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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. Philippe BOLO et Maxime LAISNEY
Rapporteurs
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
Première partie : le prix de l’électricité, facteur de compétitivité des entreprises
A. Le rôle des prix de l’électricité dans la compétitivité d’une entreprise
II. Les déterminants de la facture d’électricité
1. La part liée à la fourniture
a. Les différents contrats de fourniture proposés aux entreprises
2. La part liée à l’acheminement
b. La contribution tarifaire d’acheminement
c. La taxe sur la valeur ajoutée
B. Les leviers des entreprises pour agir sur leur niveau de consommation
1. Sur le marché de gros, des prix décorrélés des coûts de production
a. La formation des prix spot et des prix à terme
b. Les mécanismes de marché sont censés permettre une allocation optimale des moyens de production
B. Ces défaillances justifient la mise en place de mécanismes de soutien et de régulation
a. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh)
b. Les tarifs réglementés de vente de l’électricité
c. Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables
d. Les mécanismes de capacité et d’ajustement
II. Une intervention publique elle-même défaillante
A. Des dispositifs structurellement défaillants
3. Des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables perfectibles
B. des carences mises en évidence de manière flagrante durant la crise de 2022
1. La crise de 2022 a nécessité une intervention publique massive
Troisième partie : une « régulation » post-Arenh qui ne convainc pas
1. Des mesures en faveur des contrats de long terme et de la protection des consommateurs
b. La détermination complexe des revenus taxables et des coûts complets
1. Un mécanisme complexe et dont le paramétrage exact demeure inconnu
b. Le risque de déconnexion entre coûts de production et prix final
3. L’absence de visibilité sur le montant du VNU pour les différentes catégories de consommateurs
4. Une réforme qui expose fortement le consommateur aux prix de marché
B. Des entreprises partagées et attentistes vis-à-vis des nouveaux contrats proposés par EDF
1. Un démarrage cacophonique des CAPN
2. Des CNS qui peinent à trouver leur public
Quatrième partie : des prix de l’électricité tributaires de nos choix de politique énergétique
A. Rapprocher coûts de production et prix final payé par le consommateur : une nécessité
1. De nombreuses incertitudes sur les coûts associés au programme du nouveau nucléaire français
b. Un coût du projet encore méconnu et des incertitudes sur son financement
2. Un soutien aux énergies renouvelables à maintenir tout en procédant à certains aménagements
C. La nécessité de réinterroger en profondeur notre modèle de régulation
2. La mise en place d’un acheteur public : une solution intermédiaire qui mérite d’être approfondie
a. Le rétablissement des TRVe pour tous, fixés aux coûts de production
b. Le retour au monopole sur la production et la fourniture d’électricité
A. Un prérequis : Disposer d’une programmation énergétique
B. Mobiliser les soutiens en agissant sur toutes les composantes de la facture
1. Poursuivre le soutien à l’investissement dans la décarbonation de l’industrie
2. Favoriser une taxation incitant à la décarbonation des usages
4. Renforcer la protection des consommateurs
Liste des personnes auditionnées
Liste des contributions écrites reçues
Annexe 2 : Les déterminants du prix de l’électricité
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France a bâti un grand service public de l’électricité en créant Électricité de France (EDF). Ce fleuron national a construit de nouvelles installations de production d’électricité, tout en assurant la distribution de tarifs réglementés aux différentes catégories de consommateurs – chacun a en tête les tarifs « bleus », « jaunes » et verts » d’EDF.
La libéralisation progressive du marché de l’électricité, liée au renforcement du marché intérieur européen, a conduit à réformer ce modèle intégré : les activités à l’amont (production) et à l’aval (fourniture) du secteur électrique sont désormais ouvertes à la concurrence.
En outre, la formation des prix sur les marchés de gros repose sur l’ordre de préséance économique : le prix de l’électricité est déterminé par le coût variable de la dernière centrale de production appelée pour satisfaire la demande. Cela conduit à faire essentiellement reposer la fixation du prix d’équilibre entre offre et demande sur des moyens de production fossiles, qui ont des coûts variables importants, alors même que ceux-ci ne sont pas représentatifs des capacités de production électriques françaises, pilotables, décarbonées et compétitives. Sur le marché de détail, les bénéfices, pour le consommateur final, de l’ouverture du secteur de la fourniture à des opérateurs alternatifs à EDF interrogent sérieusement.
Ces dysfonctionnements des marchés ont conduit à des interventions de l’État pour réguler les prix. Toutefois, la régulation mise en place, en particulier l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), souffre elle‑même de lacunes. Celles-ci ont été particulièrement visibles durant la crise des prix de l’énergie de 2022 : l’État a dû, à grands frais, intervenir pour mettre en place des dispositifs de protection supplémentaires à destination des consommateurs.
Vos rapporteurs estiment que l’ensemble de ces insuffisances ne permettent ni au consommateur, ni au producteur de bénéficier d’un juste prix de l’électricité, en particulier car celui-ci ne reflète pas les coûts de production du système électrique français. Sans compter une programmation énergétique qui se fait attendre et qui ne permet pas aux différentes parties prenantes de bénéficier de suffisamment de visibilité sur les investissements à engager ou les comportements à adopter.
Or, les prix de l’électricité sont un enjeu de premier ordre pour les différentes catégories de consommateurs. Pour les entreprises françaises, le prix de l’électricité dont elles s’acquittent doit leur permettre de résister à la concurrence étrangère, en particulier extra-européenne ; il doit aussi leur permettre d’électrifier leurs procédés de production, pour contribuer à lutter contre le réchauffement climatique. Pour les ménages, outre ce même besoin d’électrification des usages, le prix de l’électricité est une composante essentielle de leur pouvoir d’achat – le Médiateur national de l’énergie rappelle qu’en 2024, 75 % des consommateurs d’énergie indiquent avoir restreint leur consommation pour limiter le montant des factures ([1]). Pour les collectivités territoriales, un prix compétitif de l’électricité doit également garantir la maîtrise de leurs dépenses et de dispenser un service public efficient aux administrés.
La période actuelle est une période charnière car la régulation des prix de l’électricité s’apprête à subir un changement majeur : l’Arenh prend fin le 31 décembre 2025 et sera remplacé par un ensemble de dispositifs dits « post‑Arenh ». Cette réforme est censée à la fois donner des moyens à EDF pour financer ses investissements – rappelons que la Cour des comptes, dans un récent rapport, estime que le besoin d’investissement cumulé de l’entreprise pourrait représenter « jusqu’à 460 Md€ d’ici 2040 » ([2]) –, mieux protéger le consommateur et préserver la compétitivité de notre industrie. Sa mise en œuvre repose sur deux grands axes : d’une part, la mise en place d’un versement nucléaire universel (VNU), qui consiste à taxer une partie des revenus d’EDF liés à son parc nucléaire historique et à les redistribuer au consommateur ; d’autre part, le renforcement de la politique contractuelle de moyen et de long terme de l’opérateur.
Les premiers éléments d’analyse de cette réforme montrent que celle-ci a pour conséquence d’exposer davantage les consommateurs au marché, le tout avec un mécanisme de VNU d’une grande complexité et qui offre peu de lisibilité. La conciliation des différents objectifs de la réforme s’annonce par ailleurs délicate : comment permettre à EDF de dégager des revenus pour financer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, dont le chiffrage et les modalités de financement ne sont toujours pas précisément connus, tout en cherchant à protéger les consommateurs ?
Cette question amène à considérer un sujet central : le rapprochement des prix et des coûts de production, tout en garantissant des prix justes, stables et abordables. Vos rapporteurs ont conscience que la problématique n’est pas aisée et entraîne plusieurs questions sous-jacentes : comment garantir, à travers ce rapprochement, un juste prix au consommateur, reflétant les coûts de production sans pour autant l’exposer aux dérapages de ceux-ci, et au producteur, de manière à ce que celui-ci puisse couvrir ses charges d’exploitation et investir ? Comment doit être réparti le financement de ces coûts : quelle part finance le consommateur d’électricité, via sa facture ? Quelle part finance le contribuable ? Plus généralement, quelle part doit prendre le financement public de tels investissements ?
Face aux remèdes proposés pour guérir les maux du marché, sans y parvenir, vos rapporteurs ont également souhaité étudier d’autres voies insuffisamment explorées pour maîtriser les prix de l’électricité, qui impliqueraient un rôle accru de l’État.
Ce rapport s’articule autour de quatre parties. La première présente le rôle du prix de l’électricité pour la compétitivité des entreprises et les différentes composantes de ce prix. La deuxième partie rappelle les mécanismes de formation des prix sur les marchés et leurs lacunes, celles-ci ayant conduit à mettre en place des dispositifs de régulation souffrant eux-mêmes de plusieurs carences. La troisième partie dresse un bilan des différents dispositifs mis en place pour succéder à l’Arenh. Enfin, la dernière partie du rapport rappelle la nécessité de fonder nos choix d’intervention publique sur une programmation énergétique et explore différentes pistes pour rapprocher coûts de production et prix final payé par le consommateur.
Bien que le présent rapport porte principalement sur le prix de l’électricité payé par les entreprises, celui acquitté par les ménages et les collectivités territoriales sera également abordé – une vision de l’ensemble des catégories de consommateurs étant nécessaire – notamment pour analyser la manière de répartir équitablement les dispositifs de soutien public en fonction des besoins de chacune d’entre elles.
Modalités générales de régulation des prix de l’électricité
Recommandation n° 4 : Examiner au Parlement un texte législatif sur les coûts et les prix de l’électricité pour remédier aux défauts du versement nucléaire universel.
Recommandation n° 9 : Étudier la mise en place d’un acheteur unique national, intégré aux échanges européens d’électricité.
Recommandation n° 10 de M. Maxime Laisney : Rétablir des tarifs réglementés de vente de l’électricité pour tous, fondés sur une régulation unique appliquée à l’ensemble du parc de production décarboné français et reflétant les coûts du système électrique.
Recommandation n° 11 de M. Maxime Laisney : Rétablir un monopole sur la production et la fourniture d’électricité et créer un pôle public de l’énergie. À terme, étudier la mise en place d’un acteur public centralisé au niveau européen.
Coûts de production des différentes filières
Recommandation n° 7 : Mandater la Cour des comptes pour analyser le chiffrage actualisé des coûts du programme du nouveau nucléaire français et sa traduction sur le prix de l’électricité produite à court, moyen et long terme, avant d’engager la décision finale d’investissement.
Recommandation n° 8 : Modifier la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement, afin de permettre la nomination d’un député et d’un sénateur au sein du comité de gestion des charges de service public de l’électricité.
Recommandation n° 5 de M. Maxime Laisney : À défaut d’une révision de la directive « Concessions », créer une quasi-régie pour la gestion et l’exploitation des ouvrages hydroélectriques.
Programmation énergétique
Recommandation n° 12 : Déposer dans les meilleurs délais un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat qui s’inscrit dans la trajectoire européenne du « fit for 55 » et tient compte des travaux d’actualisation des scénarios prospectifs de RTE.
Recommandation n° 13 : Développer rapidement de nouvelles capacités de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Recommandation n° 6 de M. Maxime Laisney : Renoncer à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Mise en œuvre du versement nucléaire universel (VNU)
Recommandation n° 1 : Clarifier les modalités selon lesquelles les fournisseurs sont compensés par l’État pour l’application du VNU sur les factures et définir une méthodologie rigoureuse de contrôles, mise en place par la Commission de régulation de l’énergie, afin de prévenir tout effet d’aubaine.
Recommandation n° 2 : Maintenir et réunir à échéance régulière la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et de déchets radioactifs (CNEF).
Recommandation n° 3 : Garantir un reversement équitable du VNU entre les différentes catégories de consommateurs, sans favoriser certains profils de consommation par rapport à d’autres.
Flexibilités, autoconsommation, sobriété et efficacité énergétique
Recommandation n° 16 : Accroître le recours aux flexibilités, à l’autoconsommation et à la sobriété et à l’efficacité énergétiques, en particulier :
– en définissant des objectifs de sobriété chiffrés dans les documents de programmation énergétique ;
– en accélérant le déploiement des nouvelles plages heures pleines/heures creuses, si les premiers bilans de celui-ci s’avèrent positifs et sous réserve des contraintes techniques associées ;
– en stabilisant les dispositifs de soutien à l’efficacité énergétique, à l’inverse des politiques de stop and go récemment à l’œuvre sur MaPrimeRénov’ ou le leasing social pour les véhicules électriques :
– en soutenant l’autoconsommation, tout en assurant la contribution des producteurs concernés au financement du réseau électrique dont ils continuent à dépendre. Cette contribution doit garantir le maintien d’une équité entre les différents utilisateurs de ce réseau.
Fiscalité de l’électricité
Recommandation n° 14 : Rééquilibrer la fiscalité applicable à l’électricité par rapport à celle applicable au gaz en diminuant la première.
Recommandation n° 15 : Étudier la mise en place d’un taux de TVA réduit à 5,5 % sur les consommations d’électricité incompressibles des ménages.
Protection des consommateurs
Recommandation n° 17 : Instaurer des obligations de couverture prudentielle pour les fournisseurs d’énergie.
Recommandation n° 18 : Mieux protéger les petits consommateurs, particuliers comme entreprises, en :
– traduisant en droit les lignes directrices de la Commission de régulation de l’énergie ;
– prohibant, pour les particuliers et les TPE et assimilés, les offres dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation ainsi que les offres à tarification dynamique ;
– maintenant l’interdiction, pour les particuliers et assimilés, des offres avec indemnités de résiliation anticipées pour les contrats à prix fixe ;
– interdisant les coupures pour impayés pour les ménages ;
– révisant les critères permettant aux TPE et aux PME de bénéficier des dispositions de protection du consommateur applicables aux particuliers, afin de ne plus raisonner en puissance souscrite mais en chiffres d’affaires et en nombre de salariés.
Recommandation n° 19 : Expérimenter une tarification progressive de l’électricité, applicable à l’ensemble des catégories de consommateurs.
Première partie : le prix de l’électricité, facteur de compétitivité des entreprises
I. Le prix de l’électricité payé par les entreprises est un paramètre déterminant pour leur compétitivité
A. Le rôle des prix de l’électricité dans la compétitivité d’une entreprise
Le prix de l’électricité joue indéniablement un rôle dans la compétitivité des entreprises, en particulier vis-à-vis de la concurrence étrangère. Ce rôle varie cependant selon les caractéristiques de l’entreprise concernée : sa taille, son secteur d’activité ou encore la part que représente la facture d’électricité dans ses coûts de production. La sensibilité des entreprises aux prix de l’électricité dépend également de la nature du contrat de fourniture souscrit, ou encore de leur éligibilité aux différents dispositifs publics de soutien.
La direction générale des entreprises (DGE) identifie deux grands paramètres qui déterminent l’incidence du prix de l’électricité sur la compétitivité : d’une part, l’électro-intensivité de l’entreprise concernée ([3]) et, d’autre part, son niveau d’exposition à la concurrence internationale.
Les différentes catégories d’entreprise fortement consommatrices d’électricité
L’article L. 312-45-1 du code des impositions sur les biens et services distingue, parmi les entreprises fortement consommatrices d’électricité, quatre catégories, récapitulées dans le tableau ci-dessous.
Le niveau d’intensité énergétique résulte du rapport entre le montant total d’accise payé sur l’électricité payé par l’entreprise, d’une part, et la valeur ajoutée de celle-ci, d’autre part.
Cette même direction cite des secteurs d’activité fortement électro-intensifs exposés à la concurrence internationale : « la métallurgie, la chimie, le papier, le sucre, l’amidon, les matériaux minéraux non‑métalliques ou le verre ».
Un autre angle d’approche pour analyser le lien entre prix de l’électricité et compétitivité d’une entreprise est d’analyser l’exposition plus ou moins directe de celle-ci à une hausse de prix de l’électricité. L’exposition directe est la hausse du prix qu’elle subit sur sa facture énergétique et l’exposition indirecte correspond au renchérissement de ses consommations intermédiaires tributaires des prix de l’énergie ([4]).
L’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden) tout comme France Chimie soulignent que les variations du prix de l’électricité pour les industries électro‑intensives peuvent également avoir des répercussions sur la chaîne de valeur économique à l’aval de ces entreprises.
Toutefois, le prix de l’électricité n’est pas uniquement déterminant pour les plus grandes entreprises : les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), de même que les collectivités territoriales, dont le profil de consommation peut être assimilé à celui d’une entreprise, sont aussi concernées.
L’Union des entreprises de proximité (U2P) évoque ainsi des distorsions de compétitivité avec l’étranger « visibles pour l’artisanat de production et les activités de services à haute intensité énergétique (pressing, froid alimentaire, etc.) ». Particulièrement mise en lumière durant la crise des prix de l’énergie en 2022, l’activité de boulangerie‑pâtisserie est un autre exemple : la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) mentionne une consommation d’énergie du secteur variable en fonction du volume d’activité, mais indique que « les 35 000 boulangeries consomment en France environ 2,5 TWh/an d’électricité et 3,5 TWh/an de gaz ». La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) souligne, elle aussi, l’importance des dépenses en électricité pour la compétitivité de ses adhérents, qui considèrent celles-ci comme prioritaires pour la pérennité de leur activité. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a abondé dans le même sens, rappelant à vos rapporteurs combien l’électricité est un poste de dépenses crucial pour les collectivités territoriales.
L’association négaWatt porte une vision plus nuancée sur l’importance du prix de l’électricité pour les entreprises. Elle estime en effet que « le prix de l’électricité est un paramètre relativement marginal dans la vie des entreprises et leur compétitivité, sauf bien entendu dans le cas des électro-intensifs et à l’occasion de crises comme en 2022‑2023 ». Elle souligne que la facture d’électricité des entreprises est tributaire de nombreux autres coûts en dehors du seul prix de l’électricité (réseau, fiscalité, mécanisme de capacité, certificats d’économies d’énergie, etc.) et insiste sur les efforts qui peuvent être menés sur la maîtrise des volumes consommés.
Les représentants des entreprises auditionnés par vos rapporteurs ont en tout cas unanimement affirmé leur besoin de stabilité et de visibilité du prix de l’électricité qu’ils paient, de même que la nécessité de disposer de prix abordables.
Cela est nécessaire pour maîtriser leurs coûts de production, mais aussi pour la contribution de ces entreprises à nos objectifs de transition énergétique. L’opérateur Réseau de transport d’électricité (RTE) l’exprime clairement : « Les études menées dans le cadre du Bilan prévisionnel 2023 confirment que l’accès des consommateurs finals – et notamment du tissu industriel français – à un approvisionnement en électricité à un prix stable et compétitif constitue un prérequis pour atteindre les objectifs publics de décarbonation et de réindustrialisation ». En outre, ces investissements auront eux‑mêmes des conséquences bénéfiques sur les factures énergétiques des entreprises.
Mais investir pour décarboner des procédés de production ou pour gagner en efficacité énergétique nécessite d’y voir clair quant aux gains de compétitivité qu’il est permis d’en attendre. RTE souligne la nécessité d’agir vite pour que les entreprises disposent d’un avantage compétitif grâce à des prix de l’électricité maîtrisés : « Les États européens déployant tous des stratégies similaires en misant à court terme sur un développement rapide d’énergies renouvelables à coûts marginaux quasi nuls, la compétitivité relative du mix français est appelée à s’amoindrir. La France dispose ainsi d’une fenêtre stratégique d’environ dix ans pour capitaliser sur cet avantage structurel ».
Ces enjeux de compétitivité sont d’autant plus prégnants qu’ils s’inscrivent dans un contexte particulier : celui de la crise des prix de l’énergie de 2022, d’une part, et de la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) à compter de 2026, d’autre part.
Le graphique ci-dessous, issu d’une note statistique du Commissariat général au développement durable (CGDD) ([5]), expose l’évolution des prix de l’électricité en euros courants – donc non corrigés de l’inflation – depuis 2008 pour différentes catégories d’entreprises, selon leur niveau de consommation. Cette note indique qu’avant la crise, le prix hors TVA de l’électricité pour les entreprises « était resté quasiment stable entre 2014 et 2018, après avoir augmenté en moyenne de 5,6 % par an entre 2007 et 2014 ».
Évolution du prix hors TVA de l’électricité pour les entreprises en France
par niveau de consommation
La crise de 2022 a conduit à bouleverser ces équilibres. Les causes multifactorielles de celle-ci sont connues : en premier lieu, la survenance de la guerre russe en Ukraine, qui a causé une hausse importante des prix du gaz, mais aussi, en France, la forte indisponibilité du parc nucléaire français en raison d’un phénomène de corrosion sous contrainte, d’un calendrier de maintenance du parc nucléaire décalé en raison de l’épidémie de covid-19 et d’une faible production hydroélectrique.
EDF rappelle que « le prix de l’électricité pour livraison en France en 2023 a atteint un pic de 1 200 €/MWh à la mi-août 2022 ». L’opérateur relève cependant qu’au cours de la crise, « les marchés de long terme ont démontré leur plus grande résilience à ces chocs, avec un prix moyen autour de 200 €/MWh pour l’horizon 2027 ».
Les entreprises ont pâti de cette hausse. Le Medef fait état de prix « insoutenables » liés à la crise, « supérieurs pour certaines [entreprises] à plus de 500 €/MWh au plus fort de la crise ». La CPME évoque des factures d’électricité multipliées par cinq, voire par dix, pour certaines PME. Elle souligne également que selon une enquête qu’elle a conduite en 2023, un quart seulement des entreprises n’avaient pas répercuté la hausse des prix de l’énergie sur leurs prix de vente et que, parmi celles qui l’avaient fait, plus de la moitié avaient vu leurs ventes baisser. L’U2P mentionne des augmentations allant de 100 % à 300 % pour les artisans dont le contrat est arrivé à échéance au plus fort de la hausse des prix. Pour les électro‑intensifs, l’Uniden souligne des prix « rendus sites » durant la crise en hausse de 30 % à 75 %. Une enquête du Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité (Cleee) auprès de ses membres donne les prix moyens de fourniture suivants sur les années 2021 à 2025, en sachant qu’il existe des disparités importantes au sein de ces moyennes ([6]).
Prix moyens de fourniture sur les années 2021 à 2025 d’après une enquête réalisée auprès des entreprises membres du Cleee
Source : Cleee
Le Cleee, qui représente des grands consommateurs industriels et tertiaires français d’énergie, a identifié, en plus du degré d’électro‑intensivité des entreprises, trois facteurs qui ont joué sur les conséquences de la crise pour celles-ci : la stratégie de couverture (choix de l’entreprise concernant la nature et la durée du contrat souscrit, les modalités d’indexation, etc.), la capacité de l’entreprise à transférer son coût énergétique au consommateur final et sa capacité à différer sa production.
Le profil de consommation des entreprises a influé sur leur capacité à s’adapter aux évolutions de prix. La note statistique du CGDD précédemment mentionnée souligne que si, en 2022, ce sont les entreprises les plus consommatrices d’électricité qui ont davantage subi les conséquences de la crise, en 2023 ce sont plutôt les entreprises les moins consommatrices qui étaient fortement exposées. En effet, le CGDD explique que « Les entreprises les plus consommatrices s’ajustent plus rapidement aux variations des prix de gros que les moins consommatrices, les évolutions principales se faisant pour ces dernières au moment du renouvellement du contrat ».
La tendance est aujourd’hui baissière sur les marchés. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) évoque des prix évoluant entre 60 et 70 €/MWh pour les années à venir (2026-2028). Les prix payés par les entreprises françaises n’ont cependant pas totalement retrouvé leur niveau d’avant-crise. Le CGDD relève que le prix moyen hors TVA payé par les entreprises françaises reste en 2024 « 1,5 fois plus élevé qu’en 2021 (105,7 €/MWh), avant la crise énergétique ».
Les entreprises ayant souscrit un contrat à prix fixe au plus fort de la crise continuent souvent de le payer très cher, ce type de contrat étant notamment souscrit par des TPE-PME. En effet, résilier un tel contrat peut conduire à des indemnités de rupture anticipée extrêmement élevées, dissuadant donc ces entreprises de souscrire une nouvelle offre de fourniture.
Certains acteurs s’inquiètent par ailleurs de la contraction de la demande industrielle. Si les prix de l’électricité se détendent, ils peuvent aussi refléter, selon le Medef, « une réalité plus préoccupante : une demande industrielle toujours en berne et un retard persistant dans l’électrification ».
B. Des prix de l’électricité français plutôt compétitifs en europe, moins face à la concurrence internationale
De nombreux paramètres entrent en compte lorsqu’il s’agit de comparer le prix de l’électricité d’un pays à l’autre ou d’une région du monde à l’autre : disponibilité des ressources (pétrole, gaz, uranium), gisement éolien, solaire et hydraulique, coût du carbone, fiscalité et subventions…
La production électrique française dispose d’atouts certains pour la compétitivité des entreprises. La France possède un mix électrique décarboné à plus de 95 % en 2024 ([7]) : EDF indique que 1 kWh d’électricité produite en France émet ainsi dix fois moins de CO2 qu’en Allemagne. La DGE a également rappelé en audition la grande qualité du réseau électrique français, qui dispose d’un temps d’interruption annuel très faible. Enfin, hors période de dysfonctionnement, l’électricité est abondante, avec un record récent d’exportation de la France vers les pays voisins de 89 TWh nets en 2024 ([8]).
Ces atouts permettent d’attirer des investissements : la DGE a ainsi rappelé à vos rapporteurs que le prix de l’électricité a été un critère déterminant pour la décision d’implantation de la nouvelle usine de freins carbone Safran en région Auvergne Rhône-Alpes. Toutefois, l’industrie française souffre encore de trop faibles investissements pour décarboner les outils de production et accélérer l’électrification. Les députés Henri Alfandari, Karim Benbrahim et Matthias Tavel, membres de la commission des affaires économiques, avaient rédigé une note sur la perte de souveraineté industrielle et l’atteinte aux industries stratégiques en février 2025, auquel le lecteur peut se référer sur ces sujets ([9]).
Les entreprises françaises disposent d’un prix de l’électricité plutôt compétitif par rapport aux autres pays de l’Union européenne (UE), notamment vis-à-vis de pays voisins comme l’Allemagne ou l’Italie. Globalement, plusieurs acteurs tels que l’Uniden, le MEDEF ou encore la DGE notent des prix français proches de ceux de l’Espagne. Les pays nordiques disposant d’un parc hydroélectrique important réalisent quant à eux de meilleures performances.
En revanche, les prix de l’électricité français ne sont pas aussi compétitifs si l’on effectue une comparaison internationale, notamment vis‑à‑vis des États‑Unis et de la Chine.
Montant moyen de la facture d’électricité TTC pour les entreprises (1er semestre 2025)
Pays |
Facture moyenne TTC (€/kWh) |
Italie |
0,364 |
Allemagne |
0,322 |
Royaume-Uni ** |
0,311 |
Suisse* |
0,297 |
Pays-Bas |
0,285 |
Moyenne UE |
0,249 |
Belgique |
0,243 |
France |
0,236 |
Espagne |
0,208 |
Japon * |
0,17 |
Suède |
0,126 |
États-Unis *** |
0,096 |
Norvège |
0,092 |
Chine * |
0,084 |
Source : CRE, d’après données Eurostats, * Global Petrol Prices, ** OFGEM, *** EIA.
Selon la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), « les différences de prix par rapport aux États-Unis ou à la Chine s’expliquent notamment par : (i) un encadrement fort des prix en Chine, (ii) des prix du gaz moindres aux États-Unis, qui s’appuient largement sur le gaz pour leur production d’électricité et fixent dans la plupart de leurs États les prix en fonction du coût marginal de production, (iii) la mobilisation de ressources en charbon en Chine, combinée à la production locale compétitive d’électricité d’origine renouvelable, (iv) un niveau de taxation très faible en Chine et aux États-Unis, (v) une tarification du CO2 plus faible hors d’Europe ». D’autres pays, tels que le Canada et le Brésil, bénéficient également d’une forte compétitivité du fait de l’importance, là aussi, de leur parc hydroélectrique, relève la DGE.
Les écarts de prix de l’électricité entre l’industrie européenne, d’une part, et les industries américaine et chinoise, d’autre part, se sont accrus ces dernières années. Pour autant, il faut souligner à ce stade l’importance de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles : gagner en compétitivité ne doit, en aucun cas, conduire à réduire les efforts de lutte contre le réchauffement climatique.
Comparaison des prix de détail de l’électricité aux États-Unis, en Chine et au sein de l’UE (2019-2023)
Source : rapport Draghi sur l’avenir de la compétitivité européenne, fourni par la DGE
Plusieurs personnes auditionnées ont relevé que de nombreux pays pratiquaient une forme de réglementation des prix de l’électricité, comme en atteste le tableau ci-dessous, établi par le Cleee.
Modalités de réglementation des prix de l’électricité dans différents pays
Enfin, il importe de prendre en compte l’ensemble des déterminants du prix final payé par les entreprises pour effectuer ces comparaisons, en particulier compte tenu des interventions publiques à la main des États pour modérer le coût de la facture finale. La DGEC souligne ainsi que les conséquences liées aux différentiels de taxation et de prix du CO2 mentionnés supra (iv et v) doivent être nuancées compte tenu des mesures de soutien aux industriels français en la matière (respectivement, des tarifs réduits d’accise sur l’électricité et la compensation carbone). EDF estime que « si l’on considère les “prix complets livrés sites” pour un industriel, coûts de réseau, capacités et taxes comprises, nous sommes aujourd’hui en France à des niveaux de prix inférieurs à la majorité des États des États-Unis d’Amérique ».
II. Les déterminants de la facture d’électricité
A. Les trois grandes composantes de la facture : la fourniture d’électricité, le financement de son acheminement et les taxes
La facture des consommateurs d’électricité se décompose en trois parties : une part liée à la fourniture d’électricité proprement dite, une part liée à son acheminement et une part liée aux taxes. Pour les entreprises, notamment les plus consommatrices, ces deux dernières composantes représentent des parts moins importantes que pour les entreprises les moins consommatrices et les ménages : outre le fait qu’elles peuvent déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comme les autres entreprises, elles bénéficient également de tarifs réduits ou d’abattements sur la fiscalité et le coût de l’acheminement, afin de soutenir leur compétitivité.
Niveau des différentes composantes de la facture d’électricité (entreprises du Cleee) ([10])
Source : Cleee, d’après enquête interne.
Décomposition du prix TTC de l’électricité pour les ménages en France entre 2021 et 2024
1. La part liée à la fourniture
La composante « fourniture » de la facture d’électricité comprend le prix de l’approvisionnement en électricité, mais aussi les coûts de commercialisation et la marge du fournisseur. C’est sur cette partie de la facture que les fournisseurs vont pouvoir différencier leurs offres. M. Nicolas Goldberg, responsable énergie chez Terra Nova, estime toutefois que la marge d’un fournisseur est en réalité assez réduite et que c’est plutôt « sur le trading amont que se font les marges mais c’est une activité extrêmement risquée compte tenu de la volatilité ».
Selon les statistiques du CGDD, le coût de fourniture représente 73 % du montant hors TVA de la facture toutes catégories d’entreprises confondues en 2024, en diminution de 30 % par rapport à 2023 mais toujours deux fois plus élevé qu’en 2021.
a. Les différents contrats de fourniture proposés aux entreprises
Disposer d’un prix de l’électricité compétitif est aussi lié au fait de disposer de modalités de fourniture en adéquation avec ses besoins. Les types de contrat proposés par les fournisseurs dépendent généralement de la puissance souscrite. On différencie également les différents contrats selon leur durée, ainsi que selon les modalités d’indexation du prix de fourniture proposé (prix fixe, indexation sur les prix spot, mélange des deux, achat de l’électricité en une ou plusieurs fois, etc.).
La récente commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité ([11]) recense trois grands types de contrat pour les entreprises : des contrats à prix fixe (essentiellement souscrits par les TPE-PME), les contrats dits « à clics » (pour lesquels l’électricité est achetée par blocs, seule la marge du fournisseur étant fixée au moment où le contrat est signé) et les contrats dits « bloc + spot », combinant des approvisionnements fondés sur les prix de marché à terme et sur le marché spot.
Plus l’entreprise dispose de gros volumes de consommation, plus son pouvoir de négociation est élevé et sa capacité à souscrire des contrats complexes, importante. L’U2P souligne ainsi que « les entreprises de proximité n’ont ni services d’achats dédiés ni accès à des produits financiers pour se couvrir » et qu’elles disposent donc de marges de manœuvre plus réduites que l’industrie lourde pour absorber les hausses de prix. Les collectivités déplorent un cadre d’achat plus strict et moins réactif que celui des entreprises, notamment parce qu’elles doivent se fournir via des accords-cadres et des marchés subséquents, ce qui renchérirait leurs coûts : selon la FNCCR, elles paieraient en moyenne leur électricité 12 % plus cher que les entreprises.
Pour ce qui concerne les entreprises les plus consommatrices, selon l’enquête interne au Cleee de 2025, leurs membres s’approvisionnent majoritairement sur le marché à terme (88 %). Pour le reste, elles sont exposées à 7,5 % au marché spot et 4,5 % des volumes sont contractés via des contrats de gré à gré (PPA) portant sur les énergies renouvelables. La durée des contrats souscrits est généralement de 2 à 3 ans.
Pour les TPE-PME, la CPME indique que la majorité des contrats de fourniture sont également souscrits pour des durées de 2 à 3 ans.
Les TPE et les collectivités qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilans annuels n’excède pas 2 M€, de même que l’ensemble des consommateurs finals domestiques sont par ailleurs éligibles aux tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) ([12]). Ces tarifs sont fixés par l’État, sur proposition de la CRE (voir infra).
b. La répercussion de coûts supportés par les producteurs et les d’électricité : mécanisme de capacité, CEE et coût du carbone
Les fournisseurs répercutent dans cette partie de la facture les coûts de deux dispositifs auxquels ils sont assujettis :
– le mécanisme de capacité. Il a vocation à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique, en particulier aux heures de pointe de la demande. Il consiste ainsi à rémunérer des moyens de production, de stockage ou d’effacement d’électricité en contrepartie de leur disponibilité. Récemment réformé, il sera désormais financé par une taxe dont doivent s’acquitter les fournisseurs d’énergie et dont le produit sera reversé à RTE ;
– le dispositif extrabudgétaire des certificats d’économies d’énergie (CEE). Les fournisseurs d’énergie, appelés « obligés » du dispositif, doivent réaliser un certain volume d’économies d’énergies déterminé par les pouvoirs publics, soit directement, soit en finançant des opérations en ce sens auprès de tiers. Ils se voient délivrer en échange de ces économies des certificats, qui peuvent également s’échanger sur un marché secondaire. Le niveau d’économies d’énergie à réaliser est fixé pour une période pluriannuelle. La cinquième période, ouverte en 2022, se termine en 2025. Le coût des CEE est répercuté dans la facture finale du consommateur. Il est généralement inclus dans les coûts de commercialisation. Selon un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) ([13]), ce coût est supporté essentiellement par les ménages et une partie seulement du secteur tertiaire. En effet, le rapport souligne que « les volumes de ventes au secteur industriel et à une partie substantielle du secteur tertiaire ne sont pas pris en compte dans l’assiette de calcul de répartition des obligations, ces secteurs ou parts de secteurs étant de ce fait exonérés d’impact final sur le prix de leurs consommations ». En s’appuyant sur des études réalisées par la DGEC, l’IGF estime « que les CEE pourraient représenter entre 3 et 4,5 % de la facture annuelle des ménages selon l’énergie considérée » (électricité, gaz ou carburants).
Au-delà du mécanisme de capacité et des CEE, le coût carbone auxquels les moyens de production d’électricité sont assujettis se répercutent indirectement sur la facture des consommateurs.
En effet, les producteurs d’électricité sont assujettis au mécanisme des quotas carbone (SEQE‑UE), dont le fonctionnement repose sur le principe du « pollueur payeur ». Le coût du carbone se répercute donc lui aussi indirectement dans le prix final de l’électricité payé par le consommateur. Certains secteurs d’activité particulièrement exposés aux « fuites de carbone » bénéficient de mesures de compensation des coûts indirects du carbone ([14]). Il s’agit des entreprises les plus exposées à la concurrence internationale et les plus électro-intensives ([15]) : la DGE souligne que cette aide représente environ 30 € par mégawattheure d’électricité consommée pour ces entreprises, avec des variations selon l’efficacité énergétique de l’entreprise et sa valeur ajoutée.
2. La part liée à l’acheminement
Deuxième composante de la facture, les coûts d’acheminement de l’électricité sont liés au réseau électrique et se traduisent dans le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Ce tarif, fixé pour une durée de quatre ans, permet de financer les coûts du gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) et ceux du gestionnaire des réseaux de distribution (Enedis). Il est calculé par la CRE.
Le Turpe diffère selon les catégories de consommateurs et selon qu’ils sont raccordés au réseau de distribution ou directement au réseau de transport. Il est construit autour de quatre grands principes : la péréquation tarifaire (tarifs identiques sur l’ensemble du territoire), la tarification « timbre-poste » (tarif indépendant de la distance parcourue par l’énergie livrée), la non-discrimination (les tarifs doivent refléter les coûts de chaque catégorie d’utilisateurs) et l’horosaisonnalité (le tarif est variable selon les jours et les heures de l’année).
Aux termes de l’article L. 341-2 du code de l’énergie, les coûts couverts par le Turpe comprennent notamment :
– les coûts résultant de l’exécution des missions et contrats de service public ;
– les coûts de recherche et développement nécessaires à l’accroissement des capacités de transport des lignes électriques ;
– une partie des coûts de raccordement aux réseaux ;
– des coûts spécifiques liés à certaines indemnisations qui peuvent être versées au producteur dans le cadre du raccordement des éoliennes en mer (en cas de dépassement du délai de raccordement ou, dans certains cas, d’avarie ou de dysfonctionnement des ouvrages) ;
– une partie des coûts des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseau (par exemple, lors de la mise en service ou de la modification de la puissance souscrite).
Le tarif en vigueur pour la période 2025-2028 est le « Turpe 7 ». Il a conduit à une augmentation de 7,7 % du tarif HTA-BT (celui des utilisateurs raccordés au réseau de distribution) au 1er février 2025 par rapport au précédent tarif (Turpe 6). Les grandes évolutions du Turpe 7 portent sur les points suivants : une hausse des dépenses prévisionnelles d’investissement des gestionnaires de réseau ; une mise à jour de la rémunération de leur capital ; la hausse de leurs moyens (notamment pour la maintenance et les charges de personnel) ; une modification du placement des heures creuses ; la facturation spécifique des coûts générés par les utilisateurs qui ne sont toujours pas équipés de compteurs Linky ; des incitations financières à ce que les gestionnaires réduisent les délais de raccordement et maîtrisent leurs coûts.
RTE souhaite que des réformes permettant d’accroître ses capacités d’autofinancement puissent être envisagées lors de la définition des prochains tarifs. Il souligne par ailleurs que l’ensemble des investissements dans le réseau de transport n’a pas vocation à être supporté par le seul consommateur d’électricité français, des travaux étant en cours pour « mettre à contribution en tout ou partie, selon le cas, les producteurs d’électricité, l’État français, les autres États européens, voire l’Union européenne ».
Selon les chiffres du CGDD, la part « acheminement » de la facture a augmenté de 6,9 % environ pour les entreprises entre 2023 et 2024 et de 20 % entre 2021 et 2024 (en euros courants). De manière générale, la CRE envisage un Turpe « en hausse de l’inflation + 1 % par an jusqu’à 2040 pour les clients résidentiels » ([16]).
Certaines catégories d’entreprises bénéficient d’abattements sur le Turpe. La DGE explique que ceux-ci varient entre 50 % et 81 % selon le profil de consommation des entreprises. Ils bénéficient aux grands consommateurs qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique ([17]).
En complément des coûts de fourniture et de réseau, la facture d’électricité des entreprises est le support de plusieurs taxes.
L’accise sur l’électricité s’applique sur la quantité d’énergie consommée (et non sur le prix de cette consommation). Les plus grandes entreprises bénéficient de taux réduits d’accise, en fonction de la puissance souscrite.
Tarifs d’accise sur l’électricité applicables aux différentes catégories de consommateurs
Entreprises concernées |
Nature du tarif |
Tarif d’accise applicable (en €/MWh) |
Hyper électro-intensives |
Réduit |
0,5 |
Électro-intensives |
2 |
|
Électro-sensibles |
5 |
|
Grandes consommatrices d’électricité |
7,5 |
|
Haute puissance (puissance supérieure à 250 kVA) |
Normal |
25,79 |
PME (puissance souscrite entre 36 et 250 kVA) |
||
Ménages (puissance ≤ 250 kVA) et assimilés (activités économiques avec puissance ≤ 36 kVA) |
29,98 |
Sources : DGE et Guide de la fiscalité sur les énergies du ministère de l’économie. Tarifs applicables à compter du 1er août 2025 pour les tarifs normaux et à compter du 1er janvier 2026 pour les tarifs réduits.
Certaines politiques publiques sont directement financées par les recettes de l’accise sur l’électricité ([18]) :
– à compter du 1er août 2025, la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI) est financée par une majoration des tarifs normaux d’accise sur les combustibles et sur l’électricité. La majoration, incluse dans les taux normaux présentés dans le tableau supra, a été fixée à 4,89 €/MWh pour 2025. Cette péréquation tarifaire était auparavant financée via les charges de service public de l’énergie. Global Chance a alerté vos rapporteurs sur le coût et les modalités de la transition énergétique ainsi soutenue, en particulier concernant les centrales fonctionnant à partir de biomasse importée. Cet enjeu a d’ailleurs été abordé dans un rapport de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale sur l’autonomie énergétique des outre-mer, qui préconisait de « renoncer à l’importation des pellets en circuits longs et privilégier l’importation en provenance des bassins régionaux (Madagascar ou l’Afrique du sud, pour La Réunion, par exemple), sans déforestation » ([19]) ;
– la loi de finances pour 2025 a également introduit une réforme du financement du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ». Celui-ci bénéficie désormais d’une fraction des recettes de l’accise sur l’électricité, alors qu’il était précédemment financé via le Turpe. Vos rapporteurs rappellent que la FNCCR avait dénoncé, à l’occasion de cette réforme, une « sous-dotation chronique » des programmes budgétaires concernés ([20]) ;
– enfin, lors de la transformation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) en accise sur l’électricité en 2022, celle-ci a également été majorée pour intégrer le financement des taxes locales sur l’électricité (taxe communale et taxe départementale), directement affectées aux collectivités territoriales concernées en fonction des quantités d’électricité consommées sur leurs territoires.
b. La contribution tarifaire d’acheminement
La contribution tarifaire d’acheminement (CTA) est calculée sur la base d’un pourcentage du montant du Turpe. Elle est actuellement fixée à 21,93 % pour les sites raccordés au réseau de distribution et à 10,11 % pour les sites directement raccordés au réseau de transport. Elle est versée à la Caisse nationale des retraites des industries électriques et gazières (CNIEG) afin de contribuer au financement des retraites des agents de ces industries.
Mme Anne Debrégeas, ingénieure-économiste sur le fonctionnement du système électrique, relève que, dans tous les autres secteurs, un tel financement serait considéré « comme une partie du coût de production, pas comme une taxe ». Quant au CSEC d’EDF, il ne souhaite pas que la CTA soit intégrée à la partie « fourniture » de la facture, pour ne pas créer de confusion quant au fait que cette contribution bénéficie aux retraites des agents des industries électriques et gazières dans leur ensemble. Dans son rapport pour avis sur les crédits relatifs à l’énergie du projet de loi de finances pour 2023 ([21]), votre rapporteur Philippe Bolo avait, quant à lui, souligné que la CRE avait demandé à plusieurs reprises la baisse du taux de CTA pour prendre en compte les évolutions de structure du Turpe et la baisse des besoins réels de financement de la CNIEG. Le régulateur avait appelé, dans le contexte de crise des prix de l’époque, à sa révision « afin de veiller à ce que toutes les composantes de la facture d’énergie supportée par les consommateurs finals soient fixées au niveau le plus juste possible, pour éviter toute dégradation additionnelle de celle-ci ».
c. La taxe sur la valeur ajoutée
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s’applique sur les ventes d’électricité. Les entreprises ayant acheté cette électricité peuvent ensuite déduire la TVA qu’elles ont supportée sur cet achat, contrairement aux particuliers qui supportent la totalité du coût de la TVA sur leur facture. Le taux applicable est de 20 % (montant des consommations d’électricité, abonnement et taxes). Avant le 1er août 2025, un taux réduit de 5,5 % s’appliquait sur l’abonnement et la CTA et un taux de 20 % sur le reste des composantes, pour les consommateurs disposant d’une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA.
L’évolution de la partie « taxes » de la facture est souvent relevée comme étant à l’origine d’une part essentielle de la hausse des factures d’électricité ces dernières années. Ce constat s’applique plutôt aux consommateurs particuliers que professionnels. Ainsi, sur la facture des particuliers, M. Nicolas Goldberg, responsable énergie chez Terra Nova, souligne que sur une hausse du TRVe d’environ 40 % entre août 2016 et février 2025, « moins de la moitié est liée à la part fourniture (dont l’augmentation des CEE et l’arrivée du mécanisme de capacité en janvier 2017) et un peu plus de la moitié est due aux taxes et au réseau ». Mme Anna Creti, professeure d’économie à l’Université de Paris Dauphine-PSL, relève par ailleurs que la hausse de la fiscalité entre 2023 et 2024 a ralenti le retour à la normale des prix de l’électricité pour le consommateur final. Sur la période précédant la crise, d’après les chiffres du CGDD, pour les ménages, les taxes hors TVA « ont triplé entre 2009 et 2016, mais ont peu évolué entre 2016 et 2021 ».
Mme Anne Debrégeas considère toutefois que l’effet de la politique fiscale dans le prix final acquitté par les consommateurs est « de deuxième ordre par rapport aux surcoûts induits par des prix de marché ne correspondant pas aux coûts de production ».
B. Les leviers des entreprises pour agir sur leur niveau de consommation
Les entreprises peuvent agir sur leurs consommations d’énergie pour faire baisser le montant de leur facture. De telles marges de manœuvre dépendent cependant de l’activité de l’entreprise et de sa sensibilité aux prix de l’électricité.
Les actions de sobriété énergétique permettent de baisser la consommation. D’après des enquêtes effectuées par le Medef auprès de ses adhérents en 2023 et 2024, les mesures de sobriété étaient placées en tête des actions engagées par les entreprises pour faire face à la crise (83 % des répondants en ont engagé en 2023 et 50 % en 2024). L’U2P constate une tendance similaire : « Dans le cadre des enquêtes effectuées régulièrement par l’U2P auprès d’un panel d’entreprises représentatives de l’économie de proximité, le thème de la transition écologique a été abordé fin 2024. Voici quelques constats tirés de l’enquête : 54 % des entreprises interrogées ont mis en place des éco-gestes pour limiter la consommation d’énergie (…) ». Des guides pratiques sur la sobriété ont été rédigés par certaines fédérations professionnelles, à l’instar de la CNBPF pour le secteur de la boulangerie-pâtisserie.
Les résulats du plan de sobriété gouvernemental mis en place durant la crise des prix de l’énergie ([22])
Fin juin 2022, le Gouvernement a créé neuf groupes de travail sectoriels pour étudier des mesures de sobriété énergétique applicables à l’ensemble des consommations des grands acteurs (État, industrie, logement, etc.). Un plan de sobriété composé de quinze mesures résultant de ces travaux a été publié en octobre 2022. Il incluait par exemple le décalage de quinze jours des périodes de chauffe lorsque cela était possible, la réduction de l’utilisation de l’eau chaude sanitaire dans les bureaux, une plus grande incitation au télétravail et au covoiturage, la réduction du temps d’éclairage avant et après les compétitions sportives, etc.
Un bilan publié en octobre 2023 souligne que la consommation combinée d’électricité et de gaz a diminué de 12 % entre août 2022 et août 2023. Il recense par ailleurs plusieurs actions de sobriété pouvant être mises en place par les entreprises : organisation du télétravail prenant en compte l’intérêt énergétique avec des fermetures de site (entre 25 % et 35 % d’économies d’énergie), arrêter la ventilation de bureaux, salles de réunion ou bâtiments inoccupés (50 % de consommation d’énergie en moins sur ce poste), isolation des réseaux d’eau pour limiter la chaleur perdue, mise en place de systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments (jusqu’à 20 % de gaspillage énergétique en moins).
Les représentants des entreprises identifient ainsi la sobriété comme un levier efficace – l’Uniden parle même d’un « impératif concurrentiel » pour les électro-intensifs – mais qui doit nécessairement être adapté aux capacités des entreprises et ne doit pas conduire à une substitution de la production étrangère à la production nationale. Le Cleee relève des marges de manœuvre réduites dans l’industrie : « La plupart des industriels disposent désormais de très peu de marges de manœuvre (1 à 2 %) pour réduire leur consommation sans impacter la production, ayant déjà largement optimisé leurs process ».
Les actions d’efficacité énergétique doivent permettre de consommer moins d’énergie pour un service rendu inchangé. Ces actions peuvent ainsi porter sur la rénovation thermique des locaux avec une meilleure isolation ou des systèmes de chauffage ou de production plus performants.
En outre, la participation de certaines grandes entreprises industrielles aux mécanismes de capacité ou d’ajustement agit plus indirectement sur la facture d’électricité, en offrant une rémunération aux entreprises concernées en échange des services rendus au système d’approvisionnement en électricité. Une entreprise peut ainsi participer au mécanisme de capacité, déjà décrit, en mettant à disposition des capacités d’effacement de sa consommation. Elle peut également participer au mécanisme d’ajustement. Ce mécanisme permet de corriger les déviations de fréquence de court terme sur le réseau électrique, causées par un déséquilibre entre l’offre et la demande. Le gestionnaire de réseau organise un appel d’offres pour sélectionner des producteurs et des consommateurs d’électricité, qui sont ensuite rémunérés pour que leur production ou leur consommation soit ajustée à la hausse ou à la baisse, sur demande de RTE.
Enfin, l’autoconsommation, consistant à développer ses propres moyens de production d’électricité ou à participer à des opérations d’autoconsommation collective, peut également permettre à certaines entreprises de produire directement une partie de l’énergie qu’elles consomment.
Deuxième partie : une régulation publique indispensable mais défaillante pour combler les lacunes du marché de l’électricité
I. Les lacunes des marchés de production et de fourniture de l’électricité justifient une intervention publique
Du producteur au consommateur, les activités du secteur de l’électricité se décomposent en quatre grands domaines : la production, le transport, la distribution et la fourniture au client final. Alors que les activités de transport et de distribution sont des monopoles régulés, les activités de production et de fourniture sont ouvertes à la concurrence au sein de l’Union européenne et s’organisent à travers des marchés :
– le marché de gros, où l’électricité est vendue et achetée entre les producteurs et les fournisseurs ;
– le marché de détail, au sein duquel les fournisseurs d’électricité proposent des offres de fourniture au consommateur final.
A. Les marchés de gros et de détail ne permettent pas de garantir des prix de l’électricité proches des coûts de production et de protéger le consommateur
1. Sur le marché de gros, des prix décorrélés des coûts de production
Contrairement à d’autres biens, l’électricité ne se stocke que très peu. L’enjeu de faire correspondre, à chaque instant, l’offre et la demande en est donc d’autant plus prégnant. Les prix sur le marché de gros de l’électricité traduisent en premier lieu cet équilibre entre offre et demande.
a. La formation des prix spot et des prix à terme
Il existe deux mécanismes de formation des prix sur le marché de gros, celui-ci étant organisé au niveau européen.
Les prix spot s’établissent selon le principe du coût marginal de production, c’est-à-dire au niveau du coût variable ([23]) de la dernière unité de production appelée pour satisfaire l’équilibre en réponse à une hausse de la demande. Ainsi, les unités de production dont les coûts variables sont les plus faibles sont appelées en premier et celles dont les coûts variables sont les plus élevés en dernier, selon une logique d’ordre de préséance économique (ou merit order). Schématiquement, les énergies renouvelables (EnR) variables présentent des coûts marginaux quasi-nuls ; la filière nucléaire des coûts marginaux de production très faibles, tandis que les moyens de production thermiques présentent des coûts marginaux plus importants.
Illustration des coûts marginaux de production par filière
Source : ministère chargé de l’énergie d’après RTE et ADEME.
Plus le coût marginal de production de la dernière centrale appelée est élevé, plus le prix de vente sera élevé. Tous les producteurs sont rémunérés au prix ainsi fixé, quel que soit leur ordre de préséance. C’est ce qui explique notamment les phénomènes de « rentes inframarginales » : par exemple, un producteur d’EnR, en cas de prix élevé sur les marchés, pourra bénéficier d’un différentiel de rémunération important entre ses coûts de production et le prix auquel il vend son électricité.
Les produits spot sont généralement achetés la veille pour le lendemain. Ils se caractérisent par la très forte volatilité des prix associés.
Les prix à terme permettent « aux producteurs et aux fournisseurs de se couvrir face au “risque prix” du marché spot, c’est-à-dire contre la volatilité horaire du prix qui s’y forme », selon RTE ([24]). Sur le marché à terme, les achats se font à des horizons temporels plus longs (mensuels ou annuels). Mme Anna Creti, professeure d’économie à l’Université de Paris Dauphine-PSL, précise que « dans la mesure où ces marchés se réfèrent à une livraison future de l’électricité, ils sont impactés par des anticipations sur le futur, l’incertitude macroéconomique et réglementaire, les chocs géopolitiques ».
L’anticipation que font les acteurs des prix sur le marché à terme est donc fondamentale pour leur détermination. C’est aussi un marché qui sera affecté moins brutalement en cas de crise.
b. Les mécanismes de marché sont censés permettre une allocation optimale des moyens de production
Le marché doit permettre d’optimiser l’allocation des moyens de production, afin de garantir, à chaque instant, l’équilibre entre l’offre et la demande. La CRE rappelle que le marché de gros de l’électricité est construit autour des principes de solidarité entre pays, de sécurité d’approvisionnement, d’efficacité économique et de transparence. L’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (Afieg) souligne aussi qu’un marché de gros fonctionnel « réduit le recours à l’équilibrage en temps réel par les gestionnaires de réseau, qui génère un coût, répercuté sur la facture du consommateur ». Il adresse un signal‑prix au consommateur, en lui indiquant l’état de la demande en électricité par rapport à l’offre disponible, afin de lui permettre éventuellement d’ajuster sa consommation en conséquence.
Le fonctionnement du marché à la maille européenne est présenté comme pertinent par la CRE, compte tenu du développement croissant des énergies renouvelables (EnR). Cela permet en effet de mutualiser les moyens de production et de flexibilité sur un périmètre géographique suffisamment large, afin de répondre à des conditions de production variables selon les pays, en fonction des conditions météorologiques.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) relève que le marché de gros permet, « grâce aux rentes inframaginales ou aux rentes de situation (…), aux acteurs d’investir dans de nouveaux moyens de production », tout en soulignant des insuffisances à ce sujet (voir infra). L’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) souligne également que si l’on rémunérait les acteurs au coût de production, leur incitation à investir dans de nouveaux moyens de production serait moindre.
c. Le marché ne permet pas de refléter les coûts de production du mix électrique français, pénalisant la compétitivité et la décarbonation des entreprises
Alors que la France dispose d’un mix de production décarboné et compétitif, la fixation des prix de l’électricité sur le marché de gros selon l’ordre de préséance économique aboutit à rendre ces prix tributaires des coûts de centrales fossiles, chères et polluantes, et à les décorréler des coûts de production du parc électrique national.
Certes, la CRE souligne que le coût marginal du gaz détermine de moins en moins le prix de l’électricité en France (« 22 % du temps en 2023, 9 % en 2024 » et observe, plus généralement, une moindre influence du gaz sur les prix de l’électricité en France depuis la fin de la crise. Toutefois, la dernière mise à jour du bilan prévisionnel de RTE à horizon 2035 ([25]) indique, pour le scénario de référence, que les prix de gros demeureraient déterminés, au niveau européen, par le coût variable des filières thermiques 75 % du temps à moyen terme. Dans le même temps, « la production d’électricité française sera assurée à plus de 95 % par des moyens décarbonés ». Le gestionnaire ne relève pas de perspective de convergence spontanée entre les prix de marché et les coûts effectifs de production français à moyen et long terme.
Notre dépendance au prix des énergies fossiles, en particulier du gaz, apparaît ainsi à rebours de nos objectifs de transition énergétique et ne permet pas de se protéger de la volatilité des cours de ces ressources.
Or, le fait que le prix final de l’électricité ne corresponde pas aux coûts de production de l’électricité française est problématique autant pour le producteur que pour le consommateur.
D’une part, les producteurs ne bénéficient pas d’un retour sur investissement en phase avec leurs coûts de production, ni de signaux de long terme suffisamment stables pour procéder à ces investissements. L’Ademe cite dans sa contribution écrite à la mission d’information une étude de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) ([26]) qui pointe les limites de la tarification au coût marginal concernant le développement des EnR. Il est notamment souligné que l’écart entre un prix marginal de l’électricité élevé et le faible coût de production des EnR peut aussi être facteur d’« instabilité socio-politique, souvent exacerbée entre autres par une mauvaise compréhension et une communication déficiente sur le fonctionnement des marchés, avec pour résultat une augmentation des risques perçus – et donc des coûts de financement des énergies décarbonées, mais aussi l’abandon de ces investissements ».
D’autre part, comme cela a déjà été évoqué, les consommateurs ne bénéficient pas suffisamment de la compétitivité du parc de production électrique français.
Les entreprises soulignent elles-mêmes les limites de ce marché : il est difficile pour elles d’investir lorsqu’elles manquent de visibilité sur leur facture d’électricité. Cela ralentit particulièrement la décarbonation de l’industrie et, plus généralement, l’électrification des usages. Le gestionnaire du réseau de transport RTE illustre ce constat par le décalage entre les droits d’accès au réseau qu’il a déjà accordés et la concrétisation des projets correspondants : « sur le seul réseau de transport, RTE a déjà accordé des droits d’accès au réseau d’ici 2030 pour une puissance correspondant au double de celle que soutire aujourd’hui l’industrie française : la concrétisation d’un nombre significatif de ces projets est aujourd’hui suspendue à la sécurisation d’un approvisionnement en électricité à un coût compétitif, alors qu’elle suffirait à enclencher de manière visible le mouvement d’électrification que doit suivre la France pour atteindre ses objectifs de décarbonation et de réindustrialisation ».
Le Cleee abonde dans le même sens, soulignant l’inefficacité du marché européen de l’électricité en termes d’incitation « à investir dans de nouveaux moyens de production, (…) à l’électrification des entreprises consommatrices, (…) à la réindustrialisation et à la relocalisation des entreprises en Europe » mais aussi pour garantir la compétitivité des entreprises face à la concurrence extra-européenne.
Afin de bénéficier de davantage de visibilité et de stabilité sur le prix payé, certaines entreprises préfèrent d’ailleurs se détourner du marché pour conclure des contrats de gré à gré directement avec un producteur – ce qui n’est pas sans susciter d’autres problématiques aux yeux de vos rapporteurs, au premier rang desquelles le risque d’accaparement de moyens de production à prix réduits au bénéfice de quelques‑uns, en contradiction avec la logique de service public de l’électricité.
La souscription de contrats d’approvisionnement directement entre producteur et consommateur final
Les PPA (power purchase agreement) ou AAE (accords d’achat d’électricité) sont des contrats de gré à gré entre un producteur et un consommateur d’électricité, souscrits sur des durées longues (de l’ordre de dix ans, voire plus). Ce type de contrat s’applique à l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.
S’ils sont censés offrir davantage de visibilité sur le prix payé, tant pour le producteur que pour le consommateur, les acteurs auditionnés sont partagés quant à leur efficacité.
EDF fait observer qu’ils « comportent des niveaux de risque en volume et/ou prix incompatibles avec les besoins d’une très grande majorité des consommateurs ». Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) juge le marché des PPA atone depuis la mi‑2024, compte tenu de la baisse des prix de gros ainsi que de « la remontée des coûts de production actualisés des parcs d’énergies renouvelables ». France Chimie souligne que le PPA portant sur une production renouvelable ; le caractère variable de celle-ci n’est pas nécessairement adapté au profil de consommation d’une entreprise qui consomme de manière plutôt linéaire tout au long de l’année ; un complément d’approvisionnement au marché demeure dès lors nécessaire.
L’U2P estime que ce type de contrat s’adresse à ce jour plutôt aux grands consommateurs industriels qu’aux TPE-PME, mais « appelle à la mise en place de modèles d’achat d’énergie agrégés pour les TPE-PME, permettant aux petites entreprises de négocier collectivement des AAE avec des fournisseurs d’énergie renouvelable ». Elle travaille au niveau européen à un plan d’action en ce sens, en particulier pour disposer d’un cadre réglementaire simplifié et de mécanismes de garantie. La CPME souhaite aussi que la négociation collective de PPA puisse être facilitée et pouvoir bénéficier d’une assistance technique pour y souscrire. Enfin, le SER fait observer qu’un seul PPA a été signé à date avec des collectivités territoriales.
Enfin, vos rapporteurs souhaitent rappeler que l’électricité n’est pas une marchandise comme une autre. Le comité social et économique central (CSEC) d’EDF abonde en ce sens, ajoutant que l’électricité « est un bien vital, au cœur des équilibres sociaux, économiques et écologiques du pays ». Il appelle en conséquence « à sortir d’une logique de marché destructrice, pour revenir à une gestion publique, démocratique et structurée du secteur électrique, en cohérence avec les grands objectifs de notre temps ».
2. Sur le marché de détail, une ouverture à la concurrence qui laisse perplexe quant à son bénéfice pour le consommateur final
Le marché de détail est celui sur lequel les fournisseurs approvisionnent le consommateur, en lui revendant l’électricité qu’ils ont produite ou achetée sur le marché de gros. Depuis 2007, le secteur de la fourniture est entièrement ouvert à la concurrence au niveau européen, ce qui est censé bénéficier au consommateur final.
Cette ouverture a notamment conduit à l’extinction progressive des tarifs réglementés de vente distribués par EDF aux entreprises : les tarifs jaunes (basse tension) et verts (haute tension) avaient ainsi été supprimés ; seuls les tarifs bleus, destinés aux particuliers et aux petites entreprises, ont perduré. Pour ces derniers, le critère d’une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA pour pouvoir bénéficier des TRVe a récemment été supprimé (voir infra).
Chaque client final est donc libre de choisir son fournisseur. Celui-ci cherchera à se différencier selon le prix pratiqué, la capacité à proposer une offre adaptée au profil de consommation, les services annexes, les modalités d’indexation du contrat, etc.
Les représentants des fournisseurs alternatifs soulignent les mérites de cette ouverture à la concurrence et déplorent l’image négative dont ils pâtissent parfois. L’Afieg qualifie ainsi le fournisseur de « maillon indispensable à la chaîne de valeur », jouant à la fois « le rôle de commerçant et d’assureur » en achetant l’énergie nécessaire, puis en la proposant à un prix garanti au consommateur pour le protéger des variations brutales des prix sur le marché de gros. L’association souligne que cette mission « s’accompagne de nombreuses responsabilités et risques » (structuration des offres et approvisionnement afférent, participation aux mécanismes de sécurité d’approvisionnement, etc.). De la même manière, l’Anode se félicite « des évolutions positives engendrées par l’ouverture à la concurrence, qui a permis aux consommateurs de bénéficier d’offres innovantes, plus proches de leurs besoins, et souvent à un meilleur prix ». Selon l’Afieg, d’après un classement des fournisseurs réalisé chaque année depuis neuf ans par le Cleee et la FNCCR, sur des critères hors prix, « les fournisseurs alternatifs occupent systématiquement les places du podium de ce classement » ([27]).
La CRE publie chaque trimestre des données sur l’ouverture des marchés de la fourniture d’énergie à la concurrence. Ces données font état d’une ouverture plus marquée sur le marché professionnel que particulier (rappelons que les TRVe demeurent ouverts aux particuliers). Ainsi, au 31 mars 2025, en nombre de sites, la part de marché des fournisseurs alternatifs est de 30,7 % sur le marché résidentiel et de 40,1 % sur le marché non résidentiel. Chez les fournisseurs historiques, la proportion de sites au tarif réglementé de vente s’établit à respectivement 83,1 % et 50,5 %. L’ensemble de ces chiffres témoigne bien que, pour les catégories de consommateurs encore éligibles aux tarifs réglementés, ceux-ci demeurent largement plébiscités. Ce constat reflète une préoccupation majeure pour toutes les catégories de consommateurs: la stabilité.
Répartition des sites par type d’offre de fourniture au 31 mars 2025
Source : Observatoire des marchés de détail de la CRE, 1er trimestre 2025.
Une nuance est à apporter concernant l’ouverture à la concurrence dans les zones du territoire qui ne sont pas couvertes par le gestionnaire du réseau de distribution Enedis mais par une entreprise locale de distribution (ELD), ce qui correspond à environ 5 % du territoire. La concurrence y est peu développée, ce qui est régulièrement dénoncé par les consommateurs concernés. Cela s’expliquerait, selon le Médiateur national de l’énergie, par le fait que « les systèmes informatiques des ELD sont différents de ceux du gestionnaire de réseau de distribution ENEDIS, ce qui freine les fournisseurs en raison de coûts d’entrée élevés, pour un nombre de clients potentiels limité ». Le Médiateur suggère que l’on pourrait imposer à certains fournisseurs d’une taille critique (par exemple, ceux qui ont plus de 200 000 clients), de proposer obligatoirement des offres concurrentielles dans ces zones.
À l’instar d’un certain nombre d’acteurs auditionnés, vos rapporteurs formulent, quant à eux, un constat beaucoup plus nuancé quant aux bénéfices de l’ouverture à la concurrence pour le consommateur. La plus-value de la concurrence en termes de services et d’offres innovantes est à mettre en regard de la multiplication des fournisseurs, mais aussi des courtiers en énergie, complexifiant le choix du client sans gain significatif sur la facture, ainsi que de la survenance de pratiques abusives ou déloyales de la part de ces acteurs. L’activité de fourniture d’électricité interroge d’autant plus lorsque les fournisseurs qui la pratiquent ne développent aucun moyen de production d’électricité. En outre, si l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture a pu progresser, c’est notamment grâce à la mise en place de l’Arenh, qui oblige EDF à brader aux fournisseurs alternatifs sa propre production d’électricité (voir infra).
Les représentants des plus petites entreprises déplorent la complexité des contrats de fourniture, peu transparents, à l’image de l’U2P, qui souligne « un besoin de régulation pour garantir des offres accessibles et compréhensibles ». Comme cela a été évoqué en première partie du présent rapport, les TPE-PME ou encore les collectivités disposent souvent de moyens techniques et humains limités pour décrypter et négocier leurs contrats de fourniture.
L’activité du Médiateur des entreprises (MDE) et du Médiateur national de l’énergie (MNE) témoigne de telles difficultés. Saisis de litiges entre les consommateurs et les fournisseurs, les médiateurs mentionnent, parmi la nature des litiges rencontrés, des désaccords ou des contestations sur la facturation, des problématiques liées à la résiliation anticipée de contrats souscrits durant la crise (voire l’absence d’offre pour les entreprises financièrement fragiles), un prix du kilowattheure inconnu lors de la consommation, l’absence de réévaluation des mensualités, des informations peu compréhensibles, voire trompeuses, sur les modalités d’indexation, etc.
Il est globalement constaté un défaut de compréhension et d’information sur les contrats, ce qui a particulièrement été mis en lumière par la crise de 2022. Durant celle-ci, plusieurs fournisseurs ont cessé leur activité (le MNE indique une division par plus de deux du nombre d’offres de fourniture dans le contexte de hausse des prix de l’énergie), abandonnant leurs clients. Le tarif réglementé a alors largement servi de valeur refuge pour les consommateurs éligibles. En outre, EDF a été désigné fournisseur de secours à titre transitoire durant la crise ([28]). Le fournisseur de secours a l’obligation de fournir des clients dont le fournisseur est défaillant ou dont l’autorisation de fourniture a été retirée ou suspendue. Vos rapporteurs relèvent qu’un fournisseur de secours pérenne n’a toujours pas été désigné et appellent le Gouvernement à procéder à cette nomination dans les plus brefs délais.
Le rôle des médiateurs de l’énergie et des entreprises
Le Médiateur national de l’énergie est chargé de proposer des solutions aux litiges pouvant naître entre des consommateurs d’énergie particuliers, non professionnels, ou encore les micro‑entreprises (moins de 10 salairés et moins de 2 M€ de chiffre d’affaires), d’une part, et les fournisseurs ou les gestionnaires de réseau, d’autre part.
19 % des dossiers recevables en médiation en 2024 concernaient des TPE et des non professionnels, le Médiateur indiquant que leur part a doublé depuis la crise des prix de l’énergie. Le montant moyen accordé à l’issue des litiges concernant les professionnels et assimilés était de 6 069 € en 2024 (contre 903 € pour les particuliers), en sachant que les enjeux financiers liés à ceux-ci peuvent varier entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de milliers d’euros.
En octobre 2023, le MNE a publié un guide des bonnes pratiques en matière de relations entre fournisseurs et consommateurs d’énergie.
Le Médiateur des entreprises dispose d’un champ d’action plus large que les seuls enjeux énergétiques. Sur ce dernier sujet, il intervient en subsidiarité du MNE, pour les différends intervenant entre les fournisseurs ou les gestionnaires de réseaux de distribution d’énergie et les entreprises.
Le Médiateur indique un très nombre faible de demandes sur le secteur avant la crise de l’énergie, puis une forte hausse (jusqu’à 13 % des saisines en 2023), avec une stabilisation autour de 10 % depuis 2024. Il explique cette hausse à la fois par les conséquences de la crise, mais aussi par une plus grande notoriété du MDE depuis celle‑ci. 57 % des saisines étaient réalisées par des entreprises comptant entre 10 et 25 salariés.
Durant la crise, le MDE a été impliqué dans la mise en place d’une charte des fournisseurs d’énergie, d’un comité de crise sur l’énergie ou encore d’une « checklist énergie » à destination des chefs d’entreprise.
En définitive, vos rapporteurs estiment que l’ouverture à la concurrence n’a conduit qu’à la multiplication des intermédiaires possibles entre producteur et consommateur, sans plus-value, occasionnant à l’inverse autant de possibilités supplémentaires de dérives et de pratiques déloyales.
B. Ces défaillances justifient la mise en place de mécanismes de soutien et de régulation
Face aux défaillances manifestes du marché pour garantir des prix reflétant les coûts de production et bénéficiant au consommateur final, la nécessité d’une régulation publique est indéniable. Outre les dispositifs mentionnés ci-dessous, le rôle de la fiscalité sera évoqué en quatrième partie du présent rapport.
a. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh)
Malgré la libéralisation du marché de l’électricité et compte tenu de la compétitivité du parc nucléaire historique d’EDF, les fournisseurs alternatifs ont peiné à proposer des offres aussi compétitives que les TRVe. Afin de sauvegarder partiellement ces tarifs tout en ouvrant davantage le marché de la fourniture à la concurrence et pour répondre aux exigences de la Commission européenne, le mécanisme de l’Arenh a été mis en place par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi « Nome ».
Aux termes de l’article L. 336-1 du code de l’énergie, l’Arenh permet « d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français ». L’exposé des motifs de la loi Nome mentionnait également la volonté de responsabiliser les fournisseurs « en les encourageant à développer des offres de maîtrise de la demande en électricité, notamment lors des pointes de consommation, et à investir dans les moyens de production nécessaires ».
L’Arenh est un mécanisme transitoire qui prend fin le 31 décembre 2025. Il oblige EDF à mettre à disposition une partie de sa production d’électricité nucléaire chaque année au bénéfice des consommateurs finals via les fournisseurs alternatifs. Des volumes additionnels sont mis à disposition des gestionnaires de réseau pour compenser leurs pertes réseau. EDF doit aussi répliquer les conditions d’approvisionnement à l’Arenh dans ses propres offres.
Le volume maximal d’Arenh pouvant être cédé a été relevé de 100 à 150 TWh en 2019, puis de nouveau abaissé à 120 TWh. Cependant, le volume d’Arenh effectivement proposé a toujours été de 100 TWh, sauf en 2022, où le volume d’Arenh qu’EDF a dû mettre à disposition de ses concurrents a été fixé à 120 TWh. Cela a été lourd de conséquences pour l’opérateur (voir infra).
Le prix de l’électricité cédée via l’Arenh est fixé à 42 €/MWh (46,2 €/MWh pour les 20 TWh additionnels cédés en 2022). Ce prix de vente est censé refléter les conditions économiques de production d’électricité du parc nucléaire d’EDF. Or, il a été fixé une première fois en 2011 et n’a jamais été réévalué depuis. Le décret censé fixer les modalités de calcul des coûts d’EDF n’a jamais été publié. L’article 40 de la loi du 16 août 2022, dite loi « Pouvoir d’achat », a certes relevé ce prix à un minimum de 49,5 €/MWh, mais cette disposition, conditionnée à l’accord de la Commission européenne, n’a jamais été appliquée ([29]).
Les droits Arenh sont attribués en fin d’année, pour l’année suivante, aux fournisseurs qui en font la demande, en fonction de leur portefeuille de clientèle. Ils sont calculés sur une période de consommation courant d’avril à octobre : la DGE relève que cela est particulièrement favorable aux industries électro-intensives compte tenu de leur profil de consommation plutôt stable tout au long de l’année, comparativement à d’autres catégories de consommateurs, en particulier les ménages.
b. Les tarifs réglementés de vente de l’électricité
Bien que leur champ ait été considérablement réduit, les TRVe demeurent un outil d’intervention publique majeur pour réguler le prix de fourniture des particuliers, des PME et des petites collectivités territoriales. Depuis le 1er février 2025, le plafond de puissance souscrite de 36 kVA qui s’appliquait pour pouvoir bénéficier des TRVe a été supprimé, grâce à l’entrée en vigueur de la loi n° 2024‑330 du 11 avril 2024 visant à protéger EDF d’un démembrement. Vos rapporteurs soulignent que cette loi est issue d’une initiative parlementaire et que rien, dans le droit de l’Union européenne, n’imposait la fixation d’un tel plafond. Ils regrettent que celui-ci n’ait pu être relevé plus tôt afin de mieux protéger les petites entreprises durant la crise des prix de l’énergie de 2022.
Les TRVe sont proposés par EDF. Leur montant est fixé par arrêté, sur proposition de la CRE. Les modalités de calcul des TRVe ont évolué au fil du temps :
– en application de l’article 4 de la loi du 10 février 2000 sur le service public de l’électricité ([30]) et avant la loi Nome, ils étaient construits de manière à couvrir l’ensemble des coûts supportés par EDF et liés à ce tarif (coûts de production, d’acheminement et de commercialisation) ;
– la loi Nome a modifié la méthode de calcul des TRVe, qui repose depuis lors sur une méthode dite d’« empilement des coûts ». Elle vise à rendre ces tarifs contestables par les autres fournisseurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Les différentes « briques » de coût prises en compte sont le prix de l’Arenh, le complément d’approvisionnement au marché, qui inclut la garantie de capacité, l’acheminement de l’électricité, sa commercialisation ainsi qu’une rémunération normale de l’activité de fourniture ([31]). La part « approvisionnement » est calculée sur 24 mois afin de lisser les évolutions des prix de marché.
En 2024, la CRE estimait que les droits Arenh représentaient en moyenne 58,85 % du volume de consommation des clients aux TRVe ([32]).
c. Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables
Des mécanismes de soutien public permettent d’encourager la production d’énergies renouvelables. Deux modalités de soutien existent :
– l’obligation d’achat : l’État rachète l’électricité produite par l’installation, à un tarif défini à l’avance ;
– le complément de rémunération : ce soutien est une forme de contrat pour différence (CfD). L’État définit un tarif cible pour la vente de l’énergie produite. Si le prix de marché dépasse ce tarif, le producteur doit reverser la différence entre le prix de marché et le tarif de référence à l’État. À l’inverse, si le prix de marché est plus bas que le tarif cible, c’est l’État qui compense la différence au producteur.
Ces soutiens sont attribués selon deux modalités : soit sous forme de guichet ouvert (toutes les installations qui en font la demande et qui remplissent les critères d’éligibilité peuvent bénéficier d’un soutien), soit sous forme d’appels d’offres.
Les soutiens versés par l’État le sont via une filiale dédiée d’EDF (EDF OA). L’État compense ces soutiens par le versement d’une subvention pour charges de service public de l’énergie (CSPE).
Aujourd’hui, la grande majorité du stock des volumes soutenus l’est sous forme d’obligation d’achat. Cette tendance va néanmoins s’inverser car le champ des installations éligibles à cette modalité de soutien a progressivement été réduit. À compter de 2026, il ne s’adressera plus qu’aux installations d’une puissance inférieure à 200 kW, en application des nouvelles lignes directrices européennes.
Répartition des engagements de l’État à fin 2024 en production soutenue sous le régime de l’obligation d’achat et du complément de rémunération
Source : CRE
d. Les mécanismes de capacité et d’ajustement
Le fonctionnement des mécanismes de capacité et d’ajustement a déjà été évoqué dans la première partie du présent rapport.
Le mécanisme de capacité a vocation à pallier l’inefficacité du marché à rémunérer certains moyens de production d’électricité pourtant essentiels à la sécurité d’approvisionnement.
Le mécanisme d’ajustement permet de corriger des déviations de la fréquence du réseau électrique lorsqu’il existe un déséquilibre entre production et consommation. Ce mécanisme n’est activé que lorsque la mise en œuvre des services système fréquence s’avère insuffisante pour rétablir cette fréquence. Ces services correspondent à des réserves primaire et secondaire (le mécanisme d’ajustement étant la réserve tertiaire), qui sont automatiquement activées pour contenir une déviation de fréquence. Concrètement, ce sont des moyens de production d’électricité à qui RTE demande alors de produire à la hausse ou à la baisse. Certains moyens de production doivent obligatoirement participer à ce mécanisme en raison de leur puissance. Les participants au mécanisme d’ajustement sont rémunérés.
II. Une intervention publique elle-même défaillante
A. Des dispositifs structurellement défaillants
1. Les principaux défauts de l’Arenh : optionalité, asymétrie, écrêtement et absence de révision du prix de vente
Grâce à la fourniture d’un volume d’électricité aux concurrents d’EDF, à un prix fixe censé refléter la compétitivité du parc nucléaire, l’Arenh devait permettre d’apporter une certaine stabilité au prix payé par les consommateurs.
Les représentants des entreprises grandes consommatrices d’électricité soulignent le rôle de l’Arenh durant la crise de 2022 pour les protéger des hausses de prix. Plus généralement, l’Uniden et le Cleee évoquent une part d’approvisionnement à l’Arenh de leurs membres située en moyenne entre 50 % et 60 %.
En réalité, le fonctionnement de l’Arenh présente de nombreux défauts qui ont maintes fois été relevés. Ces critiques, que vos rapporteurs partagent, seront brièvement rappelées ici.
En premier lieu, il s’agit d’un dispositif optionnel et asymétrique, au bénéfice des fournisseurs et au détriment d’EDF. En effet, les fournisseurs peuvent choisir ou non de demander de l’Arenh. Jusqu’en 2019, le prix de l’Arenh étant plus haut que les prix de gros, ce mécanisme était moins sollicité ; puis la tendance s’est inversée. EDF, quant à lui, est tributaire de ces fluctuations de la demande et doit être en mesure de mettre à disposition 100 TWh chaque année (120 TWh en 2022).
En second lieu, l’écrêtement de l’Arenh conduit à renchérir le coût d’approvisionnement et, in fine, la facture d’électricité du consommateur. Lorsque le cumul des demandes d’Arenh dépasse le plafond des 100 TWh, celles‑ci sont « écrêtées » afin de ramener le volume total d’Arenh cédé à ce plafond. Les fournisseurs doivent alors s’approvisionner sur le marché pour racheter le volume d’Arenh écrêté par rapport à la demande qu’ils avaient initialement formulée. La notification des quantités d’Arenh ayant lieu en fin d’année n pour l’année n+1, le rachat de telles quantités se fait donc dans des délais contraints et renchérit le coût final de l’approvisionnement.
Les conséquences de ce phénomène d’écrêtement sont majeures : concernant les entreprises, la Cour des comptes a relevé dans son rapport sur la crise des prix de l’énergie que « du fait de l’Arenh écrêté, les augmentations de prix sur les marchés de gros de l’électricité pèsent sur (…) la moitié des volumes consommés par les entreprises, et sont donc susceptibles d’être répercutés partiellement dans les prix de détail » ([33]).
En troisième lieu, le prix de vente de l’Arenh n’a jamais été réévalué et il n’est donc plus représentatif des coûts de production d’EDF. Rappelons que le décret fixant la méthode d’évaluation des coûts d’EDF n’a jamais été publié ([34]), faute d’accord sur la définition de ceux-ci et de l’aval de la Commission européenne. En outre, le prix initial de l’Arenh n’a jamais été réévalué –hormis pour la livraison des 20 TWh supplémentaires d’Arenh en 2022 (dénommés « Arenh+ »).
L’Arenh a entretenu de manière artificielle le marché de la fourniture, alors même que certains fournisseurs ont abusé du dispositif. Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la CRE a sanctionné trois fournisseurs pour abus d’Arenh : Ohm Énergie (amende de 6 M€), Mint (amende de 3,5 M€) et BCM Energy (amende de 3 M€) ([35]).
Les fournisseurs alternatifs n’ont pas non plus investi massivement dans des outils de production leur permettant de devenir aussi compétitifs qu’EDF. Enfin, alors que les entreprises demandent de la visibilité de long terme, la DGEC souligne que « l’Arenh n’incitait pas au développement d’un marché au‑delà d’un horizon de 2 à 3 ans car les volumes d’Arenh n’étaient pas connus au‑delà d’un an à l’avance ».
2. Les modalités de calcul des TRVe, visant à les rendre contestables, ne permettent pas de protéger suffisamment le consommateur
Les TRVe offrent une certaine protection à leurs bénéficiaires : leur calcul est strictement encadré, l’État peut intervenir sur le prix final en cas de besoin et le lissage des coûts d’approvisionnement sur une période de vingt-quatre mois permet d’amortir les évolutions des prix de marché. Le Médiateur national de l’énergie souligne un faible nombre de litiges concernant ces tarifs.
Cependant, vos rapporteurs constatent que les TRVe ne suffisent pas à protéger efficacement le consommateur final contre les hausses de prix sur le marché de gros, du fait de leur méthode de construction.
En effet, leurs modalités de calcul visent à les rendre contestables par les fournisseurs alternatifs, plutôt que de refléter les coûts d’EDF. Le droit européen l’affirme d’ailleurs clairement : les interventions publiques sur les prix doivent être transitoires, en vue de permettre une concurrence effective, et « sont établies à un prix supérieur aux coûts » ([36]).
Lorsque les TRVe étaient calculés en fonction des coûts d’EDF et comme Mme Anne Debrégeas l’a souligné lors de son audition, pour chaque catégorie de consommateurs, « les prix dépendaient du niveau de puissance souscrite et d’options reflétant leur profil de consommation, offrant un bon compromis entre stabilité des prix et incitation à consommer aux moments les plus opportuns pour le système électrique ». Nuançant le caractère protecteur d’un TRVe indexé sur les coûts de production d’EDF pour le consommateur final, M. Nicolas Goldberg, responsable énergie chez Terra Nova, relève, quant à lui, que lors du changement de la formule de calcul du tarif, celui-ci a baissé et que, par ailleurs, « EDF bataillait depuis 2009 pour avoir 40 % de hausse du tarif réglementé en se basant sur ses coûts, sans avoir de base de comparaison… d’où l’intérêt d’avoir basculé sur une base “marché” pour forcer l’opérateur à l’efficience opérationnelle ».
Les TRVe ont augmenté de manière importante ces dernières années. Pour les TRVe résidentiels, la hausse est de 45 % en euros courants et de 20 % en euros constants entre 2015 et fin 2024, selon les chiffres récemment publiés par la CRE ([37]). Pendant la crise de 2022, le Gouvernement a dû intervenir pour modérer leur hausse, ce qui témoigne bien qu’ils ne sont pas, à eux seuls, suffisamment protecteurs en cas d’épisode de prix élevés.
Les TRVe sont, par ailleurs, menacés par la Commission européenne, qui les considère comme transitoires. En effet, la directive (UE) 2019/944 prévoit que fin 2025 au plus tard, « la Commission réexamine la mise en œuvre [des dispositions de l’article 5 de la directive relatives aux prix de fourniture] visant à parvenir à une fixation des prix de détail de l’électricité fondée sur le marché, et présente un rapport sur cette mise en œuvre au Parlement européen et au Conseil assorti ou suivi, s’il y a lieu, d’une proposition législative. Cette proposition législative peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ».
La DGEC a indiqué à vos rapporteurs avoir transmis le rapport de la France sur l’évaluation des TRVe à la Commission. La direction ne dispose pas, à date, d’informations supplémentaires au sujet de l’évaluation que la Commission doit réaliser.
Vos rapporteurs appellent le Gouvernement à défendre très fermement la pérennisation des tarifs réglementés de vente de l’électricité face à la Commission européenne, tout en révisant leurs modalités de calcul (voir infra).
3. Des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables perfectibles
Les dispositifs de soutien aux installations d’énergies renouvelables ont permis de développer ces installations là où les mécanismes de marché ne garantissaient pas une incitation suffisante. Des leviers d’amélioration pour corriger certaines limites demeurent ; ils seront abordés plus en détail dans la quatrième partie du présent rapport.
Parmi les limites au fonctionnement de ces soutiens figure la dépendance du complément de rémunération aux prix spot de l’électricité. Le complément de rémunération versé correspond à la différence entre le tarif garanti au producteur et le prix de référence de marché. Or, le calcul de ce dernier se fonde sur les prix spot. Dès lors, les charges de service public de l’énergie versées ou récupérées par l’État sont, elles aussi, tributaires de ces prix, ce qui se répercute sur le budget de l’État. La CRE a étudié dans un récent rapport la possibilité de faire évoluer ce prix de référence de marché ([38]).
La fréquence accrue des phénomènes de prix négatifs témoigne également de l’inadaptation des modalités de certains contrats de soutien aux énergies renouvelables. Les heures à prix négatifs traduisent avant tout des périodes où l’offre est surabondante par rapport à la demande. Toutefois, elles peuvent aussi refléter « une utilisation sous-optimale du parc de production installée » et « engendrent une perte économique pour la collectivité », selon le régulateur ([39]). En effet, alors que les incitations à destination des producteurs d’énergie renouvelable pour stopper leur production lors de tels épisodes sont insuffisantes, d’autres producteurs non soutenus (certaines installations des filières nucléaire, thermique à flamme et hydroélectrique) acceptent de payer pour produire, leur production n’étant pas toujours aisément modulable.
Cette absence d’incitation suffisante concerne particulièrement les installations bénéficiant d’une obligation d’achat qui, contrairement aux installations bénéficiant d’un complément de rémunération, continuent de percevoir un soutien en cas d’épisode de prix négatifs. De récentes réformes ont néanmoins modifié les modalités d’octroi de l’obligation d’achat sur ce point (voir infra, quatrième partie).
B. des carences mises en évidence de manière flagrante durant la crise de 2022
1. La crise de 2022 a nécessité une intervention publique massive
Durant la crise des prix de l’énergie de 2022, les soutiens publics mis en place ont été déterminants pour les entreprises, les collectivités et les particuliers. Les principaux soutiens aux consommateurs d’électricité ont été les suivants :
– un « bouclier tarifaire », qui a plafonné la hausse des TRVe à 4 % TTC entre le 1er février 2022 et le 31 janvier 2023, puis à 15 % TTC jusqu’au 31 janvier 2024. Cette mesure a été étendue à tous les consommateurs résidentiels et aux petits professionnels disposant d’une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA, même s’ils n’avaient pas un contrat au TRVe. Leur fournisseur était alors chargé de leur répercuter le montant correspondant à la différence entre le TRVe théorique et le TRVe plafonné ;
– un « amortisseur électricité » pour les TPE-PME et les collectivités et associations assimilées, prenant la forme d’une baisse de prix de la facture appliquée par le fournisseur. La prise en charge correspondante a varié entre 50 % et 100 % d’une partie du montant de la facture, au-delà d’un certain plafond. Les TPE ont bénéficié d’un « suramortisseur » permettant de plafonner le prix de l’électricité à 280 €/MWh ;
– la baisse de l’accise sur l’électricité : celle-ci a été abaissée à 1 €/MWh pour les particuliers et à 0,5 €/MWh pour les professionnels.
Ont également été instaurés une aide spécifique pour les contrats d’habitat collectif, un guichet d’aide au paiement des factures pour les entreprises en complément de l’amortisseur, ainsi que des chèques énergie exceptionnels pour les ménages les plus vulnérables.
Enfin, sur la seule année 2022, le relèvement du plafond d’Arenh de 100 à 120 TWh (Arenh+), déjà évoqué, a permis de soutenir les consommateurs.
D’autres dispositifs non financiers ont également été instaurés, notamment, pour les TPE et PME, le report du paiement des impôts et cotisations sociales. Les fournisseurs s’étaient par ailleurs engagés, pour ces mêmes entreprises, à faciliter le paiement des factures d’énergie.
Ces aides ont été sollicitées par les entreprises, qui jugent qu’elles ont été indispensables pour traverser la crise.
L’Uniden rappelle que l’Arenh a été le principal bouclier de l’industrie durant la crise. Le Medef indique que les dispositifs publics de soutien ont couvert, en moyenne, 20 % des factures d’énergie, l’amortisseur électricité ayant été de loin le dispositif le plus mobilisé parmi ses adhérents. L’U2P indique que d’après une enquête de 2023 auprès d’un panel d’entreprises représentatives de ses adhérents, le bouclier tarifaire a été le dispositif le plus mobilisé par celles-ci et que « parmi les professionnels ayant bénéficié d’un ou plusieurs dispositifs d’aide pour faire face à la crise énergétique, 48 % d’entre eux estiment que ceux-ci couvrent entre 5 % et 25 % de la hausse de leurs dépenses énergétiques ».
Il n’en demeure pas moins que ces mesures de soutien ont été très coûteuses pour les finances publiques. Le tableau ci-dessous, établi par le comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE), chiffre le coût des principales aides accordées pour les finances publiques, tant pour l’électricité que pour le gaz.
Coût des mesures de soutien aux consommateurs sur les prix de l’électricité et du gaz
Pour la seule électricité, la DGEC fait observer que le coût net des mesures de soutien pour l’État est évalué à 33 Md€ pour l’électricité (41 Md€ avant la prise en compte des recettes de CSPE, de la contribution sur les rentes inframarginales et de la hausse des redevances hydroélectriques). Ce tableau ne tient par ailleurs pas compte du coût de certains dispositifs de soutien pilotés directement par la DGE sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulation » : la direction indique que 2,12 Md€ ont été versés pour l’aide d’urgence gaz‑électricité liée aux coûts 2022-2023 et environ 4 M€ pour le guichet électricité ETI pour les coûts de 2024.
Enfin, durant la crise, l’Arenh+ a lourdement pénalisé EDF. La Cour des comptes précise que le rachat des volumes correspondants auprès des fournisseurs pour couvrir la demande a représenté un coût de 5 Md€ pour EDF ([40]). Face aux conséquences de cette crise pour EDF, le Comité social et économique central (CSEC) de l’entreprise a exercé son droit d’alerte à l’annonce du relèvement du plafond d’Arenh. Il a proposé, à cette occasion, de suspendre l’Arenh et de refonder le TRVe sur une base élargie de coûts régulés, intégrant tous les moyens de production décarbonés (voir infra).
2. Les dispositifs de soutien mis en place durant la crise n’ont pas suffi à protéger les entreprises, dont certaines sont encore en difficulté
La nécessité même d’une intervention publique durant la crise de 2022 illustre l’échec des dispositifs de régulation structurels. Les dispositifs conjoncturels ont également souffert de certains écueils et n’ont pas suffi à protéger totalement les consommateurs.
Le rapport précité de la Cour des comptes ([41]) sur le coût de ces dispositifs pour la collectivité évoque ainsi des mesures de soutien « qui ne pallient qu’en partie les carences de la régulation ». Au total, la somme des factures des clients et des dispositifs de soutien publics sur les prix de détail aurait excédé de près de 37 Md€ la somme des coûts de production nationaux, des coûts commerciaux et des importations nettes sur 2022‑2023. Les marges bénéficiaires nettes réparties entre les acteurs des marchés de gros (producteurs, fournisseurs, négociants et intermédiaires de marché) représenteraient 30 Md€ sur la même période.
D’après la Cour, les producteurs ont pu bénéficier de prix de gros élevés sur les marchés pour vendre leur électricité, sans que les marges afférentes ne soient captées.
D’une part, la contribution sur les rentes inframaginales de production d’électricité (CRI) a eu un rendement bien moindre qu’espéré. Son produit était évalué en loi de finances initiale à 12,3 Md€ pour le budget 2023, puis révisé à 2,7 Md€ en loi de fin de gestion. Elle n’a finalement représenté en exécution que 0,6 Md€ ([42]). Certes, les prix de gros ont beaucoup baissé, mais cela n’exclut pas la question, selon la Cour, de la pertinence, voire de la sincérité des prévisions initiales. Dans son rapport spécifiquement consacré à la crise de 2022, elle formule aussi un constat d’échec sur un plus juste partage des marges grâce à la CRI, dû notamment au champ d’application et au paramétrage de cette taxe (possibilité de reporter les marges négatives de la période de taxation sur les marges taxables des périodes suivantes, exclusion de certaines filières, notamment les réservoirs hydrauliques, absence de valorisation des garanties de capacité dans le calcul de la marge taxable, nature déclarative, etc.). Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2025, votre rapporteur Maxime Laisney appelait déjà à lancer une enquête fiscale pour vérifier l’absence de fraudes liées à la CRI ([43]).
D’autre part, des effets d’aubaine ont pu survenir chez les fournisseurs, chargés de répercuter les mesures compensatoires au client final, sans que la CRE ne puisse contrôler parfaitement cette répercussion. C’est en particulier le cas sur le bouclier électricité 2022, pour lequel la Cour souligne que « la CRE ne prévoit en effet pas de vérifier si les compensations financières accordées se seront traduites par des baisses de prix au profit des clients finals, ni si le niveau de ces compensations aura pu excéder ce qui était nécessaire aux fournisseurs pour proposer des offres au niveau des tarifs réglementés de vente ou au niveau de leur coût d’approvisionnement ».
La Cour constate également que près de la moitié du prix de l’électricité payé pendant la crise couvrirait une rémunération de la production nationale au-delà des coûts de celle-ci.
Par ailleurs, les dispositifs de soutien à destination des entreprises se sont révélés particulièrement complexes dans leur conception autant que dans leur application.
Les entreprises ont parfois manqué d’informations sur les soutiens existants. Le Medef fait état de limites concernant le ciblage correct des aides et leur accessibilité pour les entreprises éligibles.
Les effets de la crise continuent encore à se faire sentir pour de nombreuses entreprises, particulièrement les plus petites. Les régularisations de facture sont un véritable enjeu, comme le souligne la FNCCR : d’après une enquête menée au sein de son réseau, elles concernent, pour les sommes versées au titre de l’amortisseur en 2023, « plus de 1 850 collectivités et plus de 50 000 points de livraison pour un préjudice estimé à plusieurs centaines de milliers d’euros ». La situation des entreprises « bloquées » dans des contrats à prix élevé, avec des frais de résiliation prohibitifs, est également problématique. La CNBPF a mentionné que « dans la mesure où le prix du mégawattheure a diminué, les contrats post-crise énergétique proposés par les fournisseurs présentent des tarifs moins élevés, sans pour autant retrouver les taux d’avant-crise ».
La crise a conduit les entreprises qui ne le faisaient pas auparavant à porter une plus grande attention à leur facture d’énergie, comme l’indique la CPME, qui affirme que ce poste de dépenses est devenu un « vrai sujet de pilotage et de vigilance » là où il était parfois vu comme un élément secondaire, ce qui permettra aux entreprises d’être « mieux armées pour éviter les pièges tarifaires à l’avenir ».
L’Afieg relève que certains fournisseurs ont proposé d’adapter les échéanciers de paiements, voire de permettre la renégociation de contrats. L’association rappelle aussi le rôle des fournisseurs dans la mise en place des mécanismes de soutien, dont les frais de gestion n’ont été que peu ou pas compensés.
Troisième partie : une « régulation » post-Arenh qui ne convainc pas
A. une réforme « Electricity market design » qui ne revient pas sur les fondamentaux du marché mais doit permettre de donner davantage de visibilité aux entreprises
La réforme du marché de l’électricité européen, dénommée EMD (Electricity Market Design), se compose d’une directive et d’un règlement publiés en juillet 2024 ([44]).
Cette réforme entend notamment tirer les enseignements de la crise des prix de l’électricité ainsi que de la dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles. Elle s’articule ainsi autour de trois objectifs : accroître la production d’EnR, mieux protéger le consommateur et rendre les prix de l’électricité plus stables à long terme, en particulier pour améliorer la compétitivité des entreprises. En cela, la réforme entend répondre aux objectifs fixés à l’article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
La réforme EMD facilite le recours aux contrats de long terme entre producteur et consommateur d’électricité, de type « contrat pour différence » (Contract for Difference, CfD) ou « accord d’achat d’électricité » (Power Purchase Agreement, PPA).
Le régime de soutien public aux investissements dans de nouvelles installations d’électricité renouvelable (éolien, solaire, géothermie, hydroélectricité hors réservoir) ou d’énergie nucléaire est désormais par principe celui du contrat pour différence bidirectionnel (CfD) ([45]). Ce type de financement est également possible pour « de nouveaux investissements destinés à rééquiper de manière substantielle les installations de production d’électricité existantes, à augmenter sensiblement la capacité ou à prolonger la durée de vie desdites installations ».
Les recettes tirées des CfD doivent être redistribuées aux consommateurs ([46]). Elles peuvent également être utilisées « pour financer les coûts des régimes de soutien direct des prix ou les investissements visant à réduire les coûts de l’électricité pour les clients finals ».
Concernant les PPA, la commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité relève que la réforme doit permettre de lever des difficultés qui concernent « la couverture du risque de perte de production ou de défaut de paiement de l’acheteur », notamment grâce à la possibilité pour les États de mettre en place un système de garanties publiques. Un tel système de fonds de garanties existe en France depuis septembre 2023, le rapport d’enquête faisant observer que l’enjeu est d’élargir son périmètre afin qu’il ne s’adresse pas uniquement aux très gros consommateurs.
La réforme prévoit également de renforcer la protection des consommateurs.
En cas de crise des prix, la réforme « Electricity Market Design » facilite la possibilité d’intervenir pour amortir ceux-ci. De nouvelles obligations sont également créées à l’endroit des fournisseurs, notamment en matière de couverture prudentielle : l’article 18 bis de la directive prévoit ainsi que les États membres doivent « veiller à ce que les fournisseurs adoptent une stratégie de couverture appropriée lorsqu’ils proposent des offres à prix fixe », selon la CRE ([47]).
Des mesures sont également prévues pour encadrer les coupures de courant des consommateurs vulnérables ou pour encourager l’autoconsommation. Le mécanisme de capacité est réformé. En outre, les États membres devront définir un objectif indicatif national de flexibilité d’origine non fossile ([48]).
Plusieurs acteurs déplorent des manques concernant cette réforme. M. Nicolas Goldberg fait remarquer l’absence d’« un volet sérieux sur l’électrification et la flexibilité ». L’Afieg, quant à elle, aurait souhaité y voir figurer des dispositions « en matière de maximisation de la liquidité du marché ». Le Cleee estime qu’elle est « une réponse très insuffisante à la crise de 2022 », le fonctionnement du marché n’étant pas remis en cause, ce qui expose les entreprises « à la merci de la prochaine crise ». Le Comité ajoute que « les quelques avancées, comme la possibilité de mettre en place des CfD bilatéraux assis sur le parc nucléaire – ou hydraulique – sont bridées par l’obligation d’obtenir un accord de la direction générale de la concurrence, qui veillera au maintien d’un “ level playing field ” entre consommateurs des différents pays, alors que le mix de chaque pays est très différent. La crainte d’un blocage de la direction générale de la concurrence est d’ailleurs une des raisons qui a fait que le gouvernement français a finalement choisi de ne pas envisager la solution des CfD au niveau français ».
Vos rapporteurs relèvent, quant à eux, que cette réforme ne remédie pas aux carences évoquées précédemment, puisqu’elle ne remet pas en cause les principes fondamentaux du marché européen de l’électricité.
2. La France a bataillé pour pouvoir bénéficier d’un CfD sur le nucléaire existant… pour finalement ne pas y recourir
La France s’est fortement mobilisée lors des négociations sur la réforme européenne pour que les CfD puissent être appliqués au parc nucléaire existant. Toutefois, une telle faculté, présentée par le Gouvernement d’alors comme une importante victoire politique, n’est pas appliquée en pratique, car il a finalement été choisi de recourir à un mécanisme ad hoc pour la régulation du nucléaire existant : le versement nucléaire universel (VNU).
Les arguments invoqués à l’appui de ce non-recours au CfD pour réguler le prix de l’électricité nucléaire du parc historique font état de « contreparties » demandées par la Commission européenne et jugées inacceptables.
Vos rapporteurs n’ont pas réussi à avoir connaissance de l’ampleur et de la nature précise des contreparties demandées. La DGEC souligne qu’un tel CfD serait considéré par la Commission comme une aide d’État en faveur d’EDF : étant donné que l’opérateur serait compensé en cas de prix de marché inférieur au prix de référence fixé par le contrat, cela lui assure une garantie de revenus. Cela devrait conduire l’opérateur dominant « à se voir imposer, en contrepartie, des mesures concurrentielles compensatoires. C’est ce qu’avait demandé la Commission européenne lors des précédents échanges sur la mise en œuvre d’une telle aide à EDF », précise la direction. Autre argument avancé par celle-ci, un CfD ne permet pas de couvrir davantage que les stricts coûts du parc existant afin d’éviter toute surcompensation, limitant ainsi la capacité d’EDF à investir dans le renouvellement de ce parc.
Il a aussi parfois été avancé, dans le débat public autour de ce renoncement, que la Commission européenne aurait pu contraindre EDF à mettre en œuvre tout ou partie du mort-né projet « Hercule ». Ce projet, dont les contours ont plusieurs fois évolué, prévoyait schématiquement de scinder l’activité d’EDF en plusieurs branches, en séparant les activités demeurant sous contrôle entièrement public (EDF Bleu, regroupant le transport et la production nucléaire) de celles qui auraient pu être ouvertes à des investisseurs privés (EDF Vert, incluant notamment la production renouvelable, les activités commerciales et la distribution). Les concessions hydroélectriques auraient pu faire l’objet d’une troisième entité spécifique (EDF Azur).
La commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité a étudié ce sujet et indique ne pas avoir eu connaissance d’éléments abondant dans le sens d’une résurrection d’Hercule en cas de mise en place d’un CfD sur le nucléaire existant : « malgré ses demandes répétées à EDF et au Gouvernement, [elle] n’a jamais pu obtenir d’éléments tangibles qui viendraient concrètement étayer cette crainte ou le fait qu’elle serait plus prononcée aujourd’hui qu’elle ne l’était avant 2022 ». Elle avance une autre explication au choix d’un modèle de régulation du nucléaire existant différent du CfD : l’opposition ferme d’EDF à cette solution, qui lui permettait certes une protection en cas de prix bas, mais qui aurait réduit ses ressources en cas de prix de marché durablement supérieurs à ses coûts de production par rapport à un modèle davantage dérégulé. De surcroît, la DGEC et la DINN ont souligné lors de leur audition par vos rapporteurs que le financement du programme du nouveau nucléaire français tel qu’il est envisagé implique une contribution de l’opérateur. Cela expliquerait qu’il ait besoin de percevoir des revenus au-delà de la couverture de ses seuls coûts de production. Une telle contribution doit également inciter l’opérateur à maîtriser ses coûts et à ne pas reproduire les dérapages liés à la construction de l’EPR de Flamanville.
Vos rapporteurs souhaitent que toute la transparence soit faite sur les véritables « contreparties » qui pourraient être demandées à EDF en cas de mise en place d’un CfD sur le nucléaire existant, afin qu’au-delà de son opportunité économique et des conséquences sur l’organisation de l’énergéticien, sa faisabilité juridique puisse être objectivement étayée.
B. L’accord entre l’Etat et EDF, rendu public en 2023, fonde les différents dispositifs succédant à l’Arenh
Le dispositif succédant à l’Arenh est issu d’un accord entre l’État et EDF, présenté dans ses grandes lignes lors d’une conférence de presse le 14 novembre 2023. Le contenu précis de l’accord n’a jamais été rendu public, le rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale précitée indiquant avoir « constaté avec stupéfaction que le seul document matérialisant concrètement cet accord se réduisait à une simple “feuille volante” non signée, extrêmement vague ».
Les dispositions de cet accord ont ensuite été reprises dans l’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, diffusé par voie de presse en début d’année 2024 mais qui n’a finalement jamais été présenté au Parlement. Devant l’urgence de mettre en œuvre la réforme – rappelons que l’Arenh prend fin au 31 décembre 2025 –, le Gouvernement a finalement inscrit les dispositions relevant du domaine législatif dans le projet de loi de finances pour 2025.
Vos rapporteurs soulignent ici, comme l’ont fait de nombreux acteurs, qu’un tel accord aurait mérité davantage de consultations préalables et de débat. Le Parlement n’a d’ailleurs pas véritablement été saisi, les traductions législatives de l’accord ayant été noyées au milieu d’un projet de loi de finances, que le Gouvernement a ensuite fait adopter en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Vos rapporteurs soulignent que compte tenu des enjeux en cause et de la complexité du dispositif retenu, la régulation post-Arenh aurait mérité une loi dédiée (voir recommandation n° 4 infra).
Sur le fond, l’objectif annoncé de cet accord est triple :
– donner des moyens à EDF pour financer ses investissements futurs, en particulier ceux du programme du nouveau nucléaire ;
– mieux protéger le consommateur en stabilisant le prix de l’électricité, notamment en cas de fortes hausses des prix de gros ;
– préserver la compétitivité de l’industrie française.
Ces objectifs sont censés se matérialiser à travers deux grands volets :
– la création d’un mécanisme de taxation des revenus perçus par EDF grâce à l’exploitation du parc nucléaire historique, redistribué sous la forme d’un « versement nucléaire universel » au consommateur final ;
– l’engagement d’EDF à renforcer le développement de contrats de moyen et de long terme, incluant des contrats partenariaux pour les entreprises les plus consommatrices d’électricité, qui doivent permettre d’apporter de la stabilité au prix payé par le consommateur final.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances à l’époque de l’annonce de l’accord, avait indiqué que celui-ci devait permettre de garantir « un niveau de prix autour de 70 € le MWh pour l’électricité nucléaire, qui correspond aux coûts de production totaux de l’électricité nucléaire en France » ([49]). L’objectif de rapprocher coûts de production et prix payé par le consommateur était donc clairement affiché et un prix cible donné... quand bien même aucune disposition de l’accord ne garantit l’effectivité de celui-ci.
2. Le premier volet de l’accord : un mécanisme de taxation et de redistribution des revenus générés par le parc nucléaire historique
Le premier volet de l’accord nécessitait une traduction législative et réglementaire : c’est l’objet de l’article 17 de la loi de finances pour 2025. Schématiquement, le mécanisme retenu pour succéder à l’Arenh est un mécanisme ex post, qui consiste à taxer les revenus d’EDF liés à son parc nucléaire existant, en lui laissant cependant une marge pour investir, et à redistribuer ces revenus au consommateur final grâce à une réduction directement effectuée sur sa facture d’électricité.
L’article 17 de la loi de finances pour 2025 modifie le code des impositions sur les biens et services (CIBS) ([50]) pour créer une taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité.
Cette taxe s’applique aux revenus générés par l’exploitation des centrales nucléaires historiques, EPR de Flamanville (FLA3) inclus. Ces revenus sont taxés selon deux seuils, un seuil de taxation et un seuil d’écrêtement :
– la fraction des revenus supérieure au seuil de taxation mais inférieure ou égale au seuil d’écrêtement est taxée à hauteur de 50 % ;
– la fraction de revenus supérieure au seuil d’écrêtement est taxée à 90 %.
Les seuils de taxation et d’écrêtement dépendent des tarifs de taxation et d’écrêtement. Ces deux tarifs, fixés par arrêté ministériel, sont égaux aux coûts complets de production de l’électricité au moyen de centrales nucléaires historiques, auxquels s’ajoute une majoration, entre 5 € et 25 € par mégawattheure pour le seuil de taxation et entre 35 € et 55 € par mégawattheure pour le seuil d’écrêtement. Cette majoration tient compte des deux paramètres suivants :
– les coûts du programme du nouveau nucléaire français (NNF) tel qu’il est défini par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ces coûts devant être déterminés par décret ([51]) ;
– la « situation financière de l’exploitant ».
Ces tarifs sont fixés pour une période de trois ans, mais peuvent être modifiés au cours de celle-ci, selon des modalités fixées par décret.
Les revenus taxables d’EDF sont déterminés au moyen d’une « comptabilité appropriée » que doit définir et tenir l’opérateur, selon des règles approuvées par la CRE. L’établissement des revenus taxables pour chaque année civile est contrôlé, aux frais de l’exploitant, par un organisme indépendant désigné par la CRE. Le régulateur peut par ailleurs mandater un organisme indépendant pour diligenter les contrôles supplémentaires qu’il estimerait utiles.
Les articles L. 336-5 à L. 336-16 du code de l’énergie définissent, parmi les revenus générés par les transactions d’EDF, lesquels doivent être pris en compte pour l’application de la taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire, c’est‑à-dire ceux considérés comme provenant de l’exploitation du parc nucléaire historique. La détermination des revenus à prendre en compte ne pose pas de difficulté pour les contrats adossés directement à des centrales historiques. En revanche, il est nécessaire de définir une méthode d’allocation des revenus, pour les transactions internes comme pour celles sur le marché de gros, lorsque celles-ci ne se rapportent pas intégralement à la production issue du parc nucléaire historique. Cette méthode d’allocation est définie par EDF et approuvée par la CRE.
Les revenus sont constatés sur une année civile de livraison, selon des périodes de réalisation des transactions de trois mois au plus, sauf lorsque la production est inférieure à un certain seuil ; dans ce cas, la période, fixée par voie réglementaire, est allongée.
Les transactions en temps réel ou quasi-réel sont prises en compte selon des modalités spécifiques, précisées par décret.
La CRE doit estimer, avant l’année de livraison concernée puis au cours de celle-ci, les revenus d’EDF liés à la production du parc nucléaire historique, les quantités d’énergie contenues dans le combustible nucléaire associées ainsi que les quantités d’électricité qui feront, le cas échéant, l’objet du VNU.
C’est aussi la CRE qui doit établir les coûts complets de production d’EDF, la loi lui conférant un certain nombre de nouveaux pouvoirs pour lui permettre de mener à bien cette mission. Elle doit évaluer ces coûts complets au moins tous les trois ans. Un décret doit déterminer la méthode d’évaluation de ces coûts.
Le versement nucléaire universel (VNU) ([52]) prend la forme d’une minoration, de plein droit, sur la facture d’électricité du consommateur final (y compris lorsque celui-ci a souscrit au TRVe). C’est le fournisseur qui sera chargé d’appliquer cette minoration sur la facture : il est prévu qu’il soit compensé du montant du VNU qu’il reverse aux consommateurs, à sa demande et sur déclaration certifiée.
Le versement est effectué sur une période annuelle, définie par décret. Le début de la période intervient au cours de l’année pour laquelle est anticipé un montant de taxe sur le combustible nucléaire non nul.
Outre le niveau des tarifs de taxation et d’écrêtement, le calcul du VNU se fonde sur les estimations, par la CRE, des revenus issus de l’exploitation des centrales nucléaires historiques d’EDF pour l’année civile considérée et des prévisions de quantités d’électricité qui seront consommées au cours de la période. Une modulation peut être appliquée pour régulariser le VNU versé au cours d’une période précédente, dans le cas où un écart est constaté entre le VNU qui avait alors été versé et les revenus définitifs de la taxe sur le combustible nucléaire. Pour éviter de trop grands écarts sur ce point, il est prévu que le niveau du tarif unitaire de minoration, support du VNU, et sa durée d’application puissent être modifiés en cours de période.
Le pouvoir réglementaire doit par ailleurs préciser les conditions selon lesquelles le tarif peut être modulé « en fonction du moment de la consommation et de son ampleur, du prix de fourniture et du profil de consommation » aux fins d’atteindre les objectifs de politique énergétique ([53]).
La CRE est chargée de contrôler la bonne application du VNU par les fournisseurs, ainsi que leurs demandes de compensation liées à cette application ([54]).
Selon vos rapporteurs, il est certain que la mise en œuvre du VNU sera complexe. Elle laisse en suspens de nombreuses questions relatives à la définition des seuils, aux périodes d’évaluation des recettes taxables, aux bénéficiaires du VNU et aux modalités de sa mise en œuvre opérationnelle. L’absence de débat parlementaire sur le sujet n’aide pas à la bonne intelligibilité d’un dispositif complexe, dont il n’est pas certain, à ce jour, qu’il permette d’atteindre les objectifs fixés.
3. Le second volet de l’accord : le développement des contrats partenariaux et de moyen et long terme
Le second volet de l’accord entre l’État et EDF doit conduire à une modification de la politique commerciale de l’opérateur pour apporter davantage de visibilité sur les contrats de fourniture proposés. Trois types de contrats sont particulièrement privilégiés :
– les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN). D’une durée de dix à quinze ans, ces contrats de long terme de partenariat industriel doivent lier EDF avec des industriels et permettre l’achat d’électricité sur la base des coûts de production du parc nucléaire historique. Ils incluent un partage des coûts et des risques industriels et le paiement d’une avance en tête ;
– les contrats nucléaires standards ou simplifiés (CNS), qui procèdent de la même logique que les CAPN mais sous un format simplifié. Alors que les CAPN ont initialement plutôt été conçus pour des industriels électro-intensifs, les CNS s’adressent quant à eux davantage à des industriels électrosensibles ;
– le développement de contrats de moyen terme à horizon de quatre ou cinq ans, alors que la plupart des contrats actuels ne dépassent pas un horizon de trois ans. Ce type de contrats sera accessible à l’ensemble des consommateurs, afin qu’ils puissent mieux se protéger contre la volatilité des prix en lissant dans la durée leur approvisionnement en électricité.
Il est également prévu que la phase 2 d’Exeltium puisse être mise en œuvre, les discussions étant toujours en cours à ce sujet.
Le contrat Exeltium
Exeltium est un contrat d’approvisionnement à long terme (24 ans) signé entre un consortium d’entreprises électro‑intensives et EDF en 2008. Une importante avance en tête a été payée par les industriels concernés (1,75 Md€), complétée par un paiement de l’électricité au fil des livraisons selon un certain nombre de paramètres liés au coût de production du parc nucléaire. Le contrat court jusqu’en 2034.
Toutefois, seuls 148 TWh sur les 314 TWh initialement prévus ont pu être financés, d’où la tenue de nouvelles négociations pour la livraison des quantités d’électricité supplémentaires.
La commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité a souligné que les quantités délivrées en application de cet accord représentaient entre 20 % et 30 % de l’approvisionnement des entreprises électro-intensives membres du consortium.
Une difficulté liée à cet accord tient à sa qualification ou non de « contrat de partenariat industriel » et, plus globalement, à l’appréciation qu’en fait la Commission européenne. Cela a d’ailleurs conduit à l’instauration d’une option de sortie sans frais, à échéance régulière, pour les entreprises membres du consortium. Enfin, l’Uniden souligne que si ce contrat offre une certaine compétitivité et de la visibilité à ses membres, l’introduction d’une composante « marché » dans la formule de calcul du prix a conduit à un renchérissement du contrat consécutif à la récente hausse des prix de l’électricité sur le marché de gros.
EDF propose également certains contrats ad hoc, avec des partages de risques et de bénéfices entre les deux parties, selon la DGE : « Il s’agit d’un contrat indexé, avec un plancher et un plafond, dont le prix évolue en fonction de plusieurs paramètres négociés avec les industriels. Ce type de contrat concerne aujourd’hui des industriels comme Aluminium Dunkerque (contrat déjà signé), Arkema et Kem One (protocoles d’accord signés pour ces deux derniers) » – soit des industriels hyper électro-intensifs. L’opérateur indique que ces accords permettront un approvisionnement en électricité sur dix ans.
EDF évoque aussi, dans le cadre de l’accord, des « enchères quotidiennes de produits de gros (rubans annuels), afin de garantir la réplicabilité des offres par les fournisseurs alternatifs ».
II. Une réforme « tout marché » qui ne protège pas suffisamment le consommateur final des aléas du marché
« Complexe », « opaque », « imprévisible » : les qualificatifs peu flatteurs à l’égard du nouveau mécanisme post-Arenh n’ont pas manqué lors des auditions menées par vos rapporteurs. À de rares exceptions près, la nouvelle régulation du nucléaire fait l’unanimité contre elle. En réalité, il est même difficile de parler de régulation pour qualifier un mécanisme qui repose désormais essentiellement sur le marché.
A. Le VNU, un mécanisme complexe dont l’activation dépend des besoins de financement d’edf et se fera à un niveau de prix probablement trop élevé pour être protecteur
1. Un mécanisme complexe et dont le paramétrage exact demeure inconnu
Alors que le mécanisme post-Arenh est censé pouvoir être applicable au 1er janvier 2026, de nombreuses mesures réglementaires d’application ne sont toujours pas publiées ou l’ont été tardivement. Le Gouvernement comme la CRE estiment que compte tenu des prix de marché actuels, aucun VNU ne devrait être reversé en 2026. Du reste, plusieurs personnes auditionnées ont fait part de leurs doutes sur le fait de pouvoir disposer d’un mécanisme de versement opérationnel à cette date.
Plusieurs échéances prévues par la loi n’ont d’ores et déjà pas été respectées :
– le décret relatif aux différents paramètres régissant la comptabilité appropriée d’EDF devait entrer en vigueur avant le 30 avril 2025. Il a été publié début septembre 2025 ;
– la première estimation des coûts complets du nucléaire par la CRE devait être réalisée au plus tard le 1er juillet 2025. Or, le décret définissant ces coûts n’a, lui aussi, été publié qu’en septembre 2025, rendant cette évaluation dans les délais impartis impossible. Une première estimation a été finalement été rendue publique le 30 septembre 2025.
Les deux premiers décrets d’application ont donc été publiés in extremis avant la chute du gouvernement du Premier ministre François Bayrou.
Ce retard n’est pas surprenant au vu de la quantité de mesures d’applications attendues et de la complexité du dispositif. En outre, vos rapporteurs constatent que beaucoup de sujets cruciaux sont laissés à la main du pouvoir réglementaire et à la CRE : fixation des seuils de taxation et d’écrêtement, modalités de redistribution du VNU en fonction des profils de consommation, définition des grandes « briques » de coût à prendre en compte dans les coûts complets du nucléaire, etc. Et il est expressément prévu de pouvoir modifier un certain nombre de paramètres (montant du VNU, coûts complets de production, seuils de taxation et d’écrêtement notamment) au cours de la période définie pour leur application, à rebours de l’objectif d’une meilleure visibilité et stabilité pour le consommateur final.
Le premier décret publié porte sur la comptabilité appropriée d’EDF et a fait l’objet d’un avis défavorable de la CRE ([55]). Le Gouvernement n’a repris que partiellement les recommandations du régulateur concernant celui-ci. Une récente délibération de la CRE expose par ailleurs la méthodologie appliquée pour évaluer et constater les revenus annuels à partir de cette comptabilité appropriée. Elle a également produit ses premières estimations de tels revenus pour 2026 : 65,86 €/MWh, soit 23,7 Md€ au total, pour une production d’électricité nucléaire de 360 TWh sur cette même année ([56]).
Principales dispositions du décret relatif à la comptabilité appropriée d’EDF
Le décret n° 2025-909 du 5 septembre 2025 relatif à la comptabilité appropriée des transactions de vente et d'achat d'électricité de l'exploitant des centrales électronucléaires historiques précise les périodes de transaction définies pour constater les revenus d’EDF, le seuil au-delà duquel ces transactions font l’objet d’une constatation explicite, ainsi que la définition des transactions en temps réel ou quasi-réel non prises en compte dans les revenus « nucléaires » d’EDF. Les dispositions afférentes ont fait l’objet d’un avis favorable de la CRE.
Le décret précise aussi les modalités de communication aux ministres concernés et de publication des estimations des paramètres nécessaires au calcul du VNU : c’est sur ce point que portent les réserves de la CRE, qui « estime notamment que le calendrier de communication figurant dans le projet [de décret] ne répond pas totalement aux enjeux de stabilité et de visibilité, essentiels pour les consommateurs ».
Le décret prévoit une communication aux ministres et une publication à compter de 12 mois avant le début de l’année concernée. Puis la CRE rend ces informations publiques 6 mois avant et, à compter de 3 mois avant, mensuellement.
Compte tenu de l’incertitude pesant ex ante sur l’estimation des revenus d’EDF, ainsi que celle pesant sur l’assiette de consommation sur laquelle la minoration s’appliquera, la CRE proposait de revoir le calendrier de publication, rappelant que « plus les revenus sont publiés en amont du début de l’année civile de livraison d’électricité, plus la visibilité pour les acteurs est importante mais plus le niveau d’incertitude sur le niveau de la minoration associé augmente » et de permettre ainsi d’informer au mieux le consommateur.
Comparaison des calendriers de publication des revenus et du montant du VNU proposés par le Gouvernement et par la CRE
(TU : tarif unitaire de la minoration applicable)
Le Gouvernement a choisi de maintenir le calendrier qu’il avait initialement proposé dans la version finale du décret, en ajoutant que pour les éléments publiés à M-12, la CRE peut assortir son estimation d’un intervalle de confiance.
Le second décret publié porte sur la détermination des coûts complets de production d’EDF et sera évoqué ultérieurement.
La CRE a attiré l’attention de vos rapporteurs sur la charge de travail supplémentaire que va générer la mise en place du VNU pour ses services. Bien que consciente des efforts budgétaires à fournir, dont elle souligne avoir « toujours été solidaire dans sa gestion », elle indique que le renfort de quelques ETP supplémentaires serait le bienvenu. Vos rapporteurs soutiennent cette demande.
Autre source de complexité, les fournisseurs vont jouer le rôle d’intermédiaires chargés de répercuter le VNU au consommateur final. Ils ont fait part de leurs craintes concernant la complexité d’application du dispositif, avec une charge de gestion afférente – d’autant que les modalités de compensation des fournisseurs ne sont nullement précisées dans la loi et sont renvoyées à des modalités d’application réglementaires.
Parmi les sources de complexité citées figurent les modalités de redistribution du VNU aux clients lorsque ceux-ci changent de fournisseur, si le Gouvernement décide de modifier le montant et les modalités de versement du VNU en cours d’année, ou si des versements rétroactifs sont décidés. Le Médiateur national de l’énergie abonde en ce sens, craignant des litiges liés à la régularisation rétroactive du VNU sur les factures.
Au total, les fournisseurs redoutent une charge technique accrue et des conséquences sur leur trésorerie. L’Union française de l’électricité (UFE) appelle à ce que « la mécanique de reversement [assure] pour les clients et le plus en amont possible une visibilité maximale du niveau de reversement anticipable ». L’Anode indique que ses membres « pensent que les fournisseurs, alternatifs comme historiques, ne devraient pas être associés à l’implémentation du VNU ». À défaut, elle plaide pour disposer d’un temps d’adaptation afin que les fournisseurs procèdent aux développements nécessaires sur leurs systèmes d’information.
Vos rapporteurs rappellent que, durant la crise des prix de l’énergie de 2022, la mise en place du bouclier tarifaire a reposé sur le rôle d’intermédiaire joué par les fournisseurs, avec des contrôles complexes à mettre en œuvre et des risques d’effets d’aubaine (voir supra). On pourrait dès lors se retrouver avec les mêmes écueils pour le versement du VNU. Le comité social et économique central d’EDF pointe d’ailleurs un tel risque : « Rien ne garantit aujourd’hui que ce mécanisme sera intégralement répercuté aux consommateurs finaux. Il existe un risque d’intermédiation opaque, où certains fournisseurs pourraient s’approprier une partie du tarif unitaire de minoration ou en retarder la répercussion ». Vos rapporteurs appellent donc, à défaut de la mise en place d’un autre système régulation (voir, infra, recommandations n° 9 à 11), à clarifier les modalités de compensation du VNU aux fournisseurs et plaident pour la définition d’une méthodologie de contrôle par la CRE afin de prévenir tout effet d’aubaine.
Recommandation n° 1 : Clarifier les modalités selon lesquelles les fournisseurs sont compensés par l’État pour l’application du VNU sur les factures et définir une méthodologie rigoureuse de contrôles, mise en place par la CRE, afin de prévenir tout effet d’aubaine.
2. La fixation des seuils : un équilibre introuvable entre moyens d’action pour EDF et compétitivité du prix pour le consommateur
Une autre source de questionnements et d’incertitudes relative au mécanisme post-Arenh porte sur la définition des seuils de taxation et d’écrêtement – là encore, laissés au pouvoir réglementaire. Ils dépendent de trois paramètres : les coûts complets de production d’EDF, la situation financière d’EDF et les coûts du nouveau nucléaire. Leur niveau doit permettre de concilier deux objectifs : garantir à EDF la couverture de ses coûts et lui permettre d’investir dans de nouveaux réacteurs nucléaires, d’une part, et garantir un prix compétitif au consommateur final, au plus proche des coûts de production, d’autre part. Lors de la conclusion de l’accord entre l’État et EDF, les seuils de taxation et d’écrêtement étaient annoncés respectivement autour de 78 €/MWh et 110 €/MWh. Toutefois, cet accord a été négocié au cours d’une période où les prix de l’électricité étaient particulièrement élevés ; le niveau de ces seuils apparaît aujourd’hui peu en phase avec les prix actuellement constatés.
a. Le contenu du décret détaillant la méthodologie d’évaluation des coûts complets de production nucléaire d’EDF
La question de la définition des coûts complets de production d’EDF est complexe, cette problématique n’étant pas sans rappeler celle qui s’est posée dans le cadre de l’Arenh.
Le décret établissant les modalités d’évaluation de ces coûts par la CRE a été publié en septembre 2025, après un avis favorable de celle-ci ([57]).
Les coûts complets de production se composent des charges d’investissement prévisionnelles et des charges d’exploitation prévisionnelles. La méthode retenue est une méthode d’approche comptable plutôt qu’économique, ce que la CRE a approuvé, car étant conforme à l’objectif de faire bénéficier le consommateur final de la compétitivité du parc nucléaire ([58]). Des briques de coûts extracomptables sont cependant intégrées dans les coûts complets, sur lesquelles la CRE s’est prononcée dans son avis.
Les charges d’investissement prévisionnelles comprennent :
– les amortissements comptables et la rémunération du capital de la base d’actifs comptables constituée par les centrales électronucléaires historiques, en incluant les nouveaux investissements affectés aux centrales électronucléaires historiques. Cela signifie que l’amortissement des coûts liés à la prolongation du parc nucléaire existant et au grand carénage, ainsi que la rémunération du capital associée, sont inclus dans le calcul des coûts complets de production ;
– le coût de portage financier du stock de combustible et de pièces de rechange.
La CRE est chargée de fixer le coût moyen pondéré du capital (CMPC) appliqué au montant des capitaux de la base d’actifs. Le CMPC a des conséquences déterminantes sur le coût complet de production, puisqu’il correspond au coût moyen du financement de l’entreprise.
Le projet de décret prévoyait d’exclure du calcul des charges d’investissement prévisionnelles la rémunération du capital pour les surcoûts de construction de l’EPR de Flamanville (FLA3) « considérés par la Commission de régulation de l’énergie comme imputables à la conduite de projet ». La CRE avait d’ailleurs exclu ces coûts de ses calculs précédemment effectués en 2023 ([59]). Elle estime cependant en l’espèce qu’il est possible de les intégrer, étant donné que le modèle de régulation retenu n’est pas un CfD. À l’inverse, un CfD aurait nécessité la prise en compte, pour le calcul de la base de rémunération, des coûts d’un opérateur efficace. Finalement, la version définitive du décret n’exclut plus cette brique du calcul des coûts complets de production.
Les charges d’exploitation prévisionnelles comprennent :
– les coûts liés au combustible nucléaire et ceux relatifs aux autres achats ;
– les charges de personnel, y compris les charges relatives aux droits à la retraite ;
– les dotations aux provisions attendues sur la période, qui incluent, le cas échéant, les variations relatives aux charges postérieures à l’arrêt définitif des centrales. Sur ce dernier point, cela implique en particulier que la prise en compte des charges relatives à la période s’écoulant entre l’arrêt définitif d’une centrale et son démantèlement (charges dites de « post-exploitation ») ne sera possible que si ces charges sont provisionnées par l’opérateur ;
– les impôts, taxes et redevances de toute nature supportés par l’opérateur, hors impôt sur les sociétés et taxe sur le combustible nucléaire ;
– le cas échéant, les avances versées au titre de la construction ou du renouvellement d’installations permettant l’entreposage, le retraitement et la valorisation des combustibles usés. Si ces coûts sont pris en compte, il est expressément précisé que des mesures particulières sont mises en œuvre afin d’éviter tout double compte au titre d’autres coûts d’EDF ;
– les charges liées à la compensation des conséquences de la réforme des retraites de 2004 applicable au régime des industries électriques et gazières et qu’EDF a financées sur ses capitaux propres.
L’avis de la CRE évalue l’opportunité de la prise en compte d’autres briques de coûts extracomptables, en particulier pour compenser d’éventuels déficits de rémunération passés. Sur ce point, la CRE relève que les seuils de taxation et d’écrêtement doivent être définis non seulement en fonction des coûts complets de production historique, mais également en fonction de la situation financière de l’exploitant ; des déficits de rémunération passés, s’ils étaient avérés, pourraient « alternativement être considérés dans ces tarifs s’ils affectent l’équilibre financier d’EDF ». Cette observation s’applique notamment aux frais intercalaires liés au financement de la construction de FLA3.
La CRE devra définir les hypothèses de production, de durée de vie du parc et de taux d’inflation et d’intérêt, notamment selon les estimations de production publiées par EDF mais aussi « des hypothèses cohérentes avec l’évolution probable du mix de production d’électricité et la demande d’électricité ». Cette dernière notion, assez floue, témoigne de toute la difficulté de l’exercice, et renforce la conviction des rapporteurs de la nécessité de travailler avant toute chose à la consolidation d’une programmation énergétique et d’une trajectoire d’électrification robustes.
Enfin, la version finale du décret tient compte de la recommandation de la CRE d’évaluer les coûts pour deux périodes d’évaluation consécutives de trois ans, plutôt que trois périodes consécutives de trois ans, compte tenu de l’incertitude sur les coûts et la production du parc au-delà de deux périodes successives. Le décret fixe aussi les modalités selon lesquelles l’estimation peut être revue au cours d’une même période sur demande des ministres compétents, si un différentiel d’au moins 3 €/MWh avec l’évaluation initiale est suspectée ou en cas d’évolution substantielle des provisions effectuées en prévision du démantèlement des centrales.
Sur ce dernier point, la loi n° 2006-738 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a créé une Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et de déchets radioactifs (CNEF). Celle-ci a précisément pour objet de contrôler l’adéquation des provisions prévues par l’exploitant à la couverture des charges de démantèlement. Or, cette commission n’a publié qu’un rapport en 2012 et n’a plus été réunie depuis. Le projet de loi dit « simplification » tel qu’adopté par l’Assemblée nationale prévoit même la suppression de cette instance, faute de réunion de ses membres et considérant que d’autres instances recoupent ses compétences.
Or, les évolutions des provisions pour charges de démantèlement entrent en compte dans le calcul des coûts complets de production du nucléaire et donc dans la définition des seuils de taxation et d’écrêtement. Vos rapporteurs appellent en conséquence au maintien de la CNEF et souhaitent qu’elle soit réunie à échéance régulière, afin de fournir une estimation détaillée et transparente de tels coûts.
Recommandation n° 2 : Maintenir et réunir à échéance régulière la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et de déchets radioactifs (CNEF).
b. Le risque de déconnexion entre coûts de production et prix final
La méthodologie d’évaluation des coûts complets du parc nucléaire historique est désormais posée et a permis à la CRE de produire une première estimation. Les coûts complets de production retenus par la CRE s’établissent à 60,3 €2026/MWh pour la période 2026-2028 et à 63,4 €2026/MWh pour la période 2029‑2031.
Décomposition par brique du coût complet évalué par la CRE sur les périodes 2026‑2028 et 2029-2031
Source : CRE
La première évaluation des coûts complets du nucléaire par la CRE
Le 30 septembre 2025, la CRE a publié son évaluation des coûts complets de production de l’électricité au moyen des centrales électronucléaires historiques pour la période 2026-2028 ([60]). Vos rapporteurs saluent cet exercice, qui permet, à travers un document de plus de 200 pages, de disposer d’informations exhaustives sur le calcul de ces coûts, par EDF d’une part, et par le régulateur d’autre part.
La CRE rappelle qu’elle se fonde sur une valorisation sur le marché de l’ensemble de la production de l’exploitant, ce qui conduit à rehausser le coût du CMPC par rapport à son précédent rapport de 2023 sur les coûts du nucléaire (voir supra). Elle retient également l’hypothèse d’une prolongation des réacteurs jusqu’à 60 ans.
Au total, les coûts de production déclarés par EDF et ceux calculés par la CRE sont récapitulés dans le tableau ci-dessous. Celui-ci présente aussi les coûts d’EDF « retraités » par la CRE, l’opérateur ayant initialement intégré des coûts extracomptables qui n’ont finalement pas été inclus dans le décret relatif au calcul des coûts complets du nucléaire.
Coûts complets de production du parc électronucléaire historique retenus par EDF et par la CRE
C’est la différence du CMPC retenu qui explique principalement la différence de résultat entre les coûts retraités calculés par EDF et ceux de la CRE, selon le régulateur, ce dernier soulignant qu’il a calculé le CMPC « selon une méthode reflétant la rentabilité attendue par un opérateur similaire à EDF » et cohérente avec ses analyses de 2023, et faisant suite à des échanges avec la Commission européenne. Ainsi, alors que la CRE retient un CMPC nominal avant impôt de 9,1 %, le CMPC retenu par EDF est de 11,3 % ([61]).
Le régulateur explique la hausse des coûts entre les périodes 2026-2028 et 2029‑2031 essentiellement par une augmentation des charges du combustible et une hausse des coûts de l’aval du futur (construction d’installations de traitement et de recyclage des combustibles usés), une augmentation des amortissements, principalement liée au programme de grand carénage et une augmentation des achats et consommations externes, « principalement liée à des incertitudes sur la prolongation au-delà de 2027 des gains d’efficacité décidés pour la période 2025‑27 ».
La CRE a retenu une trajectoire finale de production du parc nucléaire de 362 TWh en moyenne sur la période 2026-2028, puis 358,4 TWh sur la période 2029-2031, soit moins que l’« ambition managériale » du groupe EDF, qui est de 400 TWh.
Les charges d’exploitation sont susceptibles de varier fortement en fonction de l’évolution des coûts de combustible, qui incluent les coûts d’investissement dans l’aval du cycle. Le rapport détaille également les différentes charges d’investissement ainsi que les hypothèses fondant le CMPC retenu. Les charges de post-exploitation (voir supra) ne sont pas prises en compte dans le calcul, étant donné qu’EDF n’a pour l’instant pas provisionné de telles charges.
Outre la définition des coûts complets de production d’EDF, les deux paramètres supplémentaires à prendre en compte pour déterminer les seuils de taxation et d’écrêtement sont également entachés d’incertitudes :
– la « situation financière d’EDF », formulation très vague et pouvant recouvrir des réalités multiples. Ce paramètre sera donc très certainement une marge d’ajustement permettant de soutenir l’opérateur en cas de difficulté ;
– les coûts du programme du nouveau nucléaire français (NNF) : ces coûts doivent, eux aussi, être définis par décret… en fonction de ce que prévoit la programmation pluriannuelle de l’énergie, celle-ci n’ayant toujours pas été publiée. La quatrième partie du présent rapport permettra par ailleurs de mettre en lumière les nombreuses incertitudes existant autour du chiffrage exact des investissements massifs qu’implique ce programme.
Inclure ces deux paramètres permet certes de donner un peu de souplesse afin de prendre en compte les variations de coûts d’EDF, mais contribue à déconnecter les coûts de production et le prix final payé par le consommateur. Greenpeace relève que « dans la mesure où personne ne connaît ni le coût réel de production du nucléaire existant, ni celui des investissements à réaliser – que ce soit pour la maintenance, le développement de nouveaux réacteurs, ou pour la gestion des matières et déchets radioactifs, et le démantèlement des réacteurs, il semble difficile d’avoir un avis sur le seuil de taxation acceptable à la fois pour EDF et ses usagers ».
Selon le comité social et économique central d’EDF, le fait que les seuils de taxation et d’écrêtement soient à la main du Gouvernement « ouvre la porte à une gestion opportuniste et politique du dispositif : en fonction des priorités budgétaires ou économiques du moment, les seuils pourront être abaissés (pour maximiser les recettes fiscales et faire baisser artificiellement les prix de l’électricité) ou relevés (pour permettre à EDF de reconstituer ses marges et verser des dividendes à l’État actionnaire). Cette logique ne garantit ni visibilité à long terme, ni équilibre stable entre les besoins de financement d’EDF et ceux des consommateurs ». Le comité estime également que le dispositif post-Arenh a avant tout été pensé « pour répondre aux besoins conjoncturels de l’État, et non pour sécuriser durablement les capacités d’investissement d’EDF, ni pour offrir aux usagers une tarification claire et maîtrisée ».
L’UFC-Que Choisir relève à ce sujet des taux de redistribution trop faibles, avec des seuils définis sans transparence. L’association de consommateurs aurait également préféré qu’un seuil de taxation unique soit fixé, plutôt que deux.
L’ensemble de ces considérations laisse à penser que les seuils seront fixés à un niveau élevé et ne s’activeront que dans le cas de prix exceptionnellement hauts, le consommateur se retrouvant donc exposé la plupart du temps aux prix de marché. EDF ne dit pas autre chose lorsqu’il expose que le VNU est « un outil de protection des consommateurs contre les crises, activé uniquement en cas de prix exceptionnellement élevés, et non d’un prélèvement systématique ». Il s’agit d’une différence majeure par rapport à l’Arenh.
Même en cas de crise, des mécanismes complémentaires de soutien pourraient demeurer nécessaires. Le reversement du VNU fonctionnera lorsque les prix de marché sont élevés et qu’EDF engrange des revenus grâce à son parc nucléaire historique : mais que se passera-t-il dans l’hypothèse d’un incident majeur sur l’exploitation du parc, tel que l’épisode de corrosion sous contrainte de 2022 ? Les revenus d’EDF seront alors dégradés et ne permettront pas un reversement au consommateur final significatif, alors que, dans le même temps, il sera probablement nécessaire de soutenir l’exploitant.
Ces risques d’incidents d’exploitation sont absolument à prendre en considération. L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) souligne que « la large standardisation du parc électronucléaire français (…) présente le risque qu’un défaut générique grave conduise à la suspension simultanée du fonctionnement de plusieurs réacteurs, comme cela a pu être le cas récemment lors de la découverte de fissures de corrosion sous contrainte sur des tuyauteries auxiliaires du circuit primaire de plusieurs réacteurs ».
En outre, le mécanisme du VNU est asymétrique : l’absence de prix plancher ne donne pas à EDF une garantie minimale de revenus en cas de prix bas. Les périodes de prix élevés doivent donc permettre à l’opérateur de reconstituer des réserves en prévision de périodes de prix bas. La DGEC confirme ce point : « EDF a confirmé, en novembre 2023, son accord à supporter un tel risque de prix bas à l’avenir. Les seuils de taxation et d’écrêtement du VNU prendront en compte cette asymétrie pour, dans la durée, préserver la situation financière d’EDF. Sur le temps long, des années de prix bas devraient être compensées par des années de prix plus élevés ». Rappelons que l’une des principales critiques opposées à l’Arenh était précisément son caractère asymétrique. Au total, vos rapporteurs craignent qu’en période de crise des prix, si les années précédant celle-ci n’ont pas permis à EDF de dégager suffisamment de revenus pour financer son nouveau parc nucléaire en raison de prix de marché très proches de ses coûts de production, les seuils soient fixés très hauts pour permettre à EDF d’engranger des revenus grâce aux prix de marché élevés, amoindrissant ainsi la protection du consommateur final durant une telle crise.
Plusieurs acteurs s’inquiètent aussi d’un risque de renchérissement des coûts de financement d’EDF, avec pour conséquence une fixation des seuils à un niveau élevé pour soutenir l’opérateur. Le comité social et économique central d’EDF est d’avis que « la dépendance à des paramètres variables, révisés chaque année, expose EDF à des incertitudes budgétaires importantes, peu compatibles avec la nécessité de planifier des investissements lourds dans la filière nucléaire ». Plus généralement, Greenpeace estime que « la question du risque de manipulation des prix du marché par EDF, à la fois juge et partie, est également à prendre en considération ».
3. L’absence de visibilité sur le montant du VNU pour les différentes catégories de consommateurs
Vos rapporteurs ont pris connaissance de plusieurs simulations effectuées pour estimer les conséquences du VNU sur la facture finale des différentes catégories de consommateurs. Leur stricte comparaison s’avère impossible, la multitude d’hypothèses prises en compte pour effectuer les calculs (prix de marché, coûts de production, seuils, etc.) variant d’une simulation à l’autre. Ils retraceront néanmoins ici quelques résultats obtenus :
– la commission d’enquête du Sénat a fait état de deux analyses, effectuées par l’économiste Jacques Percebois, d’une part, et le Cleee, d’autre part. La première aboutissait à une part « fourniture » des TRVe nettement plus élevée qu’aujourd’hui, pour des hypothèses de marché oscillant entre 78 et 220 €/MWh, l’écart tendant néanmoins à se réduire avec la hausse des prix. L’analyse du Cleee, qui portait sur quatre scénarios différents, conduisait également à un prix moyen de fourniture de l’électricité aux horizons 2028-2035 supérieur avec l’accord État-EDF qu’avec le modèle de régulation actuel ou que dans un scénario dit « État », qui aurait conduit à la vente par EDF d’un volume de production nucléaire historique équivalent à ceux actuellement exposés à l’Arenh, soit 270 TWh par an, à un prix de 70 €/MWh ([62]) ;
– une simulation effectuée par le courtier Opéra Énergie compare les effets de l’Arenh et du VNU pour différentes catégories d’entreprises (agriculteur irrigant, industrie de process, boulangerie, bureaux) ([63]). La simulation a été effectuée sur l’année civile 2026, aux cours du marché au moment de la rédaction de la note (mars 2025), avec des seuils à 80 €/MWh et 110 €/MWh. Les prix en euros par mégawattheure hors TVA augmentent de 35 %, 28 %, 18 % et 13 %, respectivement, pour ces catégories d’entreprises, par rapport à une régulation fondée sur l’Arenh ;
– une simulation de l’Afieg conclut également à une protection moindre avec le VNU qu’avec l’Arenh ou un CfD. Le prix moyen pour un contrat signé en 2025 serait de 69 € en 2026 et 64 € en 2027 avec le VNU, contre 54 € et 52 € avec l’Arenh et 58 € et 57 € avec un CfD. L’association estime par ailleurs qu’« un industriel moyen, dont l’Arenh représente 56 % de l’approvisionnement après écrêtement (75 % avant écrêtement) subira (…) une hausse de près de 23 % sur sa fourniture d’électricité en 2026 » ;
– l’Anode évoque, compte tenu des premières hypothèses de seuil présentées, « une hausse d’au moins 30 % du prix de l’électricité pour les volumes anciennement couverts par le mécanisme de l’Arenh » pour l’année 2026 ;
– enfin, à la demande de vos rapporteurs, la DGEC a fourni une simulation des conséquences du changement de régulation pour un consommateur résidentiel au TRVe, d’une part, et pour un consommateur électro-intensif, d’autre part. La simulation se fonde sur les prix des années 2022 et 2023, dans l’hypothèse d’un fonctionnement normal du parc nucléaire (donc sans phénomène de CSC). Les résultats de la simulation sont annexés au présent rapport. À l’inverse des simulations précédentes, cette simulation fait apparaître un résultat plus avantageux avec une régulation de type VNU qu’avec l’Arenh. Toutefois, la comparaison s’effectue sur des années où les prix de l’électricité étaient exceptionnellement élevés ! Vos rapporteurs regrettent de n’avoir pas pu obtenir des simulations avec des niveaux de prix de marché hors période de crise, les délais de présentation du rapport n’ayant pas permis leur transmission.
Ils constatent que la variabilité des résultats obtenus à travers ces différentes simulations démontre à tout le moins la complexité de l’exercice ainsi que l’absence regrettable de visibilité sur ce que ce mécanisme va rapporter au consommateur. Ce manque a été relevé par les représentants des entreprises comme un facteur pouvant affecter négativement leur compétitivité. Le Cleee souligne en outre qu’« en cas de nouvelle crise du gaz, les entreprises qui auront acheté avant la crise seront surprotégées alors qu’elles n’en ont pas besoin ; les autres, les plus petites ou les moins expertes ou les moins chanceuses, qui n’auront pas anticipé, n’auront aucune protection ou presque. C’est une protection au hasard. C’est la pire allocation de ressources imaginable ».
Vos rapporteurs relèvent aussi que plusieurs de ces comparaisons se font par rapport à une régulation fondée sur l’Arenh, dispositif dont les imperfections ont été largement décrites précédemment. Ils insistent sur le fait que cela ne doit pas conduire à voir la prolongation de l’Arenh comme une option souhaitable.
Plus généralement, le comité social et économique central d’EDF relève la grande complexité du dispositif, qui « le rend totalement illisible pour le consommateur final, qui ne pourra ni comprendre concrètement la minoration appliquée à sa facture, ni vérifier que la redistribution est juste ou conforme aux objectifs annoncés ». La CRE prévient aussi que « s’agissant d’un dispositif complexe, il reviendra aux pouvoirs publics et aux fournisseurs d’expliquer le plus clairement possible son fonctionnement aux consommateurs ».
Parmi les modalités d’application du dispositif demeurant à définir, l’une d’entre elles est de taille : la ventilation du VNU entre les différentes catégories de consommateurs. Les termes de la loi sont particulièrement généraux sur ce point, puisque la modulation est possible, « aux fins de favoriser l’atteinte des objectifs de la politique énergétique mentionnés à l’article L. 100-1 (…) en fonction du moment de la consommation et de son ampleur, du prix de fourniture et du profil de consommation » ([64]).
Cela laisse donc une grande marge de manœuvre au pouvoir réglementaire. En effet, comme pour le calcul des droits Arenh, la période sur laquelle le VNU est calculé peut conduire à reverser proportionnellement davantage à des consommateurs disposant d’un certain profil de consommation plutôt qu’à d’autres. Par exemple, définir la même période de référence que celle utilisée pour l’Arenh favoriserait les industriels, qui disposent d’un profil de consommation plus régulier tout au long de l’année, notamment par rapport à un consommateur résidentiel.
Vos rapporteurs plaident pour un système le plus équitable possible entre les différentes catégories de consommateurs. Ils refusent que, dans le nouveau système de « régulation », les plus petits consommateurs soient oubliés ou désavantagés au profit des industriels fortement consommateurs d’électricité, lesquels disposent déjà de nombreux autres dispositifs d’amortissement de leur facture d’électricité.
Ils relèvent par ailleurs que les pertes techniques des gestionnaires de réseau ne seront pas couvertes par le VNU, alors qu’elles étaient couvertes par l’Arenh. Enedis souligne un risque prix plus important en conséquence, pouvant affecter le niveau du Turpe, qui doit désormais compenser ces pertes. Vos rapporteurs appellent à la plus grande vigilance sur ce point.
Recommandation n° 3 : Garantir un reversement équitable du VNU entre les différentes catégories de consommateurs, sans favoriser certains profils de consommation par rapport à d’autres.
Au total, peu d’acteurs auditionnés sont enthousiastes au sujet du VNU. Parmi les principaux défauts relevés figurent des seuils de redistribution trop hauts, un manque de visibilité sur les bénéfices et les modalités d’application… L’intention de stabiliser les prix et d’apporter une meilleure protection au consommateur final est parfois saluée ; mais nombreux sont ceux qui doutent que le mécanisme post-Arenh permette d’atteindre de tels objectifs. L’Afieg souligne ainsi que le « parapluie » qu’est censé constituer le VNU « sera à la fois placé trop haut (avec des seuils de déclenchement bien supérieurs aux coûts du nucléaire amorti) et troué de toutes parts (du fait d’une déconnexion entre l’assiette de taxation et l’assiette de redistribution) ».
4. Une réforme qui expose fortement le consommateur aux prix de marché
Le VNU n’ayant vocation à se déclencher qu’en cas de prix de marché très élevés, ce mécanisme exposera fortement le consommateur à ceux-ci.
Les bénéficiaires des TRVe vont également être entièrement exposés aux prix de marché, sans disposition compensant la suppression de l’Arenh. À court terme, la CRE anticipe que « dans les conditions actuelles de marché et sous réserve d’un niveau de taxation équivalent, (…) les TRVE devraient rester à peu près stables en 2026 ».
Toutefois, de manière plus structurelle, le comité social et économique central d’EDF évoque au sujet du calcul des TRVe, déjà grevés par leur contestabilité, une « rupture profonde avec la logique historique du service public de l’électricité » qui « abandonne toute logique de tarification juste et stable », s’écarte des coûts réels du système électrique et crée un risque de devoir multiplier les dispositifs d’urgence. Le lissage des prix sur vingt-quatre mois pour les TRVe est cependant maintenu. La suppression de l’Arenh emporte aussi la disparition de la composante des TRVe liée à l’écrêtement, qui conduisait à renchérir ces tarifs.
Plus généralement, le mécanisme du VNU reposera fortement sur les choix de politique commerciale d’EDF et expose donc le consommateur à celle‑ci.
Pour vos rapporteurs, les considérations ayant conduit à opter pour ce mécanisme post-Arenh mettent en lumière le statut paradoxal d’EDF, entreprise publique détenue à 100 % par l’État, mais qui reste une société anonyme, comme le note Global Chance : « Ce modèle interroge sur le rôle et la fonction première de EDF : est-ce une entreprise publique qui doit fournir une électricité à un prix fixé administrativement et subventionné, ou est-ce une entreprise qui doit assurer sa rentabilité ? ». La Cour des comptes, dans son récent rapport sur le modèle économique d’EDF de septembre 2025, a aussi souligné que l’opérateur doit répondre à des injonctions multiples : « Il doit (…) concilier son intérêt social et ses objectifs de rentabilité et de soutenabilité financière avec le cadre que lui fixe l’État régulateur en vue de préserver la compétitivité de l’économie française et de contenir les factures énergétiques des ménages, ce qui devrait encourager l’électrification attendue des usages ».
B. Des entreprises partagées et attentistes vis-à-vis des nouveaux contrats proposés par EDF
Outre le mécanisme de régulation, la nouvelle politique contractuelle d’EDF ne suscite pas non plus un franc enthousiasme, malgré, là encore, un objectif louable : donner davantage de visibilité tant à EDF (sur ses revenus) qu’à l’entreprise concernée (sur le prix payé).
1. Un démarrage cacophonique des CAPN
Les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) avaient initialement été annoncés comme « fléchés » vers les industriels électro-intensifs. Or, en mars 2025, EDF a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour de tels contrats selon un mécanisme d’enchères à l’échelle européenne, pour une livraison en France, tant pour les gros consommateurs (plus de 7 GWh par an) que pour les fournisseurs ou producteurs ([65]). Cette annonce a suscité un vif émoi chez les industriels grands consommateurs d’électricité, qui ont dénoncé un acte qui « tournerait délibérément le dos à l’industrie électro-intensive et électro-sensible » en vendant la production nucléaire historique au plus offrant ([66]). Une telle initiative ne semble d’ailleurs pas avoir été étrangère à la décision de mettre fin de manière anticipée aux fonctions de M. Luc Rémont, alors président-directeur général d’EDF.
La direction générale de l’économie et du climat (DGEC) a rappelé à vos rapporteurs qu’au moment de cette annonce, « moins de 1 % de l’objectif était atteint en volume de contrats signés » concernant les contrats de long terme avec les entreprises électro-intensives exposées à la concurrence internationale, ce qui démontre les difficultés rencontrées à l’époque pour faire aboutir ces contrats. Pour l’Uniden, les raisons de l’échec des discussions tiennent à l’absence de convergence sur un prix reflétant les grands enjeux financiers d’un tel type de contrat : le montant de l’avance en tête (et son financement) ; le prix à la livraison ; et le partage des risques quant à l’évolution et à la disponibilité du parc nucléaire existant. L’Union indique ne pas être opposée par principe aux enchères, mais que cette modalité de vente n’est pas adaptée aux électro-intensifs, qui « ne pourront jamais enchérir face à des acteurs qui ne vivent pas avec les mêmes contraintes de compétitivité ». En outre, une allocation des CAPN par mise aux enchères « impliquerait que le prix dans ces contrats corresponde au consentement à payer et non au coût du nucléaire, ce qui n’est pas la vocation initiale du dispositif », selon M. Nicolas Goldberg.
Le nouveau président-directeur général d’EDF, M. Bernard Fontana, s’est engagé à prioriser les industriels électro-intensifs et électro-sensibles pour la conclusion de CAPN lors de son audition, en vue de sa nomination, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale : « J’ai été clair sur la priorité à donner aux électro‑intensifs et aux électro‑sensibles lors de la mise de contrats sur le marché, avant une éventuelle ouverture à d’autres acteurs français ». Il a aussi indiqué que la mise aux enchères pourrait être retardée pour sécuriser en premier lieu les clients industriels ([67]). Au total, M. Fontana a annoncé vouloir allouer au total 40 TWh aux industriels électro-intensifs et aux électro‑sensibles. La direction générale des entreprises a, quant à elle, indiqué que « le Gouvernement ambitionne qu’au moins 30 TWh de contrats à long terme aient été signés d’ici la fin de l’année ».
EDF a confirmé avoir fait évoluer les modalités d’accès aux CAPN dans les derniers mois « pour mieux répondre aux attentes des industriels, en exploitant les marges de manœuvre possibles, comme l’intégration des profils de consommation, le lissage de l’avance en tête et une amélioration de notre proposition financière, rendue possible par la baisse des prix sur les marchés de gros ». L’opérateur indique également que l’appel à manifestation d’intérêt a été décalé et que celui-ci était une réponse « aux demandes des autorités de régulation européenne et aux demandes d’acteurs non électro-intensifs ». La commission d’enquête du Sénat sur les prix de l’électricité avait effectivement soulevé les risques de conformité au droit européen d’un mécanisme exclusivement tourné vers les industriels français.
Depuis quelques mois, les annonces de signature de CAPN se sont accélérées. Fin juillet 2025, EDF indiquait avoir signé « 14 lettres d’intention, dont 2 déjà converties en contrats fermes, pour un volume total d’environ 16 TWh/an ». Depuis, EDF a annoncé avoir signé un CAPN avec Lafarge et un autre avec l’opérateur de datacenters Data4.
La baisse récente des prix sur les marchés de gros a également pu rendre ces contrats moins attractifs, désincitant les industriels à s’engager sur des contrats de long terme avec une part de risques importante. Le comité social et économique central d’EDF souligne que « même pour les industriels électro‑intensifs, ces contrats ne couvrent pas les horizons de temps nécessaires à la planification d’investissements lourds : les industriels cherchent des garanties de prix sur 10 à 15 ans, là où EDF investit sur des périodes de 40 à 60 ans (pour le nucléaire, l’hydraulique ou les grands réseaux) ». En toute hypothèse, les contrats de type CAPN ne peuvent pas couvrir l’intégralité de la consommation d’une entreprise afin de garantir leur conformité au droit de l’UE ; cela signifie qu’elles devront compléter leur approvisionnement par d’autres contrats de fourniture, et seront donc soumises, sur ces contrats, aux insuffisances du VNU.
Toutefois, les industriels éligibles aux CAPN en partagent les objectifs et y voient un intérêt pour maîtriser leurs coûts. L’aboutissement des négociations sur la phase 2 d’Exeltium est également présentée comme déterminante. L’Uniden espérait que les négociations aboutissent avant l’été 2025, afin d’en assurer le financement à l’automne et de démarrer les livraisons au 1er janvier 2026. EDF indique avoir proposé une offre en réponse à l’appel d’offres du consortium Exeltium 2.
La complexité de ce type de contrat et le partage de risques associé conduit inévitablement à le réserver aux industriels grands consommateurs d’électricité. En particulier, le versement d’une importante avance en tête peut s’avérer rédhibitoire. Le Cleee souligne que « les conditions d’accès à ces CAPN restent difficiles : seules les entreprises électro‑intensives bénéficiant d’une bonne notation et capables d’anticiper leur consommation sur quinze ans pourront bénéficier de ces contrats ». M. Nicolas Goldberg, responsable énergie chez Terra Nova, relève également que le partage de risques n’est pas nécessairement familier aux industriels : « ne savoir qu’en M‑1 la quantité dont on sera livré ne semble pas être un risque acceptable pour les clients ».
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a fait part de l’intérêt de certains groupements d’acheteurs publics pour des contrats de type CAPN, mais estime notamment qu’il serait nécessaire de modifier la loi pour que ceux-ci puissent y avoir accès.
Tout comme pour les PPA, vos rapporteurs appellent à veiller à ne pas privatiser la production de certaines installations d’électricité au profit de certains consommateurs.
2. Des CNS qui peinent à trouver leur public
EDF indique que la conception des contrats nucléaires standards (CNS), version simplifiée des CAPN, a fait l’objet d’échanges soutenus avec les fédérations industrielles en 2024. Leur commercialisation a débuté et l’opérateur a contacté une cinquantaine d’entreprises sur ces offres depuis l’automne 2024. Pour l’instant, aucun industriel n’a cependant contractualisé dans le cadre de cette offre, l’exploitant soulignant comme facteurs explicatifs la baisse des prix de gros, ainsi que le développement des offres de moyen terme (voir infra).
Le Cleee fait état d’une difficulté concernant cette catégorie de contrats : EDF ne proposerait que des contrats débutant en 2026, alors que de nombreuses entreprises ont des contrats courants jusqu’à fin 2027 ; il faudrait donc que l’opérateur puisse proposer des contrats débutant à échéance 2028 ou 2029 pour en favoriser la souscription.
Vos rapporteurs notent que ces contrats de partenariat, étant donné leur complexité, demeurent nécessairement réservés à un faible nombre d’entreprises et qu’ils peinent, à ce stade, à trouver leur public.
3. Les contrats à horizon de 4 ou 5 ans ne sont pas toujours alignés avec la visibilité dont disposent certaines entreprises
Les autres contrats proposés par EDF à la suite de l’accord de novembre 2023 sont des contrats à horizon de quatre ou cinq ans (appelés « offres de moyen terme » ou ODMT), alors que l’essentiel des contrats ne dépasse généralement pas un horizon de trois ans aujourd’hui. Le Cleee estime toutefois qu’il existait déjà la possibilité de s’engager sur quatre ans avec certains fournisseurs.
Le bilan quantitatif des ODMT apparaît plutôt positif. EDF souligne en avoir commercialisé douze mille environ en dix-huit mois auprès des entreprises et des collectivités, représentant cent mille points de livraison et 26 TWh équivalent annuel. 60 % des quantités contractualisées concernent l’industrie et, parmi celles‑ci, un tiers concerne les entreprises électro-intensives. L’opérateur souligne, plus généralement, qu’un client professionnel sur trois en moyenne a souscrit une ODMT, dans des secteurs aussi variés que l’agro-alimentaire, la métallurgie, la plasturgie, la chimie, la logistique, la distribution, etc. Certaines collectivités territoriales ont également souscrit ce type de contrat. EDF relève enfin que « nulle part ailleurs en Europe, il n’existe d’offres de fourniture de ce type, disponibles à cet horizon, pour tous les types de clients ».
En outre, EDF propose, pour le secteur de la boulangerie-pâtisserie, des contrats « Matina », adaptés aux spécificités de cette activité (offre à prix fixe, avec des prix réduits durant les heures creuses et « super-creuses » du matin). L’opérateur indique que, depuis leur lancement il y a quelques mois, « un millier de boulangers ont sécurisé le prix de leur électricité pour 4 ans ou 5 ans ».
Selon EDF, cette dynamique sur les ODMT « concerne tous les fournisseurs qui proposent des offres à ces horizons », relevant qu’« Emmanuelle Wargon [, présidente de la CRE], en novembre 2024, indiquait qu’EDF avait une part de marché identique sur les horizons de moyen terme, soit environ 50 %, à la part de marché avant la crise sur les marchés plus horizons plus courts ». L’Afieg nuance cependant ce constat : les modalités des enchères permettant aux fournisseurs de distribuer ces offres conduiraient à un « échec patent » de cette mise à disposition, soulignant « qu’à date, après bientôt 9 mois de mise en œuvre, pour près de 900 enchères, seules 73 ont abouti à une transaction, soit 8 % ». Les modalités de ces enchères seraient moins favorables que les enchères sur les marchés de gros en termes de conditions de paiement, de contrôle du risque crédit et de garanties financières demandées, mais surtout parce qu’il y a peu de visibilité sur les volumes offerts et que le prix de réserve est inconnu au moment où le fournisseur contractualise avec son client. Dans son rapport de 2025 sur le modèle économique d’EDF, la Cour des comptes souligne quant à elle que seulement 1 % des mises aux enchères journalières dans le cadre des ODMT ont trouvé preneur.
La CPME relève l’intérêt des ODMT pour les TPE-PME. 1 300 ODMT auraient été conclues avec ces catégories d’entreprises, selon la confédération.
Plusieurs représentants des fournisseurs relèvent une liquidité limitée du marché aux échéances de ces contrats (4-5 ans) et la nécessité de développer celle‑ci. L’Anode estime que « ce manque de visibilité accroît le risque de volatilité sur le long terme, ce qui conduit les fournisseurs à intégrer un premium (majoration) dans leurs offres, renchérissant le prix final de la fourniture ». La CRE fait état d’une liquidité à l’échéance n + 4 en progression, mais restant limitée, et d’une faible liquidité à l’échéance n + 5.
Il existe par ailleurs un risque que les plus petites entreprises ne souhaitent pas s’engager sur des échéances plus longues qu’actuellement, car elles n’ont pas la visibilité nécessaire sur leur activité à cet horizon.
La FNCCR souligne également des capacités de négociation réduites pour les plus petites catégories de consommateurs afin de négocier des contrats de long terme en parallèle du VNU. L’U2P relève qu’il est plus difficile de s’engager sur des contrats de long terme pour les très petites entreprises qu’elle représente, compte tenu du manque d’expertise interne de celles-ci sur ces sujets et de durées d’engagement trop longues. Elle appelle à un mécanisme spécifique pour les petites entreprises.
Enfin, si l’allongement des horizons contractuels devrait permettre une meilleure visibilité aux entreprises sur le prix de l’électricité dont elles s’acquittent, vos rapporteurs retiennent aussi que cela n’emporte pas mécaniquement un rapprochement entre prix final et coûts de production, selon le constat qui avait été posé par M. Pierre Jérémie, ancien directeur de cabinet adjoint de la ministre Agnès Pannier-Runacher, devant la commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité ([68]).
Quatrième partie : des prix de l’électricité tributaires de nos choix de politique énergétique
I. Agir véritablement sur les coûts de production et sur leur lien avec les prix pour gagner en compétitivité
A. Rapprocher coûts de production et prix final payé par le consommateur : une nécessité
Vos rapporteurs l’ont rappelé dans la deuxième partie du présent rapport : les mécanismes de marché ne permettent pas de rapprocher de manière satisfaisante le prix final acquitté par le consommateur des coûts de production. Ils doutent également que les mécanismes mis en place pour prendre le relais de l’Arenh y parviennent, malgré les ambitions affichées.
Le rapprochement des prix et des coûts est une nécessité, vos rapporteurs en sont convaincus. Or, l’équation est loin d’être évidente : la dissymétrie à l’œuvre est problématique pour le producteur lorsque les prix sont plus faibles que les coûts, et pour le consommateur dans le cas inverse. Par exemple, comment, dans le cadre du VNU, modérer la facture du consommateur tout en dégageant des marges de financement pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ? Aux yeux de vos rapporteurs, ces objectifs semblent difficilement conciliables. Votre rapporteur Maxime Laisney souligne qu’un renoncement au programme de NNF permettrait de simplifier la question...
En termes de lisibilité pour le consommateur final, le rapprochement des prix et des coûts aurait le mérite de traduire le coût réel de la production d’électricité dans le prix, plutôt que de définir celui-ci selon le coût de centrales fonctionnant à partir d’énergies fossiles et ne reflétant guère l’économie du mix électrique français. Il permet aussi au citoyen, à la collectivité ou au dirigeant d’entreprise d’établir plus aisément un lien entre sa facture d’électricité et le financement de moyens de production décarbonés. Lors du discours de Belfort de février 2022, rappelons que le Président de la République appelait lui-même à une régulation du nucléaire permettant que « les consommateurs français, ménages et entreprises, puissent bénéficier de prix stables, proches des coûts de production de l’électricité en France » ([69]).
Cette nécessité de rapprocher prix et coûts justifie une intervention publique. Celle-ci est fondamentale pour la compétitivité de nos entreprises. La commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité, qui a pu consulter certaines notes à l’attention des ministres sur la préparation de la régulation post‑Arenh, cite l’une d’entre elles : « rétablir le lien entre facture des consommateurs et coûts complets nécessite une régulation publique. Y renoncer implique de renoncer à un atout de compétitivité essentiel ».
Disposer d’un prix final de l’électricité compétitif implique en premier lieu une maîtrise des coûts de production. Les technologies de production d’électricité à partir de sources d’énergies décarbonées ont des coûts fixes (CAPEX) importants, alors que leurs coûts d’exploitation (OPEX) sont plus faibles. Dans le cas du nucléaire comme des EnR, le coût du capital est donc déterminant. L’État a un rôle important à jouer pour « mettre en place les conditions de financement qui permettent aux investisseurs de réduire le risque perçu, pour minimiser le coût moyen pondéré du capital », rappelle l’Ademe. RTE abonde dans le même sens, illustrant ce point : « un coût du capital plus élevé pour le seul nouveau nucléaire (7 % contre 4 % pour les énergies renouvelables) conduit, à lui seul, à rapprocher voire inverser l’écart de coûts entre les scénarios avec nouveau nucléaire et les scénarios sans nouveau nucléaire. La maîtrise du coût du capital pour les investissements dans des infrastructures lourdes doit donc constituer une priorité de l’action publique ».
Plusieurs acteurs soulignent par ailleurs la prévisibilité des coûts de long terme du parc de production électrique français. Mme Anne Debrégeas souligne que « le coût complet de production français est estimé de manière durable autour de 75 €/MWh par RTE. Cela signifie que les factures d’électricité peuvent financer de manière durable le développement du renouvelable, à condition de revenir à un système régulé, basé sur la mutualisation des coûts et bénéficiant d’un coût du capital faible, au lieu de financer les superprofits de certains producteurs et les nombreux intermédiaires financiers et commerciaux qui se sont greffés au système électrique ». Il est précisé ici que le coût de production considéré est un coût brut (voir graphique infra), dans des scénarios de contexte macroéconomique favorable de RTE à horizon 2035. Le gestionnaire de réseau indique que pour son scénario de « mondialisation contrariée », le coût complet de production « s’établit autour de 90 €/MWh à l’horizon 2035, compte tenu d’équipements plus coûteux dans le contexte macroéconomique dégradé, mais aussi et surtout d’un coût du capital plus élevé » ([70]).
Indice de compétitivité de la production d’électricité en France dans les scénarios du contexte macroéconomique favorable de RTE
Source : RTE, Bilan Prévisionnel 2035, Chapitre 9 sur l’économie du système électrique.
Le comité social et économique central (CSEC) d’EDF abonde dans le même sens, soulignant que les coûts de production d’EDF « sont basés sur des amortissements longs, et donc prévisibles sur plusieurs décennies, sauf évolution significative du contexte réglementaire, aléas techniques majeurs ou variation importante du prix du combustible nucléaire ». Le CSEC considère le rapprochement des prix et des coûts de production d’EDF comme « une condition essentielle pour retrouver la stabilité tarifaire, l’équité territoriale et la cohérence industrielle du service public de l’électricité ». Vos rapporteurs souscrivent à ce propos.
Cela implique également de s’accorder sur une méthode commune de comparaison des coûts. Vos rapporteurs ne reprendront pas ici les enjeux liés aux différentes approches (comptable, extracomptable, économique), déjà largement abordés dans plusieurs rapports ([71]).
Enfin, la question des coûts de production pose nécessairement celle de la répartition de l’effort du financement public, en particulier entre un financement par le budget général de l’État ou directement par le consommateur d’électricité.
Au total, ces enjeux nécessitent de véritables débats sur le modèle idoine de régulation à adopter, tout autant que sur le financement de nos outils de production. Le Parlement a trop longtemps été privé de ce débat ; il n’a notamment pas pu débattre de la régulation post‑Arenh. Vos rapporteurs souhaitent donc un véhicule législatif dédié sur la question des coûts et des prix de l’électricité. Cela permettrait de débattre de toutes les options d’organisation et de financement de notre système de production, de transport et de fourniture d’électricité et de remédier aux défauts du VNU précédemment exposés.
Recommandation n° 4 : Examiner au Parlement un texte législatif sur les coûts et les prix de l’électricité pour remédier aux défauts du versement nucléaire universel.
B. Agir sur les coûts de production pose la question des politiques de soutien aux filières de production décarbonées
1. De nombreuses incertitudes sur les coûts associés au programme du nouveau nucléaire français
Le Gouvernement a lancé un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, baptisé programme du « nouveau nucléaire français » (NNF), tout en prolongeant le fonctionnement du parc nucléaire existant. La construction de six réacteurs de type EPR2 à Penly, Gravelines et Bugey, et l’étude de la construction de 8 EPR2 supplémentaires ont été annoncées.
a. Des incertitudes sur la conduite du projet, relatives au calendrier et à la mobilisation de la filière
À ce stade, la mise en service des 6 premiers EPR2 est prévue entre 2038 et 2044, selon EDF. La mise en service du réacteur tête de série du programme, à Penly, était initialement prévue pour 2035 : le programme a donc déjà pris du retard. La délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) précise que la décision sur la construction de 8 EPR2 supplémentaires doit quant à elle intervenir fin 2026.
EDF a annoncé un délai de construction, à terme, d’un EPR2 en 70 mois, à compter de la coulée du premier béton nucléaire. La DINN précise que ce délai s’applique pour la réalisation du réacteur récurrent, c’est-à-dire « à design constant, et après avoir bénéficié de l’apprentissage des premières réalisations ». Elle juge le délai de 70 mois comme étant une « ambition industrielle élevée mais atteignable dans la perspective de réalisation d’un programme industriel de grande ampleur, puisqu’il s’agit en effet des meilleures performances démontrées à date ». Elle souligne que le groupe EDF devra en « démontrer la faisabilité dans le cadre du programme EPR2 et en préciser l’horizon d’atteinte à l’occasion de la remise des travaux de chiffrage, en coûts et en délais, attendue pour la fin d’année 2025 ».
L’ASNR a attiré l’attention de vos rapporteurs sur la nécessaire vigilance concernant la qualité de la construction et des fabrications, ainsi que sur la correcte association au projet de la chaîne de sous-traitance au-delà du rang 1. L’Autorité relève la cadence importante envisagée pour le programme : « Le programme EPR2 démarre (…) sur un rythme élevé d’une paire de réacteurs tous les trois ans. Cette situation fait peser une pression importante sur les acteurs industriels, avec le risque que, confrontés à des objectifs irréalistes, le respect des échéances prenne le pas sur la qualité ». Elle constate cependant que la filière se prépare depuis plusieurs années au programme NNF. Un contrat stratégique de filière nucléaire a été signé le 10 juin 2025. Il décline quatre priorités, rappelées par la DGE : renforcer de la performance industrielle de la filière, disposer des emplois et des compétences nécessaires à la montée en cadence, soutenir la R&D et l’émergence des réacteurs nucléaires innovants et répondre aux enjeux de transition écologique.
L’ASNR insiste aussi sur l’importance de la stabilité des référentiels pour réaliser les réacteurs, qui contribue à la qualité de cette réalisation et, in fine, à leur sûreté.
La question des compétences nécessaires pour tenir tant le rythme de construction que les standards de qualité associés est un autre enjeu important, ce point ayant été particulièrement relevé par les représentants des organisations syndicales lors de leur audition. Celles-ci n’estiment pas comme acquise la capacité à tenir le délai de 70 mois. Le comité social et économique central (CSEC) d’EDF souligne que la tenue des délais dépendra de la clarté de la commande politique et de l’organisation et de la structuration collective de la filière, ainsi que de « la capacité à mobiliser les compétences humaines dans de bonnes conditions de travail ».
Vos rapporteurs se sont également interrogés sur les enjeux de dispersion des priorités, des moyens et des compétences compte tenu des autres chantiers nucléaires sur lesquels EDF travaille à l’étranger, la Cour des comptes ayant formulé une recommandation à ce sujet dans son rapport de suites sur la filière EPR (voir infra). Tant EDF que les syndicats ont relevé l’importance de ces chantiers pour le maintien des compétences et de la pérennité de la filière, l’exploitant ayant par ailleurs indiqué que le niveau d’investissements et de risques est différent de celui du programme français (à titre d’illustration, 12,5 % de participation d’EDF au capital du projet Sizewell C au Royaume-Uni). Le CSEC d’EDF indique de son côté que « des travaux complémentaires sont en cours pour évaluer finement les conséquences industrielles de ces projets sur le programme EPR2 français ».
Vos rapporteurs rappellent que le temps de construction des réacteurs et la capacité à tenir le calendrier imposé ne sont pas des facteurs négligeables en termes de coût : on peut par exemple penser aux intérêts intercalaires, liés à l’immobilisation des fonds nécessaires à la construction du projet jusqu’à sa mise en service.
b. Un coût du projet encore méconnu et des incertitudes sur son financement
Dans son rapport de suites sur la filière EPR de janvier 2025, la Cour des comptes a publié les derniers chiffres à disposition sur le coût du programme NNF, en comparaison avec un premier chiffrage datant de 2022.
Derniers chiffrages des coûts du programme NNF rendus publics pour les 6 EPR2
Coûts de construction hors intérêts intercalaires |
Coût de production actualisé |
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Chiffrage 2022 |
Chiffrage 2023 |
Chiffrage 2022 |
Chiffrage 2023 |
51,7 Md€2020 |
67,4 Md€2020 (79,9 Md€2023) |
60€2020/MWh avec un CMPC de 4 % |
79,9€2020/MWh (92,9€2023/MWh) avec un CMPC de 4 % |
Source : Cour des comptes, La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants, janvier 2025.
Dans son dernier rapport sur le modèle économique d’EDF, la Cour des comptes expose qu’« en mai 2023, EDF évaluait par ailleurs à 111 Md€2020 (132 Md€2023) le coût total overnight ([72]) d’un programme de 14 EPR2 dont les trois premières paires auraient coûté 51,7 Md€2020. Toutes choses égales par ailleurs, la réévaluation de ce dernier coût porterait à 126,4 Md€2020 (150 Md€2023) le coût des 14 EPR2 ».
La DINN a rappelé à vos rapporteurs qu’un chiffrage engageant de la part d’EDF, en matière de coûts et de calendrier, est attendu pour la fin de l’année 2025. L’État réalisera un audit sur ce chiffrage au premier trimestre 2026, avant une décision finale d’investissement d’EDF qui doit intervenir au second semestre 2026. L’approbation, par la Commission européenne, du schéma de financement du programme doit également intervenir à cet horizon.
Les principales conclusions de la Cour des comptes sur les coûts de la filière EPR
Le rapport « La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants », publié en janvier 2025, fait suite à un premier rapport de la Cour des comptes sur la filière EPR, publié en juillet 2020. Celle-ci conclut que malgré l’organisation de la filière nucléaire française pour répondre au chantier des futurs EPR, celle-ci « est loin d’être prête et doit encore surmonter de nombreux défis dont certains sont préoccupants ».
La Cour insiste notamment sur l’absence de suivi de sa recommandation de 2020 sur le calcul de la rentabilité prévisionnelle de FLA3 et de l’EPR2. Les incertitudes sur le financement du programme NNF, mais aussi sur l’avancement de la conception de l’EPR2, pèsent sur le programme proprement dit, et sur la sécurisation de l’ensemble de la filière industrielle qui y participe.
Le coût total de construction du projet FLA3 est estimé dans le rapport à 23,7 Md€2023. La Cour fait état du refus délibéré et persistant d’EDF « de communiquer à la Cour des informations sur la rentabilité et le coût de production prévisionnels ». EDF justifie le refus de fournir des chiffres sur la rentabilité prévisionnelle par deux raisons. D’une part, FLA3 étant une tête de série, les principaux enjeux du projet étaient de conserver les compétences de la filière et de préparer le déploiement de la technologie EPR. D’autre part, compte tenu du mode de pilotage de cette tranche : elle ne s’inscrit pas dans une logique « standalone » qui impliquerait une maximisation de la rentabilité marginale aux bornes de l’actif . Dans son rapport de septembre 2025 sur le modèle économique d’EDF, la Cour a estimé que le taux de rendement interne de FLA3 « pourra sans doute difficilement atteindre 4 % en termes réels, soit une rentabilité nominale de moins de 6 % ».
S’agissant du programme EPR2, la Cour des comptes rappelle l’importance d’avancer suffisamment sur les paramètres de financement et de conception pour affermir la décision finale d’investissement. Elle formule deux recommandations, que vos rapporteurs partagent pleinement :
– « retenir la décision finale d’investissement du programme EPR2 jusqu’à la sécurisation de son financement et l’avancement des études de conception détaillée conforme à la trajectoire visée pour le jalon du premier béton nucléaire » ;
– « s’assurer que tout nouveau projet international dans le domaine du nucléaire soit générateur de gains chiffrés et ne retarde pas le calendrier du programme EPR2 en France ».
Malgré l’absence d’un chiffrage actualisé du programme NNF, les modalités de financement envisagées par l’État ont déjà été annoncées. Elles sont en cours de discussion avec la Commission européenne. Le schéma de financement retenu pour les six premiers EPR2 serait le suivant :
– pour la phase construction, un prêt bonifié couvrant au moins la moitié des coûts ;
– pour la phase exploitation, un CfD avec un prix d’équilibre maximal de 100 €2024/MWh.
Ce schéma de financement se rapproche de celui retenu pour la centrale tchèque de Dukovany, ce qui devrait être de nature à faciliter les échanges avec la Commission européenne pour lui faire valider ce modèle de financement. Dans le cas de la centrale de Dukovany, le prêt à taux zéro de l’État couvrirait cependant 98 % des coûts d’investissement.
EDF indique que le prix cible de 100 €/MWh a été déterminé « pour permettre d’atteindre le niveau de rentabilité minimum pour engager le programme EPR2, en tenant compte du soutien au financement accordé par l’État, du partage des risques entre l’État et EDF, et des contraintes européennes ». La DINN souligne que le prix d’équilibre final résultera « de la prise en compte de trois facteurs : le devis du projet (coût, calendrier de réalisation) ; le niveau de rentabilité escompté par EDF ; le quantum de la part de financement État dans le programme ». Il convient de ne pas confondre ce prix cible, qui est le tarif de référence du CfD, avec le prix final de vente de l’électricité au consommateur.
Vos rapporteurs observent qu’un CfD permet certes de protéger EDF en cas de prix de marchés bas ; mais que si les coûts de production s’avèrent plus élevés que le prix cible, ceux-ci ne seront pas totalement couverts. La question de l’articulation avec le mécanisme du VNU et de la fixation des seuils de taxation et d’écrêtement se pose également, puisque ceux-ci doivent permettre à EDF de dégager des revenus pour financer le programme du NNF.
La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2025 sur le modèle économique d’EDF, alerte d’ailleurs sur la nécessaire vigilance concernant le juste financement du nouveau parc nucléaire par les consommateurs : « si l’on constatait, au moment de la mise en service du parc futur, que la construction de ce dernier a été financée en partie par les consommateurs actuels (par des prix excédant les coûts complets du parc actuel), la question de la prise en compte de cette contribution pour la fixation du prix du CfD du parc futur mériterait d’être posée, au même titre que la prise en compte des autres contributions de la collectivité au financement de la construction du parc d’EPR2, dont le prêt bonifié de l’État ».
La DINN estime que dans le cas où les huit EPR2 supplémentaires seraient réalisés, compte tenu de la réutilisation du design, de l’atteinte de l’optimum industriel et des économies d’échelle, à cadre de financement et de régulation inchangé, « le prix d’équilibre du second sous-palier de 8 EPR2 pourrait être environ 25 % inférieur à celui du premier ».
Quant au financement de la phase construction grâce à un prêt bonifié, l’une des options envisagées par le Gouvernement est de recourir au fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Les fonds du livret A pourraient ainsi être mobilisés pour financer le programme NNF. Vos rapporteurs insistent sur le fait que cet éventuel mode de financement ne doit en aucun cas concurrencer le financement du logement social au point de le remettre en cause, celui-ci s’appuyant déjà sur ces fonds.
La DINN souligne que d’autres options de financement ont été étudiées, mais qu’elles ont été écartées :
– le financement par subvention pouvait « soulever des doutes sur son acceptabilité par la Commission européenne et aurait eu des conséquences plus importantes sur les finances publiques qu’un prêt » ;
– un financement en fonds propres n’aurait pas permis de faire baisser le coût du capital ;
– un financement de type base d’actifs régulés (similaire à un Cfd, mais qui démarrerait dès la phase de la construction) aurait transféré le risque vers la collectivité et aurait été peu incitatif pour EDF.
Plusieurs personnes auditionnées soulignent que plus la part du projet financée par l’État est importante, plus le coût moyen pondéré du capital (CMPC) sera faible, ce qui diminuera le coût du projet. La Cour des comptes, dans son rapport sur EDF de septembre 2025, a souligné qu’un prêt bonifié de l’État ne réduira que marginalement le niveau d’endettement financier net du groupe, contrairement à une avance remboursable ou à une régulation sur le modèle d’une base d’actifs régulés. Elle relève par ailleurs l’absence de politique claire de l’État sur la politique de dividendes appliquée à EDF, alors que le versement ou non de ceux-ci peut avoir des conséquences significatives sur le financement du projet : « le renoncement à un dividende en numéraire à hauteur de 50 % du résultat net à partir de 2026 ferait quant à lui passer l’endettement financier net fin 2040 de 190 à 104 Md€ (dans un scénario de prix à 70 €2022/MWh), tout en privant l’État de plus de 65 Md€ de recettes budgétaires sur la période ».
Le partage des risques en cas de dérapage des coûts mérite aussi d’être précisé. En réponse à une interrogation de vos rapporteurs à ce sujet, la DGEC a indiqué qu’« en cas de dérapage des coûts, l’État pourrait compenser certains surcoûts pour autant qu’ils relèvent de causes exogènes, liés à la réalisation d’événements ou changements de circonstances hors du contrôle et de la volonté d’EDF et de ses cocontractants ». La Cour des comptes appelle l’État à fixer les modalités du partage de risques préalablement à la décision finale d’investissement du programme NNF.
Dans tous les cas, vos rapporteurs notent le peu d’informations actualisées disponibles sur les différentes composantes du coût du programme NNF, incluant son financement, et ce alors même qu’il s’agit d’un projet structurant pour le futur énergétique du pays ainsi que pour le montant des factures des consommateurs.
Greenpeace rappelle que les estimations du coût du programme NNF ont déjà été revues à la hausse entre 2022 et 2023 et plaide pour une mise à jour des scénarios Futurs énergétiques 2050 de RTE avant toute décision sur la réalisation de celui-ci. D’après leurs propres calculs « et les hypothèses de coûts et de délais – très peu réalistes – d’EDF, le prix des électrons produits par les EPR2 seraient de 110€/MWh (sur la base du coût overnight actualisé par la Cour des comptes à 79,9 Md€, en prenant en compte un prêt à 0 % pendant la durée de construction, sur 55 % de l’investissement) ».
La DINN fait néanmoins observer que les estimations de coûts du programme NNF apparaissent compétitifs par comparaison à ceux des programmes tchèque ou polonais, d’après les estimations disponibles : respectivement entre 11,7 Md€ et 13,3 Md€ par GW pour l’AP1000 en Pologne, et 8,5 Md€ par GW pour Dukovany en République Tchèque (estimations en valeur 2024). Pour mémoire, les dernières estimations disponibles pour les 6 EPR2 établissent leur coût à 67,4 Md€2020 (79,9 Md€2023) : la puissance d’un EPR2 étant de 1,6 GW, cela équivaut à un coût d’environ 7,02 Md€2020 par GW (8,32 Md€2023). La comparaison présente toutefois des limites en l’absence de chiffres à jour pour le programme NNF.
Le CSEC d’EDF souligne également les risques de multiplication des modes de financement propres à chaque filière – et au sein même d’une filière avec deux systèmes différents pour le nucléaire historique et le nouveau nucléaire –, auxquels s’ajouterait la solution spécifique envisagée pour les barrages hydroélectriques (voir infra). Il estime que cela ouvre la voie, à terme, « à une dislocation comptable et patrimoniale de l’entreprise, contraire à la logique d’un mix intégré, pilotable et mutualisé ».
Le contentieux lié au renouvellement des concessions hydroélectriques françaises
La France est visée depuis une dizaine d’années par deux procédures précontentieuses avec la Commission européenne au sujet du renouvellement de ses concessions hydroélectriques. Elle refuse en effet d’ouvrir celles-ci à la concurrence lorsqu’elles arrivent à échéance, comme l’impose pourtant le droit de l’Union européenne. La Commission estime également que l’exploitation par EDF de l’essentiel de ces concessions, sans mise en concurrence, conduirait l’opérateur à abuser de sa position dominante. Ce refus de mise en concurrence fait l’objet d’une forte unanimité au niveau national.
Une récente mission d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont votre rapporteur Philippe Bolo était corapporteur avec Mme Marie-Noëlle Battistel ([73]), a étudié les différentes pistes de sortie des précontentieux, retenant en particulier la révision de la directive « Concessions » ([74]) pour exclure de son champ d’application les ouvrages hydroélectriques, d’une part et le passage à un régime d’autorisation, d’autre part.
Fin août 2025, le Premier ministre François Bayrou a annoncé qu’un accord de principe avait été trouvé avec la Commission européenne pour sortir des précontentieux ([75]).
Votre rapporteur Philippe Bolo salue cette première étape fondamentale pour relancer les investissements dans les ouvrages hydroélectriques selon un schéma qui a permis d’obtenir un accord de principe de la Commission européenne. Après échange avec les exploitants et les représentants du personnel, il prévoit le passage du régime de concession à un régime d'autorisation en maintenant les exploitants en place afin de garantir la continuité de service au regard des enjeux de sécurité, de gestion de l’eau, de maintien des compétences et des emplois locaux, et de retour de valeur sur les territoires. Il comporte également la mise à disposition par EDF de puissances hydroélectriques à des tiers, selon des principes qui ne peuvent être comparés à un nouvel Arenh « hydro » et dont la mise en œuvre se fera sous le contrôle de la CRE.
À l’inverse, votre rapporteur Maxime Laisney s’oppose à cet accord, qui ne répond pas au refus de mise en concurrence et plaide, à défaut de révision de la directive « Concessions », pour la mise en place d’une quasi‑régie, qui lui apparaît comme étant la seule solution pour maintenir une véritable maîtrise publique du parc hydroélectrique. Il souligne également que les conséquences de cet accord, si celui-ci venait à être transcrit dans la loi, demeurent à préciser, dans la mesure où l’accord prévoit la vente, par un système d’enchères, de près d’un tiers (environ 6 GW) de la production hydroélectrique d’EDF.
Recommandation n° 5 de M. Laisney : À défaut d’une révision de la directive « Concessions », créer une quasi-régie pour la gestion et l’exploitation des ouvrages hydroélectriques.
Votre rapporteur Maxime Laisney rappelle son opposition ferme à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, compte tenu des coûts conséquents à prévoir, des incertitudes pesant sur la conception des EPR, des enjeux de gestion et de stockage des déchets nucléaires, de la dépendance que l’énergie nucléaire crée vis-à-vis de puissances étrangères, en particulier de la Russie, ou encore des délais de mise en service des nouveaux réacteurs, qui sont incompatibles avec l’urgence de la lutte contre le changement climatique. Il regrette également que le débat concernant la politique énergétique du pays se focalise autour du développement du nucléaire, plutôt que sur le nécessaire triptyque combinant le développement de la sobriété, de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
Au contraire, votre rapporteur Philippe Bolo est favorable aux investissements dans de nouvelles capacités nucléaires qu’il juge indispensables à l’atteinte des objectifs de politique énergétique en complément du développement des EnR, tout en affirmant sa plus grande vigilance sur les coûts du projet. Il rappelle que dans le cadre de son rapport Futurs énergétiques 2050, RTE a jugé que les scénarios prévoyant la prolongation des réacteurs existants et la construction de nouveaux réacteurs apparaissaient dans l’ensemble « plus compétitifs pour la collectivité que ceux tendant vers 100 % de renouvelable, du fait de moindres besoins de réseau et de flexibilités ». Ces conclusions ont été vérifiées en faisant varier de nombreuses hypothèses : seules des configurations très spécifiques conduisent à inverser l’interclassement économique des scénarios selon RTE, à savoir « un coût des EnR très bas et un coût du nouveau nucléaire extrêmement élevé, au niveau de Flamanville 3 pour tout le programme, ou un coût du capital élevé pour le seul nouveau nucléaire, et faible pour les technologies renouvelables ».
Vos rapporteurs s’accordent sur la nécessité de disposer d’informations détaillées et à jour sur le coût du programme NNF. Au-delà de l’audit qui en est prévu par l’État, ils souhaitent que le chiffrage actualisé du programme demandé par l’État à EDF pour la fin de l’année 2025 fasse l’objet d’une analyse de la Cour des comptes. S’agissant d’un choix de politique énergétique mobilisant d’importantes ressources financières de la Nation et avec des conséquences durables et difficilement réversibles, ils jugent en effet fondamental de renforcer la transparence autour du coût de ce programme, ainsi que sur les répercussions de ce coût sur le prix final payé par le consommateur, et donc de disposer d’informations publiques et indépendantes à ce sujet avant d’engager la décision finale d’investissement.
Recommandation n° 6 de M. Laisney : Renoncer à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Recommandation n° 7 : Mandater la Cour des comptes pour analyser le chiffrage actualisé des coûts du programme du nouveau nucléaire français et sa traduction sur le prix de l’électricité produite à court, moyen et long terme, avant d’engager la décision finale d’investissement.
2. Un soutien aux énergies renouvelables à maintenir tout en procédant à certains aménagements
Les contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération, dont le fonctionnement a été décrit précédemment, soutiennent le développement des EnR. Ce soutien est financé par les charges de service public de l’énergie (CSPE).
Avant 2016, les CSPE étaient financées directement par le consommateur final d’électricité à travers un prélèvement dédié sur sa facture. La loi de finances rectificative pour 2015 les a réintégrées au budget de l’État. Entre 2017 et 2020, elles étaient financées grâce à l’affectation d’une fraction des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques et sur les charbons au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Cependant, ce compte a été supprimé et les CSPE sont désormais financées grâce au programme 345 « Service public de l’énergie ». Mme Hélène Gassin, présidente du comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE), a souligné que « la difficulté préalable à la réforme [de 2016] concernait (…) les consommateurs qui finançaient directement les dépenses et EDF OA qui avait une dette CSPE ».
Les coûts de soutien aux énergies renouvelables tels que les engagements sont constitués à fin 2024 sont amenés à décroître, comme le soulignent les dernières prévisions du CGCSPE. Vos rapporteurs rappellent aussi qu’en 2022 et en 2023, au cours de la crise, les énergies renouvelables électriques ont rapporté au total 5,5 Md€ au budget de l’État ([76]), les charges de service public à compenser étant alors négatives compte tenu des prix très élevés sur les marchés.
Chroniques de charges des engagements à fin 2024 (en Md€2024) selon le scénario de prix médian du CGCSPE et sensibilité avec le scénario de prix bas
Source : Sixième rapport annuel du CGCSPE
Concernant les coûts de production proprement dits, le CGCSPE souligne leur potentiel impact budgétaire dans sa contribution au projet de PPE3 ([77]), relevant notamment que « L’évolution, par exemple, des taux d’intérêt ou du prix des matières premières dont certaines sont déterminantes dans le coût de production des filières, doit rester un élément de vigilance ». Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) propose plusieurs pistes pour favoriser le soutien à l’investissement des producteurs d’énergie renouvelable, notamment l’accès à des taux bonifiés pour les emprunts destinés à financer de tels projets, faisant observer qu’un tel dispositif est prévu dans le cadre du financement du programme NNF.
Le CGCSPE a également produit une analyse des tarifs des contrats de soutien à horizon 2035 des différentes filières renouvelables pour les nouveaux engagements nécessaires à l’atteinte des objectifs de la PPE3.
Hypothèses de tarifs des contrats de soutien prises par le CGCSPE pour les nouveaux engagements PPE3 pris en 2025, 2030 et 2035
Source : Avis du CGCSPE sur le projet de PPE3.
Vos rapporteurs saluent le travail du CGCSPE sur l’ensemble de ces enjeux. Sa présidente a rappelé qu’il était initialement prévu qu’un député et un sénateur siègent au sein de cette instance. Depuis la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, celle-ci doit être effectuée en application d’une disposition législative ; or, le fondement de la participation de membres du Parlement au CGCSPE est réglementaire ([78]). Compte tenu du rôle important de ce comité pour analyser les charges de service public de l’électricité, y compris de manière prospective, vos rapporteurs appellent donc à faire évoluer la loi afin de garantir que des membres du Parlement y soient désignés.
Recommandation n° 8 : Modifier la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement, afin de permettre la nomination d’un député et d’un sénateur au sein du comité de gestion des charges de service public de l’électricité.
Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques pourraient être améliorés sur deux points, déjà mentionnés dans la deuxième partie du présent rapport.
Premièrement, il a été rappelé que le niveau des CSPE est sensible aux prix spot de l’électricité, en raison des modalités d’indexation de la référence des prix de marché. Dans son rapport de juin 2025 sur le bilan du complément de rémunération ([79]), la CRE formule neuf recommandations pour mieux calibrer ce prix de marché de référence. Le régulateur s’est notamment intéressé à cette corrélation aux prix du spot et suggère de mettre en place une couverture par l’État des volumes soutenus, afin « de limiter l’exposition du budget de l’État aux marchés de court terme et d’améliorer la liquidité sur les marchés à terme » (recommandation n° 3 du rapport de la CRE). Une option alternative aurait été d’intégrer des références de prix à terme dans ce calcul ; la CRE estime toutefois que cela conduit à un risque accru pour le producteur, ce qui peut renchérir le coût du soutien. Elle souligne par ailleurs que cela peut créer des incitations contraires au bon fonctionnement du système électrique en cas de forte volatilité entre prix spot et prix à terme, et serait difficilement envisageable pour les contrats en cours. Vos rapporteurs appellent dans tous les cas à faire évoluer cette référence de prix de marché afin que le niveau des prix spot pèse dans une moindre mesure sur le budget de l’État.
Deuxièmement, la fréquence croissante des prix négatifs a conduit à de récentes évolutions du droit pour améliorer la contribution des EnR à l’équilibrage du réseau électrique ainsi que les incitations pour ces installations à arrêter de fonctionner en cas de prix négatifs.
Dans la droite ligne des recommandations de la CRE de novembre 2024 sur le sujet ([80]), l’article 175 de la loi de finances pour 2025 et l’article 18 de la loi du 30 avril 2025 ([81]) prévoient notamment :
– l’arrêt des installations sous obligation d’achat d’une puissance supérieure à 10 MW en cas de prix négatifs. Selon le régulateur, cette mesure devrait s’appliquer courant 2026, après la publication d’un arrêté attendu pour la fin de l’année 2025. La CRE précise aussi que « les parcs éoliens en mer sous obligation d’achat s’arrêtent déjà en période de prix négatifs depuis avril 2025, à la suite de la signature d’un avenant sur une base volontaire, qui prévoit des conditions particulières pour les arrêts (avec notamment certains droits à l’erreur compte tenu du caractère volontaire de la démarche) » ;
– une obligation de participer au mécanisme d’ajustement pour les installations d’une puissance supérieure à 10 MW, qui devrait s’appliquer à compter de début 2026, toujours selon la CRE.
Vos rapporteurs soulignent que ces phénomènes doivent également nous interroger sur notre trajectoire d’électrification, car ils témoignent aussi d’une demande insuffisamment dynamique pour permettre d’électrifier les usages.
Enfin, les coûts des énergies renouvelables posent nécessairement la question des coûts de raccordement aux réseaux attenants. La CRE a récemment rappelé que selon RTE et Enedis, environ 18 Md€ d’investissements sont prévus pour le raccordement au réseau des EnR terrestres d’ici 2040, partiellement financés par les producteurs eux-mêmes. 37 Md€ sont par ailleurs prévus à la même échéance pour le raccordement des éoliennes en mer, intégralement financé par le Turpe ([82]). Ces coûts ne doivent pas être confondus avec le coût total des investissements « réseau » prévus par RTE et Enedis (respectivement 100 Md€ et 90 Md€ environ à l’horizon 2040), non exclusivement consacrés au raccordement des EnR et qui permettront notamment de garantir la résilience des réseaux aux événements climatiques extrêmes.
C. La nécessité de réinterroger en profondeur notre modèle de régulation
Les rapporteurs sont convaincus qu’il faut rapprocher les prix et les coûts de production, mais à leur sens, les dispositifs devant succéder à l’Arenh n’en prennent pas suffisamment le chemin. Ils ont donc souhaité étudier des modèles de régulation alternatifs, dont certains parfois insuffisamment évoqués dans le débat public.
1. Réguler l’ensemble de la production décarbonée par CfD : un minimum pour parvenir à rapprocher prix et coûts de production ?
Si l’on souhaitait utiliser les possibilités offertes par le cadre juridique actuel, une première solution pour rapprocher prix et coûts de production consisterait à mettre en place un contrat pour différence (CfD) sur la production nucléaire existante. Plus encore, il pourrait être envisagé de réguler l’ensemble du parc de production décarboné via ce type de contrat.
Comme le remarque la commission d’enquête du Sénat sur les prix de l’électricité, qui défend la mise en place d’un CfD sur l’ensemble du parc décarboné, ce type de régulation aurait des conséquences positives sur le calcul de la part « approvisionnement » des TRVe, estimant que celle-ci pourrait presque être divisée par deux par rapport au modèle actuel des TRVe (avant la mise en place du VNU) ([83]). Plusieurs acteurs interrogés durant les auditions ont eux aussi défendu la mise en place d’un CfD sur la production nucléaire existante.
Le CSEC d’EDF souhaite que soit appliqué à la production d’électricité décarbonée un CfD global, avec un prix plancher et un prix plafond : cela permettrait notamment de mutualiser les risques entre les différentes technologies, mais aussi de « porter un rapport de force différent à Bruxelles, en appui sur la spécificité du modèle français : un mix pilotable, public et bas-carbone ».
Appliquer un CfD sur l’ensemble de la production décarbonée n’est cependant pas sans inconvénients.
Il a déjà été souligné qu’un tel mécanisme de régulation serait très probablement assimilé à une aide d’État par la Commission européenne, étant donné qu’il garantit à EDF un certain niveau de revenus.
Mme Anne Debrégeas souligne par ailleurs qu’avec un CfD, le producteur demeure exposé au risque volume, ainsi qu’à un risque prix partiel, afin de maintenir une incitation au placement. Elle relève également qu’un investissement direct de l’État dans les moyens de production concernés est préférable à un CfD, car l’État dispose de meilleures conditions de financement et permettra d’obtenir un CMPC moins coûteux.
La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2025 sur le modèle économique d’EDF, souligne qu’un CfD sur le parc existant serait nécessairement fondé sur les coûts complets de production et ne permettrait pas à EDF « d’autofinancer l’ensemble de son programme d’investissement (avec une politique de dividendes reversant à l’État 50 % du résultat) sans accroissement excessif de son endettement net », en particulier compte tenu du coût du programme NNF.
Vos rapporteurs notent que le mécanisme retenu pour succéder à l’Arenh engage quant à lui le consommateur à payer au-delà des coûts de production d’EDF en cas de prix hauts. Ils soutiennent la nécessité de disposer de davantage de transparence sur les coûts d’EDF et les investissements projetés, dans la droite ligne du récent rapport réalisé par la Cour des comptes à la demande du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale (voir supra).
2. La mise en place d’un acheteur public : une solution intermédiaire qui mérite d’être approfondie
Vos rapporteurs se sont également intéressés à une solution peu étudiée : la mise en place d’un acheteur unique d’électricité.
L’idée d’acheteur unique (AU) prend racine en France, dans les années 1990, alors que sont négociées les modalités d’ouverture du marché de l’électricité. Elle avait été proposée dans le rapport Mandil ([84]) pour tenter de concilier cette ouverture et la préservation du modèle d’EDF. L’AU aurait été chargé d’acheter toute la production d’électricité destinée au marché national, puis de la revendre en garantissant « la planification, le service public et le tarif uniforme » ([85]). Les industriels les plus consommateurs d’énergie (dits « éligibles ») auraient pu acheter directement de l’électricité auprès de fournisseurs tiers, mais uniquement étrangers. La proposition ayant été jugée trop restrictive pour l’exercice de la concurrence par la Commission européenne, elle n’a pas été pas reprise en l’état.
La notion d’AU est cependant conservée pour qualifier un dispositif inspiré de celui proposé par la France. L’article 2 la directive de 96/92/CE ([86]) le définit comme « toute personne morale qui, dans le réseau dans lequel elle est établie, est responsable de la gestion unifiée du système de transport et/ou de l’achat et de la vente centralisés de l’électricité ». La possibilité pour les industriels dits « éligibles » de conclure des contrats d’approvisionnement directement avec des producteurs est préservée.
La France n’a pas adopté ce modèle, en particulier compte tenu des conditions strictes imposées à l’AU si celui-ci est une entreprise d’électricité verticalement intégrée. En effet, l’article 15 de la directive 96/92/CE dispose que dans ce cas, l’État membre concerné doit établir « des dispositions requérant que l’activité de l’acheteur unique soit gérée séparément des activités de production et de distribution de l’entreprise intégrée » et qu’il n’y ait pas de flux d’information entre ces activités, autres que l’information nécessaire pour assurer les responsabilités d’AU.
L’Italie a mis en place un AU en 1999 par le décret dit « Bersani » ([87]). L’AU italien achète la production électrique et revend ensuite cette électricité aux clients via les distributeurs selon des tarifs régulés. Toutefois, ces tarifs ont vu leur champ progressivement restreint, en particulier compte tenu de l’évolution du droit de l’Union européenne. À partir de 2007, tout client peut choisir son fournisseur et à partir de 2017, l’AU doit totalement s’approvisionner sur le marché journalier. D’autres variantes de l’AU ont été mises en place ailleurs dans le monde, par exemple en Ontario ou au Brésil.
Le modèle de l’AU est donc une alternative à la libre fixation des prix sur le marché, qui pourrait permettre de rapprocher les prix de coûts de production. Selon ses conditions de mise en œuvre, il permet aussi de supprimer un certain nombre d’intermédiaires entre producteur et consommateur et à la puissance publique de conserver un droit de regard sur les prix d’achat et de revente de l’électricité.
Le CSEC d’EDF souligne, parmi les avantages du dispositif (tout en pointant certaines limites, cf. infra) que l’AU permet d’assurer la centralisation des besoins du réseau, le pilotage des investissements dans les moyens de production et la distribution équitable de l’électricité selon un juste tarif.
Cependant, la mise en place d’un acheteur unique pose plusieurs questions sous-jacentes :
– qui doit être l’acheteur unique : RTE ? EDF ? Une nouvelle entité ? Si ce rôle était dévolu à EDF, il faut se rappeler des limites évoquées supra concernant le maintien d’un modèle verticalement intégré de l’entreprise. Dans le cas où ce rôle n’est pas confié à EDF, le CSEC de l’entreprise craint une fragilisation de l’opérateur, qui perdrait sa place d’acteur essentiel du service public de l’électricité : « Si EDF devient un producteur parmi d’autres face à un acheteur unique, sa spécificité de service public, ses missions de sûreté (nucléaire, hydraulique) et ses investissements de long terme risquent d’être mal pris en compte. Il faut donc s’assurer que ce modèle ne fragilise pas EDF, mais au contraire lui permette de jouer son rôle structurant dans le système énergétique français » ;
– la mise en place d’un AU doit-elle être combinée avec l’instauration de tarifs réglementés à l’aval ? Si oui, pour qui ? Instaurer des tarifs réglementés au-delà de ce qui est actuellement autorisé soulèverait de nouvelles problématiques de conformité au droit de l’Union européenne ;
– les fournisseurs auraient-ils vocation à disparaître ? La réponse est plutôt oui si un tarif réglementé pour tous est appliqué aux consommateurs finals ;
– selon quelles modalités l’AU s’approvisionnerait-il en énergie : sur le marché ? Via un mécanisme d’enchères dédié ? Des contrats de long terme ? ;
– les conséquences sur la sécurité d’approvisionnement, le dispatching et le calcul des coûts de production : comment inciter les producteurs au placement optimal de la production ? Comment les inciter à déclarer leurs vrais coûts ?
– les modalités précises d’application du dispositif, dont la mise en œuvre opérationnelle pourrait s’avérer complexe.
Enfin, la question de la compatibilité de l’instauration d’un AU national avec le droit de l’Union européenne se pose.
La CRE souligne que la faculté d’instaurer un acheteur unique n’a pas été reprise dans les directives postérieures à celle de 1996. Si la centralisation de l’achat et de la vente d’électricité n’est pas interdite par principe à son sens, elle souligne cependant que « l’électricité devrait être vendue à tous les horizons de temps selon un processus transparent et non discriminatoire qui prendrait vraisemblablement la forme d’enchères afin de garantir la libre formation des prix. Dans une telle hypothèse, l’acheteur unique aurait la même fonction que le marché à terme actuel, sous une forme qui pourrait porter atteinte au rôle des signaux de prix par exemple pour la flexibilité ». Autrement dit, la CRE s’interroge sur la plus-value, en termes d’allocation des moyens de production, de l’AU par rapport au marché actuel.
RTE estime qu’un système d’acheteur unique est théoriquement possible, mais que « la France s’est historiquement toujours refusée à privilégier un tel système ». Si un AU était toutefois mis en place, RTE estime que c’est à lui que devrait échoir ce rôle en tant que gestionnaire du réseau de transport, « en situation de monopole et disposant de la capacité de centraliser tous les flux ». Il relève cependant la complexité qu’impliquerait une transition vers ce type de modèle, qui serait « particulièrement dérogatoire par rapport aux systèmes retenus au sein des pays voisins ».
Pour la DGEC, l’AU n’est pas compatible avec le fonctionnement d’un marché de gros intégré à l’échelle européenne. Elle craint également une utilisation sous-optimale des moyens de production compte tenu de l’activation de ceux-ci par un acteur qui le ferait « en fonction de son estimation du besoin national ». Plusieurs acteurs alertent aussi sur la perte du signal-prix permis par le fonctionnement actuel du marché de l’électricité. L’Ademe souligne par ailleurs la nécessité de « garantir une rémunération suffisante pour financer les EnR et le nouveau nucléaire ».
Vos rapporteurs jugent que l’acheteur unique est une piste intéressante pour rapprocher les prix et les coûts de production, en supprimant notamment un certain nombre d’intermédiaires de marché et en permettant la planification de l’allocation des moyens de production par un acteur public. Ils encouragent à lancer une étude approfondie de ce modèle afin de lever les questionnements juridiques et techniques précédemment soulevés. Le CSEC a indiqué à vos rapporteurs avoir d’ailleurs « lancé des travaux d’expertise sur cette question, afin d’éclairer les décideurs publics sur les risques, les leviers et les conditions de succès d’un tel dispositif ». Considérant les interrogations que soulève la mise en place d’un acheteur unique et les réponses qu’il est nécessaire de leur apporter, l’étude est nécessaire pour valider la pertinence d’un tel modèle et en mesurer les conséquences sur notre système électrique, ainsi que sur les prix pour le consommateur final.
Recommandation n° 9 : Étudier la mise en place d’un acheteur unique national, intégré aux échanges européens d’électricité.
3. Une solution rompant radicalement avec le marché : le rétablissement d’un TRVe pour tous et du monopole sur la fourniture et les grands moyens de production d’électricité
a. Le rétablissement des TRVe pour tous, fixés aux coûts de production
La modification des TRVe soulève deux enjeux : d’une part leur mode de calcul, d’autre part l’éligibilité des différentes catégories de consommateurs à ces tarifs.
Pour certains acteurs auditionnés, la nécessité de rétablir à la fois des TRVe fondés sur les coûts de production et de les étendre à l’ensemble des consommateurs est la seule solution pour rapprocher véritablement prix et coûts. En particulier, selon Mme Anne Debrégeas, « pour que les prix reflètent les coûts de production, qui sont essentiellement fixes, et éviter que certains usagers s’accaparent les moyens de production les moins chers au détriment des autres, la seule solution consiste à mutualiser l’ensemble des coûts de production du parc et à les répartir équitablement sur les usagers, en fonction de leur profil de consommation, comme cela est encore fait pour le réseau (Turpe). Cela s’appelle un tarif réglementé de vente pour tous ». Votre rapporteur Maxime Laisney rappelle qu’une proposition de loi en ce sens avait été déposée dans le cadre de la journée réservée à son groupe parlementaire fin 2024, et adoptée en commission des affaires économiques ([88]).
Comme proposé par le CSEC d’EDF, le calcul de ce coût de production pourrait reposer sur une base tarifaire régulée fondée sur l’ensemble des moyens de production décarbonés français, avec un prix plancher et un prix plafond. Le CSEC d’EDF, avec le cabinet de conseil Secafi, a récemment effectué des études pour le calcul d’un tel TRVe ([89]). Les calculs reprennent les différents coûts de production par filière connus aujourd’hui et aboutissent à un TRVe égal à 0,17€/kWh TTC mensuels hors abonnement, soit, selon le comité, l’équivalent du TRVe bloqué début 2022 (et contre 0,21€/kWh pour le TRVe d’août 2023). Les principales hypothèses de calcul sont les suivantes :
– le calcul est fondé sur le coût complet de production du parc EDF (nucléaire historique, hydraulique, EnR pilotables), les frais d’acheminement, les frais de commercialisation et les taxes, selon la ventilation suivante :
Composante |
Montant estimé |
Coût complet moyen de production EDF |
~65 €/MWh (soit 0,065 €/kWh) |
Accès aux réseaux (Turpe) |
~50 €/MWh (0,05 €/kWh) |
Charges de commercialisation et taxes |
~55 €/MWh (0,055 €/kWh) |
Total TTC |
0,17 €/kWh |
Les coûts de production de chaque filière ont été déterminés en croisant plusieurs sources (rapports de la Cour des comptes, de la CRE pour le nucléaire, tarifs des contrats de soutien pour les EnR, seuils de la CRI) et en tenant compte de l’inflation. Les coûts retenus sont de 63 €/MWh pour le nucléaire sur la période 2026-2030, 100 €/MWh sur l’éolien et le photovoltaïque, 60 €/MWh et 100 €/MWh, respectivement, pour l’hydraulique au fil de l’eau et l’hydraulique gravitaire et, enfin, 150 €/MWh pour le thermique ;
– la part « énergie » est structurée en se fondant sur les caractéristiques du mix de production électrique français : 90 % de production décarbonée indexée sur les coûts correspondants et 10 % valorisés à des prix de marché.
Le CSEC souligne que « Ce tarif repose sur des hypothèses prudentes et vérifiables, y compris des amortissements adaptés aux investissements futurs dans le nucléaire et les réseaux ».
Tout comme pour l’Arenh ou le mécanisme post-Arenh, la question centrale du calcul des coûts de production ne manquera pas de se poser. Le CSEC d’EDF souligne la nécessité « d’une gouvernance transparente, avec des mécanismes d’audit indépendants (CRE, Cour des comptes, etc.) pour justifier et expliquer les composantes du tarif ».
L’autre enjeu est de savoir si un tarif aux coûts de production d’EDF permet de financer les investissements colossaux de l’opérateur.
Enfin, le rétablissement de TRVe pour tous et leur fixation aux coûts de production mettrait la France en contradiction frontale avec le droit de l’Union européenne. Néanmoins, vos rapporteurs sont convaincus qu’il est temps d’engager un autre dialogue avec Bruxelles à ce sujet, en faisant valoir l’importance du parc de production français pour la résilience du système électrique européen et la pertinence d’une régulation globale de ce parc, plutôt que de segmenter celle-ci filière par filière.
Considérant les atouts et les faiblesses énumérées, votre rapporteur Maxime Laisney relève que dans une logique de service public de l’électricité et compte tenu des missions assignées par la loi à EDF sur le sujet, un TRVe calculé pour être contestable et entretenir artificiellement une activité de fourniture est dénué de sens. Votre rapporteur Philippe Bolo est, quant à lui, soucieux de ne pas adopter un dispositif dont la conformité au droit de l’UE n’est pas avérée, compte tenu des risques et des blocages qui en découleraient ensuite pour les consommateurs, avec des conséquences significatives sur la chaîne de valeur de la production et de la consommation d’électricité.
Recommandation n° 10 de M. Laisney : Rétablir des TRVe pour tous, fondés sur une régulation unique appliquée à l’ensemble du parc de production décarboné français et reflétant les coûts du système électrique.
b. Le retour au monopole sur la production et la fourniture d’électricité
Selon vos rapporteurs, le rétablissement d’un TRVe pour tous fondé sur les coûts de production impliquerait mécaniquement le retour au monopole d’EDF sur la fourniture, les fournisseurs n’étant alors probablement plus en mesure de présenter des offres compétitives. Comme le souligne Mme Anne Debrégeas, cela « conduirait nécessairement à éliminer toute concurrence sur l’activité d’achat pour revente d’électricité, aujourd’hui au cœur de l’activité des fournisseurs, puisque ceux-ci ne pourront se différencier ni sur le produit ni sur le prix » ([90]).
Défendant la mise en place d’un pôle public de l’énergie, votre rapporteur Maxime Laisney défend également le retour d’un monopole sur les grands moyens de production électriques, c’est-à-dire en dehors de l’autoconsommation ou encore des communautés d’énergie non lucratives. Le rétablissement d’un tel monopole diminuerait notamment le coût du financement nécessaire pour les investissements afférents et permettrait une meilleure planification de ceux-ci. La fragmentation de la production entraîne également des risques de privatisation des installations de production, ce qui est contraire à la logique de service public de l’électricité, alors qu’il y a une vraie logique à mutualiser et à optimiser les coûts et la production à l’échelle d’un parc intégré. Il rappelle aussi que le rétablissement d’un monopole national ne signifie pas l’arrêt des interconnexions avec les pays voisins, ces interconnexions physiques existant préalablement au marché. Des accords avec les différents pays peuvent être mis en place pour maintenir des échanges d’électricité.
La mise en place d’un acteur public centralisé au niveau européen pourrait également être envisagée, dans la même logique que l’acheteur unique évoqué précédemment. Mme Debrégeas, qui soutient cette idée, souligne qu’une décision politique européenne est nécessaire et que cela suppose donc des négociations importantes, « ce qui la classe davantage dans les solutions de moyen ou long terme » ([91]).
Pour votre rapporteur Philippe Bolo, la mise en place d’un monopole est bien moins évidente. Attaché au service public de l’électricité dans l’objectif de servir la notion d’intérêt général, fondée sur les principes de souveraineté énergétique de la France, de compétitivité de l’économie française, de prix de l’électricité accessibles à tous les Français et de la maîtrise d’outils de production qui font partie du patrimoine national, il redoute des effets de bords négatifs, indirects et inattendus, qui pourraient s’avérer contre-productifs pour l’atteinte de l’ensemble de ces objectifs. L’écosystème de la chaîne de valeur de l’électricité, de la production à la consommation, est complexe, articulé autour de différents acteurs régulés par la puissance publique. Aussi, la réflexion sur la mise en place d’un monopole ne peut s’affranchir, comme point de départ, d’une étude approfondie de ses forces et de ses faiblesses, comme de ses opportunités et de ses menaces, afin de ne pas engager le pays dans une voie qui serait en définitive une impasse.
Recommandation n° 11 de M. Laisney : Rétablir un monopole sur la production et la fourniture d’électricité et créer un pôle public de l’énergie. À terme, étudier la mise en place d’un acteur public centralisé au niveau européen.
II. Les politiques de soutien à la compétitivité du prix de l’électricité doivent nécessairement découler de nos choix de programmation énergétique
A. Un prérequis : Disposer d’une programmation énergétique
Calibrer les politiques publiques de soutien à la compétitivité des prix de l’électricité implique de définir à quelle demande en électricité l’offre de production doit répondre, compte tenu des impératifs d’atteinte de la neutralité carbone et de lutte contre le réchauffement climatique.
Les acteurs auditionnés ont largement rappelé leur souhait de voir enfin aboutir une programmatique énergétique. Alors qu’en application de la loi « énergie-climat » de 2019 ([92]), une loi de programmation énergie-climat (LPEC) devait voir le jour avant le 1er juillet 2023, celle-ci n’a toujours pas été publiée. En conséquence, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) censée en découler n’a pas été actualisée. La PPE en vigueur date de 2020.
Or, cette absence de LPEC – et donc de mise à jour de la PPE – est problématique pour définir plusieurs modalités de soutien à la production d’électricité. À titre d’exemple :
– c’est à partir des objectifs de production fixés dans la PPE que sont définis les volumes des appels d’offres pour le soutien à la production d’EnR lancés par la CRE ;
– la fixation des seuils de taxation et d’écrêtement du mécanisme post‑Arenh dépend des coûts du programme du NNF tel qu’il est défini par la PPE ;
– la LPEC doit fixer une trajectoire d’économies d’énergie pour les CEE, dont a vu qu’ils impactaient très directement la facture d’électricité.
Pour tenter de pallier la carence d’initiative gouvernementale en la matière, une proposition de loi d’initiative sénatoriale est en cours d’examen par le Parlement, comportant à la fois des dispositions de programmation et de simplification ([93]). Vos rapporteurs estiment cependant qu’un débat aussi structurant pour l’avenir du mix énergétique doit s’appuyer sur un projet de loi. Cela permettra de disposer d’une étude d’impact pour fonder le débat sur des données scientifiques et juridiques étayées, mais aussi de l’avis du Conseil d’État. Ils appellent donc le Gouvernement à déposer un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. Celui-ci devra nécessairement s’inscrire dans la trajectoire européenne du « fit for 55 » (ou « ajustement à l’objectif 55 »), qui prévoit la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’UE d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 et d’atteindre la neutralité climatique en 2050.
Vos rapporteurs notent aussi que la mise à jour de l’étude Futurs énergétiques de RTE est annoncée pour fin 2026 et que cette nouvelle actualisation fait l’objet d’un comité de suivi parlementaire, ce qu’ils saluent. La mise à jour du bilan prévisionnel du gestionnaire de réseau sera quant à elle publiée fin 2025. Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à tenir compte de la mise à jour de ces travaux dans la rédaction du projet de loi.
Recommandation n° 12 : Déposer dans les meilleurs délais un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat qui s’inscrit dans la trajectoire européenne du « fit for 55 » et tient compte des travaux d’actualisation des scénarios prospectifs de RTE
Bien que vos rapporteurs aient des visions différentes sur les choix de politique énergétique à adopter, en particulier sur l’opportunité du programme du NNF, que votre rapporteur Philippe Bolo soutient alors que votre rapporteur Maxime Laisney le désapprouve, ils souhaitent souligner plusieurs points de convergence sur lesquels ils se rejoignent :
– l’accélération de la sortie des énergies fossiles, dont l’importation coûte chaque année à la France entre 40 et 60 Md€ selon RTE, en dehors des situations exceptionnelles ([94]) ;
– leur soutien à l’accélération du déploiement des EnR : considérant la durée de mise en service des nouveaux réacteurs nucléaires, il sera nécessaire de développer rapidement des capacités de productions renouvelables afin d’ajuster l’équilibre entre l’offre et la demande croissante d’électricité. Cela permettra d’éviter tout décrochage facteur d’instabilité des prix ;
Recommandation n° 13 : Développer rapidement de nouvelles capacités de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
– comme l’a souligné l’ASNR, les prolongations de fonctionnement des réacteurs nucléaires doivent être anticipées, « afin qu’elles puissent être envisagées sans renoncement en matière de sûreté et qu’elles ne constituent pas la variable d’ajustement de la politique énergétique » ;
– l’accélération et le soutien à l’électrification des usages et à la décarbonation de l’industrie. Si on augmente la production d’électricité, il faut une demande suffisante pour absorber l’offre correspondante. Des inquiétudes naissent aujourd’hui sur une électrification en berne ; mais vos rapporteurs retiennent des propos de RTE la nécessité de maintenir « une ligne directrice crédible permettant aux acteurs de s’engager sur le temps long » ;
– ne pas confondre la volonté de consommer plus et celle d’électrifier davantage. L’enjeu n’est pas de rechercher une croissance « à tout prix » de la consommation d’électricité, mais que cette croissance corresponde avant tout à l’effet de la substitution de la consommation d’électricité aux consommations d’énergies fossiles. Vos rapporteurs plaident d’ailleurs aussi pour le renforcement de la sobriété et de l’efficacité énergétiques ;
– planifier le développement des réseaux électriques et accélérer les raccordements, ce qui nécessite de donner les moyens idoines, y compris humains, aux gestionnaires de réseaux ;
– renforcer les incitations à développer la flexibilité de la demande et de l’offre, afin de contribuer au bon fonctionnement du réseau électrique et à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.
B. Mobiliser les soutiens en agissant sur toutes les composantes de la facture
Il est nécessaire d’étudier tous les leviers permettant d’agir sur les trois grandes composantes de la facture d’électricité (fourniture, réseaux et taxes), en dehors du strict prix de l’électron et de la régulation de celui-ci. Negawatt estime que l’« optimisation des abonnements, des consommations, sobriété et efficacité, sont autant de leviers permettant des économies allant de 30 % à 50 % selon les secteurs ».
1. Poursuivre le soutien à l’investissement dans la décarbonation de l’industrie
L’électrification est essentielle pour réussir la transition énergétique, mais aussi pour que les entreprises bénéficient à plein des bénéfices du parc de production décarboné français et de sa compétitivité.
En outre, à compter de 2027, le nouveau mécanisme de tarification du carbone européen, l’ETS-2 (ou SEQE-UE2), couvrira de nouveaux secteurs (transport, bâtiment ou encore industries non couvertes par l’ETS1) et devrait conduire à renchérir le prix des énergies fossiles. La Cour des comptes estime que « les prix pourraient augmenter de 11 à 13 % pour le gaz et de 10 à 11 % pour le carburant à court terme » ([95]). Or, le basculement des procédés de production du fossile vers l’électrique nécessite parfois un soutien public dédié compte tenu des coûts d’investissement associés.
Il existe déjà une « boîte à outils », dotée d’un panel de mesures destinées aux industriels électro‑intensifs pour favoriser leur compétitivité en modérant leur facture d’énergie : taux d’accise réduits, compensation des coûts indirects du carbone et abattement sur le Turpe (voir la première partie du présent rapport). Les représentants de ces entreprises ont rappelé à quel point ces soutiens leur étaient cruciaux. En particulier, ils appellent la France à soutenir, au niveau de l’Union européenne, la prolongation de la compensation des coûts indirects du carbone au-delà de l’échéance actuellement prévue pour 2030.
En outre, l’industrie, notamment électro-intensive, bénéficie de volumes d’Arenh (jusqu’à fin 2025), de la faculté de répercuter sur leurs propres ventes la TVA applicable à leurs factures d’électricité, d’une répercussion réduite du coût des CEE, de modalités d’approvisionnement diversifiées (Exeltium par exemple), etc.
Les coûts associés à la « boîte à outils »
Le projet annuel de performance de la mission « Économie », annexé au projet de loi de finances initiale pour 2025, chiffre le coût de la compensation carbone pour les sites très électro-intensifs à 1,05 Md€ en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP).
Le même document estime que l’ensemble des réductions d’accise pour les industries électro-intensives représenterait 510 M€ en 2024 et prévoit 689 M€ pour 2025. Ce chiffrage inclut les réductions de taxe pour les centres de stockage de données numériques exploités par une entreprise (32 M€ prévus en 2024 et 40 M€ en 2025).
Enfin, la délibération de la CRE sur le Turpe 7 retient comme hypothèse que les moindres recettes dues à l’abattement de Turpe pour les électro-intensifs s’élèveraient à 371 M€ par an.
Outre ces soutiens, la DGE souligne que près de 5,2 Md€ de soutiens ont été consacrés à la décarbonation de l’industrie via France Relance et France 2030 depuis 2020, tant pour des dépenses d’investissement que pour réduire les coûts de fonctionnement des projets décarbonés. Une attention particulière est portée à la couverture de sites de taille différente, par exemple avec l’appel à projets « Decarb Flash », lancé en 2022, ciblé sur les entreprises de moins de 500 salariés.
De manière plus générale, le Cleee, l’Uniden ou encore le Medef soulignent l’importance d’une coordination des soutiens à la décarbonation au niveau européen, par exemple sur les niveaux de taxation et des dispositifs de soutien, mais aussi sur la définition des industries électrointensives. Le Medef indique ainsi que « selon une étude menée l’an dernier par le cabinet Compass Lexecon BusinessEurope et le Medef, une transition énergétique optimisée au niveau européen permettrait d’éviter une hausse des coûts de l’électricité pour l’industrie de 30 % d’ici 2050 ».
Concernant les TPE-PME, l’U2P souligne l’intérêt des dispositifs de réduction ou d’exonération de taxes, de bouclier tarifaire ou encore que « la mise en place d’un crédit d’impôt pour investissements en efficacité énergétique [serait] de nature à protéger les plus petites entreprises ». La CPME recommande aussi des mesures spécifiques pour les PME, notamment la « simplification des démarches administratives et l’accès facilité à un soutien financier et technique pour atténuer les effets de la volatilité des prix ».
Vos rapporteurs soulignent l’importance que ces dispositifs de soutien mis en place soient précisément ciblés vers la décarbonation.
2. Favoriser une taxation incitant à la décarbonation des usages
La fiscalité applicable aux consommations d’électricité soulève la question sous-jacente de l’objectif assigné à celle-ci : doit-elle être rentable ou incitative ? Cela pose aussi la question plus générale du financement des dispositifs de régulation ou de soutien à la production d’électricité : ceux-ci doivent-ils être financés par le consommateur d’électricité – avec le risque d’une désincitation à l’électrification des usages – ou directement par l’ensemble des contribuables, via le budget de l’État ?
En tout état de cause, les acteurs réclament, là encore, de la stabilité et de la visibilité sur la politique fiscale applicable à l’électricité. Or, les signaux fiscaux envoyés par le Gouvernement à ce sujet sont confus pour le consommateur. Le déséquilibre entre les taux d’accise du gaz et de l’électricité est important, alors qu’il est indispensable d’envoyer des signaux cohérents pour accélérer l’électrification des usages. EDF relève que « l’accise sur la consommation d’électricité est en 2025 deux fois plus élevée que celle sur le gaz ». Plus généralement, l’UFE souligne qu’« en 2025, rapportée aux émissions de CO2 générées, l’électricité produite nationalement reste 4 à 11 fois plus taxée que les énergies fossiles importées ». La Cour des comptes, dans son rapport de 2024 sur la fiscalité énergétique, a clairement appelé à « une meilleure restitution de la contribution de la fiscalité énergétique à l’atteinte des cibles de la politique énergétique et climatique ».
Beaucoup d’acteurs appellent à un rééquilibrage de cette fiscalité, ce que les rapporteurs approuvent, tout en veillant à l’équité et à la justice sociale dans ses modalités d’application. À ce sujet, ils soulignent leur attachement au chèque énergie, en attendant l’instauration d’un système de tarification permettant de proposer des prix de l’électricité justes et abordables, et appellent à garantir l’automatisation de son versement pour tous, alors que les difficultés liées au changement des données de référence utilisées pour son versement a fortement porté atteinte à celle-ci.
Vos rapporteurs souhaitent par ailleurs que le rééquilibrage de la fiscalité fossile et non fossile se traduise à ce stade par une baisse de l’accise sur l’électricité, plutôt que par une hausse de l’accise sur le gaz. Ils appellent également à ce que la baisse de rendement de la fiscalité applicable aux énergies fossiles, en raison de l’indispensable réduction de leur consommation, ne conduise pas à la tentation de renchérir la fiscalité applicable à l’électricité.
Recommandation n° 14 : Rééquilibrer la fiscalité applicable à l’électricité par rapport à celle applicable au gaz en diminuant la première.
Outre ce déséquilibre, il peut être relevé un manque de lisibilité de la fiscalité applicable à l’électricité, en raison d’un mélange complexe entre fiscalité affectée, d’une part, et reversement de cette fiscalité au budget général de l’État, d’autre part. En effet, l’affectation d’une partie du produit de l’accise sur l’électricité à des politiques publiques spécifiques se multiplie. Alors qu’une fraction de celle‑ci est déjà attribuée aux communes et aux départements, en remplacement des anciennes taxes communale et départementale, il a été rappelé que l’accise sur l’électricité finance désormais directement la péréquation tarifaire dans les ZNI et le compte d’affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (Facé).
Vos rapporteurs ne remettent pas en cause ces financements et appellent au contraire à leur préservation. Toutefois, ils soulignent que flécher le produit de l’accise vers une multiplicité de politiques publiques différentes pourrait réduire la marge de manœuvre permettant de moduler le taux de cette accise à la baisse, et n’aide pas à clarifier la finalité de cette contribution.
Enfin, vos rapporteurs ne se satisfont pas de la hausse du taux de TVA sur l’abonnement de 5,5 % à 20 % pour les consommateurs disposant d’une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA. Cette réforme a été justifiée par la nécessité de se conformer au droit de l’Union européenne, qui impose un taux de TVA harmonisé entre abonnement et consommation : mais il n’est pas imposé d’égaliser ce taux à la hausse, et le choix pourrait être fait d’abaisser le taux de TVA applicable à la consommation d’électricité ([96]). Si cette hausse de la TVA a été, à ce stade, compensée par une baisse d’accise, vos rapporteurs estiment que c’est insuffisant et que cela ne permet pas d’adresser les bons signaux au consommateur pour favoriser l’électrification des usages. Ils relèvent par ailleurs que la TVA s’applique notamment à l’accise sur l’électricité et à la CTA, ce qui revient à appliquer une taxe sur une taxe…
La commission d’enquête du Sénat sur les prix de l’électricité proposait de « réduire à 5,5 % le taux de TVA sur la consommation d’électricité des particuliers jusqu’à un seuil différencié selon le mode de chauffage utilisé » (recommandation n° 32). Cela permettrait aux ménages de bénéficier d’un taux de TVA réduit à 5,5 % sur la consommation des volumes d’électricité incompressibles. Elle proposait de fixer des seuils à 4,5 MWh pour un foyer qui n’est pas chauffé à l’électricité et à 6 MWh lorsque c’est le cas. Concernant les pertes de recettes associées à une telle baisse, la commission soulignait que le chiffrage est très dépendant de l’évolution des prix de la fourniture d’électricité : « d’après les valeurs moyennes historiques du rendement de la TVA sur la consommation d’électricité des ménages, [cette perte de recettes] pourrait avoisiner en moyenne le milliard d’euros selon les scénarios ».
Vos rapporteurs estiment que cette préconisation mérite d’être approfondie, en particulier pour en définir les modalités précises de mise en œuvre ainsi que pour en estimer le coût.
Recommandation n° 15 : Étudier la mise en place d’un taux de TVA réduit à 5,5 % sur les consommations d’électricité incompressibles des ménages.
3. Mieux valoriser la flexibilité, la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que l’autoconsommation
Les mesures de sobriété et d’efficacité énergétique contribuent à diminuer la quantité d’électricité consommée et donc, mécaniquement, le coût de la facture.
Le bilan du plan de sobriété du Gouvernement mis en place durant la crise des prix de l’énergie a déjà été évoqué en première partie du présent rapport, de même que les différentes mesures pouvant être mises en place par les entreprises, les administrations et les collectivités territoriales en ce sens.
Vos rapporteurs appellent à poursuivre ces efforts en faveur de la sobriété, tout en veillant particulièrement à la situation des ménages précaires qui ne doivent pas se voir imposer une sobriété subie. Ils souhaitent également que soit étudiée l’inclusion d’objectifs chiffrés de sobriété dans les documents de programmation (LPEC et PPE), afin de faire de cette sobriété un vecteur nécessaire pour atteindre les objectifs de politique énergétique, et de l’intégrer à la programmation des trajectoires de l’offre et de la demande, pour qu’elle ne soit pas soumise aux aléas de la conjoncture.
Quant aux mesures d’efficacité énergétique, elles doivent également faire l’objet d’un soutien clair et prévisible, contrairement à des politiques de stop and go à l’œuvre sur certains dispositifs de soutien (leasing sur les véhicules électriques, MaPrimeRénov’). Vos rapporteurs expriment également toute leur vigilance vis-à-vis des CEE et invitent le Gouvernement à retracer les coûts et les résultats associés, compte tenu du caractère extrabudgétaire de ce dispositif de soutien, et à renforcer la lutte contre la fraude sur ces certificats. Plusieurs acteurs appellent par ailleurs à clarifier la trajectoire d’économies d’énergie applicables dans le cadre de ce dispositif pour la sixième période.
L’autoconsommation est également un levier intéressant pour réduire le montant de la facture d’électricité, puisqu’il permet à une personne disposant d’installations de production d’électricité renouvelable de consommer directement l’énergie qu’elle produit. Vos rapporteurs soutiennent son développement, mais appellent à demeurer vigilants quant à la contribution équitable de l’ensemble des utilisateurs raccordés au réseau électrique au financement de celui-ci, tous les consommateurs n’ayant pas les moyens ou la possibilité technique de développer ce type d’installation. Votre rapporteur Philippe Bolo souligne qu’il n’est pas possible d’envisager l’autoconsommation en l’incluant dans une stratégie assurantielle selon laquelle le réseau reste le moyen de disposer de l’électricité en cas de rupture de production de l’électricité autoconsommée, sans contribution à son entretien via le paiement du Turpe sur les volumes produits et autoconsommés.
La flexibilité est un levier indispensable pour contribuer à stabiliser les prix et accompagner le développement des énergies renouvelables variables. La DGEC en rappelle les bénéfices : « C’est une opportunité économique au bénéfice de la sécurité d’approvisionnement, des consommateurs et de l’optimisation du système électrique. La flexibilité contribue notamment à gérer la pointe et les creux de consommation et à assurer un lissage de la courbe de demande grâce à des reports plus structurels permettant de déplacer des volumes plus importants au meilleur moment ». Plusieurs moyens de flexibilité existent, tant du côté de l’offre (stockage, moyens de production pilotables, interconnexions) que de la demande (déplacement ou interruption momentanée des consommations).
La réforme des plages d’heures creuses et d’heures pleines
Une réforme des plages d’heures pleines et d’heures creuses (HP/HC) est en cours de déploiement, incluse dans le nouveau Turpe 7.
Certaines heures creuses, placées entre 7h et 11h et entre 17h et 23h, seront déplacées vers de nouveaux créneaux, principalement l’après-midi, entre 11h et 17h. Ces plages seront déployées en particulier entre le 1er avril et le 31 octobre, pour correspondre aux périodes durant lesquelles la production photovoltaïque est particulièrement importante. 11 millions de foyers sur les 14,5 millions disposant d’une tarification HP/HC vont ainsi prochainement connaître une évolution de leurs heures creuses, au moins en été, la CRE indiquant que « le placement des heures creuses pourra, dans un deuxième temps, être différent en été et en hiver pour bénéficier au mieux de l’énergie peu chère et abondante générée par la production photovoltaïque ».
Enedis a indiqué être pleinement engagé dans ce chantier, en faisant observer qu’il nécessitait cependant des « développements informatiques importants et indispensables à la mise en œuvre de ces changements », ce qui explique un calendrier progressif de déploiement des nouvelles plages HP/HC, sur deux ans.
Ce changement permet de s’adapter aux évolutions des modes de consommation (augmentation du télétravail, facilités de programmation des équipements) et de production (augmentation de la production issue d’EnR variables). Vos rapporteurs saluent cette évolution qui permettra de mieux répondre aux épisodes de tension sur le réseau. Ils estiment qu’une meilleure adéquation de la demande avec les périodes où l’offre en électricité est abondante permettra aussi de mieux dimensionner la construction de nouvelles capacités de production en évitant toute installation surnuméraire, ce qui ne peut être que vecteur d’économies.
La réforme doit être progressivement mise en œuvre entre le 1er novembre 2025 et jusqu’à fin 2027 : si les premiers bilans liés à cette modification sont positifs et sous réserve des contraintes techniques associées, vos rapporteurs appellent à en accélérer le calendrier de déploiement.
D’autres dispositifs contribuent à la flexibilité de la demande, comme ceux permettant une gestion automatisée de l’énergie (compteurs et réseaux intelligents). Le verdissement du parc automobile constitue également une opportunité vertueuse à cet égard, avec le développement de la recharge des véhicules électriques de type vehicle to grid (V2G), permettant de charger ou de décharger la batterie d’une voiture selon les besoins, la demande et la capacité du réseau électrique.
Les entreprises, particulièrement les industriels, peuvent également participer à la flexibilité de la demande grâce au mécanisme d’ajustement et de capacité. Il existe aussi un système rémunéré d’interruptibilité électrique pour certains sites industriels, ainsi que des appels d’offres « flexibilités décarbonées » et « effacement », complémentaires au mécanisme de capacité. La DGE souligne que de tels mécanismes « sont à enjeu pour les entreprises les plus sensibles au prix de l’électricité qui peuvent, lorsqu’elles en bénéficient et en fonction de leur processus de production, faire baisser leur facture de plusieurs euros par mégawattheure ».
Enedis souligne que des appels d’offres sont organisés pour faire appel à des flexibilités locales, lorsque le gestionnaire en identifie le besoin pour gérer des congestions. Ce dispositif est complémentaire à celui des écrêtements contractuels, prévus dans les conventions de raccordement, pour les installations de plus de 1 MW raccordées au réseau de distribution.
Du côté de la flexibilité de l’offre, le SER souligne que les EnR contribuent déjà à cette flexibilité : « En 2024, grâce à leur pilotabilité, les énergies renouvelables ont contribué à l’équilibre du réseau électrique en s’effaçant à hauteur d’1,7 TWh sur l’ensemble de l’année ». Les moyens de stockage de l’électricité méritent également d’être développés :
– les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont un moyen de stockage important. Ces installations, composées de deux bassins, permettent de turbiner de l’eau du bassin supérieur vers le bassin inférieur en période de demande élevée et de la pomper pour la remonter dans le bassin supérieur en période de faible demande ;
– plusieurs acteurs ont fait observer que les technologies de stockage par batterie avaient progressé. La DGE indique que le prix moyen d’une cellule est passé de « presque 1 000$/kWh en 2001 à environ 100$/kWh en 2024 (presque - 10 % par an en moyenne) » ([97]). Greenpeace évoque une technologie performante sur le stockage journalier mais moins aboutie pour le stockage intersaisonnier, tout en indiquant que « Dans un scénario 100 % renouvelable, de tels besoins n’apparaitraient qu’à partir de 2040 voire 2045 et ne représenteraient que 2 % de la consommation annuelle selon les Futurs énergétiques 2050 de RTE ». Le CSEC d’EDF considère que si le stockage fait partie des solutions de flexibilité, « il est essentiel de considérer l’échelle colossale des besoins si l’on souhaite compenser massivement l’intermittence ou les excédents par des moyens de stockage » et souligne des problèmes liés à la soutenabilité du stockage par batteries, « tant sur le plan économique qu’écologique », évoquant en particulier les besoins en terres rares, lithium et cobalt qui peuvent causer des conflits d’usage et accroître la pression sur l’environnement.
Recommandation n° 16 : Accroître le recours aux flexibilités, à l’autoconsommation et à la sobriété et à l’efficacité énergétiques, en particulier :
– en définissant des objectifs de sobriété chiffrés dans les documents de programmation énergétique ;
– en accélérant le déploiement des nouvelles plages heures pleines/heures creuses, si les premiers bilans de celui-ci s’avèrent positifs et sous réserve des contraintes techniques associées ;
– en stabilisant les dispositifs de soutien à l’efficacité énergétique, à l’inverse des politiques de stop and go récemment à l’œuvre sur MaPrimeRénov’ ou le leasing social pour les véhicules électriques :
– en soutenant l’autoconsommation, tout en assurant la contribution des producteurs concernés au financement du réseau électrique dont ils continuent à dépendre. Cette contribution doit garantir le maintien d’une équité entre les différents utilisateurs de ce réseau.
4. Renforcer la protection des consommateurs
Vos rapporteurs soulignent que les mesures présentées ci‑après auraient vocation à être intégrées à un texte législatif spécifiquement consacré aux prix de l’électricité (voir recommandation n° 4). Certaines de ces dispositions avaient déjà été proposées à l’article 24 de la proposition de loi sénatoriale (n° 555) portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, dite proposition de loi « Gremillet ». Elles auraient vocation à s’appliquer à défaut d’une réforme plus ambitieuse de notre modèle de régulation des prix de l’électricité (voir IC de la présente partie).
Vos rapporteurs souhaitent tout d’abord instaurer une obligation de couverture prudentielle aux fournisseurs. Il a été rappelé que l’article 18 bis de la directive de 2024 contient des dispositions à ce sujet. Cela bénéficierait à l’ensemble des catégories de consommateurs, qui seraient mieux protégés grâce à des fournisseurs ayant mieux anticipé leurs approvisionnements. La CRE a effectué une consultation publique sur cet enjeu en juillet 2024 ([98]) et indique que des échanges sont en cours avec les fournisseurs afin de finaliser une proposition d’ici à la fin de l’année. Elle précise que le mécanisme proposé devrait comporter un critère de couverture pour le fournisseur, définir des règles encadrant la possibilité de s’en écarter en fonction de ses capacités financières (ce qui serait évalué grâce à des stress tests), et un volet qualitatif « permettant de surveiller les règles en place chez les fournisseurs, concernant notamment la gouvernance et la gestion des risques ».
Recommandation n° 17 : Instaurer des obligations de couverture prudentielle pour les fournisseurs d’énergie
Vos rapporteurs constatent par ailleurs que la CRE a déjà réalisé un important travail pour élaborer des lignes directrices relatives aux pratiques des fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ([99]), qui nécessitent d’être traduites dans la loi ou le règlement afin de garantir leur opposabilité juridique. Certaines des dispositions mentionnées ci-dessous recoupent d’ailleurs tout ou partie ces lignes directrices. Elles concernent, à ce stade, les contrats de fournitures des particuliers : vos rapporteurs partagent aussi la volonté de la CRE de les étendre aux très petites entreprises, aux syndicats de copropriétés et aux associations et petites collectivités.
Les offres trop risquées doivent être prohibées. Il en va ainsi des offres dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation mais aussi des offres à tarification dynamique pour les consommateurs particuliers et les petits professionnels.
L’article L. 332-7 du code de l’énergie définit ce dernier type d’offre comme reflétant « les variations de prix sur les marchés au comptant, y compris les marchés journaliers et infra-journaliers ». Le Médiateur national de l’énergie précise que les offres à tarification dynamique ont des prix qui varient toutes les heures, ce qui expose donc fortement le consommateur aux variations du marché de gros de l’électricité. En application d’une directive européenne de 2019, tout fournisseur d’électricité approvisionnant plus de 200 000 sites est censé pouvoir proposer une telle offre. Deux fournisseurs en proposaient avant la crise de 2022 mais se sont retirés du marché depuis, selon le Médiateur, qui précise aussi qu’« à la suite de la crise des prix de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie a assoupli la définition des offres à tarification dynamique, en y intégrant notamment les offres à pointe mobile (dont le prix est très élevé pendant quelques jours d’hiver, généralement les plus froids) ». Cet assouplissement n’est cependant applicable que jusqu’au 30 juin 2026 ([100]).
Par ailleurs, le Gouvernement étudie la possibilité que soient proposées des offres de fourniture d’électricité à prix fixe et de longue durée, pour les clients disposant d’un véhicule électrique, qui incluraient des indemnités de résiliation anticipée (IRA) ([101]). La DGEC a précisé à vos rapporteurs que les clients seraient obligatoirement informés de la possibilité de souscrire une offre alternative, sans IRA, et que ces offres contiendraient des informations précontractuelles renforcées, en particulier au sujet des indemnités encourues. Elles conduiraient aussi à des pouvoirs de surveillance renforcés de la CRE concernant les indemnités de résiliation.
Cependant, vos rapporteurs ne souhaitent pas que le développement de ces offres puisse être autorisé. Il est parfois avancé que de tels contrats permettraient de réduire la prime de risque se répercutant sur le prix de fourniture et ainsi de proposer des offres plus attractives. Le Médiateur national de l’énergie soutient cependant que les fournisseurs peuvent déjà couvrir leur risque via le foisonnement de leur portefeuille de clientèle. Il remarque par ailleurs que ces frais de résiliation anticipée sont une cause de litiges majeure pour les clients non résidentiels qui peuvent déjà y être soumis.
Une facture mieux comprise et mieux maîtrisée, ce sont aussi des économies. À ce titre, ils partagent pleinement les dispositions de l’article 24 de la proposition de loi Gremillet visant à améliorer l’information du consommateur en ce sens, en particulier en allongeant le délai de prévenance avant une évolution des stipulations contractuelles et en obligeant le fournisseur à proposer une évolution des mensualités en cas d’écart significatif prévisible entre celles-ci et le montant final de la facture.
Comme le préconise le Médiateur national de l’énergie, vos rapporteurs souhaitent aussi que les coupures d’électricité pour impayés soient interdites pour les ménages. Aujourd’hui, ces coupures sont interdites durant la trêve hivernale uniquement. Le reste de l’année, elles demeurent possibles à l’issue d’une période de 60 jours au cours de laquelle le fournisseur peut seulement procéder à une réduction de puissance ([102]).
Vos rapporteurs appellent à élargir les mesures de protection applicables au consommateur particulier aux TPE et aux PME. En effet, un certain nombre de ces mesures ne s’applique qu’aux professionnels souscrivant une puissance inférieure à 36 kVA, alors même que ce seuil a été supprimé pour l’application des TRVe : il serait donc logique d’harmoniser les dispositions du code de la consommation en conséquence et de définir les critères d’éligibilité à ces dispositions en fonction de la taille et du chiffre d’affaires des entreprises. En outre, l’articulation entre les dispositions du code de la consommation et celles du code de l’énergie ne permet pas d’identifier clairement les dispositions de protection applicables aux consommateurs particuliers qui le sont aussi aux TPE ou assimilés.
Recommandation n° 18 : Mieux protéger les petits consommateurs, particuliers comme entreprises, en :
– traduisant en droit les lignes directrices de la CRE ;
– prohibant, pour les particuliers et les TPE et assimilés, les offres dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation ainsi que les offres à tarification dynamique ;
– maintenant l’interdiction, pour les particuliers et assimilés, des offres avec indemnités de résiliation anticipées pour les contrats à prix fixe ;
– interdisant les coupures pour impayés pour les ménages ;
– révisant les critères permettant aux TPE et aux PME de bénéficier des dispositions de protection du consommateur applicables aux particuliers, afin de ne plus raisonner en puissance souscrite mais en chiffres d’affaires et en nombre de salariés.
Une dernière mesure de protection que vos rapporteurs estiment nécessaire d’approfondir est la possibilité d’instaurer une tarification progressive de l’électricité. Cela conduirait donc à ce que le prix du kilowattheure augmente avec le volume de consommation.
Un tel mécanisme avait d’ailleurs déjà été voté par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, dite loi « Brottes », mais avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour violation de l’égalité devant les charges publiques ([103]). Le juge constitutionnel avait en effet estimé que la limitation du mécanisme aux consommations domestiques, et donc l’exclusion des consommations professionnelles, tout comme la différence de traitement dans l’application du dispositif entre les habitants des immeubles disposant d’un chauffage collectif et ceux de logements individuels, étaient constitutifs d’une rupture d’égalité.
Vos rapporteurs relèvent cependant que le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré l’expérimentation introduite par la même loi sur la tarification progressive de l’eau, d’ailleurs mise en place dans certaines villes.
Les bénéfices de la tarification progressive de l’électricité font l’objet de discussions. Celle-ci instaure une forme de justice sociale en permettant aux plus petits consommateurs de payer moins cher leur électricité et en les incitant à réaliser des économies d’énergie. Toutefois, outre une complexité importante de son paramétrage (prise en compte nécessaire de différents paramètres tels que la taille du ménage, le climat de la zone habitée, la combinaison avec les tarifications horo‑saisonnières, etc.), l’une des principales critiques adressées au dispositif est qu’il ne distingue pas entre consommation « choisie » et « subie » : par exemple, à revenu égal, il pénalise les habitants de logements mal isolés, qui subiraient une consommation d’électricité élevée faute de disposer des moyens suffisants pour isoler leur logement, ou encore parce qu’ils en sont locataires et que le bailleur ne fait pas réaliser ces travaux ([104]).
En conséquence, vos rapporteurs proposent de procéder, dans un premier temps, à une expérimentation de la tarification progressive de l’électricité, comme cela avait été proposé dans la loi « Brottes » de 2013 pour l’eau.
Recommandation n° 19 : Expérimenter une tarification progressive de l’électricité, applicable à l’ensemble des catégories de consommateurs.
Lors de sa réunion du 9 octobre 2025, la commission a examiné le rapport de la mission sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État (MM. Philippe Bolo et Maxime Laisney, rapporteurs).
Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La commission a approuvé la publication du rapport d’information.
Liste des personnes auditionnées
(par ordre chronologique)
Audition conjointe :
Mme Anna Creti, professeure d'économie à l’Université de Paris Dauphine‑PSL, directrice scientifique de la chaire Économie du gaz naturel et de la chaire Économie du climat
M. Nicolas Goldberg, associé chez Colombus Consulting et responsable énergie chez Terra Nova
Mme Anne Debrégeas, ingénieure-économiste sur le fonctionnement du système électrique
NégaWatt *
Mme Hélène Gassin, présidente
M. Yves Marignac, expert énergie et nucléaire, porte-parole du groupe
Audition conjointe :
Global Chance
M. Stéphane His, expert
Greenpeace *
M. Nicolas Nace, responsable de la campagne transition énergétique
Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) *
M. Nicolas de Warren, président
M. Fabrice Alexandre, président de « Communication et Institutions »
Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l’électricité (Cleee) *
M. Frank Roubanovitch, président
M. Fabrice Fages, conseil
M. Wesley Janssen, chargé des sujets électricité
Audition conjointe :
Association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) *
M. François Carlier, directeur
UFC-Que Choisir *
Mme Clarisse Berger, chargée de mission énergie
M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles France
Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)
M. Charles-Antoine Gautier, directeur général
M. David Beauvisage, directeur général adjoint
Mme Violaine Lanneau, secrétaire générale des services
M. Lionel Guy, chef adjoint du département Énergie et chef du service transition énergétique
Audition conjointe :
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
M. David Marchal, directeur exécutif de l’expertise et des programmes
Réseau de transport d’électricité (RTE) *
M. Thomas Veyrenc, membre du directoire, directeur général de pôles en charge de l’économie, de la stratégie et des finances
M. Hugo Marciot, conseiller du directeur général en charge de l’économie, de la stratégie et des finances
Mme Claire Ponty, directrice adjointe des affaires publiques
Audition conjointe :
Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) *
M. Géry Lecerf, président
M. Stéphane Radureau, président du collège électricité
M. Gabin Guilpain, chargé de mission affaires publiques
Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) *
M. Ali Hajjar, vice-président
Mme Mélis Isikli, directrice de cabinet du président
Union française de l’électricité (UFE) *
M. Mathias Laffont, délégué général adjoint
M. Oussama Haned, chargé de relations institutionnelles
Audition conjointe :
Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) *
M. Dominique Anract, président
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *
Mme Clarisse Maillet, vice-présidente, en charge de la réindustrialisation
Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité
M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *
M. Sébastien Douguet, directeur de mission du pôle transition écologique
M. Jean-Baptiste Léger, responsable du pôle transition écologique
M. Ghali Tanji, chargé de mission affaires publiques
Union des entreprises de proximité (U2P) *
M. Dominique Anract, vice-président, président de la Confédération générale de l’alimentation en détail, membre fondateur
Mme Thérèse Note, chargé des relations parlementaires
Audition conjointe :
Médiateur national de l’énergie
M. Olivier Challan Belval, médiateur national de l’énergie
Mme Frédérique Feriaud, directrice générale des services
Médiateur des entreprises
M. Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises
Mme Véronique Barry, directrice générale adjointe
Enedis *
M. Hervé Champenois, directeur technique, membre du directoire
M. Jean-François Vaquieri, secrétaire général
M. Vincent Dufour, directeur des affaires publiques
Cour des comptes
Mme Inès Mercereau, présidente de la 2ème chambre
M. Eric Allain, président de section à la 2ème chambre, conseiller maître
M. Antoine Guéroult, conseiller maître à la 2ème chambre
Mme Rizlane Bibaoui, conseillère référendaire en service extraordinaire à la 2ème chambre
Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN)
M. Joël Barre, délégué interministériel
Comité social et économique central d’EDF (CSEC EDF SA)
M. Gwenaël Plagne, secrétaire du CSEC EDF
M. Mathieu Vankeirsblick, secrétaire adjoint du CSEC EDF
M. Yvan Laplace, expert Secafi
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
Mme Emmanuelle Wargon, présidente
Mme Anne-Sophie Dessillons, directrice du développement des marchés et de la transition énergétique
M. Aodren Munoz, responsable des relations institutionnelles
Électricité de France (EDF) *
M. Marc Benayoun, directeur exécutif groupe en charge du pôle clients, services et territoires
Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)
M. Pierre Marie Abadie, président
M. Julien Collet, directeur général adjoint en charge des réacteurs de production d’électricité, des équipements sous pression nucléaires et des réacteurs innovants
Mme Emmanuelle Mur, responsable des affaires publiques
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
M. Laurent Kueny, directeur de l’énergie
M. Aurélien Paillard, sous-directeur en charge des marchés de l’énergie
EDF (deuxième audition) *
M. Nicolas Machtou, directeur du programme nouveau nucléaire
Audition conjointe :
CFE-CGC
M. Alexandre Grillat, secrétaire général
M. Alexis Quentin, délégué fédéral affaires publiques France
FNEM-FO
Mme Sandrine Tellier, secrétaire générale
Mme Sandrine Lhenry, représentante FO au sein de différentes instances EDF
FCE-CFDT
M. Sébastien Michel, secrétaire général adjoint
M. Christophe Beguinet, administrateur salarié au sein du conseil d’administration d’EDF
Mme Dominique Santoni, déléguée fédérale en charge de la branche des industries électriques et gazières
FNME-CGT
M. Fabrice Coudour, secrétaire général
Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE)
Mme Hélène Gassin, présidente
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – Direction générale des entreprises (DGE)
M. Romain Chambre, sous-directeur de la sous-direction des matériels de transports, de la mécanique et de l’énergie
M. Hubert Virlet, directeur de projets compétitivité de l’énergie et filière nucléaire
Cabinet de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
M. Richard Castaing, conseiller nucléaire et marchés de l'énergie
M. Boris Mazeau, conseiller chargé du parlement et des élus locaux
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Liste des contributions écrites reçues
(par ordre alphabétique)
Engie *
France Chimie *
France industrie *
M. François Henimann, directeur de l’Observatoire énergie-climat de l’Institut Sapiens
Limpide
Octopus *
Photosol *
Syndicat des courtiers en énergie *
Syndicat des énergies renouvelables *
Valimmo Reim
Verso Energy *
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Annexe 1 : Simulations, fournies par la direction générale et du climat (DGEC), relatives à l’application du versement nucléaire universel
Les simulations ci-dessous ont été réalisées par la DGEC à la suite de leur audition avec les rapporteurs. Elles appliquent le VNU sur la base des prix constatés sur les années 2022 et 2023, pour deux types de consommateur :
– un consommateur résidentiel au tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVe, premier cas) ;
– un consommateur industriel électro-intensif, en présentant deux stratégies d’achat différentes sur les marchés de gros (achats lissés sur deux ans, deuxième cas ; achats au cours de la crise, au moment où les prix de marché étaient particulièrement élevés, troisième cas).
Il est précisé que ces calculs font l’hypothèse d’un fonctionnement normal du parc nucléaire existant : autrement dit, le scénario est celui d’une crise des prix telle qu’elle existait en 2022 et 2023, mais sans phénomène de corrosion sous contrainte.
La DGEC précise aussi qu’ils ont pris l’hypothèse de l’application d’un VNU sur toute l’année, par souci de simplification.
Premier cas : consommateur résidentiel au TRVe
Prix en €/MWh pour un consommateur résidentiel au TRVE |
2022 |
2023 |
||
Arenh |
Post-Arenh |
Arenh |
Post-Arenh |
|
Part "énergie" |
96 |
80 |
237 |
255 |
Part "hors énergie" |
88 |
87 |
102 |
109 |
VNU |
0 |
0 |
0 |
-95 |
Taxes |
36 |
36 |
70 |
56 |
Total TTC |
219 |
202 |
409 |
325 |
Deuxième cas : consommateur électro-intensif s’étant approvisionné de manière progressive sur deux ans
Prix en €/MWh pour un consommateur électro-intensif achat lissé |
2022 |
2023 |
||
Arenh |
Post-Arenh |
Arenh |
Post-Arenh |
|
Part "énergie" (1) |
93 |
65 |
160 |
139 |
Part "hors énergie" (2) |
-10 |
-8 |
-16 |
-13 |
VNU |
0 |
0 |
0 |
-95 |
Taxes |
1 |
1 |
1 |
1 |
Total TTC |
84 |
58 |
144 |
31 |
Troisième cas : consommateur électro-intensif s’étant approvisionné pendant la crise des prix de l’énergie
Consommateur électro-intensif achat crise |
2022 |
2023 |
||
Arenh |
Post-Arenh |
Arenh |
Post-Arenh |
|
Part "énergie" ([105]) |
96 |
120 |
163 |
189 |
Part "hors énergie" ([106]) |
-10 |
-7 |
-16 |
-12 |
VNU |
0 |
0 |
0 |
-95 |
Taxes |
1 |
1 |
1 |
1 |
Total TTC |
87 |
113 |
147 |
82 |
La direction relève que « ces résultats font apparaître que, notamment compte tenu de l’écrêtement de l’Arenh, l’Arenh est moins protecteur pour les consommateurs que le mécanisme de VNU prévu par la loi de finances. En particulier, dès lors que les consommateurs s’approvisionnent de façon lissée sur les marchés de gros, le VNU génère un effet stabilisateur des prix ».
Annexe 2 : Les déterminants du prix de l’électricité
Source des données chiffrées : Chiffres clés de l’énergie, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, édition 2024.
([1]) Voir le rapport annuel 2024 du Médiateur national de l’énergie, p. 5.
([2]) Cour des comptes, Le modèle économique d’Électricité de France (EDF), Communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, septembre 2025.
([3]) L’électro-intensivité peut être définie comme le ratio de la consommation d’électricité sur la valeur ajoutée de l’entreprise.
([4]) Les Thémas de la DGE, Quelle incidence de la hausse des prix de l’énergie sur l’industrie ?, n° 13, septembre 2023.
([5]) Service des données et études statistiques (SDES) du CGDD, Prix de l’électricité en France et dans l’Union européenne en 2024, juillet 2025.
([6]) Le Cleee précise ainsi que « pour un prix moyen de fourniture de 90 €/MWh en 2025, les valeurs s’échelonnent de 55 € à 200 €/MWh ».
([7]) RTE, Bilan électrique 2024.
([8]) Bilan électrique 2024 de RTE, op. cit.
([9]) Séance thématique de contrôle : « La perte de souveraineté industrielle et l’atteinte aux industries stratégiques », février 2025.
([10]) CEE : certificats d’économie d’énergie. La haute tension B (HTB) est supérieure à 50 kilovolts (kV). La haute tension A (HTA) est comprise entre 1 et 50 kV. La basse tension (BT) est comprise entre 50 et 1 000 volts.
([11]) Sénat, Rapport d’enquête sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2030 et 2050, n° 714, juillet 2024.
([12]) Article L. 337-7 du code de l’énergie.
([13]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’économie et Inspection générale de l’environnement et du développement durable, Revue du dispositif des certificats d’énergie en préparation de la 6ème période, juillet 2024.
([14]) Selon les lignes directrices de la Commission européenne sur le sujet, « on entend par “ fuite de carbone ” la perspective d’une augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre imputable aux délocalisations de productions en dehors de l’Union décidées en raison de l’impossibilité pour les entreprises concernées de répercuter les augmentations de coûts induites par le SEQE de l’UE sur leurs clients sans subir d’importantes pertes de parts de marché ».
([15]) Art. L. 122-8 du code de l’énergie. Cela concerne par exemple certaines activités des secteurs de la métallurgie, de la papeterie ou de la chimie (DGE).
([16]) CRE, Débats sur l’énergie : démêler le vrai du faux, septembre 2025.
([17]) Art. D. 341-9 du code de l’énergie.
([18]) Voir à ce sujet le Guide 2025 sur la fiscalité des énergies du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
([20]) Avis n° 462, octobre 2024.
([21]) Avis n° 285, octobre 2022.
([22]) Voir les dossiers de presse du Gouvernement du 6 octobre 2022 et du 12 octobre 2023.
([23]) Pour la production d’électricité, l’essentiel des coûts variables repose sur le coût du combustible.
([24]) RTE, Bilan prévisionnel 2035, Chapitre 9 : Économie du système électrique, juillet 2024.
([25]) RTE, Bilan prévisionnel 2035, Chapitre 9 : Économie du système électrique, juillet 2024.
([26]) IRENA, Potential limitations of marginal pricing for a power system based on renewables, septembre 2022.
([27]) Les critères sont les suivants : relation commerciale, vie du contrat, accompagnement à la fixation du prix, facturation, reporting, aide à la maîtrise de la consommation, intégration d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement, flexibilités de consommation.
([28]) Arrêté du 3 novembre 2021 portant nomination à titre transitoire d'un fournisseur de secours en électricité
([29]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
([30]) Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.
([31]) Article R. 337-19 du code de l’énergie.
([32]) Délibération n° 2024-05 du 18 janvier 2024 portant proposition des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
([33]) Cour des comptes, Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, Mars 2024.
([34]) L’article L. 337-15 du code de l’énergie dispose que les méthodes d’identification et de comptabilisation de ces coûts sont précisées par décret en Conseil d’État.
([35]) Voir les communiqués de presse de la CRE du 15 juillet 2024 et du 11 juillet 2025.
([36]) Article 5, paragraphe 7 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.
([37]) CRE, Débats sur l’énergie : démêler le vrai du faux, septembre 2025.
([38]) Bilan sur la mise en place du complément de rémunération en France et recommandations pour l’avenir, juin 2025.
([39]) Analyse de la CRE sur le phénomène de prix de l’électricité négatifs et recommandations relatives aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, novembre 2024.
([40]) Cour des comptes, Le modèle économique d’EDF, septembre 2025.
([41]) Rapport de mars 2024, op. cit.
([42]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2023 – Résultats et gestion, avril 2024.
([44]) Règlement (UE) 2024/1747 et directive (UE) 2024/1711.
([45]) C’est-à-dire avec une compensation versée au producteur par l’État lorsque les prix de marché sont inférieur au tarif de référence garanti au producteur et un reversement du producteur à l’État lorsque ces prix de marché sont supérieurs au tarif de référence.
([46]) Paragraphe 5 de l’article 19 quater du règlement (UE) 2024/1747.
([47]) CRE, Consultation publique n° 2024-08 sur une proposition de règles prudentielles pouvant s’appliquer aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel.
([48]) Article 19 septies du règlement (UE) 2024/1747.
([49]) Déclaration du 14 novembre 2023.
([50]) Articles L. 322-67 à L. 322-81 du CIBS.
([51]) Art. L. 336-4 du code de l’énergie.
([52]) Articles L. 337-3 à L. 337-3-6 du code de l’énergie.
([53]) Art. L. 337-3-6 du code de l’énergie.
([54]) Art. L. 131-2 du code de l’énergie.
([55]) Décret n° 2025-909 relatif à la comptabilité appropriée des transactions de vente et d’achat d’électricité de l’exploitant des centrales électronucléaires historiques et délibération n° 2025-152 du 11 juin 2025 de la CRE.
([56]) Délibération n° 2025-219 du 24 septembre 2025 et page de la CRE consacrée au VNU et à l’estimation des revenus nucléaires d’EDF.
([57]) Décret n° 2025-910 du 5 septembre 2025 relatif aux principes méthodologiques régissant l’évaluation par la Commission de régulation de l’énergie des coûts complets de production de l’électricité au moyen des centrales électronucléaires historiques et CRE, délibération n° 2025-04 du 25 juillet 2025.
([58]) Selon la CRE, l’approche comptable, qui intègre, pour une année donnée, les dotations aux amortissements ainsi qu’une rémunération de la valeur nette comptable (VNC) des immobilisations offre la possibilité « de transférer au consommateur l’avantage économique offert par le parc nucléaire déjà partiellement amorti et rémunéré », contrairement aux approches dites « économiques » qui reflètent ce qu’un acteur serait prêt à payer à EDF pour louer ses centrales nucléaires historiques plutôt que de les reconstruire.
([59]) À la demande du Gouvernement, la CRE avait calculé dans un rapport le coût complet du parc nucléaire existant sur la période 2026-2040, en se fondant sur une régulation de type CfD.
([61]) Initialement, EDF avait déclaré un CMPC de 12,9 %, mais a corrigé cette déclaration. En effet, ce premier CMPC incluait la compensation des effets de la taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité, alors que l’article L. 336-3 du code de l’énergie exclut expressément la prise en compte de cette taxe dans le calcul des coûts complets de production.
([62]) Voir p. 708 du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les prix de l’électricité.
([63]) Opéra Énergie, Analyse de l’impact du mécanisme post-Arenh sur le budget énergie des entreprises, mars 2025.
([64]) Art. L. 337-3-6 du code de l’énergie.
([65]) Communiqué de presse d’EDF du 6 mars 2025.
([66]) Communiqué de presse de l’Uniden du 7 mars 2025.
([67]) Réponses de M. Bernard Fontana au questionnaire établi par M. Matthias Tavel, rapporteur de la commission des affaires économiques.
([68]) « Affirmer que le simple fait de passer à des contractualisations plus longues, sans changement parallèle de la structure concurrentielle du marché ou intervention publique, ferait nécessairement converger les prix vers les coûts ne reposerait sur aucun fondement issu de l’économie scientifique et serait entaché d’une erreur de raisonnement ».
([69]) Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur la politique de l’énergie, à Belfort, le 10 février 2022.
([70]) RTE, Bilan Prévisionnel 2035, Chapitre 9 sur l’économie du système électrique.
([71]) Voir notamment le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE, ainsi que le rapport de la Cour des comptes de 2021 sur l’analyse des coûts de production électrique en France.
([72]) Un coût de construction « overnight » fait l’hypothèse que l’installation est construite sans aucun délai et qu’aucun coût de financement n’est donc inclus à ce titre.
([73]) Rapport d’information n° 1439 sur les modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques, mai 2025.
([74]) Directive 2014/23/UE sur l’attribution des contrats de concession.
([75]) Communiqué de presse du 28 août 2025.
([76]) CRE, Débats sur l’énergie : démêler le vrai du faux, septembre 2025.
([77]) Avis du CGCSPE sur le volet budgétaire de l’étude d’impact de la PPE de métropole continentale.
([78]) Article D. 121-34 du code de l’énergie.
([79]) Bilan sur la mise en place du complément de rémunération en France et recommandations pour l’avenir, juin 2025.
([80]) Analyse de la CRE sur le phénomène de prix de l’électricité négatifs et recommandations relatives aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, novembre 2024.
([81]) Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite loi « Ddadue ».
([82]) CRE, Débats sur l’énergie : démêler le vrai du faux, septembre 2025.
([83]) « Par rapport au modèle actuel de tarif réglementé, dans le scénario proposé par la commission d’enquête, la part approvisionnement en énergie des TRVe pourrait presque être divisée par deux, passant de 125 euros par mégawattheure aujourd’hui à environ 70 euros par mégawattheure demain ».
([84]) Claude Mandil, La réforme de l’organisation électrique et gazière française, 1994.
([85]) Dominique Finon et Etienne Beeker, Le modèle d’acheteur central, une réponse aux défauts du marché électrique actuel, La Revue de l’énergie, n° 662, mai-juin 2022.
([86]) Directive 96/92/CE du parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.
([87]) Sur cette question, voir l’article de Luigi De Paoli, L’expérience de l’acheteur unique en Italie, L’Encyclopédie de l’énergie.
([88]) Voir l’article 2 de la proposition de loi, déposée par Mme Alma Dufour, visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419).
([89]) CSEC d’EDF, Dossier de presse « Exigeons le juste prix sur nos factures d’éléctricité ! », novembre 2023.
([90]) Note pour l’Institut La Boétie : « Face au défi énergétique : démarchandiser l’électricité, la solution ? », 2022.
([91]) Idem.
([92]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
([93]) Proposition de loi portant programmation nationale et simplification dans le secteur économique de l’énergie, n° 555, déposée le 26 avril 2024..
([94]) Bilan électrique 2024 de RTE.
([95]) Cour des comptes, La place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française, mars 2024.
([96]) https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/energie-l-ue-a-t-elle-impose-a-la-france-d-augmenter-la-tva-sur-le-gaz-et-l-electricite/
([97]) DGE, Théma n° 23, Déploiement de l’électromobilié : comment développer l’offre européenne de batteries ?, octobre 2024.
([98]) Consultation publique n° 2024-08 du 3 juillet 2024 sur une proposition de règles prudentielles pouvant s’appliquer aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel.
([99]) CRE, Proposition de lignes directrices pour les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel, 10 juillet 2024.
([100]) Délibération n° 2022-215 de la CRE du 27 juillet 2022.
([101]) https://www.economie.gouv.fr/actualites/les-bornes-de-recharge-se-deploient-sur-le-territoire#
([102]) Décret n° 2023-133 du 24 février 2023 relatif à la période minimale d'alimentation en électricité et modifiant le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau.
([103]) Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes et décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013.
([104]) Voir à ce sujet l’analyse de Terra Nova dans son rapport de juin 2023 : « Factures d’énergie : après le bouclier tarifaire, le filet solidaire ».
([105]) Il est supposé, dans cet exemple, que l’industriel a signé un contrat long terme (type CAPN/PPA) pour 50% de sa consommation et qu’il s’agit d’un contrat de fourniture ou, à défaut, que des transactions d’achat-vente sont menées par le bénéficiaire pour que la totalité de son approvisionnement puisse bénéficier du VNU.
([106]) Y compris « boîte à outils » destinée aux électro-intensif (abattement TURPE, compensation carbone et interruptibilité).