour répondre aux besoins de chargeurs et est en net recul.
b. L’acheminement de « wagons isolés »
Les « wagons isolés » proviennent de plusieurs ITE distinctes avant la constitution de lots de wagons réalisée à travers un réseau de gares de massification et de triage.
Les gares de triages sont des composantes essentielles de l’exploitation de ces services où s’opèrent le tri des wagons, la recomposition des rames et la formation des trains. Il en existe une soixantaine répartie sur l’ensemble du territoire hexagonal.
Le wagon isolé offre une solution intermédiaire entre le train massif et le camion et présente plusieurs atouts en matière de désenclavement. « Il permet de desservir les territoires avec des quantités de marchandises significatives mais insuffisantes pour permettre une massification totale de bout en bout. Il favorise l’accessibilité des sites industriels en assurant leur connexion efficace au réseau national et européen (…) ». ([24])
Toutefois, les coûts d’un transport en wagon isolé sont significativement plus élevés que ceux du train massif en raison des coûts de desserte qui sont supportés par l’opérateur ferroviaire. Le mode du wagon isolé est donc par construction déficitaire et en concurrence directe avec le transport routier dont les coûts fixes sont moindres.
Ce mode de transport, proposé historiquement par l’opérateur public Fret SNCF (aujourd’hui Hexafret) a ainsi progressivement été abandonné : « l’abandon de la desserte fine du wagon isolé au fil des plans de restructuration des années 2000 et 2010 a eu des répercussions sur l’ensemble du process industriel de la SNCF : moins de wagons isolés, c’est forcément moins de trains massifiés – de même que si l’on retire à une rivière ses plus petits affluents, on réduira forcément son débit. » ([25])
2. De l’ouverture à la concurrence du secteur au plan de discontinuité
L’ouverture à la concurrence des services de fret ferroviaire domestiques intervenue en France en 2006, de manière anticipée par rapport au délai prévu par les règles européennes ([26]), a conduit à une déstabilisation de l’opérateur historique Fret SNCF.
Selon le Gouvernement, cette ouverture à la concurrence s’est faite au détriment du développement de la part modale du fret ferroviaire et sans un accompagnement suffisant au niveau européen : « Avec une part de marché des nouveaux entrants d’environ 45 % aujourd’hui, la libéralisation du secteur s’est ainsi révélée plus rapide et plus forte que la moyenne européenne (…). Cette libéralisation du fret ferroviaire a souffert d’un accompagnement insuffisant au niveau européen. La règlementation européenne encadrant le secteur est en effet, jusqu’à aujourd’hui, essentiellement liée à des considérations concurrentielles et manque d’une stratégie cohérente de développement du ferroviaire en favorisant le report modal. Cette vision trop restreinte (…) a contribué à l’affaiblissement des acteurs de marché plutôt qu’à la constitution d’acteurs européens robustes, qui aurait sans doute permis au secteur de mieux résister face à la concurrence de la route. » ([27])
Dans un premier temps, l’ouverture à la concurrence s’est caractérisée par un positionnement des nouvelles entreprises ferroviaires sur les flux massifiés déjà réalisés par Fret SNCF. Cette concurrence intra-modale a permis d’apporter aux chargeurs une amélioration de la qualité de service tandis que le déclin du fret ferroviaire s’est ralenti avec une stabilisation de la part de marché autour de 10 % depuis 2011.
Toutefois, à la veille de la crise sanitaire, les entreprises ferroviaires de fret continuent à présenter des difficultés sur le plan financier malgré les aides mises en place par l’État ([28]). Selon la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, en 2019, les quatre principales entreprises ferroviaires représentant environ 85 % de l’ensemble du marché du fret ferroviaire présentent un chiffre d’affaires cumulé en baisse et un résultat net toujours significativement négatif :
Année |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Volume de trafic (milliards de tonnes, kilomètres) |
32 |
32,2 |
34,3 |
32,6 |
33,4 |
32 |
32,6 |
Chiffre d’affaires (M€) |
1 510 |
1 483 |
1 476 |
1 325 |
1 354 |
1 265 |
1 247 |
Résultat net (M€) |
-337 |
-287 |
-284 |
-343 |
-339 |
>-325 |
>-230 |
En 2023, la Commission européenne ouvre une enquête pour déterminer si certaines mesures de soutien à Fret SNCF étaient conformes aux règles en matière d’aides d’État ([29]) . Cette enquête portait sur trois points :
– le premier concernait « la couverture des pertes de Fret SNCF par la société mère SNCF entre 2007 et 2019 au moyen d’avance de trésorerie » ;
– le deuxième était « l’effacement de la dette financière accumulée par Fret SNCF entre 2007 et 2019 à l’occasion de sa transformation en une société commerciale (SAS) par voie d’une ordonnance des autorités françaises » ;
– le troisième point était relatif à l’injection de capital de « 170 millions d’euros réalisée par la SNCF dans sa filiale Fret SNCF à l’occasion de sa transformation en une société commerciale ».
Pour éviter une sanction, la France a proposé un plan de « discontinuité » qui vise à séparer l’activité de Fret SNCF en deux sociétés, l’une consacrée à la maintenance des trains et l’autre au fret. La société Hexafret a repris au 1er janvier 2025 80 % de l’activité de Fret SNCF dans le cadre du plan de discontinuité. Elle devra ouvrir son capital à partir de 2026.
Par ailleurs, dans le cadre de ce plan, une vingtaine de lignes de transport de marchandises devaient être cédées à la concurrence et la totalité des trains dédiés à un seul client. L’accord avec la Commission européenne s’accompagne également de la cession de 62 locomotives sur un parc de près de 730 machines, d’actifs immobiliers et du transfert de 10 % des effectifs au sein du groupe SNCF.
Les conséquences de ce plan de discontinuité sont lourdes pour Fret SNCF, désormais Hexafret, du fait de la perte des lignes les plus rentables. Selon les données de l’ART ([30]), en 2024, la part de marché de Fret SNCF s’établit à 42 % en tonnes.km, soit un volume de trafic inférieur de 23 % par rapport au niveau de 2022 alors que le trafic réalisé par les entreprises ferroviaires de fret rebondit en 2024 de 10 % par rapport au niveau de 2022.
Un point d’alerte supplémentaire : à la date de remise du rapport, la Commission européenne n’a toujours pas signé l’accord concernant le plan de discontinuité de l’ex-Fret SNCF, qui ne repose donc que sur un accord de principe pouvant être remis en question par la Commission.
3. Le transport combiné est le segment le plus dynamique du fret devant le fret conventionnel
Selon Alliance 4F, auditionnée par la mission, le mode combiné est clairement identifié comme le segment de marché le plus porteur pour le développement du fret ferroviaire dans les prochaines années car il massifie le plus le transport de marchandises tout en profitant de la souplesse de la route pour les premiers et derniers kilomètres.
Le transport combiné, associé aux autoroutes ferroviaires, se caractérise par :
– le transport des marchandises dans des unités de transport intermodal (UTI) qui peuvent prendre la forme de conteneurs, de caisses mobiles ou encore de semi-remorques ;
– ces UTI font l’objet de pré- ou post-acheminement routiers jusqu’aux terminaux de transbordement où elles sont transférées sur des trains sans rupture de charge.
Source : Schéma directeur du transport combiné
En France, le transport combiné représente actuellement environ un quart du transport ferroviaire de marchandises et un des segments du fret ferroviaire qui a le plus de potentiel de croissance. Sur la période 2010-2020, la part du fret conventionnel s’érode au profit d’une très forte dynamique du transport combiné :
Source : Schéma directeur du transport combiné
Si le modèle économique du transport combiné qui prévaut actuellement évalue à 600 kilomètres la distance de pertinence minimale pour rendre ce mode de transport compétitif et rentable, il conviendrait de travailler à une réduction de cette distance afin de développer le transport combiné au niveau régional et décupler ainsi son potentiel de développement. Selon le schéma directeur du transport combiné ([31]), « l’amélioration de la performance de l’offre sur des distances régionales inférieures à 500 kilomètres où les niveaux de demandes sont plus importants mais la concurrence routière accrue » représente un potentiel de 1 à 2 milliards de tonnes.km de marchandises.
Grâce à des solutions de transport plus légères, des infrastructures plus efficaces et un report modal plus agile, le transport combiné pourrait être compétitif et pertinent sur des distances inférieures à 200 kilomètres.
Recommandation n° 2
Travailler sur une réduction de la distance de pertinence minimale du transport combiné, en identifiant et levant les freins éventuels, afin de développer ce mode de transport au niveau régional.
II. Si le train connaÎt un succès grandissant auprès des voyageurs, sa part modale reste faible comparativement au mode routier, reflet des limites de l’offre ferroviaire pour répondre à la demande de mobilité accessible du quotidien
A. Alors que le train est au cœur de la stratégie de décarbonation, L’engouement pour le train de voyageurs est à nuancer au regard du bilan plus mitigé pour le fret ferroviaire
1. Le développement du transport ferroviaire est au cœur de la stratégie de décarbonation des transports
a. Le secteur des transports est le seul secteur dont les émissions de GES ont augmenté depuis 1990 dues en particulier aux émissions du transport routier
Depuis 1998, les transports sont les premiers contributeurs aux émissions nationales de gaz à effet de serre (GES).
En 2023, ils sont responsables de 34 % du total des émissions de GES nationales ([32]). Le transport routier est à l’origine de 94 % des émissions de GES du secteur des transports. La majorité des émissions de GES des transports proviennent des voitures particulières qui en représentent 53 % en 2023.
Le secteur des transports est par ailleurs le seul secteur où les émissions ont continué à progresser depuis 1990. Entre 1990 et 2023, le niveau des émissions de GES des transports a augmenté de 2,8 % tandis que les émissions de l’ensemble des autres secteurs diminuaient de 41 % ([33]).
Si les émissions unitaires des voitures particulières diminuent depuis les années 1990 grâce aux progrès technologiques, cela ne compense pas l’augmentation du trafic jusqu’en 2019. En outre, la réduction des émissions unitaires des voitures particulières est freinée par « le vieillissement du parc automobile, l’augmentation du poids et de la puissance des voitures particulières et la recomposition du parc en faveur de la motorisation à essence, plus émissive en CO2 ».
Les autres externalités négatives du transport routier sont désormais bien connues et chiffrées. En France, il est le mode de transport le plus émetteur de substances polluantes dans l’air. En 2023, il est le premier émetteur de cuivre, de zinc et d’oxyde d’azote. Les véhicules terrestres émettent également des particules fines en provenance de l’échappement, de l’usure des routes et de certaines pièces des véhicules. Or, ces particules ont des conséquences néfastes sur la santé : elles sont classées comme cancérigènes pour l’homme et peuvent causer des maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Ainsi, comme le souligne un rapport de 2023 de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur la valeur temps : « les inquiétudes à l’égard des impacts sur l’environnement et la santé humaine de la croissance des flux transportés et, en particulier, des trafics automobiles et aériens ont conduit depuis longtemps à faire progressivement évoluer les méthodes d’évaluation socio-économique pour prendre en compte ces externalités. » ([34])
b. Le transport ferroviaire est le mode de transport le plus vertueux pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’échelle européenne et nationale
Le transport ferroviaire ne représente que 0,3 % des émissions de GES nationales. Contrairement aux autres modes de transports notamment routiers et aériens, le mode ferroviaire génère même des externalités positives comme le rappelle l’ART ([35]) : « il permet de transporter des marchandises ou des voyageurs de manière sûre, efficace sur le plan énergétique et avec une emprise au sol limitée.
[…] L’Agence internationale de l’énergie (AIE) indique que le transport ferroviaire est près de 12 fois plus efficace énergétiquement que les transports routier et aérien au regard de l’énergie finale consommée par passager et environ 6 fois plus efficace pour le transport de marchandises. De plus, dans un pays comme la France où le mix électrique est largement décarboné, le train constitue le mode de transport le moins émetteur de CO2, environ 17 fois moins que l’autocar et 100 fois moins que la voiture individuelle.
Troisièmement, l’infrastructure ferroviaire consomme moins d’espace que la route à service équivalent. Ainsi, l’équivalent routier d’une ligne de mass transit permettant d’écouler 40 000 passagers par heure et par sens (en pointe) correspond à une autoroute de 2x14 voies. »
Déjà en 2018, les avantages du train sur les autres modes de transport étaient soulignés dans le rapport sur l’avenir du transport ferroviaire dit « rapport Spinetta » ([36]) : « Un voyageur en TGV émet 50 fois moins de CO2 par kilomètre parcouru qu’une voiture et 25 fois moins qu’en covoiture et 8 fois moins qu’en bus. Un train de fret émet 10 fois moins de CO2 que le nombre de poids lourds nécessaires pour transporter la même quantité de marchandises. »
Au regard des atouts environnementaux du mode ferroviaire, les cadres normatifs européens et nationaux ont évolué pour favoriser et inciter au report modal vers le train, tant pour le transport de voyageurs que de marchandises, faisant du transport ferroviaire un des axes principaux pour atteindre les objectifs de décarbonation.
Dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe présenté en 2019, l’Union européenne s’est fixée un objectif à l’horizon 2030 de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à leur niveau de 1990 ([37]). Dès 2020, la Commission européenne a publié une stratégie de mobilité durable et intelligente ([38]) appelant à une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, trois leviers sont privilégiés par la Commission :
la réduction de la dépendance du secteur des mobilités aux combustibles fossiles ;
le report modal vers des modes de transports plus durables ;
l’application du principe « pollueur – payeur » pour les usagers de modes de transports carbonés.
Au niveau national, le développement d’une politique ambitieuse de report modal s’avère également indispensable pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports.
Ainsi, l’article 73 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ([39]) prévoit que « la France se fixe l’objectif d’atteindre, d’ici à 2050, la décarbonation complète du secteur des transports terrestres » et le renforcement du report modal dans le transport de marchandises figure parmi les priorités de la politique d’investissement définie par le rapport annexé à cette loi.
Dans la même lignée, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ([40]), dite loi « Climat et résilience », fixe pour objectif de « tendre vers le doublement de la part modale du fret ferroviaire […] dans le transport intérieur de marchandises d’ici 2030 » ([41]) et vise l’augmentation de la part modale du transport ferroviaire de voyageurs : « pour atteindre les objectifs d’augmentation de la part modale du transport ferroviaire de +17 % en 2030 et de +42 % en 2050, tels que définis par la stratégie nationale bas carbone, l’État se fixe pour objectif d’accompagner le développement du transport ferroviaire de voyageurs. » ([42]) Le législateur a également adopté une disposition visant à interdire certains vols intérieurs en cas d’alternative en train d’une durée de moins de 2 heures 30 afin d’inciter au report modal vers le mode ferroviaire. ([43])
La troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC3) fixe ainsi un objectif de hausse du trafic ferroviaire de 50 % à horizon 2040 tandis que la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, définie en application de l’article 131 de la loi climat et résilience, fixe l’objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire de 9 % à 18 % d’ici à 2030, ce qui reviendrait à porter le trafic à environ 65 milliards de tonnes-kilomètres. À plus long terme, l’État se fixe l’objectif d’atteindre une part modale pour le fret ferroviaire de 25 % à l’horizon 2050.
2. Si les chiffres de fréquentation sont en hausse pour le transport de voyageurs, les résultats sont plus mitigés pour le transport de marchandises
a. L’année 2024 est une nouvelle année « record » pour le niveau de fréquentation des trains de voyageurs
En 2023, le transport ferroviaire de voyageurs atteignait un niveau historique en affichant une hausse de 8,1 % de fréquentation par rapport à 2019 avec 107 milliards de voyageurs-kilomètres transportés ([44]). La hausse est portée, d’une part, par le trafic des voyageurs sur les trains à grande vitesse, qui représente 60 % du transport ferroviaire de voyageurs en 2023 et excède de près de 10 points son niveau de 2019 et, d’autre part, par le trafic des TER lequel dépasse de 36 % son niveau de 2019. En 2023, les TER ont ainsi transporté 378,1 millions de voyageurs sur les 434 lignes ferroviaires exploitées ([45])
Cette tendance haussière se confirme en 2024 avec une fréquentation des trains de nouveau « record » pour la troisième année consécutive pour l’ensemble des services voyageurs ([46]). Avec 114 milliards de passagers.km transportés, la fréquentation a atteint un niveau supérieur de 6 % au niveau de 2023 et de 14 % au niveau de 2019.
● La hausse la plus forte est enregistrée pour les services conventionnés interurbains (TER et Intercités) dont la fréquentation a augmenté de 11 % en 2024 par rapport à 2023.
● En 2024, la fréquentation des services librement organisés (SLO), à savoir les trains à grande vitesse, a atteint 110 % de son niveau d’avant crise sanitaire grâce à une croissance annuelle de 4 %.
● La croissance de la fréquence a été portée par une progression de l’offre, impliquant des taux d’occupation relativement stables par rapport à 2023, à 51 % en moyenne, même si on peut relever des évolutions différentes selon le type de train de voyageurs.
Les TGV ont vu leur moyenne de taux d’occupation reculer d’un point sur les lignes domestiques, s’établissant toutefois à un niveau très élevé de 76 %.
Les lignes conventionnées de proximité (TER) ont quant à elles vu leur taux d’occupation progresser de 4 points pour dépasser un taux moyen annuel d’occupation de 30 %.
Focus : le succès croissant des trains de nuit en France
En 2024, 950 000 passagers ont emprunté les lignes intérieures de nuit, ce qui représente une hausse de 23 % par rapport à 2023. En comptabilisant les passagers des lignes de nuit internationales Paris-Vienne et Paris-Berlin, plus d’un million de passagers se sont déplacés en train de nuit en 2024. En comparant aux chiffres de l’année 2019, cette hausse est encore plus spectaculaire avec plus 130 % de fréquentation en cinq ans.
Cette hausse est due à la fois à la réouverture des liaisons de nuit vers Nice, Tarbes et Aurillac et à un taux de fréquentation plus important sur les lignes existantes.
Le taux d’occupation des trains de nuit en 2024 atteint 76 % en moyenne, soit 11 points de plus qu’en 2023 et cette hausse concerne toutes les lignes. Du fait du fort taux de remplissage des trains, parfois entièrement pleins sur certaines périodes comme en été sur la ligne Paris-Nice, les voyageurs se retrouvent parfois contraints de renoncer au train de nuit et de choisir un autre mode de transport souvent plus polluant ou de renoncer à leur déplacement.
Source des données : https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2025/05/rac-train-vdef.pdf
Ces chiffres témoignent d’un véritable engouement des voyageurs pour le transport ferroviaire, qu’il soit à grande vitesse, de longue distance ou de proximité. Cependant, s’il y a de plus en plus de voyageurs dans les trains et de plus en plus de personnes qui voyagent en train, la part modale du transport ferroviaire n’augmente pas ou très peu. Ce constat laisse supposer que si les personnes se déplacent toujours plus, cela vaut pour tous les modes de transport confondus, en particulier pour la voiture particulière. Si cette demande en transport bénéficie mécaniquement également au train, sa part ne progresse pas assez rapidement pour opérer un report modal de masse conforme aux objectifs nationaux et européens.
b. Les chiffres du fret ferroviaire
Depuis l’an 2000, le fret ferroviaire a connu une contraction de ses volumes (-43 %) qui s’est amplifiée ces dernières années.
Sur cinq ans, le transport ferroviaire de marchandises sur le territoire français a diminué de 2,8 % par an en moyenne.
évolution du transport intérieur ferroviaire de marchandises
En 2023, le transport terrestre de marchandises connaît un recul de 4 points, après une baisse de près de 1 point en 2022. Si l’activité diminue pour tous les modes de transport qu’ils soient routier ou fluvial, le fret ferroviaire connaît le repli le plus important avec une baisse de 16,7 % de son activité par rapport à 2022 ([47]).
En 2024, le trafic réalisé par les entreprises ferroviaires de fret rebondit de 10 points par rapport à 2023 mais le niveau reste toujours de 10 points en deçà de l’activité de 2021. Ce rebond de l’activité est porté en premier lieu par le transport combiné qui progresse de 20 % en tonnes.km, contribuant à 85 % de la hausse constatée par rapport à 2023. Le transport conventionnel connaît une croissance très faible entre 2023 et 2024.
B. Toutefois, la part modale du train reste faible, signe que l’offre actuelle ne répond qu’imparfaitement aux besoins de transport sur l’ensemble du territoire
1. La part modale du train, quoiqu’en légère hausse pour le trafic de voyageurs, reste relativement faible notamment par rapport au transport routier
Si le transport ferroviaire a constitué le mode de transport de marchandises et de voyageurs dominant entre 1850 et 1950 en représentant plus de 90 % du transport de voyageurs dans la première moitié du XXe siècle en France et encore près de 60 % en 1950, sa part modale n’a fait que décliner au cours de la seconde moitié du XXe siècle – en 2016, il ne représentait que 9,2 % du transport de voyageurs.
Pour autant, les trafics ferroviaires de voyageurs ont plus que doublé entre 1950 et aujourd’hui. Toutefois, les trafics des autres modes, en particulier de la voiture, ont connu une croissance bien plus considérable que celle du train, entraînant le recul de sa part modale.
a. La part modale du transport ferroviaire de voyageurs
Le transport ferroviaire compte pour 11,4 % de l’ensemble des kilomètres parcourus en France chaque année, soit près de 4 fois moins que le nombre de kilomètres réalisés en voiture ([48]).
Dans certains pays européens voisins, la part du train dans le transport de voyageur est considérablement supérieure. En Suisse, pays considéré comme la référence du transport ferroviaire sur le continent européen, la part modale du transport ferroviaire de voyageurs est de 20 % de même qu’en Allemagne. En Autriche, la part modale du train atteint même 30 % pour le transport de voyageurs. ([49])
b. La part modale du fret ferroviaire
En dix ans, la part modale du fret ferroviaire a stagné jusqu’en 2022 par rapport au niveau de 2014, puis a enregistré un recul en 2023 en passant sous le seuil de 9 % de part modale au profit du mode routier, qui a progressé de 3 points entre 2014 et 2023 pour s’établir à 89,3 %.
En effet, en 2023, les parts modales du transport intérieur de marchandises évoluent au détriment du train dont la part modale recule de 1 point pour s’établir à 9 % au profit de la route, qui progresse de 1 point et représente 89 % du fret en France.
Si le niveau du trafic de fret a légèrement rebondi en 2024, il reste inférieur de 10 % à l’activité de 2021.
Au regard de ces derniers chiffres, tous les acteurs du fret s’accordent sur le fait que l’objectif de doublement de la part modale du fret d’ici à 2030 ne pourra pas être atteint.
2. Si de plus en plus de Français souhaitent se déplacer en train, ce mode de transport paraît encore trop coûteux, pas toujours accessible ni assez fiable
Pour développer une offre de transport ferroviaire adaptée aux besoins de mobilité de la population et des entreprises comme pour améliorer le report modal, il est essentiel d’avoir une bonne connaissance des usages actuels du train, des attentes des usagers ainsi que de leur perception de ce mode de transport.
Si un des aspects du désenclavement des territoires par le train implique de rapprocher le train d’une plus grande partie de la population en développant l’offre ferroviaire, il nécessite également de connaître les attentes de ces populations pour développer une offre ferroviaire au plus près de leurs besoins.
Tous modes ferroviaires confondus, les mobilités de travail ne représentent que 20 % des déplacements réalisés en train selon le Forum Vies Mobiles.
Les voyageurs ont recours au train le plus souvent dans un cadre personnel ou de loisir : pour rendre visite à leurs proches (50 % des usagers), pour partir en vacances (46 % des usagers) ou encore pour partir en week-end (43 % des usagers) selon une étude de Réseau Action Climat (RAC) de 2023 ([50]).
Fréquence d’usage du train selon l’activité
Fréquence d’usage du train selon l’activité, enquête Harris-RAC sur les Français et l’usage du train, 2023
Parmi les flux inter-régionaux, les flux avec l’Île-de-France sont majoritaires et concentrent les déplacements professionnels et réguliers. La part de déplacements en train pour des motifs professionnels et réguliers est supérieure de plus de 10 points (66 % des déplacements contre 54 %) dans les relations avec l’Île-de-France que dans les autres déplacements inter-régionaux ([51]).
i. Le profil des usagers selon le type de trains
Selon une enquête menée par la FNAUT ([52]), la moitié des Français a utilisé au moins un type de train au cours des douze derniers mois :
– le TGV est le mode ferroviaire utilisé par le plus de Français – près de 43 % des Français ont pris le TGV au moins une fois dans l’année contre 36 % pour le TER ;
– le TER est cependant le type de train le plus fréquemment utilisé : 7 % des Français l’utilisent hebdomadairement contre 4 % pour le TGV et Intercités.
Ces statistiques soulignent que près de la moitié des Français ne sont pas acculturés à l’usage du train, même exceptionnellement. Les utilisateurs du train y ont plutôt recours ponctuellement et principalement en TGV.
● Le profil des voyageurs en train à grande vitesse présente deux traits caractéristiques ([53]) :
une surreprésentation des cadres : alors qu’ils ne forment que 10 % de la population, ils représentent près de la moitié des usagers du TGV mais ils ne comptent que pour 34 % des usagers de l’offre « low cost » Ouigo ;
une part de déplacements professionnels plus importante que pour les autres modes : les déplacements professionnels constituent 27 % des trajets effectués en TGV.
● Le profil des usagers du train de nuit est très varié : en semaine, il est utilisé en particulier par les professionnels. Selon le collectif « Oui au train de nuit », les trains de nuit sont empruntés par 15 % d’usagers professionnels et jusqu’à 30 % des usagers sur certaines lignes comme sur la ligne Paris-Toulouse. Par ailleurs, avec le développement du télétravail, les lignes de nuit sont davantage utilisées sur l’ensemble de la semaine.
Sur l’origine géographique des usagers, les trains de nuit sont davantage empruntés par des usagers habitants en dehors de l’Île-de-France (60 % des usagers).
ii. Si la voiture reste le moyen de transport privilégié au quotidien, le train devient une alternative de choix pour les trajets de moyenne à longue distance
La distance à parcourir est un des critères de choix entre les différents modes de transports à disposition bien que la voiture individuelle reste le mode de transport privilégié, quelle que soit la distance à parcourir :
– 73 % des Français indiquent préférer utiliser leur voiture personnelle pour des trajets inférieurs à 100 kilomètres ;
pour des trajets entre 300 et 500 kilomètres, 28 % des Français privilégient le recours au train ;
au-delà de 500 kilomètres de trajet, 30 % des Français privilégient l’avion.
Si le train est perçu comme une alternative à la voiture surtout pour les distances entre 300 et 500 kilomètres, son vrai potentiel de développement se situe surtout sur les déplacements de 100 à 300 kilomètres, car pratiqués davantage fréquemment par les Français ([54]).
b. La perception du train et de son accessibilité
Quel que soit l’objectif du voyage, dans près de deux tiers des cas, le train est choisi pour des raisons de praticité et de rapidité selon l’étude menée par le RAC sur les Français et l’usage du train en 2023 ([55]). Le train bénéfice ainsi d’une très bonne image, ce que confirme l’étude menée par la FNAUT en 2024 : « il est écologique, sécurisé, adapté pour les trajets longs et confortable ».
Les avantages écologiques et économiques de ce mode de transport sont également mentionnés comme des motivations importantes dans l’étude du RAC. 82 % des Français considèrent que le train est un mode de transport écologique ([56]). En effet, dès la première moitié du XXe siècle, le train a pris le virage de l’électrification, mouvement qui s’est accéléré dans les années 1960 avec l’arrivée du nucléaire dans le mix énergétique français. Aujourd’hui, les voies non électrifiées du réseau ne représentent qu’une part limitée de celui-ci (19 %) ([57]). Grâce à un mix électrique largement décarboné en France, le train constitue le mode de transport le moins émetteur de CO2 comparativement au mode routier.
Si les deux tiers des Français se sentent plutôt bien desservis par le train, cet indicateur global occulte une forte disparité territoriale ([58]) :
– 81 % des habitants de grandes agglomérations se sentent bien desservis par le train ;
– seuls 35 % des habitants des zones rurales partagent ce constat.
Toutefois, le train est également perçu comme manquant de fiabilité et comme n’étant pas assez bon marché. Ce constat est particulièrement ancré auprès des non-utilisateurs du train qui trouvent ce mode de transport peu fiable, peu pratique et peu flexible.
Les éconduits de la voiture individuelle
Dans un système conçu pour le « tout voiture », ce mode de transport n’est pas forcément un gage de liberté de déplacement comme le souligne le Forum Vies Mobiles. En effet, selon ce dernier, il faut tenir compte du fait que :
– 30 % de la population ne peut pas conduire en raison de son âge, notamment les mineurs, de l’absence de permis de conduire ou encore d’incapacité physique ;
– parmi les 70 % de la population restant, seulement 20 % de celle-ci se sentirait libre de conduire à tout moment. Pour les 80 % autres, les contraintes liées à la conduite nocturne, au coût d’usage de la voiture, aux conditions météorologiques empêchent de pouvoir se déplacer en voiture.
Désenclaver les territoires par le train, c’est aussi avoir l’ambition d’offrir une solution de mobilité accessible aux « éconduits » de la voiture individuelle.
c. Les freins au recours au transport ferroviaire
75 % des Français qui ne prennent pas le train ont le sentiment de privilégier un autre moyen de transport alors même qu’il leur serait possible de l’utiliser. Le potentiel de report vers le mode ferroviaire est donc considérable.
Il convient dès lors d’identifier les raisons qui freinent ces voyageurs à se déplacer en transport ferroviaire.
Parmi les principaux freins au recours au train, le prix ainsi que les critères de qualité de l’offre, à savoir la fréquence, la fiabilité et la rapidité des trains arrivent en tête, en lien avec le manque de dessertes en dehors des grandes agglomérations.
i. Le prix trop élevé du train, en particulier du TGV
Le prix constitue le principal frein à l’usage du train. Alors que 53 % des Français considèrent d’abord le critère du prix lorsqu’ils choisissent un mode de transport, seuls 34 % d’entre eux trouvent le train comme étant bon marché.
Le TGV est principalement exclu par les voyageurs du fait de son coût jugé trop élevé, en particulier pour des réservations de dernière minute. Selon l’enquête menée par la FNAUT, 21 % des non-utilisateurs du TGV le rejettent en premier du fait de son prix.
La décomposition du prix d’un billet de train : TGV et TER
Alors que les tarifs d’un trajet en TER sont relativement fixes, le prix des billets de TGV obéit aux règles d’une tarification dynamique, le yield management soit la « tarification en temps réel » entraînant une forte volatilité des prix dans le temps. La tarification du TGV applique le système de tarification déjà utilisé dans le transport aérien
L’autre différence entre le prix d’un billet de TER et le billet de TGV est que dans le premier cas les régions prennent en charge les deux tiers du coût d’exploitation tandis que dans le cas du billet de TGV, l’usager paie l’intégralité du prix, notamment du coût d’exploitation dont le péage d’infrastructure qui représente 30 à 40 % du coût du billet.
Source : FNAUT
Si, malgré des tarifs élevés, le taux d’occupation des TGV reste élevé, supérieur à 75 % en 2024, ce taux est à mettre en regard de la politique de réduction de l’offre poursuivie par SNCF Voyageurs depuis plusieurs années sur le segment de la grande vitesse en France. En effet, comme le révèle la FNAUT ([59]), entre 2025 et 2023, l’offre grande vitesse a diminué de 1,53 % (en sièges.km ([60]) offerts). Cette baisse est encore plus marquée sur l’offre inOui : - 24 % de sièges.km sur la même période. Elle résulte notamment de la réduction de la flotte de TGV de SNCF Voyageurs en France, qui est passée de 482 rames en 2012 à 376 en 2024.
Dans une moindre mesure, le coût du trajet fait également partie des raisons de la non-utilisation du TER.
Recommandation n° 3
Faire baisser le prix du TGV pour les usagers en augmentant l’offre de grande vitesse notamment par l’acquisition de nouvelles rames afin d’accroître la flotte de TGV en France.
ii. Le défaut de fiabilité et de régularité
La non-utilisation du TER, au-delà du prix, est principalement liée au manque de dessertes, à l’amplitude des horaires de passage et au fait de ne pas être sûr d’arriver à l’heure. Dans l’enquête Ifop pour la FNAUT, 34 % des non-utilisateurs placent le manque de dessertes parmi les cinq premiers motifs de non recours au TER.
De façon similaire, les voyageurs n’ont pas recours aux trains Intercités du fait du manque de dessertes, des retards et des perturbations.
Si le prix arrive en tête des attentes prioritaires vis-à-vis du train auprès des utilisateurs, les critères de qualité de l’offre font également partie de leurs principales attentes, notamment la fiabilité et la ponctualité des trains.
iii. Le manque d’accès aux gares
L’accès aux gares est un enjeu majeur pour permettre le report modal vers le train. Actuellement, la majorité des usagers du train ainsi que les non-utilisateurs estiment qu’il est difficile d’accéder aux gares, que ce soit en voiture, à vélo ou à pied ([61]) :
– 77 % des Français estiment qu’il est difficile de stationner sa voiture à la gare pour prendre ensuite son train en raison de l’absence de parking ou de son coût ;
– 66 % des Français pensent qu’il est difficile de garer son vélo à la gare de manière sécurisé ;
– 62 % des Français pensent qu’il n’est pas agréable de se rendre à la gare à pied.
deuxième partie : Les défis du transport ferroviaire
I. Le financement de la régénération et de la modernisation du réseau
A. Les besoins de financement du réseau
Le réseau ferré national (RFN), qui comprend 28 072 km de lignes, est structuré en trois catégories répondant à des mécanismes de financement distincts :
– le réseau structurant ;
– les lignes de desserte fine du territoire (LDFT) ;
– les lignes capillaires de fret.
Le réseau structurant
Le réseau structurant représente 17 000 km de lignes, soit un peu plus de la moitié du RFN. Il comprend 2 700 km de lignes à grande vitesse et 14 300 km de lignes du réseau classique. Il concentre 90 % du trafic ferroviaire total.
La gestion et le financement du réseau structurant sont assurés par le gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau dans le cadre du contrat pluriannuel de performance liant le gestionnaire à l’État.
1. Les sources de financement actuelles
À chaque catégorie du réseau ferré national correspond un mécanisme de financement propre, ce qui peut complexifier la lisibilité des mécanismes de financement du réseau dans sa globalité.
a. Le financement du réseau structurant
L’entretien, la maintenance, la régénération et la modernisation ainsi que le développement du réseau structurant sont assurés par le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, dont les ressources sont prévues à l’article L. 2111‑24 du code des transports. Ces ressources sont constituées essentiellement des recettes des redevances d’infrastructure et des concours publics.
– Les redevances ou péages ferroviaires ([62]) constituent la grande majorité des revenus de SNCF Réseau. En 2024, les redevances représentent 84 % de son chiffre d’affaires et s’élèvent à 6,6 milliards d’euros, montant en hausse par rapport à 2023 ;
Elles influent directement sur la capacité d’autofinancement du gestionnaire pour maintenir et développer le réseau.
Afin de financer ses projets d’investissement, SNCF Réseau reçoit également des subventions en vertu de conventions de financement conclues avec l’État, les collectivités territoriales, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) et des acteurs privés ainsi que via le fonds de concours de l’État.
Quel avenir pour le fonds de concours de l’État ?
Le fonds de concours est le dispositif par lequel l’État fait le choix de renoncer à ces dividendes et de les reverser à SNCF Réseau pour participer au financement de la régénération et de la modernisation du réseau.
Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, la question du devenir du mécanisme de fonds de concours se pose.
Une première option à l’étude serait de faire contribuer les opérateurs alternatifs à SNCF Voyageurs circulant sur le RFN au fonds de concours. Ces opérateurs, auditionnés par la mission, contestent cette option en argumentant qu’ils participent déjà au financement du réseau via les péages ferroviaires dont ils s’acquittent à hauteur de leur utilisation des infrastructures. Cette option pourrait alors prendre la forme d’une taxation spécifique s’appliquant aux opérateurs ferroviaires afin de les faire contribuer de manière identique au financement du réseau.
Une seconde option serait de remettre en question l’existence même du fonds de concours. La suppression du fonds de concours, qui pourrait être remplacé par une dotation budgétaire de l’État, permettrait par ailleurs de rompre le lien financier entre SNCF Voyageurs et SNCF Réseau, ce qui renforcerait les garanties d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure.
Au titre de 2024, SNCF Réseau a investi 5,5 milliards d’euros dont 3,1 milliards pour la régénération du réseau :
– SNCF Réseau a perçu 1,7 milliard d’euros via le mécanisme de fonds de concours dont notamment 925 millions d’euros de dividendes SNCF prévus au contrat ; 290 millions d’euros de contribution exceptionnelle du groupe ; 300 millions d’euros pour maintenir le niveau de la régénération et de la modernisation en compensant l’inflation ;
– le reste des 3,1 milliards a été financé par les recettes liées aux péages ferroviaires ;
Les subventions appelées par SNCF Réseau, qui s’élèvent à 2,8 milliards d’euros dont 497 millions d’euros auprès de l’AFITF, financent des opérations de développement du réseau.
Selon les données de l’Autorité de régulation des transports (ART), le fonds de concours représente 31 % de l’ensemble des investissements bruts réalisés et 55 % des seuls investissements de renouvellement et de modernisation.
b. Le financement des infrastructures de fret et des petites lignes
Les LDFT d’intérêt national sont financées par SNCF Réseau avec les mêmes recettes que celles décrites ci-dessus.
Dans le cas des LDFT de catégorie 2, à savoir la majorité d’entre elles, le financement de leur renouvellement et de leur modernisation est prévu depuis 2005 par des protocoles d’accord, dont le financement est identifié dans le cadre des contrats de plan État – Région avec une participation de SNCF Réseau plafonnée à hauteur de 8,5 %, participation qui ne peut toutefois financer des infrastructures nouvelles. Huit protocoles d’accord ont été conclus en ce sens avec les régions. Les CPER 2023‑2027 prévoient ainsi 2,6 milliards d’euros d’investissements, dont 780 millions d’euros de l’État.
Les contrats de plan État-Région (CPER) intègrent également les investissements dans les lignes capillaires de fret.
Selon le programme d’investissement pour le fret ferroviaire 2023-2032 intitulé « Ulysse Fret » de la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, le montant global engagé en 2024 pour le maintien en exploitation des lignes capillaires de fret est de 67 millions d’euros. Il devrait être de 60 millions d’euros en 2025.
Dans le rapport Ulysse Fret, le ministère des transports, avec SNCF Réseau et l’Alliance 4F, pointe les limites des CPER sur le volet fret : « les CPER des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Île‑de‑France et Bourgogne-Franche-Comté sont peu détaillés en matière de capillaire, ce qui interroge sur le maintien en performance des lignes concernées. »
Hors réseau structurant, il est difficile d’avoir une vision d’ensemble et exhaustive du financement du réseau dans sa globalité, intégrant les petites lignes et les lignes capillaires de fret.
2. Les besoins de régénération et de modernisation du réseau structurant
Enrayer le vieillissement et le risque d’obsolescence du réseau ferroviaire national structurant nécessitera d’importants efforts d’investissement en matière de régénération et de modernisation du réseau.
Selon les recommandations du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI), les travaux de régénération du réseau devront être programmés et inscrits dans la loi de finances avant les travaux de modernisation. Deux raisons motivent ce séquençage. D’une part, les urgences en matière de régénération couvrent l’ensemble des mailles du réseau et doivent donc être traitées en priorité. D’autre part, en lien direct avec le premier motif, il est plus pertinent de moderniser un réseau régénéré que l’inverse.
a. Les besoins de régénération
La régénération du réseau, notion proche du renouvellement du réseau, comprend « les opérations de remplacement des composants de l’infrastructure ferroviaire réalisées sur le réseau existant ».
Les travaux de régénération permettent de compenser le vieillissement et la dégradation de l’infrastructure qui conduisent à une baisse de la qualité de service. En effet, une voie hors d’âge présente des risques de défaillance plus importants, ce qui conduit par exemple à réduire la vitesse de circulation autorisée sur la ligne pour maintenir la sécurité. La performance du réseau dépend de l’état de ses équipements.
Plusieurs audits externes réalisés depuis 2005 sur le réseau structurant, à la demande de SNCF Réseau, concluent à un vieillissement préoccupant du réseau et de ses actifs :
– s’agissant de la voie : l’âge moyen est de 30 ans, ce qui est élevé avec 16 % du réseau proche de sa durée de fin de vie théorique ;
– s’agissant des appareils de signalisation, essentiels à la performance de l’exploitation ferroviaire : l’âge moyen est de 26 ans et la tendance va perdurer d’ici 2030 sans moyens supplémentaires ;
– s’agissant des caténaires : l’âge moyen est de 40 ans.
Selon l’ART, « en l’absence de régénération, les trafics seraient réduits de moitié dès la fin des années 2020 et risqueraient de disparaître complètement dans le courant des années 2040 » ([63]).
b. Les besoins de modernisation
La modernisation du réseau recouvre la mise en place de deux systèmes qui visent à augmenter la performance du réseau avec des gains attendus de productivité, de capacité et d’interopérabilité.
D’une part, le déploiement de la commande centralisée du réseau (CCR) doit permettre de rationaliser l’exploitation du réseau en regroupant l’essentiel des postes d’aiguillage. Selon les données de l’ART, la France est très en retard avec un déploiement de seulement 18 % de la CCR en 2024. Si les montants prévus à cet effet (450 millions d’euros par an) ne sont pas revus à la hausse, l’achèvement du déploiement de la CCR ne sera pas possible avant 2070.
D’autre part, le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) présente également beaucoup de retard en France. L’ERTMS n’est déployé à ce jour que sur environ 1 100 km du réseau, ce qui représente seulement 12 % de l’objectif européen fixé pour 2030.
c. Le risque de décrochage, voire d’attrition du réseau structurant
Si les trajectoires d’investissement actuelles, notamment celle prévues par le contrat de performance 2021-2030 pour le renouvellement et la modernisation du réseau, ne sont pas revues à la hausse dès 2028, le gestionnaire de réseau devra faire face à une « spirale de paupérisation industrielle » selon l’ART.
Il y a urgence à agir. Selon SNCF Réseau : « le réseau ferroviaire a atteint un point où le report des investissements risque de le fragiliser de manière irréversible. Plus les opérations de régénération sont retardées, plus le réseau se dégrade, plus les travaux de remise à niveau se complexifient et plus les coûts augmentent ». Concrètement, le gestionnaire de réseau anticipe que dès 2028, près de 4 000 km de lignes seraient concernées par l’effondrement irréversible de la qualité de service avec des conséquences sur plus de 2 000 trains par jour.
Par ailleurs, sans investissement de modernisation supplémentaire, SNCF Réseau anticipe les renoncements suivants : « nous ne pourrons pas déployer les projets de commande centralisée du réseau […] nous devrons renoncer aux obligations européennes en matière d’interopérabilité, […] la pertinence des projets de développement, en particulier des services express régionaux métropolitains (SERM) devra être requestionnée. »
Renoncer aux investissements nécessaires dans le réseau, ce serait donc compromettre le développement de l’offre de transport des années à venir alors que la demande en train ira croissante et que le transport ferroviaire est la clef d’une décarbonation des transports réussie.
Chiffrage retenu pour le réseau structurant
Les rapporteurs s’accordent sur le fait que le montant minimum nécessaire pour enrayer le vieillissement du réseau structurant et le moderniser est évalué à 1,5 milliard d’euros supplémentaires à compter de 2028 pour atteindre 4,5 milliards d’euros d’investissements annuels.
Le groupe SNCF s’est engagé à financer 500 millions d’euros par an au titre de l’accélération demandée de 1,5 milliard d’euros annuels.
Il restera donc 1 milliard d’euros par an à financer à partir de 2028 pour la régénération et la modernisation du réseau structurant.
Les dernières données disponibles n’intègrent pas le coût de l’adaptation du réseau structurant au changement climatique. Un travail de chiffrage est actuellement mené par SNCF Réseau pour proposer une trajectoire détaillée d’investissements en la matière.
3. Les besoins de financement des petites lignes et du fret ferroviaire
Au-delà du réseau structurant, il est nécessaire de tenir compte également des besoins en financement des petites lignes ainsi que du fret ferroviaire pour avoir un panorama d’ensemble des besoins du réseau ferroviaire.
Depuis 2005, les contrats de plan État-Région ont été mis à contribution pour financer des investissements de renouvellement sur les lignes de desserte fine du territoire.
Cependant, l’audit mené en 2005 sur l’état du RFN préconisait d’atteindre un budget annuel de renouvellement de 3,5 milliards d’euros qui n’a pas encore été atteint. Aux conditions économiques de 2015, le niveau d’investissement sur le réseau atteint 2,7 milliards d’euros selon SNCF Réseau.
En 2020, le rapport Philizot ([64]) estimait qu’il faudrait engager 6,4 milliards d’euros pour la rénovation des LDFT entre 2000 et 2028, soit environ 700 millions d’euros supplémentaires.
Chiffrage pour les LDFT de catégorie 2
À ce stade, il n’existe pas de données actualisées et exhaustives sur les besoins en financement pour la régénération et la modernisation des petites lignes de catégorie 2 dans le cadre des CPER au-delà de 2028.
Selon le programme d’investissement Ulysse Fret, les besoins en régénération des installations existantes sur la période 2023-2032 sont les suivants :
– lignes capillaires : 700 millions d’euros ;
– voies de services : 717 millions d’euros ;
– installations de tri : 118 millions d’euros ;
– installations terminales embranchées : 200 millions d’euros.
Soit un besoin de régénération évalué à 1,7 milliard d’euros.
Pour le volet modernisation, le programme Ulysse Fret a chiffré les besoins suivants sur la même période :
– augmentation de la capacité en ligne : 982 millions d’euros ;
– rehaussement des gabarits pour le transport ferroviaire de semi-remorques : 530 millions d’euros :
– augmentation de la capacité des terminaux existants et création de nouveaux terminaux : 1 milliard d’euros ;
– développement du système numérique : 199 millions d’euros.
Soit 2,7 milliards d’euros.
Un besoin de financement n’a toutefois pas été chiffré par le programme Ulysse Fret selon Hexafret et Alliance 4F, auditionnés par la mission. Il s’agit du besoin de désaturation des nœuds ferroviaires autour de Paris, Lyon et Lille.
Ces investissements sont indispensables pour éviter un nouveau décrochage du fret français et pour tenir l’engagement d’un doublement du fret ferroviaire même s’il ne sera pas atteint dès 2030. Selon l’UTPF, auditionnée par la mission, « en l’absence d’investissements importants au cours des 10 à 15 prochaines années, de nombreux terminaux multimodaux seront saturés ou vieillissant et ne permettront pas de développer le transport combiné. »
Chiffrage retenu pour le fret
– Le programme d’investissement Ulysse Fret a chiffré à 4 milliards d’euros d’investissements sur 10 ans, dont 1/3 pour la régénération des infrastructures de fret et 2/3 pour leur modernisation et développement, afin d’atteindre l’objectif de doublement de la part modale du fret.
Sur ces 4 milliards d’euros, 2 milliards d’euros seront apportés par l’État dans le cadre des CPER.
– De façon complémentaire, un besoin estimé à 7 milliards d’euros par Hexafret est nécessaire pour financer les travaux de contournement des nœuds ferroviaires ; à ce stade aucune source de financement connue n’a été planifiée ni fléchée pour y répondre.
B. De la nécessité d’une gouvernance renforcée et d’une coordination du système ferroviaire
Au fil de chacune des auditions, le constat d’un manque de gouvernance et de pilotage du secteur ferroviaire a été exprimé par toutes parties prenantes entendues par la mission. Or, la condition du succès des investissements qui devront être financés repose sur des engagements de long terme crédibles, pilotés et priorisés. Une coordination des autorités organisatrices ferroviaires, en particulier des AOM régionales, serait également souhaitable et nécessaire.
1. Les limites du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau
En avril 2022, l’État et SNCF Réseau ont signé le premier contrat pluriannuel de performance, couvrant la période 2021-2030, mettant en œuvre la réforme du nouveau pacte ferroviaire de 2018. Or, ce contrat présente des insuffisances s’agissant de la programmation et du pilotage du secteur ferroviaire en France.
En premier lieu, ce premier contrat de performance contiendrait des faiblesses originelles, rappelées par l’ART dans son dernier avis de mai 2025 ([65]) : « le contrat de performance constitue, en théorie, un élément essentiel de la régulation économique de l’infrastructure ferroviaire ainsi que de la confiance des acteurs dans le système ferroviaire, par la transparence qu’il doit apporter. […] Or, l’autorité ne peut que constater que ce contrat ne constitue pas l’outil central de gouvernance du réseau qu’il devait être. »
En second lieu, conclu pour dix ans, ce contrat doit faire l’objet d’une actualisation triennale. Cette actualisation, attendue pour 2024, n’a toujours pas eu lieu à date. Or, en l’absence d’actualisation : « les hypothèses financières sont devenues obsolètes dans un contexte marqué par l’inflation et l’annonce de la nouvelle donne ferroviaire. […] Ce retard dans l’actualisation affaiblit la portée du suivi de l’exécution du contrat comme instrument de régulation économique et remet en question la crédibilité des engagements contractuels pris par l’État et SNCF Réseau. »
Les rapporteurs appellent donc de leurs vœux l’actualisation dans les plus brefs délais des données du contrat de performance.
2. Des attentes fortes autour d’une loi de programmation
De façon unanime, le secteur ferroviaire est en demande d’une programmation afin de donner de la visibilité aux investisseurs et aux entreprises ferroviaires ainsi qu’aux autorités organisatrices pour pouvoir dimensionner leur offre de transport à l’état futur du réseau.
L’ART recommande une « programmation pluriannuelle des investissements détaillée à horizon de dix ans, avec un focus à trois ans, soumise au même dispositif d’actualisation et de reddition de comptes que le contrat de performance, auquel elle devrait être annexée. »
Selon le COI, qui insiste sur le temps long du transport ferroviaire, une loi de programmation doit également éclairer les stratégies poursuivies sur plusieurs décennies.
Recommandation n° 4
Mettre en œuvre la recommandation n° 6 du rapport de la conférence « Ambition France Transports » visant à « inscrire les financements des transports dans un cadre pluriannuel et stable, en élaborant une trajectoire pluriannuelle d’affectation de ressources suffisantes et pérennes à l’AFITF ou en construisant une loi de programmation des infrastructures de transport ».
3. Le besoin d’une coordination de l’offre ferroviaire
Comme détaillé ci-après, avec l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs et la montée en compétences des régions en matière ferroviaire, le risque d’un morcellement voire d’une « archipélisation » du système ferroviaire est souligné par l’ensemble des parties prenantes auditionnées. Sans ajustement, ce morcellement de l’offre aura d’importantes conséquences :
– pour les industriels lesquels perdent une vision d’ensemble des besoins de la filière en matière de production de matériel roulant. Alors qu’auparavant tous les besoins de leur unique commanditaire, la SNCF, étaient recensés dans un contrat-cadre, les industriels font face à un risque d’éclatement des commandes mettant en difficulté l’appareil industriel ;
– pour les usagers du ferroviaire qui font face à un service de billettique morcelé avec la régionalisation de l’offre et des tarifs, à de potentielles ruptures de prise en charge en cas de retard ou d’annulation de train avec la diversification des opérateurs ferroviaires ;
– sur la structuration de l’offre avec la question du maintien de dessertes moins rentables pour un opérateur ferroviaire, mais indispensables dans un souci d’aménagement du territoire.
Il y a donc un fort besoin de coordination d’ensemble avec l’ouverture à la concurrence, la question étant de savoir qui remplira ce rôle. Alors que certains appellent de leurs vœux le retour d’un État stratège en matière ferroviaire, d’autres invitent à repenser le rôle du gestionnaire d’infrastructure pour assurer ce rôle de coordination sur le modèle du réseau de transport d’électricité (RTE) pour l’énergie.
C. Comment financer ? Les nouvelles pistes de financement à l’étude
S’il fait consensus que le besoin d’investissement dans les infrastructures ferroviaires est conséquent et nécessaire, il ne pourra être assumé seul par le gestionnaire d’infrastructure. Comme le souligne l’ART, « la possibilité d’un autofinancement des investissements sur le réseau par le gestionnaire d’infrastructure apparaît hors de portée ». Il est donc indispensable de trouver de nouvelles sources de financement pour répondre aux besoins d’investissement désormais connus.
Par ailleurs, le cadre budgétaire contraint nécessitera des arbitrages difficiles mais hautement nécessaires pour sécuriser les ressources indispensables à la préservation du patrimoine ferroviaire et à son développement dans les années à venir.
Selon les rapporteurs, le pire scénario ne serait pas tant celui d’un scénario d’investissements constants ou à la baisse, mais celui d’un scénario de l’incertitude, sans choix assumé sur ce qui pourrait continuer à être financé ou non. D’où l’importance de valider un scénario d’investissement dans la régénération et la modernisation du réseau avec un phasage et les ressources viables pour le financer sur le long terme et qui répondrait aux priorités suivantes :
– privilégier l’entretien et la modernisation du réseau existant et de ses infrastructures plutôt que le lancement de nouveaux projets d’ampleur coûteux et ne répondant qu’au besoin d’une partie de la population ;
– arbitrer les choix d’investissement en raisonnant à la fois en termes d’émission de CO2 et en consommation d’énergie car le train émet moins de carbone et consomme moins d’énergie ;
– valoriser le réseau ferroviaire et ses infrastructures comme un bien commun et non comme un coût pour la collectivité.
1. Les pistes de financement à fortes incertitudes à déployer dans un second temps
a. Les recettes du marché ETS 2
De nombreuses parties prenantes, telles que le GART et l’UTPF, auditionnées par la mission, préconisent de flécher une partie des recettes du futur marché ETS 2 au financement de la régénération et de la modernisation du réseau ferroviaire et de ses infrastructures.
À partir de 2027, un deuxième marché carbone européen couvrant les émissions spécifiques du secteur du bâtiment, de la construction et du transport routier sera lancé avec un prix de la tonne de CO2 plafonné à 45 euros jusqu’en 2030. À titre de comparaison, en 2024, le prix de la tonne de CO2 sur le marché ETS 1 est à 70 euros.
Les États reçoivent les recettes générées par le marché carbone lesquelles doivent être intégralement utilisées pour des mesures liées au climat et à l’énergie.
Si le montant de recettes générées pour la France à partir de 2028, estimé à 5 milliards d’euros par an, serait suffisant pour couvrir les besoins en investissements dans le transport ferroviaire, de nombreuses incertitudes entourent encore cette source de financement :
– le retour d’expérience du marché ETS 1 : alors que ses recettes génèrent un produit d’environ 2,4 milliards d’euros par an pour la France et qu’une révision de la directive européenne impose aux États membres de consacrer l’intégralité de leurs revenus « ETS 1 » à une série limitée de secteurs « verts », il n’existe à ce jour aucun fléchage des revenus ETS vers la mobilité décarbonée ;
– le calendrier de mise en place du marché ETS 2, qui ne devrait générer des revenus qu’à partir de 2027 ou 2028, rend difficile l’exercice de sanctuarisation dès 2025 d’une enveloppe de financement annuelle consacrée aux investissements dans le transport ferroviaire.
Si les revenus générés par le marché ETS 2 pourraient couvrir des besoins de financement supplémentaires à l’avenir pour le développement du secteur ferroviaire, les incertitudes quant au calendrier et au fléchage ne permettent pas de répondre à l’urgence de sanctuariser une source de financement dès 2025 pour programmer les travaux à effectuer à partir de 2027/2028.
b. La fin des concessions autoroutières
Avec l’arrivée à échéance des principales concessions autoroutières historiques entre 2031 et 2036, la question de l’usage des recettes générées par la circulation sur ces axes se pose.
Comme le souligne l’UTPF, « le résultat des sociétés concessionnaires d’autoroutes a progressé régulièrement pour atteindre 7,5 milliards d’euros en 2022 » et pour l’UTPF ainsi de nombreux autres acteurs du ferroviaire auditionnés, les autoroutes ont vocation à participer au financement de la mobilité durable du fait des externalités négatives qu’elles génèrent.
Les rapporteurs émettent plusieurs réserves sur cette source de financement potentielle :
– le calendrier de fin des concessions ne permet d’envisager d’en flécher les recettes qu’à compter de 2032 et progressivement jusqu’en 2037 ;
– le mode de gestion futur des autoroutes est encore en arbitrage et fait peser une incertitude quant aux recettes qui pourraient alors être fléchées vers le transport ferroviaire.
c. Le versement mobilité régional
Créé par la loi de finances pour 2025, le versement mobilité régional (VMR) autorise l’ensemble des régions dès 2025 à prélever une contribution patronale sur les salaires versés par les employeurs d’au moins 11 salariés, dans la limite d’un taux de 0,15 % des salaires.
Or, comme l’a souligné Régions de France lors de son audition, cette nouvelle source de financement pour les régions a pour objet de financer le développement de leur offre ferroviaire et non l’entretien du réseau pour lequel le VMR n’est pas dimensionné.
Les rapporteurs pointent un risque d’iniquité entre régions pour l’entretien de leur réseau ferroviaire dans le cadre de CPER si la mise en place d’un VMR entraîne un retrait de l’État.
d. La hausse des péages ferroviaires
Une autre piste de financement écartée par les rapporteurs est celle d’une hausse du niveau des péages ferroviaires. Si ce levier tarifaire permettrait d’augmenter les recettes du gestionnaire d’infrastructure, un niveau de péage trop élevé risquerait d’entraîner une contraction de l’usage du réseau. Or le volume de trafic, soit le nombre de trains circulant sur le réseau, est aussi un levier de financement important en augmentant les recettes de SNCF Réseau par le nombre de trains y circulant.
2. Les pistes de financement à privilégier en priorité
a. Un financement par la Caisse des dépôts
Selon les préconisations du COI que reprennent les rapporteurs, le financement des infrastructures ferroviaires, en tant que biens communs, justifie la mobilisation de financeurs nationaux, autres que SNCF Réseau, tels que la Caisse des dépôts, pour garantir un pilotage national du programme d’investissements, en contrepartie d’un remboursement des sommes avancées à l’issue de la phase d’investissement afin d’éviter un emprunt consolidant de la dette.
b. La mise à contribution du transport routier
Générant des externalités négatives par la pollution émise et les coûts d’usage des infrastructures empruntées, le transport routier, en particulier le trafic de poids lourds, pourrait être davantage mis à contribution pour rééquilibrer la concurrence entre le rail et la route en faveur du rail.
i. L’application pleine et entière de la directive « Eurovignette »
Une première option défendue en particulier par les associations environnementales auditionnées par la mission ainsi que par Hexafret et déjà recommandée par la commission d’enquête sur le fret en 2023 ([66]) consisterait en une application pleine et entière de la directive « Eurovignette » sur les péages autoroutiers.
– Selon Hexafret, l’Eurovignette pourrait être utilisée pour préempter des recettes du transit routier qui concurrence les corridors ferroviaires, pour réinvestir dans les réseaux de fret ;
– pour reprendre la recommandation n° 12 du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le fret, la règlementation française doit être révisée pour « créer une véritable redevance pour coûts externes dont le montant serait proportionnel aux externalités négatives induites » et suivre la recommandation de la directive européenne d’affecter les recettes générées par la redevance pour coûts externes au financement des mesures permettant de rendre les transports plus durables ;
– selon les données transmises par Réseau Action Climat (RAC), auditionné par la mission, la mise en œuvre pleine et entière de la directive Eurovignette sur le réseau non concédé pourrait générer des recettes estimées entre 900 millions et 1,2 milliard d’euros par an auxquelles pourraient s’ajouter 100 millions d’euros, prélevés sur les péages autoroutiers, issus de l’application de la redevance pour coûts externes.
Recommandation n° 5
Aller vers une application pleine et entière de la directive « Eurovignette » sur les péages autoroutiers, notamment de la recommandation européenne d’affecter une partie des recettes aux modes de transport plus durables.
ii. Une éco-contribution revisitée
La mise en place d’une contribution poids lourds, selon diverses modalités, fait partie des pistes de financement portées par une majorité des parties prenantes et experts auditionnés par la mission.
La FNAUT recommande ainsi la création d’une taxe sur le trafic routier de transit via une écotaxe sur tous les modes de transport entrant en France sur le modèle de la Suisse.
L’UTPF propose pour sa part la mise en place à l’échelle nationale d’une taxe poids lourds sur le modèle du péage poids lourds (« LKW-Maut ») instauré en Allemagne, avec un fléchage des revenus vers le financement du réseau ferroviaire.
Recommandation n° 6
(Olga Givernet) À l’instar de ce qui a été mis en place par la collectivité européenne d’Alsace fin 2024, la rapporteure préconise l’instauration d’une écotaxe à l’échelle régionale, notamment dans les régions concernées par un fort trafic de transit.
c. Une dotation budgétaire pour le programme Ulysse fret
Hexafret ainsi que Alliance 4F prônent un financement 100 % étatique des besoins d’investissement pour le fret identifiés par le programme Ulysse Fret.
Recommandation n° 7
(Bérenger Cernon) Le rapporteur préconise que les 2 milliards d’euros de financement restant à trouver pour le fret ne soient pas conditionnés à l’obtention de co-financement dans le cadre des CPER mais fassent l’objet d’une dotation budgétaire propre afin d’accélérer le déploiement des financements nécessaires pour les travaux à programmer.
d. Partenariats public-privé (PPP)
Recommandation n° 8
(Olga Givernet) Les PPP sont un modèle intéressant dans un contexte budgétaire contraint pour des projets de modernisation et de développement. Ils peuvent s’appliquer facilement sur des objets détachables. Cependant, la maîtrise d’ouvrage de la régénération doit rester à SNCF Réseau.
(Bérenger Cernon) Le rapporteur émet des réserves sur la possibilité d’un retour du financement sur le modèle des partenariats public-privé pour la régénération et le développement du réseau ferroviaire, qui conduirait à une privatisation des recettes générées comme observée sur la ligne Tours Bordeaux laquelle a été financée en concession. Si un opérateur privé ayant construit la ligne se rémunère sur les opérateurs par la perception des péages, SNCF Réseau ne perçoit ainsi plus les redevances de péage.
II. Le défi de l’adaptation au changement climatique du transport ferroviaire
Le changement climatique constitue un enjeu majeur pour l’avenir du transport ferroviaire. Si ce mode de transport est reconnu pour sa faible empreinte carbone, son infrastructure et son matériel sont néanmoins exposés aux conséquences de plus en plus visibles du dérèglement climatique. Face à cette réalité, l’adaptation constitue un impératif stratégique pour garantir la continuité du service public ferroviaire, la sécurité des circulations et la pérennité des infrastructures.
A. une exposition croissante du réseau ferroviaire aux effets du changement climatique
1. Des évènements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents
Les modèles climatologiques font apparaître une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes.
Les dix dernières années (2014 à 2023) constituent la décennie la plus chaude mesurée dans l’hexagone depuis 1900. De nombreux événements extrêmes à fort impact ont été observés au cours des trois dernières années et ont révélé la vulnérabilité de certaines activités. Parmi les 47 vagues de chaleurs mesurées depuis 1947, 16 ont eu des durées supérieures à 10 jours ou une intensité maximale supérieure à 27°C ([67]).
L’augmentation des températures est le phénomène qui concerne le plus grand nombre des régions en France et qui est un facteur supplémentaire d’aggravation des risques. Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, où les températures ont augmenté de 1,4°C depuis 1950, les feux de grande ampleur se sont multipliés. Parmi les 72 000 hectares de forêt brûlés lors des incendies de 2022, 45 000 sont situés en Nouvelle-Aquitaine ([68]). À l’inverse, dans les zones montagneuses, les successions d’épisodes de gels et dégels pourraient être plus fréquentes et entraîner des risques de déstabilisation de certains sols et parois cimentés par le gel, entraînant l’augmentation des glissements de terrains et des effondrements rocheux ([69]).
D’autres régions, telles que les Hauts-de-France ou les Pays de la Loire, sont également fortement menacées par des inondations à la suite de la hausse des précipitations de plus en plus concentrées sur des périodes plus courtes, ce qui augmente le risque de saturation des sols en eau. Par exemple, Boulogne-sur-Mer a connu une augmentation de 29,3 mm par décennie ([70]) depuis les années 1950.
Les impacts du changement climatique en france
Source : RAC
2. Les épisodes météorologiques extrêmes affectent les différentes composantes du système ferroviaire
Les phénomènes climatiques affectent fortement les infrastructures et le trafic ferroviaire.
En juillet 2025, la ligne Paris-Milan a été interrompue en raison d’une coulée de boue provoquée par de violents orages liés à la canicule. Cet événement est survenu quelques mois seulement après la réouverture de la ligne, le 31 mars 2025. La voie avait déjà subi, fin août 2023, un autre épisode d’intenses précipitations après une période de sécheresse, causant un éboulement majeur dans la vallée de la Maurienne. SNCF Réseau avait été contraint de suspendre la ligne pendant dix-neuf mois ([71]).
Les infrastructures ferroviaires sont particulièrement sensibles aux variations de température. En période de canicule, le trafic peut être perturbé par la déformation des voies ou des caténaires. Ainsi, lorsque la température extérieure atteint 37°C, les rails peuvent dépasser 55°C, ce qui provoque une forte dilatation du métal et une déformation des voies ([72]). Le constat est identique pour les caténaires, qui subissent aussi une dilatation sous l’effet de la chaleur. « Ce phénomène est en temps normal absorbé par un dispositif de tendeur en fonction des variations de température. Dans les cas extrêmes, cette dilatation peut entraîner une rupture de la ligne aérienne de contact et un arrachement de la caténaire par le pantographe du train » précise M. Gilles Verger ([73]).
Les températures hivernales impactent également le service ferroviaire. En effet, la présence de givre et de verglas sur les voies perturbe le train lors du freinage ou lors de l’accélération, ce qui, à long terme, abîme les rails et demande une vigilance particulière ([74]). De plus, lorsque le givre se dépose sur les caténaires qui alimentent les trains, la circulation de l’électricité entre la caténaire et le train est altérée. Ainsi, sur certaines voies exposées, dont notamment les lignes de la façade atlantique, un premier train est mobilisé pour retirer le givre des caténaires avant les premiers trains voyageurs du matin.
Dès lors, face aux fortes variations de température, le trafic subit des limitations de vitesse temporaires pour tenir compte des risques de déformation des voies, ce qui induit des perturbations sur l’ensemble du réseau.
Si les gares sont globalement moins vulnérables d’un point de vue structurel, les vagues de chaleur posent des problèmes de confort, en particulier dans les grandes gares urbaines.
3. Une vulnérabilité accentuée par le vieillissement des infrastructures
Les conséquences sont décuplées du fait de l'ancienneté du réseau et de la vétusté des infrastructures qui limitent la capacité à absorber les exigences du trafic ferroviaire actuel ainsi que les contraintes météorologiques.
Les plages de régularisation varient selon l’âge de la caténaire de 45°C pour les plus anciennes à 70°C pour les plus récentes. Or, l’âge moyen des caténaires est de 40 ans et « 21 % des caténaires et sous-stations sont hors d’âge » ([75]). En outre, les premières caténaires installées sur le réseau ne disposent d’aucun système de régularisation permettant de compenser automatiquement la dilatation due aux variations de température ([76]), ce qui fait craindre pour la résilience du réseau.
L’usure des différentes composantes de la voie ferrée réduit également sa capacité à absorber les forces qui s’y exercent, notamment la dilatation des rails. Une voie usée nécessite une surveillance renforcée et peut requérir des limitations temporaires de vitesse lorsqu’elle est exposée à des températures supérieures à celles normalement supportées (généralement 70°C au niveau du rail, soit environ 50°C ambiants) afin de prévenir les déformations lors du passage des trains ([77]).
B. Les réponses techniques et industrielles pour un transport ferroviaire résilient et décarboné
1. L’innovation au cœur de la régénération des lignes : les trains légers
Les petites lignes ferroviaires françaises connaissent un regain d’intérêt, qui nécessite de repenser le système pour le rendre plus attractif et moins coûteux. Afin de répondre à la double nécessité de desserte du territoire et de décarbonation du transport, des expérimentations sont en cours pour produire des rames plus légères et moderniser les petites lignes ferroviaires tout en renforçant la cohésion territoriale.
Le développement de trains légers a pour objectif de réduire les coûts d’exploitation afin d'augmenter l’offre de transport, d’accueillir davantage de voyageurs et d’améliorer ainsi l'équation économique de ces lignes.
Dans le cadre d'une coopération entre la SNCF, l’État, les régions et plusieurs partenaires privés, les acteurs portent le projet d’un « train léger innovant » (TELLi). Le TELLi devrait circuler sur les lignes de desserte fine du territoire et permettre de poursuivre la décarbonation du secteur en remplaçant progressivement les TER fonctionnant encore au diesel. Le TELLi est un modèle de train électrique avec une autonomie annoncée de 200 km grâce à des batteries embarquées et de 1 000 km s’il fonctionne à l’hydrogène, pour une vitesse de circulation pouvant atteindre 120 km/h. Ainsi, ce modèle permettrait de « réduire de 30 % les coûts totaux du système pour une desserte donnée » ([78]). Au total, le projet « train léger innovant » a été doté d’un budget de 88,9 millions d’euros, dont 36,4 millions d’euros d’aides au titre de l'appel à projets « Digitalisation et décarbonation du ferroviaire » de France 2030. La mise en circulation du TELLi est attendue pour 2029 ([79]).
2. Les trains à hydrogène, une solution décarbonée pour les voies ferrées non électrifiées
L'électrification du réseau est une solution permettant de poursuivre la décarbonation du transport ferroviaire. Toutefois, celle-ci est très coûteuse, estimée à un million d’euros par kilomètre de voie selon le Réseau de Transport d’Électricité (RTE).
Aujourd’hui, près de la moitié des 30 000 kilomètres de lignes du réseau français sont électrifiés et concentrent 80 % des circulations ([80]). Toutefois, seulement 10 % des « petites lignes » sont électrifiées. Par conséquent, le transport régional de voyageurs repose encore sur le diesel qui « représente encore 26 % de l’énergie consommée par la branche TER, pesant pour trois quarts des émissions de CO2 de ce segment » ([81]).
Bien que l’électrification des voies par caténaire soit une solution pour le verdissement du secteur, son coût d’investissement élevé et les problèmes d’acceptabilité paysagère empêchent son déploiement généralisé sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, l’hydrogène est identifié comme une solution complémentaire à l’électrification permettant le verdissement du secteur ferroviaire avec un coût d’investissement potentiellement plus faible, notamment pour les lignes régionales. L’étude de l’Ademe identifie 34 lignes ferroviaires comme prioritaires et pertinentes pour une exploitation en train à hydrogène, ce qui représenterait un investissement de 3,4 milliards d’euros pour l’acquisition du matériel roulant et le développement d’infrastructures spécifiques (station d’avitaillement en hydrogène et centre de maintenance) ([82]).
Lors de son audition, le constructeur ferroviaire Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) a signifié aux rapporteurs que le développement et la production de trains à batterie étaient privilégiés. Seul un prototype de train à hydrogène est expérimenté par la CAF en Espagne dans le cadre du programme européen FCH2Rail.
Le scénario de référence de RTE propose qu’à l'horizon 2035, 4 % des distances soient parcourues en train à hydrogène et les 96 % restants en train électrique. Néanmoins, il est nécessaire de tenir compte des difficultés de mise en circulation du train à hydrogène d’Alstom en Allemagne qui a conduit le Rhein-Main-Verkehrsverbund (RMV), réseau de transport en commun allemand, à remettre en circulation des trains diesel jusqu'à fin 2025 en raison des nombreux problèmes techniques constatés sur les trains à hydrogène.
III. L’aménagement du territoire, angle mort de L’ouverture à la concurrence de la grande vitesse, risque de n’être pris en compte que par l’offre ferroviaire régionale
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs porte aussi bien sur les lignes commerciales qui relèvent des activités libéralisées, à savoir la grande vitesse, que sur les lignes qui font l’objet d’un contrat de service public, à savoir les TER et TET. Dans le premier cas, les opérateurs se livrent une concurrence dans le marché ; dans le second, les opérateurs entrent en concurrence pour le marché.
A. L’ouverture à la concurrence sur la grande vitesse remet en question le système de péréquation mis en place par la SNCF pour répondre au besoin d’aménagement du territoire
1. L’opérateur historique a longtemps assuré seul l’exploitation des lignes à grande vitesse lui permettant de développer un système de péréquation interne
En France, la production d’un service de transport ferroviaire a initialement fait l’objet d’un monopole d’ordre légal : une seule entreprise pouvait fournir des services de transport intérieur des voyageurs.
Depuis la création de la SNCF en 1937 à partir de six compagnies régionales comme société d’économie mixte, puis sa transformation en 1982 en établissement public industriel et commercial (EPIC), l’opérateur historique s’est établi comme unique opérateur de transport ferroviaire de voyageurs en France.
À l’origine du déploiement du train à grande vitesse en France au cours de la période 1980-2000, la SNCF a fait alors le choix assumé et même revendiqué de desservir en TGV les axes principaux et à partir de ces axes un grand nombre de villes moyennes pour mettre en avant la singularité du TGV, capable de rouler à la fois sur le réseau à grande vitesse et sur le réseau classique.
En effet, le réseau français se caractérise par la « grande vitesse mixte » où des rames spécialement conçues pour la grande vitesse roulent à la fois sur les LGV ouvertes à ce seul trafic mais peuvent aussi emprunter le réseau classique.
Dans ce modèle fonctionnant en monopole, une forme de péréquation s’est alors mise en place : la bonne santé de certaines dessertes permettait de financer l’existence des autres. Ce choix a été fait par la SNCF sans qu’aucune convention entre l’État et l’opérateur historique ne précise ce qui était attendu de l’entreprise publique en matière de dessertes.
Le rapport Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire de 2018 souligne ce paradoxe des dessertes TGV : « Alors même que le modèle économique du TGV est fondé sur sa capacité à s’imposer face au transport aérien sur le marché de l’aller-retour dans la journée des voyageurs se déplaçant pour des motifs professionnels, ce qui le positionne dans un univers purement commercial, c’est une logique non explicitée de service public et de péréquation entre lignes rentables et non rentables qui s’est imposée.
Cette logique de péréquation n’a semble-t-il jamais été débattue avec l’État comme elle aurait pu ou même dû l’être dans une convention explicite entre l’État et un monopole régulé définissant le réseau et l’affectation et la répartition des surplus dégagés sur le réseau rentable au profit de desserte non rentables répondant à une stricte logique de service public ferroviaire. » ([83])
Ce modèle de péréquation interne à SNCF Voyageurs lui permet aujourd’hui de desservir avec le TGV près de 200 gares sur le territoire métropolitain.
M. Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF, dans sa contribution personnelle « Le fer avec les territoires » ([84]) consacrée au rôle du transport ferroviaire pour l’aménagement du territoire rappelle que « derrière cette mission historique de la SNCF, l’enjeu est simple : désenclaver et connecter des territoires pour favoriser la mobilité des personnes et le transport des biens. »
Le TGV : service public ou service commercial ?
M. Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF, l’écrit sans détour : « le TGV n’est pas un service public. SNCF Voyageurs ne touche pas de subventions pour desservir les lignes qui ne dégagent pas assez de marge ».([85])
M. Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs, a également rappelé lors de son audition que si le TGV n’est pas un service public au sens juridique du terme, il assure aussi une mission d’intérêt général au service des territoires.
C’est tout le paradoxe du TGV en France : bien qu’il ne bénéficie pas de subvention pour son exploitation, il est souvent considéré comme un service public devant concourir à l’aménagement du territoire. D’autant plus lorsque les collectivités territoriales ont financé en partie certaines lignes à grande vitesse, en échange d’un arrêt dans leurs villes.
Il est à noter que, lors de la réforme ferroviaire de 2018, le législateur a supprimé de la loi la notion d’exercice des missions réalisées « selon les principes de service public » ([86]) pour SNCF Voyageurs.
2. L’ouverture à la concurrence de la grande vitesse en service librement organisé fait craindre un abandon des dessertes d’aménagement du territoire non rentables
Cadre légal de l’ouverture à la concurrence de la grande vitesse en France
L’ouverture à la concurrence des services ferroviaires commerciaux, à savoir les trains à grande vitesse, est effective en France depuis le 12 décembre 2020. La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire en a fixé le cadre légal :
– la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux publics : le groupe ferroviaire devient un groupe public unifié (GPU) composé de toutes les filiales directes et indirectes de la société nationale SNCF, toutes transformées à compter du 1er janvier 2020 en sociétés anonymes à capitaux détenus à 100 % par l’État ;
– sont abrogés les droits exclusifs détenus par SNCF Mobilités en vue de fournir « les services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national ». Désormais, l’activité de SNCF Voyageurs est circonscrite à l’exploitation directe ou à travers ses filiales des services de transport ferroviaire en application de l’article L. 2141-1 du code des transports.
Désormais l’article L. 2121-12 du code des transports prévoit que toute entreprise ferroviaire, régulièrement titulaire d’une licence ferroviaire et d’une certification de sécurité, peut demander des sillons ([87]) pour proposer des services concurrençant SNCF Voyageurs sur ces lignes.
Ainsi, les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire (article L. 2122-9 du code des transports)
Pour accompagner la phase de montée en charge progressive d’un nouveau service ferroviaire, un dispositif de tarification négociée entre le nouvel opérateur et SNCF Réseau est mis en place sous la forme de réductions tarifaires sur la redevance de marché pendant trois ans.
a. La concurrence se fait sur les lignes les plus rentables du réseau selon l’opérateur historique
« Il y a un angle mort de la réforme, c’est la péréquation TGV mise à mal par la concurrence ». Ce sont par ces mots prononcés devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2024 que M. Jean-Pierre Farandou a alerté sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence sur les dessertes des TGV.
Le rapport Spinetta préfigurant la réforme du nouveau pacte ferroviaire de 2018 pointait déjà que « l’ouverture du marché domestique du transport ferroviaire de voyageurs pourrait remettre en cause les péréquations internes à l’opérateur historique, faire disparaître certaines dessertes, et dans certains cas l’activité même de l’opérateur historique pourrait être menacée. L’ouverture du marché du fret ferroviaire, qui a conduit à une forte réduction des trafics et à un endettement massif de Fret SNCF, en illustre les enjeux. »
Avec l’ouverture à la concurrence, les opérateurs alternatifs choisissent de concurrencer SNCF Voyageurs sur les liaisons rentables, à savoir essentiellement les lignes radiales entre Paris et les principales métropoles régionales, au risque de réduire les bénéfices de l’opérateur historique.
Le parc roulant de TGV de SNCF Voyageurs est actuellement composé de 360 TGV qui se répartissent schématiquement comme suit :
– 120 TGV bénéficiaires ;
– 120 TGV déficitaires ;
– 120 TGV à l’équilibre.
Or, ce sont sur ces 120 TGV bénéficiaires que la concurrence se fait avec 70 rames concurrentes déployées sur les liaisons les plus rentables.
Par exemple, sur l’axe Paris-Lyon, certains TGV de SNCF Voyageurs desservent aujourd’hui la gare du Creusot, une desserte non rentable mais qui participe à l’accessibilité de la ville. Cet arrêt allongeant la durée du trajet, certains voyageurs pourraient être incités à se tourner vers les trains de Trenitalia, qui propose le même trajet mais sans arrêt au Creusot, donc plus rapide. Cela aurait pour conséquence de dégrader encore davantage la rentabilité de cette liaison pour SNCF Voyageurs.
Les données de l’ouverture à la concurrence sur le marché de la grande vitesse
À mi-année 2025, l’opérateur historique SNCF Voyageurs représente près de 85 % de part de marché des services ferroviaires voyageurs librement organisés en France dont 64 % pour les services inOui et 20 % pour Ouigo. Les deux filiales du groupe SNCF, Eurostar et Lyria représentent respectivement 7 % et 4 % de ce marché.
Les opérateurs concurrents opérant à date sur le réseau ferré national, à savoir Trenitalia et Renfe, représentent chacun 1 % de part de marché de la grande vitesse en France.
L’offre concurrente s’exerce sur 4 lignes :
– la ligne Paris-Lyon sur laquelle opèrent les TGV inOui, Ouigo et Trenitalia France ; Depuis le 15 juin 2025, Trenitalia y opère 10 allers-retours répartis sur les trois gares de Lyon (Part-Dieu, Perrache et Saint-Exupéry) ;
– la desserte internationale Paris-Lyon-Milan qui a rouvert en avril 2025 avec SNCF Voyageurs et Trenitalia, qui dessert également Saint-Jean-de-Maurienne, Modane, Oulx et Turin ;
– les lignes Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid opérées par Renfe Viajeros et SNCF Voyageurs ;
– depuis juin 2025, Trenitalia France opère également sur la ligne Paris-Lyon-Marseille en desservant Lyon Saint-Exupéry, Avignon TGV et Aix-en-Provence TGV.
CARTE DES NOUVEAUX SERVICES LIBREMENT ORGANISÉS EN FRANCE OPÉRÉS À MI-2025
(Source : ART)
Si le cadre n’évolue pas à court terme, SNCF Voyageurs affirme qu’elle ne pourra plus assurer l’équilibre entre dessertes rentables et dessertes plus fragiles. Elle sera aussi en difficulté pour remplacer les rames en fin de vie (en rappelant que le coût d’une rame TGV est d’environ 35 millions d’euros), continuer à opérer les dessertes du territoire et participer au fonds de concours qui vient financer le réseau ferré structurant.
b. Le pari des opérateurs alternatifs est que la concurrence permette une meilleure couverture ferroviaire du territoire
L’Association française du rail (AFRA), association représentant les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF, fait le pari que l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché français permettra d’améliorer la qualité de service, accroîtra la performance, y compris de l’opérateur historique et, in fine, entraînera une augmentation de l’offre ferroviaire.
Selon Trenitalia France qui a été auditionné par la mission, son positionnement sur le marché français de la grande vitesse est complémentaire à celui d’autres opérateurs présents sur le réseau. Son objectif est d’attirer davantage de voyageurs vers le déplacement en train et d’augmenter in fine le nombre total de voyageurs en train.
En tant qu’opérateur historique en Italie, Trenitalia France s’est dit « traditionnellement et historiquement attaché et engagé sur les enjeux d’aménagement du territoire, la desserte des petites communes et le désenclavement des territoires isolés. » L’opérateur italien défend la position selon laquelle « l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché ferroviaire français participe et bénéficie en elle-même à une meilleure desserte des territoires. »
L’offre proposée par Trenitalia France sur l’axe Paris-Lyon ou Paris-Marseille comprend déjà, selon l’opérateur, des dessertes d’aménagement du territoire telles que :
– des métropoles régionales de taille intermédiaire comme Chambéry, Avignon ou Aix-en-Provence ;
– des petites communes telles que Saint-Jean-de-Maurienne ou Modane ;
– la desserte des trois gares à Lyon dont la gare de Lyon Saint-Exupéry, plus accessible aux habitants de territoires ruraux de la région lyonnaise.
Selon les premières données de l’ART sur la fréquentation des trains en concurrence librement organisée, la fréquence en 2024 sur la liaison Paris-Lyon a dépassé de plus de 20 % le niveau de 2019, à comparer à l’augmentation globale de 10 % de l’activité de trains à grande vitesse en France. Avec 164 circulations à grande vitesse opérées par jour en moyenne sur l’axe Paris-Lyon en 2024, l’offre a augmenté en fréquence de 16 % par rapport à 2019.
L’ouverture à la concurrence sur le marché de la grande vitesse en Italie
En Italie, depuis 2012, l’opérateur de trains aptes à la grande vitesse Italo S.p.A.est en concurrence directe avec l’opérateur historique Trenitalia sur une grande partie du réseau italien.
Selon l’ART ([88]), l’arrivée de cette concurrence a eu des effets positifs :
– une augmentation de l’offre : l’offre en trains.km sur le réseau LGV a augmenté d’environ 80 % de 2012 à 2019 grâce à l’effet combiné de l’ouverture à la concurrence et du développement du réseau ;
– une augmentation de la demande : celle-ci a crû de 64 % entre 2012 et 2017 selon la Commission européenne ;
– une hausse de la part modale du train, en particulier des trains opérant sur lignes à grande vitesse : la part modale ferroviaire a augmenté de 24 % sur la liaison Milan-Rome entre 2012 et 2023.
Toutefois, la baisse de prix attendue n’aura été que temporaire et peu dissociable des effets d’une baisse concomitante des péages ferroviaires. Le niveau des prix du TGV s’est établi dès 2017 à environ 90 % du niveau observé avant l’arrivée de la concurrence.
Selon les données transmises par Trenitalia France, l’ouverture du marché de la grande vitesse à la concurrence a également débouché sur une amélioration de la desserte des territoires et un renforcement de la desserte des petites gares. Le nombre de gares desservies par la grande vitesse en Italie y aurait plus que doublé en passant de 52 gares desservies en 2012 (avant l’ouverture à la concurrence) à 113 gares desservies en 2024.
Il est à souligner que le modèle italien d’ouverture à la concurrence bénéficie de niveaux de péages inférieurs à ceux de la France, ce qui peut fausser la comparaison entre les deux pays. En effet, alors qu’en France en 2022, les péages des services de train à grande vitesse s’élèvent à 19 euros par train.km, le niveau en Italie est de 4,40 euros par train.km.
Le nouvel opérateur sur le marché français du transport ferroviaire, Proxima, ambitionne de se positionner en complément de l’offre de SNCF Voyageurs sur la façade atlantique pour répondre à une « crise capacitaire majeure ». Selon l’étude de marché réalisée par Proxima pour l’ART, près de la moitié des TGV vers les grandes villes de la façade Atlantique ([89]) étaient pleins en 2022. Il en aurait résulté que près de 15 % des voyageurs n’auraient pas pu être pris en charge sur les grands axes de LGV de la façade Atlantique.
Proxima a vocation à déployer une flotte de douze rames de trains à grande vitesse pour relier quatre grandes agglomérations de la façade Atlantique et Paris dès 2028 (Paris-Nantes, Paris-Rennes, Paris-Bordeaux et Paris-Angers). L’opérateur projette ainsi d’accroître l’offre disponible en proposant 10 millions de places supplémentaires, en complément de l’offre de SNCF Voyageurs sur ces axes.
c. Des offres alternatives au modèle de l’opérateur historique dont certaines souhaitent continuer à assurer les dessertes dites d’aménagement du territoire
Autre nouvel opérateur ferroviaire français créé en 2022, la société Kevin Speed a pour ambition de développer une nouvelle offre à grande vitesse à petit prix desservant des villes intermédiaires en dehors des métropoles sur un modèle de « RER à grande vitesse ».
L’entreprise a signé en février 2024 trois accords-cadres de circulation avec SNCF Réseau ([90]) pour assurer une desserte de l’ensemble des gares sur ces LGV. À cette fin, la société Kevin Speed a conclu un protocole d’accord avec Alstom pour la livraison de 20 trains à grande vitesse.
Son modèle économique repose sur le pari que l’augmentation de la fréquence des trains en gare intermédiaire attirera plus de fréquentation, notamment grâce à de bas prix pour assurer un fort taux de remplissage de ses trains.
Source : Kevin Speed
L’entreprise annonce pouvoir proposer des billets à partir de 5 euros pour un trajet Paris-Lille en heures creuses.
Industriellement, Kevin Speed a commandé des modèles de trains plus capacitaires (750 places sur un étage contre 634 places dans les TGV classiques à deux étages) avec une configuration plus proche des rames de RER, avec plus de portes notamment, pour raccourcir la durée des arrêts intermédiaires.
Selon M. Laurent Fourtune, président de Kevin Speed : « Pour faire du train, il faut des moyens. Pour amortir, il faut du volume. Pour faire du volume, il faut de la cadence et de la fréquentation ainsi que de l’amplitude horaire ». Le nouvel opérateur vise une première mise en circulation de ses trains Ilisto dès 2028.
3. Aménager le cadre de l’ouverture à la concurrence de la grande vitesse pour préserver la mission d’intérêt général : une desserte équitable de tous les territoires
Les opérateurs alternatifs comme Trenitalia ou encore Proxima ont exprimé leur souhait de permettre au marché de se stabiliser et aux différents opérateurs ferroviaires de se déployer et d’atteindre leur rentabilité. Une réponse à l’enjeu de l’aménagement du territoire doit donc être apportée rapidement pour les entreprises ferroviaires qui souhaitent investir sur le réseau français.
a. Mieux articuler l’offre TGV et l’offre régionale
Plutôt que de relier plus de dessertes par TGV, il pourrait aussi être envisagé de revoir les schémas horaires pour permettre une meilleure articulation entre l’offre à grande vitesse et l’offre de TER avec des correspondances garanties pour les usagers. Une hausse de la cadence sur le réseau de TER devrait faciliter le travail d’appariement entre les dessertes de TGV et les services de TER pour assurer une continuité de service ferroviaire sur l’ensemble du réseau aux usagers.
b. Moduler le niveau des péages ferroviaires en fonction des sillons
L’accès au réseau par les opérateurs ferroviaires suppose le versement de redevances ferroviaires ([91]) qui se décomposent en trois redevances principales d’accès au réseau, de réservation des capacités et de circulation complétées par des redevances spécifiques perçues à l’occasion de services complémentaires.
Elles sont calculées en tenant compte :
– du coût directement imputable à l’exploitation du service, à la situation du marché du transport et des caractéristiques de l’offre et de la demande, les impératifs de l’utilisation optimale du réseau ferré national et à l’harmonisation des conditions de concurrence multimodale ;
– de la soutenabilité des redevances et de la valeur économique, pour l’attributaire de la capacité d’infrastructure, de l’utilisation du réseau ferré national, lorsque le marché s’y prête et sur le segment de marché considéré.
Ces redevances tiennent également compte « de la nécessité de tenir les engagements de dessertes par des trains à grande vitesse pris par l’État dans le cadre de la construction des lignes à grande vitesse et de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire. »
En 2025, la redevance de marché applicable aux TGV domestiques s’échelonne de 14,17 euros à 32,80 euros par sillon.km. Il serait toutefois possible d’aller plus loin dans la modulation des péages entre les différentes destinations.
Recommandation n° 9
Étudier lors de l’élaboration du cycle tarifaire 2027-2029 une évolution des péages ferroviaires afin de mieux tenir compte des enjeux d’aménagement du territoire, en proposant par exemple une différenciation tarifaire plus marquée selon le potentiel socio-économique des origines et destinations ou le type de desserte : structurante, intermédiaire, de bout de ligne.
c. Mettre en place des conventionnements avec les régions
Une autre solution serait de conventionner les liaisons à grande vitesse les plus fréquentées afin que la concurrence n’accélère pas la réduction des services sur les villes moyennes. C’est ce que font par exemple les régions Bretagne et Hauts-de-France.
Avec la signature des conventions 2024-2033 BreizhGo et TGV, la région Bretagne sécurise la desserte ferroviaire en TGV assurée par SNCF Voyageurs pour les dix prochaines années : « Nous confortons notre ambition du doublement de l’offre ferroviaire à l’horizon 2040, tout en assurant une desserte des TGV dans les villes intermédiaires et des pointes bretonnes. » ([92])
Lors de son audition, M. David Valence, président du COI, a toutefois émis quelques réserves sur cette piste d’aménagement de l’ouverture à la concurrence de la grande vitesse : « le généraliser serait coûteux pour la puissance publique et il demeure que faire rouler du matériel à grande vitesse sur des lignes classiques n’est pas faire le meilleur usage de ce matériel coûteux. »
B. L’ouverture à la concurrence en région améliore la desserte des territoires mais le morcellement de l’offre risque de peser sur le potentiel de report modal
La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire précitée a autorisé les régions, sur la base du volontariat, à mettre en concurrence l’exploitation des TER tout en leur laissant jusqu’au 25 décembre 2023 la possibilité de signer de gré à gré avec SNCF Voyageurs une nouvelle convention d’exploitation pour une durée maximale de dix ans.
Depuis le 26 décembre 2023, il n’est donc plus permis aux régions de conclure de convention « TER » de gré à gré avec SNCF Voyageurs. Les régions doivent désormais mettre en concurrence l’opérateur ferroviaire historique avec d’autres transporteurs pour l’exploitation des trains régionaux.
À compter de 2034, tous les opérateurs devront avoir été choisis après mise en concurrence – cet opérateur pouvant être l’opérateur historique, SNCF Voyageurs, s’il remporte l’appel d’offres.
1. L’ouverture à la concurrence par lots permet de mieux calibrer l’offre ferroviaire aux besoins par bassins de vie
a. Du côté des nouveaux opérateurs : un accroissement de la qualité et de la quantité de l’offre à coût constant voire à coût réduit
Les avantages attendus de l’ouverture à la concurrence des services conventionnés sont une baisse des coûts des entreprises ferroviaires, une amélioration de la qualité, une diversification de l’offre et « la rupture du système ferroviaire avec le malthusianisme qui le caractérise » ([93]).
Les données de l’ouverture à la concurrence des services TER
À mi-2025, 8 lots d’offre ferroviaire régionale conventionnée ont été attribués à l’issue d’un processus de mise en concurrence, dont 2 à des opérateurs alternatifs :
– 6 lots ont été attribués à l’opérateur historique SNCF Voyageurs : le lot Azur (région Sud-PACA), le lot Etoile d’Amiens (Hauts-de-France), le lot Tram-train Sud-Loire (Pays de la Loire), le lot Ouest Nivernais (Bourgogne Franche-Comté) et en Île-de-France le lot des lignes tram-train T4 et T11 ainsi que le lot Ligne L ;
– 2 lots ont été attribués à l’opérateur Transdev : le lot Intermétropole (ligne Marseille-Toulon-Nice en région Sud-PACA) et le lot Nancy-Contrexéville (Grand-Est), intégrant à la fois la remise en exploitation et la gestion de la ligne ferroviaire.
LOTS ATTRIBUÉS À L’ISSUE D’UNE MISE EN CONCURRENCE
Source : ART
Selon SNCF Voyageurs, l’ouverture à la concurrence des trains régionaux se fait au bénéfice des Français et des territoires, les régions n’ayant pas fait le choix de faire des économies mais au contraire de faire plus de trains, plus d’offre, plus de dessertes.
« Les déclarations publiques faites par les régions ayant déjà attribué des lots confirment à l’issue de cette procédure, que l’attributaire retenu soit ou non SNCF Voyageurs, des gains importants sont attendus tant en matière de coûts que de volume d’offre et de qualité de service. Ainsi, Transdev annonce, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, un doublement de l’offre à coût constant ; dans les Hauts-de-France et les Pays de la Loire sont annoncées des baisses de 20 à 25 % du coût du service ; dans les Hauts-de-France sont annoncés un taux de régularité de 98,5 % (…) et une augmentation de 9,5 % de l’offre. (…) Ces améliorations correspondent à des engagements des attributaires, qui devront être confirmés au bout de quelques années de mise en service effective. » ([94])
Selon l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) et l’ART, les premières attributions par appels d’offres ont mis en avant :
– une hausse de l’offre ferroviaire pour les 4 premiers lots régionaux dont un quasi-doublement pour les 2 lots de la région Sud ;
– un coût pour l’autorité organisatrice identique ou en baisse significative ; la baisse est de plus de 20 % pour les lots des régions Hauts-de-France et Pays de la Loire ;
– des conditions contractuelles plus incitatives.
Toutefois, comme l’ont souligné les syndicats auditionnés par la mission, les économies de 20 % à 30 % annoncées par les opérateurs grâce à l’ouverture à la concurrence se font principalement au détriment des conditions de travail sur le terrain.
b. Du côté des régions : tendre vers un meilleur calibrage de l’offre ferroviaire à la demande
En 2019, dans son premier rapport consacré à l’ouverture à la concurrence des TER, la Cour des comptes avait recommandé aux régions de revoir les plans de transport, autrement dit le nombre et les horaires des trains sur les différentes liaisons. Outre la fiabilité et la régularité des trains, une telle refonte devait permettre d’améliorer la fréquentation en rendant l’offre mieux adaptée aux besoins et en l’accroissant grâce à une meilleure utilisation des ressources en rames et personnel.
Cinq années plus tard, la Cour estime que cette recommandation a été largement mais inégalement suivie par les régions et donc partiellement mise en œuvre. Selon la Cour « elle devrait l’être de plus en plus, dans la mesure où, pour chaque lot, la refonte des plans de transport fera partie du processus d’ouverture à la concurrence. »
2. Sans coordination entre régions, l’offre ferroviaire régionale risque d’être morcelée avec des conséquences sur les usagers et les constructeurs ferroviaires
a. Un risque de fractionnement de l’offre ferroviaire complexifiant le trajet de bout en bout pour l’usager
Comme l’a souligné le Groupement des autorités responsables de transport (GART) lors de son audition, l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire a précédé la mise en place d’une gouvernance nationale ou interrégionale. Cette absence de gouvernance politique fait courir un risque de morcellement de l’offre et de rupture de charge pour les voyageurs. En effet, l’articulation des offres de transports entre les régions et entre le transport urbain et régional peut s’avérer être un écueil.
i. Billettique
La liberté tarifaire accordée aux régions sur leur offre de TER leur a permis de développer une offre d’abonnements au plus près des besoins régionaux. Elle a également entraîné une multiplication des abonnements au détriment de la lisibilité et de la facilité d’usage pour les utilisateurs.
Selon la FNAUT, on dénombre 42 cartes d’abonnement régional différentes sans compter les abonnements nationaux. Ainsi, pour réaliser un trajet de bout en bout, il est fréquent que l’usager doive posséder trois à quatre cartes d’abonnement différentes : celle pour le réseau collectif de la ville de résidence, celle du réseau TER de la région et celle du réseau de la ville de destination ainsi que la carte d’abonnement national de la SNCF.
Par ailleurs, plusieurs régions ont choisi de développer leur propre plateforme de billettique pour distribuer leur offre de transport régional. L’absence d’interopérabilité entre ces différentes plateformes et la fragmentation de la distribution de billets qu’elle engendre est source de complexité. « Les systèmes billettiques de chaque réseau doivent pouvoir communiquer entre eux. Or, on constate aujourd’hui un manque d’interopérabilité entre les systèmes billettiques existants du fait de leur grande diversité et de leur hétérogénéité. » ([95])
L’enquête menée par le RAC sur les Français et l’usage du train ([96]) révèle par ailleurs que 56 % des personnes interrogées se disent mal informées des modalités d’échanges ou d’annulation de billets de train ainsi que des éventuelles réductions auxquelles ils ont accès.
ii. Correspondances
Les correspondances entre TER et TGV sont un autre point de vigilance. Comme le pointe M. Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF : « les TGV desservent environ 200 gares par des relations directes. Les autres 2 800 gares sont desservies par des correspondances réalisées par des TER. Il faut donc veiller au maintien de correspondances horaires pertinentes, à la possibilité de planifier un trajet de bout en bout, d’acheter le billet correspondant, de l’échanger ou d’obtenir un remboursement » ([97]).
De la même manière, la continuité de service et les correspondances entre régions doivent être maintenues et garanties dans le cadre de l’ouverture à la concurrence afin d’éviter toute rupture de charge qui pourrait détourner les voyageurs du train. Pour cela, une coordination des politiques ferroviaires entre régions est indispensable afin d’assurer la cohérence et la continuité de l’offre TER sur l’ensemble du territoire national.
b. Un risque de fragmentation du marché du matériel roulant
Le matériel roulant ferroviaire est un autre point de vigilance pour les régions. Actuellement, c’est SNCF Voyageurs qui commande le matériel roulant pour le compte des régions dans le cadre d’un contrat-cadre.
Or, les industriels, CAF et Alstom, auditionnés par la mission, ont tous deux alerté sur le risque de fragmentation du marché avec le passage d’un système de contrat-cadre valable pour toutes les régions à un système où chaque région commande son train spécifique. Cette fragmentation entraînerait une inévitable hausse des coûts ainsi qu’un accroissement des délais de livraison, voire même une absence de réponse aux appels d’offres des régions.
Les industriels alertent également sur le fait que les chaînes de production des contrats-cadres actuels devraient s’arrêter d’ici fin 2028 alors que toute nouvelle génération de trains régionaux ne pourra pas être mise sur le marché avant 2032 compte tenu des délais incompressibles de développement et d’homologation de six ans.
À ce stade, selon CAF, les perspectives manquent pour permettre aux industriels de s’adapter à l’évolution du marché ferroviaire. En l’absence de grand projet interrégional de définition du TER des années 2030, il est difficile pour les industriels de planifier les capacités pour répondre aux besoins des régions. Le risque in fine est qu’en raison de l’absence de planification et de la fragmentation des appels d’offres, les régions n’obtiennent aucune réponse à leur besoin et devront faire face à une pénurie de matériel roulant si la demande poursuit sa croissance tendancielle.
En effet, certaines régions, du fait de leur taille plus réduite ou de leurs besoins moins importants, n’atteignent pas la taille critique de flotte suffisante pour réaliser seules des commandes.
Schéma simplifié du marché régional du matériel roulant
Source : CAF France
Une solution avancée par CAF et Alstom pour garantir le choix aux régions et leur assurer la concurrence serait de disposer sur le marché français de deux contrats-cadres pour des trains à un niveau disposant de batteries pour les zones non électrifiées et de deux contrats-cadres pour des trains à deux niveaux électriques, proposés par les deux constructeurs disposant d’usines sur le territoire français.
Recommandation n° 10
Au sein de l’État, créer un organe en charge de la stratégie en matière de commande de matériel roulant neuf qui sera l’interlocuteur privilégié des industriels afin d’anticiper les besoins futurs, de centraliser les commandes des opérateurs et des AOM et d’établir les cahiers des charges avec ces derniers.
Recommandation n° 11
Organiser un marché régional de la commande de matériel roulant :
– soit en reprenant le modèle suédois d’acheteur loueur public avec une organisation en contrats-cadres ;
– soit en créant une centrale d’achat, sur le modèle de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), permettant de standardiser les commandes passées par les régions afin de bénéficier d’économies d’échelle et d’une meilleure visibilité sur les calendriers de commandes.
IV. le fret face aux mutations du transport de marchandises en europe
Le transport de marchandises en France est constitué à 60 % de flux nationaux. Les flux internationaux, qu’il s’agisse des échanges ou du transit, représentent l’équivalent de 40 % du trafic en tonnes.km, notamment du fait de la présence d’axes de transit majeurs, par exemple depuis la péninsule ibérique.
Un changement profond de structure dans les produits transportés par le transport ferroviaire est intervenu ces dernières années avec une baisse nette des produits industriels et pondéreux tels que les céréales, les produits énergétiques et chimiques ou encore le bois et, en parallèle, une très forte augmentation des produits manufacturés et groupés, en progression de 144 % entre 2010 et 2022.
évolution des produits transportés par fer entre 2010 et 2022
Trafic ferroviaire en milliards |
2010 |
2015 |
2019 |
2022 |
Différentiel 2010-2022 |
Variation 2010-2022 |
Produits agricoles |
3,4 |
3,6 |
2,0 |
2,2 |
-1,1 |
-33 % |
Bois et pâtes à papier |
1,0 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
-0,7 |
-71 % |
Minéraux bruts, tourbe et autres minéraux non métalliques |
4,9 |
4,0 |
4,2 |
4,3 |
-0,6 |
-13 % |
Produits hydrocarbures (yc raffinés) – charbon – gaz |
2,9 |
3,1 |
2,1 |
1,9 |
-1,0 |
-33 % |
Produits chimiques dont plastiques |
2,7 |
2,7 |
2,2 |
2,1 |
-0,6 |
-21 % |
Métaux de base – produits métallurgiques |
4,3 |
4,8 |
4,4 |
4,6 |
0,3 |
6 % |
Matériel de transport et équipement pour le transport |
2,3 |
1,6 |
2,2 |
1,2 |
-1,0 |
-45 % |
Produits alimentaires |
1,8 |
2,1 |
2,0 |
2,2 |
0,4 |
24 % |
Produits manufacturés, marchandises groupées et non identifiées |
6,7 |
14,2 |
14,5 |
16,3 |
9,6 |
144 % |
TOTAL |
30,0 |
36,3 |
33,9 |
35,3 |
5,3 |
18 % |
Or, la géographie industrielle de la France ne favorise pas le fret ferroviaire : les sites de production sont dispersés et la part de l’industrie a baissé drastiquement depuis vingt ans. Les chargeurs demandent aujourd’hui des livraisons rapides et flexibles, ce qui favorise le transport routier.
Cette mutation des besoins de transport en marchandises a ainsi largement profité au transport routier, réputé plus flexible et réactif, au détriment du fret conventionnel. Le transport combiné connaît toutefois une croissance dynamique grâce à ses solutions intermodales plus adaptées au transport de marchandises diverses.
Pour maintenir et amplifier la croissance de ce segment du fret ferroviaire, plusieurs points d’attention ont été soulevés en audition :
– l’évolution de la règlementation européenne sur le transport routier ([98]), laquelle pourrait mettre en péril l’avantage comparatif du transport combiné sur le transport routier et conduire à un report modal inversé en faveur de la route ;
– la détérioration du réseau des lignes capillaires de fret risque de compromettre, à terme, la capacité du fret ferroviaire à assurer une desserte fine des territoires ;
– la saturation des terminaux ferroviaires pèsera quant à elle sur le potentiel de développement du fret ferroviaire des années à venir.
A. La nouvelle règlementation européenne sur les méga-camions risque d’entraÎner un report modal inversé au détriment du fret ferroviaire
Le mode routier domine aujourd’hui très largement le secteur du transport de marchandises. D’une manière générale, la route est considérée par les chargeurs, c’est-à-dire les industriels, comme plus souple et plus facile d’utilisation que le mode ferroviaire pour desservir l’ensemble du territoire.
Un poids lourd cause cependant jusqu’à 10 000 fois plus de dommage aux routes qu’une voiture et pourtant l’usage des routes nationales qui traversent les territoires est gratuit pour les poids lourds. Un rééquilibrage en faveur du transport ferroviaire est donc à opérer.
1. La révision de la directive « Poids et dimensions »
La directive « Poids et dimensions » ([99]) poursuit trois objectifs principaux : contribuer à la réduction des émissions du secteur routier, approfondir le marché intérieur en harmonisant les règles entre les différents États membres et assurer un contrôle plus effectif de la législation.
En l’état, depuis sa dernière révision en 2015, la directive autorise la circulation transfrontalière de poids lourds jusqu’à 40 tonnes. Par exception, les poids lourds jusqu’à 44 tonnes sont également autorisés à effectuer des trajets transfrontaliers entre les États membres dans la mesure où ils sont inclus dans un trajet intermodal, complémentaire du fret ferroviaire par exemple.
La proposition de révision de la directive de la Commission européenne en cours de négociation prévoit :
– d’accorder des majorations aux véhicules zéro émission en matière de poids total, avec une bonification forfaitaire de 4 tonnes ;
– de supprimer la limitation de 40 tonnes pour le transport transfrontalier de poids lourds. Concrètement, cela signifie qu’un État membre qui autorise, pour le transport national, le recours aux camions de 44 tonnes ou aux systèmes modulaires européens (SME) ([100]) sera contraint d’autoriser la circulation sur son territoire de poids lourds du même type pour un trajet transfrontalier.
La Commission européenne argumente que cette révision de la directive, en permettant un recours facilité aux méga-camions, permettrait de réduire le nombre de camions sur les routes en raison d’une plus grande capacité de chargement et induirait de fait une diminution des émissions de GES.
Alors que des réserves ont été émises quant aux diminutions de GES annoncées, le secteur du fret ferroviaire craint un report modal inversé en faveur de la route.
Calendrier de révision de la directive « Poids et dimensions »
– Juillet 2023 : la Commission européenne a proposé une révision de la directive européenne « Poids et dimension » ;
– Février 2024 : le Parlement européen a validé la proposition de la Commission d’augmenter de 4 tonnes le poids maximal autorisé par les camions zéro émission ;
– Juin 2025 : la présidence polonaise du Conseil de l’Union européen a proposé une clause de sauvegarde permettant aux États de refuser la circulation transfrontalière des 44 tonnes sur leur territoire ;
– Juillet 2025-Décembre 2025 : présidence danoise du Conseil, favorable à la proposition de la Commission.
2. Un risque de report modal inversé en faveur de la route pour les trajets de longue distance
En premier lieu, comme l’avait souligné Jean-Marc Zulesi, ancien député, dans son rapport sur la proposition de résolution européenne contre les « méga-camion » ([101]), la baisse des émissions de GES du secteur routier attendue avec la révision de la directive fait l’objet d’importantes réserves, notamment en raison d’un report modal inversé au détriment du transport ferroviaire :
« L’autorisation de circulation des SME dans l’UE et en France renforce la compétitivité du secteur routier par rapport au fret ferroviaire et fluvial. Ainsi, une partie du fret acheminé par le train ou bateau pourrait se reporter sur la route. Dès les débuts des travaux sur la révision de la directive au Conseil de l’UE, la France a soulevé les lacunes de l’étude d’impact de la Commission sur les risques de report modal inversé. Ainsi une étude d’un cabinet indépendant commandée par plusieurs fédérations du rail estime que l’augmentation du poids brut autorisé et l’autorisation des SME entraîneraient un transfert modal inverse de 21 % en moyenne pour tous les segments ferroviaires et de 16 % pour le transport combiné. Selon cette étude, il en résulterait jusqu’à 13,3 millions de trajets supplémentaires pour les camions et 6,6 millions de tonnes d’émissions de CO2 supplémentaires. »
En deuxième lieu, la révision de la directive fait craindre la disparition de l’avantage comparatif du transport combiné sur le transport routier entraînant un recul de sa part modale. « La directive dans sa version de 1996 autorise des avantages de poids et de dimensions aux poids lourds inclus dans un transport combiné : ainsi, un poids lourd de 44 tonnes peut-il procéder à un trajet transnational dans le cadre d’un trajet multimodal routier et ferroviaire. Or, la révision de la directive prévoirait, si elle était adoptée en l’état, une possibilité de circulation transfrontalière de poids lourds de plus de 40 tonnes, faisant de fait disparaître les avantages liés au transport combiné. »
Enfin, la circulation de « méga-camions » dont les dimensions peuvent atteindre 25,25 mètres en longueur et 60 tonnes en poids ([102]) présente d’autres externalités négatives pour la collectivité. Elles concernent l’adaptation des infrastructures routières et les coûts supplémentaires liés à la dégradation plus rapide de la chaussée et des ouvrages d’art qui seraient à la charge du contribuable. En outre, selon une étude de la commission européenne, les camions sont impliqués dans près de 4 000 accidents mortels chaque année dans l’Union européenne et au Royaume-Uni. L’arrivée de « méga-camions » représenterait un risque accru en matière de sécurité routière.
Alliance 4F ainsi que la Communauté des chemins de fer européens (CER) ont exprimé leur opposition à l’adoption de la révision de la directive telle que proposée par la Commission. Selon eux, l’autorisation temporaire de majoration du poids maximal des camions à 44 tonnes et des méga-camions pour la circulation transfrontalière favorisera leur utilisation pour la longue distance, là où le rail et le fluvial sont actuellement les modes les plus pertinents.
Recommandation n° 12
(Olga Givernet) Si la France décidait d’autoriser la circulation des « méga-camions » sur son territoire, il est essentiel de s’assurer que les conditions de circulation seraient limitées aux itinéraires non concurrentiels avec le transport ferroviaire et le transport multimodal, sur les routes européennes, en privilégiant les motorisations électriques.
(Bérenger Cernon) La France doit adopter une position d’opposition ferme à l’autorisation de circulation des « méga-camions » en France et à l’échelle de l’UE ainsi qu’à la révision de la directive relative aux dimensions et poids ([103]).
B. L’insuffisante capacité du réseau de fret vieillissant compromet sa fiabilité et entrave son potentiel de développement
Comme l’a souligné Alliance 4F lors de son audition, la compétitivité du fret passe par un réseau qui doit être de qualité, capacitaire et géré de façon opérationnelle. C’est la condition sine qua non pour proposer un service de qualité, à savoir un service de transport ponctuel et sans aléas.
1. Le délaissement des lignes capillaires de fret compromet la continuité de la desserte fine du territoire par le fret ferroviaire
a. Les lignes capillaires sont un maillon essentiel du fret de proximité
Ce sont des lignes UIC 7 à 9 sans voyageurs. Selon SNCF Réseau, il y aurait environ 140 lignes capillaires effectivement en activité pour un linéaire d’environ 2 000 km.
Les lignes capillaires de fret permettent de connecter les ports, les entrepôts et certains sites industriels ou agricoles au réseau ferré principal. Près de 16 % du trafic de fret ferroviaire est à destination ou provient des lignes capillaires.
Or, l’âge moyen de ces lignes est trop élevé : dans la quasi-totalité des cas, la durée de vie des lignes capillaires n’excède pas dix ans, y compris pour celles qui ont fait l’objet d’une régénération récente. De surcroît, une voie sur quatre aurait déjà été fermée ces six dernières années ([104]). Or, la fermeture de ces lignes entraîne un report modal vers le réseau routier départemental avec des conséquences négatives en termes de sécurité et d’encombrement de ces routes.
Le maintien des lignes capillaires de fret est pourtant essentiel pour desservir l’ensemble du territoire comme l’a souligné l’Union TLF lors de son audition. Il est donc urgent d’accélérer le rythme de régénération et de développement des lignes capillaires.
b. La régénération des lignes capillaires de fret doit être financée par l’État
Le programme d’investissement pour le fret ferroviaire 2023-3032 intitulé « Ulysse fret », qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, prévoit la régénération des installations existantes destinées au fret, dont un besoin d’investissement de 700 millions d’euros pour les lignes capillaires de fret.
Au regard des CPER pour 2023 à 2027, un montant de 474 millions d’euros, dont une part prise en charge par l’État de 213 millions d’euros ([105]), devrait être mobilisé sur la période au bénéfice des lignes capillaires de fret, mais toutes les régions ne s’investissent pas à la même hauteur. Les CPER des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France et Bourgogne-Franche-Comté sont peu détaillés en matière de lignes capillaires, ce qui interroge sur le maintien en bon état des lignes concernées.
Par ailleurs, selon SNCF Réseau, une partie des lignes capillaires devrait être fermée faute de bouclage du financement par l’État et les régions. L’État n’ayant pas de moyens de coercition sur les régions puisque celles-ci ne disposent pas de la compétence sur le fret, l’avancement de la régénération des lignes capillaires de fret dépend de la coopération volontaire des régions.
Afin d’accélérer la programmation des travaux de régénération sur les lignes capillaires de fret sur l’ensemble du territoire, leur financement devrait être pris en charge intégralement par l’État et non dans le cadre des CPER, dont les négociations de financement retardent la remise en l’état de ces lignes.
Recommandation n° 13
(Bérenger Cernon) Prévoir une dotation budgétaire de l’État pour financer les travaux de régénération des lignes capillaires de fret afin de ne pas créer de rupture d’égalité entre régions, en fonction de l’état d’avancement des tours de table pour trouver un financement dans le cadre des CPER.
(Olga Givernet) Les régions, qui disposent de la compétence économique, doivent mobiliser les moyens nécessaires pour remettre en état les infrastructures de fret régionales, notamment au travers des COP régionales pour poursuivre l’objectif de décarbonation.
2. Le fret ferroviaire fait face à des difficultés d’accès au réseau dégradant la qualité du service
Alors que le transport routier est aujourd’hui reconnu pour la régularité et la ponctualité de ses services, la qualité de son suivi des marchandises et sa réactivité pour faire face aux demandes urgentes du marché, le fret ferroviaire connaît d’importantes difficultés de circulation sur le réseau ferré national. Outre un réseau plus contraint, le manque de disponibilité et de qualité des sillons pour le fret le désavantage face à la route.
a. Une insuffisante disponibilité des sillons pour le fret
La question de la capacité d’accès au réseau est essentielle pour le fret ferroviaire. Or, outre les restrictions liées à l’état dégradé du réseau, le système actuel de réservation des sillons de SNCF Réseau pour les circulations de fret est considéré par les opérateurs comme étant trop rigide.
Si des instances de concertation intitulées « Plateformes Services & Infrastructures » permettent un dialogue entre les différentes parties prenantes – État, AOM, opérateurs de transport voyageurs et fret, SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions – sur l’utilisation du réseau ferré national, ces plateformes n’apportent aucune garantie sur les conditions effectives de circulation des trains de fret selon Alliance 4F.
Selon les opérateurs, le fret est trop souvent la variable d’ajustement sur le réseau, ce qui impacte la qualité de service, en particulier la ponctualité alors même que le respect des délais de livraison est un critère fondamental pour les chargeurs.
En premier lieu, le volume de sillons de jour attribué au fret est sensiblement inférieur à celui du transport de voyageurs. En 2019, le taux brut de sillons-jours attribués au fret était de 66 % contre 89 % pour le transport de voyageurs.
En deuxième lieu, les délais d’obtention d’un sillon sont très longs. Selon l’Union TLF, alors qu’en 48 heures un chargeur peut obtenir une solution de transport par la route, il faut compter pour le fret un délai de 6 mois pour obtenir un sillon.
Enfin, hormis les lignes capillaires de fret où aucun service de transport de voyageurs n’est organisé, le réseau français ne dispose pas de lignes propres au seul transport de marchandises, ce qui entraîne un partage des lignes pour plusieurs usages. Dans les faits, les trains de marchandises se retrouvent ainsi en concurrence avec les trains de voyageurs, généralement considérés comme prioritaires par SNCF Réseau.
Recommandation n° 14
Revoir le système de commande et de réservation de sillons auprès de SNCF Réseau pour les opérateurs ferroviaires de fret afin de leur offrir une meilleure visibilité et réactivité sur les sillons disponibles ainsi que des garanties en matière de conditions de circulation pour assurer la ponctualité de leur prestation de transport.
b. Réduire les conséquences des travaux nocturnes sur les circulations de fret
Comme les trains de fret circulent surtout la nuit, ils pâtissent de la multiplication des travaux nocturnes sur le réseau, entraînant des interruptions de circulation qui ne sont pas toujours anticipées ou programmées, causant des retards voire des annulations.
L’intensification des besoins de régénération et de modernisation du réseau va occasionner un nombre croissant d’interruptions temporaires de circulation liées aux travaux dans les prochaines années. Il est donc particulièrement nécessaire de mettre en œuvre des mesures afin d’en limiter l’impact sur les services de fret ferroviaire.
Dans le cadre de l’actuel contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure a dû procéder à des aménagements des fenêtres de travaux afin de réduire leurs conséquences sur le transport ferroviaire de marchandise.
Des itinéraires bis de contournement de travaux pour les trains de fret pourraient être identifiés par SNCF Réseau dans le cadre de la prochaine actualisation du contrat de performance avec l’État, comme cela est déjà prévu pour plusieurs lignes de nuit. Ces itinéraires bis pourraient être intégrés dans le réseau structurant entretenu par SNCF Réseau afin de garantir leur pérennité.
Recommandation n° 15
Accélérer l’actualisation du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau et, dans ce cadre, exiger du gestionnaire d’infrastructure une meilleure prise en compte du fret et des circulations de nuit lors de la planification des travaux sur le réseau.
Recommandation n° 16
Identifier et sanctuariser des itinéraires bis de contournement des travaux pour le fret.
Pour atténuer l’impact des travaux sur le réseau sur la circulation des trains de fret, le plan de relance du fret présenté en 2021 prévoyait une enveloppe de 210 millions d’euros consacrée à la compensation des surcoûts induits par les aménagements en raison des travaux.
Une enveloppe exceptionnelle de compensation de 50 millions d’euros a bien été mise en place en 2024. Celle-ci a démontré son efficacité en limitant le nombre de trains concernés par les plages de travaux. Ainsi, en juin 2024 plus de 3 500 sillons.jour ont été préservés pour plus de 1,6 million de trains.km « sauvés » grâce à cette enveloppe.
Recommandation n° 17
Pérenniser l’enveloppe annuelle de 50 millions d’euros d’aide à SNCF Réseau pour supporter les surcoûts de travaux, afin de permettre la continuité du trafic de fret en parallèle des travaux dans le cadre du futur contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau.
3. La saturation des terminaux ferroviaires freine le potentiel de développement du transport combiné
Le schéma directeur du transport combiné a donné lieu en 2021 à une étude sur les niveaux de capacité et de saturation des terminaux ferroviaires ([106]). Le taux de saturation moyen des terminaux ferroviaires en France est d’environ 58 %. Toutefois, ce niveau de saturation n’est pas homogène entre les territoires et entre les plateformes.
Comme l’illustre la carte reproduite ci-dessus, il existe une certaine hétérogénéité selon les zones géographiques :
– une saturation des terminaux continentaux du delta du Rhône dépassant le seuil de 85 % ;
– un niveau de saturation dépassant les 75 % sur les terminaux de l’axe Seine ainsi que sur les terminaux situés entre Lyon et Gevrey.
Selon les projections de trafics, le nombre estimé de manutentions sur les terminaux est estimé à 3,2 millions à horizon 2032 (il s’élevait à 1,2 million de manutentions en 2021). Si aucun aménagement n’est apporté aux terminaux et en considérant la capacité actuelle déclarée par les exploitants, la saturation moyenne des terminaux serait de 154 % à l’échelle nationale.
En conséquence, en l’absence de financement des projets de modernisation des terminaux existants et de création de nouveaux terminaux, toutes les zones considérées seraient saturées car les capacités de manutention existantes ne seraient pas suffisantes pour traiter les trafics attendus à horizon 2032. Dans ce contexte, il paraît impossible d’atteindre les objectifs de doublement de la part modale du fret qui dépendent notamment d’un accompagnement du segment ferroviaire le plus dynamique : le transport combiné.
troisième partie : Repenser le transport ferroviaire pour mieux répondre aux besoins de mobilité
du XXIe siÈcle
I. Faire du train de voyageurs une alternative fiable et crédible pour répondre aux besoins de transport du quotidien
A. Mieux répondre aux attentes des usagers sur l’ensemble du territoire pour accroÎtre le report modal vers le train
Pour créer les conditions d’un report modal massif vers le train, un « choc d’offre » est nécessaire : plus de trains avec plus de fréquence, plus d’amplitude horaire et sur des territoires plus étendus. En parallèle, la facilité d’usage du train doit être préservée et améliorée surtout dans le contexte d’ouverture à la concurrence : prendre le train doit être facile, autant ou voire plus que de prendre la voiture.
1. Le train doit être facile d’usage ; à défaut les voyageurs continueront de privilégier un mode de transport alternatif
a. Structurer et simplifier l’organisation de la billettique pour permettre aux usagers de réserver leur trajet de bout en bout
Historiquement, la SNCF a développé une offre unifiée de services ferroviaires sur l’ensemble du territoire. En charge de la vente des billets aux guichets en gare, elle a ensuite mis en place une plateforme numérique de vente de billets avec la montée en puissance de la dématérialisation : SNCF Connect.
Avec l’ouverture à la concurrence à la fois sur le marché de la grande vitesse et celui des TER, la diversification de l’offre ferroviaire et l’arrivée de nouveaux opérateurs interrogent à la fois la position de la plateforme SNCF Connect ainsi que la tendance à la multiplication des plateformes billettiques régionales.
Dans l’intérêt des usagers, il est nécessaire de mener une réflexion d’ensemble sur l’organisation de la billettique et du système tarifaire. Un besoin de structuration émerge avec l’entrée sur le marché de plusieurs nouveaux opérateurs et la montée en puissance des régions comme AOM.
SNCF Connect et l’ouverture à la concurrence
La plateforme de réservation numérique de SNCF Voyageurs a été créée il y a vingt-cinq ans.
En 2024, 226 millions de billets ont été vendus sur le site et via l’application SNCF Connect dont près de la moitié ont été des billets de TER.
L’ambition de SNCF Connect est de couvrir l’ensemble de l’offre ferroviaire des régions françaises qui s’ouvrent à la concurrence avec un objectif « de bout en bout ». Ainsi, la région Sud-PACA où un autre opérateur que SNCF Voyageurs, Transdev, opérera la ligne TER Nice-Toulon-Marseille, a retenu pour huit ans SNCF Connect pour vendre les billets de TER dont ceux de Transdev.
Le lancement d’une nouvelle marque, Tesmo, sera centré sur le marché des collectivités territoriales : les régions pour la distribution et l’information voyageurs du réseau TER et les métropoles pour les transports urbains.
À ce stade, SNCF Connect n’envisage pas de distribuer l’offre des concurrents de SNCF Voyageurs sur les lignes à grande vitesse.
Trainline, la plateforme concurrente de billetterie numérique pour les trains et autocars européens créée au Royaume-Uni et désormais présente dans 45 pays européens dont la France, pointe l’existence potentielle d’un « ciseau tarifaire » pour les distributeurs indépendants par rapport au niveau de commission appliqué par la SNCF pour la distribution de ses titres. Une étude de Compass Lexecon du 2 octobre 2024 sur le niveau de commission appliqué par la SNCF pour la distribution de ses titres mettait en lumière les réserves exprimées par les distributeurs indépendants. Selon ces derniers, « l’espace économique mis en place par la SNCF pour exercer leur activité ne semble pas leur permettre de concurrencer SNCF Connect sans subir de pertes. » Cette conclusion est étayée par l’analyse des coûts de distribution en ligne de SNCF Voyageurs (186 millions d’euros) et les revenus théoriques que percevrait SNCF Connect en se basant sur les commissions versées par SNCF Voyageurs aux distributeurs indépendants (154 millions d’euros). Il en résulterait une perte de 30 millions d’euros pour SNCF Connect, soit un résultat de -20 % ([107]).
b. Ouvrir l’agrégation de l’offre billettique aux trajets de longue distance
La loi d’orientation des mobilités de 2019 précitée a permis des avancées pour les agrégateurs d’offre billettique ferroviaire.
L’article 28 de la LOM introduit les services numériques multimodaux, également appelés « applis MaaS » lesquels constituent la fonctionnalité de billettique numérique multimodale. Ces services permettent la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation. Toute personne privée ou publique peut proposer un service numérique multimodale. La LOM a également précisé que les AOM sont libres de fournir ce service ([108]).
En application du cadre juridique défini par la LOM, un service numérique multimodal, telle qu’une application mobile, peut, de droit, délivrer un certain nombre de titres de transport. À ce titre, les gestionnaires de services de mobilité, opérateurs de transports ou autorités organisatrice selon les cas, doivent donner aux fournisseurs de SNM un accès à leur service numérique de vente aux termes d’un contrat dont les conditions doivent être « raisonnables, équitables, transparentes et proportionnées ».
Ce cadre juridique comporte plusieurs limites.
– d’une part, la LOM garantit uniquement aux SNM le droit de distribuer les titres des services locaux et conventionnés, à l’exclusion des services librement organisés (SLO) de longue distance ([109]). Une extension du champ d’application de l’article 28 de la LOM à la distribution numérique des SLO de longue distance pourrait être effectuée ; Régions de France, lors de son audition, a également pointé ce point de blocage car les AOM n’ont en l’état pas la possibilité de récupérer les données de SNCF Voyageurs pour proposer les billets TGV à la vente aux côtés des billets de TER ;
– d’autre part, les conditions financières selon lesquelles doit être conclu le contrat liant les fournisseurs de SNM aux gestionnaires de services de mobilité ne sont pas définies. Ce manque de visibilité peut constituer un frein au développement des SNM. Il pourrait être opportun de prévoir un cadre pour fixer ces conditions financières.
Recommandation n° 18
Modifier l’article L. 1115-11 du code des transports pour élargir le droit pour les services numériques multimodaux de vendre les produits tarifaires de tous les services de mobilités, y compris les services ferroviaires librement organisés de longue distance.
c. Mutualiser la billettique au niveau interrégional
Afin d’atténuer les risques engendrés par la fragmentation du système de billettique en termes de complexité accrue pour les voyageurs et de duplication d’investissements conséquents, l’enjeu de la coordination à l’échelle interrégionale paraît central. En effet, plus de 200 systèmes billettiques différents ont été recensés en 2024 ([110]).
La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a mis à l’étude deux scénarios :
– le maintien d’un système local par région avec un système « chapeau » qui intègre tous les systèmes régionaux ;
– la mise en place d’une plateforme commune pour la distribution de tous les billets de train.
Du point de vue de l’ART et de la FNAUT, des réflexions pourraient être engagées entre autorités organisatrices des transports, par exemple au niveau de Régions de France, sur la mise en place d’un groupement d’intérêt public (GIP) permettant aux régions de mutualiser leurs efforts de développement de systèmes de billettique et de répondre aux besoins d’interopérabilité avec les autres systèmes de transport public.
La plateforme publique norvégienne Entur
La Norvège s’est dotée en 2016, dans le cadre de la restructuration de son secteur ferroviaire, d’une structure publique, dénommée Entur, dont l’objectif initial était de reprendre l’exploitation des solutions de vente et de billetterie de l’opérateur ferroviaire historique, la NSB.
Désormais, la plateforme publique Entur distribue l’offre de transport de l’ensemble des opérateurs présents sur le territoire norvégien, assure l’information des voyageurs et fait également office de planificateur de voyage intégré.
Si la plateforme ne produit pas elle-même de données, elle valide, contrôle et centralise les données que doivent obligatoirement lui fournir les opérateurs de transport ainsi que les autorités organisatrices de transport locales.
Au-delà d’une coordination technique déjà amorcée par certaines régions, il est impératif qu’une coordination politique se mette également en place entre les régions au niveau national afin de coordonner les politiques régionales de transport ferroviaire.
Recommandation n° 19
Aller vers la création d’un groupement d’intérêt public (GIP) pour permettre aux régions de mutualiser et coordonner leurs efforts de développement de systèmes de billettiques pour les offres de transports en commun.
Recommandation n° 20
En cas de trajet interrégional ou combinant plusieurs opérateurs ferroviaires, veiller à garantir la couverture de l’usager en cas de rupture de correspondance pour cause de retard ou d’annulation de train par exemple.
d. Aller vers un titre unique de transport pour favoriser le report modal
Sur le modèle d’autres pays européens et reprenant une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement a lancé en avril 2024 un projet de titre de transport unique valable sur tout le territoire et sur tous les réseaux de transport.
Un premier comité de pilotage s’est tenu avec le ministère délégué aux Transport d’alors, M. Patrice Vergriete, le président du GART, M. Louis Nègre et des représentants de Régions de France dans l’objectif de lancer une première expérimentation d’ici fin 2024 avant le déploiement à terme d’une interopérabilité à l’échelle nationale.
Le projet semble avoir été mis en suspens et mériterait d’être relancé notamment dans le cadre d’un futur projet de loi annoncé par le ministre des transports, M. Philippe Tabarot, en juillet 2025 ([111]).
Exemples étrangers de titre unique
– Le ticket climat autrichien : depuis octobre 2021, il est possible de voyager sur l’ensemble du réseau de transports collectifs autrichien, à l’exception des trains de nuit, avec un seul abonnement : le « KlimaTicket ». Cette mesure doit permettre de réduire la part des kilomètres parcourus en voiture de 70 % à 54 % d’ici 2030 et d’augmenter ceux parcourus en transports collectifs de 27 % à 40 % sur la même période. Plus de 245 000 Autrichiens ont souscrit à l’offre en 2024 et 85 % d’entre eux disent avoir remplacé des trajets en voiture par des trajets en transport public ;
– Le titre unique hollandais : introduite en 2005, l’OV-chipkaart est une carte à puce sans contact permettant l’accès à l’ensemble de l’offre de transports publics proposée au Pays-Bas : bus, train, métro, vélo et ferry.
Recommandation n° 21
Relancer le projet de titre unique de transport valable sur l’ensemble du territoire et des réseaux de transports dans le cadre de l’examen prochain d’un projet de loi-cadre sur les transports.
2. Le train doit être fréquent, régulier et fiable, y compris sur les petites lignes
a. Accroître la fréquence y compris sur les petites lignes
Pour inciter plus de voyageurs à prendre le train, il faut leur donner l’assurance de « pouvoir partir quand ils veulent et de revenir quand ils le souhaitent » soit une forme d’« assurance mobilité ». Or, cette assurance mobilité dépend du cadencement de l’offre. Une ligne sur laquelle un train ne circule que deux fois par jour ne permettra pas d’opérer un report modal des voyageurs qui empruntent le même trajet avec leur voiture.
Le modèle suisse
En Suisse les transports publics sont considérés comme un équipement de base au même titre que le réseau d’eau ou d’électricité. Ainsi la loi suisse sur le transport de voyageur prévoit que toutes les localités du pays de plus de 100 habitants doivent être desservies par les transports en commun.
– Le pari de la fréquence sur l’ensemble du réseau :
Depuis les années 1990 et le programme « Rail+Bus 2000 », le développement des transports en commun fait le pari d’un système de transport alternatif à la voiture qui couvre la totalité du territoire avec des fréquences élevées. Ainsi, l’offre de base de ce réseau consiste à garantir au minimum une relation par heure, à l’exception des lignes de desserte des zones très peu urbanisées où l’offre de base se limite à 3 liaisons par jour.
– Le pari de la lisibilité avec un titre unique et sans réservation obligatoire :
Le principe retenu est de permettre aux voyageurs de réaliser tout trajet avec un seul et même titre de transport y compris si ce trajet implique d’utiliser le réseau de plusieurs entreprises différentes.
Par ailleurs, les usagers n’ont pas à réserver leur place ou à prendre un mode de transport précis. Ils peuvent prendre n’importe quel mode de transport public sur un trajet et pour un jour donnés.
Enfin, la tarification est dégressive avec la distance sur les longs trajets, ce qui permet de rendre le transport collectif concurrentiel au regard de l’autosolisme.
– Le pari d’une organisation de l’offre intégrée :
La loi suisse oblige l’ensemble des entreprises de transport public suisses, au nombre d’environ 250, à collaborer entre elles sur les horaires, sur les tarifs et sur la distribution de billets. Pour ce faire, elles sont réunies dans l’Alliance SwissPass, laquelle planifie les horaires, établit les tarifs des billets et assure, entre autres, le réseau de distribution des billets pour tout le pays.
Source : « Le système suisse de transports publics comme modèle », Vincent Kaufman, Forum Vies Mobiles, note de septembre 2023
Faire le pari de la fréquence appelle à ne pas tenir compte uniquement du taux de remplissage des trains, qui est encore un des critères de performance du service ferroviaire trop souvent retenu par les autorités organisatrices. Or, le système ferroviaire doit être dimensionné pour pouvoir répondre à la pointe, ce qui nécessite de mieux gérer les périodes de « creux ». Ainsi en Suisse où le système ferroviaire est jugé très performant avec un report modal de près de 25 %, le taux de remplissage des trains avoisine les 25 % seulement.
L’ouverture à la concurrence des TER pourrait permettre d’accroître le cadencement de ces services ferroviaires si une augmentation du nombre de train en circulation est décidée par les AOM dans le cadre des appels d’offres.
b. Assurer des circulations quotidiennes sur chaque ligne de nuit
Une circulation régulière est également la condition indispensable pour faire du train de nuit une habitude durable de déplacement. Or, encore trop de lignes de nuit ne disposent pas de liaison quotidienne :
– la ligne Paris-Briançon n’a circulé que deux jours sur trois en moyenne en 2024 ;
– la ligne Paris-Cerbère n’a circulé que les week-ends et en période de vacances scolaires ;
– la ligne Paris-Latour-de-Carol ne dispose pas non plus de liaison quotidienne ;
– la ligne Paris-Aurillac ; une liaison quotidienne devrait être instaurée à partir du 4 juillet 2025.
Afin de fidéliser les voyageurs, il est essentiel d’assurer une circulation quotidienne des trains de nuit.
c. Améliorer la fiabilité dans un contexte de travaux croissants sur le réseau
« La question de la fiabilité prend une place de plus en plus importante à la fois dans la planification des transports et dans les processus de décision. De nombreux travaux empiriques ont mis en évidence l’importance croissante de la fiabilité des temps de parcours pour les usagers. » ([112])
L’information des voyageurs
Autre versant de la fiabilité et de la ponctualité des trains, les usagers attendent d’être tenus informés des éventuels retards ou de l’annulation de leur train ainsi que des solutions de trajets alternatifs à leur disposition.
Depuis l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, Gares & Connexions a repris les prestations historiquement assurées par les transporteurs afin d’assurer la continuité de l’information des voyageurs.
Gares & Connexions a ainsi mis en place des centres opérationnels d’exploitation de gare (COEG) dans 49 gares dites prioritaires car multitransporteurs. Ces centres ont plusieurs missions : la gestion de l’information des voyageurs, la gestion de flux ainsi que la sûreté et la sécurité ferroviaire.
En parallèle, Gares & Connexions a déployé un nouveau système d’information des voyageurs, le programme LIVE lancé en 2021. Ce programme a vocation à positionner la filiale du groupe SNCF comme intégrateur de l’information des voyageurs en gare. Il est actuellement actif dans plus de 1 200 gares.
Le nombre de travaux sur le réseau ne cesse de croître compte tenu des besoins de régénération du réseau structurant et des petites lignes, ce qui compromet la qualité de service des opérateurs ferroviaires en matière de fiabilité et de ponctualité. En effet, les travaux sur l’infrastructure peuvent conduire à des limitations temporaires de vitesse voire à des annulations de circulation. Dans certains cas, les trains peuvent être contraints d’emprunter des itinéraires bis, rallongeant la durée du trajet.
Selon l’ART, l’empreinte des plages de travaux est en forte augmentation depuis 2019 et représente, au cœur de la nuit, 40 % de la capacité du réseau structurant ([113]). Les portions les plus utilisées du RFN sont, encore plus qu’en 2019, les plus affectées par les travaux en 2023. Au total, la part du réseau non utilisable du fait de la programmation des travaux atteint 14 % en 2023.
L’opérateur Trenitalia France souligne également comme principale difficulté rencontrée avec le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, celle de l’anticipation et de la coordination sur la planification des travaux sur le réseau. Trenitalia France relève par exemple que la liaison Paris-Milan, rouverte au 1er avril 2025 à la suite de dix-neuf mois de fermeture, n’a pu être opérée pendant la plupart des ponts du mois de mai en raison de travaux conduits à ces dates, avec des conséquences non négligeables en termes de perte de fréquentation pour l’opérateur italien.
i. Mieux anticiper l’impact des travaux sur les circulations de nuit pour en assurer la continuité
Pour inciter au report modal vers le train, les conditions à réunir doivent être celles de la fiabilité, de la quotidienneté et de la régularité des liaisons ferroviaires existantes. Or, la multiplication à venir des travaux sur les voies, qui ont essentiellement lieu la nuit, conduit trop souvent à la dégradation des plages horaires, voire à la suppression de la circulation des trains de nuit.
Le rapport du RAC sur les trains de nuit ([114]) a passé en revue l’impact des travaux nocturnes sur les principales lignes de nuit actuelles :
La ligne Paris-Rodez/Albi est la seule ligne de nuit sur laquelle la fréquentation a diminué en 2024 par rapport à 2023 en raison du nombre très élevé d’annulations de circulation pour travaux, soit environ 50 jours non utilisés dans l’année, et de la fermeture complète de la ligne durant trois mois à la suite d’un glissement de terrain.
Les travaux sur cette ligne ainsi que dans le cadre du projet de LGV entre Bordeaux et Toulouse ont eu des conséquences sur l’attractivité de la ligne de nuit Paris-Toulouse. La ligne entre Paris et Toulouse est la liaison de nuit la plus empruntée grâce à une circulation quotidienne, fiable et à des horaires adéquats. Cette ligne affiche en 2024 un taux d’occupation record de 86 % qui répond aux besoins des voyageurs professionnels ; ceux-ci représentent 30 % des usagers de la ligne. Or, en 2025, la ligne a pâti d’une plage horaire dégradée afin d’éviter la circulation de nuit sur la zone en travaux.
De la même manière, la ligne entre Paris et Tarbes a été contrainte à la fermeture tous les week-ends pour cause de travaux en 2023. En 2024, les trains n’ont pas pu circuler un jour sur trois. Toutefois malgré ces horaires dégradés (départ de Tarbes à 19 heures et une arrivée repoussée à 9 heures 39) le taux d’occupation en 2024 est en forte hausse, atteignant 76 %, soit 14 points de plus qu’en 2023. Cette hausse est portée par la desserte de nouvelles villes à l’année : Bayonne, Pau et Dax. Cette ligne dispose donc d’un potentiel de croissance important grâce à l’augmentation du nombre de jours de circulation et l’amélioration des horaires.
Alors que les besoins en régénération et en modernisation sur le réseau structurant et les petites lignes vont conduire à une plus forte densité de travaux de nuit dans les années à venir, cette indisponibilité du réseau pourrait constituer un frein à la relance du train de nuit en France. Il est donc vital de créer les conditions pour permettre aux trains de nuit de continuer à circuler malgré les travaux.
Selon le collectif « Oui au train de nuit » et le RAC, il est nécessaire de prévoir et de sanctuariser des itinéraires bis fiables en cas de coupure en raison de travaux sur le réseau ferré pour permettre aux trains de nuit de continuer à circuler. Des itinéraires bis de contournement de travaux ont d’ores et déjà été identifiés par SNCF Réseau pour plusieurs lignes de nuit. Ce travail doit être poursuivi pour offrir une alternative à toutes les liaisons de nuit concernées par ces travaux nocturnes. Il est également proposé d’intégrer ces itinéraires bis dans le réseau structurant entretenu par SNCF Réseau afin de garantir leur pérennité.
Recommandation n° 22
Identifier et sanctuariser des itinéraires bis de contournement des travaux pour les trains de nuit.
ii. Étudier le retour des travaux avec circulation sur voie contiguë
Le collectif « Oui au train de nuit » et le RAC invitent également à étudier le retour aux travaux avec circulation sur voie contiguë notamment lorsqu’il n’est pas possible de proposer un itinéraire bis. En effet, il serait possible d’envisager de maintenir la circulation en réalisant les travaux sur une seule voie, ce qui permettrait de faire rouler à petite vitesse les trains de nuit sur la voie contiguë.
Cette pratique auparavant répandue lorsque les travaux étaient réalisés en interne par SNCF semble avoir été perdue notamment avec l’externalisation des travaux de maintenance et des travaux lourds et le renforcement des exigences de sécurité. Selon M. Matthieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau, la réalisation de travaux avec voie contiguë utilisée entraînerait un surcoût de 15 %.
Une piste à étudier pourrait être de réinternaliser certains travaux ou tâches liés à la régénération du réseau au sein du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, afin de pouvoir réaliser des travaux sur chantier ouvert et ainsi permettre la circulation de trains de nuit ou de fret sur voie contiguë sans devoir interrompre la poursuite des travaux et en ayant une maîtrise complète du calendrier des travaux.
Recommandation n° 23
Réinternaliser au sein de SNCF Réseau certaines tâches liées à la régénération du réseau pour faciliter la possibilité de réaliser des travaux sur une voie avec une voie contiguë utilisée à vitesse très réduite.
3. Le train doit être plus abordable
Le prix est le premier facteur d’exclusion et de non-utilisation du train, en particulier pour le TGV.
a. Agir sur le niveau des péages ferroviaires
Comme exposé précédemment, la décomposition du prix d’un billet de TGV révèle que 35 à 40 % du coût du billet sont directement liés au niveau des péages ferroviaires, qui sont parmi les plus élevés d’Europe. Le niveau des péages en Italie par exemple est environ deux fois moins élevé.
péages acquittés par les entreprises ferroviaires par train.km
et par activité en 2022 (en euros courants)
Source : ART
Il en résulte que l’usager du train en France est celui qui prend le plus à sa charge le coût de l’entretien de l’infrastructure comparé notamment aux usagers des routes. Par comparaison, en Espagne, c’est l’État qui a intégralement financé le coût de l’infrastructure LGV.
En outre, le niveau très élevé des péages ferroviaires peut être perçu comme un frein à l’accès au réseau ferré national et réduit le nombre potentiel de nouveaux opérateurs pouvant proposer un service ferroviaire en SLO. En effet, selon Proxima et Trenitalia France, les péages représentent entre 50 % et 60 % des coûts totaux d’exploitation pour un opérateur.
Tout nouvel opérateur ferroviaire sur le marché français dispose toutefois de conditions plus avantageuses les trois premières années de service. Un dispositif de tarification négociée entre le nouvel opérateur et SNCF Réseau est en effet mis en place sous la forme de réductions tarifaires sur la redevance de marché pendant trois ans.
Recommandation n° 24
Pour agir sur le pouvoir d’achat des usagers du train et développer l’offre sur le réseau national :
(Olga Givernet) : étudier la faisabilité d’une baisse du prix des redevances ferroviaires, notamment sur les sillons avec une forte élasticité-prix, afin d’accroître le nombre d’opérateurs et in fine une hausse des recettes totales pour le gestionnaire du réseau.
(Bérenger Cernon) : une meilleure contribution de l’État est également nécessaire pour le financement des infrastructures ferroviaires, au regard du niveau très élevé du prix des péages ferroviaires en France, notamment par comparaison avec les pays voisins.
Le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable sur les billets de train, que ce soit des billets de TGV ou de TER, est de 10 % et elle n’est pas déductible.
Pour réduire le prix des billets de train pour les usagers, le taux de TVA applicable au transport ferroviaire ou guidé de voyageurs pourrait être abaissé à 5,5 % dès la prochaine loi de finances. Cette mesure permettrait de rendre le train un peu plus accessible et d’inciter un plus grand nombre de voyageurs à privilégier ce mode de transport.
Recommandation n° 25
Abaisser le taux de TVA applicable au transport ferroviaire ou guidé de voyageurs de 10 % à 5,5 %.
c. Revenir à un tarif kilométrique
Pour fixer les prix des billets des TGV, SNCF Voyageurs pratique une tarification dite dynamique, aussi connue sous le nom de yield management laquelle est une méthode de tarification d’ajustement de l’offre et la demande. D’après SNCF Voyageurs ([115]), le prix ne sera pas le même avec cette méthode de tarification, selon le moment où le billet est acheté. Plus un train se remplit, plus les prix sur ce dernier sont élevés.
En conséquence, les passagers d’un même train ne payent pas le même prix pour un même billet en fonction de la date de l’achat du billet.
Recommandation n° 26
(Bérenger Cernon) Réintroduire une tarification kilométrique pour la fixation du prix des billets de TGV.
B. Créer les conditions d’un véritable « choc d’offre »
1. Faire de la modernisation du réseau une priorité pour augmenter sa capacité
Un investissement massif dans la modernisation et la digitalisation du réseau est nécessaire pour augmenter les volumes de circulation sur le réseau ferré national. Les deux principaux axes de modernisation sont, d’une part, le déploiement du système de commande européen ERTMS et, d’autre part, la migration progressive de la gestion des aiguillages vers un système de commande centralisée du réseau (CCR).
Or la France accuse un très net retard d’intégration de ces deux technologies comme le démontrent les données du rapport de la conférence « Ambition France Transports » ([116]).
Taux de déploiement de la CCR dans plusieurs pays d’Europe
|
France |
Allemagne |
Italie |
Belgique |
Taux de déploiement |
18 % |
90 % |
70 % |
65 % |
Source : IRG-Rail, 13e rapport annuel d’observation des marchés ferroviaires en Europe, mars 2025.
Pour ce qui est de l’ERTMS, seul 4 % du réseau français est équipé en 2025, soit environ 1 100 km du réseau ferré, contre 18 % du réseau espagnol.
a. Généraliser la commande centralisée du réseau
Une commande centralisée du réseau (CCR) est un poste d’aiguillage digitalisé gérant la circulation des trains sur un très grand rayon d’action. Le déploiement de la CCR permettrait de passer de 2 000 postes d’aiguillage à seulement 15 CCR à l’avenir.
Le niveau actuel de l’enveloppe prévue pour financer le déploiement de la CCR est de l’ordre de 450 millions d’euros par an. À ce rythme, seul un tiers des secteurs de circulation pourront être équipés de la CCR d’ici 2030 et l’achèvement du déploiement sur le réseau structurant ne pourra être envisagé avant 2070.
Selon l’ART, l’investissement total pour le déploiement de la CCR devrait être d’environ 20 milliards d’euros avec une montée en puissance des financements tout au long des années 2020 pour atteindre 1 milliard d’euros2021 par an en 2030 consacrés à la modernisation du réseau. Avec ces montants, la CCR pourra être déployée sur la quasi-totalité du réseau d’ici 2042.
Afin de tenir ce calendrier et les engagements européens de la France, il sera indispensable de sanctuariser le budget consacré au déploiement de la CCR et ne pas en faire une variable d’ajustement en cas de besoins financiers pour le volet consacré à la régénération du réseau.
Le déploiement de la CCR sur l’ensemble du réseau d’ici 2042 permettrait de maîtriser la hausse des coûts d’exploitation au niveau de 2022 malgré une augmentation attendue des trafics ferroviaires de près de 36 % sur la même période ([117]).
Recommandation n° 27
Dans le cadre du prochain contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, inscrire la hausse de l’enveloppe à 1 milliard d’euros par an pour financer le déploiement de la CCR et permettre d’équiper la totalité du réseau structurant d’ici 2042.
b. Équiper les lignes en ERTMS
Le système européen de gestion du trafic ou ERTMS est un référentiel européen en matière de signalisation ferroviaire. Il vise à remplacer tous les systèmes de signalisation existant en Europe par un système unique conçu pour promouvoir l’interopérabilité des réseaux ferroviaires nationaux et le transport ferroviaire transfrontalier.
Parmi les bénéfices attendus du déploiement de l’ERTMS sur le réseau français :
– la suppression des coûts de renouvellement des systèmes de signalisation ;
– la baisse des coûts de maintenance de l’infrastructure ;
– des gains de capacité ; sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, l’ERTMS permettrait de passer d’une capacité maximale de 13 trains par heure à 15, voire 16 si la totalité des trains qui circulent sur la ligne sont équipés de l’ERTMS ;
– des gains pour les opérateurs ferroviaires qui peuvent avoir accès à un plus grand marché grâce à l’interopérabilité et rationaliser leur flotte de matériel roulant.
Selon l’ART, pour équiper le réseau central du RTE-T, soit environ 9 000 kilomètres de lignes, il faudrait une enveloppe annuelle comprise entre 300 millions d’euros2021 et 500 millions d’euros2021 à compter de 2025.
Recommandation n° 28
Comme pour le déploiement de la CCR, inscrire lors de la révision du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau une enveloppe annuelle comprise entre 300 millions d’euros2021 et 500 millions d’euros2021, selon l’évaluation fine des besoins, pour équiper le réseau central du RTE-T d’ici 2030 conformément aux objectifs européens.
2. Anticiper et programmer les besoins en matériel roulant
Le marché du matériel roulant est un marché européen multi-local avec des spécificités de réseau et de normes qui rendent impossible la création et la production d’un modèle de train européen unique, ce qui permettrait de réduire les coûts et les délais de fabrication.
Les deux principaux constructeurs de matériel ferroviaire en France sont Alstom, avec seize sites de production en France, et CAF laquelle dispose de deux sites de production, l’un en Alsace et l’autre dans les Hautes-Pyrénées.
Alstom et CAF ont alerté en audition sur les craintes des industriels à être en mesure de répondre aux besoins en capacité avec le choc d’offre attendu dès 2030. Selon les industriels, pour être en mesure de répondre aux besoins de 2030 à 2032, il faudrait que le matériel roulant soit commandé dès à présent afin de tenir compter des délais incompressibles de conception, de production, d’essai et d’homologation.
Le déploiement des SERM est représentatif du manque de visibilité et de prévisibilité dont pâtit actuellement le marché du matériel roulant. Comme l’a souligné Alstom, les industriels ne connaissent pas encore les futurs opérateurs en charge d’exploiter les SERM du fait de l’ouverture à la concurrence et les AOM n’ont pas la capacité technique pour définir l’offre sur le volet industriel ; ils se trouvent « à la croisée des chemins » sans visibilité sur les parts de marché qu’ils pourront remporter pour répondre aux besoins futurs. Ce manque d’anticipation doublé d’un marché fragmenté pourrait conduire les industriels à ne pas répondre aux appels d’offres sur les SERM, lesquels auront besoin de matériel roulant supplémentaire pour assurer la hausse du cadencement.
Recommandation n° 29
Mettre en place un contrat-cadre, par exemple avec la Fédération des industries ferroviaires, pour garantir des coûts et des délais optimaux ainsi que pour harmoniser les critères des cahiers des charges afin de répondre aux besoins des autorités organisatrices des transports à l’avenir.
C. Sortir de la logique du « tout TGV » pour accroÎtre l’offre ferroviaire de proximité sur tout le territoire
1. Organiser et financer le déploiement des « RER métropolitains »
La loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express métropolitains vise à renforcer par des solutions alternatives à la voiture les liaisons des villes-centres avec leurs banlieues, leurs zones rurales périurbaines et les villes moyennes qu’elles polarisent. Comme le résume le rapport de l’atelier sur le modèle économique des AOM et des SERM de la conférence « Ambition France Transports » ([118]) « en somme, il s’agit de développer les mobilités à l’échelle d’une aire urbaine correspondant au lieu de vie et de travail des habitants. C’est une nécessité sociale, économique et environnementale. »
La Société des Grands Projets (SGP) a rappelé lors de son audition que l’ambition des SERM est de développer le concept d’étoile ferroviaire, issu de la LOM, en y intégrant davantage d’intermodalité, pour répondre aux besoins de mobilité des voyageurs qui habitent dans un rayon d’environ 80 km à la ronde d’une métropole.
Les travaux de l’atelier précité ont mis en évidence « une inadéquation actuelle entre la demande de mobilité vers les pôles urbains et l’offre de transport collectif disponible ». Plusieurs constats y sont dressés :
– les liens entre les zones périurbaines, les villes moyennes avec les grandes agglomérations représentent près de la moitié des émissions de la voiture : ces trajets pèsent donc dans le bilan des émissions de GES du secteur des transports ;
– selon l’INSEE, 93 % de la population française est économiquement polarisée sur les villes mais seuls 50 % résident dans les pôles urbains, les autres vivant en zones périurbaines : cette répartition spatiale de l’habitat et de l’emploi a des conséquences directes sur la mobilité ;
– l’équité sociale impose d’assurer la mobilité pour tous, laquelle est un facteur clef d’insertion sociale et professionnelle.
Pour répondre à ces besoins de mobilité, un choc d’offre de mobilités entre les grandes villes-centres, leurs banlieues, leur aire périurbaine rurale et les villes moyennes est indispensable, mais au prix d’investissements d’ampleur.
Besoins de financement pour le développement des SERM
« – S’agissant des TER : SNCF Réseau estime que la mise en œuvre des SERM induirait une hausse des dépenses d’exploitation d’environ 580 millions d’euro2022 en 2040 (soit 826 millions d’euros courants). Sur le plan des investissements, le COI estime dans le scénario de planification écologique de 2022 qu’un effort de 175 milliards d’euros est nécessaire sur deux quinquennats dont plus de 55 milliards d’euros pour les seules infrastructures ferroviaires et SERM ;
– S’agissant des transports publics urbains : le GART estime qu’entre 2025 et 2035, les 25 plus grandes AOM locales devront couvrir 34 milliards d’investissements et 9 milliards d’euros de surcoûts d’exploitation. Après mobilisation de 19 milliards d’euros d’emprunts nouveaux, le GART identifie un reliquat non financé s’élevant à 14,7 milliards d’euros, extrapolé à 22,6 milliards d’euros pour l’ensemble des AOM, soit environ 2 milliards d’euros par an à trouver. »
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/20250709_Rapport_AFT.pdf
L’atelier sur le financement des AOM et des SERM en conclut que « financer le choc d’offre semble très difficile pour quatre principales raisons : l’exploitation en perte d’efficience ; le versement mobilité atteint sa limite et concerne essentiellement les AOM urbaines ; les recettes tarifaires issues des usagers couvrent de moins en moins les dépenses d’exploitation ; enfin, l’autonomie financière, et donc les capacités d’investissement, des acteurs publics locaux est limitée. »
Si les SERM offrent une véritable opportunité sur le papier pour opérer un report modal massif des mobilités du quotidien, l’équation du financement de ce choc d’offre doit être rapidement résolue afin d’entrouvrir des perspectives crédibles pour les AOM et les opérateurs pour calibrer leur offre. Car ce choc d’offre nécessitera également du matériel roulant neuf avec des délais de livraison importants à anticiper.
2. Prioriser la poursuite du maillage du réseau de proximité
a. De la pertinence des nouveaux projets de LGV
De nouveaux projets de LGV ont vocation à renforcer et à finaliser le maillage du territoire :
– le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO) entre Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax (voir encadré ci-dessous) ;
– la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, via Béziers : c’est le dernier maillon restant à construire pour assurer la continuité de la grande vitesse entre la France et l’Espagne. Ce projet a été déclaré d’utilité publique en 2023.
– les lignes nouvelles en PACA qui visent à « augmenter de 66 % le nombre de trains du quotidien et à déployer trois services express régionaux métropolitains afin de reporter 62 % du trafic routier vers le rail d’ici 2025 » ([119]).
Des projets sont également à l’étude pour relier la Picardie à Roissy avec la grande vitesse.
Grand projet du Sud-Ouest (GPSO)
Le GPSO s’inscrit dans la continuité de la ligne Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux, mise en service en 2017. Il comprend deux volets :
– les aménagements ferroviaires du nord toulousain (AFNT) sur la ligne existante Bordeaux-Toulouse au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse ainsi qu’en vue du SERM toulousain ;
– la ligne nouvelle du sud-ouest (LNSO) qui est composée de plusieurs opérations : la création des lignes et gares nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax (voyageurs) ; la création d’une ligne nouvelle Dax-Espagne (voyageurs et fret).
Le plan de financement de la phase 1 du GPSO prévoit un financement à parité entre l’État et les collectivités (24 collectivités territoriales d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine au total) à hauteur de 40 % chacun. Les 20 % restant seront financés par l’Union européenne. Le coût total d’investissement est estimé à 14 milliards d’euros courant pour le déploiement de cette phase 1.
Autour de Toulouse, les travaux doivent s’achever fin 2031. Pour l’ensemble des travaux entre Bordeaux et Toulouse, l’échéance est prévue pour 2032.
Parmi les bénéfices attendus de ce projet, la réduction du temps de trajet pour les voyageurs entre Paris et Toulouse (3h10 contre 4h10 actuellement) ainsi qu’entre Toulouse et Bordeaux et Toulouse et Bayonne. En outre, le maillage sera complété et l’intermodalité renforcée avec la création de dessertes intermédiaires avec les gares nouvelles de Mont-de-Marsan, Agen et Montauban.
Cependant, le projet est l’objet de fortes critiques :
– son coût, 14 milliards d’euros, est probablement sous-estimé : les opposants au projet évoquent un montant se rapprochant des 20 milliards d’euros après prise en compte de l’inflation ;
– les alternatives ont été insuffisamment explorées : les opposants au projet défendent la modernisation des lignes existantes, qui pourrait coûter 8 milliards d’euros de moins et permettre une réduction de temps de trajet et une qualité de service satisfaisante ;
– la construction de la nouvelle LGV entraînerait la destruction de près de 5 000 hectares d’espaces naturels, dont 2 000 hectares de forêts, là où l’aménagement des voies existantes constituerait une alternative moins destructrice ;
– le projet serait socialement régressif : il pénaliserait les classes populaires via l’aggravation des tensions immobilières locales liées à un rapprochement de Paris et bénéficierait à une population déjà bien connectée et majoritairement issue des catégories les plus aisées([120]). L’ART relevait en 2019 que les individus aux revenus élevés sont surreprésentés parmi les usagers du TGV ([121]) ;
– malgré la promesse de dessertes de gares telles que Mont-de-Marsan, Agen et Montauban, l’audition de SNCF Voyageurs a montré que celles-ci n’étaient pas garanties si elles ne présentent pas un intérêt économique pour SNCF Voyageurs.
Ces grands projets de développement de l’infrastructure ferroviaire représentent un enjeu financier majeur pour SNCF Réseau. Selon les données du rapport de la conférence « Ambition France Transports », en 2025, près de 37 % du budget d’investissement de SNCF Réseau sera consacré à des projets cofinancés dont 20 % pour les grands projets, ce qui représente 1,2 milliard d’euros.
« Dès lors que la régénération est reconnue comme la priorité de l’action publique en matière ferroviaire, il convient de veiller à ce que les besoins considérables en financement des grands projets de développement ne génèrent pas un effet d’éviction de ressources disponibles ou mobilisables à son détriment comme ce fut le cas lors des premières générations de LGV » ([122])
Recommandation n° 30
Dans le contexte actuel de ressources limitées, privilégier le développement de l’offre des trains du quotidien plutôt que les projets de nouvelles LGV et confier au COI une mission de priorisation des grands projets de développement afin de sanctuariser les ressources nécessaires aux investissements dans les infrastructures existantes.
b. La réouverture de petites lignes doit se poursuivre
Le maintien des petites lignes et leur développement est essentiel pour l’aménagement du territoire. Or, selon SNCF Réseau, la fermeture de lignes résulte majoritairement du vieillissement du patrimoine. Il est donc nécessaire d’avoir un volontarisme politique fort de l’État et des régions pour assurer l’entretien et le renouvellement des petites lignes.
Dans le cadre de certains contrats de plans, certaines régions sont allées encore plus loin en rouvrant une ligne de desserte fine du territoire sur leur réseau afin de redynamiser l’économie locale, relancer le tourisme ou encore désenclaver un territoire :
– la ligne TER Niort-Saintes en Nouvelle-Aquitaine a ainsi été rouverte le 15 février 2025 après avoir été entièrement fermée à la circulation depuis 2023 ; la région y a investi 87,4 millions d’euros, soit plus des trois quarts du montant total des travaux ;
– la ligne des Horlogers en Bourgogne-Franche-Comté reliant Besançon à la Suisse a été rouverte en novembre 2024 après huit mois de travaux pour un coût de 53,5 millions d’euros, cofinancé par la Région, l’État et SNCF Réseau ;
– la ligne Montréjeau – Luchon en Occitanie a rouvert le 22 juin 2025 après dix ans de fermeture ; la région Occitanie a récupéré la gestion de la ligne afin d’accélérer sa réouverture et a investi seule 67 millions d’euros, sans aide de l’État. Six allers-retours quotidiens sont assurés dont un direct depuis Toulouse en semaine et deux le week-end. 60 000 voyageurs quotidiens par an sont attendus d’ici 2030, contre 40 000 en 2013 avant la fermeture ;
Il est à noter que la mise en place d’une liaison par autocar en lieu et place d’une liaison ferroviaire sur une petite ligne entraîne une perte de 30 % des passagers : cette solution qui pourrait paraître plus économique pour une autorité organisatrice ne doit donc pas être privilégiée car une telle substitution n’irait pas dans le sens du report modal.
Recommandation n° 31
Prioriser le maintien en état de circulation des « petites lignes » et n’envisager la mise en place d’une liaison en autocar qu’en complément de l’offre ferroviaire et non en substitution pour favoriser le report modal.
3. Développer l’offre de train de nuit
Si les lignes de train de nuit ne constituent pas forcément un marché qui rapporte beaucoup, c’est un service dont il faut assurer le maintien dans un souci d’aménagement du territoire. Selon les rapporteurs, plusieurs leviers permettent de soutenir et de renforcer l’offre de train de nuit afin de mieux desservir les territoires éloignés de la capitale et mieux connecter les régions entre elles.
a. L’offre de nuit complète l’offre de jour en élargissant l’amplitude horaire du service ferroviaire
L’offre de train de nuit complète l’offre de jour pour les territoires éloignés de Paris, situés à plus de 3 ou 4 heures de train de jour en élargissant l’amplitude horaire de l’offre ferroviaire.
Les trains de nuit radiaux, ceux au départ ou à destination de Paris, permettent de relier les départements situés à plus de 3 heures 30 de train de Paris en complétant en chemin la desserte des métropoles situées à plus de 3 heures de train comme Marseille, Montpellier, Toulouse.
Le tableau ci-dessous proposé par le collectif « Oui au train de nuit » illustre l’utilité d’avoir une offre de train de nuit complémentaire de l’offre de jour en particulier pour répondre aux besoins des déplacements professionnels qui exigent souvent d’arriver tôt le matin à Paris, ce qui n’est pas toujours possible avec les trains de jour.
Ville de départ |
Première arrivée le matin à Paris |
|
en train de nuit |
en train de jour |
|
Toulon |
7h52 |
9h51 |
Narbonne |
6h40 |
11h05 |
Tarbes |
7h32 |
12h00 |
Rodez |
8h31 |
14h30 |
Si l’on habite à Rodez par exemple, il est impossible de se rendre à Paris pour un rendez-vous le matin même en prenant un train de jour. Il faudrait alors se rendre à Paris la veille et payer une nuitée d’hôtel, par exemple pour pouvoir honorer un rendez-vous matinal. L’offre de train de nuit offre l’avantage d’une arrivée matinale et l’économie d’une nuitée à l’hôtel.
b. Accroître l’offre disponible en augmentant la taille du parc de matériel roulant de nuit
Pour mémoire, l’appel d’offres lancé par l’État en février 2025 pour un marché public de location de nouveaux trains de nuit comporte une tranche ferme pour 180 nouvelles voitures couchettes ainsi que 27 nouvelles locomotives. Comme indiqué supra, cette tranche ferme permettra d’optimiser les lignes actuelles mais sans augmentation de la taille du réseau.
Recommandation n° 32
(Bérenger Cernon) Privilégier l’achat de matériel roulant neuf plutôt que la location comme prévu dans l’appel d’offres lancé par l’État en février 2025 pour le parc de trains de nuit.
(Olga Givernet) Maintenir le système de location de matériel roulant comme solution offrant plus de souplesse à l’État ou à l’autorité organisatrice et permettant un meilleur partage de la responsabilité avec le fournisseur.
i. Activer la tranche optionnelle de l’appel d’offres pour augmenter la taille du parc de trains de nuit à 300 voitures
L’activation de toutes les tranches optionnelles de l’appel d’offres permettrait à l’État de disposer de 340 voitures-couchettes entre 2030 et 2035, ce qui rendrait possible un réseau de nuit à dix lignes, tel que s’y était engagé le Président de la République, Emmanuel Macron, lors d’une allocution diffusée en ligne le 27 novembre 2022.
En cas d’activation de la clause optionnelle, un nouveau centre technique devra également être construit, hors de Paris, pour assurer la maintenance des nouvelles voitures. Le centre actuel de Paris-Masséna situé à proximité de la gare d’Austerlitz ne peut assurer la maintenance que d’environ 150 voitures de nuit.
Pour pouvoir augmenter le réseau de nuit dès 2030, le lancement des travaux pour la construction d’un nouveau centre de maintenance devrait être décidé au plus vite compte tenu des délais de 4 à 5 ans pour bâtir un tel centre.
ii. À moyen terme, passer à un parc de 600 voitures pour relancer les liaisons à fort potentiel de trafic
Selon le RAC ([123]), grâce à l’« effet réseau », l’augmentation du parc de voitures permettrait de démultiplier l’offre tout en faisant chuter le coût par passager. La constitution d’un réseau de lignes de nuit avec un parc à 600 voitures permettrait une mutualisation des opérations de maintenance, une optimisation des correspondances ainsi qu’une meilleure répartition des frais fixes.
En 2020, l’étude précitée de la DGITM sur les TET a analysé le bilan économique des différentes liaisons de nuit en distinguant le « grand équilibre » économique qui inclut les coûts d’acquisition du matériel roulant et le « petit équilibre » économique qui ne tient compte que des coûts d’exploitation. Dans la version finale de l’étude, il est précisé que « les lignes internationales atteindraient le « grand équilibre » tandis que le résultat du « petit équilibre » des lignes intérieures serait dans une fourchette comprise entre l’équilibre financier et un déficit d’une centaine de millions d’euros annuels ».
Un parc de 600 voitures permettrait également de pouvoir renforcer les axes transversaux de nuit.
Recommandation n° 33
À court terme : activer l’option d’extension de la commande de trains de nuit à 340 voitures et programmer la construction d’un atelier de maintenance supplémentaire dès la prochaine loi de finances.
À moyen terme : aller vers un accroissement significatif de la taille du parc roulant de nuit pour atteindre 600 voitures.
c. Renforcer les axes transversaux pour mieux desservir et relier les régions entre elles
L’offre de trains de nuit actuelle n’est structurée qu’autour d’un service en lignes radiales c’est-à-dire à destination ou au départ de Paris. Le développement de liaisons transversales, « de région à région », ou de métropole à métropole n’y est pas développé.
Or, comme le souligne le collectif « Oui au train de nuit », 75 % de la population française hexagonale vit ailleurs qu’en Île-de-France et a besoin de se déplacer entre régions, pas forcément vers Paris alors que de nombreuses grandes métropoles sont encore mal connectées entre elles par le train.
Ce sont sur ces liaisons transversales que l’offre de train à grande vitesse est moins performante en termes de temps de trajet et que le train de nuit serait le plus pertinent.
i. L’absence de liaisons ferroviaires transversales nuit au report modal, au bénéfice du trafic aérien interrégional
Faute notamment d’une offre de trains de nuit, le trafic aérien interrégional a cru particulièrement sur les axes transversaux. En 2024, seules 3 des 10 liaisons aériennes transversales les plus empruntées disposent d’une connexion directe en train ([124]), les 7 autres n’ont pas de liaisons ferroviaires directes.
Selon une étude récente menée par UFC Que Choisir, si le train est plus avantageux que l’avion d’un point de vue tarifaire dans le cas des liaisons ferroviaires directes, dans le cas des liaisons ferroviaires transversales avec correspondance, l’avion est l’option la moins chère.
Liaisons moins chères en avion dans les deux scénarios
Liaison |
Type de ligne ferroviaire |
Prix minimum moyen en avion (€) |
Prix minimum en train (€) |
Différentiel de prix entre l’avion et le train |
|
Biarritz < > Lyon |
TGV-TGV |
105,5 |
169,1 |
-63,6 € |
-38 % |
Bordeaux < > Lyon |
TGV-TGV |
51,5 |
115,0 |
-63,5 € |
-55 % |
Bordeaux < > Nice |
TGV-TGV |
57,1 |
110,3 |
-53,2 € |
-48 % |
Marseille < > Brest |
TGV-TGV |
113,1 |
158,9 |
-45,7 € |
-29 % |
Marseille < > Strasbourg |
TGV |
69,0 |
87,8 |
-18,7 € |
-21 % |
Nantes < > Marseille |
TGV-TGV |
74,7 |
105,9 |
-31,2 € |
-29 % |
Nantes < > Montpellier |
TGV-TGV |
77,0 |
123,8 |
-46,8 € |
-38 % |
Nantes < > Strasbourg |
TGV |
68,5 |
113,9 |
-45,3 € |
-40 % |
Nice < > Strasbourg |
TGV-TGV |
53,6 |
116,4 |
-62,8 € |
-54 % |
Strasbourg < > Bordeaux |
TGV |
98,5 |
138,6 |
-40,1 € |
-29 % |
Toulouse < > Strasbourg |
TGV-TGV |
101,3 |
147,5 |
-46,2 € |
-31 % |
Moyenne |
|
79,1 |
126,1 |
-47 € |
-37 % |
Source : UFC Que Choisir
Dans le tableau présenté ci-dessus, toutes les lignes aériennes sont dites transversales car ne reliant par Paris. Côté ferroviaire, il s’agit dans 80 % des cas de liaisons avec correspondance entre deux TGV (hormis Marseille-Strasbourg et Strasbourg-Bordeaux).
UFC Que Choisir relève que pour les liaisons avec correspondance, le prix minimal moyen du train augmente largement. La nécessité de faire une correspondance en train, outre le fait de complexifier le trajet et d’en allonger la durée, est ainsi corrélée avec une augmentation du prix du billet pouvant constituer un frein pour choisir le train plutôt que l’avion ou la voiture.
Outre la question du prix, le développement de liaisons ferroviaires directes, notamment de nuit pour les longues distances, est ainsi un prérequis pour inciter au report modal de l’avion vers le train.
Le train de nuit est également une alternative aux trajets en avion en Europe que ce soit depuis les principales agglomérations françaises mais également pour les villes moyennes : le train de nuit peut permettre de relier transversalement les régions européennes entre elles ([125]).
ii. Le train de nuit permet une desserte fine des villes moyennes
Le train de nuit est efficace pour desservir les départements ruraux et les villes de taille intermédiaire, peu desservis par la grande vitesse. Il permet aussi de mieux coordonner les grandes métropoles entre elles sans passer par Paris.
Comme le souligne le rapport du RAC ([126]) : « le réseau des lignes à grande vitesse, très dominantes sur le train longue-distance, a été pensé d’abord pour relier les grandes aires urbaines à Paris. Les villes moyennes sont relativement peu desservies, et les liaisons TGV transversales sont rares. À l’inverse, le train de nuit est efficace pour desservir des villes moyennes enclavées (Briançon, Rodez) et/ou non desservies par le TGV (Orléans, Cahors). »
Pour illustrer la durée du trajet sur les transversales avec l’offre ferroviaire actuelle, le collectif « Oui au train de nuit » a renseigné les temps de trajet de et vers 21 métropoles françaises (hors Paris).
Le train de nuit a donc un rôle à jouer pour se déplacer sans perdre de temps sur les liaisons transversales.
Recommandation n° 34
Définir une carte des liaisons transversales en train de nuit entre bassins de population de plus de 1 million d’habitants distants entre eux de plus de 5 heures en train de jour d’ici 2035.
d. Moderniser le confort à bord et les services en gare
Pour répondre à une plus grande diversité de besoins en matière de mobilité, une attention particulière doit être portée au niveau de confort à bord du train ainsi qu’aux services proposés en gare au départ et à l’arrivée. Si le train de nuit en tant que service fourni par l’État doit rester accessible au plus grand nombre, il se doit également de revoir les niveaux de confort et de service pour répondre à des besoins de déplacement d’ordre professionnel en s’inspirant du modèle aérien ou mis en place à l’étranger.
Sur les classes de confort, le collectif « Oui au train de nuit » relève que les deux secteurs aux extrêmes ont été délaissés, à savoir les voitures-lits en première classe qui répondaient aux besoins de voyageurs en déplacement professionnel et les sièges inclinables aux tarifs les plus abordables qui ont disparu de l’offre de nuit.
S’agissant des sanitaires, même si des améliorations ont été permises grâce aux travaux de rénovation des voitures existantes, le confort reste très spartiate et pourrait être modernisé avec la commande de nouvelles rames de nuit. L’ouverture d’espaces sanitaires et douches à l’arrivée et au départ des gares de Paris-Austerlitz et Toulouse-Matabiau a été saluée comme un progrès notable pour améliorer le confort des voyageurs et ces installations similaires pourraient être systématiquement prévues dans les gares d’arrivée et de départ de train de nuit.
II. Mieux insérer le train dans une logique d’intermodalité pour faciliter le transport « de bout en bout »
A. Voyageurs : faire du train le maillon central des déplacements « porte à porte »
S’il n’est pas réaliste de vouloir rapprocher le train de chaque foyer, il est indispensable de faciliter le trajet de « porte à porte » pour inciter davantage de français à substituer à un trajet intégralement effectué en voiture individuelle un trajet multimodal : vélo, train puis bus ou voiture, train puis vélo par exemple.
1. Repenser la place et le rôle de la gare de demain
Les gares ont vocation à occuper une place pivot dans le développement de l’intermodalité, en particulier avec les projets de SERM. Les différents modes de transport ont de plus en plus vocation à pouvoir arriver à la gare, que ce soit au travers de parkings adaptés pour les voyageurs rejoignant la gare en voiture, des arrêts pour les bus, les gares routières accolées aux gares ferroviaires, des parkings pour les vélos ou encore les aires de covoiturage à proximité immédiate.
Dans cette perspective, la gestion de la signalétique de l’intermodalité va être revue et repensée par SNCF Gares & Connexions afin de faciliter le trajet et les connexions pour les usagers.
À terme, l’objectif de Gares & Connexions est de devenir un acteur intégrateur de l’intermodalité « du premier et du dernier kilomètre ».
Le projet « Place de la Gare » de SNCF Gares & Connexions
Projet de valorisation des gares, notamment des petites gares, l’ambition affichée par Gares & Connexions est de contribuer au développement du mode ferroviaire tout en revitalisant les territoires.
L’objectif est de réunir plusieurs services en un même lieu :
– de la mobilité multimodale : trains, taxis, vélos, distributeurs de billets de transports ;
– du service à la personne avec des espaces de travail partagé, de formation, des crèches, des maisons médicales ;
– des commerces ;
– de la logistique avec des points de retrait pour le e-commerce, du stockage pour accompagner la logistique du dernier kilomètre ;
– des bornes de recharges électriques.
Sur la base d’une programmation annuelle établie par Gares & Connexion en concertation avec les AOM et les collectivités territoriales, plus de 200 projets ont vu le jour depuis 2019 sous la forme de réponse à des appels d’offres avec obligation de péréquation, c’est-à-dire avec une obligation d’implantation dans les petites et moyennes gares pour les commerces par exemple.
2. Faciliter le stationnement à proximité des gares
a. Faciliter l’accès et le stationnement en gare des vélos ainsi que leur embarquement à bord des trains
89 % des Français vivent à moins de dix kilomètres d’une des 3 000 gares qui maillent le territoire et la moitié de la population vit à moins de 10 minutes à vélo d’un arrêt de train : le potentiel d’accès à vélo est donc important.
Pour réduire la dépendance à la voiture, notamment en milieu rural, l’accès au train à vélo est un atout majeur en faveur du report modal. Pour cela, deux conditions doivent être remplies :
– d’une part, disposer d’itinéraires sécurisés vers les gares, par exemple avec des voies pour vélos, notamment hors agglomération où la vitesse des véhicules motorisés est de 80 à 90 km/h, ce qui rend la circulation à vélo dangereuse ;
– d’autre part, prévoir des aménagements sécurisés pour le stationnement des vélos à proximité des gares. Le code des transports prévoit déjà depuis la LOM en 2019 que « les gares de voyageurs, les pôles d’échanges multimodaux et les gares routières (…) sont équipés de stationnements sécurisés pour les vélos (…) » ([127])
Le fait d’accéder en vélo à la gare permet d’accroître la zone de chalandise du train. À l’inverse, si le voyageur est obligé d’acquérir et d’utiliser une voiture pour arriver à la gare, il pourrait être tenté de continuer le voyage en voiture jusqu’à sa destination finale.
Par ailleurs, pour permettre aux voyageurs d’effectuer les premiers et derniers kilomètres de leur trajet avec le même vélo au départ et à l’arrivée, il est important de prévoir des emplacements pour vélos dans les trains, en particulier dans les TER et les Intercités.
Recommandation n° 35
L’État pourrait inciter les collectivités territoriales à inclure systématiquement dans leur schéma directeur des aménagements cyclables et des accès sécurisés aux gares ferroviaires dans un rayon de 10 km au moins autour des gares.
Recommandation n° 36
Pour accélérer le déploiement des stationnements sécurisés pour les vélos à proximité des gares, leur financement pourrait en partie être pris en charge par l’État.
b. Faciliter le stationnement des voitures en gare
Hormis en centre-ville, la plupart des usagers du train se rendent en gare avec leur voiture. L’amélioration des conditions de stationnement à proximité des gares pour les véhicules peut ainsi être un levier pour l’attractivité du train.
En premier lieu en agissant sur le nombre et la qualité du stationnement à proximité des gares en développant le nombre de parking – relais. Selon l’UTPF, il y a en France un déficit des parkings-relais aux abords des gares, ce qui constitue un frein important au développement de l’intermodalité.
En second lieu, le coût du stationnement pourrait être mieux pris en charge par la collectivité ou l’employeur. Si le parking peut être gratuit lorsque l’usager dispose d’un abonnement annuel ([128]), il est autrement payant pour l’usager.
Pour inciter au report modal, notamment pour les déplacements domicile-travail, une prise en charge du coût des frais de parking en gare pourrait être étudiée dans le cadre du remboursement des frais de transport domicile-travail par l’employeur.
Recommandation n° 37
Étudier la pertinence de prendre en charge les frais de parking en gare dans le cadre des déplacements domicile-travail et de la « prime transport ».
B. FRET : valoriser le transport de bout en bout avec le soutien au transport combiné
1. Soutenir le développement du marché du transport combiné
a. Mieux prendre en charge financièrement la problématique du « premier et dernier kilomètre »
Le marché du transport combiné, comme indiqué précédemment, est en plein développement. Plus flexible que le fret conventionnel, il allie les avantages des transports routier et ferroviaire. Par ailleurs, ce moyen de transport est adapté à l’objectif de désenclavement des territoires car il permet de transporter de plus petits volumes au départ et en livraison.
Toutefois, si le tarif de la partie sur rail est intéressant, la partie routière du dernier kilomètre est la plus onéreuse. Cette situation crée une problématique du marché du premier et du dernier kilomètre par conteneur dans le cadre du transport combiné.
Une aide à l’exploitation du transport combiné, aussi appelée « aide à la pince », a été mise en place par l’État. Cette aide de 23 euros environ par opération de transbordement vise à réduire l’écart de compétitivité entre le rail et la route en compensant les surcoûts liés aux ruptures de charge du transport combiné.
Le montant de l’enveloppe budgétaire consacré à l’aide à la pince a été porté à 47 millions d’euros depuis 2021. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a prévu de maintenir ce niveau d’aide jusqu’en 2027 et le Gouvernement de l’époque avait repris l’engagement de préserver ce soutien complémentaire jusqu’en 2030.
Recommandation n° 38
Afin d’accompagner la dynamique de développement du transport combiné, il est proposé d’augmenter le montant de l’aide à la pince pour compenser les surcoûts liés aux ruptures de charge avec un objectif de 80 millions d’euros par an dans le cadre de la prochaine loi de finances (programme 203 de la mission Écologie).
b. Développer et moderniser les infrastructures des plateformes multimodales et des ITE pour améliorer l’offre en transport combiné
Selon Alliance 4F, il n’y a pas sur le transport combiné un problème de demande mais un problème d’offre car la demande des chargeurs serait très forte. Le problème d’offre, comme indiqué précédemment, se situe au niveau de la saturation et de la vétusté des plateformes multimodales et des installations terminales d’embranchement.
Le schéma directeur du transport combiné ([129]) a estimé à 1,1 milliard d’euros l’enveloppe financière nécessaire pour la réalisation des projets d’extension des terminaux existants et de création de nouveaux terminaux pour répondre à la demande de transport combiné :
– 670 millions d’euros pour réaliser les vingt-sept projets d’extension ou de modernisation des terminaux existants ;
– 430 millions d’euros pour les vingt-deux projets de terminaux à créer, dont quatre sont déjà financés, et la réouverture de cinq terminaux de transport combiné.
La création de nouveaux terminaux permettra de desservir des territoires actuellement enclavés tels que la Normandie avec la création d’un nouveau terminal à Cherbourg, la façade Atlantique avec deux nouveaux terminaux en Nouvelle-Aquitaine ainsi que le Sud-Ouest avec la création d’un nouveau terminal dans la région de Toulouse ([130]).
Recommandation n° 39
Programmer dans les meilleurs délais les travaux identifiés par le schéma directeur du transport combiné pour accroître les capacités de terminaux existants et construire les nouveaux terminaux.
Recommandation n° 40
Mettre en œuvre la proposition de la conférence « Ambition France Transports » qui recommande d’augmenter de 300 millions d’euros par an les investissements en faveur du fret ferroviaire notamment pour couvrir les besoins en investissement pour l’augmentation de la capacité des terminaux de transports combinés et la création de nouveaux terminaux.
2. Améliorer l’embranchement ferroviaire des centres logistiques
Au centre du transport de marchandises du XXIe siècle se trouvent les dépôts logistiques, piliers de la politique dite « zéro stock » prônée par les sociétés de commerce en ligne et les entreprises de la grande distribution. Ces entrepôts et plateformes logistiques, construites principalement dans des zones périphériques, aujourd’hui peu ou pas reliées au réseau ferroviaire, sont le cœur névralgique du transport routier massif.
Or, il existe en France plus de 2 800 installations temporaires embranchées (ITE) qui desservent des usines et des entreprises, dont seulement 1 000 seraient utilisées. Il est ainsi urgent de repenser l’aménagement du territoire pour promouvoir l’intermodalité et mieux relier les nouvelles zones logistiques au réseau ferroviaire existant.
Recommandation n° 41
Introduire une obligation d’étude de faisabilité afin de prévoir un embranchement ferroviaire pour tout nouvel entrepôt ou plateforme logistique pour garantir l’accès au transport ferroviaire.
3. Favoriser une meilleure information et responsabilisation des chargeurs
Sur le marché du fret ferroviaire ce sont les chargeurs, c’est-à-dire les industriels, qui décident du mode de transport pour leurs marchandises. Or, comme l’ont fait remarquer Hexafret et l’Union TLF en audition, les chargeurs n’ont actuellement aucune incitation à prescrire un mode de transport décarboné. Pourtant, ce sont eux qui disposent des marges suffisantes pour faire le choix de la décarbonation et pour faire les investissements nécessaires selon Union TLF.
Depuis 2011, la loi ([131]) impose déjà aux transporteurs d’informer les chargeurs sur les émissions de GES générées par leur activité. En pratique, cette obligation n’est pas appliquée. Or, cette information est essentielle pour permettre aux chargeurs de mieux appréhender la dimension environnementale dans leur choix de prestation de transport.
Recommandation n° 42
Mieux veiller au respect de l’obligation prévue à l’article L. 1431-3 du code des transports pour les transporteurs de transmission d’information sur les émissions de GES auprès des chargeurs afin d’améliorer l’information de ces derniers sur leur choix de prestation de transport.
Au-delà de l’accès à l’information sur les émissions de la prestation de transport choisie, les chargeurs doivent également être incités à privilégier le mode de transport le plus décarboné afin de tendre vers les objectifs de décarbonation du transport de marchandises.
Une obligation de publication des émissions de GES générées par le mode de transport choisi par l’industriel pourrait être introduite afin de responsabiliser les chargeurs sur leur choix de prestation de transport.
En parallèle, le dispositif de certificat d’économie d’énergie (CEE) pour inciter au report modal à destination des chargeurs, des commissionnaires de transports et des transporteurs doit être développé et mieux diffusé auprès des acteurs concernés.
En effet, dans le cadre du programme CEE REMOVE mis en place par l’Agence de la transition écologique (ADEME), le dispositif REMO a pour mission d’accompagner les chargeurs dans la transition vers les modes de transport massifié, qu’ils soient ferroviaires, fluviaux ou encore multimodaux avec le transport combiné pour favoriser le report modal. Pour cela, le dispositif propose un accompagnement sur mesure aux entreprises pour les aider à identifier et à mettre en œuvre les solutions de report modal les plus adaptées à leurs flux de marchandises, notamment en facilitant l’accès aux aides financières existantes. Le chargeur s’engage en retour à viser l’objectif de transférer 15 % des flux de marchandises éligibles.
Recommandation n° 43
Pour responsabiliser les chargeurs, une obligation de publication des émissions de GES générées par le mode de transport choisi pourrait être introduite, par exemple dans le cadre d’un bilan des émissions de GES au sens de l’article L. 229-25 du code de l’environnement.
En contrepartie, le dispositif REMO dans le cadre du programme de CEE REMOVE pourrait être mieux diffusé auprès des chargeurs afin de leur permettre de mettre en place des solutions concrètes de report modal en bénéficiant d’un accompagnement sur mesure.
Recommandation n° 44
Inciter au report modal de la route vers le rail pour le transport de marchandises, notamment via une éco-contribution pour les poids lourds de transit.
Recommandation n° 1 : Pour inciter au transfert des déplacements domicile-travail et domicile-études ainsi que des déplacements occasionnels vers le train, il faut offrir des fréquences élevées tout au long de la journée et en soirée pour faire du train une alternative crédible.
Recommandation n° 2 : Travailler sur une réduction de la distance de pertinence minimale du transport combiné, en identifiant et levant les freins éventuels, afin de développer ce mode de transport au niveau régional.
Recommandation n° 3 : Faire baisser le prix du TGV pour les usagers en augmentant l’offre de grande vitesse notamment par l’acquisition de nouvelles rames afin d’accroître la flotte de TGV en France.
Recommandation n° 4 : Mettre en œuvre la recommandation n° 6 du rapport de la conférence « Ambition France Transports » visant à « inscrire les financements des transports dans un cadre pluriannuel et stable, en élaborant une trajectoire pluriannuelle d’affectation de ressources suffisantes et pérennes à l’AFITF ou en construisant une loi de programmation des infrastructures de transport ».
Recommandation n° 5 : Aller vers une application pleine et entière de la directive « Eurovignette » sur les péages autoroutiers, notamment de la recommandation européenne d’affecter une partie des recettes aux modes de transport plus durables.
Recommandation n° 6 (Olga Givernet) : À l’instar de ce qui a été mis en place par la collectivité européenne d’Alsace fin 2024, la rapporteure préconise l’instauration d’une écotaxe à l’échelle régionale, notamment dans les régions concernées par un fort trafic de transit.
Recommandation n° 7 (Bérenger Cernon) : Le rapporteur préconise que les 2 milliards d’euros de financement restant à trouver pour le fret ne soient pas conditionnés à l’obtention de co-financement dans le cadre des CPER mais fassent l’objet d’une dotation budgétaire propre afin d’accélérer le déploiement des financements nécessaires pour les travaux à programmer.
Recommandation n° 8
(Olga Givernet) Les PPP sont un modèle intéressant dans un contexte budgétaire contraint pour des projets de modernisation et de développement. Ils peuvent s’appliquer facilement sur des objets détachables. Cependant, la maîtrise d’ouvrage de la régénération doit rester à SNCF Réseau.
(Bérenger Cernon) Le rapporteur émet des réserves sur la possibilité d’un retour du financement sur le modèle des partenariats public-privé pour la régénération et le développement du réseau ferroviaire, qui conduirait à une privatisation des recettes générées comme observée sur la ligne Tours Bordeaux laquelle a été financée en concession. Si un opérateur privé ayant construit la ligne se rémunère sur les opérateurs par la perception des péages, SNCF Réseau ne perçoit ainsi plus les redevances de péage.
Recommandation n° 9 : Étudier lors de l’élaboration du cycle tarifaire 2027-2029 une évolution des péages ferroviaires afin de mieux tenir compte des enjeux d’aménagement du territoire, en proposant par exemple une différenciation tarifaire plus marquée selon le potentiel socio-économique des origines et destinations ou le type de desserte : structurante, intermédiaire, de bout de ligne.
Recommandation n° 10 : Au sein de l’État, créer un organe en charge de la stratégie en matière de commande de matériel roulant neuf qui sera l’interlocuteur privilégié des industriels afin d’anticiper les besoins futurs, de centraliser les commandes des opérateurs et des AOM et d’établir les cahiers des charges avec ces derniers.
Recommandation n° 11 :
Organiser un marché régional de la commande de matériel roulant :
– soit en reprenant le modèle suédois d’acheteur loueur public avec une organisation en contrats-cadres ;
– soit en créant une centrale d’achat, sur le modèle de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), permettant de standardiser les commandes passées par les régions afin de bénéficier d’économies d’échelle et d’une meilleure visibilité sur les calendriers de commandes.
Recommandation n° 12 :
(Olga Givernet) Si la France décidait d’autoriser la circulation des « méga-camions » sur son territoire, il est essentiel de s’assurer que les conditions de circulation seraient limitées aux itinéraires non concurrentiels avec le transport ferroviaire et le transport multimodal, sur les routes européennes, en privilégiant les motorisations électriques.
(Bérenger Cernon) La France doit adopter une position d’opposition ferme à l’autorisation de circulation des « méga-camions » en France et à l’échelle de l’UE ainsi qu’à la révision de la directive relative aux dimensions et poids ([132]).
Recommandation n° 13 :
(Bérenger Cernon) Prévoir une dotation budgétaire de l’État pour financer les travaux de régénération des lignes capillaires de fret afin de ne pas créer de rupture d’égalité entre régions, en fonction de l’état d’avancement des tours de table pour trouver un financement dans le cadre des CPER.
(Olga Givernet) Les régions, qui disposent de la compétence économique, doivent mobiliser les moyens nécessaires pour remettre en état les infrastructures de fret régionales, notamment au travers des COP régionales pour poursuivre l’objectif de décarbonation.
Recommandation n° 14 : Revoir le système de commande et de réservation de sillons auprès de SNCF Réseau pour les opérateurs ferroviaires de fret afin de leur offrir une meilleure visibilité et réactivité sur les sillons disponibles ainsi que des garanties en matière de conditions de circulation pour assurer la ponctualité de leur prestation de transport.
Recommandation n° 15 : Accélérer l’actualisation du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau et, dans ce cadre, exiger du gestionnaire d’infrastructure une meilleure prise en compte du fret et des circulations de nuit lors de la planification des travaux sur le réseau.
Recommandation n° 16 : Identifier et sanctuariser des itinéraires bis de contournement des travaux pour le fret.
Recommandation n° 17 : Pérenniser l’enveloppe annuelle de 50 millions d’euros d’aide à SNCF Réseau pour supporter les surcoûts de travaux, afin de permettre la continuité du trafic de fret en parallèle des travaux dans le cadre du futur contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau.
Recommandation n° 18 : Modifier l’article L. 1115-11 du code des transports pour élargir le droit pour les services numériques multimodaux de vendre les produits tarifaires de tous les services de mobilités, y compris les services ferroviaires librement organisés de longue distance.
Recommandation n° 19 : Aller vers la création d’un groupement d’intérêt public (GIP) pour permettre aux régions de mutualiser et coordonner leurs efforts de développement de systèmes de billettiques pour les offres de transports en commun.
Recommandation n° 20 : En cas de trajet interrégional ou combinant plusieurs opérateurs ferroviaires, veiller à garantir la couverture de l’usager en cas de rupture de correspondance pour cause de retard ou d’annulation de train par exemple.
Recommandation n° 21 : Relancer le projet de titre unique de transport valable sur l’ensemble du territoire et des réseaux de transports dans le cadre de l’examen prochain d’un projet de loi-cadre sur les transports.
Recommandation n° 22 : Identifier et sanctuariser des itinéraires bis de contournement des travaux pour les trains de nuit.
Recommandation n° 23 : Réinternaliser au sein de SNCF Réseau certaines tâches liées à la régénération du réseau pour faciliter la possibilité de réaliser des travaux sur une voie avec une voie contiguë utilisée à vitesse très réduite.
Recommandation n° 24 :
Pour agir sur le pouvoir d’achat des usagers du train et développer l’offre sur le réseau national :
(Olga Givernet) : étudier la faisabilité d’une baisse du prix des redevances ferroviaires, notamment sur les sillons avec une forte élasticité-prix, afin d’accroître le nombre d’opérateurs et in fine une hausse des recettes totales pour le gestionnaire du réseau.
(Bérenger Cernon) : une meilleure contribution de l’État est également nécessaire pour le financement des infrastructures ferroviaires, au regard du niveau très élevé du prix des péages ferroviaires en France, notamment en comparaison avec les pays voisins.
Recommandation n° 25 : Abaisser le taux de TVA applicable au transport ferroviaire ou guidé de voyageurs de 10 % à 5,5 %.
Recommandation n° 26 (Bérenger Cernon) : Réintroduire une tarification kilométrique pour la fixation du prix des billets de TGV.
Recommandation n° 27 : Dans le cadre du prochain contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, inscrire la hausse de l’enveloppe à 1 milliard d’euros par an pour financer le déploiement de la CCR et permettre d’équiper la totalité du réseau structurant d’ici 2042.
Recommandation n° 28 : Comme pour le déploiement de la CCR, inscrire lors de la révision du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau une enveloppe annuelle comprise entre 300 millions d’euros2021 et 500 millions d’euros2021, selon l’évaluation fine des besoins, pour équiper le réseau central du RTE-T d’ici 2030 conformément aux objectifs européens.
Recommandation n° 29 : Mettre en place un contrat-cadre, par exemple avec la Fédération des industries ferroviaires, pour garantir des coûts et des délais optimaux ainsi que pour harmoniser les critères des cahiers des charges afin de répondre aux besoins des autorités organisatrices des transports à l’avenir.
Recommandation n° 30 : Dans le contexte actuel de ressources limitées, privilégier le développement de l’offre des trains du quotidien plutôt que les projets de nouvelles LGV et confier au COI une mission de priorisation des grands projets de développement afin de sanctuariser les ressources nécessaires aux investissements dans les infrastructures existantes.
Recommandation n° 31 : Prioriser le maintien en état de circulation des « petites lignes » et n’envisager la mise en place d’une liaison en autocar qu’en complément de l’offre ferroviaire et non en substitution pour favoriser le report modal.
Recommandation n° 32 :
(Bérenger Cernon) Privilégier l’achat de matériel roulant neuf plutôt que la location comme prévu dans l’appel d’offres lancé par l’État en février 2025 pour le parc de trains de nuit.
(Olga Givernet) Maintenir le système de location de matériel roulant comme solution offrant plus de souplesse à l’État ou à l’autorité organisatrice et permettant un meilleur partage de la responsabilité avec le fournisseur.
Recommandation n° 33 :
À court terme : activer l’option d’extension de la commande de trains de nuit à 340 voitures et programmer la construction d’un atelier de maintenance supplémentaire dès la prochaine loi de finances.
À moyen terme : aller vers un accroissement significatif de la taille du parc roulant de nuit pour atteindre 600 voitures.
Recommandation n° 34 : Définir une carte des liaisons transversales en train de nuit entre bassins de population de plus de 1 million d’habitants distants entre eux de plus de 5 heures en train de jour d’ici 2035.
Recommandation n° 35 : L’État pourrait inciter les collectivités territoriales à inclure systématiquement dans leur schéma directeur des aménagements cyclables et des accès sécurisés aux gares ferroviaires dans un rayon de 10 km au moins autour des gares.
Recommandation n° 36 : Pour accélérer le déploiement des stationnements sécurisés pour les vélos à proximité des gares, leur financement pourrait en partie être pris en charge par l’État.
Recommandation n° 37 : Étudier la pertinence de prendre en charge les frais de parking en gare dans le cadre des déplacements domicile-travail et de la « prime transport ».
Recommandation n° 38 : Afin d’accompagner la dynamique de développement du transport combiné, il est proposé d’augmenter le montant de l’aide à la pince pour compenser les surcoûts liés aux ruptures de charge avec un objectif de 80 millions d’euros par an dans le cadre de la prochaine loi de finances (programme 203 de la mission Écologie).
Recommandation n° 39 : Programmer dans les meilleurs délais les travaux identifiés par le schéma directeur du transport combiné pour accroître les capacités de terminaux existants et construire les nouveaux terminaux.
Recommandation n° 40 : Mettre en œuvre la proposition de la conférence « Ambition France Transports » qui recommande d’augmenter de 300 millions d’euros par an les investissements en faveur du fret ferroviaire notamment pour couvrir les besoins en investissement pour l’augmentation de la capacité des terminaux de transports combinés et la création de nouveaux terminaux.
Recommandation n° 41 : Introduire une obligation d’étude de faisabilité afin de prévoir un embranchement ferroviaire pour tout nouvel entrepôt ou plateforme logistique pour garantir l’accès au transport ferroviaire.
Recommandation n° 42 : Mieux veiller au respect de l’obligation prévue à l’article L. 1431‑3 du code des transports pour les transporteurs de transmission d’information sur les émissions de GES auprès des chargeurs afin d’améliorer l’information de ces derniers sur leur choix de prestation de transport.
Recommandation n° 43 : Pour responsabiliser les chargeurs, une obligation de publication des émissions de GES générées par le mode de transport choisi pourrait être introduite, par exemple dans le cadre d’un bilan des émissions de GES au sens de l’article L. 229-25 du code de l’environnement.
En contrepartie, le dispositif REMO dans le cadre du programme de CEE REMOVE pourrait être mieux diffusé auprès des chargeurs afin de leur permettre de mettre en place des solutions concrètes de report modal en bénéficiant d’un accompagnement sur mesure.
Recommandation n° 44 : Inciter au report modal de la route vers le rail pour le transport de marchandises, notamment via une éco-contribution pour les poids lourds de transit.
Lors de sa réunion du mercredi 8 octobre 2025, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport de la mission d’information sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires (M. Bérenger Cernon et Mme Olga Givernet, corapporteurs).
Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
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La commission a autorisé la publication du rapport d’information.
Contribution du groupe Gauche Démocrate
et Républicaine
Le rapport présenté par la mission d’information a le mérite de dresser un état des lieux documenté de la situation du transport ferroviaire dans notre pays et des conséquences que des décennies de démantèlement organisé du système ferroviaire ont eu sur l’aménagement du territoire. Ce rapport vient à point nommé, alors que le nombre de voyageurs/km ne cesse de progresser, démontrant à la fois la pertinence de ce mode de transport en pleine urgence climatique, mais aussi l’appétence de nos concitoyens.
Et pourtant, l’ouverture à la concurrence, la segmentation du service public, la logique de rentabilité imposée aux dessertes, l’austérité budgétaire appliquée au rail, ont produit un recul général de l’offre, une dégradation de la qualité du service, une explosion des inégalités territoriales et un effondrement du fret.
La disparition programmée de Fret SNCF en est un symbole. Pour éviter un remboursement d’aides imposé par la Commission européenne, l’État a choisi de faire disparaître une activité pourtant redevenue à l’équilibre, en transférant ses flux rentables à la concurrence.
Alors que le gouvernement britannique a engagé depuis mai dernier un processus de renationalisation progressive de son rail, tirant les leçons de trente ans d’errements et de sous-investissement, il serait temps que la France tourne le dos à l’ouverture à la concurrence pour en revenir à un modèle d’entreprise unique et intégrée.
La problématique n’est pas de regretter les temps révolus, mais bien de dire que le train est l’avenir ! Pour les transports du quotidien, pour une alternative au transport aérien, pour l’aménagement du territoire, nous devons collectivement coller aux besoins de nos concitoyens et de nos entreprises. L’abandon du soutien aux trains de nuit Paris-Berlin et Paris-Vienne est l’archétype de ce qu’il ne faut plus faire.
Des territoires entiers, souvent les plus fragiles, ont été ainsi marginalisés. Tandis que les sociétés d’autoroute ont enregistré 4,4 milliards d’euros de résultat net, SNCF Réseau peine à financer l’entretien du réseau existant, sous le poids de la règle d’or et d’un plafond d’emprunt qui bride toute ambition. La situation est telle que le gestionnaire de réseau anticipe que, dès 2028, près de 4 000 km de lignes seraient concernées par « l’effondrement irréversible de la qualité de service, avec des conséquences sur plus de 2 000 trains par jour ».
Pourtant, le gouvernement refuse toujours de proposer une loi pluriannuelle de financement du rail assorti de moyens renouvelés, alors que des recettes existent et pourraient être fléchées : TICPE (32,1 milliards d’euros en 2025), écotaxe poids lourds, renationalisation des autoroutes, versement mobilité additionnel (375 millions d’euros par an). Ces leviers permettraient d’investir massivement.
Ce que nous portons, à travers cette contribution, c’est l’exigence d’une rupture.
Le rail est un bien commun, un bien stratégique, un outil de cohésion des territoires et un puissant levier de transition écologique. Il suppose une entreprise publique intégrée, des cheminots reconnus et formés, un réseau entretenu et modernisé, un maillage dense des territoires, une amélioration des dessertes et une tarification sociale ambitieuse.
Nous portons l’exigence d’une loi de programmation consacrée à l’investissement ferroviaire pour tenir les engagements de doublement des trafics tant voyageurs que marchandises.
Ce rapport permet de lire en filigrane l’exigence d’un retour d’un État stratège, garant d’un service public ferroviaire au service de l’intérêt général. Le temps n’est plus en effet aux ajustements techniques. Il est à une loi de refondation du service public ferroviaire, à la hauteur des urgences territoriales, sociales et climatiques.
Annexe n° 2 : liste des personnes auditionnées
(par ordre chronologique)
Audition conjointe
– Mme Camille Selosse, journaliste « Transports » chez Contexte
– M. Gilles Dansart, journaliste, directeur de Mobilettre
Autorité de régulation des transports (ART)
M. Thierry Guimbaud, président
M. Jordan Cartier, secrétaire général
Mme Sophie Auconie, vice-présidente
Mme Gaëlle Nguyen, directrice
Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) *
M. François Delétraz, président
SNCF Réseau *
M. Matthieu Chabanel, président-directeur général
Mme Zélia Césarion, directrice de cabinet
M. Jérôme Grand, directeur des territoires
Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF
SNCF Gares & connexions *
Mme Marlène Dolveck, directrice générale
Mme Eliane Barbosa, directrice exécutive des gares régionales et parisiennes
Mme Nelly Gaillard, responsables des relations institutionnelles
Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF
Trainline *
M. Alexander Ernert, secrétaire général
M. Enrique Lopez Arias, collaborateur
M. Simon Finkel, représentant l’agence « affaires publiques », EurosAgency
SNCF Voyageurs *
M. Christophe Fanichet, président-directeur général de SNCF Voyageurs
M. Romain Desaix, directeur de cabinet adjoint du président-directeur général de SNCF Voyageurs
Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF
Mme Cécile Derville, directrice finances, stratégie et juridique de TGV-Intercités
Première table ronde regroupant des opérateurs alternatifs
– Le Train *
M. Alain Gétraud, directeur général
Mme Catherine Pihan-Le Bars, directrice générale adjointe aux opérations
– Trenitalia France
M. Marco Caposciutti, président
Mme Anne-Cécile Delbes, directrice juridique et achats
M. Alexandre Molina, responsable des relations institutionnelles
– Transdev *
Mme Alix Lecadre, directrice ferroviaire France
M. Arthur Le Moal, directeur adjoint aux affaires publiques
– Renfe
M. Imanol Leza, responsable du marché français « Renfe Projets Internationaux »
M. Alberto Manzano, responsable d’opportunités du marché français « Renfe Projets Internationaux »
Conseil d’orientation des Infrastructures (COI)
M. David Valence, président
Union TLF *
Mme Camille Contamine-Letrécher, responsable des affaires publiques et solutions multimodales Europe CEVA logistics, co-présidente de la Commission intermodalité
M. Sylvain Philippe, en charge du développement multimodal européen, FM Logistic, co-président de la Commission intermodalité
Mme Louise Drouin, déléguée aux affaires maritimes, TLF Overseas
Mme Elisabeth Moretti, directrice déléguée au pôle développement durable
Régions de France
M. Michel Neugnot, vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté
M. David Herrgott, conseiller Transports
M. Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie
Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) *
Mme Stéphanie Lopes d'Azevedo, directrice des affaires économiques, techniques et prospective
M. Jean-Philippe Peuziat, directeur des affaires publiques
M. Yves Dufour, directeur adjoint des affaires sociales et sûreté
M. Sacha Raynaud, chargé de mission affaires juridiques
Société des Grands Projets (SGP) *
M. Frédéric Bredillot, membre du directoire de la SGP
Mme Anne-Céline Imbaud de Trogoff, directrice du développement des transports territoriaux
M. Deniz Boy, directeur des affaires publiques
Table ronde regroupant des associations environnementales
– Réseau Action Climat (RAC) *
M. Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire
– Transport & Environnement *
M. Victor Thevenet, responsable du programme ferroviaire
– France nature environnement (FNE) *
Mme Geneviève Laferrere, pilote du réseau mobilités durables
M. Yessine Jelassi, animateur du réseau territoires et mobilités durables
Groupement des autorités responsables de transport (GART)
M. Benjamin Marcus, directeur des affaires publiques et européennes
M. Raphaël Krug, directeur Intermodalité et aménagement de l’Espace public
Hexafret
M. Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe *
M. Romain Lagarde, responsable des relations institutionnelles et territoriales de Rail Logistics Europe
Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF
Seconde table ronde regroupant des opérateurs alternatifs
– Association française du rail (Afra) *
M. Claude Steinmetz, vice-président de l'Afra, président de Transdev Rail
Mme Solène Garcin-Berson, déléguée générale de l'Afra
– Kevin Speed *
M. Laurent Fourtune, président
Mme Claire Bonniol, directrice commerciale
Alliance 4F *
M. Philippe François, président d’Objectif OFP, membre du comité de direction de l’alliance 4F
Mme Florence Rodet, secrétaire générale de l’alliance 4F
M. Aurélien Barbé, délégué général du GNTC, membre du comité de direction de l’alliance 4F
Table-ronde regroupant des syndicats
– Fédération CGT des cheminots
M. Thierry Nier, secrétaire général
M. Alexandre Boyer, secrétaire du comité central du groupe public ferroviaire (CCGPF)
– UNSA
M. Fabrice Charrière, secrétaire général
M. Yoann Saugues, secrétaire fédéral réseau et Gares & Connexions
Mme Fanny Arav, secrétaire générale adjointe
– Solidaires
M. Eric Meyer, secrétaire fédéral
M. Fabien Villedieu, secrétaire fédéral
– CFDT
MmeVanessa L’Homel, secrétaire nationale
M. Daniel Siguret, délégué syndical central
M. Thomas Cavel, secrétaire général
Audition conjointe
– CAF France *
M. Alain Picard, directeur général de CAF France
M. Arnaud Lemaire, directeur stratégie et affaires publiques – Paris et Bruxelles
– Alstom *
M. Olivier Delecroix, vice-président Ventes et marketing
M. Yannick Legay, directeur technico-commercial
M. Damien Cabarrus, responsable affaires publiques d’Alstom France
Proxima
Mme Rachel Picard, cofondatrice et présidente de Proxima
The Shift Project *
Mme Béatrice Jarrige, chef de projet mobilité longue distance
M. Reuben Fischer, chef de projet Fret
Forum Vies Mobiles
Mme Sylvie Landriève, directrice
M. Tom Dubois, responsable des relations avec les élus
M. Gabin Chapelet, consultant en affaires publiques chez Séance Publique
SNCF Voyageurs (2e audition) *
M. Christophe Fanichet, président-directeur général de SNCF Voyageurs
M. Romain Desaix le directeur de cabinet adjoint du PDG de SNCF Voyageurs
Mme Cécile Derville, directrice finances, stratégie et juridique de TGV-Intercités
Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF
Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)
M. Rodolphe Gintz, directeur général
Mme Floriane Torchin, direction des transports ferroviaires et fluviaux et des ports
M. Nicolas Bina, conseiller élus et communication
Collectif « Oui au train de nuit »
M. Nicolas Forien, membre du collectif
Mme Marie Garnier, membre du collectif
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso.
([2]) Article L. 2121-1-1 du code des transports.
([5]) Les Aubrais, Vierzon, Châteauroux, La Souterraine, Limoges, Brive, Souillac, Gourdon, Cahors, Caussade et Montauban
([6]) https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/trains-dequilibre-du-territoire-tet#perspectives-de-developpement-des-tet-4
([8]) À la suite de la décision du Gouvernement de supprimer la subvention versée à SNCF Voyageurs pour l’exploitation des trains de nuit Paris-Vienne et Paris-Berlin, ces derniers cesseront de circuler à compter du 14 décembre 2025 :https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/09/29/les-trains-de-nuit-vienne-paris-et-berlin-paris-s-arreteront-a-partir-du-14-decembre_6643436_3234.html
([11]) Repenser les mobilités avec le transport ferroviaire régional, Jacques Weill, Territorial éditions, 2021.
([12]) Ibid.
([13]) La grande vitesse ferroviaire, Rapport du groupe de travail présidé par Jean-Noël Chapulut, Centre d’analyse stratégique, 2011.
([14]) La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence, Cour des comptes, octobre 2014 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20141023_diaporama_rapport_grande_vitesse_ferroviaire_v2.pdf
([15]) Audit sur l'état du réseau ferré national français, laboratoire d’intermodalité des transports et de planification de l’école polytechnique fédérale de Lausanne, septembre 2005
([17]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf
([18]) Rapport de la Cour des comptes sur la grande vitesse ferroviaire, 2014 :
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20141023_rapport_grande_vitesse_ferroviaire.pdf
([19]) Ibid.
([20]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/20200220_JBD_DP_Petites_lignes_vf.pdf
([22]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2025/06/bilan-ferroviaire-france-2024_plaquette-a-mi-annee.pdf
([23]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20141023_rapport_grande_vitesse_ferroviaire.pdf
([24]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/210909_Strategie_developpement_fret_ferroviaire.pdf
([25]) Rapport n° 1992 fait au nom de la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir de l’Assemblée nationale publié le 13 décembre 2023 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cefretfer/l16b1992_rapport-enquete#
([26]) Le premier « paquet ferroviaire » composé de deux directives du 26 février 2001 libéralise le trafic international de fret et le deuxième « paquet ferroviaire », formé de quatre directives du 29 avril 2004 et d’un règlement du 29 avril 2004, libéralise le trafic national de fret au plus tard le 1er janvier 2007.
([27]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/210909_Strategie_developpement_fret_ferroviaire.pdf
([28]) L’État a mis en place deux grands types d’aides nationales validées au niveau européen : la compensation fret, mise en place en 2010, qui vise à couvrir la différence entre le coût marginal d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire et les redevances facturées aux entreprises ferroviaires de fret, et l’aide au transport combiné depuis 2003 qui vise à réduire le surcoût induit par le transbordement des intermodales entre les modes massifiés et la route.
([29]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52023AS61880&qid=1753539784460
([30]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2025/06/bilan-ferroviaire-france-2024_plaquette-a-mi-annee.pdf
([31]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/241024_Schema_directeur_TC_H32_vpublie.pdf
([32]) Selon des données du ministère de la transition écologique, en 2023, les émissions de gaz à effet de serre (GES) des transports diminuent de 3,4 % par rapport à leur niveau de 2022, après une hausse de 3,1 % entre 2021 et 2022
([33]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports/fr/pdf/chiffres-cles-transport-2025.pdf
([34]) https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0012727/014363-01_rapport-publie.pdf;jsessionid=4262E8688CC17873ADB3A334DB07E9B9
([35]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2023/07/rapport-scenarios-de-long-terme-pour-le-reseau-ferroviaire-francais-12-07-23-final.pdf
([36]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf
([37]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.
([38]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la stratégie de mobilité durable et intelligente, COM(2020) 789 final.
([39]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.
([40]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([41]) Article 131 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée.
([42]) Article 143 de la loi précitée
([43]) Article 145 de la loi précitée
([44]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports/fr/pdf/chiffres-cles-transport-2025.pdf
([45]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-09/20240920-S2024-0663-TER-et-ouverture-a-concurrence.pdf
([46]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2025/06/bilan-ferroviaire-france-2024_plaquette-a-mi-annee.pdf
([47]) En 2022, le fret ferroviaire a reculé de 1,4 % par rapport au niveau de 2021.
([48]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports/fr/pdf/chiffres-cles-transport-2025.pdf
([50]) Réseau Action Climat, Les Français et l’usage du train, 2023 : https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2023/04/note-harris-reseau-action-climat-enquete-sur-lusage-du-train.pdf
([51]) Étude du développement de nouvelles lignes TET, DGITM, mai 2021 :
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/Rapport%20TET%20v18052021.pdf
([52]) Hiérarchisation des attentes des voyageurs ferroviaires, Ifop-FNAUT, avril 2024.
([53]) Enquête menée en 2019 par l’ART auprès des voyageurs en trains à grande vitesse.
([54]) Hiérarchisation des attentes des voyageurs ferroviaires, Ifop-FNAUT, avril 2024.
([55]) https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2023/04/note-harris-reseau-action-climat-enquete-sur-lusage-du-train.pdf
([56]) Hiérarchisation des attentes des voyageurs ferroviaires, Ifop-FNAUT, avril 2024.
([57]) Il s’agit essentiellement de petites lignes, soit les lignes de catégorie 7 à 9 dont près de 80 % d’entre elles n’est pas électrifié : https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2023/07/rapport-scenarios-de-long-terme-pour-le-reseau-ferroviaire-francais-12-07-23-final.pdf
([58]) https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2023/04/note-harris-reseau-action-climat-enquete-sur-lusage-du-train.pdf
([60]) Il s’agit d’une unité de mesure qui correspond au nombre de sièges disponibles sur une distance d’un kilomètre.
([61]) Hiérarchisation des attentes des voyageurs ferroviaires, Ifop-FNAUT, avril 2024.
([62]) Il en existe trois : la redevance d’accès qui est un concours d’État pour les dessertes de service public conventionné ; la redevance de circulation payée par l’entreprise ferroviaire ; la redevance de marché payée également par l’entreprise ferroviaire pour couvrir les coûts fixes de SNCF Réseau
([63]) Rapport de l’ART de juillet 2023 sur les scénarios de long terme pour le réseau ferroviaire français (2022-2042)
([64]) Rapport Philizot, Devenir des lignes de desserte fine des territoires, février 2020 :
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/20200220_JBD_DP_Petites_lignes vf.pdf
([65]) Avis n° 2025-042 du 5 mai 2025 relatif à la mise en œuvre au titre de l’année 2024 du contrat pluriannuel de performance conclu entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030.
([66]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir (13 décembre 2023).
([67]) Rapport annuel 2024 du Haut Conseil pour le climat, Tenir le cap de la décarbonation, protéger la population, juin 2024, p. 33.
([68]) RAC, La France face au changement climatique : toutes les régions impactées, 2024, p. 65.
([69]) Rapport d’information de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur les moyens consacrés à l’adaptation au changement climatique, n° 1666, déposé le 2 juillet 2025 (Tristan Lahais et Eva Sas, rapporteurs spéciaux).
([70]) RAC, La France face au changement climatique : toutes les régions impactées, 2024, p. 45.
([71]) Le Monde « Inondations en Maurienne : la ligne ferroviaire Paris-Milan interrompue par une coulée de boue provoquée par un violent orage », Le Monde.fr [en ligne], 1er juillet 2025. Disponible sur : https://www.lemonde.fr
([72]) « Canicule : SNCF Réseau anticipe et réagit face à la vague de chaleur », 17 juin 2022, disponible sur : https://www.sncf-reseau.com/fr/a/canicule-sncf-reseau-anticipe-et-reagit-face-vague-chaleur
([73]) M. Gilles Verger, référent national des campagnes saisonnières à la Direction Générale Opérations et Production de SNCF Réseau, « Canicule : SNCF Réseau anticipe et réagit face à la vague de chaleur », 17 juin 2022, disponible sur : https://www.sncf-reseau.com/fr/a/canicule-sncf-reseau-anticipe-et-reagit-face-vague-chaleur
([74]) « Période de grand froid : impact sur les TER », SNCF Réseau [en ligne]. Disponible sur : https://www.ter.sncf.com/
([75]) Investir pour le réseau ferroviaire : une urgence pour les Français et les territoires, SNCF, 2025.
([76]) Rapport annuel 2024, Cour des comptes, « L’adaptation du réseau ferroviaire national au changement climatique », p. 396.
([77]) Rapport annuel 2024, Cour des comptes, p. 397.
([78]) Ademe, « Le TELLi, futur train léger et innovant, a déjà sa maquette à Saintes », mai 2025, disponible sur : https://infos.ademe.fr
([79]) Ademe, 2025.
([80]) RTE, « Chapitre 12 – Volet mobilité », Bilan prévisionnel 2023-2025, p. 56.
([81]) RTE, p. 56.
([82]) Étude sur les perspectives du train à hydrogène en France, ADEME, septembre 2020.
([83]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf
([84]) https://www.groupe-sncf.com/medias-publics/2025-02/fer-avec-les-territoires_Jean-Pierre%20Farandou.pdf?VersionId=R6W0yMrxP0SetrOsn6tdUgaR6PzMYmli
([85]) https://www.groupe-sncf.com/medias-publics/2025-02/fer-avec-les-territoires_Jean-Pierre%20Farandou.pdf?VersionId=R6W0yMrxP0SetrOsn6tdUgaR6PzMYmli
([86]) Jusqu’au 1er janvier 2020, la version en vigueur de l’article L. 2141-1 du code des transports était rédigée ainsi : « L’établissement public national industriel et commercial dénommé "SNCF Mobilités" a pour objet : 1° D’exploiter selon les principes du service public les services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national (…) »
([87]) Un « sillon » est un droit de circulation établi au profit des transporteurs ferroviaire définis selon un horaire et un itinéraire donné qui est attribué par le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau.
([88]) Le marché français du transport ferroviaire en 2023, ART.
([89]) Paris-Bordeaux, Paris-Nantes et Paris-Rennes.
([90]) Paris-Lille, Paris-Lyon et Paris-Strasbourg.
([91]) Article L. 2111-25 du code des transports.
([92]) Déclaration de M. Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne.
([93]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-09/20240920-S2024-0663-TER-et-ouverture-a-concurrence.pdf
([94]) Cour des comptes, 2024.
([95]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2023/05/les-services-numeriques-multimodaux-2023.pdf
([96]) https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2023/04/rapport-harris-enquete-sur-lusage-du-train-reseau-action-climat.pdf
([97]) https://www.groupe-sncf.com/medias-publics/2025-02/fer-avec-les-territoires_Jean-Pierre%20Farandou.pdf?VersionId=R6W0yMrxP0SetrOsn6tdUgaR6PzMYmli
([98]) Directive 96/53/CE du Conseil du 25 juillet 1996 fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international
([99]) Directive 96/53/CE du Conseil du 25 juillet 1996 précitée.
([100]) Un système modulaire européen ou « méga-camion » est un ensemble routier motorisé par un camion pouvant faire entre 18,75 mètres et 25,25 mètres de long et dont le poids peut aller jusqu’à 60 tonnes.
([101]) Rapport fait au nom de la commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne (n° 2553) de Jean-Marc Zulesi et plusieurs de ses collègues invitant le Gouvernement à se prononcer contre les « méga-camions » et à bâtir une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen (2 mai 2024).
([102]) Actuellement les dimensions maximales admises pour le transport transfrontalier dans l’UE pour un camion standard sont de 18,75 mètres et 40 tonnes.
([103]) Directive 2023/0265 (COD) modifiant la directive 96/53/CE du Conseil fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international.
([104]) Donnée transmise par Alliance 4F en audition.
([105]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/202503%20SNDFF%20Programme%20d%27investisssement%202023-2030.pdf
([106]) Un terminal ferroviaire est un terminal intermodal où s’effectuent les opérations de transfert entre modes de transport des UTI contenant les marchandises. Le transfert peut y être assuré du camion au train ou vice-versa.
([107]) Contribution écrite de Trainline.
([108]) Article L. 1115-12 du code des transports.
([109]) Article L. 1115-11 du code des transports
([111]) https://www.ecologie.gouv.fr/presse/discours-philippe-tabarot-conclusions-conference-ambition-france-transports-du-9-juillet
([112]) https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0012727/014363-01_rapport-publie.pdf
([113]) https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2025/01/bilan_ferroviaire_2023_essentiel-1.pdf
([117]) ART, 2023, Scénario de long terme pour le réseau ferroviaire : https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2023/07/rapport-scenarios-de-long-terme-pour-le-reseau-ferroviaire-francais-12-07-23-final.pdf
([119]) SNCF Réseau, Les grands projets de développement, 5 janvier 2024.
([120]) https://ceser-nouvelle-aquitaine.fr/sites/default/files/2023-04/2023_04_19_Rapport_GPSO_Vot%C3%A9%20%26%20finalis%C3%A9%20%26%20ISBN2.pdf
([124]) Marseille-Bordeaux, Lyon-Toulouse et Lyon-Nantes.
([125]) https://ouiautraindenuit.wordpress.com/wp-content/uploads/2020/01/2021-08-31-ouitdn-10-actions-pour-impulser-les-tdn-en-europe.pdf
([127]) Article L. 1272-1 du code des transports.
([128]) Certains abonnements SNCF TER BreizhGo offrent accès gratuitement aux services parking voiture et abris pour 2 roues : https://www.ter.sncf.com/bretagne/services-contacts/carte-korrigo/abris-parkings-korrigo
([129]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/241024_Schema_directeur_TC_H32_vpublie.pdf
([130]) Voir annexe 1.
([131]) Article L. 1431-3 du code des transports : « Toute personne qui commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation. (…) ».
([132]) Directive 2023/0265 (COD) modifiant la directive 96/53/CE du Conseil fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international.